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Full text of "Revue celtique"

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Ig^^M^ 


the  ppesence  of  this  Book 


thej.m.kellyliBRaRy 

hàs  Been  màôe  possiBle 

thROLiqh  the  qeneROSity 


Stephen  B.  Roman 

From  the  Library  of  Daniel  Binchy 


REVUE   CELTIQUE 


MAÇON,  PROTAT  FRERES,  IMPRIMEURS 


^^^^  FONDÉE  r^\ 

^^  PAR  V— X 

/C^\  H.     GAIDOZ  ^ 

T^  1870-1885  Cx^ 

f^^  CONTINUÉE    PAR  V^l 

H.     D'ARBOIS     DE     JUBAINVILLE 

1886-1910 

DIKIGÉEPAR 

J.    LOTH 

Professeur    au     Collège     de     France 

Membre  de  l'Institut 

AVEC   LE    CONCOURS    DE 

G.  DOTTIN  E.  ERNAULT  J.  VENDRYES 

Doyen  de  la  Faculté  des       Professeur  à    la    Faculté         Professeur  à  la  Faculté 
Lettres  de  Rennes  des  Lettres  de  Poitiers  des  Lettres  de  Paris 

ET    DE    PLUSIEURS    SAVANTS    FRANÇAIS    ET    ÉTRANGERS 


Années    1920-1921.   —  Vol.    XXXVIII 


PARIS 

LIBRAIRIE    ANCIENNE    H.    CHAMPION,     ÉDITEUR 
EDOUARD     CHAMPION 

5,    Q.UAI    MALAQ.UAIS    (  6^  ) 
I92O-I92I 

Téléphone  :     Gobelins     28-20. 


Digitized  by  the  Internet  Archive 

in  2011  with  funding  from 

University  of  Toronto 


,  / 


http://www.archive.org/details/revueceltiqu38pari 


REPERTOIRE 

DES 

FAC-SIMILÉS    DES    MANUSCRITS    IRLANDAIS 

Q*  partie) 


La  première  partie  de  ce  travail,  ayant  pour  objet  les 
manuscrits  irlandais  conservés  en  Irlande,  a  paru,  en  19 13, 
dans  la  Rei'iie  Celtique  (t.  XXXIV,  p.  14-37),  la  seconde, 
concernant  les  manuscrits  conservés  en  Angleterre,  a  été 
publiée  en  1914  (t.  XXXV,  p.  415-430).  Dans  cette  troi- 
sième et  dernière  partie  j'indique  les  fac-similés  des  manuscrits 
qui  se  trouvent  dans  les  bibliothèques  de  l'Europe  continen- 
tale. 

Pour  les  abréviations  les  plus  usuelles  on  voudra  bien  se 
reporter  aux  listes  données  en  tête  des  deux  premières  parties. 

ALLEMAGNE 

BAMBERG 
(ANC.)  BIBLIOTHÈQL'E  ROYALE 

1.  —  H.  J.  IV,  5.  —  Scoti  Erigenae,  De  divisione  naturae. 
—  ix^-x^  s.  Facs.  de  notes  latines  en  écrit,  irlandaise,  attribuées 
à  Jean  Scot:  L.  Traube,  Palaeographische  Forschiingen  ;  Auto- 
grapha  des  Johannes  Scottus  dans  Abhandlung.  der  k.  bay.  Akad. 
der  IVissenschaften  :  Philos. -philol.  ti.  hist.  Klasse,  t.  XXVI, 
1912  ;  pi.  III  =  fol.  2- ;  pJ.  VI  =  fol.  ISO""  ;  pi.  Viimifol.  ISB"". 

2.  —  Q.  VI,  32.  —  Mélanges  latins  (ix^-x^  siècles). 
Facs.  dénotes  lat.    en   écrit,    irl.    attribuées  à  Jean  Scot  : 

L.  Traube,  Ibid.,  pi.  xi  =  fol  4^^ 

R^cue  Celtique,  XXXVIII.  I 


2  L.  Gougaud. 

BERLIN 
(ANC.)  BIHLIOTHKQ.UE  IMPHRIALH 

Addit.  553,  fonds  Hamilton.  —  Psautier  dit  de  sainte 
Salaberge.  —  vii^  siècle. 
Facs.  des  premières  lettres  du  mot  «  Credo  »  : 
Mâbillon,  De  re  il iploinatica,  p.  375,  pi.  viii.  —  O'Conor, 
pi.  IV,  n°  r.  —  C.  P.  Cooper,  Siippl.  pi.  v.  —  Jean-Ferd. 
Denis,  Histoire  de  F  ornementation  des  manuscrits,  Paris,  1858, 
p.  6. 

COLOGNE 
BIBLIOTHÈaUE  DU  DOM 

N°  76.  —  Augustini  Opuscula  (viii^  s.).  —  Facs.  d'une 
initiale  irlandaise  dans  K.  Lamprecht,  Initial-Oruanientik  des 
nil.  bis  XII L  Jnhrhunderts,  Leipzig,  1887,  pi.  2'. 

DRESDE 
(ANC.)  BIBLIOTHÈQUE  ROYALE 

A.  145  b. —  Codex  Boernerianus  (ix''  siècle).  — Epîtres  de 
saint  Paul  en  grec  avec  une  traduction  latine  interlinéaire  et 
de  nombreux  marginalia  en  irlandais.  —  Reproduction  pho- 
totypique :  Codex  Boernerianus,  avec  introduction  d'Alexander 
Reichardt,  Leipzig,  1909. 

ESSEN 
TRÉSOR  DU  MUNSTER 

Evangéliaire  (ix^  siècle).  —  Facs.  d'une  initiale  irlandaise 
dans  K.  Lamprecht,  op.  cit.,  pi.  2  b. 

FULDA 
LANDESBIBLIOTHEK 

N°  3.  — Evangéliaire  (ix"  siècle). 

Facs.  du  portrait  de  saint  Matthieu  :  Nouv.  traité  de  diplo- 
matique, III,  pi.  46,  VI.  —  Schannat,  Vindemiae  literariae, 
Fuldae,  1723,  p.  22).  —  Westwood,  M.  O.,  pi.  54,  n°  4. 

Facs.  du  fol.  54'  :  Lindsay,  pi.  m. 


Répertoire  des' jac-similcs  des  manuscrits  irlandais.  3 

GIESSEN 
BIBLIOTHÈQUE  DE  L'UNIVERSITÉ 

Mélanges  irlandais  (xvir  siècle). 

Facs.  du  texte  :  J.  \ .  Adrian,  Catalogus  mss.  Bibliothecae 
acadetnicae  Gissensis,  Francofurti  ad  M.,  1840,  pi.  viii. 

KARLSRUHE 

(ANC.)  BIBLIOTHÈQUE  GRAND-DUCALE 

1.  —  AUG.  CXXXII.  — Prisciani  institiitio  de  arte  granima- 
tica,  avec  gloses  irlandaises  (ix*  siècle). 

Facs.  de  l'écriture  :  Cooper,  Addit,  pi.  iv.  —  Silvestre, 
pi.  10. 

2.  —  ADG.  CLXMI.  —  Mélanges  latins,  avec  gloses 
irlandaises  (ix'^  siècle). 

Facs.  de  l'écrit.:  Cooper,  Addit,  p\.  11. — Silvestre,  éd.  sir 
F.  Madden,  1850,  t.  II,  pi.  220  (fol.  18,  32,  45).  -  New  Pal. 
Soc.  pi.  34  (fol.  180- 

3.  —  AUG.  CXCV.  —  Mélanges  latins  et  gloses  irlandaises 
(ix^  siècle). 

Facs.  de  l'écriture  :  Fol.  i'  :  Silvestre,  éd.  Madden,  p.  609, 
II,  pi.   220.  —  Fol.  42"':  Lindsay,  pi.  xl 

MAIHIXGEX  (WALLERSTEIX,  BAVIÈRE) 
OETTIXGEX-WALLERSTEIXISCHE    BIBLIOTHEÏC 

Évangéliaire  (viii^  siècle?). 

Facs.  :  2  pages  ornées  dans  i^rr.  Celt.,  t.  I.  p.  28-29. 

MUNICH 
(AXC.)  BIBLIOTHÈQUE  ROYALE 

N°  6298.  —  Sermons  latins  (vii'^-viii^  siècle). 

Facs.  :  Fol,  l''-2'':  Burn,  FacsimUes  of  îhe  C reed s  (Hemy 
Bradshaw  Society),  London,  1909,  pi.  xx  et  xxi.  —  Fol.  71^': 
Silvestre,  IV,  pi.  vi. 


4  L.  Gougaud . 

TRÊVES 
TRÉSOR  DU  DOM 

N°  134.  —  Evangéliaire  (viiiMx^  siècle)." 

Facs.  :  Westwood,  M.  0.  pi.  20  (fol.  5').  —  Ihid.,  pi.  52, 
n°  3  (portrait  de  saint  Luc).  —  Ibid .  pi.  19  (saint  Pierre, 
saint  Michel  et  saint  Gabriel).  —  Lamprecht,  Inilial-Orna- 
tnenîik,  pi.  3,  a,  b  (initiales).  —  Ibid.,  pi.  4  (portrait  de 
saint  Luc).  — Ibid.,  pi.  3  (portrait  tétramorphe  des  Evan- 
gélistes).  —  Beissel,  Geschichîe  der  Evangclienbiicher  in  der 
ersten  Hàlfte  des  Mittelalters,  Freib.  i.  Br.,  1906,  pi.  32  p.  123. 

WÛRZBURG 
BIBLIOTHÈQUE  DE  L'UNIVERSITÉ 

1 .  —  Mp.  th.  f.  12.  —  Epîtres  de  saint  Paul  avec  gloses 
latines  et  irlandaises  (viii^-ix^  siècle). 

Facs.:  Fol.  B'  (Rom.  x,  i  i-xi,  6):  Cooper,  Addit  sitppl., 
pi.  22.  —  Fol.  5'  (Rom.  XI,  25-xii,  21):  H.  Zimmer, 
Glossae  hibernicae,  Berolini,  1881,  p.  3.  —  Ch.  Stern,  Episto- 
lae  Beati  Pauli  glossatae,  Halle,  19 10. 

2.  —  Mp.  th.  f.  69.  — Epîtres  de  saint  Paul  (viii'  siècle). 
Facs.:  Frontispice:  Crucifixion  :  N.  H.    J.    Westlake,  An 

eleinentary  hist.  of  Design  in  Mural  Paint ing,  London,  t.  II, 
1905,  p.  130,  pi.  cxlvjII  b;  Johannes  Reil,  Die  friïhchrisili- 
chen  Darstellungen  der  Kreit:(ignng  Chrisli,  dans  J.  Ficker. 
Studien  iïber  christliche  Denkmâler,  Leipzig,  1904,  pi.  v  ; 
Archaeologia,  t.  XLIII,  1871,  p.  141. 

AUTRICHE 

VIENNE 
CANC.)  BIBLIOTHÈQUE  IMPÉRIALE 

I.  —  N"  r6.  — Palimpseste,  mélanges  :  écriture  supérieure 
du  VIII*  s.  Facs.  :  J.  Karabacek  et  R.  Béer,  Monunienla  palaeo- 
graphica  Vindobonensia,  Leipzig,  2.  Lief.,  191 3,  pi.  27  et  28  = 


Répertoire  des  fac-similés  des  manuscrits  irlandais.  5 

fol.  30',  SI'  (August.,  De  haeresibus^,  fol.  33'' (canon  biblicus), 
fol.  35'  (Hieron.,  Epist.  ad  Evangel.')  ;  pi.  29  =  fol.  37'' 
(Césaire,  Capitula  sanct.  piUruDi),  fol.  41'  (Gennadius,  De  ec- 
clesiast.  dogiiiatibtis)  ;  pi.  301=  fol,  49'  {Fragnienium  de  versibus), 
fol.  54''  (Hieron.,  Epist.  ad  Ripariutii)  ;  pi.  31  =  fol.  47^'  (^De 
finalibus  syllabis),  fol.  BS""  (Hieron.,  Ep.  ad  Ripar.,  Sergius, 
Dearte  graniniatica)  ;  pi.  32  =  fol.  74' (Césaire,  Homil.  FI), 
fol.  43"'  (Sergius,  Z)^  syllaba,  de  pedibus);  pi.  33  =  toi.  67''  et 
60'' (Eutyches,  De  discernendis  coniungationibiis);  pi.  34  =  fol. 
65'  et  62''  (Idem);  pi.  35  =  fol.  76=^  (Probus,  De  iiltimis  sylla- 
bis ad  Coelestinum .  écrit,  du  vi^  siècle);  pi.  36  =:  fol.  110'' 
(Probus,  Catholica,  vi^  s.);  pi.  37  =fol.  125'' (Marius  Plotius 
Sacerdos,  Ars  grammatica,  vi^  s.)  ;  pi.    38  (fol.   139'  {Idem). 

2.  —  Cod.  Lat.  1247.  —  Epitres  de  saint  Paul  écrites  par 
Marianus  Scottus,  avec  gloses  latines  et  irlandaises  (xi^  siècle). 

Facs.  de  la  fin  de  l'Ep.  aux  Hébreux  dans  Pal.  S.,l,  191  ; 
H.  Smith  Williams,  Manuscripts,  hiscripticns  and  Mnniments  : 
the  hist.  of  tbe  art  of  writing,  London,  s.  d.,  Médiéval  séries, 
pi.  107.  —  Fol.  9 ■-10''  :  Chroust,  Monumenta  Palaeographica 
I.  Ser.,  Liel.  X,  pi.  1. 


BELGIQUE 

BRUXELLES 
BIBLIOTHÈQUE  ROYALE 

[Cooper.  Append.  A,  suppl.  addit..  pi.  58  :  choix  d'écri- 
tures irlandaises  tirées  de  divers  mss.  de  la  Bibliothèque 
royale  de  Bruxelles.] 

1.  —  N°  507  (5100-4).  —  Mélanges   irlandais  (v.  1630). 
Facs,  des  fol.  125''-126'' (passage  dumartyrol.d'O'Gorman): 

The  Martyrology  of  O'Gorman,  éd.   Whitley    Stokes  (Henry 
Bradshaiv  Soc.),  London.  1895,  frontispice. 

2.  —  N"  3409  (4190-4200).  —  Mélanges  irlandais 
(v.  1628). 

Facs.  d'un  passage  de  la  vie  de  saint  Declan:  P.  Power, 
Life  of  S'  Declati  (Irish  texts  Society),  London.  1914.  frontisp. 


L.  GoiiofiinL 


MAESEYCK 


Evangéliaire  (viii'^  siècle). 

Flics.  :  J.  Van  den  Gheyn,  Alluiiii  hclge  de  paléographie, 
Bruxelles.  1908,  pi.  m  (lettre  de  saint  Jérôme  au  pape 
Damase). —  Reussens,  Eléments  de  paléographie,  Louvain,  1899, 
pi.  X  (fol.  l').  —  Jules  Helbig,  Lart  viosaii,  Bruxelles,  1906- 
II,  t.  I,  p.  i_|  (s3'mboles  des  quatre  .évangélistes),  p.  14 
(canons  d'Eusèbe),  p.  15  (portrait  d'un  évangéliste),  p.  14 
(autre  canon  d'Eusèbe).  —  Gielen,  V Evangéliaire  d'Eyck-le:(- 
Maeseyck  dans  Bulletin  des  coinniissiotis  royales  d'art  et  d'archéo- 
logie, t.  XXX,  1891,  p.  9-28  (canons  d'Eusèbe).  —  D.  de 
Bruyne  dans  Bulletin  de  la  Société  d'art  et  d'histoire  du  diocèse  de 
Liés;e,  t.  XVII,  1908,  en  face  de  p.  388  (Marc  ix,  39-x,  i); 
en  face  de  p.  391  (fol.  6'  :  Canons  d'Eusèbe). 

FRANCE 

ARRAS 
BIBLIOTHÈQUE  DE  LA  VILLE 

N°  739.  —  Facs.  :  Cooper,  pi.  addit.  xi. 

LAON 
BIBLIOTHÈQUE  DE  LA  VILLE 

N°444.  —  Glossaire  grec-latin,  avec  mots  irlandais. 

Facs.  :  Fol.  297''-298''  :  Recueil  de  fac-similés  à  l'usage  de 
l'Ecole  nationale  des  Chartes,  Paris,  1880-84  [planches  non 
numérotées].  —  Choix  de  lettres  grecques  tirées  de  ce 
manuscrit  dans  Catalogue  des  manuscrits  des  bibliothèques 
publiques  des  départements,  Paris,    1849,  pi.  en  f.  de  p.  234. 

PARIS 
I.   -  BIBLIOTHÈQUE  NATIONALE 

[Cooper,  Addit. ^  pi.  9,  10  et  11  :  Facs.  de  diverses  écrit, 
irl.  tirées  des  manuscrits  de  Paris.] 


Répertoire  des  fac-siiuiUs  des  uiaiiiiscrits  irlandais.  7 

1.  —  Nouv.  acquis,  lat.  1587.  —  Evangéliaire  (viii^-ix* 
siècle). 

Fiics.  :  fol.  2'  (avec  init.  ornée)  :  Nonv.  traité  de  diploma- 
tique, t.  III,  pi.  xxxvn,  4,  2;  pi.  Lv,  5,  i;  Delisle,  Z,<?5  }nanu- 
scrits  des  fonds  Lihri  et  Barrais,  Paris,  1888,  pi.  vi,  n°  i. — 
Fol.  31''  (Mat.  XXVII,  52  sq.):  Prou,  Manuel  de  paléogr., 
Paris,  19 10,  album,  pi.  vi. —  Fol.  32''  (Début  de  saint  Marc): 
cf.  L.  Delisle,  op.  cit..  p.  9.  —  Fol.  53''  (Luc  i,  1-16,  avec 
une  initiale  ornée):  J.  M.  Heer,  Evangelium  Gatiantim, 
Friburgi  Brisg.,  19 10,  en  tête  du  vol.  —  Fol.  lOG'  (souscrip- 
tion :  Ego  Holcundus,  etc.)  Nouveau  traité  de  diploni.,  lll, 
pi.  LV,  5,  2. 

2.  —  Suppl.  lat.  880.  —  Commentaire  de  saint  Jérôme 
sur  Isaïe  (x^  siècle). 

Facs.  :  Fol.  38'' (écrit,  avec  une  lettre  ornée)  :  Silvestre,  IV, 

pi.    XII. 

3.  —  Fonds  celtique  n°  i.  —  Mélanges  irlandais 
(xv^  siècle). 

Facs.  :  Silvestre,  IV,  pi.  xxii  (fol.  58^  71  ■,104'). 

II.  —  BIBLIOTHÈQUE  DE  L'ARSENAL 

N°  8407.  —  Psautier  en  grec  (ix''  siècle). 

Facs.  :  Montfaucon,  Palaeogr.  greca,  p.  237  (Ps.  cet  ci). — 
Omont,  Inventaire  sonvnaire  des  manuscrits  grecs  des  bibl. 
Ma^arine,  de  V Arsenal  et  de  Sainte-Geneviève  à  Paris  (^Mélanges 
Charles  Graux,  Paris,  1884,  p.  306-320),    p.  313  (fol.  SS"). 

REIMS 
BIBLIOTHÈQUE  DE  LA  VILLE 

N°  875.  —  Jean  Scot,  De  divisione  Naturae  (ix^  siècle). 
Facs.  :  fol.  Bl"^  et  82''  (notes  latines  marginales  attribuées  à 
Jean  Scot  Erigène)  :  Traube,  Pal.  Forsch.,  pi.  i  et  11. 

RENNES 
BIBLIOTHEQUE  DE  LA  VILLE 

N°  598  (138).  —  Mélanges  irlandais  (xv=  siècle). 


8  L.  Goiigaud. 

Facs.  :  Nouveau  traité  de  diphin.,  t.  III,  p.  200-201  ;  Cooper, 
p.  44,  pi.  XIII ;  T.  Price,  Literarx  reniaiiis,  éd.  Jane  Williams, 
Llandovery,  1854-),  ^-  ^^  P-  -é-27  (sept  lignes  et  deux  ini- 
tiales). 

ROUEN 
BIBLIOTHÈQUE  DE  LA  VILLE 

N°  ^.  —  Psautier  (x'  siècle). 

Facs.  :  Nouveau  traité  de  diplo)ii.,  t.  II,  pi.  xviii  (initiales). — 
Silvestre,  IV,  pi.  vi  (Ps.  i  et  ci).  —  Westwood,  P.  S.  P. 
(The  Ps.  of  Saint-Oueu  and  Risceniarchus,  pi.  uniq.  n°  5)  : 
2  versets. 

HOLLANDE 

LEYDE 
BIBLIOTHÈQ.UE  DE  L'UNIVERSITÉ 

Lat.  67.  —  Priscien  avec  gloses  irl.  (ix' siècle). 
Facs.  :  New  Pal.  Soc,  pi.  xxii  (fol.  7'),  pi.  xxiii  (début  du 
17'  livre  des  Institiitioues  de  Priscien). 

ITALIE 

FLORENCE 
BIBLIOTHÈQUE   LAURENTIENNE 

N°  78,  19.  —  Boèce,  De  consolatione  phiJosophiae  (xii^  siècle). 
Facs.  :  Fol.  4  :  G.  Vitelli  et  C.  Paoli,  Coîleiione  Jiorentina 
di  facsimili  paleografici  greci  e  la  fini,  Firenze,  iSSé,  pi.  4. 

MILAN 
BIBLIOTHÈQUE  AMBROSIENNE 

I.  —  C.  5,  inf. —  Antiphonaire  de  Bangor  (vii^  siècle). 

Facs.  reprod.  intégrale:  F.  E.  Warren,  The  antiphonary  oj 
Bangor,  t.  I,  A  complète  facsiniile  in  collotype  (H.  Bradshaw 
Soc),  London,  1893.  — Fol.  30:  Franz  Steffens,  Lateinische 
Paldographie, Trcihurg,  1903  etc.,  t.  I,  pi.  xxiv,  n°  3;  édit. 
française,  pi.  xxvi. 


Réperioire  des  fac-similés  des  manuscrits  irlandais.  9 

2.  —  C.  301^  inf.  —  Psaumes,  commentaires,  gloses 
irlandaises  (viii^  siècle).  . 

Facs.  :  Fol.  24:  G.  I.  Ascoli, //  codice  irlandese  delV Anihvo- 
siana,  Komz,  1878-91,  pi.  en  face  de  p.  112. —  Fol.  52  : 
Cooper,  Siippl.  pi.  vi. 

3.  —  H.  78,  sup.  —  Commentaire  de  saint  Ambroise  sur 
saint  Luc  (vii'^  siècle). 

Facs.  :  Pal.  Soc  ,  I,  pi.   137. 

4.  —  I.   61,  sup.  —  Evangéliaire  (viii^  siècle). 
Facs.  :  Fol.  70'  :  Steffens,  op.  cit.,  pi.  27. 

5.  —  O.  212,  sup.  —  Mélanges  lat.  (vii^  siècle). 

Facs.:  Fol.    14'',  14',  lô' :   Burn,   Facsimiks  of  the  Creeds, 

pi.  XXII,   XXIII,   XXIV. 

XAPLES 
BIBLIOTHEQUE  NATIONALE 

IV,  4,  8 .  —  Charisius  et  autres  traités  grammaticaux 
(vii^-viii"'  siècle). 

Facs:  Fol.  25'  :  Carlo  Cippola,  Codici  Bobhiensi  délia  hiblio- 
teca  nationale  univers itari a  di  Torino,  Milan,  1907,  pi.  i.  — 
Fol.  ?  (Charisius,  Institutioues),  Ibid.,  pi.  xi. 

ROME 
BIBLIOTHÈQUE  VATICANE 

r.  —  Palat.  65.  —  Psautier  glosé  (xii^-xiii=  siècle). 

Facs.:  Fol.  l""  (Ps.  i,  avec  initiale  ornée):  Codices  e  Vaticanis 
selecti  phototypice  expressi,  séries  minor,  Roma,  1910,  t.  II,  pi.  i. 
—  Fol.  16'  (Ps.  XIV,  4-7);  Codices,  pi.  iv.  —  Fol.  75- 
(Gloses  en  lat.  sur  le  ps.  lvjii):  F.  Ehrle  et  F.  Liebart, 
Specimina  codicum  lalinoriim  vaticanoiinn ,  Bonn,  19 12, 
pi.  24.  — Fol.  86'  (Ps.  Lxvii,  2-10):  Codices,  pi.  11.  — 
Fol.  134'  (Ps.  CI,  1-3,  avec  init.  ornée)  :  Codices,  pi.  m. 

2.  — Palat.  68.  —  Commentaire  latin  sur  les  psaumes, 
avec  gloses  irlandaises  (viii'  siècle) . 

Facs.  :  Fol.  46'  :  Lindsay,  pi.  xii. 

3.  —  Palat.  220.  —  Mélanges  (ix^  siècle). 

Facs.  :  Fol.    33':    Ehrle   et  Liebart,   Specimina,    pi.  x.xii  ; 


10  L.   Go  II gn  lui. 

H.  M.  Bannister,  Paleogiafia  musicale  vaticana,  n.  23,  pi.  4  a. 

4.  —  Palat.  830.  —  Chronique  de  Marianus  Scottus  et 
poèmes  irlandais  (xi'=  siècle). 

Facs.  des  fol.  33%  67%  131%  147%  148%  150%  166-^  dans 
Monunieiita  Gernianiae  historica,  Scriptores,  t.  V,  pi.  iv.  — 
Fol.  148:  Ehrle  et  Liebart,  Speciiniua,  pi.  23. 

5  .  —  Barberini  Lat.  570.  —  Evangéliaire  (viii'-ix'^  siècle). 

Facs.:  Lettre  initiale  de  saint  Mat.  dans  The  revision  of  ihe 
Vnlgate,  2""^  Report  of  Work  done,  S'  Anselm's,  Rome,  191 1, 
p.  10.  —  Lettre  initiale  de  saint  M.3.rc,  Ibid.,  p.  12. —  Lettre 
init.  de  saint  Jean,  Ibid.,  p.  15. 

TURIN 
BIBLIOTHÈQ.UE  NATIONALE  ET  UNIVERSITAIRE 

I  .  —  A.  II.  2*.  —  Feuillet  unique  palimpseste,  écrit  à 
Bobbio  au  viii""  siècle. 

Facs.  :  A.  Peyron,  M.  T.  Ciceronis  orationum  fragmenta, 
Lipsiae,  1825,  pi.  à  la  fin  du  volume  ;  Châtelain,  Paléogra- 
phie des  classiques  latins,  Paris,  1884-90,  pi.  xxxvi^. 

2 .  —  F.  IV.  I .  —  Recueil  factice  de  mélanges  latins  avec 
gloses  irl.  (viii'^  siècle). 

Facs.  :  Fol.  1'  :  Cippola,  Codici  Bobbiensi,  pi.  xxxvii.  — 
Fol.  2':  Cippola,  pi.  xxxiv. —  Fol.  4'-5''  :  Cippola,  pi.  xxxviii. 

3.  —  F.  IV.  24.  —  Vie  de  saint  Gall  en  lat.,  avecgloses  irl. 
(ix'  siècle). 

Facs.  fol.  l""  et  35':  Cippola,  pi.  lxix. 

4.  —  G.  V.  37. 

Facs.  fol.  4''  (Cyprien  avec  5  lignes  en  écrit,  irl.)  :  Cippola, 

pi.    XII. 

5.  —  G.  VII.  15.  —  Evangéliaire  (vi*^  siècle). 

Facs.  fol.  32'  :  Carta,  Cipolla  et  Frati,  Monum.  palaeogra- 
phica sacra:  Atlante paleografico  artistico,  Turin,  1899,  pi.  v,  2. 

6.  —  O.  IV.  20.  — Evangéliaire  (vii'-viii^  siècle). 

Facs.  :  Fol.  1''  (page  ornée  :  Rédempteur  bénissant  et  les 
douze  apôtres)  :  Carta,  etc.,  pi.  x  ;  Cipolla,  pi.  xxxix  ;  Cabrol 
et  Leclercq,  Dict.  d'archéol.  chrét.  et  de  liturgie,  planche  hors  texte, 
art.  Celtique  {art).  — Fol,    2'  (Christ  au  milieu  de   saints): 


Répeiioire  des  fac-similés  des  ifiaiiiiscrils  irlandais.  1 1 

Carta,  pi.  x,  CipoUa,  pi.  xxxix^  Cabrol  et  Leclercq,  toc.  cit. — 
Fol.  96'  (Luc,  vil,  8-16,  VIII,  8)  :  CipoUa,  pi.  xli.  —  Fol. 
158'  (Luc,  I,  I,  5,  IV,  35-39):  Cipolla,  pi.  xli.  —  Deux 
feuillets  ornés:  personnages,  ornements zoomorphes,  spirales, 
entrelacs  :  Cipolla,  pi.  xl. 

RUSSIE 

PÉTROGRAD 
(ANC.)  BIBLIOTHÈaUE  IMPÉRIALE 

1.  —  F.  I.  8  (olim  S.  Germ.  ro8),  —  Evangéliaire  (viii' 
siècle). 

Facs.  des  fol.  IS--,  78%  119%  177'  chez  Westwood,  M.  0., 
p.  52-53  et  pi.  25.  —  An  t.  Staerk,  Les  nimuiscrits  latins  du 
V^  au  XIII'  siècle  conservés  àlabibl.  de  Saint-Pétersbourg,  Saint- 
Pétersbourg,  19 10,  pi.  XXII  =  fol.  21'';  pi.  XXI ':  fol.  IS' 
(page  ornée.  Liber  generatiofiis^;  pi.  xxiii  :  fol.  77'"  (page  ornée, 
Initium  Evangelii  Jesu  Chris ti). 

2.  —  Q.  L  15  (olim  Corh.  188). —  Mélanges  (viii^  siècle). 
Facs.  Mabillon,  De  re  diploni.,  éd.  1789,- 1,  366.  —  FoL  63"'  : 
Burn,  Facs.  of  the  Creeds,  pi.  xviii,  xix,- —  Fol.  2''  (5.  Isidoride 
vetereet  novo  Testaniento),  Ant.  Staerk,  o/).  cit.,  pi.  lxxiii. 


SUISSE 

BÂLE 
BIBLIOTHÈQUE  DE  L'UNIVERSITÉ 

1.  —  A.  vil.  3.  —  Psautier  grec-latin  (viii'^-ix^  siècle). 
Facs.  dups.  XXIX,  lo-xxx,  6  chez  Aug.  Baumeister,  Denkmii- 

1er  des  klassischen  Altertunis,  Munich,  1885-88,  t.  II,  p.  1133. 

2.  —  FF.  III.  15.  —  Mélanges  latins. 

Facs.  de  lettres  ornées  et  des  signes  du  zodiaque  dans  les 
ouvrages  suivants  :  Ferd.  Keller,  Bilder  und  Shriftiïige  in  den 
irischen  Manuscripten  der  scJjweiierischen  Bibliotheken  (Antiqnar. 
Gesellsch.  in  Zurich,  VII,  Mitlheil,  185 1,  p.  86);  Wil.  Reeves, 


12  L.  Gougaud. 

Illuminations  and  facsimiks  from  Irish  mss.  in  the  librarifs  of 
Su'itierland{Ulster  journal ofArcbaeology,\..  VIII,  i8éo,  pi.  m); 
Romilly  Allen,  Christian  symbolisni  in  great  Britain  and 
Irelaud,  London,  1887,  p.  358,  fig,  128. 

BERNE 
BIBLIOTHÈQ.UE  DE  LA  VILLE 

363. —  Mélanges  (viii^-ix'  siècle). 

Facs.  :  H.  Hagen,  Codex  Bernensis  }6}  phototypice  éditas, 
Lugduni  Batavorum,  1897  ;  F.  Steffens,  Prohen  ans griechischen 
Handschriften  n.  Urknnden,  Trêves,  19 12. 

SAINT-GALL 
STIFTSBIBLIOTHEK 

1.  —  N°  48.  —  Mélanges  bibliques  (ix^-x^^  siècle). 

Facs.  :  Luc  i,  i  :  Pal.  Soc,  I,  pi.  179.  —  Début  de  l'Ev.  de 
saint  Jean  :  Steffens,  La/.  Pal.,  pi.  xlvii,  i. —  Facs.  complet: 
H.  C.  M.  Rettig,  Antiquissinuts  cjnatnor  n'angelionim  canon, 
codex  SangaUensis,  Zurich,  1836. 

2.  —  N"  51.  — Evangéliaire (viii^  siècle). 

Facsimilés.  —  Ornements  divers  tirés  de  ce  ms.  :  Aug. 
Racinet,  V Ornement  polychrome,  Paris  (1869-87),  t.  I,  n"*  6  et 
10;  J.  O.  Westwood,  On  the distinctive characters,  etc.  (^Archaeo- 
logical  Journal,  t.  X,  fig.  i  et  2  en  face  de  p.  291,  fig.  11  en  f. 
de  p.  297)  ;  Cooper,  pi.  iv.  —  P.  265  :  Steffens,  Lat.  Pal., 
II,  pi.  XLii,  I.  —  Fol.  79-80:  Chroust,  Monum.  pal.,  Lief. 
XVII,  pi.  5 .  —  Page  ornée  (croix  centrale,  entrelacs,  oiseaux 
entrelacés):  Copper,  pi.  m  ;  Westwood,  M.  0.,  pi.  27; 
Westwood  dans  Archacological  journal,  p.  294,  fig.  9; 
H.  Janitschek,  Geschichte  der  deutschen  Malerei,  Berlin,  1890, 
p.  13;  J.  R.  Rahn,  Geschichte  der  hildenden  Kûnste  in  der 
Schiueii,  Zurich,  1876,  pi.  16;  Wilhelm  Lûbke,  Grundriss 
der  Kunstgeschichte,  II.  Die  Kunst  des  Mittelallers,  Esslingena. 
N,  19 10,  fig.  132;  Cari  Schnaase,  Geschichte  der  hildenden 
Kiinste,  Dûsseldorf,  1866-79,  t.  III,  p.  610,  fig.  145;  Michel, 
Histoire  de  l'Art,  Paris,  1905,  t.  I,  p.  316,  fig.  160.  —  Page 
ornée  {Christi  autem  generalio)  :  Westwood,  M.   0.,  pi.  26  ; 


Répertoire  des  fac-similés  des  manuscrits  irlandais.  13 

Cooper,  pi,  II  ;  Martin  Gerbert,  Iter  akniannicum,  accedit 
italicum  et  gallicum,  Typis  San  Blasianis,  1773,  pi.  iv.  — 
Page  ornée  {Liber  generationis),  Cooper,  pi .  vi.  —  Page 
ornée  {Oiioniam  mitlti^,  Cooper^  pi.  viii.  —  Page  ornée  (Jn 
principio  Deiis  erat  Verhum),  Cooper,  pi.  x.  —  Portrait  de 
saint  Luc:  Keller,  op.  cit.,  pi.  II  ;  Cooper,  pi.  v;  Westlake, 
Au  elementary  history  of  Design  in  unirai  painting,  London, 
t.  II,  1905,  pi.  CLXii  ;  Rahn,  Geschichle,  p.  127,  iig.  17; 
Franz  von  Reber,  Kuusgeschichte  des  Mittelalters,  Leipzig,  1886, 
p.  21),  fig.  131;  Hermann  Hieber,  Die  Miuiaturen  des  frûhen 
Mittelalters,  Munich,  1912,  pi.  37.  —  Portrait  de  saint  Jean  : 
Cooper,  pi.  IX;  Keller,  pi.  iv.  —  Portrait  de  saint  Marc  : 
Westwood,  M.  O.,  pi.  26;  Keller,  pi.  m  ;  Cooper,  pi.  vu.  — 
Portrait  de  saint  Matthieu  :  Keller,  pi.  i;  Cooper,  pi.  i;  Beissel 
Geschichte  der  Evaugelienbiicher  in  der  ersten  H  ai f te  des  Mittelal- 
ters, Freiburg-i-Br..  1906,  pi.  33.  —  Jugement  dernier  ou 
glorification  du  Christ  :  Keller,  pi.  vi  ;  Cooper,  pi.  xii  : 
Westwood,  M.  0.,  pi.  27  ;  Rom.  Allen,  Early  Christian 
Symbolis))i,  p.  172,  fig.  49.  —  Crucifixion:  Cooper,  pi.  xi  ; 
Keller,  pi.  v;  Reeves.  Ulster  journal  of  Archaeology,  VIII, 
1860,  en  face  de  p.  301  ;  Herder's  Konversation  Lexikon,  art. 
Kreni;  Michel,  Hist.  de  l'art,  t.  I,  p.  317,  fig.  161  ;  Cabrol 
et  Leclercq,  Dict.  d'arch.  chrét.  et  de  liturgie,  art.  Celtique  (art), 
fig.  2336;  Westwood,  M.  O.,  pi.  28  ;  Beissel,  op.  cit., 
fig.  34,  p.  126;  Rom.  Allen,  Syuibolisui,  p.  147,  fig.  36; 
J.  Stoc]iha.ueï ,  Kîinstgeschichte des  Kreu^es ,  Schaffliausen,  1870, 
p.  198;  Rahn,  Geschichte,  p.  128,  fig.  18;  F.  X.  Kraus, 
Geschichte  der  christlichen  Kunst,  1896,  t.  I,  fig.  484;  Westlake, 
Mural  painting,  t.  II,  p.  130,  pi.  cxlviiia;  R.  Forrer  et 
G.  A.  Mûller,  Kreiii  und  Krewi^igung  Christi  in  ihrer  Kunst- 
entîi'icklung,  Strasbourg  et  Bùhl,   1894,  P^-  1^%  6. 

3.  —  N"  60.  —  Evangéliaire  (ix^  siècle). 

Facs.    Portrait    de  saint  Jean  :    Keller,    pi.    viii;    Cooper, 
pi.  XII.  —  P-  41  :  Steffens,  Lat.  pal.,  II,  pi.  xlii,  2. 

4.  —  X°  904.  —  Mélanges,  gloses  irlandaises  (ix''  siècle). 
Facs.  Initiales  :  Keller  et  Reeves,  pi.  iv. —  C.  Nigrj,  Reiiquie 

celtiche.  I.  //  manoscritto  irlandese  di  S.  Gallo,  Turin,  1872, 
pi.  1,2,  3,  4.  —  P.  182  et  194  :  Steff"ens,  Lat.  pal.,  pi.  50. — 
P.  212  :  G.  I.  Ascoli,  Il  codice  irlandese  delFAmbrosiana,  pi.  2. 


14  L.  Gougaud. 

5.  — N°  12^3.  —  Mélanges  (viii''-ix''  siècle). 

Facs.  Cooper,  pi.  vi,  x.wiii,  xxix,  xxx;  Pal.  Soc.  I,  208, 
II,  50;  Keller-Reeves,  p.  293;  Chroust,  XVII,  pi.  i  et  2. 

6.  —  N°  1394.  —  Mélanges,  gloses  irlandaises  (viii'^-ix* 
siècle). 

Facs.  :  Keller  pi.  xii,  n''  2;  Reeves,  pi.  iv.  — P.  427: 
Steftens,  Lat.  pal.,  pi.  xxiv,  2;  Keller,  pi.  xi,  n°  3;  Cooper, 
pi.  XXIV.  —  Page  ornée  (Peccavimus  Dné):  Westwood,  M.  O., 
pi.  28  ;  Cooper,  pi.  xxiii  ;  Keller,  xi.  —  Portrait  de  saint 
Matthieu,  p.  417  :  Cooper,  pi.  xix.  —  Autres  facsimilés: 
Cooper,  pi.  XXI,  pi.  xxxi;  Keller,  pi.  xii,  2;  Reeves,  pi.  m,  2; 
Cooper,  pi.  XXII,  iv,  xx,  xxv,  xxvi,  xxvii. 

SCHAFFHOUSE 
STADTBIBLIOTHEK 

N°  32.  — Vita  Columbae  (viii'  siècle). 
Facs.  :  Lindsay,  p.  108  ;  W.  Reeves,  The  Life  of  5'  Columba 
by  Adamnan,T>\ih\in^  1857. 

L.  Gougaud. 


AN  OLD  WELSH  GLOSS 


A  few  weeks  ago  Dr  Reginald  Lane  Poole  drew  Mr  Jenkin- 
son's  attention  to  Bodley  MS  865,  a  composite  volume  pre- 
sented  by  the  Dean  and  Chapter  of  Exeter  in  1602,  which 
contains  on  fo.  89-963  a  curions  dialogue  between  a  master 
and  a  pupil  in  a  handwriting  of  the  eleventh  century.  It  is  to 
be  hoped  that  Mr  Jenkinson  will  undertake  to  publish  the 
whole  text  as  it  shows  évident  traces  of  Hisperic  influence  and 
is  of  considérable  interest  from  several  points  of  view.  For 
the  moment  I  merely  désire  to  register  the  occurrence  of  a 
Brythonic  gloss  on  fo.  93,  where  the  following  passage  is  to 
be  found  : 

nigellani  qnocjue  rassani  uetustaniqiie  curbanam  pleiiam  micis  in 
dorso  uibranteiii 

Above  the  word  curbanam  is  written  tuic.  Carbana  is  known 
as  a  Hisperican  term  for  «  covering,  garment  »,  see  Jenkin- 
son's  Index  to  his  édition  of  the  Hisperica  Famina.  Tuic,  there- 
fore,  is  the  Old  Welsh  form  of  the  later  tiuyg,  a  loan-word 
from  Latin  iheca,  which  is  used  sparingly  by  médiéval  poets 
to  dénote  some  kind  of  a  body-covering.  Dr  Davies  has  : 

TwYG,  amictus,  tunica, 

with  the  following  quotation  from  Lewis  Glyn  Cothi  : 

Braidd  y  mêdd  dan  bridd  a  main, 

Dig  ei  le,  diuy^  0  liain. 

In  another  passage  from  the  Red  Book  referred  to  by  Pughe 
we  read  : 

Ny  chynimeraf  gytnun 
Gan  ysgymun  uyneich 
Ac  eu  twygeu  ar  eu  cl  un 
Am  hymuno  duiv  ehun. 


I6  E.  C.  Ouiggin. 

Skene,  Four  Ancient  Books,  II  p.  233,  Myv.  Arch.  p.  115 
b.  For  the  référence  I  am  indebted  to  Dr  J.  G.  Evans  and 
Mr  Timothy  Lewis. 

E.    C.    QUIGGIN 


ARMON    ARMENIA 

When  Labraid  Loingsech  was  exiled  by  Cobthach,  accord- 
ing  to  the  version  of  the  story  printed  b}'  Stokes  {RC.  XX, 
p.  430)  from  RawUnson  B  502  §  YBL,  it  is  stated  :  dochuaid 
soir  co  rainig  Inis  Bretan  7  in  brmcmacraid  tbiri  Arnienia.  Ro 
naisc-sium  a  munter  iarsin  a  n-anisaine  for  rig  Armenia.  Stokes 
translates  without  comment  :  «  He  went  eastward  till  he 
reached  the  island  of  the  Britons  and  the  speckled  youtiis  of 
the  land  of  Armenia.  Then  his  people  bound  him  as  a  sol- 
dier  to  the  king  of  Armenia.  »  On  returning  to  Ireland  : 
rogabsad  tir  ac  Indbir  Boiudi,  «  they  landed  at  the  mouth  of 
the  Borne  ». 

D'Arbois  de  Jubainville  deals  with  this  passage  in  RC. 
XXVIII,  p.  35  as  follows  :  «  Menia  (in  Eg.  1782  Armenia  is 
replaced  by  fer  Menia)  n'est  pas  autre  chose  que  Menapia 
prononcée  à  l'irlandaise  avec  chute  du  p  et  de  l'a  qui  le  pré- 
cède. Le  roi  de  Ménia,  c'est-à-dire  de  la  Menapia,  prit  en 
amitié  l'exilé  et  l'envoya  en  Irlande  avec  une  flotte  de  trois 
cents  vaisseaux.  L'expression  lir  fer  Menia  embarrassa  beau- 
coup les  Irlandais  pendant  la  seconde  partie  du  moyen  âge. 
Certains  avaient  lu  la  Bible  ;  ils  connaissaient  le  passage  de  la 
Genèse,  où  il  est  dit  que  l'arche  s'arrêta  sur  les  monts  d'Ar- 
ménie, et  le  livre  IV  des  Rois,  où  on  lit  que  deux  fils  de 
Sennachérib,  ayant  tué  leur  père,  se  réfugièrent  dans  la  terre 
d'Arménie.  En  conséquence  ces  Irlandais  remplacèrent/^r ///mm 
par  Armenia.  C'est  la  leçon  du  Livre  Jaune  de  Lecan.  En  effet 
fer,  aujourd'hui  fear  se  prononçait /ar,  et  ce  mot,  étant  com- 
plément déterminatif  du  substantif  précédent,  perdait  son  f. 
Ainsi  tir  fer  Ménia  se  prononçait  tir  ar  menia.  La  prononcia- 
tion pénétra  dans  l'écriture  où  tir  ar  menia  devint  facilement 


hiifial  G  in   Welsh.  fj 

tir  Ainienia.  »  In  lier  interesting  study  «  On  Chariot  Burial 
in  Ancient  Ireland  «  reprinted  in  «  Side-Lights  on  the  Tain 
Age  »,  Miss  Dobbs  makes  use  of  D'Arbois'  argument  to 
support  her  other  évidence  for  early  relations  between  Gaul 
and  Ireland.  Some  of  the  évidence  is  beyond  dispute^  but  in 
this  particular  instance  the  distinguished  French  scholar  on 
whom  she  relies  is  to  my  mind  seriously  at  fault.  For  the 
framerof  the  story  the  district  disguised  under  theform  Arme- 
nia  is  definitely  in  Britain.  When  Labraid  returns  to  Ireland, 
he  lands  at  the  mouth  of  the  Boyne.  When  he  leaves  Ireland 
he  sails  eastward.  A  course  in  the  main  easterly  from  any 
port  between  Drogheda  and  Arklow  would  bring  him  to  Arvon 
which  in  early  Irish  spelling  would  be  Armon.  I  suggest  that 
an  Irish  scribe,  unfamiliar  with  the  name,  resolved  a  contract- 
ed  form,  such  as  a  r  ô,  into  Armenia.  The  connexion  between 
the  name  of  the  Lleyn  peninsula  and  Leinster  (Ir.  Laigiti) 
was  pointed  out  by  Kuno  Meyer  some  years  ago.  It  is  not 
clear  to  me  if  any  spécial  signihcance  attaches  to  the  epithet 
breac  in  heacmacraid  thiri  Armenia. 

The  reading/er  Menia  in  Eg.  1782  I  take  to  be  an  attempt 
to  correct  the  obviously  impossible  Armenia  of  the  other 
MSS.  It  might  perhaps  be  argued  that  Menia  is  related  to 
Menevia,  but  one  would  scarcely  expect  to  find  the  Latin 
form  in  such  a  context  and  the  name  appears  regularlv  in 
Irish  as  Muine,  Cell  Muine  v.  Hogan  s.  v.  The  varions  forms 
of  the  names  for  Saint  Davids  were  discussed  by  Professer 
Loth  in  this  journal,  vol.  XX,  p.  206. 

E.    C.    QUIGGIN 


INITIAL  G   IN  WELSH 

In  the  autumn  of  1916  a  considérable  number  of  Welsh 
letters  from  the  troops  in  France  passed  through  my  hands. 
A  marked  feature  of  the  correspondence  of  the  less  educated 
amongst  the  writers  was  the  use  of  initial  c  for  g  although  / 
never  occurred  in  place  of  d  nor  was  b  displaced  by  p.  I  give 
a  few  instances  below  mainly  taken  from  letters  addressed  to 

Revui  Celtique,  XXXVIll.  2 


l8  E.  C.  Quigoiii. 

Anglesey  and  N.  Wales,  but  I  hâve  an  impression  that  the 
same  phenomenon  was  found  in  correspondence  going  to 
other  parts  of  the  Principality  as  well.  There  is  no  indication 
of  anything  pecuHar  in  the  articulation  of  g  in  Fynes-CUn- 
ton's  excellent  work  on  the  dialect  of  the  Bangor  district.  The 
High  German  sound-shifting  shows  that  a  guttural  stop  need 
not  develop  on  precisely  the  same  lines  as  the  labial  and  den- 
tal stops. 

Examples  :  dy  caradig  lythiir  :  nid  oes  dim  coJwc  am  i  mi  cail 
mynd  ;  amser  canv  ;  cobitho  ;  ar  coll  ;  i  cyd  (cid)  ;  wedi  cwneyd  ; 
chance  i  cael  un  arall  ;  mac  y  cwragedd  sydd  yn  cael  arian  oddi 
y  ma  oddi  larth  ei  cwyr  yn  hucys  ;  mi  feasa  yn  dda  cenyf;  callaf 
ddeud  lurthiich  fy  mod  yn  meddiul  llawer  am  danoch  yn  yr  hen. 
Ddtig  ont  y  ma  er  ei  fod  y  cor  a  ydwj  wedi  bod  ynddo  eto  ;  mi  ddaw 
dy  cariad  yn  ol  ;  yn  cofun  amlythur  cymraic  ;  fel  y  cwuddoch. 

It  is  of  course  unnecessary  to  quote  instances  of  provection 
such  as  eich  cwunab  aniuiil  ;  yn  eich  cadal  ;  mi  roedd  yn  ddnug 
cenyf. 

E.    C.    QUIGGIN 


LES 
VINS  DE  GAULE  EN  IRLANDE 

ET 

L'EXPRESSION  FIN  AICNETA 


Une  découverte  récente,  dont  M.  le  docteur  Capitan  a 
entretenu  l'Académie  des  Inscriptions  le  4  février  19 16  (voir 
Comptes  rendus  de  V Académie  des  Inscr.  et  Belles-Lettres,  1916, 
p.  (>(>  et  suiv.),  a  mis  au  jour  des  restes  de  vin  gallo-romain. 
On  en  peut  tirer  quelques  suggestions  sur  la  nature  des  vins 
que  la  Gaule  exportait  en  Irlande  :  elle  aide  même  à  mieux 
comprendre  "certains  passages  des  récits  épiques  irlandais. 

Les  découvertes  de  vin  antique  ne  sont  pas  très  nom- 
breuses. M.  le  docteur  Capitan,  dans  sa  communication,  a 
rappelé  les  principales.  En  1877,  Berthelot,  ayant  analysé  des 
matières  contenues  dans  un  tube  scellé  provenant  d'un  tom- 
beau des  Aliscamps,  y  avait  reconnu  des  restes  de  vin  ordi- 
naire. A  Bordeaux,  on  a  trouvé  au  cimetière  Saint-Seurin  une 
fiole  de  verre  enduite  d'un  dépôt  qui  contenait  de  la  crème 
de  tartre  et  une  matière  chromotannique,  c'est-à-dire  encore 
des  restes  de  vin.  On  conserve  au  musée  de  Spire,  une  fiole 
antique  qui  semble  avoir  contenu  du  vin  ;  il  y  en  avait  une 
aussi  au  musée  archéologique  de  Reims. 

Cette  fois,  la  découverte  a  été  faite  à  Amiens.  Des  fouilles, 
dirigées  par  M.  Commont,  ont  fait  apparaître  à  35  mètres 
de  profondeur,  deux  grands  vases  brisés,  d'environ  35  centi- 
mètres de  diamètre  sur  20  centimètres  de  hauteur,  dont  les 
parois  étaient  couvertes  d'un  dépôt  brun  jaunâtre,  qui  a  été 
reconnu  à  l'analyse  comme  formé  d'une  matière  résineuse. 
On  doit  certainement  voir  là  l'extrait  sec  d'un  vin  aromatisé 
par  une  substance  de  la  famille  des  résines.  Il  ne  s'agit  plus  de 
ce  vin  ordinaire,  que  les  anciens  buvaient  pur  ou.bien  coupé 


20  /.  f'ciiiirxt's. 

d'eau  (Martial,  I,  57  ;  III,  57)  ;  il  s'agit  d'un  de  ces  vins  addi- 
tionnés d'aromates,  dont  nous  parlent  les  anciens  (v.  Ray- 
mond Billard,  La  vigne  dans  l'antiquité,  Lyon,  19 13,  p.  504, 
et  C.  Jullian,  Histoire  de  la  Gaule,  t.  V,  1920,  p.  253),  et 
probablement  de  vin  «  poissé  »  ou  «  résiné  »,picaluni  uinum. 
Il  ne  faut  pas  seulement  entendre  sous  ce  nom,  un  vin  qui 
avait  pris  un  goût  spécial  pour  avoir  été  enfermé  dans  des  réci- 
pients enduits  de  poix.  Les  anciens  avaient  l'habitude  de 
traiter  par  la  poix  ou  la  résine  des  vins  ordinaires,  de  les 
apprêter  (condire,  avicintiare),  comme  dit  Pline  (i7.  N.,  XIV, 
124),  adspersu  picis,  ut  odor  uino  contingat  et  saporis  quaedam 
acumina.  Le  procédé  est  décrit  par  Columelle  (XII,  23,  i). 
Quoique  fort  acres,  les  vins  ainsi  traités  étaient  appréciés  de 
beaucoup  de  gens  (Plutarque,  Synipos.,  V,  3,  i).  Sur  les  ins- 
criptions bachiques,  on  voit  célébrer  le  vin  aromatisé  (iiinum 
conditum,  Corp.  Insçr.  Lat.  XIII,  10018,  n°' 7,  17,  131,  157), 
aussi  bien  que  le  vin  naturel  (jdnum  mernm,  ibid.,  n°^  né, 
130,  138,  etc.);  cf.  C.  Jullian,  op.  cit.,  V,  255,  n.  3. 

L'usage  de  résiner  le  vin  était  fort  ancien.  Caton  le  recom- 
mandait déjà  (^Cato  iubet  uina  concinnari,  Pline,  XIV,  25,  7). 
C'est  d'Italie,  suivant  Pline  (XIV,  24,  i),  que  l'usnge  était 
parti  ;  mais  il  s'était  répandu  dans  le  monde  entier,  et  jus- 
qu'en Egypte.  Dioscoride  (V,  43)  le  signale  en  Gaule,  ainsi 
que  Plutarque  {Syiupos.,  V,  3,  i),  suivant  lequel  le  vin  résiné 
de  la  Viennoise  était  célèbre.  Pline  dit  bien  que  le  vin  des 
crus  viennois  avait  naturellement  certain  goût  de  résine  (uiiis 
per  se  in  uino  picem  resipiens,  XIV,  18)  ;  mais  nous  savons  aussi 
par  Pline  lui-même  (XIV,  57)  qu'on  fabriquait  dans  la  région 
viennoise  des  vins  résinés.  Martial  fait  l'éloge  du  uinuni  pica- 
tuni  de  Vienne  (XIII,  107),  de  même  qu'il  accable  d'op- 
probres le  vin  fumé  que  vendait  à  Marseille  un  nommé  Munna, 
empoisonneur  redoutable  (X,  36). 

Le  picatum  uinuni  passait  lui-même  pour  nuisible  à  la  santé  : 
lot  ueneficiis  placere  cogitur,  dit  Pline  (XIV,  25,  7),  et  miramur 
noxiuni  esse!  Et  ailleurs,  le  grave  Romain  constate  que  le 
vin  le  plus  sain  est  celui  qui  ne  contient  aucun  ingrédient  : 
saliiberriinum  cui  nihil  in  nuista  additum  est  (XXIII,  24,  i) 
D'après  l'analyse   chimique,   le  vin  du  dépôt  d'Amiens  était 


Les  vins  de  Gaule  en  Irhnide.  21 

très  fortement  alcoolisé.  Le  picatum  uinum  produisait  certaine- 
ment une  ivresse  spéciale.  Ce  devait  être  comme  le  vermouth, 
l'absinthe  ou  tel  autre  des  modernes  apéritifs,  un  breuvage 
alcoolisé  et  aromatisé,  où  le  jus  de  la  vigne  ne  servait  que 
de  base  à  des  préparations  artificielles.  Pline  nous  a  transmis 
une  longue  liste  de  substances  aromatiques  que  Ton  faisait 
dissoudre,  macérer  ou  fermenter  dans  le  vin  (XIV,  107);  il 
n'y  avait  pas  seulement  des  gommes  provenant  de  divers 
arbres  résineux  (pin,  sapin,  mélèze,  cyprès,  lentisque,  téré- 
binthe,  etc.),  mais  aussi  de  l'iris,  du  fenugrec,  de  la  racine 
de  jonc,  des  feuilles  de  nard,  du  souchet,  du  safran,  de 
l'aloès,  etc.  Le  i>  vin  d'absinthe  »  est  mentionné  par  Columelle 
(XIT,  35,  i),  par  Pline  (XXIII,  52),  par  Palladius  (III,  32). 
D'après  l'évangile  (Marc,  xv,  23),  c'est  du  «  vin  myrrhe  » 
que  les  légionnaires  présentèrent  à  Jésus  quand  iL  fut  arrivé 
sur  le  calvaire,  et  qu'il  refusa.  Les  fouilles  de  M.  Commont 
attestent  qu'à  côté  du  vin  ordinaire  les  Gallo-romains  fai- 
saient place  dans  leurs  celliers  au  picatum  uinum. 

Or,  dès  l'antiquité  la  plus  haute,  le  vin  fut  l'objet  d'un 
commerce  actif  entre  la  Gaule  et  l'Irlande  (cf.  G.  Plummer, 
Vitae  Sanctorum  Hiberniae,  t.  I,  p.  c,  n.  2  et  p.  214).  Zim- 
mer  a  jadis  publié  sur  ce  sujet  une  copieuse  étude  dans  les 
Sit^ungsberichte  de  l'Académie  de  Berlin  (1909,  n°XV,  p.430- 
476).  Le  vin  de  Gaule  était  fort  apprécié  en  Irlande  ;  maint 
détail  des  légendes  épiques  montre  quel  cas  les  héros  irlandais 
en  faisaient.  On  le  trouve  mentionné  dans  le  récit  de  l'Expul- 
sion des  Dési,  événement  qui  eut  lieu  au  m*  siècle  de  notre 
ère,  sous  le  roi  Cormac  Mac  Airt  {fin...  a  tirib  Gall,  Cymmrodor 
XIV,  118  et  Ériu  III,  140).  Deux  siècles  plus  tôt,  en  Ulster,  les 
héros  de  la  Branche  rouge  connaissaient  également  le  vin.  Au 
début  du  Tochmarc  Emire,  on  voit  paraître  Forgall  Manach, 
déguisé  en  ambassadeur  du  roi  des  Gaulois  ;  il  venait  offrir  à 
Conchobor  des  objets  d'or  et  du  vin  de  Gaule  (co  n-imchomarc 
do  di  orduisih  7  fin  Gall,  Rev.  Celt.,  XI,  442).  Quand  Oengus 
fils  d'Aed  Abrat  voulut  décider  Cuchullin  à  partir  pour  la 
terre  des  fées,  il  lui  répéta  les  paroles  de  Fand,  suivant  les- 
quelles celui  qui  viendrait  vers  elle  aurait  de  «  l'argent,  de 
l'or  et  beaucoup  de  vin  à  boire  »  (rombiad  arcat  ocus  or,  rombiad 
môr  fina  do  61,  L.  U.  44  b  6,  Irische  Texte,  I,  p.  209). 


22  /.  Veridryes. 

Lors  de  Texpédition  contre  l'Ulster  pour  la  conquête  du 
Taureau  Brun  de  Cooley,  la  reine  Medb  avait  avec  elle  une 
provision  de  vin  (Zimnier,  op.  cit.,  p.  434)  :  elle  s'en  servait 
pour  enivrer  les  jeunes  guerriers  qu'elle  envoyait  ensuite  se 
faire  tuer  en  luttant  contre  CuchuUin  ;  c'est  ainsi  qu'elle  fait 
boire  Ferbaeth  «  jusqu'à  ce  qu'il  soit  ivre  »  (corbo  mesc,  L.  U. 
73  a  41);  elle  enivre  même  Fergus  pour  qu'il  aille  se  battre 
{dobrcth  fui  dô  7  nvnescad  co  trén,  L.  U.,  82  b  7).  Pour 
séduire  Cuchullin,  Ailill  n'hésite  pas  à  proposer  à  sa  femme 
d'employer  l'attrait  du  vin  :  «  Envoie-lui,  dit-il,  un  bœuf  avec 
du  porc  salé  et  un  fût  de  vin  »  Çbo-  dam  co  timie  do  7  taulchtuna 
fina,  L.  U.  67  b  10).  Dans  la  version  du  Book  of  Leinster 
(p.  69  b  dern.  ligne),  c'est  Medb  elle-même  qui  suggère  un 
arrangement  avec  Cuchullin  ;  elle  y  fait  entrer  le  vin  et  l'hy- 
dromel (//»  7  mid  ;  les  deux  boissons  vont  souvent  ensemble, 
cf.  L.  U.  131  b  37,  Tecosca  Corniaic,  éd.  K.  Meyer,  i,  44, 
comme  en  gallois  givin  a  med,  Book  of  Taliesin,  59,  7). 
Toutes  ces  ruses  diaboliques  du  couple  royal  de  Connaught 
rappellent  le  Petit  fût  de  Maupassant. 

Il  y  avait  assurément  plusieurs  espèces  de  vins  en  Irlande. 
Un  poème,  contenu  dans  les  Scéla  Cauo  Meic  Gartnàin  {Anecd . 
from  Irish  MSS,  I,  p.  14)  et  où  sont  énumérées  différentes 
espèces  de  bières,  mentionne  des  u  bières  rouges  comme  du 
vin  »  (cormand  derga  aniail  fin,  1.  18).  On  savait  conserver  le 
vin;  le  vin  vieux  avait  un  nom  spécial,  esarn,  connu  par  le 
glossaire  dit  d'O'Mulconry,  §  447  ;  ce  mot  sort  de  exhibernum 
et  désigne  le  vin  qui  a  passé  l'hiver  (v.  K.  Meyer,  SitT^ber. 
der  pr.Akad.  der  IViss.,  1912,  ri,  p.  1150,  et  Marstrander, 
Rev.  Celt.,  XXXVI,  p.  361)  :  c'est  ainsi  que  chez  les 
Romains  le  tiinum  uetus,  ayant  un  an  révolu,  s'opposait  au 
tiinum  nouelhim  (R.  Billiard,  op.  cit.,  p.  216). 

Les  vins  gaulois  en  Irlande  étaient  de  qualités  diverses.  Cer- 
tains textes  par  exemple  mentionnent  des  vins  de  première 
qualité,  cétgrinne fino  (gl.  nectar,  Sg.  122  b  22  et  Kuhn's  Zeit- 
schrift,  XXXIII,  70),  éingrinde  ftno  {Imram  Bràin,  §  13). 

Tout  cela  ne  nous  renseigne  pas  sur  la  nature  de  ces  vins. 
Mais  il  y  a  un  passage  plus  instructif  dans  la  Fled  Bricrend. 
Zimmer,  qui  le  cite  {op.  cit.,  p.  435),  n'en  a  pas  tiré  tout  le 


Les  vins  de  Gaule  en  Irlande.  25 

parti  qui  convient.  Ailill  et  Medb,  dans  leur  palais  de  Crua- 
chu,  reçoivent  les  trois  héros  Cuchullin,  Conall  Cernach  et 
Loegaire  ;  il  s'agit  de  choisir  entre  les  trois  à  qui  donner  le 
«  morceau  du  héros  ».  Décision  périlleuse!  Pour  gagner  du 
temps,  Medb  use  de  tromperie  :  prenant  à  part  chacun  d'eux, 
elle  lui  fait  croire  qu'il  est  l'heureux  élu.  En  même  temps, 
elle  les  flatte  par  des  présents  et  les  fait  boire.  Mais  elle  ne 
leur  donne  pas  à  tous  le  même  vin.  Loegaire  et  Conall 
reçoivent  une  coupe  de  «  vin  naturel  »  (//«  aicneta,  L.  U. 
108  a  i).  Cuchullin,  qui  est  à  ses  rivaux,  dit  Medb,  comme 
l'or  rouge  est  au  bronze,  est  honoré  de  «  vin  spécial  »  (^fin 
sainemaU,  L.  U.  108  a  31).  Zimmer  a  eu  le  tort  de  n'attacher 
aucune  importance  au  sens  propre  de  ces  deux  épithètes  et  de 
les  considérer  comme  deux  synonymes  désignant  une  seule  et 
même  qualité  de  vin.  Ce  n'est  pas  vraisemblable.  L'expression 
fin  aicneta  «  vin  naturel  »  se  retrouve  ailleurs  (L.  U.  100  a  à  la 
fin  ;  1 10  a  49)  ;  elle  n'a  de  sens  que  s'il  existait  d'autres  vins 
qui  ne  l'étaient  pas.  L'opposition  du//n  aicneta  et  au  fin  sai- 
nemaU est  sans  doute  que  le  premier  ne  comportait  l'addition 
d'aucun  ingrédient;  c'était  du  vin  «  nature  »,  comme  nous 
dirions  aujourd'hui.  Au  contraire,  le  ////  saineniai!  renfermait 
sans  doute  de  ces  ferments  spéciaux  qui  donnaient  au  picatum 
uinuni  sa  force  et  son  bouquet.  C'était  un  vin  aromatisé,  et 
en  même  temps  très  alcoolisé,  plus  digne  que  le  vin  «  nature  » 
d'un  héros  tel  que  CuchuUin. 

Dans  un  passage  du  Commentaire  sur  les  psaumes,  où  la 
colère  du  Dieu  vengeur  frappant  le  coupable  est  comparée  à 
l'ivresse  qui  trouble  et  égare,  le  glossateur  du  manuscrit  de 
Milan  décrit  avec  précision  les  effets  de  la  vengeance  qui  est, 
comme  le  vin,  «  piquante  et  amère  »  (tiachair  7  serh  9^  c  6), 
«  sans  aucune  douceur  en  elle  »  (cen  ni  duailgini  indi,  94  c  7)  ; 
ces  épithètes  semblent  se  rapporter  exactement  au  picatum 
uinum,  tel  que  les  Latins  nous  le  décrivent. 

Il  est  probable  qu'au  cours  des  âges  en  Irlande  le  sens  propre 
de  fin  aicneta  s'est  perdu,  en  même  temps  que  le  souvenir  de 
l'époque  où  l'Irlande  recevait  de  Gaule  des  vins  «  dénaturés  ». 
Ainsi  dans  un  passage  du  Lebor  na  h-Uidre  (100  a,  1.  5  du 
bas),  fin  aicneta  a  été  glosé  par  un  scribe,  .i.  sainemail.  C'est-à- 


34  /•   î'endryes. 

dire  que  ce  scribe  a  commis  la  même  confusion  que  Zimmer  : 
il  a  pris  aicneia  comme  une  épithète  banale  se  rapportant  à 
Texcellence  du  vin,  ce  qui  ne  s'accorde  guère  avec  l'étymo- 
logie  ;  aicneta,  tiré  de  aicned  «  nature  »  (cf.  firmac  aicnid 
gl.  filius  meus  es  tu,  Wb.  32  b  6)  ne  signifie  que  «  natu- 
rel ».  Sans  doute,  les  anciens  connaissaient  de  nombreux 
moyens  de  falsifier  le  vin  (Pline,  H.  N.,  XXITI,  20,  i  ;  cf. 
R.  Billiard,  op.  cit.,  p.  489).  On  pourrait  donc  imaginer  que 
par  fin  aicneta  les  Irlandais  voulaient  désigner  un  vin  soustrait 
à  toute  falsification,  et  par  conséquent  de  bonne  qualité.  Mais 
il  n'est  pas  dit  que  le  vin  naturel  ait  été  plus  apprécié  que 
les  vins  travaillés  tel  qu'était  le  uiniim  picatum.  Afin  de  don- 
ner tout  son  sens  à  l'expression //w  saimviail  dans  le  passage 
de  la  FïedBricrend,  il  paraît  donc  préférable  d'attribuer  aussi  à 
l'expression^/;?  aicneta  une  valeur  technique  précise,  conforme 
à  ce  que  nous  savons  des  vins  de  la  Gaule  romaine,  en  enten- 
dant par  là  un  «  vin  nature  »  s'opposant  à  un  «  vin  spécial  » 
dans  le  genre  du  uinum  picatum. 

J.  Vendryes, 


LE  SYSTÈiME  VÇRBAL 

DANS 

IN     CATH     CATHARDA 


CHAPITRE  IX 

VERBES    IRRÉGULIERS 

§  193.  berî}n 

Prés.  sg.  I  herim 

—  2  noco  mberi 

—  3  (b)  co  mheir,  co  mberend 
Imparf.  sg.  3  no  beredh 

Impér.   sg.  2  beir 

—       pi.   2  beirid 
Subj.  prêt.  pi.  3  na  rucctais 
Fut.  prés.  sg.  3  rel.  beras 
Fut.  prêt.   pi.  3  7ia  bèrdais 
Prés.  pass.  sg.  berair 
Imparf.  pass.  pi.  no  bertis 
Fut.  prêt.  pass.  sg.  no  blrta  ' 

§  194.  doberim 

Prés.  sg.  I  (a)  doberim 

—  3  (a)  bobeir 

—  (b)  îabair 

—  pi.  I  (a)  dobenun 

—  3  (a)  doberat 
Imparf.  sg.  3  (a)  dobered 

—  3  (b)  labradh 
Imparf.  pi.  3  (a)  dobertis 

—  3  (b)  tab radis 
Impér.  sg.  2  (b)  tabair 


^^  AJf  SommerfcJt. 

Impér.  sg.  3  (b)  tabrad 
Impér.  \>l.2{h)tabraid 

—  3  (b)  tabrat 
Subj.  prés.  sg.  i  tiiccur 
Subj.  prêt.  sg.  2  (z)  doberta-sa 

—  3  (a)  doberad 

—  pi.  3  tucctais 
Fut.  prés.  sg.  I  (a)  dobèr 

—  3  (a)  dobèra 
Fut.  prêt.  sg.  I  (a)  dobèrainn 

—  3  (^)  dobèradh 
pl-   I  (a)  dobèr  mais 

—  pi.  3  (â)dobêrtais 

(b)  tibratais 
Prêt.  sg.  3  (a)  dobert 

—  (a)  dorât 

—  (b)  dard,  tarât 

—  tue 
Prêt.  pi.  I  (a)  dabertsum 

—  I  (a)  doratsiim 

—  3  (a)  dobertsat 

—  (a)  doratsat 

—  (b)  tartsat 

—  tticsat 
Prés.  pass.  sg.  (a)  doberar 

—  pi.  (â)dobertar 

Imparf.  pass.  sg.  (a)  doberiJm,  doberta 
Impér.  pass.  sg.  tabiirthûr 
Subj.  prêt.  pass.  sg.  (b)  tabairti 
Fut.  prés.  pass.  sg.  (a)  dobertar 
Fut.  prêt.  pass.  sg.  (a)  doberta 

—  (b)  Hbirthi 
Prêt.    pass.  sg.   (a)  doberthea 

(a)  doratad 

—  (b)  tardadh 

tucadh 

—  pi.   (a.)  dobrethea 

—  (a)  dobertha 

—  (a)  doratta 


Le  Système  Verbal  dans  In  Calh  Cathania. 

5  195-  atberim 

Prés.  sg.  I  (a)  atberim 
Prés.  pi.  2  (b)  aburthi,  abraid 

—  3  (a)  atberat,  aderaid 
Imparf.  sg.  3  (a)  atbered 
Imparf.  pi.  3  (a)  atberlis 
Impér.  sg.  2  (b)  abair 
Subj.prés.  sg.  i  (b)/rt  n-abra-sa 

—         2  (b)  dia  n-apra 
Fut.  prés.  sg.  2  (a)  atbcra 
Fut.  prêt.  sg.  3  (a)  atbërad 
Prêt.  sg.  3  (a)  asbert,  isbert 

—  (a)  atbert,  itbert 

—  (b)  co  n-ebert,  co  n-ebairl 

—  (b)  co  ndehhairt 
Prêt.  pi.  I  (a)  atrubartmar 

—  (a)  adiibhramar 
3  (a)  asbertsat 

—  (a)  atbertsat 

Prés.  pass.  sg.  (a)  atberar,  iderar 
Fut.  prêt.  pass.  sg.  (a)  atb'ertha 
Prêt.  pass.  sg.  (a)  atbertha,  asbreth 

§  196.  atcim 

Prés  sg.  I  (a)  atcim 

—  2  (h)faici 

—  3  (a)  atci 

—  (b)  faicenn 
Prés.  pi.  2  (a)  atcithi 

—  (h)faictbi 

—  3  (a)  ifciat 

—  (h)faicet 

Fut.  prés.  sg.  3  (a)  atchifi 
Fut.  prêt.  sg.  3  (a)  atcifed 
Prêt.  sg.  I  (a)  atconnarc 

—  3  (a)  atcondairc 

—  (a)  atcomiaic 

—  (W)  faca 

Prêt.  pi.  i  (^z)  ataconucammar 


28  Jlf  Soninierjelt. 

Prêt.  pi.  3  (a)  atconncatar 

—  (b)  confacatdr 
Prés.  pass.  sg.  (a)  atcither 

—  pi.  (a)atdter 
Imparf.  pass.  sg.  (a)  atcite 

—  (b)  faicthe 

—  pi.  (a)  atcitis  ' 
Prêt.   pass.  sg.  (a)  atces,  atceas 

—  (a)  atconcas 

—  (h)faccas,  facthus 
Prêt.  pass.  pi.  3  (a)  atcesa 

§  197.  dognîm 

Prés.  sg.  3  (a)  dogni 
Près.  pi.  3  (a)  dogniat 
Imparf.  sg.  3  (a)  dognith 

—  (a)  dogniedb,  donidh 
Imparf.  pi.  3  (a)  dognitis 

—         (b)  co  ndentais 
Impér.  sg.  2  (b)  dena 
Impêr.  pi.  2  (b)  denaidh 
Subj.  prés.  sg.  2  (\))derna 

—  3  (b)  derna 

—  pi.  2  (b)  derntai 

—  3  (b)  dernat 
Subj.  prêt.  sg.  3  (a)  donmdh 

— •  (b)  dernad 

—  pi.  2  (a)  dognethe 

—  (b)  cenco  nderntai 

—  3  (b)  co  ndernadis 
Fut.  prés.  sg.  I  (h)dingén-sû 

—  pi.  I  (a)  dogénum-ve 

—  (b)  dinginum-ne 

—  (b)  dingnim-nt,  dingniutn-ne 

—  2  (b)  a  ndingentai 
Fut.  prêt.  sg.  I  (a.)  dogenainn-si 

—  3  (a)  dogênadh 

—  (b)  dingnedh,  dingenad 

—  pi.  I  (b)  ina  ndingenmais 


Lf  Système  Verbal  dans  lu  Calh   Caiharda.  29 

Fut.  prêt.  pi.  (h)  co  ndingnimis 

—  3  (a)  dogeritais,  dodeniais 

—  (b)  co  iidingéntais 
Prêt.  sg.  3  (a)  dorighiie,  daroighni 

—  (a)  doriue,  âorinne 

—  (b)  dernai,  dénia 

—  (b)  demi,  dernae 
Prêt.  pi.  2  Ça)  doronsaidh 

—  (b)  /  ndernsaidh 

—  3  (a)  doronsat,  daronsat 

—  (a)  dorigniset 

—  (b)  dernsat 
Prés.  pass.  sg.  (a)  dognither 

—  pi.  (a)  dogniter 

Imparf.  pass.  sg.  (a)  dognithe,  dognithi 

—  (b)  î  ndenta 

—  pi.  (a)  dognitis 
Impér.  pass.  sg.  (b)  dentar 
Subj.  prés.  pass.  sg.  {a.ydognether 

—  —      (b)  conderntur 
Subj.  prêt.  pass.  sg.  (b)  dernta 
Fut.  prés.  pass.  sg.  (a)  /  nd  in  g  in  ter 

—  pi.  (b)  /  ndingentar 
Fut.  prêt.  pass.  sg.  (a)  dogenta 

—  (h^  a  ndenta 

—  (b)  /  ndingénta 
Prêt.  pass.  sg.  (a)  dognith 

—  (a)  dorighnedh 

—  (a)  doronadh 

—  (b)  dernadh 

—  pi.  Ça)  doronta,  daronta 

—  (b)  dénia,  dernta 
Prêt.  pass.  pi.  (a)  daroignit,  doronait 
§  198.  teigim 
Prés.  sg.  I  teigim 

—  3  teit 

Prés.  pi.    I  (a)  tiaghmaid 

—  3  tiagait 


30  Alf  Sommer feii. 

Imparf.  sg.  3  no  tegbed,  iéighedh 

—  pi.  3  teigtis 
Impér.  sg.  2  érigh 
Impér.  pi.  leirgid 

Subj.  prés.  sg.  3  co  ndeach  (v.  1.  dig) 
Subj.  prêt.  sg.  3  dothisadh 
(     —  pi.  3  na  renttiastais) 

Fut.  prés.  sg.  r  (a)  rachad 

—  (b)  ;//  rag-sa 

—  3  (b)  "'  ragha 

—  rel.  rachus 
Fut.  prés.  pi.  I  (b)  raghavi 

—  3  r  agi  ait 
Fut.  prêt.  sg.  3  no  rachadh 

—  pi.  3  no  raghdais 
Prêt.  sg.  3  (a)  docoidh,  docnaidh 

—  (a)  rocoidh,  rocoidh 

—  (b)  co  ndeachaidh 

Prêt.  pi.  3  (a)  docuadar,  dochuadar 

—  (a)  rocotar,  rocuatar 

—  (b)  co  ndeachdar 

—  (b)  ina  ndeachatar 
Prés.  pass.  sg.  tiagair 

—  haghar 

Fut.  prés.  pass.  sg.  ragar,  ragthar 
Prêt.  pass.  sg.  ro  cûadJms 

§  199.  dotaet 

Prés.  sg.  3  (a)  dotaet 
Prés.  pi.  3  (a)  dotaegat 
(Impér.  sg.  2  (b)  tair) 
Impér.    pi.  2  (b)  taid  (tael) 
Fut.  prés.  sg.  2  (a)  dorctgha-sa 

—  3  (a)  doroga 

—  3  (b)  targa 

—  pi.  3  (a)  airagat  (ai-  =  do-) 
Fut.  prêt.  sg.  3  {1)  doraghad,  dorachad 

—  (a)  dodicsedh  {nodiccsedh) 
Prêt.  sg.  2  (a)  dodeachdais 


Le  Système  Verbal  dans  In  Cath  Catharda.  51 

Prêt.  sg.  3  (a)  dodechaid}] 

—  (a)  dodeachaidh 
Prêt.   pi.  3  (a)  dùdeachatar 

—  (a)  dodechalar 

—  (a)  dodheochatar 

§  200.  rosoich 

Prés.  sg.  3  (a)  rosoich 
Prés.  pi.  3  (b)  roicheat.  reichef 

—  3  roicit 

Imparf.  sg.  3  (a)  rosoichedh 

—  (a)  no  soichedh 

—  (b)  roichedh 
Imparf.  pi.  3  (a)  rosoichtis 

—  (b)  roichtis 
Subj.  prêt.  sg.  3  (a)  msoisedh 

—  (a)  no  sossadh 
Subj.  prêt.  sg.    3  (b)  roisedh 

—  pi.   3  (a)  rosoistis 

—  3  (y)  ^'oistis 
Fut.  prés.  sg.  3  (a)  rosia,  rose 

—  (b)  ria 

—  pi.  3  (b)  roisef 
Fut.  prêt.  sg.  3  (a)  rosoisedh 

—  (b)  roisedh 
Prêt.  sg.  3  (a)  rosiacht 
Prêt.  pi.  3  (b)  riachîatar 
Pass.  prés.  sg.  rosoichter 

§  201.  doroich 

Prés.  sg.  3  (a)  doroich 

—  (b)  ni  -thoraig 
Imparf.  sg.  3  (a)  doroichedh 
Subj.  prêt.  sg.  3  (a)  doroisedh 
Fut.  prêt.  sg.  3  (a)  doroisedh 
Prêt.  sg.  3  (a)  dorochl 

Prêt.  sg.  3  (a)  duriiacht 

—  (a)  doriacht 

—  (b)  toracht 
Prêt.  pi.  3  (a)  dorochtatar 


32  Alf  Sommer felt. 

Prêt.  pi.  3  (a)  darochtatar 

—  (a)  doruachtadur 

§  202.  adfet 

Prés.  sg.  3  adfet 
Prés.  pi.  3  adfiadhamar 
Prés.  pass.  sg.  adfiadnr 

§  203 .  //V//;/ 

Prés.  sg.  3  (a)  dos- fie 

—  '  (b)  tic 
Prés.  pi.  3  (b)  leccatl 
Imparf.  sg.  3  (b)  ticedh,  ticeadh 

—  (b)  ticidh 
Impér.  sg.  3  (b)  ticedh 
Subj.  prés.  sg.  3  (b)  // 

—  pi.  2  (b)  listai 

—  (b)  tisaidh-si 

—  3  (t>)  teccat 
Subj.  prêt.  sg.  3  (h)tisedb,  tisadb 
Fut.  prés.  sg.  3  (a)  dofor-fiefa 

—  (b)  ticfa 
Fut.  prés.  pi.  2  (b)  //Vaid/; 
Fut.  prêt.   sg.  3  (a)  dos-ficfad 

—  3  (b)  //r/^^ 

—  (b)  //j(//;^,  tisdha 

—  pi.   I  (b)  ticfamais 

—  (b)  do  ticfamais 
Prêt.  sg.  I  (b)  tanac,  tanac-sa 

—  2  (b)  tangais,  tançais 

—  (b)  tanacais 

—  3  (a)  do-fainic,  dos-jainic 

—  (a)  dus-fainie 

—  (b)  tainic,  tanic 
Prêt.  pi.  I  (b)  tancainmair-ne 

—  3  (b)  tancadar 

—  (b)  tancadur 

—  (b) tangadur 

Prêt.  pass.  sg.  (b)  tangas,  tancus 
§  204.  ricim 


Le  Système  Verbal  dans  In  Cath  Calharda.  33 

Prés.  sg.  I  riccim-si 

—  3  rie 
Prés.  pi.  2  riccthi 
Imparf.  sg.  3  riccedh 
Imparf.  pi.  3  no  rictis 
Sub).  prés.  pi.  3  reccat 

— T-  cor-risat 

Subj.  prêt.  pi.  3  m//^,  ristais 
Prêt.  sg.  I  ranac-sa 

—  3  ra«/V,  ;'a/«/f 
Prêt.  pi.  I  cotramiimmar 

—  3  rancadar 

—  rancudar 

—  rangadur 
Prêt.  pass.  sg.  rancus 

§  205.  con-ic 

Prés.  sg.  2  (a)  coîn-ici,  cotn-ic 

—  (b)  cumgi 

Imparf.  sg.  3  (b)  ciiimgedh,  cumcedh 

—         (b)  ciiimgeadh,  cumgadh 
Imparf.  pi.  3  (b)  cuimgidis 
Subj.  prêt.  sg.  3  (b)  no  coenisadh 
Fut.  prés.  pi.   2  (a)  cotn-ic  fait  i 

—  3  (a)  cotn-icfat 
Fut.  prêt.  sg.   3  (a)  cotn-icfad 

—  pl-  3  (b)  caeinhsitis 

—  (b)  caemsatais 

—  (b)  caentsaitis 
Prêt.  sg.  3  (b)  nar  cumaing 
Prêt.  pl.  3  (b)  ro  cumciset 

—  (b)  ro  cuimgidset 

—  (b)  nir  cnmcctar 
Prêt.  pass.  sg.  (b)  ro  cuiingedh 

—  (b)  rociiimgead,  cumhgadh 
§  206.  do-eccaim 

Prés,  sg.  3  (a)  dos-fecaim 

—  (a)  do-écaim,  do-eccaim 

—  (b)  tecaim,  teccaim 

Revue  Celtique.   XXXVllI.  î 


34  ^If  Sommer jelt. 

Prcs.  sg.  3  rel.  tecimis 

Imparf.  sg.  3  (b)  tecmadh,  do  tecmadh 

—  (b)  110  tecmadh 
Imparf.  pi.  3  (h)  tecmaitis 

—  (b)  tecmhaitis 

Subj.  prét.sg.  3  (b)  tecmadh,  teacniadh 

—  (b)  tegmad,  no  tecmadh 
Prêt.  sg.  3  (a)  do-eccaim 

—  (a)  dos-feccaim-si 

§  207.  do-tuit 

Imparf.  pi.  3  (b)  no  ihuitidis 

—  (b)  do  ihuitidis 
Impér.   sg.  2  (b)  toit 

Subj.  prêt.  sg.  3  (b)  co  taethsad 
Fut.  prés.  sg.  I  (a)  do-faethiis 

—  3  (a)  do-faeth 

—  pi.  3  t  ait  fit 
Fut.  prêt,  sg,   3  (a)  do-faetsad 

■  —  (b)  no  taetsadh 

—  co  tuitfedh 

—  pi.  3  (b)  110  taethsaidis 
Prêt.  sg.  3  (a)  dorochair 

—  (a)  atrochair,  atrocair 

—  (b)  torcair,  drocair 
Prêt.  pi.   3  (a)  dorochradar 

—  (a)  atrochratar,  atrocartar 

—  (a)  atorcradar 

—  (a)  itrochradar 

—  (b)  torcratar 

—  (b)  drochradar 

—  ro  tuitset,  ihuitset 

—  ro  tuitseat 

§  208.  fetar 

Imparf.  pi.  3  ni  finntais 
Subj.  prés.  pi.  3  co  fcsarat 
Subj.  prêt.  sg.  2  da  festa-su 

—  pi.  3  co /estais 

—  3  no  fias  tais 


Le  Système  Verbal  dans  In  Calh  Catharda.  ^5 

Prêt.  sg.  I  ro-fetar,  ni  fedar 

—  2  in  fetair 

—  2  do  fetaraisi 

—  3  ro-fitir,  ni  fitir 
Prêt.  pi.  2  rofctabhair,  fetebhair 

—  3  conna  fededar,  ni  fedadar 

—  3  ni  fedadur,  ni  fetafar 
Prés.  pass.  sg.  finntar 

Subj.  prêt.  pass.  no  fiasta 


CHAPITRE  X 

DATE  DU  TEXTE 

§  209.  —  Le  x'^  siècle  est  la  période  de  transition  entre  le 
vieil-irlandais  et  le  moyen-irlandais.  La  langue  présente  aux 
environs  de  l'année  1000  la  plupart  des  traits  distinctits  du 
moyen-irlandais  :  -//:'  au  datif  pluriel  de  l'article  est  tombé  (le 
premier  exemple  dans  les  «  Annals  of  Ulster  »  est  de  917)  ; 
Vn  du  neutre  disparaît  en  dehors  de  formes  figées  comme  là 
n-ann,  fecht  n-aill,  etc.  ;  les  formes  prototoniques  des  verbes 
composés  se  généralisent  et  adoptent  en  position  absolue  les 
anciennes  désinences  absolues  ;  les  formes  en  ro  du  prétérit 
perdent  le  sens  parfait  ;  le  système  compliqué  des  pronoms 
infixes  est  abandonné,  etc. 

§  210.  — Notre  texte  possède  toutes  ces  marques  caracté- 
ristiques et  appartient  sans  aucun  doute  à  la  période  du 
moyen-irlandais.  Si  l'on  veut  essayer  de  préciser  davantage 
la  date  de  sa  rédaction,  il  sera  utile  d'examiner  sa  place  par 
rapport  aux  trois  textes  principaux  du  moyen-irlandais  dont 
la  date  a  été  fixée  au  moins  avec  une  certitude  approxima- 
tive «  Saltair  na  Rann'  »,  «  Passions  and  Homilies-  »,  et 
«  Acallam  na  Senôrach  '  »,  et  en  même  temps  de  le  rapprocher 
des  Annales  d"Ulster  dans  lesquelles  on  peut  suivre  les  étapes 

1.  W.  Stokes,  Anecdota  Oxoniensia,  Mediaei-al,lll  ;  cf .  Strachan,  Procee- 
dings,  1895-98. 

2.  Atkinson,  Todd  Lecture  Séries,  I. 

3.  Éd.  Stokes,  Irische  Texte,  IV. 


36  Alf  Sommer jdt. 

successives  de  révolution  Je  la  langue  à  travers  les  siècles  '. 
Les  matériaux  que  nous  fournissent  ces  annales  sont  cepen- 
dant, en  particulier  pour  ce  qui  touche  le  système  verbal^  assez 
clairsemés. 

§  211.  —  Un  examen  même  superficiel  de  «  Saltair  na 
Rann  »,  écrit  en  987,  prouve  à  toute  évidence  que  notre  texte 
présente  un  état  de  langue  plus  récent.  Dans  SR  : 

i^se  trouve  conservé  un  nombre  très  grand  des  anciennes 
formes  du  pronom  infixe  ; 

2°  le  pronom  «  indépendant  »  ne  se  rencontre  pas  -  ; 

3°  la  différence  entre  les  formes  deutérotoniques  et  les 
formes  prototoniques  s'est  conservée  dans  une  plus  large 
mesure  ; 

4°  se  trouve  un  beaucoup  plus  grand  nombre  d'anciennes 
formations  sigmatiques  du  subjonctif  et  du  futur,  de  prétérits 
en  /  et  de  futurs  redoublés  ; 

5°  les  formes  en^du  futur  n'ont  pas  eu  d'extension  consi- 
dérable par  rapport  au  vieil-irlandais  ; 

6"  -atar  ne  se  trouve  pas  introduit  par  analogie  à  la  j""  per- 
sonne du  pluriel  du  prétérit  sigmatique  ; 

7°  -it  à  la  y  personne  du  pluriel  du  prétérit  passif  ne  se 
rencontre  pas  ; 

8°  se  trouvent  quelques  exemples  de  la  flexion  déponente, 
tandis  que  cette  formation  doit  être  considérée  comme  morte 
dans  notre  texte. 

9°  Les  formes  de  la  copule  et  du  verbe  substantif  indiquent 
une  date  antérieure  à  celle  de  notre  texte. 

§  212.  —  Si  l'on  compare  d'un  autre  côté  notre  texte  avec 
«  Acallam  na  Senôrach  »  —  rédigé  probablement  vers  le  milieu 
du  XII''  siècle  '  —  on  peut  affirmer  avec  certitude  qu'il  est 
plus  ancien  que  ce  dernier.  Dans  Ac  : 


1.  Cf.  Tomâs  O  Maille,  77;g  Langun<ye  of  the  Annals  of  Uhter,  19 10. 

2.  Strachan,  hr.,  I,  p.  76. 

3.  Cf.  Tomâs  O  Maille,  Er.,  VI,  p.  i.  [Depuis  que  ces  lignes  ont  été 
écrites,  il  m'est  venu  des  doutes  sur  la  date  que  propose  M.  O'Mdille.  Le 
texte  de  VAcaUavi  na  Senôrach  pourrait  bien  être  plus  jeune  qu'il  ne  l'in- 
dique; auquel  cas  la  date  que  je  propose  moi-même  plus  loin  pour  notre 
texte  devrait  être  modifiée  en  conséquence.  Note  de  correction. \ 


Le  Svstcnie  Verbal  dans  lu  Cal  h  Cal  ha  nia.  57 

1°  la  désinence  -ib  du  datif  pluriel  de  l'adjectif  attribut  est 
tombée,  tandis  qu'elle  a  été  conservée  en  grande  partie  dans 
notre  texte  (cf.  ci-dessous).  Cette  chute  commence  dès  le  xi^ 
siècle,  cf.  d'airnih  dnhcorcra,  Annals  ot  Ulster  1030  ;  ossaib 
alla  LU.  16  a  5  ;  na  maccaib  aile  LU.  52e  f,  ri  maccaib  calma 
dans  un  poème  de  Gilla  Coemâin  mort  en   1072,  LL.  128  a 

49; 

2°  les  exemples  des  anciennes  accentuations  deutérotoniques 

des  formes  verbales  sont  moins  nombreux  et 

3°  de  même  les  exemples  des  anciennes  formations  du  pré- 
térit fort; 

4*"  la  désinence  analogique  -atar  de  la  y  personne  du  plu- 
riel du  prétérit  sigmatique  est  beaucoup  plus  fréquente  que 
dans  CCath.  De  -sat  il  va  170  exemples  en  regard  de  151 
exemples  de  -alar,  tandis  que  la  proportion  est  de  10  à  i  dans 
CCath.  ; 

5°  se  trouvent  au  pluriel  du  prétérit  passif  11  exemples 
de  la  formation  -it  à  côté  de  quelques  exemples  de  l'ancien 
-tha;  toutefois  le  -ad  du  singulier  sert  le  plus  fréquemment 
comme  désinence  du  pluriel  ; 

6°  do  a  dans  une  mesure  beaucoup  plus  grande  remplacé 
les  autres  particules  verbales. 

7°  La  copule  et  le  verbe  substantif  présentent  plusieurs 
formes  plus  récentes. 

§  213.  —  Notre  texte  ne  peut  donc  pas  avoir  été  composé 
avant  l'année  1000  ni  pas  plus  tard  que  le  milieu  du  xii^  siècle. 
A  l'aide  des  «  Passions  and  Homilies  »  nous  arriverons  à  serrer 
la  date  de  plus  près.  Ces  textes  peuvent  être  datés  avec  certi- 
tude de  la  fin  du  xi*^  siècle.  Outre  les  arguments  de  M.  O 
Maille,  Er.  VI,  p.  i,  en  faveur  de  cette  thèse  et  ceux  de 
M.  Dottin,  Manuel,  I,  p.  xiv  on  peut  signaler  encore  les 
formes  en  -it  du  pluriel  du  prétérit  passif  qui  semblent  s'être 
généralisées  dans  la  dernière  moitié  du  xi^  siècle.  «  Scéla  Lai 
Brâtha  »  et  «  Scéla  na  h-Esserge  »  —  textes  delà  première  moi- 
tié du  xi"  siècle  —  ne  présentent  pas  d'exemples  de  cette  forma- 
tion, ni  non  plus  les  poèmes  de  Dubhlitir  hua  Huathgaile  ', 

I.  LL.  141  b28,  BB.  7  b  13. 


38  Alf   SomnierfcU. 

mort  en  1082,  de  Gilla  Coemain  ',  mort  en  1072,  de  Fland 
Mainistreclî  %  mort  en  1056,  et  de  Cellach  hua  Ruanada  5^ 
mort  en  1079.  Le  genre  littéraire  de  ces  textes  nous  com- 
mande toutefois  de  la  circonspection  quand  il  s'agit  de  tirer 
des  conclusions  des  traits  linguistiques  qu'ils  présentent. 

§  214.  —  Si  l'on  rapproche  les  «  Passions  and  Homilies  » 
de  notre  texte,  on  remarque  dans  PH  : 

r°  la  fréquence  du  pronom  infixe,  ce  qui  suppose  une 
date  plus  ancienne  ; 

2°  la  proportion  entre  les  formes  avec  -ih  et  celles  sans  -//; 
au  datif  pluriel  de  l'adjectif  attribut,  qui  est  de  8  à  6  (84  ex. 
avec  -ib  sur  147),  tandis  qu'elle  est  de  7  à  8  dans  CCath. 
(sur  301  exemples  il  y  en  a  140  avec  -ih); 

3°  l'existence  de  formes  deutérotoniques  dans  des  exemples 
plus  nombreux  que  dans  notre  texte  ; 

4°  des  exemples  plus  nombreux  des  anciennes  formations 
du  prétérit  fort  :  erhaill,  arroét,  doroinailt,  -geoguin,  -Itil,  rir, 
-sclaig,  duaid,  etc.,  et 

5°  de  la  flexion  déponente  ; 

6°  la  proportion  entre  -sat  et  -atar,  qui  est  sensiblement  la 
même  dans  les  deux  textes  (sur  387  exemples  il  y  en  a  dans 
PH.  37  de  -atar^); 

7°  le  fait  qu'à  la  y  personne  du  pluriel  du  prétérit  passir 
le  -//  et  le  -iha  etc.  sont  répartis  d'une  manière  à  peu  près 
égale  (35  exemples  de  -it  à  côté  de  32  de  -thd),  tandis  que  la 
proportion  dans  notre  texte  est  de  éà  i  (179  exemples  de  -// 
à  côté  de  3  I  de  -tha^. 

8°  l'état  de  la  copule  et  du  verbe  substantif,  qui  semble 
indiquer  une  date  quelque  peu  antérieur. 

§  215.  —  Il  ressort  de  ces  remarques  que  CCath.  est  pos- 
térieur aux  «  Passions  and  Homilies  ».  Mais  l'écart  de  temps 


1.  LL  3  b  10,  BB.  20b  15,  LL.  16  b  47  ;  LL.  127  a  i,  BB.  45  b  28  ;  LL. 
129  b  47  ;  LL.  130  b  22,  cf.  ib.  395  a  17. 

2.  LL.  1139,  BB.  35  a  37,  LL.    16  a  8  ;  LL.  27  b  53. 
5.  LL.  38  a  19. 

4.  Cette  formation  paraît  avoir  commencé  vers  le  milieu  du  xf  siècle, 
cf.  Aimais  of  Ulsler  coro  brisidur  1041,  ternatur  1103 .  Les  poètes  précités 
ne  la  connaissent  pas. 


Le  Système  Verbal  dans  In  Cath  Catharda.  39 

entre  les  deux  textes  ne  doit  pas  être  très  grand,  en  particu- 
lier si  l'on  considère  que,  dans  la  langue  de  PH'.,  le  caractère 
religieux  de  l'œuvre  doit  être  regardé  comme  archaïque  à 
certains  points  de  vue.  Nous  sommes  donc  autorisés  à  placer 
la  date  de  la  composition  de  In  Cath  Catharda  aux  environs 
de  l'année  ]  100,  ou  au  début  du  xii''  siècle. 


APPENDICE 

Comme  il  n'est  pas  dans  mes  intentions  de  traiter  du  verbe 
être  (verbe  substantif  et  copule^  dans  notre  texte,  je  me  borne  à 
en  donner  la  liste  de  formes  qui  suit.  Cette  liste,  cependant, 
n'est  pas  complète,  en  tant  que  je  donne  seulement  un  choix 
d'exemples  des  différentes  formes,  et  ne  cite  pas  tous  les  pas- 
sages où  elles  se  présentent. 

« 

A.  —  VERBE  COPULE 

Présent  de  l'indicatif. 

Sg.  I.  ain  eolach  on  âin  288-I  ;  i}ilan  isain  coscrach  3789; 
-ar  asam  senoir  cena  5495  ;  masam  cintach  596. 

Sg.  2  indot  (indat  C)  loIac[h]  isin  tir-si  2883 . 

Sg.  3  is  leis  sen  ro  ciimdaiged  1 5  ;  w  é  ro  athrigh  29  ;  issi  in 
dictatoirecht  94;  is  iatso  na  sjvtba  1209  ;  ar  as  lor  3675  ;  iiair 
ni o\c\  ardrighaibh  tarrasair  46;  ar  ni  dot  aimles...  tiaghar  426; 
conidh  aire  sin  219  ;  conad  docra  7  conad  doidngi  803  ;  dianadh 
ainni  198  ;  -masaada  nô  niasadir  damsa  982;  masa  Çnias  F)  tre 
imaltiir  loii  ;  màs  é  airrdercngud  1670. 

PI.  I.  uair  isar  (S,  asar  F,  isat  H)  scitha  énirti  2562. 

PI.  3.  it  e  inso  825  ;  it  e  annso  anmanna  4465  ;  isat  urlamha 
655  ;  ni  dat  srotha  962  ;  condat  clanda  dam  1143  ;  condat  mail- 
hi  cummainena  toiton  4534  ;  tnairg  danad  (ainsi  S)  fçt  dûthaig 
in  feronn  so  501  ;  -niasat  fira  na  forcetla  -^813. 

Présent  du  subjonctif. 
Sg.  I,  madham  buidech-se  4210. 


40  Alf  Soin  mer fell. 

Sg.  3.  cidh  iat  dclba  650;  i^ih  e  dih  had  coscrach  1095  ;  .i,'// /'<{/' J 
failidh  ko  2717  ;  niinab  toi!  léo  a  huain  1785  ;  niadh  tiisa  bus 
treu"  1299. 

Prétérit  du  subjonctif. 

Sg.  3.  aniail  had  neach  ele  no  beith  j6j  ;  dâfis  in  budlj  (lus  in 
bad  S,  dus  an  bad  F)  ferr  1907;  conach  a  cosmaiJins  acbt  madh 
éochraun  darach  335  ;  ciamadh  uiaith  saich  dogniedh  79  ;  ciamad 
iindha  crann  342  ;  co  nûmdh  sinn  badh  cintachann  5069  ;  co  mbad 
commàni  Cait  1152  ;  damad  ail  lais  391  ;  dd  mad  atnhlaid  tis- 
aindsi  579. 

PI.  3.  acht  co  mbedis  cobhsaidhi  19 14  ;  da  iii\b^dais  (damdis  C) 
niinraingne  4064. 

Présent  du  futur. 

Sg.  r.  bidham  tigerha  4046. 

Sg.  3.  bidh  lâsair  tcnedh  651;  bid  lugaidi  a  dimnms-sum 
II 25;  bid  fiadhnaise  léo  uile  2710;  rel.  niadb  fusa  bus  tren 
1299;  inbaid  bas  toirseach  sibsi  2730;  intan  bas  adhlaic  dôibh 
606. 

PI.  3.  acht  for îr  chenabidat  nio  na  huile  988. 

Prétérit  du  futur. 

Sg.  3.  inds  budh  écin  dul  1622  ^  ;  uair  budh  air  bus  raen  da 
mbemne  1674  '■>  ^^  badh  amhra...  dûinn  dâ  fétmais  642  ;  nach 
budh  lucht  aensîdha  in  lucht  gusa  ngresfet  644  ;  cinnus  nobhiadh... 
ocus  cia  dona  airdrighaibh  forsiiibadh  ran  É  3895. 

Prétérit  de  l'indicatif. 

Sg.  3.  bd  dd  gradhji  ;  ba  derbh  deinihin  leis  394;  intan  ba 
heimilt  in  ri  fein  65  ;  isî  sin  ro  bo  banchéile  113  ;  ///  conair  ro  bo 


1.  Pour  ces  verbes  en  moyen-irlandais,  cf.  Tfh.  Ô'Mâille  :  Contributions 
to  ihe  Historyof  the  verbs  of  Existence  in  Irish;  Er.  VI,  p.  i. 

2.  Subjonctif?  Cf.  inds  do  licfâniais   1683. 


Le  Système  Verbal  dans  In  Cath  Catharda.  41 

menmarc  leo  na  Ronmiacha  do  thecht  189  ;  ro  bu  ainniesarda  a 
nert  ^8}î  ;  do  bo  cruaidh  7  do  bo  commrt  (ba...  y  ba...  S) 
2213  ;  ro  bo  éidigh  damsa  1700  ;  nibà  samail  304  ;  nar  bo  miadh 
leis  2']']  ;  nîr  bo  soreidh  dôson  162;  nir-bu  sirsani  1663;  nir 
comtig  diiitsiu  6^4;  ce/ b  olc  lâsin  senadh  541  ;  corbà  toit  dôibh 
253  ;  giir  bo  lan  747  ;  cor'  côru  doibhsium  1309;  conâr'bô 
\infe]adhma  332  ;  diar  bo  aimn  199  ;  fd  {ba  S)  talamciimscu- 
giid...  tainic  1 841  ;  /a  (Jba  S)  hé  corp  2240;  -ar  (jiirsa  S)  tua- 
lains  2206  ;  nirsa  timmiu  innasin  ant-  imairecc  2861. 

PL  3.  bdtar...  esrdinti  681  ;  araisin  batar  cinedha  203  ;  batar 
tra  cuissi  235  ;  -ar  roptar  imda  aghmura  5361  ;  narbiar  bang- 
lasa  dib  robtar  dubglasa  966  \ar  niptar  seitrigh  1 104  ;  air  giam- 
tar  lana  na  brondanda  bat  itadaig  na  braichti  2^'] <)  ;  ciimtar 
làna  na  longa  2789;  nirsat  luga  a  n-acaine  4455. 

B.  VERBE    d'existence 

Présent  de  Tindicatif. 

(i)  atà 

Sg.  I  atiïsa...ic  lainmilled  5127. 

Sg.  2.  cid  tai  dom  trengresacht  888. 

Sg.  3.  ata  seachraîi  mor  1009  ;  amail  atà  tigernus  495  ;  iutan 
atà  soiinp  nemfuirighthi  548  ;  uair  ataloib  i  fuiniud  1034  '■,don[a^ 
pupJaibh  inicclacb[a]  ata  comhfoicsi  dô  365  ;  cid  ni  dâ  ta  side  dano 
2992  ;  ô  ta  ceiin  dictatoirechta  1508  ;  ô  ta  in  fail  290. 

PI.  I.  caidc  aimn  na  tnlca-sa  i  tam  irnmorro  2887. 

PI.  3.  atat  adbuir  S  557  ;  atàit  benda  sleibhe  (bit  S)  121 5  ; 
atait popailirudha  3836  ;  atât  cathracha  imdha  ^Sij ;  forsatat insi 
Eichnidb  3829;  airin  i  tât  na  Parci  4222  ;  inni  ara  tait  (Jor  a 
tat  S)  inggabhail  1701. 

Pass.  atathar  i[c]  coiiiallad  faistini  91e  ;  atàthnr  ac  cur  long 
1461  ;  atathar  icc  denam  inor^niinh{a]  4819. 

(2) fil.  ^ 

Sg.  3.  fil  gué  n-aill  1026  ;  fil  do  met  1142;  cid  fil  ami  tra 
765  ;  an  fil  senchus...  let  2885  ;  ni  fil  rind  1033  ;  ara  fiiil  (fil 
S)  smacht  1355  ;  co  fil  remfis  4063. 

PI.  I.  isin  céini  i  fnilîin  2558. 


42  ^If  Sommer jeli. 

PI.  T,.  0  na  tjcrcrnailhaibh  diitmsachaih  filet  fuirri  614  ;  acht 
na  slega  filet  ^6j6;cio  na  jîlet  ar  t  ai  scella -ni  loio  ;  ica  filet  na 
renna-sa  1039  ;  vocofileat  ic  tainnisc  1270;  cidh  ni  dia  filet  na 
hanmanna  2890  ;  ô  na  tigcrnaighih  dinmsacha  domfnilet  fuirri 
427. 

Présent  d'habitude. 

Sg.  I.  cid  da  mhûi-sa  ac  à  acaine  592;  cid  da  mhiu-sà  'ga 
cleith  1046  ;  cidh  da  mhiu-sa  im  aenar  4577. 

Sg.  3.  bidh  cocadh  ann  504;  i  tnbi  nathir  dibh  3085  ;  rel.  bis 
fora  erball  439  ;  amail  bis  ealladha  518  ;  acht  anmanda  fe[o]chra 
altaidi  bis  (bit  V)for  cennsacht  2452. 

PL  3.  amail  bit  cnraidh  2499  ;  droug  ele  da  mbid  isinn  imbad- 
hiidh  S  2168  ;  /;/  bethn  i  nibit  2729  ;  ni  bid  acco  conair  3173  ; 
-rel.  7  na  tri  Par  ci  ifernaidc  bite  icc  sniui  saeguil  4180. 

Imparfait. 

Sg.  3.  ba  brec  inn  aisneis  no  bid  for  imdechtaibh  Cesair  accô 
753  ;  ar  ni  bidh  tnodh  240  ;  nibîth  in  céim  sin  67  ;  co  nibidh  mis- 
cais...  la  cech  oenduine  252;  -isna  tirib  examlaib  i  mbid  4003. 

PI.  3.  intan  bitis  na  daine  ic  II.  3996  ;  co  mbitis  a  marcslôgh 
ic  imrum  1405  ;  fo  mbidis  na  sloigh  ic  gliadh  1749. 

Pass.  intan  no  bilhe  icc  losccud  3971. 

Impératif. 

Sg.  3.  bidh  gair  uair  dait-siu  on  4079;  na  bidh  ccist  iarthair 
in  domain  2559  ;  bidh  a  fis  occot  4043. 

Subjonctif  du  présent. 

Sg.  3.  ar  cia  beith  tinndeithnes  orumsa  1689;  co  nibé  for  ftir- 
tacht  fnalle frim  423  ;  co  nibe  bar  sairi...  agaibh  3071  ;  rel.  cidh 
sidh  bes  in  cech  inadh  504. 

PI.  I.  da  nibém  ..  ic  congnum  1124;  '^^^  nibemne  maille  fris 
1675. 


Le  Système  Verbal  dans  In  Caih  Catharda.  43 

Prétérit  du  subjonctif. 

Sg.  3.  ainaiJ  bad  ht...  nobeth  dûib^Sj  ;  dia  nibad  i  \ji]Aquair 
uscidi  nobethiind  1027  ;  atnail  no'beith  ica  guin  3850  ;  co  mbeth 
in  airdrighan...  n-inudh  3378  ;  cen  co  [in^beth  degslogh  ica  din 
341e  ;  ^/a  nibeith  neach  no  iarfaighead  992. 

PI.  3.  no  beilis  icfoghiasacht  1817;  co  mbeidis  a  premha  ar 
foglnasacht  fuithi  340;  ro  tircansat  doib  co  mbeitis  i  traiti  ic  air- 
leach  4804. 

Pass.  no  bethea  (betbeadb  S)  aca  dedhail  fria  sJôgh  395. 

Présent  du  futur. 

Sg.  I.  biùdsu  (hiattsu  C)  fcin  ic  scailed  5137. 

Sg.  3.  biaid  drong  mor  5514  ;  -ni  bia  Cesair  a  conitbriall 
1360  ;  ni  bia  for  cornus  fein  foraib  2697  5  ''^^  mbia  fein  ic  iniacal- 
laini  4128;  -rel.  cia  hernail  plâighi  bias  and  1023  ;  mor  mbliadan 
bia  s  in  Roi  m  anilaid  sin  1052;  aired  bes  cloch  for  cloch  657; 
intan  bés  imtiiaircnech  nandul  300. 

PL  I.  bernait  cen  deghail  1467. 

PI.  2.  airet heiti  a  n-aigthi  foraib  5162. 

Prétérit  du  futur. 

Sg.  3.  no  biadh  scur  for  in  cath  cal[b]arda  3754;  cinnus  no 
bhiadh  digleodh  in  catha  moir  3895  ;  ni  biadh  f ri t\])\bcrt  friu  iinnia 
denam  3457  ;ba  deniin  h'is  na  biadh  a  scarad  3373  ;  nach  biadh 
i  conirainn  5  64;  a'  ndnad  cumsanadh  on  coccad  dô  3239. 

Prétérit  de  Vindicatif. 

Sg.  I.   intan  ro  bas\a^  ac  iriall  4223. 

Sg.  2 .  ro  bàdhais...  ic  gnim  catha  553. 

Sg.  3.  bui  Cesair...  ic  traeihadh  202  ;  ba  hiaisle  j  ba  honô- 
raige  bi'ii  occo  95  ;  air  is  iat  biïi  for  firinni  13  10;  -ro  biïi  slôgh 
mor...  for  bruachaibh  186  ;  in  ben  ro  bi'ii  là  Marcus  Crasus  208; 
-ni  bhi'ti  nech  isin  céim  sin  210  ;  ni  bai  isin  bith  11 76  ;  -a  mbùi... 
ic  forbais  687  ;  -co  mbûi  ac  â  tairmesc  619  ;  dobido  airdi  a  aicnidh 


44  ^'iif  Soiiuncrfelt. 

{ro  boi  S)  278  ;  ///  /'/  (biii  S)  dîbh  ciniitdb  317  ;  a  mh'i  (iiibui  S) . . . 
ic  forbhais  690  ;  robî  {coirpûi  S)  inti  1302  ;  -ni  raihhe  fos  isin 
doinan  slinbh  121 5  ;  canna  roibi  skgh...foy  alcning  878  \mraibh 
{ni  bûi  S)...  cathair  1255. 

PI.  I.  ro  bàmar  isin  cciiii  2558. 

PL  3 .  na  sninia  batar  i cridhe  5  38  ;  0  ro  badar  na  sloigh  uili 7  a 
n-aisi fair  S  573  ;  <^('  mbatar  a  n-cnbaile  1 30  ;  </  vdmdar  and  1 1 32; 
/  mbàtar  fordus  303  ;  ^0  nà  rabhadar  rechîa...  occo  251  ;  co  rab- 
hadur  ar  fut  sléibhe  AlJjoin  {go  mbadar  S)  1402. 

Pass.  ro  bas  ic  Icnniain  543  ;  ro  bas  ic  à  tinôl  15  15  ;/;«!  truagh 
ira  ro  bas  isin  cobhlach  2144. 

ADDITION 

Variantes  en  ce  qui  concerne  les  verbes  qui  n'ont  pas  été 
donnés  par  Whitley  Stokes  ;  elles  sont  tirées  de  S  (Stowe, 
Div,  2). 

imariadais  S,  19 
ni  bi  S,  67 
na  rosgab  S,  73 
no  gniad  S,  79 
ro  orniset  S,  98 
asb^rtea  S,  108 
Ro  comroinnit  S,  115 
ro  faided  S,  132 
ro  tinnta  S,  146 
co  ro  geoguinsat  S,    163 
gur'  tardhodh  S,  173 
dofoeth  S,  18  r 
ni  bid  S,  210 
i  mine  hordaige  S,  212 

daronnisium  S,  216 
Asaid  S,  222 
Aslaigid  S,  223 
bad  S,  227 
ro  fas  S,  230 
gombui  S,  252 


U  Système  Verbal  dans  In  Calh  Catharda.  45 

i  géin  bias  S,  258 

i  filet  S,  302 

bad  S,  360 

no  betheadh  S,  395 

conna  raghadh  S,  396 

atconnarc-sum  S,  403 

beirthi  S,  414 

ni  dlegtar  S,  415 

ro  c;7<agad  7  rocaitig  S,  418 

co  nthen  S,  421 

co  tuiced  S,  491 

ro  bigsat  S,  498 

ros-lin  S,  499 

zmail  bid  S,  518 

sailmit  S,  547 

roichisiu  cuigi  S.  549 

na  bia  S,  564 

ni  fogabar  S,  594 

bas  S,  599 

gellfait  S,  603 

dobt'rtar  S,  607 

gusa  torraighe  S,  646 

na  bat  S,  643 

na  bat  S,  644 

fO?margaibh-sium  do  CesairS,  ééo 

daroctadar  S,  679 

bad  S,  727 

Inian  batar  S,  1194 

ITe  inso  ïminorro,  1209 

atcitt'/-  S,  12 14 

go  mbi  S,  1239 

ni  bûi  S,  12)) 

bad  S,  1256 

ro  tencastar  S,  1260 

ni  cuinneag-sa  S,  1299 

na  farcaib  S,  1322 

atain  cathair  S,  1335 

congabat  S,  1337 


4^  Alf  Sommerjelt. 

tobairS,  1349 

tilS,  1355 

tinoil  S,  1358 

ar  faidit  S,  1365 

i  mbadar  S,  1377 

g//;-  ascnadar  S,  1445 

conàobcn  S,  1455 

bemit  S,  1467 

nac  tiberte  S,  1496 

i  ndernai  S,   1499 

doratta  S,  15 19 

tarrastar  S,  1532 

orda  bis  isin  tsruth  icein  S,  15  61 

itait-sen  S,  1584 

na  faicit  S,  1584 

ni  bui  S,  1614 

no  mardais  S,  1644 

fora  tat  S,  1701 

nirsa  S,   1707,  1708 

ro  duinit  S,  17 12 

nirsa  lor  S,  1765 

ro  tegoisc  S,  1802 

i  mbùi  S,  18 10 

no  laethe  S,  1855 

no  toitidis  S,  1871 

scithaighter  S,  1890 

ni  derna  S,   19 10 

comtis  S,  19 14 

g7/ro  cuirit  S,  1958 

ro  foilgedh  S,  198 

ro  stiurn  S,  2037 

co  «d^rnai  S,  2056 

Sinis  S,  2057 

ro  caidh  S,  2097 

ticed  S,  2146 

bid  araile  S,  215 1 

no  facbad  S,  2163 

no  bfcvad  S,  2164 


Le  Système  Verbal  dans  In  Cath  Catharda.  47 

da  mbid  S,  2168 
sochtais  S,  2180 
giiro  dibra/gur  S,  2184 
O'tconnairc  S,  2198 
ni  dfrna  S,  2201 
dosbert  S,  2209 
ba  S, 2213 

romaeltamnaig  S,  2219 
Darochtadar  S,  2278 
nir'  cuimgiset  S,  2313 
ro  leced  S,  2383 
scibid  S,  2492 
gur'  islige  S,  2493 
retidis  S,  25 11 
no  ibdais  S,  2533 
no  gabtais  S,  2540 
ro  laesat  S,  2547 

(Dublin,  janvier  1915.) 

(^A  suivre.^  Alf  Sommeri-elt. 


NOTES 

ÉTYMOLOGIQUES    ET    LEXICOGRAPHIQUES 

(Suite) 


98.  Irl.  ABAR  ;  gallois  abar. 

D'après  O'Donovan  (suppl.  à  O'Reilly),  ahar  en  Donegal 
a  le  sens  de  pièce  de  terre  marécageuse.  Dinneen,  outre  ce  sens, 
lui  donne  celui  plus  précis  d'argile,  ou  tourbe  pour  engrais,  et 
de  plus  au  sens  métaphorique,  celui  d'embarras,  difficulté. 

Silvan  Evans  attribue  au  gallois  abar  le  sens  de  carcasse, 
charogne,  chair  en  putréfaction  et  un  sens  adjectif  de  pourri. 

Aucun  des  exemples  qu'il  cite  n'est  absolument  concluant. 
Le  premier  est  tiré  d'un  poème  de  Llywarch  Hen  disant  de 
lui-même  (Skene,  Four  a.  B.  II,  261)  : 

wyf  annwar  abar,  luyf  hen  . 

«  je  ne  suis  qu'un  débris  (?)  désagréable,  je  suis  vieux.  » 
(Cf.  le  français  vieux  débris.)  Dans  le  second  {Myv.  arch., 
210.2)  il  est  dit  de  Llywelyn  ab  lorwerth  :  yn  ervid  yn  arvod 
abar. 

On  ne  sait  si  abar  se  rapporte  à  Llywelyn  ou  qualifie  ^rwJ. 

Le  troisième  paraît  plus  clair  (tiré  deGro.  Owain)  : 

Diardwy  abwy  abar  fyti 

«  tu  seras  une  charogne  désarticulée,  une  carcasse  ?  »  Ici,  abar 
peut  être  adjectif  (tu  seras  pourri),  comme  dans  cet  autre 
exemple  ÇMyv.  arch.  222.1)  où  abar  est  en  composition 
avec  beddau:  abar  feddau  les  tombes  pourries  (où  on  pourrit  ?) 
Le  passage  le  plus  intéressant  au  sujet  d'abar  (il  a  échappé  à 
Silvan  Evans)  se  trouve  dans   un   poème  de  Dafydd  Benfras 


Noies  étymologiques  et  le.xicooraphiqucs.  49 

(xiii  s.,  M\v.  nrch.  222-1)  :  le  poète  parle  de  se  préparer  à 
la  mort  et  demande  à  souffrir  avant  la  fin  : 

Kyn  bwyf  abar  ambo  lluted 

«  avant  que  je  ne  sois  abar,  que  j'aie  fatigue  ».  Il  me  semble 
que  le  sens  d'abar  s'éclaircit  si  on  le  rapproche  d'un  vers  de 
Meilir  (M)'!',  airb.  142.1). 

Giueiiiiji  y  m  Reen  ri 
Kyn  bwyf  deierin 

«  je  travaillerai  pour  mon  chef  et  roi  avant  que  je  ne  sois 
devenu  terre  (sous  terre)  ».  Deierin  est  un  dérivé  connu  de 
daiar.  Aneurin  jeté  dans  un  cachot  l'appelle  ty  deierin,  maison 
de  terre,  souterraine . 

Abar  paraît  bien  signifier  pourriture,  peut-être  plus  préci- 
sément et  primitivement  terre  putride.  Dans  le  passage  précé- 
dent ce  sens  irait  fort  biem  Si  cette  h5^pothèse  est  justifiée,  les 
deux  mots  irl.  et  gallois  ont  une  origine  identique.  Mais  à 
quoi  rattacher  un  vieux  celtique  *abbaro  ?  Il  est  difficile  de  séparer 
abar  du  gallois  abwy,  abo  charogne.  Quant  à  l'irl.  abîach,  qui 
a  le  même  sens,  l'étymokîgie  qu'en  donne .  Macbain  (^ad- 
balâko-)  ne  serait  pas  fondée  dans  ce  cas. 

99.  Le  préfixe  AD-  en  gallois  :  eikniui. 

Le  préfixe  qui  est  ad-  en  irlandais  se  présente  en  gallois  sous 
la  forme  add-  devant  les  voyelles  :  add-oer  «  très  froid  » . 
Devant  p,  t,  c,  le  J s'assimile  et  produit  des  spirantes  sourdes: 
athaw  «  très  silencieux  »,  albref  «  demeure  »  ;  achas  «  odieux  » , 
corn.  ahas.  Devant  /^  d,  g,  le  d  s'assimile  :  aber  «  confluent  ", 
abcrth  «  sacrifice  »,  agaric  «  rude  »  .  Devant  r  il  y  a  assi- 
milation à  r  :  eirif  (  =  ad-rïtn-^  «  nombre  ».  Devant  m,  il  y  a 
eu  sans  doute  assimilation,  mais  on  trouve  aussi  add-:  add- 
fiv\n  «  doux  »,  formation  postérieure. 

Il  semble  que  d  devant  /  ait  le  même  sort  que  d  devant  /', 
le  groupe  -dr  évoluant  comme  -gr-.  Cette  évolution  explique- 
rait des  formes  énigmatiques,  comme  eilemvi:  acgwedy  eylenziy 
0  Wrgant  varyf  Twrch  dxeued  y  vuched  (M.  A.  493,  i)  «  et 
après  que  Gwrgant  \c\r\  Truch  eut  terminé  les  jours  de  sa" 
vie  » . 

Rn'tte  Celtique.  XXX  VIII.  4 


50  /.  Lolb. 

yd  eyhnnvey  ynteu  y  crculoudcr  (M.  A.  493,2)  «  Il  assou- 
vissait sa  cruauté  » . 

Le  gallois  é'/7m»,  image  ;  eilyw^  traits  (Mab.  L.  Rouge,  p.  70) 
peut  à  la  rigueur  s'accommoder  de  Vétymologie  eil-liin,eil-Irw  ; 
mais  il  ne  saurait  en  être  de  même  de  eilcnioi,  ni  non  plus  de 
eiliw,  eiliwed  ',  reproche;  d'autant  plus  qu'on  trouve  à  côté 
l'dliw  (^oti-Iiij-):  Heng  mss.  261  :  ?ia  chyvedliw  y  pechaïut 
hiunn  at  Invy,  ne  leur  reproche  pas  ce  péché.  Eilizu  supposerait 
ad-Iiij.  Jusqu'ici  en  faveur  d'un  traitement  de  -dl-  semblable 
à  celui  de  -gr-,  Pedersen  n'avait  pu  invoquer  que  l'irl.  sgâile 
à  côté  du  V.  bret.  esceileiin  gl.  cortina,  qui  n'est  pas  décisif.  A 
l'appui  on  peut  encore  faire  remarquer  qu'il  n'y  a  pas 
d'exemple  en  gallois  de  -//-  =  -dl-.  A  remarquer  que  ad-  avec 
son  double  sens  de  perjeclion  et  ^'addition  conviendrait  aussi 
bien  à  eilcHun  qu'à  cil  un. 

100.  V.  Irl.  adbol  ;  irl.  moy.  adbul,  adbal  ;  gall.  arfivl . 

Le  sens  de  l'irlandais  est  bien  établi  ;  iiidadbol  (Prise.  S.  Gall, 
Thés,  pal.,  II,  p.  220-217''  5)  §'•  '^'(ilde.  Le  sens  ordinaire  est 
puissant, grand,  vaste  (W'md,  JVôrty,  énorme,  iinincnse  (O'Keilly; 
Dinneen  à  adhhhal'). 

En  gallois,  Arvtil  Meliii  désigne  le  cheval  de  Pascen  (Z,. 
noir,  10,  6.  ap.  Skene,  F.  a.  B.  ji ,  10,  6).  Sa  grande  taille 
est  indiquée  dans  le    même  recueil  par  un  autre  vers  (p.  49, 

19):  • 

kin  ottei  eiry  hid  in  aritul  nielin 
nym  gunaei  artu  avirtul 

«  Quand  même  il  neigerait  jusqu'à  Arvwl,   cela  ne  me  ren- 
drait pas  très  sombre,  très  déprimé.  » 

Dans  le  Livre  d'Aneurin  (F.  a.  B.  II,  100,  8)  Bleidic  mab 
Eli  est  monté  sur  Arvwl  Cann  : 

ac  en  dyd  camaïun  camp  a  wneei 
yar  arvul  cann 

«  et  au  jour  du  combat   il  faisait  des  prouesses  (monté)  sur 

1.  Pour  cU\iuel,d.  L.  Tal.  (F.  a.  S.  149,  27);  L.  Aneurin  (ibid.  87). 

2.  L'irl.  liim  est  à  rapprocher  de  l'iij-  t't  ne  s;.urait  remonter  à  un  Jéjo. 


Notes  étymologiques  et  lexicographiqnes.  51 

Arvwl  Cann.  Le  sens  de  arfwl,  ardeur  est   dû  à  l'imagination 
d'Owen  Pugiie. 

Llwyd  donne  le  sens  d'arfzvll  à  l'épée  de  Tristan  {Arcb.  213). 
Je  ne  sais  d'où  il  a  pu  tirer  ce  sens.  En  tout  cas  les  deux 
mots  sont  différents.  L'irl.  comme  le  gallois  suppose  -bûJo- 
avec  un  préfixe  différent. 

ICI.  V.  irl.  -ÂER  '  ;  gall.  awyr  ;  corn.  awid. 

Les  formes  du  v,  irl.  aiev,  àtr,  gén.  aiêïr,  dat.  aîar  {l-sslnn- 
aiar),  rappellent  singulièrement  celles  de  l'irl.  moy.  a  bel,  aél, 
âini,  brise  ;  il  est  fort  probable  qu'il  y  a  eu  influence 
d'un  mot  sur  l'autre,  de  ahél,  aél,  aial  sur  âer,  aér.  Il  semble 
qu'en  brittonique  les  formes  empruntées  à  âèr  aient  dû  aussi 
subir  l'influence  d'un  mot  indigène.  Tout  d'abord,  le  gallois 
aiuyr  ne  peut  être  tiré  de  âèr,  gén.  âèris  qut  si  on  suppose  le 
mot  emprunté  au  nominatif  ou  si  on  suppose  la  quantité  de  ê 
du  nominatif  passée  au  cas  oblique. 

Il  faut  supposer  en  outre  que  âîvyr^  est  devenu  aiuyr,  ô 
devenant  à  par  suite  d'atonie.  Le  contact  avec  un  mot  britto- 
nique devient  indubitable  en  face  du  mot  du  voc.  corn,  apuit, 
aer  {t  =  d).  Le  mot  malheureusement  ne  se  retrouve  plus  en 
comique. 

Il  semble  qu'en  gallois  aiuyâ  ait  eu  ce  sens  à  en  juger  par 
un  exemple  chez  un  poète  du  xii'=-xiii'=  siècle,  Llywarch  ap 
Llywelyn,  plus  connu  sous  le  nom  de  Prydydd  y  Moch 
(Mvz'.  arch.  208-1).  Il  s'adresse  à  Rhys  Gryc  : 

Dy  arwyt  ech  awyt  uchod 
ys  argrat  ?  y  gad  y  ganvod 

«  ta  bannière  en  l'air  là-haut,  qu'il  est  effrayant  dans  le 
combat  de  l'apercevoir.  »  Le  sens  de  cch  ici  est  douteux  : 
cf.  ech-doe,  avant-hier,  ech-nos.  Awyâ  a  l'accent  sur  w. 
Auyd  suppose  un  vieux  celtique  aueido-  ;  son  sens  habituel 

1.  Irl.  moy.  aér  (K.  Meyer,  Coiitr.  suppl.  à  la  page  28). 

2.  wy  est  une  vraie  diphtongue  et  a  l'accent  sur  u-;  au  xiii^  s.  l'accent 
avance  sur  v  ;  mais  jusqu'au  xv^  l'ancienne  valeur  se  montre  :  chez  Ll.  Glvn 
Coth.  :  awyr  rime  avec  U7r,  petit-fils. 

3.  Sur  argrad,  cf.  J.  Loth,  Kemarques  el  add.  à  Silv.  Evans,  Arch.  f.  C.  L. 
I,  454- 


52  /.  Lot  h. 

est  souffle  arJcnt,  vchênieiit,  ei  aussi  ardeur,  iinpéliiosité.  Sa 
parenté  avec  aiu-el,  vent,  aiu-en,  inspiration,  est  évidente.  Il  ne 
saurait  être  question  d'un  emprunt  à  avldus,  qui  eût  donné 
eivyâ.  C'est  aivyâ  évidemment  qu'on  retrouve  sous  le  latin 
avide  de  Nennius,  Historia,  chap,  xlvi  :  Guortheiiiir  quatuor 
bella  contra  eos  avide  gessit. 

102.  Irl.  ag;  gallois  eilon. 

Le  mot  gall.  moy.  eilon  (et  eiliorî)  désigne  proprement  les 
daims  et  métaphoriquement  les  chevaux.  C'est  évidemment 
un  pluriel. 

eirymynyd  eiJion  ffraeth{L.  R.  241,  4)  «  neige  de  la  mon- 
tagne, les  daims  sont  bruyants  ». 

val  eilon  niynydd  y  sarff  hwn  y  sydd  (Ll.  Gl.  C,  p.  253) 
«  comme  les  daims  de  la  montagne  est  ce  serpent  »  (en  par- 
lant d'un  cheval). 

oian  a  parchellan  andaude  ir  eilon  {L.  N.  26,  27)  «  petit 
pourceau,  entends-tu  les  daims  ?  ». 

De  même,  on  trouve  ceiriu  «  cerfs  »  pour  «  chevaux  » 
ceiriu  iich  cain  ebran  (Cynddelw,  M .  A .  154,  2) 

eilon  =*agliones  est  un  dérivé  du  radical  conservé  dans  l'irl. 
ag  «  daim  ». 

103.  Irl.  aile,  aill;  gall.  eil;  y  neill  ;  corn.  nyll. 

Le  breton  eil  «  second  »  offre  une  épenthèse  qui  ne  se 
présente  que  dans  quelques  mots  terminés  par  une  spi- 
rante  douce  (blei~^,  bei~,  fei:^  et  encore  pour  quelques  mots 
n'y  a-t-il  pas  unanimité  dialectale  (par  ex.  pour  fe^,  à 
l'exception  de  teil  «  fumier  »,  dont  l'étymologie  n'est  pas 
sûre  ;  or  le  yod  final  ne  produit  pas  épenthèse  en  breton  : 
del  «  feuilles  »,  gall.  dail;  n  final  n'est  mouillé  que  lorsqu'il 
est  double:  dên  de  *dmiio-,  mais  dispign  «  dispendium  ».  On 
pourrait  donc  supposer  par  analogie  *all-io-  mais  le  gallois 
n'a  qu'une  /.  Il  doit  être  identifié  avec  l'irlandais  aile-  *alio-.  En 
breton,  une  forme  régulière  *el  a  été  évincée  par  une  forme 
apparentée  qu'on  retrouve  clairement  dans  le  gallois)'  neill, 
corn,  an  nyll,  annyl,  l'un  des  deux,  py  nyl,  na  «3'/ (écrit  aussi 
nyl).  Comme  sens  et  origine,  le  comique  est  identique   au 


Notes  élyiiiulo^iqiu's  et  lexicographiques .  53 

gallois:  y  neill.  Dans  les  deux  cas,  il  faut  supposer  l'article  on 
(v;/,  aii)  et  eill.  Quant  au  gallois  Hall,  il  peut  être  pour  al-all 
ou  pour  n-all  par  dissimilation.  C'est  évidemment  une  forme 
hystérogène.  Le  comique  y  répond  par  3/  gek  et  pour  le  fémi- 
nin spécialement  par  y  ben,  comme  le  breton.  Le  double  // 
rappelle  l'irlandais  neutre  aill,  avec  une  dérivation  différente. 
Comme  il  y  a  idée  de  comparaison,  on  peut  supposer  une 
forme  comparative  *aU-iûs  {aln-ids). 

104.  Irl.  moy.,  àin,  pousser;  célébrer  (cf.  aige,  célébra- 
tion). 

Legall.  moy.  Kyvaenad  <.i  réunion  »  son  de*cotn-agnatu. 
En  voici  des  exemples  : 

Kyvaenad  Keliiit  Kynelvo  Dovit  (L.  N.  7,  11,  12)  «  réunion 
habile,  profit  venant  de  Dieu  ». 

Arthur  vendigat  \angerd  gyfaenat  (L.  T.  156,5) 

Kwyn  Kyrt  Kyvaenad  na  ivater  (M.  A.  169,2)  «  que  l'on  ne 
refuse  pas  une  réunion  de  poèmes  de  deuil  ». 

Il  faut  comparer  irl.  âinde  *agm-.  Le  sens  de  «  célébration  » 
pour  l'irlandais  aige  (K.  Meyer,  Contrib.,  p.  36)  a  pu  venir 
d'un  composé  disparu  avec  coni-. 

105.  Irl.  moy.  aiss.  rivière  et  ach,  gall.  aches. 

Legall.  moy.  aches  «  flot,  vague  »,  sort  de  "aksissa-  ,  cf.  irl. 
aiss  «  rivière  »,  de  *aksi-  (K.  Meyer,  Contr  ,  70). 

Aux  exemples  donnés  par  moi  {Mélanges  H.  d'Arhois  de 
Jiibainvilk,  p.  197)  ajouter: 

.  ardwyreaf  hael  0  hiuyl  aches  kyrt  (M.  A.  202,  i)  «  je  célébre- 
rai le  généreux  par  des  poèmes  ayant  l'élan  de  la  vague.  » 

tiuryf  acher  ain  draeth,  fracas  de  la  vague  sur  le  rivage 
(Cynddelw,  M.  A.  162.  i). 

rys  nwlaf  om  hert  oni  hein  aches  (M.  A.  160,1)  «  je  le  louerai 
par  ma  belle  inspiration  ».  Cf.  kyn  kainuyf  a  diufyn  a  dofyn 
aiuen  ; 

Aches  dans  le  sens  de  besoin  est  pour  ankes:  cf.  achenog  et 
anghenog. 

106.  Irl.  moy.  aithbe  ;  gall.  etfyn. 

A  l'irlandais  aitl)be  (auj.  aithbhe)  «    reflux,  déclin  »  de  *ali- 


54  /•  Loth. 

hio-  correspond  en  gallois  un  verbe  de  même  composition, 
avec  -;/-  au  présent  et  de  sens  analogue  :  et-fyn,  de  *ati-hentt 
ou  *ati-bcniet  : 

ei  ongyr  ei  angerdd  nid  ctfyn  (M.  A.  173,2)  «  ses  coups  de 
lance,  son  ardeur  ne  faiblit  pas  »  (en  parlant  de  Rhys  ap 
Gruffudd). 

Dans  le  passage  suivant,  ce  verbe  a  un  sens  plus  voisin  de 
Tétymologie  : 

ail  llaii!  am  edfyn 
ywllad  LJyweJyii  (M.  A.  148,2) 

«  Un  autre  saut  qui  m'abat,  c'est  le  meurtre  deLlywelyn.  » 
Llaïuii,  comme  en  breton,  le  sens  de  «  saut,  chute  »  qu'on 

subit  ou  qu'on  provoque. 

Le  sens  de  at  =  *ati-  pour  signifier  changement  en  mal  est 

connu  (J.  Loth,  Remarques  au  Dictionary  de  S.  Evans,  Arch. 

f.  celt.Lex.  I,  p.  423). 

107.  Irl.    AITHBERIM  ;   gall.  ADFAR. 

J'ai  rapproché  l'irlandais  aith-herim  «  je  reproche  »,  du 
gallois  ad-jeirio,  adfeir,  même  sens,  de  *ati-hcriô.  Mais  adfeir 
ne  peut  se  séparer  de  <?^///}7r  «  repentir  »  ate-di-bari-=^mi\.-Q\ir. 
*Mti-dë-bhr . 

On  trouve  aussi  dans  ce  sens  le  gallois  moyen  ndfar  = 
*ati-baro-,  *ati-bhr  : 

Gahvaf  Dmv  gan  dcifniawc  ndfar  (M.  A.  148,  i)  «  j'invo- 
querai Dieu  avec  un  repentir  profitable  ». 

108.  Irl.  moy.  aithrech  «  repentant  »,  aithrige  «  repen- 
tir »  ;  gallois  attrec. 

Il  est  impossible  de  séparer  du  comique  cddrck,  moy.  breton 
a::^rec  ((  remords  »,  le  gallois  moyen  allrcc.  Les  dictionnaires 
donnent  à  ce  mot  le  sens  de  «  arrêt  »;  il  a  manifestement 
dans  certains  passages  le  sens  de  «  repentir  »  : 

ny  tiuu'c  rac  dricweithred  im  atlrec  guydi  darffo  (L.  N.,  5,  11), 
«  cela  ne  remédie  pas,  en  ce  qui  concerne  une  mauvaise 
action,  de  se  repentir  une  fois  que  c'est  fait  ». 

Le  dérivé  attrcgiuch  a  le  sens  d'arrêt,  mais  aussi  de  repentir: 
gnaiid  guydi  traha  allregiuch  (L.  A/".,  60,  8),  «  c'est  chose  habi- 
tuelle que  le  repentir  après  l'arrogance  ». 


Notes  étymologiques  et  lexicographîqiies.  55 

assuinaf  y  chnaiit  na  chcluch  ych  porth  can  perthin  atlreguch 
{ibid.,  4r,  5). 

L'irlandais  moyen  aithreach  «  repentant,  pénitent  y),aithrige 
«  repentir  »  suppose  *ali-reJw-,  ati-  *rek'm-(y^\\.  Stokes,  Urk. 
Spr.,  9).  Pedersen  {Vgl.  gr.,  II,  594)  y  voit  une  racine  *rcg-^ 
ce  qui  séparerait  legoidélique  du  brittonique. 

La  persistance  de  la  graphie  tt,  t  en  gallois  fait  supposer  la 
présence  d'un  pronom  infixe  :  *ati-to-,  *ad-io-reko-.  Le  breton 
suppose  *ati-reh-.  Le  du  comique  eddrek  ne  s'expliquerait  pas 
sans  edrege,  edrega,  «  repentir  »,  de  *ati-rekiâ  :  edrega  pour 
*edieged. 

109.  Irl.  Al;  gall.  ael,  aelaw. 

L'irlandais  âl  signifie  «  portée  (de  truie,  de  chienne),  cou- 
vée »),  aujourd'hui  «  progéniture,  petit  d'animal  »  (Dinneen). 
Le  mot  gallois  aehnu,  au  sens  de  «  richesse  »,  semble  dérivé 
de  ael  «  couvée,  portée  »  : 

oet  aeJav  vtiit  diilloet  dihcueirch  (L.  N.,  i9,  14),  «  c'était 
une  richesse  pour  eux  que  des  mœurs  intrépides  ». 

ay  aelaw  ny  chroniuiwd  «  et  il  ne  thésaurisa  pas  ses  richesses  » 
ÇMyv.  Arch.,  278,  i).  Un  des  éloges  habituels  des  bardes  à  un 
chef,  c'est  qu'il  n'amasse  pas,  mais  qu'il  distribue  ses  biens. 

Le  breton  eal  «  poulain  »  a  été  identifié  à  tort  avec  le  gal- 
lois ael.  Le  trègorois  dit  en  effet  éal  ;  or  ce  dialecte  ne  connaît 
pas  la  métathèse  de  ae  en  ea,  comme  -le  fait  remarquer  Er- 
nault(G/oi5.  moy. -breton).  Le  mordu  vocabulaire  comique  ehal 
«  pecus,  iumentum  »  suffirait  d'ailleurs  à  faire  rejeter  ce  rap- 
prochement. 

iio.  Gallois  AL,  petit  d'animal  ;  race  ;  alu,  vêler;  breton 
ALA,  id.  (moyen-bret.  hallajf  :  h  n'a  rien  d'étymologique). 

Dans  le  dialecte  de  Glamorgan,  âl  peut  représenter  réguliè- 
rement ael,  et  il  a  pu  y  avoir  confusion.  Mais  al  est  d'un  em- 
ploi général  en  Galles.  Dans  le  sens  de  race,  nation,  cf.  M. 
A.,  205.1  : 

y  al  a  gediuis,  «  il  a  gardé  (sauvé)  sa  race  ».  On  dit  aussi  al 
luyddylhrace  des  Gaëls,  al  v  Cxinry,  la  race  des  Gallois  (Silv. 
Evans,  IVehb  Dict.).  Le  moi  est  amené  par  alu  «  mettre  bas, 
vêler  >'.  Cf.  irl.  alaiii,  troupeau  ;  gall.  alaf,  troupeau  et  richesse. 


$6  /.  Loth. 

111.  Irl.  moy.  âlad,  blessure,  gén.  Alaid  ;  irl.  mod.  âladh, 
gén.    nlihih,  blessure,  mauvaise    disposition    à  l'égard  de   — 

gallois    AELE,    ANAELE. 

Le  gallois  aek,  a  le  sens  de  douloureux,  triste  ;  aekii,  a  le 
sens  de  douleurs,  peines  et  est  un  pluriel  ; 

odid  rhag  angaii  a  '/  aelau  maïur 

«  c'est  chose  rare  que  devant  la  niort  et  ses  grandes  douleurs 
(blessures)».  (Llvwarch  lien,  M.  arch.,  1.113  ap.  S.  Evans, 
WeJsh  Dict.) 

En  gall.  moy.  auaclen  (mal  lu  anaelew,  comme  le  prouve 
la  rime)  a  le  sens  de  terrible,  douloureux  et  a  même  pris  à  une 
époque  récente  le  sens  de  incurable.  Ce  sens  s'explique  par  la 
valeur  intensive  de  an-. 

Anaele  {anaeleii),  subst.  a  clairement  le  sens  de  douleur  : 

Llaiv  paii'b  ar  ei  anaele  :  (sud-Galles)  ;  var. 

Llaw  pau'b  ar  ei  ddolur  :  «  chacun  met  la  main  sur  sa  dou- 
leur (blessure)  »  (S.  Evans,  W.  Dict.). 

L'irlandais  suppose  *agl-ato-  ;  le  gall.  aglotj-. 

Ce  thème  est  à  séparer  de  ail  «  reproche,  blâme  »,  que 
Stokes  fait  venir  de  *agli-;  ail  a  en  effet  à  bref  (K.  M.,  Coulr.) 
et  n'a  rien  à  faire  avec  âladh. 

112.  En  moy.  irl  anair  «poème  laudatif  »  (Corn.  3, 
O'Mul.,  537,  ap.  K.  M.,  Contr.)  ;  gallois  an-,  anant. 

Il  y  a  en  gallois  moyen  un  verbe  an  «  célébrer  »  : 

a  minheu   om  radcu   rym  anant  (M.  A.,  212,   i)  «  ils  me 
célèbrent  » 
et  un  mot  anant  pi.  «  bardes  »,  «  poètes  »  : 

py  dawant  anant  na  phrydant  ivaiudÇM.  A.,\,  189)  «  pour- 
quoi se  taisent-ils,  les  poètes  qu'ils  ne  composent  pas  de 
louanges  ?  » 

anant ae  ciuynant  (ibid . ,  I,  320)  «  les  poètes  le  pleurent  ». 

Un  composé  de  la  même  racine  est  cyn-an  «  parole, 
louange  »,  et  le  \tx\)t  cyn-an  : 

ac  vei  gnyver  kinan  am  y  gylchin  huan  ar  gnyver  pegor 
yssit  y  dan  mor  {L.  N.,  7,  13)  «  quand  même  il  y  aurait 
autant  de  paroles  autour  du  cercle  du  soleil  qu'il  y  a 
d'animalcules  sous  la  mer  ». 


Noies  étymologiques  el  lexicographiques .  5.7 

Kyvaenad  kxnan  0  Crist  kein  didanÇL.  N.,  4,  12)  «  Richesse 
de  conversation  sur  le  Christ,  belle  récréation  ». 
Arthur  ardercbawg  cynan  {M.  A.,  132,  i). 

nid  oes gystedlyd... 
nyd  ydyiu  yn  fyw 
ni  daiu  ni  dodyw 
ni  chynan  ni  chlyiv. 

{M.  A.,  147,2). 

Cf.  a^iaiu  «  inspiration  »,  Pedersen  (V.  Gr.,  II,  670)  sup- 
pose que  anaiu  signifie  «  poète  ».  Aucun  exemple  ne  peut  être 
cité  à  l'appui. 

Cf.  Llywmtà-w  «  conducteur  de  l'inspiration  »  Cynddelw 
(M.  A.,  257)  ;  Elivri  anaïukyrd  «  Elivri  inspiration  des 
artistes,  ou  aux  poèmes  inspirés  »  (Mab.  Livre  Rouge,  265,  14). 

113.  Gall.  AXC-. 

Ce  mot  a  le  même  sens  que  son  composé  di-anc  dans  plu- 
sieurs textes  gallois  : 

Tru  namen  un  giur  nyt  anghassant  {L.  A.,  102,  17)  «  chose 
triste,  un  homme  excepté,  ils  n'échappèrent  pas  ». 

nyt  anghei  oïl  ny  vcioradein  (Godod.  90,  23)  «  il  n'en  échap- 
pait pas  qui  ne  fût  très-ailé  ».  Ce  sens  ne  permet  guère  de  rap- 
procher dianc  de  l'irl.  doiccini  (Jcc).  Cf.  peut-être  gallois  engi 
ar,  «  accoucher,  mettre  bas  ». 

114.  Irl.    moy.    anfoss,  turbulence,  agitation  ;  gall.   moy. 

ANWAS. 

oet  anivas  cas  «  il  était  d'une  haine  turbulente  ?  »  (Af.  A., 
164,2). 

Ct.  Angiuas  edeinauc  {L.  A'.,  51,  13  ;  J.  Lot  h,  Mah.,  I, 
p.  212,  n.  4)  : 

Anniuas  cdeinnu'c,  Anwas  l'ailé,  un  des  trois  vaillants  qui 
ne  revenaient  jamais  du  combat  que  sur  une  civière. 

C'est  :  an-  privatif  -j-  ijosto-. 

II).   Gallois  EINGYAW   et  GEXNI. 

Ces  deux  verbes  ont  été  coniondus   l'un  avec   l'autre,    par 


58  /.  Loth. 

suite  de  mutations  syntactiques  :  nyt  ocd  ryvedfich  gau  Liid  noc 
eigaw  )';/  y  kaiveJl  hwnnw  peth  kymeint  a  hynny  «  rien  n'était  plus 
étonnant  pour  Lluidd  que  pussent  être  contenues  dans  la 
corbeille  tant  de  choses  »  (Mab.,  98.29). 

Nyt  eyngassei  vendigeit  Vran  myiun  ty  (var.  Penarth  :  nyt 
angnsst'i^  «  Bendigeid  Vran  n'aurait  jamais  pu  être  contenu 
dans  une  maison  »  {Red  Book,  l,  28,  1 1  ;  cf.  nyt  eîgwys,  ibid., 
37,  20). 

Ce  verbe  rappelle  pour  le  sens  gemri,  «  être  contenu  dans  », 
gall.  mo3^  3''  pers  sg.  prés,  (^)em  et  geing  {ci.  meilhring  pour 
mcithrin  :  J.  Morris-Jones,  Gr.,  p.  317,  168):  gmni,  géin  est 
évidemment  à  rapprocher  de  praehendô.  Quant  à  eingyaw, 
c'était  vraisemblablement  une  formation  passive  en  î:  io-,  de 
*angd,  «  serrer  »  ;  soit  :  «  être  serré,  contenu  dans  ».  Genni 
est  une  formation  semblable  ;  le  suffixe  du  présent  a  passé  cà 
tout  le  verbe  :  genni  =  gandl-mu-  (présent  anal,  gannaf). 

116.  Irl.  moy.  anglan  ;  gall.  moy.  anylan. 

Moy.  irl.  anglan  «  impur  »  a  pour  correspondant  le  moyen- 
gallois  anylan  (deux  syllabes)  :  a  dyadu  tan  an  poploet  anylan 
{L.  N.,  9,  II)  «  et  lancer  le  feu  sur  des  peuples  impurs  ». 
Pour  y  de  résonnance,  comparez  : 

Karaf(y)  gaer  wennglaer  odu  giuenylan  (9  syll.  :y,  nota  augens 
ne  compte  pas)  «  j'aime  la  ville  forte  blanche  et  claire  du  côté 
du  blanc  rivage  »  (M.  A.,  197,  i). 

C'est  an-  prévatif -|-  glan. 

I  17.    Gall.   DI-AREB. 

Ce  mot  qui  a  été  rapproché  du  v.  irl.  arase,  airesc  «  stipu- 
lation »  doit  en  être  séparé.  Il  présente  en  effet  les  formes 
suivantes  en  moyen  gallois  : 

dilmereb  R.   B.,   poitr.,    1329  (J-    Morris  Jones,    Granim., 

P-  64)  ; 

diaerhebyon  R.  B.,  poitr.,  974,  975,  1083  ; 
diayreb  M.  A.,  Il,  55,  9  ; 
diaereb  Br.  y  T.,  1^6. 

Ce  mot  est  arrivé  à  signifier  «  excellent  »  (qui  est  passé  en 
proverbe).  Une  forme  apparente  est  dihcnru,  dihenraiu,  «  dis- 


Noies  étymologiques  et  lexicographiques .  59 

culper  »  (^Anc.  laws,  gloss.,  p.  128).  Il  semble  qu'il  faille  par- 
tir de  di-haer-heb  ou di-hayr-heh  =*dî-sagro  -j-  seqiio-.  Cf.  gall. 
haeru,  affirmer, 

118.  Gall.  crvynyad. 

Ce  mot  qui  correspond  à  l'irlandais  ar-henim  «  je  frappe  .», 
«  je  coupe  «,  se  trouve  en  moyen  gallois  : 

LJachar  var  aervar  crvynyad  (M.  A.,  226,  2)  «  colère  de 
Llachar,  fureur  du  combat,  qui  taille  ». 

119.  Gall.   ARDUNYAW. 

Dym  giuallovuiy  Diizu  diheudawn  azven...  yn  ardiinyaiu  giur 
(M.  A.,  159,  i)  «  Que  Dieu  me  verse  l'inspiration  certaine 
dans  mon  exaltation  du  héros».  Cf.  artuniant  «  célébration  » 
L.  N.,  40,  17,  ardunyant  {M.  A.,  185,  2). 

Cf.  irl.  ard  «  haut  »,  gall.  ard-  en  composition. 

120.  Gall.  AROS. 

Aros  est  la  forme  du  nom  verbal  et  suppose  *ari-uostu-. 
Cf.  v.-irl.  ar-a-ossa  gl.  manet  ;foss  «  résidence  ». 

Mais  les  formes  personnelles  n'ont  pas  s  ;  le  thème  est  aro- 
ou  arho-  : 

dedwytach  no  mi  ae  harhowe 

aniser  Ksiàiuâladir  (L.  N..,  18,  4)  «  plus  heureux  que  moi, 
qu'il  l'attende,  le  temps  de  Kadwaladr  ». 

gwae  ae  harhoes  (L.  T.,  119,  28). 

ac  adar  ae  haroy  nid  arhoynt  wy  neh  mamyn  Dewi  (M.  A., 
195,  2)  «  et  les  oiseaux  qui  l'attendaient  n'attendraient  pas 
d'autre  que  Dewi  ». 

yd  erhy  gwraged giueddaivt  {L.  T. ,  i  >  i ,  4). 

Cf.  J.  Loth,  Mél.  d'Arbois,  p.  200. 

121.  Gall.  AS  et  KAMAS  ;  irl.-moy.  camas. 

A  l'irlandais  as  «  pic  »  correspond  le  gallois  as  qui  ne  se 
trouve  que  dans  le  passage  suivant  : 

ossit  lich  yg  clawd 
neut  Uryen  a  blaïud 


6o  ;.  Loth. 

uch  hynt  itch  as 

uch  \mpop  hamas  (L.  T.,   i88,  33). 

«  S'il  y  a  un  gémissement  dans  le  fossé,  c'est  bien  Uryen 
qui  s'agite,  au-dessus  de  la ...  ?  au-dessus  du  pic  ?  dans  chaque 
kamas  », 

Il  paraît  peu  probable  que  iich  dans  iich  hyjit  puisse  avoir  le 
sens  de  «  gémissement  «  ;  hynt  est  assez  singulier.  C'est  bien 
la  leçon  du  manuscrit  (p.  59-60,  éd.  Evans).  Skene  avait  lu 
nyiit  qu'on  aurait  pu  corriger  en  neint  «  vallon  »,  ce  qui  eût 
assuré  par  contre-coup  le  sens  de  as.  Il  y  aurait  des  recherches 
à  faire  à  ce  sujet  dans  la  toponomastique.  O.  Pughe  traduit 
as  justement  dans  ce  passage  par  «  surface  plane  ».  En  dehors 
de  ce  passage,  as  ne  se  trouve  qu'avec  le  sens  de  «  côtes  », 
smguhuiî  a  sen. 

Le  sens  de  canias  est  plus  sûr.  Il  paraît  indiqué  par  l'îrl. 
moy.  CAMAS,  coude  d'une  rivière,  baie  (K.  M.,  Contr.), 
*cai)ibasso-.  Il  est  possible  que  as  soit,  en  réalité,  à  rapprocher 
de  asna,  gall.  asen  et  ait  signifié  primitivement  coté,  flanc  de 
colline,  plutôt  que  pic. 

122.  Irl.  moy.  b.JlGACH,  «  belliqueux,  combatif»;  gall. 
moy.  -boawc. 

Boavjc  apparaît  en  composition  dans  le  Livre  Noir,  5 1 .  29  : 
rutu'oanc  en  parlant  de  Madawc  ab  Maredud.  Cf.  Cynddehv  : 
rnivoawc  va  rchaïuc  {même  orthographe:  M.  A.,  237.2;  251. 
2;  257.2;  modernisée,  ibid.,  224.1:  Rhun  Rhuddfoazug). 
De  même  dans  les  Triades  du  Livre  Rouge  (éd.  Rhys-Evans, 
P-  303- 5)-  Tri  rudvoawc.  Rhudvoawc  est  devenu  Rhudvaawc, 
par  évolution  phonétique  et  aussi  à  cause  de  l'interprétation  du 
nom  :  ils  étaient  ainsi  nommés  parce  que  rien  ne  poussait  où 
ils  étaient  passé,  pendant  un  an,  ni  herbe  ni  plantes. 

Bdghach,  -boawc  =  bâgâko-,  cf.  nidveâel,  le  rouge  moisson- 
neur, L.  Aneur.  et  L.  Tal. 

123.  Irl.  cuMBRE,  brièveté  ;  cumbair,  court,  bref  (K.  M., 
Contr.);  irl.  mod.  cumair  ;  gall.  dygymmyrru. 

Dygymmyrrn  a  été  traduit  à  contresens   par  Silvan    Evans 


Notes  étymologiques  et  Icxicographiqucs .  éi 

{JVelsh  Dict.)  :  estimer,  respecter.  L'erreur  est  venue  d'une  con- 
fusion zxeccynitnyrrii,  cymmyrredd,  considération,  estime  (thème 
-borr).  Les  deux  exemples  suivants  qu'il  cite  lui-même  suf- 
fisent à  le  prouver  :  L.  an.,  65.14: 

Gwyr  a  aeth  Gatraelb. 

Dygymmyrrws  euhoet  euanyanaïur .  «  Les  guerriers  qui  allèrent 
à  Catraeth,  leur  tempérament  abrégea  leur  vie.  » 

Cf.  le  proverbe  (M.  A.,  m. 155): 

Dygymmyrrid  haiarn  boedl  dyn.  «  Le  fer  abrège  la  vie  de 
l'homme.  » 

Dygymmyrr-  =  *to-com-berr-  ;  ciimbre  =  *cumberiâ.  Le  mot 
cumbre  est  attesté  en  vieil-irlandais  (archmnbri ,  B.  Cr.  3  i  c  9 
in  Thés.  Pal.  hib.,  H,  15  ;  le  Ms.  de  Milan  a  la  forme  cnimre, 

14  d  3). 

124.    \".   irl.  ATBAILL  ;  gall.  moy.  adveil  ;  aballu  ;  corn. 

BAL,  bret.   SALUENT. 

Le  V.  irl.  atbaill,  écrit  aussi  ad-baill  qui  meurt  (Wb  4  de 

1 5  ;  1 6  b  1 1  ;  Ml  1 08  a  3 )  est  composé  de  at-  =  ad-d-  et  du  pré- 
sent de  -bail-  =  -bain-.  La  graphie  avec  un  seul  /  parait  venir 
du  subj.  at-bela.  Il  y  a  eu  confusion  entre  û^-  et  as-  (css-)  en 
raison  de  la  ressemblance  de  son  (infinitif  epeltu  et  apaltn  ; 
conid-apail  et  epil,  Thurneysen,  Gr.,  p.  461);  cf.  Pedersen, 
Vergl.  Gr.,  II,  459:  pour  les  formes  avec  a  initial,  influence 
de  ad-batli).  Irl.  moy.  :  at-bailim.  je  meurs  (K.  M..  Contr.')  ;  irl. 
mod.  eablaim,  je  meurs,  tombe  (Duncan). 

Le  gallois  moyen  est  composé  avec  ait-  et  une  forme  avec 
/  simple  de  la  même  racine  :  le  gallois  remonterait  plutôt  à 
bel-.  L.  Noir,  14,  10.  F.  a.  B.,  11:  kadarn  bugeit  Crist.  nid 
adweil  y  ieilygdaw.  «  Le  Christ  est  un  puissant  berger,  sa 
dignité  ne  décline  pas.  »  Cf.  adneuydu  a  orne  y  keyryd  a  atvei- 
lynt,  «  il  répara  les  remparts  qui  tombaient  en  ruines  »  (Brut. 
Gr.  ab  Arth.,  M.  A.,  11 .  155)  ;  henllys  atvciledic,  «vieille  cour 
en  ruines  »  (Mab.  L.  R.  ap.  S.  Evans,    Welsh  Dict.). 

Le  gall.  moy.  aballu  a  le  sens  de  dépérir  :  a  dolyriaw  0  Trollo 
giuelet  e  pobyl  en  aballu  0  neiuxn  «  et  Trollo  éprouvait  de  la  dou- 
leur de  voir  son  peuple  mourir  de  faim  ».  {Brut.  Gr.  ab  Arth., 
M.  A.,  11.313).  On  trouve   aussi    aball,  décadence,  dispari- 


62  /.  Loth. 

tion  {Brul.  Gr.  ah  Arth.,  M.  A.,  11.261):  gwae  hi y  drcic 
coch  kans  y  haball  yssyd  yn  bryssyaw,  «  malheur  au  dragon 
rouge,  car  sa  perte  arrive  rapideinent  ». 

AbaJl  suppose  ad-hallo-  (*ad-bal-no-)  ;  à  la  même  racine,  se 
rattache  \e  bal,  pestis,  du  voc.  corn.,  et  aussi  un  mot  très 
rare  du  moyen-breton   haliient  : 

bon  gucitre  salo  a  pep  baluent  «  il  nous  fit  sauf  de  toute  peste 
(malheur,  fléau)  »  (Noëls  bretons,  Rcv.  Celt.,  X,  p.  317). 

125.   Gall.  CYNFYL,  discorde,  lutte  ;  rhyfel  ;  hret.  arvel. 

Le  sens  du  mot  cynfyl  est  attesté  par  les  exemples  suivants: 

bychan  fydd  main  y  cynvyl  (M.  A.,  841,  2)  «  petite  est  la 
mère  du  conflit  »  (c'est-à-dire  :  une  querelle  naît  souvent 
d'une  cause  insignifiante)  '. 

Ffrangkod,  Sacson,  luychion  weikh 

Gwyddyl,  main  kynvyl,  kcinveilch  (lolo  Goch,  éd.  Ashton, 
p.  130,  82). 

«  Français,  Anglais,  vaillants  faucons,  Gaëls,  source  de 
querelle,  beaux  et  fiers.  »  (Cf.  ibid.,  p.  214,  34.) 

ath  ofyiiaf  heb  gynfyl  (M.  A.,  i .  178)  «  Je  te  demande, 
sans  querelle  «. 

Le  breton-vann.  arvel  a  le  sens  de  querelle,  noise  ;  arvelloiir, 
ergoteur  (Ernault,  G/'.)  ;  à  rapprocher  évidemment  du  gallois 
rhyfel,  guerre.  Kynfyl  supposerait  con-hel'i  ;  on  a  rapproché 
arvel,  rhyfel  (et  par  conséquent  arvel)  de  bel-  dans  le  subj.  irl. 
at-bela,  prés.  3*=  sg.  at-bell  (ci-dessus).  Les  sens  sont  fort  dif- 
férents. 

J.  Loth. 

I.   Cf.  m.  a.  867,2:  ychydig  niam  y  cynnen. 


CHROXiaUE 


Sommaire.  —  I.  Deux  nouveaux  académiciens,  MM. le  commandant  Espé- 
randieu  et  Adrien  Blanchet.  —  II.  Un  article  de  M.J.  Loth  sur  l'impor- 
tance des  études  celtiques.  --  III.  John  Rliys  et  Lly%varch  Revnolds 
jugés  par  M.  Gaidoz.  —  IV.  Une  nouvelle  édition  de  Marcellus  de 
Bordeaux  par  M.  Max  Niedermann.  —  V.  M.  Jeanneret  et  la  langue 
des  tablettes  d'exécration  latines.  —  VI.  Les  relations  entre  l'Aquitaine, 
le  Poitou  et  l'Irlande  duv=  au  ix«  siècle  d'après  M.Boissonnade.  — VII. 
Récentes  publications  sur  les  chants  populaires  d'Irlande.  —  VIII.  Le 
tokharien  et  le  celtique  d'après  M.J.Pokorny. — IX.  M.Tom  Peete  Cross 
et  l'Ystori  Tristan. 

I 

Dans  sa  séance  du  7  février  1919,  l'Académie  des  Inscriptions 
et  Belles-Lettres  devait  élire  deux  membres  libres  en  remplace- 
ment de  l'abbé  Thédenat  et  du  marquis  de  Vogué,  décédés.  Elle  a 
fait  choix  de  deux  savants, qui  ont  tous  deux  bien  mérité  des  études 
celtiques,  le  commandant  Emile  Espérandieu  et  M.  Adrien  Blanchet. 

Le  premier  a  consacré  les  loisirs  que  lui  laissait  le  métier  mili- 
taire à  l'épigraphie  et  à  l'archéologie  gallo-romaine  ;  on  sait  la 
part  qu'il  a  prise  à  l'exploration  épigraphique  de  la  Tunisie  et  plus 
tard  aux  fouilles  du  Mont-Auxois  ;  ses  publications  sont  fort  nom- 
breuses et  ont  été  souvent  citées  dans  notre  Revue  ;  son  principal 
titre  de  gloire  est  d'avoir  entrepris  le  Recueil  général  des  bas-reliefs 
de  la  Gaule  romaine  ;  sept  volumes  ont  paru  de  ce  précieux  réper- 
toire, indispensable  à  tous  ceux  qui  s'intéressent  à  la  plus  vieille 
histoire  de  notre  pays  (v.  Rcv.  Celt.,  XXVIII,  p.  352)  ;  le  dernier 
volume  est  daté  de  19 18. 

M.Adrien  Blanchet  est  à  la  fois  un  archéologue  et  un  numismate. 
Nos  lecteurs  ont  pu  apprécier  ses  intéressantes  «  Chroniques  de 
numismatique  celtique  »  (t.  XXVIII,  73  ;  XXIX,  72  ;  XXX,  189  ; 
XXXI,  49  ;  XXXII,  396;  XXXIV,  397),  et  chacun  connaît  son 
Traité   des  monnaies  gauloises  (Paris,    Leroux,  1905  ;  cf.  i?.  CeU . , 


64  Chronique. 

XX\'I,  178)  ;  il  en  a  repris  la  matière  dans  le  premier  volume  du 
Manuel  de  Numismatique  française  publié  chez  l'éditeur  Picard.  Il 
s'est  fait  connaître  comme  archéologue,  notamment  par  son 
ouvrage  sur  Les  enceintes  romaines  de  la  Gaule  (Paris,  Leroux,  1907) 
dont  la  Reinie  Celtique  a  parlé,  t.  XXVIII,  p.  87  et  1 10  ;  il  a 
publié,  en  outre,  toujours  chez  l'éditeur  Leroux,  des  Mélanges  d'ar- 
chéologie gallo-romaine  (2  fascicules  8°)  et  une  Elude  sur  la  décora- 
tion des  édifices  de  la  Gaule  romaine. 

A  notre  savant  collaborateur  comme  au  commandant  Espéran- 
dieu  nous  adressons  nos  félicitations. 

II 

La  Revue  hebdomadaire,  dans  son  numéro  du  20  septemore  191 9, 
p.  281-303,  a  publié  un  article  de  M.  J.  Loth  sur  les  Etudes  Cel- 
tiques et  leur  importance.  Il  était  bon  d'attirer  sur  ce  sujet  l'attention 
du  public  lettré  de  notre  pays. 

Les  études  celtiques  jouissent  d'une  fortune  heureuse.  Depuis 
1870  où  M.  Gaidoz  fonda  le  premier  périodique  consacré  au  cel- 
tique, on  a  vu  naître  et  prospérer  près  d'une  dizaine  de  revues 
celtiques  ;  la  plupart  sont  assez  viables  pour  résister,  espérons- 
le,  aux  effets  de  la  tourmente  mondiale.  Et  depuis  1875,  où  le 
celtique  pour  la  première  fois  figura  officiellement  sur  une 
affiche  universitaire  (à  Strasbourg,  sur  l'initiative  d'Ernst  VVin- 
disch),  le  nombre  des  enseignements  du  celtique  n'a  fait  qu'aug- 
menter. Il  y  a  toujours  eu  des  celtistes  en  France,  en  Grande- 
Bretagne,  en  Allemagne  ;  il  y  en  a  eu  aussi  en  Italie  ;  il  y  en  a 
aujourd'hui  aux  Etats-Unis  et  jusque  dans  de  petits  pays  comme  la 
Hollande  et  la  Bohême,  le  Danemark  et  la  Norvège;  ce  ne  sont 
pas  les  moins  illustres,  si  l'on  songe  seulement  au  danois  Pedersen 
et  au  norvégien  Marstrander. 

Le  coup  d'œil  ainsi  jeté  sur  le  présent  est  vraiment  rassurant 
pour  l'avenir.  Mais  par  une  ironie  du  destin,  cette  fortune  des 
enseignements  coïncide  avec  une  disparition  rapide  de  la  matière 
enseignée.  Les  langues  celtiques  sont  aujourd'hui  parmi  les  moins 
vivantes  du  globe.  L'état  du  gaélique  de  Man  est  désespéré  ; 
il  n'en  restera  bientôt  plus  qu'un  souvenir,  comme  c'est  le  cas 
depuis  150  ans  du  brittonique  de  Cornwall.  Le  gaélique  d'Ecosse 
est  fort  malade,  ainsi  que  celui  d'Irlande  ;  malgré  les  efforts  que 
l'on  tente  pour  les  sauver  tous  deux,  certains  des  médecins  qui  les 
soignent  avec  le  plus  de  dévouement  redoutent  une  issue  fatale. Le 
breton   de  France,  encore  importr.nt  par  le  nombre  de  ceux  qui  le 


chronique.  65 

parlent,  est  néanmoins  gravement  menacé.  C'est  le  gallois  qui  est 
le  plus  vivace  de  tous  les  dialectes  celtiques,  et  cela  parce  qu'il  y  a 
en  Galles  une  classe  bourgeoise  éclairée  qui  a  la  volonté  de  le 
taire  vivre  ;  le  gallois  est  une  langue  de  bonne  société,  une  langue 
littéraire  ;  c'est  aussi  la  langue  en  laquelle  on  prêche  et  on  prie. 
Or,  chacun  sait  combien  l'église  pénètre  dans  la  vie  privée  et 
publique  du  pays  de  Galles.  Quel  contraste  avec  le  breton! 
M.J.  Loth,  qui  n'est  pas  suspect  de  complaisance  à  l'égard  des  pré- 
tentions de  certains  Celtes  à  l'indépendance  politique,  ne  craint  pas 
d'opposer  les  encouragements  accordés  libéralement  par  l'adminis- 
tration anglaise  à  l'enseignement  du  gaélique  dans  les  écoles 
d'Irlande  aux  mesures  d'intolérance  tracassière  que  les  autorités 
françaises  appliquent  au  breton  dans  notre  Bretagne.  Il  est  étrange 
qu'on  ne  favorise  pas  l'existence  du  dernier  débris  de  celtique 
vivant  sur  le  continent.  Nos  parlers  bretons  sont  des  monuments 
dupasse  aussi  respectables  que  les  dolmens,  menhirs  ou  cromlechs, 
sur  lesquels  l'administration  étend  sa  sollicitude  ! 

Qiiels  sont  les  titres  du  celtique  à  mériter  cette  sollicitude,  ce 
n'est  pas  à  nos  lecteurs  qu'il  y  a  lieu  de  l'apprendre,  mais  il  est 
toujours  bon  de  le  rappeler  au  public.  Sans  exagération  ni 
emphase,  par  la  seule  éloquence  des  faits,  M.  J.  Loth  montre 
l'importance  du  rôle  des  Celtes  dans  l'histoire.  Antérieurement  au 
iv^  siècle  avant  l'ère  chrétienne,  les  Celtes  sont  historiquement  des 
inconnus.  Mais  l'archéologie  révèle  leur  existence  quinze  ou  même 
dix-huit  siècles  avant  notre  ère  sur  une  notable  partie  de  l'Europe. 
C'est  au  iv«  siècle  qu'ils  sortent  brusquement  des  ténèbres  et  se 
déchaînent  à  travers  le  monde  ;  au  iii<=  siècle  ils  sont  maîtres  de  la 
plus  grande  partie  de  l'Espagne,  des  Iles  Britanniques,  de  la  France, 
de  la  Belgique,  de  la  Hollande,  de  l'Allemagne  occidentale  et  méri- 
dionale, de  l'Autriche.  En  281,  ils  s'emparent  de  la  Thrace,  pous- 
sent leurs  incursions  jusqu'à  Delphes, vont  s'établir  en  Asie-Mineure. 
C'est  l'époque  de  l'empire  celtique,  qui  s'étend  de  l'Océan  Atlan- 
tique à  la  mer  Noire.  Empire  sans  cohésion  et  d'une  durée  éphé- 
mère. Entre  238  et  219  Carthage  s'empare  de  l'Espagne,  où  Rome 
laremplace  en  201.  Successivement,  la  Gaule  Cisalpine  (238-192), 
la  Galatie  (189-25),  l'Illyrie  (129),  la  Gaule  transalpine  (58-50),  la 
Rhétie,  la  Vindélicie  et  le  Norique  (15-9)  tombent  aux  mains  des 
Romains.  En  même  temps  au  centre  de  l'Europe,  les  Celtes  recu- 
laient devant  les  Germains  :  à  l'époque  de  César  la  tribu  celtique 
des  Volcae  Tectosages  se  maintenait  encore  au  nord  du  haut 
Danube,  autour  de  la  forêt  Hercynienne.  La  domination  romaine 
déborde  même  au  delà  des  mers  :  la  Grande-Bretagne  est  entamée 

Revue  Celtique,  XXXVIII.  5 


66  Chronique. 

en 45  et  en  partie  conquise.  Toutefois  quand  les  Romains  la  quittent 
en  410,  elle  se  retrouve  celtique  de  langue  et  d'institutions. 
Mais  en  Gaule,  le  latin  étouffa  définitivement  le  celtique.  C'est 
dans  les  îles  qu'il  devait  continuer  à  vivre,  non  sans  de  longues  et 
âpres  luttes.  Les  premiers  siècles  du  moyen  âge  sont  marqués  en 
Grande-Bretagne  par  l'anarchie  et  les  guerres  intestines.  Les 
Angles,  Jutes  et  Saxons  conquirent  la  majeure  partie  de  l'île  sur 
les  Bretons,  mais  il  leur  fallut  un  long  temps  pour  assurer  leur 
conquête.  En  633,1e  royaume  de  Northumbrie  tombe  sous  les 
coups  de  Catwallon,  roi  de  Gwynedd  et  de  Mon.  Au  Nord-Ouest, 
les  Bretons  de  Strat-Clut  défendent  vaillamment  leur  indépendance 
contre  une  alliance  des  Pietés  et  des  Anglo-Saxons  :  en  734  ils 
détruisent  une  armée  picte  à  Mocetane  (auj.  Mugdock).  Au  vii« 
siècle,  le  breton  est  encore  parlé  dans  le  Somerset  ;  il  se  main- 
tient un  ou  deux  siècles  plus  tard  dans  le  Devon  et  le  Dorset.  En 
Irlande,  l'invasion  Scandinave,  puis  l'invasion  anglo-normande 
bouleversent  le  pays  et  refoulent  la  langue  nationale  ;  mais  celle-ci 
est  vivace  et,  malgré  des  péripéties  douloureuses,  se  maintient  au 
cours  des  siècles.  Dans  notre  Armorique,  la  langue,  importée  de 
Grande-Bretagne  aux  v*  et  vi^  siècles,  subit  l'assaut  du  français. 
Déjà  affaibli  par  la  domination  Scandinave  dans  le  premier  tiers  du 
x*^  siècle,  l'élément  breton  est  étouffé  dans  une  partie  de  la  pénin- 
sule par  l'élément  français  entre. le  xi*^  et  le  xiiF  siècle.  Il  n'est  plus 
cultivé  et  tombe  rapidement  à  l'état  de  langue  populaire  inférieure. 
Cette  triste  histoire  de  la  décadence  des  langues  celtiques  se 
rachète  par  l'exposé  des  qualités  intellectuelles,  artistiques  et  morales 
des  peuples  qui  les  parlaient.  M.  J.  Loth  en  fait  un  bel  éloge,  plei- 
nement justifié  ;  il  rappelle  leur  élévation  de  sentiments,  leurs 
croyances  philosophiques  et  religieuses,  en  avance  sur  la  plupart 
de  leurs  voisins,  leur  littérature  si  riche,  leurs  rares  aptitudes  à  la 
création  poétique  :  quand  on  lit  les  Mabinogion  et  les  épopées 
irlandaises,  on  déplore  qu'il  n'ait  manqué  aux  Celtes  qu'un  Homère 
pour  donner  à  toutes  ces  belles  légendes  la  forme  qui  les  eût  ren- 
dues immortelles.  Telles  que  nous  les  avons  conservées,  elles  sont 
encore  capables  de  réjouir  et  d'émouvoir  le  monde.  Ce  n'est  pas 
par  la  force  brutale  des  armes  que  la  revanche  des  Celtes  s'est  pro- 
duite :  Arthur  n'est  pas  sorti  de  son  île  enchantée.  C'est  par  la 
vertu  du  génie  celtique  que  le  celtisme  refleurit  dans  le  monde. 

III 

Les  cinq  articles  que  .M.  Gaidoz  a  consacrés  dans  la  Revue  Iiiler- 


Chronique.  67 

nationale  de  l'Enseignement  à  «  Deux  érudits  gallois  :  John  Rhys  et 
Llywarch  Reynolds  »  dépassent  de  beaucoup  l'intérêt  et  la  portée 
des  nécrologes  habituels.  On  les  trouvera  échelonnés  dans  les 
cinq  premiers  fascicules  de  l'année  1917.  Ils  sont  d'une  lecture 
souvent  piquante  et  toujours  instructive.  L'auteur  qui  a  vécu  en 
relations  d'amitié  avec  les  deux  érudits  qu'il  célèbre  a  puisé  large- 
ment dans  ses  propres  souvenirs  et  nous  donne  sur  chacun  d'eux 
mainte  information  personnelle.  On  goûtera  particulièrement  ce 
qu'il  dit  de  Rhys. Avec  un  jugement  singulièrement  ferme  et  précis, 
sans  se  départir  jamais  de  l'objectivité  scientifique,  il  apprécie  en 
Rhys  l'homme  et  le  savant  et  dresse  de  ses  ouvrages  une  biblio- 
graphie critique  et  méthodique.  Rhys  a  touché  à  la  plupart  des 
problèmes  qui  intéressent  les  Celtes;  il  a  été  historien,  philologue, 
folkloriste,épigraphiste.  Résumer  son  activité,  c'est  donc  faire  l'his- 
toire des  études  celtiques  pendant  plus  d'un  demi-siècle.  M.Gaidoz 
qui  a.  fondé  la  Revue  Celtique  en  1870  connaissait  dès  avant  cette 
date  tous  les  celtistes  français  et  étrangers  ;  il  s'est  toujours  tenu  au 
courant  des  progrès  de  la  science  qui  lui  était  chère,  restant  en  rela- 
tions avec  les  maîtres  qui  l'enseignaient,  suivant  avec  curiosité 
les  premiers  pas  de  chaque  nouveau  disciple.  Il  a  résumé  dans  ses 
articles  sur  Rhys  et  Reynolds  toute  une  période  de  l'histoire  du 
celtisme,  celle  où  le  celtisme  est  entré  définitivement,  en  partie 
grâce  à  lui-même,  dans  la  voie  de  la  saine  méthode  scientifique. 

IV 

Marcellus  de  Bordeaux,  dit  aussi  Marcellus  Empiricus,  magister 
officiorum  de  Théodose  le  Grand  et  auteur  d'un  traité  de  Medica- 
men/w,  a  longtemps  intrigué  certains  celtistes.  Son  ouvrage  contient 
en  effet,  outre  treize  mots  qu'il  donne  expressément  comme  gau- 
lois I,  un  certain  nombre  de  formules  magiques  où  il  y  a  des  mots 
latins,  des  mots  grecs  et  des  mots  qui  ne  peuvent  s'expliquer  ni 
parle  grec  ni  par  le  latin.  Il  est  tentant  d'y  soupçonner  du  celtique. 
En  1847,  Jacob  Grimm  lut  à  l'Académie  des  sciences  de  Berlin  un 
mémoire  dans  lequel  il  expliquait  par  l'irlandais  les  formules 
incompréhensibles  de  Marcellus.    Sa    doctrine,   bien   que  reprise 

I.  Douze  noms  de  plantes  :  baditis,hhitthagio,  hricitviuni,  calliouiarcus, 
calocatatios,  gigarus,  gihitiin,  hatiis,  odocos,  ratis,  ueinetiis,  tiistuiiarus,  et  un 
nom  d'oiseau  :  alauda .  Il  faut  y  joindre  peut-être  le  mot  geusiae  «  gen- 
cives» (Meyer-Lùbke,  Rom.  Etyni.  Wtb.,  p.  280)  et  sûrement  le  mot 
brigantes  «uermiculi  »  (A.  Thomas,/oMrHfl/  des  5flî'a«^i,  janvier-février  1920, 
p.  20). 


68  Chronique. 

plus  tard  par  Pictet,  ne  tut  admise  ni  par  Zeuss,ni  par  Ebel  ;  d'Ar- 
bois  de  Jubainville  l'a  formellement  rejetée  {Mèm.  de  la  Soc.  de 
Ling.,  II,  p.  66).  On  continue  cependant  à  ranger  ces  formules 
parmi  les  documents  de  la  langue  gauloise,  sans  réussir  d'ailleurs  à 
les  interpréter.  Le  dernier  essai  d'interprétation  est  sans  doute  celui 
de  sir  John  Rhys  (Celtaeatid  Galli,  p.  50-53)  :  il  ne  vaut  pas  mieux 
quelesautres.  A  titre  documentaire,  M.  Dottin,  comme  il  convient, 
a  fait  place  aux  formules  de  Marcellus  dans  son  livre  récent  sur 
la  Langue  gauloise  (Paris,  Klincksieck,  1920),  p.  214.  Elles  sont  au 
nombre  d"une  douzaine  ■  et  ne  présentent  en  général  qu'une  succes- 
sion de  mots  barbares;  il  est  peui-ètre  oiseux  d'y  chercher  un  sens. 
M.  AudoUent  a  montré  par  l'usage  des  defixionum  tabellae  que  la 
magie  n'emploie  pas  seulement  des  langages  connus  ;  elle  recourt 
volontiers  à  la  cryptologie,  se  sert,  comme  dit  Lucien  (Méiiippe, 
9),  d'a!7Y,(ji.a  ovoaaxa,  mots  inintelligibles,  dépourvus  de  sens, 
soit  qu'ils  n'en  aient  jamais  eu,  soit  plutôt  qu'ayant  été  estropiés, 
déformés  par  l'usage,  ils  aient  perdu  celui  qu'ils  avaient  primitive- 
ment (A.  Audollent,  Defixionum  tabellae,  p.  lxix  et  suiv.).  Les 
formules  de  Marcellus  pourraient  bien  n'appartenir  à  aucune  langue 
parlée, 

A  la  fin  de  l'article  précité,  d'Arbois  de  Jubainville  exprimait  le 
regret  qu'on  ne  disposât  d'aucune  bonne  édition  de  l'ouvrage  de 
Marcellus  ;  il  proposait  d'attendre  une  révision  des  manuscrits,  qui 
sont  au  nombre  de  trois  (Parisinus  6880,  Laudunensis  420  etBri- 
tish  Muséum  Arundel  i6é)  et  un  nouvel  établissement  du  texte 
pour  se  prononcer  sur  la  celticité  des  formules  qu'il  renferme.  La 
chose  est  possible  aujourd'hui.  Nous  avons  une  édition  de  l'ouvrage 
de  Marcellus  qui  sera  pour  longtemps  définitive,  car  elle  est 
l'œuvre  de  l'excellent  philologue  et  linguiste  qu'est  M.  Max  Nie- 
dermann  :  Marcellide  Medicamcnlis  liber,  Berlin  et  Leipzig,  Tenbner, 
1916  (Corpus  medicorum  Latinorum,  tome  V),  xxxv-368  p.  grand 
8°.  Les  formules  en  question  y  figurent  aux  pages  60,  72,  74,99, 
107,  121,22e,  233,247.  Si  d'Arbois  de  Jubainville  avait  eu  le 
volume  entre  les  mains,  il  eût  sans  doute  maintenu  sa  conclusion  : 
il  n'y  a  rien  là  qui  paraisse  vraiment  celtique.  Une  exception  au 
moins  est  permise,  en  faveur  du  passage  viii,  171  où  se  lit  la 
formule  :  inmon  dercomarcos  axaîison.   A  vrai  dire,  le  premier  mot 

I.  M.  Dottin  en  enregistre  dix  ;  mais  il  n'y  a  pas  de  raison  pour  ne  pas 
joindre  à  celles  qu'il  cite  les  formules  indiquées  par  Marcellus  aux  chapitres 
XXVIII,  73,  XXIX,  45,  XXXI,  33;  la  langue  n'en  paraît  ni  plus  ni  moins 
«  celtique»,  avec  çà  et  là  des  mots  grecs  comme  -o'tvîx  (.')  ou  latins  comme 
ahsis  Q). 


Chronique.  69 

et  le  dernier  ne  se  laissent  pas  aisément  interpréter.  Mais,  la  for- 
mule étant  destinée  à  combattre  une  affection  de  l'œil,  le  second 
mot  contient  certainement  le  même  radical  que  l'irlandais  derc 
«  œil  ».  due  faire  toutefois  de  -mnrcos}  Le  mot  gaulois  marcos 
(.<  cheval  »,  bien  connu  par  ailleurs,  ne  fournit  ici  aucun  sens  satis- 
faisant. Faudrait-illire  dercomaros  «  ayant  bonne  vue  »,  en  compa- 
rant Xertoiiiaros (irl.  tiertmar,gâ\\.  nerthfaïur  «  fort»)  ou  lantumaros 
(cf.  irl.  élmar  «  zélé,  jaloux  »)  ?  Toute  correction  est  sans  doute 
téméraire  tant  que  la  valeur  des  deux  autres  mots  de  la  formule 
n'aura  pas  été  sûrement  établie. 

V 

Depuis  qu'on  a  publié  les  inscriptions  imprécatoires  gravées  sur 
des  lamelles  de  plomb  et  cachées  au  fond  des  tombeaux,  l'intérêt 
grammatical  de  ces  curieux  textes  n'a  pas  échappé  aux  latinistes. 
Déjà  leur  premier  éditeur,  M.  A.  Audollent,  dans  le  volumineux 
corpus  qu'il  a  dressé  des  Defixiouiim  tabeïîae,  a  fait  un  relevé  des 
particularités  grammaticales  qu'elles  présentent  (p.  5 17-5 49). Depuis, 
quelques  études  de  détail  ont  complété  les  premières  données. Mais 
il  n'y  avait  pas  de  travail  d'ensemble.  Un  élève  de  M.  M.  Nieder- 
mann,  M.  Maurice  Jeanneret,  s'est  proposé  d'étudier  la  Langue 
des  fableties  d'exécration  latines  et  de  présenter  son  travail  comme 
thèse  de  doctorat  à  l'Université  de  Neufchâtel.  L'ouvrage  a  paru 
en  1918  (Neufchâtel  et  Paris,  Attinger  frères,  vii-172  p.  8°,  12  fr.). 
Il  mérite  d'être  signalé  aux  celtistes,  tant  pour  les  qualités  de 
méthode  et  de  précision  qu'il  a  en  commun  avec  tous  les  travaux 
inspirés  par  M.  Niedermann  que  parce  qu'il  pose  un  certain  nombre 
de  problèmes,  d'ordre  général  ou  particulier,  qui  intéressent  nos 
études . 

La  principale  difficulté  du  travail  de  M.  Jeanneret  est  dans  le 
fait  qu'il  s'appliquait  à  une  matière  qu'on  ne  peut  rigoureusement 
pas  définir.  A  quelle  langue  avait-il  affaire  ?  Les  tablettes  d'exécra- 
tion se  rencontrent  sur  toute  l'étendue  du  monde  romain,  depuis 
la  Grande-Bretagne  jusqu'à  l'Afrique,  v  compris,  outre  l'Italie,  les 
pays  germaniques,  la  Gaule  et  l'Espagne  ;  c'est  en  Afrique 
toutefois  qu'on  en  a  découvert  le  plus  grand  nombre.  En  outre,  il  y 
en  a  de  toutes  les  époques,  depuis  le  premier  siècle  avant  notre 
ère  jusqu'au  v«  siècle  après  J.-C.  Ce  sont  des  témoignages  abon- 
dants, puisqu'il  y  en  a  plusieurs  centaines,  mais  isolés  et  somme 
toute  indépendants  les  uns  des  autres.  Quel  lien  pourrait  les  mettre 
ensemble  et  en  faire  l'unité?    Dira-t-on    qu'il   s'agit  d'un  langage 


70  Chronique. 

populaire  ?  Sans  doute  le  caractère  populaire  de  ces  inscriptions  est 
évident  ;  il  ressort  à  la  fois  de  la  personne  des  gens  qui  les  rédi- 
geaient et  des  motifs  delà  rédaction.  Les  thèmes  sur  lesquels 
roulent  ces  inscriptions  sont  inspirés  des  passions  qui  agitent 
l'àme  populaire:  l'amour  et  le  jeu,  la  cupidité  et  l'envie.  Il  v  est 
question  de  rivalités  féminines,  de  courses  de  chevaux, de  procès. 
Dans  leur  simplicité  misérable,  ils  portent  éloquemment  témoignage 
de  l'éternelle  et  incurable  bêtise  humaine.  Comme  celle-ci  ne 
laisse  pas  d'utiliser  les  progrès  de  la  civilisation,  la  tabula  defixio- 
nis  est  aujourd'hui  avantageusement  remplacée  par  la  lettre 
anonyme.  Y  a-t-il  donc  une  langue  des  lettres  anonvmes  ?  La 
langue  des  tabulae  n'est  pas  définie  par  le  fait  qu'il  s'agit  d'invec- 
tiver une  amante  infidèle  ou  de  vouer  un  rival  à  la  mort.  Q.uelle 
conclusion  peut-on  tirer  du  rapprochement  de  trois  imprécations 
amoureuses,  dont  l'une  trouvée  à  Bologne  date  du  iv<=  ou  v«  siècle 
de  notre  ère,  la  seconde  à  Carthage  duiF  siècle  après  Jésus-Christ, 
et  la  troisième  à  Rome  du  !«■■  siècle  avant  ?  En  admettant  que  nous 
ayons  dans  les  trois  cas  un  exemplaire  de  parler  populaire,  ce 
parler  populaire  était-il  le  même  sur  toute  l'étendue  de  l'empire 
romain  et  serait-il  resté  invariable  pendantcinq  siècles? 

M.  Jeanneret  a  senti  la  difficulté  et  a  tenté  de  la  pallier  en  disant 
qu'il  s'agit  d'une  langue  spéciale.  Ce  n'est  pas  assez  dire.  Il  y  a 
sans  doute  des  habitudes  que  la  tradition  impose  souvent  aux 
langues  spéciales,  mais  les  langues  spéciales  ne  sont  pas  des 
langues  qui  ne  changent  pas.  Tout  au  contraire.  Elles  naissent 
dans  certains  milieux  spéciaux  du  fonds  d'une  langue  commune, 
avec  laquelle  elles  restent  en  contact  et  dont  elles  se  renou- 
vellent. En  bonne  méthode,  les  tabulae  defixionum  devraient  donc 
être  étudiées  par  époque  et  par  région.  C'est  alors  que  l'étude  en 
serait  instructive,  car  on  pourrait  légitimement  comparer  les 
particularités  qu'elles  présentent  à  la  langue  commune  en  usage 
dans  la  région  d'où  elles  sont  sorties.  Ainsi  les  inscriptions  de 
la  collection  de  Johns  Hopkins  University  admettent  une  étude 
d'ensemble.  Elles  nous  éclairent  avec  sincérité  sur  un  certain 
parler  en  usage  dans  le  bas  peuple  de  Rome  au  temps  de  César  et 
de  Cicéron  ;  encore  qu'il  faille  apporter  beaucoup  de  prudence  à 
conclure,  vu  le  petit  nombre  et  la  faible  étendue  des  textes,  on  en 
peut  cependant  dégager  certaines  conclusions  précises.  De  même, 
les  inscriptions  d'Hadrumète  qui  sont  du  ii^  ou  iii<^  siècle  de  notre 
ère  nous  fournissent  sur  l'état  du  latin  en  Afrique  à  cette  époque 
des  renseignements  qu'on  ne  saurait  dédaigner.  Elles  sont  sensible- 
ment plus  correctes  que  les  inscriptions  de  Rome  ou  de  Campanie 


Chronique.  71 

qui  leur  sont  antérieures  de  plusieurs  siècles.  Ce  n'est  pas  à  Hadru- 
mète  qu'on  écrirait  palpetra  pour païpebra,  merila  pour  medulla,  ou 
poUiciarus  pour  poUicearis.  Les  écrivains  publics  d'Hadrumète 
avaient  la  prétention  d'écrire  le  latin  correctement  tel  qu'ils  l'avaient 
appris  ;  les  défaillances  qu'ils  commettent  trahisseru:  précisément 
qu'ils  écrivaient  une  langue  apprise.  Les  conditions  linguistiques 
dans  lesquelles  ont  été  rédigées  les  tablettes  de  Rome  et  celles 
d'Hadrumète  sont  donc  absolument  diftérentes. 

Il  faut  tenir  compte  aussi  des  particularités  de  grammaire  ou  de 
prononciation  qui  sont  dues  aux  dialectes  en  usage  dans  le  pays. 
Ainsi,  pour  en  revenir  aux  pays  celtiques,  M.  Jeanneret  rencontrait 
sur  la  fameuse  tabula  de  Lydney  Park  (Audollent,  p.  159,  n°"  106) 
les  formes  deiio  et  demediam.  Il  a  le  tort  de  les  confondre  dans  une 
liste  d'exemples  variés,  venus  d'ailleurs,  6ù  un  /  est  transcrit  ^, 
«  contre-partie,  dit-il,  de  idsica  pour  uêsica  »  (p.  20).  Les  formes 
deuoet  demediam  doivent  être  rangées  à  part  et  interprétées  de  façon 
spéciale.  L'ancienne  diphtongue  ei  était  devenue  ê  en  celtique. 
Delà  les  mots  gaulois  Dcita  et  Dénoua  (parfois  écrits  ou  même  pro- 
noncés à  tort  Diua  et  Diiioua  parles  Latins).  La  ïorvat  diuo  sm 
l'inscriptioii  de  Lydney  Park  est  donc  un  fait  de  prononciation 
celtique.  On  a  substitué  au  latin  t^/';/- laforme  celtique  d'ev-.  Ce  n'est 
pas  la  contrepartie  de  ulsica  pour  uêsica,  mais  bien  de  Dïuona  pour 
Dénoua  dans  des  textes  latins.  La  graphie  demediam  sur  la  même 
inscription  pourrait  s'expliquer  d'une  manière  analogue  par  le  fait 
qu'un  préfixe  de-,  issu  de  *diiei-,  était  répandu  en  celtique  (cf.  irl. 
dériad  gl.  bigae,  déchorpdae  gl.  bicorpor,  etc.)  :  il  y  aurait  eu  sim- 
plement de  la  part  du  lapicide  confusion  dans  le  mot  en  question 
du  préfixe   latin  di-  (de    dis-')  et  du  préfixe  celtique  d'e-  ÇdQ*dnei-). 

VI. 

M.  P.  Boissonnade,  professeur  à  l'Université  de  Poitiers  et  cor- 
respondant de  l'Institut,  a  consacré  un  article  aux  Relatious  euhc 
r Aquitaine,  le  Poitou  et  V Irlande  du  V"  au  IX^  siècle.  L'article,  publié 
dans  le  Bulletin  de  la  Société  des  Antiquaires  de  l'Ouest  (t.  IV, 
19 17),  forme,  en  tirage  à  part,  une  brochure  de  24  pages  (Poitiers, 
Imprimerie  G.  Roy). 

De  tout  temps,  il  y  a  eu  des  relations  entre  la  terre  de  France  et 
l'Irlande.  Dans  l'antiquité,  ces  relations  furent  d'abord  commer- 
ciales ;  fortifiées  au  cours  des  siècles,  elles  facilitèrent  plus  tard 
entre  les  deux  pays  des  relations  intellectuelles  et  notamment  reli- 
gieuses. Les  Siliungsbericbte  de  r Académie  de  Berlin  contiennent  une 


72  Chronique. 

série  d'articles  qu'avait  écrits  Zimmer  sur  cette  question  des 
relations  commerciales  entre  la  Gaule  et  l'Irlande  (cf.  R.  CelL, 
XXXII,  130).  L'illustre  celtiste  y  traitait  de  l'exportation  des  vins 
qui  tenait  une  grande  place  dans  le  trafic  ;  il  étudiait  l'influence 
qu'exerça  la  Gaule  sur  l'église  d'Irlande;  enfin,  il  cherchait  à 
déterminer  la  voie  par  laquelle  depuis  l'origine  les  relations  entre 
les  deux  pays  s'étaient  effectuées.  Comme  d'Arbois  de  Jubainville 
l'avait  précédemment  fait  remarquer  (R.  CelL,  XXX,  212),  cette 
voie  était  double.  Il  y  avait  une  route  par  la  Manche  et  le  Pas  de 
Calais,  à  travers  la  Grande-Bretagne  en  partant  de  Rouen  ou  de 
Boulogne,  une  autre  par  l'Océan  en  partant  de  Nantes  ou  de  Bor- 
deaux. Cette  dernière,  qui  fut  de  tout  temps  pratiquée,  devint  sans 
doute  la  plus  ordinaire  lorsque  les  circonstances  politiques  ren- 
dirent l'autre  plus  difficile  et  moins  sûre.  A  partir  du  iv«  siècle,  la 
partie  orientale  de  la  Gaule  fut  exposée  à  l'invasion,  à  la  pénétra- 
tion des  peuples  barbares  ;  la  civilisation  romaine  s'en  reculait  peu 
à  peu  (cf.  Sidoine  Apollinaire,  Paiiégyr.,  dans  les  Carm.,  VII,  369 
et  suiv.).  Comme  il  est  naturel,  la  Gaule  occidentale  garda  plus 
longtemps  les  traditions  qu'y  avaient  fondées  les  Romains. 
Tandis  qu'à  la  fin  du  v*^  siècle,  à  Trêves,  au  désespoir  de  Sidoine 
Apollinaire  (fp/.?/.,  IV,  17),  le  culte  des  humanités  et  la  connais- 
sance même  du  latin  étaient  en  pleine  décadence,  un  siècle  plus 
tard,  à  Poitiers,  où  brillait  le  talent  poétique  de  l'évéque  Fortunat, 
les  lettres  classiques  florissaient  encore.  L'Ouest  se  trouva  ainsi 
plus  favorisé  que  l'Est  et  le  Nord  pour  servir  aux  Gallo-Romains  de 
voie  d'accès  en  Irlande  lorsque  l'évangélisation  multiplia  les  rela- 
tions entre  les  deux  pays. 

Du  v=  au  ix=  siècle,  c'est  surtout  de  nos  provinces  du  littoral  de 
l'Atlantique  que  les  Irlandais  tirèrent  de  quoi  alimenter  chez  eux 
la  foi  nouvelle.  Au  v^  siècle  en  Gaule  l'Aquitaine  était  le  principal 
centre  de  l'apostolat.  La  légende  veut  que  saint  Patrice  ait  visité 
la  Gaule  occidentale,  où  il  aurait  débarqué  d'un  bateau  marchand 
vers  l'embouchure  de  la  Loire;  il  aurait  visité  Tours,  puisAuxerre, 
et  les  écoles  gauloises.  Il  n'y  a  sans  doute  dans  cette  légende 
qu'un  naïf  désir  de  rattacher  la  mission  de  saint  Patrice  aux  deux 
grands  apôtres  de  la  Gaule,  saint  Martin  et  saint  Germain,  qui 
d'ailleurs  ne  florissaient  pas  exactement  à  la  même  date.  Le  fait  est 
qu'en  Irlande  les  souvenirs  du  fondateur  de  Ligugé  et  de  Marmou- 
tier  abondent.  La  vie  de  saint  Martin  par  Sulpice  Sévère  fait  suite 
à  celle  de  saint  Patrice  dans  le  fameux  Book  of  Armagh  (v.  Rev. 
CelL,  XXXVIl,  p.  417);  dans  des  vies  de  saint  Patrice  de  date 
postérieure,    il   est   dit  que  le  jeune  Patrice  était   venu   à  ^Tours 


Chronique.  73 

auprès  de  saint  Martin  pour  y  poursuivre  ses  études  et  y  recevoir 
la  tonsure  (Bury,  Life  of  saint  Patrick,. p.  273  et  suiv.).  Une  note 
au  texte  de  l'hymne  de  Fiacc  dans  le  ms.  des  Franciscains  dit  même 
que  Concessa,  la  mère  de  saint  Patrice,  aurait  été  la  sœur  de  saint 
Martin  (^ba  siiir  side  cohnesta  do  Martan,  Thés.  Pal.-hib.,  II,  309, 
1.  20)  ;  la  même  parenté  est  donnée  dans  le  Betha  Patraic  des  Lis- 
more  Lives  Qiur  do  Mhartan  bi,  1.  49,  éd.  \Vh.  Stokes).  Saint 
Martin  devient  ainsi  le  père, spirituel  du  monachisme  irlandais  : 
les  grands  fondateurs  de  monastères  se  réclament  de  lui.  Son  tom- 
beau à  Tours  est  parmi  les  Irlandais  l'objet  d'une  vénération  tradi- 
.  tionnelle.  Saint  Colomban  y  vient  en  pèlerinage  et  y  passe  une 
nuit  en  prières  ÇViia  Cohinihani  par  Jonas,  7,  23,  74  dans  les  Mon. 
Gerni.  Hist.,  Script.  Rer.  Mer.,  IV,  1-17  '). 

Dans  son  désir  de  faire  ressortir  l'importance  du  rôle  de  saint 
Martin,  M.  Boissonnade  oublie  un  peu  saint  Germain  ;  il  sacrifie 
Auxerre  à  Tours.  La  façon  dont  il  présente  les  faits  donnerait  à 
croire  que  le  nom  de  saint  Germain  eût  été  introduit  par  une 
simple  bévue  dans  la  vie  de  saint  Patrice.  Ce  n'est  pas  exact  ;  saint 
Germain  tient  plus  de  place  que  saint  Martin  dans  les,  anciennes 
vies  de  saint  Patrice  (v.  Bury,  op.  cit.).  Et  il  n'est  pas  juste  de  dire 
(p.  8)  qu'  «  il  n'y  a  pas  trace  de  saint  Germain  d'Auxerre  »  dans 
«  la  littérature  ecclésiastique  de  l'Hibernie  ».  Ce  n'est  pas  seule- 
ment la  Vie  Tripartite  qui  met  saint  Patrice  en  rapport  avec  saint 
Germain  ;  c'est  Je  Book  of  Armagh  (v.  Thés.  Pal.-Hih.,  II,  288)  ; 
c'est  l'Hvmne  de  Fiacc,  qui  ne  parle  pas  de  saint  Martin  et  où  saint 
Germain  est  nommé  (^ihid.,  II,  p.  311,  v.  10);  c'est  le  Betha 
Patraic  des  Lismore  Lives.  Saint  Germain  est  donné  comme  le 
maître  de  saint  Patrice  dans  deux  notes  au  Félire  d'Oengus  tirées 
du  Leabhar  Breacc,  Gernian  maigistir  Patraic  (28  mai,  p.  xci  de 
l'cd.  Stokes,  1880)  et  Germain  escop  7  maigistir  Patraic  (i^""  octobre, 
p.  CLiv,  ihid.)  ;  de  même  dans  une  note  au  même  Félire  de  l'édition 
Stokes,  1905  (German  espoc,  aiti  Patraic,  31  juillet,  p.  173).  Il  y 
avait  donc  en  Irlande  une  tradition  à  cet  égard  ;  on  la  retrouve 
dans  la  Vie  latine  de  saint  Ciaran  de  Saigir  (C.  Plummer,  t.  I, 
p.  219)  :  ...quod  cymbalum  factura  est  apud  Germanum  episcopum, 
magistrum  sancti  Patricii. 

A  la  gloire  de  saint  Martin    se  joignait  dans  la  vénération  des 


I.  On  trouvera  une  honijélie  irlandaise  sur  saint  Martin  dans  la  Revue 
Celtique,  II,  381  etlll,  152.  —  Saint  Martin  a  pénétré  aussi  dans  la  légende 
Scandinave  :  c'est  lui  qui  apparaît  au  roi  Olaf  Tryggvason  pour  lui  pres- 
crire uu  rituel  nouveau  de  la  libation. 


74  Chronique. 

fidèles  celle  de  saint  Hilaire,  le  grand  évcque  de  Poitiers  au  iv 
siècle  '.  On  venait  également  d'Irlande  prier  sur  le  tombeau  de  ce 
dernier.  C'est  par  un  pèlerinage  au  sanctuaire  de  Poitiers  que  saint 
Fridolin,  débarquant  d'Irlande,  aurait  commencé  sa  mission  sur  le 
continent. 

Il  arriva  en  eftet  un  moment  où  c'est  la  Gaule  qui  devint  la 
débitrice  de  l'Irlande.  A  partir  du  vii*^  siècle,  la  barbarie  gagne 
l'Occident.  Les  florissantes  régions-^du  Poitou  et  de  l'Aquitaine 
qu'avaient  illustrées  Ausone  et  saint  Hilaire,  saint  Martin,  saint 
Grégoire  et  Fortunat,  sont  désolées  par  les  invasions.  Un  grand 
nombre  de  moines  et  de  lettrés  du  continent  allèrent  chercher  un 
refuge  en  Irlande  (v.  R.  Celt.,  XXXIV,  222)  ;  et  lorsque,  grâce  à 
l'arrivée  de  ces  étrangers,  les  monastères  d'Irlande  se  furent  nour- 
ris de  bonne  doctrine,  ils  devinrent  à  leur  tour  des  pépinières  de 
missionnaires  qui  allèrent  évangéliser,  civiliser  la  Gaule  orientale, 
la  région  rhénane  et  les  Alpes  jusqu'à  l'Italie  du  Nord.  Le  premier 
en  date  de  ces  missionnaires  est  le  grand  apôtre  saint  Colomban, 
qui  mourut  en  615  à  Bobbio  après  avoir  fondé  dans  les  Vosges  les 
monastères  d'Anegray,  de  Luxeuil  et  de  Fontaine.  Il  eut  des  dis- 
ciples et  des  successeurs  nombreux  :  saint  Gall,  saint  Fursy,  saint 
Ultan,  saint  Foilan,  saint  Desle,  saint  Roding,  saint  Liévin,  saint 
Mauguille,  saint  Gobain.  L'ardeur  de  l'apostolat  accroissait  chez  les 
Irlandais  cet  amour  du  voyage,  qui  est  un  des  traits  du  tempérament 
national  (consuetudo  peregrinandi,  comme  dit  Walahfrid  Strabo 
au  ix^  siècle,  Mon.  Germ .  Hist.,  II,  30)  et  qui  explique  aujour- 
d'hui encore  l'extension  de  l'émigration.  M.  Gaidoz  a  découvert  en 
Savoie  la  trace  d'un  évêque  d'Armagh,  Conchobar  Mac  Concoille, 
mort  par  accident  dans  un  iter  italicum,  et  devenu  à  Chambéry 
l'objet  d'un  culte  local  sous  le  nom  de  saint  Concord  {Rev .  Celt., 
VIII,  165). 

L'église  d'Irlande  ne  laissa  pas  d'exercer  une  influence  sur  celle 
d'Aquitaine.  Saint  Amant,  originaire  du  Bas-Poitou  (Pays  d'Her- 
bauge),  apôtre  de  la  Gascogne  et  des  Pays-Bas,  fui  des  premiers  à 
adhérer  à  la  règle  colombanienne  (Scottorum  partibus  adhaerere, 
Krusch,  Mon.  Germ.  Hist.,  V,  595).  C'est  en  Irlande  que  Grimoald 
envoya  Dagobert  II  en  656,  par  l'entremise  de  Didon,  évêque  de 
Poitiers,  qui  était  en  rapports  étroits  avec  l'église  de  ce  pays 
(Krusch,   Mon.  Germ.  Hist.,  II,  316).  Ce  même   Didon  fit  venir 

I.  Les  vies  latines  de  saint  Ailbe  et  de  saint  Declan  mettent  ces  deux 
saints  en  relation  avec  saint  Hilaire  à  Rome  (C.  Plummer,  t.  I,  p.  49; 
t.II,  p.  38). 


Chronique.  75 

saint  Fridolin  à  Poitiers  (id.,  ibid.,  III,  555)  dans  le  même  temps 
qu'à  Solignac  en  Limousin  saint  Éloi  introduisait  la  règle  des 
moines  irlandais  de  Luxeuil  et  qu'à  Cahors  saint  Didier  appelait 
auprès  de  lui  l'irlandais  Amanus  (cf.  Gougaud,  les  Chrétientés  cel- 
tiques, p.  263  et  271).  Les  rapports  religieux  de  l'Aquitaine  et  de 
l'Irlande  se  poursuivirent  pendant  plusieurs  siècles.  M.  Boisson- 
nade  apporte  de  ce  lait  des  preuves  certaines,  auxquelles  nous 
renvoyons  nos  lecteurs  (p.  17  et  suiv.)  :  il  parle  notamment,  d'après 
M.  Antoine  Thomas  (Jim.  du  Midi,  I,  51  et  394  ;  XI,  68;  cf. 
Rev.  Celt.,  XX,  105),  de  l'évêque  d'Angoulême  Tomianus  ou  Tho- 
meneus,  homonyme  d'un  évêque  d'Armagh.  Le  dernier  Irlandais 
qu'on  voie  figurer  parmi  les  personnages  religieux  de  l'Aquitaine 
est  également  un  évêque  d'Angoulême,  Hélie  (de  862  à  875),  qui 
passe  pour  avoir  été  le  disciple  de  Jean  Scot  Erigène.  Avec  lui  se 
termine  une  période  de  relations  continues,  qui  furent  des  plus 
fécondes  pour  les  deux  pays. 

VII 

On  ne  connaît  pas  complètement  l'âme  irlandaise  tant  qu'on  ne 
l'a  pas  entendue  chanter.  Les  chants  populaires  ont  en  Irlande  une 
importance  particulière.  Ils  la  doivent  d'abord  à  leur  beauté  propre, 
bien  digne  de  les  faire  rechercher  de  tous  les  amateurs  de  musique  ; 
on  goûte  en  eux  une  traicheur,  une  spontanéité  dans  le  sentiment, 
une  délicatesse  et  une  exactitude  dans  l'expression,  qui  les  égalent 
aux  plus  touchantes  créations  de  l'art.  Mais  ils  ont  aussi  cet  intérêt 
de  révéler  mieux  que  tout  certains  aspects  du  caractère  national  : 
la  tendresse  expansive  et  pénétrante,  l'ardente  passion,  l'amour  de 
la  nature  et  du  sol  natal,  l'attachement  fidèle  aux  traditions  de  la 
race,  aux  convictions  de  la  patrie.  Voltaire  a  fait  la  remarque  que 
les  chants  populaires  sont  généralement  tristes.  Cela  est  vrai  des 
chants  irlandais.  Il  v  en  a  peu  de  joyeux,  de  vifs  et  d'alertes, 
comme  sont  tant  de  nos  airs  populaires  français  du  xviii^  siècle'; 
la  plupart  sont  empreints  de  mélancolie,  mais  ils  mêlent  souvent 
l'enjouement  à  la  tristesse;  ils  ont  un  ton  de  gravité  souriante  et 
de  douce  résignation,  qui  convient  à  un  peuple  auquel  des  siècles 
d'épreuves  ont  donné  l'habitude  de  la  souflfrance.  La  musique  de 
ces  chants  vaut  uniquement  par  la  mélodie  ;  elle  n'est  pas  chorale. 

I.  Pourtant,  le  joli  air  de  An  Maidrin  rurtJ/;,  tel  qu'on  le  chante  en 
Munster  (Céol  ar  Siusear,  II,  9),  est  aussi  gai  que  l'est  par  exemple  notre 
Covipère  Guilleri . 


yé  '  Chronique. 

Si  doué  qu'il  soit  pour  la  musique,  le  peuple  irlandais  reste  donc 
inférieur  à  certains  peuples  étrangers,  comme  l'allemand,  le  tchèque 
ou  le  russe,  qui  ont  naturellement  le  sens  de  l'harmonie  et  savent 
chanter  en  choeur.  Des  psychologues  ne  manqueraient  pas  de 
reconnaître  à  ce  trait  le  caractère  individualiste  de  la  race  celtique  ; 
peut-être  n'auraient-ils  pas  tort.  Les  chants  irlandais,  si  répandus 
qu'ils  soient  dans  le  peuple,  ont  souvent  un  tour  très  personnel. 
On  connaît  d'ailleurs  plusieurs  des  auteurs  qui  les  ont  composés  ; 
ce  sont  de  ces  poètes  locaux,  répandus  à  travers  la  campagne,  par- 
fois d'humbles  paysans  ou  artisans,  que  le  chant  délasse  de  leurs 
travaux  ou  console  de  leur  misère  ;  il  y  en  a  depuis  plus  de  deux 
siècles  une  floraison  innombrable  en  Irlande.  Leurs  œuvres,  ins- 
pirées des  sentiments  intimes  du  peuple,  ont  enrichi  le  patrimoine 
traditionnel  de  sa  littérature  orale  :  on  peut  les  entendre  encore 
fréquemment,  à  peine  déformées  suivant  les  particularités  dialec- 
tales, dans  la  bouche  de  ces  chanteurs  ou  chanteuses  profession- 
nels, dont  la  mémoire  est  un  trésor. 

Ce  n'est  pas  d'aujourd'hui  que  l'on  a  entrepris  de  recueillir  les 
chants  populaires  de  l'Irlande.  Le  plus  ancien  recueil  est  sans  doute 
celui  d'Edward  Bunting,  A  gênerai  Collection  oftheancient  Irish  Miisic, 
qui  parut  à  Dublin  en  1796.  Les  noms  de  James  Hardiman',  de 
James  Clarence  Mangan  *,  de  George  Pétrie  3,  de  P.  W.  Joyce +,  pour 
ne  citer  que  les  principaux,  montrent  l'intérêt  que  cette  recherche  a 
suscité  parmi  les  érudits  dans  tout  le  cours  du  xix*^  siècle.  On  sait 
que  le  grand  poète  Thomas  Moore  consacra  son  talent  à  mettre  des 
paroles  anglaises  sur  desairs  nationaux).  En  mêmetemps,  Sir  Charles 
Gavan  Duffy  {The  Ballad  Poetry  ofireland,  Dublin,  1845)  et  Edward 
\\'alsh  (^Irish  Popiihir  Songs,  Dublin,  1847)  publiaient  des  chansons 
populaires  sans  musique.  De  nos  jours,  l'entreprise  a  été  continuée 
par  M.  A.  Perceval  Graves  (The  Irish  Song  Book^  London,  1904) 

1.  James  Hardiman,  Irish  Miustrelsy,  or  Bardic  retiiains  ofireland,  uiith 
English  poetkal  translations.  2  vol.  London,  183 1. 

2.  James  Clarence  Mangan,  The  Poels  and  Poetry  of  Munster,  a  sélection 
of  Irish  Songs  ivith poetical  translations,  Dublin,  1849. 

3.  George  Pétrie.  The  Pétrie  Collection  ofthe  ancient  nnisic  of  Ireland,  t.  l, 
Dublin,  1855.  Sir  Charles  Villiers  Stanford  a  publié  à  Londres  en  3  parties 
(1902- 1905)  The  Complète  Collection  oj  Irish  Music  as  noted  hy  George  Pétrie. 

4.  P.  W.  Joyce,  Ancient  Irish  Music  (Dublin,  1872):  Irish  Music  and 
Sang  (Dublin,  1888);  Old  Irish  Folk  Music  and  Songs  (Dublin,  1909). 

5.  Voir  Charles  Villiers  Stanford,  The  Irish  Mélodies  of  Thomas  Moore  ; 
the  original  airs  restored  and  arranged  for  the  voice,  with  pianoforte  accompa- 
niment,  London,  1895. 


Chronique.  77 

et  surtout  par  M.  Douglas  Hyde,  dont  les  «  Love  Songs  of  Con- 
nacht  »  (Abhràln  Gràdh  Chiiige  Conuacht,  Dublin,  1893,  5'  ^d- 
1909)  et  les  «  Religious  Songs  of  Connacht  »  ÇAbhrâin  diadha 
Chi'iige  Connacht,  London,  1906)  sont  connus  et  appréciés  de  tous 
les  lettrés  '. 

Mais  un  travail  de  critique  s'impose  aujourd'hui  aux  collecteurs 
de  chansons  populaires.  Il  reste  en  effet  à  classer  ces  chansons,  à 
en  faire  l'histoire,  à  en  déterminer  l'origine.  Des  auteurs  comme 
Joyce  acceptèrent  parfois  sans  discernement  dans  leurs  recueils  des 
mélodies  ou  des  paroles  qui  n'avaient  rien  d'irlandais  et  qui 
étaient  de  provenance  étrangère,  empruntées  à  l'Angleterre  ou 
même  au  Continent  ^.  Il  y  a  donc  à  éliminer,  et  d'abord  à  analyser, 
après  avoir  rassemblé.  C'est  le  rôle  que  ie  sont  proposé  des  sociétés 
comme  la  Feis  Ceoil  Association,  la  Folk  Song  Society,  l'Irish 
Folk  Song  Society.  On  ne  peut  qu'encourager  et  soutenir  leur 
activité. 

La  première,  dont  le  siège  est  à  Dublin,  37,  Molesworth  Street, 
a  publié  en  19 14  une  Collection  of  Irish  Airs  hitherto  iinpuhlished , 
edited  by  Arthur  Darley  and  P.  J.  Mac  Call  ;  ces  airs  sont  au 
nombre  de  quatre-vingt-cinq.  Nous  ne  connaissons  que  par  ouï- 
dire  cette  publication. 

La  seconde  est  une  société  scientifique  bien  connue,  qui  a  son 
siège  à  Londres  (19,  Berners  Street,  \V .  i)et  qui  publie  un  excel- 
lent périodique,  consacré  au  Folk  Song  en  général.  Nous  avons 
signalé  en  son  temps  le  fascicule  lé  (qui  fait  partie  du  tome  IV) 
du  Jourral  ofthe  Folk  Song  Society;  c'était  un  recueil  de  cent  cinq 
chansons  écossaises,  dû  à  Miss  Frances  Tolmie  (v.  Revue  Celtique, 
t.  XXXIII,  p.  152).  Le  fascicule  23  du  même  journal  (qui  fait 
partie  du  tome  VI,  p.  95-205)  contient  trente-trois  chansons 
irlandaises  recueillies  par  M.  A.  M.  Freeman.  Le  recueil  était  prêt 
avant  la  guerre  ;  il  n'a  paru  qu'en  janvier  1920,  l'auteur  ayant  servi 
jusqu'à  la  fin  sous  les  drapeaux.  Son  travail  est  excellent  :  il  a 
poursuivi  méthodiquement  son  enquête,   avec  une  conscience  de 

1.  Un'  recueil  populaire  commode  et  bon  marché  est  celui  du  P.  Patrick 
Walsh,  Ceol  lir  Sinsear  «  Musique  de  nos  ancêtres  »  (Dublin,  191 3,  i  sh.), 
en  sept  parties,  dont  la  sixième,  intitulée  Fiium  na  Sviôl  «  chant  des  grives  », 
donne  parfois  son  titre  au  recueil  entier.  —  On  peut  citer  aussi  an  Smôlach 
«  la  Grive  »  (Dublin.  Maunsel,  1918,  i  s.  6  d.),  onze  mélodies  à  paroles 
irlandaises  avec  accompagnement  de  piano  par  M.  Hubert  E.  Rooney. 

2.  C'est  même  le  cas  d'auteurs  plus  récents,  comme  le  capitaine  Francis 
O'Xeill,  auquel  on  doit  un  important^  recueil  de  1850  airs,  publié  à  Chi- 
cago en  1903  sous  le  titre  Music  of  Iretand. 


78  Chronique. 

philologue  ;  il  a  joint  à  son  texte  une  traduction  anglaise  et  des 
notes,  que  M.  Robin  Flower  et  Miss  L.  E.  Broadwood  ont  com- 
plétées çà  et  là  d'utiles  renseignements  comparatifs.  La  plupart 
des  chansons  ont  été  fournies  à  l'auteur  par  un  vieillard  nommé 
Connv  Cochlan  (Coiichobhar  O'Cochlàin,  prononcé  Crochùr 
O'Cochalâin),  habitant  Derrynasaggart  près  Ballyvourney  (Co. 
Cork);  quelques-unes  aussi  viennent  d'une  vieille  femme  de  Bal- 
lymakeery  (Co.Cork),  nommée  Peg  O'Donoghue  (PeigNi  Dhonn- 
chadha,  prononcé  Peg  Ni  Ghonochua).  Ce  sont  donc  des  chansons 
du  Munster.  Le  comté  de  Cork  a  été  longtemps  et  est  encore  une 
pépinière  de  chanteurs,  grâce  à  Mrs.  Annie  O'Rahillv  (Aine  Ni 
Raghallaigh)  qui  enseignait  à  l'Irish  Collège  de  Ballingeary,  grâce 
aussi  au  Père  O'Flynn,  de  Cr)rk,  ardent  promoteur  de  l'enseignement 
du  chant  dans  les  écoles.  Le  recueil  de  M.  A.  M.  Freeman  doit 
être  continué  dans  un  fascicule  suivant  du  même  périodique. 

LIrish  Folk  Song  Society,  fondée  en  1904,  a  son  siège  à 
Londres,  20  Hanover  Square,  W.  Elle  a  publié  en  1919  un  excel- 
lent recueil,  Aiiihrâin  Mhuighe  Seôla,  traditioual  Soiigs  frotn  Galway 
and  Mayo,  coUected  and  edited  by  Mrs.  Costello,  Tuam.  Le  Con- 
naught,  qui  s'honore  d'un  poète  comme  Raftery,  est  une  des 
régions  où  le  chant  est  le  plus  en  faveur  parmi  le  peuple.  C'est  de 
là  que  M.  Douglas  Hyde  a  tiré  la  matière  de  ses  deux  recueils. 
M.  Thomas  O'Mâille,  avec  la  collaboration  de  son  frère  Michel,  a 
publié  en  1905  à  Dublin  un  Amhrâin  Chlainne  Gaedbeal,  dont  les 
morceaux  provenaient  également  de  cette  région  ;  et  l'on  cite  aussi 
des  «  chants  irlandais  de  l'Ouest  »  (Abhrâui  Ghaedbilge  an  iarthair, 
Dublin,  1906)  de  M.  Michel  Timony.  Le  recueil  de  Mrs.  Costello 
comprend  quatre-vingts  chansons,  dont  le  texte  irlandais  est  accom- 
pagné d'une  traduction  anglaise  et  de  notes.  Q.uelques-unes  sont 
tort  belles  ;  la  mélodie  de  plusieurs  est  pleine  de  caractère  (v. 
notamment  p.  45  et  p.  55),  et  les  paroles,  souvent  empruntées  à 
Raltery  lui-même,  sont  d'un  joli  tour  poétique. 

Comme  on  le  voit,  l'étude  des  chansons  populaires  d'Irlande  est 
à  l'heure  actuelle  en  pleine  prospérité.  Beaucoup  a  été  fait  déjà  ; 
mais  il  y  a  encore  une  belle  moisson  à  récolter.  II  est  à  souhaiter 
que  les  autres  parties  du  domaine  celtique  soient  cultivées  à  cet 
égard  avec  la  même  activité  '. 


I .  On  s'occupe  beaucoup  de  chansons  populaires  en  Ecosse.  Sans  parler 
des  recueils  spéciaux  comme  celui  de  Miss  F.  Tolmie  (v.  ci-dessus),  il 
existe  de  petits  recueils  populaires  avec  notation  musicale,  An  Smeôrach 
«  The  Mavis  »  et  Am  Brù-dhearg  «  The  Robin  »  par  Malcolm  Mac  Farlane 


Chronique.  79 


VIII 


Depuis  que  le  tokharien  a  été  découvert,  les  linguistes  ont  pris 
à  tâche  de  marquer  la  place  de  ce  nouveau  venu  dans  la  tamille 
indo-européenne  ;  et  chacun  s'est  ingénié  à  lui  trouver  des  liens  de 
parenté  avec  les  dialectes  déjà  connus.  M.  Meillet  qui  a  été  l'un 
des  premiers  à  fixer  les  traits  grammaticaux  du  nouveau  dialecte, 
s'est  tenu,  quand  il  s'est  agi  d'en  déterminer  la  parenté,  sur  une 
prudente  réserve.  On  n'attendait  pas  moins  de  l'auteur  des  Dia- 
lectes indo-enropéeui.  Ayant  fondé  et  proclamé  une  doctrine,  il 
n'avait  garde  de  la  compromettre  par  des  applications  hâtives  et 
aventureuses.  A  la  fin  du  magistral  article  d'ensemble  qu'il  a  con- 
sacré au  x6k\\2.x\tn  (^Indogermanisches  Jahrbuch,  t.  I,  p.  1-19),  il 
dit,  p.  17  :  «  On  ne  se  trompera  sans  doute  pas  beaucoup  en  at- 
tribuant au  tokharien  une  place  intermédiaire  entre  Titalo-celtique 
d'une  part,  le  slave  et  l'arménien  de  l'autre.  Mais  les  faits  dont  on 
dispose  ne  permettent  aucune  conclusion  certaine.  »  Cette  opi- 
nion est  celle  de  la  prudence  et  du  bon  sens.  Aussi  est-elle  traitée 
de  «  farblos  »  par  M.  Julius  Pokorny. 

M.  Julius  Pokorny  aime  les  couleurs  crues  et  tranchées;  il  ne 
sait  pas  que  dans  les  ouvrages  de  l'esprit,  ce  qu'il  y  a  de  plus  beau, 
ce  n'est  pas  la  couleur,  c'est  la  nuance.  Aussi  ne  pouvait-il  se 
contenter  de  la  conclusion  finement  nuancée  de  M.  Meillet.  Son 
travail  sur  «  la  Place  du  tokharien  parmi  les  langues  indo-euro- 
péennes '  »  montre  une  fois  de  plus  avec  quelle  facilité  il  se  laisse 
prendre  aux  brillants  tableaux  que  son  imagination  présente  à  ses 
yeux. 

Sa  doctrine  est  que  le  tokharien  se  rattache  à  l'arménien  et  ap- 

et  C.  H.  Mackay  (éditeur  E.  Mackay,  à  Stirling),  Ati  Uiseag  «  The  Lark  » 
par  Malcolm  Mac  Farlane  (éditeur  A.  Sinclair,  à  Glasgow),  Tbe  Celtic  Lyre 
par  Fionn  (en  quatre  parties,  chez  l'éditeur  Sinclair,  à  Glasgow),  et  surtout 
en  un  gros  volume  de  527  pages.  An  t-Oranaiche  qui  comprend  près  de 
500  chansons  (même  éditeur).  —  En  Galles,  il  existe  une  Welsh  Folk  Song 
Society,  et  on  cite  un  recueil  de  M.  Bennett,  ALiwon  fy  Ngichid  a  Airs 
de  mon  pays  ».  —  En  ce  qui  concerne  la  Bretagne,  nos  lecteurs  connaissent 
les  importantes  publications  de  M.  Duhamel  et  de  M.  Lois  Herrieu  (Rev. 
Celt.,  t.  XXXII,  369:  t.  XXXR,  p.  105  ;  t.  XXXV,  p.  121  et  368; 
t.  XXXVII,  p.   140). 

I.  Die  Stelliiiig  des  Tocharischen  im  Kreise  der  iiidogeniiaiiischeii  Sprachen, 
Souderabdruck  aus  den  Berichten  des  Forschungs-Institutes  fur  Osten  und 
Orient  in  Wien,  III.  Baud,  1919,  30  pages. 


8o  Chronique. 

partieiit  comme  l'arménien  à  un  groupe  dialectal  thraco-phrygien, 
intermédiaire  à  l'indo-iranien  et  à  l'illyrien,  ce  dernier  voisin  lui- 
même  de  l'italo-celtique.  Certains  s'étonneront  peut-être  que 
M.  Meillet,  qui  est  un  maître  des  études  arméniennes,  ne  se  soit  pas 
avisé  de  ce  rapprochement.  Mais  M.  Pokorny  appuie  sa  doctrine 
linguistique  d'arguments  historiques  et  archéologiques,  qu'il 
développe  avec  chaleur  et  conviction.  Ce  n'est  pas  le  lieu  de  les 
résumer,  encore  moins  de  les  discuter.  Il  n'y  a  qu'un  côté  de  son 
argumentation  qui  nous  touche,  celui  qui  regarde  les  relations  du 
tokharien  et  du  celtique.  On  sait  qu'un  ou  deux  détails  de  struc- 
ture morphologique  sont  communs  aux  deux  dialectes.  M.  Peder- 
sen  en  était  tenté  de  conclure  que  le  tokharien  appartenait  au  groupe 
celtique  (J^erghich.  Gramin.  der  kelt.  Spracheii,  II,  673).  M.  Char- 
pentier (Z./.  c^^w/^c/:/.  morgenl.  Geselîsch . , znnée  1917,  p.  347),  repre- 
nant cette  idée,  a  prétendu  l'établir  au  moyen  de  données  histo- 
riques :  les  Tokhariens  seraient  les  descendants  des  K'.jxixÉo'.oi  d'Ho- 
mère (X,  14)  et  d'Hérodote  (I,  xv  ;  I\',  xii),  qui  habitaient  d'abord 
au  nord  de  la  mer  Noire,  et  qui  furent  poussés  en  Asie  par  une 
invasion  des  Scythes.  Suivant  lui,  tous  ne  prirent  pas  part  à  cette 
migration  ;  il  y  en  a  qui  demeurèrent  sur  place  et  qu'on  retrouve 
plus  tard  à  Olbia  et  dans  le  delta  du  Danube  :  ce  sont  des  Celtes. 
Les  Tokhariens  seraient  un  rameau  détaché  anciennement  du  même 
tronc  et  qui  aurait  été  entraîné  par  le  bassin  de  la  \'olga  et  le  nord 
de  la  mer  Caspienne  jusqu'au  centre  de  l'Asie.  Les  Kip.|i.£p'.o'.  seraient 
la  même  chose  que  les  Cimbres,  et  par  suite  les  Cimbres  seraient 
des  Celtes  et  non  des  Germains.  M.  Pokornv  renverse  en  partie  la 
fragile  construction  de  M.  Charpentier.  11  en  retient  le  rapproche- 
ment des  Tokhariens  et  des  Cimmériens,  mais  regarde  les  Cimmé- 
riens  comme  des  Thraces  et  non  comme  des  Celtes.  La  partie  cri- 
tique de  son  raisonnement  mérite  approbation,  encore  qu'il  donne 
toujours  à  ses  arguments  une  forme  rigide  et  mécanique,  qui  con- 
vient peu  en  pareil  sujet.  Mais  quand  il  se  met  à  construire  lui- 
même,  il  fait  preuve  d'une  audace  déconcertante.  Ce  n'est  pas  avec 
une  étymologie,  si  assurée  qu'elle  soit,  ou  avec  une  concordance 
phonétique,  même  parfaite,  qu'on  refait  plusieurs  siècles  d'his- 
toire des  migrations  de  peuples  inconnus.  Il  est  dangereux  de  ne 
pas  savoir  se  résigner  à  ignorer. 

IX 

On  a  fait  quelque  bruit  autour  d'un  texte  gallois  relatif  à  Tris- 
tan, dont  M.  J.  Gwenogvryn  Evans  fut  le  premier  à  signaler  l'exis- 


Chronique.  8l 

tence  (Report  on  Mss  in  ihe  JFelsh  Lnnguage,  vol.  I,  part  II,  1899)  - 
Un  peu  hâtivement,  Windisch,  en  appendice  à  son  livre  das  kel- 
tische  Britannien  bis  lu  Kaiser  Arthur,  p.  285,  exprima  l'opinion 
que  cet  Ystori  Tristan  présentait  la  forme  ancienne  de  la  légende, 
au  moins  dans  sa  conclusion.  M.  Loth,  dans  la  Revue  Celtique, 
t.  XXXIV,  p.  365-596,  n'a  pas  eu  de  peine  à  remettre  les  choses 
au  point.  Ayant  soumis  le  conte  gallois  à  une  analyse  critique 
minutieuse,  il  a  montré  ce  qui  le  dénonçait  comme  récent,  à  la 
fois  dans  la  forme  et  dans  l'esprit  :  le  ton  de  parodie  que  l'on  y 
sent  discrètement,  la  solution  légèrement  bouifonne  donnée  au 
différend,  le  caractère  des  personnages,  tout  empêche  de  prendre 
ce  conte  pour  un  archétype  de  la  légende.  Le  texte  n'en  est  pas 
moins  important  en  nous  montrant  comment  une  légende  peut  se 
transformer  dans  l'esprit  du  peuple,  quand  elle  n'est  pas  soutenue 
par  une  tradition  littéraire  fortement  fixée  ;  et  somme  toute, 
V  Ystori  Tristan  est  un  exemplaire  unique  de  ce  quix  correspondait 
en  Bretagne  insulaire  au  récit  épique  (scél)  des  Irlandais. 

Sans  discuter  ces  conclusions,  M.  Tom  Peete  Cross  a  cru  devoir 
reprendre  la  question  dtV Ystori  Tristan  dans  les  Studies  in  Philology 
(t.  X\^II,  p.  93-1 10,  janvier  1920)  sous  le  titre  «  A  Welsh  Tristan 
Episode  ».  On  sait  que  le  texte  de  V Ystori  Tristan  est  conservé 
dans  quatre  manuscrits  :  fragmentairement  dans  Peniarth  147  (écrit 
vers  1566)  et  Peniarth  96  (entre  1565  et  1616)  ;  intégralement 
dans  les  mss.  6  et  43  de  la  Cardiff  Free  Library  copiés  l'un  vers 
1550,  l'autre  vers  1749.  Il  y  a  d'autre  part  dans  la  Myvyrian  Ar- 
chaiology  (éd.  1870,  p.  132),  mais  sans  indication  de  source,  un 
dialogue  en  englyns  entre  Tristan  et  Gwalchmai,  qui  se  retrouve 
sous  une  forme  peu  différente  dans  le  texte  des  manuscrits  de 
Carditf.  On  considérait  jusqu'ici  le  manuscrit  43  de  Cardiff,  parce 
qu'il  est  le  plus  récent,  comme  une  simple  copie  du  manuscrit  6. 
M.  Tom  Peete  Cross  n'admet  pas  cette  hypothèse.  Il  nous  donne 
une  édition  nouvelle  de  l'Fi/on  Tm/a»,  accompagnée  d'une  tra- 
duction anglaise,  et  pour  laquelle  il  a  pris  comme  base  le  texte  du 
ms.  43  en  ayant  soin  d'indiquer  en  notes  les  variantes  des  autres 
manuscrits. 

Edition  et  traduction  n'ajoutent  rien  au  travail  de  M.  Loth, 
dont  elles  sont  largement  inspirées.  Nous  ne  présenterons  à  M.  Tom 
Peete  Cross  qu'une  ou  deux  remarques  de  détail: 

P.  96,  1.  II,  dans  l'englyn  que  chante  Tristan,  le  vers  tra  fivyh 
ith  erchwynog  était  traduit  par  M.  Loth  «  tant  que  je  serai  à  ton 
côté  »  (loc.  cit.,  p.  373  et  n.  i).  La  traduction  de  M.  Tom  Peete 
Cross  est  «  while  I  am  protectingthee  ».  Cela  dépasse  le  texte.  Le 

Rn-ue  Celtique,  XX XVI II.  6 


82  C.hroiiiijiic. 

mot  eichwyiiiog  est  employé  par  Dafydd  ab  Gwilym  dans  la  fameuse 
pièce  du  coup  de  tonnerre  (n"  44,  v.  4)  :  a  inerch  wen  'Cm  erchwy- 
tiiog  «  et  une  jolie  fille  à  mon  côté  ».  Il  n'y  a  donc  pas  de  doute 
sur  le  sens. 

P.  96,  1.  2  et  97,  1.  19,  M.  ToLi  Peete  Cross  paraît  avoir  été 
embarrassé  par  l'expression  ai  iawn  ni  gwad,  nag  iawn  na  gwad.  Il 
traduit  giuad  avec  doute  par  «  bloodshed  »  dans  le  premier  passas[e, 
et  décidément  par  «  blood  »  dans  le  second.  C'est-à-dire  qu'il  con- 
sidère o^tiw^/ comme  une  forme  dialectale  à.t  gwned  «  sang  ».  L'hy- 
pothèse d'une  forme  dialectale  est  plausible  ;  M.  Loth  l'avait  indi- 
quée lui-même  (op.  cit.,  p.  373,  n.  5)  ;  mais  il  en  avait  aussi 
indiqué  une  autre,  qui  est  de  prendre  gwad  pour  ce  qu'il  est  cou- 
ramment dans  la  langue,  à  savoir  le  mot  qui  signifie  «  refus  ».  Cette 
seconde  hypothèse  paraît  la  meilleure.  Le  mot  gwaed  «  sang  »  en 
effet  se  rencontre  ailleurs  dans  VYstori  Tristan,  et  sous  sa  forme 
correcte  giuaed  (p.  96,  1.  3,  1.  4;  p.  100,  1.  18)  ;  on  ne  compren- 
drait .pas  qu'il  eût  la  forme  giuad  seulement  dans  les  deux  passages 
où  précisément  le  sens  est  douteux.  La  variante  que  présente  le 
ms.  6  dans  le  second  passage  (;m  giuad  na  thaï  au  lieu  de  nag  iawn 
va  gwad)  justifie  encore  le  sens  de  «  refus  »  pour  gwad.  Le  nœud 
de  la  difficulté  est  dans  le  sens  du  mot  iaïuti,  qui  est  visiblement 
ici  un  terme  de  droit  chevaleresque  équivalant  à  l'irlandais //'r,  ou 
cert,  ou  côir.  Dans  l'épopée  irlandaise, /ir  (ou /ir  fer),  c'est  le 
«  droit  »  que  possède  le  guerrier,  ce  qui  définit  et  garantit  à  la 
fois  son  honneur.  On  le  lui  accorde  ou  on  le  lui  refuse: 

ni  fil  fer  no  comlond  oeiifir  ra  damsatar  dô  «  ce  ne  fut  pas  droit  des  hommes 
ni  combat  singulier  qu'ils  lui  accordèrent  »  L.  L.  80  a  40  (=  T.  B.  C, 
éd.  Windisch,  1.  2910)  ;  ni  damar  fii  fer  dam  na  comlond  oenfir  «  on  ne 
m'accorde  pas  droit  des  hommes  ni  combat  singulier  »  L.  L.  93  a  dern. 
ligue  (=  T.  B.  C,  éd.  Wd.,  1.  4707  ;  cf.  1.  4733);  ni  rodamad fîr  comlaind 
doit'  «  le  droit  du  combat  ne  leur  fut  pas  accordé  »  L.  L.  295  b  14  ;  brisit 
Jir  fer  fair  iaruni  «  ils  lui  refusent  alors  le  droit  des  hommes  »  L.  U.  82  a 
dern.  1.  (=  T.  B.  C,  éd.  Strachan,  1.  2138);  brissem  fii  fer  forsin  lôech 
«  refusons  droit  des  hommes  à  ce  guerrier  »,  Z.  /.  Celt .  Phil.,  III,  45, 
§  27  (cf.  y//'  flatha  do  brisind,  Trip.  Life,  58,  5);  inge  ma  rochoilled  fîr 
«  sauf  si  le  droit  a  été  violé  »  L.  U.  57  b  55  (^  T.  B.  C.  éd.  Str.,  1.  265)  ; 
etc. 

nd  dam  cert  do  deman  dur  «  n'accorde  pas  le  droit  à  un  démon  cruel  » 
L.  Br.  237  (cité  par  K.  Meyer,  Contrib.,  p.  586)  ;  nirdamad  cert  comlaind 
dô  «  on  ne  lui  accorda  pas  le  droit  du  combat  »  L.  L.  257  b  8  (I.  T.,  III, 
p.  504,  1.  583);  iarsain  rosiacht  cert  curad  «  il  obtint  ensuite  le  droit  des 
guerriers  »Z./.  Celt.  Phil.,  III,  45,5  28;  etc. 

déne  côir  ngascid  frim  l  «  fais  moi  juste  combat  (fair  play)  »  L.  U.  70  a  5 
(=  T.   B.  C.  éd.  Str..  1.  1289). 


Chronique.  83 

La  meilleure  illustration  du  fir  fer  irlandais  est  fournie  par  l'épi- 
sode de  la  mort  de  Lugaid,  qu'on  trouvera  dans  la  Revue  Celtique, 
t.  III,  p.  184  et  185.  Lugaid  blessé  va  se  mesurer  avec  Conall 
Cernach.  «  Je  voudrais,  dit  Lugaid,  que  tu  m'accordes  le  droit  des 
hommes.  —  Que  veux-tu  dire?  —  Que  tu  ne  viennes  contre  moi 
qu'avec  une  seule  main,  car  je  n'ai  qu'une  main  moi-même.  «  — 
Soit,  dit  Conall  Cernach,  et  il  se  fait  attacher  au  corps  une  de  ses 
mains.  Le  combat  s'engage,  âpre  et  long,  sans  amener  de  décision. 
Alors  Conall  Cernach  fait  un  signe  à  son  cheval  ;  celui-ci  se  jette 
sur  Lugaid  et  d'un  coup  de  dents  lui  emporte  un  morceau  des 
flancs.  «  Malheur  à  moi  !  s'écrie  Lugaid;  ce  n'est  pas  là  le  droit 
des  hommes.  —  Je  te  l'ai  accordé  pour  moi-même,  réplique  Conall, 
et  non  pour  les  bêtes  privées  de  raison  »  (v.  d'Arbois,  VÈpopée  cel- 
tique en  Irlande,  p.  352).  Ces  mœurs  brutales  et  barbares  font  un 
violent  contraste  avec  la  société  polie  et  doucement  sceptique  dont 
VYstori  Tristan  évoque  l'idée.  Pourtant' la  même  notion  tradition- 
nelle, tirée  du  code  de  l'honneur  guerrier  chez  les  Celtes,  explique 
à  la  fois  \t  fir  fer  irlandais  et  le  iaïun  gallois. 

J.  Vendryes. 


PÉRIODIQUES 


Sommaire.  —  I.  Comptes  reudus  de  l'Acadcmie  des  Inscriptions  et  Belles- 
Lettres.  —  II.  Revue  des  Études  Anciennes.  —  III.  Eriu.  —  IV.  The 
Romanic  Review.  —  V.  Zeitschrift  fur  vergleichende  Sprachforschung. 

—  VI.  Sitzungsberichte  der  [Ivôn.  î  preuss.  Akademie  der  Wissenschatten. 

—  VII.  Indogermauische  Forschungen. 

I 

Les  Comptes  rendus  de  l'académie  des  inscriptions  et  belles- 
lettres  de  l'année  1916  contiennent  plusieurs  communications  qui 
intéressent  les  études  celtiques. 

P.  66  (4  février  19 16)  Quelques  observations  sur  les  chiens  et  le  vin 
à  l'époque  gallo-romaine,  par  le  docteur  Capitan. 

L'antiquité  romaine  connaissait  trois  sortes  de  chiens,  les  chiens 
de  garde  (ou  de  berger),  les  chiens  de  chasse  et  les  chiens  de  luxe. 
Ces  trois  sortes  de  chiens  sont  également  connues  en  Gaule.  Le 
recueil  de  M.  Espérandieu  contient  une  soixantaine  de  représen- 
tations de  chiens,  appartenant  surtout  aux  deux  dernières  séries. 
Si  les  chiens  de  befger  y  figurent  sur  trois  bas-reliefs  seulement, 
les  chiens  de  chasse  ont  une  iconographie  considérable  chez  les 
Gallo-Romains  ;  M.  Espérandieu  n'en  publie  pas  moins  de  vingt 
figures.  Cela  n'est  pas  pour  étonner  si  l'on  songe  que  parmi  les 
nombreuses  variétés  de  chiens  de  chasse  connues  des  Romains,  les 
chiens  de  Gaule,  le  uertragus,  le  séguse,  le  chien  des  Morins 
comme  celui  des  Bretons  étaient  particulièrement  appréciés  (cf. 
C.  Jullian,  Hist.  de  la  Gaule,  il,  287);  Grattius  Faliscus  le  dit, 
Cynég.  V.  155  (cf.  v.  199)  : 

Mille  canum  patriae  ductique  ab  origine  mores 
cuique  sua  ;  magnas  indocilis  dat  proelia  Medus, 
magnaque  diuersos  extollit  gloria  Celras. 

Et  aussi  Ovide  dans  les  Métamorphoses,   1,  533. 


Périodiques.  85 

Les  chiens  de  luxe  tenaient  une  grande  place  dans  la  vie  familière 
des  Romains  de  l'époque  impériale  '.  Trimalchion  demande  par 
testament  qu'on  décore  son  tombeau  d'une  statue  de  sa  chère 
Fortunata  tenant  en  laisse  une  petite  chienne  (Pétrone,  Satyr.,  71) 
et  l'on  connaît  les  vers  par  lesquels  Martial  se  moque  d'un  certain 
Publius  et  de  sa  chienne  Issa  (I,  no).  La  mort  ne  rompait  pas  les 
liens  qui  unissaient  les  chiens  à  leurs  maîtres.  Les  riches  élevaient 
des  tombeaux  à  leurs  chiens  favoris,  et  y  inscrivaient  des  épitaphes  ; 
le  recueil  de  Martial  contient  l'épitaphe  de  la  chienne  Lydia  (XI, 
69)  et  les  fragments  de  Pétrone  celle  de  la  chienne  Concha  (n°  56), 
une  chienne  de  chasse  originaire  de  Gaule  ;  enfin,  on  trouvera 
dans  les  Poetae  Latini  minores  (éd.  Baehrehs,  I,  142)  l'épitaphe  de 
la  chienne  Margarita.  Les  Romains  introduisirent  ces  mœurs  en 
Gaule  ;  les  bas-reliefs  gallo-romains  présentent  mainte  scène  naïve 
et  touchante  011  nous  vovons  le  chien  domestique  au  foyer  de  ses 
maîtres  (cf.  en  particulier  les  numéros  suivants  du  recueil  d'Espé- 
randieu  :  298,  d'Avignon  ;  655,  deNarbonne  ;  1184,  de  Bordeaux  ; 
iéé6,  du  Puy  ;  1778,  de  Lyon  ;  1842  et  1893,  d'Autun  ;  etc.).  Une 
sculpture  trouvée  aux  sources  de  la  Seine  représente  un  enfant 
au  berceau,  aux  pieds  duquel  est  couché  un  chien.  Une  inscription 
sur  marbre,  qui  se  voit  au  Musée  d'Auch  {Corp.  Iiiscr.  Lat.,  XIII, 
488),  conserve  l'épitaphe  gravée  par  une  dame  gallo-romaine  à  sa 
chienne  Muia.  Et  le  Musée  de  Narbonne  possède  la  pierre  tombale 
de  la  chienne  Cytheris,  avec  un  portrait  de  la  défunte  (n°  770  du 
recueil  d'Espérandieu). 

Or,  en  exécutant  récemment  des  fouilles  à  Amiens,  M.  Commont 
a  découvert  dans  un  puits,  au  milieu^de  sépultures  gallo-romaines, 
les  cadavres  de  neuf  chiens  :  quatre  sont  particulièrement  intéres- 
sants ;  la  position  qu'ils  occupent,  au  fond  d'une  urne  ou  au- 
dessous  d'un  squelette  d'homme,  atteste  l'existence  d'un  rite. 
Parmi  ces  chiens,  deux  sont  de  petite  taille,  à  membres  trapus,  et 
à  museau  court  comme  nos  bouledogues  ;  ils  semblent  être  morts 
très  jeunes  ;  un  autre,  de  dimension  double  des  précédents,  était 
certainement  un  chien  adulte.  M.  Capitan  donne  de  minutieux 
détails  sur  cette  curieuse  découverte. 

Il  y  a  lieu  de  rappeler  ce  que  le  glossaire  de  Cormac  nous 
rapporte  au  sujet  de  l'introduction  des  chiens  de  luxe  en  Irlande 

I.  Et  déjà  avant,  comme  le  prouvent  les  vers  de  Lucrèce  (IV,  995  et 
ss.)  que  .\L  Capitan   ne  cite  pas  : 

At  consueta  domi  catulorum  blanda  propage 
Dcgere ... 


86  Périodiques. 

(s.  u.  Miig-éime,  n°  883  de  l'édition  K.  Meyer).  C'est  au  temps  du 
roi  de  Munster  Flann  le  petit  et  du  roi  suprême  Cormac  Mac  Airt 
que  Coirpre  Musc  Mac  Conaire  obtint  par  ruse  le  chien  bichon 
d'un  de  ses  amis  bretons.  Jusque  là  il  était  interdit  chez  les  Bretons 
de  donner  de  ce  genre  de  chien  à  un  Irlandais  :  ascongrad  la  Bretnu 
natarta  oirci .  .  .  do  Goidiul.  Mais  Coirpre  imagina  une  ruse  qui 
obligeait  légalement  le  propriétaire  à  lui  céder  le  chien,  et  il  tour- 
na ainsi  l'interdiction.  Les  rois  d'Irlande  se  disputèrent  la  posses- 
sion de  l'animal  ;  il  fallut  par  un  accord  leur  en  partager  la  jouis- 
sance et  quand  celui-ci,  qui  était  une  femelle,  mit  bas,  il  fallut  leur 
donner  à  chacun  un  petit  de  la  portée.  C'est  d'alors  que  date  l'exis- 
tence des  chiens  de  luxe  en  Irlande.  Or,  Flann  le  petit-fils  de 
Fiacha  Muilletban  devint  roi  de  Munster  en  l'an  260  de  notre  ère, 
et  Cormac  Mac  Airt,  le  petit-fils  de  Conn  aux  cent  batailles,  de- 
vint roi  suprême  en  254.  A  cette  date,  les  Bretons  avaient  déjà  pris 
les  habitudes  romaines  en  ce  qui  concerne  l'usage  des  chiens  de 
luxe  ;  les  Irlandais  les  prirent  à  leur  tour. 

Les  fouilles  de  M.  Commont  à  Amiens  ont  eu  un  autre  résultat 
non  moins  instructif  :  celui  de  nous  faire  connaître  des  restes  de 
vin  gallo-romain.  Il  a  été  question  de  cette  découverte  ci-dessus, 
p.  19  et  suiv. 

A  la  page  85  (séance  du  11  février)  se  trouve  une  note  de  M. 
J.  Loth  sur  le  celtique  petru-  «  quatre  ».  A  propos  du  comique  ped- 
drack  mow  qui  désigne  une  «  meule  parfaite,  complète,  achevée  », 
M.  J.  Loth  signale  certains  exemples  empruntés  au  gallois  et  à 
l'irlandais  qui  montrent  qu'e_p  celtique  l'idée  de  perfection,  de 
symétrie  achevée  s'exprime  volontiers  par  le  nom  de  nombre 
«  quatre  »  ;  pedrylaw  en  gallois  veut  dire  «  habile,  adroit  »,  m.  à 
m.  «  à  la  main  carrée  ».  Le  nom  de  nombre  «  quatre  »  pouvait  donc 
être  employé  en  celtique  avec  la  valeur  d'un  intensif. 

Page  168.  Remarques  aux  inscriptions  latines  sur  pesons  de  fuseau 
trouvés  en  territoire  gaulois  et  en  particulier  à  l'inscription  celtique  de 
S^-Révérien  {Nièvre),  par  M.  J.  Loth. 

Héron  de  Villefosse  a  publié  en  1914  dans  le  Bulletin  archéologique 
une  série  de  pesons  de  fuseau  porteurs  d'inscriptions.  Ces  pesons 
de  fuseau,  trouvés  en  territoire  gaulois,  ont  ceci  de  très  intéressant 
que  les  inscriptions  qu'ils  portent  contiennent  çà  et  là  des  mots 
gaulois  ;  ils  attestent  que  la  région  où  on  les  a  trouvés  était  bilingue 
et  que  le  celtique  y  était  encore  d'un  usage  courant  parmi  le  peuple 
à  côté  du  latin   vers  le  ni'  et  iv^  siècle  de  notre  ère.  Ces  inscrip- 


Périodiques.  87 

tions  offrent  du  gaulois  populaire,  différent  du  gaulois  officiel  des 
autres  inscriptions  déjà  connues  et  qui  sont  d'ailleurs  plus 
anciennes. 

Parmi  les  mots  gaulois  fournis  par  ces  inscriptions,  il  faut 
noter  : 

curmi,  le  xo-jojjh  de  Dioscoride  (2,  no),  qui  désigne  une  bois- 
son faite  avec  de  l'orge  fermentée,  une  sorte  de  bière. 

geiieta,  qui  paraît  dans  deux  inscriptions  (les  n°^  8  et  9  de  Héron 
de  \'illefosse),  est  l'équivalent  des  mots  iiata  ou  de  ptieUa,  que 
l'on  trouve  dans  d'autres.  Le  gallois  a  conservé  ce  mot  sous  la 
forme  genelb,  à  cette  réserve  près  que  geneth  remonte  à  *genettâ„ 
c'est-à-dire  à  une  forme  hvpocoristique  caractérisée  par  le  redouble- 
ment de  l'occlusive  (cf.  Zimmer,  K.Z.,  XXX,  158-197;  Thur- 
neysen,  ih.,  XXX,  480  ;  d'Arbois  de  Jubainville,  M.  S.  L.,  IX, 
189)  il  y  a  en  gallois  mo^^en  un  nom  propre  Genethaïuc  qui 
remonte  à  *Geriettâcos. 

vimpi,  expression  courante  appliquée  à  une  femme  (inscriptions 
é,  7  et  12),  à  laquelle  répond  le  gallois  ^tt'v/w/)  «  beau,  joli  »  (Myv. 
Arch.  198  a  37,  198  b  54  ;  superl.  givymha,  B.  Tal.  p.  40,  1.  8  éd. 
Evans,  pour  gwy m haf).  Il  faut  sans  doute  lire  Aue  uimpi  au  lieu 
de  Aue   Uipi  sur  une  fibule  de  Reims  (C.  I.  L.,XIII,  n°    10027, 

^55)-   .... 
veadia   (inscription  4)  paraît  désigner  les  fuselées   que   tient  le 

peson  :  ce  doit  être  un  plus  ancien  *ucgindia  dérivé  de  *uegio-  «  fait 

de  tisser  »  (irl.  fige  ;  cf.  gallois,  gzueu),  avec  le  même  suffixe  que 

le  grec  xpuTTràota   ;   cf.  en  v.h.a.  wickili  «  quenouillée  »  qui  sort 

de  la  même  racine. 

marcosior  (inscription  5)  doit  être  la  i"  pers.  du  singulier  à  la 
voix  déponente  d'un  subjonctif  sigmatique,  c'est-à-dire  d'un  dési- 
dératif  :  «  je  désire  monter  à  cheval  »,  à  comprendre  dans  le  même 
sens  erotique  qu'a  chez  Ovide,  Juvénal,  Martial,  Arnobe,  le  latin 
fquitare;  en  breton  moyen  d'ailleurs  ma;'c/;n/f  est  traduit  par  rat iil ire 
(Ernault,  Gloss.)  ;  et  en  vieux  gallois  adulter  est  glosé  par  guas 
marchauc  ou  seruos  equarius  (cf.  Rev.  Celt.,  XXXII,  220).  Pour 
une  forme  de  subjonctif  analogue,  cf.  poh  llyfiur  Uemittyor  arrw, 
pobffer  dyatler  heibio  «  tout  poltron,  qu'on  lui  saute  dessus  ;  tout 
brave,  qu'on  le  laisse  aller  »  (^Myv.  Arch.  118  b  i). 

Enfin,  il  y  a  un  dernier  peson  de  fuseau  (le  n°  49)  qui  ne  con- 
tient que  du  gaulois.  C'est  celui  qui  provient  de  S'-Révérien 
(Nièvre)  et  qui,  après  avoir  été  exposé  au  Musée  céramique  du 
palais  Ducal  de  Nevers,  paraît  avoir  disparu.  Héron  de  Villefosse 
a  publié  l'inscription  d'après  un  croquis  fait  sur  l'original   il  v  a 


88  Périodiques. 

quelques  années  ;  elle  porte 

Moinguathas^abi 
biiddutton  mou 

M.  Loth  considère  gain  comme  un  impératif;  soit  «  prends  » 
ou  M  donne  »  (cf.  irl.  gaibiin)  ;  gnalha  «  fille  »  pour  gnâta,  n'a  pas 
besoin  d'explication  ;  buddiittoii  est  clairement  un  accusatif  singu- 
lier masculin  ou  neutre,  et  c'est  sans  doute  le  diminutif  de  *biissu- 
«  bouche  »,  que  l'on  a  dans  l'irlandais  bus,  gén.  biisso  ;  le  sens 
serait  «  baiser  »  comme  dans  l'irlandais  moderne  bitsôg,  pusôg. 
Moui  peut  être  l'impératif  d'un  verbe  «  venir  »,  celui  qu'on  a  dans 
le  breton  monel,  gall.  niyiied  (cf.  Rev.  Celt.,  XXXV,  223), 

Mais  M.  Loth  ne  se  dissimule  pas  ce  qu'il  y  a  d'hypothétique 
dans  l'interprétation,  très  raisonnable  pourtant,  qu'il  présente  ;  par 
excès  de  scrupule,  il  en  suggère  deux  autres,  dans  le  cas  où  il 
faudrait  lire  Biiddultoiii,  d'après  \e  Corpus Inscr.  Lat.  XIII,  2827,  ou 
Buddutlouinioii  en  un  seul  mot.  Budduttoiii  serait  le  datif  d'un  nom 
du  type  latin  bibo,  nebulo,  soit  «  l'amateur  de  baisers  «  ;  il  faudrait 
peut-être  alors  considérer  moui  comme  un'  mot  neutre  à  l'accusatif 
complément  direct  de  gabi  (cf.  irl.  iiniiii  «  cou  »  [gabi  moui 
«accoler?  »]  ou  muin  «  amour  »,  Wh.  Stokes,  Rev.  Celt.,  V,  248). 
Budduttouimon  pourrait  être  le  nom  gaulois  du  peson  de  fuseau 
(budduiio-  «  peson  »  par  sens  métaphorique  issu  de  «  petite 
bouche  »  et  iiimou  de  *suimoii,  cf.  irl.  sniomh  «  filer  »)  ;  le  sens 
serait  alors  :  «  Viens,- ma  fille,  prends  ce  peson  de  fuseau  ». 

Les  Comptes  rendus  de  l'académie  des  Inscriptions  de  l'année 
19 17  mentionnent  p.  514  qu'à  la  séance  du  7  septembre  M.  Ant. 
Thomas  a  fait  une  communication  sur  le  nom  de  fleuve  a  Aude  ». 
L'auteur  d'une  brochure  intitulée  Note  sur  les  ports  antiques  de  Nar- 
èoHwc  (Narbonne,  Gaillard,  1917,  56  p.  ;  tir.  à  part  du  Bulletin  de 
la  Commission  archéologique  de  Narbonne,  t.  XIII  et  XIV),  M.  Henri 
Rouzaud,  inclinait  à  croire  qu'il  n'existait  aucune  relation  entre 
le  nom  ancien  Jtaxei  le  nom  moderne  Aude  ;  pour  lui,  le  dernier 
nom  représentait  l'adjectif  latin  alterum  employé  substantivement, 
sous-entendu  flumeii  ;  et  le  nom  Atax,  à  supposer  qu'il  ait  survécu, 
serait  à  retrouver  dans  celui  de  la  Cesse,  affluent  de  gauche  de 
l'Aude.  M.  Thomas  estime  les  spéculations  philologiques  de 
M.  Rouzaud  absolument  sans  valeur.  Et  cela  nous  vaut  une  dis- 
sertation fort  intéressante  où  le  savant  romaniste  prouve  que  la 
forme  Aude  est  sortie  par  évolution  phonétique  du  nom  ancien 
Atax  et  a  son  point  de  départ  dans  le  cas  oblique  proparoxyton 


Périodiques.  89 

Alace.  On  lit  Adice  dans  la  continuation  de  la  chronique  de  Frédé- 
gaire  sous  l'année  7^7  et  dans  divers  documents,  Atax  en  814, 
Atacio  vers  844,  Atax  en  908,  Aiaic  en  925,  Atace  en  92e  et  en 
954,  Alaie  en  9Ï4,  Aiate  en  978.  11  faut  noter  la  métathèse  dans 
le  cas  de  AtjiIc  ;  c'est  la  pierre  angulaire  de  l'évolution  qui  a 
abouti  à  la  forme  moderne  Aude.  On  la  retrouve  naturellement 
dans  les  siècles  suivants  :  A::alis  en  1032  et  en  1034,  A:{atc  et 
A'^ete  en  105 3-1060.  La  métathèse  est  un  accident  fréquent  dans 
les  proparoxytons  :  elle  explique  le  passage  de  corulus  à  *colurus 
(v.  fr.  coldre),  de  jicalum  proparoxyton  à  *fitacum  (d'où  prov. 
fctge)  ;  et  parmi  les  noms  propres,  le  passage  de  Carnutis  à  *Cur- 
tunis,  d'où  Chartres,  et  de  Vciietis  à  *Vetenis,  d'où  Vannes,  jadis 
Venues.  Dans  la  seconde  moitié  du  xi«  siècle  apparaissent  pour  le 
nom  de  l'Aude  des  formes  plus  évoluées  :  A^de  en  1089,  et  Aide  (zn 
1069  et  en  1082.  Dans  cette  dernière,  la  liquide  est  simplement  la 
notation  de  Vu  semi-consonne  issu  de  i.  Aujourd'hui  même  en 
catalan,  à  côté  de  deu  «  dix  »,  on  écrit  delme  «  dîme  »,  etc.  '. 
On  peut  affirmer  que  la  prononciation  moderne,  Aude,  comme  le 
révèle  la  graphie  Aide,  existait  déjà  au  xi*"  siècle. 

Dans  les  Comptes  rexdus  de  l'académie  des  Inscriptions  de 
l'année  1918,  il  y  a  à  relever  ce  qui  est  dit  aux  pages  479  à   484. 

A  la  séance  du  6  décembre  191 8,  Héron  de  Villefosse  a  fait 
une  communication  sur  une  inscription  découverte  sur  le  territoire 
de  Rivières  (Charente)  au  lieu  dit  la  Garenne,  par  M.  le  Docteur 
Jules  Lhomme,  médecin  à  La  Rochefoucauld.  Elle  est  gravée  sur 
une  dalle  triangulaire  brisée  en  trois  morceaux,  et  mesurant  i  '"  22 
sur  o'"43.  C'est  une  dédicace  aux  Numina  Augustorum  et  à  la 
déesse  Damona  ;  il  devait  y  avoir,  sur  la  colline  où  la  pierre  fut 
recueillie,  un  petit  fanum  ;  on  y  a  relevé  des  traces  de  source. 
Damona  est  honorée  sur  l'inscription  de  l'épithète  matuherginni, 
mot  nouveau,  mais  qui  contient  deux  éléments  bien  connus  des 
celtistes  :  matii-  et  herg-.  L'inscription  montre  la  diffusion  du 
culte  de  Damona  dans  l'Ouest  de  la  Gaule  où  on  ne  l'avait  pas 
encore  rencontré  ;  elle  fait  voir  en  outre  que  Damona  était 
quelquefois  honorée  seule  et  que  son  culte  n'était  pas  nécessaire- 
ment lié  à  celui  de  Boruo,  comme  les  textes  de  Bourbon-Lancy  et 
de  Bourbonne-les-Bains  pouvaient  le  donner  à  penser,  ou  d'Albius 
comme  sur  l'inscription  de  Chassenay  (près  Arnay-le-Duc,  Côte- 

I .  Mais  le  changement  de  ^  en  u  n'est  pas  seulement  catalan  ;  on  ren- 
contre deituhi  pour  décima  et  leuda  pour  ticita  dans  huit  ou  neuf  dépar- 
tements du  Sud-Ouest  (cf.  A.  Thomas,  Rontania,  XXVIII,  196  et   487). 


90  Périodiques. 

d'Or  ;  C. /.  L.,  XIII,  2840).  Albius  n'est  d'ailleurs  sans  doute 
qu'un  surnom  de  Boruo,  appelé  Candidus  sur  une  inscription 
d'Entrains  (C.  1.  L.,  XIII,  2901). 

II 

Le  fascicule  IV  du  tome  XVIII  de  la  Revue  des  études  anciennes 
contient  p.  248  et  suiv.,  des  Notes  latines  de  M.  A.  Cuny,  dont  la 
première  touche  à  nos  études.  Il  s'agit  du  vers  888  du  Trinum- 
mus  qui  se  termine  dans  les  manuscrits  par  les  mots  quasi  uixillum 
uinarium.  Le  second  de  ces  mots  est  manifestement  corrompu  ;  on 
le  corrige  généralement  en  iiesculuiii,  neutre  de  l'adjectit  iiesculus 
(Paul.  Fest.  p.  578,  1.  21,  éd.  Lindsay)  qui  signifie  «  mince, 
malingre  ».  M.  Cuny  admet  cette  correction,  mais  voit  dans  ues- 
cuhitn  un  substantif  signifiant  «  récipient,  vase  »  et  emprunté  à 
l'ombrien.  Les  Tables  Eugubines  contiennent  en  effet  un  pi.  ves- 
kla,  veskln  «  vases  »  et  le  volsque  présente  le  même  mot  sous  la 
forme  du  dat.  plur.  iiesclis.  Cette  interprétation  a  d'abord  l'avan- 
tage de  laisser  au  mot  uinarium  la  valeur  d'un  adjectif;  mais  elle  a 
aussi  celui  de  nous  faire  retrouver  chez  Plante  un  mot  apparenté 
au  celtique.  Comme  l'a  reconnu  M.  Thurneysen  (^Kuhns  Zeit- 
schrift,  XXXVII,  95  eilndog.  Fscbg,  XXI,  175), l'ombrien  uesklo- 
sort  d'un  primitif  *lestlo-  qui  se  retrouve  sous  la  forme  *lestro-  en 
celtique  :  v.  irl.  lestar  «  vase  »,  Wb.  4  c  32,  gall.  llestr,  bret.  lestr 
«  vaisseau  »,  v.  bret.  leslir  g\..  rati. 

Dans  le  même  fascicule,  p.  277-279,  M.  Salomon  Reinach 
développe  sur  le  nom  de  la  ville  de  Lyon  l'hypothèse  mentionnée 
dans  le  volume  précédent  de  la  Revue  Celtique,  p.  402.  Nous  ne 
reviendrons  pas  sur  une  controverse,  qui  risquerait  de  s'éterniser 
sans  profit.  Il  est  fort  possible,  comme  le  suppose  ingénieuse- 
ment le  savant  auteur,  qu'il  se  soit  produit  une  confusion  entre 
2(a)T£'.vc-v  opo;  et  le  nom  de  l'évêque  S'  Pothin  ;  mais  cela  ne 
prouve  pas  que  Mons  Lucidus  ('^wre'.vôv  opoç)  soit  la  vraie  traduc- 
tion de  L'ugu-dunom.  Ce  n'est  pas  d'aujourd'hui  que  datent  les 
étymologies  fantaisistes.  Héric  d'Auxerre  n'était  pas  le  premier  à 
en  tenter  sur  le  nom  de  Lyon  ;  on  sait  qu'il  ne  fut  pas  le  dernier. 
La  tentative  du  pseudo-Plutarque,  qui  voit  dans  Luguduniim  la 
«  Colline  du  corbeau  »,  n'est  pas  tellement  déraisonnable,  si  l'on 
songe  que  d'après  l'irlandais  loch  «  noir  »  et  le  gallois  llivg 
«  livide  »,  il  a  pu  exister  en  gaulois  un  adjectif  *luko-  «  noir, 
sombre  ».  De  ce  mot  est  tiré  en  brittonique  comme  en  gaélique  le 
nom  de  la  souris  ;  le  gaulois  *luko-  pouvait  servir  d'épithète  au 


Périodiques.  91 

corbeau,  et  l'on  sait  que  le  corbeau  était  réputé  sacré  sur  la  colline 
de  Fourvière.  Mais  ni  l'explication  par  *luko-  «  corbeau  »,  ni  celle 
par  hicidiis  mons  ne  rendent  compte  de  la  gutturale  sonore  et  du 
thème  en  -11-  que  présente  le  premier  terme  de  Lugu-dunum.  II  y 
a  dans  les  deux  cas  une  double  difficulté,  phonétique  et  morpho- 
logique. Voilà  pourquoi  l'étvmologie  de  Liigu-dunnm  par  le  nom 
du  dieu  Liig  a  été  généralement  préférée  des  celtistes  '. 

Poursuivant  la  série  de  ses  Notes  gallo-romaines,  M.  C.  Jullian  a 
donné  au  même  fascicule,  p.  263-276,  sous  le  n°  Lxxij,  un  résu- 
mé de  ses  idées  sur,  l'époque  italo-celtique.  On  sait  que  le  savant 
auteur  enseigne  depuis  longtemps  que  les  Italiotes  et  les  Celtes  ont 
formé  à  une  certaine  date  une  unité  de  civilisation,  qui  suppose- 
rait une  unité  politique,  sociale  ou  religieuse  Cette  doctrine,  qui 
lui  est  chère,  n'est  pas  pour  déplaire  à  certains  linguistes,  qui 
admettent  de  leur  côté,  vu  les  rapports  étroits  des  grammaires  et 
des  vocabulaires,  une  unité  de  langue  italo-celtique.  M.  Jullian 
apporte  ici  à  cette  doctrine  des  précisions  géographiques  et  archéo- 
logiques. II  croit  que  l'unité  italo-celtique  est  représentée  dans  la 
tradition  par  le  nom  des  Ligures  ;  il  admet  avec  d'Arbois  de  Jubain- 
ville,  Pauli,  Kretschmer,  et  plus  récemment  M.  Niedermann  (v. 
Rev.  Celt.,  XXXMI,  p.  405)  que  le  ligure  était  une  langue  indo- 
européenne ;  que  les  limites  de  l'empire  italo-celtique  étaient 
précisément  celles  de  l'empire  ligure  et  que  la  fin  de  cet  empire 
italo-celtique  ou  ligure  eut  lieu  par  la  dislocation  des  éléments 
qui  le  constituaient,  lesquels  apparaissent  séparés  à  date  historique 
sous  le  nom  d'Ombriens,  de  Celtes,  de  Latins  ou  de  Ligures 
proprement  dits.  Nous  laisserons  les  archéologues  discuter  cette 
doctrine  du  point  de  ntjc  qui  les  intéresse.  Aux  yeux  des  linguistes, 
elle  ne  soulève  guère  d'objections  sérieuses,  à  condition  toutefois 
de  ne  pas  confondre  unité  de  langue,  unité  de  race  et  unité  de 
civilisation  ;  ce  sont  là  trois  notions  qui  peuvent  se  superposer, 
parallèlement  les  unes,  aux  autres,  mais  dont  les  limites  ne  se 
recouvrent  pas  nécessairement. 

I.  Il  n'y  a  certainement  aucun  rapport  entre  la  déformation  de  s'jJTîtvo; 
en  -oOeivo'ç  supposée  par  M.  S.  Reinach  et  celle  de  l'ancienne  rue  d'Enfer 
(via  Inferni),  qui  est  aujourd'hui  la  rue  Denfert-' Rocher  eau.  En  faisant  ce 
changement,  parfaitement  volontaire  et  conscient,  les  édiles  parisiens  ont 
simplement  été  soucieux  de  dérouter  le  moins  possible  les  habitudes  du 
public.  Delà  même  façon,  les  édiles  d'une  ville  du  Midi,  voulant  honorer 
la  mémoire  de  Bernard  Lazare,  ont  débaptisé  en  sa  faveur  leur  ancienne 
rue  St-Bernarâ.  C'est  sacrifier  les  vieux  noms  avec  esprit  aux  exigences  de 
l'actualité. 


92  Périodiques. 

Au  tome  XIX  de  la  Revue  des  Études  anciennes,  p.  55-38,  M.J. 
Loth  a  complété  l'article  qu'il  avait  précédemment  donné  à  cette 
même  revue  sur  l'omphalos  chez  les  Celles  (^v .  Rev .  Celt.,  XXXVII, 
p.  142);  il  s'occupe  cette  fois  de  Lia  Fàil,  Pierre  d'intronisation  ou 
d'épreuve  des  rois  d'Irlande  à  Tara  et,  s'inspirant  d'un  travail  de 
M.  J.  Baudis  (Ériu,  VIII,  ici),  il  se  demande  si  cette  pierre  était 
un  omphalos  ou  un  phallus.  Que  les  pierres  dressées  aient  été  chez 
les  Celtes  l'objet  d'un  culte  phallique,  cela  est  prouvé  par  divers 
témoignages.  Dans  un  texte  irlandais  publié  par  M.  Lucius  Gwynn 
(Ériu,  VI,  134),  il  est  question  à  Tara  d'une  pierre  Ferp  Cluiche 
«  Pénis  de  pierre  »,  laquelle,  d'après  Pétrie  (^Antiquities  0}  Tara), 
portait  à  une  époque  plus  récente  le  nom  àeBod  Fheargusa  «  Pénis 
de  Fergus  «.M.Loth  ajoute  à  ce  témoignage  celui  que  fournit  la  plus 
ancienne  vie  de  saint  Samson,  éd.  Fawtier,  p.  143-145.  Pourtant 
il  ne  croit  pas  que  ce  caractère  phallique  soit  ancien  dans  le  Lia 
Fâi!.  Celui-ci  était  plutôt  à  l'origine  un  omphalos.  Le  roi  de  Tara 
avait  un  caractère  sacré  ;  il  était  soumis  à  des  ^t'.sY7  variés,  d'origine 
fort  ancienne,  il  était  investi  d'une  sorte  de  royauté  sacerdotale. 
Or,  le  Lia  Fàil  jouait  un  rôle  dans  l'intronisation  du  roi  suprême 
de  Tara. 

A  la  suite  de  cet  article,  M.  Dottin  publie  une  note  sur  le  Ser- 
ment celtique  (p.  38),  tel  qu'il  est  prononcé  par  Conchobar  d'après 
le  texte  de  la  Tàin  bô  CuaJnge,  1.  4753,  éd.  Windisch. 

Dans  le  2=  fascicule  du  même  tome,  p.  125-133,  M.  C.JuUian, 
reprenant  sous  le  n"  LXXIV  de  ses  Notes  gallo-romaines,  la  question 
de  l'unité  italo-celtique,  en  étudie  les  provinces  et  les  limites. 
L'enquête  est  des  plus  délicates  et  ne  peut  être  abordée  sans  une 
extrême  prudence  :  nous  sommes  ici  sur  un  terrain  si  peu  solide. 
L'unité  italo-celtique  apparaît  à  M.  Jullian  plutôt  comparable  à 
l'unité  hellénique  au  temps  d'Alexandre  ou  à  l'unité  gauloise  au 
temps  d'Ambigatus  qu'à  l'unité  romaine  formant  un  tout  compact 
autour  d'un  seul  centre.  Il  ne  croit  pas  possible  de  déterminer  avec 
certitude  l'emplacement  du  centre  de  l'unité  italo-celtique  ;  le  centre 
géographique  en  devait  être  en  tout  cas  la  Gaule.  En  revanche,  il  y 
distingue  un  certain  nombre  de  grandes  provinces,  que  permet  de 
reconnaître  aisément  l'archéologie  du  bronze  :1a  province  maritime 
de  la  Manche  comprenant  l'Armorique,  l'Irlande  et  le  Sud  de  la 
Grande-Bretagne  ;  les  Alpes  méridionales  et  l'Apennin  du  Nord  ; 
l'Italie  péninsulaire  ;  l'Espagne;  l'Europe  Centrale;  la  Gaule  conti- 
nentale qui  for-mait  peut-être  deux  provinces;  enfin  les  terres  rive- 
raines de  la  Baltique  et  la  Hongrie,  deux  régions  dont   les  rapports 


Périodiques.  93 

avec  le  monde  italo-celtique  peuvent  être  contestés  (v.  i?^î;.  Q//., 
XXXII,  504  ;  XXXIII,  391  ;  XXXV,  256).  Plus  tard,  les  colonies 
proprement  celtiques  se  seraient  superposées  aux  populations  italo- 
celtiques,  autrement  dit  ligures.  L'hypothèse  ne  manque  pas  de  vrai- 
semblance ;  mais  c'est  aux  archéologues  à  la  discuter.  Les  linguistes 
toutefois  souscriront  difficilement  à  l'argument  qu'emploie 
M.  Jullian  pour  étendre  jusqu'au  long  de  la  Baltique  la  frontière 
orientale  du  monde  italo-celtique  :  il  fait  état  d'une  «  parenté 
initiale  entre  l'italo-celtique  et  le  balto-slave  »  ;  mais  parmi  les 
groupes  dialectaux  de  l'indo-européen,  ceux-ci  sont  des  plus  diffé- 
renciés. On  ne  peut  guère  parler  d'une  parenté  linguistique  du  balto- 
slave  et  de  l'italo-celtique  qu'en  considérant  l'époque  de  l'unité 
indo-européenne,  nécessairement  bien  antérieure  à  celle  de  l'unité 
italo-celtique. 

III 

L'excellente  revue  Ériu  a  fait  paraître  son  huitième  volume  au 
cours  de  la  guerre.  Le  premier  cahier,  paru  en  1915,  débute  par 
l'édition  d'un  texte  fort  important,  celui  de  la  «  Première  bataille 
de  Moytura  »  par  M.  J.  Fraser  (p.  1-63).  Cette  première  bataille, 
livrée  vingt-sept  ans  avant  la  seconde,  se  distingue  de  celle-ci  par 
l'emplacement  :  on  l'appelle  aussi  «  Bataille  de  Moytura  du  Sud  » 
par  opposition  à  la  seconde  qui  est  la  «  Bataille  de  Moytura  du 
Nord  ».  Le  présent  texte  la  désigne  du  nom  de  Cath  Miiige  Tiiired 
Cuiiga  v.  Bataille  de  Moytura  Conga  ».  On  trouvera  tous  les  ren- 
seignements utiles  sur  les  causes  et  les  circonstances  de  ces  deux 
batailles,  qui  nous  reportent  en  pleine  mythologie,  dans  les 
ouvrages  de  d'Arbois  de  Jubainville,  le  Cycle  mythologique  irlan- 
dais, p.  131  et  suiv.,  et  l'Épopée  celtique  en  Irlande,  p.  393  et  suiv. 
On  sait  que  Moytura  se  trouve  dans  le  comté  de  Sligo  ;  c'est  là  que 
la  légende  irlandaise  a  localisé  la  victoire  des  Tuatha  de  Danann 
nouveau-venus  en  Irlande,  contre  les  deux  races  mythiques  des 
Fir  Bolg  et  des  Fomoré.  Il  est  probable  qu'à  l'origine  il  n'y  eut 
qu'une  seule  bataille  de  Moytura  ;  on  la  dédoubla  ultérieurement, 
suivant  le  nombre  des  adversaires  des  Tuatha  De  Danann,  en  sup- 
posant qu'ils  livrèrent  la  première  aux  Fir  Bolg  et  la  seconde  aux 
Fomoré. 

Du  texte  de  la  première  bataille  de  Moytura,  il  n'avait  été  publié 
jusqu'ici  qu'un  résumé,  dû  à  O'Curry  (Manuscript  Materials, 
p. 244  et  suiv.).  Ce  texte  n'est^conservé  que  dans  un  seul  manuscrit, 
H.    2.  17  de  Trinity  Collège,  qui  est  des  xV-xvi'  siècles.  Il  com- 


94  Périodiques. 

prend  deux  parties  :  l'une  (§§  1-22)  consacrée  aux  migrations  des 
Fir  Bolg  et  des  Tuatha  De  Danann  et  à  leur  arrivée  en  Irlande  ; 
l'autre  (|^§  25-59),  ^  ^^  rencontre  des  deux  peuples  en  Irlande  et  à 
la  bataille  elle-même,  à  la  suite  de  laquelle  les  Fir  Bolg  vaincus 
allèrent  s'installer  dans  le  Connaught.  La  première  partie  est  mal- 
heureusement incomplète,  car  une  partie  assez  considérable  du 
manuscrit  est  aujourd'hui  illisible  (p.  90-91).  M.  John  Fraser  s'est 
acquitté  de  sa  tâche  ainsi  qu'on  pouvait  l'attendre  de  son  érudition 
et  de    son  ijoùt  ;  il  a  joint  au  texte  édité  une  traduction  ançjlaise. 

Le  même  fascicule  contient  a  Poemon  Irelaiid  édité  par  M.  Paul 
Walsh  (p.  64-74)  d'après  le  ms.  Stowe  B.  W.  2  (f°  120-121)  de  la 
Royal  Irish  Academy  011  il  est  transcrit  du  Book  of  Leinster  (p. 
31),  avec  des  variantes  tirées  de  cinq  autres  manuscrits,  dont  le 
Yellow  Book  of  Lecan  (p.  413  a).  Le  poème  est  attribué  à  Flann 
Fina,  nom  irlandais  du  roi  saxon  Aldfrithfils  d'Osswy,  qui  mourut 
vers  704  ;  sous  sa  forme  actuelle,  il  contient  des  additions  certaines 
et  il  a  été  fortement  retouché  par  ceux  qui  l'ont  ultérieurement 
reproduit.  Mais  il  a  quelques  archaïsmes,  et  si  la  correction  orodan- 
dct  est  certaine  au  dernier  vers,  elle  fournirait  un  exemple  de  pronom 
infixé  avec  la  valeur  d'un  datif  :  «  depuis  qu'il  lui  a  été  accordé  ». 
La  traduction  que  donne  M.  Walsh  n'appelle  que  peu  d'observa- 
tions :  v.  5-6,  iii  cach  coiciudh  do  eoiccedaibh  na  hErend  fournit  un 
exemple  de  plus  de  la  redondance  d'expression  dont  il  a  été  question 
R.  Celt.,  XXXVII,  p.  286  ;  traduire  :  «  dans  chaque  province 
des  provinces  d'Irlande  ».  —  Vers  7,  cofraig  est  mal  traduit: 
cette  locution  qui  signifie  proprement  «  jusqu'au  mur  »  '  a  pris  le 
sens  de  <<  complètement  »  :  bafJailh  Fâil  co  frnig  L.L.  18  a  49  (Éd. 
Gwynn,  Mctr.  Diiids.,  III,  522).  On  peut  lui  comparer  l'idiotisme 
français  «  jusqu'à  la  gauche  »  emprunté  à  la  langue  des  casernes  et 
en  irlandais  même  co  talmain  <c-complètement,des  pieds  à  la  tête  », 
ni  00  àm  is  fer  co  talmain  L.L.  98  b  (=  TBC,  1.  5822  éd.  Wd.), 
augô  is  fer  co  talmain  Lee.  47  b  (=TBC,  1.  3259,  éd.  Strachan). — 
Au  vers  75,  que  M.  Walsh  laisse  sans  traduction,  on  peut  soup- 
çonner dans  tothlaithele  génitif  d'un  nom  verbal  du  verbe  dolknaiw 
(Pedersen,  Vgl.  Gr.,  II,  649)  et  le  sens  serait  :  «<  des  vaches  qui 
emportent  toute  récolte  »;  c'est  le  tour  mentionné  i?.  Celt.,  XXXVII, 
p.  328. —Au  vers  83,  W  ïaui  hire  de  a  mbaill  It  sujet  de  bronnait  et 
comprendre  :   «  des  hommes  vainqueurs  dont  les  membres  con- 

I.  La  locution  complète  est  otbeiti  cofraig  «  du  foyer  [placé  au  milieu 
de  la  pièce]  jusqu'à  la    paroi  du  mur  »  L.  U.  107  a  20  (  =F.  Br.  §  55). 


Périodiques.  95 

soninient,  etc.  »  ;  l'accusatif  tomailt  est  alors  le  régime  direct  de 
hroiinait.  —  Au  vers  91,  arrecc  n'est  pas  traduit  ;  c'est  la  form'e 
moyen-irlandaise  de  inrec  (Sg.148  b  8,153  '^  ?)'  ^i^'^<^<^  (Sg-iobi), 
hirrec  (Pr.  Cr.  63  b  2)  «  entièrement,  complètement,  d'un  seul 
coup  »  ;  cf.  Stokes,  Z.  f.  Celt.Phil.,  II,  473,  Ed.Gwynn,  Monast. 
ofTallaght,  158,  3  et  Metrical  Di)idshenchas,lU,  p.  489  ;  voir  aussi 
les  notes  au  Thésaurus  Palaeohibi'rnims,  t.  II,  p.  63  et  162. 

Le  même  M.  W'alsh,  qui  a  publié  déjà  d'utiles  articles  sur  les 
noms  de  lieu  des  textes  médiévaux,  identifie,  p.  75-77,  le  nom  de 
lieu  Ochu  ou  Ocbauu  qui  est  donné  dans  la  Tâiii  comme  étant  sur 
la  route  des  gens  de  Connacht  vers  l'Ulster.  Ce  serait  aujourd'hui 
Faugha?} , dans  la  paroisse  de  Martrv,  au  sud  de  la  rivière  Blackwater 
et  à  3  milles  environ  de  Te\tov:nÇTailtiu),qui  est  situé  au  nord.  De 
même  l'anciêa  nom  de  Oihaiu  est  représenté  aujourd'hui  par  Fahan 
en  Inishowen  (Co.Donegal)  ;  la  prothèse  de  /  est  un  fait  bien 
connu  en  irlandais  moderne. 

Aux  pages  78-99,  M.Douglas  Hyde  étudie  un  manuscrit,  le  Bock 
of  the  O'Conor  Don,  qui  est  le  plus  précieux  recueil  de  poésie  bar- 
dique  qu'il  ait  jamais  rencontré.  Ce  manuscrit  a  été  copié  à  Ostende 
en  163 1  pour  un  certain  Captain  Samhairle(Sorley),  le  même  auquel 
on  doit  la  compilation  du  Duauaire  Fhinu  ;  le  copiste  des  deux 
recueils  serait  le  même,  à  savoir  Aodh  O'  Dochartaigh.  Il  y  a  en 
tout  342  poèmes  ;  un  examen  du  manuscrit  montre  qu'il  en  manque 
28;  des  422  folios  que  comportait  primitivement  le  manuscrit,  une 
trentaine  en  effet  sont  gâtés  ou  perdus.  Les  poèmes  sont  de  85 
poètes  différents,  dont  22  étaient  inconnus  quand  K.Meyer  établit  la 
liste  qui  termine  ses  Primers  of  Irish  Metrics.  Ces  poètes  sont  en 
majorité  du  nord  de  l'Irlande.  Le  recueil  suit  un  ordre  à  peu  près 
méthodique  :  les  125  premiers  folios  sont  consacrés  principalement 
à  la  poésie  didactique  et  religieuse  ;  les  autres  à  la  poésie  historique 
ou  politique.  M.  Douglas  Hvde  donne  une  liste  des  premiers  vers 
de  chaque  poème  et  une  liste  des  poètes. 

Il  y  a  enfin  à  signaler  dans  le  fascicule  deux  courtes  notes  :  l'une 
de  M.  Bergin  (p.  99)  sur  l'expression  doreari'iasal  {Imram  Brain, 
^  48  et  Death-Tales  p.  12,  j  3),  qu'il  interprète  par  une  tmèse  do 
rea  rùasal  a  qui  a  créé  les  espaces  célestes  (cf.  as  rima  riiidaid,¥éUYe 
d'Oengus,  12  janvier);  l'autre  de  M.  R.  I.  Best  (p.  100)  sur  l'in- 
cantation contre  le  mal  de  dents  du  ms.  de  St.  Gall  (Thés.  Pal., 
II,  248)  qui  est  conservée  en  meilleur  état  dans  le  Ms.  H.  3.17  de 
Trinity  Collège  (col.  658d). 


96  Périodiques. 

Ce  premier  fascicule  du  tome  VIII  de  /:/;»  contient  en  appendice 
le  début  d'une  édition  par  M.  Bergin  des  Irish  Grammatical  Tracts. 
C'est  une  entreprise  de  longue  haleine,  qui  est  de  très  grande 
importance.  Nous  ne  faisons  que  la  signaler  aujourd'hui.  Nous  y 
reviendrons. 


IV 

La  veillée  de  Fingen,  Aime  Fingein,  est  un  curieux  récit  en  prose 
mêlée  de  vers,  dont  le  texte  irlandais  a  été  publié  par  Miss  Annie 
M.  Scarre  dans  les  Auecdota  from  Irish  Maniiscripts,  t.  Il,  p.  i-io, 
d'après  un  manuscrit  de  la  collection  Stowe.  Il  y  en  a  trois  autres 
manuscrits,  le  Book  of  Lismore  f"  96  a  i,  le  Book  of  Fermoy,  f° 
24  a  I  et  le  Liber  Flavus  Fergusiorum,  f°  27  r°  b  '  (cf.  E.  Gwynn, 
Proceedings  of  the  Royal  Irish  Academy,  1906,  t.  XXVI,  sect.  C, 
p.  26). 

Deux  celtistes  américains,  dont  le  nom  est  familier  à  nos  lec- 
teurs, MM.  Arthur  C.  L.  Brown  et  Tom  Peete  Cross,  viennent  de 
faire  une  traduction  anglaise  du  texte  publié  par  Miss  Scarre.  Cette 
traduction  a  paru  dans  le  tome  IX  delà  Romaxic  Review  (n°  i, 
January-March  1918,  p.  29-47).  Les  deux  traducteurs  l'ont 
fait  précéder  d'une  introduction,  où  ils  marquent  l'intérêt  et  la 
portée  du  récit  irlandais.  Des  notes  abondantes  accompagnent  la 
traduction  ;  elles  étaient  nécessaires,  car  le  texte  de  Y  Aime  FiHgein 
est  rempli  de  traits  de  folk-lore  et  d'allusions  à  des  faits  mytholo- 
giques, historiques  ou  géographiques,  que  l'on  connaît  en  partie 
par  les  recueils  de  Dindshenchas.  Les  difficultés  d'interprétation 
n'y  manquent  pas  non  plus.  L'auteur  de  ce  compte  rendu,  ayant 
eu  l'occasion  de  prendre  VAirne  Fingein  comme  texte  d'explication 
à  une  de  ses  conférences  de  celtique  il  y  a  six  ou  sept  ans,  soumet 
aux  deux  traducteurs  les  observations  qui  suivent. 

5  I.  Rothnianih,  nom  de  la  fée  qui  venait  rendre  visite  à  Fingen, 
est  traduit  mot  à  mot  par  «  Wheel-splendor  »  ;  une  ligne  d'expli- 
cation n'eût  pas  été  déplacée.  La  roue  en  question  est  apparem- 
ment la  roue  solaire  ;  le  latin  rota  désigne  le  soleil  dans  une  glose 
citée  Trip.  Life  p.  49e  (rotae  factor  .i.  Solis),  et  rhod  tes  v  roue 
ardente  »  est  dans  la  poésie  de  Dafydd  ab  Gvv^ilym  (pièce  93)  un 
nom  du  soleil  ;  cf.  Z.f.  Celt.  Phil.,  VU,  160. 

§  2  (p.  2,  1.  5)  ;  sur  le  sens  de  co  nderna,  voir  maintenant 
K.Meyer,  Miscell.  Hibern.,  p.  36. 

I.  Ce  dernier  non  mentionné  par  MM.  Brown  et  Peete  Cross. 


Périodiques.  97 

§2  (p.  2,  I.  7);  la  traduction  «  bountiful  road  »  pour  rèd  iniais,- 
n'est  pas  exacte  limais,  à  lire  iiiimais,  est  ici  le  génitif  du  mot  inibas 
"  magie  »  (cf.  imhns  forôsiiai,  \Vd.,  Wih.,  p.  6ié  et  Anecd.  froiii 
Irish  niss..  Y,  p.  28).  La  magie  est  liée  au  cours  des  fleuves  et  en 
particulier  à  celui  de  la  Boyne  et  du  Shannon.  Voir  la  légende 
relative  à  la  formation  de  ce  dernier  fleuve  dans  le  Didshenchas 
(Rev.  Ceît.,  XV,  456  et  E.  Gwynn,  Meir.  Dinds.,  III,  p.  286-294). 
C'est  l'art  delà  magie,  la  science  mystique  que  Sinenn  vient  cher- 
cher à  la  source  de  la  montagne  de  Segais  Çinniias  iia  Segsa, 
Gwynn,  op.  cit.,  p.  28e,  1.  21)  :  hiid  iarum  Sinend  do  saigid  in 
inibois,  ar  ni  tesla  ni  fuirri  acht  soas  tantiim  (R.  Celt.,  XV,  45e),  ni 
Ihesla  main  hadmaith  linn  for  in-sâir-sin... acht  immas  sois  (E. Gwynn, 
op.  cit.,  p.  288,  V.  45).  Sur  le  fleuve  auquel  elle  donna  son  nom, 
'  Sinenn  trouva  des  «  bulles  magiques  »  formées  de  jus  de  noix  Çdo 
sïig  na  cnô  dogniat  na  bolca  immaiss,  ibid.,  p.  294).  Les  bulles  pro- 
duites par  le  soleil  sur  les  plantes  donnaient  l'inspiration  poétique 
(cf.  O'Davoren,  1569  dans  A.  f.  Celt.  Lex.,  11,477  •  iinhus  greine  .i. 
holg  greiuc  imfuilnges  ingrian  for  na  luibhibh,  7  cipe  caithes  iat  bidh 
dan  aigi).  Il  n'est  pas  douteux  que  nous  ayons  affaire  ici  au  même 
mot  imbas  ;  cf.  J.  Loth,  Rev.  Celt.,  XXXVII,  311  et  suiv. 

§  4.  A  propos  des  secht  solabra  filed  «seven  good  speeches  ofpoe- 
try  »,  comparer  le  passage  de  l'Acallamh  na  Senorach,  1.  7551  et 
suiv.  :  dia  mbeitis  secht  tengiha  im  cind  7  secht  solaharta  siiadh  cecha 
tengad  dib... 

§  5.  Il  eût  fallu  introduire  dans  le  texte  la  correction  évidente 
due  à  M.  E.  Gwynn  Çla  Nair  tuathchaoich^  et  traduire  en  consé- 
quence. 

Les  vers  de  la  fin  du  paragraphe  doivent  être  traduits  :  «  La 
veillée  serait  longue,  si  tu  n'étais  pas  à  converser  avec  moi,  por.r 
qu'elle  soit  plus  merveilleuse  ;  c'est  un  héros,  c'est  un  roi  que  je 
fus  un  moment  occupé  à  cela  {occa),  auprès  de  la  pierre  très 
longue.  » 

§  12.  bidh  hludaid  co  niara  murK  il  sera  un  briseur  jusqu'au  rem- 
.  part  de  la  mer  »  ;  bludaid  équivaut  à  blugaid,  cf.  cleth-blugaid  «  bri- 
seur d'épieu  »  Z.  f.  Celt.   Phil.,  III,  466,   26. 

foigera  cach  tiiaidh  a  hhara  «  sa  colère  brûlera  chaque  tribu  »  ; 
cf.  le  subjonctif /oo-era  dans  le  sermon  de  Cambrai,  Thés.  Pal. 
hib.,  II,  246. 

fondaig  scailti  «  chars  brisés  »  ;  fondaig  équivaut  à  fondaid,  cf. 
fonnad    .i.  carpat  O'Cl . 

ciahemne  niadh  tu;  sur  ce  tour,  voir  maintenant  Thurneysen,  Z. 
f.vergl.Sprachf.,  t.  XLVIII  (ci-dessous,  p.  98). 

Revue  Celtique.  XXXVIII.  7 


9  s  Pcriodiqurs. 

^  i-^ .  nocho  taircii  baa  dam  «  il  ne  me  vient  pas  de  profit  (^baa)»; 
sur  tiiiiri,  voir  Pedersen,  Vgî.  Gr.,  II,  553. 

V 

Dans  la  Zeitschrift  hiir  vergleichende  Sprachforschung, 
t.  XLVIII,  p.  48-75,  M.  Thurneysen  a  réuni,  sous  le  titre  général 
de  hisches,  une  série    de   notes  grammaticales   d'un  grand  intérêt. 

1.  Dativische  iiifigicrte  Versoualpronomen.  Contrairement  à  l'hy- 
pothèse présentée  dans  la  Revue  Celtique,  XXXI I,  480  et  dans  les 
Mémoires  de  la  Société  de  Liiignistique,  t.  XVII,  p.  344,  le  savant 
professeur  ne  croit  pas  que  la  phrase  dotbérœ  éislis  du  Monastcry  of 
Tallaght,  §  37,  fournisse  un  exemple  de  pronom  datif  infixé  :  il  y 
voit  une  construction  aualoj^ue  à  celles  des  locutions  stéréotypées 
friscurethar  céill  «  il  honore  »,  ou  arheir  hiuth  «  il  consomme  », 
qui  admettent  un  régime  à  l'accusatif.  Il  n'y  aurait  en  irlandais 
d'exemples  sûrs  de  pronom  datif  infixé  qu'au  prétérit  passif. 

2.  Die  Ventdrhniigspartikel  der  i.  Persou  siiig.  La  forme  de  cette 
particule  est  en  irlandais  -se  ou  -sa  suivant  le  timbre  de  la  con- 
sonne précédente  ;  mais,  contrairement  à  la  doctrine  courante  qui 
voit  dans  -sa  la  forme  ancienne  (dont  -se  ne  serait  que  la  palatali- 
sation),  M.  Thurneysen  considère  -se  comme  plus  ancien  ;  -sa  en 
serait  issu,  par  l'intermédiaire  de  -sae,  après  consonne  de  posi- 
tion postérieure.  La  particule  remonte  donc  à  un  thème  primitif 
*siyo-,  *syo- . 

3.  Zum  Noniiiiati-v  der  PersoiiaIproiioiiie)i.  Il  s'agit  du  tour  idioma- 
tique mad  tii  «  moi  et  toi  »  (m.  à  m,  «  si  c'est  toi  »)  dans  des 
phrases  comme  dianibàmar  rnadtii  leis  oc  foglaim  biudiussa  (Tochm. 
Emire,  Z.  f.  Celt.  Phil.,  III,  249,  64  =  R.  Celt.,  XI,  44e,  49). 
Autres  exemples  :  Anecdota  from  Ir.  Mss.,  II,  9,  3  ;  Z.  f.  celt. 
Phil.,  VIII,  329,  27  {L.L.  330  e9  =B.B.  ié6  a 6);  Ir.  Texte,  III, 
p.  244,1  ;  etc. 

4.  Zum  Gebrauch  voii  i.  En  général,  cette  particule  n'exprime  la 
relation  qu'en  composition  avec  l'article  :  ;;///  «  celui  qui  »,  etc. 
On  trouve  cependant  quelques  exemples  où  elle  est  ajoutée  à  un 
substantif  :  in  maie  hi  roslassa  and  «  les  garçons  qui  avaient  été 
battus  là  »  (T. B.C.,  1.  414  éd.  Strachan-O'Keeffe)  ;  autres 
exemples  :  Z.  /.  celt.  Phil.,  VI,  2  ;  Liadain  and  Curitbir,  p.  22, 
19  (=  I.T.  III,  16,  5  39  et  4),  §  63);  Laïas  II,  338,  i  ;  etc. 

6.  no.  La  particule  verbale  no  de  l'irlandais  est  identique  à  la 
conjonction  no  «  ou  bien  ».  Les  étymologies  proposées,  pour 
expliquer  cette  dernière  à  part  de  la  précédente  (Pedersen,  Vgl.Gr., 


Périodiques.  99 

I,  441  ;  Morris  Jones,  Welsh  Gramni.  I,  441)  sont  donc  fausses  : 
dans  les  deux  cas,  wosortirait  de  iie-ii^e  «  ou  bien  non  ?  »,  ail.  «  oder 
nicht  ?  »,  angl.  «  do'nt  you  ?  ». 

G.  for  mu  mud  «  à  ma  manière  »  est  une  locution  où  Tadjectif 
possessif  a  la  forme  pleine  {Thés.  Pal.,  11,  294,4);  le  même  fait 
se  présente  souvent  lorsque  le  substantif  suivant  commence  par 
une  m  ;  il  s'agit  d'éviter  une  ambiguïté. 

7.  a/ «  jenseits...  ûber  hinaus  »  est  une  préposition  d'emploi 
plutôt  rare;  on  la  trouve  dans  Sg.  217  b  14,  et  K.  Meyer  en  a 
donné  deux  exemples  dans  Eriu  II,  87  ;  elle  explique  almôin  .i. 
fri  main  (R.  Celt.,  XV,  308),  al  mnà,  al  maccu  {Forjess Fer  Falgae, 
Z.  f.  celt.  Phil.,  VIII,  565),  mag  alcuing  (Tochm.  Emire,Z.  i.  celt. 
Phil.,  III,  245,  §52  ;  etc.).  La  forme  a/  est  issue  de  oll  en 
position  prétonique  (oldàu  «  que  moi  »,  proprement  «  au  delà 
de  ce  que  je  suis  »). 

8.  Das  Verh  «  essen  ;;. Examen  de  quelques  formes  verbalesrares 
appartenant  à  ce  verbe. 

9.  Zur  Declination  der  u-Stâmme.  Le  nominatif  pluriel  masculin 
en  -/  avec  consonne  postérieure  {giiimai)  est  dû  moins  à  l'in- 
fluence des  thèmes  en  -/-  qu'à  celle  des  thèmes  masculins  en  -io- 
dont    la  consonne  précédente  était  de  position   postérieure. 

10.  béso  «  ist  vielleicht  »  à  côté  de  bés,  est  en  étroit  rapport  avec 
hésnipo  à  côté  de  bés  nip;  Vo  final  de  ces  formes  doit  sortir  d'un 
ancien  prétérit  (cf.  Pedersen,  Vgl.  Gr.,  II,  28e)  ;  héso  a  servi  de 
modèle  à  tnaso,  ciaso,  etc. 

11.  irar  «  Adler  ».  Le  prototype  de  ce  nom  d'oiseau  est  *eriros  ; 
cf.  gall.  eryr .  Peut-être  faut-il  en  rapprocherle  motgrec  ocv.ç  et  le 
v.h.a.  arn. 

12.  -1  im  Auslaiit.  Dans  les  formes  de  subjonctif  sigmatique  de  la 
racine  */ȣ'/^'-,  la  3*^  personne  -uiell  sort  de  *iuelost  et  prouve  que  -// 
final  se  conserve  en  irlandais  comme -rr  (dans  -o/r  etc.). 

13.  Der  priidikative  Genitiv.  Exemples  de  cet  emploi  attesté  en 
vieil-irlandais  dans  des  phrases  qui  ont  été  souvent  mal  comprises: 
nibà pêne  lia  réigi  ÇV.  Trip.  né,  26)  ;  napa  nime  na  taltnan  ÇSau. 
Corm.,  756),  ni  a  thire  {San.  Corm.,  1059);  (w)  do  selba  (T. B.C., 
1553  éd.  Str.-O'K.)  ;  ba  chuta  (Cath  Ruis,  §44);  is  cuil  lend 
{T.B.  €.,  1770  éd.  Str.-O'K.);  is folaid  (Ériu,  \,  205  et  19e,  13); 
ni  machin  (^Metr.  Dinds.,éd.  Gwynn,  III,  502)  ;  ni  bar scéuil  iî(Wb. 
17  bé);  etc. 

14.  Das  Kollektivsuffix  -rad  est  sorti  en  irlandais  de  echrad  et  de 
damrad,  oià  il  désignait  l'attelage  de  chevaux  ou  de  boeufs  (cf.  riad 
«  Fahrt  »  et  le  verbe  riadaim  «  ich  fahre  »)  ;  cf.  gall.  ebrwydd 
«  prompt  »  qui  répond  à  echrad.  ^ 


loô  Périodiquei. 

15.  Einielnes.  Remarques  sur  les  mots  hen  «  femme»  (dont  l'an- 
cien accusatif  estbein,  Eiiu,  VI,  136,78)  ;  bri  »  colline»  (qui  est 
féminin)  ;  -buich  «  il  vainquit  »  (forme  d'aoriste,  à  rattacher  à  la 
racine  du  gotique  biugan);  a'/r  «  cinq  »  (produit  l'aspiration,  cf. 
Eriu  II,  26  §  8  et  L.  L.  148519);  dcr  «  larme  »  (est  un  ancien 
thème  en-o-,  *dakro-m,  cf. got.  tagr^  ;  fcmmuin  «  algue  comestible  » 
(a  un  génitif y<;7;w;'r  T. B.C.,  1169  éd.  Str.-O'K.  et  par  suite  repré- 
sente commt  arbur  un  ancien  thème  en  ;-h)  \fessin,  fadcssin  «même» 
(a  en  poésie  la  voyelle  e  tantôt  brève,  tantôt  longue);  /t'^cfl  «joue» 
(est  issu  de  leccoiiii,  ancien  composé  lelh-coini)  ;  leslar  «  vaisseau  » 
(est  un  emprunt  au  brittonique)  ;  aél  «  souffle  »  (est  une  forme 
semi-savante  d'après  le  latinfl^r)  ;  .V6t/j  conjonction  (s'emploie  aussi 
bien  dans  des  phrases  positives  que  négatives  ')  ;  seiche  «  peau  » 
(est  un  ancien  thème  en  -ia)  ;  torhae  «  profit  »  (contient  le  préfixe 
to-  comme  todéoir  «  larmoyant»). 

Cet  important  travail  se  termine  par  des  observations  et  correc- 
tions aux  dernières  hypothèses  de  M.  Pokorny. 

YI 

Dans  les  Sitzungsberichte  der  kôn.  preuss.  akademie  der 
wissENSCHAFTEN,  I9i5,n°  LUI,  p.  905-908,  Kuno  Mcycr  a  publié 
un  article  daté  de  San  Francisco,  lé  novembre  191 5.  Il  s'agit  d'un 
poème  sur  le  roi  Bran  Find,  conservé  dans  le  Livre  de  Leinster  (f° 
327  g  et  h,  1.  50).  L'intérêt  de  ce  poème  est  double  :  d'abord,  il 
est  fort  ancien,  appartenant  à  la  première  période  de  la  versifica- 
tion irlandaise,  la  période  que  l'on  peut  appeler  métrique  ;  et  de 
plus,  il  provient  du  Munster,  décrivant  la  généalogie  du  roi  des 
Dési,  Bran  Find  (mort  en  671)  jusqu'à  son  lointain  ancêtre  Tua- 
thal  Techtmar.  Kuno  Meyer  n'avait  jusqu'ici  rencontré  qu'un 
seul  ancien  poème  de  même  origine,  celui  qui  célèbre  la  généalo- 
gie du  roi  Cù  cen  mâthair  mort  en  665  (cf.  Aeltesle  irische  Dichtuiig, 
I,  poème  l\').  Bran  Find  est  mentionné  dans  un  poème  d'âge  pos- 
térieur, dont  une  strophe  nous  a  été  conservée  par  les  traités  de 
métrique  (Thurneysen,  Irische  Texte,  III,  20)  ;  et  nous  savons  qu'il 
passa  son  temps  en  incursions  chez  les  voisins  :  for  dibeirg  nobid 
dogrés  (O'  Keeffe,  Ériii,  V,  36).  Sa  généalogie  est  donnée  parmi 
celles  des  rois  des  Dési  dans  le  Livre  de  Leinster,  p.  327  g  et  dans 

I.  II  est  exact  que  dans  ma  Grammaire  du  vieil  irlandais  je  n'ai  pas 
donné  d'exemples  de  sech  au  sens  de  «  sauf  que,  outre  que  ^),  mais  ia 
conjonction  sech  y  est  mentionnée  p.  571,  §  714. 


Périodiques.  loi 

le  Rawl.  B.  502,  p.  154  d.  Le  poème  que  publie  K.  Meyer  est 
fort  court;  et  en  dehors  des  noms  propres  il  ne  contient  que  peu 
de  texte.  Il  n'en  est  pas  pour  cela  plus  facile  ;  et  le  savant  auteur 
est  contraint  çà  et  là  de  présenter  son  interprétation  comme  pure- 
ment conjecturale.  Au  dernier  vers,  on  lit  Tùathal  /îia[//;]  que 
K.  xMeyer  traduit  par  «  Tûathal  der  ûber  Volkstàmme  herrschte  » 
en  faisant  de  iùaih  un  génitif  pluriel.  C'est  d'une  construction  bien 
hardie.  Il  paraît  plus  simple  de  considérer  ici  le  mot  tuath  comme 
un  adjectif  équivalant  au  gallois  ////  dans  Morgan  tut,  et  de  le  tra- 
duire par  «  magicien  »  (cf.  Loth,  R.  Celt.,  XXXIII,  254  et  suiv.), 
ou  par  «  secourable,  favorable  »,  ce  qui  est  sans  doute  le  sens 
ancien  de  l'adjectif  celtique  *teuto-(^c(.  got.  piup  n.  àyaOov). 

Dans  les  mêmes  Sitzungsberichte,  1916,  XVII,  p.  420-422,  le 
même  auteur  publie  un  altirischer  Heihegen  d'après  le  Leabhar 
Breacc,  p.  99.  \Vh.  Stokes  en  avait  donné  une  simple  copie  dans 
la  Kuhn's  Zeitschrift,  XXVI,  519  (cf.  Zimmer,  ibid.,  XXXIII,  144), 
mais  nul  n'en  avait  tenté  jusqu'ici  l'interprétation.  Celle  que  pro- 
pose K.  Meyer,  comporte  quelques  corrections  au  texte  du 
manuscrit'.  Voici  le  texte  qu'il  restitue  : 

Trefuili  trebéoil  :  a  neim  hi  naithir,  a  chontan  hi  coin,  a  daig  hin-umae. 
Ni'p  on  hi  nduiniu. 

Trefuili  trebéoil  :  fuil  chon,  fuil  ilchon,  tuil  flede  Flithais.  Nip  loch,  nîp 
chrù,  nîp  att,  nip  aillsiu  anî  frisa  cuirither  mo  éle. 

Admuiniur  teora  ingena  Flithais. 

A  naithir,  icc  a  n-att  ! 

Benaim  galar,  benaim  crécht,  suidim  att,  frisbenaim  galar. 

Ar  choin  gaibes,  ar  delg  goines,  ar  îarn  benas. 

Bendacht  for  inngalar-sa,   bendacht  for   in   corp    itâ, 

Bendacht   for    inn-éle-sea,  bendacht  for  in  càch  rodlâ. 

La  tormule,  comme  on  le  voit,  se  termine  par  deux  Langzeilen. 

I.  Certaines  de  ces  corrections  n'améliorent  pas  le  texte  d'une  façon  irré- 
prochable ;  en  particulier  on  peut  émettre  des  doutes  sur  l'interprétation  de 
Jletlhi  corrigé  en  flede  :  qu'est-ce  que  «  le  sang  du  festin  de  Flidas  ?  »  Flidas 
(ou  Flidais)  est  l'héroïne  de  la  Tàin  ho  Flidais,  éditée  par  Windisch,  Ir.  Texte. 
II,  2,  p.  206  et  parThurneysen,  Zu  irischen  Handschriften  und  Liieraturdenk- 
màlern,  I,  p.  95  ;  femme  d'Ailill  Finn  et  maîtresse  de  Fergus,  Flidas  est 
mentionnée  dans  la  Tdin  bo  Ciiaihige,  1.  402,  éd.  Windisch  (=:  L.  L.,  56  b); 
le  Book  of  Leinster  9  b  51  lui  attribue  quatre  filles.  —  Au  lieu  de  ilchon 
(ms.  hilcon),  ne  pourrait-on  lire  fdilchon,  forme  ancienne  du  nom  du 
«  loup  »  (cf.  K.  Meyer,  Sitiher.  der  kon.  pr.  Akad.  d.  fViss..  191 2,  p.  798 
et  H.  Hubert,  R.  Celt.,  XXXIV,  p.  5)  > 


102  Périodiques. 

Traduction  : 

Drei  Blutwunden  aus  drei  Màulern  :  ihr  Gilt  in  die  Natter!  seine  Toll- 
wut  in  den  Wolt  !  sein  Feuer  in  das  Hrz  !  Es  soll  kein  weiterer  Schaden  in 
dem  Menschen  sein . 

Drei  Arten  Blut  aus  drei  Màulern  :  Wolfsblut,  Blut  von  vielen  Wôlfen, 
Elut  von  Flidas'  Festmahl.  Das,  wogegen  mein  Spruch  angewendet  wird, 
soll  keine  tiefe  Wunde,  keine  blutige  Wunde,  keine  Geschwulst  kein  Gesch- 
wûr  werden. 

Ich  rufe  die  drei  Tôchter  Flidas'  an. 

O  Natter,  heile  die  Geschwulst  ! 

Ich  schlage  die  Krankheit,  ichschiage  die  Wunde,  ich  beschwichtige  das 
Geschwûr,  ich  heile  die  Krankheit . 

Gegen  den  Wolfder  anpackt,  gegen  den  Dorn  der  verwundet,  gegen  das 
Eisen  das  trifFt. 

Segen  ùber  dièse  Krankheit,  Segcn  ùber  den  Leib,  in  dem  sie  steckt, 
Segen  ùber  diescn  Hcilspruch,  Segen  ùber  jeden  der  ihn  angewendet  hat  ! 

Enfin  les  Sitzukgsberichte  der  preussischek  akademie  der 
wissENSCHAFTEN  de  1918,  qui  pour  la  première  fois  depuis  leur 
création  ont  rayé  de  leur  titre  le  mot  kôniglich,  contiennent, 
p.  1030-1047,  un  autre  article  de  K.  Meyer,  qui  touche  aux 
rapports  de  l'Irlande  et  des  pays  Scandinaves,  Nordisch-Irisches.  Cet 
article  a  pour  principal  objet  de  réfuter  l'hypothèse  présentée  ici 
même  par  M.  Marstrander  (Rev.  Ceît.,  XXXVI,  p.  241-263)  sur  le 
dieu  Thor  en  Irlande.  K.  Meyer  conteste  que  le  nom  de  Toinar 
soit  autre  chose  qu'un  nom  d'homme  et  représente  autre  chose 
qu'une  altération  d'un  plus  ancien  Tomrir  (Tomrair^,  qui  est  le 
Scandinave  porir.  Il  est  fait  mention  de  trois  rois  pôHr  dans  les 
Annales  irlandaises  (Ann.  Ulster,  847  ;  Three  fragments  of  Irish 
Annals,  années  860-869;  Ann.  d'Innisfallen  et  de  Clonmacnois, 
année  922),  toujours  sous  la  forme  Toinrair  ou  Tomrar.  Et  l'on 
connaît  des  t//  Thomrair  (en  Donegal,  Z. /.  celt.  Phil.,  VIII,  296, 
26;  en  Munster,  B.  Bail.,  102  b  34),  des  clauna  Tômoir  (près  de 
Tara,  Bataille  de  Mngh  Leana,  éd.  O'  Curry,  1855,  p.  66,  7)  et 
une  muiutcr  Tomrair  (a.ii  sud  de  Dublin,  Three  fragments,  166,  19). 
Quand  il  est  question  d'un  tore  Toinalr  («  sanglier  des  Ui  Tom- 
rair »,  Book  of  Rights  [Leabhar  na  g-Ceart]  éd.  J.  O'  Donovan, 
1847,  P-  206,  5),  il  faut  comprendre  que  Tomair  est  mis  là  pour 
désigner  les  Ui  Tomair.  Dans  tous  les  passages  où  ce  mot  se  ren- 
contre, il  ne  s'appliquerait  qu'à  un  homme  et  n'aurait  rien  à 
faire  avec  le  nom  du  dieu  Thor.  De  même  Balder,  où  M.  Mars- 
trander voyait  le  nom  d'un  dieu,  ne  serait  qu'une  transcription  de 
l'anglo-normand  Walter,  nom  d'homme  bien  connu.  Nous  laisse- 


Périodiques.  1(15 

rons  à  M.  Marstrander  le  soin  de  répondre  aux  arguments  de 
K.  Meyer,  s'il  le  juge  à  propos.  Il  suffira  de  signaler  ici  qu'à 
propos  de  cette  controverse,  K.  Meyer  touche  deux  ou  trois 
points  d'une  grande  portée  historique  :  v.  notamment  ce  qui  est  dit 
p.  1038-1039,  du  christianisme  chez  les  Vikings  et  des  rapports 
de  parenté  qui  s'établirent  par  mariage  entre  les  rois  irlandais  et 
les  Wikings  ;  sur  le  sens  du  mot  Gall,  appliqué  d'abord  aux  Gau- 
lois (=:  Français),  puis  aux  Scandinaves  (généralement  avec  l'épi- 
Ûièle  fi  II  d  a  blond  »),  puis  aux  Normands  et  aux  Anglais;  enfin, 
p.  1042  contre  Zimmer,  sur  le  caractère  irlandais  de  Finn  Mac 
Umaill  ',  d'Ossian  et  des  fana,  ainsi  que  sur  Fer  diad  (p.  1045), 
qui  n'aurait  rien  à  faire  avec  les  Nibelungen. 

VII 

Dans  le  tome  XXX\'   (1913)  des   Indogermakische    Forschux- 
GEX,  nous  relevons  les  articles  suivants  : 
P.   ij2-i8i,  M.  juïms  Fokorny,  Keltisches. 

I.  L'^long  indo-européen  en  celtique.  Que  l'ancien  c  se  conserve 
en  celtique  dans  quelques  cas  isolés  au  lieu  de  passer  à  l  suivant 
la  règle  générale,  c'est  ce  qu'avaient  déjà  soupçonné  M.  Thurney- 
sen  ÇHdb.,  I,  §  86.  2,  et  §  569,  pour  expliquer  la  2*  pers.  sg. 
d'impératif  déponent  en  -the)  et  M.  Pedersen  (^Vgl.  Gr.  I,  51,  249 
et  II,  356).  M.  Pokorny  s'est  fait  sur  la  question  une  doctrine  per- 
sonnelle qu'il  a  formulée  brièvement  dans  son  Old-Irish  Gratnmar, 
§  119,  mais  qu'il  expose  ici  avec  plus  de  développement  ;  c'est 
seulement  en  syllabe  finale  inaccentuée  que  ê  resterait  sans  chan- 
gement, et  cela  quelle  que  fût  la  consonne  qui  terminait  le  mot. 
11  y  a  des  exceptions,  mais  qui  ne  sont  qu'apparentes  (comme 
athir,  màthir,  brâthir,  qui  sortent  de  *atcr,  *niàtèr,  *brâler)  ou  que 
l'analogie  explique  (comme  les  nominatifs  oégi,  fili,  dont  1'/  final 
est  dû  aux  cas  obliques  ;  cf.  l'ogamique  veliias). 

II.  Aoristes  redoublés  à  voyelle  longue  en  vieil-irlandais.' —  Il 
s'agit  des  formes  de  prétérit  des  verbes  fo(a')id  «  il  passe  la  nuit  » 
et  dûgoa  «  il  choisit  »  ;  ces  formes  sont  pour  le  premier  :  2*=  sg. 
-roœ,  3«  sg.  fiu,  l'^'^pl.  fenimir,  3' pi.  -féotar  ;  pour  le  second  :  i""^ 
et  2«  sg.  doroiga,  3^  sg.  doroigu,  2^  pi.  doroigaid,  5^  pi.  doroi- 
gatar.  Elles  n'ont  jamais  reçu  jusqu'ici  d'explication  satisfaisante; 
M.  Pokorny  considère  les  3"  personnes  du  singulier  de  ces  prété- 

I.  Aux  références  données  R.  Celt.,  t.  XXXII.  p.  391  et  suiv.,  pour  la 
forme  de  ce  nom,  K.  Meyer  ajoute  ici  Rawl.  502,  p.  95  et  Yellow  Book 
of  Lecan,  325  a  44. 


104  Périodiques. 

rits  comme  tirées  d'anciens  aoristes  radicaux  redoublés  à  voyelle 
longue  :  soit  Jiu  de  *vivàst  et  *gigu  (d'où  -roigu)  de  *gigêust.  En 
revanche,  les  autres  personnes  appartiendraient  originellement  au 
système  du  parfait.  Cette  explication  hardie  se  heurte  à  cette  difficulté 
essentielle,  reconnue  par  M.  Pokorny  lui-même,  qu'il  n'existe  pas 
en  indo-européen  d'aoristes  redoublés  à  voyelle  longue  du  type 
qu'il  imagine.  Mais,  ajoute-t-il,  il  aurait  pu  y  en  avoir.  Une  telle 
candeur  désarme,  jointe  à  une  désinvolture  qui  fait  de  la  linguis- 
tique une  pure  fantasmagorie. 

P.  336-340,  M.  Julius  Pokorny,  Zudi  (iltirischen  Verhum. 

I.  Le  thème  du  prétérit  redoublé.  Les  formes  -lil,  -rir,  -gii/il, 
-ciuir  de  lenaim,  renaiiii,  glenaim,  crenaim  (et  -crinaim,  cf.  arachriii) 
seraient  dues  à  un  fait  d'analogie  parti  des  quatre  verbes  *hnnuii 
a  il  détruit  »,  \p')rinati  c  il  vend  »,  *tlinati  «  il  enlève  »,  *dinati 
«  il  suce  «,  dans  lesquels  le  thème  faible  (à  voyelle  brève)  a  été 
généralisé  au  présent.  11  en  aurait  été  de  même  au  parfait  redou- 
blé, où  l'on  aurait  substitué  à  *kilwra,  *pipora,  *fiiola,  des  formes 
*kikra,*pipra,  *titla,  d'après  le  pluriel  *kikra-mar,*pipra-rnar,*tilh- 
mar . 

II.  Sur  le  vocalisme  de  -icc-.  Pour  expliquer  le  thème  de  présent 
-icc-,  de  la  racine  *e>iek-,  on  ne  peut  partir  de  *nk-  comme  le  sup- 
pose M.  Pedersen  Vgl.  Gr.,  I,  152,  car  *^^-  eût  donné  *éc-.  Il  faut 
partir  de  *ënk-  en  supposant  l'état  allongé  de  la  racine  ;  cet  *étik- 
est  devenu  en  celtique  *  înk-  puis  *iiik-  d'où  l'irlandais  icc-  ;  cf.  le 
nom  du  «  mois  »,  '*'mêns,  *mins,  *i)iins  *mîss,  mi.  L'opposition  de  -icc 
(issu  de  *-ênket)  et  de  issed  (issu  de  *ërikseto)  ou  de  richtu  (issu  de 
*ênktyû-)  s'explique  par  le  fait  qu'en  irlandais  in  devant  /,  k, 
donne  i. 

P.  341-342.  M.  F.  Kieckers.  Miitelirisches  clôlhi  «  Niigel  ». 

Contrairement  à  Wh.  Stokes  (Ir.  Texte,  II,  i,  p.  137,  ad 
1.  580)  et  à  M.  Dottin  {Manuel,,  t.  I,  p.  52,  §  81  rem.  5), 
M.  Kieckers  repousse  l'idée  que  le  th  de  nôlhe  «  les  navires  »  ou 
de  clôthib  «  aux  clous  »  ait  eu  une  simple  valeur  graphique  (comme 
celle  de  /;  dans  le  latin  ahemts)  ;  il  croit  le  ih  de  ces  mots  analo- 
gique des  doublets  laithe  là,  laithih  làib,  dans  le  nom  du  «  jour  », 
doublets  qui  s'expliqueraient  connue  l'enseignent  MM.  Thurney- 
sen,  Hdb.  I,  p.  174,  et  Pedersen,  Vgl.  Gr . ,  I,  133. 

Dans  le  tome  XXXVIII  du  même  périodique,  fascicule  i,p.  115- 
116,  M.  J.  Pokorny  publie  une  courte  note  Zur  Deututig  des  Fuiu- 
rums  von  altirisch  agid.  M.  Thurneysen  {Mise.  K.  Meyer,  p.  61)  a 
reconnu   que   la   forme   -ehla  sert  de  futur  au  présent  agid   «  il 


Périodiques.  lo^ 

pousse  »,  et  il  a  expliqué  -ehh  comme  issu  de  *ehga  sur  le  modèle 
du  couple  alid  «  il  nourrit  »,  -ehla  «  il  nourrira  ».  M.  Pokorny 
repousse  Vhx^poXhéùo^nQ.  *-ehga  \  il  croit  que  -ehla  (de  agid)  a  été 
directement  tiré  de  la  racine  *pel-  «  pousser  »,  comme  -ehra  de  la 
racine  *per-.  L'emploi  de  -ehh  comme  futur  de  alid  serait  analo- 
gique de  agid  :  -ehla. 

Jusqu'au  premier  fascicule  du  tome  XXXVIII,  inclusivement, 
les  ludogennanische  Forschimgen  ont  continué  à  paraître  avec  leur 
régularité  habituelle  et  dans  les  mêmes  conditions  que  précédem- 
ment; rien  dans  la  forme  extérieure  ne  pouvait  faire  soupçonner 
les  circonstances  au  milieu  desquelles  la  publication  avait  lieu.  En 
revanche,  le  deuxième  fascicule  du  même  tome,  qui  s'est  fait 
attendre  près  de  trois  ans,  porte  la  marque  du  malheur  des  temps, 
de  cette  heure  fatale,  Schicksalsstunde,  comme  disait  Frobenius, 
mais  pas  dans  le  sens  où  il  ^'entendait.  Le  papier  a  changé,  avec 
la  couleur  de  la  couverture,  et  aussi  les.  dimensions  du  volume 
qui  sont  singulièrement  réduites. 

Dans  le  fond  aussi,  il  y  a  quelque  chose  de  changé.  Nous  ne 
trouvons  ici  qu'un  recueil  de  courtes  notes,  pour  lequel  on  semble 
avoir  fait  appel  au  ban  et  à  l'arrière-ban  des  linguistes.  Par  une 
heureuse  chance,  trois  de  ces  notes  touchent  aux  études  celtiques, 
et  l'une  est  signée  de  M.  Thurneysen. 

Etudiant  les  formations  du  futur  en  indo-européen  et  en  grec 
(Z«m  indogennaiiiscbeii  und  griechischeii  Futurum,  p.  143-148), 
M.  Thurneysen  introduit  dans  la  discussion  le  futur  sigmatique 
irlandais.  Il  part  du  fait  qu'il  y  a  en  indo-iranien  deux  types 
distincts,  un  futur  non  redoublé  tn-sya-  et  un  désidératif  redoublé 
en  -sa-,  et  il  remarque  que  dans  la  catégorie  du  futur  sigmatique 
redoublé  de  l'irlandais,  qui  correspond  au  désidératif  indo-iranien 
(Zimmer,  K.  Z.,  XXX,  128),  figurent  sept  futurs  dépourvus  de 
redoublement'. 

less-  de  laigim  «  je  suis  couché  »  (rac.  *lcg-^ 

sess-  de  saidim  «  je  suis  assis  »  (rac.  *sed-^ 

ress-  de  rethim  «  je  cours  » 

tess-  de  techim  «  je  fuis  » 

-ress-  de  ai-regim  «  je  me  lève  » 

I.  Aux  exemples,  donnés  par  M.  Pedersen,  Vgl.  Gr.,  tome  II,  et  par  lui- 
même,  Hdb.  I,  §  661  et  Iiidog.  Jn;.  XXXIII,  34,  M.  Thurneysen  ajoute  : 
forsa-leasad  T.  B.  C.  1.  3449  éd.  Strachan  ;  fa-i-resat  1.  C.  P.  XI,  92,  §  10; 
at-ré  Z.  C.  P.  VIII,  200,  str.  9,  3  ;  nit-ansitis  T.  B.  C,  1.  3557  éd.  Stra- 
chan ;  not-anister  Rev.  Celt.  XIV,  191 . 


loé  Périodiques. 

-ness-  de  arneiil-sa  «  j'attends  »  (rac.  *  neth-) 

aness-  de  aingiin  «  je  protège  «  (rac.  *aneg-) 

L'éminent  celtiste  ne  croit  pas  à  un  accident  qui  aurait  fait 
perdre  le  redoublement  à  ces  futurs  ;  ce  sont  pour  lui  des  forma- 
tions anciennes,  originellement  dépourvues  de  redoublement,  et  il 
en  retrouve  le  correspondant  exact  dans  le  futur  grec  ordinaire. 
Pour  trois  racines  même,  on  a  en  grec  et  en  irlandais  des  thèmes 
qui  se  recouvrent  :  Jess-  et  Xi^oii-xi,  sess-  et  xa6-£coj(Jensen,  Hermès, 
Ll,  5  3  5,  et  Wackernagel,  Spracbl.  Unters.  lu  Homer,  64,  254), 
-ress-  et  ooilo). 

Ainsi  on  aboutirait  à  distinguer  trois  formations  :  la  première, 
à  redoublement  et  suffixe  -se/o-  (désidératif  indo-iranien,  futur 
sigmatique  redoublé  irlandais)  ;  la  seconde,  non  redoublée  à  suffixe 
-syelo-  (futur  indo-iranien)  ;  la  troisième,  non  redoublée  à  suffixe 
-se/o-  (futur  grec  '  et  exceptionnellegient  futur  sigmatique  non 
redoublé  irlandais). 

A  cette  démonstration  est  jointe  une  fine  remarque,  c'est  que  le 
futur  irlandais  à  voyelle  longue  pourrait  se  rattacher  au  type  sig- 
matique redoublé.  Il  se  rencontre  en  effet  de  préférence  dans  les 
verbes  dont  le  radical  se  termine  par  une  sonante  (Thurneysen, 
Hdb.,  p.  376-577)  ;  or,  en  sanskrit,  les  racines  terminées  par  une 
sonante  ont  au  désidératif  la  sonante  longue  (type  jihlrsati  de 
hàrali  ou  çûçrUsate  de  çriiôti),  c'est-à-dire  que  devant  le  suffixe 
sigmatique  il  y  avait  en  pareil  cas  un?  ;  des  racines  de  forme  *kel- 
ou  *ger-  on  avait  donc  en  indo-européen  *kikl-ds-,  *gigr-9S-,  c'est-à- 
dire  en  celtique  *kiklâs-,  *gigriis-,  d'oià  en  irlandais  cela-,  géra-, 
avec  chute  de  la  sifflante  en  position  intervocalique.  Cette  ingénieuse 
explication,  l'auteur  le  reconnaît  lui-même,  n'explique  pas  tout; 

I .  A  ce  rapprochement  du  futur  grec  et  du  futur  sigmatique  irlandais,  il 
v  a  une  difficulté  :  c'est  que  jamais  le  second  n'a  par  lui-même  la  liexion 
déponente  qui  est  à  date  ancienne  caractéristique  du  premier  (v.  Magnien, 
Futur  grec,  II,  295,  avec  la  note  de  M.  Meillet).  Mais  M .  Thurneysen  estime 
que  la  flexion  moyenne  du  futur  grec  résulte  d'une  innovation  de  cette 
langue  dont  le  point  de  départ  serait  à  chercher  dans  le  futur  [iSLoija;  «  je 
vivrai  »,  qui  aurait  entraîné  9av£0[j.at,  ïaoïjiat  et  ensuite  tous  les  autres  futurs. 
L'explication  ne  convainc  pas.  Comme  l'a  montré  M.  Magnien,  l'emploi 
des  désinences  moyennes  dans  le  futur  grec  n'est  pas  une  question  de 
forme,  mais  une  question  de  sens.  S'il  y  a  eu  innovation,  c'est  du  côté  cel- 
tique qu'il  faut  la  chercher.  L'irlandais  n'avait  aucune  raison  de  maintenir 
à  son  futur  la  flexion  déponente,  car  en  celtique  les  désinences  moyennes 
ne  faisaient  plus  fonction  de  «  voix  »  (cf.  R.  Celt.,  XXXIV,  p.  132)  ;  aussi 
a-t-il  réglé  la  flexion  de  son  futur  sur  celle  du  présent.  C'est  d'ailleurs  ce 
qui  est  arrivé  ultérieurement  au  grec  lui-même. 


Périodiques.  107 

on  peut  dans  une  certaine  mesure  la  combiner  avec  celle  qui  a  été 
proposée  dans  les  Mémoires  de  la  Soc.  de  Linguistique,  t.  XX,  p.  121- 
122. 

M.  Pokorny  étudie  p.  190-194  die  Lautgruppe  ov  im  Gallo-hriti- 
schen.  Le  traitement  de  ov  en  gaulois  serait  soumis  à  cette  loi  que 
V.  ov  devant  a  passe  à  «t»  ».  Exemples  :  kavaros  de  *kovaros  (cf. 
x'jp'.o;  et  skr.  çàvïrah ;  gall.  cawr  àt  *kavaros  et  irl.  pi.  coraid)  ; 
lautro  (gl.  bàliieo)  de  *lovatro- .  Peu  importe,  suivant  M.  Pokorny, 
que  Va  subséquent  ait  subsisté  ou  non  :  il  explique  le  double  trai- 
tement {Cavarinus  Caurinus  ;  Cavarius  Caurius  ;  Lavaratus  Laiira- 
tus  ;  Avara  Aura;  Savara  mais  Raura,  etc.)  par  l'antique  théorie 
des  «  AUegro-formen  »  et  des  «  Lento-formen  »  :  qui  aurait  cru 
qu'elle  put  servir  encore  ? 

La  même  loi  expliquerait  le  gall.  Hatv  «  neuf  ^)  de  *novai!  en  face 
de  l'irl.  uoi  de  *noven. 

Si  le  gallois  A'xlUazucn  «  joyeux  »  et  llaïuer  «  nombreux  »  en  face 
de  corn,  loueu,  loiuer,  bret.  laoueii,  il  faut  partir  de  *laveuo-  *lavero- 
(ce  dernier  recouvrant  exactement  l'homérique  Àâsô;)  ;  et  cela 
donne  lieu  à  l'énoncé  d'une  loi  spécialement  bretonne  et  comique, 
suivant  laquelle  le  groupe  av  après  consonne  initiale  et  suivi  d'une 
syllabe  à  initiale  vocalique  portant  l'accent  se  confond  avec  le 
groupe  ov  du  brittonique  commun. 

Toutes  ces  lois  compliquées  souffrent  naturellement  des  excep- 
tions, dont  M.  Pokorny  se  débarrasse  en  invoquant  l'analogie. 

P.  194-96,  M.  Marstrander  revient  sur  la  question  du  futur  de 
agid  et  du  présent  de  -era,  précédemment  traitée  par  M.  Pokorny 
(v.  ci-dessus).  C'est  pour  rappeler  à  ce  dernier  que  l'explication 
qu'il  présente  est  déjà  dans  la  Vergleichende  Grammalik  de  M.  Peder- 
sen,  t.  H,  p.  675,  et  pour  y  ajouter,  avec  une  série  d'exemples 
nouveaux  de  -ehla,  cette  ingénieuse  hypothèse  que  la  forme  -ehla 
servait  peut-être  dès  l'origine  de  futur  supplétif  aussi  bien  à  agid 
«  il  pousse  »  qu'à  alid  «  il  nourrit  »  ;  le  sens  des  deux  racines 
admet  en  effet  également  le  supplétisme  d'une  racine  *pel-  «  pous- 
ser » . 

J.  Vendryes. 


Le  Propriétaire-Gérant  :  Édoc.^rd  CHAMPION. 


M.\CON,    PROTAT    FRÈRES,    IMPRIMEURS. 


PLACE-NAMES    OF    PICTLAND 


I 

I.  The  area  to  be  dealt  with  in  the  présent  papers  is  the 
part  ûf  Scotland  which  lies  to  the  north  of  the  Firths  of  Forth 
and  Clyde  —  the  ancientkingdom  ofthe  Picts.  The  Western 
Isles  are  excluded,  and  such  parts  of  the  mainland  as  werc 
for  a  considérable  period  in  Norse  possession  are  sparingly 
drawn  upon,  as  the  possibility  of  Norse  introduces  a  needless 
élément  of  uncertainty,  seeing  that  there  is  abundant 
tnaterial  for  determining  the  character  of  the  Celtic  topono- 
my  froni  districts  outside  the  limits  ol  Norse  power.  The 
names  to  be  discussed,  therefore,  are  mostly  drawn  from  the 
mainland  of  Inverness,  the  east  of  Argyll,  the  counties  of 
Perth,  Forfar,  Aberdeen,  Banff,  and  Elgin,  that  is  to  say, 
from  the  heart  of  ancient  Pictland.  I  hâve  confined  myself 
also  almost  entirely  to  such  namcs  as  can  be  heard  in  Gaelic 
to-day.  The  Celtic  place-names  ofthe  eastern  Lowlands,  ail 
the  way  round  from  the  Firth  of  Forth  to  Inverness,  are 
identical  in  type  with  those  of  the  Highlands,  but,  as  they 
exist  only  in  anglicised  forms,  it  is  impossible  to  operate  with 
thèse  as  primary  data,  however  great  their  value  in  other  con- 
nections. The  great  ma^oritv  of  the  names  to  be  dealt  with 
hâve  been  heard  from  the  mouths  of  native  Gaelic  speakers 
and  are  given  both  in  conventional  and  phonetic  spelling.  As 
matters  stand  at  présent,  the  student  ofScotrish  place-names 
must  for  the  most  part  collect  his  material  for  himself.  The 
forms  current  in  modem  books  are  often  either  incorrect 
or    inadequately    spelt,   and    it  is  to  be    regrettcd  that    the 

i officiai  maps  of  the  Highlands —  the  Ordnance  Survey  —  are 
for  philological  purposes    quite    uscless.  The  late  Professer 
Rtvue  Celtique,  XXXVIU.  8 

I 


I  lo  Francis  (i .   D'uick. 

iMacKinnon's  description  ot"  the  Gaelic  nomenclature  of 
thèse  maps  {Cehic  Rev.,  III,  87)  as  «  preposterous  »  is  within 
the  mark.  Any  worlc,  such  as  Gillies's  "  Place-names  of 
Argyll  ",  that  does  not  begin  by  avoiding  every  O.  S.  name 
given  in  Gaeiic  till  verified,  can  hâve  httle  value. 

I  am  much  indebted  to  the  Rev.  G.  M.  Robertson,  whose 
knowledge  of  the  dialects  of  Gaeiic  is  unrivalled,  for  kindly 
supplying  me  \vich  names  which  I  hâve  not  had  an  opportu- 
nity  of  hearing.  Thèse,  however,  are  given  only  in  conven- 
tional  spelling,  and  the  same  remark  applies  to  those  I  hâve 
taken  from  Watson's  "  Place-names  of  Ross  and  Cromarty '' 
(Inverness,  1904),  the  first  work  on  an  extended  scale  which, 
following  Macbain's  contributions  '  to  the  subject,  recognised 
the  necessity  of  strict  attention  to  local  pronunciation. 

2.  The  paucity  of  ancient  sources  for  the  old  forms  of  the 
names  meets  the  student  at  every  turn.  In  this  respect  Ireland 
enjoys  an  enviable  advantage.  Classical  sources  supply  a  few. 
Many,  it  not  most,  of  the  names  recorded  by  Ptolemy  are 
obsolète  or  doubtfully  identified,  but  a  few  still  survive,  and 
taken  in  conjunction  with  the  modem  Gaelïc  forms  are  of 
the  highest  importance  as  évidence  in  the  problem  of  the 
language  of  the  Picts.  Adamnan,  Fita  Columbae,  has  some 
Pictish  place-names,  and  the  Bookof  Deer'  (rith-i2th  cent.), 
a  native  source,  having  been  written  in  the  Buchan  district 
of  what  is  now  Aberdeenshire,  contains  about  forty,  mostly 
of  places  in  that  neighbourhood  .  The  miscellaneous  collection 
printed  by  Skene  '  has  to  be  used  with  caution,  as  anglicised 
and  corrupt  spellings  are  apparent  in  the  native  documents, 
even  the  earliest.  Stokes  (Bezzenberger,  Beitrà^e,  XVIII,  86  tî.) 
used  this  work,  and  uncritically  includes  anglicised  names  as 
"Pictish  ",  e.  g.  Fothreve,  Gouerin,  Htlef,  Meneted,  Migdale, 
etc.  ;  but  this  and  other  points  in  the  article  will  be  dealt 
with  below. 


1 .  Badenocli  :  its  history,  clans,  and  place  names  ;  Placenames  of  Inver- 
nessshire  (Trans.  Gaeiic  Soc.  of  Inverness,  vol.  16,  25). 

2.  Ed.  by  Stokes  in  Goidelica,  Lond.  1872  ;  also  bv  Macbain  in  Trans.  oj 
the  Gaeiic  Soc.  0/  Inverness,  vol.   11. 

3.  Chronicles  of  the  Picls  and  Scots,  Edin.  1867. 


Place-Names  of  Pictiaud.  1 1 1 

In  this  scarcity  of  early  material,  the  Irish  Annals  and- 
other  Irish  texts  fortunately  give  some  help.  Thèse  contain 
more  références  to  places  in  Scotland  than  might  hâve  been 
expected,  and  should  be  treated  as  equal  in  authority  to 
native  sources  ;  the  modem  GaeHc,  where  it  is  available, 
shows  that  they  are  rightly  so  to  be  regarded.  Hogan's 
Ouûmasticon  Goedelicuiii  provides  a  convenient  collection  of 
thèse  références.  From  the  I2th  century  onwards,  anglicised 
versions  of  the  original  Celtic  are  to  hand  abundantly. 
Where  the  names  are  still  extant  in  Gaelic,  thèse  early  English 
spellings  are  sometimes  really  illuminating,  as  will  be  seen 
below.  To  avoid  confusion,  anglicised  Gaelic  words  are  print- 
ed  in  ordinary  type,  Gaelic  in  italics. 

3  .  In  attempting  to  exhibit  some  of  the  most  characteristic 
features  of  the  toponomy  of  Pictland,  I  hâve  thought  it  may 
be  convenient  to  begin  with  and  group  together  a  particular 
class  of  words,  those,  namely,  which  can  be  analysed  into 
stem  +  suffix  or  suffixes.  This  type  includes  many  of  our  most 
archaic  names,  and  besides  offers  some  curions  problems  for 
considération. 

One  or  two  preliminary  remarks,  that  applv  to  ail  of  what 
follows,  are  necessary. 

a)  Final  -a  and  -e,  i.  e.  <?,  from  whatever  source  arising, 
tend  to  disappear.  This  is  true  of  ail  districts,  says  Robertson 
(Trans.  of  Inverness  Gaelic  Soc,  vol.  XXV,  p.  107),  except 
the  north-west  and  the  Islands,  which  areoutside  our  présent 
area.  The  tendency  is  most  pronounced  towards  the  east, 
and  is  completely  carried  ont  in  the  dialects  oieast  Perthshire, 
Braemar,  and  Strathspey  (i.  e.  the  valley  of  the  Spey  below 
the  neighbourhood  of  Aviemore).  Further,  in  thèse  dialects, 
-adJ),  from  whatever  source  arising,  is  lost,  except  in  the 
subjunctiveof  the  verb.  Thus  madadh,  dog,  mon'adh,  mountain, 
geanihradh,  winter,  bualadh,  striking,  are  mad,  Dion,  gea>iihr, 
huai,  but  in  the  genitive  madaidh,  monaidh,  geamhraidh,  and 
sometimes  hualaidh. 

b)  In  thèse  suffix-formed  names  inflection  is  disregarded  : 
that  is  to  say,  whatever  the  original  declension  may  hâve 
been,  in  présent  usage  the  word  occurs  only  in  one  case  in 


112  Francis  G.  Diack. 

ail  grammatical  positions.  This  is  thc  gênerai  rule  and 
exceptions  are  extremely  rare.  Formations  in  -adh  sometimes 
show  a  gen.  in  -aidb.  Even  with  the  living  suffix  -ach,  in 
place-names  the  form  is  the  same  for  ail  cases,  either  -ach  or 
-aich.  Where  the  article  is  présent,  it  of  course  is  regularly 
inflected,  but  not  the  word  itself.  Thus  :  a'Chabraich,  the 
Cahrach,  gen.  na  Cabraich  ;  aGhairbheacl),  the  Garioch,  gen. 
lia  Gairbheach;  am  PoUath,  the  PoUa,  gen.  aPholïalh. 

In  some  few  instances  the  stage  of  stereotyping  is  almost, 
but  not  quite,  reached.  The  original  case  distinctions  remain, 
but  they  are  used  capriciously  and  not  grammatically.  The 
Inverness  river  Lochy,  for  example,  is  heard  as  Lbchath  and 
Làchaidh.  With  the  Perthshire  Garry,  \ve  hâve  Glcami  Car 
(from  Gàradh,  see  (a)  above)  and  Loch  Gar,  but  Sratb  Gba- 
raidh.  Similarly  the  Orchy  (Argyll)  is  heard  as  Urchath  and 
Urchaidh.  The  forms  for  the  well-known  Glen  Coe  are 
Gleaun  Conihanu  (most  common,  and  used  at  the  place 
itselt),  G.  Coviha  and  with  loss  of  -a  G.  Coiiih,  and 
G.  Comhainn,  showing  that  the  word  is  an  -n  stem.  In  Glen 
Tilt,  Perthshire,  there  is  Loch  Loch,  with  the  river  out  of  it 
Lochainn,  pointing  again  to  the  -n  declension. 

Thèse  cases,  however,  are  comparatively  rare,  and  the 
gênerai  rule  is  as  already  stated. 

As  regards  the  phonetic  notation,  the  aspirated  voiceless 
stops  are  written  k,  k' :  t,  tf  :p;  the  non-aspirated  voiceless 
g,  g':  d,  df  :  b;  and  both  séries,  when  voiced(i.  e.  in  eclipsis  or 
after  nasals),  g,  g'  ;  d,  d^  :  b  ;Ç)  denoting  palatal  quality.  Nasa- 
lisation of  vowels  is  indicated  by  (")  and  length  by  (:).  To 
divide  syllables  a  comma  is  sometimes  used .  The  main  stress 
is  on  the  first  syllable  of  the  word,  except  with  a  hyphen, 
when  it  is  on  the  syllable  immediately  following  the  hyphen. 

-AS,  -Aïs 

4.  Geadais,  g'edaf,  Geddes  (N '.-p.  Cawdor)  :  gead,  a 
spot  of  arable  ground. 

I.  The  following  letters  arc  useJ  to  indicate  the  namcs  of  counties  : 
A.,  Aberdeen  ;  Ar.,  Argyll;  B.,  Banff  ;  E.,  Hlgin  or  Moray  :  F.,  Forfar  ; 
1.,  Inverness;  N.,  Nairn  ;  P.,  Penh;  p.,  parish. 


Place-Names  of  Pictland.  1 1 3 

Cluaineis,  kLuJiiaf,  Clunas  (N.-p.  Cawdor)  :  cliiain, 
meadow . 

Du\-TUtRCEis,  dun-turkaf,  Dundurcas  (E,  .,on  the  lower 
Spey):  tore,  tiiirc,  boar.  The  d  in  the  English  instead  of  t  is 
probably  due  to  the  fact  that  nasalisation  after  the  old  neuter 
i/itnsurvivedat  the  time  Dundurcas  started  as  an  Enghsh  word. 
Examples  of  this  neuter  nasalisation,  still  extant  in  place- 
names,  will  be  discussed  below . 

Fearxais,  fiarnaf,  Ferness  (E.-p.  Ardclach)  : /m;?/,  aider 
tree.  Cp.  Gaulish  names  in  \'^erno-. 

Greineis,  on:  naf,  Granish  (I.-Strathspey).  Macbain  dérives 
froni  ^ràin,  abhorrence,  that  word  being  in  the  local  dialect 
grèin  (P.  iY.  ofliiveniess,  p.  84),  and  the  meaning  of  the  for- 
mation something  like  "  rough  place". 

DuBHAis,  duaf,  Duffus  (E.-p.  ;  thèse  parish  names  are 
not  originally  district  names,  but  almost  aKvays  belong  to 
the  site  of  the  parish  church):  diibb,  black.  Cp.  Dubais  in 
Ireland  (Hogan,  O//0///.  Goed.,s.  v.). 

Neibheis,  N'tvaf,  and  also  N  ivaf  Nevis  (I.),  a  river, 
with  the  well  known  Beinn  Neibheis  .  lE.  )iebh,  "  vorquellen  " 
(Fick,  Wôrterb.  d.  indogerm.  Spr . ,  p.  502).  Cp.  the  spanish 
river  Nebis,  and  possibly  Nevi-asca  (Holder,  s.  vv.). 

Creicheis,  k'reçaf,  Crathes  (A. -lower  Deeside):  cp.  creachan, 
bare  wind-swept  place,  for  which  Macbain  (Dict.)  suggests 
creach,  piunder,  O.  I.  crech,  dat.  creich.  There  is  also  Creichidh, 
for  which  see  -aidh  sufEx  infra. 

Altais,  aLtaf,  Altas  (Sutherland,  near  the  Oykell  estuary)  : 
ait,  joint.  '^  A  real  or  fancied  ressemblance  to  différent  parts 
of  the  human  body  bas  originated  a  great  variety  of  topogr- 
aphical  names  ail  over  the  countrv  "(Joyce,  Irish  naines  of 
places,  I,  522). 

RÀTHAis,  m  :  af,  Rothes  (E.-p.):  ràth,  earthen  fort. 

Dalais,  dalaf,  Dallas,  Srath  Dalais,  "  parish  of  Dallas  » 
(E.),  also  Dalais  (R.-p.  Edderton  and  I.-Strathspey)  :  stem  dal, 
of  unknown  meaning,  distinct  from  dail,  a  meadow.  Thelatter 
Macbain  (^Dict.,  s.  v.)  takes  from  Norse  dalr.  This  should 
hâve  been  deleted  by  the  editor  of  the  second  édition  of  the 
Dictionars',  since  the  author  had  evidentlv  abandoned  it.  In 


ii.|  Francis  G.  Diack. 

P.  N.  of  Inveniess,  p.  58,  he  speaks  oi  chiil  as  identical  with 
di(l  and  takes  both  from  "  Welsh  dôl,  Corn,  et  Breton  dol.  " 
But  there  is  no  identity,  and  usage  keeps  the  words  separate. 
There  are  in  fact  three  words  in  place-names  which  hâve  a 
rough  resemblance  in  English,  but  are  not  always  confused 
even  there  :  (i)  dail,  gen.  daJach,  meadow,  a  h-  stem,  to  bc 
classed  tor  frequency  with  such  words  as  baile  and  achadh  ; 
it  does  not  seem  to  occur  in  Irehtnd;  (2)  doJ,  dul,  a  Brytho- 
nic  loan-word,  examples  of  which  are  tairly  common  :  Dol, 
dol,  Doll  (F.-Glen  Clova),  Du!,  DuU  (P.  p.),  and  with 
extensions  in  Doldaidb,  Dulsaidh,  Doîmach-gearraidh;  (3)  dal, 
in  Dalais -xs  ixhoxQ,  and  with  extensions  in  Dalacb-cùl,  dalay- 
kif.l,  Delachule(B.-p.  Kirkmichael),  Z)n/rtc/;^//fl'/?,  dfllayi,  Dall- 
ach3'(E.-mouth  ofSpey). 

FuiRBEis,  FoiRBEis,  fiuïhaj',  fanibaf,  Forbes  (A. -p.), 
whence  the  personal  name  Forbes.  For  the  stem  possibly 
Vorh-ia,  W.  N.  (Holder)  may  be  compared.  There  is  also 
Forbie  in  Glen  Esk  (F.),  Fuirbidh. 

Albhais,  alavaf,  Alves  (E.-p.)  :  stem  *ûh'-,  seen  also  in 
Albhaidh,  alavi,  Ahie  (I.-Badenoch,  and  A.-Braemar).  Holder 
lias  Alv-fiitiuiii,  now  Avin  in  Belgium,  and  Alv-inca. 

Neimheis.  N'èvaf  loch,  and  (formerly)  also  river  (west-I.): 
the  nasalised  vowel  (at  least  in  some  pronunciations)  suggests 
the  root  iieni  "  sich  beugen,  verehren  "  (Stokes),  whence  iieiiie- 
ton,  O.  I.  nemed,  sacellum,  neiii,  heaven.  Cp.  the  river  Neiii-esa, 
now  the  Nims  in  Luxembourg.  Adamnan,  Fita  Coluiubae  I, 
12,  has  in  this  neighbourhood  "  locum  qui  dicitur  Miiiiboh' 
Paradisi  ",  that  is,  '  loch  of  heaven  '.  This  may  be  safely 
identified  as  the  Locl)  Neifubeis  of  to-day,  and  it  is  curious 
that  the  same  popular  etymology,  as  if  from  neanib,  'heaven', 
is  still  current  in  the  district.  Neibbeis  and  Neiiubcis  are  evi- 
dently  to  be  taken  as  names  of  river-divinities. 

5.  In  combination  with  -;/-  we  hâve  the  double  suffix 
-nais  : 

Gleann  RUAiDHNEis,  riii:iiaf,  Glen  Rinnes  (B.)  :  ritadb, 
maidh,  red.  This  is  one  of  the  few  instances  where  the  glen 
does  not  take  its  name  from  the  river. 

MuiGHNEis,  niùi:naf,  Moyness  (N.)  :  mning,  hair,  cp.  O. 


Place- iSJ âmes  of  Pidland.  115 

I.  mon^,  gen.   mniuff  ;  applied  in  place-names  to  rough  grass, 
e.  g.  Lo'uin  miiing,   Loin-muie  (A.)  and  Fuaran  mhongaidh 

6.  In  combination  with  -/'-  : 

CoiLLEARAS,  koiL'.^ni^  (I.-Badenoch)  :  coill,  wood. 

7.  Other  occurrences  which  may  contain  the  suffix  are 
Rcidh-h'igais,  Alll  Cl.iarrais,  Cinn-itcis,  Tiacais,  Farrais,  Cnoc- 
iidais. 

8.  The  usual  function  of  the  -as  suffix  <C-*st-,  is  to  form 
abstracts  or  collectives,  and  this  is  doubtless  the  meaning  and 
origin  oî  -ais  in  most  ofthe  above  examples.  It  may,  however, 
be  also  adjectival  in  force,  see  Pedersen,  VergJ.  Grain.,  II, 
p.  21  (3),  and  this  may  be  the  function  in  some  cases;  cp. 
the  Bores li  oï  Tiidtus,  a  Pictish  tribal  name. 

9.  It  will  be  observed  that  in  ail  the  examples  given  above 
\n-ais  the  vowel  of  the  final  syllabe  is  a  not  3.  This  normally 
would  suggest  an  original  long  a,e,  or  0  before -jt/,  i.  e.  -âsl-, 
-est-,  or  -ôst-.  I  think,  however,  that  the  û;  hère  is  a  secondary 
development.  Common  nouns  and  abstracts  in  -as  which  are 
inflected  hâve  ^  ;  thus  dorus,  gen.  doruis,  camas,  gen.  camais, 
ceartas,  gen.  ceartais,  etc.  The  change  of  3  to  û;  in  the  place- 
names  may  be  connected  with  the  fact  that  they  are  stereo- 
typed  in  the  oblique  case.  Where  examples  of  this  suffix  are 
found  in  the  nom.  the  vowel  is  ?,  e.  g.,  Duras  and  Daras 
(I.)  and  Leôdhas  ',  Lewis,  and  Coillearas  above  ail  indéclinable. 
A  clear  case  of -asti  >■  a  not  -.'  is  seen  in  ciircais,  bulrush, 
<Z*horhasii  and  hère  the  true  nom.  curcas  is  not  heard. 

10.  This  suffix  has  been  described  by  Macbain  as  peculiarlv 
Pictish,  and,  in  his  sensé  of  the    word,    Pictish    means  non- 

I .  This  name  is  usuallv  regardcd  as  Norse,  but  uo  even  plausible  déri- 
vation froni  this  source  has  ever  been  offered.  Such  explanations  as  hljôâ- 
hi'is,  sounding  house  fMunch),  Ijôda-hûs,  house  of  songs  (Watson),  Ljôt- 
hïis,  Leod's  house,  for  ihis  the  largest  of  the  Scottish  islands,  are  hardly 
convincing.  Most  of  the  northern  and  western  islands  preserved  their  ori- 
ginal Celtic  names  through  the  period  of  Norse  occupation  ;  Skye,  Muli, 
Islay,  Tirée,  lona,  Arran,  Orkney,  probably  Shetland,  etc.,  are  ail  Celtic, 
and  the  presumption  is  that  so  is  Leôdhas.  Other  instances  of  the  stem  leùdh 
.ire  possibly  to  be  seen  in  Leôchail,  U?>.yal  Leochel  (A.),  Diin-hbdha 
(Hogan  Cl.  G.),  Leàid,  IJ'Tid f.  I.ude  (P.). 


II 6  Francis  G.   Diack. 

Goidelic  in  some  way.  Professor  Watson  in  P.  N.  of  Ross, 
p.  XLix  speaks  of  it  as  "  non-Gaelic  and  found  only  on 
Pictish  ground  ",  and  in  the  Cellic  Kevicw,  II,  p.  237, 
classes  it  as  "  unknown  in  Dalriada  and  Ireland  ".  Such 
statements,  however,  arc  not  wellfounded,  as  a  moment's 
examination  of  Irish  toponomy  will  show.  Joyce  in  liis  second 
volume  discusses  the  suffix  at  pp.  1^-14  and  points  out  its 
trequency,  and  in  the  alphabetical  list  in  his  third  volume 
additional examples  will  be  found  ;  such  as  Breacas,  [vombreac, 
speckled,  Blàras,  from  blàr,  field,  Clitain-a'-stiallas,  from 
stiall,  stripe.  Sillis  trom  siUeadh,  oozing.  Examples  will  also 
be  found  in  Power's  P.  N .  of  Decies  and  in  Hogan  ;  e.  g. 
from  the  latter,  Dubnis,  the  same  word  as  Diihhais,  Duifus, 
above,  Odras,  a  river,  from  odhar,  grey,  Flidais,  a  river, 
Cliiain  muerais,  from  mue,  pig,  with  -rais  suffix,  cp.  Cùillca- 
ras  above. 


-AR 


j  I  .  An  interesting  group  ot  river  names  is  formed  by 
this  suffix,  corresponding  to  such  names  on  the  Continent  as 
Isara,  the  Isère,  *Iseara,  the  Hisscar  in  Belgium  ;  Arar,  now 
the  Saône,  Samara,  now  the  Somme,  etc. 

Farair,  jarïr,  Farrar  in  Inverness,  the  lower  part  ot  which 
has  now  lost  its  proper  name  but  which  is  universally  iden- 
tified  with  Ptolemy's  Ojâczpiç  sï^yj^iç.  For  the  stem  compare 
Farnaid,  a  Perthshire  river  (see  §  14  below). 

Nabhair,  nauïr,  Naver  (Sutherland),  Ptolemy's  Nx^iapc-j 
(gen.).  Holder,  s.  v.,  writesin  error  '^England"for"  Scotland" 
and  "  Naber  "'  for  "'Naver  ".  There  is  also  on  the  Continent 
Nab  alia,  now  the  Leck  at  the  mouth  of  the  Rhine. 

Macbain  (Ptolemy's  Geog.  of  Seotlaud,  p.  28)  has  the 
following  remark  on  this  name  :  "  The  modem  Gaelic  is 
[pronounced]  Nauir,  the  préservation,  such  as  it  is,  of  the  t^ 
showing  a  borrowing  from  the  previous  Pictish  tongue".  It 
is  difHcult  to  see  what  exactly  he  meant  by  this.  The  proniin- 
ciation  '  nauir  '  of  Nabhair  is  of  course  quite  normal,  and  one 
cannot  see  why  it  should  imply  borrowing  from  Brythonic  (for 


Placc-Names  of  Pictîand.  iiy 

that  is  what  Pictish  connoted  for  Macbain)  any  more  than 
gohhar  g'iuïr  or  lûbhair,  Lûii'ïr.  O.  C.  *Nabari([oc.)  =  modem 
Gaelic  Nabhair,  is  regular  Goidelic  development '. 

Labhair,  Lain'r,  a  small  stream,  known  from  the  Gaelic 
for  its  confluence  with  the  Spey,  Obair-lahhair,  Aberlour  (B.). 
There  is  another  of  the  same  name  in  Perthshire.  Cp.  Labara, 
Continental  river  name,  fem.  of  *labaros,  sonorus,  loquax 
(Holder);  O.  I.  labar,  superbus,  arrogans.  With  the  suffix  -ag, 
is  Allt  Labhrag  (I.-Bad.);  with -aidh,  *Labhraidh,  Lowrie 
(F.-Loclilee)  ;  with  -ach,  Uisg  Labhrach  (locaHtv  not  noted). 
Cp.  also  the  Irish  Labrand  (Hogan,  0.  G.). 

Tannar,  taNdr,  Tanner  (A.).  The  stem  tami-  seems  to  be 
the  same  as  in  O.  C.  Tann-etos^  now  Taneto,  near  Parma, 
Tannins,  etc.  Identification  with  O.  C.  Tanaros,  now  Tanaro, 
tributary  of  the  Po,  looks  tempting  and  may  be  right,  though 
this  has  only  one  n  m  both  the  extant  speUings. 

Bruthar   bru'dr,    Bruar  (P.-AthoU)  ;    the   pronunciation 

I .  Another  example  in  the  same  pamphlet  of  loose  methods  in  dealing 
with  inconvénient  data  is  his  treatment  of  Ptoleniv  's  Loxa,  a  river  entering 
tiie  Moray  Firth.  This  is  now  the  Lossie  in  English,  taken  over  from  the 
Gaelic  Losaidh,  still  extant,  i.  e.  los  and  the  -aidh  sufïix  (for  which  see 
below).  «  The  phonetic  difficulty  hère  »,  he  says,  «  is  a  racial  one  ;  from 
an  early  Pictish  .v,  we  should  expect  a  later  ch,  that  is,  if  tha  Pictish  was  a 
Brittonic  language  and  treated  .v  as  the  other  Brittonic  languages  did  », 
and  passes  on  without  further  remark.  There  is  no  «  difîiculty  »  hère, 
imless  one  chooses  to  start  with  the  assumption  of  Pictish  having  been 
Brythonic  ;  had  it  been  in  Ireland  that  O.  C.  hx-  =z  modem  Gaelic  los- 
occurred  one  would  hardly  hâve  heard  of  «  difficulty  ».  With  ail  due  respect 
to  Macbain's  labours,  it  is  permissib'.e  and  even  necessary  to  sav  that  often 
when  dealing  with  the  Pictish  question,  he  does  not  seem  to  appreciate 
the  force  of  évidence.  And  besides,  his  methods  are  often  so  uncritical  that 
his  results  in  the  field  of  place-names  should  be  received  with  caution  and 
sysiematically  tested.  On  the  same  page,  for  example,  as  his  référence  to 
Loxa,  he  writes  concerning  Ptolemy's  tribal  name  Taixali,  that  it  «  should 
produce  in  later  times  a  Pictish  (British)  Tuch-al  or  a  Gaelic  Taosal  ;  the 
parish  of  Tough  in  mid  Aberdeenshire  ideally  represents  the  British  form 
of  the  root  ».  Now  the  history  of  the  word  Tough,  pronounced  tu/  for  hil/ , 
is  quite  well  known.  The  Gaelic  is  obsolète,  but  old  anglicised  spellings, 
such  as  Tùlich,  Tulch,  Tulloch,  etc.,  show  that  the  word  is  merely  the 
common  tulach,  a  knoll.  The  foundations  of  the  popular  Brj'thonic  theory 
of  Pictish  will  be  found,  when  examined,  to  contain  much  mnterial  of  this 
sort. 


ii8  Francis  G.  Diack. 

bruar  is  also  heard.  The  stem  is  briith  ;  O.  I.  brtitb,  beat, 
fire,  ardour,  and  the  name  doubtless  is  that  of  a  river 
diviiiity.  Other  extensions  of  the  stem  are  seen  in  the  river 
names  Bruth-rath,  Bniilh-m,  Bruth-aidh  (see  below). 

Gamhar,  gauïr,  Gaoire  on  map  (P.-Kinlochrannoch)  and 
another  in  Auchtergaven  parish  (P.)-  The  Ogham  Ganiiciiuas 
(xMacaHster,  Irish  Epigraphx  l,  66^  seems  to  contain  the  same 
stem.  There  is  another  stream  in  Glen  Orchy  (Ar.)  called 
Allt  Gamhiain,  which  may  be  analysed  as  gamh-  \\ith  the 
suSx-group  -nan;  possibly,  however,  the  word  \s  gamhn-an, 
-an  diminutive,  from  gamhain,  calf,  as  magie  calves  are  asso- 
ciated  with  rivers  and  lochs. 

LiBHiR,  Liver  (twice  in  Ar.)  :  lïbh,  to  pour  forth,  to  flood, 
<i*l'ibo-,  is  a  prolific  stem  for  rivers.  Besides  thèse  two,  there 
are  Dbheann,  once  in  Perth  and  once  in  Argyll,  and  Libhcid 
in  Banff.  Cp.  Liber  in  Ireland  (Hogan),  the  water  goddess  Liban 
of  the  Irish  mythology,  and  Ptolemy's  Irish  river  Libuios. 

-AN  {<C-anâ,-onri) 

12.  In  Ptolemy's  Geography  there  are  located  in  the 
Aberdeenshire  district  the  Taixali  and  the  town  A-^ouava. 
This  name  is  now  represented  in  English  b)^  the  river 
"  Don  ",  the  r.'znit  of  the  tribe  being  then  often  identical 
with  the  name  of  the  chief  river,  a  fact  no  doubt  due  to  the 
cuit  of  river  worship.  Cp.  Devona  (Holder,  s.  v.),  a  town  of 
the  Cadurci,  and  originally  a  spring.  In  the  Book  of  Deer  \ve 
bave  in  Old  Gaelic  the  name  of  the  place  at  the  mouth  of 
the  river,  Abberdeon,  now  in  English  Aberdeen.  The  present- 
day  Gaelic,  which  can  be  heard  ail  over  the  Highlands,  is 
usually  obd-Ri'ïn  \  written  awkwardly  in  conventionalspelling 
Obair-,  Abair-dheatheain,  th  being  merely  todividethesyllables, 
better  Obair-dhea'in.  The  pronunciation  oh-Raïn,  is  also 
heard  in  some  localities,  and  is  to  be  explained  thus.  There 

I .  The  n  is  to  be  regarded  as  palatal,  for  though  palatal  and  non-palatal 
lenited  n  are  identical  in  this  position,  at  least  in  the  north  eastern  dialects, 
the  quality  of  thcpreceding  vowel  is  palatal. 


Place-Names  of  Pictland.  119 

is  a  wellmarked,  thougli  sporadic,  tendency  for  a  and  e, 
both  short  and  long,  to  interchange  in  accented  syllables 
foUowing  r  :  bràigh,  rachainn,  cnaimh,  ràith  are  to  be  heard 
as  bn:,  nyiN'jkrJr.,  rt  :  also  creag  as  craig,  reub  as  ràb  (see 
also  Macbain,  Tians.  Invermss  Gael.  Soc,  XVIII,  pp.  83-4). 
In  place-names  the  following  show  the  same  interchange  : 
Craichidh  and  Creichidh,  Crathie;  Raitir  and  Reitir,  Rattray; 
Braid-  and  Breid-  Albainn,  Breadalbane  ;  Cill-raig  and  -reaig, 
Kilravock  :  Braigh-  and  Bie-MJmrr,  Braemar.  In  Obair-dhedin 
the  dh  disappears,  or  rather  -rdh->>  R  not  r,  and  the  vcwel 
being  thus  in  immédiate  contact  with  the  liquid  falls  under 
the  above  law. 

The  river  itself  is  Dediii,  dftïij,  Don.  Macbain  (P.  N.  of 
hivcrness  p.  63  and  Ptol.  Geog.,  p.  48)  gives  as  present-day 
GaeHc  Dian  or  Dcatban,  but  without  saying  where  Dian  is  the 
form.  The  river  name  is  much  less  widely  known  than  Obair- 
dhedin,  and  it  is  only  in  the  districts  of  Braemar,  Tomintoul, 
and  Abernethy,  which  are  not  far  from  the  head  waters  of 
the  river  that  I  hâve  heard  it,  but  there  indeed  times  without 
number  and  never  anything  but  Dcdin.  In  the  Don  valley 
Gaelic  recently  became  extinct,  but  natives  who  hâve  heard  it 
spoken  hâve  informedme  that  the  name  of  their  river  sounded 
in  Gaehc  «  Hke  the  English  word'chain'  »,  i.  Q.dftïn.  Till 
some  positive  évidence  is  forthcoming,  the  form  Dian  must 
be  held  non-existent,  which  the  non-existence  of  Obair- 
dhinin  anywhere  would  itself  indicate. 

Dedin  is  the  direct  descendent  of  some  oblique  case  (?  dat.- 
loc.)  of  Ptolemy's  Devanâ,  older  *Deivana,  an  rt-stem.  The 
Ravenna  geographer  has  Devoui  (Holder,  s.  v.  Devana).  For 
O.  C-  Deivanà,  dêimm  ^  deoji  (Bk.  of  Deer)>  dedin  of  lo- 
day,  cp.  *deivaktâ,  *dêvaktâ  >■  O .  I.  deacht,  divinity  ;  and  for 
the  shortening  of  the  original !}•  long  vowel  in  hiatus  see 
Thurneysen,  Grain.  §  45. 

Along  with  Devana  may  be  taken  the  adjoining  river  whose 
O.  C.  name  we  are  also  fortunate  enough  to  find  recorded 
in  Ptolemy  :  Xr^z-jy.  ~z-y.\j.t\)  £y.,3oAa''.  Ii^  should  be  noted  that 
Holder's  entry  under  Deva  «  (2)  j.  Aberdeen,  s.  Devana  » 
should  be  deleted  ;  he  gives  the  correct  entrv  18  lines  above. 


I20  Fnvicis  G.   Diack. 

The  contusion  is  excusable,  for  though  the  présent  town  of 
Aberdeen  is  at  the  mouth  of  the  Dee,  the  word  Aberdeen 
descends  from  Devanâ,  as  \ve  hâve  seen,  and  has  nothing  to 
do  with  Dcvâ.  The  modem  représentative  o(  Dêvâ  is  the  Dee, 
in  Gaelic  Dé,  dfe:,  loc.  case  ;  *dèvi'^dé,  cp.  Thurneysen, 
Gram.,  §  295  D.  The  formation  of  the  names  of  two  rivers  so 
near  each  other  both  from  the  stem  *deiv-,  divine,  is  signifi- 
cant  of  the  prevalence  of  river-worship. 

Linguistically  and  historically  considered,  thèse  two  river- 
names  seem  to  be  of  décisive  importance,  and  even  by 
themselves  are  enough  to  prove  what  the  Cehic  speech  of 
the  district  has  been  from  the  first  century  onwards.  The 
modem  names  exactly  correspond  to  the  ancient,  but  only 
by  Goidelic  phonology.  If  the  Picts  spoke  British,  then  by 
the  time  their  language  was  supplanted  by  a  supposed  GaeHc 
invasion  (whether  of  people,  or  of  language,  or  of  both), 
which  cannot  hâve  been  before  the  yth  or  8th  century,  the 
O.  G.  forms  must  hâve  already  undergone  the  phonetic 
developments  of  the  time  :  Devà  must  hâve  been  well  on  the 
way  to  something  like  O.  W.  diiia  and  Devana  to  some 
un-Goidelic  form.  Thèse,  or  a  Goidelic  attempt  at  them,  would 
hâve  been  the  names  to  survive  to-day.  As  it  is,  on  any 
Brythonic  theory  of  Pictish,  the  names  Dca  in  and  Dé  stand 
unexplainable,  parentage  and  lineage  unknown. 

-AID 

13.  AiLiD,  û'.l'ïdf;  in  some  places  a:I'df  with  syncope, 
Alyth  (P.)-  The  difficulty  is  to  know  what  the  name  origi- 
nally  applied  to.  Alyth  is  a  small  town  and  parish,  but  was 
anciently  a  thanage  (Skene,  Celt.  Scot.,  III,  267).  The  stem 
may  be  àil,  gl.  bucca  (Meyer,  Contrib.  to  Ir.  Lex.). 

BiALAiD,  hialïdf,  Beallid  (I.-Badenoch)  :  stem  heul,  mouth. 
In  this  dialect  long  e  from  compensatory  lengthening  is 
broken  to  m.  Gp.  bélat  in  Ireland,  a  pass,  crossroad  (Hogan, 
O.  G.,  s.  V.). 

Nom,  nodf,  Nude  (I.-Badenoch).  In  Scottish  Gaelic  no,  nda, 
new,   -<  *novio-,  still  survives  in    some  districts,  rather  than 


Place-Names  of  Piclland.  I2ï 

the  extended  form  niiadh.  For  ihe  short  vowel,  as  against 
O.  I.  nùè,  cp.  S.  G.  ogha,  grandson,  but  Ir.  ô,  M.  Ir.  ôa,  ûa. 
Bail  no,  Balnoe,  '  new  stead ',  is  very  common  intoponomy, 
but  it  is  unlikely  that  Noid  <^*nùv-anti  simply  means  '  new 
place';  there  is  possiblysome  cuit  notion  underlying  the  name. 
Ptolemy  has  a  river  Navios,  now  the  Nith  (with  Brythonic 
phonetics)  in  Dumfries,  with  the  tribal  name  Novantae  in 
the  neighbourhood.  There  is  also  in  Argyll  the  river  Nda. 
Ail  this  points  to  the  worship  of  some  divinity  of  the  name. 

MuSAiD,  inusadf,  Mossat,  a  stream  (A.),  also  Mosset  burn 
near  Forres  (N.)  :  ni  us  <i*fnutso-,  the  stem  of  musach,  nasty, 
dirty.  Cp.  Miisadaidh  (infra). 

LiBHEiD,  L'iwadf,  Livet,  a  river  (B.-p.  Inveraven).  For 
stem  lihh  see  §  1 1 . 

CoN.\iD,  a  stream  (P.-Glen  Lyon)  :  stem  probably  *kuno-s, 
high.  Cf.  Conghlas,  Conglass  (B.)  'high  stream',  and  conti- 
nental Ar-cim-ios,  '  very  high  ',  with  intensive  prehx.  As 
MacXeill  point  out  {Proc .  Roy.  Irl.  Acad.,XKVl\,  p.  331), 
"  many  Irish  names  in  Con-  may  contain  the  adjectival 
cnno-,  '  high  '  rather  than  c//«-,  '  hound  '  ",  and  instances  the 
Ogham  Ciina-coia,  Ciina-magU,  etc. 

TuRAiD,  tiiradj,  Turret,  a  river,  loch,  and  glen  (P. -near 
Crieff).  The  stem  *tiiro-  is  discussed  by  D'Arbois  de  Jubain- 
ville  in  Les  premiers  habitants  de  V Europe,  II,  174.  He  finds 
it  identical  with  Sanskrit  tura-s,  '  fort,  puissant  ',  and  présent 
in  the  Ligurian  Turi^inà.  Nenia-turi.  There  are  also  in  Holder 
Turo-briga,  the  river  Turia  in  Spain,  and  others.  Turaid, 
'  the  strong  one  ',  no  doubt  belongs  to.the  river  divinity 
class. 

Further,  there  is  a  tributary  of  the  river  Roy  (I.).  Turraid, 
luRadf  ;  in  a  Gaelic  spelhng  of  the  ijth  cent.,  the  same. 
Taking  -rr-  hère  as  for  -rth-,  we  hâve  Tur-th-aid,  that  is  the 
old  double  suffix  -tat  (Pedersen,  V.  G.  Il,  49  and  Zeuss-  Ebel, 
p.  274),  e.  g.  O.  I.  tir-th-at,  gl.  agellus,  cen-t-at,  gl.  capi- 
tulum,  glaine-th-at,  gl.  maxilla. 

Within  our  area  there  is  another  interesting  occurrence  of 
the  stem.  Ammianus  Marcellinus  (4th  cent.)  states  that  the 
Picts   were  divided  "   in    duas  genres,  Dicalydonas  et  Vertu- 


122  Fiiiiicis  G.  Diack. 

riones".  In  the  Pictish  Chronicle  (Skene,  CIrron.  of  Picts  and 
Scots,  p.  4)  Fortrenn  appears  as  one  of  the  sons  of  the  legen- 
dary  Cruidne,  pater  Pictoriim,  and  in  the  annals  as  the 
kingdom  of  Fortrenn,  the  district  roughly  hetween  Forth  and 
Tay.  Rhys  was  the  first  to  point  out  the  identity  of  Fortrenn 
with  Verlurioms  (Celt.  Brilain,  p.  322),  but  the  dérivation  he 
offers  is  not  satisfactory.  He  connects  it  philologically  with 
Verterae  in  Westmorland  and  both  with  W.  giuerlhyr, 
fortress.  But  the  word  is  to  be  divided  Ver-turiones,  '  the 
very  powerful',  an  n-  stem,  from  ver,  vor,  intensive  prefix, 
and  tnriones,  a  tribal  name  like  Turoni,  later  Turones, 
Touraine.  Compare  such  names  as  Vercingetorix,  Ver- 
tigernos,  Ver-nemeton  etc.  The  early  spellings,  which  are 
abundant,  show  that  this  is  the  correct  analysis  :  Ann.  of 
Ulster,  For  tr  end  gi^n.  («  the/r  is  probably  palatal»,  O'Mâillc, 
Lang.  of  Annals  of  Ulster,  p.  48),  Foirtrind  ace,  Foririnn  dat.; 
Skene,  Chron.  of  P.  and  S.,  p.  401,  Foirtreann  gen.  and  Foir- 
treannoibh  dat.;  Prophecy  of  St.  Berchan,  Forlhrenn,Foirthrenn; 
Keating  Foirihren.  The  forms  withlenited  itcannotbe  explain- 
ed  if  the  stem  is  vert-,  but  are  in  order  with  for,  '  over  ', 
^ver,  vor;  compare,  for  example,  O.  I.  fortacbt  'help  ',  but 
also  forthact  (see  Thurneysen,  Grani.,  §  830).  The  palatal 
-;■/-  is  also  according  to  rule,  since,  after  syncope,  n-  and  i- 
coloured  consonants  coming  together  gave  a  palatal  group. 
The  history  of  the  word  is  thus  purely.Goidelic  from  the  4th 
century. 

•  Druid,  driiujf,  Druid  (P.-Glen  Girnaig)  :  there  is  a  stem 
in  S.  Gaelic  drùdh,  drii,  ooze,  see  Macbain,  Dict.,  s.  v. 
drùdhadh.  Gaulish  Drtientia,  cited  there,  belongs  elsewhere, 
as  the  vowel  is  short.  In  the  Strathspey  river  Druaidh,  druri, 
it  is  long. 

14.  Combinations  of  -aid  with  other  suffixes  are  also  well 
represented  as  follows  :         • 

-N  -AID 

Forms  diminutives  (cp.  Pedersen,  V.  G.,  Il,  49  and  Thurn- 
eysen, Qram.,  p.  169,  and  for  a  large  collection  of  examples 


Pïace-Names  of  Piclland.  12^ 

see  Marstrander  in  Ztschft  j.  celi.  Phil.,  VII,  389),  O.  I. 
siur-n-at,  gl.  sororcula^  oen-n-at,  gl.  ulla,  duine-n-et,  gl. 
honiunculus,  etc. 

Farnaid,  far nadf  or faurnadf  according,to  dialect,  Fernate, 
a  river(P.-north-east),  not  Fearnaid  as  in  Celtic  Revint',  VIII, 
238,  which  is  not  heard,  or,  if  it  is,  is  a  «  momentary  »  form 
and  popular  etymologising  from  fearn,  aider.  For  the  stem 
far  cp.  Farair  in  §  11. 

*LiBHNEiD.  There  is  a  stream  Livenet  in  Banff,  near  Fin- 
dochty,  the  Gaelic  of  which  is  obsolète,  but  which  can  be 
restored  with  high  probability  as  a  diminutive  from  the  wide- 
spread  stem  Jihh-  (see  §  11).  Another  probable  restoration 
can  be  offered  for  Arbuthnott,  older  Aberbuthnott,  in  Kin- 
cardineshire.  The  original  is  something  like  *Bnadhnaid,  a 
river  name  and  identical  with  O.  I.  Buadnat,  woman's  name 
(Meyer,  Contribulions  toir.  Lex.,  s.  v.).  For  the  stem  buadh 
see§  17. 

Pett  meic  garnait,  place-name  in  the  Book  of  Deer.  Stokes 
corrects  this  to  Gartnait,  but  the  /  may  be  doubted,  as  the 
name  occurs  twice  and  both  times  it  is  wanting.  If  the  word 
is  Gartnait,  then  the  stem  is  gart-,  head,  and  the  name  a  nick- 
name,  «  little  head  ».  If  Garnait  is  right,  the  sitm  gar  may 
be  that  of  the  rivers  Gar-adh  and  of  the  man's  name  Gar-antus 
(Holder,  s.  v.),  i.  e.  the  root  gar,  cry. 

-L-AID 

13.  AiRCLEiT,  Arklet,  a  loch  and  river  (Stirlingshire)  :  the 
root  is  arc,  défend,  Gr.  àc/.ioj,  Lat.  arceo  (Stokes,  U.  S., 
p.  28)  and  the  name  a  river  divinity,  «  the  defender  ».  Cp. 
O.  G.  Arco-briga  and  Arcontia,  clann  Arcain  (Hogan,  O.  G.), 
and  ArciU,  man's  name  in  the  Book  of  Deer.  With  Airckit 
may  be  mentioned  Airceig,  erçkaig,  Arkaig,  river  and  loch  (I), 

An  Aingleid,  a-N'vJadf,  The  Elat  (I.-p.  Abernethy)  : 
ang-,  aing-,  narrow.  The  name  applies  to  part  of  a  road  pass- 
ing  through  a  deep  gullv. 


Ï24  Francis  G.  Diack. 

-R-AID 

i6.  CocHRAiD,  kpyradf,  Cochrage  (P.  Blairgowrie)  :  coch- 
seems  also  to  occur  in  lubhir-cochaill  (P.-Aberfeldy). 

Beôraid,  bi'D:radf,  Beoraid,  a  loch  and  probably  also  ori- 
ginally  the  name  of  the  river  from  it  (I.-Arisaig).  From  beà 
'living'  <<  *bivo-  are  formed  proper  names  with  varions  suf- 
fixes :  Beothach,  man's  name  in  Tàin  B6  Cùalnge,  <  *Bivo-t- 
aco-;  Bivonia,  woman's  name,  Biv-elius,  etc.  (Holder),  Bivadi, 
ogham  (Mac  Alisier,  //■.  Epig.,  I,  78).  There  is  also  Loch 
Bheoail,  Loch  Voil(P.-Balquidder). 

-CH-AD 

17.  BuiDHCHEAD,  bii'r.çad,  Buchet,  a  river  (A. -p.  Glen- 
buchet).  The  length  of  the  diphthong  indicates  a  lenited  cons- 
onant  before  ch,  and  hence  the  spelling  Buichead,  sometines 
given  is  inadéquate.  Stem  buaidh  <C  *bondi-,  victory  ;  Buidh- 
chead,  'the  victorious',  <C  *Boudicantà. 

In  formations  from  this  i-stem  the  quality  of  the  conson- 
ant  is  net  always  preserved,  O.  I.  buadach  ■<  buaidh 
(Thurneysen,  Gram.,  p.  214).  Thus  also  Buadh-ch-aig,  a  river 
in  Ross.  Cp.  Buaid,  a  river  in  Ireland  (Hogan,  s.  v.)  and  Bon- 
dicca,  thequeen  of  the  Iceni. 

18.  Since  present-day  usage  shows  no  change  for  case  and 
early  forms  are  wanting,  the  declension  of  the  foregoing 
names  cannot  be  determined.  As  to  the  significance  of  the  -nt- 
suffix,  originally  participial,  it  has  a  wide  range  of  meaning, 
but  is  especially  used  to  form  abstracts  and  nomina  actionison 
the  one  hand  and  diminutives  on  the  other;  cf.  Pedersen,  V. 
G.,  §  394  (3).  Its  wide  extension  in  the  toponomy  of  Pictland 
is  parallel  with  the  numerous  continental  names  in  -antis, 
-anto-,  -ento-,  -onto-,  -antia-,  etc. 

-AD,  -AID  in  compounds. 

19.  (ajL  in  prefixed  non-qualifying  term,  the  second  élé- 
ment bearing  the  main  stress  : 


Place-Names  of  Piclland.  125 

Bkeid-albainn,  hredf-alahiN' ,  Breadalbane,  name  of  a  large 
mountainous  district  in  north-west  Perthshire.  The  pronun- 
ciation  varies  between  bredf  and  bradf ,  in  accordance  with  the 
rule  given  in  §  12.  Breid,  better  Breighid  ■<  *Brig-autes,  'the 
mountain-dwellers'  of  Alba  ;  cp.  the  Brigantesïn  the  north  of 
England,  Brigi-âni,  Brig-antium,  &c. 

(b)  in  prefixed  quahfying  term,  bearing  the  main  stress 
and  not  leniting  the  second  élément  : 

Argadmeall,  aragddmiaL,  a  hill  (I.-p.  Rothiemurchus) 
airgiod,  silver,  is  argad  in  the  local  dialect,  and  the  meaning 
thus  «  silver  or  white  hill  ». 

Compounds  of  thèse  types  will  be  met  with  below  in  con- 
nection with  other  suffixes. 

-NE,  -N 

20.  With  the  loss  of  -e  referred  to  in  §  3  (a),  the  usual 
form,  at  least  in  the  eastern  dialects,  is  simply-w.  It  is  a  pro- 
lific  suffix  in  O.  I.  ;  see  Pedersen,  V.  G.,  II,  58-9,  and  an 
excellent  discussion  by  Marstrander  in  Zeitsch.  f.  ceJt.  Phil., 
VII,  376.  The  -«^  goes  back  to  -inio-,  -inia-,  cp.  Ogham  Do- 
vinias,  Ir.  Diiihhne,  and  Gaulish  names  in  -hiios,  -inia.  Mars- 
trander points  out  that,  both  on  the  Continent  and  in  Ireland, 
the  suffix  is  especialh^  common  in  the  formation  of  personal 
names,  often  divinity-names,  such  as  Artinios,  Brissinios, 
Epinia  (=  Irish  woman's  name  Eichne)  &c.  In  Pictland  it  is 
well  represented,  often  in  names  of  rivers.  Theprimary  mean- 
ing is  adjectival  but,  like  many  ot  the  sutfixes  found  in 
place-names,  it  has  a  wide  range  of  functions,  being  used  to 
form  abstracts,  diminutives  and  collectives. 

Srath-nithne  stra-m:n^,  StrathnQon,  taking  its  name 
from  the  river  Niîhne,  now  apparently  obsolète  (I.-Strath- 
dearn)  :  O.  I.  nith,  proelium,  «  nith  i.  guin  duine,  Corm., 
mortal  wounding  of  a  man  »  (Windisch,  Wôrt.,  p.  709). 
Nithiie  <C  *nît-iniii,  the  idea  being  something  like  Potens, 
Mortifera,  or  possibly  Potestas  ;  cp.  the  Gaulish  Nitio-briges, 
'die  Kampfberûmten'  (Holder)  and  Nitio-genna,  woman's 
name. 

Rivue  Celtique,  XXXVIII.  9 


lié  Francis  G.  Diack. 

FÎNE,  fi:n'  Fyne,  river  and  loch  (Ar.).  Exaniples  of  the 
stem  vi-  are  given  by  d'Arbois  de  Jubainville  in  Prem.  Habi- 
tants, II,  i"6-j.  He  compares  Sanskrit  vi,  'aller  vers',  'mettre 
en  mouvement'  ;  see  also  Holder  s.vv,  Vi-mina,  and  per- 
haps  Via,  river  in  Hispania  Terraconensis,  and  Fi-ainos,  man's 
name.  The  underlying  notion  in  Fine,  as  a  river  name,  is 
doubtless  rapidity  of  movement.  The  word  occurs  also  in  Ire- 
land  ;  see  Hogan,  0.  G.,  CeU  Fine,  Kildare. 

Breamhaine,  brT)'ïu,  hrîy'ïN'  map  Allt  na  bronn  (A.-Brae- 
mar).  The  explanation  of  the  two  pronunciations  lies  in  this 
that  in  Se.  Gaelic  final  lenited  palatal  n  tends  very  generally 
to  be  pronounced  unlenited,  that  is  ;/;/.  When  therefore  the 
two  forms  are  heard,  the  lenited  prononciation  is  the  primary. 
This  ruleaffects  most  of  the  names  in  this  -ne  group.  In  Bream- 
haine, original  e  is  sounded  as  D  in  deanihain,  devil,  seahhag, 
hawk,  and  some  others.  The  stem  is  brein,  roar,  Welsh  brefii. 
Cp.  Breniia,  and  5;-e?;/7é'/7/();;,  in  Bri tain  (Holder).  In  Perthshire 
there  is  also  the  river  Brcanihainn. 

LuiGHNE,  Lui:n-,  Lui.:N' ,  Loyne,  river  and  loch  (I.- 
Glen  Moriston).  The  drag  on  the  diphthong  indicates  that 
there  is  some  lenited  consonant  before  the  ;/,  hence  the 
spelling  Luinn  is  inadéquate.  In  the  absence  of  old  références, 
what  the  consonant  is  is  of  course  conjectural,  but  Lnighne 
is  phonetically  possible  and  is  extant  also  in  an  O.  I.  tribal 
name  ;  see  Hogan  s.  v.  Dal  Luigbne,  with  which  Mac  Neill 
{Proc.  Roy.  Ir.  Acad.,  XXIX,  73)  compares  Luguni  of  the 
Oghams.  Ptolemy  has  the  Lngi,  a  tribe  in  the  north  of  Scot- 
land,  also  Lugi-dunon  on  the  Continent. 

LoiNE,  L^'/n,  L'd'ïN',  Loyne,  a  river  (B.-Glen  Aven).  The 
spelling  Loimhne  in  a  local  poem  is  incorrect,  as  the  vowel 
is  not  nasal.  The  bare  stem  occurs  in  Lo,  L?,  a  river  in  Su- 
therland,  <i*iavo-,\\2iitï,0.  I.  lô  i.  uisge(Stokes,  U.  S.,  249). 
For  the  shortening  of  the  vowel  cp.  §  13  Isloid.  The  function 
of  the  suffix  in  Loine  <C  *Laviniâ  seems  to  be  adjectival,  form- 
ing  a  Personal  name  from  the  primary  notion  of  water  ;  cp. 
Lavinius,  a  river,  now  Lavino  (Holder). 

A'mhaoirn,  gen.  na  Maoirn,  s-vj^rn^,  -v^rN' ,  The  Mearns 
or  Kincardineshire  ;  early  spellings  Mairne  and  Moerne.  The 


Place-Names  of  Piciland.  127 

stem  maor,  maoir,  from  Latin  maior,  is  seen  in  O.  G.  mor- 
inaer,  mormair  (Blc,  of  Deer),  'great  steward'  now  morair, 
'lord,  earl'.  A'Mhaoirn  is  thus  'the  Stewartry',  apparently  an 
appanage  of  the  neighbouring  Mormaership  or  Great  Stewar- 
try of  Angus.  The  ancient  monnaer  has  survived  in  one  place- 
name,  A'Mhormhairne,  a  parish  and  district  in  West  Argyll, 
mcaning  'the  great  Stewartry'.  In  early  (English)  documents 
it  appearsas  Garmoran,  i.  e.  Garbh  Mhorairne,  'the  rough'  or 
Highiand  great  Stewartry,  in  contradistinction  to  those  in  the 
lowland  east.  Macbain  analyses  the  word  as  môr  +  bhearna, 
'great  passes',  though  it  is  obviously  singular,  and  Henderson 
(Z.  C.  P.,  I\',  275)  as  'mor,  sea,  and  bhearn',  which  is  dou- 
blv  impossible,  since  in  old  compounds  of  noun  +  noun 
the  hrst  élément  is  in  the  nom.  case,  and  the  -e  is  left  unex- 
plained.  The  dérivation  otfered  agrées  with  the  fact  that 
Mormhairne  appears  in  Anglo-Celtic  times  as  an  earldom 
(Skene,  HighJanders  of  Scotland,  1902,  p.  347),  as  do  ail  the 
other  Celtic  mormaerships. 

It  will  be  noticed  that  both  in  morair,  earl,  which  is  un- 
doubtedly  mor,  great,  -\-maer,  and  in  Mormhairne,  the  0  is  short, 
however  it  is  to  be  explained.  It  may  be  relevant  in  this 
connection  to  note  that  as  Kuno  Meyer  has  shown  (^Zur  kclf. 
Worthunde,  III,  nos.  11  «.'^31)  dermar  is  older  than  derniâr  and 
that  alongside  oî  cennmàr,  cennnwr  the  form  with  short  vowel 
exists.  So  also  in  Scotland  cennnwr  can  be  proved,  for  the  well- 
known  Scottish  king  Malcolm  Canmore,  is  in  Braemar  Calam 
Ceannmhar,  liiaNavdr  not  k'iaNavar  which  O.  G.  cennmôr 
would  hâve  given.  Similarly  with  the  place  name  Ceannmbar, 
Kenmore  ;  the  final  vowel  is  J  in  ail  the  pronunciations  I  hâve 
heard. 

Sgàin,  sga:n,  sga:N' ,  Scone  (P.,  the  ancient  Pictish  ca- 
pital): Scôine,  gen.,  Bk.  of  Leinster;  Scoan,  anglicised  Gaelic 
in  Pictish  Chronicle.  The  -ne  suffix  appears  to  be  hère,  but  the 
stem  is  doubtful,  possibly  -<  *scav-iniâ,  cp.  Scava,  man's 
name,  in  inscription  of  Aquileia  (Holder). 

Loch  shubhairne,  Lsy-nïrN' ,  Loch,  and  presumably  also 
originally  the  river,  Hourn  (I.).  The  primary  form  is  not 
now  available,  but  in  the  Book  of  the  Dean  ofLismore(ié  th 


128  Francis  G.  Diack. 

cent.)  \ve  hâve  phonetically  'eJdir  Seili  is  Sowyrrni',  i.  e. 
eadar  Seile  is  Subhairne.  For  the  stem,  there  may  possibly  be 
compared  the  continental  Iiisubri,  which  Much  analyses  as  in- 
and  *sii-ebro-,  'the  very  violent',  and  the  tribal  name  Siiebri 
in  Gallia  Narbonensis.  Macbain  (P.  A',  of  Inverness,  p.  72) 
writes  Loch  Shuirn,  'furnace  loch',  from  so)-n,  furnace,  which 
is  unsatisfiictory  phonetically  and  otherwise.  Henderson  (Z. 
C.  P.,  IV,  267)  compares  the  river  Severn  in  England,  but 
this  is  O.  C.  Sabrina,  Welsh  Habren,  and  the  Goidelic  équiva- 
lent is  the  Irish  rWer  Sabrann  (Hogan,  s.  v.). 

Subhairne  occurs  also  in  north  Perthshire  as  a  hill-name, 
on  the  O.  S.  map  Beinn  lutharn.  Properly,  however,  the 
Word  doubtless  belongs  to  the  river  rising  in  the  hill  which 
has  lost  its  ancient  name  and  is  now  merely  Allt  Gleann 
môr. 

Freôine,  river  in  Dumbartonshire,  English  Fruin  ;  freôine, 
rage  (see  Macbain,  Dict-,  s.  v.)  is  apparently  unknown  in 
Irish. 

21.  As  in  O.  L,  the  -ne,  -»  suffix  appears  also  in  the  torm 
-ine,  -in,  cp.  Pedersen,  ^•G.,§399(3). 

FuiRGiN,  furïgin  Forrigen,  (I.-p.  Duthil)  :  for  fiiirg  cp. 
Ogham  Vorgos,  gen.  (MacAlister,  /;-.  Epig.,  no.  91),  nom. 
*Vorgis,  O.  I.  Fuir  g,  gen.  For  go  (MacNeill,  Proc.  R.  Ir.  Acad., 
vol.  27,  p.  351)  and  continental  Vorgio,  man's  name,  Vor- 
giuni,  town  of  the  Ossismi  in  Brittany. 

Breichin,  brzçïn.  Brechin,  town  (F.),  Brecini,  gen.,  Book 
of  Deer,  with  -i  written  for  -e,  as  elsewhere  in  the  text.  The 
sievcï  breich  \s  otherwise  unknown  tome. 

*PùiRiN.  In  the  Book  of  Deer  occurs  «  nice  Fùrené  »  (the 
accent  marks  are  capricious),  'as  far  as  Purene'.  The  stem /?///-, 
which  Macbain  rightly  took  as  Welsh  pawr,  depastio,  Br. 
peur,  is  common  in  Pictland  in  such  forms  as  Baiie  Phiiir, 
TuJaich  Phùiridb,  with  suffix,  and  Dailidh  Phùir. 

EiLGiN,  elïgin  usually,  occasionally  elïgiN' ,  Elgin,  town 
(E.).  It  has  long  been  recognised  that  this  v^-ord  contains  the 
stem  seen  in  Elga,  one  of  the  poetical  names  for  Ireland  and 
a  female  divinity.  The  clear  quality  of  the  final  vowel  in  Eil- 
gin,  as  in  Fuirgin  above,  points  to  an  original  î  and  the  suffix 


Place-Names  of  Pidland.  129 

-ïno-, -inâ,  the  force  of  which  cannot  be  determined  hère  ûs 
the  meaning  of  the  stem  is  unknown  ;  it  may  be  diminutive 
or  adjectival.  Eilgin  goes  back  to  *elginî,  dat.  or  loc.  case. 
Other  examples  of  the  stem  are  seen  in  Eilg,  older  Eilge  ■< 
*elgio-,  *elgià  (I.),  and  Eilgnidh,  with  -nidh  suffix  (see  infra), 
in  Sutherland,  both  rivers. 

22.  The  occurrence  of  other  names  like  Elga  in  the  Pic- 
tish  toponomy  has  been  noted  by  varions  scholars.  Skene 
(Celtic  Scotland,  I,  220)  says,  «  The  Irish  Nennius  gives  us 
three  words  as  the  three  old  names  of  Ireland,  Eire,  Fodla, 
Banba,  and  in  the  north-eastern  Lowlands  \ve  find  thèse  three 
entering  into  the  topography.  »  Similarly  Kuno  Meyer  in 
Zur  kelt.  IPortkiinde,  III,  No.  42.  To  take  the  second  of 
thèse  names  first,  Skene's  allusion  isto  the  district  nameAthole 
in  the  north  of  Perthshire  formerly  one  of  the  seven  pro- 
vinces of  Alba,  the  présent  day  Gaelic  of  which  is  AthnU, 
aJL.  The  old  spellings  are:  Athjhotla  gen.,  Tigh.  Ann.  ; 
Atfoithk,  gen.,  Ann.  of  Ulster  ;  Athochlach,  Pict.  Chron., 
anglicised  and  corrupt  ;  Atha  Fhoila,  MS.  H.  i.  18,  T.  C.  D. 
(Hogan,  O.  G.)  ;  Athotla,  Book  of  Deer.  For  the  second  élé- 
ment the  spellings  are  :  Fodla  and  Fotla,  Ir.  Nennius  ;  Fotla, 
Bk.  of  Lecan  ;  Flochlaid,  Pict.  Chron . ,  and  Foltlaid  in  an 
Irish  version  of  the  same,  both  corrupt,  as  Siokes  remarks. 

Stokes  (Be:(^enb.,  Beif.,  vol.  18,  p.  88),  Macbain  {Skeiies 
Higblanders,  p.  413),  Meyer  (/.  c),  and  others  see  in  the 
second  part  of  this  name  the  word  Fôlla,  poetical  name  for 
Ireland,  and  Athfhoîla  is  translated  «  New  Ireland  »,  a  name 
given  by  supposed  Goidels  from  Ireland  among  Brythonic 
Picts'in  memory  of  their  old  home'.  It  is  rather  curious  that, 
sofar  as  I  know,  none  of  those  who  hâve  dealt  with  the  word, 
hâve  stopped  to  enquire  how  its  modem  Gaelic  agrées  with 
the  suggested  etymology.  In  the  second  syllable  of  Aihull 
the  vowel  is  markedly  obscure,  ?  not  a,  whereas  an  original  ô 
would  hâve  given  a  to-day.  Such  is  the  invariable  rule,  e.  g. 
lionar,  numerous,  from  lionmhôr  ;  muiceil,  pork,  from  mue 
and  fheôil  ;  Camaran,  personal  name,  from  cam  and  srôn;  -ag, 
diminutive  suffix,  from  -ôc  ;  annaid,  mother  church,  O.  I. 
andôit;  àicheadh,  deny,  M.  I.  aithcheôdh.  In  ail  thèse  the  final 


130  Francis  G.  Diack. 

vowel  is  a,  not  ^.  The  modem  Gaelic  a^L,  ahdL  thus  points 
to  a  short  0  in  O.  G.  Alhfhotla,  which  indeed  is  confirm- 
ed  by  the  spellings  given  above.  None  of  them  give  long  0 
exceptthe  Bock  of  Deer,  and  it  cannot  be  rehed  on,  for  the 
accent  or  length  marks  are  distributed  capriciously,  partly 
it  would  appear  from  ornamental  ideas. 

Alhfhotla,  a  district  name,  is  most  probably  originally  tri- 
bal like  the  others  with  which  it  is  associated.  A  possible 
analysis  is  *ate-voti-Iâ-,  aie  being  the  intensive  as  in  Ate- 
bodua,  Ate-cotti,  Ate-cingus,  etc.,  *voti-,  wound,  and  the 
final  élément  to  be  referred  to  root  *lâ-,  ich  sende,  werfe,  cp. 
O.  I.  laaini,  ich  werfe  (Stokes,  U.  S.,  42);  the  whole  mean- 
ing  Pervulnitici.  The  group  -tl-  became  ultimately  non-pala- 
tal, though  thespelling  of  the  Ann.  o(  Ulster,  Atfoithle,  which 
Stokes  calls  corrupt,  shows  the  earlier  quality.  For  a  name 
similar  in  meaning  and  structure  see  the  Llanfallteg,  Carmart- 
henshire,  bilingual  inscription  Voteporigis,  gen.,  in  Goidelic 
Votecorigas  (Holder)  ;  according  to  Stokes  nom.  *Votiqoris 
from  *voti-  and  *qori-s,  derivative  of  root  ^qcr,  make,  and 
meaning  Vulnificus. 

But  further.  Even  lî  Athfhotla  contained  the  goddess-name 
Fôtla,  the  translation  «  New  Ireland  »  would  not  be  permis- 
sible.  The  first  notice  of  the  word  goes  back  to  the  legends 
of  the  Picts  concerning  the  origins  of  their  race. 

Moirsheiser  doCruithne  clainn 
Raindset  Albain  i  secht  raind, 
Cait,  Ce,  Cirig,  cethach  clann, 
Fib,  Fidach,  Fotla,  Fortrenn. 

«  Seven  children  ofCruithne  divided  Alba  into  seven  divi- 
sions, Cait,  Ce  «etc.  (Skene,  Chron.,  p.  25).  Thèse  names 
are  probably  ail  tribal.  Fortrenn  we  hâve  already  seen  to  be  so 
(§  13)-  ^^"/  <  *Catti,  at  présent  Cataibh,  dat.  plur.,  Cat, 
gen.  plur.,  English  Caithness.  Ce,  now  obsolète,  in  other 
spellings  Cee,  can  be  compared  with  Ceaiius,  god-name  (Hol- 
der), and  the  tribal  name  Ce-angi.  Fidach  is  also  obsolète, 
but  there  is  in  Banffshire  a  river  Fidhich  \  fi\ç,Fiddich ,  which 

I .  The  spelling  Fiodhaich  and  the  dérivation  from  fiodh,  hâve  been  sug- 
gested,   but  the  local  pronunciation  of  fiodhach,  fi'uay ,  is  quite  différent. 


Place-Nanics  of  Pictiaiid.  131 

is  apparently  the  same  word  and  implies  a  river-divinity, 
from  vid,  know,  as  in  O.  I.  dri'ii,  magus,  <C  *dru-vid-s 
(Thurneysen),  Vidi-maglus ,  'eminent  in  knowledge',  Epo- 
stero-vidos,  Vid-acos,  man's  name,  the  same  word  as  Fidach. 

In  such  Company  to  translate  (a  supposed)  Fôtla  and  Athf- 
hôtla  by  'Ireland',  'New  Ireland'  in  a  geographical  sensé  is 
to  introduce  ideas  that  are  quite  foreign  to  the  context  and 
that  are  felt  to  be  false .  Besides,  even  if  the  translation  were 
admitted  it  would  lead  immediately  to  fresh  difficulties.  For 
there  are  in  Pictland  at  least  four  rivers  named  Eire,  or  Éir 
with  loss  of  -e,  gen.  Eireann,  the  same  word  as  Eriu,  Ire- 
land. One  in  Perth  is  a  tributary  of  the  Tay.  Another  enters 
the  west  end  of  the  Moray  Firth,  called  in  English  Findhorn 
(from  an  oblique  case),  which  shows  that  the  old  Gaelic  was 
Fionn  Eireann.  Parallel  with  this  is  the  Deveron  in  Aberd.een 
and  Banffshires,  formerly  Duffhern,  i.  e.  Dubh  Eireann.  The 
fourth  is  AUl  Eireann,  Auldearn  (N.).  And  lastly  there  is  a 
Forfarshire  siream,  Differan  in  English,  probably  from  Diihh 
Eireann  \ 

Then  to  take  Banha,  another  poetical  name  for  Ireland, 
there  are  Banb  and  Bainh(\oc.\  Bk.  of  Deer  Banb,  the  town 
of  Bantf  (B.),  Banbh  (P.)  and  again  in  Kincardine,  three 
rivers  Bainbhaidh  (I.,  P.,  and  Sutherland),  also  Benvie,  for- 
merly Banvie,  near  Dundee,  Gael.  *Banbhaidh.  It  is  unlikely 
that  any  of  thèse  names  contains  banbh  in  the  sensé  of  'young 
pig',  certainly  net  those  in  the  bare  stem,  nor  the  rivers  Bainb- 
bidh.  Rather  we'Jiave  to  do  with  the  cultus  o(  Banba  \ 

23.  On  the   'New  Ireland'  principle  of  translation  ail  the 

1.  Thèse  four  or  nve  occurrences  of  the  name,  and  ail  with  rivers,  suggest 
that  Eriti  is  priniarily  a  river,  not  a  land,  name,  and  hence  the  root /in' in 
the  sensé  of  'fat',  'fruitful'  seems  unsatisfactory.  They  show  also  the  impor- 
tance of  the  Eriu  cuit  in  prehistoric  Pictland.  From  the  standpoint  of  rela- 
tive frequency  indeed  Eriu  is  more  characteristic  of  Pictland  than  Ireland. 

2.  Another  cuit  that  has  left  évidence  of  its  importance  and  wide  exten- 
sion is  that  of  the  divine  bull  Tarvos;  cp.  d'Arbois  de  Jubainville,  Les 
Celtes,  49-50.  There  are  three  rivers  Tairbh  (loc),  in  Inverness,  Perth, 
and  Forfar  ;  Tarbhaidh,  river-name,  occurs  in  Banfï  and  Perth  ;  Tarves,  G. 
*Tarhbais,  in  Aberdeen,  and  others.  Ptolemy's  Tarvedum,  cape  in  the 
north  of  Scotland,  a  name  which  d'Arbois  connects  with  cuit  ideas,  is  not 
represented  by  a  modem  name. 


132  Francis  G.  Diack. 

foregoing,  including  the  names  in  Eiîg-,  must  fall  into  line 
with  the  supposed  Foda  and  Athfhotla,  so  that  we  hâve  to 
figure  the  new  GoideHc  invaders  of  Pictland  as  traversing  the 
length  and  breadth  of  the  country  imposing  among  the  Bry- 
thons  poetical  names  for  'Irehind',  especially  on  rivers,  «  in 
memory  of  their  old  home  ».  The  truth  is  that  thèse  invaders 
are  a  mère  assumption,  invented  under  the  pressure  of  a  pre- 
conceived  idea  of  what  Pictish  linguistically  was  \ 

24.  It  would  however  be  to  convey  a  false  impression  it 
exceptional  attention  were  drawn  to  this  Eriu,  Banba,  Elga 
séries,  as  if  names  of  this  antique  type  were  rare  in  the  topo- 
nomy.  The  reverse  is  the  truth.  Among  the  names  already 
dealt  with  the  constant  occurrence  of  words  belonging  to  this 
antique  stratum  will  hâve  been  noticed,  and  the  same  thing 
holds  everywhere  in  the  district.  A  comparison  with  Ireland 
shows  for  Pictland  at  least  as  great  a  proportionate  number, 
in  a  given  area,  of  place-names  that  date  themselves  as  des- 
cending  from  proto-goideUc  times.  This  comparison  cannot 
be  made  from  Joyce's  work  on  Irish  place-names,  because  it 
contains  only  a  sélection,  but  from  Power's  Place-names  oj 
Decies,  which  exhausts  the  district  under  examination,  it  can 
be  said  that  any  equal  area  in  Scotland  will  contain  fully  as 
many  words  of  the  primitive  type. 

Aberdeen.  Francis  C.   Diack. 


I.  Bickery  in  Glastonbury,  Somersetshire,  where  therc  was  an  early 
Irish  seulement,  has  been  adduced  by  Prof.  Watson  (Celt .  Rev.,  VII,  69) 
as  an  exact  parallel  to  Athfhotla,  taken  by  him  as  New  Ireland,  Bickery 
being  for  Bec  Eriu  and  translated  Little  Ireland .  But  Bec  Eriu  occurs  twice 
in  Ireland  itself  (see  Hogan,  s.  v.)  and  the  true  translation  in  ail  cases  is 
Little  Eriu. 


LIFE  OF   SAINT    ALEXIS 


The  following  eighteenth  centurylrish  text  is  not  remark- 
able  for  its  literary  qualities,  but  deserves  to  be  published  as 
one  of  the  many  versions  of  a  Life  which  enjoyed  immense 
popularity  during  the  Middle  Ages.  It  is  taken  from  the 
Egerton  MS.  112,  f°  508-510,  described  by  Srandish  Hayes 
O'Grady,  in  his  Catalogue  of  Irish  Manuscripts  in  the  British 
Muséum,  page  56,  no.  158.  The  text  follows  the  spelUngand 
inconsistencies  of  the  manuscript,  except  that  some  of  the 
forms  hâve  been  corrected  and  the  manuscript  rendings  plac- 
ed  in  foot-notes.  A  Breton  5//^:^  on  the  same  subject  is  men- 
tioned  by  A.  Le  Braz,  Le  Théâtre  Celtique,  page  308,  Paris, 
1904. 

Joseph  DuNN. 

(f"  508  r.) 

Beatha  Alexius  Naoimh 

Righ  romhânach  do  bhi  gan  chloinn  aige  agas  do  bhi  ag 
congmhâil  a  ôighe  agas  a  aontûghadhdo  dhia  go  diochra, 
agas  do  chiiaidh  an  popul  romhânach  â  ccômhairle  agas  as 
i  cômhairle  air  ar  chinnedar,  an  righ  do  ghùidhe  fd  dhul  do 
lûighe  le  na  mhnaoi  phôsda  féin  ionnus  nach  rachadh  an 
fhuil  rioghdha  a  mbâthadh.  Ge  ar  leisg  leision  a  ghloine  agas 
a  gheanamnûigheacht  do  bhriseadh,  do  rin  comhairle  an  chin- 
[eda  rômhanaich.  Agas  do  luig  le  na  mhnaoi  an  oidhche  sin, 
agas  tainic  '  do  ghrâsaibh  dé  gur  torrcheadh  î,  agas  air  teacht 

I.  tsinigh,  MS. 


I  54  "  Joseph  Du  un. 

d-am  tùismhighthe  an  toirrchesa  don  inghen  do  rug  si  gein 
mhullach  leathan  mhic,  agas  do  baiste  é  do  réir  an  rechta  bhi 
a  ngni'uhLigh(7(//;  an  uair  sin  aca,  agas  tugadh  Alexius  d-ainm 
air  agas  do  cuiredh  dd  oileamhuin  é  gn;7  '  heth  ineagnadhô, 
agas  do  cuiredh  iar  sin  do  dhéanamh  eagna  agaseaU?^/;an  é, 
agas  ni  fada  do  bhi  ann  antan  do  fhôirféadh  an  eagna  agas  an 
éolus,  agas  gach  nidh  do  bhainedh  le  dia  as  de  do  leanadh 
Alexius,  gur  aidhbhsioch  leis  an  phobal  romhânach  uile  méid 
na  coda  do  bheiredh  Alexius  de  féin  do  dia  ;  agas  do  chuadar  a 
ccômh^///-/e  air  sin  dd  fhéachuin  créd  éan  nidh  as  mô  do  bhain- 
fedhaaire  dodhia,  agasisi^  cômhâj/rle  air  ar  chin^^cf^r,  ben 
do  phôsadh  ris.  Agas  do  cuiredh  Alexius  air  an  ccomhfl/rle  sin 
go  hdinihleasg,  agas  fu^radrt/-  ben  do  réir  a  uaisle  agas  a 
athardha  féin  dô,  agas  do  pôsadh  ris  i,  agas  tainic  '  an  pobul 
romhânach  do  chaithemh  flede  >  an  phôstadh,  agas  air  mbeth 
do  châch  ag  sûighioghadh,  do  fhurâil  Alexius  deisgiobal  dé 
d-onôriighadh  amesg  chàich  agas  gach  ûrnaighthe  doghndithio- 
ghadh  féin  do  dhénamh  roimhe  sin,  ni  tug  lûthghdir  a  nihnd 
air  gan  a  ndénamh  an  oidhche  sin.  Ciodh  trd  acht  ro  ha  -t  maith 
an  fhleadh  do  bhi  ann  sin,  ôir  dob  iomdha  biadha  séimhidhe 
sobhlasda  agas  deocha  mine  meiss,e:iiiihlacha  uirthe.  Iar 
ccaithemh  >  na  fléidhe  agas  tdinic'^'am  suain  agas  sâdhaileac/;/^ 
dhoibh,  deargadh  iomdha d h  agas  ârdleaba  d'Alexius^  agus 
don  inghen  agas  do  mhaithibh  an  teaghlaigb  6  sin  amach. 
Agas  do  cuiredh  a  seômradhâihh  agas  a  suaintighthibh  iad, 
agus  do  cuiredh  Alexius  agas  a  bhen  a  sœmradh  leô  fein, 
agas  do  cuiredh  seômradôir^  leô  agas  lôchrann  air  lasadh  ina 
lâimh  agas  mar  d-fâgaibh  astig  iad  tdin/V^  féin  uatha.  Is  ann 
sin  do  ch naidh an  inghen  air  a  h-lomdhaih  agas  air  a  h-ârd- 
leâhaidh.  Do  shuigh  Alexius  air  cholbha  na  leaptha  agas  do 
bhi  ag  tra^/;/ tar  sgéalfl'//'/;  a  ihxghcrna  féin,  agas  adubh ai rt 

1.  gy,  MS. 

2.  a  SI.  MS. 

3.  fléadh,  MS. 

4.  ro  badh,  MS. 

5.  cciathedh,  MS. 

6.  tainigh,  MS. 

7.  Ailexius,  MS. 

8.  scômradhdôir,  MS. 


Life  of  Saint  Alexis.  '135 

leisan  inghin  :  Atdcômhâî/rle  amhnzJ/;  agamdhuit,  a  inghen, 
ar  se.  As  do  dhénamh  do  chômhairle  tanac  '  chugad  ann 
so,  ar  si.  Maisedh,  léig  damhsa  mo  thigherna  féin  do  lean- 
mhuin,  ar  se.  Agus  congaimh  féin  t-ôighe  agas  t-ionrac/<5  an 
onôir  dé.  Agas  d'aont///^/;  an  inghen  sin  do  dhéanamh  .i.  a 
céd  fher  d-feraibh  an  domhuin  do  léigion  do  lorgairecht  a 
thigherna  féin.  Is  ann  sin  d-éirig  Alexius  le  cois  an  cheada 
sin  d-fâghail  on  inghin  '.  Adubhairt  ria  :  Atâ  fâinne  agamsa, 
ar  se,  agascongai?;//;  leath  an  flidinne  (f°  508  v.)  agad,  agas 
antan  do  gheabhadsa  bas  tiocfadh  an  leath  elle  chugad.  Agas 
do  roinn  an  fâinne  air  a  dhô  agas  tuga  leath  don  inghin  -  agas 
adubhairt  ria  :  Na  creid  go  bhfuigheabhsa  bas  nô  go  roiche 
an  leath  elle  so  thû.  As  a  haithle-sin  d-éirigh  Alexius  agus  tug 
driiim  don  inghin  agas  do  chuadh  do  lorgaireacht  a  dhia  féin. 
Isi  '  sin  uair  agas  aimsir  tâinig  '^  cabhlach  cômhmôr  cathardha 
a  ccriochaibh  an  domhuin  mhôir  air  sruith  Tibir,  agus  iad  ag 
sgrïobadh  a  long  agasa  laoidhingre  hâghaidb  imihechta,  agas 
rainic  >  Alexius  chùcha  agus  tug  a  eana.  agus  a  éadach  air 
leahaidb  loinge,  agas  do  ghabh  éadach  dochruidh  doimheasta 
uime,  agas  an  chathrt/r  ar  ghabh  an  cabhlach  sin  cuan  agas 
calaith,  fuair  Alexius  lucht  crâbh^/^f/;  do  Chriost  chômhacht- 
achinte.  Imthûsa  na  h-inghine,  do  rug  an  ôidhche  sin  as  na 
h-uatha  agas  nah-aonar,  agas  d-eirig  mnd  agas  maccaoimhna 
cathrach  amach  na  maidne  ^  ar  na  mhaireach  do  hhreith  air  a 
leabû'7'^/7  air  an  lanamhuin  sin,  agas  ni  hhfu« radar  Alexius 
înte,  agas  do  bhadar  da  ihhïr iiigbe  don  inghin  cait  air  ghabh 
uaithe,  agas  adubhairt  sisi  gur  fhdgaibh  se  1  féin  an  oidhche 
roimhe  sin,  agas  nâch  feidt'r  câ  conflr  ar  ghabh  uaithe.  Agas 
do  chuïredar  cuaird  na  cathrach  na  dhiaigh  sin,  agas  6  nach 
fuflradar  Alexius  inte,  do  thogbhadar  garnhâ  iromdha  truai- 
dhmhéiléacha  ag  caoinedh  aoin  mhic  Fisianus.  As  ann  sin 
do  cuir^dh  teac/;/a  agas  tnisdiolaidh  air  fedh  na  cruinne  go 
cômhlân  dâ  larmhàireacht. 

1.  tânadh,  MS. 

2.  inghin,  MS. 

3.  a  si,  MS. 

4.  tainigh,  MS. 

5.  rainigh,  MS. 

6.  maidhne,  MS. 


156  Joseph  Du  II  II. 

Imthûsa  Alexius,  secht  mbliadhnii  do  san  chinhv'âigh  sin 
air  bheagân  bidhe  agas  dighe  agas  éadaig  agas  codalt/^/;^j  gur 
ghvâidheadar  \ucht  na  cathrach  go  môré.  Do  chuala  '  Alexius 
go  raibh  cath^?/V  eile  san  chr/och  sin  agas  iomhdighe  Muire 
înte  ^  agas  miorbhùill/^/;^  iomdha  aice  da  ndéanamh,  agas  do 
râinic  ^  Alexius  inte.  La  éigin  dd  raibh  ag  siôbhal  na  cathrach  sin, 
go  bhfacaidh  diassguiér  do  mhùintir  aatha;;-  féin  dâionnsùighe, 
agas  iad  da  iarmhoirecht  féin,  agas  ôr  agas  ionmhus  agas  alm- 
sana  iomdha  acodd  thahhairtdo  hhochtaihh  air  a  anmumsion. 
Agas  do  bhi  do  thruâ'ûledh  an  traoghnw^a  agas  na  h-ûrnaighthe 
air  aghaidh  Alexius,  ndr  aithin  a  mhiiintir  féin  é,  agas  do 
ghabh  déirc  uatha  mar  gach  bocht  eile;  agas  do  ghabhadar  na 
teâchtâ  lamh  air  imthecht  go  tiiirrseach  trôimnéaW/j  6  nach 
fuaradar  a  n-'iarracht . 

Imthùsa  Alexius,  do  léig  a  dhd  ghlùin  re  lar  agas  re  Idntal- 
amh  agas  do  rug  a  bhùidhe  ré  dia  gurb  iad  sguiér  a  athar 
féin  tug  hetlm  na  h-oidhche  sin  do  air  ghrddh  dé,  ag  radh  : 
Bheir|i]m  a  bhiiidhe  re  dia,  6  thugw^  mo  chrôidhe  dhô  nar 
bhaineas  de  é,  agas  nach  bainfad  chôidhche.  Imthùsa  ^  na 
iGâchtâ,  rdngadar  don  Rôimh,  agas  d-innisedar  ndch  fuaradar 
Alexius.  Imthùsa  a  mhdtha/r,  adubh^r/V/ go  ngeabhadh  éadach 
peannaide  uimpe  agus  go  n-anfadh  ina  cùirt  fhairsing  fhuin- 
neôgaig  agus  ina  h-iosdaidh  aluinn  ôiredha  féin,  agus  go 
mbiadh  annsin  gan  cheôl  gan  chômhrâdh,  gan  61,  gan  aoibh- 
nes,  gan  e^ladha,  gan  (f°  509  r.)ùrgha/rdioghadh  intinne  na 
aigeannta,  acht  hheth  déanamh  ùrnaighthe  agas  i^rnihéirge 
déirce  agas  dzonachta.  air  anmuin  a  h-aoinmhic  féin.  Is  annsin 
do  râidh  bean  Alexius  :  Atd  cinéal  eanlaith  san  domhan  .i. 
tuirtuire  an  anmona,  agas  an  lànnùmha  bhios  ag  d  chéile 
dhiobh,  an  uair  do  gheibh  éan  diobh  bas,  ni  aontuigheann  an 
t-éan  eile  le  h-aon  éan  don  eanlaith  go  brdth  aris  ;  agus  do 
dhéansa  mar  sin  ;  ni  aontôchadh  le  h-aon  fher  d-theraibh  an 
domhuin  go  brdth,  agus  geabhad  éadach  peannuide  umum 
agus  biad  ag  rddh  mo  thrâth  agus  mo  shalm  air  ghrddh  anma 

1.  chualadh,  MS. 

2.  inthe,  MS. 

5.   rainich,  MS. 
4.  imthusas  na,  MS. 


Life  of  Saint  Alexis.  1 37 

m-aoinrhir  pôsda    féin.   As  ann   sin  do   cheangladar  an  dias 
bhan  sin  re  chéile  f-ân  ccômhairle  sin  do  dhénamh. 

Imthûsa  Alexius,  do  smûin  aige  féin  gur  bhferr  do  hhetha 
d-fhagbail  '  ina  thir  àhnkhaigh  féin  ô  nâch  aithéantaoi  inte  é 
nd  ann  sna  crîochaibh  côimhidheacha  eile.  Agus  fuair  long 
urlamii  inimthechta  ag  fagbliâil  na  cathrach  agus  do  chuadh 
inte  agus  ni  fada  do  bhâdar  air  muruchadh  mara  agus  môr- 
fharige,  agustaréis  a  bhfuaradar  d-annrodh  agus  d-anshocair- 
eacbt,  do  ghabhadar  cuan  a  ccnûiair  na  Rômha.  Aithnigheas 
Alexius  a  thir  dhinthûigb  féin,  agus  tainic  ^  a  ttir,  agus  air 
ndul  don  Rôimh  do  chonnairc  a  athair  agus  sluagh  adhbhal 
mhôrsochfl/^e  ina  thimchioU,  agus  do  chuaidb  mar  gach 
bocht  eile  dâ  ionnsùighe,  agus  do  ghlac  air  binn  a  bhruit  é, 
agus  is  edh^^  3.duhhairt  ris,  A  thigherna,  ar  se,  as  edh  '  dob 
ail  linne,  betha  neimhurchôidech  bidhe  agus  dighe  agus 
éadaig  d-fâghail  uaitse  air  ghràdh  Dé.  Agus  do  gheall  san  go 
bhfâghadhsésin,  agus  rug  leisd-'ions nid he  an  ionnaid  a  rabha- 
dar  na  mnâ  é  .i.  ben  Alexius  agus  a  mhatha/r  dâ  chaoinedh 
féin,  agus  ni  thug  sin  claochlodh  intinne  na  aigennta  air,  agus 
a  ccionn  na  ré  sin  tainic  ^  aimsir  an  charghais  chûcha,  agus  do 
foillsigheadh  d-Ailexius  aimsir  a  bhâis  do  bheth  chuige,  agus 
do  ghabh  penn  agus  pâipér  agus  do  sgribh  a  bhetha  féin,  aoine 
an  chéasda  do  sunnradh  sin,  agus  do  bhi  an  pobal  romhdnach 
uile  ag  eisdeacht  seanmora  a  tteampoll  na  Rômha,  agus  tainic  ^ 
aingiol  Dé  6  nimh  ôs  cionn  an  choimhtionôil,  agus  adubhairt 
ris,  Atâ  mogha  dileas  do  Dhia  air  bhfâghail  bhais  a  ccathair 
na  Rômba  aniugh,  agus  onôrth^r  libh  é.  Do  sgaoil  câch  on 
seanmôir  agus  do  chuaidb  gach  aon  diobh  d-ïonnsuidbe  3. 
thighe  téin  da  fhéachuin  an  bhfdghdiois  an  té  sin  d-foillsigh 
an  t-aingiol  dôibh.  Agus  do  fuair  Etimdnis  an  bocht  do  bhi 
ma  thigféin  air  bhfâghail  bais  agus  sgribhinn  ina  lâimh  dheis, 
agus  do  ihairg  an  sgribhinn  do  bhuain  as  a  lâimh  agus  nior 
fhéad.  Râinic  +  an  sgéal  sin  an  Papa,  agus  thâinic  >  fâ  thâsg  an 

1.  11-,  MS. 

2.  tainich,  MS. 

3.  a  sedh,  MS. 

4.  râinich,  MS. 

5.  tâinich,  MS. 


138  Joseph  Dunit. 

mhairtîredli  uasail,  agus  as  edh  '  aduhhairt  ris.  As  mise 
biocflïVeDé  air(f°  509  v.)  talmhuin  agus  léig  liom  an  sgrib- 
hinn  as  do  lâimh.  Do  léig  Alexius  an  sgrîbhinn  leis,  agus  do 
léighedh  an  Papa  beatha  Alexius.  As  annsin  do  h-âiûinighecib 
gurb  é  aon  mhac  Efimânus  do  bhi  ann.  Do  chuaW/j  a  bhean 
agus  a  mhàthâ'[ï]r  sin,  agus  do  Vmngeiiar  trid  na  sluaghaibh 
sin  mar  eilite  uadhmhalla  air  mbuain  a  laôigh  dhiobh.  Adûb- 
huirt  ben  Alexius,  Da  mo  é  mo  Hier  do  bhiadh  ann,d-f[â]gaibh 
se  cômhartha  agamsa  le  a  n-aithneôchuinn  é  .i.  fâinne  do 
bhi  aige  agus  d-fagaibh  se  ieath  an  fhâinne  agamsa,  agus  do 
gheall  antan  do  gheabhadh  féin  bas  go  rolcMedb  an  Ieath  elle 
don  fhainne  chugamsa.  As  -àmhlaidh  do  bhi  an  Papa  annsin, 
agus  an  Ieath  eile  don  fhainne  amesg  na  sgribhinne.  Agas  do 
féachadh  re  chéile  iad  agus  do  o'iredai-  dd  chéile  go  maith 
agus  do  h-aithnig/W/7  Alexius  as  sin,  agus  do  thôgbhadfl;;' 
leô  d-ïonnsuighe  na  h-eaglaise  é  .i.  go  teampoll  môr  na 
Rômhn,  agus  do  leanadûtr  aos  easlân  na  cathrach  é,  ôir  gach 
neach  dhiobh  re  a  mbainedh  a  éadach,  do  bhiodh  sleamhuin 
slâinnchréa<:À>/ach  dâ  éis,  agus  do  h-adhnaicedh  agus  do  h-onô- 
redh  leô  é,  agus  do  rinnedh  la  saoire  san  Rôimh  dhô.  Foir- 
chenn  don  bhetha  sin. 

(In  the  same  hand,  but  more  ornate)  Le  Muiris  Camshrôn- 
ach  6  Conchûbhair,  abhar  saoir  loinge  a  Ccorcaig  mhôir 
Mûmhan,  agus  a  cconar  na  Rômhânach  air  charraig  na  cclog, 
donleth  thuaidh  donchathair  réimhrâighte.  Athchuingim  gach 
léaghthôir  crôidhe  fâ  ghuidhe  go  dûthrachtach  air  mo  shon 
dom  shaora  air  phiantaibh  siorrûidhe  ifruinn  agus  go  saora 
Dia  eision  agus  gach  aon  eile  do  chuirfios  an  eadarghùidhe 
sin  airmo  s[h]on.  Amen.  1782.  Deo  Gracias. 


Life  op  Saint  Alexis 

There  was  a  Roman  king  and  he  had  no  children,  and  he 
was  keeping  his  virginity  and  his  agreement  sedulously  for 
God.  And  the  Roman  people  took  counsel,  and  the  counsel 

I.  a  sedh,  MS. 


Life  of  Saint  Alexis.  139 

thev  decided  on  was,  to  pray  the  king  to  lie  with  his  wife,  lest 
the  royal  blood  should  be  extinguished.  Though  loath  to  sully 
his  purity  and  destroy  his  chastity,  he  followed  the  advice  of 
the  Roman  people.  And  he  lay  with  his  wife  that  night,  and, 
bv  the  grâce  ofGod.  it  cameto  passthat  she  became  pregnant. 
AnJ  when  the  time  came  for  the  woman  to  be  delivered  of 
her  oftspring,  she  gave  birth  to  her  son,  a  broad-headed  child, 
and  he  was  baptised  according  to  the  customary  manner 
among  ihern  at  that  time,  and  the  name  Alexis  was  given  to 
him.  and,  being  not  yet  capable  of  wisdom,  he  was  sentto  be 
nursed.  And  subsequentlv  he  was  sent  to  acquire  wisdom  and 
learning.  And  not  long  was  heengaged  therein,  when  heacquir- 
ed  sapience  and  knowledge.  And  whatever  pertained  to  God, 
to  that  Alexis  adhered,  so  that  it  was  a  marvel  to  ail  the 
Roman  people,  the  great  dévotion  wherewith  Alexis  applied 
himself  to  God.  And  thereupon  they  took  counsel  to  see 
what  would  best  distract  his  attention  from  God.  And  the 
décision  they  reached  was,  that  he  should  take  a  wife.  And 
reluctantly  Alexis  agreed  to  that  décision,  and  they  found 
him  a  wife  in  keeping  with  his  rank  and  patrimony.  And  she 
■  was  married  to  him,  and  the  Roman  people  came  to  eat  the 
marriage  feast.  And  when  ail  were  being  seated,  Alexis  com- 
manded  that  God's  disciples  be  honored  among  them  ail  ; 
and  whatever  prayers  he  was  accustomed  to  say  theretofore, 
the  delightof  his  wife  did  not  prevent  him  from  saying  them 
that  night.  Howbeit,  the  feast  was  a  good  one,  for  it  consist- 
ed  ofmany  délicate,  tastyviands  and  fine,  intoxicating  drinks. 
When  the  banquet  was  over  and  the  time  for  them  to  rest  and 
repose  had  come.  a  couch  and  high  bed  were  *made  ready  for 
Alexis  and  his  bride,  and  (beds)for  the  gentlefolk  of  the  house- 
hold  withal.  And  they  were  assigned  to  rooms  and  dormitories, 
and  Alexis  and  his  bride  were  installed  in  a  room  bv  themselves, 
and  a  Chamberlain  with  a  lighted  candie  in  his  handaccompa- 
nied  them,  and  after  leaving  them  within  he  departed.  There 
after  the  bride  went  to  her  couch  and  high  bed.  Alexis  sat 
on  the  side  of  the  bed,  reciting  the  'taies  ot  hisown  Lord,  and 
hesaid  to  the  maid  :  «  I  hâve  a  strange  pièce  of  advice  for  thee, 
girl  »,    said   he.  «  To    do  thv  biddine;  hâve  I   come   hère  to 


140  Joseph  Dunn. 

thee  »,  said  she.  «  If  so,  permit  me  lo  follow  my  own  Lord,» 
said  he,  «  and  do  thon  keep  thy  vj-ginity  and  thine  inno- 
cency  for  the  glory  ci  God.  »  And  the  maiden  agreed  to  doso, 
even  to  let  her  first  man  of  the  men  of  the  world  follow  his 
own  Lord.  On  receiving  that  vouchsafement  from  his  wife, 
Alexis  arose  and  said  to  her  :  ;;  I  hâve  a  ring,  »  quoth  he, 
«  and  do  thou  keep  half  the  ring  by  thee,  and  when  I  die  the 
other  half  will  come  to  thee.  »  And  he  broke  the  ring  in  two 
and  gave  half  of  it  to  his  wife,  and  he  said  to  her  :  a  Believe 
not  that  1  am  dead  till  the  other  half  cornes  to  thee.  »  There- 
upon  Alexis  arose,  turned  his  back  on  his  wife  and  went  in 
pursuit  of  his  own  God. 

It  was  at  that  juncture  and  time  that  a  great  fleet  of  mer- 
chant  ships  from  ail  parts  of  the  world  came  to  the  river 
Tiber.  And  their  ships  and  boats  were  being  scraped 
in  préparation  for  the  voyage.  And  Alexis  approached 
and  exchanged  his  dress  and  raiment  for  a  ship's  bed,  and 
donned  rough,  mean  garments.  And  in  the  city  wherein  that 
fleet  made  port  and  harbor,  Alexis  found  devotees  of  Christ 
having  great  influence  therein. 

As  regards  the  bride,  she  spent  that  night  solitary  and  alone, 
and  on  the  following  morning  the  women  and  youths  of  the 
city  came  forth  to  surprise  the  wedded  pair  in  bed,  and  they 
found  not  Alexis  therein,  and  they  inquired  of  the  bride 
whitherhe  had  gone  from  her.  And  she  replied  that  he  had 
left  her  the  night  before  and  that  she  knew  not  what  way 
he  had  gone  from  her.  And  they  instituted  a  search  of  the 
city,  and,  inasmuch  as  they  found  not  Alexis  therein,  they 
raised  loud,  mournful  cries,  grieving  for  the  onlyson  of  Fisia- 
nus  '.Then  were  messengers  andcouriers  despatched  through- 
out  the  whole  world  in  search  of  him. 

As  regards  Alexis,  he  spent  seven  years  in  that  city,  with 
but  scanty  food,  drink,  raiment  and  sleeping-room,  wherefore 
the  people  of  the  city  loved  him  much,  Alexis  heard  that 
there    was    another  city    in    that   country,    wherein   was    a 

I.  Efimanis,  post.  ;  "  Eufemiens  —  ensi  out  nom  li  pedre  — ",  La  Vie 
de  Saint  Alexis,  G.  Paris  et  L.  Pannier,  1887,  p.  140  :  "  Eupliemianus  ", 
Acta  Sanctorum,  lulii,  t.  IV,  pp.  251,   253. 


Life  of  Saint  Alexis.  141 

statue  of  Mary,  at  which  many  miracles  were  wrought.  And 
Alexis  fared  thither.  On  a  certain  day,  as  he  walked  through 
that  city,  he  saw  coming  towards  him  two  squires  of  his 
father's  people,  and  they  were  inquiring  for  him.  And  gold 
and  treasnre  and  alms  they  had  in  abundance,  to  give  to  the 
poorfor  the  sakeof  his  soûl.  And  so  pitiaj^le  was  the  worn 
expression  on  the  face  of  Alexis,  from  exhaustion  and  praying, 
that  his  own  people  did  not  recognize  him .  And  he  accepted 
alms  from  them  like  any  beggar.  And  sadly  and  with  heavy- 
heart  the  raessengers  set  about  to  départ,  since  they  found  not 
what  they  sought.  For  his  part,  Alexis  fell  on  his  nées  fully 
prostrate  on  the  ground,  and  gave  thanks  to  God  that  is  was 
his  own  father's  servants  who  had  given  him  that  night's  sus- 
tenance  for  the  sake  of  God,  saying,  «  I  give  thanks  to  God 
that,  ever  since  I  gave  Him  my  heart,  I  hâve  never  withdrawn 
it  from  Him  and  never  will  «. 

How  the  messengers  fared  :  They  returned  to  Rome  and 
made  known  that  they  had  not  found  Alexis.  As  for  his  mo- 
ther,  she  vowed  that  she  would  don  penitential  robes  and  re- 
main in  her  wide,  windowy  court  and  beautiful,pleasant  cham- 
ber,  and  that  she  would  abide  there  without  music,  without 
converse,  without  drink,  without  pleasure,  without  diversion, 
without  rejoicing  her  spirit  or  her  mind,  but  occupied  with 
prayers  and  matins  and  almsgiving  and  worksof  charity  for  the 
sakeof  the  soûl  of  her  only  son.  Then  said  the  wife  of  Alexis  : 
«  There  is  a  kind  of  bird  in  the  world,  turtle-dove  is  its 
name,  and  when  those  birds  pair  among  themselves  and  one 
of  them  dies,  the  other  bird  never  mates  with  any  other  bird 
again.  AndI  will  dolikewise.  I  will  never  wed  with  any  other 
man  forever,  and  I  will  put  on  penitential  garb  and  will  recite 
my  hours  and  psalms  for  love  of  the  soûl  of  my  own  dear 
husband  ».  Thereupon  the  two  women  pledged  themselves 
to  fulfill  that  resolution. 

As  regards  Alexis,  he  bethought  himself  that,  inasmuch 
as  he  would  not  be  recognized,  it  would  be  better  for  him 
to  live  in  his  own  country  than  in  other  strange  lands.  And 
he  found  a  ship  making  ready  to  leave  the  city,  and  he  went 
aboard,   and  not  long  were  they  sailing  the  sea  and  the  main 

Revue  Celtique,  XXXVIII.  lo 


14-  Joseph  Du  nu. 

when,  after  storms  and  tempests.  they  made  port  in  the  city 
of  Rome.  Alexis  recognized  his  native  land  and  came  ashore. 
And  when  he  came  to  Rome,  he  saw  his  father  with  a  great 
throng  of  attendants  around  him,  and  Hke  any  other  beggar 
Alexis  approached  him.  And  he  took  hold  of  the  hem  of  his 
mantJe,and  what  he  said  to  him  was  :  «  Sir,I  would  fain  hâve 
trom  thec  a  simple  UveHhoodoffood,drink  andraiment  for  the 
love  of  God  .  »  And  theking  promised  that  he  would get  such, 
and  he  took  himwith  him  to  the  place  where  the  women,even 
Alexis's  wife  and  mother,  mourned  for  him.  And  that  did  not 
cause  him  to  change  his  mind  or  purpose. 

At  the  end  of  that  period  the  season  of  Lent  was  ai 
hand,  and  it  was  revealed  to  Alexis  that  the  time  of  his  death 
approached  ;  and  he  took  pen  and  paper  and  wrote  his  life. 
It  was  just  on  Good  Friday,  and  the  Roman  people  were  ail 
listening  to  a  sermon  in  the  church  of  Rome,  and  an  angei 
of  God  from  heaven  came  over  the  congrégation  and  address- 
ed  it  :  «  A  servant,  dear  to  God,  has  died  in  the  city  of  Rome 
to-day,  and  show  ye  himhonor.  »  Everybody  left  the  assem- 
blyand  each  one  went  his  way  to  his  own  housetosee  would 
he  find  the  onetheangel  had  disclosed  to  them.  And  Efimanis 
found  that  it  was  the  beggar  who  was  in  his  own  house  that 
was  dead,  and  there  was  a  writing  in  his  right  hand  ;  and  he 
tried  to  withdraw  the  writing  from  his  hand,  and  he  could  not. 
Thèse  tidings  reachedthe  earsof  the  Pope,  and,  because  of  the 
famé  of  the  noble  martyr,  he  came,  and  what  he  said  to  him 
was  :  «  I  am  God's  Vicar  on  earth,  and  do  thou  leave  me  the 
writing  from  thy  hand.  »  Alexis  yielded  the  writing  to  him, 
and  the  Pope  read  the  life  of  Alexis.  Then  was  it  discovered  that 
he  was  the  son  of  Efimanis.  His  wife  and  his  mother  learned 
ofthat,  and  they  rushedthrough  the  crowds  like  solitary  hinds 
when  their  fawns  are  taken  away  from  them.  Quoth  the 
wife  of  Alexis  :  «  If  this  man  should  be  my  husband,  he 
would  leave  me  a  token  whereby  I  should  know  him,  even  a 
ring  which  he  had;  and  he  left  me  one  half  of  the  ring,and 
he  promised  that  when  he  died  the  other  half  of  the  ring 
would  come  to  me.  »  And  there  was  the  Pope,  with  the  other 
half  of  the  ring  inside  the  writing.  And  they  were  compared 


Life  of  Salut  Alexis.  145 

and  they  fitted  each  other  exactly.  And  thereby  was  Alexis 
recognized.  And  they  brought  him  to  the  church,  namely  to 
thecathedral  of  Rome,  and  the  infirm  ofthe  city  followed  him; 
for  evetyone  of  them  that  was  touched  by  his  garment,straight- 
way  became  whole  and  healed.  And  he  was  buried  and  honor- 
ed,  and  a  festival  was  proclaimed  in  Rome  for  him.  End  ot 
the  Life. 

(By  Maurice  'Hook-nosed'  O  Connor,  shipwright'sapprent- 
ice  in  Cork  City,  Munster,  on  the  Roman  Road  on  Carraig 
na  gClog,  on  the  north  side  of  the  aforesaid  city.  I  beseech 
every  hearty  reader  to  pray  fervently  for  me,  that  I  be  saved 
from  the  everlasting  pains  of  hell,  and  may  God  save  him  and 
every  one  else  who  will  thus  make  intercession  in  my  behalf. 
Amen.  1782.  Deo  Gratias.) 

Joseph  DuNN 


ALTERNANCES  AI  :    A  ;   OU  :    0 

EN 

GOIDÉLIQUE    ET    EN    BRITTONIQUE 


On  a  relevé  entre  les  deux  groupes  goidélique  et  britto- 
nique  un  certain  nombre  d'alternances  vocaliques  qu'on  n'a  pu 
expliquer  jusqu'ici  d'une  façon  plausible  que  par  des  emprunts 
d'un  groupe  à  l'autre,  l'hypothèse  d'un  héritage  indo-européen 
ne  pouvant  être  envisagée .  Ces  alternances  qu'on  peut  rame- 
ner à  la  disparition  de  /  et  //  dans  les  diphtongues  ai,  ou,  ne 
se  montrent  parfois  que  dans  le  groupe  goidélique,  les  mots 
correspondants  manquant  dans  l'autre  groupe.  Un  exemple 
caractéristique  de  ces  phénomènes  et  de  leur  explication  nous 
est  fourni  par  le  vieil-irlandais  càirthen,  moy.-irl.  càerthann, 
sorbier,  irl.  mod.  caorthann,  en  face  du  gallois  cerdin.  Comme 
l'irlandais  remonte  à  *cairotino-  et  le  gallois  k*càrotino-  et  qu'on 
n'a  pas  songé  à  une  alternance  ai  :  a,  on  a.  dû  recourir  à  l'hy- 
pothèse d'un  emprunt  :  Kuno  Meyer  '  croit  à  un  emprunt 
par  les  Gallois;  Pedersen,  comme  la  plupart  des  Celtistes,  à 
un  emprunt  par  les  Irlandais  ^  Kuno  Meyer  partant  de  l'idée 
que  le  second  terme  du  composé  est  -tan,  -ten,  collectif  signi- 
fiant  arbre,  buisson,  idée    empruntée  à  Pedersen  %    aurait  dû 

1.  Sit7.  d.  K.  pr.  Ah.  1912,  p.   798  et  siiiv. 

2.  Vergl.  Gr.  I,  23,  70,  no;  II,  14,  659. 

3.  Pedersen  voit  dans  -tan  un  collectif  indiquant  une  réunion  de  plantes 
et  lui  compare  le  skr.  sthâna,  endroit,  et  le  persan  moderne  gidi-stati,  jardin 
de  roses.  Ce  serait  primitivement  l'irl.  tau,  temps.  Marstrander  (Rev.  Celt. 
191  5-16,  p.  349  et  suiv.)  fait  remarquer  avec  raison  que  tan,  en  celtique, 
n'a  jamais  eu  de  signification  locale.  Après  une  énumération  critique  des 
comparés  en  -ten,  -tan,  Marstrander  conclut  à  un  suffixe  vieux-celtique 
-t-ino-,  primitivement  adjectif  ;  cf.  runipolinum,  nom  de  plante  donné  comme 
gaulois  par  Columclle  et  Pline. 


Alternances  AI  :  a  ;  OU  :  o.  145 

conclure  que  le  second  terme  tout  au  moins,  était  différent 
dans  les  deux  groupes  (ce  qui  était,  il  est  vrai,  très  peu  vrai- 
semblable). S'il  est,  en  effet,  facile  de  conclure  à  une  évolu- 
tion d'un  gallois  -fin  (ou  -â'ni}  en  -ten,  -tan  (ou  -then,  -thmï)  en 
irlandais,  en  situation  atone,  le  contraire  est  impossible. 
Comme  le  fait  remarquer  Pedersen,  e  gallois  ne  peut  non  plus 
répondre  à  ai  irlandais.  En  revanche,  l'hypothèse  de  Pedersen 
se  heurte  à  des  difficultés  tout  aussi  graves.  Tout  d'abord, 
Pedersen  part  de  la  forme  galloise  cerâin  (gallois  mod.  cerd- 
dhi).  Or,  il  y  a  une  autre  forme  cerâin  avec  d  occlusifs  f 
vieux-celtique  :  c'est  aussi,  d'après  V Archaeologia  de  Lhvyd,  la 
forme  comique  (cerden  ').  Cette  forme  correspond  exacte- 
ment, en  dehors  de  la  question  ai  :  à,  à  la  forme  irlandaise, 
au  point  de  vue  celtique.  Pas  n'est  besoin  de  supposer  la 
transcription  d'un  <f  gallois  par  un  -th-  irlandais,  transcription 
cependant  en  elle-même  admissible.  Pedersen  doit  aussi  évi- 
demment, comme  le  dit  Marstrander  (R.  C.  191 5-16, 
p.  350)  renoncer  à  son  étymologie  de  -tan,  s'il  maintient  sa 
théorie  de  l'emprunt  par  les  Irlandais  aux  Gallois,  non  seule- 
ment parce  que  le  gallois  ne  saurait  s'en  accommoder  -,  mais 
encore  parce  que  les  inscriptions  oghamiquesnous  ont  mani- 
festement conservé  la  forme  vieille-celtique  de  Caerthann, 
dans  le  nom  propre  Cairatini  : 

maqi  Cairatini  avi  Incqaglas. 

Cette  inscription,  publiée  par  le  Journal  of  the  Roy.  Soc.  of 
Ant.  ofir.  a  été  mise  à  profit  par  John  Mac  Neill  dans  son 
importante  étude  :  Notes  on  the  distribution,  history,  granmiar 
and  impart  of  the  Irish  ogham  Inscriptions  (Proc.  ofthe   R.  I. 


1.  Le  breton  a  keriin.  II  faudrait  donc  supposer  qu'il  y  a  eu  deux 
formes  :  carotino-  et  carodïno-.  Je  croirais  plutôt  à  une  étymologie  popu- 
laire pour  cerâin.  Cet  arbuste  a  joui  d'un  privilège  particulier  chez  les  Celtes. 
II  est  qualifié  en  irl. -moyen  de  fid  nu  ndruad,  arbre  des  druides  (Kuno  Mever, 
Cûiitrib.  to  ir.  Lex.  :  caerthann).  On  a  pu  le  rapprocher  de  cerâ,  art,  et  on 
en  a  fait  un  dérivé  en  -Ino-  :  cf.  irl.-moy.  cerddiie,  art  =  *cerdhiiâ. 

2.  On  peut  à  la  rigueur  supposer  que  les  Irlandais  empruntant  le  mot 
gallois  auront  remplacé  le  second  terme  par  un  mot  indigène  entrant  dans 
la  composition  des  noms  d'arbres,  et  qui  leur  était  plus  familier. 


I4é  J.  Lolh. 

A.,  t.  XXVII.  C.  Dublin,  1909,  pp.  329-370).  Le  personnage 
qui  y  est  commémoré  porte  un  nom  transparent.  On  le 
retrouve  dans  le  Livre  d'Armagh  10  /'  2  :  filius  Cairlin,  mot  à 
mot  fils  du  sorbier.  Les  noms  propres  reproduisant  des  noms 
de  plantes  ne  sont  pas  rares.  Mac  Neill  relève  des  noms  de  : 
Macc  CiiiJl,  fils  du  coudrier;  M^rr  Ciiilinn,  fils  du  houx;  Macc 
Dregin,  fils  de  l'épine  noire  ;  MaccDara,  fils  du  chêne;  Macc 
Ihair,  fils  de  l'if.  C'est  un  souvenir  du  culte  des  arbres  et  des 
plantes.  L'étymologie  de  -lan  écartée,  l'hypothèse  de  Peder- 
sen  en  devient  plus  plausible,  mais  n'en  soulève  pas  moins 
d'irréfutables  objections. 

L'inscription  où  figure  Cairatini  remonte  sûrement  au 
moins  au  vi^  siècle  de  notre  ère.  Si  on  suppose  un  emprunt 
au  brittonique,  quelle  devait  être,  à  cette  époque,  la  forme  du 
gallois  cerd'in  ?  assurément  :  carotîno-.  Nous  possédons  un  cer- 
tain nombre  d'inscriptions  chrétiennes  de  Grande-Bretagne  du 
V*  et  du  VI''  siècles.  Les  seules  traces  d'altération  au  point  de 
vue  vocahque  qu'on  y  remarque  concernent  la  voyelle  théma- 
tique du  premier  terme  :  par  exemple  Senemagli  à  côté  de  Setio- 
magli.  Les  voyelles  finales  ne  sont  tombées  que  dans  le  cours 
du  vii^  siècle,  quoique  l'altération  ait  commencé  dès  les  pre- 
miers siècles  de  notre  ère.  Les  occlusives  intervocaliques 
paraissent  intactes.  On  ne  voit  pas  comment  un  brittonique 
carotJno  a  pu  évoluer,  passé  en  irlandais,  en  cairatino-.  Va-t-on 
supposer  une  altération  de  Va  de  carotîno-  sous  l'influence  de 
î  long  du  second  terme  ?  On  aurait  tout  au  plus  c  qui  ne  sau- 
rait expliquer  Ai  irlandais.  Ce  serait,  il  faut  l'ajouter,  fort  osé. 
Car  cette  infection  de  a  pan  surtout  séparé  par  deux  syllabes 
dans  l'intérieur  d'un  mot  ne  paraît  pas  ancienne.  On  ne  la 
constate  dans  aucun  des  noms  des  inscriptions  du  v^  au  vii^ 
siècle  de  l'ère  chrétienne.  Elle  a  dû  se  produire  assez  tardi- 
vement, car  on  remarque  encore  dans  une  glose  bretonne  du 
x'^  siècle  :  molin  de  niollna,  plus  tard  melin  ;  à  bref  a  été  atteint 
plus  tôt. 

Ce  qui  achève  de  démontrer  l'impossibilité  d'un  emprunt, 
c'est  l'existence  indépendante  du  simple  *caird  à  toute  époque 
en  irlandais  :  vieil-irl.  cder  gl.  bacca  (S'-Gall  22*",  Thésaurus 
palaeoh.,  II,  p.  72,  ligne  6);  irl.  moy.  câer,  baie,  grain,  globe 


Alternances  AI  :  a  ;   OU  :  o.  147 

=  *cairâ.  Whitley  Stokes  {Urk.  Spr.),  Pedersen  cite  un  gal- 
lois cair,  baie,  plur.  ceirion.  Il  ne  repose  que  sur  l'autorité 
d'Owen  Pughe  qui  a  bien  d'autres  inventions  sur  la  con- 
science. D'ailleurs,  si  nous  nous  reportons  au  vi^  siècle,  date 
vraisemblable  de  l'inscription  où  figure  cairaîlni,  cair  suppo- 
serait une  forme  cario-,  qui,  à  la  même  époque,  eût  été 
en  irlandais,  caria-.  Une  forme  galloise  cair  ne  pourrait 
remonter  au  delà  du  vii^  au  viii*  siècle.  De  plus,  à  cette 
époque,  on  n'aurait  pas  affaire  à  une  véritable  diphtongue, 
mais  à  un  fl  suivi  d'un  élément  palatal  dégagé  par  r  mouil- 
lée :  d'où  des  graphies  comme  le  vieux-gallois  arcibrenou 
gl.jg/)/^//;  mais  gallois-moyen  «ro-^z/rem,  sépulture  au  sens  mé- 
taphorique =  are-com-regnicl  (^are-com-regnioi,  sepulti  :  racine 
reg-,  rigide;  cf.  irl.-moy.  rigin,  raide).  Ce  n'est  qu'assez  tard 
que  l'élément  palatal  s'est  affermi  dans  la  syllabe  précédant 
la  consonne  mouillée  au  point  de  former  avec  la  voyelle 
étymologique  une  véritable  diphtongue  :  phénomène  qui 
accompagne  la  dépalatalisation  de  la  consonne.  Si  cair  n'existe 
pas,  on  a,  en  gallois,  un  défivé  de  car-  :  ceri,  noyau  de  fruit 
ou  grain  ;  ceri  a  aussi  le  sens  de  néflier  (^pren  ceri,  arbre  à 
noyaux). 

Toute  hypothèse  d'emprunt  étant  écartée,  on  est  réduit  à 
admettre  en  vieux-celtique  deux  formes  :  pour  le  goidélique 
cairotîno-,  pour  le  brittonique  :  carotîno-  \ 

La  forme  non-diphtonguée  carotîno-  est  vraisemblablement 
représentée,  en  vieil-irlandais,  par  le  nom  de  l'évêque  à  forme 
latinisée  Cartenus^,  et  d'une  façon  plus  nette  par  Carthind, 
génitif,  qui  suppose  un  v\ova\n2iûî  carthemi  >. 

On  se  trouve  donc  manifestement  en  présence  d'une  alter- 
nance goidelo-brittonique  ai  :  a,  dont  les  conditions  restent  à 
déterminer.  J'aurais  hésité  néanmoins  à  la  formuler,  si  je  ne 

1.  Il  me  paraît  probable  que  -thio-  représente  un  mot  originairement 
indépendant.  Le  suffixe  -tino-  existe  bien  en  celtique,  mais  avec  i  bref;  -Ino- 
existe  aussi,  mais  pour  arriver  à  -tlno-,  il  faudrait  supposer  l'extension  d'un 
/-  analogique  :  gall.  eithin,  ajoncs  =  *akttno-. 

2.  Livre  d'Armagh  (Thés.  pal.  II,  262)  :  le  document  d'où  ce  nom  est 
tiré  remonte  pour  la  rédaction  à  la  fin  du  vue  siècle.  Cf.  moderne  car thenn. 

3.  Plummer,  Vitae  ss .  Hiberniae,  I,  p.  173,  ss.  XII:  Fintanus  filius 
Carthind. 


148  /.  Lolh. 

m'étais  trouvé,  en  étudiant  les  inscriptions  oghamiques,  en 
face  de  cas  analogues.  Trois  personnages  différents,  mais 
appartenant  à  la  mène  gens,  s'appellent,  l'un  (au  génitif)  Coil- 
labotas,  l'autre  Collabota,  le  troisième  Colaboti  : 

Coillabotas  viaqi  Corbbi  —  Collabota  miicoi  Liiga  —  niaqi 
Ritte  viaqi  Colabot  \  Coillabotas  a  évolué,  en  vieil. -irl.  en  Coil- 
both  :  Sardn  macc  Coilboth  {Memoranda  in  the  Book  of  Arniagh, 
Thés,  pal.,  II,  p.  364).  On  a  eu  plils  tard  Càelbaâ.  A  ma  con- 
naissance, on  ne  trouve  pas  de  nom  irlandais  dérivé  du  nom 
sans  diphtongue  Colabot.  Macalister  a  cru  en  voir  une  forme 
relativement  récente,  célibat,  dans  1  inscription  oghamique  de 
Whitefield  :  Alatto  celibattigni  (Studies,  II,  p.  78,  81).  Il  est 
évident  qu'il  faut  lire  :  Alatto  celi  Battigni;  cf.  alatto  celi 
viaqi...  Le  même  phénomène  paraît  se  présenter  dans  la  double 
forme  Toicaki,  Tiicacac  :  maqi  mucoi  Toicaci  ^  (Toicaki  dans 
trois  inscriptions)  -nuico  Tucacac  >. 

Au  cours  d'un  exposé  de  ces  faits  dans  une  leçon  au  Col- 
lège de  France,  tout  dernièrement,  un  de  mes  auditeurs,  M. 
Alf  Sommerfelt  me  rappela  fort  à  propos  que-  mon  éminent 
collaborateur,  Marstrander,  avait  relevé,  dans  le  dernier  fasci- 
cule de  h  Revue  Celtique  1915-ié,  p.  349,  des  variations  vo».a- 
liques  semblables  dans  des  noms  oghamiques.  Il  identifie 
V oghamique  valubi  '^  avec  le  vieil. -irl.  Fâlbi  (ou  mieux  FAlbe)  : 
l'orthographe  Failbi  est,  dit-il,  équivoque  en  ce  sens  qu'elle 
contient  certainement  aussi  Vailubi  (avec  diphtongue)  K 
D'autres  exemples  seraient  Battigni,  Gattigni  identifiés  par 
Mac  Neill  avec  Baethin,  Gaethin  ^.  Marstrander  n'a  pas  hésité  à 
conclure  que  l'ancienne  diphtongue  ai,  dans  certaines  condi- 
tions, perdit  son   élément  palatal  dès  avant   lépoque  du  vieil- 

1.  Macalister,  Studies  in  irish  Ep.  II,  78;  III,  p.  182  ;  II,  p.  74,  75,  78. 

2.  Ibid.  II,  p.  89-92. 

5.  Ibid.  III,  p.  III.  Tucacac  serait  un  dérive  en  -Cico-  de  Tocac-.  Je  serais 
tenté  de  lire  Toica-caki. 

4.  Macal.  Studies,  III,  p.  218  :  valuvi  (pour  valubi). 

5.  Le  premier  terme  du  composé  vailubi  paraît  se  montrer  aussi  dans  le 
Vailathi  d'une  inscription  chrétienne  du  Cornwall  (Rhys.  Lectures  on  luelsh 
Philology,  p.  402). 

6.  Notes,  p.  353.  Les  formes  modernes  comme  airde  et  aoirde,  hauteur 
(drd,  haut),  présentent  des  phénomènes  purement  irlandais  et  ne  remontent 
pas  vraisemblablement  plus  loin  que  l'irlandais  moderne  ou  moyen. 


Alternances  AI  :  a  ;  OU  :  o.  149 

irlandais.  A  l'époque  où  paraissait  le  travail  de  Marstrander, 
je  n'avais  pas  eu  occasion  d'étudier  de  près  les  questions  sou- 
levées par  caerthann  et  cerdin  et  je  n'avais  pas  sans  doute  atta- 
ché au  résultat  obtenu  par  Marstrander  pour  l'irlandais  à  une 
période  précédant  celle  des  plus  anciens  manuscrits  l'impor- 
tance qu'il  méritait. 

Il  y  a  peut-être  un  exemple  d'alternance  oi  :  0  dans  l'irlan- 
dais mog.  côilân,  mod.  caolàn,  intestin  grêle,  tripes,  et  le  gal- 
lois coliidd,  boyaux,  viscères,  intestin  ;  voc.  corn,  colurionein. 
Cf.  V.  gallois  coiliou  gl.  extorum  :  /  indique  le  mouillement 
de  /. 

L'influence  de  r,  /  dans  le  cas  de  cairotino-,  carolim-  ;  vai- 
hibi,  valubi  ;  pourrait  avoir  été  pour  quelque  chose  dans  la 
disparition  de  /,  mais  outre  que  cette  disparition  se  produit 
en  dehors  du  voisinage  de  r,  /,  comme  dans  Tucacac  à  côté 
de  Toicaki;  Gatîigni  en  face  de  *Gaittigni  (=  Gaeîhirï),  elle 
ne  suffirait  pas  à  expliquer  le  maintien  de  la  diphtongue  en 
irlandais  dans  cairatini  et  sa  disparition  dans  le  brittonique 
*carotïno-.  Il  a  dû  s'y  joindre  une  autre  influence  qui  doit  être 
celle  de  l'accent. 

A  ne  considérer  que  la  forme  diphtonguée,  cairotino-  en 
goidélique  et  la  forme  sans  /,  *carotino-  en  brittonique,  on 
expliquerait  peut-être  le  maintien  de  la  diphtongue  en  irlan- 
dais par  la  présence  de  l'accent  sur  la  première  syllabe  du  mot 
et  sa  réduction  en  brittonique  comme  un  effet  de  l'accentua- 
tion régulière  de  la  pénultième  constatée  dans  ce  groupe  dès 
lei*''  siècle  de  l'ère  chrétienne.  Mais,  comme  il  y  a  en  vieil- 
irlandais,  un  doublet  sans  diphtongue  de  ce  nom,  Cartmus, 
Carthend  (sans  parler  d'autres  exemples),  on  ne  peut  logique- 
ment expliquer  le  maintien  de  la  forme  pleine  que  par  l'in- 
fluence du  simple  *cairù  (câer  en  vieil-irlandais),  accentué  sur 
la  diphtongue  ;  Cartenus,  Carthend  supposent  la  même  accen- 
tuation que  le  gallois  cerdin,  c'est-à-dire  à  l'époque  de  l'unité 
goidélo-brittonique,  l'accentuation  sur  le  second  terme  du 
composé.  L'alternance  ai  :  a^  remonterait  donc  à  Tépoque  de 
l'unité  celtique  insulaire  -. 

1.  Cf.  iû.moà.faiUrach,faoilteact). 

2.  Valu-,  à  côté  devaitu-,  qu'on  a  dans  l'oghamique  Valuvi,  paraît  se 


I50  /.  Lofh. 

Il  semble  que  le  'genre  d'alternance  vocal ique  qui  vient 
d'être  constaté  se  soit  étendu  à  la  diphtongue  ou  et  qu'on 
ait  eu  en  celtique  insulaire,  ou  :  o,  comme  on  a  eu  ai  :  a. 
L'exemple  le  plus  caractéristique  nous  paraît  fourni  par  le 
vieil-irl.  àbar,  uabar  (Wb  27  moy.  ;  13  b  14),  vaine  gloire, 
vanité;  irl.  mod.  uabhar,  id.,  en  face  du  gallois  ofer,  vain, 
oferedd,  vanité,  frivolité.  Obùr,  uabar  remontent  à  ùbero-  = 
*onbero-;  over  (ofer)  à  ôbéro-'.  Le  breton  cuver,  fade,  est  sans 
doute  pour  iiver,  si  du  moins  il  se  rapporte  à  la  même  racine. 
En  comique  moyen  on  a  tifer  (=-  uver'),  vain,  Beunans 
Meriasek,  vers.  3001  ;  ufereth,  vanité,  frivolité,  Res.  D.  950, 
1264  (evereth,  ibid.  936:  e  représente  û  réduit).  Si  on  prend 
l'ensemble  de  ces  formes,  il  est  clair  qu'on  est  en  présence  d'une 
alternance  remontant,  elle  aussi,  à  l'unité  goidélo-brittonique. 
L'accentuation  du  gallois  remontant  à  obéro-  sur  la  pénultième 
est  très  frappante.  Il  est  très  probable  que  le  maintien  de  ii== 
ou  en  comique  est  dû  à  une  influence  analogique.  On  peut 
citer  encore  le  vieil-irl.  ôinun,  mod.  uamhan  =  *oubno-  tandis 
que  le  gallois  ofn,  peur,  corn.  moy.  oum,  breton  aoun  =  *ôbno-; 
gaulois  Exobnus  (gall.  ehofn,  sans  peur).  On  a  même,  en 
vieil-irlandais  omon,  avec  un  0  bref,  assuré  par  la  rime  ^. 

Peut-être  peut-on  expliquer  encore  ainsi  le  vieil-irl.  ôcht,  le 
froid  (gloses  de  Milan  hnacht^,  le  gallois  oer,  froid,  mon- 
trant ô  bref  =  *oo-ro-  (cf.  Calendrier  de  Coligny  0^;w//).  Il  est 
vrai  qu'il  a  pu  y  avoir  en  irlandais  une  influence  de  ûar,  froid 
=  ôgro-  où  la  longue  diphtonguée  est  un  effet  de  la  compensa- 
tion. 

Pedersen  {Vergl.  Gr.  I,  p.  255)  énumère  un  certain  nombre 
de  mots  brittoniques  dont  la  voyelle  aurait  été  allongée  par 
suite  de  sa  position  à  l'initiale,  phénomène  connu  en  slave  et 
en  suédois.  A  priori,  un  pareil  allongement  serait  assez  étrange 
dans  une  langue  qui  n'a  aucune  prédilection  pour  l'accent  sur 
l'initiale.  Les  mots  où   il  croit  le   constater  sont  en  gallois  : 

retrouver  dans  le  nom  gaulois  Valuco,  C.  I.  L.  XIII,  looio,  6966  ;  cf.  Laitiîo 
et  Latiliaco  (monnaie  mérov.)  d'où  Z,a////v,  Aisne  (ap.  Holder,  Alt.  K.  Spr.). 

1.  Dans  ofcr,  0,  peut  représenter  rt  vieux-cell.  =  à  ou  ô  indo-eur.  accen- 
tué. Dans  ce  cas,  ofer,  «iwr  seraient  à  séparer  de  uabar. 

2.  Thurneysen,  Gr.  p.  40,  explique  ôiiiun,  plus  tard  ùamun  par  l'in- 
fluence de  nath,  épouvante  (à  une  époque  archaïque  ô//.'). 


Allcruances  AI  :  a  :  OU  :  o.  151 

ufani,  cheville  du  pied,  hIzv,  charbons  ardents;  Urbgen,  nom 
propre  (plus  tard  Urien  en  breton  comme  en  gallois);  ugaint, 
vingt  ;  ucher,  soir  ;  tifyll,  humble  ;  ufydd,  obéissant  ;  luybren, 
nuée;  ivyneh,  visage;  itig,  angoisse,  à  côté  de  cyf-yng.  Il  taut 
écarter  *ufyll,  emprunt  latin  dont  Yu  dénote  peut-être  sim- 
plement une  prononciation  ecclésiastique  savante  û  pour  û 
(iifydd  est  d'origine  douteuse).  Wyneb  a  un  doublet  vieux- 
gallois  cnep  et  doit  avoir  une  origine  différente  :  peut-être, 
comme  on  l'a  supposé,  est-il  composé  avec  uo-.  Ing  est  rela- 
tivement récent  et  a  été  précédé  par  yng;  kyvirig  mais  aussi 
kyvyng  :  y  gallois  (?  bref)  devient  /  en  moyen-gallois  récent 
devant  g  (c)  et  ng  (J.  Morris  Jones,  Gr.,  p.  iio,  §  77.  i.). 
L'étymologie  deivybre?i,  voc.  corn.  :  -huibren  ;  wybr,  firmament, 
bret.  oabi  '  est  inconnue.  Il  en  est  de  même  de  iikv  (cf.  ?  breton 
euvJen,  elvenn,  nlyenenn,  étincelle)  :  un  rattachement  àpuJvis 
(polhiis)  est  bien  invraisemblable.  Uffarn,  à  côté  deffern,  fer 
indique  un  composé  ancien  qui  le  sépare  nettement  de  l'irl. 
odbraun.  Deux  iigaint,  ucher,  d'après  Pedersen  (F.  Gr.  I,  p.  42) 
un  w  initial  aurait  disparu  de  wi-  et  la  voyelle  aurait  été 
allongée,  et  cela  en  il  ce  qui  paraît  inadmissible.  Quant  à 
Urbgen,  il  n'est  nullement  prouvé  ni  même  probable  qu'il 
faille  le  rattacher  au  gaulois  Orbius,  à  moins  qu'on  ne  sup- 
pose l'alternance  on  :  0  dont  il  a  été  question  plus  haut. 

Il  n'est  peut-être  pas  inutile  de  faire  remarquer  que  dans 
deux  des  exemples  donnés  plus  haut  de  l'alternance  ou  :  0,  la 
diphtongue  était  suivie  de  b,  qui  était  déjà,  entre  deux  voyelles, 
une  spirante  à  l'époque  gauloise.  Dans  ôcht,  on  a  affaire  à  une 
spirante  gutturale  développée  de  fort  bonne  heure  et  dans 
oer  =  ogro-  à  un  groupe  intervocalique  -gr-  où  sûrement  g  a 
évolué  de  bonne  heure,  quoique  dans  les  inscriptions  ogha- 
miques  le  groupe  -gr-  soit  conservé,  au  moins  dans  l'écriture-, 

J.    LOTH. 

1 .  Il  n'est  pas  du  tout  prouvé  qu'on  ait  affaire  à  un  e  vieux-celtique  dans 
le  corn,  moyen  ebron,  mod.  ehharn,  et  le  haut-vannet.  ehr,  evr . 

2.  Mac  Neill  considère  ô  comme  une  variante  dialectale  de  ôi  (notes, 
p.  350.10. 


NOTES 

ÉTYMOLOGIQUES    ET    LEXICOGRAPHIQUES 

{suite) 


126.  Irl.  BENN;gall.  bann. 

Le  gallois  hann  est  bien  connu  comme  subst.  et  adj.  dans 
le  sens  de  :  sommet,  conte,  pointe  ;  élevé,  haut.  Son  emploi  a 
été  moins  remarqué  dans  le  sens  de:  poifit  cardinal  : 

Teir  bann  y  vedyssawd  : 
nef  a  dacar  ac  iiffern 

«  Trois  points  (extrémités)  de  l'univers  :  ciel,  terre  et 
enfer.  »  (Ymb.  yr  eneit,  Heng.  mss.  II,  249,  XXV,  19). 

Cf.  le  composé  pedryfan  :  pedryfanoedd  byd  les  quatre  points 
du  monde. 

L'opposé  de  bann  endroit  élevé  est  adfaji  plaine  (M.  A., 

191.  0- 

Bann  a  été  confondu  avec  mann  dont  l'étymologie  ordinaire 
n'est  pas  satisfaisante  ;  mann  a  tous  les  sens  de  l'anglais  spot, 
tache,  place  (cf.  pour  tache,  l'irl.  mennair). 

127.  Irl.  moy.  barann  ;  gall.  moy.  baran. 

L'irlandais  a  le  sens  de  colère,  fureur,  de  même  que  le 
gallois  : 

Pan  zunel  Duw  dangos  y  varan,  «  quand  Dieu  montrera  sa 
colère  »  {M.  A.,  289,  i). 

Baran  baed  oed  Bleidic  mab  Eli,  «  il  avait  la  fureur  du  san- 
glier, Bleidic  fils  d'Eli  (L.  Aneurin,  106. i).  Cf.  ibid.,  baran 
lUw  ;  baran  mor  (8o.ro  ;  93.16). 

L'irl.  moy.  a  aussi  :  barann,  gén.  barainde.  Au  v.-irl.  bare, 
correspond  l'irl.  moy.  bara  (K.  M.,  Contr.\  Le  vieil-irl.  barc. 


à 


Noies  étymologiques  et  lexicographiques.  1 5  3 

supposerait  bario-  ou  barià  ;  mais  primitivement  c'est  peut-être 
un  nominatif  d'un  thème  en  -n  :  cf.  care,  carae.  Il  est  possible 
aussi  qu'on  ait  fait  sur  un  gèrnûïbaran-,  un  nom.  bara  en  irl. 
moy.  (cf.  ptrsa,  persmi).  Le  gallois  peut  provenir  d'un  cas 
oblique  (baran-os  etc.)  ou  être  tiré  de  bar-  à  l'aide  du  suf- 
fixe -ano-.  Le  gallois  possède  aussi  bar,  fureur,  qui  peut 
remonter  à  un  nominatif  *  barâs. 

128.  Irl.  moy.  barc  «  hampe  de  lance  »  ;  gall.  barch, 
lance,  f. 

bu  erchyll  giuan  a  barchau  Brenin  byd  (Dafydd  ddù  Hiraddug 
mss.).  «  Ce  fut  horrible  de  percer  avec  des  lances  le  roi  du 
monde.  » 

barch  hell  yn  brkuo  '  /  chylla  (Llanover  mss.),  «  une  lance 
horrible  brisant  sa  poitrine  ». 

Il  semble  que  le  sens  de  «  hampe  »  soit  conservé  dans  cet 
exemple  : 

gwyr  a  meircb  a  beirch  barch-iuyn  (Llanover  mss.  ap.  S.  E.), 
«  des  guerriers  et  des  chevaux  et  des  lances  à  hampe  blanche  ». 

129.  Gall.  moy.  DYVvd,  infortune  ;  v.  irl.  -be. 

On  chercherait  vainement  le  mot  dyvydd,  d'ailleurs  rare, 
dans  les  dictionnaires  gallois.  J'en  ai  relevé  deux  exemples 
sûrs  : 

L.  Noir  50.14  : 

Perku  nnu  pereist  imi  dyvit,  «  créateur  du  ciel,  tu  m'as  causé 
infortune  (triste  existence)  ».  dyvit  rime  avec  aingiffredit  : 
t^  d. 

M.  A.  159.  I  : 

neum  dotyw  defnyt  dyt  dyvitlawn 
Dyvod  y  gyfnod  y  Gadwallawn 

«  Il  m'est  venu  vraiment  matière  d'un  jour  plein  d'infor- 
tune, que  le  ternie  fatal  soit  arrivé  à  Gadwallawn.  » 

Z)3'Z'_)'^  suppose  (//^- ^;'/o- :  J^i,  préparatif,  irl.  do,  et  un  dérivé 
en  0  de  bl-  (cf.  bitu-).  Il  me  paraît  probable  que  c'est  ce  -bio- 
qu'on  retrouve  dans  les  termes  seconds  des  noms  propres  v.  irl.  : 
Lugbe,  Ailbe,  Falbe,  et  dans  les  noms  propres  gaulois  :  Lato- 
bios,  Vindobios  (pour  Lato-bios,  surnom  de  Mars,  cf.  v.  irl.  macc 


154  /•   ^oth. 

Laithbi  L.  Arm.).  Dans  les  inscriptions  ogh.,  on  peut  signaler 
Ditibias;  Luguwe,  nomin.  plus  récent  qui  eût  été  plus  ancien- 
nement Lii^H-hios. 

130.  Gall.  moy.  erfid;  mid. 

Le  gallois  moyen  erfid  a  le  sens  de  k  hache  »  (cf.  gall.  mod. 
bidog,  dague,  poignard). 

Dans  les  vers  suivants  ce  sens  n'est  pas  sûr  : 

yvei  zuin  giuirazut 

oed  ervit  vedel  (L.  A.^^  69,  22) 

«  il  buvait  comme  boj^son  du  vin  ;  il  était  le  moisonneur  du 
champ  de  bataille  (ou  la  hache  de  la  troupe  des  moisson- 
neurs) ». 

Le  sens  de  «  combat  »  est  attesté  par  les  exemples  suivants  : 

Hiewii  erfid  au  lid  oedd  daladivy  (M.  A.,  386,  2) 

«  dans  le  combat  leur  colère  valait  cher  ». 
Cf.  le  m.  gall.  mid  : 

...  biiost  lew  en  dyd  mit  (L.  A.,  94,  16) 

«  tu  as  été  un  lion  le  jour  du  combat  ». 

marchawc  mitlan  (L.  N.,  86,  9) 

«  cavalier  du  champ  de  bataille  ». 

Ce  mot  peut  avoir  la  même  origine  que  melel,  troupe  de 
moissonneurs  ;  il  a  un  sens  métaphorique  :  vieux-celt.  *nîht-, 
indo-eur.  më-to-,  me-ta. 

131.  Gall.  d'Ecosse  BLÀR  ;  gall.  iîlawr. 

A  l'écossais  blâr  «  qui  a  une  tache  blanche  sur  la  face  » 
(animal),  correspond  le  gallois  blaïur  «  gris  ». 

blawr  blaen,  en  rann  in  ariant  (L.  N,,  38,  24) 

«  au  devant  gris-pcàle  leurs  crins  d'argent  »  (en  parlant  de 
chevaux). 

llawer gorwyd  blaïur  (M.  A.,  155)  beaucoup  de  coursiers  gris, 
Uajnawr  ar  flawr  flaid  (jbid.,  144,  2) 

«  les  lames  (d'épée)  sur  les  loups  gris  ». 


Notes  étymologiques  el  lexicographiques.  155 

nid  Inunnw  yiu'r  march  bJaenbarch  blawr  (Ido  Goch.,  p.  339) 
«  Ce  n'est  pas  là  le  cheval  au  devant  (la  face)  remarquable, 
gris  ». 

Llewis  Glyn  Cothi,  p.  33  e,  17  appelle  hlaïur  le  manoir  de 
Nicolas  Ryd  par  opposition  probable  aux  maisons  ordinaires 
de  Galles  blanchies  à  la  chaux. 

BJâr,  blaïur  =  v.  celt.  *  blâro-. 

132.  Irl.  BONGiM  ;  gall.  difwng. 

A  la  même  racine  que  l'irlandais  bongim  «  je  brise  »  se  rat- 
tache le  second  terme  du  gallois  di-fiuiig  «  implacable  »,  «  qu'on 
ne  fléchit  pas  »  : 

divwlch  ut  divalch  y  esgar 

divwg  blwng  blaen  uvel  drwy  iwr  (M.  A.,  17e,  i) 

«  chef  sans  défaut  (estime),  pas  lier  son  ennemi,  implacable, 
sombre,  face  (?)  de  flamme  dans  la  colère  ». 
gor-diinung  signifie  «  tout  à  fait  implacable  ». 

ysym  arglwyd  gurd  gordivung  y  var 
gordwy  neb  nyu  hystung  Qbid.,  176,  i) 

«  J'ai  un  seigneur  rude,  implacable  sa  colère  ;  oppression 
de  quiconque  ne  plie  pas  devant  lui.  » 
di'Vivng  sort  de  di-bongo-. 

133.  Gall.  moy.  calledd. 

Ce  mot  a  deux  sens  d'origine  différente  : 

called,  «  tiges  de  plantes,  haricots,  chardons  »  a  peut-être 
la  même  origine  que  caill  «  bois  ». 

calkdd,  dans  le  passage  suivant,  indique  clairement  une 
arme;  cf.  irl.  cail  «  lance!  ». 

ar  huai  très  tardei  galled  ÇL.  A.,  93,  5) 

«  et  sur   la  chaîne  (cotte  de  mailles)  éclataient  les  lances  » 
(hampes  de  lances). 

Le  sens  de  très  n'est  pas  sûr. 

a  Un  0  Ffreinge  ffyr  ffrawdd  galledd 
«  armée  de  Français,  ruée  (?),  lances  qui  s'agitent  ». 


156  /.   Loth. 

Le  sens  de  ffyr  est  douteux. 

134.  Irl.  moy.  cailc,  chaux  ;  bouclier  blanchi  à  la  chaux  ; 

gall.    CALCH. 

Gall.  caîch,  irl.  cailc  «  chaux  »  a  deux  sens  en  gallois  :  1° 
«  chaux  »,  comme  eu  irl.  ;  2°  «  armure  de  métal  ».  Voici  des 
exemples  de  ce  second  sens  : 

kin  y  olo  dan  tywarch 

Brkvei  calch[mab  Llywarch]  Hen  (L.  N.,  éo,  2^) 

«  Avant  qu'il  ne  fût  couvert  sous  la  terre,  il  brisait  l'armure, 
le  fils  de  Llywarch  Hen  ». 

Briiuint  calch  ar  drwyn  feibon   Cyndriuynyn  (M.  A.,  122,    i) 
«  ils  brisaient  l'armure  sur  le  nez  des  fils  de  Cyndrwyn.  » 

Il  est  question  dans  le  Livre  d'Aneurin  (83,  20)  de  calcbdoet 
couverture  de  bouclier  (cuirasse  ou  cotte  de  mailles).  Calch 
paraît  avoir  plus  spécialement  désigné  le  bouclier,  mais  sûre- 
ment aussi  a  eu  le  sens  d'armure  : 

gorvlîvng  lualch yg  calch  ygcad  (M.  A:,  266,  i) 

«  faucon  très  violent  dans  l'armure  dans  le  combat  ». 

Dans  le  Livre  Noir  (59,  3)  un  bouclier  est  qualifié  de 
calchvreith  {calchfraitl))  qui  signifie  «  à  l'émail  tacheté».  Dans 
les  Ancient  laws  and  inslitutes  of  fVales,  II,  p.  803,  coloration... 
glatico,  en  parlant  d'un  boucher  est  traduit  par  calchlassar 
«  émail  bleu  ».  On  trouve  l'expression  équivalente  llasar glas. 
Le  bouclier  coloratiim  aurichalco  est  en  gallois,  dans  les  Lois  : 
eurcalch.  Sur  calch  «  émail»,  v.  J.  Loth,  Mabin.^,  I,  155,  392; 
II,  209. 

L'émail  était  bien  connu  des  Celtes  de  l'époque  de  fer.  Il 
me  paraît  très  vraisemblable  qu'en  irlandais  cailc  a  dû  avoir 
aussi  le  sens  d'armure  revêtue  d'émail. 

135.  Irl.  moy.  callôid  ;  gall.  kallawet. 

Ki  kallawet  signifie  très  probablement  «  un  chien  querelleur, 
aboyeur  ».  En  effet,  il  est  dit  dans  les  Ancient  Laws  and  Ins- 
titutes  of  WaleSy  I,  49,  8  :  Ki  kallawet  or  lledir  pellach  710  naw 
cam  ywrth  y  ty,  ny  thelir  dim  ymdanaw  ;  os  0  vywn  y  naw  cam 
y  lledir,  pedeir  arhugeint  a  tal  «  si  on  le  tue  à  plus  de  neuf  pas 


Notes  étymologiques  et  Icxicographiques.  157 

de  la  maison  on  ne  paie  rien  pour  lui  ;  si  c'est  dans  l'espace 
de  neuf  pas  c'est  24  pence  qu'on  paie  >). 

O.  Pughe  écrit  caUawydd,  ce  qui  n'est  pas  sûr.  L'irlandais 
moyen  callôid  querelle,  tapage,  grand  cri  (Gloss.  in  Eg.,  415, 
Arch.  /.  C.  L.)  a  un  suffixe  différent  mais  il  est  fait  peut-être 
sur  un  thèmerrt//fl'///-.  Cf.  callae  «  jeune  chien  »  chez  O'Reilly. 
Dinneen  :  calJôid  f.  querelle,  cri  ;  callôid,  querelleur.  Cf.  cal- 
lûire,   crieur,  héraut. 

136.  Irl.  cÂiM  ;  gall.  moy.  di-gawn;  digon,  dichon. 

Irl.  moy.  et  mod.  càin,  gén.  cana  f.  règle,  tribut;  irl.  moy. 
cànachus,  mod.  cànachas,  coutume,  tribut  ;  irl.  moy.  cânaim, 
je  punis,  frappe  d'amende  (K.  Mayer,  Contr.).  Càin,  en  irl. 
moy.  gl.  emenda  À.  réparation  (Ir.  Gl.  98). 

Le  gall.  moy.  di-gawn,  di-chawn  a  non  seulement  le  sens 
de  pouvoir  faire,  mais  àç.  faire  : 

L.  Noir  7.23  : 

onid  iniwaredit  or  drue  digonit 

«  si  tu  ne  garantis  pas  du  mal  que  tu  fais  ». 
Ibid.  10.26  : 

diwyccoiunc  a  digonhoni  0  gamiuet 

«  réparons  ce  que  nous  avons  pu  commettre  de  méfaits  ». 

C'est  le  même  mot  que  l'on  trouve  dans  le  gallois  go-goned, 
gloire;  cf.  le  nom  propre  v.  bret.  Wocon,  v.-gall.  guoccaivn 
(Ann.  Cambr.  871),  plus  tard  Givgaïun.  C^;/- paraît  avoir  eu 
le  sens  de  pouvoir,  pouvoir  par  la  loi  dans  Tirl.  càin-  =^càni-. 

L'explication  de  Zimmer  {càin  de  canôtî)  ne  supporte  pas 
l'examen. 

137.  Gall.  POSBEiRDEiN  et  irl.  casbairdne. 

L'irl.  casbairdne  f.  est  employé  par  le  Sruth  dïaill  (Ir.  T., 
III,  6).  . 

Du  gallois  posbeirdein  sont  attestés  les  exemples  suivants  : 

posbeirdein  bronrein  a  dyfei  (L.  T.  108,  13) 

posberdein  bronrein  a  dyui 

a  deuhont  vzvch  med  lestri 

a  ganhont  gam  vardoni  (L.  R.  303,  34) 

Rn'ue  Celtique,  XXXVIII.  II 


158  .  /.  Loth. 

«  Il  viendra  des  bardes  de  bas  étage  orgueilleux 
qui  viendront  (se  grouperont)  au-dessus  de  vases  à  hydromel, 
qui  chanteront  des  compositions  bardiques  incorrectes.  » 

Le  sens  précis  de  pos  n'est  pas  établi;  l'irl.  cass  «  frisé, 
tondu  »  a  le  sens  métaphorique  de  «  mauvais  ^y, fauve  (K.  M., 
Contr.).  Le  gallois  supposera  *qijoss-.  Qua\nà.-bâirdfie,  il  répond 
exactement  à-bcrdeùi  =  bardonià. 

138.  Irl.  moy.  cf.l,  mort;  irl.  mod.  ceal,  manque,  oubli, 
mort;  gall.  pallu,  manquer,  périr. 

païub  pan  rydyngir  yt  bail  (L.  A.,  94,  8) 

«  chacun,  quand  cela  a  été  fixé  (par  le  destin),  périt  ». 
pallant  ieueinc  rac  adwyt  (L.  R.,  235,  23) 
Irl.  cel  sort  d'un  vieux  celt.  *quelo-;  pallu  sort  de*qualno-, 

139.  V.'irl.  et  irl.  moy.  cèssim,  ces  s  ai  m  ;  mod.  céaseaim  ; 
gall.  moy.  llet-cynt. 

L'irl.  a  le  sens  net  de:  je  souffre;  inf.  céssad,  souffrance. 

De  même  le  gallois  llet-cynt. 

Le  sens  préjoratif  de  llet-  est  connu  (J.  Loth,  Revue  celt., 
Ihd-vryded  et  llaw-vrydeâ). 

Myv.  arch.  164-1  : 

Essillyt  Merwyt  mawr  a  llefkynt  yzu 

nadynt  vyw  vegys  gynt 
«  Les  descendants  de    Merwyd,  c'est  une   grande    douleur, 
qu'ils  ne  sont  plus  vivants  comme  auparavant.  » 

Cf.  L.  Tal.,  150,18  : 

Dygawn  yn  Uetcynt  nieint  vygkeudawt  : 

racine  v.-celt.  *  kent-  ;  irl.  céssim  z=z  *  ken{t)sû  (cf.  R.  C, 
XXXI,  157). 

140.  Irl.  moy.  cocerth,  arrangement,  correctif  ;  gall.  moy. 

CYNGERTH. 

L'irl.  moy.  cocerth  a  le  sens  de  :  arrangement,  correctif, 
décision.  Silvan  Evans  donne  au  gallois  cyngerth  le  sens  de  : 
imminent,  suspendu  sur,  terrible.  Aucun  des  exemples  qu'il  cite 
ne  justifie  ces  sens;  au  contraire,   ils  paraissent  bien  donner 


Notes  étymologiques  et  lexîcographiques.  159 

au  mot  gallois  le  sens  qu'on  en  attendrait  d'après  l'étymolo- 
gie  :  qui  est  d'accord  avec,  concordant,  convenable  : 

mai  m  Hoches... 

yn  berth,  glauar,  gyngerth,  gled 

«  Mon  refuge  est  joli,  de  température  douce,  bien  adapté, 
bien  abrité.  » 

Cf.  Daf.  ab  Gwil.  : 

neud  berth  a  chyngerth 
L'irl.  cocert,  gén.  cocerta  ;  gall.  cyngcrth  remonte  à  *con-ccrta. 

141.  Irl.  moy.  cl6,  clôi  ;  gall.  cleu,  clau. 

Le  sens  de  «  rapide,  qui  s'agite  rapidement  »  est  attesté  pour 
le  mot  gallois  par  des  exemples  sûrs  : 

clev  (L.  N.  18,  13  ;  M.  A.  154,  i  ;  L.  R.,  301,  20). 

cledyfal  clau  «  coup  d'épée  rapide  »  (M.  A.  i,  208). 

cledyf  gyrchyad  cleu,  «  qui  va  rapidement  chercher  l'épée  » 
(îbid.  255,  2). 

Cf.  les  expressions  populaires  maeyn  bwnu  ynglau  «  il  pleut 
rapidement  ». 

rhedeg yn  glau  «  courir  vite  ». 

clau  à  aussi,  surtout  en  gallois  moderne,  le  sens  de  «  dili- 
gent »  et  de  «  sincère  ». 

L'irlandais  clô  a  le  sens  de  tourbillon  de  vent  (K.  M.,  Contr.'), 
clô  et  clan  sortent  de  *  clouo. 

142.  Irl.  moy.  com-run  ;  gall.  cyprin. 

nafid  dy  wraig  dy  gyfrin  «  que  ta  femme  ne  soit  pas  dans 
ton  secret  »  (Vaughan,  Prov.  p.  250  :  «  que  ta  femme  ne  soit 
pas  ta  confidente  (de  commun  secret)  »  ;  cyfrin  en  moyen  gall. 
est  subst.  et  adj.  :  secret  commun,  confident  (S.  Evans).  Cf. 
bret.-moy.  giieffrin. 

143.  Irl,   moy.  cocad  m.,   mod.  cogadh  ;  gall.  cynghad. 
Exemple  : 

glew  gloywrad  gloyiu  gyngad  (M.  A.  151,  2) 

«  vaillant  à  la  faveur  brillante,  brillant  à  la  guerre.  » 
De  *  con-catu-. 


i6o  /.  Lotb. 

144.  Gall.  moy.  -iwng. 

Il  semble  qu'il  ait  existé  en  gallois  un  mot  -iung  qu'on  ne 
trouve  plus  qu'en  composition  avec  préfixe.  Cf.  irl.  co-cung 
«  laisse  articulée  »,  gall.  cynohwng  {R.  C.  XXX,  261). 

Dywal  yg  cat  kyniwng yg  keui  (L.  A.  100,  2) 

«  terrible  dans  la  bataille,  (mais)  union  dans  l'effort  ». 

C'est  ce  même  mot  que  l'on  retrouve  dans  eidivng  pour  a d- 
iwng  : 

arddwyreaf  hael...  tyrrua  eitwg'ÇM.  A.  266,  i) 

«  je  célébrerai  le  généreux,  qui  unit  la  troupe  ». 
Irl.  cung  serait  issu  de  co-iung  ? 

145.  Gall.  CAwd. 

Ce  mot,  qui  correspond  à  l'irlandais  cûadd  «  cruche,  pot  », 
est  conservé  dans  le  moyen  gallois  Jletcaud. 

Cynnetyj  y  Boiuys  henn  ymadrawt  gwyr 

tich  giuiraud  eur  gyniJawt 

yn  nep  Uys  yn  ncp  lie  anhaivt 

nadef  daw  ar  eu  llaw  lied  caivt  (M.  A.  186,  i) 

«  C'est  une  habitude  pour  les  gens  de  Powys  guerriers  chefs 
de  l'entretien,  au-dessus  de  la  boisson  coulant  à  flots  dans 
l'or  (coupes  d'or  ?),  que  dans  aucune  cour,  en  aucun  endroit 
difficile,  il  ne  vienne  en  leur  main  une  demi-mesure.  » 

Le  même  -caut  se  retrouve  dans  les  Privilèges  des  hommes 
d'Arvon  ÇAnc.  Lawsl,  106). 

na[d]R  voent  laudkani  «  qu'ils  ne  boivent  pas  de  mesure  li- 
mitée ». 

laudkaiU  est  pour  kdhaut  ou  pour  ladhaut  mesure  de  bois- 
son Qlad).  Le  t  ici  comme  plus  haut  =  d.  Le  mot  a  été  mal 
lu  et  on  le  retrouve  à  l'époque  moderne  par  exemple  chez 
S.  Evans,  Llythyraeth  y  Cymry,  sous,  la  forme  Uadgaïud.  On 
trouve  aussi  comme  épithète  louangeuse  diletcatid  (M.  A. 
157,2  :  mariunad  Ywein  vab  Madaïuc)  nyd  tvyf  diletkynt  am 
diletcawt  hael  0  hil  Yorwerth  «  je  ne  suis  pas  sans  souffrance  au 
sujet  de  celui  qui  n'admettait  pas  de  demi-mesure,  le  géné- 
reux de  la  race  de  Yorwerth  ». 


Notes  étymologiques  et  lexicographiques.  i6i 

On  se  trouve  ici  en  face  d'un  problème  analogue  à  celui 
de  ciiach,  gall.  cawg,  avec  cette  différence  que  cûadh  est  mono- 
syllabique. Il  y  a  eu  peut-être,  comme  l'a  supposé  Thurneysen, 
pour  cûacb,  l'influence  de  nia  creux;  un  emprunt  irlandais 
paraît  plausible.  Pour  ô  Çiia)  irl.  =  ô  britt.,  cf.  ûar  «  heure  », 
gall.  awr,  bret.  eiir,  corn,  iir  (==  ô  et  non  û  comme  l'a  cru 
Pedersen)  ;  mais  on  ne  voit  pas  le  mot  latin  type  ;  cadiis  a  a 
bref.  En  tout  cas  ô  britt.  donnant  au>  gall.,  ô  bret.  indique  un 
emprunt  relativement  récent. 

La  ration  de  boisson  était  proportionnée  au  rang.  Pour 
l'héritier  du  trône,  elle  était  divessur  «  sans  mesure  »  ;  le  pen- 
teulu  a  droit  à  3  cornes  pleines  de  la  meilleure  boisson.  L'ap- 
pariteur avait  un  plein  vase  de  bière,  une  moitié  de  vase  de 
bragget  et  un  tiers  d'hydromel  (^Anc.  Laivsl,  p.  9,  13). 

146.  Gall.  CYSTLWN. 

Ce  mot  signifie  «  parenté,  liaison,  lignage  »  : 
Pieu  y  het  :  da  y  cystlun  (L.  N.  29,  34) 

«  A  qui  est  la  tombe  ?  honorable  sa  parenté  ». 

kyn  kystkvn  kerennyd  (L.   A.  65,  24) 
na  chais  ynigystliuu  ar  dnug  (M.  A.  758) 

«  ne  cherche  pas  à  te  lier  avec  le  mauvais  ». 

ymgystlwn  a  Mair  (S'  Greal,  p.  102) 

«  invoquer  Marie  ». 

Cf.  irl.  moy.  com-slonnnd  «  parenté,  surnom  »  (K.  M.  Con- 
trib.^  de  * coin-slund- ;  cf.  sluindim,  slond  ;  v.  gall.  istlinnit, 
glanstlinniin,  famine  sancto  ;  slond,  gall.  ythuii  =  stlondo- 
(Ped.   F.  Gr.  I,  84  :  splendo-'). 

147.  Gallois  CYNNELW. 

Ce  mot  paraît  avoir  dans  quelques  exemples  le  sens  de 
«  modèle  »  (de  *  con-delu-  ;  cf.  irl.  condelb  «  conformité  »), 
mais  dans  d'autres,  il  a  clairement  le  sens  de  «  profit;  premier, 
principal  profit  »,  de  kynt  -f-  helw  :  ' 

meu  genhyd  gynnhelw  (M.  A.  162,  i) 

I.    Cf.  cyiil.Hiid,  premier  essairn,  et  cyutaid. 


i62  /.  Loih. 

«  mon  principal  profit,  c'est  avec  toi  >>. 

teidu  Yniain...  ■ 

Vm  gynnehu  yd  fyddwch  (M.  A.  1,247) 

«  famille  d'Yvain,  soyez  mon  profit  ». 

Le  poète  Cyinîehu  avait  un  fils  auquel  il  adresse  quelques 
strophes  ;  il  s'appelait  Z)v^3';/w/ît' (M.  A.  185,  i). 

148.  Irl.  moy.  com-digal  ;  gall.  cynial. 

Le  gallois  cynial  est  attesté  dans  les  exemples  suivants  : 

oet  trum  y  dial 

Oi't  tost  y  cynial  (L.  N.  52,  21) 

«  Lourde  était  sa  vengeance,  cuisante  était  sa  complète  ven- 
geance », 

kalelach  lurth  elyn  noc  ascwrn 

ys  kynyal  Cunedaf  kyn  kyiuys  a  thytwed  (L.  T.  201,  10) 

«  plus  dure  qu'un  os  enVers  l'ennemi  est  la  vengeance  complète 
de  Cunedaf  avant  la  cohabitation  avec  la  glèbe  ». 

L'irl.  moy.  coin-dîgal  a  le  sens  de  vengeance  complète  (K.  M., 
Contr.^  =  com-dîgalâ. 

149.  Irl.  moy.  congnim,  gall.  kynif. 

A  l'irlandais  con-gnim  «  assistance  »,  «  secours  »  correspond 
le  gallois  kynif  «  concours  »  : 

ae  kyniw  ny  welli  ny  omet  (L.  N.  10,  17)  en  parlant  de  Dieu  : 
«  et  son  concours  ne  faiblit  pas  (ne  se  refuse  pas)  ». 

kyjiifivr  kynnif  nid  diover  (M.  A.  167,1) 

«  guerrier  au  concours  dont  on  ne  se  passe  pas  ». 

Ef  oreii  rien... 

Ef  kynnif  tud  voryon  (ibid.  202,  i) 

«  Lui  le  meilleur  des  rois,  lui  le  secours  des  grands  ». 

kynnifwr,  kynnifwyr  a  le  sens  de  «  guerrier,  combattant  ». 

Poet  tywyssawc  Dezui  yr  kynifwyr  (L.  T.  129,  23) 

«  Que  Dewi  soit  chef  pour  les  combattants  ». 

Le  primitif  est  con-gnîmu.  Pour  une  autre  origine,  voir  ky)ii. 


Notes  étymologiques  et  lexicographiques.  165 

150.  Gall.  moy.  kyniret. 

Le  mot  kyniret  a  le  sens  de  «  visiter,  fréquenter  »  et  est 
écrit  avec  un  n  ou  nn  ;  mais  avec  un  seul  n,  dans  deux 
exemples,  il  a  le  sens  de  :  faire  jaillir. 

Hunier  yr  yspryt  glan  yn  anvon  neu  yn  kyniret  gwrychyon  0 
dan  y  karyat  {Eliicid.  88)  «  que  l'on  représente  l'Esprit  saint 
envoyant  ou  faisant  jaillir  des  étincelles  du  feu  de  l'amour  ». 

(Cyssegrlan  Fuched)  kanys  of  y ssyd  yn  kyniret  car iad  anniuyl- 
scrch  ynug  y  tat  ar  niab  (Jhid.  87)  «  car  c'est  lui  qui  fait  naître 
l'amour  attendu  entre  le  père  et  le  fils  ». 

L'orthographe  avec  deux  «//  ou  une  seule  fait  supposer 
qu'il  s'agit  de  deux  mots  différents.  Dans  le  second  cas,  on 
peut  imaginer  un  rapprochement  avec  l'irlandais  moven  ûr 
«  feu  »  (O'Cl.  ;  cf.  Stokes,  B.  B.,  XXI,  123)  ? 

151.  Gall.  GORUN  ;  bret.  gurun,  kurun,  kudurun. 

Le  sens  du  gallois  goriin  est  assuré  par  de  nombreux 
exemples,  ce  qui  ne  l'a  pas  empêché  d'être  mal  compris  par 
les  lexicographes  gallois.  O.  Pughe  le  traduit  par  «  écume, 
houle  ». 

gorun  morgymlawd  ai  gogJawd  gJan  (M.  A.  154,  i) 

«  le  fracas  de  la  mer  en  fureur  qu'endigue  le  rivage  ». 
y(g)  gwythlidyg gwythlaivn  orun  (M.  A.  185,  i) 

«  dans  la  colère  folle,  dans  le  fracas  furieux  ». 

gornn  indique  ici  la  Inêlée  furieuse.  Cf.  v.  gall.  o'r  gniihlaiin 
tal  «  fronte  duelli  ». 

ban  del  goryn  arnam  ny  rybytwn  ofnawc  (M.  A.  194,  2) 
«  lorsque  le  fracas  (de  l'invasion)  viendra  sur  nous,  nous  ne 
serons  pas  peureux  ». 

(Le  poète  compte  sur  la  protection  de  Dieu  et  de  Dewi). 

gorun  est  assez  souvent  employé  dans  le  sens  de  «bataille  » 
(fracas  de  la  mêlée). 

y  g  gorun  aergun  (M.  Pi.1^2,  i)  «  dans  le  tumulte  (la  mêlée) 
des  chiens  de  bataille  (guerriers)  ». 

Le  sens  de  «  tumulte  (bruit  tumultueux,  réunion  tumul- 


ié4  /.  Loth. 

tueuse)  »  est  bien  marqué  dans  ce  passage  du  Livre  de  TaJias- 
sin  (i68,  24)  : 

ys  gnawt  goriin  heird  iich  vied  lestri 

«  c'est  chose  habituelle  (dans  cette  ville  forte)  que  le  tumulte 
des  bardes  au-dessus  des  vases  à  hydromel  (penches  sur  les 
vases  à  hydromel)  ». 

Le  mot  gallois  éclaire  l'origine  du  mot  breton  désignant  le 
tonnerre,  le  fracas  de  la  foudre.  En  Léort  et,  je  crois,  en  Cor- 
nouaille,  c'est  knriin  (iéxnm\x{):  zr  gurun;  en  vannetais,  c'est 
onrim  et  le  mot  est  masculin.  On  peut  expliquer  l'évolution 
du  genre,  en  partant  de  kurun,  aussi  bien  que  de  ^uriin,  et 
par  suite  on  est  autorisé  à  poser  comme  primitif  l'un  ou 
l'autre.  Ce  qui  paraît  trancher  la  question  en  faveur  de  gurun, 
c'est  hidiirun  tonnerre,  coup  de  tonnerre.  Quel  que  soit  le 
sens  de  kud-,  il  est  clair  que  le  second  terme  ne  peut  être  que 
giinm.  Kurun,  avec  kud-  comme  préfixe,  n'eût  donné  que 
*kukurun  ou  *kuikurun.  Dès  lors,  l'identification  du  mot  breton 
et  du  gallois  gorun  paraît  s'imposer.  Gurun  pour  gorun  est 
normal  ;  cf.  kustum,  ku:{ul,  kutuil,  kunucha,  griihi,  briilu,  etc. 

152.  Irl.  moy.  crann-gall;  irl.    mod.  crann-ghail  ;  gall. 

moy.  PRENNYAL. 

L'irl.  moy.  cranngal  a  plusieurs  sens  qui  rappellent  ceux  du 
grec  âôpu  :  «  bois  ;  bateau  ;  hampe  de  lance  »  (K.  M.,  Conlr.^. 
En  irl.  mod.  Dinneen  donne  à  crannghail  le  sens  de  «  treil- 
lage devant  un  autel,  séparant  le  sanctuaire  du  corps  de  l'église  ; 
cercueil;  pipers  accompagnant  le  cortège  funèbre  ». 

En  gallois  moyen,  les  sens  paraissent  aussi  variés.  Dans 
l'exemple  suivant  du  Livre  de  Tal.  149.17,  prennyal  paraît 
avoir  le  sens  de  «  mort,  sort  fatal  Q^  »,  «  (cercueil  ?)  ». 

prenyal  yw  y  bawb  y  trachwres  «  c'est  la  mort  pour  chacun, 
son  extrême  ardeur  ». 

Pour  ce  sens,  M.  A.,  159.2  ;  141. 2. 

Même  sens  dans  le  passage  du  Livre  Rouge  264.4  (F.  a. 
B.). 

Prennyal  dywal  galysgiun  (lire  dal  au  lieu  de  gaï). 

Dans  cet  autre,  prennyal  paraît  signifier  «  trésor,  (coffre)  ». 


Noies  étymologiques  et  lexicographiques.  165 

L.  An.  84.25  : 

Dym  givallaiu  gwledic  dal 
oe  hrid  breiinyal 

«  Il  me  verse  le  souverain,  paiement  de  son  riche  coffre.  » 
En    effet,   d'après  T.  Lewis,  dans  deux  manuscrits  de  la 

collection  Peniarth,  prenial  a  le  sens  à&  ysgrin  (scrinium). 
Dans  un  passage  d'un  poète  du  xiir  s.  CM.  A.,  iSS.j)  preti- 

nyal  paraît  signifier   viciée  (au  milieu    des   lances,  hampes  de 

lances  ?)  : 

y  s  giurtvalch  y  m  prennyal 

«  il  est  vraiment  rude  et  fier  dans  la  mêlée  ». 

La  composition  des  deux  mots  est  assez  claire  :  il  s'agit  de 
craiin,  prenn  «  arbre  »  suivi  du  collectif^^^ï/-. 

i53.Gall.  POR,  seigneur,  chef. 

Cynddehv  (xii^  s.)  qualifie  de  por  Owain  Gwynedd  (cf.  du 
même  :  por  en  parlant  de  Cadwallawn  ab  Madawc,  M.  A., 
150. 2;  159.2).  lolo  Goch,  éd.  Ashton  l'emploie  dans  le 
sens  de  chef;  por  giuyn,  en  parlant  de  Roger  Mortimer 
(p.  124,  10);  por  y  glyn,  le  seigneur  de  la  vallée,  c'est-à-dire 
Owain  Glyn  dyfrdivy  (Jbid . ,  198,  37).  De  même,  leuan  èvêque 
de  Llan  Elwy  est  qualifié  de  por  yr  eglwys  {ibid.,  367,  2).  On 
l'emploie  aussi  en  parlant  de  Dieu.  C'est  une  forme  de  la 
même  racine  que  perif,  créateur;  pryd,  irl.  cnith.  Por  suppose 
qnoro-.  Whitley  Stokes  rapproche  de  la  racine  qiier-,  le  latin 
cerus,  créateur,  mais  cerus  suppose  plutôt  *ker-  (cf.  Walde, 
Lat.  Eiym.  W.). 

154.  Irl.  moy.  crIth,  contrat,  paiement  ;  gall.  prid. 
Le  gallois  moyen  prid  a  le  sens  de  «  valeur,  prix  » . 

7iy  cheffir  da  heb  prit  (L.  R.  306,  é) 

«  on  n'a  pas  de  bien  sans  le  payer  ». 

Cf.  le  proverbe  ny  cheir  geirda  heb  brid  «  on  n'obtient  pas 
bonne  parole  sans  la  mériter  »  (O.  Pughe).  Dans  les  Ancient 
Laws,  prit  est  la  somme  payée  par  un  tenancier  au  seigneur 
(II,  884,  4)- 


i66  /.  Loth. 

Le  mot  prid  a  aussi  le  sens  de  c  précieux,  cher  ». 

nid  pria  pryn  gair  teg 

«  n'est  pas  cher  l'achat  d'une  bonne  parole  (parole  d'éloge)  » 
(O.  Pughe).  Il  sort  de  q"ntu-.  Pour  d'autres  formes  de  cette 
racine,  cf.  creniin  ;  crîthid  ;  gall.  prynii,  dirper,  datpnvy  ;  gohrid 
gabryn,  etc. 

155.  Irl.  CRATHAIM,  crothim;  gall.  ar-grad. 
Exemples  du  gallois  moyen  argrad  : 

cyvlavan  argrat  «  qui  agite,  fiit  trembler  (le  combat?)  » 
(M.  A.,  191,  i). 

Llavin  aryrad  (L.  N.,  59,  2)  «  lame  qui  fait  trembler  ». 

ardwx  cad  argrad  eurgreid  leyrnet  (M.  A.,  263;  i) 

«  régulateur  du  combat  qui  fait  trembler  les  chefs  les  plus 
ardents  ». 

dyarwyt...  ys  argrad  y  gad  y  ganvod  {ibid.,  208,  i) 

«  ta  bannière...  qu'il  est  effrayant  (que  cela  fait  trembler)  de 
l'apercevoir  dans  le  combat  ». 

Cf.  irl.  moy.  crathaivi,  «  je  fais  trembler  »,  v.-irl.  crothim. 

Il  semble  qu'on  possède  en  celtique  les  trois  degrés  de  cette 
racine:  cret-,  krit-  {*kflu-);  krot  (irl.  crothim),  krat  (assuré 
par  le  gallois,  car  l'irl.  crathaim  peut  être  pour  crothim). 

156.  Gall.  moy.  crydr. 

a  chrydr  ar  belydr  balzoyf  {lolo  Goch,  p.  226)  «  vibration  sur 
les  fûts  (de  lance)  de  tilleul  ». 

Le  sens  de  balioyf  qui  paraît  identique  à  baJwydd  n'est  pas 
sûr,  on  y  voit  le  palmier  ou  le  tilleul.  Cf.  pour  l'idée  : 

•   ae  ergryd  a  chryd  a  chreu  dàillwg  (M.  A.,  i ,  27 1) 

A  rapprocher  de  l'irl.  moy.  crithir,  «  tremblant,  tremblement, 
vibration  »,  dérivé  de  crith,  cryd. 

157.  Irl.  cÛAN;gall.  moy.cuN;  corn.  kuen. 

L'irl.  moy.  et  mod.  cuanL  a  le  sens  de  «  meute, portée  de 
chiens  ou  loups;  troupe,  bandes  ».  Le  mot  gallois  est  employé 
en  poésie  souvent  métaphoriquement  : 


Notes  èlymoJogiques  et  lexicographiqiies.  167 

llwyth  llithyawc  cun  ar  armant  gwaet  (L.  T.,  191,  3) 

«  tribu  qui  appâte  les  chiens  sur  le  sang  de  (?)  ». 

eiri  hid  inipcn  clun  gan  cun  caJlet  (L.  N.,  24,  5) 

«  la  neige  jusqu'aux  hanches  avec  des  chiens  habiles  ». 

aerhost  catgiin  (M.  A.,  145,  2)  «  le  pilier  de  bataille  des 
chiens  de  combat  ». 

bvjyst  gnnion  coed(ibid.,  146,  2)  «  les  chiens  sauvages  (ou 
loups)  du  bois  ». 

aergnn  gedynidcith  (jbid.,  157,  i)  «  compagnons  des  chiens 
de  bataille  »  (ici  les  guerriers). 

gwyt gun(Jbid.,  185,    i)  «  chiens  sauvages  ». 

Cf.  ibid.,  163,  I  ;  211,  2. 

Le  comique  kuen  est  le  pluriel  ordinaire  de  ky  ;  ne  peut  indi- 
quer ù  ou  u  (pu,  eu,  au  v.  celt.).  Comme  cun  ou  cuan,  le  mot 
a  d'abord  été  un  collectif;  il  remonte  à  *kounâ. 

158.  Gall.   CYR  BWYLL. 

ith  kirpuill  (L.  N.,  45,  6)  «  pour  te  célébrer  (te  faire  con- 
naître). » 

hyt  tra  vwyj  vyw  kyrbwylktor  (L.  T.,  200,  6) 

«  et  qu'il  soit  célébré  tant  que  je  serai  vivant  ». 

Cf.  L.  T.,  206,25  ;  L.  R.,  239,   s;  306,   14. 

Dans  la  Gorchan  Maeldena  (103,  22),  on  lit  :  pan  grim- 
builler  {-ni-  pronom  infixe). 

Il  y  a,  dans  lolo  Goch,  corbwyJlir  (S.  Evans). 

Il  me  paraît  plus  vraisemblable  d'expliquer  ce  mot  par  *con- 
ro-qijeiU-  (cf.  kyrhaeddu)  que  par  une  expression  analogue  à 
l'expression  irl.  *cor  do  cheill,  comme  le  fait  Pedersen  (V. 
Gr.,  I,  334;  II,  501). 

159.  Gall.  OETH  dans  anoeth  «  joyau  »  et  cyjoeth  «  richesse  ». 
Le  mot  oeth  seul  est  rare,  excepté  dans  la  légendaire  Kaer 

oeth  ag  anoeth,  où  le  sens  n'est  pas  clair.  On  le  rencontre  encore 
dans  les  exemple?  suivants  : 

defawd  0'  i  adawd oeth ystyfJais  (M.  A.,  143,  2), 

oeth  doeth  goeth  gyngor  Çibid.,  287,    i).  Cf.  ibid.,   149.  i. 


i68  /.  Loih. 

Pour  an-oeih,  les  exemples  sont  clairs  et  assez  abondants  : 
mirejn  anoeth  (L.  N.,  6,   17)  «  merveilleux  joyau  (ou  pré- 
sent) ». 

ddwym  doeth anoeth ymdoel ha nmv  (M.  A.,  168,  2)  «  comme 
me  vint  le  présent,  me  vint  l'inspiration  »  (c'est-à-dire  je 
paie  en  poésie  les  dons  qu'on  me  fait). 

peimyd  yn  rwyddryt  y  m  rodit  anoeth  (M.  A.,  258,  i) 

«  chaque  jour  on  me  donnait  joyau  abondamment». 

yn  cJndaw  anoethion  (ibid.,  202,  i). 

Dans  le  mabinogi  de  Kulwch  et  Olwen,  Yspaddaden  Pen- 
Kawr,  en  terminant  l'énumération  des  objets  merveilleux  dont 
il  impose  la  conquête  à  Kulhwch,  dit:  a  phan  geffych  hynny  oll 
or  anoetheu  (L.  R.,  p.  125)  «  et  quand  tu  auras  trouvé  tout 
ce  qu'il  y  a  de  merveilles  (ou  joyaux)  ».  Il  est  chxr  que  anoeth 
est  composé  de  an-  particule  intensive  et  de  oeîh.  Le  rapport 
avec  cyf-oeth  «  richesse  »  est  évident.  Il  y  a  deux  autres  anoeth 
qui  se  confondent  parfois  avec  le  nôtre,  orthographiquement  : 
i*^  anoeth  pour  annoeth  «  déraisonnable  >),  opposé  à  doeth 
«  sage  »  en  parlant  des  personnes  et  des  actes  ;  2°  annoeth 
«  tout  à  fait  nu,  dépouillé  »  :  y  adaiv  yn  annoeth  le  laisser 
(l'arbre)  dépouillé  (de  ses  fruits)  (Heng.  mss.,  II,  309). 
L'expression  tir  oeth  a  le  sens  de  «  terre  cultivée  ».  Le  mot 
oeth  sort  de  *oktâ. 

léo.  Irl.  moy.   cumne  ;    irl.  mod.  cuimhne  f.  ;  gall.  moy. 

COVEIN. 

Comme  l'irlandais,  le  gall.  moy.  covein  a  le  sens  de  «  sou- 
venir, commémoration  ». 

Perheit  e  wrhyt  en  wrvyd  . 
ae  govein  gan  e  gein  gyweithyd 

«  sa  valeur  durera  dans  le  monde  des  braves  ?  et  son  souvenir 
avec  ses  beaux  compagnons  ». 

Cf.  covein  L.  N.,  6,  17;  cofeinQA.  A.,  279,  i)«  mémoire». 
cuimhne  et  covein  remontent  à  *cotn  -nienià. 


Notes  étymologiques  et   lexieographiqiies.  169 

léi.  Gall.  moy.  cun^  chef. 

yn  dri  cuti  (M.  A.,  341,  2)  «  (Dieu)  en  trois  personnes  >>. 

ciDi  Rcged  imUidQÂ.  A.,  303.  2)  «  d'une  colère  égale  à  celle 
du  chef  du  Reged  ». 

cun  nef  (ibid.,  317,  2)  "  le  roi  du  "ciel  (Dieu)  >y. 

Duiu  hen  ciin(Jhid.,  372,  2)  «  Dieu  roi  des  rois  ». 

Il  y  a  des  dérivés  cunic  et  cunyat  : 

cunic  :  pell  cunic  y  glot  (M.  A.,  265,  16)  «  répandue  au 
loin,  élevée,  sa  gloire  ». 

cad  kunyat  (ibid.,  169,  i)  ef  gunyad  0  g  ad  ni  gilwyd  (ibid., 
170,  i)  «  lui  chef  (en  tète)  du  combat  qui  ne  reculait  pas  ». 

kun-  entre  aussi  peut-être  en  composition  dans  le  mot 
cun-lleith  «  destruction  ».  Comme  lleith  signifie  «  mort  », 
kun-  a  dans  ce  composé  un  sens  intensif  : 

cunllaitb  gelynion  (M.  A.,  331,  2)  «  destruction  des  enne- 
mis »  (épithète  d'un  chef). 

cun  lleith  y  luyd  deheu  (L.  T.,  174,  22)  «  destruction  pour 
les  armées  du  sud  ». 

llawin  aryrad  ig  kad  ig  cunlleith  (L.  N.,  59,  2)  «  lame 
d'épée  qui  s'ébranle  dans  le  combat,  dans  la  destruction  ». 

Il  y  a  un  autre  cunlkid,  aujourd'hui  cynllaidd,  tout  diffé- 
rent. Il  y  a  aussi  un  cunllaitb,  cynllaith  c  humidité  ».  Le  mot 
cun  «  chef  »  sort  de  *kouno-  (forme  réduite  *kùno-). 

162.  Irl.  moy.  daig,  flamme,  feu  ;  gall.  goddaith. 

En  moy.  gallois,  godeitb  veut  dire  «  grand  feu  ». 

twryf  goteilh  wrth  cawn  (M.  A.,  172,  2)  «  faisant  le  bruit 
de  la  flamme  sur  les  roseaux  ». 

turuiu  grue  yg  gotuc  goteith  (L.  N.,  58,  20)  «  qui  a  le  bruit 
de  la  bruyère  en  proie  à  la  flamme  ». 

goddaith  se  dit  aussi  de  la  matière  qu'on  enflamme  :  bruyère, 
ajoncs,  fougère  . 

L.  Rouge  (P.  a.  B.)  250.7  : 

kalangaeaf  llwm  godeith 

«  au  I"  novembre,  la  bruyère  est  dépouillée  ». 

Cf.  Ane.  L.  1.258  :  tan godéyi  maurth . 

L'irl.  daig  a  pour  génitif  dego,  dega  ;  godaith  s'accommode 
aussi  bien  de  dag-  que  de  deg-  :  *uo-dekti-  ou  *uo-dekto-  (le  mot 
est  masculin). 


170  /.  Loth. 

163.  Gall.   DIDDAWL. 

Exemples  •• 

navi  dilaivl  oth  viit  (L.  N.,  45,  14) 

«  ne  me  rejette  pas  de  ton'  profit  ». 

oe  varaimd  nyin  ditohs 
nys  dilolwy  Duzu  de  deyrnks  (M.  A.,  léo,  i) 

«  celui  qui  ne  m'a  pas  rejeté  de  sa  troupe,  que  Dieu  ne  le 
rejette  pas  de  son  bénéfice  souverain  ». 

Cf.  hy-tolawc  {su-  dâlâko-  :  t=  d)  a  qui  partage,  qui  donne 
facilement  » . 

La  radiale  de  daud  se  trouve  dans  l'irl.  ddil,  portion,  part  ; 
dâlim,  je  partage,  je  verse  :  irl.  ddil  auj.  f.  était  neutre  = 
dâlî- ;  cf.  gall.  gwaddavl  ;  moy.  bret.  gudiil;  irl.  fo-dâlim. 
Pour  tawl,  toliei  dawl,  v.  J.  Loth,  A.  f.  C.  L.,  p.  902. 

164.  Gall.    DIFANT. 

Ce  mot  signifie  «  destruction,  extermination,  disparition  »  ; 
cf.  gall.  difa  «  détruire  »  ;  irl.  moy.  dibad  «  destruction  ')  ;  irl. 
mod.  dibhadh. 

iigein  cant  eu  divant  en  un  awr  (L.  A.,  64,  4) 

«  vingt  fois  cent,  leur  destruction  en  une  heure  ». 
ac  cin  bu  divant  dileit  aeron  {ibid.,  loé,  23) 

«  et  avant  sa  mort  il  détruit  Aeron  ». 

trydyd  dyd  dodyiu  0  divant  (M.  A.,  288,  i) 

«  le  troisième  jour,  il  vint  de  la  destruction  (en  parlant  du 
Christ  ressuscité)  »; 

Cf.  difancoll  «  perte  par  disparition,  perte  complète  »  (pour 
difant-coll^. 

165.  Irl.  moy.  dind;  gall.  moy.  tygdyn,  tydyn. 

Dans  les  Lois,  tydym  le  sens  bien  établi  de  maison  avec  une 
pièce  de  terre  dont  l'étendue  a  varié  (Ane.  Laws  II,  780,  xi  ; 
I,  168,  m;  cf.  T.  Lewis,  Gloss.).  La  composition  de  ce  terme 
était  encore  connue  à  l'époque  de  la  rédaction  des  Lois,  d'après 
l'orthographe  tygdyn  (Ane.  L.,  II,  781,  iv). 


Noies  étymologiques  et  lexicographiques.  iji 

Chez  Dafydd  ah  Gwilym,  tyddyn  paraît  désigner  plus  spé- 
cialement la  terre  attachée  à  la  maison  : 

awn  i'  redig  y  tyddyn 
sy  rhwng  y  ty  ar  odyn 

«  allons  charmer  la  pièce  de  terre  qui  est  entre  la  maison  et  le 
four  ». 

Dinn  dans  tyg-dynn  peut  être  rapproché  avec  quelque  vrai- 
semblance de  l'irl.  moy-  dind  qui  a  non  seulement  le  sens  de 
colline,  forteresse,  mais  aussi  de  court  (K.  M.,  Contr.).  Il  semble 
que  l'idée  de  court,  terre  élevée,  se  retrouve  dans  ce  passage 
du  L.  Noir,  29,  ié(T.  a.  B.)  : 

Bet  gur  giiaud  iirteii 
in  uchel  tytin 
in  isel  guelitin 

«  La  tombe  d'un  homme  à  la  louange  élevée,  dans  un  haut 
monument  (situé  sur  une  hauteur),  dans  un  limon  bas  ». 

guelitinzzigwelyddyn  qui  est  à  rapprocher  du  breton gwele:{enn, 
lie,  sédiment,  dépôt  ;  giuelyddyn,  guele~enn  ne  peut  être  tiré  ni 
de  givaelod,  ni  de  giuaeledd  :  le  vannetais  a  pour  la  lie  le  mot 
giiele  pour  giieled.  Dind  génitif  denna=^dindu-  ou  dinnu-.  Il  est* 
à  remarquer  que  chez  O'Davoren,  dinn  est  interprété  par 
indik;  or  indile  dans  les  Ane.  L.  of  Irel.,  IV,  362,  17,  a  non 
seulement  le  sens  de  bétail,  mais  aussi  de  biens  en  général. 

i6é.  Irl.  dangen;  gall.  dengyn. 

Le  gallois  dengyn  est  attesté  dans  les  vieux  livres  :  L.  An., 
64,  30  : 

T)wys  dengyn  ed  emledyn  aergun 

«  solidement,  obstinément,  ils  se  battaient  les  chiens  de  com- 
bat ». 

L.  Noir,  24,  24  :  treis  degin  (dengyn'),  violence  terrible. 

Ibid.,  17.5  :  kad  degin,  combat  obstiné, 

L'irl.  mod.  dangen  a  de  même  le  sens  de  solide,  fort,  et, 
comme  subst.  celui  à&  forteresse  (K.  M.,  Contr.).  L'irl.  mod. 
daingean  a  ce  sens.  Dangen,  daingea,  dengyn  =  dangino-. 


172  /.   Loth. 

167.  Gall.  DYLEiTH  «  verrou  »  er  métaphorique  «  garde, 
protection  ». 

Le  sens  propre  de  dyleith  est  «  verrou  ».  Cf.  v.  gall.  delehid 
gl.  sera. 

Cynddehv  dit  de  lui-même  : 

nid  -u'vfvart  dyJaiu  wyf  dykiîh  ar  gerl  (M.  A.,  157,  i) 

«  je  ne  suis  pas  un  barde  maladroit  (?)  je  suis  verrou   sur  la 
poésie  » . 

Deinioel  a  i  ceidw  a  Dwynwen 

Dyleith  irev  Vachynllaith  luen  (Ll.  Glyn  Cothi,  p.  427). 

«  Dunioel  la  garde  et  Dwynwen,  verrou  (sécurité)  de  la  ville 
de  Machynllaith  bénie  ». 

Kayator  y  dyleith 

arnaivch  (L.  T.,  123,  13)  «  le  verrou  serafermé  sur  vous». 
Cf.  bret.  dlei::tn,  gleiien  «  pêne  »  v.  britt.  *dlekt-. 

168.  Irl.  moy.  solam  ;   gall.   hylaw;   irl.  dolmha  ;   gall. 

DYLAW. 

Le  v.-irl.  solam  a  eu  le  sens  de  «  rapide  »  :  int  solam,  gl. 
ultro,  Ml.  1917  :  42'*9  ;  ind  solam,  gl.  presse,  I3i"'5;  solam, 
rapidement  (Atk.  Pass.  and  K)  ;  solme,  rapidité;  solma  (Wind. 
WôTty,gosolma,  rapidement  (O'Cl.  -ksolainh^.  A  solam  répond 
le  gallois  bien  connu  hylaw,  adroit  =  *sû-làmo-.  Dylaiv  est 
en  revanche  inconnu  ou  mal  connu. 

Cynddelw  dit  de  lui-même  (M.  A.,  151,  i)  :  7iyd  wyf  vart 
dylaw,  wyf  dyleith  ar  gert  «  je  ne  suis  pas  un  barde  maladroit 
(?),  je  suis  verrou  (garde,  sécurité)  en  poésie  ». 

L'irl.  mod.  dolmha,  lenteur,  hésitation,  paraît  bien  opposé 
2i  solma,  solme,  rapidité  :  dylaw  =  dû-lâmo-;  dolmha  =  dû- 
làmiâ. 

Dylaw  a  aussi  un  sens  et  une  composition  toute  différente. 
Il  a  le  sens  de  dylofi,  manier,  palper,  éprouver  :  par  exemple 
dans  cet  exemple  d'un  poète  du  xii-xiii^  s.  (M.  A.,  21e,  2)  : 

Rybu  gamwetawc  Madawc  modur  faw  : 
Rybut  vu  itaw  dylaw  dolur 


N^oîes  étymologiques  et  lexicographiqucs.  173 

«  Il  a  été  (il  n'est  plus)  Madawc,  coupable,  maître  de  la  renom- 
mée :  ce  fut  un  avertissement  pour  lui  que  d'éprouver  de  la 
douleur  ». 

On  a  donné  ce  sens  à  dylaiu  diins  un  autre  passage  du  même 
poète,  passé  en  proverbe  (M.  A.,  207)  :  gnaivd  y  dyn  dylazu 
dyîif  ny  gwe.  Thomas  Richards  (^Welsb  Dict.,  1825)  le  trans- 
crit sous  dylofi  par  :  gnaïud  y  ddyn  ddylaw  dylifnyiue.  Il  traduit  : 
«  il  arrive  souvent  qu'un  homme  manie  ou  prépare  une  trame 
qu'il  ne  tisse  pas  ».  Dans  dylazu,  dylofi,  dy  =  to-. 

169.  Gall.    DREM,  TREM. 

En  gallois  moyen,  il  y  a  à  distinguer  :  1°  tremyn  «  il  passe, 
traverse  »  et  2°  treni  «  vue,  aspect  »,  autre  forme  de  drem. 
■  1°         Ef  y^^  '^^'^  ef  yn  drut 

pan  tremyn  trostiit  (L.  T.  160,  26) 

«  Lui  est  rude,  en  violence,  quand  il  passe  par-dessus  le 
pays  ^)  (le  vent). 

EU  kwyn  ain  tremyn  Ç\l.  A.  168,  i) 

«  un  second  sujet  de  plainte  me  traverse  ». 

Cf.  breton  tremeii  passer,  traverser  ;  comique  tremene.  Ces 
mots  se  rattachent  à  monet. 

2°         dim  Jii  ueli 

pevychwys  tremwys  drwy  vot  Dezui  (M.  A.  195,  i) 

«  il  ne  voyait  rien  ;  il  guérit,  il  vit  par  la  volonté  de  Dewi  » 
(parlant  d'un  aveugle  guéri  par  Dewi). 

Le  sens  propre  de  drefu  est  «  vue,  regard  ». 

pan  dremher  arnazu  (L.  T.  185,  17) 

«  quand  on  le  regarde  ». 

drem  walch  (M.  A.  332,  2)  «  à  la  vue  (qui  a  la  vue)  de 
faucon  ». 

a  choUi  trem  eu  lygeit(M.  A.  734,  i) 

«  et  perdre  la  vue  de  leurs  yeux  ». 

Le  sens  de  perception  (aspect)  est  surtout  marqué  dans  le 
dérivé  dremynt. 

Rn-iie  Celtique,  XXXl'III.  12 


174  ]■  Lot  h. 

tri  phriv  drcmynt  corforaivl  dyn,  gwelet,  cJywed  a  theitnlaw-  tri 
phriv  dremynt  enaid  dyn  :  cariad,  cas  a  deall  (M.  A.  894,  i). 

On  trouve  l'orthographe  dreinhynt  (M.  A.  157,  i);  drem, 
bret.  dreinm  zrz  driksma  ;  cf.    drech,  drych. 

170.  Irl.    DRETTEL;,  TRETELL;  gall.    DRYTHYLL,  TRYTHYLL. 

Le  sens  de  l'irl.  moy.  drettell  est  «  favori  ».  O'Davoren 
(Arch.  f.  Celt.  Lex.  n"  706)  interprète  J/yZ/c//  p3.Y  peta,  anglais 
pet.  La  forme  la  plus  sincère  apparaît  dans  la  Tâin  Bô  Ciiûilnge 
éd.  Windisch,  1.  5378:  dû  thrcittd  Ulad,  les  deux  favoris  de 
d'Ulster:  var.  trcittill;  Pedersen,  Vcrgl.  Gr.  I,  p.  léo,  le  donne 
comme  emprunté  au  gallois  drythvll  «  débauché  »,  ce  que  rien 
ne  justifie  :  les  deux  sens  sont  trop  différents  d'abord  pour 
conclure  à  un  emprunt.  Quant  à  la  forme  elle  remonte  vrai- 
semblablement à  un  vieux-celtique  *  treftillo-;  en  gallois  on 
trouve  aussi  drythyll  et  trythyll.  Pedersen  appuie  son  rappro- 
chement du  gallois  avec  l'irl.  trot  combat,  irl.  mod.  troid,  par 
un  gallois  trythu  s'enfler,  qui  n'existe  que  chez  Owen  Pughe  : 
*  trythu  se  distendre,  qui  viendrait  d'un  trwth  que  Pughe  tire  de 
try-wst. 

Le  sens  primitif,  d'après  le  gallois  serait  •.pétulant,  capricieux, 
aussi  bien  que  voluptueux. 

Le  sens  de  voluptueux,  débauché  est  bien  connu  (M.  A. 
865,  i).  Le  sens  primitif  se  trouve  peut-être  dans  ce  proverbe 
(M.  A.,  844,  i): 

drythyll  maen  yn  llaw  esgud 

«  une  pierre  est  instable  (capricieuse,  prête  à  partir)  dans  la 
main  d'un  homme  prompt  ». 

171.  Irl.  DRÛTH,  DRÛis;  gall.  drud. 
Drud  en  gallois  a  plusieurs  sens  : 

1°  «  furieux,  insensé,  qui  n'entend  pas  raison  »  ;  assimilé 
à  ynfyd  dans  les  Lois  ;  opposé  à  doeth  «  sage  »  dans  le  Livre 
de  Taliesin,  180,  31. 

rei  yndriid,  ereill  yn  doethyon  (M.  A.  201,  2)  «  les  uns  insen- 
sés, les  autres  sages  »  (Dieu  donne  à  chacun  ses  qualités). 

2°  héros,  brave,  vaillant  : 


Notes  étymologiques  et  lexicographiqties.  175 

Dyvi  0  Alcliit  giuyr  drut  diiueir  (L.  T.  128,  8)  «  il  viendra 
d'Alclut  des  guerriers  vaillants,  loyaux  ». 

ynnuan  ac  ef  yn  drud  (Mab.  L.  R.  172)  «  se  battre  avec  lui 
vaillamment  ». 

3°  «  cher,  qui  coûte  ».  Ce  sens  est  dérivé  de  celui  de  «  pé- 
nible »  : 

er  dy  ddnid  loesion  (M.  A.  354,  2)  «  pour  tes  terribles  souf- 
frances ». 

y  Sarasinieit  a  hrynyssant  y  mab  yn  drut  (Heng.  mss.  II,  123) 
«  Les  Sarrasins  achetèrent  le  fils  cher  ». 

Davies  donne  le  sens  de  carus,  mais  c'est  «  cher  »  dans  le 
sens  de  «coûteux  »,  qui  est  aujourd'hui  le  sens  courant  de  ce 
mot. 

L'irl.  drûtba  le  sens  bien  connu  d'efoii  {Tâin  Bô  C,  p.  872, 
1.  284.3,  3017  0-  Il  ^  aussi  le  sens  d'iiiipiidigue  (O'Donovan, 
SuppL).  Whitley  Stokes  (^Urk.sp.) lui  donne  le  sens  de  nioetrix, 
évidemment  d'après  ce  passage  du  Glossaire  de  Cormac  {Three 
M.  Gl.  p.  29)  :  mer  .i.  driithj  drech  ./.  baeth,  iiicrdrech  didiu.i. 
.drûth  baeth,  c'est-à-dire  comme  le  remarque  Thurneysen  (Kel- 
toromanisches,  p.  56):  mer  =  driith  et  drech  ^=  baeth  (simple 
d'esprit)  ;  ainsi  merdrech  est  fou  et  simple.  Le  ms.  B  (^Cormac  s 
Tr.,  p..  59)  donne  la  glose  druth  -i.  merdreach,  mais  ce  n'est 
qu'un  emprunt  malencontreux  à  la  glose  précédente,  qui  a 
passé  dans  les  divers  glossaires. 

Du  sens  de  fou,  furieux,  volage  on  a  pu  arriver  au  sens  de  : 
impudique.  L'irl.  mod.  (Dinneen)  traduit  drûth  par  :  Joolish  girl 
et  harlot^.  Thurneysen  (i^cZ/orow.,  p.  57)avance.que  l'irl.  mod. 
drûis  volupté  (Dinneen  :  id.  etformication,adu]têre) est  emprunté 
au  V.  fr.  druge;  c'est  une  erreur  ;  dans  le  Tai^t  Bô  C,  p.  233, 
1.  5330,  drûis  3.  le  sens  de  folie.  Les  deux  sens  de  folie,  fureur 
et  volupté,  ici  encore  sont  liés. 

Le  français  druger,  drue  paraît  plutôt  d'origine  germanique. 
En  celtique,  il  se  peut  que  deux  mots  d'origine  et  de  sens 
différents     se    soient     confondus.      L'irl.     a    un     vocalisme 


1.  Windisch  traduit  le  plur.  druith  par  Druides,  probablement  en  raison 
de  la  variante  des  mss.  Stowe  et  Egerton  :  draoilJje. 

2.  D'après  le  ms.de  O'Naughton. 


176  /.  Loth. 

différent  du  gallois  et  supposerait  *  drfito-;  le  gallois:  *  draiito- 
ou  droiito-.  Si  on  suppose  avec  Pedersen  (Vergl.  Gr.  I,  161), 
que  l'irl.  est  emprunté  au  britt.,  il  faut  admettre  comme  il  le 
fait,  que  l'emprunt  a  été  tait  à  l'époque  lointaine  où  Vu  long 
vieux-celtique  n'était  encore  parvenu  ni  à  i'i  ni  à  l  en  britto- 
nique.  Dn'iis  =  *  ârut-sti-. 

172.    Gallois  GOR-DIN. 

Le  gallois  gorâin,  violence,  oppression,  a  été  confondu  avec 
gordineu,  gordinaw,  verser  à  flots  (dinazu,  verser). 

Le  sens  de  violence  est  clair  dans  ce  proverbe  (Livre  Rouge, 
F.  a.  B.  II,  306,  lé): 

Gosgymon  gwyth  gordin 

«  c'est  l'aliment  de  la  colère  que  la  violence  ». 
Cf.  ihid.  279.  6,  à  propos  de  Cadwallawn  : 

Lleiv  lluûsawc  y  iverin 
twrwf  niaïur  trachas  y  ordin 

«  Lion,  nombreux  son  peuple,  grand  tumulte,  très  haïssable  • 
sa  violence  ». 

Myv.  Arch.  219,  2  : 

,    Goruc  Llywelyn... 
ar  y  brenhinoedd  braw  a  gordin 

((  Llywelyn...  a  fait  sur  les  rois  épouvante  et  violence  ». 

Le  seul  mot  irlandais  qu'on  puisse  phonétiquement  rappro- 
cher de  -din  est  l'irl.  moy.  din,  gén.  dîna,  protection,  abri,  toit 
(K.  M.,  Contr.);  irl.  mod.  diou.  Le  sens  est  fort  différent.  Tout 
au  plus  pourrait-on  songer  que  le  préfixe  *ivor-  apporte  au 
rriot  dont  l'origine  est  inconnue  le  sens  d'excès.  Pour  l'évolu- 
tion de  sens,  on  peut  peut-être  comparer  le  vieil-irl./or-//^g  et 
for-dinge  (Pedersen,  Vergl.  Gr.  II,  505).  Il  est  vrai  qu'ici,  il  y 
a  eu  probablement  dans  certains  cas,  confusion  morphologique, 
comme  le  dit  Pedersen. 

Dans  les  Mahin.  (L.  Ronge,  p.  254,  1.  26  ;  L.  Blanc,  col.  398), 
on  trouve  l'expression  :  gordinaiu  y  varch  ;  j'ai  supposé  qu'il  y 
avait  peut-être  là  un  emploi  métaphorique  de  gordinaw  (ver- 
ser à  flots)  ;  lancer  son  cheval  à  toute  bride.  Mais  il  me  paraît 
plus  probable  que  c'est  un  dérivé  degor-âin  :  forcer  son  cheval. 


Notes  étymologiques  et  lexicographiqucs.  177 

173.  Irl.  moy.  ermaissiu  ;  gall.  moy.  erwis. 

L'irl.  moy.  ermaissiu  a  le  sens  de  :  «  viser  à  atteindre  par  la 
pensée,  comprendre  »  ;  irl.  mod.  :  tirmaisim  «  je  me  propose, 
j'atteins  ». 

Le  gallois  envis  Ç=  ervys)  ne  se  trouve  que  dans  un  passage 
du  Livre  Noir,  21-8  : 

clat  in  lie  argel  in  Arcoedit 

rac  envis  Riterch  Hacl  ruyfadur  fit 

«  creuse  (ta  bauge)  dans  un  endroit  secret,  dans  la  région  des 
bois,  de  peur  des  recherches  (ou  de  l'atteinte)  de  Rhydderch 
Hael,  le  directeur  de  la  foi.  » 

Gwenogfryn  Evans  a  proposé  au  lieu  de  erwis,  erchwys,  meute. 

Le  sens  serait  satisfaisant,  mais  la  correction  est  peu  vrai- 
semblable :  dans  l'orthographe  du  L.  Noir,  lu  représente  v, 
spirante  labiale  sortie  deZ'  ou  /;/ ;  l'absence  de  r/j  est  également 
peu  vraisemblable.  L'irl.  et  le  gallois  remonteraient  à  un  vieux- 
celt.  *  ari-messiù  :  d.  mess,  messaim,  d'une  racine /;/^^- ;  aux 
formes  irl.  composées  avec  ari-  répond  le  gallois  ar-feddyd, 
dessein. 

* 

174.  Irl.  mod.  ÉAGAN  ;  gall.  anghanawg. 

L'irl.  mod.  e'agan  a  le  sens  de  vagabond.  Tel  paraît  être  le 
sens  du  gallois  ano^hanawi!. 

gîvell  aughanaïug  mor  nag  anghamnig  niynydd  (M.  A.  847,  i) 
«  mieux  vaut  un  vagabond  de  mer  qu'un  rôdeur  de  mon- 
tagne ». 

Le  mot  est  confondu  dans  les  dictionnaires  avec  anghenaïug. 
La  racine  paraît  être  la  même  que  àzns  ei g e an  violence^  néces- 
sité ;  gall.  anghen. 

ÇA  suivre.)  J.  Loth. 


BRETON    BOMM 

«  MAT  QUI  MAINTIENT  LA  BASE 

DE  LA  GRANDE  VOILE  » 


Dans  le  numéro  365  du  journal  "  Kroaz  ar  Vretoned 
M.  Loeiz  ar  Floch  communique  un  mot  breton  botfitn  "  mât 
qui  maintient  la  base  de  la  grande  voile  ".  Il  va  de  soi  que  ce 
mot  doit  être  séparé  de  boni  "  rehaut  entre  deux  sillons 
(Troude,  Le  Gonidec  ;  racine  celtique*  /;(';/-).  C'est  un  terme 
du  langage  des  marins  emprunté  au  hollandais  boom  "  arbre, 
gaffe,  perche  ",  ou  bien  directement  ou  bien  par  l'intermé- 
diaire de  l'anglais.  L'anglais  boom  désigne  en  effet  ce  qui  s'ap- 
pelle en  français  le  "  gui  "  dans  le  langage  des  marins.  Les 
langues  Scandinaves  ont  de  même  emprunté  ce  mot  sous  la 
forme  bom.  Cet  emprunt  est  généralement  considéré  comme 
venant  du  moyen-bas-allemand  bôm  (v.  Falk-Torp,  Etymolo- 
gisk  Ordbog,  s.  u.).  Mais  on  peut  se  demander  si  le  sens  de 
"  gui  "  ne  leur  vient  pas  plutôt  du  hollandais,  vu  le  grand 
nombre  de  termes  de  marine  emprunté  par  les  langues  Scandi- 
naves au  hollandais. 

Paris,  5  octobre  1920. 

Alf  SOMMERFELT. 


BIBLIOGRAPHIE 


Sommaire.  —  I.  G.  Dottin.  La  langue  gauloise.  —  II.  S.  Feist.  Etymo- 
logisches  Wôrterbuch  der  gotischen  Sprache,  I.  —  III.  Kuno  Meyer. 
Misceilanea  Hibernica.  — IV.  H.  Moore  PiM.  A  short  Histor}'  of  Celtic 
Philosophy.  —  V.  G.  O'Nolax.  Studies  in  Modem  Irish,  Part  I.  — 
VI.  L.  Tréguiz.  L'Irlande  dans  la  crise  universelle.  —  VII.  W.  J. 
Gruffydd.  Blodeuglwm  o  Englynion.  —  VIII.  Ifor  Williams  et 
Thomas  Roberts.  Cywyddau  Dafydd  ab  Gwilym  a'i  Gyfoeswyr.  — 
IX.  F.  Vallée.  Vocabulaire  français-breton  de  Le  Gonidec. 


I 

G.  Dottin.  La   langue  gauloise.  Grammaire,  textes  et  glossaire. 
Paris,  Klincksieck,  1920.  xvij-3é4  p.  8°. 

«  C'est  une  maladie  chez  plusieurs  étymologistes  de  vouloir 
persuader  que  la  plupart  des  mots  gaulois  sont  pris  de  l'hébreu.  . . 
N'est-il  pas  plaisant  de  prétendre  que  ...kir  en  bas-breton  signi- 
fiait autrefois  ville,  que  le  même  kir  en  hébreu  voulait  dire  un  mur, 
et  que  par  conséquent  les  Hébreux  ont  donné  le  nom  de  ville  aux 
premiers  hameaux  des  Bas-Bretons  ?  Ce  serait  un  plaisir  de  voir  les 
étymologistes  aller  fouiller  dans  les  ruines  de  la  Tour  de  Babel 
pour  y  trouver  l'ancien  langage  celtique, ...  si  la  perte  d'un  temps 
consumé  si  misérablement  n'inspirait  pas  la  pitié.  »  Ces  lignes  de 
\"oltaire  (Did.  phil.,  éd.  Hachette,  t.  XII,  p.  95)  étaient  bonnes 
à  rappeler  ici  pour  montrer  quels  progrès  ont  été  faits  depuis  le 
xviii'^  siècle.  Les  celtistes  n'ont  pas  eu  besoin  d'aller  fouiller  les 
ruines  de  la  Tour  de  Babel  pour  avoir  quelque  idée  du  celtique 
ancien.  Le  sol  même  de  la  Gaule  leur  a  livré  des  éléments  d'in- 
formation plus  solides.  Quelques-uns  même  étaient  déjà  mis  au 
jour  avant  l'époque  de  Voltaire  ;  mais  ils  n'étaient  pas  interprétés. 
L'interprétation  n'a  été  possible  que  le  jour  où  l'on  a  eu  sur  le 
développement  des  langues  en  général  et  sur  l'histoire  des  langues 


i8o  Bibliographie. 

celtiques  en  particulier  des  idées  claires,  fondées  sur  l'analyse 
méthodique  et  la  comparaison  des  faits  et  des  textes. 

En  tête  du  livre  qu'il  consacre  à  la  langue  gauloise,  M.  Dottin 
présente  en  raccourci  un  historique  du  sujet  ;  il  y  signale  les  vaines 
hypothèses,  les  divinations  hasardées,  et  tant  de  constructions  vite 
écroulées  parce  qu'elles  reposaient  sur  le  vide.  C'est  une  piquante 
introduction  à  l'exposé  qu'il  donne  ensuite  des  résultats  de  la 
science  moderne.  Le  contraste  est  frappant.  L'ouvrage  de  M.  Dottin 
se  recommande,  comme  tous  ceux  qui  sont  partis  de  sa  main,  par 
une  prudente  réserve  dans  l'interprétation  des  faits  autant  que  par 
l'exactitude  de  la  documentation  et  par  la  clarté  de  l'exposition.  Il 
se  divise  en  trois  parties,  une  étude  de  la  langue,  un  recueil  des 
textes,  un  glossaire.  Le  recueil  de  textes  reproduit  en  grande  partie 
celui  qu'a  publié  ici  même  (R.  Cell.,  t.  XX\'III,  p.  262) 
M.  Ernault,  d'après  les  travaux  de  Rhys  ;  mais  des  références  utiles 
y  ont  été  ajoutées.  Le  glossaire  est  particulièrement  précieux  ;  il 
dispensera  souvent  de  faire  des  recherches  dans  le  vaste 
Sprachschati  de  Holder.  Bref,  l'ouvrage  présente,  sous  une  forme 
commode  et  facile  à  consulter,  grâce  aux  index,  tous  les  renseigne- 
ments utiles  à  l'étude  du  gaulois.  Historiens,  philologues  et 
archéologues  auront  grand  profit  à  s'en  servir.  C'est  à  eux  surtout 
qu'il  s'adresse  puisqu'il  fait  partie  de  la  collection  publiée  par 
M.  Jullian  pour  l'étude  des  antiquités  nationales  '.  Comme  réper- 
toire de  faits,  il  est  de  nature  à  les  satisfaire. 

Il  laissera  peut-être  plus-  à  désirer  aux  linguistes,  moins  par  la 
faute  du  sujet  que  par  la  façon  dont  M.  Dottin  l'a  traité.  On 
connaît  par  ses  précédents  ouvrages  le  parti  pris  qu'a  le  savant 
auteur  de  toujours  disposer  sur  le  même  plan  les  faits  qu'il  a  au 
préalable  patiemment  réunis  et  classés  ;  il  se  refuse  à  toute  cons- 
truction systématique,  il  redoute  ce  qui  pourrait  ressembler  à  un 
arrangement  personnel  de  sa  matière  ;  il  pousse  l'objectivité  jusqu'à 
l'abnégation.  Pareille  méthode  est  parfaitement  louable  dans  un 
ouvrage  didactique,  traitant  une  matière  où  les  faits  sont  tellement 
clairs  et  abondants  qu'ils  parlent  d'eux-mêmes  et  que  le  seul 
classement  en  est  instructif.  Une  étude  grammaticale  sur  la  langue 
de  Virgile  ou  de  Cicéron  s'en  accommoderait  fort  bien.  Mais  le 
gaulois  est  très  différent  du  latin  ou  du  grec.  Nous  ne  connaissons 
pas  la  langue  gauloise.   Nous  n'avons  sur  elle  que  quelques  rares 

I.  Le  tome  1=''  de  cette  collection,  qui  était  déjà  signé  du  nom  de 
M.  Dottin,  a  fait  l'objet  d'un  compte  rendu  dans  la  Revue  Celtique, 
t.  XXXVII,  p.  358. 


Bibliographie.  i8i 

données,  fragmentaires,  incohérentes,  échelonnées  sur  plusieurs 
siècles,  dispersées  sur  un  très  vaste  territoire.  Pour  être  apprécié  à 
sa  valeur,  chaque  fait  doit  être  étudié  en  lui-même  et  replacé  dans 
une  série  qui  reste  à  reconstituer  par  hypothèse.  Aucune  langue 
peut-être,  plus  que  le  gaulois,  ne  réclame  du  linguiste  le  sens  de  la 
perspective  et  le  don  de  la  combinaison. 

Le  principal  défaut  du  livre  est  un  défaut  de  perspective.  Il  est 
trop  bâti  comme  s'il  s'agissait  d'une  grammaire  classique,  destinée 
à  fournir  à  l'écolier  des  paradigmes  bien  établis  et  des  règles  sûres. 
Le  gaulois  ne  comporte  pas  une  pareille  précision  ;  il  ne  présente 
que  des  faits  en  poussière,  et  de  valeur  fort  inégale.  Il  v  en  a 
beaucoup  dont  on  ne  peut  rien  tirer,  parce  qu'ils  ne  prêtent  à 
aucune  comparaison  ou  que  même  ils  ne  sont  pas  établis  avec 
assez  d'exactitude.  Mais  plusieurs  ont  un  grand  intérêt  et  per- 
mettent, lorsqu'on  les  a  réunis,  de  reconstituer  certaines  parties  du 
système  phonétique  ou  morphologique  du  gaulois.  On  a  souvent 
à  regretter  en  lisant  le  livre  de  M.  Dottin  que  la  valeur  propre  à 
chaque  fait  n'y  soit  pas  mieux  mise  en  lumière.  Il  s'en  faut  que 
nous  connaissions  dans  le  moindre  détail  la  phonétique  du  gaulois. 
Les  variantes  des  manuscrits  et  même  des  inscriptions  sont  pleines 
de  contradictions  et  de  disparates.  M.  Dottin  en  les  réunissant 
pêle-mêle,  p.  54-67,  confond  délibérément  des  choses  fort  diffé- 
rentes. Il  y  a  dans  ce  fatras  plus  d'un  détail  qui  permet  pourtant 
de  reconnaître  certaines  tendances  de  la  phonétique  gauloise  et 
même  d'en  retracer  l'évolution.  Ainsi,  les  langues  indo-euro- 
péennes ont  en  général  une  tendance  à  réduire  les  anciennes 
diphtongues.  Cette  tendance,  manifeste  en  italique  et  en  germa- 
nique, apparaît  dans  les  dialectes  celtiques  insulaires.  Le  gaulois 
n'y  échappe  pas.  L'ancienne  diphtongue  ei  a  été  en  celtique 
commun  la  première  atteinte  ;  elle  est  déjà  en  gaulois  uniquement 
représentée  par  ë  :  la  graphie  deiuo-  ou  diiw-  pour  dnio-  est  due  à 
linfluence  latine.  De  la  diphtongue  oi,  en  syllabe  radicale,  il  n'v  a 
aucun  exemple  sûr.  La  diphtongue  ai  est  notée  ae.  Q.uant  aux 
diphtongues  eu  et  on,  la  première  se  confond  avec  la  seconde,  et 
toutes  deux  se  réduisent  à  ô  ou  û  ;  c'est  une  évolution  que  l'on 
peut  suivre,  puisque  les»  formes  teiil-  tout-  tôt-  tut-,  leuc-  loue-  loc- 
luc-,  houd-  bod-  bud-,  slog-  slug-  sont  également  attestées.  La  chose 
méritait  d'être  nettement  distinguée  de  tant  d'autres  faits  peu  sûrs, 
souvent  dus  à  des  erreurs  de  graphie.  Une  autre  tendance 
frappante  en  gaulois  est  celle  qui  consiste  à  changer  en  spirante 
l'occlusive  gutturale  devant  consonne.  Elle  fournit  sur  la  nature 
des  implosives  et  sur  la  faiblesse  de   l'articulation  des  indications 


i82  Bibliographie. 

qui  prêtent  à  coinpaiaison  avec  d'autres  langues.  Ainsi  le  groupe 
-kl-  est  souvent  noté  -yi-  (=  chï)  et  le  groupe  -hs-  est  noté  -ys-  (= 
chs)  ;  on  a  même  la  graphie  A/ro-  pour  Acro-.  Ces  faits  demandaient 
à  être  réunis.  On  n'en  pouvait  séparer  le  cas  de  la  gutturale  g,  qui 
tend  à  s'altérer  à  l'intervocalique  :  une  forme  comme  iiertraha  est 
à  cet  égard  des  plus  significatives  ;  l'altération  qui  s'y  révèle  est 
confirmée  par  les  formes  -hria,  rio-  où  g  a  disparu  dans  l'écriture 
après  une  voyelle  palatale  ;  cf.  Biillelin  de  la  société  de  Linguistique, 
t.  XXII,  p.  90-91.  II  s'agit  d'un  amuissement  de  g  spirant  inter- 
vocalique,  qui  est  commun  au  gaélique  et  au  brittonique.^ 
Mais  il  ne  fallait  pas,  p.  77,  signaler  «  la  chute  des  consonnes 
intervocaliques  g,  t  »  comme  un  phénomène  caractéristique  du 
celtique  insulaire.  Le  /  intervocalique  ne  tombe  pas  en  irlandais  ; 
il  subsiste  encore  aujourd'hui  sous  la  forme  d'un  /;.  A  Galway, 
gnotha  se  prononce  giioha,  d'après  M.  Dottin  lui-même  (R.  Celt., 
XIV,  121).  Quant  au  brittonique  il  n'a  jamais  perdu  le  /  inter- 
vocalique. Le  cas  de  latbe,  laa  est  exceptionnel.  Il  n'établit  nulle- 
ment la  doctrine,  chère  à  Zimmer,  suivant  laquelle  le  //;  aurait  eu 
déjà  la  valeur  de  /;  en  vieil  irlandais  (v.  K.  Meyer,  Sit^her.  der 
preuss.  Akad.,  1918,  p.  1044).  Si  lathe  et  laa  ne  sont  pas  deux 
mots  différents,  on  peut  croire  que  le  second  est  sorti  de  groupes 
de  mots,  dans  lesquels  la  forme  pleine  lathe  était  exposée  à  se 
réduire. 

En  groupant  les  faits  sûrs  qui  permettent  de  fixer  exactement 
certains  traits  de  la  langue  gauloise,  on  pouvait  par  la  comparaison 
avec  le  gaélique  et  le  brittonique  marquer  la  place  du  gaulois  dans 
Tensemble  de  la  linguistique  celtique.  Mais  il  fallait  n'opérer  pour 
cela  que  sur  des  faits  bien  attestés  et  nettement  délimités.  Or,  la 
comparaison  qu'établit  M.  Dottin  entre  le  gaulois  et  les  dialectes 
insulaires  prête  singulièrement  à  la  critique.  Ainsi,  Ténumération 
qu'il  donne  p.  103,  des  groupes  de  consonnes  conservés  en  gaulois 
par  opposition  aux  autres  langues  celtiques,  n'est  pas  concluante 
parce  qu'elle  contient  des  faits  hétéroclites,  dont  chacun  deman- 
dait une  interprétation  spéciale.  Il  est  exact  par  exemple  qu'on 
rencontre  en  vieil-irlandais  les  groupes  ml-  et  mr-  conservés  à 
l'initiale,  tandis  qu'en  gaulois  ils  ont  déjà  passé  à  bl-  et  br-:  mais 
la  même  évolution  s'est  produite  en  irlandais  dès  la  deuxième 
moitié  du  viii^  siècle,  comme  le  prouvent  les  Annales  d'Ulster,  qui 
fournissent  en  732  la  curieuse  graphie  vihleguiti  (v.  Rev.  Celt., 
XXXI,  p.  520).  Il  n'y  a  donc  pas  opposition  entre  le  gaulois  et 
l'irlandais;  tous  deux  manifestent  une  même  tendance,  qui  a 
seulement  plus  ou   moins  tôt  abouti  dans    chacun  des  deux.    Or 


Bibliographie.  183 

en  phonétique  ce  sont  les  tendances  qui  importent,  beaucoup  plus 
que  les  résultats,  ou  que  la  date  des  résultats. 

En  matière  de  morphologie,  la  comparaison  était  plus  délicate, 
parce. que  les  faits  sont  moins  nombreux.  Quand  il  oppose  p.  124 
et  suiv.  le  système  du  verbe  dans  les  deux  groupes  de  langues, 
M.  Dottin  découvre  entre  elles  une  série  de  différences.  Le  plus 
souvent,  l'opposition  est  illusoire.  Il  note  par  exemple  qu'il  n'y  a 
pas  de  futur  en  h  en  gaulois.  Cela  n'est  que  trop  vrai  !  Nous  n'avons 
du  gaulois  tout  au  plus  qu'une  demi-douzaine  de  formes  verbales, 
dont  la  mieux  attestée,  l'énigmatique  ieuru,  est  inexpliquée.  Il  ne 
faut  pas  demander  au  gaulois  plus  qu'il  ne  peut  donner.  Une 
3"^  personne  de  prétérit  sigmatique  comme  legasif,  une  r*^  personne 
de  désidérarif  déponent  comme  marcosior  (suivant  la  très  ingé- 
nieuse interprétation  de  M.  Loth,  ci-dessus,  p.  87),  sont  des 
formes  du  plus  haut  intérêt  :  elle  nous  font  vivement  regretter  de 
ne  pas  posséder  davantage,  mais  ne  permettent  pas  de  rien  préjuger 
sur  ce  que  nous  ne  possédons  pas.  Il  est  exact  aussi  que  pour  la 
place  du  verbe  le  gaulois  paraît  en  désaccord  avec  le  vieil-irlandais 
et,  en  partie  du  moins,  le  gallois  ancien.  Mais  si  l'hypothèse 
présentée  dans  les  Mém.  de  la  Soc.  de  Lingu.,  t.  XVII,  p.  537, 
pour  expliquer  la  place  du  verbe  en  tête  de  la  phrase  est  exacte, 
la  gaulois  ne  fait  pas  exception.  Cette  hypothèse  consistait  en  une 
action  analogique  partie  des  cas  où  le  verbe  avait  un  préverbe  et 
un  pronom  régime.  Or,  le  hasard  fait  que  nous  n'avons  aucune 
phrase  gauloise  comportant  de  préverbe  ou  de  pronom  régime. 
Cela  n'impose  pas  la  conclusion  que  le  gaulois  n'en  ait  pas  eu, 
mais  cela  peut  expliquer  que,  dans  les  quelques  phrases  gauloises 
où  il  y  a  des  verbes,  ceux-ci  soient  placés  ailleurs  qu'au  commence- 
ment. 

Il  y  a  des  cas  où  la  doctrine  linguistique  de  M.  Dottin  est  mal 
assurée.  Ce  qu'il  dit  p.  103  de  l'accent  des  langues  celtiques  est 
inexact,  et  il  ne  dégage  pas  des  faits  gaulois  les  conclusions  sûres 
qu'ils  comportent.  Quand  il  rapproche,  p.  130,  l'assimilation  du 
gaulois  pempe  ou  du  latin  quinque  de  celle  du  germanique  fiuif, 
comme  une  caractéristique  commune  aux  trois  groupes,  il  confond 
deux  faits  différents  :  le  passage  de  p-k'"  à  A-"-/c"'  est  spécialement 
italo-celtique,  comme  le  prouve  par  ailleurs  la  comparaison  de 
coqiiô  et  de  pobi  (y.  M.  S.  L.,  XVI,  55)  ;  le  cas  du  germ.  fiwf  est 
un  fait  d'assimilation  différent. 

Ci-joint  quelques  remarques  de  détail  : 

p.  21  n.,  les  travaux  de  MM.  Jud  et  Guarnerio  (cf.  Rev.  Celt., 
XXXIV,  p.  iié-117)  pouvaient  être  mentionnés. 


184  Bibliographie. 

p.  35.  On  ne  voit  guère  comment  l'emploi  de  quarc  au  sens  de 
car  serait  dû  à  l'influence  du  gaulois.' 

p.  38  n.  2.  L'anglo-saxon  liyde  ne  peut  être  «  un  ancien  parfait 
indo-européen  sans  autre  désinence  que  e  »  ;  cf.  Sievers,  Angel- 
sâcbsische  GrawDiatik,  3^  édition,  §  131. 

p.  56.  D'Arbois  de  Jubainville  soutenait  que  Seiioues  (avec  ê 
long)  et  Sciioiies  (avec  c  bref)  étaient  deux  noms  de  peuples 
différents  :  cf.  en  dernier  lieu,  Les  Celtes,  étude  historique,  p.  155. 

p.  66.  Pour  la  chute  de  s  initial,  l'exemple  asia  (Pline,  XVIII, 
141)  pouvait  être  joint  à  ceux  qui  sont  cités;  cf.  p.  24  et  284. 

p.  87.  Coriosseâum  ne  peut  signifier  «  Le  château  du  Chaudron  »  ; 
car  le  nom  du  «  chaudron  »  qui  est  coire  en  irlandais  a  un  p  initial 
en  brittonique  (m.  gall.  peir)  ;  il  avait  également  un  p  en  gaulois, 
comme  le  prouve  le  provençal  pairol,  d'origine  celtique  (Jaberg, 
Spraclfgeographie,  p.  18). 

p.  99  n.  L'irlandais  Jiach  «  corbeau  »  est  anciennement  un 
dissyllabe  ;  cf.  Rev.  Celt.,  XXXY,  p.  88. 

p.  114.  Il  y  avait  certainement  en  gaulois  des  thèmes  masculins 
en  a-  ;  mais  il  est  douteux  que  druida  ait  été  du  nombre.  L'irlan- 
dais drui  est  un  thème  consonantique.  Comme  l'accusatif  pluriel 
des  thèmes  consonantiques  avait  en  celtique  la  désinence  -as,  nous 
savons  que  les  Latins  ont  parfois  fait  entrer  dans  leur  première 
déclinaison  des  mots  de  ce  type.  Ainsi,  l'ace,  pi.  Allohrogas  a  fait 
créer  Allobrogae  (Schol.  de  Juvénal,  ad  VIII,  234), et  sur  l'ace,  pi, 
Biturigas  (Florus  I,  45),  Ammien  Marcellin  a  refait  Biturigae  (XV, 
II,  II).  César  n'a  d'autre  forme  pour  le  nom  des  druides  que 
druides,  druidum,  druidihus.  Si  d'autres  écrivains  présentent  la 
forme  druida  (par  ex.  Cicéron,  de  diuin.,  1,41,  40),  c'est  apparem- 
ment sous  l'influence  des  masculins  latins  en  -a,  qui  ont  en 
général  une  valeur  triviale  et  méprisante  ;  cf.  Mém.  de  la  Société 
de  linguistique,  t.  XXII,  p.  102. 

p.  225.  Les  noms  du  type  Alisa  etc.  pourraient  sortir  aussi  du 
nom  du  «  rocher  »  et  se  traduire  par  «  La  Roche  »  ;  cf.  en  v.  h. 
A.  felis  m.txfelisa  f.  En  irlandais  on  a  d'une  part  ail,  dat.  sg.  ail 
L.  L.  II  b  II  (plus  tard  gén.  ailech),  et  d'autre  part  ail  n.,  g.  aille, 
dat.  aill  L.  L.  115  b  2,  n.  pi.  aile  L.  U.  26  a  37;  soit  probable- 
ment *[p]alis-  et  *[p]als-os-. 

p.  246.  Corohilium  est  à  corriger  en  *Corboialum  d'après 
M.  Grôhler  (cité  par  Kuno  Meyer,  Sit\ber.  der  preuss.  Akademie, 
1919,  p.  399).  Corboialuiii  explique  les  formes  du  Moyen  âge 
Corbueil  et  Corboil. 

p.  265.  L'irlandais  lôchet  «  éclair  »  est  un  thème  neutre  en  -ut- 


Bibliographie.  185 

(Thurneysen,  Z.  /.  Celt.  Phil.,  V,  20);  ce  ne  peut  être  le  même 
mot  que  le  gallois  lliiched,  dont  le  ch  suppose  d'ailleurs  un  radical 
différent  ;  mais  ni  l'un  ni  l'autre  n'est  formé  comme  le  gaulois 
Leiicctio-. 

p.  291.  Le  gallois  techu  «  se  cacher  »  comme  le  breton  tec'hel  se 
rattache  à  la  racine  de  l'irlandais  Icchim  «  je  cours  »,  mais  suppose 
une  formation  sigmatique,  comme  l'a  reconnu  M.  Pedersen,  Vgl. 
Gramm.  II,  639  ;  il  n'a  donc  rien  à  faire  avec  le  gaulois  tecco 
«  saumoneau  ». 

J.  Vexdryes. 

II 

Sigmund  Feist.  Etymohgisches  Wôrlerhiich  der  gotischen  Sprache. 
2'=  neubearbeitete  Auflage.  Erste  Lieferung  :  A-D.  Halle,  Max 
Niemeyer.   1920.  96  p.  8°.  10  M. 

La  première  édition  de  cet  ouvrage  date  de  1909  (voir  Bull, 
de  la  Soc.  de  Liiiguist.,  t.  XVI,  p.  ccclvj).  Cette  seconde  édition  a 
été  précédée  d'un  remaniement,  qui  a  comporté  nombre  de  correc- 
tions et  quelques  additions  ;  elle  paraît  par  fascicules,  de  six 
feuilles  chacun.  L'ouvrage  complet  formera  de  quatre  à  cinq 
fascicules. 

Une  des  principales  améliorations  porte  sur  les  comparaisons 
avec  le  celtique.  Comme  le  dit  spirituellement  M.  Feist  dans  son 
avant-propos,  l'étymologie  indo-européenne  se  montre  trop  sou- 
vent une  marâtre  à  l'égard  du  celtique  ;  elle  le  méprise  et  le 
méconnaît.  Or,  surtout  lorsqu'on  étudie  le  vocabulaire  des  langues 
germaniques  ou  italiques,  il  est  impossible  de  ne  pas  tenir  compte 
du  vocabulaire  des  langues  celtiques,  qui  fournit  à  cette  étude  tant 
de  points  de  comparaison.  Il  a  existé  à  l'ouest  de  l'Europe  un 
vocabulaire  commun  aux  trois  groupes  de  langues  (Meillet,  Dia- 
lectes indo-européens,  p.  21)  :  le  gotique  en  a  conservé  nombre  de 
mots. 

En  outre,  la  civilisation  celtique  a  exercé  sur  la  civilisation  ger- 
manique une  influence  qui  se  trahit  dans  le  vocabulaire.  Les  Celtes 
conquérants,  en  possession  d'une  civilisation  plus  avancée,  ont  dû 
transmettre  aux  Germains  vaincus  des  mots  se  rapportant  à  l'outil- 
lage, à  l'organisation  politique  et  sociale.  De  là  tant  de  mots  de 
civilisation  communs  au  germanique  et  au  celtique  '  tels  en 
gotique  eisarn  «  fer  »,  halgs  «■  outre  »  ou  brunjô  «  cuirasse  »,  aips 
«  serment  »,  andbabts  «  serviteur,   fonctionnaire   »,  arbi  «  héri- 


i86  Bibliographie. 

tage  »,  </»/^^-f  «  dette  y),  peis  a  libre  »,  lekeis  «  médecin  »,  liuga 
«  mariage  »,  magus  «  esclave  »,  reiks  <(  roi  »  et  reild  «  royaume  », 
rûua  «  secret  »,  piiip  a  bon  (et  gauche)  »,  en  vieux  haut  ail. 
ledar  «  cuir  »  (Loth,  Reu.  Cell.,  XV,  370),  gîsal  «  otage  »,  wini 
«  ami  »,  en  moyen-bas-allcniand  bute  «  butin  »  (J.  Loth,  Mém. 
Soc.  Liugu.,  VII,  158),  en  vieil-anglais  Icad  «  plomb  )i,  etc.  (voir 
notamment  d'Arbois  de  Jubainville,  Comptes  rendus  de  f  Académie 
des  Inscriptions  et  belles-lettres .,X.  XIII  [1885],  p.  320,  Revne  Archéo- 
logique, t.  XVII  [1891],  p.  187-215  et  Mémoires  de  la  Société  de 
Linguistique,  t.  VII,  p.  286)  ;  le  gotique  entre  toutes  les  langues 
germaniques  est  seul  à  présenter  le  mot  kelihn  «tour  (?)»,  visiblement 
emprunté  du  gd.\x\o\s  celicnon .  Pour  quelques-uns  des  mots  précé- 
dents, l'hypothèse  de  l'emprunt  est  seulement  possible  ;  pour 
quelques  autres,  elle  est  incontestable.  Dans  bien  des  cas  enfin,  il 
peut  s'agir  de  mots  d'un  fonds  ancien,  également  conservés  dans 
les  deux  groupes  de  langues.  Il  y  a  notamment  des  termes  com- 
muns se  rapportant  à  la  guerre  ou  à  l'armement  :  irl.  hiail,  v.h.a. 
blhal  «  hache  »  ;  irl.  lorg,  v.  isl.  lurkr  «  massue  »  ;  gaul.  catu-, 
v.h.a.  hadu-  «  combat  »  ;  irl.  cob  «"  victoire  »,  v.isl.  happ 
«  bonheur  »  ;  irl.  bàg  a  bataille  »,  v.h.all.  bâg  «  querelle  »  ;  etc. 
L'irlandais  net  "  combat  »  (de  *nanti-)  n'a  de  correspondant  exact 
qu'en  germanique  dans  le  vieux-haut-allemand  gi-nindan  «  se 
résoudre  à  »  Qho  er  selbo  tothes  ginand  «  quand  il  se  résolut  à  la 
mort  »,  Otfrid,  i,  2,  12)  et  le  gotique  ana-nanpjan  toXiaïv,  etc.  Il 
n'est  guère  douteux  qu'en  approfondissant  le  vocabulaire  des 
langues  celtiques  —  où  il  y  a  encore  beaucoup  de  mots  à  découvrir 
et  à  identifier  —  on  ne  voie  naître  de  nouveaux  rapprochements 
avec  le  germanique.  Afin  d'assurer  à  sa  seconde  édition  toute 
garantie  d'exactitude  en  matière  celtique,  M.  Feist  l'a  fait  relire  à 
M.  Thurneysen.  Déjà  M.  Walde  avait  eu  recours  au  savant  celtiste 
de  Bonn  pour  un  service  semblable  lorsqu'il  publia  en  seconde  édi- 
tion son  dictionnaire  étymologique  latin.  Les  deux  ouvrages  ont 
beaucoup  gagné  à  cette  révision  ;  quelques  monstres,  d'autant  plus 
dangereux  souvent  qu'ils  traînent  partout,  en  ont  été  définitive- 
ment bannis(ainsi  un  prétendu  mot  irlandais  et  «  fin  »,  qui  n'existe 
pas  ;  Feist,  p.  36)  ;  l'étymologie  celtique  a  été  épurée  de  quelques 
rapprochements  douteux  (voir  les  notes .  relatives  à  l'irl.  ail 
«  outrage  »  p.  11,  uaithne  «  douleurs  de  l'enfantement  »  p.  46, 
bàid  «  durable  »  p.  61,  roppp.  69,  etc.)  ;  en  revanche  elle  s'est 
enrichie  de  quelques  rapprochements  nouveaux  et  plus  plausibles 
(par  ex.  irl.  boc  «  mou,  tendre  »  etgot.  biugan  p.  71). 

Voici  quelques  observations  suggérées  par  la  lecture  de  l'eu- 


Bibliographie.  187 

vra^e  :  P.  4.  Le  verbe  hamôn  ne  sort  pas  nécessairement  d'un 
thème  féminin  *ha»w  ;  cf.  aigiiiôii  de  algiii  n.,  fîskdii  de  Jisks  m., 
bati:idn  de  hatis  n.,  histon  de  lustus  m.,  spillôn  de  spill  n.,  etc. 
D'autre  part,  il  n'est  pas  possible  de  séparer  le  gallo-latin  cainisia 
et  le  v.h.all.  heniidi,  issus  tous  deux  d'un  même  prototype,  pro- 
bablement germanique.  —  P.  14,  comment  s'expliquerait  le  main- 
tien du /)  dans  celt.  *apa  rattaché  au  skr.  âpab  ?  —  P.  18,  irl.  an- 
ciir  avec  à  ne  peut  sortir  de  *arc-  (gaulois  Are-)  ;  en  fait,  la  quan- 
tité longue  est  des  plus  douteuses,  malgré  la  graphie  anâir  dans 
Wb.  6  d  17  ;  la  graphie  ordinaire  est  anair,  anoir.  —  P.  22,  il  faut 
distinguer  en  irlandais  ôes,  des  n.  «  âge  »  aes  n-escni,  Nancy  gl.,  gén. 
(lis  Sg.  63  b  5  (thème  en  -0-')  etôes,  des,  m.  «  gens,  peuple  »  gén. 
oesso,  oessa  (thème  en  -w-),  bien  que  les  deux  mots  se  soient  con- 
fondus dans  la  suite  ;  v.  la  note  d  au  Thésaurus  Palœohiheniicus, 
t.  Il,  p.  117.  —  P.  34,  s.  u.  andanumts,  pour  la  chute  de /entre  m 
et  /,  cf.  la  graphie /?w//Vm5  «  cinquante  »  pour  fimftigus  (Luc,  lé, 
6).  —  P.  37,  la  quantité  brève  de  Va  de  *prndmi  (irl.  reiiim  «  je 
vends  j>)  est  en  celtique  un  fait  d'analogie  (extension  du  vocalisme 
du  pluriel  à  toute  la  flexion  ;  cf.  Pokorny,  Indogermanische  Forschun- 
geri,  XXXV,  336). — P.  5 3,. le  français  ^/e/paraît  d'origine  celtique, 
et  non  germanique  (Méin.  Soc.  Lingu.,  XXI,  43).  —  P.  64,  sur  le 
cas  de  bertisjos,  voir  Rev.  Celt.,  XXXII,  235.  —  P.  66,  comment  le 
vieil-anglais  be-pœcan  pourrait-il  être  un  emprunt  au  celtique  ?  — 
P.  79,  irl.  bri'iim  est  un  présent,  «  je  brise,  je  mets  en  pièces  ».  — 
P.  88,  la  racine  de  got.  digan  est  également  attestée  en  celtique  : 
\t\.  cuuutgim  i<  je  bâtis  »  Sg.  141  a  i,  conutuinc  «  il  bâtit  »  Wb.  10 
b  28,  de  *com-od-ding'  (Pedersen,  Vgl.  Gr.  II,  506). 

J.  Vexdryes. 

III 

Kuno  Meyer.  Miscellanea  Hihernica  (Universityof  Illinois  Studiesin 
Language  and  Literature,  vol.  II,  n°  4,  novembre  19 16). 
Urbana,  1917,  55  p.  8°.  S  i.oo 

Cette  brochure,  par  laquelle  l'auteur  marqua  son  passage  à  l'Uni- 
versité d'Urbana,  où  il  fut  Lecturer  in  Celtic  au  cours  de  l'année 
1916,  est  une  sorte  de  pot-pourri  de  philologie  irlandaise.  On  y 
trouve  du  neuf  et  aussi  du  vieux,  mais  le  tout  sous  forme  telle- 
ment fragmentaire  que  l'ouvrage  laisse  l'impression  d'avoir  été 
rédigé  à  la  hâte,  avec  des  notes  tirées  pêle-mêle  de  plusieurs  fonds 
de  tiroir.  Les  vingt  dernières  pages  sont  remplies  de  corrigenda  et 


i88  Bihliooraphic. 

d'addtMida  à  des  ouvrages  publiés  depuis  longtemps  par  l'auteur  lui- 
même  ou  par  d'autres.  Les  trente  premières  sont  plus  substan- 
tielles, quoique  toujours  composées  de  fragments  :  les  étymologies 
ou  études  de  mots  y  tiennent  une  grande  place.  Il  faut  mettre  à 
part  quelques  notes  de  métrique  ;  c'est  une  matière  où  l'auteur 
était  passé  maître  et  oii  il  était  toujours  à  même  de  fournir  un 
enseignement  original  et  neuf  :  ce  qu'il  dit  de  la  prononciation  du 
//;  (p.  14)  est  intéressant  et  l'étude  sur  plusieurs  vieux  poèmes  à 
rime  sporadique  (p.  18-27)  mérite  d'être  lue  attentivement,  encore 
qu'il  y  reproduise  la  prière  de  longue  vie,  éditée  précédemment  par 
lui  (v.  Revue  Cclticjiie,  t.  XXXMl,  p.  250).  Parmi  les  «  philological 
notes  »  signalons  :  i .  des  exemples  nouveaux  du  mot  dû  f.  «  terre, 
place  ».  2.  comram  m.  «  dispute  »  rattaché  au  mot  rùm  <.<  fait  de 
ramer  ».  3.  inùrfairgge  f.  «  océan  »,  ayant  toujours  Vo  long,  ne  peut 
être  rattaché  au  gallois  mererydd.  4.  firinne  f.  «  justice  »  a  un 
double  ;///  qui  s'explique  par  la  loi  qu'a  découverte  M.  John  Mac 
Neil.  5.  cûach  m.  «  coupe  »  étant  disyllabique,  s'explique  comme 
un  "dérivé  de  cùa  «  creux  ».  8.  rigdùii  (Tochm.  Ferbe,  1.  8'38)  équi- 
vaut au  gaulois  'PiyoBouvov.  9.  Confirmation  de  l'explication  de  cet 
«  il  est  permis  »  par  un  emprunt  au  latin  licet  ;  exemples  de  licet 
écrit  en  toutes  lettres.  10.  biiiit  f.  «  présure  »  eXscinnUî.  «  noyau  » 
sont  d'anciens  thèmes  en  -ntl-,  11.  fonnam  m.  «  palpitation  » 
issu  dcfo-snâm.  13.  exemples  de  mac  samla^  macsamaU  «  compa- 
gnon, semblable  ».  13.  legam  m.  «  mite  «  et  sireni  m.  a  animal 
parasite  »  sont  des  noms  d'agent  en  -am.  16.  létiui.  nom  verbal  de 
roîamur  «  j'ose  ».  19.  exemples  de  constructions  impersonnelles 
en  irlandais.  21.  franc-amus  «  mercenaire  »  contient  le  nom 
national  des  Francs,  qui,  après  la  conquête  franque,  remplaça  l'an- 
cien mot  Gall  dans  la  terminologie  irlandaise. 

J.  Vendryes. 

IV 

Herbert  Moore  Pim.  A  Short  History  of  CelticPhilosophy,  with  notes 
by  Prof.  Eoin  Mac  Neill.  Dundalk,  W.  Tempest,  1920.  116  p. 
12°.  7  s.  6  d. 

Voilà  un  titre  qui  est  fait  pour  surprendre  d'abord.  Si  les  Celtes, 
de  Grande  Bretagne  ou  d'Irlande,  ont  créé  nombre  d'œuvres  poé- 
tiques et  d'imagination,  qui  leur  assurent  une  place  honorable  dans 
l'histoire  intellectuelle  de  l'humanité,  ils  semblent  n'avoir  rien 
produit  de  marquant  sur  le  domaine  de  la  philosophie.  11  n'y  a  pas 


Bïbliograph  ie.  189 

de  philosophie  cehique  comme  il  y  a  une  philosophie  grecque  ou 
française,  anglaise  ou  allemande. 

Sans  doute,  les  Irlandais,  par  droit  de  naissance,  peuvent  reven- 
diquer Johannes  Scotus  Erigena  et  George  Berkeley.  Le  premier, 
qui  se  distingua  à  la  cour  de  Charles  le  Chauve,  était  né  en 
Irlande,  comme  son  surnom  l'indique  ;  il  passait  en  son  temps 
pour  un  très  grand  homme  et  est  encore  considéré  comme  une 
lumière  de  la  philosophie,  même  par  des  gens  qui  l'ont  lu. 
George  Berkeley  vint  au  monde  à  Dysert,  près  de  Thomastown 
dans  le  comté  de  Kilkenny  ;  il  fit  ses  études  à  la  fameuse  Kilkenny 
School,  d'où  étaient  sortis  peu  auparavant  Swift  et  Congreve,  et 
aux  environs  de  la  cinquantaine  il  reçut  l'évêché  de  Cloyne  (Co. 
Cork),  oia  l'on  peut  voir  son  tombeau  dans  la  cathédrale  ;  il  passa 
la  plus  grande  partie  de  sa  vie  en  Irlande,  et  ce  fut  un  bon  philo- 
sophe. 

Mais  Scotus  Erigena  n'a  laissé  que  des  œuvres  en  latin  ou  en 
grec',  et  il  est  malaisé  de  dire  dans  quelle  mesure  les  écoles  du 
Continent  contribuèrent  à  sa  formation.  Il  était  en  tout  cas  pénétré 
de  pensée  grecque,  nourri  du  Tintée  de  Platon  et  de  VÔrgaiion 
d'Aristote,  plus  encore  de  rEiiayioy/j  de  Porphyre  ;  c'est  un  des- 
cendant des  néoplatoniciens  bien  plutôt  qu'un  précurseur  des  sco- 
lastiques  ^.  Quant  au  protestant  Berkeley,  il  appartient  à  l'école 
anglaise  ;  ses  Principles  of  Hiiman  Knowledge  (1710)  sont  écrits  en 
anglais  comme  ses  Three  Dialogues  hehueen  Hylas  and  Philonoiis 
(lyn)  ;  et  s'il  lui  est  arrivé,  dans  son  Querisi  (1735)  ou  dans  A 
Word  to  the  IVise  (1749),  d'exprimer  sur  les  affaires  d'Irlande  des 
opinions  raisonnables,  il  n'en  est  pas  moins  anglais  de  tradi- 
tion, d'éducation,  de  relations  ;  c'est  un  abus  de  faire  de  cet  ami 
de  Pope,  de  ce  protégé  de  Lord  Chesterfield,  un  représentant  de  la 
philosophie  celtique. 

Et  cependant  il  y  a  une  idée  intéressante  dans  le  livre  de  M.  H. 
Moore  Pim  ;  elle  aurait  seulement  gagné  à  être  dégagée  plus  nette- 
ment et  débarrassée  d'affirmations  hasardées  qui  la  déforment.  Si 
anglais  que  soit  Berkeley,  si  grec  ou  latin  que  soit  Scot  Erigène, 
ils  ont  tous  deux  des  traits  communs  :  ne  les  devraient-ils  pas  à 
leur  naissance  irlandaise  ?  Pour  Scot  Erigène,  la  philosophie  n'a 

1.  On  trouvera  dans  la  Patrologie  latine  de  Migne,  t.  CXXII,  col. 
12 57-1 240,  les  poésies  grecques  que  Jean  Scot  Erigène  adressait  à  Charles 
le  Chauve. 

2.  Consulter  à  ce  sujet  la  dissertation  de  M.  Georg  Buchwald,  der  Logos- 
begriff  des  Johannes  Scotus  Erigena,  Leipzig,  1884. 

Revue  Celtique,  X  X X VlII.  1  3 


190  Bibliographie. 

d'autre  objet  que  d'interpréter  la  révélation  et  d'en  pénétrer  les 
mystères  ;  il  considère  le  monde  extérieur  comme  une  émanation 
du  divin  et  explique  la  connaissance  que  nous  en  avons  comme 
une  union  de  notre  esprit  avec  le  divin  réalisée  par  l'effet  de  la 
grâce  :  il  se  rapproche  ainsi  de  la  théosophie  desgnostiques.  Mais 
il  est  tout  près  aussi  de  l'idéalisme  mystique  de  Berkeley.  Dieu  se 
confond  pour  lui  avec  le  concept  de  l'univers,  qui  est  la  seule 
réalité  objective  ;  les  créatures  ne  sont  que  les  manifestations  tran- 
sitoires d'une  commune  substance  immatérielle,  l'oÙTia,  qui  a  seule 
une  existence  réelle. 

Il  est  intéressant  de  comparer  ce  qu'à  huit  siècles  de  distance  ces 
deux  hommes  nés  en  Irlande  ont  écrit  sur  le  problème  fondamen- 
tal de  la  philosophie.  A  certains  égards  Berkeley  a  l'air  de  conti- 
nuer Scot  Erigène  :  même  conception  du  divin,  même  parti  pris 
de  refuser  toute  existence  à  la  matière,  même  tendance  à  expliquer 
notre  perception  du  monde  extérieur  par  l'action  qu'exerce  sur 
notre  esprit  un  principe  purement  spirituel.  Et  si  l'on  compare 
l'idéaliste  Berkeley  aux  deux  philosophes  anglais  entre  lesquels  il 
s'intercale  dans  le  temps,  Locke  l'empiriste  et  Hume  le  sceptique, 
on  est  frappé  des  différences  qui  les  séparent.  Ces  différences  tien- 
draient-elles à  l'esprit  celtique  du  premier  ?  Il  est  difficile  de 
répondre  quand  on  songe  combien  l'idéalisme  de  Berkeley  est  voi- 
sin de  celui  de  .Malebranche,  lequel  n'était  pas  un  Celte.  Et  cepen- 
dant, le  tour  d'esprit  de  Berkeley  comme  celui  de  Scot  Erigène 
peut  s'expliquer  par  l'atmosphère  celtique  dans  laquelle  ils  ont  tous 
deux  vécu  à  l'âge  oij  la  pensée  se  forme.  Le  Celte  est  mystique  et 
panthéiste  ;  son  âme  communie  sans  effort  avec  l'âme  des  choses 
et  dans  cette  communion  rencontre  naturellement  le  divin.  C'est 
un  des  traits  caractéristiques  de  la  race. 

M.  Pim  a  essayé  de  retrouver  dans  l'histoire  les  manifestations 
de  l'esprit  celtique.  Mais'  il  fallait  pour  cela  une  connaissance  per- 
sonnelle et  approfondie  des  littératures  celtiques.  L'information 
de  M.  Pim  est  malheureusement  superficielle  et  toute  de  seconde 
main.  Poète  autant  que  philosophe,  comme  l'indique  la  liste  de 
ses  écrits,  il  a  une  imagination  qui  l'entraîne  à  des  hypothèses 
souvent  téméraires.  Le  raisonnement  qui  sert  de  base  à  son  livre 
peut  se  résumer  ainsi  :  les  Celtes  étaient  un  peuple  chevaleresque, 
généreux,  idéaliste,  attachant  grand  prix  à  l'honneur  (p.  17)  ;  ils 
étaient  pleins  de  sensibilité  et  de  finesse  d'esprit  (sensiiive  and 
acute-minded  (p.  42).  De  si  grandes  qualités  morales  et  intellec- 
tuelles trouvent  naturellement  leur  emploi  dans  la  spéculation 
philosophique.  Il  n'est  donc  pas  croyable  que  les  Celtes  se  soient 


Bibliographie.  191 

désintéressés  de  la  philosophie.  Par  conséquent  ils  ont  été  de 
grands  philosophes.  Et  il  n'y  a  qu'à  glaner  à  travers  leur  littéra- 
ture pour  recueillir  les  éléments  de  leur  philosophie. 

Une  démonstration  ainsi  engagée  n'avait  garde  d'être  arrêtée  en 
rouie.  Néanmoins  les  conclusions  auxquelles  elle  aboutit  manquent 
de  vertu  persuasive  parce  qu'elles  sont  amenées  par  des  arguments 
trop  fragiles.  Quelques  détails  donneront  idée  de  la  compétence 
de  M.  Pim  en  matière  de  philologie  celtique  :  il  cite  p.  24  le  Lehar 
lia  Heera  et  p.  25  le  Book  of  Dun  Coiv  comme  s'il  s'agissait  de  deux 
documents  différents  ;  le  premier  étudiant  venu  comprendra  que 
ces  deux  titres  désignent  le  Lebor  na  h-Uidre.  De  pareilles  bévues 
sont  fâcheuses.  Ce  que  M.  Pim  dit  des  druides  est  bien  confus  et 
en  partie  inexact.  Il  rapproche  leur  doctrine  de  l'enseignement  de 
Pvthagore,  tout  en  repoussant  l'idée  qu'ils  aient  pu  subir  l'in- 
fluence de  ce  dernier  (p.  22-25)  ;  et  p.  13,  il  compare  Pythagore 
à  CuchuUin  («  Pythagoras  as  a  luminous  figure,  the  child  of 
Apollo,  the  friend  of  celestial  messengers,  in  communion  with 
nature,  is  reproduced  exactly  in  every  détail  in  Cuchulain  »).  Il  a, 
p.  19,  sur  la  portée  morale  et  intellectuelle  du  Timée  de  Platon 
comparé  au  récit  des  exploits  de  Cuchullin,  une  phrase  d'où  l'on 
pourrait  conclure  que  ni  l'un  ni  l'autre  ne  lui  sont  très  familiers. 
Il  découvre  la  doctrine  de  la  transmigration  des  âmes  dans  l'aven- 
ture de  Tuan  et  celle  de  la  vie  future  dans  la  légende  des  Tuatha 
De  Danann.  Soit.  Cela  n'est  pas  nouveau.  L'aventure  de  Tuan 
est  bien  connue  de  tous  ceux  qui  ont  lu  le  Cycle  Mythologique  de 
d'Arbois  de  Jubainville,  où  elle  est  tout  au  long  racontée  (p.  43- 
63).  Et  M.  Pim  n'a  eu  qu'à  la  prendre  dans  la  traduction  qu'a  faite 
M.  Best  de  cet  excellent  ouvrage.  Cependant,  à  la  page  20, 
parmi  les  auteurs  sur  lesquels  il  appuie  ses  idées  sur  la  doctrine  de 
la  transmigration,  il  cite  bien  MM.  Hyde,  Mac  Neill.  Meyer,  Nutt, 
Mac  Culloch,  et  autres  érudits  dont  l'autorité  est  d'ailleurs  incon- 
testable, mais  il  oublie  le  nom  de  d'Arbois  de  Jubainville.  Oubli 
d'autant  plus  fâcheux  qu'en  vue  de  soutenir  l'opinion  que  la  doc- 
trine en  question  est  celtique,  d'Arbois  utilise  précisément  les  pas- 
sages de  César  (5.  Gall.,  VI,  14)  et  de  Lucain  (I,  454),  l'aventure 
de  Tuan  et  le  poème  de  Taliesin  sur  Kat  Godeu  (p.  23  éd.  Evans), 
qui  sont  également  les  seuls  textes  que  cite  M.  Pim. 

Il  y  a  dans  le  livre  de  M.  Pim  une  intention  louable  qui  est  de 
définir  la  forme  de  pensée  particulière  aux  Celtes  et  de  marquer 
les  traits  originaux  de  leur  philosophie.  L'entreprise  était  délicate, 
mais  elle  valait  d'être  tentée  ;  car  l'esprit  des  Celtes  est  assuré- 
ment bien  doué  pour  la  philosophie  et  cet  esprit  se  reflète  dans 


192  Biblioo-raphie. 

leur  littérature,  écrite  et  orale.  Mais  ce  qu'a  fait  M.  Pim  n'est 
qu'une  ébauche  imparfaite.  Le  livre  qu'il  projetait  est  encore  à 
écrire. 

J.  Vendryes. 


V 

Rev.   Gerald  O'Nolan,   Studies  in   Modem  Irish,  Part  I.    Dublin, 
The  Educational  Company  of  Ireland,  1919,  xiv-286  p.,  12°. 

A  condition  de  ne  chercher  dans  cet  ouvrage  ni  plan  concerté  ni 
construction  systématique,  le  lecteur  y  pourra  trouver  beaucoup  à 
apprendre.  C'est  à  la  fois  une  suite  de  discussions  dogmatiques 
et  un  recueil  d'exercices  sur  les  principales  questions  de  la  syntaxe 
irlandaise  moderne  :  le  verbe  copule,  la  prolepse,  les  particules 
relatives,  les  noms  verbaux,  les  prépositions,  etc.  L'auteur,  qui 
enseigne  l'irlandais  au  collège  Saint-Patrick  de  Maynooth,  est  un 
représentant  et  un  défenseur  du  purisme.  Il  s'est  proposé  de  fixer 
les  règles  du  bon  usage  pour  ceux  qui  se  mêlent  d'écrire  en 
irlandais,  en  même  temps  que  de  corriger  certaines  idées  fausses, 
répandues,  semble-t-il,  parmi  ses  concitoyens.  Son  livre  est  ins- 
tructif par  les  faits  abondants  qu'il  contient  ;  mais  il  suggère  aussi 
des  réflexions  d'ordre  général. 

Comme  toutes  les  langues  qui  ont  un  long  passé  et  dans  ce  passé 
une  riche  littérature,  l'irlandais  possède  un  grand  nombre  de  tours 
idiomatiques.  Ces  tours  frappent  d'autant  plus  un  étranger  que  l'ir- 
landais, ayant  poursuivi  une  évolution  indépendante,  a  échappé 
aux  actions  qui  tendaient  à  modeler  sur  un  type  commun  la  syn- 
taxe des  principales  langues  de  l'Europe  occidentale.  Ces  actions 
résultent  en  partie  de  l'imitation  des  langues  classiques,  mais  plus 
encore  des  influences  réciproques  que  les  langues  ont  exercées  les 
unes  sur  les  autres.  Elles  ont  été  si  durables  et  si  fortes  qu'une 
phrase  de  français  contemporain  peut  le  plus  souvent  se  traduire, 
sinon  mot  à  mot,  du  moins  par  un  exact  équivalent,  en  italien,  en 
anglais  ou  en  allemand.  Il  y  a  vraiment  une  forme  de  pensée  qui 
est  commune  aux  peuples  qui  parlent  ces  langues.  Au  contraire,  la 
syntaxe  de  la  langue  irlandaise  fourmille  d'idiotismes  qui  n'ont 
d'équivalent  dans  aucune  autre  ;  on  dirait  que  l'esprit  est  orienté 
dans  un  sens  différent,  que  les  catégories  en  sont  disposées  sur  un 
plan  particulier.  Les  auteurs  indigènes,  qui  ne  bornent  pas  leur 
ambition  à  faire  des  pastiches  du  latin  ou  des  traductions  de  l'an- 
glais et  qui  ont  le  sentiment  intime  de  leur  langue,  ne  peuvent  être 


Bibliographie.  ■    193 

interprétés  qu'au  moyen  d'un  dictionnaire  où  la  valeur  de  chaque 
tour  soit  indiquée  avec  précision  :  un  simple  lexique  est  insuffisant 
pour  comprendre  leurs  ouvrages. 

Les  puristes  choisissent  d'ordinaire  un  écrivain  qui  représente  à 
leurs  yeux  la  perfection  et  dont  l'usage  leur  sert  de  norme.  Ainsi 
\'augelas  considérait  Coeft'eteau  comme  le  modèle  à  suivre  dans 
l'art  d'écrire  en  français.  Le  style  de  VHistoire  Romaine  de  Coeffe- 
teau  semblait  si  pur  à  Vaugelas  «  qu'il  ne  pouvait  presque  recevoir 
de  phrase  qui  n'y  fût  employée;  à  son  jugement,  si  nous  en 
croyons  Balzac,  il  n'y  avait  point  de  salut  hors  de  VHistoire  Romaine 
non  plus  que  hors  de  l'église  Romaine  '  >;.  Le  Coeffeteau  de  l'abbé 
O'Xolan,  c'est  le  chanoine  Peter  O'Leary,  dont  nous  annonçons 
la  mort  d'autre  part  (v.  ci-dessous  la  Nécrologie).  L'abbé  O'Nolan 
dirait  sans  doute  volontiers  qu'il  n'y  a  pas  de  salut  pour  un  écri- 
vain irlandais  moderne  hors  de  Niamh  ou  de  Séadna,  hors  de  Mo 
Sgèal  Féiii  ou  de  l'arrangement  de  la  Tain  bô  Cuailnge  en  dialogues. 
Quatre-vingt-dix  pour  cent  des  exemples  qu'il  cite  sont  tirés  de 
ces  ouvrages,  ou  de  quelques  autres,  partis  de  la  main  de  l'infati- 
gable chanoine. 

Peter  O'Leary  avait,  entre  autres  mérites,  celui  d'employer  une 
langue  à  la  fois  pure  et  sincère  ;  il  l'écrivait  bonnement,  naturelle- 
ment, telle  qu'il  la  parlait  de  naissance  pour  l'avoir  apprise  des 
paysans  du  Munster  au  milieu  desquels  ses  premières  années 
s'étaient  écoulées.  Il  l'avait  entretenue,  sa  vie  durant,  par  le  com- 
merce constant  des  gens  du  peuple,  si  bien  qu'elle  avait  sous  sa 
plume  un  goût  de  terroir  assez  prononcé.  Nombre  des  idiotismes 
dont  il  use  sont  spéciaux  au  Comté  de  Cork.  L'abbé  O'Nolan  s'en- 
ferme délibérément  dans  les  limites  de  ce  dialecte,  où  il  trouve 
conservées  les  meilleures  traditions  du  temps  où  chacun  parlait 
irlandais.  C'est  par  exception  qu'il  cite  des  textes  teintés  de  dialec- 
tismes  du  Connaught  comme  le  sont  les  A/ooi  ngâbhadh  an  ghiolla 
dhuihh  de  Michel  OWlâille  (par  exemple,  p.  no),  ou  qu'il  men- 
tionne l'usage  du  f^aélique  d'Ecosse. 

La  langue  de  Peter  O'Leary  a  beaucoup  des  caractères  de  la 
langue  parlée.  On  y  retrouve  non  seulement  la  prolepse,  qui  est 
un  procédé  syntaxique  fort  ancien  en  irlandais,  niais  encore  l'ana- 
coluthe et  la  reprise  du  verbe,  comme  aux  exemples  cités  p.  237. 
C'est  moins  affaire  de  grammaire  que  de  stylistique.  Entre  les  deux 

I.  Bouhours,  Entretiens  cVAriste  et  d'Eugène,  4e  édition,  1675,  p.  149. 
Voltaire  écrit  de  même  :  «  sans  Racine,  point  de  salut  »  (Lettre  au  marquis 
de  Condorcet  du  6  décembre  1776). 


194  Bibliographie . 

d'ailleurs  la  limite  est  souvent  malaisée  à  fixer.  Beaucoup  de  dis- 
tinctions qu'enseigne  l'abbé  O'Nolan  ne  sont  que  des  nuances  de 
style.  Elles  sont  parfois  si  subtiles  qu'il  faut  pour  les  saisir  être 
rompu  à  la  scolastique,  et  même,  comme  il  le  dit  p.  39,  à  la  théo- 
logie. C'est  d'une  subtilité  pleine  d'embûches.  On  ne  se  doute  pas 
qu'en  traduisant  la  phrase  eucharistique  «  ceci  est  mon  corps  »  par 
is  é  seo  mo  chorp-sa  au  lieu  de  is  é  mo  chorp  é  seo,  ou  la  question  du 
catéchisme  «  le  père  est-il  Dieu  ?  »  par  au  é  Dia  au  t-alhair  ?  au 
lieu  de  a)!  Dia  an  t-atlmir  ?,  on  avance  une  proposition  hérétique. 
Voilà  de  quoi  faire  frémir  les  personnes  bien  pensantes  qui  seraient 
tentées  de  s'adresser  à  Dieu  en  irlandais  moderne* 

Question  d'orthodoxie  à  part,  la  syntaxe  irlandaise,  telle  que  la 
présente  l'abbé  O'Nolan,  apparaît  sous  un  aspect  redoutable.  On 
se  demande  comment  les  gens  qui  parlent  cette  langue  réussissent 
à  ne  pas  se-tromper,  comment  ils  parviennent  à  se  reconnaître  au 
milieu  de  ce  fouillis  de  règles,  de  subdivisions,  de  cas  particuliers 
et  d'exceptions.  La  première  question  traitée,  celle  de  l'emploi  de 
la  copule  is,  est  bien  faite  pour  donner  une  idée  de  ces  complica- 
tions. Encore  l'auteur  n'a-t-il  pas  touché  à  l'épineuse  distinction 
de  is  et  de  ta,  laquelle  est,  comme  on  sait,  un  des  puzzles  de  la 
langue  irlandaise,  autant  que  la  distinction  de  1  shall  et  /  luill  est 
un  des  puzzles  de  l'anglais.  Il  n'est  question  ici  que  des  règles 
d'emploi  de  la  copule  is.  Elles  sont  déjà  suffisamment  compliquées. 
L'auteur  les  répartit  en  deux  groupes,  suivant  qu'il  y  a  classifica- 
tion ou  identification  ;  et  dans  chacun  de  ces  groupes  il  distingue 
une  quinzaine  de  types  différents  !  Il  y  a  classification  dans  une 
phrase  comme  le  cheval  est  un  animal  et  identification  dans  la  crainte 
du  seigneur  est  le  commencement  de  la  sagesse.  C'est  une  distinction 
logique.  Elle  a  un  double  inconvénient.  C'est  d'abord  de  ne  pas 
pouvoir  être  maintenue  partout  ;  dans  nombre  de  phrases,  il  est 
malaisé  de  décider  s'il  y  a  classification  ou  identification.  Un 
inconvénient  plus  grave  est  le  suivant  :  comme  il  n'y  a  pas  dans  la 
langue  d'expression  grammaticale  qui  réponde  à  la  distinction 
établie,  on  ne  peut  l'y  introduire  que  par  des  interprétations  sou- 
vent arbitraires.  Il  est  toujours  dangereux  de  partir  d'une  concep- 
tion logique  et  d'essayer  de  faire  entrer  les  faits  dans  un  système 
bâti  a  priori.  Les  faits  sont  souvent  récalcitrants;  et  le  grammai- 
rien entêté  de  logique  est  contraint  de  rejeter  comme  barbares 
et  contraires  à  la  raison  et  au  sens  commun  des  tours  que  l'usage 
autorise.  Il  arrive  à  l'abbé  O'Nolan  de  protester  contre  des  em- 
plois que  des  ouvrages  imprimés  (horrescit  referens  !)  ne  craignent 
pas  de  sanctionner  ! 


Bib  liograph  ie.  195 

Si  compliqué  que  soit  l'usage  de  la  copule  is,  on  peut  cepen- 
dant ie  ramener  à  quelques  régies  assez  simples.  La  copule  a  deux 
emplois  en  irlandais.  L'un  consiste  à  unir  un  sujet  à  un  prédicat. 
C'est  le  rôle  que  joue  la  copule  dans  la  plupart  des  langues  qui 
n'ont  pas  conservé  la  phrase  nominale  pure,  sans  verbe  être  (v. 
Meillet,  Méin.  Soc.  Lingu.,X.  XIV,  p.  15).  L'autre  emploi  est  de 
sei-\-ir  à  mettre  en  vedette  un  élément  de  la  phrase.  Nous  connais- 
sons cet  emploi  en  français;  il  est  tenu  par  le  tour  c'est...  qui 
{(lue)...  («C'est  le  père  qui  est  venu  »,  «  c'est  1e  fils  que  j'ai 
vu  ».)  En  irlandais  les  deux  emplois  doivent  être  distingués.  Ils 
correspondent  parfois  à  la  différence  qu'établit  l'abbé  O'Nolan 
entre  classification  et  identification.  Mais  pas  toujours.  Et  si  on 
remonte  à  l'origine,  ils  n'ont  rien  de  commun. 

La  règle  fondamentale  de  l'emploi  de  la  copule  est  formulée  dés 
le  début  de  son  livre  par  l'abbé  O'Nolan  :  c'est  que  la  copule  n'est 
jamais  suivie  du  sujet  et  ne  peut  l'être  que  du  prédicat. 

Cette  règle  est  en  pleine  vigueur  dans  les  gloses  du  vieil-irlan- 
dais '  ;  on  la  trouve  formulée  déjà  dans  les  grammaires  de  cette 
langue.  Par  elle  la  copule  se  distingue  de  tous  les  autres  verbes 
(y  compris  le  verbe  d'existence,  hiu  ou  -tàii),  qui  admettent  leur 
sujet  immédiatement  après  eux.  On  sait  qu'en  latin  aussi  le  verbe 
copule  fait  normalement  groupe  avec  le  prédicat  et  non  avec  le 
sujet  (Marouzeau,  cité  dans  la  Rev.  Celt.,  XXXII,  p.  221).  On 
dira  donc  en  vieil-irlandais  :  is  garait  ar  saigul  «  notre  vie  est 
courte  »  (Ml.  59  d  6),  is  taipe  inso  «  ceci  est  un  abrégé  »  (Ml. 
14  d  4),  is  la  Dia  in  popul  «  le  peuple  est  à  Dieu  »  (Ml.  114  a  3), 
comme  on  dit  tnaith  for  foisitiu  «  votre  confession  [est]  bonne  » 
(Wb.  17  a  4),  nein  insin  «  cela  [est]  un  poison  »  (Ml.  33  d  10), 
ôgnuis  dœ  auetarhide  «  de  la  face  de  Dieu  [est]  leur  destruction  » 
(Wb.  25  d  17),  ou  ni  sulbir  in  bridthar  «  la  parole  n'est  pas  élo- 
quente »  (Wb.  17  b  4),  sans  verbe  copule  exprimé. 

Il  peut  arriver  que  le  prédicat  soit  trop  long  pour  être  placé 
immédiatement  après  la  copule  ou  qu'une  raison  de  commodité 
oblige  à  le  rejeter  après  le  sujet.  En  pareil  cas  le  vieil-irlandais 
recourt  à  une  anticipation  ;  il  annonce  le  prédicat  en  plaçant  un 
pronom  personnel  après  la  copule,  et  évite  ainsi  de  violer  la  règle 
qui  interdit  de  faire  suivre  immédiatement  la  copule  de  son  sujet  : 

I .  La  seule  exception  signalée  par  Strachan  (Stihstantive  Verb  in  Old 
Irish  Classes,  p.  51)  est  dans  la  phrase  de  Ml.  iio  d  15  :  arattû  centosacl} 
cetiforcenn  «  car  tu  es  sans  commencement,  sans  fin  » .  Il  faut  sans  doute 
lire  arattâi,  avec  le  verbe  d'existence. 


196  Bibliographie. 

it  é  uiui  iiiiia  doitie  hi  «  les  uiui  sont  les  hommes  vivants  »  (Sg.  39 
a  25)  ;  is  é  Crist  in  lia  asrubart  »  le  Christ  est  la  pierre  dont  il  a 
parlé  »  (\Vb.  4  d  11).  Ce  tour  s'impose  lorsque  le  prédicat  com- 
prend une  proposition  :  //  hé  in  ioirlhi  iiniahi  adfiadatar  «  les  fruits 
sont  les  choses  qui  sont  annoncées  »  (Ml.  46  c  14)  ;  is  i  mo  cho- 
mairle  co  rochara  cach  iiaib  arailc  «  mon  conseil  est  que  chacun  de 
vous  aime  l'autre  »  (P.  H.,  1.  5804). 

L'introduction  de  ce  pronom  après  la  copule  a  joué  un  orrand 
rôle  dans  l'histoire  de  la  langue.  On  le  voit  peu  à  peu  gagner  du 
terrain  et  s'implanter  dans  des  phrases  oià  on  ne  l'admettait  pas 
d'abord.  Les  raisons  de  cette  extension  sont  assez  claires.  Dans  un 
certain  nombre  de  phrases,  il  était  difficile  de  décider  entre  les 
deux  membres  quel  était  le  sujet  et  quel  le  prédicat.  Ce  cas  est  plus 
fréquent  qu'on  n'imagine.  Notamment  dans  la  phrase  citée  ici  p.  17, 
na  druinge...  ag  ar  ab  é  a  ndia  a  mbolg,  on  peut  traduire  indifférem- 
ment «  les  foules  dont  le  Dieu  est  leur  ventre  »  ou  «  dont  le 
ventre  est  leur  Dieu  ».  Il  est  possible  que  le  contexte  serve  de 
guide  en  pareil  cas,  comme  dans  telle  autre  phrase  citée  p.  13. 
Mais  le  fait  seul  qu'on  puisse  hésiter  explique  que  l'usage  du  pro- 
nom se  soit  dans  bien  des  cas  développé.  Il  était  favorisé  d'ail- 
leurs par  le  second  emploi  attribué  plus  haut  à  la  copule.  Lors- 
qu'un élément  d'une  phrase  devait  être  mis  en  vedette,  la  copule 
se  prêtait  commodément  à  l'introduire.  La  phrase  comprenait  alors 
deux  groupes:  le  mot  mis  en  vedette  précédé  de  is,  et  le  reste  de 
la  phrase.  Lorsque  le  mot  mis  en  vedette  avait  avec  le  reste  de  la 
phrase  un  rapport  de  relation  directe,  celle-ci  s'exprimait  d'ordi- 
naire par  les  moyens  de  la  relation.  L'irlandais  a  pu  de  cette  façon 
exprimer  finement  des  nuances  qui  restent  intraduisibles  aux  autres 
langues.  Même  le  français,  quand  il  use  de  c'est...  qui  (ou  que), 
paraît  lourd  et  gauche,  comparé  à  la  souplesse  et  à  l'aisance  de 
l'irlandais.  Or,  dans  le  tour  en  question  le  pronom  s'introduisait 
parfois  entre  la  copule  et  le  substantif,  et  cela  dès  le  vieil-irlan- 
dais. 

L'emploi  du  pronom  était,  en  vieil-irlandais,  fixé  par  une  règle 
fort  simple,  qui  a  été  formulée  par  Strachan  {Subst.  Verb,  p.  50), 
par  M.  Thurneysen  {Hdb.,  p.  442),  et  par  d'autres  encore.  Atkin- 
son  l'avait  déjà  déduite  de  l'usage  du  Leabhar  Breacc  (v.  son  glos- 
saire des  Passions  and  Homilies,  p.  893).  Cette  règle  est  la  suivante: 
on  introduit  le  pronom  après  la  copule  non  seulement  quand  le 
prédicat  ne  peut  pas  suivre  immédiatement  la  copule,  mais  aussi 
quand  le  prédicat  est  lui-même  déterminé  (par  un  article,  un  géni- 
tif régime  ou  telle  autre  détermination).  Les  exemples  en  sont  très 


Bibliographie.  197 

nombreux  dans  la  langue  des  gloses.  Qu'on  oppose  des  phrases 
comme  :  istaipe  son  «  c'est  un  abrégé  »  et  is  hé  in  noihad  «  c'est  la 
sanctification  »  (Wb.  25  b  2),  is  si  ind  anim  as  airlam  do  chomalnad 
recto  Dé,  ni  in  corpp  «  c'est  l'àme  qui  est  disposée  à  accomplir  la 
loi  de  Dieu,  ce  n'est  pas  le  corps  »  (Wb.  3  d  1 1)  ;  etc.  Ou  encore  : 
is-ôinfer  gaihes  huàid  «  c'est  un  seul  homme  qui  obtient  la  victoire  » 
(Wb.  II  a  4)  et  is  hé  in  peccad  rogéni  anuile  comaccohor  «  c'est  le 
péché  qui  a  produit  toute  la  concupiscence  »  (Wb.  3  c  25  ;  gl. 
peccatuni  operatum  est  in  me  omnem  concupiscentiam). 

Malgré  la  clarté  de  ces  exemples,  l'abbé  O'Xolan  se  prononce 
énergiquement  contre  la  règle  ainsi  formulée.  Il  lui  oppose  deux 
raisons  qui  ne  valent  pas  mieux  l'une  que  l'autre  (p.  44).  La  pre- 
mière est  qu'en  vieil-irlandais  l'emploi  du  pronom  serait  rare  et 
résulterait  d'une  fausse  conception.  Quand  on  parcourt  les  listes 
établies  par  Strachan  (^Subst.  Verb,  p.  24  et  suiv.),  on  constate  au 
contraire  que  dans  les  phrases  de  ce  type  le  pronom  est  plus  souvent 
présent  qu'absent,  tout  simplement  parce  que  le  nombre  des  sub- 
stantifs déterminés  emploj'és  comme  prédicats  est  plus  grand  que 
celui  des  substantifs  indéterminés.  La  seconde  raison  est  qu'on 
rencontre  le  pronom  devant  un  sujet  indéterminé  dans  le  type  de 
phrase  ainmidhe  is  eadh  capall.  Mais  ce  type,  d'ailleurs  rare,  n'a 
rien  à  faire  avec  le  type  issi  mo  chomairle  son.  11  consiste  en  un 
emploi  emphatique  du  prédicat.  Celui-ci  est  jeté  en  tête  de  la 
phrase  ;  il  faut  alors  le  rappeler  après  la  copule.  Dans  ce  cas  on 
fait  suivre  la  copule  du  pronom  sans  tenir  compte  du  caractère  du 
sujet  (déterminé  ou  indéterminé).  Le  français  nous  présente  un 
cas  analogue.  Nous  disons  couramment  :  l'homme  est  mortel,  mais 
nous  pouvons  dire  aussi  :  mortel,  Vhommc  l'est.  Le  pronom  neutre 
s'emploie  en  pareil  cas  dans  les  deux  langues  pour  reprendre  un 
adjectif  attribut  '. 

Les  différents  emplois  d'un  même  tour  syntaxique  ne  constituent 
pas  un  système  logique  cohérent.  Chacun  s'explique  par  les 
autres  en  ce  sens  que  chacun   est  le  résultat  de  l'extension  analo- 


I.  Cf.  l'emploi  du  pronom  neutre  dans  des  phrases  comme  :  toirach 
dano  hen  Echach  7  ha  tied  ben  Gabrain  «  la  femme  d'Echu  était  enceinte  et 
la  femme  de  Gabran  /'  était  [aussi]»  (Z.  /.  Cett.  PhiL,  II,  134)  ;  truag 
siti,  ar  in  gitla,  ni  fer  dingbala  dhô  viisi,  uair  is  fer  comlainn  cet  esiornh,  agus 
nocha  n-edh  inisi  «  c'est  fâcheux,  dit  le  garçon  ;  je  ne  suis  pas  de  force  avec 
lui  ;  car  il  est  homme  à  en  combattre  cent,  et  moi  je  ne  le  suis  pas  » 
(Windisch,  T.  B.  C,  1.  3884).  Sur  le  tour  français,  voir  la  lettre  de  Vol- 
taire à  la  marquise  du  Deffand,  du   30  mars  1775. 


198  Bibliographie. 

gique  d'un  autre.  Par  suite,  il  faut  remonter  le  cours  de  l'histoire 
pour  voir  dans  quel  sens  l'évolution  s'est  faite  et  quels  sont  les 
types  anciens  qui  ont  servi  de  modèle.  Cela  est  vrai  du  verbe 
copule,  vrai  aussi  de  la  prolepse  ou  de  l'emploi  des  noms  verbaux 
dits  à  tort  infinitifs.  L'abbé  O'Nolan  a  sur  ces  deux  questions 
d'excellentes  pages,  pleines  d'analyses  subtiles  et  pénétrantes. 
Mais  là  aussi  l'exposé  des  développements  historiques  est  préfé- 
rable à  l'analyse  logique  pour  faire  comprendre  l'état  actuel.  Ainsi 
l'idiotisme  de  la  page  146  dans  lequel  un  substantif  au  nominatif 
foit  groupe  avec  un  nom  verbal  suivant  se  rencontre  dés  le  vieil- 
irlandais  :  ar  is  hés  leosom  in  daim  do  thuarcuin  iud  arhe  «  car  c'est 
la  coutume  chez  eux  que  les  bœufs  écrasent  le  blé  »  (Wb.  10  d  6), 
les  mots  indaiin  do  thuarcahi  équivalent  à  une  proposition  conjonc- 
tive, comme  dans  la  traduction  française.  Le  nominatif  peut 
paraître  justifié  par  le  fait  que  cette  proposition  est  le  sujet  dont 
hés  est  le  prédicat.  De  même  dans  la  phrase  uisse  in  hoill  do  âss  «  il 
est  juste  que  les  membres  croissent  »  (Wb.  22  a  17).  Nous  n'en 
avons  pas  moins  là  une  extension  abusive  de  la  phrase  nominale. 
Mais  que  dire  de  albert  Cuchulaind  a  eich  do  gahciil  de  «  Cuchullin 
dit  qu'on  lui  harnache  ses  chevaux  »  (Mesca  Ulad,  p.  4,  1.  12).  Le 
nominatif  ne  peut  s'y  expliquer  logiquement  ;  seule  l'histoire  du 
développement  de  ce  tour  en  justifie  l'emploi. 

Ce  n'est  pas  que  l'abbé  O'Nolan  fasse  fi  de  l'histoire.  Il  a  sou- 
vent recours  à  des  exemples  empruntés  à  de  vieux  textes  ;  mais  ce 
n'est  pas  d'après  le  développement  historique  qu'il  établit  ses 
règles  et  organise  son  exposé.  Les  exemples  anciens  ne  sont  utili- 
sés par  lui  que  pour  appuyer  ceux  de  la  langue  moderne,  qu'il 
classe  d'après  un  plan  logique.  Quand  il  parle  de  la  copule,  ou  de 
la  prolepse,  ou  du  pronom  relatif,  bien  qu'il  cite  çà  et  là  quelques 
textes  anciens,  il  n'utilise  pas  les  travaux  qui  ont  pris  ces  textes 
pour  base.  Il  ne  dit  mot  par  exemple  de  la  remarquable  étude  de 
M.  T.  O'Màille  (£rm,  VI,  1-102  ;  d.Rev.  CelL,  XXXII,  351)  où 
les  emplois  comme  les  formes  du  verbe  substantif  ont  été  magis- 
tralement analysés  et  décrits  dans  leur  développement  historique. 

Le  défaut  de  sens  historiq-ue  entraîne  fatalement  des  erreurs  dans 
l'interprétation  des  faits.  L'une  des  plus  familières  aux  grammai- 
riens qui  veulent  expliquer  par  la  logique  les  idiotismes  d'une 
langue  est  d'y  voir  partout  des  sous-entendus.  «  Quelquefois  nos 
gallicismes  ne  sont  autre  chose  qu'une  ellipse,  ou  plusieurs 
ellipses  combinées,  qui  ont  fait  disparaître  peu  à  peu  divers  mots, 
diverses  liaisons,  qu'un  long  usage  rend  faciles  à  sous-entendre, 
quoiqu'il  ne   fût  pas  toujours  facile  de  les  suppléer,  ni  même  de 


Bib  îiographie .  199 

les  deviner.  »  Ainsi  parle  l'abbé  d'Olivet  dans  ses  Remarques  sur 
Racine  (n»  xcvij).  L'abbé  O'Nolan  pourrait  prendre  cette  phrase 
pour  devise  à  son  étude  des  hibernismes.  Il  n'est  guère  de  tour  011 
il  ne  fasse  intervenir  l'ellipse  et  le  sous-entendu.  Il  introduit  çà 
et  là  les  mots  rud  «  la  chose  qui  (ou  que)  »  ou  na  daoine  «  les  gens 
qui  (ou  que)  »  poui-  rendre  compte  de  tours  qui  se  justifient  par- 
faitement sans  cela.  Dans  une  phrase  aussi  simple  que  is  lioinsa  an 
leahhar  san  (p.  5),  il  croit  devoir  expliquer  liomsa  comme  équiva- 
lant à  ;■//(/  liomsa  ;  comment  explique-t-il  donc  le  latin  est  mihi 
liber  ? 

Il  va  jusqu'à  consacrer  un  chapitre  spécial  à  deux  faits  d'ellipse, 
qui  lui  paraissent  sans  doute  particulièrement  caractérisés.  A  bien 
examiner  les  choses,  il  n'y  a  pas  d'ellipse  du  tout. 

Le  premier  cas  étudié  est  celui  où,  dans  deux  propositions  unies 
par  la  conjonction  agus  <■'  et  »,  le  verbe  de  la  seconde  prend  la 
forme  de  l'infinitif  au  lieu  d'être  muni,  comme  celui  de  la  première, 
de  désinences  personnelles  :  mima  bhrâgfair  an  ait  sin  agus glanadh 
as  mo  radharcgo  diair,...  «  si  tu  ne  quittes  pas  la  place  et  ne  disparais 
pas  de  ma  vue  au  plus  vite...  «  (mot  à  mot  «  et  disparaître...  »), 
Sêadua,  p.  76  ;  cad  nathaohh  nà  preabann  tu  làithreach  agus  i  do  lea- 
namhaiut  ?  «  pourquoi  ne  te  lèves-tu  pas  immédiatement  et  ne  la 
poursuis-tu  pas?  »  (m.  à  m,  «  et  elle  à  poursuivre  »),  Séadna, 
p.  164.  Il  s'agit  d'une  proposition  infinitive  qui  se  substitue  à 
une  proposition  à  mode  personnel.  Le  moyen-gallois  fournit  de 
nombreux  exemples  du  même  tour:  pan  bebillo  Lloegir  in  tir  Eihlin 
a  guneuthur  Dyganhiuy  dinas  degin  «  quand  les  Anglais  camperont 
dans  le  pays  d'Ethlin  et  qu'ils  feront  de  Deganwy  une  place  forte  » 
(m.  à  m.  «  et  faire...  »),  Black  Book  of  Cannarthen,  p.  28,  1,  14 
Evans  ;  pan  gyfodes  y  bobyl  a  chael  Lhnunslot  megys  yn  iiariv  «  quand 
le  peuple  se  souleva  et  trouva  Lancelot  comme  mort  »  (m.  à  m. 
«  et  trouver...  »)  Hengwrt  Manuscripts,  I,  p.  155.  Dans  les  phrases 
irlandaises  précitées,  l'abbé  O'Nolan  suppose  un  verbe  sous- 
entendu  au  début  de  la  seconde  proposition  :  muna  déanfair  «  si 
tu  ne  fais  pas...  »  ou  nà  deineann  ti'i  «  ne  fais-tu  pas...  ?  ».  C'est 
ainsi  que  nos  grammairiens  imaginent  des  sous-entendus  pour  ex- 
pliquer le  vieux  tour,  qu'emploie  encore  La  Fontaine  :  Ainsi  dit  le 
renard  ;  et  flatteurs  d'applaudir  (Fables,  VII,  i),  ou  Vautre  aussitôt 
de  s'excuser  (VII,  7).  Il  va  sans  dire  qu'il  n'y  a  rien  à  sous-entendre. 

Le  second  cas  d'ellipse  a  en  français  un  correspondant  plus  frap- 
pant encore.  On  sait  qu'en  français  la  conjonction  que  sert  de  subs- 
titut à  diverses  autres  conjonctions  (si,  quand,  comme  etc.)  dans  la 
seconde  de  deux   propositions  subordonnées  unies  par  la  conjonc- 


200  Bibliographie. 

tion  et  :  si  vous  le  rencontre\  et  quil  demande  où  je  suis  ;  ou  :  comme 
tout  le  bien  appartient  à  Dieu  et  que  rhomme  n^est  rien  de  lui-même... 
(Bossuet,  Sur  Vhonneur  du  monde,  3«  point);  ou  :  quand  vous  verrez 
Pauline  et  que  son  -désespoir  par  ses  pleurs  et  ses  cris  saura  vous  émou- 
voir {Polyencte,  V,  4).  L'irlandais  moderne  emploie  exactement  de 
même  la  conjonction  go  comme  substitut  de  ma  ou  de  dtx.  Ainsi  : 
ma  thagann  aon  chômhursa  isteach  agus go  suidhfidh  se  sa  chathaoir  «  si 
un  voisin  entre  et  qu'il  s'asseye  sur  la  chaise...  »  (Séadna,  p.  15)  ; 
déi  mbeadb  beirt  bhan  ag  troid  agus  go  bhfeicjidis  ag  leacht  i  «  si  deux 
femmes  étaient  à  se  quereller  et  qu'elles  la  vissent  venir...  »  (^Séad- 
na,  p.  82).  Là  non  plus,  il  n'y  a  rien  à  sous-entendre.  Pourtant, 
l'abbé  O'Nolan  propose  d'introduire  dans  ces  phrases  quelque  chose 
comme  le  français  «  s'il  arrive  j)  ou  «  s'il  arrivait  »  pour  justifier 
le  «  que  »  suivant.  C'est  une  addition  bien  inutile  et  qui  heurte 
l'exacte  interprétation  des  faits. 

Les  critiques  adressées  ici  à  l'abbé  O'Nolan  portent  seulement  sur 
l'interprétation  et  le  classement  de  certains  faits  ;  elles  ne  touchent 
pas  à  la  valeur  documentaire  de  son  livre,  qui  est  incontestable.  11 
dit  en  commençant  que  ce  livre  est  le  premier  où  la  syntaxe  de 
l'irlandais  moderne  ait  été  soumise  à  une  analyse  méthodique,  en 
vue  de  faire  connaître  les  finesses  de  la  langue,  et  d'en  faire  goûter 
la  beauté.  C'est  un  mérite  justifié  et  que  tous  ses  lecteurs  lui  recon- 
naîtront. Les  études  de  syntaxe  ont  ceci  d'attirant,  qu'elles 
touchent  à  la  psychologie  et  à  l'esthétique.  L'abbé  O'Nolan 
expose  les  siennes  sous  une  forme  qui  est  un  attrait  de  plus  ;  il 
pique  la  curiosité  et  invite  à  la  discussion.  Cela  explique  la  lon- 
gueur de  ce  compte  rendu,  où  pourtant  quelques-unes  seulement 
des  questions  qu'il  étudie  ont  été  indiquées. 

J.  Vendryes. 

VI 

Louis  Tréguiz.  V Irlande  dans  la  crise    universelle  (3   août   19 14- 
25  juillet  1917).  Paris.  Alcan,  1918.  vi-279  p.  8°.  é  fr. 

Le  3  août  19 14,  l'Irlande  "se  trouvait  à  la  veille  d'une  guerre 
civile.  La  situation  de  l'Irlande,  bien  faite  pour  causer  à  l'Angleterre 
de  graves  soucis,  était  une  de  ces  circonstances  favorables  dont 
l'État-major  prussien  attendait  une  issue  rapide  et  heureuse  des 
hostilités  qu'il  engageait.  D'après  les  prescriptions  des  meilleurs 
théoriciens  de  la  «  prochaine  guerre  »,  l'Allemagne,  pour  imposer 
par  la  force  son  hégémonie  à  ses  voisins,  devait  choisir  le  moment 


Bibliographie.  201 

où  elle  les  verrait  aux  prises  avec  des  difficultés  intérieures.  La 
guerre  alors  serait  courte,  à  condition  d'être  cruelle.  La  guerre  fut 
cruelle  en  eftet,  autant  que  des  Allemands  savent  la  faire.  Mais  elle 
ne  fut  pas  courte  ;  car  la  victoire  de  la  Marne  ruina  les  plans  des 
stratèges  de  Berlin.  S'il  est  faux  de  prétendre  qu'après  cette  victoire 
le  temps  travaillait  pour  les  alliés,  du  moins  est-il  vrai  que  grâce 
à  elle  les  alliés  en  gagnant  du  temps  purent  travailler  à  surmonter 
les  circonstances  qui  au  début  de  la  campagne  leur  créaient  un 
désavantage  si  redoutable.  Mais  il  fallut  quatre  ans  passés  d'efforts 
communs  pour  abattre  la  puissance  de  destruction  la  plus  formi- 
dable qui  ait  jamais  menacé  la  civilisation. 

Que  devint  l'Irlande  pendant  ces  quatre  ans  ?  Quelle  attitude 
prit-elle  devant  les  problèmes  mondiaux  qui  s'agitaient  et  quel  rôle 
joua-t-elledans  la  guerre  ?  C'est  un  pénible  sujet.  Ce  qui  s'est  passé 
en  Irlande  depuis  19 14  n'a  fait  qu'ajouter  des  épisodes  douloureux 
à  une  histoire  où  les  événements  douloureux  dominent.  On  y 
retrouve  cette  fatalité  qui  semble  peser  sur  l'Irlande  au  cours  des 
âges  et  qui  ferait  croire  à  l'influence  maligne  de  quelque  signe 
mystérieux  :  un  héroïsme  magnifique  resté  sans  récompense,  un 
mouvement  vers  l'idéal  piteusement  échoué  dans  le  sang,  de  respec- 
tables sentiments  qui  engendrent  la  guerre  civile,  des  passions 
généreuses  qui  inspirent  des  crimes. 

Dès  le  début,  l'Irlande,  où  les  vertus  militaires  sont  de  tradition, 
entra  dans  la  guerre  avec  une  belle  ardeur.  Les  engagements  n'y 
furent  pas  moins  nombreux  que  dans  les  autres  parties  de  l'empire 
britannique,  et  pour  la  valeur  les  troupes  irlandaises  ne  le  cédèrent 
à  aucune  autre.  L'Etat-major  anglais  les  employa  sans  compter  ; 
partout  où  elles  furent  employées,  elles  se  montrèrent  à  la  hauteur 
de  leur  tâche.  «  Bien  que  je  sois  Anglais,  écrivait  en  novembre  191 5 
le  général  W.  B.  Marshal,  je  dois  dire  que  les  soldats  irlandais  se 
sont  battus  magnifiquement.  »  Il  parlait  du  débarquement  aux 
Dardanelles,  où  les  Dublins  et  les  Munsters  firent  merveille.  Mais 
la  conduite  des  Iniskillings  et  des  Connaught  Rangers  en  Serbie 
et  en  Macédoine  ne  fut  pas  moins  magnifique.  Et  les  exploits  des 
troupes  irlandaises  sur  ces  lointains  théâtres  d'opérations  ne  sau- 
raient faire  oublier  ceux  qu'elles  accomplirent  dans  les  premiers 
mois  de  la  guerre  en  Belgique  et  en  France.  Ce  qui  en  augmente  le 
prix,  c'est  que  des  soldats  venus  de  tous  les  coins  de  l'Irlande  y 
participèrent.  Les  Unionistes  d'Ulster,  qui  avaient  depuis  longtemps 
une  armée  toute  prête,  l'avaient  mise  à  la  disposition  du  War 
Office.  Les  Nationalistes,  par  la  bouche  de  leur  chef  John  Red- 
mond, proclamèrent  le  3  août  19 14  leur  loyalisme  envers  l'empire 


202  Bibliographie. 

biitiinnique  et  se  déclarèrent  prêts  à  détendre  la  liberté  du  monde. 
Le  pacte  d'union  sacrée  fut  scellé  sur  les  champs  de  bataille.  Gens 
du  Pale  et  du  Kerry,  de  l'Ulster  et  du  Connaught  rivalisèrent  de 
courage  et  d'abnégation.  Une  grande  pensée  les  soutenait  tous. 
En  mettant  leur  vie  au  service  de  la  justice  et  du  droit,  ils  avaient 
la  conviction  que  ce  sacrifice  servirait  la  cause  de  leur  propre 
patrie. 

On  pouvait  croire,  en  effet,  qu'un  des  premiers  résultats  de  la 
guerre  mondiale  serait  d'assurer  à  l'Irlande  la  paix  dans  'la  liberté, 
lamais  les  circonstances  n'avaient  paru  plus  favorables  à  un  règle- 
ment définitif  de  l'irritante  question  irlandaise.  Le  Home  Rule  Act, 
voté  par  le  Parlement  le  25  mai  1914  et  promulgué  le  18  septembre 
suivant,  était  inscrit  au  Statute  Book  sous  cette  seule  réserve  que 
l'application  en  était  d'abord  remise  à  un  an.  La  politique  nationa- 
liste était  donc  sur  le  point  de  triompher.  En  apparence,  une  ère 
nouvelle  s'annonçait  pour  l'Irlande  sous  l'égide  de  John  Redmond, 
et  celui-ci  allait  voir  récompenser  les  efforts  de  toute  sa  vie.  Cela 
n'était  qu'une  trompeuse  apparence.  11  était  prouvé  une  fois  de  plus 
qu'une  politique  de  conciliation  est  impossible  en  Irlande.  Red- 
mond était  dépassé  et  repoussé  par  le  Sinn  Fein,  comme  Grattan 
l'avait  été  par  les  Irlandais-Unis  en  1798,  O'  Connell  par  la  Jeune- 
Irlande  en  1847  et  Parnell  parles  Invincibles  en  1882.  Et  lui-même 
devait  mourir  en  191 8,  l'âme  ulcérée  de  chagrin,  devant  l'effondre- 
ment de  ses  espérances.  Jamais  revers  ne  fut  plus  soudain  ni  plus 
cruel.  En  quelques  mois  le  parti  nationaliste  se  trouva  balayé, 
presque  annihilé. 

L'histoire  de  l'Irlande  pendant  les  années  de  guerre,  c'est  l'his- 
toire de  la  faillite  du  parti  nationaliste.  A  vrai  dire,  plusieurs  sym- 
ptômes annonçaient  cette  faillite  prochaine  au  moment  même  où 
le  succès  semblait  s'affirmer.  Lorsque  M.  Asquith,  le  25  septembre 
1914,  fut  honoré  d'une  réception  officielle  au  Mansion  House  de 
Dublin  en  qualité  de  Premier  ministre,  aussi  bien  les  Carsonites 
que  les  Sinn  Feiners  et  les  Larkinites  refusèrent  de  s'y  associer. 
Ces  trois  partis  extrêmes,  réduits  à  deux  par  suite  de  la  coalition 
électorale  des  derniers,  ne  devaient  pas  tarder,  en  dressant  leurs 
forces  l'un  contre  l'autre,  à  écraser  entre  eux  le  bloc,  qui  semblait 
si  compact,  des  Redmondites.  Ils  reçurent  un  encouragement  pré- 
cieux de  ce  que  M.  Lloyd  George  lui-même,  dans  la  séance  du 
18  octobre  19 16  aux  Communes,  a  appelé  «  les  incroyables  stupidi- 
tés »  du  War  Office,  et  aussi  des  non  moins  incroyables  mala- 
dresses du  gouvernement  de  Dublin  Castle.  Mais  de  leur  côté  ils 
mirent  tout  en  oeuvre  pour  rendre  d'avance  l'application  du  Home 


Bibliographie.  20^ 

Rule  impossible,  et  finalement  leur  intransigeance  rejeta  l'Irlande 
dans  la  situation  inextricable  où  elle  se  débat  aujourd'hui. 

Le  War  Office  semblait  avoir  pris  à  tâche  de  décourager  les 
bonnes  volontés  de  l'Irlande  nationaliste,  il  répondit  par  des  vexa- 
tions, des  humiliations,  des  brimades,  aux  déclarations  de  loyalisme 
qui  lui  venaient  de  ce  côté.  Il  traita  en  parias,  en  suspects,  des 
hommes  qui  s'enrôlaient  volontairement  sous  les  couleurs  britan- 
niques pour  défendre  la  cause  des  alliés.  Il  refusa  à  John  Redmond 
d'étendre  à  l'Irlande  le  Territorial  Act  et  de  créer  des  camps  d'ins- 
truction oia  l'on  exercsrait  les  Volontaires.  En  septembre  19 14, 
M.  Asquith  avait  solennellement  promis  qu'on  réunirait  en  un 
corps  d'armée  irlandais  les  régiments  et  les  divisions  recrutés  en 
Irlande  ;  le  War  Office  refusa  de  tenir  cette  promesse.  Il  interdit  à 
la  16'  division,  recrutée  dans  le  sud  de  l'Irlande,  le  port  d'insignes 
spéciaux  qu'il  accordait  à  la  division  d'Ulster  aussi  bien  qu'à  la 
division  de  Galles.  Bien  mieux,  il  interdit  la  remise  à  cette  même 
lô'^  division  de  drapeaux  qu'avait  brodés  pour  elle  un  comité  de 
dames  irlandaises.  Il  affecta  de  donner  aux  soldats  catholiques  des 
officiers  protestants  ;  il  refusa  à  la  National  University  (catholique) 
la  préparation  militaire  des  aspirants  officiers,  qui  était  organisée 
dans  les  Royal  Universities  (protestantes)  de  Belfast  et  de  Dublin. 

Cette  altitude  du  War  Office  contribua  à  rejeter  dans  l'opposition 
les  éléments  irlandais  qui  se  montraient  disposés  à  un  accord  avec 
l'Angleterre.  Elle  favorisait  ainsi  les  desseins  de  Sir  Edward  Carson, 
qui  vovait  avec  dépit  la  question  irlandaise  près  d'être  résolue  par 
le  Home  Rule,  parce  qu'il  sentait  bien  que  toute  atteinte  à  l'Union 
ne  pouvait  qu'affaiblir  la  situation  privilégiée  que  les  Unionistes 
d'Ulster  occupaient  dans  la  politique  britannique.  N'avait-il  pas 
pris  soin  d'affirmer  publiquement  (le  4  septembre  19 14,  à  Ulster 
Hall)  que,  bien  loin  de  renoncer  à  ses  plans  de  guerre  civile,  il  en 
différait  seulement  l'exécution  jusqu'à  la  fin  de  la  guerre  étrangère  ? 
Cette  intransigeance  donnait  à  réfléchir  aux  nationalistes;  beaucoup 
se  prirent  à  redouter  que  leur  chef,  John  Redmond,  n'eût  conclu  un 
marché  de  dupe  ;  sans  qu'ils  le  désavouassent  encore  publiquement, 
la  confiance  qu'ils  avaient  en  lui  fut  ébranlée  ;  et  leur  enthousiasme 
pour  la  guerre  se  refroidit  rapidement.  Les  groupes  «  anti-enlisting  », 
qui  avaient  toujours  été  assez  actifs  dans  l'Ouest  de  l'île  furent 
fortifiés  dans  leur  action  par  la  politique  combinée  de  Sir  Edward 
Carson  et  de  Lord  Kitchener. 

D'autre  part  les  «  Volontaires  »,  dont  on  avait  refusé  les  services, 
s'exercèrent  en  dépit  du  War  Office,  mais  ce  ne  fut  pas  pour  com- 
battre «  en  faveur  de   l'Angleterre  ».   Portan     la  question  sur  le 


204  Bibliographie. 

terrain  politique,  leur  chef,  Eoin  Mac  Neill,  déclarait  que  l'Irlande 
ne  devait  pas  prendre  part  à  des  querelles  étrangères  sans  une 
décision  librement  prononcée  par  un  gouvernement  national. 
C'était  réveiller  dans  l'âme  irlandaise  le  désir  d'une  République 
indépendante.  Beaucoup  d'Irlandais  y  pensaient  toujours.  Fidèles  à 
la  maxime  «  England's  difficulty,  Ireland's  opportunity  »,  ils  sou- 
haitaient que  l'Irlande  profitât  des  circonstances  pour  secouer  une 
domination  qu'elle  n'avait  jamais  acceptée.  Comme  les  chances  de 
la  guerre  mondiale  paraissaient  indécises,  ils  nourrissaient  le 
secret  espoir  que  l'Angleterre  serait  battue  ou  même  faisaient 
ouvertement  des  vœu.K  pour  la  victoire  allemande.  L'Allemagne, 
qui  connaissait  ces  dispositions,  n'eut  garde  de  les  négliger  ;  mais 
on  sait  quel  genre  d'intérêt  elle  portait  aux  revendications  irlan- 
daises :  l'Irlande  n'était  pour  elle  qu'un  moyen  de  combat  contre 
l'Angleterre.  Néanmoins,  aveuglés  par  la  passion,  les  chefs  du 
Sinn  Fein  ne  s'avisèrent  pas  des  véritables  motifs  de  la  prétendue 
sympathie  allemande  ;  ils  allèrent  jusqu'à  mettre  leur  confiance 
dans  une  alliance  avec  l'Allemagne.  La  proclamation  républicaine 
de  Pâques  1916  célébrait  «  l'aide  des  vaillants  alliés  du  continent  ». 
Forts  de  cette  illusion,  les  plus  exaltés  préparaient  activement  un 
soulèvement  contre  l'Angleterre. 

Depuis  les  premiers  mois  de  19 16,  l'agitation  allait  croissant  en 
Irlande.  Mais  le  gouvernement  anglais  conservait  son  optimisme. 
Le  chief-secretary  Birrell  laissait  faire,  en  homme  qui  ne  doutait 
pas  que  l'Angleterre  aurait  toujours  et  aisément  le  dernier  mot.  Il 
vivait  dans  une  atmosphère  de  sérénité  imperturbable  ou  d'aveugle- 
ment obstiné  ;  il  en  fut  brusquement  tiré  par  la  Rébellion  de 
Pâques  191e.  Quand  on  considère  les  circonstances  qui  la  prépa- 
rèrent, la  disposition  des  lieux  où  elle  éclata  et  la  personnalité  de 
ceux  qui  la  dirigèrent,  on  est  stupéfait  de  penser  que,  n'ayant  pas 
su  la  prévenir,  les  autorités  anglaises  n'aient  pas  du  moins  tout 
employé  pour  la  rendre  inofiensive.  Si  la  Rébellion  a  été  ce  qu'elle 
fut  et  ce  qu'elle  restera  dans  le  souvenir  du  peuple  irlandais,  la 
responsabilité  en  est  à  ceux  qui,  par  une  répression  disproportion- 
née, transformèrent  en  une  manière  de  révolution  ce  qui  pouvait 
n'être  qu'une  manifestation  sans  conséquence.  En  dehors  du  socia- 
liste Connolly,  esprit  pondéré  et  qui  ne  devait  pas  avoir  d'illusion 
sur  les  chances  de  succès,  et  en  dehors  du  vieux  révolutionnaire 
visionnaire  Clarke,  les  chefs  du  mouvement  n'étaient  guère  que 
des  jeunes  gens,  presque  des  enfants,  groupés  autour  d'un  maître 
d'école  de  34  ans  nommé  Patrick  Pearse.  Patriotes  fanatiques  et 
chrétiens  mystiques,  dont  la  foi  s'exaltait  au  souvenir  de  la  Rébel- 


Bibliographie.      ■  205 

lion  de  1798,  ils  voulurent  faire  un  coup  d'éclat  pour  sauver  l'âme 
de  l'Irlande.  Le  lundi  de  Pâques  191e,  ils  s'emparèrent  du  Post 
Office  de  Dublin  et  y  proclamèrent  la  République,  cependant  que 
des  Volontaires  occupaient  quelques  bâtiments  voisins. 

Il  arrive  quelquefois  en  France  que  des  lycéens  impatients  de 
l'internat  ou  des  étudiants  mécontents  de  leurs  maîtres  s'enferment 
dans  une  salle  d'études  et  déclarent  la  guerre  à  l'autorité.  L'autorité 
pourrait  répondre  par  le  canon  et  la  mitrailleuse.  Elle  se  contente 
généralement  de  s'armer  de  patience  ;  au  pis  aller,  une  pompe  à 
incendie  calme  les  plus  exaltés  :  il  n'est  rien  de  moins  imposant 
que  des  conjurés  qui  ruissellent.  A  Paris,  en  plusieurs  circonstances, 
des  soulèvements  qui  eussent  pu  devenir  graves  ont  été  ainsi  étouf- 
fés. Le  Post  Office  de  Dublin  pouvait  n'être  qu'un  Fort  Chabrol  ;  le 
\Yâr  Office  en  fit  un  Mur  des  fédérés.  Il  fallut  deux  jours  aux  auto- 
rités anglaises  pour  se  remettre  de  leur  surprise  ;  mais  alors  elles 
s'affirmèrent  par  un  déploiement  inouï  de  force  militaire.  Un  vais- 
seau de  guerre,  ancré  dans  le  port,  bombarda  pendant  cinq  jours 
et  détruisit  le  plus  beau  quartier  de  Dublin,  tandis  qu'à  terre  l'ar- 
tillerie faisait  rage  et  qu'un  cordon  de  troupes  entourant  la  ville 
fusillait  sans  pitié  les  passants.  Une  répression  aussi  brutale  causa 
naturellement  beaucoup  de  victimes  innocentes. 

Des  observateurs  renseignés  affirment  qu'avant  la  «  semaine  san- 
glante »  le  nombre  des  Sinn  Feiners  était  insignifiant  à  Dublin. 
C'est  bien  possible.  Ce  qui  est  sûr,  c'est  que  la  semaine  d'après 
une  majorité  énorme  était  acquise  au  Sinn  Fein.  Les  Anglais 
s'étaient  chargés  de  la  meilleure  propagande  en  faveur  de  leurs 
adversaires;  ils  leur  avaient  accordé  ce  qu'ils  pouvaient  souhaiter 
de  meilleur  pour  sanctifier  leur  cause  :  des  martvrs  à  venaer  et  à 
honorer.  Une  fois  de  plus,  le  sang  des  victimes  avait  fécondé  le 
sol  et  fait  germer  la  foi.  Pearse  et  ses  compagnons  étaient  morts 
avec  un  courage  admirable  :  ils  devinrent  des  héros  nationaux 
comme  Wolfe  Tone  (1798)  ou  Robert  Emmet  (1804),  comme  les 
«  trois  martyrs  de  Manchester  »  dont  on  commémore  toujours 
l'exécution  depuis  le  23  novembre  1867.  La  Rébellion  de  Pâques 
1916  provoqua  dans  toute  l'Irlande  une  émotion  qui  n'est  pas  près 
de  s'éteindre.  On  le  vit  bien  dans  les  mois  suivants  lorsque  le  gou- 
vernement anglais,  affectant  de  meilleures  dispositions  à  l'égard  de 
l'île  sœur,  essaya  de  la  ramener  à  lui  par  une  politique  de  conci- 
liation. 

Deux  tentatives  furent  faites,  à  un  an  d'intervalle  :  le  Georgian 
Settlement  et  la  Convention.  Dans  l'été  même  qui  suivit  la  Rébel- 
lion, le  ministère  Asquith,  sentant  que  la  répression  n'avait  causé 

Revue  Celtique,  XXXVIII.  14 


2oé  Bibliographie. 

que  des  maux,  voulutles  réparer  en  réglant  définitivement  la  ques- 
tion irlandaise.  M.  Lloyd  George  fut  chargé  d'établir  un  projet  ;  il 
y  travailla  pendant  deux  mois  (juin-juillet  1916),  qui  furent  sur- 
tout employés  à  des  conférences  avec  les  principaux  hommes  poli- 
tiques d'Angleterre  et  d'Irlande.  L'idée  fondamentale  du  projet 
était  heureuse  :  c'était  de  placer  le  règlement  de  la  question  entre 
les  mains  des  Dominions,  de  faire  de  la  question  irlandaise  une 
question  d'Empire.  En  attendant,  le  Home  Rule  entrerait  en 
vigueur.  Le  ministère  anglais  semblait  croire  que  le  retard  apporté  à 
l'application  du  Home  Rule  était  la  principale  cause  du  méconten- 
tement irlandais.  Il  y  en  avait  d'autres,  beaucoup  plus  graves;  et 
le  mécontentement  —  pour  ne  pas  dire  plus  —  était  bien  plus 
profond  qu'on  n'imaginait.  On  put  dès  lors  se  rendre  compte  que 
le  Home  Rule,  avec  ou  sans  appel  aux  Dominions,  était  un  remède 
insuffisant  à  guérir  la  crise  irlandaise.  En  vain,  John  Redmond 
essaya  de  soutenir  le  ministère  anglais  :  son  parti  ne  le  suivit  pas. 
Au  Parlement,  le  Georgian  Settlement  ne  fut  même  pas  discuté; 
il  rencontra  tellement  d'oppositions  qu'on  dut  retirer  le  projet. 

La  Convention,  qui  se  tint  en  Irlande  du  25  juillet  1917  au 
5  avril  19 18,  marque  un  suprême  effort  pour  établir  dans  l'île  un 
régime  stable  sur  la  base  du  self-s;overnment.  Et  c'était  à  des  Irlan- 
dais  qu'on  confiait  le  soin  de  préparer  un  projet  ;  ils  échouèrent. 
Les  causes  de  cet  échec  furent  discutées  de  façon  variée  par  les 
divers  partis  ;  on  les  chercha  souvent  où  elles  n'étaient  pas  et  on 
ne  les  vit  pas  toujours  où  elles  étaient.  Il  n'y  a  pas  à  suspecter  la 
bonne  volonté  de  ceux  qui  prirent  part  à  la  Convention  et  surtout 
de  ceux  qui  la  dirigèrent,  au  premier  rang  desquels  était  Sir  Horace 
Plunkett.  Tous  étaient  animés  d'un  même  désir  d'aboutir  à  un 
accord  qui  satisfît  les  intérêts  en  présence;  leur  loyauté,  leur  cou- 
rage civique,  leur  patriotisme  étaient  indiscutables.  Il  y  eut  contre 
la  Convention  des  circonstances  défavorables.  La  méthode  adoptée 
pour  le  travail  prolongea  la  session  outre  mesure  et  fit  traîner  sur 
des  questions  de  détail  des  délibérations  qui  auraient  dû  être 
promptes  et  s'en  tenir  aux  généralités;  on  chercha  trop  à  obtenir 
l'accord  sur  des  points  secondaires,  autour  desquels  la  discussion 
s'éternisa  sans  profit.  Il  y  eut  à  l'extérieur  des  incidents  malheu- 
reux, comme  la  mort  du  Sinn  Peiner  Thomas  Ashe  le  25  septembre 
dans  la  prison  de  Mountjoy  à  la  suite  d'une  grève  de  la  faim  ;  cette 
mort  augmenta  la  haine  contre  le  régime  politique  auquel  l'île 
était  soumise.  Il  y  eut  surtout  l'annonce  du  projet  de  conscription, 
qui  révéla  les  véritables  raisons  de  la  bienveillance  anglaise,  exas- 
péra les  patriotes  irlandais  et  valut  au  Sinn  Fein  une  énorme  accrois- 


Bihliog  raphie .  207 

sèment  de  popularité.  Mais  la  cause  essentielle  de  l'échec  de  la 
Convention  est  qu'elle  fut  en  butte  à  l'hostilité  des  deux  partis 
extrêmes  entre  lesquels  se  partageaient  les  esprits,  les  Unionistes 
de  rUlster  et  les  Sinn  Feiners.  Ces  derniers  avaient  refusé  d'y 
prendre  part,  déclarant  ne  pouvoir  souscrire  à  des  propositions  qui 
n'émaneraient  pas  de  représentants  élus  du  peuple  irlandais.  Les 
premiers  y  avaient  envoyé  des  délégués,  mais  sans  leur  conférer 
aucun  pouvoir  et  plus  à  titre  d'informateurs  que  de  collaborateurs 
effectifs  ;  ils  se  réservaient  même  de  désavouer  les  concessions 
auxquelles  ces  délégués  auraient  pu  souscrire.  Dans  ces  conditions, 
la  Convention  ne  pouvait  pas  aboutir.  Le  nombre  de  ses  partisans 
diminuait  de  jour  en  jour  ;  à  la  fin,  elle  n'intéressait  plus  personne  ; 
elle  succomba  dans  l'indifférence  générale. 

Ce  fut  aussi  la  fin  du  parti  nationaliste,  comme  le  prouvèrent 
les  élections  de  décembre  1918.  Mais  le  livre  de  M.  Tréguiz  ne  va 
pas  jusque  là;  même  les  derniers  événements  rappelés  dans  le 
résumé  qui  précède  dépassent  la  limite  qu'il  s'est  fixée  On  doit 
souhaiter  qu'il  poursuive  son  œuvre,  car  les  événements  d'Irlande 
n'ont  pas  cessé  dans  les  années  suivantes  de  présenter  un  vif  intérêt 
et  on  trouvera  difficilement  pour. les  exposer  un  historien  plus 
compétent  que  lui.  Il  est  documenté  de  façon  remarquable.  Par 
un  dépouillement  méthodique  et  régulier  de  la  presse,  il  s'est 
acquis  une  connaissance  approfondie  de  l'histoire  d'Irlande  pendant 
la  guerre,  et  il  en  a  déo-agé  habilement  les  traits  généraux.  Il  a 
tâché  d'être  impartial,  sans  dissimuler  ses  préférences  pour  une 
solution  qui  satisfasse  les  aspirations  nationales  du  pays.  C'est  un 
ami  de  l'Irlande  :  la  raison  en  est  sans  doute  'qu'il  la  connaît  bien. 
Il  est  peu  de  pays  en  efïet  qui  attirent  d'avantage  la  sympathie, 
où  l'âme  des  gens  mêlée  à  celle  des  choses  s'ouvre  avec  plus  de 
séduction  aux  regards  de  l'étranger.  Les  malheurs  de  l'Irlande 
depuis  tant  de  siècles  n'ont  fait  qu'augmenter  ses  charmes.  M.  Tré- 
guiz y  a  été  sensible,  comme  déjà  plus  d'un  Français  avant  lui.  Cela 
explique,  sans  le  justifier  tout  à  fait,  qu'il  passe  un  peu  légèrement 
sur  certaines  défaillances.  Son  livre,  comme  on  pouvait  s'y  attendre, 
a  été  très  lu  en  Irlande  :  il  y  a  obtenu  un  succès  qui  fait  son  éloge. 
Une  remarque  toutefois  s'impose.  La  plupart  de  ses  lecteurs  se 
sont  réjouis  de  penser  qu'en  M.  Tréguiz,  dont  le  nom  était  nouveau 
pour  eux,  se  révélait  un  Français  de  plus,  instruit  des  choses 
d'Irlande  et  capable  d'en  parler  brillamment.  Il  faut  les  détromper. 
Le  nom  de  Tréguiz  n'est  qu'un  nom  d'emprunt,  cachant  un  publi- 
ciste  et  conférencier  qui  n'en  est  pas  à  ses  débuts  en  matière  cel- 
tique. 

J.  Vendryes. 


2o8  Bibliographie. 


VII 

W,  J.  Gruffydd.  Blodeughvm  o  Englynion.  Cyfres  y  Werin,  Rhif  I 
(^Bouquet  iVEuglyns.  Série  populaire,  n°  i).  Abertawe  [Swansea], 
Morgan  and  Higgs.  Sans  date  (paru  en  1920).  xxii-75  p.  16°. 

Ce  petit  livre  inaugure  une  série  populaire  éditée  par  MM.  Ifor 
L.  Evans  et  Henry  Lewis.  C'est  un  bon  début.  M.  \V.  J.  Gruffydd, 
professeur  érudit  et  délicat  poète,  était  sûr  de  faire  oeuvre  populaire 
en  réunissant  comme  il  l'a  fait  un  bouquet  de  283  englyns  choisis 
parmi  les  meilleurs  que  la  poésie  galloise  de  tous  les  temps  ait  pro- 
duits. A  vrai  dire,  c'est  surtout  aux  poètes  modernes  qu'il  a 
emprunté  des  modèles,  à  ceux  des  xviii'^  et  xix«  siècles.  L'œuvre 
n'en  est  pas  moins  utile,  car  l'abondance  de  la  matière  rendait  le 
choix  difficile. 

On  sait  que  la  versification  galloise  comprend  des  «  mètres  libres  » 
(jnesurau  rhyddioii)  et  des  «  mètres  stricts  »  ou  plus  exactement 
«  asservis  »  {inesurau  caeihion).  Les  mètres  stricts,  les  seuls  qui 
fassent  l'objet  de  l'enseignement  des  métriciens  nationaux,  depuis 
le  xv«  siècle  (v.  J.  Loth,  Métrique  galloise,  I,  p.  xij),  sont  au  nombre 
de  vingt-quatre  et  se  ramènent  à  trois  genres,  Vaivdl,  le  cyiuydd  et 
Veiiglyii  ;  il  y  en  a  douze  pour  le  genre  awdl,  quatre  pour  le  genre 
cywydd  et  huit  pour  le  genre  englyn  (J.  Loth,  op.  cit.,  I,  63  et 
suiv.,  et  J.  Morris-Jones,  Z.  f.  Celt.  Phil.,  IV,  114).  L'awdl  est 
un  poème  formé  de  strophes,  correspondant  à  peu  près  à  notre 
ode  ;  le  cywydd,  c'est  notre  discours  en  vers,  et  le  plus  souvent  en 
vers  d'égale  longueur  ;  enfin  l'englyn  ressemble  à  ce  que  les  Grecs 
appelaient  l'épigramme  :  c'est  une  petite  pièce  courte,  générale- 
ment descriptive,  où  le  poète  enferme  sa  pensée  en  un  cadre  étroit 
et  compliqué,  dont  les  différentes  pièces  sont  combinées  et  liées 
entre  elles  avec  beaucoup  d'art  ;  il  existe  d'ailleurs  de  longs  poèmes 
composés  d'une  suite  d'englyns  (v.  J.  Loth,  op.  cit.,  II,  200  et 
suiv.).  On  distingue  deux  espèces  principales  d'englyn,  l'englyn 
unodl  et  Venglyn  proest  (allitérant)  ;  et  chacune  de  ces  espèces  com- 
prend plusieurs  divisions.  Ainsi  l'englyn  unodl  peut  être  union  [ou 
uusaiii]  (droit  ou  de  même  son),  criucca  (inverse)  ou  cyrch  (com- 
portant une  sorte  d'enjambement).  Tout  les  englynion  contenus 
dans  le  recueil  de  M.  W.  J.  Gruffydd  sont  du  genre  unodl  union; 
c'est  en  effet  le  plus  répandu. 

Venglyn  unodl  union  se  compose  de  quatre  vers  dont  le  premier  a 
dix  syllabes,  le  second  six   et  les  deux  derniers  chacun  sept.  Les 


Bibliographie.  209 

deux  premiers  constituent  ce  que  l'on  nomme  la  tige  ou  le  fût 
(poladr)  ;  les  deux  derniers  sont  les  ailes  {esgyll).  Le  premier  vers 
a  généralement  une  coupe  après  la  cinquième  syllabe  ;  il  comprend 
deux  parties  d'inégale  longueur,  dont  la  dernière  qui  peut  avoir 
de  une  à  trois  svllabes  est  appelée  gair  cyrch  «  mot  d'attaque  »  ou 
toddaid  «  qui  fait  fondre,  qui  soude  ».  La  syllabe  finale  qui  précède 
le  gair  cyrch  rime  avec  la  syllabe  finale  des  trois  vers  qui  suivent; 
elle  indique  la  rime  de  l'englyn  entier  (v.  J.  Loth,  op.  cit.,  I,  72). 
En  outre,  à  l'intérieur  de  chacun  des  vers  règne  tyranniquement 
la  cynghanedd  «  concordance  des  sons  »  (allitération,  asso- 
nance, etc.).  Ainsi  le  début  du  gair  cyrch  allitère  avec  le  début  du 
second  vers,  à  moins  que  la  fin  n'en  rime  avec  un  des  premiers 
mots  du  second  vers.  Et  les  deux  derniers  sont  d'autant  mieux 
réussis  qu'ils  reproduisent  chacun  dans  leurs  hémistiches  respectifs 
les  mêmes  suites  de  consonnes.  C'est  d'un  art  très  raffiné,  que  cer- 
tains poètes  gallois  ont  poussé  de  nos  jours  à  la  perfection.  On  peut 
citer  comme  modèle  l'englyn  qui  emporta  le  prix  à  l'Eisteddfod 
nationale  de  1906  et  qui  est  du  bon  poète  Eifion  Wyn,  plusieurs 
fois  lauréat  du  prix  de  l'englyn  ;  il  figure  sous  le  n°  99  dans  le 
recueil  de  M.  W.  J.  Gruffydd.  Titre  :  Blodaur  Grug  «  Bruyère  en 
fleurs  ». 

Thvs  eu  hu,  luaws  tawel,  —  gemau  teg  i 
Giuniwd  haul  ac  awel  ; 
Crog  glychaii'r  creigle  uchel, 
Ffltir  y  main,  ffiolau'r  tnél. 
«  Jolie  pousse,  masse  sereine  —  beaux  joyaux 
du  rovaume  du  soleil  et  de  l'air  ; 
clochettes  pendantes  des  hauts  rochers, 
duvet  des  pierres,  flacons  de  miel.  » 

Ou  encore  le  suivant,  qui  forme  le  numéro  255  du  recueil.  C'est 
l'épitaphe  composée  pour  lui-même  par  le  poète  Robin  Ddu  o  Fei- 
rion,  enterré  à  Trawsfynydd  : 

Gicael  wyf  Jî,  0  geilw  tieb  — Ji  adref. 

Ni  fedraf  ei  hateb  : 

Mae  du  oer  lom  daear  wleb 

Trawsfynydd  tros  fy  uyneb. 

«  Infortuné  que  je  suis,  si  quelqu'un  m'appelle  —  à  la  maison. 

Je  ne  pourrai  lui  répondre  ; 

la  terre  noire,  froide,  nue  et  humide 

de  Trawsfynydd  pèse  sur  ma  face.  » 

I.  L'usag3  est  de  séparer  le  gair  cvrch  du  reste  du  vers  en  mettant  un 
tiret  devant. 


210  Bibliographie. 

Ou  celui-ci  enfin,   dans  lequel  Trebor  Mai,  voulant   définir  le 
«  perfect  englyn  »,  a  joint  l'exemple  au  précepte  : 

Corph  Uimiaidà,  addas,  urddasol  —  hylaw, 

pob  nelod  yn  inwl, 
corph  cyfan,  heh  ran  ar  ol, 

ag  enaid  yn  ei  ganol. 

«  Corps  bien  fait  et  bien  pris,  plein  de  noblesse  et  —  d'aisance, 
dont  chaque  membre  concourt  à  l'unité  ; 
corps  complet,  auquel  rien  né  manque, 
avec  une  âme  en  son  milieu.  » 

Les  règles  de  l'englyn  unodl  union  sont  clairement  exposées  par 
M.  W.  J.  Grufi:"ydd  dans  la  préface  qu'il  a  jointe  à  son  recueil.  Il  y 
a  résumé  aussi  les  idées  de  Sir  John  Rhys  sur  l'origine  de  l'englyn. 
L'illustre  celtiste  a  consacré  en  effet  un  volume  du  Cymmrodor 
(t.  XVIII,  1905  ;  cf.  R.  Celi.,  XXVL  177)  à  chercher  le  point  de 
départ  de  l'englvn  gallois  dans  la  versification  latine  des  bas-temps 
et  notamment  dans  la  forme  prise  à  cette  époque  par  le  distique 
élégiaque  classique.  Question  controversée  sur  laquelle  ce  n'est 
pas  le  lieu  d'exprimer  un  avis.  Le  fait  est  qu'on  trouve  desenglyns 
dès  le  début  de  la  poésie  galloise.  Il  y  en  a  dans  le  Black  Book  of 
Carmarthen,  notamment  les  fameux  «  englyns  des  tombes  »,  p.  32- 
35  de  l'éd.  Evans  (cf.  J.  Rhys,  op.  cit.,  p.  125,  127  et  107);  le 
Mabinogi  en  contient  plusieurs  (Math  fab  Mathonwy,  R.  B.,  I,  78, 
28  et  79,  3  et  7,  cf.  Loth,  Mahiiiogiou,  2"  éd.,  I,  p.  400;  Branwen 
ferch  Llyr,  R.  B.,  I,  58,  22,  cf.  Loth,  ihid.,  p.  142),  et  il  y  en  a 
un  dans  le  récit  de  Kulhwch  et  Olwen  {R.  B.,  I,  153,  26). 
L'englyn  est  resté  en  honneur  à  toutes  les  époques  de  l'histoire  de 
la  littérature  galloise.  Il  y  a  dans  le  recueil  des  Gogynfeirdd  des 
poèmes  entiers  en  englyns.  Dafydd  ab  Gwilym  en  a  composé  de 
fort  jolis,  ainsi  que  William  Llyn  au  xvi*^  siècle.  Mais  jamais  l'en- 
glyn n'a  sans  doute  été  autant  cultivé  que  depuis  la  Renaissance 
galloise  du  wiii^  siècle.  Sans  parler  de  Goronwy  Owen  (1722- 
1769),  qui  en  a  laissé  un  bon  nombre,  des  poètes  comme  Twm 
O'r  Nant  (1739-1810),  Dafydd  lonawr  (1751-1827),  Dafydd  Ddu 
Eryri  (1760-1822),  Gwallter  Mechain  (1761-1849),  Robert  ab 
Gwilym  Dda  (1767-1850),  Défi  Wynn  o  Eifion  (1784-1841),  etc., 
ont  été  de  véritables  maîtres  en  ce  genre.  Ils  se  disputaient  dans 
les  concours  la  gloire  d'improviser  le  meilleur  englyn.  C'est  ainsi 
qu'à  l'eistcddfod  de  Corwen  en  1789  le  jeune  Gwallter  Mechain 
enleva  le  prix  d'englyn  à  Twm  o'r  Nant,  un  vétéran  du  succès.  Ces 


Bibliographie.  21 1 

poètes  occupaient  souvent  dans  la  société  un  rang  assez  modeste  ; 
c'étaient  des  cultivateurs  comme  Robert  ab  Gwilym  Ddu  (Robert 
Williams)  ou  Défi  Wynn  o  Eifion  (David  Owen),  des  journaliers 
comme  T\vm  o'r  Nant  (Thomas  Edwards),  des  maîtres  d'école 
comme  Dafydd  lonawr  (David  Richards)  ou  Dafydd  Ddu  ErjTÏ 
(David  Thomas),  à  côté  de  pasteurs  comme  Gwallter  Mechain 
(Walter  Davies).  La  Muse  galloise  a  conservé  au  xix«  siècle  ce 
caractère  démocratique  ;  parmi  les  meilleurs  auteurs  d'englyns  on 
compte,  outre  des  ecclésiastiques  comme  Caledfryn  (William  Wil- 
liams 1804-1869),  Gwilym  Hiraethog  (William  Rees  1802-1883) 
ou  Emrys  (William  Ambrose  181 3-1873),  des  maîtres  d'école 
comme  Eben  Fardd(Ebenezer  Thomas  1802-1863),  '^^^  imprimeurs 
comme  Cawrdaf  (William  Ellis  Jones  1795-1848),  des  carriers 
comme  Glan  Padarn  (Thomas  D.Thomas  1848-1888),  des  tailleurs 
comme  Trebor  Mai  (Robert  Williams  1 830-1877),  lequel  passait 
en  son  temps  pour  le  meilleur  faiseur  d'englyns.  Aujourd'hui 
encore,  dans  les  eisteddfodau  annuelles,  les  concours  de  poésie  en 
mètres  stricts  et  particulièrement  les  concours  d'englyns  con- 
servent toute  la  faveur  des  poètes  et  du  public  {cf.  J.  Morris  Jones, 
Z.  f.  CelL  PbiL,  IV,  159).  \'oilà  pourquoi  le  petit  livre  de 
M.  \y.  J.  Gruftydd  aura  certainement  du  succès  dans  son  pays. 
Il  mérite  d'être  également  bien  accueilli  à  l'étranger,  car  il  fait 
connaître  un  des  genres  les  plus  caractéristiques  de  la  poésie  gal- 
loise. 

J.  Vendryes. 

VIII 

Ifor  Williams  et  Thomas  Roberts.  Cywyâdau  Dafydd  ah  Gwilym 
ai gyfoeswyr,  wedi  eu  gol3'gu  o'r  llawysgrifau,  gyda  rhagyma- 
drodd,  nodiadau  a  geirfa  («  Poèmes  de  Dafydd  ab  Gwilym  et 
de  ses  contemporains,  édités  d'après  les  manuscrits,  avec  intro- 
duction, notes  et  glossaire  »).  Bangor,  Evan  Thomas,  1914, 
c-285  p.,  ié°,  3  s. 

Dafydd  ab  Gwilym,  qui  florissait  selon  toute  apparence  entre 
1540  et  1380,  est  le  plus  grand  poète  gallois  du  Moyen  Age.  Il 
n'existe  pourtant  jusqu'ici  aucune  bonne  édition  de  ses  œuvres. 
Cette  lacune  a  de  quoi  étonner;  elle  paraît  moins  étrange  quand 
on  songe  aux  difficultés  de  l'entreprise.  Le  nombre  des  manuscrits 
du  poète  est  considérable  ;  beaucoup  ont  à  peine  été  collationnés 
ou  même  ne  sont  connus  que  depuis  peu  d'années.  Le  texte  varie 


212  Bibliographie. 

fortement  d'un  manuscrit  à  l'autre.  Il  y  a  un  grand  nombre  de 
pièces  dont  Tattribution  à  Dafydd  est  suspecte  ou  même  sûrement 
fausse.  Pour  décider  dans  ces  questions  de  date,  de  classement, 
d'authenticité,  il  faut  avoir  sur  la  vie  de  l'auteur  et  sur  les  mœurs 
de  son  temps,  sur  l'histoire  de  la  littérature,  de  la  langue  et  de  l'or- 
thographe, des  connaissances  précises  qui  font  défaut  à  beaucoup  de 
gens.  L'édition  princepsdu  poète,  qu'ont  publiée  Owain  Myfyr  Jones 
et  William  Owen  Pughe  en  1789,  laissait  beaucoup  à  désirer.  Elle 
n'a  guère  été  améliorée  par  les  rééditions  qu'en  ont  faites  au  xix^  siècle 
Cynddehv  et  Robert  Ellis.  Celle  de  Robert  Ellis  (Barddoiiiaetb 
Dafydd  ah  Gu'ilyiii,  Liverpool,  librairie  Foulkes,  1875)  marque  même 
à  certains  points  de  vue  le  contraire  d'un  progrès.  Malgré  ses  défauts, 
c'est  l'édition  princeps  qui  sert  de  base  à  toute  étude.  Quelques 
travaux  de  détail,  reposant  sur  des  collations  de  manuscrits,  ont 
permis  çà  et  là  d'en  corriger  plusieurs  mauvaises  leçons  ^  Mainte- 
nant que  la  National  Library  of  Wales  offre  au  public  ses  incom- 
parables ressources  en  manuscrits,  il  est  à  espérer  que  le  travail 
philologique  sur  Dafydd  ab  Gwilym,  aujourd'hui  encore  à  peine 
ébauché,  sera  entrepris  d'ensemble.  La  collection  Peniarth  renferme 
en  effet  des  manuscrits  du  poète,  qui  sont  parmi  les  plus  anciens  ; 
l'un  même  est  presque  contemporain  du  poète. 

L'édition  de  M.  Ifor  Williams  fait  preuve  de  bonnes  intentions. 
L'auteur  s'est  entouré  de  garanties  pour  établir  son  texte  ;  il  a 
collationné,  par  lui-même  et  par  d'autres,  nombre  de  manuscrits  ; 
il  a  cherché  à  élucider  quelques-unes  des  principales  questions 
que  posent  la  vie  et  l'activité  poétique  de  Dafydd.  Mais  que  d'inex- 
périence encore,  et  comme  nous  sommes  loin  de  la  maturité  ! 
L'exemple  de  la  philologie  classique,  où  la  méthode  d'établissement 
des  textes  est  depuis  longtemps  portée  à  sa  perfection,  pouvait  épar- 
gner aux  autres  philologies  la  période  ingrate  des  premiers  tâton- 
nements, ou  devait  tout  au  moins  la  raccourcir.  Avant  d'aborder 
les  textes  gallois  médiévaux,  il  conviendrait  de  s'exercer  à  la  cri- 
tique verbale  des  textes  grecs  et  latins  ;  ce  serait  un  entraînement 
excellent. 

Sur  la  collection  complète  des  œuvres  de  Dafydd,  qui  comprend 
262  poèmes,  M.    Ifor  Williams  en  a  choisi  64,  qu'il  publie  inté- 

I.  Comme  échantillon  de  ces  mauvaises  leçons,  on  peut  citer  celle  que 
rapporte  M.  Ifor  Williams,  p.  Ixxxij  :  a  solos  ym  Maaaleg  (n°  2,  v.  36)  au 
lieu  de  solas  :  le  mot  solas  (français  soûlas  «  plaisir,  distraction  »)  trans- 
formé en  solos  «  des  solos  à  chanter  »  !  L.  Chr.  Stern  lui-même  s'y  est 
laissé  prendre  (Z. /.  Celt.  PhiJ.,  VII,  15). 


Bibliographie.  213 

gralement.  Un  premier  regret  à  exprimer  est  qu'il  n'ait  pas  pris 
soin  d'établir  une  concordance  permettant  de  retrouver  immédia- 
tement les  poèmes  qu'il  publie  soit  dans  l'édition  princeps  soit 
dans  les  éditions  les  plus  en  usage,  comme  le  petit  recueil  du 
regretté  O.  M.  Edwards.  Cette  simple  précaution,  qui  ne  lui  coû- 
tait aucun  travail  supplémentaire,  eût  évité  à  ses  lecteurs  des 
recherches  et  une  perte  de  temps  inutiles. 

M.  Ifor  Williams  n'a  pas  donné  les  raisons  du  choix  qu'il  a  fait 
entre  les  poèmes  ni  de  l'ordre  011  il  a  placé  les  poèmes  qu'il  a  choi- 
sis. En  général,  son  choix  est  judicieux.  On  peut  toutetois  regret- 
ter l'absence  de  certaines  pièces  dont  la  tradition  a  consacré  la 
réputation  et  qui  sont  considérées  comme  caractéristiques  du  talent 
de  Dafydd  ;  ainsi  les  jolies  pièces  sur  le  poète  et  son  ombre 
(n°  171)5  qui  est  si  originale, 'ou  sur  la  fuite  au  petit  jour  (n°  97), 
qui  est  si  piquante,  ou  sur  la  cabane  démolie  (n°  140)  ou  sur  le 
coucou  (n°  70).  Celle-ci,  une  des  plus  fameuses,  est,  il  est  vrai, 
d'une  authenticité  douteuse.  Mais  M.  Ifor  Williams  prévient, 
p.  Ixxxiv,  qu'il  ne  garantit  pas  l'authenticité  de  toutes  les  pièces 
de  son  recueil  ;  il  aurait  pu  l'augmenter  avantageusement  d'une 
bonne  demi-douzaine  de  poèmes. 

L'Intro'duction  qu'il  a  placée  en  tète  est  importante  par  ses 
dimensions  et  témoigne  d'un  effort  méritoire.  Elle  a  pourtant  de 
graves  lacunes.  Aucune  donnée  sur  la  date  et  la  filiation  des 
manuscrits  !  Aucune  indication  sur  les  raisons  qui  ont  déterminé 
le  choix  entre  les  variantes  !  Le  plus  souvent  il  est  tort  malaisé  au 
lecteur  de  deviner  pourquoi  telle  leçon  du  texte  a  été  préférée  à 
celles  qui  sont  reproduites  au  bas  des  pages.  C'est  dans  l'introduc- 
tion qu'on  devait  être  renseigné  à  cet  égard.  Le  devoir  d'un  édi- 
teur est  de  faciliter  leur  tâche  à  ses  successeurs  en  les  éclairant  sur 
la  façon  dont  il  a  conçu  la  sienne.  Ainsi  la  matière  se  perfectionne 
à  chaque  génération  de  travailleurs.  Nul  ne  peut  avoir  la  préten- 
tion de  créer  à  lui  seul  toute  la  science;  un  bon  érudit  prend  sa 
besogne  au  point  où  l'ont  laissée  ses  devanciers.  On  constatera 
avec  plaisir  dans  la  partie  de  l'Introduction  consacrée  à  la  poétique 
de  Dafydd  que  M.  Ifor  Williams  a  tiré  bon  parti  de  travaux  fran- 
çais ;  il  cite  à  plusieurs  reprises  l'excellent  livre  de  M.  A.  Jeanroy 
sur  les  Origines  de  la  poésie  lyrique  en  France,  le  travail  de  M.  Faral 
sur  les  Sources  latines  des  contes  et  romans  courtois,  enfin  la  Métrique 
galloise  de  M.  Loth,  bien  qu'il  avoue  ingénument  p.  Ixxxv  ne  pas 
avoir  ce  dernier  livre  sous  la  main  ^  On  ne  peut  donc  lui  reprocher 

I.  La  même  ingénuité  se  révèle  dans  la  discussion  qui  remplit  les  pages 


214  Bibliooraphie. 

l'absence  de  bibliographie.  Pourtant,  sa  bibliographie  paraîtra 
incomplète  à  plus  d'un  lecteur.  Comment  n'a-t-il  pas  trouvé  le 
moyen  de  mentionner,  mcMiie  en  une  ligne,  la  belle  étude  de 
M.  Cowell  parue  dans  le  Cymmrodor  en  1878  (t.  II,  p.  loi  et  suiv.), 
ou  les  Snfoiuiu  Dafyâd  ah  Gwilym  qu'a  données  Anwyl  au  Geninen 
en  1907  ?  Comment  surtout  a-t-il  pu  ignorer  le  travail  fondamen- 
tal de  L.  Chr,  Stern,  qui  emplit  presque  un  cahier  entier  de  la 
Zeiischrift  fur  celtische  Philologie  (t.  \'U,  p.  1-265)  ^  Ce  dernier 
oubli  est  incompréhensible.  On  devrait  désespérer  de  tout  progrès 
en  philologie  si  pareille  méthode  de  travail  se  généralisait.  Le  tra- 
vail de  Stern  est  plus  et  mieux  qu'un  déblaiement  ;  c'est  la  base 
la  plus  solide  qui  ait  été  fournie  à  toute  étude  ultérieure  sur  la  vie 
et  les  œuvres  du  poète  gallois  ;  il  donne  même  sur  le  texte  nombre 
d'observations  critiques,  de  rapprochements  et  de  conjectures  dont 
M.  Ifor  Williams  aurait  pu  tirer  parti. 

Ces  réserves  faites,  il  y  a  beaucoup  à  louer  dans  le  travail  de 
M.  Ifor  Williams:  des  notes  abondantes  et  judicieuses  éclairent 
quelques-unes  des  difficultés  du  texte;  un  glossaire,  un  peu  trop 
court  seulement,  facilite  l'interprétation.  L'édition  est  complétée 
par  des  morceaux  empruntés  à  quatre  poètes  contemporains  de 
Dafydd  :  Gruftudd  ab  Adda,  Madog  Benfras,  Gruftudd  Gryg  (l'en- 
nemi personnel  de  Dafydd)  et  Llywelyn  Goch.  La  partie  de  l'in- 
troduction consacrée  à  ces  poètes  et  l'établissement  du  texte  de 
leurs  œuvres  sont  dus  à  M.  Thomas  Roberts.  Mais  Dafydd  ab 
Gwilym  les  éclipse  par  l'éclat  du  talent  :  c'est  sur  lui  que  se  con- 
centre l'intérêt  du  livre.  On  peut  ici  se  faire  une  bonne  idée  de 
ses  idées  morales  et  littéraires. 

Dafydd  ab  Gwilym  professait  la  morale  d'Epicure.  On  ne  dirait 
pas  qu'il  a  vécu  en  des  jours  troublés  et  sombres  où  la  guerre  déso- 
lait la  plus  grande  partie  du  monde  occidental,  où  ses  compa- 
triotes luttaient  dans  les  armées  anglaises  contre  la  France  et 
l'Ecosse.  II  a  vu  partir  la  troupe  d'archers  gallois  qui  devait  prendre 
une  part  décisive  à  la  sanglante  bataille  de  Crécy,  sous  Rhys 
Gwgan  ;  mais  ce  spectacle  ne  lui  inspire  que  le  souhait  de  la  mort 

Ixxj  et  suiv.  sur  l'origine  du  mot  cyivydd  «  poème  ».  L'auteur  enregistre 
le  rapprochement  établi,  dit-il,  par  K.  Meyer  du  gallois  cyiuydd  et  de  l'ir- 
landais r/z/'/ja/W/;  ;  mais  trouvant  dans  une  note  deM.  J.  Glyn  Davies  {Wehh 
Metrics,  p.  10)  que  Meyer  traduisait  cuhlmidh^Av  «  havingthe  same  stave  », 
il  ne  comprend  pas  cette  traduction  et  croit  à  une  erreur  de  M.  Davies  ou 
même  à  une  faute  d'impression  !  Il  pourra  s'éclairer  en  consultant  la  R(vue 
Celtique,  t.  XXXIII,  p.  384,  où  est  analysé  le  travail  de  M.  Loth  sur  Je  Sort 
et  l'écriture  che:^  les  anciens  Celtes  (Journal  des  Savants,  191 1,  p.  403). 


Bibliographie.  215 

d'un  rival,  qui  faisait  partie  de  la  troupe  (pièce  99).  Sa  maîtresse 
lui  ayant  reproché  sa  couardise,  il  répond  sur  un  ton  désinvolte 
(pièce  58)  :  les  gens  de  guerre  sont  brutaux  et  grossiers,  ne  rêvent 
que  lances,  épées  ou  flèches  ;  lui,  préfère  courtiser  les  jolies  filles. 
La  lâcheté  serait-elle  de  tradition  chez  les  lyriques  ?  Archiloque 
s'est  vanté  d'avoir  fui  dans  la  guerre  des  Thasiens  contre  les 
Saïens  de  Thrace  (fgt  6)  et  Alcée  dans  celle  des  Lesbiens  de  Myti- 
lènc  contre  les  Athéniens  (Hérodote,  V,  95)  ;  Anacréon  proclame 
son  peu  de  courage  (fgt  28-29)  ^^  Horace  rappelle  l'abandon  de 
son  bouclier  sur  le  champ  de  bataille  de  Philippes  (Odes,  II,  vu, 
10).  Dafydd  ab  Gwilym  avait  des  ancêtres  dans  l'antiquité  clas- 
sique. Dans  son  propre  pays,  il  est  l'ancêtre  des  «  consciencious 
objectors  »  ;  mais  il  a  sur  ceux-ci  cette  supériorité  qu'il  avoue 
franchement  sa  lâcheté,  sans  essayer  de  la  couvrir  de  motifs  hono- 
rables. Ce  caractère  n'était  pas  fort  ancien  dans  la  poésie  galloise. 
Les  vieux  bardes,  qui  accompagnaient  les  armées  en  campagne, 
chantaient  surtout  l'ardeur  au  combat,  l'amour  de  la  lutte  et  du 
butin.  Mais  depuis  1282  la  liberté  galloise  était  morte:  Llywelyn 
fut  le  dernier  souverain  indépendant  du  pays'.  La  poésie,  qui  avait 
jusque  là  fréquemment  traduit  les  aspirations  nationales,  se  fit  cour- 
toise, savante  et  amoureuse. 

Chez  Dafydd,  elle  est  surtout  amoureuse.  C'est  l'amour  qui  fait 
le  principal,  on  pourrait  dire  l'unique  objet  de  ses  chants.  Rares  sont 
les  descriptions  où  il  ne  décrit  que  pour  décrire  ;  généralement,  la 
description  sert  de  cadre  à  une  aventure  galante.  Ainsi,  le  ton- 
nerre (n°  44),  le  nuage  (n°  59),  les  étoiles  (n°  208)  sont  rattachés 
par  le  poète  à  des  incidents  de  sa  carrière  de  séducteur  ;  la  lune  lui 
sert  de  guide  pour  se  rendre  auprès  de  son  amie  (n°  51)  ; 
le  vent  porte  à  celle-ci  les  vœux  de  l'amant  qui  soupire 
(n°  69).  Il  y  a  toute  une  faune  dans  la  poésie  de  Dafvdd  ;  mais 
les  animaux,  les  oiseaux,  les  poissons  même,  lui  servent  de 
messagers  d'amour  (ainsi  le  chevreuil,  n"  16,  le  cygne,  n"  190,  le 
saumon,  n"  75, ■  la  truite,  n°  206)  ;  la  pie  lui  donne  des  conseils 
(n°  198),  et  le  rossignol  des  consolations  (n°  114).  Il  a  décrit  les 
phénomènes  naturels  avec  une  richesse,  une  précision  incompa- 
rables ;  il  a  donné  de  la  campagne  et  des  bois  certaines  impressions 
qui  révèlent  un  sentiment  exquis  de  la  nature  (n°  87,  n°  11 6, 
n°  258,  etc.).  Mais  c'est  l'amour  qui  les  occasionne  ;  les  buissons 
de  bouleaux,  les  futaies  de  chênes  sont  les  retraites  silencieuses  au 
fond  desquelles  il  entraîne  sa  Morfudd  ou  sa  Dyddgu. 

Parmi  les  noms  de  femme  qui  émaillent  sa  poésie,  ceux-ci  sont 
de  beaucoup  les  plus  fréquents.  Morfudd  notamment  est  restée  dans 


2 1 6  BIhJioo  raphie . 

la  tradition  comme  le  symbole  des  amours  de  Dafydd.  C'est  à  elle 
qu'il  consacre  le  plus  grand  nombre  de  ses  chants.  A  son  propos 
une  question  se  pose,  que  M.  Ifor  Williams  (p.  xxvj  et  suiv.)  a 
résolue  contrairement  à  L.  Chr.  Stem.  Qui  étaient  ces  femmes, 
Morfudd  ou  Dyddgu  ?  M.  Ifor  Williams  ne  croit  pas  qu'on  doive 
chercher  sous  ces  noms  des  personnes  déterminées.  Ce  ne  sont  à 
ses  yeux  que  de  vagues  noms  génériques.  Morfudd  est  blonde  et 
Dyddgu  brune  :  pour  célébrer  l'ébène  ou  l'or  de  la  chevelure  de 
chacune,  le  poète  emprunte  à  la  nature  entière  les  épithètes  et  les 
comparaisons  les  plus  variées.  Mais  on  ne  devrait  voir  en  elles  que 
des  types,  s'appliquant  en  général  à  toutes  les  blondes  ou  les  brunes. 

Il  est  en  effet  malaisé  de  se  reconnaître  au  milieu  des  détails 
contradictoires  que  le  poète  nous  donne  sur  ses  héroïnes.  Mais 
ce  serait  faire  tort  à  lui  et  à  elles  que  de  les  considérer  comme  de 
purs  produits  de  son  imagination,  comme  des  inventions  de  sa 
fantaisie.  Ce  qui  gêne  notamment  pour  fixer  les  traits  de  Morfudd, 
ce  n'est  pas  qu'elle-  manque  de  personnalité,  c'est  qu'elle  en  a 
trop.  Les  renseignements  biographiques  qu'on  relève  à  son  sujet 
dans  les  poèmes  de  Dafydd  ne  concordent  pas.  Était-elle  du  nord 
ou  du  sud  (p.  xxix)  ?  Habitait-elle  en  Cardigan,  en  Carmarthen  ou 
en  Angleseyj(p.  xxviij)  ?  Etait-elle  mariée  ou  non  à  ce  Bwa  Bach, 
à  cet  Eiddig,  le  jaloux  vieux  et  contrefait  ?  Le  roman  qu'Owen 
Pughe  a  bâti  sur  la  vie  de  cette  femme  d'après  Dafydd  lui-même 
manque  de  vraisemblance  et  de  précision  (v.  p.  xxv).  Il  est  pos- 
sible que  le  poète  ait  successivement  donné  le  nom  de  Morfudd  à 
plusieurs  femmes  blondes  qu'il  courtisait.  Tout  en  reconnaissant  ce 
qu'il  peut  y  avoir  de  juste  dans  cette  hypothèse,  il  convient  de 
tenir  compte  aussi  de  l'état  lamentable  de  la  tradition  manuscrite, 
qui  ne  permet  pas  de  décider  ce  qui  appartient  à  Dafydd  ou  à  ses 
contemporains,  sans  parler  des  poètes  postérieurs  qui  l'ont  imité 
ou  démarqué. 

Une  chose  est  certaine,  c'est  que  la  poésie  de  Dafydd  est  beau- 
coup plus  savante  et  livresque  qu'on  ne  le  croirait  d'abord.  Son 
inspiration  paraît  d'une  fraîcheur,  d'une  spontanéité  toute  per- 
sonnelle. En  réalité,  il  doit  beaucoup  à  la  poésie  provençale,  et 
pas  seulement  dans  la  forme  du  vers  ou  dans  l'expression  ;  il  lui  a 
emprunté  autsi  plus  d'un  motif.  Une  des  meilleures  parties  de 
l'Introduction  de  M,  Ifor  Williams  est  celle  où  il  dénonce  cette 
influence,  avec  exemples  à  l'appui  (p.  xxxviij  et  suiv.).  Il  y  eut 
vraiment  au  xiv  siècle  un  modèle  de  poésie  galante,  établi  dans 
les  cours  du  Midi  de  la  France  et  qui  se  répandit  dans  tout  le 
monde  occidental.  Dafydd  appartient  à  la'même  école  que  les  trou- 


Bibliographie.  217 

badours  et  les  minnesinger.  Mais  il  se  distingue  entre  tous  par  une 
verve  intarissable,  une  facilité  incroyable  à  enchâsser  les  mots  et  à 
dresser  les  rimes,  une  abondance  d'images  qui  se  poursuivent,  se 
croisent,  se  mélangent,  se  succèdent,  bondissantes  et  alertes, 
comme  un  troupeau  de  gazelles.  C'est  une  fantaisie  poétique  qui 
tient  du  prodige.  Dafydd  est  un  virtuose  autant,  et  même  plus,  que 
le  sont  chez  nous  Banville  ou  Gautier.  Son  fameux  poème  sur 
la  neige  (n°  205)  est  une  symphonie  en  blanc  majeur  d'un  éclat 
éblouissant  ;  ses  pièces  sur  l'été  (n°  201),  sur  le  mois  de  mai 
(n°  144),  sur  le  feuillage  (n°  83)  sont  de  véritables  acrobaties  de 
rime,  des  tours  de  force  funambulesques. 

La  rançon  de  cette  virtuosité,  c'est  qu'elle  donne  souvent  l'im- 
pression de  n'être  pas  sincère.  Q.uand  l'art  s'enferme  ainsi  en  des 
jeux  déformes,  le  sentiment  y  est  étouffé.  Certains  regrettent  qu'en 
pleurant  sa  fille  le  poète  des  Contemplations  paraisse  trop  préoc- 
cupé d'assurer  la  richesse  de  ses  rimes  ;  ce  père  était  un  homme 
de  lettres  !  De  même  quand  Dafydd  s'adresse  à  ses  maîtresses,  il 
mêle  à  ses  transports  amoureux  trop  de  littérature.  Au  moment  de 
parler  des  femmes  on  dirait  qu'il  a  suivi  par  avance  le  conseil  de 
Diderot,  trempant  sa  plume  dans  l'arc-en-ciel  et  secouant  sur  ses 
lignes  la  poussière  des  ailes  du  papillon.  Ce  n'est  pas  ainsi  que 
Musset  a  écrit  le  Souvenir  ou  les  Nuits.  La  vraie  poésie,  qui  part 
du  cœur,  touche  par  sa  simplicité.  Dafydd  a  une  fécondité  d'imagi- 
nation qui  le  dessert,  car  elle  fatigue  le  lecteur  à  la  longue.  On  se 
lasse  de  ces  litanies  amoureuses,  entremêlées  de  gaillardises,  de 
ces  jeux  d'esprit  galant  où  une  sensualité  assez  vulgaire  se  cache 
sous  un  fîot  de  mots  sonores.  On  incline  à  douter  qu'il  y  ait  chez 
lui  plus  de  véritable  amour  que  de  patriotisme.  Si  l'on  écarte  son 
attirail  poétique,  si  richement  orné,  le  fond  apparaît  pauvre  et  sec. 
Il  est  bien  difficile  de  relever  la  banalité  de  la  poésie  erotique,  de 
réchauffer  un  genre  naturellement  froid.  (Quelques  plaisanteries  un 
peu  grosses  contre  les  moines,  quelques  invectives  contre  les  maris 
jaloux,  ne  réussissent  pas  à  la  rendre  plus  attrayante. 

Les  défauts  signalés  ici  sont  ceux  qui  rendent  en  général  la  poé- 
sie du  moyen  âge  si  rapidement  fastidieuse.  Nous  avons  eu 
chez  nous  au  xv^  siècle  des  poètes  remarquablement  doués,  à 
commencer  par  le  délicieux  Charles  d'Orléans,  si  coulant,  si  har- 
monieux, si  bon  arrangeur  de  mots,  dont  le  style,  mérite  plus 
rare,  est  déjà  plein  d'esprit  et  de  goût.  N'est-il  pas  étonnant  que 
ni  l'assassinat  de  son  père,  ni  la  mort  de  sa  mère,  ni  la  perte  de  sa 
jeune  épouse,  ni  le  désastre  d'Azincourt,  ni  sa  longue  captivité, 
ni  le  spectacle  des  malheurs  de  la  France  ne  lui  ait  jamais  arraché 


2i8  Bibliographie. 

un  cri  de  douleur  sincère  ou  ne  l'ait  fait  réfléchir  sur  le  monde  et  sur 
la  vie  ?  Pour  lui,  comme  pour  Dai'ydd,  la  poésie  n'était  pas  l'ex- 
pression des  émotions  du  cœur  ou  des  méditations  de  la  pensée  ; 
c'était  un  amusement  de  l'imagination,  où  la  convention  tenait 
lieu  d'inspiration.  On  ne  demande  pas  à  un  joaillier  d'épancher  sa 
sensibilité,  ni  à  un  ébéniste  d'exprimer  sa  conception  du  monde  ; 
on  ne  s'inquiète  même  pas  s'il  en  a  une.  Nos  poètes  du  moven 
âge  ne  s'élevaient  pas  au-dessus  des  artisans.  François  Villon  fait 
exception  ;  aussi  doit-on  le  considérer  comme  le  premier  des 
modernes. 

Le  métier  de  l'artisan  a  ses  avantages  :  il  n'y  a  pas  d'ébéniste 
mélancolique.  La  gaieté  est  une  qualité  qu'on  ne  peut  refuser  à 
Dafydd  ;  sa  poésie  déborde  de  joie  de  vivre;  elle  exprime  l'amour 
de  la  vie  sous  toutes  ses  formes.  On  y  sent  un  homme  pour  qui  le 
monde  extérieur  existe  et  qui  en  jouit.  Les  gens  de  cette  espèce  ont 
la  santé  du  corps  et  la  gaieté,  qui  est  la  santé  de  l'âme.  L'an- 
goisse est  réservée  à  ceux  qui  scrutent  les  abîmes  de  la  vie  inté- 
rieure. Il  est  tout  de  même  frappant  de  constater  combien  celui 
qui  passe  pour  le  plus  grand  poète  gallois  est  vide  de  pensée 
sérieuse.  Alors  que  le  génie  gallois  est  aujourd'hui  attiré  de  préfé- 
rence par  les  hautes  et  vastes  spéculations  de  la  métaphysique  et 
de  la  religion,  Dafydd  ab  Gwilym  nous  offre  un  horizon  intellec- 
tuel des  plus  bornés  et  une  morale  singulièrement  terre  à  terre. 
Est-ce  la  faute  de  son  temps  ou  la  sienne  ?  Le  fait  est  qu'il  lui  a 
manqué  le  goût  des  idées  générales,  le  souci  des  grands  problèmes 
du  monde,  en  un  mot  la  philosophie,  qui  seule  peut  mériter  à  un 
poète,  si  bien  doué  qu'il  soit,  le  nom  de  grand. 

J.  Ven'dryes. 


LX 


F.  Vallée.  Vocabulaire  français-breton  de  Le  Gonidec,  nouvelle  édi- 
tion mise  à  jour  et  considérablement  augmentée.  Saint-Brieuc, 
Prud'homme,  1919,  xx-598  p. 

Sous  ce  titre  modeste,  c'est  un  livre  entièrement  neuf  et  original 
que  M.  Vallée  vient  de  faire  paraître.  Dans  la  préûice,  p.  i,  il 
caractérise  ainsi  son  œuvre  : 

«  Dans  celte  réédition,  nous  nous  sommes  proposé,  tout  en 
conservant  autant  que  possible  le  fond  classique  du  Vocabulaire  de 


Bibliographie.  219 

Le  Gonidec,  d'en  améliorer  la  forme,  de  façon  à  lui  donner  plus 
de  portée,  et  à  le  rendre  plus  pratique  surtout  pour  les  commen- 
çants. 

«  Dans  ce  but,  les  principaux  sens  du  mot  français  ont  été 
mieux  distingués,  et  les  mots  bretons  correspondant  à  ces  divers 
sens  ont  été  séparés,  tout  au  moins  par  un  point  et  virgule.  Cette 
disposition,  qui  manquait  à  la  première  édition,  aidera  le  lecteur 
dans  le  difficile  travail  du  choix  des  mots. 

«  On  a  ajouté  des  pluriels  irréguliers  ou  complexes  (pluriels 
déterminés,  indéterminés,  etc.),  des  participes  de  verbes  dont  le 
radical  est  altéré  à  l'infinitif,  enfin,  entre  parenthèses  à  la  suite  de 
certains  verbes,  les  prépositions  que  l'on  devra  employer  après  ces 
verbes.  En  breton,  comme  en  anglais,  l'emploi  des  prépositions  a 
une  très  grande  importance. 

«  La  première  édition  ne  donnait  guère  que  les  mots  princi- 
paux, en  laissant  au  lecteur  le  soin  de  former  les  dérivés.  On  a 
donné  dans  cette  réédition  un  certain  nombre  de  dérivés  en  les 
groupant  par  paragraphes,  autant  que  possible.  »    . 

Le  livre  tient  les  promesses  de  la  préface,  souvent  même  plus, 
et  c'est  le  plus  bel  éloge  que  l'on  en  puisse  faire.  Le  Vocabulaire  lui- 
même  est  précédé  d'une  douzaine  de  pages  de  notions  sur  la  déri- 
vation et  l'emploi  des  suffixes.  Ces  pages  sont  appelées  à  rendre 
les  plus  grands  services  aux  écrivains  bretonnants  qui  ont  perdu, 
sous  l'influence  du  français,  le  sens  du  génie  de  la  langue  et  sont 
trop  enclins,  en  général,  à  en  employer  les  suffixes  au  hasard  et 
souvent  à  tort  et  à  travers.  On  peut  regretter  que  M.  Vallée  n'ait 
pas  jugé  à  propos  de  traiter  avec  autant  de  détail  la  question  des 
préfixes.  Il  ne  leur  consacre  qu'une  seule  page  (xiv).  A  côté  de 
ad-,  ai-,  di-,  dis-,  peur-,  hen-,  dont  il  parle,  il  aurait  été  bon  de 
dire  quelques  mots  sur  ar-,  am-,  gcir-,  gou-,  goiir-  qui  entrent  dans 
la  composition  d'un  grand  nombre  de  termes.  En  ce  qui  concerne 
di-,  il  aurait  été  essentiel  de  distinguer  entre  di-,  gallois  di-,  et 
di-  pour  de-,  gall.  dy-,  v.  br.  do-,  la  valeur  de  ces  deux  préfixes 
étant  totalement  différente  et  leur  confusion  dans  la  langue  moderne 
extrêmement  regrettable.  Elle  n'est  d'ailleurs  pas  entièrement 
complète  puisque  de-  s'est  maintenu  dans  certains  mots,  surtout  en 
vannetais. 

Le  Vocabulaire  renferme  un  certain  nombre  de  néologismes.  De 
tout  temps  les  lexicographes  bretons  ont  cédé  au  besoin  d'en  for- 
ger, afin  de  pouvoir  placer  en  regard  de  chaque  mot  français  un 
mot  breton  correspondant.  Sur  la  parfaite  légimité  de  ce  procédé, 
on  pourra  lire  les  très  justes  remarques  de  M.  Ernault,  Gloss.  Moy.- 


220  Biblii^^rapbie. 

Brti.,  II,  p.  \i.  M.  Vallée  n'y  a  jamais  été  hostile  ».  Mais  ce  qui 
distingue  ses  néologismes  de  ceux  de  ses  prédécesseurs,  c'est  que 
la  plupart  des  siens  ont  déjà  été  employés  maintes  et  maintes  fois, 
dans  des  brochures  ou  dans  des  articles  de  Kroai  ar  Vretoned  ^. 
Quelques-uns  même,  tel  nijerei^  «  aéroplane  »,  sont  en  train  (et  à 
bon  droit)  de  devenir  populaires,  tout  au  moins  dans  le  coin  de 
Tregor  où  ce  journal  compte  le  plus  de  lecteurs.  Les  néologismes 
de  M.  Vallée  et  ceux  de  ses  prédécesseurs  qu'il  a  cru  devoir  ad- 
mettre, après  mûr  examen,  dans  son  Vocabulaire,  se  recommandent 
en  général  par  l'excellence  de  leur  frappe.  On  ne  peut  que  souhai- 
ter de  voir  leur  emploi  se  généraliser,  et  cela  pour  le  bien  même 
de  la  langue  bretonne  qui  a  tout  intérêt  à  mettre  en  valeur  ses 
propres  richesses  et  à  tirer  parti  de  ses  ressources  plutôt  que  de 
recourir  au  procédé  brutal  et  banal  de  l'emprunt  à  jet  continu  au 
français  5. 

A  côté  des  néologismes,  M.  \' allée  a  fait  place  à  quelques  mots 
anciens  conservés  dans  les  textes  du  moyen-breton  ou  dans  les 
noms  de  lieu  actuels.  Je  citerai  parmi  ces  derniers  goariva 
«  théâtre  »  et  lcdene\  «  péninsule  »  (v.  Rev.  cclt.,  XII,  p.  281, 
390).  Dans  certains  cas,  un  mot  d'indication  sur  l'emploi  de  ces 
termes  n'aurait  peut-être  pas  été  inutile,  étant  donné  le  public 
auquel  s'adresse  le  Vocabulaire.  A  «  temple  »  on  trouve  ili\, 
templ,  neved  ;  ce  dernier  n'existe  plus  que  comme  nom  de  lieu 
(Loth,  Chrest.  hret.,  p.  222):  son  emploi  en  breton  littéraire  ne 
parait  justifié  que  dans  quelques  cas  bien  spéciaux,  par  exemple 
dans  une  étude  traitant  des  lieux  du  culte  chez  les  anciens  Celtes. 
Le  nemeium  celtique  étant,  non  un  édifice,  mais  un  bois,  sa  forme 
néo-celtique  ne  peut  guère  s'appliquer  à  une  construction  en 
pierre  comme  le  temple  de  Salomon,  le  temple  gréco-latin  ou 
encore  le  temple  protestant  moderne  4.  Mais  un  Bretonnanl  sorti 

1.  Dans  une  lettre  à  un  ami,  datée  du  ]0  a  vi^  Hère  i^oi,  il  écrivait  : 
«  Mat  eo  klask  geriou  nevez.  Gwelloc'h  e  vije  koulskoude  ober  eun  dastum 
eus  an  holl  c'heriou  anavezet  gant  ar  re  goz  hag  a  deu  da  veza  ankouaet.  » 

2.  Dès  1901,  il  caractérisait  ainsi  sa  méthode  :  «  Evit  pinvidikaat  ar  yez, 
ar  gwella  d'ober  e  vije  koms  ha  skriva  anezan  evel  ma  reomp  aman.  Dre 
ma  teu  ezom  eus  eur  ger  nevez  bennag,  e  klasker  hag  e  kaver  anezan.  » 
(Lettre  du  9  a  vi:(  Hère  ipoi.) 

3.  On  ne  saurait  trop  recommander  aux  Bretonnants  la  lecture  du  cha- 
pitre que  M.  A.  Meillet  a  consacré  aux  Langues  littéraires  dans  son  Aperçu 
d'une  histoire  de  la  langue  grecque  (Paris,  1913),  notamment  les  pages  133- 
4  où  il  traite  du  vocabulaire  et  de  la  création  des  néologismes. 

4.  Il  est  possible  que,  postérieurement  à  la  conquête  romaine,  en  cel- 


Bibliographie.  221 

de  l'école  primaire  est  parfaitement  incapable  de  faire  de  telles 
distinctions,  si  simples  qu'elles  puissent  paraître.  Ou  bien  il  rejet- 
tera brutalement  le  mot  parce  qu'il  ne  le  connaît  pas,  parce  qu'il 
est  étranger  au  dialecte  de  sa  paroisse  ou  de  son  canton  et  que, 
par  suite,  il  le  juge  mauvais.  Ou  bien  il  l'adoptera  aveuglément 
et  s'en  servira  de  même. 

Archaïsmes  et  néoiogismes  mis  à  part,  le  vocabulaire  réuni  par 
M.  Vallée  est  extrêmement  riche.  Tous  les  dialectes  et  sous-dia- 
lectes y  ont  fourni  ce  qu'ils  ont  de  meilleur  et  l'ensemble  forme 
probablement  l'image  la  plus  tidèle  que  nous  ayons  de  cette 
langue  néo-celtique  que  la  vague  française  sape  depuis  des  siècles 
sans  pouvoir  la  détruire.  J'ai  l'impression  que  cette  richesse  pour- 
rait être  encore  accrue  et  qu'il  subsiste  çà  et  là  quelques  lacunes 
que  ne  comble  pas  parfaitement  le  supplément  de  vingt-six  pages 
qui  termine  le  volume.  Mais,  somme  toute,  il  n'en  reste  pas 
moins  vrai  que  ce  remaniement  du  Vocabulaire  Jraiiçais-bretoii  de 
Le  Gonidec  constitue  le  répertoire  de  mots  bretons  le  plus  riche, 
le  plus  pratique  et  le  mieux  compris  qui  ait  été  publié  jusqu'ici. 
Tous  les  Bretonnants  remercieront  M.  François  \'allée  d'avoir  su 
trouver  le  temps  et  la  force  nécessaire  à  l'exécution  de  ce  travail. 
Éprouvé  cruellement  par  la  guerre,  privé  par  elle  de  ses  deux  col- 
laborateurs,. Yves  Le  Moal  et  Bocher,  M.  Vallée  est  resté  depuis 
1914  absolument  seul  pour  rédiger,  diriger  et  soutenir,  malgré  sa 
santé  chancelante,  la  dureté  des  temps  et  les  difficultés  sans  cesse 
croissantes  de  la  vie,  son  journal  AVoa-  ar  Vreloncd,  le  seul  hebdo- 
madaire entièrement  en  breton  qui  paraisse  dans  la  péninsule.  Les 
circonstances  pénibles  au  milieu  desquelles  il  a  préparé  '  et  mené  à 
bien  cette  deuxième  édition  du  Vocabulaire  de  Le  Gonidec  en 
doubleront  le  prix  aux  yeux  des  Bretonnants  et  augmenteront 
encore  la  reconnaissance  qu'ils  doivent  à  l'auteur. 
Voici  maintenant  quelques  observations  de  détail  : 
P.  22,  amuser.  Ajouter:  kaout  fent  gant.  «  11  m'amuse  »,  fetit 
am  eus  ganian. 

P.  49,  baleinière,  hag-valumere\.  P.  574  (additions),  Z'flo'-z'fl/wma. 
On  attendrait  plutôt  balumeiere':^  (t^^-)'  bahinicia,  sur  les  modèles 


tique  continental  et  dans  l'île  de  Bretagne,  le  mot  nemetum  ait  fini  par  dési- 
gner un  édifice  religieux  de  pierre  et  de  briques,  mais  il  n'y  a  pas  de  preuve 
certaine  de  ce  fait,  tout  au  plus  peut-être  un  indice,  pour  le  gaulois,  dans 
le  nom  de  lieu  Au^ustonemetum  . 

I.  Sous  la  direction  et  avec  la  collaboration   de  M.  Ernault,  Préjace, 
p.  XIX.  Supplément,  p,  571,  n.  I. 

Revue   Celtique,  XXXFIII.  i  y 


222  Bibliooraphie. 

courants  peskcten'\,  peskcta,  evneta,  lalhiiseta,  kiidoneta,  goxeia, 
mercheta,  «  pcche,  pécher,  chasser  les  oiseaux,  les  ramiers,  les 
taupes,  les  filles  ».  Baluma  évoque  l'idée  de  «  faire  la  baleine  » 
(cf.  p.  575,  evna  «  faire  l'oiseau  »,  p.  594  halafeuna  «  papillon- 
ner »),  ou  encore  celle  de  «  rechercher  le  mâle  »  en  parlant  de  la 
femelle  (cf.  marc'ha,  tartni,  totirc'ha  «  demander  le  mâle  »  en  par- 
lant de  la  jument,  de  la  vache,  de  la  truie). 

P.  50,  banque,  H-bank,  arc''baut-ti,  pi.  //t'y- ou  iïer-haiik,  archaiil- 
tioii.  Il  serait  essentiel  de  dift'érencier  d'une  façon  quelconque  dans 
récriture  les  mots  composés  sur  le  type  ancien  morvran  des  mots 
composés  sur  le  type  moderne  lacr-iuor.  La  seule  chose  à  faire  est 
de  réserver  l'usage  du  trait  d'union  exclusivement  pour  les  seconds 
et  d'écrire  les  premiers  en  un  seul  mot.  C'est  ce  qu'a  fait  La  Vil- 
lemarqué  dans  son  édition  du  Dictionnaire  Breton-Français  de  Le 
Gonidec  où  il  écrit  bravement  et  en  un  seul  mot,  à  l'exemple  du 
gallois,  archanti  «  maison  de  banque  »,  giuerxdi  «  factorerie  », 
soudarti  «  caserne  ».  Son  exemple  est  à  suivre  sur  ce  point.  De 
même,  p.  200,  à  «  ellipsoïde  »,  il  faudrait  écrire  hirgek'benvel  en 
un  seul  mot,  comme  gwifhenvel  «  vraisemblable  »  qui  lui  a  servi 
de  modèle'.  La  même  graphie  appliquée  à  deux  systèmes  radica- 
lement différents  de  composition  n'est  bonne  qu'à  tout  embrouiller 
et  elle  aboutit  à  dérouter,  non  pas  seulement  les  débutants,  mais 
ceux  qui  sont  rompus  à  la  pratique  de  la  langue.  C'est  ainsi  que, 
p.  477,  au  mot  «  sacrifice  »,  devant  des  nèologismes  tels  que  kin- 
nig-lid,  lid-kinnig.  lid-la\,  on  hésite  et  on  se  demande  à  quel  genre 
décomposition  on  a  affaire.  Des  deux  termes  qui  les  forment,  quel 
est  le  déterminant,  quel  est  le  déterminé? 

P.    S7,  bicyclette  (manque)  :  marc'h-houarn. 

P.  81,  cap.  Abcg-donar,  on  aurait  pu  ajouter  ^ew//>  qui  est  con- 
servé dans  les  noms  de  lieux  (^Mélanges  d\4rbois,  p.  227). 

P.  212,  entraîner,  entraînement,  au  sens  sportif  (manquent).  Le 
moyen-breton  oïïre gourdon  {Gloss.,  I,  p.  284)  dont  la  langue  litté- 
raire commune  pourrait  tirer  le  verbe  gourdona  et  le  subs.  gour- 
douer e\. 

P.  232,  241,  560,  face,  figure,  visage,  drenim,  min,  beg.  On 
aurait  pu  ajouter,  semble-t-il,  le  moyen-breton  cncb  qui  vit  toujours 
dans  le  verbe  dérivé  enebi  «  faire  face,  résister  ».  Ce  n'est  pas  trop 
de  quatre  termes  pour  concurrencer  en  breton  usuel  les  emprunts 

I.  Gvjirhenvel  est  calqué  sur  le  français,  mais  le  vieil-armoricain  avait 
des  adjectifs  formés  de  la  même  façon,  témoin  le  nom  propre  d'homme 
Leuheiiiel  «  semblable  à  un  lion  »  (Loth,  Chrest.  bret.,  p.  144). 


Bibliographie.  223 

français/fl5  et  bi\ach,  d'autant  plus  qu'aucun  des  trois  tenues  cités 
n'est  bien  satisfaisant.  Le  meilleur  des  trois,  drcDini,  est  équivoque 
{heia  dreiiim  en  e  lagad,  he\a  dremiiict,  gwall-'yi-einmet  «  avoir  la  vue 
perçante,  le  regard  vif  et  fier,  mauvais  »,  dremmcl  «  regarder  fiè- 
rement et  avec  vivacité  »,  Rev.  celt.,  XXVII.  p.  222). 

P.  251,  fragile.  Ajouter:  hedorr  (Landerneàu). 

P.  316,  jainbe.  Ajouter  :  diouharet-uhel  «  haut  sur  jambes  ». 

P.  3)6,  monter.  Ajouter:  «  bien  monté  »,  marchel-mal. 

P.  362,  nager.  Le  bas-vannetais  ';/  im  angellal  était  à  citer,  car 
il  conserve  un  mot  intéressant  aiigcll  «  nageoire,  aile,  aileron, 
bras  »  (^Mélanges  d'Àrbois,  p.  199). 

René  Le  Roux. 


CHRONiaUE 


Sommaire.  —  I.  M.  Georges  Dottin  correspondant  et  lauréat  de  l'Institut. 

—  II.  M.  R.  I.  Best  docteur  es  lettres  de  l'Université  d'Irlande.  —  III. 
Nomination  de  M.  T.  Parry  Williams  à  l'University  Collège  d'Aberyst- 
wyth.  —  IV.  Mort  du  Professeur  Chakhmatov.  —  V.  Nouveaux  enri- 
chissements de  la  National  Library  of  Wales.  —  VI.  Projet  d'un  diction- 
naire gallois  par  M.  Bodvan  Anwyl.  —  VII.  M.  A.  M.  Freeman  et  les 
chansons  populaires  irlandaises.  —  VIII.  M.  Edward  D.  Snyder  et  le 
«  Wild  Irish  ».  —  IX.  Les  langues  parlées  dans  lllrlande  du  moyen  âge, 
d'après  M.  E.  Curtis.  —  X.  Poèmes  en  irlandais  moderne  publiés  par 
M.  Bcrgin.  —  XI.  M.  Gourvil  et  l'enseignement  bilingue  en  Bretagne. 

—  XII.  MM.  J.  Pokorny  et  C.  Marstrander  sur  «  l'année  de  neuf  mois 
en  cehique  ». 


I 

Le  19  décembre  19 19,  l'Académie  des  Inscriptions  et  Belles- 
Lettres  a  élu  correspondant  national  notre  collaborateur  et  ami 
Georges  Dottin,  doyen  de  la  Faculté  des  Lettres  de  Rennes.  Cet 
honneur,  si  bien  justifié  par  les  nombreuses  publications  de 
M.  Dottin  sur  le  domaine  celtique,  avait  été  jadis  décerné  à  son 
prédécesseur  au  décanat,  M.  J.  Loth  ;  grâce  à  eux,  les  études  de 
philologie  et  de  linguistique  celtique  conservent  à  l'Institut  la  situa- 
tion que  leur  avait  acquise  d'Arbois  de  Jubainville. 

Le  28  avril  1920,  la  même  Académie  a  décerné  à  M.  G.  Dottin 
au  concours  des  antiquités  nationales  une  deuxième  médaille  pour 
son  livre  sur  la  Langue  gauloise,  dont  nous  rendons  compte  plus 
haut (p.  179). 

II 

Le  15  juillet  1920,  la  National  University  ôf  Ireland  a  conféré 
le  grade  de  docteur  es  lettres  honoris  causa  à  notre  ami  M.  R.  Ir- 
vine  Best,  le  savant  conservateur  de  la  National  Library  à  Dublin, 


Chronique.  225 

et  l'auteur  de  la  précieuse  Bibliography  of  Irish  Literature,  qui 
rend  chaque  jour  de  si  grands  services  à  tous  les  érudits. 


III 

Comme  nous  l'avions  annoncé  à  la  page  399  du  tome  XXXVII, 
le  sénat  de  l'Université  de  Galles  a  procédé  au  mois  de  juin  dernier 
à  la  nomination  d'un  professeur  de  langue  galloise  à  l'University 
Collège  d'Aberystwyth.  C'est  M.  T.  Parry  Williams  qui  a  été  choisi 
et  nommé.  Toutefois,  pour  reconnaître  les  services  éminents  qu'a 
rendus  à  l'Université  pendant  tant  d'années  M.  Timothy  Lewis, 
on  a  décidé  de  conservera  celui-ci  un  enseignement  de  philologie 
celtique.  Ainsi  l'University  Collège  d'Aberystwyth,  pourvu  désor- 
mais d'un  triple  enseignement  du  celtique,  est  en  passe  de  deve- 
nir un  centre  important  pour  nos  études  ;  les  ressources  qu'offre 
en  outre  aux  travailleurs  l'admirable  National  Library  of  Wales 
doivent  les  y  attirer  davantage  encore. 

M.. T.  Parry  Williams,  le  nouveau  professeur  de  langue  galloise, 
est  né  le  21  septembre  1887  à  Rhyd-ddu  (Carnarvonshire),  où  son 
père  était  maître  d'école.  Il  fit  ses  études  à  la  County  School  de 
Portmadoc  de  1899  à  1905  et  quitta  cette  école  pour  l'University 
Collège  d'Aberystwyth,  où  il  fut  pendant  quatre  ans  l'élève  de  sir 
Edward  Anwyl  ;  il  obtint  en  1908  le  grade  de  B.  A.  ;  puis  il  passa 
deux  années  à  Jésus  Collège  d'Oxford,  sous  le  principal  sir  John 
Rhys.  Une  fois  en  possession  des  grades  de  M.  A.  (XVales)  et  de 
B.  Litt.  (Oxon.),  il  partit  en  novembre  191 1  pour  l'Université  de 
Fribourg-en-Brisgau,  où  il  resta  jusqu'au  printemps  de  191 3.  C'est 
là  qu'il  prépara,  sous  la  direction  de  M.  Thurneysen,  sa  thèse  de 
doctorat  Some  points  of  similarity  in  the  Phonology  of  Welsh  and  Bre- 
ton, dont  la  première  partie  a  paru  dans  la  Revue  Celtique  (t.  XXXV, 
40  et  317)  et  qui  tut  éditée  à  la  librairie  Champion  en  191 3.  C'est 
le  seul  ouvrage  qu'il  ait  publié  ;  mais  il  s'est  fait  connaître  dans 
son  pays  comme  poète  et  a  obtenu  des  succès  aux  concours  de 
poésie  des  eisteddfodau.  Ayant  opposé  à  la  conscription  des  «  objec- 
tions de  conscience  »,  il  resta  pendant  la  guerre  à  Aberystwyth  où 
il  partagea  l'enseignement  du  gallois  avec  M.  T.  Gwynn  Jones, 
comme  nous  l'avons  déjà  mentionné. 

IV 

Des  dépêches  de  provenance  russe  communiquées  par  Helsing- 


22é  Chronique. 

fors  et  par  Stockholm  ont  annoncé  vers  la  fin  du  mois  d'août  1920 
qu'à  Petrograd  «  le  professeur  Chakhmatov,  membre  de  l'Acadé- 
mie, était  mort  de  misère  et  de  faim  ».  Cette  nouvelle  dans 
sa  brutale  simplicité,  a  de  quoi  faire  frémir.  Chakhmatov  était 
un  des  grands  noms  de  la  linguistique  russe;  il  avait  publié  d'im- 
portants travaux  qui  ne  touchent  en  rien  aux  études  celtiques  ; 
mais  notre  Revue  avait  eu  l'occasion  de  signaler  de  lui  deux  articles 
où  il  étudiait  les  rapports  des  Celtes  et  des  anciennes  populations 
de  la  Baltique  (v.  Rev.  Celt.,  XXXII,  504  et  XXXIII,  391). 

Nous  devons  un  souvenir  ému  à  cette  malheureuse  victime  du 
régime  bolchevique. 

V 

La  National  Library  of  Wales,  qui  a,  comme  on  sait,  son  palais 
à  Aberystwyth,  vient  d'être  gratifiée  d'une  double  libéralité. 

M.  Henry  G.  Lewis,  high  sherifi'  of  Glamorgan,  lui  a  ofîert,  en 
son  nom  et  au  nom  de  sa  femme,  la  bibliothèque  du  regretté  Quig- 
gin,  après  l'avoir  acquise  pour  la  somme  de  i.ooo  livres.  Sans 
l'empressement  et  la  générosité  de  M.  Lewis,  il  est  probable  que 
cette  bibliothèque  aurait  passé  aux.  Etats-Unis.  Elle  comprend  des 
ouvrages  qui  se  rapportent  à  toutes  les  parties  de  la  philologie 
celtique  et  à  tous  les  dialectes,  irlandais,  gaélique  d'Ecosse,  maux, 
gallois,  comique,  breton.  Suivant  les  intentions  du  donataire,  les 
ouvrages  que  la  National  Library  se  trouvera  posséder  déjà  seront 
donnés  à  la  bibliothèque  de  l'University  Collège  de  Cardiff,  et,  au 
cas  où  cette  dernière  les  posséderait  également,  à  la  bibliothèque 
de  Swansea. 

Une  autre  collection  de  livres,  dont  s'enrichit  la  National  Library, 
est  celle  du  Révérend  Henry  Hey  Knight,  de  son  vivant  Rector  de 
la  paroisse  de  Neath,  décédé  en  1856.  Henry  Hey  Knight  s'inté- 
ressait à  l'histoire  et  aux  antiquités  du  Glamorganshire  et  il  a  laissé 
en  mourant  une  bibliothèque  de  3.000  volumes,  particulièrement 
riche  en  ouvrages  sur  la  région.  Cette  bibliothèque,  conservée  jus- 
qu'ici à  Nottage  Court,  Porth  Cawl,  par  les  deux  filles  du  défunt, 
est  devenue  la  propriété  d'un  de  ses  petits-neveux,  M.  George 
Blundell,  qui  vient  d'en  faire  don  à  la  National  Library  of  Wales. 

L'intérêt  zélé  que  portent  les  Gallois  à  leur  Bibliothèque  natio- 
nale a  déjà  été  souvent  signalé  ;  petits  et  grands  tiennent  à  hon- 
neur de  continuer  à  l'embellir  et  à  l'enrichir.  C'est  un  exemple  de 
patriotisme  que  l'on  pourrait  souhaiter  de  voir  suivre  en  de  plus 
grands  pays. 


Chroriicjue.  227 


vr 

Le  besoin  d'un  dictionnaire  complet  de  la  langue  galloise  étant 
un  des  plus  graves  dont  souffrent  les  celtistes,  ceux-ci  apprendront 
avec  plaisir  que  le  Board  cf  Celtic  Studies  s'occupe  actuellement 
d'y  pourvoir.  Le  président  de  ce  Board,  qui  est  l'actif  Principal  de 
rUniversity  Collège  d'Aberystwyth,  M.  J.  H.  Davies,  a  récemment 
annoncé  le  projet  d'un  vaste  IVelsh-Englisb  Dictionary.  On  n'en  est 
encore  qu'au  travail  préparatoire.  Un  organising  secretary  a  été 
désigné,  qui  aura  pour  tâche  de  constituer  une  équipe  de  travail- 
leurs, de  leur  distribuer  la  besogne  de  lecture  des  textes  et  de  cen- 
traliser les  résultats  de  leurs  dépouillements.  L'organising  secre- 
tary qui  a  été  choisi  est  le  Rev.  Bodvan  Anwyl,  frère  du  regretté 
sir  Edward,  et  auteur  lui-même  d'une  réédition  fort  appréciée  du 
Spurrell's  Welsh  Dictionary.  C'est  un  choix  excellent.  Le  Rev. 
Bodvan  Anwyl  se  propose,  nous  dit-on,  d'enregistrer  tous  les  mots 
de  la  langue  galloise  aussi  bien  ancienne  que  moderne,  et  tous  les 
sens  de  chaque  mot  avec  des  exemples  à  l'appui.  Il  ne  s'occupera 
pas,  au  début  du  moins,  de  l'étymologie  ;  son  but  est  d'établir  les 
faits  avant  de  chercher  à  les  expliquer.  C'est  le  plus  sage  parti  ; 
peut-être  même  fera-t-il  bien  de  renoncer  définitivement  à  intro- 
duire dans  son  œuvre  des  données  étymologiques,  sauf  pour  les 
mots  composés  ou  dérivés  de  mots  existant  déjà  dans  la  langue. 
L'étymologie  celtique  est  une  science  qui  se  fait  peu  à  peu  chaque 
jour,  mais  qui  demandera  encore  bien  des  recherches  et  du  temps 
avant  d'être  achevée.  En  joignant  à  la  lexicographie  proprement 
dite  l'étymologie,  on  risque  d'affaiblir  la  première  sans  profit  pour 
la  seconde.  Une  fois  les  mots  identifiés,  datés,  classés  par  le  lexi- 
cographe, l'étymologiste  est  en  mesure  de  travailler  utilement  à  en 
découvrir  la  parenté  et  l'origine.  Mais  il  ne  faut  pas  confondre  les 
deux  tâches. 

VII 

M.  A.  M.  Freeman  continue  la  publication  du  recueil  des  chan- 
sons populaires  irlandaises  dont  nous  avons  annoncé  ci-dessus 
(p.  77)  la  première  partie.  x\ux  trente-quatre  chansops  déjà  publiées, 
il  en  ajoute  vingt  nouvelles  qui  forment  le  n°  24  du  Journal  of  ihc 
Folk-Song  Society  (vol.  VI,  part  I\')  ;•  une  dernière  série,  qui  reste 
encore  à  publier,  terminera  le  recueil.  Les  nouvelles  chansons  pro- 
viennent de  la  même  région   du  comté   de   Cork  que  les  précé- 


2  28  Chronique. 

dentés,  et  notamment  de  Derrynasaggart,  près  Ballyvourney.  Elles 
ne  sont  pas  moins  intéressantes,  et  les  notes  jointes  au  texte  par 
M.  Freeman,  Miss  Lucy  E.  Broadwood,  Miss  A.  G.  Gilchrist, 
M.  Frank  Kidson  et  M.  R.  Flower  fournissent  un  commentaire  des 
plus  utiles.  On  notera  dans  le  recueil  (p.  244)  une  variante,  ou 
plutôt  une  déformation  du  célèbre  air  hô  na  leath  adhairce  («  la 
vache  à  une  seule  corne  »),  si  répandu  en  Munster;  l'expression 
énigmatique  qui  lui  sert  de  titre  désignerait  l'alambic  d'un  bouil- 
leur de  cru  :  cette  interprétation  rend  compréhensibles  plusieurs 
détails  du  texte  de  la  chanson.  M.  A.  M.  Freeman  aura  rendu  à 
l'étude  des  chansons  irlandaises  un  service  dont  tous  les  amateurs 
de  musique  populaire  lui  devront  être  reconnaissants. 


VIII 

Chacun  des  groupes  sociaux  qui  constituent  l'humanité  se  défi- 
nit surtout  par  opposition  aux  groupes  qui  l'entourent.  On  dirait 
que  chacun  prend  à  tâche  d'exagérer  les  caractères  qui  lui  sont 
propres  pour  mieux  se  distinguer  des  autres.  II  en  est  apparem- 
ment ainsi  depuis  que  les  hommes  vivent  en  société.  De  là  naissent 
entre  nations  les  préjugés  qui  engendrent  les  rivalités  et  les  guerres; 
car  l'opposition  est  d'autant  plus  forte  qu'elle  s'appuie  sur  des  dif- 
férences de  race,  de  langue,  de  religion,  d'organisation  politique 
ou  sociale. 

Le  portrait  que  trace  un  peuple  de  ses  voisins  est  rarement  flat- 
teur. Les  qualités  en  sont  généralement  exclues  ou  tournées  en 
préjudices;  les  défauts,  en  revanche,  vrais  ou  supposés,  y  appa- 
raissent grossis  par  la  malignité  ou  l'envie.  Cela  fait  une  carica- 
ture que  la  tradition  conserve  et  enrichit  de  traits  nouveaux.  On 
peut  avoir  plaisir  à  la  regarder,  pour  peu  que  ceux  qui  la  dessinent 
aient  naturellement  de  verve  et  d'esprit.  Même  la  psychologie  des 
peuples  y  peut  trouver  à  prendre.  Car  le  bon  sens  populaire  saisit 
d'ordinaire  assez  bien  ce  qu'il  y  a  de  défectueux  dans  le  caractère 
d'autrui  ;  et  si  l'on  tient  compte  de  l'intention  satirique  qui  porte 
à  souligner  les  laideurs  et  à  faire  ressortir  les  vilains  côtés,  la  façon 
dont  les  traits  sont  rendus  est  instructive.  La  réalité  se  reconnaît 
même  dans  un  miroir  qui  la  déforme. 

On  ne  peut  guère  imaginer  une  opposition  plus  frappante 
qu'entre  l'Anglais  et  l'Irlandais.  Dès  le  moyen  âge,  elle  éclate 
comme  celle  de  deux  tempéraments  ethniques  différents,  s'expri- 
mant  dans  des  langues  différentes  et  se  reflétant  dans  des  orsîanisa- 


Chronique.  229 

tions  sociales  de  type  différent;  depuis  la  Réforme,  la  religion  a 
introduit  entre  eux  une  différence  nouvelle.  Les  Irlandais  sont 
généralement  sévères  pour  les  Anglais  ;  ils  ont  sans  doute  de  bonnes 
raisons  pour  cela.  Pourtant  l'on  ne  trouverait  pas  dans  la  littéra- 
ture irlandaise  un  parti  pris  d'hostilité  à  l'Angleterre  comme  il  y 
en  a  contre  l'Irlande  dans  la  littérature  anglaise.  Les  Anglais  n'ont 
jamais  compris  leurs  voisins  ;  ils  les  ont  par  suite  toujours  mal 
jugés,  s'irritant  d'une  conduite  qui  les  déconcertait,  qui  les  dérou- 
tait, qui  heurtait  la  conception  arrêtée  qu'ils  ont  du  monde  et  de 
la  vie.  Un  érudit  américain,  M.  Edward  D.  Snyder,  a  pris  la  peine 
de  réunir  ce  que  les  Anglais  ont  dit  des  Irlandais  ;  sous  le  titre 
«  The  Wild  Irish  »,  il  expose  dans  le  numéro  d'avril  1920  de 
Modem  PJnlologx  (t.  XVII,  p.  687-725)  le  résultat  de  ses  recherches. 
C'est  dans  la  littérature  qu'il  a  puisé  ses  informations  et  il  a  réparti 
sa  matière  en  trois  groupes,  suivant  qu'elle  provenait  des  écrivains 
en  prose,  des  auteurs  dramatiques  ou  des  poètes.  Il  a  voulu,  dit- 
il,  faire  de  son  étude  une  contribution  à  l'histoire  des  relations  lit- 
téraires des  deux  peuples.  Ce  point  de  vue  littéraire  est  trop  exté- 
rieur :  il  ne  permettait  pas  à  lauteur  d'embrasser  l'ensemble  de  la 
question,  ni  surtout  d'en  pénétrer  les  origines.  Néanmoins  la  riche 
collection  de  faits  qu'il  a  réunie,  et  qu'il  ne  donne  pas  comme 
complète,  présente  un  vif  intérêt. 

Ce  n'est  pas  d'aujourd'hui  que  l'expression  de  «  wild  Irish  »  est 
en  usage.  Le  plus  ancien  exemple  qu'en  signale  M.  Snvder  est 
emprunté  à  un  poème,  intitulé  Richard  the  Rediles,  dont  Skeat  fixe 
la  date  à  septembre  1399  ;  on  y  lit  :  pe  zvilde  Yrisshe.  Depuis  lors, 
l'expression  se  rencontre  fréquemment  :  elle  est  dans  The  Lihel  of 
Etiglish  Policy,  de  1436  (ivylde  Iryshe;  Rolls  séries,  1859,  II,  185- 
188),  dans  Ylntroduction  of  Knoiuledge  d'Andrew  Boorde,  de  1542, 
dans  le  titre  d'un  pamphlet  de  John  Good,  A  Description  of  the 
Manners  and  Customs  of  the  Wild  Irish,  écrit  en  1566.  On  la 
retrouve  dans  la  Description  of  Ireland  de  Richard  Stanihurst,  dans 
Vltinerary  de  Fynes  Morison,  publié  à  Londres  en  161 7,  et  dans 
bien  d'autres  ouvrages. 

Les  principaux  traits  satiriques  dont  les  Anglais  se  plaisent  à 
dessiner  la  figure  des  Irlandais  sont  déjà  indiqués  par  Giraud  de 
Cambrie  ;  les  œuvres  de  cet  historien  étaient,  comme  on  sait, 
autant  destinées  à  la  glorification  des  Anglo-Normands  qu'au  déni- 
grement des  Celtes,  de  ceux  de  Galles  comme  de  ceux  d'Irlande. 
Avant  lui  déjà,  William  of  Malmesbury  avait  assez  maltraité  les 
Irlandais.  Après  lui,  le  mépris  de  la  race  irlandaise  fut  de  tradition 
chez  les  historiens  anglais.  Dans  l'Introduction  de  son  Foras  Feasa 


2  30  Chronîcjue. 

ar  Èirinn,  le  brave  Keating  s'élève  avec  une  indignation  émue 
contre  le  parti  pris  dont  ses  compatriotes  étaient  victimes  ;  il  pro- 
teste contre  les  allégations  calomnieuses  de  John  Barckly,  de  Fynes 
Morvson.  de  Campion,  de  Camden,  de  Spcnser,  de  Stanihurst. 
C'est  surtout  d'Edmund  Spenser  (i 552-1 598),  auteur  du  fameux 
dialogue  A  Firu'  of  ihe  présent  state  of  Irelaiid  (imprimé  pour  la 
première  fois  en  1633)  et  de  Camden,  dont  la  Britaiiuia  fut  publiée 
en  1586,  que  les  modernes  ont  tiré  les  jugements  les  plus  sévères 
sur  rirlande.  A  quels  griefs  répondent-ils  donc?  On  reproche 
d'abord  aux  Irlandais  la  barbarie  de  leurs  mœurs;  ce  sont,  dit-on, 
des  sauvages  hostiles  à  toute  civilisation,  incapables  de  culture.  En 
outre,  on  les  accuse  d'être  sans  foi,  enclins  au  vol,  ivrognes  et 
superstitieux.  Déjà  Giraud  de  Cambric  avait  noté  tous  ces  défauts 
(v.  Thomas  Wright,  The  hisiorical  Works  of  Giraïdus  Cambrensis, 
London,  1881  :  Topographia  Hihernicu,  p.  ni,  p.  135,  p.  141). 
D'autres  ajoutent  la  nonchalance,  la  malpropreté,  la  tenue  débrail- 
lée, les  moeurs  relâchées,  dont  leurs  prêtres  catholiques  donne- 
raient eux-mêmes  l'exemple.  Ce  tableau,  si  noir  qu'il  soit,  contient 
une  part  de  vérité.  Beaucoup  des  défauts  qu'il  présente  ne  sont  que 
des  envers  de  qualités.  L'Irlandais  passe  pour  traître  et  peu  sûr 
parce  qu'il  est  mobile,  iujpressionnable,  prompt  à  se  jeter  d'un 
extrême  à  l'autre  ;  on  le  trouve  rebelle  au  progrès  parce  qu'il  est 
très  attaché  à  ses  traditions  et  qu'il  entoure  d'un  culte  touchant  les 
êtresset  les  choses  qui  lui  sont  familiers  ;  il  paraît  débraillé,  négli- 
gent, parce  qu'il  vit  content  de  peu,  et  brutal,  parce  que  sa  sincé- 
rité ne  connaît  pas  l'hypocrisie.  Son  arme  principale  est  l'esprit, 
dont  il  use  avec  une  souplesse,  une  vivacité,  une  fantaisie  inépui- 
sable. Elle  l'a  fait  parfois  accuser  de  méchanceté  '  ;  pourtant  le  fond 
de  son  caractère  est  la  bonté,  une  bonté  qui  le  laisse  souvent  sans 
défense  contre  la  ténacité  implacable  de  ses  ennemis.  Voilà  ce  que 
M.  Snyder  devait  dire  pour  compléter  et  expliquer  le  portrait  du 
Wild  Irish  ^. 

Au  théâtre  anglais,  l'Irlandais  a  fourni  un  personnage  bouffon, 
poussé  souvent  jusqu'à  la  charge,  le  «  Stage  Irishman  »;  il  appa- 

1.  Entre  autres  défauts  qu'il  reproche  aux  Irlandais,  Camden  les  accuse 
d'être  «  implacably  malicious  ». 

2.  Le  moindre  reproche  que  les  Anglais  adressent  aux  Irlandais  est 
d'être  passionnés  pour  la  controverse.  En  France,  ils  ont  longtemps  passé 
pour  avoir  l'esprit  querelleur,  chicaneur,  batailleur.  On  disait  autrefois  chez 
nous  «  ergoteur  comme  un  Hibernois  ».  Lesage  parle  des  «  figures  hiber- 
noises  »  avec  lesquelles  son  héros,  sortant  des  mains  du  plus  habile  pédant 
di'Oviedo,  entamait  des  disputes  philosophiques  (Gil  Blas,  chap.  I). 


ChronUjue.  231 

raît  déjà  dans  Ben  Johnson  (In'sh  Masque)  et  a  été  souvent  repré- 
senté. Il  a  un  partenaire  non  moins  bouffon,  dans  le  «  Stage  Welsh- 
man  »,  marqué  par  Shakespeare  de  traits  ineffaçables  :  Sir  Hugh 
Evans  des  Joyeuses  Commères  de  JFindsorei  Glcndower  de  Henry  IF 
sont  des  personnages  trop  célèbres  pour  qu'il  y  ait  lieu  d'insister 
sur  les  défauts  que  Shakespeare  reproche  aux  Gallois,  sur  leur 
balourdise  stupide,  leurs  prétentions  nobiliaires,  leur  vantardise 
(«  I  am  not  in  the  roll  of  common  men  »,  dit  Glendower),  leur 
superstition,  leur  goût  immodéré  pour  le  fromage.  Tous  ces  traits 
ont  été  reproduits,  depuis  Shakespeare,  dans  mainte  comédie.  Il  en 
est  un,  d'ordre  phonétique,  qui  mérite  une  mention  spéciale.  Quand 
un  auteur  dramatique  veut  ridiculiser  un  Gallois,  il  lui  fait  pronon- 
cer, surtout  à  l'init'iale,  les  occlusives  sonores  comme  des  sourdes  : 
ieal  pour  deal,  prilish  pour  british,  Cad  pour  God,  etc.  Il  y  a  Là  un  fait 
de  prononciation,  que  les  contemporains  de  Shakespeare  avaient 
relevé  et  que  chacun  peut  observer  aujourd'hui  encore,  dans  le  cas 
surtout  de  l'occlusive  gutturale,  en  entendant  parler  un  Gallois  (cf. 
ci-dessus,  p.  17). 

IX 

M.  Edmund  Curtis,  professeur  d'histoire  à  Trinity  Collège,  a 
publié  en  juin  1919  dans  les  Studies  (xo\.  VIII,  n°  30,  p.  234-267) 
un  fort  intéressant  article  intitulé  The  spohen  laiiguages  of  médiéval 
Ireland. 

A  aucun  moment  de  l'histoire,  l'irlandais  n'a  été  la  seule  langue 
parlée  en  Irlande.  Quand  les  Celtes  de  la  branche  gaélique  arri- 
vèrent dans  l'île,  ils  y  trouvèrent  des  populations  dont  la  langue 
était  sans  doute  fort  dift'érente  de  la  leur  et  se  maintint  plus  ou 
moins  longtemps.  Sans  remonter  à  l'époque  mythique  de  la  lutte 
des  Fomoré  et  des  Firbolg  contre  les  Tuatha  De  Danann  et  à  celle 
de  l'invasion  des  Milésiens,  on  peut  admettre  qu'avant  l'ère  chré- 
tienne il  se  parlait  en  Irlande  d'autres  langues  que  l'irlandais  : 
d'abord  le  picte,  puisqu'il  y  eut  dès  ce  moment  des  établissements 
pietés  dans  le  coin  Nord-Est  de  l'Ulster  et  peut-être  plus  bas,  le 
long  de  la  côte  ;  ensuite  le  britonnique,  comme  le  prouvent  les 
noms  des  Menapii  et  des  Brigantes,  peuples  de  Grande-Bretagne 
que  Ptolémée  nous  montre  installés  en  Irlande,  dans  la  région  qui 
est  actuellement  le  comté  de  Wexford.  Les  échanges  pacifiques  ou 
belliqueux,  entre  la  Grande-Bretagne  et  l'Irlande  ont  existé  dès  la 
plus  haute  antiquité  (K.  Meyer,  Trausact.  of  the  Soc.  of  Cymmro- 
dorion,  1895-1896,  p.  54).  Des  mariages  unirent  fréquemment  les 


232  Chronicjut'. 

familles  princicres  des  deux  pays.  Il  y  eut  des  Irlandais  installés  en 
Galles,  comme  le  prouvent  les  inscriptions  oghamiques  trouvées 
dans  ce  dernier  pays,  aussi  bien  que  des  noms  géographiques 
comme  Lleyn,  de  LageniÇ].  Rhys,  Archneologia  Cambreiisis,  1895, 
p.  18  etsuiv.;  K.  Meyer,  Sitiber.  derkdii.pr.  Akad.,  191 2,  p.  11 54). 
Le  glossaire  de  Cormac  fournit  la  preuve  d'établissements  irlandais 
en  Grande-Bretagne  (Thurneysen,  Festschrift  Windisch,  p.  28). 
Mais  il  V  eut  aussi  des  Bretons  en  Irlande  (J.  Loth,  Revue  Celtique, 
XMII,  304  et  XXMII,  417).  Le  moins  célèbre  n'est  pas  saint 
Patrice.  Il  est  vrai  qu'il  y  fut  vendu  comme  esclave  et  que  le  rôle 
illustre  qu'il  y  joua  n'eut  rien  de  spécialement  breton.  D'autres 
Bretons  en  revanche  y  laissèrent  des  traces  de  leur  langue,  comme 
le  nom  de  lieu  Salchoit  que  cite  Cormac  dans  son  Glossaire.  Le 
même  Cormac  connaissait  nombre  de  mots  bretons,  qu'il  avait 
apparemment  appris  de  gens  qui  les  employaient.  C'est  par  l'inter- 
médiaire des  Bretons  que  tant  de  mots  latins  ont  passé  en  irlan- 
dais ;  la  langue  bretonne  leur  servit  de  véhicule  et  les  laissa  en 
Irlande  après  qu'elle  se  fut  retirée.  Il  y  a  même  en  irlandais  un 
nombre  imposant  d'emprunts  britonniques  ;  ils  attestent  le  contact 
des  deux  langues  et  supposent  que  ce  contact  a  dû  se  prolonger 
pendant  un  certain  temps  (v.  Pedersen,  Vgl.  Gramm.,  t.  I,  p.  22 
et  suiv.). 

Le  contact  du  Scandinave  et  de  l'irlandais  a  laissé  moins  de  traces 
dans  le  vocabulaire.  Nous  savons  pourtant  dans  quelles  circon- 
stances il  s'est  produit  et  combien  il  a  duré.  Les  premières  inva- 
sions Scandinaves  remontent  à  la  fin  du  viiF  siècle.  Le  royaume 
danois  de  Dublin  s'écroula  lorsque  Brian  Boromha  eut  vaincu 
l'armée  du  roi  Sitric  à  la  bataille  de  Clontarf  (1014)  ;  mais  la 
population  Scandinave  resta  longtemps  importante,  fortement 
retranchée  dans  les  villes  de  l'Est  et  du  Sud  ;  et,  quoique  dissémi- 
née, elle  continua  sans  doute  à  parler  sa  langue.  Néanmoins,  en 
dehors  des  termes  de  marine,  dont  le  vocabulaire  est  presque 
entièrement  d'origine  Scandinave  (v.  notamment  les  travaux  de 
MM.  Bugge  et  Falk  mentionnés  Rev.  Celt.,  XXXIV,  205  et  230), 
l'irlandais  recèle  moins  d'éléments  Scandinaves  que  d'éléments 
brittoniques.  Cela  peut  tenir  à  ce  que  le  brittonique  représentait, 
grâce  à  l'influence  romaine  qu'il  avait  subie  fortement,  une  civilisa- 
tion d'un  degré  supérieur. 

En  tout  cas,  lors  de  l'invasion  anglo-normande,  il  ne  semble 
pas  que  les  descendants  des  envahisseurs  Scandinaves  fussent  diffé- 
rents pour  la  langue  et  les  mœurs  du  milieu  irlandais  où  ils 
vivaient  ;  celui-ci  les  avait  absorbés.  Les  conquérants  ne  firent  pas 


Chronique.  233 

de  distinctions  dans  le  traitement  qu'ils  infligèrent  aux  habitants, 
de  l'île.  Ces  conquérants  eux-mêmes  parlaient  des  langues  variées. 
Parmi  les  Anglo-normands  que  Strongbow  amena  en  Irlande  en 
116911  y  avait  moins  d'Anglais  et  même  de  Normands  que  de 
Flamands  et  de  Gallois.  Dans  les  Annales  des  Quatre  Maîtres,  les 
soldats  de  Strongbow  sont  appelés  Fleniendaigb  {«  Flamands  »)  ; 
ils  venaient  en  effet  du  South  Pembrokeshire,  où  Henri  I^""  avait 
«  planté  »  une  colonie  de  Flamands.  La  langue  flamande  ne  paraît 
pas  avoir  laissé  de  traces  en  Irlande,  si  ce  n'est  dans  le  nom  propre 
Fleming,  qui  se  rencontre  encore  aujourd'hui.  Des  noms  propres 
comme  Walsh  ou  Lynnot  attestent  d'autre  part  l'influence  galloise. 
Les  troupes  que  les  De  Burgo  employèrent  dans  la  conquête  du 
Connaught  étaient  en  effet  d'origine  galloise.  On  a  conservé  le 
souvenir  en  Mavo  de^  «  Welsh  tribes  of  Tirawley  » .  Les  choses 
changent  peu  en  Irlande.  On  y  voit  aujourd'hui  des  troupes  écos- 
saises campées  à  Phcenix  Parle,  des  Welsh  Fusiliers  occupant  des 
villes  de  l'Ouest,  comme  Limerick,  et  un  peu  partout  des  «  black 
and  tans  »,  recrutés  dans  toutes  les  parties  de  la  Grande-Bretagne. 
L'armée  d'occupation  de  sir  Xevil  Macready  rappelle  par  sa 
variété  celle  des  premiers  envahisseurs  qu'y  avait  envoyés  le  roi 
Henri  IL 

A  la  tête  de  ces  envahisseurs,  il  y  avait  surtout  des  Normands, 
qui  parlaient  franco-normand,  c'est-à-dire  français.  A  la  cour  des 
rois  d'Angleterre,  et  cela  pendant  plus  d'un  siècle,  c'est  exclusive- 
ment le  français  que  parlait  l'aristocratie.  Le  français  resta  long- 
temps, en  Irlande  comme  en  Angleterre,  la  langue  de  la  loi,  de  la 
chancellerie,  de  l'administration.  Les  fameux  «  Statuts  de  Kilkenny  », 
de  1367,  sont  rédigés  en  français.  Il  fallut  que  l'anglais  luttât 
peu  à  peu  contre  lui  pour  l'évincer.  En  Irlande,  on  trouve  le 
français  employé  dans  les  actes  du  Parlement  à  partir  de  13 10,  et 
jusqu'en  1472,  où  l'anglais  prend  sa  place.  Ces  dates  donnent  une 
idée  fausse  de  la  période  pendant  laquelle  le  français  fut  le  plus 
en  faveur  ;  il  faut  les  avancer  pour  avoir  une  vue  exacte  des  choses. 
Avant  13 10  on  parlait  français  en  Irlande  ;  l'importance  qu'y 
avait  prise  le  français  explique  qu'il  ait  remplacé  le  latin  ;  c'est  la 
marque  de  son  déclin  profond  qu'on  se  soit  décidé  dans  les  actes 
à  le  remplacer  par  l'anglais.  Au  cours  des  deux  siècles  qui  sui- 
virent la  conquête,  il  y  a  des  preuves  de  l'usage  du  français  comme 
langue  du  commerce  et  de  l'administration  urbaine  aussi  bien  que 
de  la  société  polie  et  cultivée.  Les  «  Statutes  and  ordinances  »  des 
villes  de  Dublin,  de  Waterford,  de  Limerick,  de  Gahvay  sont  en 
français  et  en  latin  jusqu'à  l'année  1365  où  le  français  cède  la  place 


2  54  Ch  rouit]  lie. 

■A  l'anglais.  Pendant  ce  temps  le  peuple  naturellement  continuait 
à  parler  irlandais.  La  vie  des  cités  était  donc  très  polyglotte. 
M.  Curtis  donne  de  ce  fait  des  preuves  typiques  et  amusantes. 
Il  cite  notamment  le  cas  d'un  évoque  d'Ossory,  Richard  Ledrede 
(15 18-1360),  qui  se  posa  en  réformateur  des  moeurs  du  clergé.  Il 
trouvait  que  celui-ci  sacrifiait  trop  aux  habitudes  mondaines  de 
la  petite  ville,  jusqu'à  introduire  à  l'église  ce  que  le  prélat  appelle 
«  cantilenae  teatrales,  turpes  et  seculares  ».  En  vue  de  combattre 
la  pernicieuse  influence  du  «  siècle  »,  il  composa  lui-même 
soixante  hymnes  en  latin  ;  mais,  pour  mieu.\  assurer  le  succès  de 
son  entreprise,  il  mit  les  paroles  qu'il  composa  sur  des  airs  emprun- 
tés aux  chansons  qu'il  condamnait.  Nous  connaissons  par  lui-même, 
les  premiers  vers  de  ces  chansons.  Il  y  en  a  d'anglaises,  mais  aussi 
de  françaises.  Cela  prouve  que  nos  refrains  de  café-concert,  toujours 
également  ineptes,  ont  toujours  eu  à  l'étranger  le  même  succès. 
Cela  prouve  aussi  que  dans  la  petite  ville  d'Ossory  le  français  et 
l'anglais  se  maintenaient  tous  deux  côte  à  côte  en  usage.  Parmi 
l'aristocratie,  l'usage  du  français  fut  plus  durable.  Gerald,  4^  comte 
de  Desmond  (1359-1398),  écrivit  des  vers  français,  que  conserve 
le  Book  of  Ross.  La  bibliothèque  des  Fitzgerald  de  Kildare,  quand 
Lord  Grey  prit  le  château  de  Maynooth  en  153 1,  contenait 
112  volumes,  dont  36  en  français,  34  en  latin,  22  en  anglais  et 
20  en  irlandais  (v.  Standish  O'Grady,  Catalogue,  p.  154).  Suivant 
certains  érudits,  le  français  aurait  même  laissé  des  traces  dans  l'ir- 
landais moderne.  M.  Douglas  Hyde  a  expliqué  comme  un  emprunt 
au  français  les  suffixes  -âiste (bagàiste  «  bagage  »,  corâiste  «  cou- 
rage »,  damàiste  «  dommage  »,  etc.  ;  cf.  Gadelka,  I,  79),  que 
M.  Thomas  F.  O'Rahilly  tire  avec  plus  de  vraisemblance  de  Vzn- 
g\i[s-age,  lui-même  d'origine  française  (/fczV/.,  I,  283).  D'autres 
retrouvent  du  français  dans  l'indéfini  puinn,  usuel  dans  le  dialecte 
du  Munster  surtout  en  phrase  négative  {ni  lahhradh  se  puinn  «  il  ne 
parle  guère  »),  ou  dans  la  place  que  le  même  dialecte  donne  à 
l'accent  sur  la  finale  de  certains  mots  (v.  toutefois  J.  Loth,  Rev. 
Celt.,  XXVIII,  p.  417  et  Revue  de  phonétique,  III,  317  et  suiv.). 

Quoi  qu'il  en  soit,  c'est  bientôt  l'anglais  qui  devint  le  seul  rival 
de  l'irlandais  en  Irlande.  La  lutte  des  deux  langues  est  fort  curieuse 
à  suivre,  même  quand  on  s'arrête  au  xvi«  siècle,  comme  fait 
M.  Curtis  ;  dans  ses  péripéties  diverses,  elle  marque  le  mouvement 
des  actions  politiques  et  sociales.  Les  villes,  surtout  sur  la  côte, 
étaient  des  centres  de  langue  anglaise  ;  les  bourgeois,  les  commer- 
çants, qui  étaient  d'origine  anglaise,  tenaient  beaucoup  à  leur 
langue,  qui  était  comme  la  marque  distinctive  de  leur  classe  sociale. 


Chronique.  255 

Mais  dans  les  campagnes,  l'irlandais  était  en  usage,  même  aux 
alentours  immédiats  des  villes.  D'autre  part  l'aristocratie  s'hiber- 
nisa  volontiers.  Dans  le  même  temps  qu'en  Angleterre,  les  nobles 
renonçaient  à  l'usage  du  français  pour  parler  la  langue  du  peuple, 
l'anglais,  en  Irlande  les  descendants  des  conquérants  anglo-nor- 
mands adoptèrent  l'irlandais  quand  ils  cessèrent  de  parler  français. 
Le  pouvoir  d'absorption  delà  civilisation  irlandaise  est  tel  que  sauf 
dans  les  régions  voisines  de  la  côte  orientale,  où  Ita  usages  anglais 
étaient  entretenus  par  l'arrivée  constante  de  nouveaux  colons, 
l'irlandais  ne  cessa  de  gagner  du  terrain.  En  1327,  un  poète  anglais 
d'Irlande,  cité  par  Sir  J.  Davies  dans  sa  Discovery  of  the  truc  causes 
luhy  Ireland  was  never  entirely  siihdued  (édition  Morley,  p.  298),  se 
lamente  de  l'abandon  de  plus  en  plus  grand  où  était  laissée  la 
langue  anglaise  et  en  rejette  la  faute  sur  le  gouvernement  d'Irlande, 
trop  favorable  aux  modes  irlandaises.  Comme  on  sait,  les  autorités 
d'Angleterre  s'émurent  de  cette  situation.  Le  statut  de  Kilkenny, 
en  1367,  interdisait  aux  Anglais  d'épouser  des  Irlandaises,  de 
former  avec  les  Irlandais  des  associations,  de  parler  leur  langue, 
de  prendre  des  noms  irlandais,  de  porter  la  moustache  à  l'irlan- 
daise, etc.  sous  peine  de  mort  ou  d'emprisonnement.  On  recon- 
naît à  ces  traits  le  despotisme  d'Edouard  III.  Le  statut  de  Kilkenny 
semble  n'avoir  eu  aucun  effet  ;  en  ce  qui  concerne  au  moins  l'usage 
de  la  langue,  il  se  trouva  abrogé  en  1495  par  la  loi  de  Poynings. 
Le  fait  est  que  les  preuves  abondent  de  l'extension  de  l'irlandais. 
Le  premier  comte  de  Kildare,  un  Fizgerald!,  qui  mourut  en  13 16, 
a  laissé  le  souvenir  d'un  poète  en  irlandais  ;  les  Quatre  Maîtres 
parlent  de  William  de  Burgo,  qui  mourut  en  1372,  comme  d'un 
adepte  des  manières  et  de  la  langue  irlandaises  ;  les  Butler  (Le 
Bouteiller),  devenus  seigneurs  d'Ormond,  les  de  Courcy  étaient 
entrés  par  mariage  dans  de  vieilles  familles  celtiques.  A  la  séance 
du  parlement  irlandais,  où  Henry  \'III  fut  fait  roi  d'Irlande,  en 
1542,  le  comte  d'Ormond  dut  traduire  en  irlandais  1'  «  adresse  » 
du  président  pour  les  membres  des  deux  chambres,  qui  apparte- 
naient pourtant  en  majorité  à  dé  vieilles  familles  anglaises  ;  il  n'y 
avait  que  lui  dans  le  Parlement  à  savoir  parler  anglais  ;  il  faut  dire 
que  la  famille  d'Ormond  était  par  tradition  un  des  plus  fidèles  sou- 
tiens de  la  couronne. 

Au  temps  de  Henry  VIII,  le  domaine  où  se  parlait  l'anglais,  en 
dehors  des  villes,  était  réduit  en  Irlande  à  deux  territoires  fort  exi- 
gus, d'une  part  le  Pale,  qui  consistait  alors  en  une  bande  de 
soixante  milles  de  long  sur  trente  de  large  de  Dundalk  et  Ardee  à 
Kilcullen  et  aux  Montagnes  de  Dublin,  et  d'autre  part  le  Sud  du 


256  Chroiiiiiiw. 

comté  de  Wexford,  avec  les  baronies  de  Forth  et  de  Bargy.  L'an- 
glais du  Pale,  entretenu  sans  cesse  par  les  rapports  avec  la  métro- 
pole, n'a  pas  d'histoire  indépendante  ;  mais  l'anglais  du  Wexford, 
éloigné  de  tout  contact  avec  l'Angleterre,  enfermé  dans  une  enclave 
du  domaine  celtique,  a  conservé  longtemps  ses  caractères  origi- 
nels; il  a  survécu  jusqu'au  milieu  du  xix*^  siècle  comme  un  dialecte 
aberrant,  apparenté  toutefois  aux  dialectes  du  Somerset  ou  du  Dor- 
set  (voir  la  description  qu'en  a  donnée  Jacob  Poole,  mort  en  1827, 
dans  The  Dialeci  of  Forlh  aud  Bargy). 

S'inspirant  en  tout  d'une  sagesse  clairvoyanteethabile,  Henry  VIII 
avait  établi  les  rapports  de  l'Angleterre  et  de  l'Irlande  sur  une  poli- 
tique conciliante  et  modérée.  Si  ses  successeurs  l'avaient  poursuivie, 
la  question  d'Irlande  serait  apparemment  depuis  longtemps  réglée, 
et  la  langue  irlandaise  fleurirait  encore  en  Irlande.  Mais  l'oppres- 
sion, brutale  ou  hypocrite,  remplaça  la  conciliation.  Les  siècles 
suivants  ne  furent  pas  moins  néfastes  à  la  langue  qu'à  la  civilisa- 
tion celtique  de  l'Irlande.  Les  conditions  politiques,  religieuses, 
économiques  agirent  naturellement  sur  la  langue  et  en  réglèrent 
l'histoire  lamentable.  Mais  c'est  une  histoire  que  M.  Curtis 
n'aborde  pas.  Il  se  borne  à  l'annoncer  en  quelques  mots  et  rappelle 
en  terminant  le  bel  éloge  de  la  langue  irlandaise  que  fait  Lynch, 
dans  son  Camhrensis  Eversus  :  «  It  surpasses  in  gravity  the  Spanish, 
in  élégance  the  Italian,  in  coUoquial  charm  the  French  and  equals, 
if  it  does  not  surpass,  the  German  itseif  in  inspiring  terror  », 
duand  on  songe  à  l'état  misérable  où  l'irlandais  est  réduit  aujour- 
d'hui, ces  lignes  font  le  triste  efïet  d'une  inscription  funéraire. 


X 

M.  Osborn  Bergin  a  commencé  dans  les  Sludies  de  mars  1918 
et  continué  dans  les  volumes  suivants  la  publication  de  Uiipublisbcd 
Irish  poenis.  Nous  avons  reçu  en  tirage  à  part  les  six  premiers  qui 
sont  consacrés  aux  sujets  suivants  : 

1.  The  Patron  Saint  of  the  O'Dalys  (mars  1918,  p.  97).  Le 
poème  est  de  Gofraidh  Fionn  O'Dâlaigh,  «  Ireland's  arcb-profes- 
sor  of  poetry  »,  qui  mourut  en  1387  ;  il  est  adressé  à  saint  Colman 
fils  de  Léinin,  patron  de  l'église  de  Cloyne. 

2.  In  meinoriam  Rîcardi  Nugent  (juin  19 18,  p.  279).  Richard 
Nugent  était  en  1603  en  état  de  «  rébellion  ».  Après  sa  mort,  ce 
poème  fut  composé  et  dédié  à  sa  mère  par  Giolla  Brighde 
O  Heoghusa  (en  anglais  O'Hosey  ou  O'Hussey),  franciscain  au 
collège  Saint-Antoine  de  Louvain,  où  il  mourut  en  16 14. 


Chronique.  237 

3.  An  Exiles  Yearning  (sept.  1918,  p.  451).  Du  même  auteur 
que  le  précédent,  ce  poème  est  adressé  à  William  Nugent,  père 
de  Richard.  O'Hussey  y  exprime  son  chagrin  d'être  depuis  dix  ans 
éloigné  d'Irlande. 

4.  On  a  change  in  Liicrary  Fashions  (déc.  1918,  p.  616).  L'au- 
teur, Eochaidh  O  Heôghusa,  s'y  plaint  des  conditions  misérables 
où  vivent  les  poètes  à  la  suite  des  troubles  politiques  du  pays. 
Le  poème  date  de  1603. 

5.  A  begging  lelier  (mars  19 19,  p.  72).  Complainte  amère  sur 
les  souffrances  de  son  exil,  adressée  par  Fearghal  Og  Mac  an 
Bhaird  à  Flaithri  O  Maoilchonaire.  Ce  dernier,  appelé  en  anglais 
Florence  Conry,  est  connu  pour  avoir  été  le  confesseur  et  l'ami 
dévoué  du  fameux  Aodh  Ruadh,  Red  Hugh  O'Donnell,  qui  mou- 
rut entre  ses  bras  à  Simancas  le  10  septembre  1602.  Fl  devint 
en  1609  archevêque  de  Tuam  et  fonda  le  collège  Saint-Antoine 
de  Louvain. 

6.  On  a  Peace  Conférence  in  i6oj  (juin  1919,  p.  255).  Ce  poème 
a  pour  sujet  les  négociations  entamées  par  Rury  O'Donnell,  le 
vaincu  de  Kinsale,  après  la  nouvelle  de  la  mort  de  son  frère  Hugh. 
L'auteur  en  est  Eoghan  Ruadh  Mac  an  Bhaird  (Red  Owen  Mac 
Ward)  ;  la  date,  1603. 

XI 

Au  point  de  vue  de  l'emploi  des  langues  locales  dans  l'ensei- 
gnement, la  France  est  en  retard  sur  d'autres  pays  et  notamment 
sur  sa  voisine  et  amie,  l'Angleterre.  En  Bretagne,  aucun  progrès 
appréciable  ne  semble  avoir  été  fait  depuis  la  Péliiiou  pour  les  langues 
provinciales  adressée  au  Corps  Législatit  en  1870  ;  on  se  rappelle 
que  cette  pétition  était  signée  du  comte  de  Charencey,  un  des 
fondateurs  de  la  Société  de  Linguistique,  de  Charles  de  Gaulle  et 
de  M.  Henri  Gaidoz,  directeur  de  la  Revue  Celtique.  Depuis  ce 
temps,  outre  Manche,  l'enseignement  bilingue  a  été  organisé,  non 
seulement  en  Galles  ',  mais  encore  en  Irlande  ;  en  se  prêtant  à  cette 
innovation,  l'administration  anglaise  a  fait  preuve  d'esprit  de  jus- 
tice. Voici  que  M.  F.  Gourvil,  directeur  du  journal  Mouei  ar  Vro, 
de  Morlaix,  a  pris  l'initiative  d'entamer  une  nouvelle  campagne  en 
faveur  de  l'enseignement  bilingue  en  Bretagne.  Dans  une  brochure 
de  16  pages  éditée  à  Morlaix  (33,  place  Thiers),  il  a  réuni  Quelques 
opinions  sur  les   langues   locales   dans  renseignement.    Ces   opinions 

I.  Voir  P.  Mocaër,  L'enseignenwiit  bilingue  au  pays  Je  Galles,  191 5. 

Revue  Celtique,   XXX VIII.  l6 


258  Chronique. 

émanent  de  savants,  de  professeurs,  de  publicistes,  au  nombre 
desquels  M.  Bréal,  J.  Loth  et  G.  Dottin.  Elles  sont  naturelle- 
ment toutes  favorables  à  l'idée  que  défend  M.  Gourvil.  On  peut 
les  résumer  dans  la  phrase  suivante,  qui  est  dé  M.  Loth  :  «  Un 
enseignement  bilingue  favoriserait  la  connaissance  approfondie 
du  français,  maintiendrait  la  langue  du  pays  et  pourrait  amener 
la  création  ou  le  développement  d'une  littérature  nationale  ». 


XII 

Nous  recevons  de  notre  collaborateur  et  ami  M.  H.  Hubert  la 
communication  suivante  : 

On  n'est  pas  tenté  de  rechercher  des  contributions  aux  études 
celtiques  dans  VOrientalistische  LUeraturicitung.'M.  J.  Pokorny  lui 
adonné  en  I918  un  article  intitulé  Eiii  neuii-monaiiges  Jahr  im  Kel- 
tischen  (col.  130  et  suiv.).  Les  calendriers  comportent  des  gran- 
deurs semblables,  et  théoriquement  devraient  être  des  systèmes 
de  grandeurs  semblables.  A  la  semaine  de  9  jours  devrait  corres- 
pondre par  exemple  une  année  de  9  mois.  C'est  ce  dont  M.  Po- 
korny signale  une  trace  chez  les  anciens  Irlandais.  Voici  son  texte 
(Book  of  Leinster,  p.  3 19  a.b  —  Rawlinson  B  502,  p.   147  a  39)  : 

Gahais  Dâri  mac  Dedad  rigl  conerhailt  dia  rue  a  ingen  in  mac  (t. 
Noine).  Atruhairt  in  drùi  ris,  intan  noberad  a  ingen  mac,  iss  and 
aibelad.  Co-rrabi  cornet  aice  furrî.  Arâide  rostorrchestar  Mac  ind  Oc 
{scilicet  quidam  diabolus)  dia  liiid  indingen  tria  mesca  assin  dîin.  Co- 
eragbatar  nadruid  [forahroind]co  cend  nôi  ihbliadan.  i.nôimisfà  nôi, 
co  rucadin  mac  .1.  nindiu  nôi-brethach  A.  nôc  mbrethe  rue  iarna  gein 
fachetôir.  Is  amlaid  rogèuair  co  irilis  fat  de  làm  fair  7  co  cassulcha. 
Marb  ira  Dàre  mac  Dedad  intan  rucad  Noine. 

«  Dâre  (*Darios)  le  fils  de  Deda  eut  le  pouvoir  jusqu'à  sa  mort, 
quand  sa  fille  eut  un  fils  (c'est-à-dire  Noine).  Le  druide  lui  avait 
prédit  qu'il  mourrait  quand  sa  fille  mettrait  un  fils  au  monde. 
Aussi  prenait-il  ses  précautions.  Cependant  elle  fut  engrossée  par 
Mac  ind  oc  (c'est-à-dire  par  un  démon),  étant  sortie  du  fort  en  état 
d'ivresse.  Les  druides  lui  maintinrent  le  corps  pendant  neufans,  c'est- 
à-dire  neuf  fois  neuf  mois,  dans  leur  puissance,  jusqu'à  ce  que 
naquit  un  fils  Nôi-brethach,  c'est-à-dire  qui  prononça  neuf  sen- 
tences après  sa  naissance.  Il  vint  au  monde  avec  des  cheveux  de 
deux  paumes  de  long  et  avec  une  barbe  bouclée.  Dâri,  fils  de 
Deda,  mourut  aussitôt  la  naissance  de  Noine.  » 

On  voudrait  bien  savoir  en  quoi  consistait  cette  année  de  9  mois. 


Chronique.  239 

Serait-ce  une  année  solaire  divisée  en  9  périodes  ?  Scraient-ce 
simplement  les  9  mois  de  la  grossesse  considérés  comme  une 
année  ? 

C'est,  je  crois,  plutôt  le  cas.  L'histoire  est  d'un  type  connu.  En 
Irlande,  c'est  celle  de  Lug,  où  Balor  tient  la  place  de  Dâre.  A  Rome, 
c'est  celle  de  Romulus  et  Rému^.  En  Grèce,  c'est  celle  de  Persée  et 
en  Perse,  c'est  celle  de  Cyrus. 

M.  Pokorny  cite  de  celle-ci  une  intéressante  version  (Spiegel, 
Iran.  Aliert.  537  sqq  ;  Justi,  Iran.  Nameiih.  390  ;  Sacred  Books  of 
Ihe  East,  V,  132  ;  G.  Hûsing,  Beitrâge  -{ur  Kyrussage,  p.  23)  : 

Le  bon  xo\  Jama  avant  été  mis  à  mort  par  le  mauvais  roi  Dahâka, 
celui-ci  doit  être  tué  par  un  descendant  de  Javia,  à  la  neuvième 
génération,  par  sa  fille  Frnk.  Ce  justicier  s'appelle  Frêtôim.  Dahâka 
n'est  autre  que  Ast^^ages  (^Aïisdahâka). 

Aux  neuf  générations  de  la  légende  de  Dahâka,  correspondent 
les  neuf  années  de  grossesse  de  la  fille  de  Dâre.  Je  doute  fort  qu'il 
y  ait  là  un  thème  calendaire.  Dans  l'ensemble  de  faits  réunis  par- 
M.  Pokorny,  ce  qui  me  frappe  le  plus  c'est  l'étroitesse  de  la  res- 
semblance que  présentent  les  légendes  de  Dâre  (  ?  Darios)  et 
d'Astyages. 

En  1919,  dans  la  même  Revue  (mai-juin,  col.  136),  M.  .C. 
Marstrander  a  ajouté  quelques  mots  à  l'article  de  M,  J.  Pokorny. 
Il  exprime  au  sujet  de  l'année  de  neuf  mois  le  doute  qui  vient 
d'être  exprimé.  Il  ajoute  en  passant  que  le  passage  avait  été  déjà 
relevé  par  K.  Meyer,  Contributions  to  Irish  Lexicography,  au  mot  hlia- 
dain.  Il  traduit  le  nom  du  héros,  qu'il  corrige  en  Nôindiu  nôiin- 
hrethach,  Noindiu  des  neuf  enfantements  ;  l'auteur  a  joué  sur  les 
similitudes  des  mots  breth,  «enfantement  »  et  brelh  «  sentence».  Il 
corrige  d'autre  part  Naine  en  Noinne  d'après  le  livre  de  Byllmote. 

M.  J.  Pokorny  a  répliqué  aux  observations  de  M.  C.  Marstran- 
der dans  le  numéro  de  septembre-octobre  19 19  du  même  pério- 
dique, col.  230  et  suiv. 

J.  Vendryes. 


NÉCROLOGIE 


Joseph  Déchelette.  —  A.  Héron  de  Villefosse.  —  F.  de  Pachtcrc. 
André  Oheix.  —  R.  Henebrv.  —  E.  C.  Quiggin.  —  P.  O'  Lcary. 
O.  Schrader.  —  Karl  Brugmann. 


Joseph  DÉCHELETTE 

Il  n'est  pas  encore  trop  tard  pour  rendre  dans  cette  Revue  à  la 
mémoire  de  J.  Déchelette  l'hommage  qui  lui  est  dû.  Quelques 
semaines  à  peine  sont  passées  depuis  qu'une  cérémonie  touchante 
réunissait,  le  23  juin  1920,  ses  admirateurs  et  ses  amis,  sous  la  pré- 
sidence du  maréchal  JofFre,  au  Musée  de  Saint-Germain,  dans  la 
salle  de  la  Marne,  pour  inaugurer  son  buste,  qui  dominera  le  riche 
étalage  de  ces  antiquités  gauloises  à  l'élude  desquelles  il  a  consacré 
sa  vie.  L'ère  des  hommages  n'est  pas  close  pour  J.  Déchelette. 
L'amitié  la  prolongera.  La  simple  réunion  de  Saint-Germain  a 
montré  combien  d'amitiés  ce  galant  homme,  qui  fut  un  savant 
considérable  et  qui  est  mort  en  brave,  avait  su  grouper  autour  de 
lui. 

J.  Déchelette  est  né  à  Roanne  le  8  janvier  1862  dans  une 
famille  d'industriels  fort  honorée.  Lui-même,  ses  années  d'études 
achevées,  s'est  donné  tout  d'abord  au  travail  de  la  maison  fami- 
liale et  ne  s'en  est  au  surplus  jamais  désintéressé.  En  1892  il  fut 
nommé  conservateur  du  Musée  de  Roanne.  Mais  c'est  à  partir  de 
1899  seulement  qu'il  a  pu  se  consacrer  presque  uniquement  à  ses 
projets  scientifiques.  Il  arrivait  à  la  science  avec  un  très  bon  bagage 
d'études  classiques,  d'excellentes  traditions  de  famille,  une  bonne 
pratique  des  langues  modernes  et  des  pays  étrangers,  les  solides 
connaissances  archéologiques  et  les  vastes  curiosités  qu'entre- 
tiennent les  bonnes  sociétés  de  province,  une  ample  expérience  de 
la  vie,  des  hommes  et  des  techniques,  une  appréciable  habitude  du 
travail  méthodique  et  positif,  mais  aucune  culture  d'Université  ou 
d'Académie.  Ces  particularités  de  sa  formation  expliquent  une  partie 


Nécrologie.  241 

de  son  originalité.  S'ily  eut  défaut,  il  y  a  paré  et  personne  n'a  songé 
à  le  lui  reprocher.  Il  a  été  en  effet  reconnu  d'emblée  par  les 
savants  et  il  s'était  classé  dans  les  tout  premiers  quand  la  guerre 
éclata. 

J.  Déchelette  était  capitaine  de  territoriale.  Affecté  d'abord  au 
commandement  d'une  compagnie  du  to4^  d'infanterie,  il  n'eut  de 
cesse  qu'il  fût  envoyé  au  front.  Il  y  alla  avec  une  compagnie  du 
298*  de  réserve  et  fut  frappé  le  5  octobre  19 14  dans  un  de  ces 
assauts  aveugles  oi\  l'armée  française  paya  si  cher  son  école  de  la 
guerre.  Il  mourut  deux  jours  après  à  Vingré  (Aisne).  Une  très 
belle  citation  et  la  piété  de  ses  soldats  furent  un  hommage  immé- 
diat et  bien  mérité. 

On  trouvera  une  bibliographie  complète  de  J.  Déchelette  dans  la 
notice  que  lui  a  consacrée  sans  tarder  la  pieuse  amitié  de 
M.  S.  Reinach  dans  la  Revue  archéologique  de  I9i4(p.  315).  Je  ne 
veux  qu'indiquer  les  principaux  moments  de  sa  vie  scientifique  et 
son  apport  aux  études  celtiques.  Sa  vie  scientifique  se  résume  en 
trois  faits  :  les  fouilles  du  Beuvray,  la  publication  des  Vases  Céra- 
miques ornés  de  la  Gaule  romaine  et  celle  de  son  Manuel  d^ Ar- 
chéologie préhistorique.  La  préparation  de  chacun  de  ces  livres  a 
donné  lieu  à  la  publication  d'un  grand  nombre  d'articles  et  de 
mémoires,  travaux  d'approche. 

J.  Déchelette  était  le  neveu  de  BuUiot,  l'auteur  des  fouilles  du 
Beuvray.  Il  a  participé  aux  fouilles  de  son  oncle  et  les  a  continuées 
lui-même  à  partir  de  1897.  C'est  ce  qui  orienta  sa  carrière  d'ar- 
chéologue. Le  Beuvray  l'attacha  aux  Gaulois  ;  l'étude  de  ce  qui 
s'y  trouvait  le  mena  à  celle  des  fouilles  de  Stradonic  et  de  proche 
en  proche  fit  de  lui  le  spécialiste  de  l'archéologie  gauloise  (voir 
J.  Déchelette,  V Oppidum  de Bihr acte.  Paris,  Picard,  sans  date). 

Le  classement  du  Musée  de  Roanne,  très  riche  en  poterie,  la 
proximité  des  grands  ateliers  céramiques  gallo-romains  de  la  vallée 
de  l'Allier  et  de  Lezoux,  un  fructueux  voyage  en  Italie,  qui  lui  donna 
une  idée  concrète  de  l'exportation  rutène  ou  arverne,  l'amena  à  com- 
poser son  grand  ouvrage  sur  les  Vases  céramiques  ornés  de  la  Gaule 
romaine  (Paris,  Picard,  1904),  livre  incomplet  sans  doute,  puis- 
qu'il néglige  les  ateliers  du  Nord  de  la  Gaule  et  de  la  Germanie, 
et  qu'il  s'écourte  au  moment  où  les  céramistes  gaulois  paraissent 
retrouver  leur  spontanéité  et  leuresprit  d'inventiondans  l'application 
de  la  technique  du  décor  à  la  barbotine,  mais  livre  presque  tout 
entier  de  première  main  et  marqué  d'une  forte  originalité.  J. 
Déchelette  a  classé  et  daté  les  diverses  séries  de  cette  céramique  à 
décor  d'impression  ;  il    en  a  suivi    la   dispersion  ;   il   a  analysé   sa 


242  Nécrologie. 

» 

technique,  ses  ornements  et  laisse^  la  clarté  où  il  avait  trouvé  la 
confusion.  J.  Dcchelctte  aimait  les  énumcrations  et  les  statistiques. 
Elles  constituent  la  charpente  solide  de  ses  ouvrages  et  en  font  la 
valeur  durable  ;  elles  donnent  à  ses  lecteurs  une  impression  de  sin- 
cérité, d'honnêteté  qui  satisfait  et  rassure  les  exigences  critiques.  Il 
s'est  donné  carrière  dans  ce  grand  ouvrage.  La  liste  des  potiers  de 
Lezoux  et  des  lieux  où  ont  été  trouvées  leurs  marques,  l'inventaire 
descriptif  des  marques,  le  recueil  général  et  analytique  des  types, 
sont  des  travaux  définitifs,  où  il  n'y  a  que  très  peu  à  ajouter  et 
qu'il  suffît  en  tous  cas  de  compléter,  s'il  en  vaut  la  peine.  Par  cette' 
publication,  J.  Déchelette  a  fait  ses  preuves  de  science  étendue  et 
de  sûre  compétence,  particulièrement  aux  yeux  des  savants  qui  en 
jugent  au  critérium  de  l'archéologie  classique. 

Ces  potiers  gallo-romains  étaient  des  Gaulois  adonnés  à  une 
industrie  latine,  mais  Gaulois  au  fond.  J.  Déchelette  va  retrouver 
les  Gaulois  en  composant  son  Manuel  iFarcbéologie  préhistorique.  Il 
leur  a  donné  prés  de  deux  volumes  et  ils  sont  d'importance. 

Le  quatrième  volume  de  ce  manuel,  consacré  plus  spécialement 
à  l'archéologie  du  monde  gaulois  aux  derniers  siècles  avant  la  con- 
quête romaine  de  la  Gaule,  a  paru  en  19:4.  Il  devait  être  suivi 
d'un  ou  deux  volumes  d'archéologie  gallo-romaine,  que  J.  Déche- 
lette était  certainement  mieux  que  personne  préparé  à  écrire,  mais 
qu'il  n'aurait  certainement  pas  écrits  avec  le  même  intérêt  que  le 
dernier  volume.  Nous  avons  la  bonne  fortune  qu'il  ait  pu  nous 
donner  la  partie  essentielle  de  son  ouvrage.  Celui-ci  s'est  déve- 
loppé en  cours  décomposition.  Il  devait  comporter  deux  volumes: 
l'un,  archéologie  préhistorique,  comprenant  le  paléolithique  et  le 
néolithique,  l'autre,  archéologie  celtique  ou  protohistorique,  c'est- 
à-dire  les  âges  des  métaux.  Mais  la  matière  a  débordé  le  cadre. 
L'âge  du  bronze  a  fait  tout  un  volume,  qui  a  été  suivi  d'un  petit 
volume  d'appendices,  dont  l'un  se  rapporte  au  volume  suivant. 
L'âge  du  fer,  dans  son  ensemble,  devait  en  faire  un  autre,  et  c'était 
une  idée  scientifique.  Mais  il  a  fallu  le  diviser.  Malheureusement  la 
coupure  a  été  conçue  trop  tard  et  il  y  a,  d'un  volume  à  l'autre,  des 
chevauchements  fort  gênants.  Le  premier  volume  de  l'âge  du  fer 
a  39e  pages,  le  deuxième  en  a  781  et  J.  Déchelette  avait  fait 
paraître  en  1913  léo  pages  d'appendices  nouveaux.  Personne,  je 
crois,  ne  s'en  est  plaint  et  nous  aurions  grand  tort  de  nous  en 
plaindre.  J.  Déchelette,  qui  était  assez  lettré  pour  se  donner  de 
temps  à  autre  le  plaisir  de  fleurir  son  style,  n'attachait  qu'une 
médiocre  importance  à  l'harmonieux  équilibre  de  la  composition. 
Il  a  tenu  à  faire  part  au  public  de  son  trésor  de  notes  et  de  biblio- 
graphie, et  il  a  bien  fait. 


Nécrologie.  245 

J.  Déchelette  a  apporté  le  plus  grand  soin  à  la  classitication 
chronologique  des  formes  des  objets  auxquels  s'attache  l'archéolo- 
gie, lia  donné  plus  d'intérêt  à  l'étude  de  la  répartition.  Ses  cartes 
sont  inappréciables.  Mais  ils  avait  aussi  les  interpréter  et  leurdeman- 
der  toutes  les  lumières  possibles  sur  le  cheminement  de  la  civilisa- 
tion. La  partie  la  plus  parfaite  de  ses  volumes  d'archéologie  cel- 
tique, c'est,  à  vrai  dire,  la  technologie.  Retrouver  l'usage,  compléter 
la  forme,  définir  les  types  des  outils  préhistoriques  et  en  établir 
la  filiation  est  un  art  auquel  il  excellait  entre  tous.  Dans  le  précé- 
dent vblume  l'étude  des  poignards  de  fer  à  antennes  de  la  fin  de 
l'époque  Halstattienne  était  particulièrement  remarquable,  ainsi 
que  le  chapitre  sur  les  broches  utilisées  comme  monnaies,  qu'il 
avait  essayé  d'abord  dans  la  Revue  Numismatique.  Dans  le  dernier 
volume  le  chapitre  sur  la  charronnerie  gauloise  est  un  modèle  et  il 
y  en  a  d'autres . 

Si  l'on  peut  essayer  de  dégager  une  idée  principale  dans  un 
exposé  si  objectif  et  si  ample  de  l'archéologie  gauloise,  la  voici  : 
la  civilisation  celtique  est  tributaire  de  la  civilisation  grecque.  Les 
Celtes  ont  reçu  de  la  Grèce,  par  la  vallée  du  Pô  et  les  Alpes  d'abord, 
par  Marseille  ensuite,  les  produits  du  Midi,  huile,  vin  surtout  et  tout 
le  matériel  que  l'usage  de  ces  produits  comportait,  récipients, 
vases  à  verser,  vases  à  boire.  Cette  vaisselle  d'importation  leur  a 
fourni  des  modèles.  Les  ornements  caractéristiques  de  leur  art  s'en 
inspirent. 

Dans  toute  la  longueur  de  ses  trois  derniers  volumes  Déchelette 
n'a  cessé  d'attribuer  en  Europe  à  la  zone  méridionale,  orientale  et 
méditerranéenne  une  influence  prépondérante  qui  se  résume,  peut- 
être  symboliquement,  en  celle  de  la  civilisation  grecque.  D'un  bout 
à  l'autre  la  Grèce  commande  la  civilisation  européenne.  Derrière 
elle  vint  l'Italie. 

Ce  n'est  pas  faire  injure  à  sa  mémoire  que  de  limiter  à  cet  éo-ard 
la  portée  de  ses  conclusions. 

Au  surplus,  J.  Déchelette  ne  cesse  de  vanter  l'habileté  technique, 
par  exemple  des  métallurgistes  gaulois,  l'esprit  inventif  de  toute 
l'industrie,  l'originalité  de  la  charronnerie,  de  l'émaillerie,  etc.  Les 
Gaulois,  comme  les  peuples  qui  les  avaient  précédés  à  la  tête  de 
l'Europe,  ont  eu  un  armement  original  et,  pour  leur  temps,  supé- 
rieur, enfin  quelques  techniques  spéciales.  Grands  imitateurs  ils 
ont  été,  sans  doute,  mais  ils  avaient  de  la  personnalité.  Le  Manuel 
de  J.  Déchelette  est  le  tableau  le  plus  complet  et  le  plus  impres- 
sionnant de  cette  civilisation  gauloise  déjà  si  bien  outillée  au 
moment  où  la  conquête  de  la  Gaule  par    les  Romains   la  ramena 


244  Nécrologie, 

violemment  dans  le  cercle  de  la  civilisation  romaine.  Il  a  tracé  ce 
tableau  avec  amour  et  l'on  peut  dire  avec  un  patriotisme  discret, 
sachant  juger  du  temps  et  des  valeurs  générales.  En  appréciant  les 
qualités  intellectuelles  de  l'œuvre,  on  revient  par  un  mouvement 
naturel  aux  sentiments  et  aux  qualités  morales  de  l'homme.  Quali- 
tés intellectuelles,  qualités  morales  sont  inséparables  chez  un  être 
aussi  bien  équilibré  que  J.  Déchelette.  C'est  aux  deux  que  vont 
nos  hommages  et  le  regret  de  son  sacrifice. 

H.  Hubert. 


A.  HERON  DE  VILLEFOSSE 

A.  Héron  de  Villefosse,  qui  est  mort  le  15  juin  19 19,  très  peu 
de  temps  après  avoir  résigné  ses  fonctions  de  conservateur  des 
Antiques  au  Musée  du  Louvre,  était  entré  avant  la  guerre  de  1870 
dans  le  personnel  des  Musées.  Il  y  était  destiné  par  tradition  de 
famille,  étant  parent  du  comte  de  Clarac.  Peu  de  jours  après  sa 
sortie  de  l'École  des  Chartes,  il  avait  été  distingué  par  Froehner  et 
attaché  au  département  des  Antiques.  Il  en  était  conservateur 
depuis  1889.  A  peine  en  fonctions,  il  s'était  dévoué  avec  courage 
et  sang-froid,  pendant  la  guerre  et  la  Commune,  à  la  protection  et 
au  sauvetage  du  Louvre.  Il  a  retrouvé  à  la  fin  de  sa  carrière  les 
mêmes  soucis  qu'à  ses  débuts.  Il  représentait  au  Louvre,  avec  toute 
l'autorité  de  son  ancienneté,  de  son  savoir,  de  ses  services,  le 
passé,  la  tradition,  mais  un  passé  et  une  tradition  alertes,  saines  et 
bienveillantes. 

Un  très  louable  souci  de  la  perfection,  qu'on  lui  a  reproché,  l'a 
peut-être  empêché  de  publier  quelques  gros  travaux.  Il  laisse  cepen- 
dant une  œuvre  considérable  en  articles  et  en  mémoires,  générale- 
ment courts,  mais  parfaitement  au  point,  qui  sont  éparpillés  dans 
la  Revue  archéologique,  le  Bulletin  luonutnenial,  les  Mémoires  de  la 
Société  des  Antiquaires,  le  Bulletin  archéologique  du  Comité  des  travaux 
historiques,  les  Comptes  rendus  de  l'Académie  des  Inscriptions,  les  Monu- 
ments Piot.  Ces  travaux  sont  dispersés  dans  le  vaste  champ  de 
l'archéologie.  Il  y  en  a  bien  une  trentaine  qui  sont  des  contribu- 
tions à  l'archéologie  de  la  Gaule  romaine  ou  même  des  Gaulois  '. 
C'est  à  la  Gaule  qu'appartient  le  dieu  accroupi  de  Bouray,   qu'il 

I.  Statue  d'Apollon  à  Entrains,  Revue  archéoto^ ique ,  1876.  Mercure 
arverne,  Revue  arctiéologiqiie,  1883.  Canthare  d'Alise,  Moninnents  Piot, 
1905.  Grâîfiti  gaulois  de  Châyrieu,  Bulletin  arcliéologique  du  Comité,  19 16, 
etc. 


Nécrologie.  245 

publiait  en  191 3  dans  les  Mémoires  de  la  Société  des  Antiquaires  et  la 
Statuette  de  bronze  d'Issoudun  qu'il  faisait  connaître  vers  le  même 
temps. 

Les  voyages  archéologiques  de  Héron  de  Villefosse  lui  avaient 
créé  parmi  les  savants  de  province  des  relations  très  étendues.  11 
leur  devait  d'être  informé  de  toutes  les  découvertes.  Mais  il  a 
certainement  eu  sur  cette  clientèle  de  savants  une  influence  consi- 
dérable et  c'est  peut-être  sa  plus  efficace  contribution  aux  études 
auxquelles  s'attache  cette  revue.  Il  tenait  ainsi  dans  notre  vie  scien- 
tifique une  place  qui  reste  vide.  Rendons  hommage  en  passant  à  la 
mémoire  de  ce  très  honnête  homme  et  de  cette  grande  probité 
intellectuelle. 

H.    Hl'bert. 


AxDRÉ    OHEIX 

Né  à  Loudéac  le  26  novembre  1882,  André  Oheix  a  passé  les 
années  les  plus  heureuses  de  sa  vie  dans  sa  propriété  de  la  Ville-au- 
Veneur,  en  Trévé.  Elle  lui  disait  tant  de  choses  !  Elle  avait  été 
construite  par  son  quadrisaïeul,  Sébastien  Moisan  (né  en  1705), 
qui  faisait  facilement  des  vers  et  des  chansons,  qui  avait  une  corres- 
pondance intéressante  avec  des  personnages  notables,  homme 
d'ordre  et  laborieux,  dont  la  fortune  se  développa  dans  le  com- 
merce des  toiles.  On  sait  que  cette  industrie  était  très  prospère 
dans  toute  la  contrée.  —  Une  petite-fille  de  Sébastien  Moisan 
épousa  le  docteur  Oheix,  élève  du  fameux  Guépin  (de  Nantes),  et 
qui  fut  le  grand-père  de  notre  ami.  —  Celui-ci  se  trouvait  appa- 
renté à  bon  nombre  de  familles  connues  en  Bretagne.  Il  avait  pour 
grand-oncle  le  chanoine  Tresvaux,  qui  a  montré  du  zèle  pour  l'é- 
rudition ecclésiastique  de  notre  province  ;  et  il  comptait  parmi  les 
membres  plus  ou  moins  rapprochés  de  son  lignage,  le  conven- 
tionnel Honoré  Fleury,  dont  les  Mémoires  ont  été  publiés  par 
Robert  Oheix.  —  Ce  dernier,  né  en  1845,  mort  en  1904,  était  le 
père  d'André.  Magistrat,  érudit,  écrivain,  il  était  un  esprit  indépen- 
dant et  original,  nanti  d'une  bibliothèque  abondante  et  curieuse. 
Notre  ami  était  donc  prédestiné  aux  travaux  intellectuels. 

Il  fit  ses  humanités  à  la  maison  paternelle.  Plus  tard,  il  suivit  à 
VËcole  pratique  des  Hautes  Études  les  conférences  d'histoire  de 
M.  Thévenin  et  de  M.  Lot,  durant  les  années  scolaires  1906-7, 
1907-8,  1908-9,  1909-10.  Il  gardait  de  cette  période  de  sa  vie  un 
délicieux  souvenir.  Le  25  juin  19 14,  il  se  maria  avec  M"<=  Amélie 


246  Nécrologie. 

Trémaut,  à  Nantes.  Mais  il  eut  à  peine  le  temps  de  faire  un  voyage 
de  noces  en  Italie.  La  guerre  monstrueuse  éclatait.  Il  partit 
comme  caporal  au  i^""  régiment  d'infanterie  coloniale,  22^^  compa- 
gnie. Le  i^""  janvier  1915,  il  m'écrivait  :  «  Depuis  trois  mois  je 
suis  en  campagne  et  mène  la  vie  de  tranchées  ;  je  ne  suis  plus  un 
rat  de  bibliothèque,  mais  une  taupe.  Enfin  c'est  encore  quelque 
chose  que  d'être  vivant,  et  je  suis  bien  vivant.  Il  y  a  quelques 
semaines,  je  me  suis  tout  particulièrement  souvenu  de  vous  devant 
l'autel  de  S.  Méen,  dans  l'église  de  La  Neuville-au-Pont  (Marne). 
Les  deux  statues  du  saint  sont  malheureusement  modernes,  mais 
j'ai  été  heureux  de  retrouver  si  loin  ce  petit  morceau  de  Bre- 
tagne. »  André  était  alors  sergent.  Le  27  juin  191 5,  il  fut  cité  à 
Tordre  du  régiment,  avec  cette  mention  :  «  A  fait  preuve  d'une 
belle  énergie  et  d'un  sang-froid  remarquables,  en  maintenant  ses 
hommes  dans  la  tranchée,  après  l'explosion  d'une  mine  allemande 
qui  avait  bouleversé  une  partie  du  parapet.  A  contribué  au  dégage- 
ment d'un  blessé  enseveli  par  l'explosion,  malgré  les  gaz  suffo- 
cants lancés  par  l'ennemi.  »  Moins  d'un  mois  après  (le  15  juillet), 
André  Oheix,  décoré  de  la  croix  de  guerre,  docteur  en  droit, 
élève  diplômé  de  l'Ecole  pratique  des  Hautes  Etudes,  disparaissait 
au  champ  d'honneur,  près  Vienne-le-Château,  en  Argonne,  dans 
sa  33^  année. 

C'était  un  homme  d'une  droiture  parfaite,  de  relations  très 
agréables  et  très  sûres,  plein  de  procédés  délicats  pour  ses  amis, 
un  esprit  éverilé,  et  qui  savait  maintenir  sa  liberté  d'appréciation. 
La  bibliographie  de  ses  travaux  montrera  son  activité  et  la  perte 
sensible  que  sa  mort  cause  à  l'érudition  provinciale  : 

Un  coin  de  bibliographie  simonienne  :  Jules  Simon  au  Journal 
pour  tous  (dans  la  Rev.  hist.  de  FOii-esl,  année  1897,  p.  139-145). 

S.  Frjard  el  S.  Seconde},  Saint-Brieuc,  Prud'homme,  1900.  In- 
oct.,  28  p. 

Noie  sur  la  translation  des  reliques  de  S.  Paul  Aurélien  à  Fleuri 
(vers  9So),  \'annes,  Lafolye,  1901.  In-oct.,  8  p.  (Extr.  du  Bulletin 
soc.archéol.  Nantes). 

S.  Victor  de  Cambon,  Nantes,  Guist'hau,  1903.  In-oct.,  41  p. 
(Extr.  du  Bulletin  soc.  archéol.  Nantes).  \ 

Échantillons  de  correspondances  bretonnes  du  XVIII^  siècle,  Saint- 
Brieuc,  Prud'homme,  1903.  In-oct.,  12  p. 

Bibliographie  de  Robert  Oheix,  Saint-Brieuc,  Prud'homme,  1906. 
Plaquette  de  16  p.,  tirée  à  50 exemplaires. 

Les  reliques  bretonnes  de  Monlreuil-sur~mer ,  Nantes,  Durance, 
1906.  In-oct.,  37  p.  (Extr.  àtsMéni.  Associât,  brei.). 


Nécrologie.  247 

S.  MeJaine  est-il  11c  à  Plélanjf  ?  "Nantes,  Durance,  1908.  In-oct., 
9  p.  (Extr.  des  Mém.  Associai,  hret.). 

Un  livre  d'histoire,  Paris,  Champion,  1908.  In-oct.,  20  p.  (Extr. 
de  la  Rev.  de  Bret.),  C'est  une  étude  sur  les  Mél.  dlnst.  hret.  de 
M.  Ferdinand  Lot. 

S.  Benoit  de  Macérac,  Nantes,  Durance,  191p.  In-oct,,  22  p. 
(Extr.  du  Ballet,  soc.  archèol.  Nantes). 

Le  prix  de  la  vie  à  Ploërmel  au  milieu  du  XVIII''  siècle.  In-oct., 
9  p.,  dans  la  Revue  niorbihaunaise,  avril  19 10. 

Vie  inédite  de  S.  Cuniual,  publiée  avec  un  commentaire,  Paris, 
Champion,  191 1.  In-oct.,  30  p.  (Extr.  de  la  Revue  celtique, 
XXXII). 

Le  culte  des  sept  saints  de  Bretagne  au  moyen  âge,  Nantes,  Durance, 
1911.  In-oct.,  16  p. 

Les  évèques  de  Léon  aux  X^  et  XI^  siècles,  Nantes,  Durance,  191 2. 
In-oct,,  12  p,  (Extr.  desMe;w.  Associât,  hret.). 

L'histoire  deCornoiiaille  d'après  un  livre  récent,  19 12,  in-oct.,  24  p, 
(Extr,  du  Bullet.  soc.  archéol.  du  Finistère').  C'est  une  étude  sur  les 
Mél.  d'hist.  de  Comouaille  par  Robert  Latouche. 

S.  Viau,  Nantes,  Durance,  191 3.  In-oct.,  32  p.  (Extr.  du  Bullet. 
Soc.  archéol.  Nantes). 

Notes  sur  la  vie  de  S.  Gildas,  Nantes,  Durance,  191 3.  In-oct,, 
37  p.  (Imprimé  à  Saint-Brieuc,  chez  Prud'homme.) 

La  date  de  la  mort  d'Alain  III  duc  de  Bretagne,  Saint-Brieuc, 
Guyon,  1913,  In-oct.,  10  p. 

Nécrologe  de  l'abbaye  de  Landevenec,  Quimper,  Kerangal,  191 3 
(Extr,    du   Bullet.   diocésain  d'hist.    et  d' archéol.  Quimper).  In-oct., 

19  P- 

Essai  sur  les  sénéchaux  de  Bretagne  des  origines  au  XIV^  siècle,  Paris, 
Fontemoing,  1913.  In-oct.,  xvi-253  p.  Thèse  de  doctorat  en  droit. 
Cf.  Reviw  historique,  sept.-oct,  19 18,  p.  99-101,  article  de  M.  Louis 
Halphen . 

Recherches  sur  le  commencement  de  l'année  civile  en  Bretagne  au  moyen 
âge  (dans  le  Moyen  âge,  mai-juin  1914,  p.  215-232). 

André  Oheix  avait  entrepris  un  Recueil  des  actes  des  ducs  de  Bre- 
tagne jusqu'au  XIII^  siècle.  Et  il  avait  achevé  un  S.  Corentin,  com- 
prenant le  texte  d'une  vita  et  divers  documents  liturgiques.  Le  plus 
bel  hommage  qu'on  pût  rendre  à  sa  mémoire  serait  de  publier, 
avec  le  soin  qui  convient,  et  sans  trop  tarder,  le  fruit  de  ses 
patientes  recherches  et  de  sa  critique  historique. 

Disons  en  terminant  que  la  descendance  màle  des  Moisan-Oheix 
s'est  éteinte  au  champ  d'honneur,  par  la  mort  du  lieutenant  Robert 
Oheix,  frère  d'André.  F.  Duine. 


54S  Nêcrohme. 


F.  DE   PACHTÈRE 

L'Université  française  a  paye  un  lourd  tribut  au  Moloch  panger- 
maniste.  La  liste  est  terriblement  longue  des  jeunes  professeurs  et 
savants  qui  ont  donné  leur  vie  sur  les  champs  de  bataille  pour  la 
défense  de  la  patrie  attaquée.  Parmi  ceux  dont  la  perte  est  le  plus 
déplorable  au  point  de  vue  des  études  historiques,  il  faut  citer 
Félix  de  Pachtére,  tué  le  24  septembre  19 16  à  la  tête  de  sa  compa- 
gnie au  combat  de  Boresnica,  en  avant  de  Florina.  Né  à  Paris  le 
20  avril  1881,  de  Pachtére  était  entré  à  l'École  Normale  supérieure 
en  1903  et  avait  été  reçu  agrégé  d'histoire  en  1907.  La  Gaule 
l'attira  d'abord.  On  n'a  pas  oublié  l'article  qu'il  publia,  en  collabo- 
ration avec  son  maître  M.  Camille  JuUian,  dans  la  Revue  des 
Études  anciennes  (x.  IX,  1907,  p.  265-264)  sur  le  monument  des 
Nautae  Parisiaci  (cf.  Rev.  Celt.,  XXIX,  103).  Son  mémoire  pour 
le  diplôme  d'Études  supérieures  était  consacré  au  Paris  gallo- 
romam  ;  il  y  faisait  preuve  d'une  érudition  solide,  pénétrant  pro- 
fondément dans  l'histoire,  la  géographie,  l'épigraphie,  l'archéolo- 
gie de  la  Gaule.  Ce  premier  travail  annonçait  un  historien  de 
premier  ordre.  Il  le  remania  pour  le  publier  en  1912  sous  le  titre 
Paris  à  l'époque  gallo-romaifte.  C'est  le  seul  livre,  hélas  !  qu'il  aura  fait 
paraître  '.  Une  fois  agrégé,  il  était  parti  pour  Rome  comme  membre 
de  l'École  française.  Puis  il  se  fit  envoyer  comme  professeur  à 
Oran,  et  à  Alger.  Là,  il  se  passionna  pour  l'étude  de  l'Afrique  ; 
comme  tant  d'autres  de  nos  anciens  «  Romains  »,  il  aurait  sans 
nul  doute  fait  sur  ce  domaine  une  brillante  carrière.  C'est  pourtant 
comme  historien  de  l'Italie  ancienne  et  de  la  Gaule  romaine  qu'il 
laisse  un  nom  qui  vivra. 

J.  Vexdryes. 


Rev.    Richard  HENEBRY 

Richard  Henebry  (Risteird  de  Hindeberg)  était  né  le  13  sep- 
tembre  1863   à  Mount  Bolton,  à  l'est    du  Comté   de  Waterford, 

I.  Le  mémoire  qu'il  envoya  de  Rome  à  l'Institut  en  1909  (voir  Comptes 
rendus  de  l'Académie  des  Inscriptions,  séance  du  7  octobre  1910)  vient 
d'être  publié  sous  le  titre  La  laide  tiypottiécaire  de  Veleia,  étude  stir  la  propriété 
foncière  dans  V Apennin  de  Plaisance  (Paris,  Champion,  1920,  xix-119  p.  ; 
fasc.  228  de  la  Bibl.  de  l'École  des  Hautes  Études).  On  y  trouvera,  p.  xvj 
et  suiv.,  un  relevé  complet  des  publications  de  F.  de  Pachtére. 


Nécrologie.  249 

dans  la  région  qu'on  appelle  Duthaig  Paurach,  du  nom  d'une 
famille  normande,  les  Le  Poer,  qui  s'y  étaient  jadis  installés  en 
conquérants.  Bien  que  l'élément  normand  ait  prévalu  un  temps 
dans  le  pays,  la  langue  irlandaise  s'y  conserve  aujourd'hui,  et 
Richard  Henebry  parlait  de  naissance  cette  variété  du  Munster 
Irish  qu'on  appelle  le  Dési  Irish.  Il  fréquenta  d'abord  l'école 
publique  de  Carrick  on  Suir,  puis  celle  de  Portlow  et  enfin  entra 
au  collège  Saint-Jean  de  Waterford,  où  il  obtint  une  bourse  pour 
aller  continuer  ses  études  au  collège  Saint-Patrick  de  Maynooth. 
Il  resta  sept  ans  à  Maynooth,  joignant  à  l'étude  des  humanités  les 
diverses  disciplines  ecclésiastiques,  la  philosophie,  la  théologie, 
l'Écriture  sainte,  l'hébreu.  Ordonné  prêtre  en  1892,  il  alla  exercer 
le  ministère  à  Manchester  ;  là  il  lia  connaissance  avec  John  Stra- 
chan,  dont  il  suivit  les  leçons  pendant  trois  ans,  étudiant  le  sans- 
krit et  se  perfectionnant  dans  la  philologie  celtique.  En  avril  1895, 
il  fut  désigné  pour  le  poste  de  professeur  de  celtique  à  l'Université 
catholique  de  Washington.  Il  interrompit  bientôt  son  ensei- 
gnement, pour  passer  deux  ans  en  Allemagne,  où  il  suivit  à 
Fribourg-en-Brisgau  les  leçons  de  M.  Thurneysen  et  à  Greifswald 
celles  de  Zimmer.  C'est  sous  la  direction  de  ce  dernier  qu'il  pré- 
para sa  thèse  de  doctorat,  a  Contribution  to  the  Phoiiology  of  Desi 
Irish  (Greifswald,  1898),  qui  fut  son  premier  ouvrage.  Rentré  en 
Amérique,  il  s'occupa  d'éditer  la  «  Vie  de  Saint  Colomba  •»  (Beiha 
Cohiimh  Chille),  rédigée  en  1532  par  Manus  O'Donnell.  La  publi- 
cation commença  au  tome  III  de  la  Zeitschrift  fur  celtische  Philolo- 
gie et  continua  dans  les  deux  tomes  suivants.  Il  devait  bientôt 
abandonner  l'entreprise.  Elle  fut  continuée  par  les  soins  de 
M.  Andrew  Kelleher,  curé  de  Saint-Pierre-et-Saint-Paul  à  Great 
Crosby  et  lecteur  à  l'Université  de  Liverpool,  dans  la  même 
Zeitschrift  f.  celt.  Phil.,  t.  IX  et  X.  Depuis,  l'œuvre  de  Manus 
O'Donnell  a  été  éditée  dans  son  entier  avec  traduction  anglaise, 
aux  frais  de  l'Université  d'IUinois  par  M.  A.  Kelleher  aidé  de 
Miss  G.  Schoepperle.  Peu  après  son  retour  en  Amérique,  Richard 
Henebry  perdit  son  poste  à  l'Université  de  Washington  ;  il  resta 
quelque  temps  encore  aux  États-Unis,  puis  revint  en  Irlande  où 
rUniversity  Collège  de  Cork  lui  offrit  la  chaire  de  philologie  irlan- 
daise, qu'il  occupa  jusqu'à  sa  mort,  survenue  le  17  mars  1916. 

Richard  Henebry  a  peu  publié  ;  en  dehors  de  quelques  courtes 
notes  contenues  dans  la  Zeitschrift  fur  celtische  Philologie  (t.  I, 
p.  114  et  141  ;  t.  III,  p.  577)  et  de  l'édition  inachevée  du  Betha 
Coluimb  Chille,  il  n'y  a  guère  à  citer  de  lui  que  la  publication  de 
O'DavorenDeed,  1606  (North Munster  Archaeol.  Soc.U,  86-93,  ^9^^) 


2  50  Nécrologie. 

et  quelques  blucttes,  comme  Eachtra  an  Ghobbâin  Saoir  so  (Tralee, 
19 lo).  Son  principal  ouvrage  reste  sa  dissertation  de  doctorat  sur 
la  phonétique  de  son  dialecte  natal.  Il  s'intéressait  beaucoup  à  la 
musique  et  jouait  du  violon  avec  talent.  Il  a  publié  à  Dublin  en 
1903  une  courte  brochure,  destinée  principalement  aux  violonistes  : 
Irish  Miisic,  being  an  examination  of  the  mattcr  of  scales,  modes 
and  keys,  with  practical  instructions  and  examples  for  players. 
Ceux  qui  l'ont  connu  le  dépeignent  comme  un  homme  aimable, 
plein  de  feu,  brillant  causeur.  Il  a  laissé  voir  quelques  traits  de 
son  caractère  dans  l'article  nécrologique  qu'il  a  consacré  à  Whitley 
Stokes  (The  Ccltic  Rcvinu,  \\,  65-85)  ;  l'impression  en  est  sympa- 
thique. 

J.  Vendryes. 

Edmukd  Crosby  Q.UIGGIN 

Au  début  de  janvier  1920,  des  journaux  anglais  nousont  apporté 
une  bien  pénible  nouvelle  :  celle  de  la  mort  de  notre  cher  colla- 
borateur E.  C.  Quiggin,  survenue  le  9  de  ce  mois.  Les  circonstances 
de  sa  mort  augmentèrent  encore  l'impression  douloureuse  qu'elle 
nous  causa.  Frappé  d'une  congestion  cérébrale  alors  qu'il  faisait 
une  excursion  à  bicyclette,  notre  pauvre  ami  mourut  sur  la  route  ; 
son  corps  fut  découvert  par  des  passants,  quand  tout  secours 
était  inutile  !  Bien  qu'il  ne  soit  pas  tombé  sur  le  champ  de  bataille, 
Quiggin  est  lui  aussi  une  victime  de  la  guerre.  Dès  qu'il  fut  démo- 
bilisé, il  apparut  à  tous  ses  amis  comme  un  homme  dont  la  santé 
était  gravement  compromise  ;  il  souffrait  de  troubles  du  système 
nerveux,  de  troubles  aussi  de  la  circulation  ;  il  avait  perdu  son 
entrain  ;  il  était  inquiet,  accablé,  «  éteint  ».  Résultat  d'un  surme- 
nage de  plusieurs  années  ! 

Les  Anglais  avaient  réglé  leur  mobilisation  intellectuelle  avec 
plus  de  prévoyance  et  de  discernement  que  nous.  Quiggin  fut  de 
ces  hommes  d'étude  dont  on  utilisa  immédiatement  l'intelligence 
et  le  savoir  pour  la  défense  nationale  et  qui,  au  fond  d'un  bureau, 
ne  travaillèrent  pas  moins  efficacement  à  la  victoire  que  s'ils 
avaient  tenu  la  tranchée.  Dès  le  début  de  la  guerre,  on  lui  donna 
à  l'Intelligence  Office  un  emploi  pour  lequel  le  désignaient  ses  vastes 
connaissances  linguistiques  ;  pendant  de  longs  mois,  à  Boulogne- 
sur-mer,  il  eut  la  surveillance  et  le  contrôle  des  correspondances 
en  langues  étrangères  ;  puis,  à  partir  de  1917,  il  revint  à  Londres, 
où  on  luiconfia  à  l'Amirauté  un  poste  de  confiance  des  plus  impor- 


Nécrologie.  2  5 1 

tants.  Son  haut  sentiment  du  devoir,  son  zèle  infatigable,  sa 
méthode  rigoureusement  scientifique  lui  conquirent  l'afFection  et 
l'estime  de  ses  chefs,  autant  que  sa  modestie  et  son  désintéresse- 
ment. Pendant  les  négociations  de  paix,  il  fut  appelé  à  Paris, 
chargé  d'une  mission  spéciale,  qui  lui  imposa  un  travail  écrasant, 
à  peu  près  continu.  Il  acheva  d'y  ruiner  sa  santé.  Ceux  qui  l'ont 
connu  à  Paris  à  cette  époque,  sous  son  uniforme  d'officier  de  marine 
britannique,  n'oublieront  jamais  cette  physionomie  grave  et  douce 
à  la  fois,  respirant  la  loyauté,  la  fermeté,  la  sagesse,  mais  sur 
laquelle  la  fatigue  marquait  sa  trace  chaque  jour  davantage.  Nul 
pourtant  ne  pouvait  s'attendre  que  quelques  mois  après  il  serait 
enlevé  à  l'affection  de  ses  collègues  de  l'Université  de  Cambridge,, 
dont  il  était  l'honneur,  et  à  celle  de  sa  femme  et  de  ses  trois  jeunes 
enfants,  que  son  travail  faisait  vivre  ! 

Il  était  né  le  23  août  1875  à  Cheadle  (Staffordshire),  d'une 
famille  originaire  de  l'île  de  Man.  Après  avoir  fait  de  bonnes 
études  secondaires  à  l'Intermediate  School  de  Guernesey  puis  à  la 
Kingswood  School  de  Bath,  il  entra  en  octobre  1893  ^^  Grenville 
and  Caïus  Collège  de  Cambridge  pour  se  consacrer  aux  langues 
modernes.  En  juillet  1896,  il  soutint  le  tripos  des  langues  médié- 
vales et  modernes.  11  débuta  l'année  suivante  dans  l'enseignement 
comme  professeur  à, la  Blairlodge  School  de  Polmont  (Sterling- 
shire)  ;  puis,  il  partit  pour  Greifswald  en  qualité  de  lecteur  d'an- 
glais à  rUniversité.  C'est  là  qu'il  prépara  sous  la  direction  de  Zim- 
mer  la  dissertation  qui  fut  sa  première  publication  :  die  lautliche 
Geltung  der  vortonigen  JVorter  iind  Silhen  in  der  Book  of  Leiiister  Ver- 
sion der  Tàin  bô  Cualnge  (Greifswald,  1900  :  60.  p.  8°;  cf.  Revue 
Celtique,  t.  XXII,  p.  130).  Bien  qu'à  son  retour  d'Allemagne, 
comme  fellow  de  l'Université  de  Cambridge,  il  eût  à  enseigner 
les  langues  modernes  en  général,  et  notamment  l'allemand,  c'est 
à  la  philologie  celtique  qu'il  consacra  son  activité.  On  créa  d'ail- 
leurs pour  lui  quelques  années  plus  tard  à  l'Université  de  Cam- 
bridge, le  poste  de  Lecturer  in  celtic.  Voulant  acquérir  une  con- 
naissance directe  des  pays  et  des  langues  celtiques,  il  fit  en  Irlande, 
en  Galles,  en  Bretagne,  plusieurs  séjours  des  plus  fructueux.  En 
1906,  parut  à  Cambridge  A  dialect  of  Doncgal,  son  principal  ouvrage, 
modèle  d'enquête  dialectale  et  de  description  phonétique  ;  il  s'y 
révélait  observateur  minutieux  et  linguiste  bien  informé  (cf.  Rev. 
Celt.,  XXVIII,  89).  De  son  séjour  à  Trédarzec,  près  Tréguier,  il 
rapporta  aussi  plusieurs  observations  phonétiques  intéressantes, 
dont  une  fut  publiée  :  a  Case  of  slress  sbifting  in  the  dialect  of  Tré- 
guier (^Zeitschv.  f.  celi.   PhiL,   VII,   354).   Il  montra  une   bonne 


252  A(V/0/(nr/V. 

connaissance  de  la  philologie  irlandaise  par  son  travail  sur  The 
S-Prelerite  in  middlc  Irish  (Eriu,  IV,  p.  191-207)  et  par  ses  rro- 
kgonieva  to  thc  Stud\  of  Ihe  hiler  Irish  Bards,  1200-ijno  ÇProcee- 
ditigs  of  Ihe  Briiish  Academv,  vol.  V,  191 1).  On  lui  doit  encore 
deux  excellents  articles  d'ensemble  de  VEucydopaedia  Britannica, 
II '^édition,  t.  V,  1910-:  Celtic  Langiiages  Qt  Irelivid's  Early  History. 
Enfin,  de  courts  articles  dans  la  Zcitscbrifl  fiir  celtische  Philologie 
(t.  \'III,  p.  407  :  a  Fragment  of  an  Old  Welsh  Computus),  dans 
le  Miscellany  Kuno  Meyer  (p.  167  :  a  Poem  by  Gilbride  Macnamee 
in  praise  of  Cathal  O'Conor),  dans  Èriu  (t.  VI,  p.  125  :  a  Book 
of  the  O'Reilly's)  et  dans  la  Revue  Celtique  (ci-dessus,  p.  15-18). 
Ces  derniers  sont  les  derniers  de  lui  qui  aient  été  publiés  ;  il  avait 
eu  juste  le  temps  d'en  corriger  les  épreuves  ;  ils  ont  paru  après 
sa  mort. 

J.  Vendryes. 


Peter  O'LEARY 

Le  21  mars  1920,  s'est  éteint  doucement,  dans  son  presbytère 
de  Castlelyons  (Co.  Cork),  le  chanoine  Peter  O'Leary,  an  tAthair 
Peadar,  comme  on  l'appelait  familièrement,  le  plus  célèbre  écri- 
vain gaélique-  de  l'Irlande  contemporaine  et  l'un  des  meilleurs 
ouvriers  du  revival  linguistique.  Il  avait  quatre-vingt-un  ans.  Sa 
santé,  depuis  quelques  mois,  avait,  dit-on,  subi  de  graves  atteintes  ; 
mais  ceux  qui  ont  eu  l'occasion  de  le  rencontrer  il  y  a  seulement 
un  an  étaient  frappés  de  l'entrain,  de  la  vivacité  que  montrait  ce 
petit  vieillard  robuste  et  alerte  :  sous  son  chapeau  à  larges  bords 
s'épanouissait  un  visage  large  et  coloré,  encadré  de  longs  cheveux 
blancs,  éclairé  de  deux  yeux  bleus,  pétillants  d'esprit  derrière  les 
lunettes.  Il  avait  l'abord  simple  d'un  curé  de  campagne  et  rece- 
vait les  visiteurs  avec  une  charmante  familiarité,  surtout  quand 
il  les  savait  intéressés  par  la  cause  qui  lui  tenait  à  cœur,  celle  de 
l'Irlande  et  de  la  langue  irlandaise.  Causeur  intarissable,  il  se 
lançait  alors  en  d'interminables  récits,  vivant^,  imagés,  semés 
d'anecdotes  et  de  bons  mots.  Sa  mémoire,  qu'il  avait  étonnamment 
fidèle,  Taidait  à  mettre  du  pittoresque  dans  les  épisodes  qu'il 
racontait  de  sa  longue  vie. 

Bien  que  sa  vie  se  soit  écoulée  dans  l'atmosphère  sereine  des 
séminaires  et  des  presbytères,  il  avait  connu  des  jours  très  sombres. 
Patriote  ardent,  il  avait  partagé  les  misères  et  les  souffrances  de 
son  pays.  L'intéressante  autobiographie  qu'il  publia  en  1915,  sous 


Nécrologie.  253 

le  titre  Mo  Sgéal  Féiii  «  mon  histoire  »,  montre  quelle  impression 
firent  sur  lui  tous  les   événements   qui    troublèrent  l'Irlande   au 
cours    du   xix«    siècle.   Il   se   rappelait    avoir    vu   en    arrivant    à 
Macroom,  étant  petit  garçon,   trois  tètes  de  rebelles  piquées  aux 
grilles  du  château  1  (M.  S.  F.,  p.  54).  Il  a  décrit  en  termes  éner- 
giques la  misère  des  fermiers  luttant  contre  les   landlords  ;  ayant 
vu  de  ses  yeux  les  atroces  effets  de  la  grande  famine  dans  une  des 
régions  où  elle  sévit  le  plus  cruellement,  il  en  a  fait  un  tableau 
saisissant  (M.  S.  F.,  p.  36).  Le  mouvement  fénian  se  déchaîna  alors 
qu'il    était  à   Maynooth  ;  mais  le  clergé,  comme  on  sait,  s'en  tint 
à  l'écart  ;  et  lui-même    n'y  prit  aucune  part.  Il   n'eut  l'occasion 
d'exprimer  ses  convictions  politiques  que  lors  des   mouvements 
de  la   Land   League  et    du  Home   Rule.    Il  le    fit  toujours  avec 
dignité,  mais  d'un  ton  ferme  et  courageux.  Il  assistait  au  fameux 
meeting  de  Mitchelstown,  oij  la  police  tira  sur  la  foule  et  causa 
de  nombreuses  victimes  (Ai.  S.  F.,  p.   198).  En  avril  1916,  lors 
d'un   raid  de  la  force  armée  dans  la  petite  ville   de   Castlelyons, 
il  intervint  encore  pour  protéger  ses  paroissiens  contre  les  soldats. 
Mo  Sgéal  Fèin  présente  ainsi  le  vif  intérêt  d'un  livre  documen- 
taire :  c'est  l'histoire  politique  et  sociale  de  l'Irlande  au  xix*-'  siècle 
telle  que  l'a  pu  voir  un  curé  de  campagne  ;  on  apprend  à  connaître 
l'àme  irlandaise,  sous  sa  forme  à  la  fois  rurale  et  catholique.  Mais 
comme  biographie  aussi,  le  livre  est   instructif  et  attachant.  En 
décrivant  les  principaux  épisodes  de  sa  vie,  l'auteur  nous  explique 
comment  est  née  en  lui  la  vocation  littéraire,  comment  il  a  été 
conduit  à  entreprendre  l'œuvre  qui  rendra  sa  mémoire  illustre  et 
chère  aux  Irlandais.  Il  était  né  à  Liscorrigane  (Lios  Caragâin,  Co. 
Cork),  en  1839,  de  paysans  instruits  et  aisés.  Il  parlait  gaélique  de 
naissance,  comme  tous  ceux  qui  l'entouraient  ;  mais  il  reçut  de 
ses  parents  mêmes  des  notions  d'anglais,   de  français,  de  latin  et 
était  déjà  assez  avancé  quand  il  fut  envoyé  par  eux  à  la  Secondary 
School  de  Macroom.  De  cet  établissement  il  passa  au  Saint-Col- 
man's  Collège  de  Fermoy  ;  c'est  là  qu'il  termina  ses  études  secon- 
daires,  avant  d'entrer  au  grand   séminaire   de   Maynooth,  où    le 
poussait  la  vocation  ecclésiastique.  Une  surprise  l'attendait  à  May- 
nooth. Il  s'y  aperçut  avec  stupeur  qu'il  y  avait  beaucoup  de  jeunes 
prêtres  irlandais  qui   ne  connaissaient  pas   un  mot  de  la  langue 
irlandaise  !  Cette  découverte  l'affecta  tellement  qu'il  résolut  de  se 
consacrer  à  faire  aimer  de  tous  ses  compatriotes  sa  langue  mater- 
nelle, à  en   répandre  le  goût  et  l'usage.    Il  existait  bien    peu  de 
livres  alors.  Peter  O'Leary  se   rappelait  les  beaux  récits  que  lui 
faisaient  dans  son  enfance  les  voisins  et  voisines  de  Lios  Cara- 

Revue  Celtique,  XXXVIII.  17 


2  54  '  Xécrolflgie. 

i;àin  ;  la  voix  de  ces  humbles  conteurs,  qui  ne  savaient  pas  un  mot 
d'anglais  et  parlaient  d'abondance  le  pur  Munster  Irish,  ciiantait 
dans  sa  mémoire  ;  il  avait  dans  son  imagination  de  quoi  embellir 
encore  leur  naïf  langage.  Quand  fut  fondée  la  Society  for  the 
préservation  ofthe  Irish  Language,  il  fut  un  des  premiers  à  mettre 
en  elle  ses  espoirs  et  à  lui  donner  son  appui  ',  mais  ce  qu'on 
imprimait  en  gaélique  ne  le  satisfaisait  pas.  Avec  un  sens  très  net 
des  réalités  et  des  besoins,  il  résolut  d'utiliser  les  ressources  du 
langage  vivant  qu'il  connaissait  si  bien  lui-même  pour  doter  l'Ir- 
lande contemporaine  d'une  littérature  populaire  qui  lui  manquait. 
En  1894,  le  Gaelic  Journal  commença  la  publication  du  roman 
Séadna  ;  dans  l'histoire  de  la  langue  irlandaise,  cette  date  fera 
époque.  Le  succès  de  Séadna  fut  prodigieux  et  ne  s'est  pas  démenti. 
Séadna  est  devenu  le  livre  de  chevet  de  la  jeune  et  ardente  géné- 
ration des  Irish  speakers,  le  texte  classique  sur  lequel  s'exercent 
tous  ceux  et  celles  qui  veulent  s'initier  aux  secrets  de  l'irlandais 
moderne  (v.  ci-dessus,  p.  193).  Séadna  a  paru  en  orthographe 
simplifiée,  sous  le  titre  Shiàna  (Dublin,  1914)  ;  1'^  traduction 
anglaise,  qui  accompagnait  le  texte  dans  la  publication  première, 
a  été  publiée  à  part  (Shiana,  Dublin,  1916)  ;  enfin,  il  a  paru  en 
19 13  un  Foclôir  do  Shéadna  «  Lexique  de  Séadna  ».  Peter  O'Learj- 
a  écrit  dans  Mo  Sgéal  Féin  (p.  13),  qu'il  devait  tout  le  récit  de 
Séadna,  fond  et  forme,  à  sa  voisine  de  Lios  Caragâin,  Peig 
Labhràis,  la  fille  de  Maire  Ruadh  (Marie  la  Rousse)  et  de  Labhrâs 
Ua  Duinnin  (Laurence  O'Dinneen)  ;  il  en  avait  conservé  le  sou- 
venir intact  depuis  sa  tendre  enfance  et  n'eut  qu'à  l'écrire  de 
mémoire.  Ce  récit  a  un  parfum  rustique  très  prononcé  ;  on  3'  voit 
s'épanouir  en  sa  fraîche  naïveté  l'âme  des  jeunes  paysannes  du 
Munster.  Mais  la  franchise,  la  bonhomie,  la  vivacité  du  style  lui 
donnent  un  attrait,  auquel  des  citadins  raffinés  peuvent  être  sen- 
sibles. Séadna  est,  avec  le  roman  historique  de  Niamh,  l'œuvre 
principale  de  Peter  O'Leary.  A  l'un  et  à  l'autre  on  pourrait  préférer 
Mo  Sgéal  Féin,  pour  les  raisons  indiquées  plus  haut,  si  cette  auto- 
biographie était  écrite  d'un  style  moins  lâche,  débarrassée  des  lon- 
gueurs et  des  redites  qui  rappellent  trop  la  conversation  d'un  vieil- 
lard . 

Peter  O'Leary  avait  débuté  dans  les  lettres  à  l'âge  de  cinquante- 
cinq  ans.  Ses  publications  se  succédèrent  alors  avec  une  étonnante 
rapidité.  Elles  comprennent  des  oeuvres  d'édification  :  un  recueil 
de  soixante  et  un  sermons  (en  2  volumes)  pour  les  dimanches  et 
fêtes  de  l'année,  Seanmôin  agus  tri  fichid,  un  catéchisme,  an  ieagasg 
criosdaidl}f,dts  traductions  des  quatre  évangiles,  Nacheithre  Soisgéil 


Nécrologie.  255 

as  an  titiomna  mia,  et  de  l'Imitation  de  Jésus-Christ,  Jithris  ar 
Chriosi.  Bon  humaniste,  Peter  O'Leary  voulut  faire  connaître  à 
'  ses  compatriotes  quelques  œuvres  de  l'antiquité  classique  ;  de  ce 
désir  sont  issus  sa  traduction  du  Catilina  de  Salluste  et  son  recueil 
de  fables  d'Esope,  Aesop  a  tbàinig  go  hEirinn  («  Esope  venu  en 
Irlande  »).  Mais  c'est  surtout  à  rajeunir  la  vieille  littérature  natio- 
nale qu'il  employa  son  talent.  Eisirt  qu'il  publia  en  1909  raconte 
l'aventure  du  roi  d'Ulster  Fergus  mac  Léte  au  iF  siècle  avant  notre 
ère,  aventure  fameuse  qui  passe  pour  avoir  inspiré  à  Swiit  son 
Voyage  de  Gulliver  à  Lilliput.  Il  mit  en  dialogues  une  partie  du 
récit  de  la  Tâinhô  Ciiahige  (Dublin,  191 5)  ;  le  sujet,  comme  on  sait, 
s'y  prêtait  assez  bien.  lia  publié  encore  :  An  Craos-deamhan  (1905) 
modernisation  de  VAislinge  Meic  Conglinne  ;  Bricriu,  d'après  la 
Fled  Bric  rend;  Liighaidh  Mac  Con,  d'après  le  Caib  Miiige  Miicrime  ; 
Guaire,  diaprés  V Immtheacht  na  Tromdhaimhc  ;  An  Cleasaidhe  d'après 
Ceithearnach  U'i  Dhoivhnaill  ;  Sliahh  na  mhàn  bhjionn  et  Cuân 
FithiseÇen  une  seule  brochure)  d'après  deux  récits  populaires  dont 
le  second  est  contenu  dans  la  Silva  Gadelica  (pour  le  premier,  v.  la 
revue  Gadelica,  t.  I,  p.  209  et  277). 

La  plupart  de  ces  ouvrages,  étant  destinés  à  faciliter  l'enseigne- 
ment dans  les  écoles,  ont  été  édités  avec  notes  et  glossaires. 
Quelques-uns  ont  paru  de  plus  en  orthographe  simplifiée.  Peter 
O'Leary  fut  en.  effet  un  ardent  partisan  de  la  réforme,  à  laquelle 
MM.  O'Bergin  et  S.  O'Cuiv  travaillèrent  avec  lui  (v.  Rev.  CelL, 
XXXII,  p.  498).  Il  s'occupa  aussi  de  grammaire  ;  sous  le  titre 
Mion-CJmint ,  il  publia  en  trois  parties  un  «  Easy  Irish  Phrase  book  », 
consacré  aux  principales  questions  de  la  grammaire  irlandaise 
moderne.  Bref,  il  ne  négligea  aucun  moyen  défavoriser  l'extension 
de  la  langue  nationale.  Vice-président  de  la  Gaelic  League  pendant 
de  longues  années,  il  joignit  ses  efforts  à  ceux  de  M.  Douglas  Hyde. 
Si  l'irlandais  reprend  aujourd'hui  quelque  vitalité,  le  mérite  en 
revient  à  ces  deux  vaillants  écrivains.  Tous  deux,  par  des  voies 
différentes,  et  entraînant  derrière  eux  des  publics  différents,  ame- 
nèrent une  foule  d'adeptes  à  la  cause  qui  leur  était  chère.  Peter 
O'Leary  reçut  en  1912  le  titre  de  citoyen  de  la  ville  de  Dublin 
(v.  Rev.  Celt.,  XXXII,  363)  ;  ce  fut  le  seul  honneur  officiel  qui  lui 
vint  jamais.  Mais  sa  mémoire  sera  toujours  pieusement  conservée 
dans  le  cœur  des  Irlandais  patriotes. 

J.  \'exdryes. 


256  Nécrologie. 


Otto  SCHRADER 

Otto  Schrader,  qui  était  ne  à  Weimar,  est  mort  à  Breslau,  le 
24  mars  19 19,  à  l'âge  de  soixante-quatre  ans. 

11  avait  été  professeur  extraordinaire  à  léna  avant  d'aller  occuper 
à  Breslau  la  chaire  de  grammaire  comparée.  Il  avait  voyagé  longue- 
ment en  Russie  entre  1902  et  1908  et  avait  poussé  à  fond  l'étude 
des  langues  et  des  civilisations  slaves.  Il  s'est  fait  surtout  connaître 
par  ses  travaux  sur  la  civilisation  préhistorique  des  peuples  indo- 
européens (v.  Rev.  Celt.,  XXXIII,  p.  115).  Sans  avoir  des  qualités 
d'esprit  très  originales,  il  s'était  créé  une  sorte  d'originalité  en 
étant  l'un  des  premiers  à  mener  de  front  l'étude  de  la  linguistique 
et  celle  de  l'archéologie  et  à  tenter  d'éclairer  ces  deux  sciences 
l'une  par  l'autre.  Le  résultat  de  ses  recherches  a  passé  d'abord  dans 
son  gros  livre,  Sprachverglcichuiig  und  Urgescbichte  (1885),  puis  a 
été  refondu  par  lui  sous  la  forme  plus  commode  de  l'ordre  alpha- 
bétique dans  son  Reallexikou  der  iiidogermaniscbcn  Altcrtumskuude 
(1901),  plusieurs  fois  réédité,  et  qui  est  une  compilation  des  plus 
utiles.  Bien  que  Schrader  ne  fût  pas  celtiste,  il  a  rendu  à  la  linguis- 
tique celtique  d'excellents  services  par  ses  travaux  sur  la  préhis- 
toire. Les  celtistes  ne  doivent  pas  oublier  son  nom. 

I .   Vendryes. 


Karl  BRUGMANN 

Karl  Brugmann,  professeur  de  grammaire  comparée  à  l'Univer- 
sité de  Leipzig,  et  l'un  des  maîtres  de  cette  science  en  Allemagne, 
est  mort  le  29  juin  1919  à  Leipzig,  âgé  de  soixante-dix  ans. 
L'œuvre  qu'il  laisse  derrière  lui  est  considérable  ;  le  magistral 
Grundriss,  qui  commença  à  paraître  en  1886  et  auquel  il  ne  cessa 
jamais  de  travailler  pour  le  tenir  au  courant,  sera  pour  longtemps 
encore  le  répertoire  indispensable  à  tous  ceux  qui  se  consacrent  à 
l'étude  de  la  grammaire  comparée  ;  le  bel  ordre  de  la  composition, 
l'exactitude  et  la  précision  des  détails  en  font  un  modèle  d'exposi- 
tion scientifique  et  de  méthode  linguistique.  Brugmann  avait  tou- 
ché à  peu  prés  à  tous  les  domaines  de  la  linguistique  indo-euro- 
péenne ;  il  a  fait  sur  le  baltique  des  travaux  fort  appréciés  ;  le 
'  sanskrit  et  les  langues  classiques,  le  grec  surtout,  étaient  cependant 
sa  spécialité.  Il  n'avait  guère  abordé  les  études  celtiques  :  ce  qui 


Nécrologie.  257 

touche  au  celtique  dans  les  volumes  du  Griiiidriss\eni\ït  de  M.  Thur- 
nevsen.  C'est  grâce  à  ce  dernier  que  le  celtique  tient  sa  place  dans 
cette  vaste  compilation,  et  que  le  nom  de  Brugmann  est  connu  de 
tous  les  celtistes.  D'Arbois  de  Jubainville  avait  fait  du  Grundriss  de 
Brugmann  un  de  ses  livres  de  chevet.  C'est  assez  dire  le  profit 
que  nos  études  en  peuvent  tirer.  Pour  bien  comprendre  l'origina- 
lité des  langTjes  celtiques  et  saisir  les  traits  qui  les  caractérisent,  il 
est  indispensable  d'avoir  une  idée  aussi  exacte  que  possible  de  la 
structure  grammaticale  de  l'indo-européen.  Avec  son  incomparable 
richesse  de  documentation,  le  Grundriss  de  Brugmann  est  l'outil 
le  plus  propre  à  donner  aux  celtistes  la  connaissance  minutieuse 
de  la  linguistique  indo-européenne.  On  lui  a  fait  parfois  le 
reproche  de  nover  les  idées  sous  les  faits,  de  ne  pas  dégager  suffi- 
samment les  tendances  générales  des  langues,  d'être  plutôt  un 
répertoire  bien  classé  qu'un  exposé  de  vues  d'ensemble.  Le  reproche 
est  en  partie  juste,  bien  que  la  seconde  édition  marque  h  cet  égard 
un  sensible  progrès  sur  la  première.  Mais  il  ne  faut  pas  faire  fi 
des  répertoires,  ni  traiter  légèrement  les  services  qu'ils  peuvent 
rendre.  Ce  sont  des  œuvres  de  première  importance,  quand  ils 
sont  faits,  comme  le  Grundriss  de  Brugmann,  avec  le  double  souci 
d'être  scrupuleusement  exacts  et  de  se  tenir  au  courant  des  progrès 
de  la  science.  Rien  de  plus  méritoire  que  les  efforts  faits  par  Brug- 
mann pour  refléter  dans  son  Grundriss  l'évolution  de  la  grammaire 
comparée  ;  rien  de  plus  remarquable  que  le  succès  qui  récompensa 
ses  efforts.  Il  eut  le  bonheur  d'achever  avant  de  mourir  la  réédi- 
tion de  son  livre  ;  cette  réédition  offre  une  image  parfaite  de  l'état 
des  questions  de  la  linguistique  indo-européenne  au  premier  quart 
du  xx«  siècle.  L'ouvrage  a  reçu  partout  l'accueil  qu'il  méritait  et  a 
valu  à  son  auteur  la  considération  la  plus  flatteuse.  En  1909,  à 
l'occasion  du  vingt-cinquième  anniversaire  de  son  «  ordinariat  », 
on  offrit  à  Karl  Brugmann  un  recueil  de  Mélanges  en  deux  volumes 
(Indogermanische  Forschuugeu,  t.  XX\'  et  XXVI).  Sept  linguistes 
français  tinrent  à  honneur  d'v  collaborer.  Us  ne  devaient  pas 
moins  à  un  confrère  illustre,  plein  de  correction  à  leur  égard  et  qui 
avait  toujours  fort  courtoisement  tenu  compte  de  leurs  travaux. 

J.  Vendryes. 


Le  Propriétaire-Gérant  :  Édolard  CHAMPION. 


MAÇON,    PROTAT    FRERES,    I.MPRIMEURS 


LA 
PREMIÈRE   APPARITION    DES    CELTES 

DANS 

L'ILE    DE    BRETAGNE    ET    EN    GAULE 


Le  nom  des  Celtes  apparaît  pour  la  première  fois  dans  l'his- 
toire, vers  la  fin  du  vi^  siècle  avant  Jésus-Christ,  chez  Hécatée 
de  Milet,  dans  un  fragment  qui  nous  a  été  conservé  par 
Etienne  de  Byzance.  Dans  le  premier,  on  lit  :  Marseille,  ville 
de  la  Ligystique,  près  de  la  Celtique  ;  dans  le  second  :  Nyrax, 
ville  celtique.  Nyrax  est  restée  inconnue.  Les  écrivains  pos- 
térieurs de  l'antiquité  ne  nous  donnent  sur  les  régions  occu- 
pées par  les  Celtes,  que  des  notions  vagues  jusqu'à  Pythéas 
de  Marseille,  dont  le  périple  ne  nous  est  malheureusement 
connu  que  par  des  fragments  conservés  par  Sirabon  qui 
reproduisait  lui-même  en  se  les  appropriant  les  critiques 
injustifiées  de  Polybe  et  les  extraits  du  périple  sur  lesquels 
elles  étaient  fondées. 

Entre  323-321,  Pythéas  entreprend  un  voyage  de  circum- 
navigation le  long  des  côtes  de  l'Europe  occidentale.  Après 
avoir  gagné  Gadeira  et  longé  la  côte  d'Ibérie,  après  trois  jours 
de  navigation,  il  reconnaît  une  presqu'île  habitée  par  les 
Ostidamnii  ou  Ostimii,  c'est-à-dire  les  Ossismii  de  la  pénin- 
sule armoricaine  du  temps  de  César,  et  auprès,  les  îles  parmi 
lesquelles  il  distingue  Uxisama,  dont  le  nom  breton  actuel 
Eussa  remonte  à  une  forme  vieille  celtique  identique  à  con- 
dition toutefois  qu'on  adopte  pour  -hs-  intervocalique  une 
évolution  romane.  De  là,  il  gagne  la  Bretagne  dont  il  fait  le 
tour  et  à  laquelle  il  attribue  40.000  stades  de  circonférence. 
Il  reconnaît  l'Irlande.  Il  aborde  au  Cantium  (Kent),  d'où  il 
estime  qu'il  faut  quelques  jours  de  navigation  pour  atteindre 
la  Celtique. 

Revue  Celtique,  XXXVIII.  i8 


26o  y.  Loib. 

Cette  Celtique,  en  conséquence,  ne  saurait  être  le  nord  de 
la  Gaule,  si  l'estimation  de  Pythéas  est  fondée,  et  il  n'y  a 
aucune  raison  sérieuse  pour  la  rejeter  ;  il  fliudrait  la  chercher 
dans  les  parages  de  la  mer  du  Nord,  vers  la  Frise,  en  tout  cas 
au  delà  du  Rhin,  qu'il  a  reconnu  '.  On  peut  en  conclure 
qu'au  iv^  siècle  avant  notre  ère,  la  Gaule  en  grande  partie,  les 
Iles  Britanniques  et  une  zone  indéterminée  au  nord  de  la 
Gaule,  le  long  de  la  mer  du  Nord,  étaient  occupées  par  les 
Celtes. 

A  quelles  sciences  avoir  recours  pour  suppléer  au  silence  de 
l'histoire,  avant  le  iv^  siècle. 

La  linguistique  nous  donne  à  ce  sujet  quelques  indications 
qui  ne  sont  pas  sans  valeur. 

Si  M.  d'Arbois  de  Jubainville  -  fait  remonter  au  ix*  siècle 
avant  notre  ère,  l'établissement  des  Celtes  en  Bretagne,  c'est 
pour  une  pure  question  de  linguistique.  Il  adopte  l'interpréta- 
tion du  nom  de  l'étain  chez  Homère,  v.xGj'-zpzÇjdueà  M.  Salo- 
mon  Reinach.  L'étain  devrait  son  nom  aux  îles  Cassitérides  dans 
lesquelles  il  voit  l'île  de  Bretagne  avec  les  îles  adjacentes  '.  Il 
paraît,  en  effet,  impossible  de  les  placer  ailleurs  '*.  Les  îles 
Cassitérides  auraient  le  sens  de  insulae  extimae  et  devraient 
leur  nom  aux  Celtes  de  la  Gaule.  Cassi-  entre  en  composi- 
tion de  plusieurs  noms  propres  gaulois  et  brittoniques,  mais 
son  sens  n'est  pas  fixé. 

La  linguistique  peut  aussi  donner  à  l'archéologie  de  pré- 
cieuses suggestions  pour  l'orientation  de  ses  investigations  sur 
les  Celtes,  à  l'époque  préhistorique. 

Il  est  reconnu  aujourd'hui  qu'au  point  de  vue  morpholo- 
gique, pour  la  déclinaison  et  la  conjugaison,  le  celtique  est 
plus  voisin  de  l'italique  que  de  tout  autre  groupe  de  la  famille 
indo-européenne  :  on  parle  aujourd'hui  couramment  d'un 
groupe  italo-celtique.   D'un   autre  côté,  il  est  hors  de  doute 

1.  Cf.  Jullian, /oHrHrt/ </{'5  suvants,  1905,  p.  95. 

2.  Premiers  hahilants  de  VEurope,  II,  p.  278. 

3.  L'étain  celtique  (Aiitbrop.,  1892,  p.  275  ;  ibid.,  1899,  p.   397-409). 

4.  On  a  prétendu  qu'il  n'y  avait  pas  d'étain,  ou  de  traces  d'exploitation 
de  l'étain  dans  les  îles  Scilly.  C'est  une  erreur  (cf.  Memoirs  Geol.  Survey. 
The  Geology  of  the  Isles  of  Scilly,  1906,  p.  10,  11).  Scilly  est  une 
mauvaise  orthographe.  Le  nom  au  moyen  âge  est  Suli  (11  français). 


La  première  apparition  des  Celles.  261 

qu'à  une  époque  impossible  à  préciser,  les  Celtes  ont  été  inti- 
mement mêlés  à  la  vie  des  Germains  :  des  emprunts  de  termes 
d'une  grande  portée  historique  et  sociale  faits  par  les  Ger- 
mains aux  Celtes  en  font  foi,  à  tel  point  qu'on  admet  en 
Allemagne  même  qu'ils  ont  subi,  à  une  certaine  époque,  la 
suprématie  des  Celtes.  On  a  même  attribué  à  ces  derniers  une 
part  qui  ne  leur  revient  certainement  pas  dans  le  phénomène 
fameux  de  la  loi  de  substitution  des  consonnes  en  germanique  ', 
sur  laquelle  on  s'est  cependant  appuyé  pour  contester  aux 
Germains  une  origine  indo-européenne.  Ce  qui  est  plus  sou- 
tenable,  c'est  que  peut-être,  à  l'époque  où  ce  phénomène  com- 
mence à  se  produire  (vers  800  avant  notre  ère  ?),  le  con- 
sonnantisme  celtique  avait  une  tendance  à  évoluer  dans  un 
sens  analogue  ;  il  en  reste  un  témoignage  difficile  à  récuser  : 
c'est  la  chute  du  p  indo-européen,  à  l'initiale  suivi  d'une 
voyelle,  et  à  l'intérieur  entre  voyelles,  dans  toutes  les  langues 
celtiques.  Il  semble,  quoique  cela  ne  soit  pas  certain  ^,  que  le 
p  soit  devenu  spirant.  Les  autres  occlusives  se  seraient  arrê- 

1.  Feist  (Kultiir,  Ausbreitung  luul  Hcrhtuft  der  hidogermanen,  en  parti- 
culier, p.  482  et  suiv.)  soutient  que  ce  sont  les  Celtes  qui  ont  introduit  une 
langue  indo-européenne,  la  leur,  chez  les  Germains  :  ce  qui  est  à  tout  point 
de  vue  insoutenable.  Van  Ginneken  {Principes  de  la  linguistique  psycholo- 
gique, 1907,  p.  475  et  suiv.)  essaie  aussi  de  démontrer  que  le  changement 
germanique  des  plosives  sourdes  et  des  sonores  aspirées  en  fricatives  a  com- 
mencé à  l'intérieur  des  mots  et  de  constructions  après  des  voyelles,  des 
liquides  et  des  nasales,  sous  l'influence  du  vieux-celtique,  de  700  à  800 
ans  avant  J.-C.  Il  se  serait  étendu  graduellement  et  psychologiquement  à 
différentes  catégories  grammaticales  et  psychologiques,  mais  ce  serait  seu- 
lement alors  que  les  Germains  allemands  eurent  acquis  leur  autonomie, 
lorsque  l'influence  immédiate  des  Celtes  sur  toute  la  civilisation  germa- 
nique se  fut  perdue,  vers  300  avant  J.-C,  que  ce  changement  serait  devenu 
tellement  général  qu'il  nous  serait  permis  de  parler  d'une  mutation  conson- 
nantique  au  point  de  vue  linguistique,  comme  au  point  de  vue  historique. 
Cette  thèse  est  insoutenable  :vers  500  ans  av.  J.-C,  le  contact  entre  Celtes 
et  Germains  est  plus  étroit  que  jamais. 

2.  Il  suffisait  d'un  simple  relâchement  dans  la  jonction  des  lèvres  pour 
amener  la  disparition  du  p.  Peut-être  ce  relâchement  était-il  dû  à  quelque 
particularité  physique  chez  les  Celtes  primitifs,  par  exemple  à  un  écart 
anormal  des  lèvres.  Il  ne  faut  pas  oublier  que  lep  était  une  occlusive  aspi- 
rée. Sa  disparition,  il  faut  le  reconnaître,  est  plus  facile  à  expliquer,  si  on 
admet  qu'il  avait  évolué  en  spirante  bilabiale. 


262  ]•  Lfltb. 

tées  '  à  une  étape  moins  avancée,  à  l'époque  de  l'unité  cel- 
tique. D'après  le  témoignage  des  langues  celtiques  modernes, 
les  occlusives  indo-européennes  p,  t,  k,  et  les  aspirées  sourdes 
ph,  th,  kh,  s'étaient  fondues  non  pas  en  occlusives  sourdes, 
mais  en  aspirées  sourdes,  ph,  th,  kh.  Les  occlusives  sonores 
/;  d  g  et  les  aspirées  sonores  indo-européennes  bk,  âh,  gh 
s'étaient  fondues  en  aspirées  sonores  :  bh,  dh^  gh.  Il  résulte,  en 
effet,  d'expériences  poursuivies  pendant  deux  ans  au  Laboratoire 
de  phonétique  expérimentale  du  Collège  de  France  qu'en 
gallois  (Glamorgan),  les  occlusives  sourdes  initiales  sont  des 
aspirées  sourdes,  tandis  que  les  occlusives  sonores  ont  l'ar- 
ticulation des  moyennes  mais  sont  sourdes,  ou  parfois  accom- 
pagnées de  vibrations  faibles  ^  Des  expériences  faites  sur 
quatre  sujets  irlandais  par  M.  l'abbé  Rousselot,  il  résulte  que 
les  occlusives  sonores  initiales  sont  des  aspirées  sonores.  On 
remarquera  le  parallélisme  frappant  entre  la  prononciation 
des  occlusives  en  gallois  et  en  alémanique  moderne  '' . 

Il  ne  semble  pas  exagéré  de  conclure  qu'il  y  avait  chez  les 
Celtes  et  les  Germains  une  sorte  de  parenté  organique,  dans 
l'articulation  des  consonnes,  à  l'époque  préhistorique. 

Tout  porte  à  croire  que  l'habitat  des  Celtes  en  Europe 
après  la  dislocation  de  la  famille  indo-européenne  devait  con- 
finer vers  le  nord  à  l'habitat  du  groupe  germanique  à  une 
époque,  il  est  vrai,  de  la  préhistoire  qu'il  est  impossible  de 
fixer. 

Ces  indications  paraissent  confirmées  par  les  deux  seules 

1 .  Cette  divergence  n'a  rien  d'extraordinaire.  C'est  ainsi  qu'en  haut- 
vannetais  d  intervocalique  est  une  spirante  interdentale  sonore,  sporadi- 
quement en  voie  de  disparition,  tandis  que  b  et  g  paraissent  intactes.  Chez 
un  étudiant  de  l'île  de  Groix,  le  regretté  Calloc'h  (tombé  au  champ  d'hon- 
neur), l'occlusive  gutturale  sourde  initiale  était  aspirée.  Il  ne  semblait  pas 
qu'il  en  fût  de  même  de  p  et  /. 

2.  J'avais  toujours  supposé,  à  l'audition,  que  l'état  des  consonnes  en 
Glamorgan,  réserve  faite  pour  les  occlusives  intervocaliques,  était  le 
même  partout  en  Galles.  J'étais  dans  le  vrai,  d'après  les  observations  faites 
au  Laboratoire  de  phonétique  de  la  Sorbonne,  en  présence  de  M.  Ven- 
dryes. 

3.  Il  semble  que  l'assourdissement  des  sonores  h,  d,  g  k  l'initiale 
(même  phénomène  pour  r,  1)  soit  propre  au  gallois,  donc  à  un  groupe  cel- 
tique particulier. 


La  première  apparition  des  Celtes.  263 

sciences  auxquelles  on  puisse  recourir  en  dehors  de  l'iiistoire  : 
l'archéologie  et,  dans  certains  cas,  l'anthropologie. 

L'archéologie  préhistorique  est  aujourd'hui  une  science 
solide  d'une  méthode  rigoureuse,  reposant  sur  des  principes 
inébranlables.  En  s'aidant  des  données  de  la  stratigraphie  et 
de  la  typologie  avec  le  concours  des  sciences  naturelles,  géo- 
logie, paléontologie,  anthropologie  anatomique,  elle  est  arrivée 
à  établir  une  chronologie  relative  pour  les  deux  âges  de  la 
pierre,  et,  pour  la  période  qui  commence  au  second  millénaire 
de  notre  ère  en  Europe  occidentale  avec  l'introduction  des 
métaux,  une  chronologie  absolue.  C'est  surtout  à  partir  de  la 
XIP  dynastie  des  Pharaons  (2000-1800  ans  avant  notre 
ère),  que  les  trouvailles  égypto-égéennes  procurent  quelque 
synchronisme  assez  précis  pour  servir  de  base  à  des  subdivi- 
sions chronologiques  justifiées  (cf.  Déchelette,  Manuel,  II, 
i""^  partie,  chapitre  premier  et  chapitre  m,  §  VII,  pp.  107- 
109). 

On  ne  saurait  au  contraire  invoquer  le  témoignage  de 
l'anthropologie,  en  matière  d'ethnographie  préhistorique, 
qu'avec  une  extrême  circonspection.  Lorsque  l'archéologie 
s'est  prononcée  sur  l'époque  au  moins  approximative  à  laquelle 
remontent  les  squelettes  ou  restes  humains  à  identifier,  le 
rôle  de  l'anthropologie  est  de  les  soumettre  à  un  examen 
anatomique  complet  et  rigoureux,  puis  s'ils  sont  suffisamment 
nombreux  et  caractérisés  pour  former  un  groupe  ethnique, 
de  rechercher  auquel  des  groupes  actuels  ils  sont  réellement 
apparentés  :  comparaison  très  délicate  et  particulièrement 
épineuse,  si  le  groupe  ethnique  actuel  a  quitté  le  territoire 
sur  lequel  l'ancien  s'était  établi  et  par  conséquent  le  milieu 
où  il  s'était  formé  :  nombreuses  sont  les  chances  d'erreur, 
même  en  usant  d'une  méthode  irréprochable.  Un  des  fléaux 
en  particulier  de  l'anthropologie,  et  par  conséquent  de  l'ethno- 
graphie^ c'est,  comme  l'a  fait  remarquer  entre  autres  notre 
confrère  M.  Salomon  Reinach,  le  droit  qu'elle  s'est  arrogé  et 
dont  elle  a  indiscrètement  usé  de  donner  sans  nécessité  et  sans 
précautions  suffisantes  à  des  squelettes  ou  même  à  des  crânes 
anonymes  des  noms  historiques.  L'anthropologie  qui  aurait 
dû,  comme  le  disait  excellemment  M.  Boule,  dans  VAnthro- 


264  /.  Lot  h. 

pobgie,  1911,  p.  561,  rester  en  contact  étroit  avec  la  zoologie 
et  l'anatomie  comparée  des  vertébrés,  des  mammifères  en 
particulier,  son  rôîe  essentiel  étant  l'étude  des  propriétés 
physiques  de  l'homme,  s'est  lancée  peut-être  trop  tôt  à  la  con- 
quête du  domaine  ethnographique  sans  une  connaissance 
suffisante  de  l'archéologie,  de  la  linguistique  et  de  l'histoire. 

Elle  a  adopté  comme  critériums  principaux  pour  la  classifi- 
cation des  races  humaines,  la  taille,  la  couleur  des  yeux  et 
des  cheveux,  la  structure  du  squelette  humain  et  surtout  la 
forme  du  crâne.  Posant  en  principes  notamment  l'immuta- 
bilité du  crâne,  en  dehors  du  métissage,  elle  s'est  autorisée 
quand  elle  a  réussi,  à  son  avis,  à  identifier  le  crâne  de  l'homme 
moderne  avec  le  crâne  de  l'homme  préhistorique,  à  conférer 
à  ce  dernier  une  sorte  d'état  civil  et  de  nationalité. 

Sans  vouloir  entrer  dans  la  discussion  de  la  fixité  des  carac- 
tères somatologiques,  je  me  bornerai  à  signaler  parmi  les 
écueils  de  l'anthropologie  ethnographique  :  les  généralisations 
hâtives  reposant  sur  un  nombre  trop  restreint  d'observations 
ou  l'insuffisance  des  statistiques  '  ;  l'emploi  en  statistique  des 

I.  Il  serait  trop  facile  de  montrer  que  les  classifications  de  races  par 
caractères  physiques  reposent  très  souvent  sur  des  statistiques  insuffisantes. 
La  carte  de  Ripley  et  Maddison,  reproduite  par  M.  Boule  dans  son  livre  si 
remarquable  :  Les  houuiies  fossiles  (réserves  faites  pour  le  chapitre  IX),  est 
souvent  fautive,  parce  qu'elle  attribue  des  territoires  entiers  à  des  races 
en  réalité  composites.  Toute  l'Ecosse  par  exempleest  attribuée  à  la  race  nor- 
dique. Or,  il  est  avéré  que  les  Highlanders,  en  réalité,  moins  certains 
districts,  sont  de  taille  médiocre  et  souvent  de  cheveux  bruns.  On  peut 
en  dire  autant  de  l'est  de  l'Irlande  et  d'une  partie  notable  du  centre 
et  de  l'est  de  l'Angleterre,  et  à  toute  époque  du  Danemark.  Au  ix^-x^ 
siècle,  les  Irlandais  et  Gallois  distinguaient  les  Danois  des  Norvégiens  en 
les  appelant  les  Payens  ou  étrangers  noirs.  Il  faut  faire  également  des 
réserves  pour  l'Allemagne  du  nord,  par  exemple  pour  la  région  de  Kiel. 
Les  Gallois  sont  rangés  dans  la  race  alpine.  Or,  ils  sont  souvent  mesati- 
céphales  et  blonds.  Deniker  leur  trouve  une  taille  moyenne  de  1,69  :  elle 
n'est  que  1,65  à  peine. 

Il  y  a  aussi  des  incohérences  et  des  contradictions  dans  les  classifications 
raciques.  Les  Bretons  sont  classés  dans  la  race  alpine.  Or,  d'après  les  tables 
de  Deniker  lui-même,  ils  ont  comme  indice  céphalique  82,7  (Basse-Alsace, 
82,5),  tandis  que  les  Alpins-type,  les  Savoyards  ont  86,7  et  les  Auvergnats 
87,4.  La  classification  n'est  pas  plus  exacte  en  ce  qui  concerne  la  couleur 
des  yeux  et  des  cheveux.  L'insuffisance  des  statistiques  est  patente  dans  la 


La  première  apparition  des  Celtes.  265 

moyennes  qui  déguisent  l'état  réel  d'un  groupement  liumain 
et  donnent  une  apparence  d'unité  trompeuse  à  une  race  com- 
posite ;  l'importance  exagérée  attribuée  à  une  craniologie 
superficielle.  On  se  contente  trop  souvent  de  classer  les 
espèces  humaines  d'après  l'indice  céphalique.  Les  anthropo- 
logistes  compétents  qui  traitent  l'homme  comme  il  le  mérite, 
c'est-à-dire  comme  un  simple  mammifère,  et  le  soumettent 
à  un  examen  anatomique  véritablement  scientifique,  pro- 
testent contre  l'emploi  abusif  de  ce  critérium  aussi  simple  que 
dangereux.  Un  des  anthropologistes  les  plus  éminents  d'Eu- 
rope, l'Autrichien  von  Tôrôk  dans  VArchiv  fur  Anthropologie, 
1904,  p.  iio,  a  clairement  démontré  que  l'indice  céphalique 
ne  renseigne  pas  réellement  sur  la  forme  du  crâne  ;  qu'il  peut 
avoir  pour  facteurs  des  chifii'res  très  divers  ;  que  des  crânes 
effectivement  longs  peuvent  avoir  des  indices  brachycépha- 
liques  et  réciproquement.  Aussi  le  docteur  Laloy,  rendant 
compte  de  cette  éindQ  {Anthr.,  XIV,  p.  210),  n'hésite  pas  à 
conclure  qu'il  est  impossible  de  tirer  de  l'indice  céphalique 
seul  une  conclusion  sur  la  forme  du  crâne,  et  à  plus  forte  rai- 
son, que  ses  variations  ne  peuvent  être  considérées  comme 
une  preuve  de  mélange  de  races. 

Si  par  une  sorte  de  contradiction,    j'ai   recours  dans  cette 
étude  à  l'anthropologie,  je  crois  m'ctre  suffisamment  prémuni 

carte  de  la  couleur  des  yeux  et  des  cheveux  en  France  de  Topinard.  Il  en 
résulterait  que  le  Morbihan  serait  un  des  départements  les  plus  blonds  de 
France  et  à  une  grande  distance  des  autres  départements  de  Bretagne.  Or, 
d'une  enquête  que  j'ai  fait  faire  dans  toute  les  écoles  des  deux  sexes  de 
Bretagne,  en  me  servant  des  cadres  de  Topinard,  avec  les  mêmes  catégo- 
ries, les  mêmes  règles  d'observations,  il  résulte  qu'il  n'y  a  que  des  diffé- 
rences peu  importantes  entre  le  Morbihan  et  les  autres  départements.  Pour- 
quoi des  résultats  si  radicalement  différents  ?  Parce  que  les  observations  de 
Topinard  ont  porté  sur  environ  1.500  sujets  et  les  miennes  sur  plus  de 
100.000.  En  ce  qui  concerne  l'indice  céphalique,  de  nombreuses  observa- 
tions m'ont  convaincu,  qu'il  y  a  en  Basse-Bretagne,  sûrement  dans 
l'ouest  du  Morbihan  et  une  partie  notable  du  Finistère  plus  de  dolichocé- 
phales que  de  brachycéphales.  De  ce  que  60  à  64  %  de  Morbihannais  ont  les 
veux  de  nuance  claire  et  à  peu  près  autant  ont  les  cheveux  bruns,  on  est 
parti  de  la  carte  de  Topinard  pour  soutenir  que  les  Vénètes  étaient 
Belges,  en  confirmation  de  l'assertion  de  Strabon,  qui-  repose  sur  une  erreur 
de  cartographie. 


266  /.  Loih. 

contre  le  reproche  de  n'avoir  pas  connu  les  dangers  d'une 
pareille  intervention.  Je  n'échapperai  pas,  il  est  vrai,  à  celui 
de  donner  à  des  squelettes  préhistoriques  un  nom  historique, 
mais  j'espère,  en  appelant  à  mon  aide  l'archéologie  et  la 
linguistique,  obtenir  sinon  un  acquittement  au  moins  des 
circonstances  atténuantes. 

Si  on  entreprend  de  rechercher  les  premières  traces  des 
Indo-européens,  on  est  naturellement  porté,  même  sans 
préjuger  la  question  de  leur  habitat  primitif,  à  se  tourner 
vers  l'Orient  dont  l'histoire,  au  moins  dans  certaines  régions, 
commence  bien  des  siècles  avant  celle  de  l'Europe.  Mal- 
heureusement l'histoire,  pour  les  Indo-européens  établis  en 
Asie,  ne  remonte  pas  au  delà  du  xv^  siècle  avant  notre  ère. 
Des  noms  de  chefs  et  de  dieux  sûrement  iraniens  et  indous 
apparaissent  dans  les  documents  découverts  à  Boghaskiôi,  capi- 
tale du  royaume  des  Mitani  située  sur  une  colline  des  hauts 
plateaux  à  l'est  du  fleuve  Halys  (Salomon  Reinach,  LAnthr., 
19 10,  p.  160).  D'après  la  date  de  ces  documents  des  peuples 
ariens  seraient  fixés  au  xv^  siècle  dans  la  Syrie  et  la  Mésopo- 
tamie de  l'Ouest.  On  peut  supposer  que  leur  établissement 
dans  ces  régions  était  de  quelques  siècles  antérieur  à  cette 
date. 

Des  Ariens  seraient  également  établis  dans  l'Inde  occiden- 
dale  vers  la  même  époque,  si  on  admet  que  les  hymnes 
védiques  les  plus  anciennes  ne  sont  pas  postérieures  au 
xv^  siècle  et  n'ont  pas  été  antérieurement  composées  ailleurs. 

En  somme,  en  Asie  même,  nous  ne  relevons  auparavant 
aucune  trace  historique  des  Indo-Européens. 

Or,  par  un  contraste  qui  a  tout  d'abord  quelque  chose  de 
paradoxal,  c'est  dans  l'Europe  barbare  et  sans  histoire  que 
l'on  peut  fixer  avec  grande  probabilité,  au  moins  un  millier 
d'années  ou  même  davantage,  plus,  tôt  qu'en  Asie,  l'habitat 
d'un  peuple  indo-européen. 

Les  archéologues  Scandinaves  dont  les  travaux  ont  tant 
contribué  aux  progrès  de  la  préhistoire,  entre  autres  le  plus 
illustre  de  tous,  Montelius,  sont  d'accord  sur  ce  fait  capital, 
que' la  Scandinavie  et  l'Allemagne  du  Nord  constituaient,  à 
l'époque  préhistorique,  le  domaine  propre  des  Germains,  et 


La  première  apparition  des  Celtes.  267 

que  la  population  de  la  Scandinavie  est  restée  la  même  depuis 
le  début  de  l'époque  néolithique  jusqu'à  nos  jours.  Il  n'y  a 
eu,  en  effet,  depuis  aucune  solution  de  continuité  dans 
l'évolution  de  la  civilisation  de  cette  région  et  s'il  y  a  eu  dans 
le  cours  des  siècles  quelques  infiltrations  d'éléments  étrangers, 
ils  n'ont  pas  été  assez  importants  pour  altérer  le  fond  de  la 
population.  L'examen  des  nombreux  squelettes  qu'ont 
livrés  les  sépultures  mégalithiques  établirait  que  les  Scandinaves 
actuels  sont  bien  les  descendants  authentiques  de  ceux  de 
l'époque  néolithique.  Montelius  qui  a  résumé  ses  travaux 
antérieurs  dans  son  Urgeschichte  Schivedens,  Leipzig,  1906, 
P-  57"^5j  paraît  avoir  exagéré  l'unité  de  type  physique  en 
Scandinavie,  si  on  prend  l'ensemble  de  la  population  de  ces 
pays,  notamment  celle  du  Danemark.  D'après  Sophus  MûUer 
{Nordische  AUerJiumstiinde.  1897,  tome  I,  p.  200  et  suiv.), 
dans  les  grands  tombeaux  mégalithiques,  on  a  constaté  l'exis- 
tence de  deux  types  :  l'un,  dolichocéphale  de  bonne  taille 
et  bien  proportionné;  l'autre  brachycéphale,  à  front  plus  bas, 
au  crâne  rejeté  en  arrière,  de  structure  plus  massive  et  plus 
athlétique.  On  a  représenté  ce  dernier  type  comme  plus 
ancien,  comme  celui  de  la  population  que  les  envahisseurs  du 
premier  type,  les  purs  Germains,  auraient  trouvé  en  possession 
du  sol.  C'est  une  hypothèse  à  rejeter,  car  ce  type  commun  en 
Danemark  est  relativement  rare  en  Suède.  C'est  le  contraire 
qui  se  fût  produit,  en  raison  de  l'éloignement  et  de  l'isolement 
de  la  Suède,  si  les  brachycéphales  avaient  été  les  plus  anciens 
possesseurs  du  sol. 

Il  n'est  pas  non  plus  exact  que  le  t3'pe  physique  n'ait 
pas  subi  quelques  modifications.  D'après  Gustav  Retzius 
{VAnîhr.,  1906,  p.  738),  la  taille  est  plus  élevée  en  Suède 
actuellement  qu'à  l'époque  néolithique.  En  Danemark,  en 
cinquante  années,  d'après  des  documents  officiels  récents,  la 
taille  moyenne  s'est  élevée  de  3  centimètres  '  ;  elle  est 
actuellement  pour  les  hommes  de  i  ™  691  (JJAnthr..  1909, 
p.  417  ;  cf.  ihid.,  1910).  Gustav  Retzius,   qui  avait  constaté 

1.  Gustav  Retzius  (VAnthr.,  191 1,  p.  75)  donne  comme  taille  moyenne 
aux  Suédois  de  l'âge  néolithique  i  "  66-1  m  67,  tandis  qu'actuellement  la 
taille  moyenne  est  de  i  ™  71. 


268  /.  Lotb. 

des  variations  désordonnées  dans  la  capacité  crânienne 
des  Suédois,  depuis  l'époque  préhistorique,  est  d'avis. 
dans  un  travail  récent  que  la  population  suédoise  est  la  plus 
pure  de  l'Europe,  des  statistiques  fondées  sur  de  nombreuses 
mensurations  de  crânes  de  soldats  suédois,  établissant  que  le 
nombre  des  brachycéphales  dans  ce  pays  est  intime.  Cette 
statistique  est  absolument  contredite  par  celle  d'un  autre 
Suédois,  Nystrom  ÇUeber  die  Verànder.  dcrmcnschlichen  Schàâein 
und  deren  Ursachen,  — Archiv  fur  Anlhr.,  1902,  p.  27),  qui  a 
mensuré  environ  500  Suédois  actuels  et  trouvé  chez  eux 
autant  de  brachycéphales  que  de  dolichocéphales.  Si  les  deux 
statistiques  sont  fondées,  ce  qu'il  n'est  guère  permis  de  mettre 
en  doute,  il  s'ensuivrait,  comme  l'a  avancé  Nystrom  ',  que 
la  brachycéphalie  se  développe  dans  les  classes  élevées  et  que 
l'élargissement  du  crâne  n'est  pas  sans  rapport  avec  une  haute 
culture. 

Quoi  qu'il  en  soit,  en  dépit  de  quelques  exagérations  et  de 
certaines  inexactitudes,  la  théorie  de  Montelius  pour  l'en- 
semble de  la  Scandinavie  paraît  fondée  ^  C'est  ainsi  qu'un  des 
maîtres  incontestablement  de  la  science  anthropologique, 
Virchow  {Die  Altnordische  Schàdeln  :^h  Kop.  —  Archiv  filr  Anlhr . , 
1^5  55)5  sans  se  prononcer  pour  une  identité  absolue,  recon- 
naît une  très  grande  ressemblance  entre  le  type  craniologique 
néo-danois  ainsi  que  néo-suédois  et  celui  de  la  population  des 
grands  tombeaux  mégalithiques  du  Danemark  et  de  la  Suède, 
lia  été  aussi  reconnu  que  des  cheveux  prélevés  sur  des  crânes 
de  l'époque  de  Bronze,  qui  avaient  d'abord  paru  bruns,  en 
réalité  étaient  blonds. 

Or,  d'après  la  chronologie  de  Montelius,  généralement 
adoptée  par  les  archéologues  Scandinaves,  les  premiers  tom- 
beaux de  pierre  remonteraient  à  plus  de  3000  ans  avant  Jésus- 

1.  Virchow  et  Schaffhauscn  admettent  que  le  crâne  va  s'élargissant  avec 
la  civilisation  ou  le  développement  de  la  culture  (L'Aiithr.,  1894,  p.  514  et 
suiv.). 

2.  Si  le  chauvinisme  a  sévi  chez  certains  écrivains  allemands,  comme 
Kossinna  en  matière  d'archéologie  et  d'anthropologie,  il  n'y  en  a  past  trace 
chez  les  archéologues  Scandinaves.  Les  plus  qualifiés  parmi  eux  sont,  comme 
Montelius  et  Sophus  MûUer,  nettement  opposés  à  la  théorie  qui  place 
en  Scandinavie  le  berceau  des  Indo-Européens. 


La  première  apparition  des  Celtes.  269 

Christ.  Les  tombeaux  mégalithiques  à  galerie  dateraient  du 
miUeu  du  troisième  millénaire  et  les  grands  coftVes  de  pierre 
de  2000  ans  environ  avant  notre  ère.  L'établissement  d'un 
peuple  de  la  famille  indo-européenne  dans  l'Europe  du  Nord 
à  une  date  aussi  reculée  est  de  nature  à  faire  reporter  à  une 
antiquité  vraiment  impressionnante  l'unité  du  groupe  indo- 
européen et  à  ouvrir  la  porte  à  des  hypothèses  variées  tant 
sur  l'origine  des  Germains  que  sur  l'habitat  primitif  des 
Indo-européens  '. 

I.  La  thèse  de  l'origine  non  indo-européenne  des  Germains  a  des  parti- 
sans en  Allemagne.  L'introduction  d'une  langue  indo-européenne  en 
Scandinavie  ne  saurait  s'expliquer  cependant  sans  une  forte  immigration. 
Or,  il  n'y  en  a  nulle  trace  ni  à  l'époque  néolithique  ni  à  l'époque  du  bronze, 
d'après  l'archéologie.  On  prétend  A  l'appui  de  cette  thèse,  que  l'évolu- 
tion des  consonnes  indo-européennes  en  germanique,  surtout  celle  des 
consonnes  initiales,  ne  saurait  s'expliquer  sans  Tintluence  d'une  langue 
indigène  d'origine  et  de  structure  non  indo-européenne.  C'est  une  question 
fort  complexe  et  la  solution  que  je  viens  de  mentionner  est  vraiment 
par  trop  commode  :  on  pourrait  l'invoquer  chaque  fois  qu'on  rencontre 
dans  une  langue  du  groupe  indo-européen  une  déviation  importante  de 
la  phonétique  dite  indo-européenne.  Il  est  certain  qu'un  peuple  soumis  ou 
simplement  dans  une  situation  inférieure  à  un  autre  peuple  imite  dans  la 
mesure  du  possible  la  prononciation  du  peuple  supérieur  dont  il  veut  par- 
ler la  langue.  Toute  la  question  est  de  savoir  dans  quelle  mesure,  il  le 
peut.  Elle  ne  peut  être  résolue  que  par  voie  d'analogie.  En  Bretagne,  par 
exemple,  dans  la  zone  considérable  qui  a  perdu  le  breton  du  xi^  au 
xiiie  siècle,  il  n'y  a  aucune  trace  des  sons  caractéristique  du  breton,  par 
rapport  au  roman,  ch,  tb,  â,  f[  spirant,  ni  de  l'évolution  des  consonnes  ini- 
tiales en  construction.  Il  n'y  a  en  principe  à  se'  transmettre  que  les  sons 
dont  l'oreille  ne  perçoit  pas  la  différence  avec  les  sons  de  la  langue  à  imiter. 
Un  do  mes  étudiants  à  Rennes,  M.  LeGall,de  Guerlesquin  (Finistère)  avait 
pour  plusieurs  consonnes,  comme  on  le  trouvera  démontré  dans  les 
Annales  de  Bretagne,  deux  séries  d'articulations,  l'une  nettement  bretonne, 
l'autre  en  parlant  français  nettement  française.  Pourquoi  ?  Parce  qu'il  avait 
l'oreille  extrêmement  fine  et  sensible.  Il  est  très  possible  que  nombre 
de  ses  compatriotes,  à  l'oreille  moins  excercée,  n'aient  en  français  que 
l'articulation  bretonne.  Il  est  probable,  en  revanche,  que  les  différences  qui 
existent  encore  en  zone  bretonnante,  n'existent  plus  dans  la  zone  qui  a 
perdu  le  breton  au  xi^  siècle  :  l'effort  de  l'imitation,  avec  le  temps,  aura 
fait  son  oeuvre.  La  phonétique  expérimentale  seule,  au  prix  de  nombreuses 
et  multiples  expériences,  pourrait  nous  dire  dans  quelle  mesure  et  jusqu'à 
un  certain  point  au  bout  de  combien  de  temps,  un  peuple  ou  un  individu, 
en  changeant  de  langue,  conserve  dans  cette  langue  nouvelle,  son  ancienne 
articulation.  Il  serait,  en  tout  cas,  prudent  de  réserver  son  jugement  sur 
l'origine  de  la  loi  de  substitution  des  consonnes  en  germanique. 


270  J.  Loi  h. 

La  linguistique,  nous  l'avons  vu,  nous  conseille  de  cher- 
cher, à  l'époque  préhistorique,  l'hahitat  des  Celtes  non  loin  de 
celui  des  Germains.  A  l'époque  si  lointaine  où  ceux-ci  avaient 
atteint  la  zone  où  ils  devaient  se  fixer,  on  peut  assu- 
rément supposer,  et  c'est  vraisemblable,  que  les  Celtes  ont  été 
encore  à  la  recherche  dune  patrie  assez  longtemps.  Mais  il  est 
invraisemblable  qu'ils  soient  restés  éloignés  pendant  de  longs 
siècles  d'un  peuple  avec  lequel  ils  ont  été  assurément  en  rela- 
tions intimes  à  une  époque  fort  lointaine.  Il  paraît  également 
impossible  que  pendant  le  laps  de  temps  qui  s'écoule  entre 
Tépoque  néolithique  et  le  premier  cage  du  fer,  au  début  duquel 
l'archéologie  nous  signale  leur  présence,  ils  n'aient  pas  pénétré 
sur  quelque  point  de  l'Europe  occidentale. 

Or,  le  seul  pays  de  cette  vaste  zone  où  à  une  période 
de  l'âge  préhistorique  connue,  c'est-à-dire  à  la  fin  de  l'époque 
néolithique  et  pendant  la  période  de  transition,  de  la  pierre 
au  métal,  se  soit  incontestablement  produite  une  brusque 
invasion  supplantant  la  population  en  possession  du  sol  et  la 
remplaçant  par  un  peuple  entièrement  différent,  c'est  l'île  de 
Bretagne. 

L'archéologie  et  l'anthropologie  se  prêtent  ici  une  aide 
mutuelle  et  marchent  d'accord. 

L'île  de  Bretagne  pendant  la  dernière  période  de  l'âge  néo- 
lithique était  occupée  par  une  population  ',  qui  inhumait  ses 
morts  ou  les  incinérait  dans  des  tumuli  que  les  Anglais 
désignent  d'après  leur  forme  sous  le  nom  de  Long  Barnnus  ou 
tumuli  longs.  Ils  se  composaient  d'une  galerie  et  d'une  ou 
plusieurs  chambres.  Les  cairns  à  ckambre  ou  tiiniuli 
recouverts  d'un  amas  de  pierres  sont  de  la  même  époque  que 
les  tumuli  longs.  Les  tuiuuli  ronds  à  chambre  -  et  les  cairns 

1.  D'après  Rice  Holmes,  Ancient  Bntain,  p.  110-2,  résumant  les 
recherches  des  archéologues,  notamment  celles  de  Greenwell,  la  crémation 
à  l'âge  de  la  pierre,  aurait  été  très  rare  dans  le  sud-ouest  ;  presque  uni- 
verselle au  contraire  en  Yorkshire  et  dans  les  cairns  à  chambre  de  Bute. 
Greenwell,  à  l'occasion  d'une  fouille  pratiquée  par  lui  dans  un  cairn 
à  Crinan,  en  Argyllshire,  dit  que  la  crémation  est  le  rite  ordinaire  dans 
cette  partie  de  l'Ecosse.  On  peut  craindre  que  dans  un  certain  nombre  de 
cas  on  ait  conclu  à  la  crémation  sur  des  indices  insuffisants. 

2.  En  Derbyshire  on  a  constaté  l'existence  de  tumuli  ronds  à  chambre 
et  à  galerie,  d'époques  différentes  (Rice  Holmes,  Ane.  Britain,  p.  108). 


La  première  apparition  des  Celles.  271 

de  structure  analogue  sont  regardés  comme  postérieurs,  appar- 
tenant à  l'époque  de  transition  de  la  pierre  au  métal.  Les 
Long  Barrows  varient  non  seulement  au  point  de  vue  des 
matériaux  de  construction  mais  encore  dans  leurs  dimensions 
et  leur  forme.  On  n'y  a  trouvé  aucun  objet  de  métal. 

Avant  la  fin  de  l'âge  néolithique,  pendant  qu'on  élève 
encore  des  tumuli  longs,  on  voit  apparaître  le  tumiiliis  rond 
utilisé  parfois  par  la  population  indigène.  Ces  tumuli 
ne  tardent  pas  à  l'époque  de  transition  de  la  pierre  au  métal 
à  supplanter  complètement  les  autres.  On  ne  construit  plus 
de  tumuli  longs  quoique  quelques-uns  aient  subsité  et  aient 
même  été  utilisés  pendant  l'occupation  romaine.  On  n'inhume 
plus  dans  des  chambres  destinées  à  être  ouvertes  de  temps  en 
temps,  excepté  peut-être  dans  certains  cairns  du  Cornwall. 
Désormais  les  sépultures  sont  des  cists,  petits  coffres  composés 
de  quatre  pierres  posées  de  champ,  et  fermés  par  une  cin- 
quième ;  parfois,  là  où  la  pierre  fait  défaut,  des  fosses  creusées 
dans  le  sol  ;  parfois  des  troncs  d'arbres  creusés,  parfois  de 
vrais  cercueils.  Dans  certains  cas  même,  le  corps  inhumé  ou 
incinéré  est  déposé  sur  le  sol  sans  aucune  protection  apparente 
contre  la  masse  qui  le  recouvre,  amas  de  terre  ou  de  pierres. 
Le  Uimulns  est  de  forme  ronde,  parfois  ovale.  C'est  évidem- 
ment une  forme  évoluée  des  Tumuli  Longs.  Les  galeries  sont 
inutiles  et  disparaissent.  Les  cairns  à  chambre  du  Nord  cèdent 
la  place  à  des  amas  de  pierres  sans  plan  ;  les  Longs  Barrows  à 
chambre  d'Angleterre,  avec  leurs  seuils,  galeries,  courbes 
extérieures  gracieuses,  sont  remplacés  par  de  simples  tertres  '. 

Ces  tumuli  sont  assurément  d'époques  diverses  ;  on  n'a  pu 
encore  établir  pour  eux  une  chronologie  sérieuse.  Mais  le  plus 
grand  nombre,  notamment  ceux  qui  ont  conservé  les  restes 
de  la  population  envahissante,  sont  de  l'époque  de  transition 
de  la  pierre  au  métal  et  ne  sont  pas  en  tout  cas  postérieurs 
au  second  âge  du  bronze  (léoo  à  1500  avant  notre  ère,  d'après 
la  chronologie  de  Montelius).  L'inhumation  et  la  crémation 
paraissent  avoir  été   pratiquées  simultanément,  mais   la  pro- 


I.   Rice  Holmes,  Ane.  Brit.,  p.    173-4. 


2-1  j.  Loth. 

portion  des  deux  modes  de  sépulture  varie  suivant  les 
régions  '. 

Il  y  a  un  contraste  saisissant  entre  la  population  des  Longs 
Barroivs  ainsi  que  des  différentes  sépultures  néolithiques 
d'Ecosse  et  d'Irlande,  et  celle  des  Round  Barroius.  Les  squelettes 
exhumés  des  sépultures  néolithiques  des  Iles  Britanniques 
appartiennent  à  une  même  race  caractérisée  par  une  tête 
longue  et  étroite,  une  face  généralement  ovale,  au  nez  aqui- 
lin,  de  structure  régulière,  aux  membres  plus  délicats  que 
robustes,  de  taille  moyenne  (de  i  ^65  à  i"  Gè)  ^ 

Les  envahisseurs  inhumés  sous  les  Round  Barroius  présen- 
tent un  type  physique  entièrement  différent.  Voici  le  portrait 
qu'en  trace  l'anthropologiste  Rolleston  dans  l'ouvrage  capital 
de  Greenwell  sur  les  British  Barrows  :  le  front  est  rejeté  en 
arrière  ;  les  arcades  sourcilières  sont  extrêmement  saillantes, 
les  sourcils  très  prononcés,  les  bosses  pariétales  très  dévelop- 
pées ;  les  pommettes  sont  saillantes  et  épaisses  ;  le  nez  séparé 
du  front  par  une  échancruretrès  accusée  se  projette  fortement 
en  avant  ;  les  mâchoires  sont  massives,  la  structure  est 
athlétique.  L'ensemble,  d'après  les  anatomistes,  produit  une 
impression  de  force  brutale;  la  face  a  un  aspect  menaçant. 
Thurnam  ajoute  même  que  la  saillie  parfois  extraordinaire  des 
dents  incisives  et  canines  donne  à  la  face  une  expression  de 
bestialité.  Dans  l'ensemble,  les  crânes  sont  nettement  brachy- 
céphales  5.   La  taille  est  élevée.    Pour  17  squelettes  brachy- 

1.  Dans  la  région  de  Cleveland  et  sur  la  côte  entre  Scarborougli  et 
Whitby,  la  crémation  est  la  règle  ainsi  que  dans  les  cairns  à  chambre  de 
Bute;  en  Northumberland,  la  crémation  est  deux  fois  plus  fréquente  que 
l'inhumation.  En  Derbyshire  l'inhumation  est  un  peu  plus  fréquente.  Dans 
les  Yorkshire  Wolds,  d'après  Greenwell,  on  a  301  inhumations  contre  78 
incinérations  (British  Barrows,  p.  409).  L'inhumation  est  rare  en  Wiltshire 
et  Dorsetshire  ;  elle  est  presque  inconnue  en  Gloucestershire,  Devonshire, 
Cornwall,  Merionetshire,  Carnavonshire,  Denbighshire.  En  Ecosse,  aucun 
des  rites  ne  prédomine  (Rice  Holmes,  Ane.  Brit.,  p.  184). 

2.  Rolleston  ap.  Greenwell  (British  Barrows,  pp.  659  et  suiv.).  Cf.  Thur- 
nam, On  the  two  principal  fornis  of  ancient  British  and  Gnttlish  sknlis 
(Memoirs  read  hefore  the  anthrop.  Society  of  London,  ] 86 5,  pp.   120,  459). 

5.  L'indice  céphalique  de  103  crânes  trouvés  avant  1894  dans  les  Round 
Barrows  ou  diverses  sépultures  de  l'âge  du  bronze  est  de  70  à  88  ;  5  5 
dépassent  80;  19  squelettes  des  Round  Barrows  où  on  n'a  pas  trouvé  de 


La  première  apparition  des  Celtes.  :275 

c:éphales,  exhu  mes  avant  1 86  5 ,  la  taille  moyenne  est  de  i  "'  7  5  3  ; 
27  squelettes,  en  y  comprenant  les  17  précédents,  ont  une 
taille  moyenne  de  i  "  763  '.  L'examen  de  squelettes  découverts 
depuis  la  publication  des  Cranta  hritannica  a  donné  pour  la 
taille  des  résultats  analogues  ^. 

Certains  crânes  unissant  les  contours  de  la  brachycéphalie 
à  la  dolichocéphalie,  comme  il  fallait  s'y  attendre,  on  trouve 
le  type  nouveau  mêlé  à  l'ancien  dans  certains  Round  Barrows. 
Les  crânes  des  grands  brachycéphales  représentés  dans  les 
Crania  britanniça  et  les  British  Barroius  de  Greenwell  n'ont 
pas  tous  non  plus  un  aspect  aussi  peu  engageant  que  ceux 
qui  viennent  d'être  décrits  5. 

Il  est  évident  qu'il  y  a  eu  plusieurs  vagues  d'envahisseurs, 
mais  le  gros  paraît  bien  avoir  pénétré  dans  l'île  au  début  de 
l'rige  du  métal.  Il  semble  qu'ils  y  aient  été  précédés  ou  suivis 
par  des  groupes  de  brach3'céphales  d'un  type  fort  diffèrent 
qu'on  a  surtout  trouvés  dans  les  cists  d'Ecosse  et  les  tumuli 
ronds  du  pays  de  Galles  ■*. 

métal,  ont  un  indice  allanl  de  68  à  88.  Ceux  dont  l'indice  est  au-dessous 
de  80  peuvent  être  considérés  comme  appartenant  à  la  race  néolithique, 
(Rice  Holmes,  Ane.  Brit.,  p.  426;  cf.  Beddoe,  L'Anthr.,  V,  1894,  p.  522). 

1.  Journal  of  tlie  Anthr.Inst.  of  Great  Brit.  and  Irel.,  XVI,  1888. 

2.  Cf.  Rice  Holmes,  Ane.  Brit.,  p.  425-6. 

5.  Dans  un  Round  Barrow  à  Helperthorpe,  East  Riding,  Yorkshire,  on 
a  trouvé  deux  squelettes,  l'un  dolichocéphale,  l'autre  brachycéphale.  Des 
fouilles  plus  récentes  ont  donné  une  forte  proportion  de  crânes  inter- 
médiaires en  East  Riding  (British  Muséum  :  4!  Guide  lo  the  antiquities  of  tlie 
Bronze  Age,  p.  21). 

4.  On  a  prétendu  que  l'Irlande  n'avait  pas  été  atteinte  par  les  invasions 
des  brachycéphales.  C'est  une  erreur  (cf.  Proceedings  of  the  Roy.  Ir.  Ae., 
3  ser.,  IV,  1896-8.)  Haddon  avance  qu'il  s'agit  des  brachycéphales  néo- 
lithiques de  l'Europe  centrale.  A  la  vérité,  l'archéologie  de  l'Irlande  est 
mal  connue  ;  les  fouilles  conduitef  d'une  façon  méthodique  avant  Coffey 
sont  rares.  L'anthropologie  manque  de  matériaux.  Les  races  sont  trop 
mêlées  à  l'époque  actuelle  pour  que  l'anthropologie  puisse  en  tirer  de 
sérieuses  conclusions  pour  l'époque  préhistorique.  D'ailleurs,  les  méthodes 
employées  sont  entachées  des  mêmes  vices  si  souvent  constatés 
ailleurs,  notamment  l'abus  des  moyennes.  C'est  ainsi  que  pour  la  popu- 
lation de  Ballycroy,  en  Sligo,  Browne,  pour  50  individus,  donne  comme 
moyenne  d'indice  céphalique  78,5.  Fort  heureusement  il  donne  l'indice 
individuel  et  range  le  tout  par  catégories.  Il  se  trouve   en  réalité  qu'il  y  a 


274  /•  Loth. 

Ils  sont  plutôt  de  taille  médiocre.  Quatre  squelettes  des 
Round  Barrows  du  Glamorganshire  ont  une  taille  moyenne 
de  i"'65  à  i"'é6;  la  taille  de  sept  squelettes  d'hommes  trouvés 
dans  les  cistes  de  l'Aberdeenshire  et  des  environs,  va  de  i'"52 
à  i™70;  la  taille  moyenne  d'après  l'anatomiste  Alexander  Lov/ 
serait  i"'6o  '.  Le  crâne  est  large:  les  lo' crânes  de  l'Aberdeen- 
shire et  environ  ont  pour  indice  céphalique  de  82.3  à  92.3  ; 
indice  moyen  85.39;  ^^^^^  ^^  Glamorganshire  ont  de  81.7  à 
86  :  indice  moyen  84.2.  Aucun  de  ces  crânes  n'est  prognathe, 
ce  qui  arrive  chez  les  grands  brachycéphales  ;  ils  sont  aussi 
élevés  que  ronds  et  larges;  les  pommettes  ne  sont  pas  saillantes; 
les  arcades  sourcilières  sont  légèrement  développées  ;  la  face 
est  large  et  courte  ;  la  mâchoire  inférieure  petite  -.  Ce  type 
paraît,  au  moins  en  ce  qui  concerne  la  taille  et  l'indice  cépha- 
lique, largement  représenté  en  Gaule  et  dans  l'Europe  centrale, 
à  l'époque  néolithique.  Thomas  H.  Bryce  ^  distingue  dans 
l'île  d'Arran  et  en  Ecosse,  en  général,  deux  groupes  de  popu- 
lations, l'un  néolithique,  inhumant  dans  une  chambre  sans 
galerie  d'approche  ou  dans  de  grands  coffres  de  pierre  ;  l'autre 
en  petits  cistssous  cairn.  La  population  du  premier  groupe  est 
la  même  que  celle  des  Long  Barrows  d'Angleterre  ;  c'est  elle 
également  qui  a  occupé  l'Irlande.  Le  groupe  des  petits  cists  est 
de  type  physique  tout   différent   et    d'après  Bryce,   qui  n'en 

dans  cette  population  à  indice  plutôt  dolichocéphale,  une  majorité  de 
brachycéphales  :  28  contre  20  mésaticéphales  et  2  dolichocéphales.  La  taille 
moyenne  est  de  i  ™  721  (Proc,  of  the  R.  I.  A.,  IV,  1896-8).  Si  quelque 
conclusion  pouvait  être  tirée  de  ce  relevé  on  serait  tenté  de  conclure  que 
la  race  des  grands  brachycéphales  de  Bretagne  a  été  beaucoup  plus  large- 
ment représenté  en  Irlande  qu'on  ne  le  croit  communément.  Borlase  qui  a 
étudié  à  fond  l'anthropologie  de  l'Irlande  est  d'avis  que  la  race  des  Long 
Barrows  y  est  largement  représentée  mais  qu'elle  a  été  très  influencée  par 
une  race  brachycéphale  (The  Dohriens  of  Irelaiid,  tome  III,  p.  1026). 

1 .  Proc.  Aberdeenshire,  Anatoiii.  and  Antbr.  society,  1902-4,  3  i . 

2.  //nW.,p.  54. 

3 .  On  the  cairns  of  Arran  (Proc.  of  the-  soc.  of  aiitiq.  of  Scothind,  XII, 
3  sér.  1901-2,  p.  74-189).  Borlase  (The  dohueiis  of  Ireï.,  p.  1014)  est 
d'avis  d'après  l'étude  des  crânes  découverts  en  Irlande  dans  les  stone-cists  et 
certains  tumuli  analogues  à  ceux  des  Round  Barrows,  que  les  brachycé- 
phales qu'on  y  a  découverts  ne  sont  pas  de  même  race  que  ceux  de  Bretagne 
et  les  ont  précédés. 


La  première  apparition  des  Celtes.  275 

donne  pas  de  preuves  suffisantes,  de  taille  supérieure.  Ce  sont 
des  envahisseurs  apparaissant  à  l'époque  du  métal.  Bryce  les 
fait  venir  de  la  Gaule,  mais  les  caractères  physiques  et  en 
particulier  craniologiques  des  brachycéphales  des  deux  pays 
ne  sont  pas  exposés  d'un  façon  assez  précise  pour  qu'on  puisse 
en  tirer  une  conclusion  satisfaisante. 

De  plus,  les  brachycéphales  de  la  Gaule,  non  seulement 
présentent  des  types  variés,  mais  encore  dans  la  zone  où  ils 
paraissent  à  l'époque  néolithique,  à  l'est  d'une  ligne  partant 
de  l'embouchure  de  la  Seine  et  aboutissant  aux  sources  de  la 
Garonne  ',  ils  sont  intimement  mêlés  à  des  dohchocéphales. 
On  ne  peut  parler  ici  de  conquérants  et  de  conquis  ;  il  s'agit 
d'une  même  population  comprenant  deux  types  différents  ^ 
et  des  types  intermédiaires.  En  supposant  une  invasion  de 
cette  population  en  Bretagne  et  en  Ecosse,  on  devrait  la 
trouver  dès  l'abord  aussi  mêlée  dans  leur  nouvelle  patrie 
qu'en  Gaule,  ce  qui  ne  paraît  pas  justifié  par  les  faits,  au 
début  de  leur  immigration  '.  H  semble  bien  que  les  brachy- 
céphales en  question  aient  été  refoulés  vers  l'ouest  et  le  nord 
par  les  grands  brachycéphales,  ou,  si  leur  venue  dans  l'île 
s'esrfaite  vers  la  même  époque,  qu'ils  aient  reflué  plus  loin, 
trouvant  déjà  une  partie  considérable  du  pays  fortement 
occupée.  A  l'âge  du  bronze,  les  conquérants  des  Round  Barrows 
occupent  en  nombre  une  grande  partie  de  l'île.  C'est  ainsi 
qu'en  Wiltshire  où  ils  sont  le  plus  nombreux,  on  n'a 
trouvé  que  éo  Long  Barrows,  tandis  qu'on  y  compte  environ 
2000  Round  Barrows  -". 

De  quel  point  du  continent  viennent  ces  envahisseurs? 

Etant  donné  le  type  si  caractéristique  des  grands  brachycé- 
phales des  Round  Barrows,  c'est  évidemment  aux  anthropolo- 
gistesà  rechercher  à  quelle  race  continentale  ils  sont  apparentés. 
Sur  ce  point,  les  plus  compétents  parmi  ceux  qui  ont  étudié 
leurs  squelettes,  Thurnam,  RoUeston,  Beddoe,  sont  d'accord: 
le  type  qui  leur  est  le  plus  étroitement  apparenté  est  le  type 

1.  Hervé,  Revue  mensuelle  de  V Ecole  iV Anthr.,  1895,  p.  24. 

2.  Déchelette,  Manuel,  I,  p.  485. 

3.  Rice  Holmes,  Ane.  Brit.,  p.  427-8. 

4.  Rice  Holmes,  Am.  Brit.,  p.  loi. 

Revue  Celtique,  XX.XV1II.  ,ç 


i;6  /.  Loi  h. 

danois  néolithique  caractérise  par  les  crânes  dits  de  Borreby, 
exhumés  d'un  monument  mégalithique  de  l'île  de  Falster  '.  Le 
D''  Barnad  Davis  a  mensuré  une  série  importante  des  crânes 
de  Borreby  et  les  a  décrits  dans  les  Crama  Britannica  y 
chap.  \'III.  Thurnam  les  compare  ^  à  ceux  des  Round  Barrows, 
et  donne  une  gravure  du  plus  caractéristique  d'entre  eux. 
Le  front  est  rejeté  en  arrière  ;  le  crâne  est  platycéphale  ;  les 
arcades  sourcilières  sont  très  proéminentes  ;  même  échan- 
crure  naso-frontale  ;  même  aspect  massif  et  rugueux  de  la 
tace.  La  taille  des  hommes  de  ce  type  est  élevée;  ils  sont  de 
structure  athlétique.  Le  D""  Hamy  dans  ses  Premiers  Gaulois 
{L'Afitbr.,  1907^  p.  130)  a  reconnu  dans  un  des  deux  crânes 
du  tumulus  de  Bréry,  dans  le  Jura,  un  type  absolument 
semblable  au  crâne  dit  de  Borreby  ;  il  signale  en  particulier 
l'épaisseur  et  la  rudesse  des  arcs  sourciliers  tout  percés  de 
petits  orifices  vasculaires,  et  qui,  dit-il,  rappellent  de  fort  près 
les  saillies  similaires  du  célèbre  crâne  de  Borreby.  Le  crâne 
de  BréiT  est  nettement  brachycéphale.  Ses  diamètres  seraient 
voisins  de  ceux  des  crânes  brachycéphales  des  tumuli  du 
Châtillonnais.  Le  D'  Hamy  persuadé  que  ses  premiers 
Gaulois  avaient  apporté  le  ter  en  Gaule,  plaçait  les  tuiniili 
qui  lui  ont  livré  ses  squelettes  ou  crânes  à  la  première  époque 
du  fer.  Il  a  été  reconnu  que  plusieurs  sont  de  l'époque  du 
bronze.  On  ne  peut  malheureusement  pas  se  prononcer  sur 
l'âge  du  tumulus  ou  des  deux  luinidi  de  Bréry.  Ils  ont  été 
fouillés  en  1867  par  M.  Sauria,  mais  il  semble  qu'il  n'y  ait  eu 
aucune  relation  détaillée  des  touilles. 

Il  ressort  en  tout  cas  de  ce  qui  précède  un  tait  important, 
c'est  que  la  race  des  grands  brachycéphales  en  question  n'était 
pas  exclusivement  confinée  en  Danemark. 

Il  est  sûr  également  que  les  envahisseurs  de  l'île  ne  viennent 
pas  de  ce  pays.  La  civilisation  que  nous  révèlent  les  Round 
Barrows  est  très  différente  de  la  civilisation  danoise,  à  la  fin 
du  néolithique,  tant  par  la  forme  et  la  structure  des  tombeaux 

1 .  Thurnam,  Memoirs  AiUhr.soc.  I,  1863-4,  pp.  130,  note  et  11°  508-10.— 
Rolleston,  Biit.  barrou;  pp.  588-9,  680.  —  Bcdcloe,  Journal  of  the  aiithr. 
Insl.,  XIX,  1890,  pp.  482-3. 

2.  Memoirs  I,  p.  5 10-5 11. 


La  première  apparition  des  Celles.  277 

que  par  les  coutumes  funéraires,  et   les  objets  domestiques 
comme  la  poterie. 

Il  est  d'un  autre  côté  invraisemblable  que  les  envahisseurs 
d'un  type  plus  largement  représenté  au  Danemark  que 
partout  ailleurs,  à  la  même  époque,  n'aient  pas  été  dans  le 
voisinage  plus  ou  moins  immédiat  des  néolithiques  Danois. 
On  ne  se  tromperait  guère  vraisemblablement  en  plaçant  leur 
point  de  départ  entre  le  Danemark  et  le  Rhin  '.  A  quelle 
race,  ou.  plutôt  à  quel  peuple  historiquement  connu  appar- 
tenaient ces  envahisseurs  de  la  Bretagne  ? 

On  a  fait  à  cette  question  les  réponses  les  plus  variées  ; 
Rice  Holmes  (^Anc  Brit.,  p.  428-30)  qui  les  discute  toutes 
en  compte  jusqu'à  six  principales  :  pour  les  uns  ce  sont  des 
Goidels  (aujourd'hui  Gaëls),  pour  d'autres  des  Belges  ;  on  a 
pensé  aussi  aux  Finnois  ;  les  uns  les  font  venir  du  Danemark 
ou  de  la  péninsule  Scandinave  ;  d'autres  vont  les  chercher 
jusqu'en  Dalmatie,  tandis  que  quelques-uns  les  trouvent  dans 
la  vallée  du  Rhin.  Il  y  en  a  enfin  qui  croient  adopter  une  atti- 
tude plus  scientifique  en  déclarant  qu'ils  ne  peuvent  leur 
donner  de  nom  historique  mais  qu'il  est  impossible  que  ce 
soient  des  Indo-Européens.  C'est  Tavis  de  Rice  Holmes  qui  a 
discuté  toutes  les  théories  énoncées  plus  haut  et  n'en  adopte 
aucune  (Jnc  Brit.,  p.  433).  L'hypothèse,  dit-il,  qu'un 
peuple  de  langue  celtique  a  envahi  la  Bretagne  à  la  fin  de 
l'époque  néolithique  ou  au  début  de  l'âge  du  bronze,  implique 
que  le  latin  et  le  celtique,  les  plus  proches  parents,  ont  été 
ditTérenciés  longtemps  avant  la  fin  du  néolithique.  Est-ce 
qu'aucun  philologue,  ajoute-t-il,  connaissant  les  rudiments  de 
l'archéologie,  approuverait  une  théorie  si  déraisonnable? 

Philologue,  je  connaissais,,  sans  nulle  vanité,  les  rudiments 
de  l'archéologie  avant  d'avoir  lu  l'ouvrage  capital  si  nourri 
de  faits  et  si  consciencieux  de  Rice  Holmes,  mais  je 
reconnais  qu'il  a  beaucoup  accru  mes  connaissances  sur 
l'archéologie    des    Iles   Britanniques.     Je    l'étonnerai   donc 

I.  Ahercroraby,  Bron:(^e  âge  potier)  of  Great  Brit.  and  Irel.,  1912,  tome 
I,  p.  66,  se  prononce  pour  la  vallée  du  Rhin,  en  se  fondant  en  particulier 
sur  les  ressemblances  des  vases  caliciformes  de  Bretagne  et  ceux  de  Mavence, 
Urmitz,  Andernach  et  d'autres  des  bords  du  Rhin. 


278  /.  Lot  h. 

en  n'hésitant  pas  à  déclarer  que  rh3'pothèse  en  question 
n'est  nullement  une  preuve  d'ignorance  aussi  bien  en  archéo- 
logie qu'en  linguistique.  Il  saute  en  effet  aux  yeux,  que  vers 
le  début  du  deuxième  millénaire  avant  notre  ère,  la  famille 
indo-européenne  était  depuis  longtemps  disloquée.  Ses  diffé- 
rents membres  sont  séparés  par  d'immenses  espaces.  Ils 
s'échelonnent  sur  une  aire  qui  s'étend  de  la  mer  du  Nord  à 
l'Inde  Occidentale,  et  se  trouvent  sans  nul  doute  séparés  les 
uns  des  autres  par  des  peuples  appartenant  cà  des  familles 
linguistiques  différentes.  Les  Germains  sont  déjà  sur  leur 
domaine  propre  plus  de  trois  mille  ans  avant  notre  ère  et 
aucun  philologue  connaissant  les  rudiments  de  l'archéologie 
n'a  songé  à  contester  ce  fait  sous  prétexte  que  ce  serait  admettre 
une  différenciation  extrêmement  lointaine  entre  le  germanique 
et  le  groupe  qui  lui  est  le  plus  apparenté,  c'est-à-dire  le 
groupe  slavo-baltique. 

Après  tout  d'ailleurs,  si  on  ne  veut  pas  admettre  une  diffé- 
renciation, à  pareille  époque  entre  le  celtique  et  le  latin,  il 
ne  s'ensuit  pas  qu'on  ne  puisse  admettre  une  séparation 
entre  Celtes  et  Italiotes.  Accordons  à  Rice  Holmes  que  la 
séparation  en  aura  été  plus  douloureuse  s'ils  étaient  frères  et 
non  cousins  '. 

D'ailleurs  un  peu  plus  loin,  p.  444,  Rice  Holmes  ne  nie 
pas  que  des  envahisseurs  parlant  une  langue  celtique  aient 
envahi  la  Bretagne  avant  la  fin  du  premier  âge  du  bronze, 
mais  selon  lui  il  ne  peut  être  question  des  grands  brachycé- 
phales  parce  que  les  vrais  Celtes,  d'après  la  peinture  physique 
que    nous  en  ont    fait  les  écrivains  de    l'antiquité   devaient 

I .  Quand  on  parle  de  groupe  italo-celtique,  il  ne  faut  rien  exagérer. 
Il  y  a  assurément  dans  la  flexion  des  traits  communs  qui  ne  se  retrouvent 
pas  ailleurs.  Mais  les  différences  dans  le  système  phonétique,  comme  nous 
l'avons  vu,  sont  graves  ;  un  accent  commun  italo-celtique  est  un  mythe. 
La  structure  de  la  langue  à  l'époque  de  l'unité  celtique,  telle  que  nous 
pouvons  la  reconstituer  par  l'étude  du  gaélique  et  du  brittonique,  est 
essentiellement  différente  de  celle  de  l'italique.  On  croyait  propres  au 
celtique  et  à  l'italique  les  formes  verbales  en  -r,  le  tokharien  nous  a  fait 
la  surprise  de  prouver  qu'il  n'en  est  rien.  On  peut  soutenir,  il  est  vrai, 
que  les  deux  groupes  italique  et  celtique,  ont  évolué  rapidement  dans 
des  directions  divergentes,  après  leur  séparation. 


La  première  apparition  des  Celtes.  279 

être  dolichocéphales  ou  mésaticéphàles.  Je  ne  sache  pas  qu'au- 
cun de  ces  écrivains  ait  décrit  la  forme  du  crâne  des  anciens 
Celtes.  Il  est  vrai  que  le  crâne  des  squelettes  trouvés  en 
Bretagne  à  l'âge  du  fer,  le  plus  souvent  n'est  pas  brachycé- 
phale,  mais  comme  les  Indo-européens  primitifs,  la  famille 
celtique  comprenait  assurément  les  deux  types.  Certains 
groupes,  dans  cette  famille,  participent  plus  de  l'une  que  de 
l'autre.  De  plus,  à  l'époque  en  question,  ils  sont  certainement 
mêlés  d'éléments  hétérogènes.  Si  on  demande  à  Rice  Holmes 
où  sont  à  la  fin  du  deuxième  âge  du  bronze  les  squelettes  des 
vrais  envahisseurs  Celtes,  il  répond  :  nulle  part  ;  ils  ont  été 
incinérés.  Il  ne  s'ensuivrait  pas  cependant  que  la  population 
des  envahisseurs  eût  disparu  ou  se  fût  fondue  complètement 
avec  la  population  néolithique.  RoUeston  et  Thurnam  ont 
trouvé  dans  un  tombeau  qui  n'était  guère  antérieur  aux  inva- 
sions saxonnes,  à  Crawley,  Oxfordshire,  de  nombreux  sque- 
lettes d'une  tribu  brittonne  appartenant  nettement  au  type 
brachycéphale. 

Il  ressort  d'ailleurs  des  recherches  de  Rice  Holrnes  lui- 
même  que  l'inhumation  a  persisté  concurremment  avec 
l'incinération  pendant  le  second  âge  du  bronze  et  il  semble 
bien  que  les  caractères  physiques  des  inhumés  n'aient  été 
modifiés  que  dans  le  cas  de  métissage  '.  En  réalité,  on  n'a  pas 
de  preuve  qu'il  y  ait  eu  de  nouvelles  immigrations  dans  l'île 
avant  l'époque  du  fer. 

Si  on  veut  choisir  entre  les  peuples  à  nom  historique 
auxquels  on  a  proposé  d'apparenter  les  envahisseurs  de  la 
Bretagne  qui  nous  occupent,  il  en  est  qu'il  ne  faut  pas 
hésiter  à  éliminer.  Il  ne  peut  être  question  ni  des  Scandi- 
naves pour  les  raisons  données  plus  haut,  ni  des  Finnois 
qu'il  faut  chercher  au  nord-est  de  l'Europe,  ni  des  peuples 
de  la  Dalmatie  ou  de  l'Illyrie,  qui  devaient  sûrement  être 
séparés  de  la  mer  du  Nord  par  d'autres  populations.  En 
supposant  les  conquérants  de  l'île  de  souche  celtique,  on  ne 


I .  A  Snowshill,  Gloucestershire,  dans  un  Round  Barrow,  à  inhuma- 
tion, on  a  trouvé  des  objets  appartenant  clairement  au  2^  âge  du  bronze 
(British  Muséum.  A  Guide  to  the  antiquities  of  the  Broute  Age,  p.  74,  83). 


2So  /.  Lolh. 

peut  songer  un  instant  aux  Belges  proprement  dits  dont 
l'invasion  en  Bretagne  ne  remonte  guère  à  plus  de  200  ou 
150  ans  avant  notre  ère.  Goidels  et  Brittons  '  ont  sûrement 
trouvé  avant  eux  dans  les  Iles  Britanniques,  un  autre  peuple  : 
ce  sont  les  Pietés  ou  plus  exactement  un  peuple  dont  le  nom 
vieux-celtique  à  l'époque  de  l'unité  goidelo-brittonique  était 
Oriteno-s,  plur.  Oriteiioi,  OuritenJ.  Oritenos  est  représenté  en 
moyen-irlandais  régulièrement  par  Cruthen  -.  La  forme  la 
plus  usuelle  est  le  dérivé  Cruithncch,  Picte  ;  le  pays  des  Pietés 
est  Cruit}me=  Orileniû-nK  La  forme  brittonique  répondant  à 
Oriicnl  est  le  gallois  Pr\dyn,  qui  au  moyen  âge  désigne 
l'Ecosse  ^  :  la  labio-vélaire  indo-européenne  q"  aiusi  que 
l'occlusive  Z'  suivie  de  //-  donne  en  brittonique  comme  en 
■gaulois  p  à  une  époque  qu'on  ne  peut  fixer  mais  sûrement 
antérieure  au  vi^  siècle  avant  Jésus-Christ,  comme  Fa  mon- 
tré M.  d'Arbois  de  Jubainville  dans  ses  Premiers  habitants 
de  FEiirope.  Les  Pietés,  à  l'époque  historique,  occupent  une 
bonne  partie  de  l'Ecosse  et  le  nord  de  l'Irlande.  Si  Prydyn, 
chez  les  gallois,  désigne  l'Ecosse  et  à  l'origine  spécialement 
les  Pietés,  Prydain,  à  toute  époque,  est  la  seule  dénomination 
sous  laquelle  les  Gallois  connaissent  l'île  tout  entière.  La 
forme  brittonique  de  Prydain  est  Pfiteniâ  ou  PfUauiâ.  Un 
rapprochement  paraît  s'irnposer  entre  ce  nom  et  celui  de 
Prctania,  lIp£-:[T]zv'.y.al  v?îo-o'.,  le  plus  ancien  nom  connu  des 
géographes  grecs  pour  la  Bretagne  >.  Au  témoignage  de 
Stéphane    de    Byzance,    c'était   l'orthographe    de  Mareianus 

1 .  J'emploie  le  terme  Brittons  pour  éviter  l'emploi  des  termes  Bretons 
insulaires  et  Bretons  armoricains. 

2.  Cnitheii-li'nith  désigne  aussi  le  peuple  picte  (Kuno  Meyer,  Coutr.  lo 
irish  Lexic). 

3.  Kuno-Meyer  donne  le  datif  sing.  Criiithniu. 

4.  Une  strophe  du  Gododin,  p.  92,  v.  21  conserve  une  forme  plus 
archaïque  :  Pr\den  désignant  ici  les  Pietés  =  Priten-ùs  =  pan-celt. 
Qriten-es  : 

Goruchyd  y  lav  loflen 
Ar  Gynd  a  Gtvydyl  a  Pljryden, 
«  Sa  main  lève  son  gantelet  sur  les  payens  (de  Scandinavie),  les  Goidels 
et  les  Pietés.  »  Pour  Prydyn,  VEcosse,  cf.  J.  Loth,  Mahinogiom  I,  273,  note. 

5 .  D'Arbois  de  Jubainville,  Vile  Prêtaiiiqiu\  les  îles  Prétaniques,  les 
Brettones,  Britanni  {Rev.  Celt.,  Xll,  p.  398,  51). 


La  première  apparition  des  Celtes.  281 

d'Héraclée  et  de  Ptolémée.  Dindorf,  dans  son  édition  des 
Geographici  Minores,  a  constaté  que  c'est  la  forme  donnée  par 
les  meilleurs  manuscrits  de  Ptolémée  et  Strabon.  Il  y  a  une 
difficulté  à  l'identification  de  la  forme  galloise  et  de  la  forme 
des  géographes  :  c'est  la  présence  d'un  c  au  lieu  d'un  l  bref 
dans  cette  dernière  '.  Mais  on  peut  supposer  peut-être  une 
forme  dialectale  insulaire  avec  un  /  voisin  de  e.  Il  peut  se 
faire  qu'il  y  ait  eu  dans  la  transmission  orale  ou  même 
manuscrite,  une  certaine  inexactitude^  ou  un  certain  flot- 
tement. Si  l'identification  est  admise,  ce  qui  paraît  s'imposer, 
il  n'y  a  plus  le  moindre  doute  que  les  Briltones  en  abordant 
dans  l'île  l'aient  trouvée  en  possession  des  Qritetwi  ou  Qriten-es  ; 
c'est-à-dire  des  Pietés.  Pritenia  ou  Pritania  est  la  contrée  des 
Pietés.  Il  est  frappant  que  les  Brittons  n'ont  jamais  connu 
d'autre  nom  pour  l'île,  tandis  qu'ils  n'en  ont  jamais  tiré  pour 
eux  un  nom  ethnique.  Pritania  ou  Pritenia  ^st  pour  eux  au 
fond  une  contrée  étrangère.  Ils  n'ont  jamais  emplo3^é  pour 
eux-mêmes  aucun  autre  nom  que  celui  de  Britton-es  ^.  Comme 
il  est  de  toute  évidence  que  la  forme  du  nom  du  pays  des 
Pietés  qu'ont  trouvé  les  Brittones  à  le'ur  arrivée  était 
Oritenia  et  le  nom  du  peuple  Oritcnoi  ou  Oritenes,  et  que 
l'évolution  de  Qritenid  en  Pritenia  '  est  l'œuvre  de  la  phoné- 
tique britionique,  il  est  sûr  que,  contrairement  à  une  opinion 
reçue,  les  Brittones  ont  pénétré  dans  l'ile  au  moins  avant  le 
vi^  siècle  de  notre  ère,  car  le  changement  de  q"  en  p  paraît 
accompli  à  cette  époque. 

Si  les  Brittons  ne  tiennent  pas  la  forme  Qritenia  des  Pietés 
eux-mêmes,  on  pourrait  supposer  qu'ils  l'ont  connue  par  les 

1 .  Prydain  peut  s'accommoder  de  Prétania,  mais  la  forme  la  plus 
ancienne  dans  une  généalogie  du  ix^-x^  siècle  est  Priten  qui  avait  sans 
doute  n  mouillé  :  Pappo  Post  Priten,  plus  tard  Paho  Post  Prydain  (J.  Loth, 
Mal'-.,  II,  p.  342). 

2.  Les  Irlandais  donnent  aux  Bretons  le  nom  de  Brettain,  gén.  plur. 
Brettan  =1  Brillant;  vers  le  vie-viie  siècle  après  J.-Chr.,  les  Bretons  insu- 
laires de  rOuest,  en  lutte  avec  les  Anglo-saxous,  se  sont  donné  le  nom 
de  Com-brofes  (Com-brogls),  singulier  Combrox,  compatriotes  :  d'où  les  noms 
modernes  de  Cymry,  sing.  Cymro.  En  breton-mov.,  dans  le  cartulaire  de 
Quimperlé,  on  a  la  forme  régulière  bretonne  correspondant  :  Kenihre. 

5.    Prétania  ou  Pritania  peut  devoir  son  </  à  l'analogie;  Cf.  Aqnitania. 


282  /.  Loth. 

Goidels  qui  auraient  été  établis  avant  eux  en  Bretagne.  Mais 
les  Irlandais  n'ont  jamais  appliqué  le  nom  de  Cruithue 
^=On'tciiio->i  à  l'île  entière:  il  ne  s'applique  qu'au  pays  des 
Pietés  proprement  dit.  Si  les  Pietés  sont  des  Celtes,  ce  qui  me 
paraît  certain,  ils  ont  pu  être  précédés  dans  l'île  par  d'autres 
tribus  de  la  même  flimille. 

Mais  il  n'est  pas  douteux  qu'à  la  fin  de  l'époque  néolithique, 
l'unité  lins^uistique  de  la  famille  celtique  existât. 

Les  différences  profondes  qui  existent  à  l'époque  historique 
entre  le  groupe  goidélique  et  le  groupe  brittonique,  dues 
surtout  à  une  divergence  dans  l'accentuation  que  l'on  constate 
dès  l'occupation  romaine  en  Bretagne,  ne  peuvent  remonter 
au  delà  de  quelques  siècles  avant  notre  ère.  Comme  nous  ne 
savons  quel  nom  ethnique  se  donnaient  les  peuples  de  cette 
famille  linguistique  à  l'époque  de  l'unité,  on  doit  se  contenter 
du  terme  conventionnel  de  Celtes  pour  qualifier  les  conqué- 
rants de  la  Bretagne  au  début  de  l'époque  du  métal  si  on  se 
décide  à  leur  conférer  cette  nationalité.  On  peut  s'y  hasarder 
pour  diverses  raisons  '. 

Physiquement^  ils  appartiennent  à  un  type  fortement 
représenté  en  Danemark,  ce  qui  paraît  assurer  leur  origine 
indo-européenne,  et  aussi  indiquer  que  leur  point  de  départ 
du  continent  ne  saurait  être  bien  éloigné  du  Danemark,  pro- 
bablement dans  le  voisinage  de  la  mer  du  Nord.  On  ne  voit 
pas  quel  autre  peuple  indo-européen  pourrait  occuper  vers  la 
fin  du  néolithique  cette  zone.  Enfin,  si  on  leur  refuse  la  qua- 
lité de  Celtes,  comme  aucune  autre  immigration  n'est  constatée 
dans  l'île  avant  l'âge  du  fer,  il  faudrait  supposer  que  les  Celtes 
n'y  auraient  pas  pénétré  avant  le  vi^  ou  V^  siècle  de  notre  ère, 
alors  que  les  Brittones  s'y  étaient  établis,  comme  nous  l'avons 
vu,  avant  cette  époque,  et  d'autre  part  que  les  Celtes  occu- 
paient très  certainement  une  partie  considérable  de  l'Europe 
occidentale  au  nord  de  la  Gaule,  plusieurs  siècles  auparavant, 
tout  au  moins  dès  le  début  de  l'âge  du  fer,  c'est-à-dire  neuf 
siècles  avant  notre  ère. 

I.  J'ai  déjà  soutenu  cette  théorie  dans  ma  leçon  d'inauguration  au  Col- 
lège de  France  :  Les  études  celtiques  ;  leur  état  présent  \  leur  avenir  {Revue 
internationale  de  V enseignement,  191 1). 


La  première  apparition  des  Celtes.  285 

Peut-être  y  a-t-il  dans  un  nom  de  rivière  un  souvenir  de 
l'époque  reculée  où  les  Celtes  n'étaient  pas  bien  éloignés 
de  la  région  de  l'ambre.  Le  professeur  H.  M.  Chadwick, 
dans  son  travail  Soriie  gertiian  River-Names  paru  dans  les 
mélanges  offerts  en  1913  à  William  Ridgewe}'  à  l'occasion  du 
soixantième  anniversaire  de  sa  naissance,  p.  315,  a  identifié  le 
nom  de  trois  rivières  de  Thuringe  et  d'un  affluent  du  Rhin 
entre  Diisseldorf  et  Deutz,  Wipper,  avec  le  nom  de  deux 
rivières  d'Angleterre,  Weaver  en  Cheshire,  et  IVaver  en 
Cumberland.  La  Weaver  représente  une  forme  anglo-saxonne 
*Weofre  (cf.  JVevere,  Wivrhani),  plus  tard  WeverÇe)  au  xiii^ 
siècle.  Le  Waver  est  pour  * ÏVaefer ,  avec  le  changement  nor- 
thumbrien  en  e  de  ae  après  zt'.  Les  Anglo-Saxons  ont  trouvé  ce 
nom  en  Grande-Bretagne,  sous  une  forme  celtique,  ce  qui 
explique  qu'il  n'ait  pas  subi  le  changement  teutonique  de  b  en 
p.  La  théorie  de  Chadwick  a  été  confirmée  d'une  façon  frap- 
pante par  l'éditeur  des  mélanges,  le  regretté  celtiste  Quiggin. 
Il  signale  dans  une  charte  du  Book  of  Llandav.  éd.  G.  Evans, 
p.  159,  un  ruisseau  du  Monmouthshire  portant  un  nom  com- 
posé gallois  identique  à  Weaver  dans  son  premier  terme  : 
Guefrduvr  :  duvr  signifie  mz;  et  remonte  au  \\-ct\l.duhro  repré- 
senté en  Allemagne  par  la  Tnnher  et  bien  connu  aussi  en  Gaule. 
Quant  à  guefr-  il  remonte  à  un  vieux-celtique.  Vebro-,  qui 
entre  en  composition  de  noms  propres  gaulois  et  brittoniques 
{Book  of  Llandav,  p.  162  :  Guebr-gitr  =^*Febro-viro-s  ');  c'est 
le  nom  de  l'ambre  chez  les  Gallois  aujourd'hui  même  sous  la 
forme  Gwejr  Q=^v).  L'étvmologie  de  gwefr  qui  paraît  propre 
au  pays  de  Galles  est  inconnue.  Dans  le  même  travail,  Chad- 
wick établit  que  le  nom  du  Weser  est  celtique.  C'est  le  nom 
de  la  Vesdre,  qui  se  jette  dans  l'Ourthe,  non  loin  de  Liège,  et 
ce  qui  est  absolument  probant,  c'est  le  nom  de  la  Wear  (Dur- 
ham).  Au  commencement  du  viii^  siècle  (Beda,  H.  E.,  IV, 
18  ;  V,  21)  la  forme  est  IViiir.  Conformément  à  la  phonétique 
brittonique,  s  intervocalique  avait  disparu  avant  l'arrivée  des 
Anglo-Saxons.  Comme  la  Weaver,  c'est  un  nom  qu'ils  ont 
trouvé  dans  l'île  de  Bretagne.  Quoi  que  l'on  puisse  penser  au 

I .  Dans  le  poème  lyrico-épiqiie  le  GoJodin,  poème  dont  le  noyau  primitif 
remonte  au  vn«  siècle,  les  chefs  portent  des  colliers  d'ambre. 


284  '  /.  Loth. 

sujet  du  sens  primitif  de  Wipper,  Weaver,  Wcbr,  la  présence 
de  ce  nom  et  de  celui  du  Weser  en  Angleterre  et  en  Germanie, 
sans  qu'on  puisse  douter  de  leur  origine  celtique,  suffirait  à 
prouver  que  les  Celtes  ont  occupe  non  seulement  l'Allemagne 
du  sud  mais  une  partie  importante  de  l'Allemagne  du  nord- 
ouest  et  de  l'Allemagne  centrale. 

Le  mouvement  d'expansion  des  Celtes,  quilesauraitamenés 
en  Bretagne  vers  le  conmiencement  du  deuxième  millénaire 
avant  notre  ère,  paraît  s'être  produit  vers  la  Gaule  à  une 
époque  à  peu  près  contemporaine  '. 

Les  Celtes  que  MM.  Al.  Bertrand  et  Salomon  Reinach  nous 
avaient  montrés,  il  y  a  quelques  années,  établis  au  vi^  siècle 
dans  la  vallée  du  Danube  et  du  Pô,  occupaient  assurément  les 
deux  rives  du  Rhin,  au  moins  vers  900  avant  notre  ère,  au 
début  de  l'époque  du  fer,  c'est-à-dire  à  la  première  époque  de 
Hallstatt.  La  civilisation  dite  de  Hallstatt,  du  nom  d'une 
localité  de  la  Haute-Autriche  (dans  le  Salzkammergut),  où 
elle  nous  a  été  révélée  dans  des  centaines  de  tombeaux  (plus 
de  900)  -  et  qui  est  vraisemblablement  d'origine  illyrienne, 
s'est  répandue  sur  la  plus  grande  partie  de  l'Europe. 

Disposant  de  matériaux  d'une  exceptionnelle  richesse  au 
premier  et  au  second  âge  du  fer,  l'archéologie,  d'après  les 
traits  de  similitude  des  rites  funéraires  et  des  principaux  types 
industriels,  est  arrivée  à  reconnaître  dans  ce  vaste  domaine 
un  groupe  rhéno-danubien  celtique,  comprenant  l'Allemagne 
du  sud  et  de  l'ouest,  la  Suisse  du  nord,  la  France  orientale. 
D'accord  en   principe  avec  Hoernes  à  qui   on  doit  une  étude 

1.  Il  y  a  eu,  en  Europe  centrale  et  occidentale,  à  la  fin  du  néolithique 
et  au  début  du  bronze,  des  mouvements  de  peuples  de  type  différent  et 
de  civilisation  matérielle  différente  qu'il  est  impossible  d'identifier.  La  ten- 
tative de  Schliz  qui  a  employé  comme  principal  critérium  combiné  avec  la 
forme  du  crâne  des  tombeaux  mégalithiques,  les  différents  types  de  poterie, 
ne  pouvait  réussir,  malgré  la  connaissance  approfondie  qu'il  a  du  sujet  et 
l'ingéniosité  qu'il  y  déploie  (sur  les  critiques  de  sa  théorie,  cf.  Feist,  Kulliir, 
AnshreitHHg,  p.  82  et  suiv.), 

2.  La  nécropole  de  Glasinatz  en  Bosnie,  connue  surtout  depuis  1894 
(Salomon  Reinach,  VAntr.,  1894,  p.  554)  est  encore  beaucoup  plus  riche 
(environ  20.000  tumuli  en  pierres).  Les  productions  indigènes  sont  nom- 
breuses, mais  elles  ont  partout  des  traces  manifestes  d'influences  grecques 
et  italiques  (Déchelette,  Manuel,  II,  2^  partie,  p.  598). 


La  première  apparition  des  Celtes.  285 

approfondie  de  l'époque  de  Hallstatt  ',  Déchelette  y  ajoute 
avec  preuves  à  l'appui  la  France  du  centre,  c'est-à-dire  le 
Berry  et  l'Auvergne  ^.  Comme  il  est  établi,  ajoute-il  "',  qu'à 
l'époque  de  la  Têne  I  (500  à  300  avant  J.-C.)  aussi  bien  qu'à 
la  Têne  II  (300  à  100  avant  J.-C),  tout  ce  territoire  apparte- 
nait aux  Celtes,  et  que  jusqu'à  la  fin  de  cette  dernière  époque 
on  ne  constate  sur  ce  vaste  territoire  aucune  particularité  pro- 
fonde, dénotant  un  changement  de  population,  on  peut  en 
conclure  que  tout  au  moins  dès  l'époque  de  Hallstatt,  la  Cel- 
tique comprenait  le  même  domaine.  Pour  l'ouest  et  le  sud- 
ouest  de  la  Gaule,  Déchelette  croit  que  l'âge  du  bronze  a  sub- 
sisté jusqu'au  début  de  la  seconde  période  hallstattienne,  c'est- 
à-dire  jusque  vers  le  vii^  siècle  avant  notre  ère  +.  On  a  cepen- 
dant fouillé  quelques  tumuli  hallstattiens  en  Armorique 
dont  certains  doivent  remonter  à  la  première  période  '. 
De  plus,  d'après  des  trouvailles  comme  celle  de  Vénat  dont  les 
objets  sont  delà  hn  de  l'âge  de  bronze  et  qui  a  livré  un  ou 
deux  fragments  de  fer,  synchronique  semble-t-il  avec  celle  de 
Questembert  (Morbihan),  d'après  la  trouvaille  de  Calastrenn- 
en-Bangor  (Belle-Ile)  dont  le  vase  paraît  avoir  été  couvert 
d'un  culot  de  fer,  il  semble  bien  que  le  fer  ait  été  connu  aussi- 
tôt dans  l'ouest  que  dans  l'est.  Son  usage  a  peut-être  tardé 
davantage  à  s'y  généraliser.  En  tout  cas,  personne  ne  conteste 
que,  vers  le  vi-v^  siècle,  la  Gaule  occidentale  n'ait  été  celtique. 
En  Allemagne,  les  Germains,  à  l'époque  de  Hallstatt. 
d'après  Hoernes,  formaient  le  groupe  Elbe-Oder,  comprenant 
le  Haut-Palatinat,  la  Bohême  du  nord,  la  Silésie  de  Posen  ^. 

1.  Die  Haltstalt  Période,  Arcl)ivfnr  Anthr.,  1905,  p.  223-281. 

2.  Manuel,  II,  2^  partie,  p.  678,  677.  Le  premier  âge  du  fer  est  même 
représenté  dans  le  tumulus  de  Genévrier  (Aveyron)  :  ihid.,  p.  674. 

5.   Ihid.,  p.  571. 

4.  Manuel,  II,  ire  partie,  p.    109. 

5.  Le  tumulus  de  Lann-Nilizienn  en  Silfiac  parait  bien  de  cette  époque 
(clou  en  fer  à  tète  de  bronze).  Celui  de  Lignol  enCarnac,  par  sa  structure, 
doit  être  de  la  même  époque.  Le  tumulus  du  Rocher,  en  Plougoumelen, 
par  la  forme  de  son  vase  en  bronze,  ne  peut  être  antérieur  au  vie-v^  siècle. 
Le  grand  tumulus  de  Lann-er-Bugn  en  Lignol  (Morbihan)  qui  a  livré  une 
pointe  d'épée  en  bronze,  tumulus  par  incinération,  est  de  l'époque  de  tran- 
sition du  bronze  au  fer. 

6.  Déchelette,    d'après  Hoernes  (Manuel,   II,   2^   partie,   p.  588).  Phil , 


286  /.   Loth. 

A  l'âge  du  bronze,  sur  les  deux  rives  du  Rhin,  l'archéologie 
nous  montre  les  mêmes  populations  qu'à  l'époque  du  fer. 
Les  tumuli  de  l'Alsace,  de  la  Bavière  et  des  provinces  voi- 
sines jusqu'en  Bohême,  en  général  les  tumuli  de  l'Alle- 
magne du  sud,  présentent  de  frappantes  analogies  avec  les 
plus  anciens  tumuli  de  la  Gaule  du  nord-est  '  ;  à  l'âge  du 
bronze  III  (1600  à  1300)  sur  la  rive  droite  du  Rhin, 'plusieurs 
sépultures  que  Déchelette  n'hésite  pas  à  qualifier  de  celtiques, 
sont  synchroniques  avec  celle  de  la  Combe-Bernard,  à  Magny- 
Lambert  (Côte-d'Or).  Il  y  a  similitude  entre  les  rites  funé- 
raires et  les  types  industriels  de  l'âge  du  bronze,  en  général 
dans  l'Allemagne  du  sud  et  la  Gaule  orientale,  et  ce  parallé- 
lisme se  poursuit  pendant  toute  la  durée  de  l'âge  de  fer  :  ce 
qui  s'expHque  facilement  si  on  admet  que  toute  cette  région 
franco-allemande  était  habitée  par  des  tribus  celtiques  \ 
Plusieurs  des  tumuli  vraisemblablement  celtiques  de  la 
Bourgogne  et.de  la  Franche-Comté  ont  livr.é  des  sépultures 
de  l-'âge  du  bronze  I  et  II,  ce  qui  assurerait  la  présence  des 
Celtes  dans  cette  région  vers  1900-iéoo  ans  avant  notre  ère'. 
Les  sépultures  celtiques  y  sont  caractérisées  par  des  tumuli 
à  inhumation,  renfermant  un  squelette  non  pas  accroupi  ou 
replié,  mais  allongé  sur  le  dos. 

Piroutet  ^  qui  a  étudié  tout  particulièrement  les  tumuli 
de  la  Franche-Comté  est  d'avis  que  les  populations  hallstat- 
tiennes  de  ce  pays,  surtout  du  groupe  d'Alais,  sont  celtiques 
et  qu'il  faut  leur  attribuer  les  tumuli  de  l'époque  du  bronze 
et  même  de  l'époque  énéolithique,  ce  qui  ferait  remonter  l'éta- 
blissement des  Celtes  dans  cette  région  à  2500-1900  avant 
notre  ère. 

En  Armorique,  il  semble  qu'il  y  ait  trace  de  l'arrivée  d'une 

Kroppdont  Déchelette  cite  le  travail,  adoptant  l'opiuion  de  Kossinna,  place 
les  Celtes  à  cette  époque,  sur  la  ligne  Quedlinburg,  Aschersleben,  Merse- 
burg  et  Halle  (Hubert,  Rez'ue  Celt . ,  191 2,  p.  365). 

1.  Déchelette,  Manuel,  II,  if's  partie,  p.  90.  Vers  l'est,  les  sépultures 
tumulaires  du  type  de  la  Bavière  se  rencontrent  jusqu'en  Bohême. 

2.  Déchelette,  M^7w;(e/,  II,  Repartie,  p.  150-153. 

3.  Déchelette,  Manuel,  II,  i^  partie,  p.  136. 

4.  Snr  la  survivance  de  populations  différentes  en  Franche-Comté  pen- 
dant les  temps  pré-  et  proto-historiques  (2«  Congrès  préhistorique,  en 
France,  session  de  Lons-le-Saulnier,  191 3,  p.  560-652). 


La  première  apparition  des  Celtes.  287 

population  nouvelle  à  l'âge  du  bronze  (1900  à  1600  avant 
J.-C).  A  l'époque  néolithique,  vers  sa  dernière  période,  dans 
les  tumuli  mégalithiques,  la  règle  est  l'incinération.  Dans 
les  petits  coffres  en  pierres,  la  règle  est  l'inhumation;  le  corps 
est  accroupi  ou  replié.  Ce  parallélisme  se  constate  pendant 
l'époque  du  bronze.  Le  tumulus  mégalithique  ne  disparaît  pas 
brusquement;  il  n'y  a  pas  révolution  mais  évolution.  La 
chambre  d'abord  est  en  partie  mégalithique,  en  partie  en  pierres 
sèches,  mais  elle  est  recouverte  d'une  table  mégalithique; 
puis,  sensiblement  à  la  même  époque,  la  chambre  de  tous 
côtés  est  formée  d'une  maçonnerie  à  pierres  sèches  avec  cou- 
verture mégalithique.  La  chambre  de  forme  circulaire  est 
recouverte  d'une  voûte  en  encorbellement.  La  table  mégali- 
thique elle-même  ne  tarde  pas  à  disparaître. 

Les  tumuli  qui  recouvrent  ces  chambres  sont  encore  de 
grandes  dimensions.  Les  petits  coffres,  en  général,  sont  encore 
à  inhumation.  Il  semble  qu'il  y  ait  eu  en  Armorique  deux  po- 
pulations différentes  ou  deux  classes  sociales  différentes.  Celle 
des  petits  coffres  paraît  bien  être  dans  la  dépendance  de  celle 
des  grands  tumuli.  Les  squelettes  repliés  conservés  dans  les 
cojSres  sont  souvent  d'une  extraordinaire  dolichocéphalie. 
Quelques-uns  sont  de  haute  taille.  Un  des  squelettes  de  l'île 
Thinic  (Morbihan)  mesurait   i"'8o\ 

Or,  pendant  l'âge  de  bronze  %  il  y  a  dans  les  grands  tumu- 
li où  l'incinération  est  la  règle,  du  moins  quelques  excep- 
tions. La  première  nous  est  offerte  par  le  tumulus  en  terre 
recouvrant  une  chambre  à  peu  près  rectangulaire  arrondie  aux 
angles,  à  voûte  à  encorbellement,  de  la  Garenne  en  Keruzun 
commune  de  Saint-Jean-Brévelay  (Morbihan).  Le  mort  a  à 
la  hauteur  de  la  tête  un  vase  à  4  anses,  caractéristique  de  la 
2"  époque  du  bronze  ;  à  gauche^  à  portée  de  la  main,  un  poi- 
gnard en  bronze  de  o  "'  25  de  long  et  de  o  ™  08  de  large  ;  à 
droite,  à  la  hauteur  de  la  cuisse,  un  javelot  (pointe  de  lance) 
en  bronze  forme  de  feuille  de  laurier  (o  "'  03 1    de  large  sur 

1 .  Sur  les  squelettes  trouvés  à  l'époque  préhistorique  et  même  à  l'époque 
gauloise  en  Armorique,  cf.  Du  Chàtellier,  Matériaux,  21  (1887),  p.  444  et 
suiv.  ;  ihld.,  9,  p.  436.  Société  Em.  des  Côtes-du-Nord,  XXVIII,  1890, 
p.  53;  XXXI  (1893),  p.   33. 

2.  Soc.pol.  Morb.,  1884,  p.  192. 


288  /.  Loth. 

o™o8  de  long);  on  a  trouvé  aussi  une  lamelle  d'or  très  mince, 
légèrement  arquée  dont  la  corde  mesure  o"'oo7.  Le  mort 
était  évidemment  un  personnage  de  marque.  Ce  qui  est  sur- 
tout à  retenir  c'est  qu'il  est  étendu  de  son  long  sur  le  dos, 
position  caractéristique  dans  les  tumuli  celtiques  à  inhuma- 
tion de  la  Gaule  orientale. 

Dans  un  tumulus  situé  à  200  mètres  du  Reuniou  en  Ber- 
rien  (Finistère)  '  recouvrant  une  chambre  à  parois  maçon- 
nées à  sec  recouverte  d'une  table  mégalithique,  le  squelette 
est  également  étendu  sur  le  dos.  A  la  hauteur  de  l'épaule 
gauche,  il  y  a  un  vase  à  4  anses  ;  du  même  côté  à  o  ™  43  du 
vase  un  poignard  en  bronze  ^  ;  à  la  hauteur  du  bassin,  un 
second  poignard.  Le  corps  et  les  objets  sont  recouverts  d'un 
linceul    formé  de    peaux  cousues. 

A  Kervern  en  Plozévet  (Finistère),  le  mort  est  également 
étendu  sur  le  dos  ;  il  est  placé  dans  un  tronc  d'arbre  creusé 
de  2  ™  40  de  long.  La  chambre  est  circulaire,  en  fer  à  cheval, 
formée  de  pierres  à  sec  ;  pas  de  couverture  mégalithique  >. 
On  n'a  pas  trouvé  d'armes.  A  gauche,  à  la  hauteur  de  la  tête, 
était  placé  un  vase  paraissant  formé  de  deux  cônes  tronqués 
réunis  par  la  base,  forme  bien  connue  à  l'époque  du  bronze, 
et  décoré  à  sa  partie  supérieure  de  chevrons. 

Il  n'y  a  eu  malheureusement  aucun  examen  anatomique  des 
squelettes  ni  aucune  description  craniologique. 

Le  mode  d'inhumation  constaté  dans  ces  tumuli,  la  posi- 
tion du  cadavre,  prouvent  qu'il  s'agit  d'individus  appartenant 
à  un  groupe  ethnique  inconnu  jusque  là  dans  la  région.  Ces 
nouveau  venus  n'ont  pas  fait  prévaloir  leurs  traditions  ;  c'est 
l'incinération  qui  continue  à  dominer,  excepté  dans  les  petits 
coffres  en  pierres.  Si  ce  sont  des  Celtes,  il  s'en  suivrait  qu'ils 
ont  pénétré  dans  la  Gaule  occidentale  à  peu  près  à  la  même 
époque  que  dans  la  Gaule  orientale.  Les  premiers  établisse- 
ments des  Celtes  en  Gaule,  comme  leur  première  invasion 
dans  l'île  de  Bretagne,  remonteraient  donc  au  commencement 
du  deuxième  millénaire  avant  notre  ère. 

J.    LoTH. 

1.  Rev.  anh.,  1882,  p.  179. 

2.  Du  ChâXeWiQr,  Société  arch.  du  Finistère,   1899. 

3.  Revue  arch.,  1882,  p.  179. 


THE  REEVES  MANUSCKIPT 

OF    THE 

AGALLAMH    NA   SENORACH 


The  Agallamh  na  Senorach  was  first  published  by  Standish 
Hayes  O'Grady  from  the  Book  of  Lismore's  version  in 
1892. 

In  1900  Whitley  Stokes  republished  what  O'Grady  had 
done,  with  additions  from  three  other  vellum  MSS.,  Laud 
610,  Rawlinson  B  487  and  the  copy  in  the  Franciscan  Monas- 
tery,  Merchants  Quay,  Dublin. 

The  entire  text  as  thus  pubhshed  by  Stokes  in  Irische 
Texte  contains  8005  lines.  Of  thèse  Laud  which  contains  the 
oldest  text  (which  Stokes  makes  his  text  as  far  as  it  goes) 
has  4312  lines,  Rawlinson  5612,  and  the  Book  of  Lismore 
6553  lines.  I  cannot  compute  the  length  of  the  Franciscan 
copy.  Nearly  ail  the  fresh  matter  not  published  by  O'Grady 
from  the  Book  of  Lismore,  comes  from  Laud,  amounting  to 
about  1241  lines  ot  text,  while  about  143  lines  of  fresh  matter 
come  from  the  MS.  of  the  Franciscan  Monastery.  Rawlinson 
does  not  appear  to  contain  anything  which  is  not  already 
in  the  Book  of  Lismore. 

There  is  however  aiiother  text  of  the  i\gallamh  contained 
in  a  paper  MS.  one  of  those  collected  bv  that  fine  old  Ulster 
man  Mac  Adam,  which  at  his  death  passed  into  the  possession 
of  the  late  Bishop  Reeves.  On  the  death  of  Dr  Reeves  they 
were  sold,  and  the  late  Rev.  Maxwell  Close  generously 
bought  —  with  a  little,  but  I  ih'mkvery  little,  assistance  from 
others  —  a  number  of  thèse  MSS.  for  the  Royal  Irish  Aca- 
demy.  Thèse  are  now  known  as  the  Reeves  MSS.  Fortuna- 
tely  amongst  those  purchased  was  this  copy  of  the  Agallamh 
which  is  practically  unique. 


2qo  Douglas  Hvde.  i 

It  is  a  lyth  (?)  century  transcript,  in  a  good  hand  but  in 
parts  much  faded,  of  a  différent  Agallamh  frorn  any  that 
were  hitherto  known.  The  first  pages  are  lost  and  a  few  are 
missing  in  the  middle,  and  the  end  is  illegible,  but  it  still 
contai ns  some  500  close  pages  of  matter,  a  great  deal  of 
which  is  completely  new.  The  language  appears  to  be  of  the 
same  âge  as  the  language  of  the  better  known  Agallamh, 
Some  peculiarities  of  the  orthography  point  to  a  northern 
origin.  It  may  hâve  been  written  in  Antrim  or  Derry  or 
Down,  and  the  only  known  copy  of  this  particular  MS.  (one 
volume  of  which  I  hâve)  was  made  by  a  Belfast  man  nearly 
120  years  ago.  Almost  ail  Mr  Mac  Adam's  MSS.  were  picked 
up  bv  him  in  the  north  of  Ireland. 

Not  only  where  it  coïncides  as  to  the  story  with  the 
vellums  is  it  an  independent  and  quite  différent  text,  but  also 
(and  this  most  clearly  shows  an  entirely  différent  provenance) 
it  is  Caoilte  who  hère  usurps  the  place  of  Oisin  and  Oisin 
takes  the  place  of  Caoilte.  In  ail  the  veyums  from  wdiich 
Stokes  has  edited,  it  is  Caoilte  who  at  the  beginning  of  the 
story  meets  St  Patrick  and  the  Clerics,  and  it  is  Oisin  who 
retires  into  t[ie  Sidh  (Shee)mound  of  OchtCleitigh  where  his 
mother  was.  Caoilte  in  the  vellums  is  the  hero  of  the  story 
up  to  line  2255,  when  without  any  motivation  or  apparent 
cause,  Oisin  suddenly  comes  on  the  scène  in  company  with 
Patrick,  and  the  King  of  Munster. 

In  the  Reeves  MS.  on  the  other  hand,  Oisin  it  is  who  at 
the  beginning  of  the  book  meets  Patrick  and  is  the  hero  of 
the  story  until  Caoilte  appears,  but  Caoilte's  appearance  in 
the  Reeves  MSS.  is  properly  led  up  to,  and  explained.  Does 
this  mean  an  earlier  or  a  later  origin  ?  Does  it  point  to  an 
older  version,  an  original  and  fuU  version,  or  is  it  an  attempt 
to  coordinate  and  explain  earlier  and  more  fragmentary  ver- 
sions ?  As  far  as  the  language  goes  the  Reeves  MS.  —  allow- 
ing  for  the  fréquent  lyth  century  spelling  dropped  into  by 
the  scribe  —  appears  to  be  of  the  same  date  as  the  language 
of  the  vellums,  but  its  more  fréquent  adjectives  and  circum- 
locutions  would  point  it  out  (if  one  judged  by  this  alone)  as 
belonging  to  a  quite  différent  and  later  school . 


Agallamh  na  senorach.  291 

But  there  are  other  reasons  for  believing  that  it  may  repre- 
sent  a  text  quite  as  old  as  any  of  the  vellums  if  not  older,  for 
in  certain  stories  where  thèse  only  tell  part  of  the  taie  the 
Reeves  MS.  tells  the  whole  story,  and  while  they  hâve  often 
only  a  few  verses  of  a  poem,  the  Reeves  MS.  gives  a  long  fuU 
poem  (some  of  them  are  to  be  found  in  the  Book  of  Leins- 
ter)  upon  which  the  prose  story  is  usually  founded.  Often 
where  the  vellums  hâve  no  poem  at  ail  the  Reeves  MS.  has 
ten  or  twentv  or  thirtv  stanzas,  and  it  seems  s;enerallv  that  it 
is  the  verses  which  are  the  older  part,  and  that  it  is  upon 
them  the  prose  story  is  built  up. 

However  this  may  be,  the  Reeves  MS.,  with  a  verv  much 
more  verbose  text,  in  places  quite  ditferent,  follows  story  for 
story  the  text  of  the  Book  of  Lismore  for  about  one  quarter 
of  it,  and  only  when  we  come  to  the  story  of  Finn's  Dwarf 
do  we  get  a  long  and  interesting  addition  to  the  taie  not  con- 
tained  in  any  of  the  vellums  but  apparently  of  equal  âge  and 
authenticity.  I  hâve  made  a  transcript  of  the  Reeves  MS,  and 
so  hâve  been  able  to  note  exactly  how  far  it  agrées  with  the 
vellums. 

The  next  noticeable  addition  to  the  Lismore  text  is  the 
insertion  of  a  poem  of  24  lines  on  the  death  of  «  Liath  na  tri 
mbenn  »  p.  26  of  Stokes.  At  p.  27  of  Stokes  Reeves  inserts  a 
story  abouc  a  vision  that  Oisin  had,  and  a  poem  of  30  lines 
not  in  any  of  the  vellums.  At  p.  36  of  Stokes  the  poem 
«  Aima  Laigen  »  contains  140  lines  not  in  the  Book  of  Lis- 
more, and  a  short  prose  story  as  well.  A  page  or  two  of  new 
matter  is  inserted  in  the  story  of  Guaire  and  Finn  Ban  at 
Stokes'  p.  38. 

Up  to  p.  41  line  1448,  the  Reeves  MS.  follows  the  Book 
of  Lismore  closely.  Then  it  suddenly  jumps  to  p.  loé  of 
Stokes,  line  3726  and  follows  the  text  of  Laud  fol.  130  a  and 
Lismore  183  a. 

The  story  of  Ciabhan,  p.  106  of  Stokes,  has  a  good  deal  of 
fresh  matter,  and  148  lines  of  poetry,  which  Stokes  has  not 
got.  At  p.  no  of  Stokes  there  is  a  différent  and  long  version 
of  the  other  name  of  Elphin  and  12  lines  of  poetry. 

We  now  come  back  again    to   the  Book  of  Lismore  text 

Rfvue  Celtique,  XXXVllI.  20 


i>)i  Ùouglns  Myde, 

p.  41  Une  145 1,  of  Stokes.  P.  42  of  Stokcs  gives  a  poelli  of 
three  stanzas  on  Ros  Teamhrach,  Reeves  has  4  stanzas. 

There  is  a  leaf  of  the  Reeves  MS.  missing  at  this  point. 
Then  we  get  a  fragment  of  a  poem  on  Leacht  Dhiannada  of 
56  Unes,  not  in  Stokes.  The  prose  introeiuction  was  prohably 
on  the  missing  leaf,  and  was  no  doubt  much  the  sairie  as  in 
the  Lismore  text. 

At  p.  45  of  Stokes,  in  the  poem  «  Uathad  Selga  »,  we  hâve 
92  Unes  of  poetry  not  in  Stokes. 

After  this  we  jump  to  near  the  end  of  the  Lismore  version, 
and  to  p.  211  of  Stokes. 

The  séquence  of  Stokes'  text  is  hère  evidently  wrong,  since 
Patrick  addresses  a  question  to  Caoilte  who  was  absent  froin 
htm  at  the  time  and  does  not  return  to  him  tiU  long  after wards. 
Butin  Reeves  this  is  corrected,  for  Patrick  is  made  tosend  for 
Oisin  (or  rather  Caoilte,  for  Caoilte  takes  the  place  of  Oisin 
and  Oisin  of  Caoilte  ail  through)  and  brings  him  back  before 
he  puts  the  question  to  him. 

After  the  beautiful  poem  «  atciu  tri  nella  co  neim  »  p.  212 
of"Stokes,  Reeves  jumps  back  to  the  Lismore  text,  fol.  183  b, 
and  p.  III  of  Stokes.  It  gives,  like  Lismore,  only  4  stanzas  of 
the  poem,  but  the  Franciscan  MS.  gives  15  stanzas  more. 

At  p.  114  of  Stokes  there  is  a  passage  in  Reeves  about 
Patrick's  healing  Oisin,  that  is  not  in  Stokes'  version. 

After  p.  223  of  Reeves  2  pp.  appear  to  be  lost.  The  story 
which  is  thus  broken  off  is  told  at  p.  115  of  Stokes  from  the 
Franciscan  text.  Reeves  omits  the  five  Unes  épisode  of  the 
robber  Dubcraidi  and  Patrick's  verse  addressed  to  Caoilte,  and 
naturally  so,  because  Oisin  takes  the  place  of  Caoilte  in 
Reeves,  and  the  verse  rhyming  on  the  word  CaiUigan  or 
«  little  Caoilte  »  could  hâve  no  place  there. 

Page  125  of  Reeves  finds  us  in  the  middle  of  a  long  story 
which  is  the  prose  telling  of  the  lay  of  Finn  and  the  Phan- 
toms  which  is  not  in  any  other  copy  of  the  Agaliamh  but 
which  is  preserved  as  a  separate  poem  in  the  Book  of  Leins- 
ter,  which  gives  the  poem  in  54  stanzas.  Our  copy  contains 
five  stanzas  less  but  one  or  two  of  them  are  not  found  in  the 
Book  of  Leinstcr.  The  story  and  poem  evidently  belong  to 


Agalhtnh  na  senorach.  295 

the  Agdllamh,  and  fit  into  it  neither  more  nor  less  naturally 
than  the  rest  of  the  poems  and  stories.  The  fact  of  tbe  poem 
being  contained  in  the  Book  of  Leinster  throws  this  part  at 
least  of  the  Reeves  text  back  to  some  date  not  later  than 
II 50.  The  same  poem  is  found  in  the  Duanaire  Fhinn  but 
with  only  44  stanzas  to  the  Reeves  49. 

After  this  we  return  again  to  the  Lismore  text,  fol.  170  a  2, 
page  46  of  Stokes,  and  we  are  told  the  whole  story  of  Oisin's 
visit  to  the  Fairy  mansion  of  Ilbhreac  of  Assaroe,  and  of 
the  Nvar  between  Ilbhreac  and  Lir  of  Sidh  Finnachaidh,  and 
the  death  of  the  magie  bird,  and  the  story  told  to  Ilbhreac  of 
how  Finn  saved  Tara  and  thereby  got  the  kingship  of  the 
Fiana  in  place  of  Goll.  This  contains  a  good  deal  of  new  prose 
matter  and  also  the  quite  new  story  in  prose  and  verse  of 
«  Snâmh  dhd  éan  »,  also  in  the  Book  of  Leinster,  about  330 
lines  of  verse  in  ail,  of  which  the  «  Snâmh  »  story  contains 
54  and  a  half  stanzas. 

Reeves  foliows  Lismore  from  line  1840  of  Stokes'  Lismore 
text  to  line  1925.  Then  the  Franciscan  text,  alone  of  the  4 
vellums,  gives  three  stanzas  of  poetry  but  our  MS.  gives  16 
stanzas. 

After  this  foliows  the  story  of  the  death  of  Goll  (lines 
1932-1983  in  Stokes),  with  a  passage  inserted  which  is  not  in 
the  Lismore  text.  Then  foliows  a  further  fragment  and  poem 
not  found  elsewhere.  With  a  poem  beginning  «  tiagat  techta 
uainn  eu  h-Aedh  »  the  story  of  Goll's  death  finishes  in  the 
Lismore  MS.  ;  but  the  Reeves  MS.  contains  42  lines  which 
Stokes'version  has  not  got,  and  this  is  followed  by  more 
prose  and  a  poem  of  a  hundred  lines  found  nowhere  else, 
and  this  too  is  followed  by  another  poem  of  42  lines,  ail 
concerning  the  vengeance  exacted  for  Goll's  death. 

Reeves  after  this  continues  to  foUow  Stokes'  Lismore  text 
from  line  201J  to  2054  including  a  couple  of  stanzas  not  in 
Stokes.  After  the  death  of  Garbh  Daire  ending  1.  2054  of 
Stokes,  Reeves  has  a  new  poem  of  14  stanzas,  the  story  is  con- 
tinued  up  to  1.  2164  of  Stokes,  with  a  couple  of  additional 
stanzas  which  his  text  has  not  got.  There  foliows  then  a 
poem  on  the  death  of  Finn's  wife  Bearrach  Bhreac  which 
Stokes  has  not  got,  containing  29  stanzas. 


294  Douglas  H\de. 

Reeves  follows  loosely  Stokes'  text  from  line  2172  to  2236 
but  2  pages  are  lost.  There  are  6  Unes  on  the  death  of  the 
hound  Conhec  not  in  Stokes,  and  an  interesting  «  rhetoric  » 
on  the  Mue  tSLânga. 

Up  to  this  we  hâve  been  following  the  adventures  of  Oisin 
only.  Ail  thèse  adventures  —  as  many  of  them  as  are  to  be 
found  in  the  vellum  texts  —  are  ascribed  to  Caoilte.  Novv' 
cornes  the  time  when  the  storyteller  décides  to  bring  the  two 
together.  Oisin  sees  men  approach.  He  asks  their  mission. 
They  say  they  corne  from  the  King  of  Ireland  and  from 
Saint  Patrick  and  from  the  surviving  Fiana,  to  ask  Oisin 
to  visit  them.  As  soon  as  he  hears  that  Caoilte  is  with  the 
king  and  Patrick  he  détermines  to  go.  He  is  full  of  joy  at  the 
prospect  of  meeting  Caoilte  again.  The  story  is  pursued  after 
this  from  line  2242  of  Stokes  to  1.  2380.  This  brings  us  to  p. 
207  of  Reeves  and  there  we  hâve  the  following  passage.  «  As 
for  Oisin  it  is  not  of  him  there  is  any  question  now,  but  con- 
cerning  Caoilte  the  son  of  Ronan  from  the  time  when  he 
lïimself  and  Oisin  parted  with  one  another  at  Cuilleann  O 
Ccuanach  until  the  time  that  he  came  under  the  yoke  of  reli- 
gion and  piety,  ail  that  he  suffered  and  endured  (?)  during 
that  time  and  how'  his  people  parted  from  him,  except  Firi- 
neachaidh  alone —  ail  that  is  told  hère,  another  while  ». 

Hère  the  scribe  leaves  a  blank  space  of  about  an  inch  and 
commences  his  next  paragraph  with  capital  letters  to  show  that 
he  has  done  with  what  I  may  call  Vol.  i,  the  wanderings 
of  Oisin.  S.  B.  ',  his  copyist,  improves  on  this  and  writes 
«  Crioch  an  chéad  roinn  »,  i.  e.  «  the  end  of  the  First  Part  », 
and  begins  the  next  page  in  large  letters  with  the  words  «  An 
Dara  Roinn  »  i.  e.  «  the  Second  Part  ».  Now  this  allusion  to 
Finn's  and  Oisin's  parting  with  one  another  at  Cuilleann  O 
Ccuanach  w^ould  be  unintelligible  were  it  not  for  the  unpu- 
blished  fragment  in  the  Book  of  Lismore  known  as  the 
«  Agallamh  Bheag  »,  which  contains  this  incident.  Not  only 


I.  Samuel  Bryson  of  Belfast  (?)  made  a  copy  about  the  year  1800  of 
a  large  portion  of  the  Mac  Adam  or  Reeves  MS.  in  two  vols,  of  which 
I  possess  one  ;  the  other  is  in  the  R.  I.  A. 


Agallamh  na  smorach.  295 

does  it  contain  this,  which  is  of  the  very  essence  of  the  ston' 
so  far  as  it  concerns  the  history  of  Caoilte  and  Oisin,  (which 
is  taken  as  the  framework  round  which  a  mass  of  stories  and 
traditions  is  huilt  up),  but  practically  the  whole  of  it  is  found, 
but  in  a  quite  différent  recension,  in  '<  Part  11  »  if  we  may 
call  it  so,  of  the  Reeves  MS.  which  from  that  out  for  a 
couple  of  hundred  pages  follows  the  fortunes  of  Caoilte. 

This  part  of  the  Reeves  Agallamh  need  not  hère  be  notic- 
ed  for  it  very  largely  consists  of  new  and  unpublished 
matter,  mostly  in  verse,  and  represents  a  text  of  which  the 
Agallamh  Bheag  in  the  Book  of  Lismore  is  now  —  so  far  as  I 
know  —  with  the  exception  of  itself  the  sole  survivor. 

Finally  in  the  Reeves  MS.  the  two  ancient  heroes  are 
brought  together  again,  and  the  stor}^  is  continued  almost  up 
to  the  death  of  Caoilte  in  extrême  old  âge.  He  is  borne  on 
mens  shoulders  to  the  «  Aonach  »  at  Taillte  and  his  last 
poem  is  on  «  Ros  Teamhrach  ».  The  remainder  of  the  MS. 
is  illegible. 

If  I  were  publishing  this  MS.  as  a  continuons  text  I  would 
begin  it  with  the  first  part  of  the  Agallamh  Bheag  taken  from 
the  Book  of  Lismore,  for  this,  I  imagine,  was  also  the  beginn- 
ing  of  the  Reeves  text,  now  lost.  Then  I  would  take  a  few 
sentences  from  the  Agallamh  Mhor,  Lismore  text,  describing 
Oisin's  '  meeting  with  Patrick  —  Caoilte  had,  according  to 
the  Agallamh  Bheag,  run  away  sooner  than  meet  him  — and 
then  we  find  ourselves  landed  in  the  story  of  how  the  Fiana 
gottheir  horses.  From  this  out  the  MS.  could  be  printed  as  it 
stands.  Even  where  the  same  stor}'  is  told  or  the  same  poem 
given  in  the  vellum  MSS.,  as  is  usually  the  case  in  the  first 
part  of  the  book^  nevertheless  the  Reeves  MS.  présents  a 
completely  différent  recension  told  usually  in  différent  words. 
and  as  such  it  is  of  value,  particularly  in  the  case  of  the 
poetr}\  Certain  of  thèse  poems  are  to  be  found  also  in  the 
Book  of  Leinster,  and  some  in  the  Duanaire  Fhinn.  Thèse 
last  the  writer  of  the  Duanaire,  also  a  Northern,  mav  hâve 
taken  directly from  this  Agallamh. 

Douglas  Hyde. 

I.  Oisin  as  I  hâve  said  is  put  for  Caoilte,  and  Caoilte  for  Oisin  ail 
through  the  Reeves  MS. 


NOTES 

ÉTYMOLOGIQUES    ET    LEXICOGRAPHIQUES 

{suite) 


175.  Irl.  moy.  forémdim;  Gall.  gommedd. 

L'irl.  émdim  a  le  sens  de  «  je  refuse  »,  for-émd'un,  celui  de 
«  je  suis  incapable  de,  je  ne  puis  ».  Eindini  est  composé  de 
é'.Y  -\-  meâ-.  Foréiiidini  peut  se  décomposer  en  fo-r-énidini 
(Pedersen,F('ro-/.  Gr.  11,  579;  pour  le  sens,  cf.  Ascoli,  Gl.pal. 
CCCXCV  ;  Wind,  Wôrt).  Le  sens  habituel  du  gallois  gommed 
est  actif:  «  refuser  ».  Mais  il  a  aussi  celui  de  :  «manquer»  ; 
ainsi  L.  Noir  10,  19  : 

luoli  Diiu  innechrcu  a  diuet 
ae  kyniw  ny  uelU  ny[if\o}net 

«  Louer  Dieu  au  commencement  et  à  la  fin,  et  son  secours 
ne  faiblit  pas,  ne  manque  pas.   » 
Ibid.  t6,  5  :  nythomet  in  gweti 
«  notre  prière  ne  te  manquera  pas  ?   » 
L.  Rouge  (P.  a.  B.  11)  29e,  9  : 

oret  y  Diiiv,  0  Duiu  ny  oiniiied  ' 

«  qu'il  prie  Dieu,  de  Dieu  il  ne  sera  pas  refusé  ».  M.  A. 
132,2: 

oni  'm  gonmeddai'r  arddwrn 
rimmu  a  lunatun  goreu  a  galliun 

«  Si  le  poignet  ne  me  manquait  pas  (ne  me  refusait  son 
service),  je  ferais  du  mieux  que  je  pourrais.  »  Goiiuiit'd  me 
paraît  composé  de  :  ijo-s-med- . 

I:  mal  lu  :  ommied-. 


Notes  étymologiques  et   lexkographiques.  297 

176.  Irl.  FÀINXE  ;  gall.  gwawn.  Pedersen  {Vergl.  Gr.  i,  86) 
cite  l'irl.  mod^  fâinne  an  lac,  le  point  du  jour  (Jdinne  est 
commun  mais  dans  le  sens  à' anneau  ,  voir  fâinne).  Le  gallois 
moyen  giuaiun  paraît  y  répondre.  O.  Pughe  donne  le  sens 
de  «  rayons  »  d'après  ce  passage  d'un  poète    du  xv'^  siècle  : 

Gwenllia)i  giuawn  y  llcuad 

le  sens  paraît  être  plutôt  «  lumière,  aube  »  :  giuaiun  tveâd, 
aspect  de  l'aube;  ne  gwaïun,  couleur  de  l'aube  en  parlant 
d'une  femme  (M,  A.  337.  2;  340.1). 

Si  le  sens  de  l'irlandais  est  sûr.  les  deux  mots  supposeraient 
uâsniâ.  Gïuawn  désigne  aussi  le  Fil  de  la  Vierge  (Dafydd  ab 
Gwilym,  pièce  71,  v.  52).  Pour  la  racine,  cf.  irl,  fdir,  gall. 
gwazvr. 

ijj.  V.  irl.  FEiss  ;  gallois  gwest,  gwesti.  Comme  le  dit 
Ascoli,  après  Zimmer,  Kclt.  St.  1 2S,  feiss  a  le  sens  de  «  s'ar- 
rêter, se  reposer  »  ÇGIoss.  pal.  CCCX),  par  exemple  dans 
l'hymne  de  Fiacc  {Thés. pal.  11,  365,  27)  : 

ni  congehed  ilacht  sine,  do  feiss  aidchc  hi  linnib 

«  Le  froid  du  temps  ne  l'empêchait  pas  de  rester  la  nuit 
dans  des  étangs.  »  Cf.  Whitley  Stokes,  Urh.  Spr. 

Ce  sens  est  très  net  dans  le  gallois  gwest  :  Mabin.,L.  R., 
p.  II 9.2  : 

gwest  a  orugant  y  nos  bonno  ynty 
Giistenhin 

«  et  cette  nuit-là,  ils  logèrent  chez  Custenbin.  »  Kywes,  avec 
la  variante  Kywest  '  (=  com-uesti-),  a  un  sens  analogue  : 
L.  Noir  7,  31  : 

pa  roteiste  oth  reuvet  kin  kywes  argel 

«  qu'as-tu  donné  de  tes  biens  avant  la  cohabitation  cachée 
(la  tombe)  ?  » 
L.  An.  85.19  : 

Kyn  kywest  daear  kyngonued  . 
I.  Le  texte  porte,  par  erreur,  Kyicesc  Cp.  19,  1.  3  éd.  Evans). 


298  /.  Loth. 

«  avant  le  séjour  de  la  terre,  avant  d'être  étendu(de  son  long). 
Le  gallois  moyen  giaesti  a  le  sens  de  «  logement,  séjour  ». 
L.  Noir  t6.i  : 

Turr  guir  guydyny 

a  dav  y  geissaiv  in  giuesti 

«  une  troupe  d'hommes  après  nous  viendront  pour  chercher 
notre  séjour.  »  (Ils  demandent  qu'on  ne  l'indique  pas.) 
Myv.  arch.  18 1.2  : 

biuyf  givâs  Dtiiu,  givesti  dialar 

«  que  je  sois  serviteur  de  Dieu,  séjour  sans  douleur.  »  Cf. 
Daf.  ab  Gwilym,  éd.  de  Liverpool,  p.  351,  324. 

L'irl./t'/w,  gall.  givest  =  *  ijesti-  ;  gzuesti  =  uestimu-.  Le 
dérivé  givestivyani  (M.  A.  212.  i)  a  conservé  v  =  m. 

L'irl.  feis,  festin,  gall.  dir-west  (cf.  irl.  bain-feiss,  bret.  ban- 
ve:;^)  doivent  en  être  séparés  ;  cf.  Rev.  Celt.,  t.  XXXV,  p.  89- 
90. 

178.  Irl.  FiONNÂN  :  gall.  gwynnon. 

On  a  quelquefois  conionàu  guymon(\û.fe)iii)inin  «  varech  ») 
avec  giiynnon  et  corrigé  gzaymion  en  giuyinon.  Les  deux  mots 
sont  différents. 

Silvan  Evans,  Llyth.  y  Cym.  traduit  g-wynnon  par  «  petits 
morceaux  de  bois  sec  ».  O.  Pughe  y  voit  des  petits  bois  secs. 

Rii'xsc  fana  gîuyuawii  val  Hurf  giuynnyar  dritdQA.  A. 282,  2) 
«  L'impétuosité  du  feu  avec  les  herbes  sèches.  .  .  comme 
le  bruit  d'un  coup  de  vent  violent.  » 

ni  thangnev  gwynnawn  a  goddaith  (ibid.  853,2) 

«  il  n'y  a  pas  de  paix  entre  les  herbes  sèches  ...et  le  feu.  » 
Comme  goddaith  est  le  feu  que  l'on  met  dans  les  herbes, 
bruyères,  ajoncs  spécialement  en  mars,  il  me  paraît  probable 
que  giuynnaivn  désignait  d'abord  aussi  des  variétés  d'herbes. 
Ce  qui  le  confirme,  c'est  que  gwynnon  a  aussi  le  sens  de 
«  regain,  herbe  sèche  propre  à  être  brûlée  ». (Thomas  Richards, 
W.  Dict.,  à  gwnnon).  Cf.  irl.  mod.  fionnàn,  longues  herbes 
croissant  en  terres  marécageuses.  Peut-être  est-ce  à  rappro- 
cher de  find,  cheveux. 


Notes  étvnwlogiqîies  et  lexicQgraphiques.  299 

179.  Gallois  GWRYAF. 

Dans  le  vers  : 

Giuryaf  gorofyn  Lloegyr  ae  chythrut  (M. A.  238,  2) 

«  très  vaillant,  frayeur  extrême  des  Loegriens  et  leur  confu- 
sion », 

gzvryaf  pavuh  être  un  superlatif  de  ijej-g-  :  ci.  guyry,  en  une 
syllabe  «actif  ». 

Gwrafa  été  formé  sur  gwr. 

180.  Gall.  moyen  Gwynver. 

Le  mot  apparaît  dans  le  Livre  Noir,  46,  22  : 

Duii  dovit 
a  péris  lleuver  llemnit 
hael  vynver  heul  in  dit 

«  Dieu  le  maître  qui  a  créé  la  lumière  q,ui  est  une  joie,  le 
soleil  généreux  qui  apporte  la  clarté  (ou  le  bonheur)  dans  le 
jour.  » 

Cf.  irl,  find,  gall.  guynn  «  blanc,  heureux  ».  Pour  la  com- 
position, cf.  lleufer,  «  lumière  ». 

181.  Irl.  FEUCHUIR,  gall.  gicychr,  gall.  moy.  gWYCHYDD. 
Il  y  a  un  mot  en  moyen-gallois  qui  paraît  contredire  la 
théorie  de  Zupitza,  que  ch  gallois  serait  dû  à  l'influence  de  r 
suivant  dans  givychr.  \û.  feuchuir. 

Bet  Giurgi  giuychit  a  Givindodil  Lev  (L.  N.  31,  2) 

('  tombe  de  Gurgi  brave  et  lion  de  Gwynedd 
neirthyat  guychyd  (L.  A.  65,  27). 

On  peut,  il  est  vrai,  le  rapprocher  de  guych  «  gai,  digne, 
brave  ». 

Le  V.  gâW.  gtiichir  glose  «  effrenus  »  ;  le  gall.  moy.  gnychr  a 
aussi  le  sens  de  «  brave  ». 

182.  Gall.    GWIXGAR. 

Ce  mot  ne  se  trouve,    à   ma  connaissance,  que  dans  le  L. 


500  ■        /•  Lot  h. 

Noir  !)_,  22.  Il  paraît   avoir  le  sens  de  «  sage  »,  si  on  le  com- 
pare au  gaélique  d'Lcosse  fioiinchain'  «  sagesse  »  : 

Gvingar  har  gwar  giiironel  kedivi 

«  ami  du  sage,  doux,  garde  de  la  vérité  ». 

Il  y  a  une  S341abe  de  trop  dans  le  vers  :  c  est  giiar  qu'il  faut 
supprimer?  Pour  fionii,  gwyn{ii)  cï.  \r\.  finnaim,  «je  trouve, 
j'apprends  ». 

183.  Gall.    moy.  GOGLYT.  YMEGLYT. 

Mabin.  L.  R.  116,  19  : 

goglyt  a  oruc  Kei  yni  prenn 

«  Kei  saisit  un  morceau  de  bois...»  Meglyt  (pour  \nieglyt)  a 
oruc  Yspadaden  Pcnhawr  yn  un  or  tri  lleclnvaeiu  (Mab.  L.  Blanc, 
col.  477  ;  L.R.  118,  23  :  yiiinvûi'l)  :  «  Yspaddaden  Penkawr  se 
saisit  d'un  des  trois  javelots  » .  Ce  sens  mérite  d'attirer  l'attention 
d'autant  plus  qu'il  y  a  déjà  de  singulières  divergences  de"  sens 
entre  des  mots  qu'on  ramène,  non  sans  quelques  violence,  à 
la  même  origine  :  gall.  gochel,  gochlyd,  éviter  ;  goglyd,  gogelii, 
s'occuper  de,  soigner.. 

184.  Irl.moy.  foessam,  mod.  faoiseamh  ;  gall. moy.  gwae- 

SAV,   GVv^AYSSAV. 

L'irl.  moy.  focssam  «  protection  »  est  le  subst.  abstrait  d'un 
verbe  *fo-siss-  (VVind.  w.  ;  Pedersen,  FergJ.  Gr.,  II,  629). 
En  irl.  xnoà.  jaoiseamhd.à\\ssi  le  sens  de  «  protection,secours», 
avec  celui  de  «  cessation,  interruption  »  {géi).  faoisiHjIi).  Dans 
les  Lois  galloises,  giuaessav,  giuayssav  a  le  sens  de  «  garantie  » 
et  de  «  garant,  caution  »,  cf.  L.  Noir,  19,  26  : 

Gwassauc  gnaessaj  mm  fit 

«  Gwassawc  le  garant  de  ma  foi  ».  Ibid.  19,  16  : 

Oef  kas  gan  Gcvassawc  giuaessaf  Rydirch 

«  Je  suis  haï  de  Gwassawc  le  garant  de  Rydderch.  »  Foessam 
Qt  giuaessaf  sonem  de  *ijo-sessamo-, 


Noies  étymologiques  et  lexicographiques .  301 

185.    Gall.  moy.  Godeb  ;  v.  br.  voteporigis. 

Le  gall.  godeb  est  fort  rare.  Owen  Pughe  le  traduit  par 
«  incontinence  »,  sans  motif,  par  un  rapprochement  forcé 
avec  godineb.  Il  lui  donne  aussi  le  sens  de  «  cave  »,  comme  le 
fait  Thomas  Richards,  qui  se  couvre  de  l'autorité  d'un  dict. 
ms.  de  Vaughan,  utilisé  par  Lhwyd  dans  son  Arch.  ;  or,  c'est 
ce  sens  qu'il  faut  retenir  en  le  modifiant  dans  le  sens  de 
«  cachette,  refuge  ».  En  voici  un  exemple  d'un  poète  du 
xiii^  siècle,  Llewelyn  Fardd  (M.  A.,  251-2).  Le  sujet,  ce  sont 
les  signes  avant-coureurs  du  jugement  dernier  : 

Deuddegfed  dydd.  .  . 
y  daw  poh  pysg  o'i  odeb 
Hyd  ar  wyneh  yr  eigiawn 

«  Le  deuxième  jour.  .  .  viendra  chaque  poisson  hors  de  sa 
cachette  jusque  sur  la  surface  des  flots.  » 

Le  gallois,  avec  le  sens  de  fuir,  comme  le  breton  techt, 
l'irl.  techitn,  a  aussi  surtout  dans  des  textes  plus  récents,  le 
sens  de  se  cacher  :  il  faut  naturellement  supposer  pour  le 
brittonique  tek-s-.  Xul  doute  que  la  labialisation  n'ait  été 
perdue  dans  ce  composé.  Godeb  paraît  heureusement  montrer 
la  forme  indo-europ.  avec  sa  labialisation  :  godeb  =  noteku. 

Le  sens  de  «  refuge  »  est  très  voisin  de  celui  de  «  cachette  ». 
C'est  vraisemblablement  celui  qu'il  faut  voir  dans  l'épithète 
godebog  appliquée  à  un  personnage  semi-mythologique,  légis- 
lateur, chef  des  Bretons  du  Nord  :  Coel  Hen  Godebog,  en  vieux- 
gallois  Coil  Hen  Giiotepauc  (J.  Loth,  Mab.  II,  375  :  généalogies 
du  x"  siècle).  Ce  terme  est  à  rapprocher  du  premier  terme  du 
nom  d'un  chef  breton  dans  l'inscription  bilingue  de 
Llanfallteg.  dans  le  pays  de  Galles;  le  nom  est  au  génitif;  en 
caractères  latins  :  Votepo-rigis,  en  caractères  oghamiques  : 
Voteco-rigas. 

i8é.  Irl.  moy.  fraig,  moderne  fraigh  «  paroi,  toit 
intérieur  de  la  maison,  chevrons  »  ;  gallois  moy.  -gwre. 

L'irlandais  suppose  *uragi-.  Pedersen  le  compare  {Vergl. 
Gr.  I,  97)  au  skr.  vrajà,  grec  î'îpvw.  Macbain  a  ixdiàmi  fraigh 
par  «  wattled  partition  »i 


302  /.  Loth. 

Le  gallois  gnre  (une  syllabe)  me  paraît  avoir  un  sens 
analogue  dans  un  mot  très  rare  que  les  Lois  nous  ont  conservé. 
Il  se  présente  sous  les  formes  acgnre,  acure  et  achure  dans  les 
Leges  wallicae  lU,  VI,  8.  Dans  les  Lois  (I,  294)  achwre  est 
indiqué  toujours  avec  le  toit  :  ar  to  y  ty  ay  acgnre.  .  .  trayan 
giierth  eto  avyd  ar  er  acgnre  :  ac  dryderan  0  hyny  «  le  prix  du 
toit  et  de  son  achwre  est  le  tiers  du  prix  de  la  maison  ». 
Silvan  Evans,  suivant  en  cela  O.  Pughe,  y  a  vu  achfre  et  cite  à 
l'appui  un  exemxple  d'un  poète  du  xiii*=  siècle  : 

Morgant  achvre  cant  ' 

«  Morgant  la  protection  de  cent  ». 
.  Il  faut  évidemment  lire  achwre  (en  deux  S3'llabes).  C'est  une 
expression  métaphorique. 

L'orthographe  des  Lois  est  ici  décisive.  S'il  faut  lire  dans  le 
passage  en  question  achfre,  ce  qui  est  invraisemblable,  le  mot 
n'a  rien  à  voir  avec  achwre  ;  ach  peut  avoir  le  sens  de  qui  est  à 
côté.  Ce  seraient  dans  ce  cas  des  parois  ou  cloisons  à  l'inté- 
rieur du  toit,  le  protégeant  et  le  complétant.  Ce  passage  des 
Lois,  p.  28e,  note,  cité  par  T.  Lewis  (Glossary^,  le  confirme  : 
to  tai  ai  achivrau  a  ddylyir  en  eau  rhag  eu  lygru  0  ysgrubî  ;  ac 
oui  cheuir,  cyd  llycrer,  ni' s  diwygir  «  le  toit  des  maisons  et  ses 
achwrau  doivent  être  fermés  de  peur  qu'ils  ne  soient 
endommagés  par  le  bétail  ;  et  si  on  ne  les  clôt  pas,  s'ils  sont 
endommagés,  il  n'y  a  pas  réparation.  »  T.  Lewis  cite  aussi 
un  passage  de  la  collection  manuscrite  de  Peniarth,  91,  p.  192, 
où  achwre  est  assimilé  à  cant  ;  achwre  eil  cant  y  ty,  hribiarth. 
Silvan  Evans  donne  à  cant  concernant  la  maison  {Leg.  wall. 
III.  X.  16)  le  sens  de  watiled  fence  or  work  {phced  around 
something  for  its  protection^.  Il  ajoute  que  cant  est  remplacé 
aussi  Tpa.T  pared  et  logail;  kribiarth  (en W//;)  indique  clairement 
que  le  cercle  de  protection,  le  second,  était  celui  du  toit  ; 
-lure  est  pour  -wrei,  comme  le  prouverait  la  transcription  plus 
moderne  achwrau  (-ai)  ;  cette  orthographe  n'est  pas  rare.  Le 
gallois  wrei  sort  de  *ijragio-  ou  \uragia. 


I.  cant  peut  avoir  ici  aussi  le  sens  de  «  cercle  »,  qui  protège  et  assujettit 
les  chevrons  ou  toit  intérieur  et  gouverne  acliwre. 


Notes  étymologiques  et  lexicographiques.  303 

187.  Irl.  moy.  barc  «  palais,  forteresse».  On  trouve  le  mot 
dans  The  Rennes  Dindshenchas,  4  (  i?.  Ceh.,  1894,  P-  292).  Le 
mot  apparaît  aussi  dans  The  Boroma  (R.  Celt.,  1892),  n°  10: 
romiirsetar  BAirc  mBresail  ;  Bàirc-sede  feda  jiemchn'nda  doringned 
ic  Bresal  Brathirchend  ic  ardrig  in  doninin  «  ils  rasèrent  Barc 
Bresal:  c'était  une  forteresse  de  bois  incorruptible  qui  avait 
été  bâtie  par  Bresal  Brathirchend,  roi  suprême  du  monde.  » 
Le  génitif  est  bàirce  (LL.  ap.  K.  Meyer,  Conirib.').  Stokes  l'a 
comparé  au  grec  spa-;;;.;;,  çpâsato.  La  forme  v.  celtique  serait 
donc  barcâ. 

M.  Jud  (Romania,  1920,  p.  468)  traite  du  gallo-roman 
barca,  barga.  Ce  mot,  en  Espagne,  a  le  sens  de  hutte  couverte 
de  paille.  En  Italie,  il  a  des  sens  analogues.  En  France,  en 
Vendée,  barge  est  une  sorte  de  hangar  couvert  de  chaume  ou 
jonc,  pour  protéger  du  bois,  des  outils,  des  tas  de  paille; 

Dans  le  bas-Maine,  barge  (Dottin,  Glossaire  à  barj^  a  le 
sens  de  meule  de  fourrage,  d'épis,  gerbes,  fagots  à  base  qua- 
drangulaire  ou  carrée  ;  c'est  un  sens  connu  dans  d'autres 
régions  de  France.  M.  Jud  rapproche  barca,  barga,  de  l'irlan- 
dais fraigh  et  suppose  en  gallo-roman  une  évolution  de 
*urqga  en  braga,  barga,  analogue  à  celle  de  vr-  en  brûca 
(bruyère)  ;  de  urigantes  en  brigantes.  C'est  à  divers  points  de 
vue  peu  vraisemblable.  Le  rapprochement  avec  barc  est  plus 
naturel.  Le  sens  de  palais,  en  somme,  n'est  pas  assuré,  celui 
de  maison  et  de  maison  jaite  de  bois  est  au  contraire  certain. 
Si  on  rapproche  les  différents  sens  de  barge  de  celui  de 
barc,  il  paraît  bien  résulter  qu'il  s'agit  d'une  maison  ronde  en 
bois  couverte  de  chaume  et  dont  les  parois  étaient  sans  doute 
également  complétées,  remplies  dans  leurs  interstices  ou 
membrures  par  du  chaume. 

A  remarquer  qu'en  Saintonge,  barge  est  une  sorte  de  bâti- 
ment de  transport,  ce  qui  rappelle  le  vieux-français  barge, 
barque. 

188.  Irl.  moy.  barc  «  abondance,  multitude  »  ;  on  lit 
barc=^  ioniad dans  le  glossaire  de  O'Cl.  (ap.  K.  Meyer,  Contr.). 
Si  le  mot  est  identique  comme  sens  à  ioniad  (irl.  moy.  inibed, 
immad^,  il  peut  avoir  le  sens   d'excès.  Il  ne  peut  guère  être 


^04  /.  Loih, 

séparé  de  bârcain  (break  out,  O'R.)  ;  en  écossais  bàrc  a  le  selis 
de  rush  en  parlant  de  l'eau  par  exemple  (Macbain,  Dicl.). 
Dans  le  Fled  Bricrend,  ban.  paraît  avoir  le  sens  de  «  fureur, 
attaque  impétueuse  «(Windish,  Wôrt.^.  Barc  a  été  rapproché 
du  latin /(7/77(), /rg^«é«5  par  Stokes  (A".  Z.,XLl,  381). 

Il  faut  distinguer  des  mots  précédents  l'irlandais  barc,  livre 
(O'Davoren's  GL,  n°  239);  cf.  barc-lann,  bibliothèque,  P.  O'Cl. 
ap.  K.  M.,  Contr.  Le  génitif  est  bairc,  O'Gr.  cat.  (Stokes, 
Ô'Dav.  GL,  Arch.  II,  3,  p.  235). 

Stokes  le  compare  ingénieusement  au  Teut.  barc,  écorce 
d'arbre:  indo-europ.  *bharg. 

189.    Gall.  PWYO  ;  bwyaw. 

Les  deux  mots  ont  été  confondus.  Pzuyo  est  traduit  par 
«  battre  «,  ce  qui  n'est  pas  exact.  Pzuyo  est  emprunté  au  latin 
pnÇii^go-  pn(^ii)ciiim  a  donné  pwyth  (s^itch)  '  et  signifie 
proprement /)/(///f/',  enfoncer  :  Heng.  niss,  II,  288  :  mi  a  roddetar 
y  ,?^og  ag  a  pzuyivyt  yr  hoelion  ym  dwylaw  «  J'ai  été  mis  sur  la 
croix  et  on  a  enfoncé  les  clous  dans  mes  mains.  »  C'est  le 
g  intervocalique  qui  est  représenté  par  y  :  cf.  breton  moue  à 
côté  du  gall.  mzvng. 

Bzvyazv  paraît  avoir  eu  le  sens  de  «  battre,  renverser  » 
(L.  Blanc,  col.  6436).  Peredur  vient  de  renverser  les  300 
chevaliers  ennemis. 

a  llyma  evo  ac  yr  y  vivyn  ef  y  bzuyeis  i  dy  deiilu  di  ce  le 
voici  et  c'est  pour  l'amour  de  lui,  que  j'ai  battu  ton  clan  à 
toi  i>  (à  moins  qu'il  ne  faille  lire  bzuryeii). 

Le  Livre  Ronge,  p.  227,  donne  :  a  llyma  evo  ac  er  y  vwyn 
ef,  y  deuthmn  i  y  chzvare  ath  teulu  di  «  je  suis  venu  pour 
jouter  avec  ton  clan  à  toi  ».  Peut-être  peut-on  rapprocher 
Iniyazv  deVirl.  hongim  je  brise;  *bogi-,  puis  bugi-}  {o-i  donne 
en  gallois  plutôt  wy')  :  biuyaw-  *bogi-ànio-. 

Cf.    gall.    CYMWY    «   affliction,    tourment    (brisement)  ». 

Buyazu  apparaît  avec  le  sens  de  teindre  Ç^i  plonger  dans  »?) 
Heng.  mss,  11,  447,  xxiv  •.zoedy.bzvyaiuagzuaet,  «après  l'avoir 
teinte  de  sang  (la  robe  du  Christ).  » 

I .  Pour  le  sens  de  «  réparation  représailles  »  et  «  cadeau  de  uoces  »,  cf. 
Rhys  dans  Y Anhaeologia  Camhiensis,  t.  IV.  ^ 


'  ^otes  étymologiques  et  lexîcographiques.  505 

Il  y  a  eu  probablement  confusion  avec  pîuyatu,  ou  bien  on 
a  affaire  à  un  verbe  différent  d'origine  de  pwyo  et  bwyaiu. 

190.  Irl.  FONN  ;  gall.  gwyn. 

L'irl.  mod.  fonn,  m.,  gén.  fuinn  (Dinneen)  a  le  sens  de 
désir,  désir  ardent,  disposition  pour ,  plaisir .  En  irl.  moy.  il  paraît 
aussi  avoir  le  sens  zàitciiî  (Goidelica  p.  177).  Whitley  Stokes 
(Kz.  X  41,  358)  l'a  rapproché  du  latin  venus.  Nul  doute  qu'il 
ne  faille  ramener  à  la  même  racine  le  gallois  gwyn,  passion, 
désir  violent  :  cf.  Mabin.  L.  Rouge,  p.  108  :  Sgilti  ygsaïundroet 
pan  vei  zuxn  Jrci>\l  hrdet  yndau...  ny  cheisswysford eiryoet. . .  «  Sgilti 
au  pied  léger,  quand  il  avait  un  ardent  élan  pour  marcher..., 
ne  chercha  jamais  de  chemin...  »  Le  Livre  Blanc,  col.  463  a 
liynhyiul  qui  a  le  même  sens.  Cf.  v.  bret.  erguinil  gl.  tirannica 
auctoritate  molirentur  ;/o;7w  ^  *  nonno-  ;  gwyn  =  *  uenî-.  Silvan 
Evans,  Llyihxraeîb  y  C\mry,  p.  82  le  donne  comme  féminin  et 
aussi  adjectif  avec  le  sens  de  désir,  ardeur  et  aussi  peine  :  Stra- 
chan,  Philol.  Society,  i8<)),  fait  venir  l'irl.  moy.  toise,  besoin, 
désir,  de  la  même  racine  :  *  to-wenski-  (autrement,  Pedersen, 
Vergl  Gr.  II,  11). 

On  trouve  dans  le  Mab.  du  Livre  Rouge,  p.  m,  gwynn, 
mais  le  L.  Blanc,  col.  467,  porte  gwyn  :  ny  cheffit  gwyn  gwen 
arnaw  vyth  naniyn  tra  vei  lawn  «  on  ne  vit  jamais  sur  lui  de 
disposition  à  sourire,  si  ce  n'est  quand  il  était  plein  (rassasié)  ». 
Il  est  vrai  qu'on  trouve  gwynn  assez  souvent  dans  le  sens  de 
plaisir  et  de  désir  ;  pour  l'évolution  de  sens,  cf.  gwynn  fyd. 

191.  Gallois  CYMMRWD. 

A  l'époque  moderne,  cynimnvd  a  le  sens  de  mortier,  ciment. 
En  gallois  moyen,  il  se  présente  sous  la  forme  cynirwt  dans 
les  Mab.  du  L.  Blanc,  col.  486  :  Kerdet  a  orugant  luy  y  dyd 
hwnnzu  heducher,  l.iyiiyvvd  kaer  vaen  gymrwt  a  welasit  vwyhaf  ar 
keyryd  xbxt  «  ils  marchèrent  ce  jour-là  jusqu'à  la  nuit,  jusqu'à 
ce  qu'un  château  fort  de  pierres...  fut  aperçu,  le  plus  grand  des 
châteaux  forts  du  monde  ». 

macji  gymrwt,  forme  un  composé  et  ne  saurait  avoir  le  sens 
de  mortier  de  pierre  ni  de  pierre  à  mortier.  Il  me  paraît  possible 
que  le  composé  ait  le  sens  de  brique  ;  pierre  à  terre  cuite,  cyni- 


5o6  /.  Loth. 

\}n]rwl:  =  *  com-brulo-,  entièrement  brûlé,   soumis  à  un   feu 
ardent;  cf.  irl.  moy.  combniith,  ébuUition  (K.  M.  Contr.). 

192.  Irl.  BRACHT  ;  gall.  moy.  breithell. 

Silvan  Evans  (JVclsh  Dicl.^  donne  à  breithell  le  sens  de  vicm- 
brane,  pellicule  et  ne  cite  comme  exemple  à  l'appui  qu'un  pas- 
sage des  Mab.  du  Livre  Rouge.  Or,  il  ressort  du  contexte 
que  breithell  y  a  le  sens  de  cervelle.  Efnyssien,  dans  le  Mab.  de 
Branwen,  tâte  chacun  des  sacs  où  les  Gywddyl  prétendent 
avoir  mis  de  la  farine  lorsqu'ils  y  avaient  mis  un  homme 
armé  :  sej  a  wnaeth  ynien  y  deimlaiu  hyt  pan  gavas  y  benn  a 
givascn  y  benn  yny  glyiu  y  vyssed  yn  ymanodi  yn  y  vreithell  driuy 
yrascwrn  «  voici  ce  qu'il  fit  :  tâter  jusqu'à  ce  qu'il  trouvât 
sa  tête  (à  l'homme  armé)  et  la  serrer  jusqu'à  ce  qu'il  sente  ses 
doigts  s'arrêter  dans  la  cervelle  à  travers  l'os  »  (éd.  Rhj^s. 
Evans,  p.  38).  Il  est  clair  qu'il  s'agit  de  la  substance  molle 
protégée  par  les  os  du  crâne.  Or  l'irl.  moy.  et  mod.  bracht^x 
le  sens  de  :  moelle.,  graisse,  substance  grasse  (Dinneen  ;  K.  M. 
Contr. ^.  Breithell  aurait  donc  plus  précisément  le  sens  de  moelle, 
substance  molle  et  grasse  \  ce  qui  confirme  l'expression  que 
donne  S.  Evans  :  breithell  yr  ynmiydd,  si  elle  est  réellement 
d'un  emploi  courant.  Dinneen  donne  aussi  à  bracht  le  sens  de 
fureur.,  rage.  Il  est  possible  qu'il  faille  rapprocher  bracht  et 
breithell  à&  la  racine  ;;/rrtÂ'-,  *  mrek-;  irl.  braich,  malt  ;  gall.  brag. 
Pour  le  sens  et  la  forme  mrek,  cf.  lit.  mêrkti  amollir  ;  latin 
marcere  (Whitley  Stokes,  Urk.  spr.  p.  220).  Le  sens  de  fureur, 
donné  par  Dinnen,  pourrait  s'expliquer  par  un  emploi  méta- 
phorique de  cette  racine.  C'est  probablement  le  cas  du  gallois 
moyen  bragat  qui  a  nettement  le  sens  de  bataille  (cf.  irl.  mod. 
brachadh,  maltage,  fermentation). 

193.  Irl.  ette;  gall.  moy.  etheis. 

Le  vieil-irl.  ette  gl.  pinna  et  le  glossateur  ajoute  à  ette,  benn 
muir,  pinacle,  faîte  d'un  rempart  (Thés.  S.  G.  6j  a.  j,  Thés. 
II,  122).  En  irl.  mod.  eite  f.  a  le  sens  d'aile,  aileron,  pluine;  le 
collectif  eiteach  f.  a  celui  de  plumes,  ailes,  nageoires. 

Le  gallois  etheis  ne  se  présente,  à  ma  connaissance,'  que  chez 
un  poète  du  xii^  siècle  (M.  A.  143.  2)  Gwalchmai.  O.  Pughe, 


Notes  étymologiques  et  lexicographiques.  307 

qui  ne  donne  pas  le  contexte,  traduit  par  seat  et  d'une  façon 
générale  par  luhat  spreads  oui,  comme  il  le  fait  très  souvent 
par  fausse  étymologie  : 

Caraf  vr  ednmi  ai  Jlarian  liais 
cathlfodaiog  '  coed,  cadr  ei  et  hais 

((  j'aime  l'oiseau  à  la  gentille  voix,  dont  le  chant  charme  le 
bois,  aux  ailes  vigoureuses.  » 

Il  semble  bien  difficile  d'attribuer  à  ethais  un  autre  sens. 

cite  =  etniâ.  Quant  à  etheis,  c'est  peut-être  un  pluriel  fait 
sur  ettassia=* etnassia-  Comme  eiteach  a  aussi  en  irl.  mod.  le 
sens  de  serres,  on  peut  songer  à  ce  sens  pour  ethais. 

194.  Gallois  CNWD,  CNUD  ;  breton  moyen  cnot. 

Le  mot  cnot  était  déjà  connu  par  la  vie  de  sainte  Nonn  {Rev, 
Celt.  1887,  p.  298,  vers  836  de  l'édition  d'Ernault),  mais  son 
sens  n'y  était  pas  clair.  Le  premier  magicien  annonce  au  tyran 
la  naissance  de  s'  Devy  : 

Brassoch  ve^o  net  eguedot 
Gant  [D]evy  eseiii  quiji  sol 
Languis  an  cnot  hac  an  stroton 

Ernault  traduit  :  «  Il  sera  bien  plus  grand  que  toi  ;  tu  te 
trouveras  sot  à  côté  de  David  ;  tu  seras  le  jouet  de  ce  misé- 
rable. » 

Son  sens,  au  contraire,  est  clair  dans  un  passage  du  Mirouer 
de  la  mort,  vers  2257.  D'après  le  contexte,  il  signifie,  comme 
l'a  traduit  Ernault  :  progéniture. 

Re:(^oa:i  ne  voe  leon  na  con  quen  disounest 
Mar  outraig  arraget,  buanecquet  niedest 
Pan  ve  la^^et  ho  cnot  en  hobot  mé'n  proîest 

«  Jamais  il  n'y  eut  lion  ni  chien  si  furieux,  si  outrageuse- 
ment enragés,  irrités,  je  l'atteste,  quand  on  a  tué  leur  pro- 
géniture dans  leur  antre,  je  l'affirme  ^  » 

1.  L'orthographe  du  poème  est  rajeunie  ;  on  a  dans  un  ms.  plus  ancien 
cat}}ylvodaiuc  ;  cf.  cathvlvodaivc  chez  Llywarch  Hen  (S.  Evans,  IVelsh  Dict.  à 
hoddog'). 

2.  Trad.  d'Ernault,  p.  196. 

Revue  Celtique,  XX. XVI II.  21 


5o8     .  /.  Loth. 

Ernault  (note  5)  suppose  avec  hésitation  que  owt  a  pu 
devenir  crot,  petit  enfant,  peu  en  usage  hors  le  pays  de  Léon, 
d'après  Le  Pelletier.  Ernault  ajoute  :  krot,  petit  enfant,  plach 
krot,  bonne  d'enfant,  en  cornou.  d'après  Troude.  Crot,  crolen 
est,  en  effet,  en  usage  en  Haute-Cornouaille,  dans  la  région  de 
Faouët,  Morbihan.  Mais  ce  mot  n'a  rien  à  faire  avec  cnot.  Le 
gallois  a  aussi  crwt,  enfant,  avec  un  sens  quelque  peu  méprisant 
{chap)^  crwtyn,  petit  enfant  (boy,  chap)  et  croten,  hllette,  croies^ 
id.  Le  /  final  gallois  est  un  clair  indice  d'emprunt.  Le  gallois 
et  le  breton  paraissent  empruntés  au  français,  le  gallois  par 
l'anglais.  Cnot  a  comme  équivalent  celtique  le  gallois  cniud,  qui 
a  le  sens  à.t productions ,  collection  de  produits  divers  \  cniud  oyd;cnwd 
cvliori,  essaim  de  mouches  et  aussi  en  Sud-Galles, /?r//7j  enfants. 
Thomas  Richards  donne  ce  dernier  sens  comme  connu  en  S. 
G.  ;  il  ajoute  que  Davies  donne  cnydyn,  petit  enfant,  mais  qu'il 
ne  l'a  pas  observé  comme  usité  dans  ce  sens. 

Le  féminin  cnod  est  connu  dans  un  sens  analogue  (S.  Ev. 
Welsh  Dict.  ;  Thomas  Richards,  Antiquœ  linguœ  thés.  181 5). 
Ernault  à  la  fin  de  sa  note  ajoute  :  cf.  gall.  cnawd,  chair  (connu 
aussi  en  comique  cnesen').  Il  faudrait,  pour  cela  supposer  un 
autre  degré  vocalique  en  breton.  D'ailleurs  cnwd,  avec  son 
sens  de  produits  et  métaphoriquement  d'enfants,  est  évidem- 
ment identique  à  cnot,  ce  qui  exclut  tout  rapprochement 
de  ce  genre.  Ernault,  avec  raison,  voit  maintenant  dans  le 
cnot  de  la  vie  de  S'^  Nonne,  un  terme  injurieux,  quelque 
chose  comme  engeance.  On  peut  se  demander  en  revanche 
s'il  n'y  a  pas  une  parenté  avec  le  gallois  moyen  cnud  bande, 
troupe,  surtout  de  loups.  Ce  mot  est  fort  usité  enmoyen- 
gallois  dans  les  textes  les  plus  anciens. 

Cf.  L.  Noir  32-9  : 

Kian  a  ud  yn  dijfeith  cnud  ' 

«  un  chien  hurle  au  milieu  d'une  sauvage  troupe.  » 

Cnud  désigne  parfois  plus  spécialement  une  troupe  de  loups: 
L.  Tal.  199.  15  : 

Owein  ac  cospes  yn  drut 
mal  cnut  yn  dylut  deveit 

I.  Mss.  cund.  Il  est  possible  que  cnud  soit  lié  par  le  sens  au  vers  suivant. 


Noies  étymologiques  et  lexicographiques.  309 

«  Owein  les  a  châtiés  rudement  comme  une  troupe  Je  loups 
poursuivant  des  brebis.  » 

Cf.  Cynddehv,  M.  A.  166.  2  : 

gnawd  nch  knawd  hniidoel  ar  gylchyn 

«  c'est  chose  habituelle  sur  la  chair,  que  des  troupes  (de  loups) 
alentour.  » 

Le  même  poète  précise  cnud  par  civn  dans  un  autre  passage  ; 
M.  A.  187.  4: 

. . .  tyrrynt  prein  yn  drud 
y  giun  gnud  nch  knouein 

«  ils  amoncelaient  des  festins  —  vaillamment  —  pour  une 
troupe  de  chiens  au-dessus  des  chairs  à  ronger  ?  »  (Voir  plus 
bas  à  cnàm) 

Dans  les  Ane.  L.  11.478  il  est  parlé  de  cnudhJeiddiau,  bande 
de  loups. 

Dans  le  sens  de  collection ,  cnud  serait  de  même  racine  que 
cnwd  à  un  degré  ditférent  :  cnut  =*knouto-;  cnwt  ^=^  knûto-.  Il 
paraît  possible  que  l'irl.  moy.  cniiass,  collection  de  fruits,  ne 
vienne  pas  de  cuû,  noix  ;  cniiassaini  s\gmÇiQ  simplement  ye  ra- 
masse, rassemble.  En  irl.  mod.  cni'ias  a  également  le  sens  géné- 
ral de  :  collection,  cniïasaim,  celui  de  :  je  ramasse,  rassemble  : 
cnùas  — -  *knoiisso-=  *  hiout-to-  ? 

195.  Irl.  moy.  cnam  ;  gall.  moy.  knovein. 
Je  ne  connais  qu'un  exemple  de  knovein,  en  moyen-gallois. 
Cynddehv  (M.  A.  187.  2)  célèbre  des  chefs  gallois  : 

...  tyrrynt  prein  —  yn  drud 
y  giun  hiud  uch  knouein 

«  Ils  accumulaient  des  festins  —  vaillamment  —  pour  la 
troupe  des  shiens  au-dessus  de  chairs  ou  os  ?  » 

D'après  l'orthographe  du  poème  knouein  doit  être  lu  ^«0- 
vein.  C'est  ce  qui  a  amené  Silvan  Evans  à  en  faire  un  pluriel 
de  cnofa,  morsure,  action  de  mordre,  ronger.  Cnofa  est  mo- 
derne et  ne  donnerait  d'ailleurs  pas  un  pluriel  de  cette  espèce. 
Il  est  clair  que  knovein  est  un  dérivé  de  *  cnàm-  qui  devait 


310  /.  Loih. 

donner  en  vieux  et  moyen-gallois  *  amiv  (moi  ronger)  ;  cf. 
wylaiu  :  wylofain  ;  auynaw  :  ciuynofain  ;  Uaiu  :  dylqfi.  L'iden- 
tité avec  l'irl.  moy.  cnàin  infin.  de  cnâim,  je  mords,  je  ronge, 
est  évidente.  K}wvem  (cf.  enuein  plur.  v.  gall.  de  euiî)  ■=  *  knâ- 
nietiJ,  et  signifierait  objets  à  ronger,  peut-être  os.  Il  paraît,  en 
effet,  possible  que  l'irl.  cnàim,  mod.  cnâmh,  os,  soit  à  séparer 
de  /,v/;[;.7^  et  à  rapprocher  de  -/.vâa). 

196.  Bret.  moy.  grozvol  ;  comique  croffolas. 

On  ne  connaissait  pour  le  breton  moyen  que  gro:{volaf, 
murmurer,  avant  la  publication  du  Miroiter  de  la  luori,  où  on 
trouve  vers  3566  :  kiin  a  gro:;^vol,  plein  de  murmures.  Ernault 
donne  en  note  les  formes  très  variées  de  ces  mots  :  pour  g ro:(- 
vol  :  croniol,  krôsmôl,  krôsvôl ,  grôsinô]  ;  pour  g ro:(;vohit  :  crosinola, 
cro^mola,  crômola;  grosniolat,  cromolat  ;  grosmoli.  Sous  l'infiuence 
du  français  on  a  aussi  grommelât,  grommeler;  grominellaat 
(Maunoir),  grommeler.  Henry  explique  hrômôhi  par  un  em- 
prunt du  fr.  grommeler  avec  influence  de  kros,  grand  bruit, 
quelquefois  querelles,  reproches.  Ernault  remarque  avec  raison 
que  la  forme  ancienne  n'appuie  pas  ce  dernier  rapprochement. 
Il  se  demande  si  l'élément  perturbateur  n'aurait  pas  été  un 
*cro:{  =  gall.  crwlh,  violon. 

Il  a  oublié  d'appeler  le  comique  à  la  rescousse  :  crothval, 
murmure  (traduit  par  complaint,  inexactement)  O.  M.,  1837  ; 
croffolas,  murmurer  (quereller), /è.,  1662.  Croffolas  vient  de 
crothvolat.  Il  est  probable  que  croth  ici  représente  le  gallois  j^m, 
utérus,  ventre  et  que  mol  ait  le  sens  de  l'irlandais  molach,  ba- 
vard, que  Whitley  Stokes  (R.  B.,  XXI,  132)  a  rapproché  de 
molad,  louer  :  pour  molach,  cf.  Gl.  d'O'Mulconry,  818. 
Crothval  aurait  d'abord  signifié  :  parler  du  f;Y//.v  (rro//; indique 
aussi  cavité),  gronder,  murmurer  ? 

197.  Irl.  gris;  bret.  moy.  grizias. 

Le  breton  grizias  apparaît,  pour  la  première  fois,  en  moyen- 
breton,  dans  le  Miroiter  de  la  mort,  vers  2415  :  tan  gri:(ias  :  cf. 
Rev.  Celt.,  XXVIII,  193,  194.  Le  Gonidec  donne  grisia^, 
ardent,  brûlant.  Il  est  peu  probable  qu'on  ait  affaire  à  un  adjec- 
tif :  -as  est  une  terminaison  très  rare  en  pareil  cas  (^addas).  Il 


Notes  étymologiques  et  lexicographiqties.  311 

est  plus  probable  qu'on  est  en  présence  d'un  composé  de  *gris, 
feu  et  de  ias,  gall.  lus  ',  bouillonnement,  bouillon  {un  ias,  un 
seul  bouillon)  =  *iastà  (cf.  ^ew)  :  tàn  grisia^  aurait  eu  le  sens 
propre  de  feu  à  ardeur  pénétrante,  brûlant.  G?'is  =  grîsso- = 
*ghrenso-.  Il  faut  rejeter  le  rapprochement  de  gris  avec  le  gal- 
lois ^•^(//'«(i  syll.)  et  le  breton  groue^. 

198.  Gallois  -LEiTH;  bret.  leizour. 

L'unique  exemple  de  leizour  st  trouve  dans  le  Mirouer  de  la 
niort,   vers  2097,  dans  un  passage  quelque  peu  embarrassé: 

neuse  scrap  nep  à  prei^  gant  esfreiz^  na  leizour 
negueU  yve:^  me^ec  inar  hoantec  ho  recour 

Ernault  traduit  :  «  alors  ceux  qui  pillent  avidement  de  vive 
force  ou  par  ruse  ?  un  médecin  non  plus  ne  peut,  malgré  son 
désir,  les  aider  ».  En  outre,  il  émet  l'hypothèse  que  Jei:^our 
serait  un  dérivé  de  /«~,  humide;  l'idée  àliuniidité  aurait  pu 
amener  à  celle  de  souplesse,  menée  sournoise.  Cette  hypothèse 
me  parait  confirmée  par  un  mot  en  plein  usage,  en  moyen- 
gallois,  mais  qui  n'a  pas  été  compris  -.goleith.  Les  lexicographes 
y  ont  vu  un  composé  de  luo-  et  de  lleilh,  mort(irl.  lecht^.  C'est 
un  sens  qu'il  a  très  rarement  si  tant  est  qu'il  l'ait.  Il  est  sub- 
stantif et  verbe.  Son  sens  est  difficile  à  préciser,  mais  d'après 
les  différents  contextes,  il  a  le  sens  de  :  souplesse,  échappatoire, 
fléchissement,  attendrissement  ;  avec  une  particule  négative,  di-, 
an-,  hep,  il  arrive  au  sens  de  :  inévitable,  sans  pitié  :  M.  A., 
331.2  (en  parlant  d'un  héros)  : 

giuaed  reieidr  beleidr  heb  0  Icith  yngryd 

«  (héros)  avec  le  javelot  faisant  couler  des  torrents  de  sang, 
sans  échappatoire,  dans  la  mêlée  (les  cris  des  combattants)  ». 
Ibid.,  281.2: 

nyd  oes  yssywaeth  or  seith 
namyn  tri  trin  dioleith 

I .  las  a.  le  sens  général  de  sensation  violente,  de  chaud  ou  de  froid,  de 
joie,  de  douleur.  C'est  probablement  ias  qui  se  trouve  dans  des  noms 
propres  bretons  comme  DoniasÇy.  bret.  Dubn-iasT),  Guyas. 


312  /.  Loth. 

«  Il  n'y  a  plus,  hélas,  des  sept  (frères)  que  trois,  combattants 
(combat)  sans  merci  .  » 

A  peleidr  heh  oleilh:  répond  :  paraii  anoleitbiawc,  javelots 
inévitables  (M.  A.,  140.  2). 

Cf.  ibid.,  193.1  (Marwnad  Owein  Gwyned)  : 

Gîvr  a  zunai  ar  Lloegyr  Ikvyr  anreith 
a  clnuylaw  racdaw  rif  seiih  riallu 
ni  eUid  y  oleith 

(Ihid.,  240,  I  n///;3TflfWL)/f///;,  ruée  irrésistible)  ;...«  guerrier 
qui  infligeait  'aux  Anglais  ravage  complet.  .  .  et  il  tombait 
devant  lui  le  nombre  de  sept  fois  dix  mille  :  on  ne  pouvait  le 
fléchir  (ou  attendrir).  « 

Ywein  Kyveillyawc  dit  à  son  serviteur  qu'il  envoie  pour 
annoncer  sa  venue  (M.  A.,  192.  2)  : 

Dos  ivas  lia  oliit  un  oleith  dy  Iwnu 
Dy  hityaiu  ?iyd  hawt  iveith 

«  vas,  serviteur,    ne  ralentis  pas,  ne  fléchis  pas  ta  marche  *, 
ce  n'est  pas  petite  affaire  que  de  t'arrêter.   » 
Cf.  L.  Noir,  48.  15  : 

Ir  nep  goleith  Ilcilh  dyppo 

«  malgré  tous  les  échappatoires,  la  mort  viendra  ». 

Goieith  a  peut-être  parfois  le  sens  de  flatterie,  tentative  d'at- 
tendrissement. John  Walter,  dans  son  English  Welsh  Dict. 
donne  à  ynioleithiad  le  sens  àe  flatteur.  La  racine,  comme  d'ail- 
leurs pour  lleiti],  mort,  destruction  ;  dik,  dilein,  irl.  dilgaid, 
est  kg-  se  dissoudre.  Goleith  paraît  bien  répondre  au  vieil-irl. 
fo-llega  SG.  190  a,  en  marge  (Thés.  11,  XXI)  qui,  d'après 
Pedersen,  Fergl.  Gr.,  II,  562,  serait  une  3^  pers.  sing.  du  prés, 
et  signifierait  :  {Y tncre)  fuit,  coule.  Goleith^=*  uo-lek-to-.  Lei:{our 
est  un  dérivé  en  -iiro-  comme  ^/^/'owr,  moiteur;  sechonr,  séche- 
resse; kledoiir,  abri.  Lei:(our  a,  cela  va  sans  dire,  un  sens 
métaphorique.  Lei^our  se  trouve  comme  nom  propre,  mais 
ici,  -our  est  probablement  -gour,  homme. 

I.  Il  est  possible  que  nu  oleith  ait  ici  un  sens  intransitif. 


Noies  étymologiques  et  lexicographiques.  313 

199.  Irl.  FOR-suNNUD  ;  gall.  honni,  honnaid. 

Le  vieil-irl.  forsunnud,  illustratio,  declaratio  ;  forosnaim, 
yéchireÇfor-od-suniiaim),  illumine  (iinbas  forosnat)  :  Ascoli, 
G/,  pal.,  CCLXXIII;  Stokes,  Urk.  Spr.,  306. 

Le  gall.  honiii  \  publier, /70«»rt/,  je  publie;  honnaid,  moy. 
gall.  bonneit,  célèbre,  connu,  paraît  bien  (=^*sonnatio-')  remon- 
ter à  un  thème  sonna-:  cf.  sonno-cingos,  du  Calendrier  de  Coli- 
gny  (marche  du  soleil  ?)  :  Forsunnud  =  uor-sonnatu- .      li*  t  ^.if-  ftf-cyj-UH'^  ! 

200.  Irl.  fled;  gall.  giukd ;  breton  de  Vannes  gloé. 
L'irl.  anc.  et  moy.  fled,  gén .  flede,   festin,   banquet,  mod. 

fleadh,  fleidhe  a  pour  correspondant  exact  le  gallois  o^tc/^^tf.  Jus- 
qu'ici ce  mot  ne  s'est  pas  trouvé  en  breton.  Il  existe  en  haut- 
vannetais  dans  l'expression  gloé-freill,  que  l'abbé  Le  Goff  tra- 
duit par  repas  à  la  fin  du  battage  (Supplément  au  Dict.  breton- 
français  du  dialecte  de  Vannes,  d'Ernault).  Ce  n'est  pas  exact;  -;!f^ 
le  sens  est  :  festin,  fête  du  fléau.  En  bas-vannetais,  c est  goél-  " 
frey  et  dans  d'autres  endroits  koen-freill.  Gloé  est  le  représen- 
tant régulier  du  gallois  gzvledd  (i  syWâhe)  =  *ijledâ.  Pour 
l'évolution  de  ul-,  cf.  gloan,  laine  =  gall.  giulan  ;  gloat  =gwlad  ; 
gloeb  =  gwlyb. 

201.  V.-irl.  coMRECHT.\;  gall.  moy.  disgyfrith. 

Le  gallois  disgyfrith  est  donné,  dans  des  dictionnaires  mo- 
dernes, avec  le  sens  de  :  rude,  désagréable.  Silvan  Evans,  comme 
Thomas  Richards  auparavant,  traduisent  :  edrych  yn  ddisgyfrith 
par  :  regarder  d'un  air  farouche;  dyivedyd  yn  ddisgyfrith,  par  : 
parler  avec  rudesse.  Ce  sens  existe  en  moyen-gallois.  H.  Ca- 
roli  Magni  (Silv.  Ev.  IFelsh  Dict.)  :  y  gc'riau  disgyfrith  hyny 
a  gyffrocs  y  brenin  ar  llid,  ces  paroles  inconsidérées  (sans 
retenue)  mirent  le  roi  en  colère. 

C'est  là  un  sens  métaphorique.  Le  sens  précis  apparaît  clai- 
rement dans  YYstoria  de  Carolo  Magna,  col.  452  :  il  s'agit 
d'une   bataille  suivie  de  désordre  :  les  étalons  marchent  sans 

I.  Cf.  moy. -gall.  M.  A.,  205.2  : 

Kyrclj  Gruffut  ryhonnir 
«  on  célébrera  Tincursion  de  Gruffudd  ». 


314  /•   Loth. 

ordre  «  le  long  de  la  montagne».  Dans  les  ^;/r.  L.,  1.740  : 
si  un  cheval  est  sans  entrave,  (disgyfrith')  au  cas  où  il  endom- 
mage le  blé,  on  doit  payer  pour  lui  un  demi-penny  le  jour  ; 
un  penny  la  nuit .  Ce  sens  est  confirmé  par  la  confusion  avec 
disgyfreith  :  Ane.  L.,  11.424,  426. 

Il  s'agit  des  privilèges  du  kygheUaiur  ;  le  troisième  est  :  braint 
dyn  disgyfreith  :  sef  achos  y  mae  braint  dyn  disgyfreitb  ido  ef,  am 
nad  oesyn  nùb  dasgy  arno  :  «  voici  pourquoi  il  aie  privilège  d'un 
homme  libre  (non  soumis  à  la  loi),  c'est  parce  que  personne 
n'a  prise  sur  lui  (au  point  de  vue  amende  ou  impôt). 

Il  semble  qu'ici  le  poète  joue  sur  les  mots  et  ait  en  vue 
cyfrith  (on  n'en  trouve  que  des  exemples  modernes). 

D'après  la  conhjsion  entre  disgyfreith  et  disgyfrith,  il  semble 
que  dans  l'idée  de  droit,  il  y  ait  eu,  chez  les  Gallois  du  moyen 
âge,  l'idée  de  coercition. 

Il  y  a,  en  outre,  un  exemple  du  Livre  de  Taliessin  de  na- 
ture à  rendre  circonspect  en  ce  qui  concerne  l'étymologie  du 
mot  :  (F.  a.  B.,  II,  137;  cf.  éd.  Gw.  Evans,  23,  9)  :  Biini  yn 
lliaws  rith  kyn  hum  disgyfrith  «  J'ai  eu  bien  des  formes  avant 
d'être  libre  ?  ».  On  peut  se  demander  si  le  sens  n'est  pas  dans 
la  pensée  du  poète  :  avant  de  n'être  plus  transformable.  On  au- 
rait un  composé  de  dis-  *cyfrith  (*coni-riclu-).  Si  on  rapproche 
ce  passage  du  sens  métaphorique  de  désordonné,  déréglé,  on  est 
excusable  d'avoir  quelque  hésitation.  Si  le  sens  primitif  est  : 
détaché,  désentravé,  comme  cela  paraît  assez  vraisemblable,  il 
faut  voir  dans  :  -cyfrith  un  vieux-celt.  *com-rikto-s  ou  mieux 
peut-être  *-com-riktio-s ,  identique  au  vieil-irl.  comrechta  gl. 
alligatns  ;S.  G.,  39''i3  '. 

J.  Loth. 

I.  Mon  attention  a  été  appelée  sur  disgyfritJ:  par  une  des  nodiadau  iei- 
tJn'ddoJ  de  C.  J.  Williams,  dans  Y  Beirniad,  février  1920,  p.  259.  L'au- 
teur donne  à  disgyfritto  le  sens  de  désentravé,  libre  et  indique  son  origine, 
confirmée  par  une  note  de  J.  Morris  Jones. 


COLUMBANUS    AND     ROME 


Dr.  Skene  in  dealing  with  the  attitude  of  St.  Columbanus 
and  the  Celtic  Church  to  Rome  has  fallen  into  a  curious  error 
w  hich  so  far  as  I  am  aware  has  never  been  pointed  out.  This 
is  ail  the  more  strange  because  the  mistake  affects  not  only 
the  whole  argument  in  the  2nd.  volume  of  "  Celtic  Scot- 
land",  but  has  led  astray  nearly  ail  contemporary  and  subsé- 
quent historians.  In  regard  to  this  part  of  his  subject  it  is 
évident  that  Skene  cannot  quite  get  away  from  the  tradition 
of  Celtic  Church  history  originated  by  Ussher  ',  and  populariz- 
ed  by  later  writers.  In  the  particular  case  to  which  I  am 
referring,  a  question  fundamental  to  the  \^  hole  history,  the 
whole  character  of  the  Celtic  Church,  turns  on  an  alleged 
quotation  from  the  letter  of  St.  Columbanus  to  Pope  Boniface 
IV,  a  document  easily  accessible  and  a  référence  to  which  in 
Migne's  Patrologia  Skene  duly  gives. 

The  letters  of  Columbanus  are  unquestionably  authentic, 
they  bear  directly  on  the  relations  of  the  Celtic  Church  with 
Rome  and  they  express  on  every  line  the  character  of  the 
writer,  the  religions  sentiments  of  his  âge  and  the  spirit  of 
his  countrymen.  As  Professor  Bury  has  shown  in  his  life  of 
St.  Patrick,  pp.  369-71,  they  throw  much  lighton  the  relations 
between  the  Celtic  and  Roman  Churches,  and  a  knowledge 
of  them  could  scarcely  escape  even  the  most  primitive  process 
of  historical  research. 

Yet  it  is  a  fact  that  in  almost  every  case  where  a  Scottish 
historian   has  quoted   from   Columbanus  the  quotation  has 

I.  James  Ussher.  A  discourse  of  the  religion  ancicntlv  professed  hy  the  Iridi 
and  British,  163 1. 


3i6  M.   V.  Hay. 

proved  the  writer's  ignorance  of  the  original  text  ;  and  a 
genealogy  of  modem  misquotation  from  thèse  letters  can  be 
traced  directly  to  Dr.  Skene. 

The  passage  to  which  I  refer  deals  with  the  attitude  ad- 
opted  by  St.  Columbanus  writing  to  the  Pope  as  spokesman 
of  the  Celtic  Church  on  the  subject  of  the  Easter  controversy, 
and  comparison  with  the  original  text  shows  that  Skene  had 
probably  taken  his  quotation  at  second  hand  '. 

Skeue.     Celtic  ScotUind,   vol.    II,  Migne.    PatroJogia,  vol.    LXXX, 

p.  7:  col.  275  : 

"  We  are  Irish  dwelling   at  the  «  Nos  enim  SS.  Pétri  et  Pauli  et 

ver}'  ends  of  the  earth.  We  be  men  omnium  discipulorum,  divinum  ca- 
who  receive  nought  heyond  the  noneni  spiritu  sancto  scribentium, 
doctrine  of  the  evangelists  and  apo-  discipuli  sumus,  toti  heberi,  ultimi 
stles.  The  Catholic  faith  as  it  was  habitatores  mundi,  nihil  extra  evan- 
first  delivered  by  the  successors  of  gelicam  et  apostolicam  doctrinam 
the  Holv  Apostles  is  still  maintain-  recipientes  :  nullus  haereticus,  nul- 
ed  amongst  us  with  unchanged  fid-  lus  judaeus,  nullus  schismaticusfuit; 
eHty.  "  sed  fides  catholica,  sicut  a  vobis  pri- 

mum  sanctorum  scilicet  apostolo- 
rum  successoribus,  tradita  est,  in- 
concussa  tenetur.  » 

It  will  be  notictd  that  throughout  thèse  letters  there  runs 
a  note  of  apology  which  cornes  out  very  strongly  in  the 
passage  as  actually  written  by  St.  Columbanus,  and  which 
can  be  accounted  for.  It  may  be  conjectured  that  Laurentius, 
who  had  met  Columbanus  in  Gaul  (Bede,  E.  H.,  11.4)  and 
apparently  quarrelled  with  him  over  the  Easter  controversy 
had  sent  a  report  to  Rome  reflecting  on  the  orthodoxy  of  the 
Celtic  Church.  The  paragraph  to  which  Skene  meant  to  reter 
was  probably  framed  to  réfute  such  an  accusation. 

"  We  are  the  disciples  of  Saints  Peter  and  Paul,  and  of 
ail  the  disciples  who  by  the  inspiration  of  the  Holy  Spirit 
wrote  the  divine  canon  ;  we  are  ail  Irishmen,  living  at  the 
ends  ot  the  earth,  and  (yet)  admit  nothing  beyond  the  teach- 
ing  of  the  evangelists  and  apostles.  " 

I.  Although  in  a  footnote  Skene  gives  the  Latin  text  from  "nos  enim" 
to  "  recipientes  "  with  a  référence  to  Migne  Patrologia. 


Cohimhanus  aud  Rome.  317 

To  this  detailed  statement  of  orthodoxy,  St.  Columbanus 
adds  with  insistence  and  as  \i  refuting  possible  accusations  in 
détail  :  "  There  was  amongst  us  no  heretic  ",  a  possible  réf- 
érence to  Arianism  ;  "  no  Jew  ",  that  is  to  say,  "  \ve  are  not 
quarto-decimans  keeping  Easter  on  the  same  day  as  the 
Jews  "'  ;  "  no  Schismatic  ",  i.  e.  we  are  not  to  be  classified 
with  any  Schismatic  Church.  "  Finally  the  sentence  closes  with 
a  most  categorical  déclaration  in  words  which,  as  they  stand, 
do  not  admit  of  the  least  doubt  of  the  writer's  meaning  or 
orthodoxy  : 

"  But  the  Catholic  f;tith  as  it  was  first  transmitted  from  you 
the  successors,  that  is,  ofthe'Holy  Apostles,  is  maintained 
amongst  us  unchanged.  "  In  regard  to  this  passage  I  think  Pro- 
fessor  Bury  is  wrong  when  he  says  that  thèse  words  "  can 
only  refer  to  the  transmission  and  maintainance  of  orthodox 
doctrine  at  Rome  ".  The  true  meaning  is  explained  by  S. 
Colurnjjanus  who  a  few  lines  further  on  in  his  letter  repeats 
the  words  "  a  vobis  "  emphazising  their  significance  :  "  Quid- 
quid  enim  dixero  aut  utile  aut  orthodoxum  vobis  reputabi- 
tur...  quia  a  vobis  ut  dixi  processit  "  . 

Either  Skene  quoted  from  memory  or  he  took  the  quotation 
and  référence  together  at  second  hand.  I  hâve  not  been  able 
to  tind  the  quotation  thus  garbled  in  anv  work  published 
previous  to  "  Celtic  Scotland  '  ".  There  is  hère  something 
more  serions  than  misquotation  for  the  words  written  by 
Skene  are  a  paraphrase  susceptible  of  bearing  a  meaning  dir- 
ectly  contradictory  of  the  original  text.  And  in  fact  such  false 
interprétation  has'been  almost  universally  adopted  by  sub- 
séquent historians.  Principal  Story  ^,  editor  of  the  "  Church 
of  Scotland  Past  and  Présent  ",  allowed  this  passage  to  pass 
(giving  the  référence  to  "  Celtic  Scotland  ",  11.  7)  as  évid- 
ence that  Columbanus  denied  the  supremacy  of  the  Pope. 

"  The  Celtic  Church  "  writes  Rankine  '  in  "  Handbook  of 


1.  It  is  given  correctly  by  W.  G.  Todd.  History  of  Ancient   Church  in 
Ireland,  1845. 

2.  R.  H.   Story,  D.  D.,  F.  S.  A.  The  Church  of  Scotland.  London,  1890, 
vol.  I,  p.  129. 

3.  James  Rankine,  D.   D.  J  Handbook  of  the  Church  of  Scotland.  Fourtli 
Edition,  1888,  c.  I,  p.  24. 


5i8  M.  V.  Hay. 

the  Church  of  Scotland  ",  "  cmphasised  teaching  and  preach- 
ing  and  made  a  spécial  appcal  to  scripiure  for  doctrine.  This 
is  a  feature  which  still  characterises  the  Church  of  Scotland". 
In  proof  of  this  proposition  the  following  note  is  appended. 
"  St.  Columbanus  gives  this  account  of  himself  and  his 
companions  in  a  letter  to  Pope  Boniface  IV.  We  are  Irish, 
etc.,  etc.  "The  référence  given  is  to  Celtic  Scotland,  II,  6. 

Theetfect  of  Skene's  misapprehension  of  this  passage  spread 
far  and  wide  and  can  be  traced  in  the  best  known  modem 
text  books  of  history.  Lavisse  et  Rambaud  '  were  certain ly 
misled  by  Skene,  and  certainly  never  consulted  Migne  when 
they  wrote  that  in  the  Irish  Church  u  le  culte  se  faisait  en 
langue  vulgaire,  non  en  Latin  ^  ;  on  n'admettait  que  l'autorité 
de  l'Ecriture  rejetant  celle  des  Pères  et  de  la  tradition  ro- 
maine ». 

Andrew  Lang  '  in  "  History  of  Scotland  "  remarks  that 
the  Columban  monks  "  said  in  a  rather  Prolestant  spirit  that 
they  accepted  nothing  outside  the  evangeUcal  and  apostolic 
doctrine  ".  The  référence  given  is  Skene's  "  Celtic  Scotland  " 
and  Migne  XXXVII,  coll.  257-282  exactly  as  given  by  Skene. 

It  is  sufficiently  clear  that  the  writers  referred  to,  Story, 
Rankine,  Lang,  hâve  based  their  entirely  misleading  state- 
ments  on  Skene's  inadéquate  translation  of  the  passage  of 
Columbanus  in  question.  Lang's  dependence  on  Skene  and 
his  ignorance  of  the  original  text  is  indeed  vouched  for  by 
himself,  for  he  gives  the  référence  to  Migne  as  vol.  XXXVII, 
coll.  275-282,  as  Skene  does,  whereas  the  correct  référence  is 
vol.  LXXX,  coll.  259-283. 

M.  V.  Hay. 

1.  Lavisse  et  Rambaud.  Histoire  gcncrale,  vol.  I,  p.  254. 

2.  Skene  is  responsible  for  this  explanation  of  "  Nescio  quo  ritu  Bar- 
bare ",  which  has  been  silently  adoptcd  by  Rait,  Scotland,  p.  15. 

3.  Andrew  Lang.  A  History  cj  Scotland.  Second  édition,  vol.  I,  p.  34 
and  note  on  page  59  . 


A    PROPOS    DU    NOM 

DES 

GERMANI 


Après  le  mémoire  d'Hirschfeld  (paru  en  1898  dans  les 
Mélanges  Kiepert  et  réimprimé  en  19 13  '),  concurremment  à 
celui  de  Theodor  Birt  (publié  en  19 18  et  substantiellement 
analysé  ici  même  par  M.  Vendryes  -)  au  travail  de  Norden 
(dont  la  Berliner  Philologische  Wochmschrijt  a  rendu  compte  au 
début  de  février  '>)  et  au  chapitre  dont  Sigmund  Feist  a  fait 
suivre  la  réédition  de  son  livre  Indogermanem  und  Germanen  *, 
voici  qu'un  des  appendices  les  plus  riches  et  originaux  ajoutés 
par  M .  Ettore  Pais  à  sa  belle  édition  des  Fastes  triomphaux 
remet  en  question  l'origine  du  nom  des  Germani '^ .  Il  ne  sera 
peut-être  pas  sans  intérêt  de  reprendre,  à  la  suite  de  cette  dis- 
cussion nouvelle,  les  anciens  éléments  du  problème,  et  de 
marquer  les  résultats  qu'elle  parait  avoir  obtenus. 


Elle  porte  essentiellement  sur  un  texte  de  Tacite  dans  le  De 
moribus  Gcrmaniae.  Ce  texte  est  donné  sous  la  forme  suivante  : 
«  Germaniae  vocabulum  recens  et  nuper  additiim,  quoniam  qui  pri- 
mi  Rhenuni  transgressi  Gallos  expulerint,  ac  mine  Ttingri,  tune 
Germain  vocati  sint.  Ita  nationis  nonien,  non  gentis,  evalnisse 
paulat'un   ut  omnes  primum  a  viclore  oh  metum,  niox  etiam  a  se 

1.  Hirschfeld,  Kleitie  Schriften,  p.  555  et  suiv. 

2.  Vendryes,  Revue  Celtique,  XXXVII,  p.  270-272. 

3.  a.Berl.Phil.    IFoch.Jév.  1921. 

4.  Sigmund  Feist,  Indogermanen  u.  Germanen,  2»^  Auflage,  Halle,  1919  ; 
Beigabe  I,  Der  Kawe  Germanen,  p.  71-82. 

5.  Pais,  Fasti  triumphales populi  Romani,  Rome,  1920,  p.  401-416. 


320  Jérôme  Carcopino. 

ipsis  invento  noininc  Gcnnani  vocareiitur  '.  »  Birt  prend  la  phrase 
telle  quelle,  et  la  rapproche  de  la  plus  ancienne  mention  des 
Germains  que  nous  offre  la  littérature  classique,  dans  un 
fragment  de  Posidonios  qu'Athénée  nous  a  transmis  :  Fs^fj-avcl 
zï  (ùz  '.(JTisîî  IIs7£'.$wvio^  iv  TY]  Tp'-a/.;!7T^  xpiQ-zv  TTpossépivTai 
v.piy.  •jjL£A-/;obv  iù--r^\xz^x  /.ai  è-t-îvouat  vaXaxzt  tcv  clvov  àxpaTsv  ^. 
L'histoire  de  Posidonios  s'étendait  sur  un  peu  plus  d'un  demi- 
siècle,  de  144  à  86  av.  J.-C.  ;  la  composition  s'en  place  aux 
environs  de  80  av.  J.-C,  et  la  publication  entre  80  et  50  av. 
J.-C.  5.  Il  convient  de  lui  rapporter,  à  elle,  ou,  tout  au  moins 
au  temps  de  sa  rédaction,  la  doctrine  suivant  laquelle  le  nom 
de  Germains  désigne  des  peuples  installés  au  centre  de  l'Eu- 
rope, entre  le  Rhin  et  laVistule,  et  en  contact  souvent  hostile 
avec  les  Celtes  et  les  Romains  ;  et  il  y  a  lieu  d'interpréter  en 
conséquence  le  passage  du  De  inoribus  Geniianiae  :  le  franchisse- 
ment du  Rhin  dont  parle  Tacite,  c'est  celui  des  hordes  dont  les 
victoires  de  Marius  ont  préservé  l'Italie  ;  le  vainqueur  qu'il 
désigne,  c'est  le  peuple  romain  qui  leur  a  donné  un  nom  tiré 
de  sa  propre  langue  et  inspiré  de  la  terreur  qu'elles  lui  cau- 
sèrent alors.  C'était  un  nom  tout  trouvé  pour  elles,  et  par  la 
suite  elles  l'ont  adopté  :  les  Germains  furent,  en  latin,  les 
Gennani  [Galli],  les  Gaulois  par  excellence,  ceux  que  leur 
stature,  leur  courage,  leur  passion  guerrière  faisaient  les  plus 
redoutables,  donc,  si  l'on  veut,  les  «  Surgaulois  ». 

Cette  théorie  de  Birt  a  deux  avantages  :  elle  dispense  de 
toucher  au  texte  de  Tacite;  elle  s'accorde  avec  une  des  signi- 
fications les  plus  fréquentes  du  qualificatif  latin  gernianus-^,  et 
celle-ci  paraît  confirmée,  à  son  tour,  par  la  définition  de 
Strabon  des  Yvr,7r.;iraXâ-:a'.  >.  Elle  se  heurte,  par  contre,  aune 
difficulté  à  peu  près  insurmontable  :  un  ressouvenir  de  la  vic- 

1.  Tac,  Demor.  Genn.,  2. 

2.  Athénée,  IV,  155^  ;  cf.  Posidonios,  ap.  F.  H.  G.,  III,  264. 

3.  Cf.  Christ^,  p.  569  et  Feist,  op.  cit.,  p.  2,  n.  2.  La  théorie  de  Birt 
avait  déjà  été  soutenue  plusieurs  fois  avec  des  arguments  différents  (cf. 
JuHian,  Histoire  delà  Gaule,  III,  p.  51,  n.  i). 

4.  L'exemple  le  plus  caractéristique  de  cette  acception  se  trouve  dans 
Sen.,  Apocol.,  6:  Gallus  oermanus,  itaqiie,  quod  Galliim  facere  oportebat, 
Romam  cepit.  Mais  sur  la  valeur  du  rapprochement,  voir  infra,  p.  328. 

5.  Strabon,  VII,  i,  2. 


A  propos  du  nom  des  Germani.  521 

toire  romaine  sur  les  Cimbres  et  les  Teutons  est  d'autant 
moins  acceptable  en  cet  endroit  que  Tacite  n'y  a  nommé  ni 
les  Teutons  ni  les  Cimbres,  et  qu'il  y  vise,  non  la  migration 
d'une  race,  mais  des  déplacements  de  tribus,  non  un  ébranle- 
ment profond  qui  se  serait  communiqué  au  delà  des  Alpes 
jusqu'en  Italie  circumpadane  et  en  Provence,  mais  un  mouve- 
ment local  qui  s'est  arrêté  en  Belgique,  autour  de  Tongres  '. 
Hirschfeld  n'avait  eu  garde  de  s'y  méprendre,  et  il  a  fondé 
sur  la  phrase  de  Tacite  des  inductions  toutes  différentes. 
D'abord  il  la  tient  pour  corrompue.  Les  mots  a  victore  ob 
metum  lui  paraissent  impossibles  à  conserver.  Ailleurs,  quand 
Tacite  emploie  cette  locution  ob  mctuui,  il  l'affecte  d'un  sens 
passif,  non  actif  ^  Or,  en  général,  un  vainqueur  inspire  de  la 
crainte  et  n'en  ressent  pas.  Dans  le  cas  particulier,  les  Ger- 
mani sont  représentés  comme  des  conquérants  refoulant 
devant  eux  les  Gaulois  qu'ils  évincent.  Les  vainqueurs,  pour 
Tacite,  ce  sont  eux.  Mais  alors,  il  n'est  plus  moyen  de  com- 
prendre l'opposition  a  victore...  a  se  ipsis,  puisque  victor  et  ipsi 
ne  font  qu'un.  Evidemment,  le  texte  original  portait,  non 
a  victore  ob  met  uni,  mais  a  victo,  re[or\  ob  nietuin,  correction  que 
postule  la  suite  des  idées  et  que  justifient  également  la  fré- 
quence de  réserves  semblables  dans  le  discours  de  Tacite  et 
l'analogie  paléographique  entre  OB  et  OR.  Et,  pour  en 
rendre  compte,  il  suffit  de  le  confronter  avec  le  chapitre 
des  Commentaires  où  César  fait  dépeindre  les  tribus  germaines 
par  les  Rèmes  qu'il  interroge.  D'après  leur  réponse,  qui  l'a 
satisfait,  la  plupart  des  Belges  étaient,  originellement,  des 
Germains  depuis  longtemps  établis  sur  la  rive  gauche  du 
Rhin,  dans  un  pays  dont  la  fertilité  les  avait  attirés  et  fixés. 
Chacune  de  leurs  tribus  avait  gardé  sa  dénomination  particu- 
lière; mais  un  seul  nom,  dont  elles  se  réclamaient  toutes,  les 
englobait  ensemble  :  Cum  [Caesar]  ab  bis  [Remis \quaereret... 
sic  reperiebat  :  pkrosque  Belgas  esse  ortos  ab  Germanis  Rhenumque 
antiquitus  traduclos propter  loci fertilitatemibi  consedisse,  Gallosque 
qui  ea  loca   incolerent,  expulisse...  >   Condrusos,  Ebnrones,  Cae- 

1.  On  trouvera  une  réfutation  de  Birt  dans  Feist,  op.  cit.,  p.  76  et  suiv. 

2.  Tac,  Ann.,  I,  i  ;  Hist.,  II,  49. 

3.  Caes.,  De  belto  Gallico,  II,  4,  1-2. 


322  Jérôme  Cnrcopino. 

roesos,  Paenuiiios,  qui  nno  nomine  Gcniiam'  appellantur ,  arbitrari 
ad  XL  miUia  '.  Voilà,  selon  Hirschfeld,  la  source  du  De 
moribus  Germaniae.  Tacite  dépend  ici  de  César  ;  et,  comme 
Tacite  affirme  que  le  nom  des  Germains  est  d'introduction 
récente,  il  n'y  a  pas  lieu  de  le  faire  remonter  plus  haut  que 
César.  Il  importe,  au  contraire,  de  l'éliminer,  comme  le  résul- 
tat fautif  d'élaborations  postérieures,  de  tous  les  documents 
plus  anciens  que  les  Commentaires,  où  il  figure  indûment. 

C'est  cette  affirmation  d'Hirschfeld  que  M.  Pais  a  combat- 
tue avec  toutes  les  ressources  de  sa  vigoureuse  dialectique,  et 
dont  l'autorité  ^  me  semble  aujourd'hui  très  ébranlée. 

1°  On  ne  saurait,  sous  peine  de  tomber  en  un  vain  dilettan- 
tisme, ni  rejeter  comme  apocryphes,  traiter  comme  des  sub- 
stitutions abusives,  comme  de  véritables  interpolations  d'abré- 
viateurs  ou  de  scholiastes,  les  mentions  des  Germani  qu'on 
rencontre,  soit  chez  des  auteurs  contemporains  de  César, 
comme  Salluste  ',  ou  antérieurs  comme  Posidonios  +,  soit 
dans  des  histoires  écrites  après  César  mais  relatives  à  des 
événements  qui  l'ont  précédé,  comme  celles  de  Tite  Live  ">, 
les  récits  de  Frontin  ''  et  les  biographies  de  Plutarque  ',  ni 
taxer  de  fraude  la  mention  officielle  du  triomphe  qu'en  222 
av.  J.-C,  M.  Claudius  Marcellus  aurait,  à  Clastidium,  rem- 
porté de  Galleis  Insubrihus  et  Germ[an{is^]  ^. 

2°  En  ce  qui  concerne  cette  dernière,  elle  est  indirectement 
confirmée  par  la  tradition  littéraire.  Assurément  Vepitomator 
de  Tite  Live  '^  et  Zonaras'°  n'ont  cité,  dans  leurs  allusions  à  la 
campagne  de  Marcellus,  que  les  Insubres.  Mais  Florus  adjoint 


1.  Caes.,  De  beîlo  Gall.,  10. 

2.  Elle  s'impose  encore  à  De  Sanctis,  Storia  dei  Roviani,  III,  i  (Turin, 
1916),  p.  318.  Cf.   Jullian,  Histoire  de  ta  Gaule,  III,  51,1. 

3.  Sali.,  Hist.,  fr.   Vat.,  III,  96,  p.   150.  Maur.,  ap.  Isidore  de  Séville, 
Etym.,XlX,  23.     • 

4.  Cf.  supra,  p.  320. 

5.  Liv.,  Per.,  XCVII. 

6.  Frontin,  Stratag.,  Il,   5,  34. 

7.  Plut.,  Crassus,  9. 

8.  Fasti  tr.,  ann.  531  U.  C.(532  Varr.). 

9.  Liv.,  Per.,  XX. 

10.  Zonaras,  VIII,  21. 


A  propos  du  nom  des  Germani.  323 

aux  Insubres  des  accolae  Alpiiini  «  quibiis  an'uiiiferarum  corpora 
plus  qmm  humana  eranl  »  '  ;  et  Polybe  %  Plutarque  ',  Paul 
Orose  ^,  qui  représente  mieux  la  teneur  du  récit  Livien  que 
le  sec  résumé  de  la  Periocha,  unissent  contre  Rome  Insubres  et 
Gésates.  Or,  par  ce  terme  de  Gérâtes,  les  Gaulois  ne  dési- 
gnaient pas  une  peuplade  déterminée,  mais  une  troupe  de  mer- 
cenaires, abstraction  faite  de  ses  origines  ethniques  :  FaXâ-aç 
7:307avo5îu2;j.3v;'j;  2è  sia  xo  ;ji.iaO:j  z-py.~.zùzv/  I  aiuaTcuç  '  ;  — 
nomennon  eentis sed  merceimarioniDi  Galloriim  est  ".  Le  rédacteur 
des  Fasti  triuniphales  ne  pouvait  évidemment  pas  faire  hon- 
neur à  Marcellus  d'une  victoire  remportée  sur  des  combattants 
anonymes,  et  il  leur  a  donné,  non  une  appellation  d'orgueil- 
leuse fantaisie,  mais  le  nom  des  tribus  chez  lesquelles  les 
Gaulois  avaient  eft'ectivement  levé  des  troupes  à  prix  d'or. 

3°  A  l'appui  de  cette  équivalence,  M.  Pais  apporte  deux 
arguments  d'inégale  valeur,  historique  et  linguistique.  Le 
premier  est  très  fort,  car  il  y  a,  dans  Strabon,  la  preuve  que, 
longtemps  avant  l'invasion  cimbrique,  et  à  diverses  reprises, 
des  Germains,  pratiquant  la  conduite  suivie  par  les  Gésates  de 
225  etde  222  av.  J.-C.,  se  sont  associés  aux  Gaulois  de  la  haute 
vallée  du  Rhône  pour  envahir  et  piller  l'Italie  septentrionale  '. 
Le  deuxième  est  plus  contestable,  car  il  repose  sur  l'identité 
conjecturale  et  primitive  des  mots  Gésates  et  Germains. 
Qui  sait,  après  tout,  se  demande  M.  Pais,  sans  d'ail- 
leurs insister  sur  cette  supposition,  si  Gésates  et  Germains  ne 
sont  pas  des  doublets,  deux  formes  issues  d'un  même  vocable, 
où,  du  moins,  se  retrouve  la  même  racine  :  gae  —  ger  ? 


* 


Nous  laisserons  de  côté  cette  hypothèse.  D'abord,  elle  tend 

1.  Florus,  I,  20. 

2.  Polybe,  II,  22  et  suiv.  ;    34. 

5.  Plut.,  Marcellus,  6. 
4.  Orose,  IV,   13. 

).   Polyhe,  II,  22,  I. 

6.  Orose,  IV,  13,  5.  Orose  dépend  ici  de  Fabius  Pictor  (fr.  23  Peter). 

7.  Strabon,  IV,   3,  2.  M.  Jullian  avait  déjà  fait  ce  rapprochement  {His 
toire  delà  Gaule,  I,  p.    315,   n.  5). 

Rtvite  Celtique.   XXXriII.  22 


524  Jérôme  Carcopino. 

à  éclaircir  obscurum  per  obscurius,  car  l'étymologie  du  mot 
«  Gésates  »  n'est  rien  moins  qu'évidente.  Les  anciens  liési- 
taient  à  son  sujet  entre  plusieurs  explications  :  la  solde  —  oCa 
To  [xicrôou  cxpaxEÛeiv  '  ;  la  convoitise  —  irapà  -h  tyjv  y^'^ 
ITyjteïv  ^  ;  un  collier  d'or  —  FaiÇ'^tai  r,sp\  osipea  ypuaooopouvTeç  '; 
la  virilité  —  gaesa  hastas  viriles  ;  nain  viros  fortes  Galli  gaesos 
vocant  •*.  Et  les  modernes,  les  rejetant  toutes  à  la  fois,  préfèrent 
penser  que  les  Gésates  se  sont  appelés,  en  celtique,  du  nom 
celtique  latinisé  qui,  d'après  les  anciens,  désignait  leur  arme  : 
gaesiiiii  5.  Ensuite  et  surtout,  l'hypothèse  implique  une  sorte 
de  pétition  de  principes  et  suppose  acquis  ce  qui,  justement, 
est  en  cause  et  reste  à  démontrer.  L'étymologie  de  Germani, 
véritable  criix  sur  laquelle  s'enroulent  et  s'enchevêtrent  les 
imaginations  plus  ou  moins  méthodiques  des  modernes,  a  été 
successivement  suggérée  aux  linguistes  par  le  celtique,  le 
latin,  le  vieil  allemand,  les  racines  indo-européennes  ^.  Or  le 
choix  entre  ces  langues  ne  saurait  être  arbitraire:  il  est  stricte- 
ment déterminé  par  des  conditions  qu'il  appartient  à  la  recherche 
historique  de  nous  révéler  :  le   lieu,  la  date,  les  circonstances 

1.  Polybe,  II,  22,  I.  Cf.  C.  G.  L.,  V,  71,  25  :  Gessatus  mercenarins exer- 
citiis  gallica  Jingiui  ;  et  Plut.,  Marcelltis,  3. 

2.  Etym.  Magn.,  223,  16  Gaisford. 

3.  Ibid. 

4.  Serv.,  ad  Aen.,  VIII,  660. 

5.  Holder,  I,  1514.  Feist.,  op.  cit.,  p.  40.  — Comme  M.  Vendryes 
veut  bien  me  le  faire  remarquer,  le  primitif  *gaiso-,  d'où  sort  l'irlandais 
gae,  comme  le  celto-latin^i/«Mw,  se  retrouve  en  germanique  sous  la  forme 
du  vieil-islandais  geirr,  du  vieux  haut-allemand  gér  et  du  vieil-anglais 
gâr,  qui  tous  désignent  l'épieu. 

6.  Etymologie  par  le  latin  (Birt,  op.  cit.  ;  Hartmann,  Glotta,  IX,  p.  i 
et  suiv.)  :  Germani,  s.  e.  Galli,  les  «  vrais  [Gaulois]  ».  —  Par  les  dialectes 
germaniques  (Kluge,  Geniiania,  I,  5  ;  Much  Reallexikon  der  Germ.  Alter- 
lumshinde,  II,  183)  :  les  Germani  (ga  +  *ermana  —  ancien  haut-allemand  : 
irmin,  grand)  sont  les  «  Grands  ».  —  Par  une  racine  indo-européenne 
(Henning,  Zeitschrift  f.  deutsches  Altertum,  LIV,  p.  218  et  suiv.),  les  Ger- 
mains tirent  leur  nom  d'un  lieu-dit,  *Germo,  qu'on  retrouve  sous  des 
formes  diverses  en  Thrace,  en  Asie  Mineure  et  jusqu'en  Perse,  dont  le 
doublet  purement  celtique  serait  Bormo  et  qui  s'apparenterait  au  mot  sans- 
krit ^/;flr»W5,  chaleur  (cf.  grec  Ocpad?).  Feist,  qui  tient  pour  le  celtique  (cf. 
infra),  a  analysé  ces  différentes  opinions,  et,  d'un  point  de  vue  linguistique, 
les  a  réfutées. 


A  propos  du  nom  des  Gerniaiii.  325 

OÙ,  pour  la  première  fois,  retentit  le  nom  de  Germains.  Les 
derniers  travaux  sur  la  question  lui  ont.  malgré  leurs  diver- 
gences, fait  réaliser  un  grand  progrès. 

Hirschfeld  a  raison,  contre  Birt  et  contre  tous  ceux,  comme 
Feist  ou  Norden,  qui  acceptent  tel  quel  le  texte  fondamental 
de  Tacite,  d'amender  la  tradition  manuscrite  du  De  ?noribus  Ger- 
maniae.  On  doit  lire,  comme  lui,  a  victo,  reor,  ob  metiim.  Et, 
d'autre  part,  Hirschfeld  a  raison,  contre  M.  Pais,  de  voir  dans 
le  passage  de  Tacite  ainsi  corrigé  un  reflet  de  César.  Ce  qui 
vient  de  César,  ce  qui,  en  tout  cas,  exprime  la  même  réalité 
que  César,  c'est  la  proposition  :  qnoniam...tunc  vocati  sint.  Ce 
qui  est  commun  aux  deux  auteurs,  c'est  l'idée  que  le  nom  de 
Germani  a  fait  son  apparition  en  Belgique,  plus  précisément 
dans  la  vallée  de  la  Meuse,  à  la  suite  de  migrations  trans- 
rhénanes. 

Mais  tout  le  passage  de  Tacite,  et,  sur  ce  point,  M.  Pais  a 
raison  contre  Hirschfeld,  n'est  pas  sorti  de  César.  Il  suffit  de 
relire  les  deux  écrivains  pour  apercevoir  la  différence  de  points 
de  vue  qui  les  sépare.  César  nous  apprend  ce  que  sont  les 
Germains  du  pays  belge.  Tacite  se  demande  depuis  quand  le 
pays  situé  à  l'est  et  au  nord  du  Rhin,  au  nord  de  la  Panno- 
nie,  à  l'ouest  des  Sarmates  et  des  Daces  ',  s'appelle  la  Germa- 
nie. Ce  qui  est  propre  à  César,  ou  plutôt  aux  Rèmes,  les 
informateurs  de  César,  et  que  Tacite  a  laissé  tomber  —  tune 
vocati  sint  —  c'est  l'indication  du  lointain  passé  auquel  se  place 
l'arrivée  des  Germains  en  Belgique.  Ce  qui  est  propre  à  Tacite, 
ou  à  une  source  de  Tacite  indépendante  de  César,  c'est  une 
explication  du  nom  de  Germani  d'où  est  issu  celui  de  Germa- 
nia,  explication  dont  il  n'y  a  pas  trace  dans  les  Commentaires, 
et  c'est  la  notion  d'une  extension  progressive  du  terme  Ger- 
mani qui,  parti  d'une  tribu  isolée,  a  fini  par  envelopper  la 
nation  tout  entière,  et  par  inscrire,  sur  la  carte  du  monde 
antique,  un  vocable  nouveau  couvrant  tout  le  territoire  entre 
Rhin  et  Vistule.  Les  deux  textes  ne  s'absorbent  pas  plus  qu'ils 
ne  se  contredisent.  Ils  se  complètent  l'un  l'autre.  L'évolution 

I.  Tac,  De  mor.  Genii.,  i  :  Geniiania  omnis  a  Gallis  Raelisque  et  Panito- 
niis  Rheno  et  Daiiuvio  ftuminibus,  a  Santtatis  Dacisqiie  mutuo  nietii  aut  mon- 
tibiis  separalur  :  cetera  Oceanus  ambit. 


32é  Jérôme  Carcophio. 

que  signale  Tacite  n'était  sans  doute  pas  encore  achevée  lors- 
qu'écrivait  César.  Celui-ci  nomme  la  Germanie,  mais  sans  la 
déterminer  '.  Géographiquement,  il  la  morcelle  en  deux  par- 
ties: Cisrhénane  et  Transrhénane  ^.  Politiquement,  il  l'intègre 
en  un  groupement  de  geiitcs  en  Belgique  \  L'unité  de  la  vaste 
Germanie  que  définit  Tacite  n'a  dû  se  constituer  dans  la 
conscience  des  Romains  qu'après  César  et  graduellement, 
d'abord,  quand  ils  furent  aux  prises  avec  l'ennemi  qu'ont 
maté  Drusus  et  Tibère  et  qui  tailla  en  pièces  les  légions  de 
Varus,  et  plus  tard  encore,  au  cours  des  campagnes  qu'entre- 
prirent Domitien  et  ses  généraux  contre  les  Sarmates  et  les 
Daces  ■^.  Assurément,  si  Tacite  avait  songé  aux  Commentaires 
dont  la  rédaction  de  son  livre  est  éloignée  d'un  siècle  et  demi  ^, 
il  n'aurait  pu  écrire  :  Gennatiiae  vocahulnm  recens  et  nuper  ad- 
ditiim  ^.  L'addition  dont  il  parle  pour  son  compte  et  que  nous 
n'avons  point,  par  conséquent,  le  droit  d'attribuer,  comme  le 
voudrait  Feist  ",  à  l'une  de  ses  sources  vieille  d'au  moins  150 
ans,  doit  être  sensiblement  plus  voisine  de  lui  ;  et,  bien  plu- 
tôt que  la  diffusion  de  l'œuvre  de  César,  ce  sont  les  guerres 
flaviennes,  succédant  à  l'organisation,  non  seulement  des  deux 
marches  germaniques  et  de  la  Raetie  (15  av.  J.-C.)  '\  mais 
de  la  Moesie  et  de  la  Pannonie  (6  et  10  ap.  J.-C.)  9,  qui  ont 
achevé  d'en  rectifier  et  généraliser  l'emploi.  En  somme,  l'his- 
toire du  mot  Ger mania  se  déroule  selon    le   développement 

1.  Caes.,  Dehell.  Gall.,  V,  15,  6;  VI,  25,4;  VII,  65,  4. 

2.  Ibid.,  I,  I,  3;  28,  4;  VI,  2,  3  ;  32,  I. 

3.  Ihid.,  II,  4,  10. 

4.  Tac,  Agr.,  41  ;  Hist.,  I,  2. 

5.  Les, Cofunientaires  sont  de  52/51  av.  J.-C.  (Schanzs,  II,  129).  La  Ger- 
manie a  été  publiée  en  98  ap.  J.-C.  (Ibid.,  III,  302). 

6.  L'argument  a  été  produit  par  M.  Pais,  Fasti  triiimplmles,  II,  p.  404. 

7.  Feist,  op.  cit.,  p.  79  :  Uebrigens  sei  der  Name  Gennanen  jung  und 
erst  sait  kurzem  im  Gebrauch,  das  kann  natùrlich  nur  aus  einer  sebr  alten 
Quelle  entnommen  haben,  da  er  zu  seiner  Zeit  mindestens  150  lahre  ait 
y^'2ir.  —  Mais  le  vocahdum  recens  n'est  pas  Germant,  mais  Ger  mania.  Et  le 
raisonnement  de  Feist,  fondé  sur  Germani,  tombe  par  là  même. 

8.  Marquardt,  Organisation  de  l'Empire  romain,  II,  p.  161. 

9.  Marquardt,  ibid.,  p.  181  et  166.  C'est  sous  Vespasien  que  furent  éta- 
blis les  camps  permanents  de  Pannonie,  à  Vindobona  (pour  la  leg.  X  Geminà) 
et  Carnuntum  (pour  les  tegg.  XV  Apollinaris  et  AYF  Martia  Victrix). 


A  propos  du  )wni  des  Gcrmam  327 

habituel  à  la  toponymie  des  grandes  régions  ;  et  il  en  est  à 
peu  près  de  la  Germanie  comme  de  l'Afrique  :  l'ethnique 
d'une  tribu  -Afri-  ou  d'un  groupe  de  tribus  -Germani-,  par 
quoi  Rome  a  pris  contact  avec  les  territoires  à  identifier  lui  a, 
dans  les  deux  cas,  fourni  successivement  le  nom  de  ses  pro- 
vinces et  celui  du  continent  auquel  elles  se  rattachent. 

Mais  au  rebours  de  ce  qui  s'est  passé  pour  les  Afri  dont  le 
vocable  paraît  bien  libyque,  et  non  punique  ',  les  Germani  de 
Belgique,  originaires  de  Transrhénanie,  à  ce  que  rapporte 
César,  avaient  été  nommés  par  les  tribus  gauloises  dont  ils 
avaient  conquis  la  place.  Telle  est,  du  moins,  l'information 
supplémentaire  que  nous  fournit  Tacite.  La  grande  fortune 
du  nom  Germani,  l'extension  du  mot  Germania  qui  en  dérive 
faisaient  à  Tacite  un  devoir  den  préciser  l'origine  et  le  sens, 
et  il  ne  s'y  est  pas  dérobé.  Mais  déjà  cette  recherche  était  dif- 
ficile, et  la  phrase  du  De  morilms  Germaniae  qu'a  rétablie  Hirs- 
chfeld  n'en  présente  le  résultat  que  sous  bénéfice  d'inventaire  : 
reor,  ob  metum.  Ces  réserves  ne  sont  point  encourageantes 
pour  les  investigations  des  modernes.  Du  moins  les  empêchent- 
ils  de  s'égarer  sur  la  fausse  piste  des  étymologies,  soit  germa- 
niques, à  peu  près  abandonnées  par  tout  le  monde,  même  en 
Allemagne  ',  soit  latines  qu'on  y  a  récemment  essayé  de  rani- 
mer. Il  est  bien  vrai  que,  dans  leur  embarras,  certains  auteurs 
romains  dont  Strabon  s'est  fait  l'écho  ',  s'étaient  efforcés  de 
rendre  compte  du  vocable  Germani  par  des  termes  de  conso- 
nance identique,  empruntés  à  leur  propre  langue,  et  voyaient 
dans  les  Germani  les  Gaulois  par  excellence:  Germani [Galli]. 
Mais,  d'abord,  comme  Feist  l'indique  spirituellement,  leur 
raisonnement  par  à  peu  près  ne  tient  pas  plus  que  celui'  que 

1.  Sur  cette  question,  voir,  en  dernier  lieu,  Henri  Basset.  Le  Culte  des 
Grottes  an  Maroc,  Alger,  1920,  p.  14  :  «  Il  est  difficile  de  croire  que  le  nom 
des  Béni  Ifren,  l'une  des  grandes  familles  des  Zenata,  ne  signifie  point  les 
Troglodytes,  et  ne  leur  vienne  pas  de  leurs  premières  habitations,  quand 
on  voit  encore  donner  le  nom  d'Aït-Ifri  à  des  gens...  qui  vivent  dans  les 
grottes.  » 

2.  Feist,  op.  cit.,  p.  82. 

3.  Feist  cite,  après  Norden,  une  étymologie  de  Strabon  (VU,  7,  2)  déduite, 
avec  la  même  fantaisie,  d'un  à  peu  près  du  même  genre  :  celle  des  Lélèges 
«  to  Tj/.Àiy.TOj:  •■i--(y/Vfx:  T'.và:  iv.  rraÀx'.oj   »  (ibicj.,  p.  yy). 


528  Jérôme  Carcopino. 

commettrait  un  Allemand  d'aujourd'hui  en  faisant  descendre 
les  Anglais  des  Anges  sous  prétexte  que  l'adjectif  englisch  se 
rapporte  aussi  bien  à  Engel  (ange)  qu'à  England  (Angleterre)  ? 
De  plus,  il  est  avéré  que  Tacite  n'en  a  pas  été  dupe,  et  a 
formellement  rejeté  l'interprétation  qu'il  implique.  De  celle 
qu'il  a  proposée  lui-même,  il  résulte  avec  force  que  notre 
enquête  doit  porter  —  à  l'exclusion  de  tous  autres  éléments  — 
sur  les  mots  de  la  langue  du  vaincu  —  a  victo  — ,  sur  le  cel- 
tique, par  conséquent  '.  Mais  sur  quels  mots  celtiques  de 
préférence  ?  Il  est  clair  que  Tacite  n'en  sait  plus  rien  lui- 
même  avec  certitude  :  reor,  ob  incttim  ^. 


Cette  perplexité  n'a  rien  qui  doive  nous  surprendre.  Tacite 
était  pardonnable  d'avoir  perdu  la  clé  de  l'énigme.  Tant  d'an- 
nées s'étaient  écoulées  depuis  que  le  vocable  avait  été  inventé 
en  Belgique  par  les  Gaulois  conquis  à  l'adresse  de  leurs  con- 
quérants !  César  n'assigne  pas  de  date  à  l'installation  des  Ger- 
mains ;  mais  lesRèmes  qui  le  renseignaient  avaient  gardé,  très 


1 .  La  recherche  historique  rejoint  ici  la  conclusion  à  laquelle  les  linguistes 
les  plus  qualifiés  sont  parvenus  d'autre  part.  En  Allemagne  même,  Grimm 
{Gesch.  d.  deutschen  Sprache  ^,  546),  Zeuss  (die  Deutschcn,  p.  59  et  suiv.), 
Pott,  Etym.  Forschinigeii,  II-,  873),  Reiche  (Neue  lahrhucher fur  das  klass. 
Altertum,  35/36,  9'es  Heft,  603),  Norden  (Korrespoudeniblatt  der  rôm.  germ. 
Kommission  des  Kaiscrl  archaeoloirischen  Instituts,  lahrg.  I,  Heft  6,  p.  161,  et 
Sit::;ungshericht  der  Berliner  Akadetiiie  der  Wissenschafteii,  1918,  p.  95),  Feist, 
qui  cite  tous  ces  auteurs,  tiennent  pour  Tétymologie  celtique.  Pour  Feist, 
dont  la  comparaison  est  excellente,  il  en  fut  des  Gennani  de  l'antiquité 
comme  des  «  Deutschen  »  des  temps  modernes.  Le  nom  de  ceux-ci  leur 
est  venu  d'Angleterre  par  l'intermédiaire  de  la  Hollande  (Dutch,  Hollan- 
dais). Le  nom  de  ceux-là  leur  était  venu  de  Gaule  par  l'intermédiaire  des 
Belges  (Feist,  op.  cit., p.  82). 

2.  Feist  hésite  entre  deux  formations  possibles  pour  le  mot  Gerniani 
(op.  cit.,  p.  81).  Ou  bien  le  mot  se  décompose  en  Ger-mani  comme  les 
ethniques  gaulois  Co-mani  et  Ceno-mani ,  ou  bien  en  Gertn-ani,  comme 
l'ethnique  d'Amiens,  Amhi-ani.  Il  faut,  en  tout  cas,  comme  me  l'indique 
M.  Vendryes,  écarter  la  vieille  hypothèse  de  Grimm,  suivant  lequel 
Germ-ani  s^  rattacherait  au  mot  irlandais  ;,'«/>•?««  cri,  appel  »;  ce  mot,  qui 
est  le  substantif  verbal  de, C'a/y/;»  «j'appelle  »,  est  formé  de  la  racine  gar-  et 
du  suffixe  neutre  -vin-  ou  -sniii-. 


A  propos  du  nom  des  Gerniani.  329 

nette,  l'impression  que  l'état  de  choses  qu'il  décrit  après  eux 
était  très  ancien,  d'une  époque  dont  ils  n'avaient  plus  le  sou- 
venir précis  :  Rhenumqiie  antiquitus  traductos.  L'adverbe  ànti- 
guitus  dont  ils  se  servent  écarte  la  possibilité  qu'ils  aient  eu 
en  vue  l'invasion  cimbrique,  vieille  d'un  demi-siècle,  au 
plus.  Le  contexte,  dont  je  suis  surpris  que  M.  Pais  n'ait  point 
fait  état,  car  il  fortifie  singulièrement  sa  position,  achève  de 
l'exclure  :  les  Rèmes  n'ignoraient  pas,  en  effet,  que  ces  Ger- 
niani de  Belgique  avaient  alors  fait  front  contre  l'envahisseur, 
Cimbre  ou  Teuton,  qu'ils  avaient  été  seuls,  en  Gaule,  à  préser- 
ver leur  territoire  :  solosque  esse  qui,  patrum  nostrorum  memoria, 
omni  Gallia  vexata,  Teutones  Cimbrosqtie  intra  fines  suos  ingredi 
prohibuerint  '.  Et  cette  assertion  non  seulement  ruine  la  théo- 
rie de  Birt,  mais  encore  elle  nous  autorise  à  interpréter  comme 
M.  Pais  le  passage  de  Strabon  auquel  il  s'est  référé,  et  à 
remonter  en  conséquence  jusqu'à  la  période  de  la  bataille  de 
Clastidium  (225-222  av.  J.-C.)  cette  série  de  coups  de  main 
que  des  Ti^\j.oLvzi,  déjà  en  possession  de  leur  nom  et  plus  ou 
moins  étroitement  associés  à  certains  Gaulois,  tentèrent  sur 
l'Italie  %  enfin  à  rendre  toute  sa  valeur  à  l'inscription  des 
Fastes  qui  consacre  le  triomphe  de  M.  Claudius  Marcellus 
«  de  Germ[an(Jsy\  ». 

Certes,  ce  document  officiel    n'est  pas  un  document  con- 
temporain, puisqu'il  n'a  probablement  été  gravé  qu'en  12  av. 
'J.-C.  ^  iMais,  dans  l'ensemble,  son  rédacteur  a  utilisé,   pour 
le   composer,    les   annalistes   qui   florissaient    à    l'époque  de 

1.  Caes.,  De  bell.  GalL,  II,  4,  2.  Il  est  vrai  que  Feist,  op.  cit.,  p.  80, 
semble  révoquer  en  doute  la  réalité  du  rapport  fait  à  César  par  Iccius  et 
Andecumborius,  les  ambassadeurs  des  Rèmes.  Use  peut,  écrit-il,  qu'il  n'y  ait 
là  qu'un  arrangement  de  rhétorique  destiné  à  dramatiser  des  renseignements 
d'origine  livresque,  empruntés  peut-être  à  Posidonios,  «  parce  que,  dans  le 
discours  des  ambassadeurs  des  Rémes,  il  est  aussi  question  de  la  résistance 
victorieuse  opposée  par  les  Belges  [ou  mieux,  par  les  Germani  de  Belgique] 
aux  Cimbres  et  aux  Teutons,  et  que  tous  les  récits  que  l'antiquité  nous  a 
légués  delà  guerre  cimbrique  remontent  à  Posidonios  ».  Mais  c'est  là  raffiner 
sur  un  texte  fort  clair,  et  en  contester  gratuitement  les  affirmations  toutes 
naturelles  au  nom  de  pures  possibilités.  Car,  enfin,  à  50  ans  de  distance, 
les  Rèmes  devaient  avoir  gardé  le  souvenir  de  l'invasion  cimbrique  et  de 
l'ébranlement  qu'elle  avait  communiqué  à  toute  la  Belgique. 

2.  Strabon,  IV,  5,2  ;  cf.  supra,  p.  325. 

3.  Pais,  Fastitr.,  p.  VII. 


3  30  Jérôme  Carcopino. 

Sylla  ',  dès  lors  avant  le  temps  où  Posidonios,  retour  de  ses 
explorations  en  Gaule,  publiait  ses  renseignements  sur  les 
mœurs  des  Germains  ^.  Nous  n'avons  donc  aucun  motif  valable 
pour  attribuer  à  l'époque  d'Auguste  la  substitution  qu'elles 
opèrent  des  Gennani  aux  Gésates  de  la  tradition  littéraire.  A 
supposer  même  que  cette  substitution  fût  le  fruit  d'une  élabo- 
ration très  postérieure  aux  événements  sur  lesquels  elle  porte, 
ce  travail  n'a  pas  été  influencé,  cornme  le  voulait  Hirschfeld, 
par  le  spectacle  des  luttes  que  les  lieutenants  d'Octave  ont  eu 
à  soutenir  contre  les  Germains.  Même  entaché  d'erreur,  il 
resterait  sincère  et  désintéressé. 

Or  plusieurs  indices  rendent  vraisemblable  l'assimilation 
qui  en  résulte  des  Germains  aux  Gésates  de  222  av.  J.-C. 
Non  seulement  la  preuve  est  faite  qu'à  cette  date  les  Gaulois 
avaient  déjà  attribué  l'épithète  de  Germani  à  certains  peuples 
immigrés  d'Outre-Rhin  en  Belgique.  Mais  la  preuve  n'est  pas 
difficile  à  faire  que  Viridomar,  celui  des  chefs  de  la  coalition 
que  M.  Claudius  Marcellus  a  tué  de  sa  main  —  \d\iice  hostiiim 
Vir\diiuiaro  ad  Cl\astidiiim  interfecto  —  était  un  «  Germain  ». 
N'en  font  un  Insubre  que  les  documents  où  les  Insubres 
sont  seuls  nommés,  la  Periocha  de  Tite  Live  '  ou  le  récit 
abrégé  de  Zonaras  4.  La  notice  des  Fastes  montre  en  lui  le 
chef  d'une  coalition  d'Insubres  et  de  Germains  sans  spécifier 
la  patrie  à  laquelle  il  aurait  appartenu.  Mais  comme  Paul 
Orose  qui  nous  a  transmis  la  substance  du  récit  livien,  le 
considère,  non  comme  le  roi  des  Insubres,  mais  comme  celui 
des  Gésates  5,  il  est  certain  que  le  rédacteur  des  Fastes  qui 
dépendait  des  auteurs  de  Tite-Live  l'a  tenu  pour  un  germain. 
De  fait,  cet  immense  guerrier  que  Properce  arme  du  petit 
bouclier  belge  et  dresse,  sur  son  char,  les  gaesa  à  la  main,  se 
vantait  de  descendre  du  Rhin  : 

Claudius   Eridanum  traiectos  arcuit  hostés, 
Belgica  cui  vasti  parma  relata  ducis 

1.  Pais,  Fasti  tr .,    p.  VI. 

2.  Cf.  supra,  p.  320. 
5.  Liv.,  P^r.,  XX. 

4.  Zonaras,  VIII,  21. 

5.  Paul  Orose,  IV,  13,  15.  Selon  Paul  Orose,  ibid.,  d'ailleurs,  ce  sont 
les  Gésates  qui  ont  été  les  victimes  de  M.  Claudius  iMarcellus  :  «  Claudius 
consul  Gaesatorutn  triginta  niillia  dehvit  ». 


A  propos  du  nom  des  Germani.  351 

Virdomari  ;  geniis  hic  Rheuo  iactahat  ah  ipso, 
Nohilis  ercctis  fundere  gaesa  rôtis  ' . 

Le  dieu  auquel,  suivant  Florus,  il  avait  imprudemment 
promis  les  armes  romaines  était  Vulcain  — •  Viridomaro  rege 
roHiana  arma  Volcano  promiseraut  ^  —  ;  Vulcain,  le  seul  nom 
de  dieu  personnel  que  César  ait  cité  chez  les  Germains  — 
deoriim  numéro  eos  solos  ducunt  [Germani^  quos  cernunt  et  quorum 
aperte  opibus  tuvantur,  Solem,  et  Vulcanum  et  Lunam  ;  reliqiios 
ne  farna  quidem  acceperunt  '  —  ;  Vulcain,  le  dieu  auquel  des 
Gésates  romanisés  consacrèrent,  au  cœur  même  du  pays  des 
Germani,  une  dédicace  découverte  à  Tongres,  en  1901  '^. 

Ce  serait,  dans  ces  conditions,  obéir  à  des  préoccupations 
tout  à  fait  étrangères  à  la  science  que  de  s'obstiner  à  rayer  de 
l'histoire  les  lignes  des  Fastes  triomphaux.  A  la  date  où  les 
Fastes  nous  parlent  àts  Germani,  la  langue  des  Celtes  les  avait 
déjà  nommés  ;  et  nous  ne  pouvons  récuser  ce  témoignage, 
en  accord  foncier  avec  le  reste  de  notre  tradition,  pour  cette 
seule  raison  que,  s'il  vieillit  de  près  de  deux  siècles  l'entrée 
des  «  Germains  »  dans  l'histoire,  et  sans  préciser  d'ailleurs 
quels  éléments  ethniques  ils  représentent,  il  les  y  introduit  à 
la  solde  des  Gaulois  et  en  posture  de  vaincus. 

Jérôme  Carcopino. 

1.  Prop.,  V,  10,  38.  Voir  sur  la  correction,  proposée  outre  Rhin,  de 
Rheno  en  Bretmo,  correction  que  rien  ne  justifie,  les  réflexions  méritées  de 
M.  V2L\s{Fasti  tr.,  II,  p.  413). 

2.  Florus,  I,  20,  5 . 

3.  Caes.,  De  belJ.  GaU .,  VI,  21,  2. 

4.  C.  J.  L.,  XIII,  3593.  Cf.  Wahzino^  Ret'iie  des  Etudes  Aticiennes,  IV, 
1902,  p.  53  et  54.  De  cet  article  il  ressort  que  M.  Jullian,  dans  une  lettre 
adressée  à  M.  Waltzing,  avait  déjà  rapproché  cette  inscription  du  passage 
précité  de  Florus.  —  Ces  lignes  étaient  déjà  composées  quand  j'ai  lu 
G.  Wissowa,  Die  gernianische  Urgesclnchte  in  Taciliis  Gerniania  {Neue  labrh. 
fur  ttlass.  AUertum,  XXIV,  1921,  p.  14-31).  L'auteur  repousse,  avec 
raison,  l'interprétation  par  laquelle  Norden,  introduisant  une  tournure 
grecque  dans  le  latin  du  De  nior.  Gertn.,  2,  traduit  a,  dans  a  victo  par 
naclj  et  non  pas  par  von,  ce  qui  permet,  à  la  fois,  de  ramener  indirectement 
de  Germanie  le  nom  des  Germani  et  de  maintenir  le  texte  traditionnel  de 
Tacite.  Après  quoi,  Wissowa  ne  propose  rien  à  la  place,  et,  faisant  le 
silence  sur  la  correction  d'Hirschfeld,  se  borne  à  répéter,  après  Norden  : 
«  Zu  Bergen  tùrmen  sich  die  Schwierigkeiten  in  dem  sog.  Namensatze  der 
7X\  den  umstrittensten  der  gcsamten  lateinischen  Prosaliteratur  gehôrt  » 
(p.  29). 


BIBLIOGRAPHIE 


SoMiMAiRK.  —  I.  S.  CzARNOwsKi.  Le  culte  des  héros  et  ses  conditions 
sociales.  St  Patricia  héros  national  de  l'Irlande.  —  II.  H.  J.  L.wvlor. 
St  Bernard  of  Clairvaux's  Life  ofSt  Malachy  of  Armagh.  —  III.  Newport 
J.  D.  White.  Saint  Patrick,  hiswritings and  life.—  IV.  M.  Cahen.  La  liba- 
tion. —  V.  M.  Cahen.  Le  nom  de  Dieu  en  vieux  Scandinave.  —  VI. 
Douglas  Hyde.  Gabhaltais  Shearluis  Mhoir.  —  VIL  L.  Poulet.  Petite 
syntaxe  de  l'ancien  français.  — VIII.  Abbé  Duine.  Mémento  des  sources 
hagiographiques  de  l'histoire  de  Bretagne.  —  IX.  Emile  Jobbé-Duval. 
Les  idées  primitives  dans  la  Bretagne  contemporaine. 

I 

Stefan  Czarxowski.  Le  culte  des  héros  et  ses  conditions  sociales.  Saint 
Patrick  héros  national  de  V Irlande  (avec  une  préface  de  M.  H. 
Hubert).  Paris,  F.  Alcan  (Travaux  de  l'Année  sociologique). 
1919.  xciv-569  p.  8°.  10  fr. 

M.  Czarnowski  est  un  sociologue,  venu  de  Varsovie  à  Paris  pour 
suivre  l'enseignement  de  MM.  Hubert  et  Mauss  à  l'École  pratique 
des  Hautes  Etudes.  Il  a  conçu  le  projet  d'étudier  les  «  formes  con- 
crètes sous  lesquelles  apparaissent  les  valeurs  sociales  fondamen- 
tales »  ;  et  comme,  dans  toutes  les  sociétés,  ces  valeurs  s'incarnent 
surtout  dans  les  héros,  qui  représentent  la  réalisation  d'un  idéal 
collectif,  il  a  été  naturellement  amené  à  faire  des  héros  l'objet  prin- 
cipal de  son  étude.  Mais  cette  étude  avait  besoin  d'être  limitée 
par  le  choix  d'un  personnage  qui  soit  un  exemplaire  typique  de 
l'héroïsme.  C'est  saint  Patrice,  héros  national  de  l'Irlande,  que 
M.  Czarnowski  a  choisi'.  Voilà  comment,  à  la  suite  de  son  maître 
M.  Hubert,  il  est  entré  sur  le  domaine  celtique. 

I.  On  peut  être  surpris  que  M.  Czarnowski  ait  adopté  la  forme  anojlaise 
du  nom  de  son  héros,  Patrick,  alors  que  nous  avons  en  français  une  forme 
courante,  Patrice,  qui  est  même  employée  comme  nom  de  baptême. 


Bibliographie.  53  3 

Les  celtistes  ont  grandement  à  se  féliciter  du  choix  qu'il  a  fait. 
Car  cette  étude  de  sociologie,  qui  enrichit  si  brillamment  la  collec- 
tion de  l'école  de  Durkheim,  est  en  même  temps  l'étude  la  plus 
complète  et  la  plus  fouillée  dont  la  mythologie  et  l'hagiographie 
irlandaises  aient  été  l'objet.  La  documentation  de  M.  Czarnowski 
est  d'une  richesse  qui  ne  laisse  rien  à  désirer.  Il  a  dépouillé  tout  ce 
qui  a  été  publié  et  traduit  de  textes  irlandais  sacrés  ou  profanes. 
Son  exemple  permet  d'apprécier  les  services  qu'ont  rendus  à  l'éru- 
dition générale  les  celtistes  des  cinquante  dernières  années.  Leur 
labeur  trouve  ici  sa  récompense.  M.  Czarnowski  prouve  en  effet 
que  les  publications  qu'ils  ont  faites  au  prix  de  tant  d'efforts  sont 
désormais  assez  abondantes  et  assez  variées  pour  qu'on  en  puisse 
tirer  la  matière  de  vastes  synthèses,  sans  être  soi-même  un  spécia- 
liste de  la  philologie  celtique. 

Il  est  vrai  qu'il  faut  pour  cela  des  qualités  d'esprit  qui  ne  sont 
pas  données  à  tous  les  philologues.  C'est  merveille  de  voir  comme 
le  chaos  de  l'hagiographie  irlandaise  s'organise  dès  qu"on  le  consi- 
dère du  point  de  vue  auquel  M.  Czarnowski  s'est  placé.  On  se 
rappelle  ces  figures,  dont  parle  Bossuet,  qui  ne  montrent  à  première 
vue  que  des  traits  informes  et  un  mélange  coiifus  de  couleurs  ; 
aussitôt  que  celui  qui  sait  le  secret  vous  les  fait  regarder  par  un 
certain  endroit,  toutes  les  lignes  inégales  venant  à  se  ramasser 
d'une  certaine  façon,  la  confusion  se  démêle  et  l'on  voit  paraître 
un  visage  avec  ses  linéaments  et  ses  proportions  là  où  il  n'y  avait 
auparavant  aucune  apparence  de  forme  humaine.  Ainsi  M.  Czarnow- 
ski nous  mène  au  juste  point  d'oi^i  l'on  peut  voir  d'ensemble 
dans  sa  plénitude  et  son  relief  la  figure  légendaire  de  saint  Patrice. 

Ce  point  lui  a  été  indiqué  par  M.  Hubert,  à  qui  revient  donc 
le  mérite  d'avoir  découvert  le  secret  de  la  perspective.  Dans  la 
«  préface  »  de  94  pages  qu'il  a  mise  en  tête  du  livre,  M.  Hubert 
expose  les  principes  de  la  méthode  générale  .que  M.  Czarnowski 
devait  appliquer  au  cas  particulier  du  saint  u-landais.  Qu'est-ce 
qu'un  héros  ?  Et  à  quels  traits  distingue-t-on  le  héros  dans  l'en- 
semble des  créations  de  l'imagination  collective  ?  Ce  qui  définit  les 
héros,  c'est  qu'ils  prennent  place  entre  le  monde  des  dieux  et  celui 
des  hommes.  Ce  sont  à  la  fois  des  surhommes  et  des  demi-dieux. 
Ils  sont  dieux,  puisqu'on  les  honore  d'un  culte;  mais  ce  qu'il  y 
a  de  divin  en  eux  n'a  pas  la  permanence  et  l'infinité  qui  n'appar- 
tiennent qu'aux  dieux;  c'est  du  divin  de  circonstance,  du  divin 
discontinu  et  fini.  Et  ils  sont  hommes  aussi;  même  leur  humanité 
fait  leur  valeur.  L'héroïsme,  en  effet,  n'est  pas  de  droit  divin  ;  il  est 
de  droit  humain  ;  il  émane  de  la  société  qui  se   réclame  du  héros. 


5  34  Bibliographie. 

Le  héros  est  le  symbole  ou  l'emblème  d'une  société  définie.  La 
possession  d'un  emblème  commun  prouve  la  parenté,  parce  qu'elle 
la  constitue.  Il  peut  y  avoir  des  héros  artificiellement  créés,  sans 
lien  naturel  entre  eux  et  ceux  qui  les  adoptent.  Mais  généra- 
lement le  héros  est  un  être  qui  a  réellement  vécu.  La  vie  fournit  à 
la  légende  des  candidats  héros.  Ces  candidats  réussissent  plus  ou 
moins  bien  :  certains  sont  trop  mal  venus  ;  d'autres,  bien  que 
pourvus  des  qualités  qui  conviennent,  s'arrêtent  en  chemin.  C'est 
que  les  héros  ne  deviennent  tels  qu'à  condition  d'être  consacrés 
par  un  mythe.  C'est  la  mythologie  qui  fabrique  les  héros.  Le  cas 
des  héros  laisse  même  le  plus  clairement  apparaître  la  corrélation 
qui  existe  entre  les  mythes  et  l'organisation  sociale.  Le  mythe  est 
en  eff"et  un  produit  social  ;  il  s'impose  comme  un  dogme  à  tous  les 
membres  d'une  collectivité  ;  la  prière  est  nourrie  du  mythe.  C'est 
surtout  le  rite  qui  rend  visible  l'action  de  la  société  dans  l'éclosion 
et  le  développement  du  mythe. 

Or,  le  sacrifice  est  le  rite  par  excellence.  L'héroïsme  doit  donc 
passer  par  le  sacrifice,  être  consacré  par  l'épreuve.  De  là,  l'impor- 
tance de  la  mort  dans  le  procès  mythologique  de  l'héroïsation  ;  de 
là  aussi  la  place  que  tiennent  les  héros  dans  les  fêtes. 

La  mort  est  l'élément  essentiel  de  l'héroïsme.  Mais  la  mort  du 
héros  est  d'une  nature  particulière.  Le  héros  mort  n'est  pas  un 
mort  comme  les  autres  ;  c'est  un  mort  qui  n'est  pas  mort  tout 
entier.  Il  reste  intermédiaire  à  la  vie  et  à  la  mort,  comme  il  est 
intermédiaire  au  monde  profane  et  au  monde  sacré.  Il  conserve, 
étant  mort,  des  forces  puissantes,  qu'on  peut  utiliser  si  l'on  en  sait 
le  moyen.  Il  échappe  à  la  déchéance,  à  l'anéantissement  de  la  mort  ; 
entré  vivant  dans  le  monde  des  morts,  il  continue  à  y  vivre.  Il  a 
une  activité  posthume  et  bien  que  mort,  accomplit  des  actes  de 
vivant.  Son  être  en  quelque  sorte  se  dédouble  ;  sa  dépouille  mor- 
telle, reste  de  sa  vie  terrestre,  peut  être  l'objet  d'un  culte  ;  mais  sa 
personne  continue  à  vivre  au  delà  du  tombeau  par  le  souvenir  et 
par  le  mythe.  Le  sacrifice  suppose  la  prolongation  de  la  vie  du 
héros,  puisque  dans  le  sacrifice  c'est  le  héros  qui  est  sacrifié,  même 
si  le  sacrifice  du  héros  ne  s'accomplit  qu'en  figure,  en  représen- 
tation . 

La  mort  du  héros  a  une  portée  sociale  ;  sa  vie  légendaire  aussi. 
Dans  le  souvenir  qui  le  maintient  présent  à  la  pensée  d'une  collec- 
tivité, il  y  a  une  part  de  religion,  d'esthétique,  et  de  morale.  Sa  vie 
est  édifiante,  réconfortante  ;  elle  fournit  des  exemples  d'énergie,  de 
courage,  de  belle  humeur,  de  bon  cœur,  de  gaillardise  dans  tous 
les  sens  du  mot.  L'héroïsme  est  optimiste,  il  symbolise  les  forces 


Bibliographie.  335 

actives  et  créatrices  de  l'humanité;  c'est  un  principe  de  joie  et  de 
bien.  Aussi  le  héros  lutte-t-il  parfois  contre  la  divinité,  souvent 
triste,  sombre  et  méchante.  Le  héros  utilise  au  mieux  des  hommes 
son  pouvoir  surnaturel;  il  est  champion  des  justes  causes,  redres- 
seur de  torts,  protecteur  des  faibles,  civilisateur  et  bienfaisant.  Et 
sa  puissance  s'affirme  dans  le  sacrifice,  puisqu'après  être  mort  de 
nouveau  il  triomphe  encore  et  continue  à  vivre. 

On  comprend  dès  lors  combien  il  s'insinue  aisément  dans  le 
système  des  fêtes  de  l'année.  11  faut  toujours  à  la  fête  un  élément 
commémoratif,  que  le  héros  est  tout  préparé  à  fournir.  On  ne  peut 
dire  que  le  héros  procède  de  la  fête  ;  pourtant  la  fête  est  éminem- 
ment propice  au  développement  de  l'héroïsme,  parce  qu'elle  est 
propice  à  l'élaboration  du  divin  tangible.  C'est  dans  les  fêtes  que  la 
pensée  et  l'action  religieuses  sont  le  plus  intimement  liées  ;  tout 
ce  qui  est  présent  à  l'esprit  dans  le  rite  y  apparaît  réellement  figuré. 
C'est  dans  les  fêtes  qu'on  célèbre  les  épisodes  héroïques.  Ainsi 
s'explique  la  place  de  l'héroïsme  au  début  de  toute  littérature,  sur- 
tout dramatique.  Le  drame  contribue  à  dégager  le  héros  des  nuages 
mythiques,  à  le  fixer  sous  des  apparences  concrètes.  Mais  l'épopée 
aussi  est  toujours  héroïque.  C'est  que  le  drame  et  l'épopée  sont 
nés  dans  les  fêtes. 

Les  sociétés  à  fêtes  sont  naturellement  des  sociétés  à  héros,  sur- 
tout lorsqu'elles  sont  en  même  temps  des  sociétés  à  chefs.  Le  chef 
vivant  symbolise  en  efTet  le  lien  qui  unit  les  membres  du  groupe 
qu'il  commande.  Une  fois  mort,  il  peut  incarner  sous  forme  de 
héros  les  aspirations  collectives  de  son  groupe.  La  notion  de  héros 
est  éminemment  fonction  de  la  structure  sociale  ;  et  il  y  a  une  har- 
monie nécessaire  entre  la  vie  légendaire  du  héros  et  le  milieu  social 
où  la  légende  se  développe.  On  comprend  dès  lors  combien  l'Ir- 
lande était  propre  à  faire  fleurir  l'héroïsme.  Le  culte  des  héros  avait 
sa  place  naturelle  dans  la  société  irlandaise,  qui  était  une  société  à 
chefs  et  une  société  à  fêtes.  Au  point  de  vue  politique,  l'Irlande  était 
à  mi-chemin  entre  le  grégarisme  tribal  et  l'organisation  monar- 
chique ;  elle  comprenait  une  vaste  confédération  de  clans  (Juaiha), 
divisés  en  grandes  familles  agnatiques  (Jine)  et  groupés  en  tribus 
ou  grands-clans  (morihuaiha),  dont  la  réunion  formait  des  royaumes, 
qui  avaient  entre  eux  un  lien  plus  ou  moins  lâche  sous  l'égide  du  roi 
suprême  de  Tara.  C'est  la  liintb  qui  est  l'élément  constitutif  de  cette 
vaste  tribu  hiérarchisée  qu'est  l'Irlande.  Il  n'y  a  pas  de  villes  en 
Irlande;  la  population  y  vit  disséminée.  Mais  il  y  a  des  assemblées 
périodiques,  sortes  de  panégyries  ;  ce  sont  les  fêtes,  fêtes  de  clans, 
têtes  de  royaumes,  fêtes  nationales  de  l'Irlande  entière,  qui  tombent 


336  Bibliographie. 

toujours  aux  mêmes  dates,  lesquelles  sont  les  dates  saisonnières  du 
calendrier  celtique. 

L'année  irlandaise  était  divisée  en  deux  grandes  périodes  de  six 
mois,  comptant  chacune  deux  saisons  de  trois  mois,  lesquelles 
étaient  subdivisées  à  leur  tour  en  deux  demi-saisons.  Le  premier 
jour  de  chaque  saison  était  une  fête  solennelle  du  paganisme  irlan- 
dais :  Samhuin  au  i^''  novembre  et  Beltene  au  i"  mai,  Lugnasad 
au  le^aoùt  et  Imbolc  au  i""  février.  La  dernière,  qui  devait  deve- 
nir plus  tard  la  fête  ecclésiastique  de  sainte  Brigitte,  n'apparaît  dans 
les  traditions  païennes  qu'avec  un  rôle  effacé.  Mais  les  trois  autres 
étaient  l'occasion  de  grandes  assemblées  populaires,  concentrant 
toutes  les  manifestations  de  la  vie  sociale.  Chaque  clan  célébrait 
Samhuin,  Beltene,  Lugnasad  pour  son  propre  compte  ;  mais  il  y 
avait  aussi  à  chacune  de  ces  fêtes  une  assemblée  générale  où  était 
représentée  l'Irlande  entière.  Cette  assemblée  se  tenait  dans  la 
plaine  de  Breg,  à  Tara  pour  Samhuin,  à  Uisnech  Midi  pour  Beltene, 
à  Tailtiu  pour  Lugnasad.  L'importance  de  ces  assemblées  ressort 
delà  littérature  irlandaise.  Les  héros  de  l'épopée  irlandaise  sont  en 
effet  des  patrons  de  fêtes.  La  légende  de  Conchobar  est  réglée  par 
les  fêtes  saisonnières  ;  mais  Conchobar  est  surtout  un  héros  de 
Samhuin,  comme  Diarmuid  mac  Cerbhaill  est  un  héros  de  Beltene. 
Ainsi  chacun  des  grands  héros  s'enferme  pour  ainsi  dire  en  une 
des  fêtes  de  l'année. 

M.  Czarnowski,  s'inspirant  de  l'enseignement  de  son  maître, 
n'avait  qu'à  passer  en  revue  les  traits  de  la  légende  de  saint  Patrice 
pour  y  reconnaître  tous  les  caractères  de  l'héroïsme  tel  que  la 
société  irlandaise  le  concevait.  Ce  qui  fait  l'intérêt  de  l'étude  qu'il 
a  entreprise,  c'est  que  l'on  peut,  en  réunissant  les  renseignements 
de  documents  authentiques,  reconstituer  dans  ses  grands  traits  la 
vie  humaine  et  mortelle  du  saint  pour  l'opposer  à  la  vie  héroïque 
et  posthume  que  la  légende  lui  a  conférée.  En  marquant  l'écart  qui 
sépare  l'histoire  de  la  légende,  on  se  rend  compte  de  ce  qui  est 
nécessaire  à  la  création  d'un  héros. 

Saint  Patrice,  par  tout  ce  que  la  légende  a  brodé  sur  la  trame 
ténue  de  l'histoire,  est  le  symbole  le  plus  représentatif  de  la  nation 
irlandaise.  Sa  venue  se  place  à  la  suite  des  invasions  mythiques  ; 
il  est  arrivé  d'ailleurs,  par  mer,  comme  les  chefs  qui  ont  jadis  con- 
quis l'Irlande.  Il  entre  de  bonne  heure  dans  le  cycle  des  fêtes 
irlandaises;  c'est  un  héros  festival,  et  qui  joue  dans  la  fête  à  la  fois 
le  rôle  d'un  héros  sacrifié  et  d'un  héros  renaissant.  Mais  sa  légende 
se  concentre  dans  une  féteprintanière  ;  il  apparaît  comme  un  héros 
de  printemps,  doublé  en    partie  d'un   génie  solaire.  C'est  à  l'équi- 


Bibliographie.  337 

noxe  de  printemps,  à  égale  distance  d'Imbolc  et  de  Beltene,  que  sa 
fête  liturgique  est  définitivement  fixée  le  17  mars.  Enfin,  c'est  un 
héros  national,  qui  résume  en  lui  toutes  les  aspirations  collectives 
du  peuple  irlandais  :  le  souvenir  légendaire  d'ancêtres  bienfaisants 
et  glorieux,  l'attachement  au  sol  et  la  tendance  à  fixer  tous  les  évé- 
nements du  monde  visible  ou  invisible  en  des  lieux  proches  et  fami- 
liers. Il  profite  finalement  de  tout  le  travail  mythique,  qui  avait 
fait  éclore  avant  lui  les  héros  païens  de  l'épopée  ;  il  est  en  Irlande 
le  légataire  universel  du  paganisme  en  même  temps  que  l'incarna- 
tion  de  l'héroïsme  chrétien. 

On  ne  saurait  donner  ici  une  idée,  même  imparfaite  et  affaiblie, 
de  l'intérêt, du  livre  de  M.  Czarnowski.  Toutes  les  questions  de 
mythologie  et  d'hagiographie  irlandaises  auxquelles  il  touche  sont 
renouvelées  par  l'abondance  des  vues  originales  que  l'auteur  y 
projette.  C'est  un  des  livres  les  plus  pleins,  les  plus  suggestifs,  les 
plus  attrayants  qui  aient  paru  depuis  longtemps  sur  les  études  cel- 
tiques. La  lecture  attentive  s'en  impose  à  quiconque  aborde  ces 
études.  L'exposé  est  clair  et  bien  ordonné.  Des  notes  abondantes 
soulignent  la  documentation.  Un  copieux  index  facilite  la  consul- 
tation de  l'ouvrage  '. 

Voici  pour  finir  quelques  remarques  et  corrections  de  détail. 

P.  vij  n.,  le  mot  nia  «  champion  »  n'est  certainement  pas  de 
même  origine  que  le  mot  nia  «  neveu  »  ;  voir  en  dernier  lieu  sur 
cette  question  Èoin  Mac  Neill,  Notes  on  Irish  Oghnm  Inscriptions, 
Proceed.  of  the  R.  Ir.  Academy,  vol.  XXVH,  sect.  C,  1909,  p.  369. 

P.  32  n.  Une  rédaction  peu  claire  ferait  croire  à  l'existence  de 
«  deux  saints  Columban  ».  En  réalité,  les  deux  personnages  dont  il 
est  question  et  qui  ne  se  confondent  jamais  portent  deux  noms  diffé- 
rents :  Columha  (Colum  Chille)  et  Columhanus  (Columban).  Du 
nom  latin  de  la  colombe  est  également  tiré  le  nom  propre  Colnuhi, 
fréquemment  attesté. 

P.  78  et  suiv.  Sur  les  relations  établies  entre  saint  Patrice  et 
saint  Martin,  voir  les  références  données  ci-dessus,  p.  72,  et  y 
joindre  un  passage  de  Vlinruin  Sncdbghusa  7  Mie  Riagla,  éd.  Thur- 
neysen,  p.  13,  str.  64. 

P.  123  et  p.  172.  Sur  les  fêtes  saisonnières  destinées  à  célébrer 
les  productions  de  la  terre,  voir  surtout  les  quatrains  reproduits 
par  K.  Meyer  dans  Hibernica  Minora,  p.  49.  Une  glose  du  ms. 
Egerton  1782,  f°  56  a,  dit  notamment  que  Lugnasad  se  célèbre  le 
jour  de  la  maturité  de  tous  les  fruits,  là  aipchi  na  n-uili  thorud. 

I.  L'impression  est  en  général  des  plus  correctes;  pourtant,  le  grec  est 
assez  maltraité  (v.  notamment  la  note  de  la  p.  41). 


338  Bibliographie. 

P.  126  et  suiv.  Dans  cette  étude  des  héros  festivaux  a  été  oublié 
le  «  green  knight  »,  d'origine  apparemment  celtique  et  qui  a  tous 
les  caractères  d'une  personnification  de  la  végétation  (v.  le  compte 
rendu  du  livre  de  Kittredge  qu'a  donné  M.  J.  Loth  dans  la  Rev. 
Celt.,  t.  XXXVII,  p.  36i> 

P.  135  et  p.  149.  Le  thème  des  hommes  changés  en  cerfs  a 
passé  dans  les  légendes  hagiographiques;  voir  le  Betba  Colmàin, 
éd.  K.  Meyer,  p.  86-89. 

.P.  141.  A  propos  du  tait  qu'en  Irlande  tous  les  thèmes  mythiques 
des  fêtes  ont  été  transportés  à  Pâques  et  que  la  légende  de  Patrice 
est  devenue  essentiellement  une  légende  de  printemps,  il  est  inté- 
ressant de  noter  que  chez  les  peuples  Scandinaves,  c'est  Noël  qui 
est  devenu  la  fête  par  excellence,  celle  où  s'est  conservé  l'usage 
païen  de  la  jôladrykkja  ;  l'expression  drckka  jôl  ne  s'applique  plus 
aujourd'hui  qu'à  Noël  (v.  M.  Cahen,  la  Libation,  p.  76-77). 

P.  194.  Sur  la  procédure  du  jeûne,  voir  aussi  les  articles  ou  notes 
de  M.  Gaidoz  dans  Mélusine,  t.  IV,  col.  8,  41,  365,  406;  t.  VII, 
col.  182;  t.  IX,  col.  22.  En  1144,  à  Rathbrennan,  saint  Malachie 
pratique  le  jeûne  comme  moyen  de- contrainte  pour  imposer  sa 
volonté  au  roi  Turlough  O'  Conor  (v.  la  Vie  de  Malachie,  dont  il 
est  rendu  compte  ci-dessous,  aux  pages  106  et  107). 

J.  \'e\dryes. 


II 

Life  of  St  Malachx  of  Armagh  b\  St  Bernard  of  Clairvaux,  translated 
by  H.  J.  Lawlor,  with  Introduction,  Notes  and  Index.  London 
and  New-York,  The  Macmillan  Company.  1920.  Ixvj-183  p. 
12  sh. 

La  <(  Society  for  Promoting  Christian  Knowledge  »  (6  St.  Mar- 
tin's  Place,  London  W.  C.  2),  dont  les  publications  sont  bien 
connues  de  tous  ceux  qui  s'occupent  d'histoire  religieuse,  com- 
mence une  série  nouvelle,  consacrée  à  l'hagiographie  celtique.  Trois 
volumes  ont  déjà  paru,  sous  la  direction  de  Miss  Eleanor  Hull. 
Le  premier  que  la  Revue  Celtique  ait  reçu  est  une  traduction  de  la 
Vie  de  saint  Malachie  par  saint  Bernard.  C'est  un  excellent  ouvrage. 
La  traduction  est  précédée  d'une  substantielle  introduction,  oti  la 
figure  du  grand  réformateur  irlandais  est  bien  dessinée  et  replacée 
dans  le  cadre  où  son  activité  se  déploya. 

Mael  Maedoc    Ua   Morgair,   qui  devait  s'illustrer  sous   le  nom 


Bibliographie.  559 

biblique  de  Malachias,  était  né  à  Armagh  en  1094.  Dès  son  enfance 
il  fut  initié  aux  pratiques  pieuses  par  le  saint  ermite  Imar  O'Hagan 
(1042-1126),  qui  lui  inspira  en  outre  l'idée  d'une  réforme  religieuse, 
alors  désirée  par  beaucoup  d'esprits.  Ordonné  prêtre  en  11 19  par 
l'évéque  Cellach  (1080-1129),  abbé  d'Armagh,  lui-même  partisan 
d'une  réforme,  il  fut  choisi  par  celui-ci    comme  son  vicaire  et  eut 
ainsi  l'occasion  pour  ses  débuts  ecclésiastiques  d'appliquer  dans  le 
diocèse  d'Armaghles  principes  réformistes  qu'il  avait  conçus.  Afin 
de  perfectionner  sa  doctrine,   il   alla  passer  trois  ans  à  Lismore 
auprès  de  iMalchus  (Mael  Isa  Ua  hAinmire),  .ancien  évêque  de  Wa- 
terford,  depuis  archevêque  de  Cashel.    Ce  Malchus    avait   été   au 
fameux  synode  de  Rathbreasail  en  11 10  le  promoteur  d'une  réor- 
ganisation   de  l'église  d'Irlande    sur  le   plan  catholique  romain. 
Auprès  de  Malchus,  Malachie  s'imprégna  de  l'esprit  de  Rome  ;  à 
Lismore,  il  eut  en  outre  l'avantage  de  faire  la  connaissance  de  Cor- 
mac  Mac  Carthy,  fils  du  roi  de  Desmond,  alors   en  exil,  et  avec 
lequel  il  noua  des  relations  d'amitié  qui  lui  furent  précieuses.  En 
II 24,  il  revint  à  Armagh,  où  le  rappelaient  Imar  et  Cellach  ;  puis, 
étant  déjà  abbé  de  Bangor,  il  fut  sacré  évêque  par  Cellach  et  chargé 
du  diocèse  de  Connor.  Il  continua  d'ailleurs  à  résider  à  Bangor. 
Mais  en  1127,  le  roi  Conor  O'Loughlin  l'en  chassa,  et  il  dut  cher- 
cher un  refuge  à  Lismore,  puis  gagna  le  Kerry  et  s'arrêta  à  Iveragh, 
où  il  fonda  un  monastère.  C'est  là  qu'il  reçut  la  nouvelle  de  la  mort 
de  l'archevêque  Cellach.  La  succession  de  ce  dernier  se  présentait 
dans  des  circonstances  graves  pour  l'église  d'Irlande  :  choisirait-on 
l'archevêque  d'Armagh  conformément  aux  vieilles  traditions  pour 
résister  aux  projets  de  réforme  qu'avait  établis  le  synode  de  Rath- 
breasail et  auxquels  feu  Cellach  avait  lui-même  collaboré  ;  ou  bien 
entrerait-on  résolument  dans  la  voie  des  réformes  en  faisant  choix 
d'une  personnalité  vigoureuse  et  active  ?  La  lutte  fut  longue  et  âpre. 
On  donna  d'abord  le  siège  successivement  à  deux  parents  de  Cel- 
lach, malgré  les  vœux  d'une  partie  du  clergé.   C'est  seulement  en 
1137  que,  grâce  à  divers  appuis,  Malachie  obtint  l'archevêché  d'Ar- 
magh. Mais  dès  qu'il  fut  en  possession  de  ce  siège,  il  résigna  ses 
fonctions   et  demanda   à   retourner  à  Bangor   comme   évêque  de 
Down  I  faisant  nommer  à  sa   place  Gelasius  (Gilla    Meic    Liaig, 
1087-1 174)  comme  archevêque   d'Armagh.  De  Bangor,  Malachie, 
tout  en  dirigeant  les  affaires  de  son  diocèse,  manifesta  son  autorité 
en   réglant  plusieurs   questions  générales  intéressant  les  diocèses 

I .  Le  diocèse  de  Connor  venait  alors  d'être  divisé  en  deux  parties  ;  la 
partie  méridionale  qui  comprenait  Bangor  prit  le  nom  de  diocèse  de  Down. 

Rei-ue  Celtique,  XXXVIII.  23 


j40  Èlhliographié. 

voisins  et  môme  l'église  d'Irlande  entière.  Mais  il  lui  nlîlnquaît  Ll 
consécration  d'une  visite  à  Rome.  Il  se  décida  à  l'entreprendre  en 
1139.  Reçu  par  le  pape  Innocent  II,  il  obtint  de  lui  les  fonctions  de 
légat  apostolique  en  Irlande  en  remplacement  de  l'évéque  de  Lime- 
rick,  Gilbert,  premier  titulaire  de  l'emploi,  mais  alors  trop  vieux 
et  infirme.  Pendant  les  huit  dernières  années  de  sa  vie,  Malachie 
tut  vraiment  le  chef  spirituel  de  l'église  d'Irlande. 

Le  voyage  de  Malachie  à  Rome  fut  des  plus  heureux  puisqu'à 
l'aller  comme  au  retour  il  s'arrêta  à  Clairvaux  auprès  de  saint  Ber- 
nard. Celui-ci,  qui  devait  lui  survivre  pendant  cinq  années  et  écrire  sa 
biographie,  était  son  aîné  de  trois  ans.  Il  s'établit  entre  eux  immé- 
diatement une  affection  solide.  C'est  au  cours  d'un  second  voyage 
sur  le  continent,  qu'étant  de  passage  à  Clairvaux,  Malachie  mourut 
le  2  novembre  1148  entre  les  bras  de  saint  Bernard.  Ce  dernier 
manifesta  d'une  façon  touchante  la  douleur  que  lui  causa  cette 
perte.  Malachie  fut  enterré  à  Clairvaux  dans  les  vêtements  de  Ber- 
nard, et  quand  Bernard  mourut,  on  revêtit  son  cadavre,  comme  il 
l'avait  demandé,  des  vêtements  de  Malachie  avant  de  l'enterrer 
auprès  de  son  ami.  Le  trésor  de  la  cathédrale  de  Troyes  contient 
ime  châsse  provenant  de  l'abbaye  de  Nesle  la  Reposte,  dans  laquelle 
sont  réunis  des  reliques  de  saint  Bernard  et  le  crâne  de  saint  Mala- 
chie. Touchant  symbole  de  l'affection  qui  les  unissait  durant  leur 
vie  !  Ces  deux  hommes  étaient  bien  faits  pour  se  comprendre.  Ils 
avaient  tous  deux  l'âme  énergique  et  autoritaire,  la  volonté 
inflexible  vers  le  but  une  fois  fixé.  Dans  un  monde  qui  possédait 
déjà  Abélard  et  Suger,  ils  restent  deux  figures  éminentes  ;  ils  se  mon- 
trèrent ouvriers  actifs  de  ce  mouvement  de  renaissance  intellec- 
tuelle et  morale  qui  s'épanouit  au  xu^  siècle  en  Irlande  comme  sur 
le  continent.  Ce  furent  surtout  deux  réformateurs  religieux.  On 
sentait  partout  le  besoin  d'une  discipline  plus  sévère.  A  la  même 
époque,  Arnauld  de  Brescia  sacrifiait  sa  vie  au  zèle  des  réformes. 
Malachie  et  Bernard  furent  plus  heureux  que  lui,  parce  qu'ils 
vivaient  éloignés  des  intrigues  et  des  scandales  qui  déshonoraient 
la  cour  de  Rome.  Au  fond  de  sa  solitude,  saint  Bernard  était 
l'oracle  de  la  France  et  de  l'Europe  ;  il  avait  su  concilier,  comme 
dit  Voltaire,  le  tumulte  des  affaires  avec  l'austérité  de  son  état;  et 
il  s'était  acquis  auprès  des  princes  et  des  peuples  cette  considé- 
ration et  ce  crédit  personnels  qui  sont  au-dessus  de  l'autorité 
même  '. 


I.   Voir  Josef  Thiel,  Die  politiscbe  TiiLigkeit  des  Abtes  Bernbard  von  Clair- 
vaux (dissertation  de  l'Université  de  Kônigsberg).    Braunsberg,  J.  A.  Wi- 


Bibliographie.  341 

C'est  aussitôt  après  la  mort  de  Malachie  que  saint  Bernard  écri- 
vit sa  biographie,  dès  les  dernières  semaines  de  1148  apparemment. 
Dans  la  Vision  de  Tondale,  écrite  par  Marcus  au  plus  tôt  en  1149, 
il  est  question  de  cette  biographie  comme  étant  en  cours  de  trans- 
cription (éd.  V.  Friedelet  K.  Meyer,  p.  vj-xij,  Ixv,  n.  3  et  88  n.  8  ; 
cf.  Ret>.  Celt.,  XXVlII,4ii).  En  écrivant  la  vie  de  son  ami  défunt, 
saint  Bernard  se  proposait  surtout  un  but  d'édification.  Aussi  cède- 
t-il  souvent  à  la  tendance  d'expliquer  par  une  intervention  divine 
les  moindres  succès  de  Malachie  et  d'introduire  le  miracle  dans 
beaucoup  de  ses  actes.  Pour  qui  connaît  cependant  les  règles  habi- 
tuelles de  l'hagiographie,  dont  la  première  est  que  toute  vie  de 
saint  doit  être  une  épopée  de  miracles,  celle  de  Malachie  a  un  air 
de  vérité  qui  frappe.  Les  miracles  qui  lui  sont  attribués  sont  d'un, 
type  banal  et  classique,  sans  donner  dans  l'excessif  ou  l'extrava- 
gant '.  Le  saint  guérit  de  nombreux  malades  2,  chasse  des  démons, 
fait  parler  des  muets,  voir  des  aveugles,  marcher  des  paralytiques, 
favorise  des  accouchements  difficiles,  provoque  des  pêches  mira- 
culeuses, découvre  et  punit  des  coupables,  rétablit  la  paix  par  son 
intercession,  remédie  à  maint  cas  désespéré.  La  plupart  du  temps, 

chert,  1885  ;  mais   consulter  surtout  E.  Vacandard,   Vie  de  saint  Bernard, 
ahhc  de  Clairvaux,  4^  éd.,  Paris,  1910,  2  vol.  12"  deLlv-516  et  576  pages. 

1.  Certains  des  miracles  de  Malachie  ont  même  sous  la  plume  de  saint 
Bernard  une  couleur  de  vraisemblance.  On  est  tenté  de  les  interpréter 
rationnellement  comme  le  fait  par  exemple  M.  Lawlor  à  la  page  57.  Mais 
il  faut  bien  se  garder  de  ces  interprétations  rationalistes  qui  font  croire  à  un 
événement  naturel  transposé  par  une  erreur  de  l'imagination  dgns  le  monde 
surnaturel.  Elles  ont  un  double  inconvénient.  Le  premier  est  que  par  elles 
on  supprime  le  miracle  en  croyant  l'expliquer  :  or  le  miracle  est  un  phéno- 
mène normal  dans  la  vie  psychique  de  l'humanité  et  on  doit  l'admettre 
comme  tel.  Le  second  inconvénient  est  qu'en  supposant  à  la  base  du 
miracle  un  fait  matériel,  on  prend  celui-ci  comme  acquis,  on  lui  donne  une 
valeur  authentique  alors  que  la  matérialité  même  du  fait  appartient  souvent 
au  miracle  et  doit  être  considérée  comme  un  produit  de  l'imagination  tra- 
vaillant dans  le  merveilleux. 

2.  Parmi  les  malades  illustres  que  guérit  Malachie,  saint  Bernard  men- 
tionne un  certain  comte  Dermot,  qu'il  donne  d'ailleurs  pour  un  méchant 
homme,  sensuel  et  débauché  (Lawlor,  p.  90).  Le  miracle  de  Malachie  ser- 
vit peut-être  les  passions  de  ce  prince  indigne,  mais  beaucoup  moins  les 
intérêts  de  l'Irlande.  Suivant  la  note  de  M.  Lawlor,  il  faudrait  voir  en  effet 
dans  ce  comte  Dermot  le  fameux  roi  de  Leinster  Dermot  Mac  Murrough 
(Diarmaid  Mac  Murchadha),  qui,  après  avoir  enlevé  la  femme  du  roi  de 
Brethfne,  Dervorgilla  (Dearbhforgaill),  appela  dans  l'ile  les  troupes  de 
Strongbow  et  fut  le  promoteur  de  la  conquête  anglaise. 


342  Bibliographie. 

il  reproduit  exactement  les  miracles  d'illustres  devanciers,  Moïse, 
Elisée,  saint  Paul,  le  Christ  lui-même.  Le  biographe  ne  manque  pas 
de  souligner  ces  coïncidences  par  des  citations  de  l'écriture.  Sa 
langue  en  est  d'ailleurs  toute  farcie  ;  sa  pensée  même  semble  faite 
d'un  afflux  continu  de  réminiscences  bibliques.  Mais  il  n'y  a  rien 
de  factice  ou  de  forcé  dans  l'emploi  qu'il  fait  de  la  Bible.  L'ardeur 
de  sa  foi  va  de  pair  avec  l'admiration  que  lui  inspirent  les  vertus 
de  Malachie  ;  toutes  deux  s'expriment  avec  une  générosité,  une 
sincérité  qui  font  de  cette  biographie  un  beau  document  de  gran- 
deur morale. 

C'est  aussi  un  précieux  document  historique.  Surtout  lorsqu'on 
en  peut  compléter  les  données  par  celles  que  fournissent  les 
Annales,  tirées  de  sources  tout  à  fait  indépendantes,  on  a  de 
grandes  chances  de  tenir  la  vérité.  C'est  le  cas  le  plus  souvent.  11 
est  assez  rare  que  saint  Bernard  se  trouve  en  défaut,  par  suite  d'une 
défaillance  de  mémoire  ou  d'une  confusion  de  faits  (Lawlor,  p.  35, 
p.  166).  Dans  l'ensemble,  la  tendance  à  la  glorification  du  héros 
et  à  l'édification  du  lecteur  une  fois  admise,  sa  véracité  n'est  pas 
douteuse.  Il  était  par  malheur  imparfaitement  au  courant  des 
choses  d'Irlande,  et  parfois  il  les  a  mal  comprises  et  mal  rendues. 
De  là  des  erreurs  de  bonne  foi.  Voici  un  cas  par  exemple  où  son 
témoignage  est  suspect.  L'effrayant  tableau  qu'il  trace  de  l'état 
moral  de  l'Irlande  au  début  du  xii'^  siècle  (Lawlor,  p.  37)  a  été 
souvent  reproduit  pour  montrer  en  quelle  barbarie  le  pays  était 
tombé  et  quel  dut  être  l'effort  providentiel  de  Malachie  pour  y 
ramener  en  quelques  années  la  civilisation  et  la  prospérité. 
Saint  Bernard  a  dû  exagérer  dans  chacun  des  diptyques  qu'il 
oppose  :  l'Irlande  avant  et  après  l'apostolat  de  Malachie;  le 
premier  est  poussé  trop  au  noir,  le  second  brille  de  couleurs  trop 
claires.  La  conviction  qu'il  mettait  à  glorifier  Malachie  l'a  entraîné 
à  chercher  des  effets  de  rhétorique. 

Cette  observation  n'est  pas  pour  rabaisser  les  mérites  de  Malachie; 
ils  sont  de  premier  ordre.  Rien  de  plus  agité,  de  plus  tourmenté 
que  sa  vie  ;  rien  de  plus  vigoureux  que  l'énergie  par  laquelle  il 
triompha  des  difficultés  qu'il  rencontra.  Cet  apôtre  zélé  était  en 
même  temps  un  habile  politique.  Il  sut  tirer  parti  des  dissensions 
qui  séparaient  les  princes  irlandais.  Cormac  Mac  Carthy,  roi  de 
Desmond,  était  en  butte  à  l'hostilité  de  son  puissant  voisin  le  roi 
de  Connaught,  Turlough  O'Conor;  celui-ci  excita  contre  lui  son 
propre  frère,  Donough  Mac  Carthy.  Cormac  fut  soutenu  par  le  roi 
de  Thomond  Conor  O'Brien,  mais  tous  deux  battus  perdirent 
leur  trône.  Malachie  les  aida  à  y   remonter.  En  reconnaissance, 


Bibliographie.  343 

Cormac  accorda  des  privilèges  avantageux  à  Tévêque  de  Cashel, 
dont  il  transforma  le  siège  en  archevêché  ;  c'est  Cormac  qui  fit 
bâtir  à  Cashel  la  fameuse  chapelle  qu'on  y  admire  encore  aujour- 
d'hui. Lorsqu'à  son  tour  Malachie  éprouva  des  difficultés,  Cormac 
et  O'Brien  vinrent  le  soutenir  les  armes  à  la  main  contre  le  roi 
d'Oriel  Conor  O'Loughlin  en  1 1 34.  Ils  contribuèrent  ainsi  à  lui  faire 
obtenir  le  siège  archiépiscopal  qu'on  lui  disputait  après  la  mort  de 
Cellach.  Un  autre  appui  de  Malachie  fut  certainement  Donough 
O'Carroll,  qui  s'était  emparé  du  trône  d'Oriel  après  le  meurtre 
de  Conor  O'Loughlin  en  11 36  (Lawlor,  p.  58  et  170).  On  lit  ainsi 
entre  les  lignes  de  la  biographie  tout  un  jeu  serré  d'intrigues  com- 
pliquées où  le  génie  tenace  et  patient  de  Malachie  brisa  bien  des 
résistances  civiles  et  religieuses.  La  façon  dont  il  vint  à  bout  de 
ce  Niall,  Nigellus  nigerrimus,  comme  l'appelle  saint  Bernard 
(p.  50  et  suiv.)ou  dont  il  se  fit  remplacer  par  Gelasius  sur  le  siège 
archiépiscopal  (p.  62),  dénote  un  politique  consommé.  Les  succès 
de  Malachie  s'expliquent  en  grande  partie  par  l'appui  des  princes 
du  temps.  Mais  ces  princes  ne  jouent  dans  la  biographie  qu'un 
rôle  terne  et  effacé  K  A  peine  saint  Bernard  les  désigne-t-il  par 
leur  nom  ;  on  dirait  des  figures  de  second  plan,  presque  des 
comparses.  Effet  d'optique  dont  il  ne  faut  pas  être  dupe  !  Ces 
princes  furent  de  taille  aussi  à  mener  le  jeu  et  utilisèrent  Malachie 
dans  leur  intérêt  comme  Malachie  se  servait  d'eux-mêmes.  En 
concentrant  toute  la  lumière  sur  son  héros,  saint  Bernard  laisse 
dans  l'ombre  certaines  figures  qui  ont  dû  dans  la  réalité  briller 
souvent  au  premier  plan. 

Grâce  à  ses  appuis  politiques,  Malachie  put  mener  à  bonne  fin 
l'œuvre  religieuse  qui  était  le  but  unique  de  ses  efforts.  L'église 
d'Irlande  souffrait  gravement  de  l'anarchie  et  du  désordre(v.  Lawlor, 
p.  léi  et  ss.).  Malachie  prit  d'abord  à  tâche  de  rétablir  la  fermeté, 
l'intégrité  de  la  doctrine  :  c'était  un  défenseur  de  la  foi,  plein  de 
chaleur  dans  l'expression  de  ses  convictions,  plein  de  zèle  pour 
les  imposer  aux  autres  (rè;'(/.,  p.90  et  suiv.)  ;  saint  Bernard  célèbre 
l'ardeur  avec  laquelle  il  combattit  ceux  qui  doutaient  de  la  trans- 
substantiation {ihïd.,  p.  loi).  La  discipline  ecclésiastique  s'était 
gravement  relâchée.  Il  y  avait  en  Irlande  un  grand  nombre  d'évêques 

I.  La  Vision  de  Tondale  donne  parfois  une  impression  plus  exacte  de  la 
réalité.  Ce  texte,  qui  provient  du  Desmond,  fait  en  particulier  du  roi 
Cormac  Mac  Carthy  un  portrait  peu  flatteur  (éd.  Meyer-Friedel,  p.  44  et 
suiv.).  Saint  Bernard  a  évité  de  montrer  dans  son  vrai  jour  ce  prince  ami 
et  protecteur  de  Malachie. 


344  Bibliographie. 

sans  diocèse,  et  ces  episcopi  uagantes,  en  rabaissant  le  prcsti2;e  du 
titre,  nuisaient  à  l'autorité  de  la  hiérarchie  (Jhid.,  p.  46).  Malachie 
mit  bon  ordre  à  conjurer  ce  danger.  En  outre,  beaucoup  d'abbés 
étaient  mariés  (p.  45),  c'est-à-dire  que  beaucoup  d'abbayes  étaient 
données  à  des  laïcs,  par  droit  de  naissance  ou  par  faveur  (voir  le 
tableau  des  successeurs  de  saint  Patrice,  reproduit  par  M.Lawlor, 
p.  164).  Grâce  aux  efforts  de  Malachie,  ce  désordre  cessa.  Ainsi 
sur  tous  les  points  il  restaurait  la  discipline,  imposait  la  règle  et 
l'unité.  Il  se  donnait  en  cela  comme  le  représentant  du  Saint-Siège 
et  se  réclamait  de  l'autorité  romaine.  On  peut  voir  p.  65  le  soin 
qu'il  prenait  à  faire  confirmer  par  le  pape  ses  prérogatives.  Il  fit 
triompher  en  Irlande  les  idées  romaines.  Sans  doute  suivait-il 
l'exemple  de  l'archevêque  Cellach,  qui  avait  été  déjà  au  synode  de 
Rathbreasail  le  champion  de  la  politique  romaine.  Mais  après  la 
mort  de  Cellach,  on  put  craindre  un  changement  de  direction. 
Avec  des  chefs  comme  Murtough  ou  Niall  l'église  d'Irlande  eût 
pu  s'engager  dans  la  voie  du  schisme.  Malachie  d'une  main  solide 
la  fit  rentrer  dans  le  giron  de  l'église  romaine.  Elle  n'en  devait 
plus  sortir.  C'est  Malachie  qui  fit  vraiment  de  l'Irlande  une  Isle  de 
Papimanes.  Le  mouvement  de  «  conversion  »  qu'il  accomplit  en 
Irlande  et  qui  s'était  produit  deux  siècles  plus  tôt  dans  un  autre 
pays  celtique,  la  Bretagne  (v.  Rev.  Celt.,  t.  XXXVII,  p.  139),  fut 
aux  yeux  de  saint  Bernard  son  principal  titre  de  gloire.  La  biogra- 
phie qu'il  lui  consacra  avait  au  fond  pour  but  de  faire  ressortir  ce 
mérite  si  éminent.  C'est  une  œuvre  d'apologétique  en  faveur  du 
catholicisme  romain. 

J.  Vendryes. 


III 

Newport  I.  D.  White,  St.  Patrick,  his  xvritings  and  life.  London 
and  New-York,  The  Macmillan  Company.  1920, 142  p.  12°.  6  s. 
6  d. 

Ce  petit  livre  fait  partie  de  la  même  collection  que  la  vie  de 
saint  Malachie,  dont  il  est  rendu  compte  précédemment.  Il  n'a 
aucune  prétention  à  l'originalité.  Les  écrits  de  saint  Patrice  ont 
déjà  été  maintes  fois  publiés  et  traduits  en  anglais  ;  et  M.N.J.D. 
White,  qui  est  un  spécialiste  de  la  littérature  patricienne,  a  lui- 
même  donné  une  édition  avec  commentaires  des  Libri  Sancti  Patri- 
cii  dans  les  Proccediugs  of  the  Royal  Irish  Acadciny,\o\.  XXV,  sect.C, 
n°  7  (1905).  Le  recueil  qu'il  publie  aujourd'hui  comprend  en  tra- 


BiblîograpJjie.  345 

duction  anglaise  la  Coiifessio,VEpisioIa  dite  aâ  Coroticum ,  la  Lorica, 
les  Dicta  du  Book  of  Armagh  et  enfin  la  Vila  Patricii  écrite  par 
Muirchu.  Tous  ces  documents  nous  ont  été  transmis  en  latin  ', 
sauf  la  Lorica,  dont  l'original  est  en  irlandais  {Thés.  Pal.-l)ib.,  II, 
354)  et  qui  est  donnée  ici  d'après  la  traduction  anglaise  d'Atkin- 
son,  corrigée  sur  quelques  points  par  M.  E.  J.  Gwynn  ou  par 
Miss  E.  Knott.  Les  traductions  sont  précédées  de  courtes  introduc- 
tions et  suivies  de  notes.  En  tête  de  l'ouvrage  est  placée  une 
introduction  générale  sur  saint  Patrice.  L'auteur  y  résume 
quelques-unes  des  questions  traitées  par  lui  dans  ses  Lihri  S. 
Palricii  ;  il  s'y  inspire  aussi  du  beau  livre  de  M.  Bury,  Life  of 
St .  Palrick,  dont  il  discute  cependant  certaines  assertions  de  détail. 
En  général,  c'est  l'enseignement  de  M.  Bury  que  l'on  retrouve  ici. 
M.  White  accepte  les  données  fournies  par  les  documents  et  s'ef- 
force simplement  de  les  accorder.  Aussi  bien  son  livre  ne  visait-il 
aucun  but  de  controverse  ou  de  nouveauté.  C'est  un  ouvrage  de 
vulgarisation,  pratique  et  commode,  comparable  à  celui  qu'a 
composé  pour  les  Français  M.  G.Dottin  il  y  a  quelques  années,  les 
Livres  de  saint  Patrice,  apôtre  de  F  Irlande  (v.  Revue  Cet  tique, l.XW, 
92).  La  brochure  de  M.  Dottin  ne  contient  pas  la  Vita  de  Muirchu; 
en  revanche  on  y  trouve,  traduit  de  l'irlandais,  l'Hvmne  de  Fiace 
sur  saint  Patrice  que  M.   White  a  laissé  de  côté. 

J.  \'exdryes. 


IV 

Maurice  Cahex.  La  libation,  étude  sur  le  vocabulaire  religieux  du 
vieux- Scandinave.  Paris,  Champion.   1921.  325  p.  8°. 

On  ne   saurait  trop  engager  les  celtistes  à  lire  cet  ouvrage,  qui 
vient  de   mériter  à   son  auteur  le  s^rade  de  docteur  es  lettres  avec 


I.  Les  sources  auxquelles  ont  puisé  aussi  bien  Muirchu  que  Tirechàn 
paraissent  avoir  été  écrites  en  irlandais  (voir  les  articles  de  M.  Burv  dans 
l'Euglish  Histor.  Review  d'avril  1902  et  de  juillet  1904  ainsi  que  le  livre 
du  même,  L'fe  of  S  t  Patrick,  p.  250  et  258).  11  y  a  de  ce  fait  plusieurs 
preuves  tirées  de  la  langue.  A  celles  qui  ont  été  données  on  peut  joindre 
la  suivante,  qui  ressort  d'une  phrase  de  Tirechàn  conservée  dans  le  Book 
of  Armagh  (Trip.Life,  éd.  Stokes,  p.  528):  quia  dénier  si  sunt  duo  pueri  de 
piieris  Patricii  in  Saeli.  Sur  l'hibernisme  duo  pueri  de  puer  is,  voir  Rev.  Cet  t., 
XXXVII,  286.  On  a  bien  souvent  relevé  des  latinismes  dans  les  textes 
celtiques  traduits  du  latin  ;  mais  il  ne  manque  pas  non  plus  de  celticismes 
dans  les  textes  latins  traduits  de  langues  celtiques. 


34^  Bibliographie. 

mention  très  honorable.  Outre  qu'ils  y  goûteront  l'agrément  d'une 
érudition  très  riche  sous  une  forme  claire  et  aisée,  ils  y  trouve- 
ront dans  les  principes  de  la  doctrine  et  dans  les  détails  de  l'exposé 
mainte  suggestion  utile  à  retenir. 

M.  Cahen  renouvelle  la  méthode  de  la  science  étymologique. 
11  est  parti  de  cette  idée  que  le  vocabulaire  est  lié  aux  faits  sociaux 
et  en  reflète  exactement  les  transformations.  Déjà  l'école  de 
M.  Meringer  a  réagi  contre  les  fâcheuses  tendances  de  l'étymologie 
formelle,  qui  ramène  toute  la  vie  des  ipots  à  des  figures  de  pensée 
ou  à  des  jeux  de  phonèmes  et  se  déclare  satisfaite  quand  elle  a  res- 
titué pour  chaque  mot  un  prototype  très  ancien,  d'autant  plus 
satisfaite  même  que  le  prototype  restitué  est  pour  la  forme  et  le 
sens  plus  éloigné  du  mot  existant.  Les  collaborateurs  de  Worter 
iiiid  Sackeii  ont  eu  le  grand  mérite  d'établir  la  nécessité  de  ne  pas 
séparer  les  choses  des  mots.  Mais  ils  ont  généralement  opéré  sur 
des  mots  qui  désignaient  des  objets  matériels  ;ils  n'ont  guère  ajouté 
à  l'étymologie  que  l'étude  de  l'outillage'  (v.  Rev.  Celt.,  XXXIV, 
228).  Innovation  fort  utile  sans  doute,  qui  cependant  ne  suffit 
pas  !  Car  les  transformations  des  mots  de  civilisation  ne  sont  pas 
réglées  seulement  par  les  progrès  de  l'outillage  ;  elles  dépendent 
aussi  de  la  valeur  symbolique  des  actes  que  ces  mots  désignent. 
Dans  l'esprit  de  ceux  qui  parlent,  les  mots  ont  une  sphère  d'évo- 
cation, plus  ou  moins  vaste,  formée  par  les  représentations  qui  en 
émanent  ;  et  comme  ces  représentations  sont  imposées  à  l'esprit 
des  individus  par  les  habitudes  de  la  collectivité  au  milieu  de 
laquelle  ils  vivent,  on  ne  peut  expliquer  les  transformations  du 
vocabulaire  sans  tenir  compte  de  la  mentalité  des  groupes  sociaux 
organisés.  Le  linguiste  qui  fait  de  l'étymologie  doit  s'aider  du 
travail  des  sociologues.  Inversement  les  sociologues  peuvent 
apprendre  beaucoup  des  linguistes  ;  caries  transformations  du  sens 
des  mots  traduisent  celles  des  idées  collectives,  des  institutions  et 
des  moeurs.  L'ouvrage  de  M.  Cahen  est  la  meilleure  preuve  des 
heureux  résultats  qu'on  peut  attendre  d'une  collaboration  de  la 
linguistique  et  de  la  sociologie. 

Le  sujet  qu'il  a  choisi  était  particulièrement  propre  à  illustrersa 
doctrine.  Il  s'est  proposé  d'étudier  les  mots  Scandinaves  relatifs  à 
la  «  libation  »,  entendant  par  libation  «  l'acte  de  boire  selon 
certains  rites  une    quantité    déterminée  de    liquide  consacré  aux 

I.  Toutefois,  le  travail  de  M.  Murko  intitulé  dtis  Grab  ah  Tisch  {W. 
;/.5.,II,  79-160)  traite  d'une  institution  sociale  et  religieuse  et  mérite 
une  partie  des  éloges  qui  sont  décernés  ci-dessus  à  la  thèse  de  M.  Cahen. 


Bib  liographie .  347 

dieux  »  (p.  205).  On  rencontre  la  libation  dans  le  monde  iranien 
(Hérodote,  1, 133  et  Strabon  XV,  11,  20)  ;  mais  c'est  dans  le  monde 
germanique,  dès  l'époque  la  plus  reculée  (Tacite,  Germ.,  23), 
qu'elle  apparaît  le  mieux,  sous  la  forme  de  bière,  comme  une 
institution  essentielle  de  l'organisation  sociale  et  de  la  vie  religieuse. 
Grâce  au  Heîmskriiigla  de  Snorre  Sturluson,  c'est  la  libation  en 
usage  chez  les  peuples  Scandinaves  que  nous  connaissons  avec  le 
plus  de  précision.  Cette  institution,  avec  toute  la  variété  de  rites, 
de  cérémonies,  de  personnel  et  d'ustensiles  qu'elle  compor- 
tait, a  survécu  à  .la  conversion  des  peuples  Scandinaves  au  chris- 
tianisme ;  mais  en  s'adaptant  aux  idées  nouvelles  et  en  se  transfor- 
mant. M.  Cahen  en  suit  les  transformations,  d'après  le  sens  des 
mots  qui  s'y  rapportent.  Il  montre  comment  les  faits  de  vocabulaire 
traduisent  fidèlement  les  usages  sociaux  aussi  bien  dans  les  noms 
de  la  libation  elle-même  que  dans  ceux  des  fêtes  qu'elle  constituait, 
du  liquide  qu'on  y  employait,  des  personnes  qui  y  prenaient  part. 
A  la  fois  linguiste  et  germaniste,  il  fait  preuve  d'une  richesse  de 
documentation  et  d'une  finesse  d'interprétation  qui  lui  font  le  plus 
grand  honneur. 

La  bière  tenait  une  place  considérable  dans  la  société  Scandinave. 
Il  ne  semble  pas  qu'elle  en  ait  jamais  eu  de  pareille  chez  les  peuples 
celtiques.  Sans  doute,  ceux-ci  connaissent  la  bière,  qui  même 
avait  chez  eux  un  nom  spécial  :  gaulois  xopaa  ou  xo-joa-.,  irlandais 
cuinn,  gallois  ciunuf.  Chez  les  Gaulois,  la  bière  était  la  boisson 
des  classes  pauvres,  au  dire  de  Posidonius  (ap.  Athénée,  IV,  151); 
et  l'historien  grec  ajoute  que  toas  les  convives  buvaient  à  la  même 
coupe;  un  garçon  faisait  passer  la  coupe  à  la  ronde  en  allant  de 
droite  à  gauche.  En  Irlande,  les  héros  de  la  Branche  rouge  ne  se 
privaient  pas  de  boire  de  la  bière  ;  c'est  apparemment  une  sorte  de 
bière,  sous  le  nom  de  liud  soôla  «  liquide  savoureux  »,  qui  est 
offerte  à  Fer  Diad  dans  un  épisode  de  la  Tâin  et  qui  lui  cause 
une  douce  et  joyeuse  ivresse  (^cor  ho  mesc  rnedarchàin  é,  1.  3025 
éd.Windisch).  Le  mot  liiid  paraît  souvent  employé  pour  désigner 
la  bière.  Ainsi  dans  la  Fled  Bricrend,  §  16  (L.  U.  loi  b  15)  : 
fodailter  iar  sudiu  hiad  oais  lind  doih...  ocus  gabsus  meisce  (cf. 
§90,  L.U.  ii2a34et/r.  Texk,l\,  i,  p.  180,  1.  178).  On  le 
trouve  plus  explicitement  employé  en  composition  :  brakh-lind 
«  liquide  à  malt  «  {F.  Br.  §  53,  L.U.  107  a  4),  cuirm-lind  «  liquide 
de  bière  »  {Acallam  iia  Smorach,  éd.  Stokes,  1.  4687),  ou  derg-lind 
«  liquide  rouge  »  (Hymn.  \',  38,  Thés.  Pal.  hih.,  II,  p.  337  ;  peut- 
être  à  lire  au  lieu  de  deg-liudu.  bon  liquide»  dans  Vlmram  Maclduin, 
§XI,i?<'t'.    G'//.,   IX,   478).  Mais   le  mot   ciiirni,  gén.   connu  ou 


548  Bibliographie. 

coirme  (ancien  thC^me  neutre  devenu  féminin)  est  lui-môme  bien 
attesté  (Windisch,  IVth.,  p.  437  ;  K.  Meyer,  Contrib.,  p.  554; 
R.  Celt.,  XII,  p.  62,  §  21  ;  Ir.  Texte,  l\,  i,  p.  173,  1.  14  et  lé;  etc.). 
Il  y  avait  en  Irlande  des  «  maisons  de  bière  »  (connlhech,  T.  B.C., 
1.  1843  éd.  Strachan  =  L.  U.,  78  b  17  ou  cainnthech,  T. B.C.,  1. 
2498  éd.  Windisch  =  L.L.,  76  b  23)  et  des  «  chants  de  bière  » 
{cormchéol,  Imratn  Maelduin,  §  XXXII,  R.  Celt.,  X,  p.  80)  :  «  on 
chante  des  poèmes  en  buvant  de  la  bière  »,  oc  cormaiui  gaibtir 
diiaua,  dit  le  poème  sur  Aed  du  manuscrit  de  Saint-Paul  {Thés. 
Pal.-hib.,  II,  295  ;  cf.  Festschrift  Sfokes,  p.  6).  La  bière  devait  être 
la  boisson  ordinaire,  habituelle.  Les  Irlandais  espéraient  la  retrouver 
dans  l'autre  monde.  Lorsque  le  dieu  Mider  veut  décider  Elain  à  le 
suivre  dans  son  sid  de  Bregleith,  il  lui  dit  :  cid  mesc  lib  coirm  înse 
Fàil,  is  tncscii  coirm  tire  màir  «  si  enivrante  que  vous  trouviez  la 
bière  de  l'île  Fàl  (l'Irlande),  la  bière  du  Grand  pays  est  plus  eni- 
vrante »  (^Irische  Texte,  I,  133,1.  i).  Dans  le  pays  des  fées,  il  y 
avait  en  effet  entre  autres  merveilles  une  cuve  toujours  pleine  d'un 
liquideexcellent  (Jestar colliiid  sainemail,  L.L.,  246  a  14).  Mais  en 
plus  de  la  bière,  les  Irlandais  connaissaient  l'hydromel  (^mid,  gén. 
medo  ;  cf.  Midchuairt  «  le  Palais  de  l'hydromel  »  dans  la  Fled  Bri- 
crend,  §  2)  et  usaient  de  vin,  naturel  ou  non  (voir  ci-dessus,  p.  19 
et  suiv.).  Les  trois  sortes  de  boisson  sont  souvent  mentionnées 
ensemble  (par  exemple  Fleadh  Duiti  un  ngedh,  éd.  O'Donovan, 
p.  lé,  1.  7  ;  coirm  ocus  fin,  hnram  Maelduin,  §  XX,  i?.  Celt.,  X, 
p.  50).  La  bière  ne  paraît  pas  avoir  eu  en  Irlande  de  caractère  sacri- 
ficiel et  par  suite  n'y  a  pas  joué  de  rôle  particulier  dans  les  insti- 
tutions sociales  ou  religieuses'. 

Il  serait  bien  extraordinaire  cependant  que  l'influence  exercée 
pendant  plusieurs  siècles  par  les  envahisseurs  Scandinaves  sur  la 
société  de  l'Irlande  n'ait  pas  laissé  dans  la  littérature  irlandaise 
quelque  trace  d'un  usage  particulier  de  la  bière  tel  qu'on  le  trouve 
dans  la  littérature  islandaise.  En  voici  un  exemple  qui  ne  paraît 
pas  douteux. 

En  dehors  des  indications  fournies  par  les  Annales, nous  connais- 
sons les  luttes  entre  Scandinaves  et  Irlandais  par  deux  textes 
pseudo-historiques,  le  Cogadh  Gaedhel  re  Gallaihh  [La  guerre  des 
Gaels  contre  les  Vikings],  édité  par  James  H.  Todd  en  1867  dans 
la  collection  des  Masters  of  the  Rolls,  et  le  récit  auquel  O'Curry  a 

I.  La  bière  avait  bien  sa  place  parmi  les  aJa  «  rites  consacrés  «  des  fêtes 
de  Samain  et  de  Beltene,  mais  avec  la  viande,  les  légumes,  les  fruits,  le  lait  ; 
voir  les  quatrains  des  fûtes  reproduits  par  K.  Meyer  dans  les  Hibenika 
Minora,  p.  49. 


Bibliographie.  549 

donné  le  titre  de  Cailhreim  CeUachaiii  Cuisil  [La  carrière  victorieuse 
de  Cellachan  de  Cashel]  ;  ce  dernier  a  été  édité  par  M.  A.  Bugge 
à  Christiania  en  1905.  De  même  que  le  Caifbreini  est  consacré  à  la 
gloire  de  Cellachan,  de  même  le  Cogadh  célèbre  Brian  Borumha. 
L'un  et  l'autre  furent  rois  de  Munster  ;  Cellachan  régna  approxi- 
mativement de  934à954,  date  probable  de  sa  mort  ;  Brian  Borumha, 
qui  devint  roi  suprême  d'Irlande,  est  le  fameux  vainqueur  de  la 
bataille  de  Clontarf,  où  il  périt  en  1014.  Tous  deux  luttèrent  contre 
la  domination  des  Scandinaves,  installés  en  Leinster  ;  et  tous  deux 
descendaient  d'une  même  famille,  ayant  pour  ancêtre  commun 
Ailill  Olura,  roi  de  Munster  vers  237  (voir  le  tableau  généalogique 
dressé  par  O'Donovan,  p.  340  de  son  édition  de  la  Flendh  Dnin 
lia  n-gedh,  Dublin,  1842).  Mais  ils  appartenaient  à  deux  branches 
différentes  de  cette  famille,  Cellachan  aux  Eoganacht  (en  Kerry)et 
Brian  aux  Dal  Cais  (en  Clare).  Ces  deux  familles  par  la  volonté 
de  leur  ancêtre  Ailill  Olum  avaient  des  droits  égaux  à  la  royauté  de 
Cashel  et  la  prenaient  alternativement.  Ailill  Olum  avait  partagé 
le  Munster  en  deux  :  une  part  pour  les  descendants  de  Corniac 
Cais,  son  second  fils  ;  une  autre  pour  ceux  de  Fiachaid  Muillethan, 
fils  de  son  fils  aîné  Eoghan  Môr  (Keating,  Foras  Feasa,  éd.  Din- 
neen,  t.  I,  p.  122  et  t.  Il,  p.  274).  Suivant  la  tradition  latine, 
Procas,  roi  des  Albains,  en  avait  usé  de  même  à  l'égard  de  ses 
deux  fils  Amulius  et  Numitor.  Mais  ce  partage  n'allait  pas  sans 
contestations  (Keating,  t.  III,  p.  198  et  suiv.).  Comme  M. A. Bugge 
le  suppose  avec  vraisemblance  {Caithreim  Cellachain,  p.  xv),  Brian 
Borumha,  après  sa  mort  victorieuse,  ayant  fait  l'objet  d'un  récit 
louangeur,  les  Eoganacht  tinrent  à  ne  pas  rester  en  arrière  des 
Dal  Cais.  De  là  serait  né  le  Caithreim  sur  le  modèle  du  Cogadh.  Les 
deux  récits  ont  en  tout  cas  beaucoup  de  traits  communs  et  sortent 
d'une  inspiration  semblable.  La  ressemblance  s'affirme  jusque  dans 
le  détail  de  la  langue.  Or,  dans  un  épisode  du  Cogadh,  deux  guer- 
riers des  deux  camps  adverses  étant  sur  le  point  d'en  venir  aux 
mains,  le  texte  porte  qu'ils  n'avaient  pas  le  visage  d'amis  buvant 
de  la  bière  {in  ha  haigthi  carat  iiii  chuinn,  Cog.  p.  174,  1.  2).  Même 
phrase  dans  un  épisode  semblable  du  Caithreim  :  nir  aighti  cariit  um 
cuirmagna  curaduihh  «  les  guerriers  n'avaient  pas  le  visage  d'amis 
autour  [ou  au  sujet]  de  la  bière  »  (Cailhr.,  §  77,  p.  44,  1.  3).  La 
phrase  était  consacrée  ;  car  on  la  retrouve  dans  un  troisième  texte, 
la  Togal  Trot,  qui  porte  la  marque  d'influence  Scandinave  (v. 
F.  Liebrecht,  Rev.  Celt.,  V,  399)  et  qui  a  dû  être  rédigé,  sinon  par 
des  gens  au  courant  des  usages  Scandinaves,  du  moins  dans  une 
région  de  l'Irlande  oià  les  Scandinaves    avaient  exercé  leur  action, 


350  Bibliogi'aphie. 

notamment  sur  le  vocabulaire  (v.  A.  Bugge,  Caithreirri,  p.  xvij).  La 
phrase  de  la  Togal  Trôi  est  à  la  ligne  99^  de  l'édition  qu'a  donnée 
Wh.  Stokes  de  ce  teste  (Calcutta,  1882).  L'usage  Scandinave  auquel 
il  y  est  fait  allusion  est  évidemment  le  môisminni,  le  toast  pour 
lequel  les  deux  buveurs  vont  à  la  rencontre  _  l'un  de  l'autre 
(M.  Cahen,  Lihaiioii,  p.  272). 


J.  Vendryes. 


V 


Maurice    Cahen.   Le    mot  «  Dieu  »   en  vieux-scandinave.    Paris, 
Champion,  1921.  85  p.  8°. 

Cet  ouvrage,  qui  a  servi  à  M.  M.  Cahen  de  thèse  complémen- 
taire, s'inspire  de  la  même  doctrine  que  sa  thèse  principale  ;  mais 
l'objet  en  est  plus  limité.  Il  s'agit  d'étudier  comment  un  mot  du 
paganisme  est  passé  dans  le  vocabulaire  chrétien  et  quelles 
innovations  cette  adaptation  a  entraînées.  Le  mot  en  question  est 
celui  qui  désigne  la  divinité.  Il  était  en  germanique  commun 
*guâa-  (got.  gup,  V,  islandais  gop^  v.  anglais  god,  v.  h.  ail.  got). 
M.  Cahen  prend  ce  mot  à  la  date  la  plus  ancienne  où  il  est  attesté 
et  en  suit  minutieusement  l'histoire  dans  les  langues  Scandinaves. 
D'étymologie,  au  sens  où  l'on  pratique  généralement  cette  science, 
il  est  à  peine  question  ici.  Le  mot*o-//(/a-  se  rattache-t-il  à  la  racine 
du  sanskrit  hû-  «  invoquer  »  ou  du  sanskrit  Jm-  «  verser  »  ?  Peu 
importe  à  M.  Cahen.  Ce  qui  est  essentiel  à  ses  yeux,  ce  n'est  pas 
la  reconstitution  plus  ou  moins'arbitraire  du  sens  préhistorique  du 
mot  ;  c'est  la  détermination  du  lien  que  les  sujets  parlants  établis- 
saient entre  le  nom  et  l'objet. 

Conformément  aux  principes  développés  par  lui  dans  sa  thèse 
principale,  il  estime  que  le  «  sens  étymologique  »  n'a  pas  plus 
d'importance  aux  yeux  du  linguiste  qu'à  ceux  du  sujet  parlant  (v. 
la  Libation,  p.  121).  C'est  la  pure  doctrine  de  F.  de  Saussure, 
exposée  dans  la  partie  de  sa  Linguistique  générale,  où  il  traite  de 
linguistique  «  statique  »  ou  «  synchronique  ».  Il  va  sans  dire  que 
la  linguistique  «  diachronique  »  ne  peut  se  passer  de  l'étymologie 
et  qu'on  ne  peut  faire  de  grammaire  comparée  des  langues  indo- 
européennes sans  établir  des  rapprochements  étymologiques  et  sans 
attribuer  aux  «  formes  primitives  »  des  «  sens  primitifs  ».  M. Cahen 
sans  doute  n'y  contredirait  point.  Mais  ici  il  ne  fait  pas  de  préhis- 
toire, et  il  applique  ses  principes,  avec  une  maîtrise  rigoureuse,  à 
résoudre  la  question    de  linguistique  germanique  qu'il  s'est  posée. 


Bibliographie.  ^  5 1 

Les  celtistes  peuvent  tirer  de  son  livre  deux  réflexions  d'ordre 
général.  Elles  ont  toutes  deux  été  exprimées  par  M.  Meillet  lors 
de  la  soutenance  de  la  thèse.  L'une  se  rapporte  au  fait  singulier  que 
les  Germains  ont  perdu  le  nom  indo-européen  du  divin  et  de  la 
divinité,  conservé  par  tous  les  autres  peuples  y  compris  les  Celtes, 
sauf  par  les  Slaves  (v.  slave  bogà  «  Dieu  »).  Le  vieil-islandais 
connaît  encore  le  pluriel /war  «  les  dieux  »,  qui  suppose  un  singu- 
lier *tlwai  (=  *deiuos)  en  germanique  commun  ;  mais  ce  pluriel 
est  attesté  pour  la  dernière  fois  au  xi«  siècle  (iM.  Cahen,  op.  cit., 
p.  18).  Le  singulier  a  disparu  plus  tôt  encore  au  sens  de  «  Dieu  »; 
il  n'a  survécu  au  paganisme  que  comme  nom  propre  d'un  dieu 
païen,  Tyr.  Ce  simple  fait  montre  combien  les  Germains  ont 
rompu  avec  la  tradition  indo-européenne,  combien  leur  civilisation 
est  différente  et  nouvelle.  Les  Celtes,  comme  on  sait,  sont  au  point 
de  vue  religieux  remarquablement  conservateurs  des  vieilles  tradi- 
tions. 

En  même  temps  qu'ils  substituaient  au  vieux  nom  de  la  divinité 
un  nom  nouveau,  les  Germains  donnaient  à  ce  nom  un  genre  qui 
contredit  les  notions  indo-européennes.  Pour  les  Indo-européens 
le  «  Dieu  »  est  un  être  agissant  et  personnel;  aussi  a-t-il  toujours 
le  genre  masculin  dans  les  langues  oia  son  nom  est  conservé.  Au 
contraire  en  germanique  commun  *§'«(/«- est  un  mot  neutre  ;  il  n'est 
redevenu  masculin  que  dans  le  vocabulaire  chrétien  (en  moyen- 
haut-allemand,  abgott  «  idole  »  est  encore  neutre,  tandis  que  got 
est  masculin  dès  les  plus  anciens  textes  du  vieux-haut-allemand). 
Cela  suppose  chez  les  Germains  païens  une  conception  de  la 
divinité  très  différente  de  celle  que  les  autres  peuples  indo-euro- 
péens, Celtes  compris,  pouvaient  avoir. 

J.  Vexdryes. 

.  VI 

Douglas  Hyde.  Gabhaliais  Shearluis  Mhôir  (The  Conquests  of  Char- 
lemagne),  edited  from  the  Book  of  Lismore  and  three  other 
VelluniMSS.  (Irish  Texts  Society,  vol.  XIX).  London.  1917.XV- 
128p.  8°. 

Ce  texte  est  de  la  dernière  période  du  moyen-irlandais.  Il  fait 
partie  d'un  groupe  de  traductions  d'originaux  latins,  français  ou 
anglais  entreprises  aux  xiv<=  et  xv^  siècles,  et  au  nombre  desquelles 
figurent  encore  l'histoire  de  Fierabras  (Rev.  Celt.,  t.  XIX),  la  vie 
de  Bevis  of  Hampton  (v.  Z.  /.  celt.   Phil.,  t.  VI)  et  les  voyages 


351  Bibliographie. 

de  Maundeville.Ces  derniers  ont  été  traduits  en  1475  P^""  ^^  nommé 
Fingin  O'Mahony  (v.  Zeifsch.f.  celt.  Phil.,l.  II).  Les  Conquêtes  de 
Charlemagne,  un  peu  plus  anciennes,  peuvent  avoir  été  mises  en 
irlandais  vers  1400.  Elles  sont  en  tout  cas  traduites  aussi  d'un  ori- 
ginal latin,  qui  n'est  autre  que  la  Chronique  du  Pseudo-Turpin. 

On  sait  quel  succès  cette  chronique  a  obtenu  au  moyen  âge  ; 
inspirée  pour  une  bonne  part  des  chansons  de  geste,  elle  a  utilisé 
la  légende  de  Charlemagne,  qui  existait  bien  avant  elle  ;  mais  en 
donnant  à  celle-ci  une  forme  fixe,  authentiquée  par  le  grand  nom 
de  Tarchevéque  de  Reims  Turpin,  elle  a  largement  contribué  à  la 
répandre.  Rédigée  entre  1140  et  11 50,  la  Chronique  du  Pseudo- 
Turpin  était  avant  la  fin  du  xii^  siècle  copiée  et  recopiée  en  maint 
endroit;  il  en  existe  en  tout  plus  de  soixante  manuscrits  (Baist, 
Z.f.  roman.  Pbil.,  V,  422).  On  en  connaît  sept  traductions  faites 
au  xiii'^  s.  en  français  ou  en  provençal.  Dans  la  seconde  moitié  du 
XIII'-'  s.  elle  fut  traduite  en  gallois  «  par  Madawc  ap  Selyf,  à  la 
prière  et  requête  de  Gruffudd  ab  Maredudd  ab  Owein  »  (^Ystoria  de 
Carolo  Magiio,  éd.  Powel,  p.  28)  :  l'Ystoria  de  Carolo  Magno  est 
faite  de  cette  traduction,  dans  laquelle  ont  été  introduits  deux 
morceaux  tirés  du  Roman  d'OtiieJ  et  de  la  Chanson  de  Roland  (voir 
le  travail  de  M.  Robert  Williams  dans  le  tome  XX  du  Cymmrodor, 
1907).  Bien  que  Charlemagne  ait  été  connu  en  Irlande  fort  ancien- 
nement, puisqu'il  envoya  des  présents  au  monastère  de  Clonmac- 
nois,  où  son  confident  Alcuin  avait  étudié,  c'est,  on  le  voit,  bien 
tardivement  que  sa  légende  a  pénétré  dans  la  littérature  irlandaise  '. 

Le  texte  des  Gabbaîtais  Sbearluis  Mhôir  se  trouve  contenu  inté- 
gralement dans  trois  manuscrits,  le  Book  of  Lismore  (dernière 
moitié  du  xv^'  s.),  un  manuscrit  du  Couvent  des  Franciscains  de 
Dublin  (duxv^  ouxvi»^  s.),  et  le  manuscrit  Egerton  1781  du  British 
Muséum  (copié  en  1487).  Mais  des  fragments  du  même  texte  se 
rencontrent  dans  deux  autres  manuscrits,  conservés  tous  deux  à 
Dublin,  l'un  à  Trinity  Collège  (N°  1504,  H.  2.  12,  copié  en  147s)) 
l'autre  à  King's  Inns  Library(N*'  10).  Il  y  a  entre  ces  divers  manu- 

I.  En  résumant,  p.  vietsuiv.,  l'histoire  de  la  Chronique  du  Pseudo- 
Turpin,  M.  Douglas  Hv'de  ne  se  réfère  qu'à  la  dissertation  de  Gaston  Paris, 
De  PseudO'Turpino,  Paris,  1865.  Il  lui  a  échappé  que  G.  Paris  lui-même  a 
modifié  plus  tard  la  doctrine  exposée  par  lui  dans  cette  dissertation  (voir 
Remania,  t.  XI,  p.  419)  et  surtout  que  M.  Bédier,  dans  sus  Légendes  épiques, 
t.  III,  p.  42-114,  a  donné  sur  la  formation  de  la  Chronique  de  Turpin  une 
théorie  personnelle  qui  renverse  toutes  les  constructions  précédentes  et  se 
rattache  à  la  doctrine  d'ensemble,  si  profonde  et  si  solide,  qu'il  a  fondée 
pour  expliquer  les  chansons  de  geste. 


Ethnographie.  5  5  ^ 

scrlts  certaines  divergences,  qui  font  supposer  plusieurs  intermé- 
diaires entre  eux  et  l'archétype.  Elles  ne  sont  pas  assez  fortes 
pour  qu'on  imagine  des  traduciions  différentes  faites  indépendam- 
ment p.ir  des  personnages  différents;  suivant  M.  Douglas  Hyde 
il  s'agit  bien  d'une  seule  et  même  traduction,  modifiée  seulement 
par  des  transcriptions  successives.  Cette  traduction  prenait  elle- 
même  un  certain  nombre  de  libertés  avec  le  texte  latin,  supprimant 
par  exemple  des  énumérations  de  noms  propres,  surtout  de  noms 
propres  de  villes,  qui  ne  disaient  rien  à  des  lecteurs  irlandais.  Un 
fait  digne  de  remarque  est  l'absence,  dans  tous  les  manuscrits  du 
texte  irlandais  sauf  un  (celui  de  King's  Inns  Library),  de  la  pré- 
tendue lettre  de  Turpin  à  Léoprand  d'Aix-la-Chapelle,  lettre  par 
laquelle  débute  la  Chronique  latine,  mais  qui  manque  également 
dans  le  texte  o-allois  de  VYstoria  de  Caroïo  Miwuo. 

o  o 

M.  Douglas  H3'de  a  pris  comme  base  de  son  édition  le  texte  du 
Bookof  Lismore  ;  il  indique  en  note  les  principales  variantes  des 
autres  manuscrits.  La  langue  est  déjàengrosde  l'irlandais  moderne. 
Les  noms  propres  y  ont  été  très  estropiés.  M.  Douglas  Hyde  a 
identifié  un  certain  nombre  d'entre  eux  ;  quelques-uns  restent 
méconnaissables.  P.  12,  Viterinis  Sensiiim  (ynx.  Buter  nicencium  ou 
putir  insensiuni)  cache  le  nom  des  habitants  de  Béziers  ÇBiterratis, 
plus  anciennement  Baeterrae),  où  il  y  a  en  effet  une  église  Saint- 
Jacques,  qui  remonte  au  xiF  siècle.  P.  24,  Sconnas  ou  Scandas  (à 
lire  Sanctonas)  est  la  ville  actuelle  de  Saintes.  P.  26,  Telahirgus  est 
Taillebourg,  comme  Taranta  (à  lire  Caraiita)  est  la  Charente. 
P.  28  et  78,  Blauini  (Blaiiii)  désigne  la  'ville  de  Blaye  dont  Roland 
était  «comte  »  (v.  Bédier,  Légendes  épiques,  t.  111,  p.  354).  P.  66, 
Baclorum  est  une  corruption  du  nom  des  Basques,  comme  Caislean 
de  celui  de  la  province  de  Castille  et  Vagbete(\-a.v.  Nagedhe)  de  celui 
de  la  ville  de  Najera;  Auladiilue  (var.  Auladulup)  doit  représenter 
l'Andalousie.  Ces  corruptions  ne  sont  pas  plus  étranges  que  celle 
qu'a  subie  le  nom  du  Rhin,  devenu  Vehyn  (p.  107).  P.  68  Iria 
Flauia,  l'endroit  où  la  barque  portant  le  corps  de  l'apôtre  saint 
Jacques  avait  abordé  (Bédier,  op.  cit.,  III,  p.  46)  est  devenu  Siria 
dans  le  texte  irlandais. 

P.  112,  l'explication  du  nom  de  Turpin  Turpinus  quasi  non 
Turpis  rappelle  les  fantaisies  du  grammairien  Virgile  (v.  Zimmer, 
Sitiber.  der.  preuss.  Akad.,  i9io;cf.  i?.  Q//.,  XXXII,  150).  — 
P.  50,  l'adjectif  cennuis  «  doux,  apprivoisé  »  est  ancien  dans  la 
langue,  sous  la  forme  tendais  (K.  Meyer,  Contr.,  p.  341).  — 
P.  68  et  iio,  on  notera  le  nom  donné  à  la  ville  de  Reims,  Remuis 
na  righ  «  Reims  des  rois  ». 


5  54  Bibliographie . 

La  Chronique  du  Pseudo-Turpin  a  été  éditée  par  M.  Castets 
d'après  sept  manuscrits(r//r^/;//  Historia  /vr/ro//,  Montpellier,  1880). 
Celui  qui  entreprendra  d'en  donner  une  édition  définitive  en  con- 
sultant tous  les  manuscrits  fera  bien  de  tenir  compte  de  cette  tra- 
duction irlandaise,  dont  nous  devons  l'édition  à  M.  Douglas  Hyde. 
Par  les  arrangements  et  abrègements  que  son  auteur  a  fait  subir  au 
texte  latin,  le  texte  des  Gahhallais  Sheaduis  Mhoir  oftVe  même  un 
certain  intérêt  pour  l'histoire  de  la  légende  de  Charlemagne. 

J.  Vendryes, 


VII 

Lucien  Foulet.  Pelite  syntaxe  de  V ancien  français.  Paris,  Champion, 
1919.  X-  287  p.  12°.  7  fr. 

D'autres  loueront  ailleurs  avec  plus  de  compétence  et  d'autorité 
les  qualités  de  ce  petit  livre,  où  se  trouvent  pour  la  première  fois 
exposées,  sous  une  forme  élégante  et  précise,  les  règles  syntaxiques 
de  notre  vieille  langue.  M.  Foulet,  qui  fait  preuve  d'un  senti- 
ment très  juste  de  l'évolution  linguistique,  a  fort  bien  dégagé  du 
vieil  usage  les  tendances  qui  devaient  aboutir  dans  le  français  mo- 
derne et  même  contemporain.  Ses  recherches  sont  donc  orien- 
tées dans  le  sens  de  l'histoire  et  n'en  remontent  pas  le  cours.  Il  con- 
vient néanmoins  de  marquer  ici  combien  les  celtistes  peuvent  tirer 
profit  de  son  livre. 

Les  langues  romanes  et  celtiques  ont  en  effet  suivi  des  déve- 
loppements parallèles.  Certains  détails  de  leurs  syntaxes  respectives 
offrent  même  tant  de  ressemblance  qu'on  est  tenté  de  croire  à  des 
emprunts  par  imitation.  Il  y  en  a  d'incontestables  (voir  ci-dessous). 
En  général  cependant  les  faits  n'autorisent  pas  l'hypothèse  de 
l'emprunt.  Il  faut  croire  à  des  tendances  semblables  qui  ont  abouti 
dans  chaque  langue  d'une  façon  indépendante  à  des  résultats  ana- 
logues. Le  vieux  système  grammatical  de  l'indo-européen  devait 
être  gravement  atteint  par  l'altération  des  syllabes  finales.  Là  oià 
ces  syllabes  ont  été  anéanties,  il  a  fallu  refaire  sur  un  plan  tout 
nouveau  le  système  grammatical  de  la  langue.  Mais  les  possibilités 
ne  s'offraient  pas  en  si  grand  nombre  que  la  reconstruction  ait  eu 
lieu  par  des  procédés  sensiblement  différents.  Ainsi  constate-t-on 
dans  la  structure  des  langues  iraniennes  modernes  des  ressemblances 
frappantes  avec  celle  des  langues  romanes  ou  celtiques.  Les  unes 
et  les  autres,  au  cours  de  leur  évolution  ont  eu  à  résoudre  les 
mêmes  difficultés,    mais  à  des  dates  différentes.  Les  langues  ira- 


Bibliographie.  355 

niennes  entre  toutes  ont  évolué  le  plus  rapidement.  Parmi  les  langues 
celtiques,  le  brittonique  a  évolué  plus  vite  que  l'irlandais,  comme 
parmi  les  langues  germaniques  l'anglais  plus  vite  que  l'allemand. 
Il  y  a  entre  le  vieux  français  et  le  brittonique  une  différence  de 
date  dans  l'évolution  :  celui-ci  est  généralement  en  avance  sur  celui- 
là. 

Partout,  l'évolution  a  consisté  en  ce  que  le  mot  a  perdu  l'auto- 
nomie et  la  plénitude  qu'il  avait  en  indo-européen.  Les  noms  en 
particulier  sont  devenus  des  symboles  abstraits,  exprimant  une 
notion  indépendamment  de  toute  fonction  dans  la  phrase.  Il  a  fallu, 
pour  marquer  la  fonction,  créer  des  outils  accessoires.  De  là  l'im- 
portance prise  parles  particules  de  tout  genre,  personnelles,  démons- 
tratives, relatives,  par  les  articles,  par  les  prépositions,  parles  con- 
jonctions. Ainsi  la  confusion  des  formes  du  cas  sujet  et  du  cas 
régime  laissait  sans  expression  les  distinctions  que  le  latin  exprime 
au  moyen  du  nominatif,  de  l'accusatif  ou  du  génitif.  Le  français  a 
remédié  à  cette  insuffisance  par  des  procédés  variés.  Pour  marquer 
le  régime  du  nom,  il  s'est  servi  de  la  préposition  de,  devant  les 
noms  de  chose  d'abord,  puis  devant  les  noms  de  personne  (Pou- 
let, p.  31).  Le  gallois  s'est  accommodé  plus  longtemps  de  l'absence 
de  préposition,  et  en  partie  jusqu'à  nos  jours.  En  comique  et  en 
breton  l'usage  de  la  préposition,  s'est  répandu  plus  tôt  et  plus  lar- 
gement qu'en  gallois  (v.  Pedersen,  Vgl.  Gr.  II,  82).  Cependant 
la  préposition  0  en  gallois  moderne  a  pris  pas  mal  des  emplois 
que  le  français  donne  à  sa  préposition  de  (v.  Fynes-Clynton,  The 
Welsh  vocahulary  of  the  Bangor  district,  p.  400  et  suiv.).  Un  tour 
comme  truan  0  ddyii  «  un  pauvre  d'homme  »,  drwc  a  gcdymdeith 
f<  un  mauvais  de  compagnon  »,  correspond  à  un  de  nos  tours  popu- 
laires les  plus  employés.  Il  se  rencontre  également  en  comique  et 
en  breton  ;  et  il  est  vieux  en  gallois  (v.  J.  Loth,  Rev.  Celt.,  XXXI, 
362  et  Strachan,  Introduction,  p.  27). 

La  fixation  de  l'ordre  des  mots  est  une  conséquence  naturelle  de 
la  disparition,  ou  même  de  la  simplification  de  la  flexion.  On  con- 
state donc  dans  les  langues  celtiques  comme  en  français  une  ten- 
dance à  donner  aux  mots  dans  la  phrase  une  place  correspondant  à 
leur  fonction  et  à  éliminer  toute  construction  dans  laquelle  l'ordre 
des  mots  laisserait  le  sens  ambigu.  Ainsi,  le  substantif  sujet,  le  sub- 
stantif régime  de  verbe,  l'adjectif  épithète  ou  attribut  ont  de  plus 
en  plus  une  place  fixe.  Le  substantif  qui  dépend  d'un  autre  substan- 
tif est  de  bonne  heure  placé  après  celui-ci.  Le  français  a  conservé 
dans  l'expression  Dieu  merci  une  trace  unique  de  l'ancien  usage  qui 
permettait  l'ordre  inverse.  En  gallois,  cet  ordre  inverse  n'est  attesté 

Ret'ue  Celtique,  XXXVIII.  24 


j56  èiblio^rapUê. 

que  dans  la  vieille  poésie  (Rhys,  Lectures  of  IVehh  Philology,  1«  éd., 
p.  153);  le  jeu  des  mutations  de  l'initiale  l'y  maintenait  possible, 
sans  danger  pour  la  clarté  (v.  J,  Loth,  Rev.  Cclt.,  XXXI,  164).  En 
irlandais  aussi,  un  génitif  régime  se  place  souvent  en  poésie  avant 
le  nom  qui  le  régit  (Vendryes,  Grammaire,  p.  310  ;  Tluuneysen, 
Haudbuch,  p.  156  ;  cf.  Stokes,  Rev.  Celt.,  V,  3 50 et  Félire d'Ocn^^us, 
1905,  p.  xxxvij).  Mais  en  prose  le  seul  ordre  admis  est  en  gallois 
leithiog  giL'lad  «  maître  du  pays  >■>  et  non  plus  lulad  ieithiaiog  (Myf. 
Arch.,  146  b  32),  comme  en  irhnda'is  firidfolt fairgoae  «  les  blancs 
cheveu.K  de  l'océan  »  et  non  p\us  fairogac  fin dfol t  {Th^s.  Pal.,  II, 
290).  Il  s'agit  d'un  renversement  de  l'ancien  ordre,  habituel  en 
sanskrit,  en  grec  ou  en  latin,  iiidrasya  vâjrah,  Kûpou  Traiosta, 
régis  domus  (Brugmann,^l're^^'  de  grammaire  comparée,  §  932).  Les 
langues  celtiques  comme  les  langues  romanes  ont  adopté  un  ordre 
fixe  pour  le  substantif  et  son  régime. 

Un  ordre  des  mots  étroitement  fixé  enserre  la  pensée  comme 
dans  une  gaine.  En  s'y  soumettant  sans  résistance,  la  langue  par- 
lée perdrait  sa  souplesse  et  sa  vivacité.  Mais  elle  résiste  d'ordinaire 
et  s'arrange  de  façon  qu'elle  échappe  à  cette  contrainte.  De  là  sont 
nés  certains  tours  que  l'on  rencontre  dans  les  langues  celtiques  et 
aussi  dans  les  langues  romanes,  notamment  en  français.  Il  a  été 
question  ci-dessus- (p.  195)  du  rôle  que  joue  en  irlandais  la  copule 
en  permettant  de  placer  en  tête  de  la  phrase  un  mot  sur  lequel 
celui  qui  parle  veut  attirer  l'attention.  On  dit  en  français  :  C'est 
votre  fils  qui  arrive  ou  C'est  de  Meliin  qu'il  arrive,  au  lieu  de  dire  : 
Votre  fils  arrive  ou  II  arrive  de  Melun.  Le  relatif  en  pareil  cas  ne 
joue  plus  guère  que  le  rôle  d'une  conjonction  ;  niais  à  l'origine  c'était 
vraiment  un  pronom  relatif.  Avec  le  temps  cette  valeur  relative  s'est 
affaiblie,  à  mesure  que  s'affaiblissait  aussi  la  valeur  démonstrative 
du  ce  qui  commence  la  phrase.  Une  phrase  comme  :  C'est  votre 
testament  que  vous  vene\  de  faire  signifie  généralement  aujourd'hui  : 
«  Vous  venez  de  faire  votre  testament,  et  non  tel  autre  acte  ».  Mais 
dans  le  vers  de  Regnard,  où  Lisette  répond  à  Géronte,  la  même 
phrase  signifie  :  «  Ce  papier  est  votre  testament,  lequel  vient  d'être 
fait  par  vous  ».  Démonstratif  et  relatif  ont  ici  leur  pleine  valeur, 
accusée  d'ailleurs  par  l'accentuation  et  le  rythme  de  la  phrase.  De 
môme  une  phrase  comme  :  C'est  du  vin  que  j'ai  jeté  peut  signifier, 
suivant  l'accentuation  :  «  J'ai  jeté  du  vin,  et  non  pas  de  l'eau  ou  de 
l'huile  »,  ou  bien  :  «Ce  que  vous  voyez  là  répandu  est  du  vin,  que 
j'ai  jeté  ».  Il  y  a  ambiguïté  dans  la  langue  écrite,  à  moins  qu'on 
ne  coupe  la  phrase  en  deux,  par  une  virgule.  Dans  l'usage  moderne 
le  démonstratif  et  le  relatif  ont  le  plus  souvent  une  valeur  affaiblie. 


Bibliographie.  35*? 

Au  contraire  en  vieux  français,  la  valeur  pleine  du  démonstratif 
restait  entière  (Foulet,  p.  261),  et  partant  celle  du  relatif.  Or,  on 
observe  un  affaiblissement  analogue  dans  l'emploi  de  la  copule  is 
et  du  pronom  qui  l'accompagnait  au  cours  de  l'histoire  de  l'irlan- 
dais (ci-dessus,  p.  19e).  Tant  il  est  vrai  que  l'évolution  des  faits  de 
syntaxe,  quand  le  point  de  départ  est  le  même,  se  fait  généralement 
dans  le  même  sens. 

On  trouverait  bien  d'autres  analogies  entre  la  S3'ntaxe  celtique  et 
la  syntaxe  française.  L'emploi  de  l'infinitif  dit  de  narration  en 
irlandais  existe  en  français,  ainsi  qu'on  l'a  rappelé  dans  le  compte 
rendu  du  livre  de  l'abbé  O'Nolan  (ci-dessus,  p.  199).  Le  gallois 
en  a  des  exemples  ;  le  cbrnique  et  le  breton  également.  L'usage  de 
substituer  «  que  »  à  une  autre  conjonction  dans  la  seconde  de  deux 
propositions  subordonnées  réunies  par  les  conjonctions  et,  ou, 
mais  (Foulet,  p.  231)  a  son  analogue  en  irlandais  (ci-dessus,  p. 
200).  Enfin,  on  sait  que  le  tour  populaire  en  français  «  l'homme 
que  j'ai  vu  sa  fille,  que  j'y  ai  donné  du  pain,  que  je  travaille  pour 
lui  »  est  de  règle  dans  la  syntaxe  brittonique  la  plus  ancienne  et  se 
développe  aussi  en  irlandais.  Dans  tous  les  cas  qui  précèdent  il 
s'agit  de  développements  syntaxiques  parallèles  dans  les  deux  groupes 
de  langues.  Voici  pour  finir  un  fait  d'emprunt.  On  connaît  en  fran- 
çais l'emploi  du  nom  de  la  goutte  au  sens  négatif,  comme  un  outil 
grammatical  :  je  ne  vois  goutte.  Cet  emploi  en  français  est  relative- 
ment récent  (Foulet,  p.  209).  Dans  la  vieille  langue  mie  est  plus 
employé  que  goûte  avec  cette  valeur.  Mais  goûte  prend  sa  revanche 
ensuite.  Il  faut  croire  que  l'extension  de  goûte  comcide  avec  la 
période  où  la  syntaxe  française  influe  le  plus  sur  le  breton .  Car  le 
breton  armoricain  emploie  couramment  aujourd'hui  le  nom  de  la 
«  goutte  »,  hanne,  comme  négation  après  les  verbes  signifiant  voir 
ou  entendre  :  né  laclann  hanne  «  je  ne  vois  goutte  »,  né  glév  hanne 
«  il  n'entend  goutte  »  ;  ou  même,  avec  d'autres  mots  que  hanne  : 
né  welann  hérad,  né  luelann  taken,  né  glev  hérad,  né  glev  taken  (ou 
tapen  en  vannetais).  L'emprunt  s'explique  aisément.  Mais  il  est 
intéressant  de  noter  qu'il  s'étend  au  comique.  Le  moxhanna  «  goutte  » 
y  a  le  même  emploi  qu'en  breton  :  dal  0,  tiy  luely  hanna  «  il  est 
aveugle,  il  ne  voit  goutte  »  ÇPascon  agan  arluth,  éd.  Stokes,  p.  66, 
strophe  217)  ;  ny  clev  hanne  «  il  n'entend  goutte  »  (Passio  Domini, 
éd.  Norris,  v.  2321);  iudas  ny  goskvn  banne  «  Judas  ne  dort  goutte  » 
(jhid.,  V.  1078).  C'est  une  preuve  de  l'action  que  les  mystères 
français  ont  exercée  sur  le  théâtre  religieux  du  Cornwall.  A  ceux  qui 
s'étonneraient  de  voir  un  outil  grammatical  comme  la  négation 
emprunté  d'une  langue  voisine,  il  faut  rappeler  le  puinn  de  l'irlan- 


5)8  Bibliographie. 

dais  de  Munster,  que  certains  regardent  comme  un  emprunt  au 
français  (ci-dessus,  p.  234)  et  mieux  encore  l'emploi  de  ne  pas  ou 
non  pas  devant  l'infinitif  en  breton  moderne. 

J.  Vendryes. 

VIII 

F.  DuiN'E.  Mémento  des  sources  hagiographiques  de  llnstoire  de  Bretagne. 
repartie.  Rennes.  Bahon-Rault.  1918.  215  p.  8°. 

L'ouvrage  dont  nous  avons  ici  la  première  partie  en  doit  com- 
prendre quatre.  Les  trois  suivantes  traiteront  des  «  saints  bretons 
du  x^  au  xii^  siècle  »,  des  «  données  de  l'hagiographie  non  cel- 
tique »  et  des  «  origines  et  dédicaces  diocésaines  ».  Cette  première 
est  consacrée  aux  «  fondateurs  et  primitifs,  du  v^  au  x'-'  siècle  ». 
S'il  est  permis  de  juger  par  elle  l'ouvrage  entier,  on  peut  dire  que 
l'abbé  Duine  aura  rendu  en  le  composant  un  nouveau  grand  ser- 
vice aux  historiens  de  la  Bretagne.  Il  l'a  conçu  sous  forme  de  réper- 
toire, réunissant,  en  plus  de  renseignements  bibliographiques  géné- 
raux, les  sources  relatives  à  la  vie  de  chaque  saint.  On  sait  com- 
bien ses  travaux  antérieurs  le  qualifiaient  pour  entreprendre  une 
pareille  tâche.  Sa  compétence  en  matière  d'hagiographie  bretonne 
est  bien  connue  depuis  longtemps.  UHcrminc,  les  Annales  de  Bre- 
tagne, les  Mémoires  de  la  société  archéologique  d'IUe-ei-Vilaiiie  (dont  le 
présent  ouvrage  n'est  qu'un  tirage  à  part)  ont  publié  de  lui  nombre 
d'articles  consacrés  à  l'histoire  religieuse  de  sa  province.  Mais 
en  lui  l'érudit  se  double  d'un  homme  de  goût.  Ayant  consacré  de 
longues  années  à  de  patientes  recherches,  il  en  présente  le  résultat 
sous  une  forme  discrète,  simple,  qui  rend  la  consultation  des  plus 
commodes.  Louons-le  surtout  d'avoir  été  guidé,  non  pas  par  la 
vaine  ambition  d'étaler  une  érudition  facile,  mais  par  le  souci 
d'être  utile  à  d'autres.  Ce  dévouement  modeste  lui  vaudra  la  recon- 
naissance de  tous  ceux  qui  utiliseront  son  livre.  Il  lui  vaut  aussi 
d'avoir  fait  œuvre  personnelle  :  en  effet,  dans  une  matière  aussi 
touffue,  le  choix  seul  est  invention. 

L'abbé  Duine  est  un  historien  dont  l'étude  des  textes  a  aiguisé 
le  sens  critique  ;  il  est  habile  à  discerner  la  part  de  vérité  que  ren- 
ferme chaque  document  ;  il  ne  s'abuse  pas  sur  la  valeur  historique 
des  vies  de  saints  qu'il  étudie  ;  il  sait  qu'il  n'est  rien  de  plus  con- 
ventionnel que  la  vie  de  saint,  que  c'est  un  genre  littéraire,  qui  a 
ses  règles  traditionnelles  et  ses  lieux  communs  (v.  Rev.  Celt., 
XXXIII,  358).  Dans  les  vies  de  saints  bretons,  en  plus  de  la  «  bri- 


Bibliographie.  359 

tannica  garrulitas  »,  dont  se  plaint  déjà  l'abbé  Vitalis  de  Fleury- 
sur-Loire  (Duine,  p.  6i),  il  faut  faire  la  part  de  certains  défauts 
inhérents  au  genre,  et  qui  sont  de  nature  à  inquiéter  un  his- 
torien scrupuleux.  Ainsi  les  miracles  sont  l'assaisonnement  obligé 
de  tout  récit  hagiographique,  en  pays  celtique  plus  qu'ailleurs. 
Mais  on  doit  se  garder  d'être  dupe  des  naïfs  biographes  qui  en  ont 
si  largement  saupoudré  leurs  écrits.  L'abbé  Duine  ne  craint  pas  de 
signaler  ce  qu'il  y  a  de  banal  et  de  conventionnel  dans  les  exploits 
attribués  bénévolement  à  tant  de  thaumaturges.  En  général,  ses 
jugements  sont  sévères,  même  sur  la  biographie  des  saints  les 
plus  célèbres,  saint  Malo  par  exemple  (p.  55)  ou  saint  David  (p. 
124).  Il  fait  bon  marché  de  prétendues  traditions,  auxquelles  des 
esprits  laïques,  mais  moins  clairvoyants,  comme  A.  de  Barthélémy 
ou  La  Borderie,  se  sont  laissé  prendre  (p.  50,  éi,  etc.).  Il  relève 
avec  justesse  les  aveux  qui  échappent  parfois  aux  biographes. 
Quand  l'auteur  de  la  vie  de  saint  David  écrit  :  «  Egyptios  mona- 
chos  .imitatus  similem  eis  duxit  uitam  »,  cette  phrase  révèle  tout 
un  programme.  L'influence  du  monachisme  africain  a  été  grande 
sur  l'imagination  des  hagiographes  bretons.  La  Vie  de  saint  Antoine 
par  saint  Athanase  leur  ser^'it  de  modèle  tout  autant  que  la  Vie  de 
saint  Martin  par  Sulpice  Sévère'. 

Un  trait  commun  à  toutes  les  vies  de  saints  bretons  est  dans  l'imi- 
tation des  auteurs  classiques.  L'abbé  Duine  a  soin  de  le  souligner 
partout  où  il  le  rencontre.  Les  hagiographes  se  piquaient  d'huma- 
nisme. Quelques-uns  citent  du  grec,  sans  qu'on  puisse  toutefois 
leur  attribuer  la  connaissance  de  cette  langue  ;  l'emploi  de  quelques 
mots  grecs  dans  une  phrase  latine  n'est  de  leur  part  qu'un  pédan- 
tismedont  ils  trouvaient  ailleurs  le  modèle  (v.  p.  83).  En  revanche, 
les  poètes  latins  leur  étaient  familiers.  Ils  ne  se  font  pas  faute  de 
puiser  dans  les  œuvres  de  Virgile  et  de  Lucain  ;  l'auteur  de  la  Vie 
de  saint  Magloire,  qui  savait  peut-être  aussi  le  grec  (v.  p.  49), 
avait  pratiqué  Horace  et  Ovide.  Cela  se  reconnaît  aux  tours,  aux 
locutions,  aux  allusions  qu'ils  introduisent  çà  et  là  avec  plus  ou 
moins  d'à  propos  dans  leurs  écrits.  Ce  sont  surtout  les  réminis- 
cences de  Virgile  qui  abondent.  Elles  donnent  à  ces  vies  de  saints 
bretons  un  caractère  semi-païen  qui  est  parfois  piquant  (v.  p.  44, 
51  et  suiv.,  84,  etc.). 

Mais  le   trait  le  plus  saillant,  qui  frappera  tous  ceux  qui  liront 

I.  Babut  soutenait  même  que  Sulpice  Sévère  dans  sa  Vie  de  saint  Mar- 
tin s'était  inspiré  de  la  Vie  de  saint  Antoine  par  saint  Athanase  (Saint  Mar- 
tin de  Tours,  p.  46).  Mais  cette  doctrine  a  été  combattue  par  le  P.  Dele- 
haye  {Analecta  Bollandiana,  t.  XXXVIII,  1920  p.,  88), 


360  Bibliographie. 

l'ouvrage  de  l'abbé  Duine,  est  dans  le  rapport  étroit  qui  unit  l'ha- 
giograpbie  armoricaine  à  celle  de  Grande  Bretagne  et  d'Irlande. 
L'unité  du  monde  celtique  n'est  pas  un  vain  mot.  En  ce  qui  con- 
cerne les  traditions  religieuses  elle  s'est  maintenue  avec  une  rare 
fixité  plusieurs  siècles  après  la  séparation  des  dialectes  et  des  peuples. 
Les  saints  armoricains  sont  pour  la  plupart  venus  d'outre-mer; 
on  les  voit  constamment  passer  et  repasser  la  Manche.  Leur  activité 
se  partage  entre  l'Armorique,  le  Cornwall  et  le  Pays  de  Galles.  Les 
rapports  religieux  qu'eut  l'Armorique  avec  l'Irlande  sont  particu- 
lièrement importants  ;  ils  reposent  sur  des  relations  commerciales. 
Ainsi  Landévennec  est  en  rapport  avec  l'Irlande  (voir  la  Vita 
JVimualoci,  1.  I,  chap,  19,  p.  47,  1.  7-9  écrite  par  l'abbé  Wrdisten, 
dans  l'édition  La  Borderie  du  Cartulaire  de  Landévennec,  Rennes, 
Catel,  1888  ;  Duine,  p.  43).  Sans  doute,  les  voyages  en  Irlande, 
terre  des  saints,  étaient  devenus  une  sorte  de  rite  hagiographique 
(v.  p.  29  et  39  à  propos  de  saint  Guenael  et  p.  118  à  propos  de 
saint  Carantoc)  ;  et  l'on  constate  plus  d'une  exagération  dans  la 
tendance  à  découvrir  une  origine  irlandaise  aux  saints  bretons 
(v.  p,  81,  n.  là  propos  de  saint  Menou)  ;  mais  le  fait  est 
que  parmi  ces  derniers  un  grand  nombre  sont  donnés  comme 
Irlandais  :  saint  Briac  (p.  87),  saint  Comean  (p.  73),  saint  Efflam 
(p.  89),  saintGuiner(p.  126),  saint.Maudez(p.97),sainte  Osmanne, 
patronne  de  Féricy  en  Brie  (p.  loi),  saint  Renan  (p.  102),  etc. 
Pour  quelques-uns  la  chose  est  douteuse.  Saint  Cast  n'est  proba- 
blement donné  comme  irlandais  que  parce  que  son  origine  était 
inconnue.  Saint  Sané  a  été  confondu  avec  l'irlandais  Senan  et  a  été 
investi  des  miracles  de  ce  dernier  (p.  103-104).  Saint  Vougay  ou 
Vio,  prétendu  archevêque  d'Irlande,  n'est  probablement  qu'une 
invention  (p.  107);  sur  sainte  Onenne  (p.  155)  v.  Gaidoz,  Zeit- , 
schrifl  fur  celt.  PhiL,  t.  V,  p.  142.  Il  arrive  même  que  l'hagiogra- 
phie armoricaine  revendique  quelques-uns  des  grands  saints  irlan- 
dais, en  les  mettant  en  rapports  avec  les  saints  armoricains  :  ainsi 
saint  Ailbe,  saint  Brendan,  sainte  Brigitte,  saint  Colomba,  saint 
Colomban,  saint  Patrice  sont  rattachés  à  l'Armorique  !  Il  faut  y 
joindre  saint  Ternoc  (p.  163)  qui  porte  un  nom  irlandais  et  pour 
lequel  on  a  le  choix  entre  plusieurs  identifications.  Ainsi,  un 
Ternôc  fils  de  Ciaran  le  Petit,  mort  en  71e,  est  mentionné  dans 
le  Thésaurus  Pal.  hib.,  t.  II,  p.  xxxij  cf.  289  (cf.  la  note  a.u  Féîire 
d'Oengus,  éd.  Stokes,  1905,  p.  68).  Les  fables  irlandaises  ont  long- 
temps joui  d'un  grand  prestige  en  Armorique.  L'abbé  Duine 
déploie  beaucoup  de  sagacité  pour  démêler  le  vrai  du  fiiux  et  inter- 
préter exactement  les  noms  qu'il  rencontre.  Dans  les  cas  oiasa  science 


Bibliographie.  361 

est  en  défaut,  il  avoue  franchement  ses  incertitudes.  Il  sera  malaisé 
de  trouver  à  reprendre  après  lui.  Voici  une  simple  remarque  à  lui 
soumettre.  Il  mentionne  p.  88  et  p.  192  le  nom  Ethhiniis,  donné  à 
un  personnage  appelé  aussi  Ediunetus.  Il  est  probable  qu'il  s'agit 
d'un  seul  et  même  nom,  d'origine  anglo-saxonne,  qui  aura 
été  mal  transcrit  par  un  copiste.  Ediunetus  est  sans  doute  à  lire 
Eduinetus;  Eihhiuiis  et  Ediunetus  sortent  tous  deux  de  Edu'in  ou 
Eiiciii,  si  fréquent  dans  l'onomastique  anglo-saxonne  (v.  les  Bruts 
du  Red  Book  of  Hergest,  t.  II,  p.  385,  1.  6  ;  387,  1.  9  ;  388,  1.  20; 
262,  1.  30  et  265, 1.  23).  11  y  a  même  un  Edwin  qui  est  en  relation 
avec  l'Armorique  et  avec  son  roi  Salomon.  C'est  le  fils  du  roi  Saxon 
Edelfet  ou  Edelflet.  Sa  mère  avant  sa  naissance  s'était  réfugiée 
auprès  du  roi  breton  Katvan  ;  Etwin,  qui  était  du  même  âge  que  le 
fils  de  Katvan,  Katwallawn,  fut  envoyé  avec  lui  à  la  cour  de  Salomon 
pour  y  apprendre  «  les  us  et  coutumes  et  l'art  de  la  guerre  »  ;  il  fut 
accueilli  avec  beaucoup  d'égards  et  traité  amicalement  (v.  son  his- 
toire au  t.  II  des  Bruts,  p.  239-248).  On  observe  dans  Eduinetus 
le  même  suffixe  que  dans  Edelfet  ou  Edelfflet. 

'  J.  Vexdryes. 

IX 

Emile  JoBBÉ-DuvAL.  Les  idées  primitives  dans  la  Bretagne  contem- 
poraine. 2^  édition.  Paris,  Librairie  de  la  Société  du  Recueil 
Sirey.  1920.  x-529  p.  8°.  30  fr. 

Si  le  mérite  d'un  ouvrage  se  mesurait  au  nombre  des  pages,  à 
l'abondance  des  citations,  à  la  variété  des  références,  on  ne  devrait 
parler  qu'avec  éloge  du  gros  volume  de  M.  Jobbé-Duval.  Il  y  a 
réuni  une  série  d'articles,  publiés  par  lui  d'abord  dans  la  Nouvelle 
Revue  historique  du  droit  français  et  étranger  de  1909  à  19 14,  et  qui 
se  rapportent  à  deux  questions  defolk-lore  juridique  breton  :  «  l'ad- 
juration à  saint  Yves  de  Vérité  »  et  «  les  Ordalies  ou  jugements  de 
Dieu  ».  Sur  ces  deux  questions  il  a  déversé,  en  plus  de  ses  con- 
naissances juridiques  personnelles,  une  masse  de  citations  emprun- 
tées à  quantité  d'auteurs  du  Nord  et  du  Midi.  Suivant  la  méthode 
qui  valut  jadis  une  fâcheuse  célébrité  à  l'abbé  Trublet,  il  n'a  fait 
qu'une  compilation.  Si  l'on  retranchait  de  son  ouvrage  ce  qu'il  a 
tiré  d'autrui  et  tout  le  fatras  inutile  dont  il  l'a  rempli,  le  fond  en 
paraîtrait  d'une  rare  indigence.  L'érudition  est  peu  de  chose  si  elle 
n'est  pas  soutenue  d'une  doctrine,  et,  quand  elle  s'étale  au 
hasard  en  superfluités,  elle  fatigue  le  lecteur  sans  profit.  On  aime- 


362  Bibliographie, 

rait  à  savoir  ce  que  l'auteur  entend  au  juste  par  «  idées  primitives  »  ; 
une  phrase  de  Pierre  Loti  ou  un  vers  de  Le  Braz  peuvent-ils  passer 
pour  exprimer  des  idées  primitives  ?  Et  qu'est-ce  qu'un  livre  sur  la 
Bretagne  contemporaine,  où  l'on  voit  paraître  les  peuples  du 
Moyen  âge,  celtiques  ou  non,  et  même  la  Grèce  antique  ?  La  place 
faite  à  cette  dernière  s'explique  par  l'existence  des  Etudes  sociales  et 
juridiques  sur  Fautiquitc  grecque  de  M.  Glotz.  Certes  les  livres  de 
M.  Glotz  sont  parmi  les  meilleurs,  les  plus  pénétrants,  qui  aient  paru 
sur  l'antiquité  grecque  ;  ils  présentent  un  modèle  de  méthode  et 
d'exposé  scientifique.  Et  les  vers  de  M.  Le  Braz  ont  bien  du  charme. 
Mais  ces  deux  écrivains,  si  différents  qu'ils  soient  à  tant  d'égards, 
font  également  tort  à  M.  Jobbé-Duval,dont  la  doctrine  est  mal  assu- 
rée, l'exposé  diffus  et  dont  la  langue  molle,  imprécise,  traîne  avec 
elle  d'insupportables  clichés.  Il  faudrait  élaguer,  resserrer  beaucoup 
son  livre  pour  le  rendre  lisible  et  utile.  Il  lui  manque  d'être 
termement  composé  et  fermement  écrit.  Il  lui  manque  surtout 
d'être  fermement  pensé. 

J.  Vendryes. 


CHRONIQUE 


Sommaire.  —  I.  Ferdinand  de  Saussure  et  le  nom  d'Oron. —  II.  M.  Georges 
Poisson  etle  cavalier  à  i'anguipède.  — III.  La  personnalité  du  biographe 
de  saint  Patrice,  Muirchu,  d'après  M.  P.  Walsh.  —  IV.  Nouveaux 
«  Unpublished  Irish  poems  »  publiés  par  M.  Bergin.  —  V.  La  thèse  de 
M.  Viggo  Brœndal  sur  les  substrats  et  l'emprunt.  —  VI.  Traduction  des 
Rubbâyyàt  en  gallois  et  en  irlandais.  —  VII.  Suite  et  fin  des  Xoteu- 
nou  de  MM.  Meven  Mordiern  et  Abher\'é.  —  VIII.  Un  monument  à 
Prosper  Proux.  — •  IX.  Le  nouveau  métropolitain  du  Pays  de  Galles. 
—  X.  Le  nouvel  University  Collège  de  Swansea.  — XI.  Création  d'une 
société  d'histoire  et  d'archéologie  de  Bretagne.  —  XII.  Divers 
articles  sur  la  crise  irlandaise.  —  XIII.  Un  cppel  en  faveur  de  la  biblio- 
thèque populaire  de  Cork.  —  XIV.  Vacance  de  chaire  à  Oxford.  — 
XV.  Livres  nouveaux. 


I 

Ferdinand  de  Saussure  s'est  toujours  intéressé  à  la  toponomas- 
tique  de  son  pays  nataL  II  y  trouvait  sans  doute  un  délassement  à 
ses  méditations  linguistiques.  Les  enquêtes  qu'il  faisait  au  cours  de 
ses  promenades  sur  la  forme  des  noms  de  lieu  ressemblent  assez 
aux  herborisations  d'un  naturaliste  de  génie. 

L'article  de  M.  J.  Loth  sur  le  nom  du  Jura  que  la  Rame  Celtique 
a  publié  (t.  XXVIII,  p.  340)  contenait  une  note  envoyée  par  F. 
de  Saussure.  S'il  n'avait  pas  cédé  ce  jour-là  à  une  sollicitation  ami- 
cale, se  serait-il  jamais  décidé  à  l'imprimer  ?  Des  scrupules  le  rete- 
naient toujours  de  livrer  sa  pensée  au  public.  Aussi  garda-t-il  en 
portefeuille  nombre  d'idées  personnelles,  que  seuls  ses  élèves  ou 
ses  intimes  eurent  le  privilège  de  connaître.  Parmi  les  papiers 
qu'il  laissa  en  mourant,  on  découvrit  une  note  sur  le  nom  de  la 
ville  d'Oron  [entre  Moudon  et  \'evey]  à  l'époque  romaine.  Elle 
avait  fait  l'objet  d'une  communication  à  la  Société  d'histoire  et 
d'archéologie  de  Genève  le  28  mars  1901.  Elle  vient  de  paraître 
dans  V Indicateur  d'histoire  suisse  (51^  année,  1920,  p.  286-298),  par 


364  Chronique. 

les  soins  de  M.  Louis  Gauchat.  Il  faut  savoir  bon  gré  à  celui-ci  de 
l'avoir  transcrite  et  mise  au  point  pour  l'impression  ;  car  c'est  une 
merveille  de  critique  pénétrante,  d'enchaînement  méthodique  et 
d'élégante  démonstration.  Sur  une  question  qui  semblait  réglée 
par  l'accord  des  géographes  et  des  archéologues,  elle  apporte  une 
opinion  nouvelle,  soutenue  d'arguments  qui  imposent  la  convic- 
tion. 

Nous  ne  reprendrons  pas  ici  la  suite  du  raisonnement  par 
lequel  de  déductions  en  déductions  F.  de  Saussure  amène  peu  à 
peu  son  lecteur  à  la  conclusion  qu'il  a  en  vue.  Cette  conclusion 
seule  importe.  La  voici  en  peu  de  mots.  C'est  que  la  ville  à'Oron, 
dont  le  nom  est  prononcé  Oiiren  dans  le  patois  local,  représente 
un  celtique  Uromagiis  (avec  il  initial  long)  «  champ  de  l'auroch  » 
ou  '.<  champ  d'Uros  ».  Cet  Uromagus  est  conservé  dans  deux 
manuscrits  au  moins  de  l'Itinéraire  d'Antonin  (nroiiiago).  Les 
autres  manuscrits  ont  hromago  ;  ce  qui  a  induit  en  erreur  les 
modernes,  qui  ont  généralement  été  chercher  à  Promasens  (8  kilo- 
mètres au  sud  de  Moudon)  l'emplacement  de  la  ville  celtique  en 
question.  L'identification  Bromago-Promasens,  impossible  à  justi- 
fier linguistiquement,  se  heurte  à  des  difficultés  topographiques, 
qui  devaient  la  faire  rejeter  des  historiens  et  géographes. 


II 


Poursuivant  ses  recherches  d'archéologie  et  de  mythologie  cel- 
tiques, M.  Georges  Poisson  a  publié  dans  le  Bulletin  hisloricjiie  el 
scientifique  de  V Auvergne  de  1920  une  étude  sur  «  les  monuments 
du  cavalier  à  l'anguipéde  en  Auvergne  »  (tirage  à  part  de  35  p. 
8°).  On  connaît  ce  motif  de  sculpture:  un  cavalier  dont  le  cheval, 
enlevé  sur  ses  jambes  de  derrière,  a  celles  de  devant  appuyées  ou 
planant  sur  un  monstre  étendu  à  terre  :  le  monstre  a  un  buste 
d'homme,  mais  son  tronc  s'achève  en  un  corps  de  serpent  com- 
prenant la  tête  de  Tanimal.  Ce  groupe  singulier  a  été  reproduit  en 
beaucoup  d'exemplaires,  comportant  d'ailleurs  de  nombreuses 
variantes  de  détail  ;  l'exécution  en  est  toujours  très  grossière.  La 
plupart  des  exemplaires  conservés  sont  en  morceaux,  et  incom- 
plets. Ils  sont  particulièrement  abondants  dans  la  région  rhénane 
et  mosellane.  M.  Hertlein  en  compte  trois  dans  le  grand  duché  de 
Luxembourg,  deux  dans  le  Luxembourg  belge,  onze  dans  la  Rhein- 
provinz,  neuf  eii  Hesse  Rhénane,  douze  dans  le  Palatinat,  sept  en 
Hesse-Nassau,  six  dans  le  grand  Duché  de  Bade,   onze   en  Wur- 


Chronique.  365 

temberg,  un  en  Bavière  ;  il  y  en  a  dix  en  Alsace  et  vingt  «n  Lor- 
raine, seize  dans  le  reste  de  la  France,  toujours  d'après  M.  Hertlein 
{Die  JuppitergigaiiteiLuiiiIeu,  19 10).  Or,  il  convient  au  moins 
d'augmenter  d'une  unité  ce  dernier  chiflfre,  car  M.  Hertlein  a  con- 
fondu en  un  seul  les  deux  cavaliers  à  l'anguipède  qu'a  livrés  le  sol 
de  l'Auvergne.  La  rectification  est  d'autant  plus  utile  que  M.  Espé- 
randieu  dans  son  si  précieux  Recueil  général  n'a  mentionné  ni  l'un 
ni  Tautre.  Le  premier  a  été  découvert  en  1848  au  hameau  de  la 
Jonchère,  commune  d'Egliseneuve,  canton  de  Billom.  Le  second, 
découvert  en  iS8é,  près  de  Lussat,  canton  de  Pont-du-Chàteau, 
est  aujourd'hui  au  musée  de  Clermont-Ferrand. 

Depuis  l'époque  où  en  furent  connus  les  premiers  spécimens,  le 
groupe  du  cavalier  à  l'anguipède  a  fait  l'objet  de  nombreuses  inter- 
prétations, mythologiques,  allégoriques,  symboliques  ou  amphi- 
gouriques, dont  on  trouvera  l'indication  dans  un  travail  de  M.  A. 
Prost  {Mémoires  de  la  Société  des  Antiquaires  de  France,  1891). 
M.  Poisson  a  pris  la  peine  d'en  reproduire  quelques-unes.  Les 
derniers  travaux  français  sur  la  question  sont  ceux  de 
MM.  Gassies  (i?(?i'.  des  Études  anciennes,  1902,  p.  290),  Toutain 
{Klio,  1902,  p.  194),  Espérandieu  {Rev.  ArchéoL,  1912,  11^  p.  211 
et  1917,  I,  p.  72),  sans  oublier  M.  Jullian,  qui  y  touche  dans  son 
Histoire  de  la  Gaule  (voir  aussi  Rev.  des  Et.  Ane,  XX,  p.  173  n.). 
M.  Poisson  s'attache  à  démontrer  les  deux  points  suivants  :  1° 
que  le  groupe  du  cavalier  à  l'anguipède  est  celtique  et  non  germa- 
nique (la  thèse  est  ancienne:  M.  Jullian  l'enseigne  et  M.  Espéran- 
dien  l'a  récemment  encore  soutenue  contre  M.  Hertlein)  ;  2°  que 
l'interprétation  doit  en  être  mythologique.  Il  s'agirait  suivant  lui 
du  combat  d'un  dieu  ou  héros  contre  un  monstre,  thème  mytho- 
logique né  en  Orient,  attesté  en  Egypte  comme  en  Grèce,  en 
Palestine  et  en  Syrie,  en  Phrygie  et  en  Cappadoce  et  dont  on  peut 
suivre  l'extension,  par  la  Thrace,  jusqu'à  la  vallée  du  Danube.  Le 
dieu  cavalier  thrace  est  bien  connu  par  les  travaux  de  M.  Seure 
{Reî>.  ArchéoL,  1913).  Comme  ce  dieu  est  fréquemment  appelé  du 
nom  d'Apollon  (Seure,  Rev.  Études  Grecques,  1912,  p.  26), 
M.  Poisson  voit  en  lui  un  dieu  solaire.  Il  croit  retrouver  aussi 
dans  la  représentation  figurée  du  cavalier  à  l'anguipède  les  carac- 
tères d'un  dieu  solaire.  Les  monuments  qui  le  représentent 
peuvent  être  fixés  avec  vraisemblance  au  iii'^  siècle  de  notre  ère  : 
c'est  précisément  la  date  de  l'extension  dans  l'empire  romain  du 
culte  du  soleil,  antérieurement  au  triomphe  du  christianisme. 
Cette  extension  aurait  une  double  origine  :  d'une  part  les 
influences  orientales,  qui  s'exercèrent  si  largement  sous  les  empe- 


366  Chronique. 

reurs  syriens,  et  d'autre  part  des  influences  venues  d'Europe  Cen- 
trale, où  le  soleil  avait  de  tout  temps  été  honoré  comme  un  grand 
dieu.  Le  cavalier  à  l'anguipède  représenterait  donc  la  divinité 
celtique  du  soleil,  plus  tard  assimilée  à  Apollon  ou  à  Jupiter,  mais 
qui  devait  porter  en  gaulois  les  noms  de  Belenus,  de  Grannus,  de 
SmcrtuJlus.  La  thèse  est  intéressante,  exposée  avec  chaleur  et 
conviction,  comme  dans  les  précédents  travaux  de  M.  Poisson. 
Nous  ignorons  ce  qu'en  penseront  les  préhistoriens  et  archéologues. 
Les  linguistes  en  tout  cas  n'accueilleront  pas  sans  quelques  réserves 
les  affirmations  de  M.  Poisson  en  matière  d'étymologie.  Le  nom 
de  Grannus,  il  faut  le  répéter,  ne  peut  pas  être  le  même  mot  que 
l'irlandais  grian  «  soleil  »  dont  le  radical  contenait  en  celtique 
commun  un  c  long  issu  d'une  diphtongue  ei.  Et  il  est  un  peu 
hardi  de  faire  de  Smeriu-  un  nom  du  dieu  du  feu  sous  prétexte 
qu'il  y  a  en  irlandais  un  mol  smérôit  (auj.  smèarôicT)  qui  signifie 
«  charbons  ardents,  braise  »  :  rien  n'est  clair  dans  ce  mot  ;  la  com- 
paraison du  gallois  nianvor,  manvyddos,  qui  a  le  même  sens,  ne 
l'éclaircit  pas  (cf.  Pedersen,  Fgl.  Gr.,  II,  46). 


III 


Qui  est  le  Muirchu  Maccu  Machtheni,  auquel  on  doit  une  vie 
bien  connue  de  saint  Patrice  ?  C'est  la  question  que  se  pose  le 
Rev.  Paul  Walsh  dans  The  Irish  Thcological  Quarterly,  vol.  XVI, 
avril  192 1,  p.  177  et  s.  D'après  le  Book  of  Armagh,  f°  20  b, 
Muirchu  aurait  écrit  cette  vie  sous  la  dictée  de  Tévêque  Aedh  de 
Slébte.  Or,  la  mort  d'Aedh  de  Slébte  est  mentionnée  dans  les 
Annales  d'Ulster  à  l'année  699  (v.^^z;.  Celt.,  XVII,  p.  216)  ;  et 
Slébte,  auj.  Sleaty,  est  le  nom  d'une  paroisse  du  Queen's  County, 
à  I  mille  1/4  au  Nord-Ouest  de  la  ville  de  Carlo w.  D'autre  part, 
la  mémoire  de  Muirchu  était  honorée  à  Killmurchon  («  Eglise  de 
Muirchu  »),  dans  le  comté  de  Wicklow.  Muirchu  se  rattacherait 
donc  à  une  région  comprise  dans  la  partie  nord  du  Leinster.  Cette 
conclusion  semble  confirmée  par  le  fait  que  Muirchu  est  générale- 
ment considéré  comme  le  fils  du  Cogitosus,  qui  écrivit  la  vie  de 
sainte  Brigitte,  patronne  de  Kildare.  Mais  l'abbé  Walsh  met  en 
doute  cette  filiation,  et -pour  des  raisons  qui  paraissent  décisives. 
C'est  Graves  qui  eut  le  premier  l'idée  de  faire  de  Muirchu  le  fils  de 
Cogïlosus  {'Proceedings  of  the  Royal  Irish  Acadeniy,  VIII  [1863],  p. 
269  et  ss.)  ;  il  appuyait  cette  idée  sur  une  conjecture  Çpatris  mei 
Cogitosi  au  lieu  de  patris  mei  cognito  si  dans  un  passage  de  l'œuvre 


Chronique.  '  367 

de  Muirchu  du  Book  of  Armagh),  et  surtout  sur  l'hypothèse  que 
Maccu  Machiheni  traduisait  Films  Cogitosi.  L'abbé  Walsh  n'a  pas  de 
peine  à  montrer  que  cette  traduction  est  impossible  :  Maccu  ne 
signifie  pas  «  fils  »,  mais  «  appartenant  à  la  race  ou  à  la  tribu  de  » 
(cf.  Eoin  Mac  Neill,  Ériu,  III,  p.  44)  ;  et  il  est  arbitraire  de  tirer 
Machtbene  du  même  radical  que  le  verbe  machtnaigim,  qui  au  surplus 
ne  signifie  pas  «  je  pense  »,  mais  «  j'admire  »  (cf.  machdad  «  mer- 
veille »  Sg.  167  a  4,  222  a  5).  Cogitosus ^zr^.\l  bien  mieux  traduire 
le  nom  propre  Toimdenach,  dérivé  de  toimtiu  «  pensée,  opinion  ». 
L'abbé  Walsh  propose  de  voir  dans  Machthene  (à  lire  Machleiic) 
un  dérivé  du  nom  propre  Mocbfa,  écrit  Mauchteus  dans  les  Annales 
d'Ulster,  année  5  34  (cf.  O'Maille,  The  Langiiage  of  the  Annals  of 
Uhter,  p.  69)  et  Maucteus  dans  la  Vita  Columbae  par  Adamnan, 
éd.  Reeves,  p.  é  (cf.  Thés.  Pal.,  II,  272).  Cela  n'est  pas  impos- 
sible ;  mais  la  personnalité  de  l'auteur  de  la  vie  de  saint  Patrice  en 
est-elle  mieux  connue  ? 


IV 

Sept  nouveaux  UnpuUished  Irish.  poenis  ont  été  ajoutés  par 
M.  Osborn  Bergin  à  la  série  dont  nous  avons  annoncé  le  commen- 
cement ci-dessus,  p.  236.  Ce  sont  les  morceaux  suivants  : 

7.  On  a  Gaelic  Miscellany  {Studies,  Sept.  1919,  p.  458).  Du  même 
auteur  que  le  numéro  6,  Eoghan  Ruadh  Mac  an  Bhaird  (Red 
Owen  Mac  Ward),  ce  poème  comprend  quinze  quatrains  de  vers 
charmants  et  délicats  accompagnant  un  manuscrit  offert  à  Aodh 
O'Domhnaill. 

8.  On  a  hlind  harper  (ihid.,  Dec.  1919,  p.  611).  Il  s'agit  de 
Niclâs  Dali,  de  Rattoo,  célèbre  en  son  temps  comme  joueur  de 
harpe  (cf.  O'Curry,  Manners  and  Custonis,  t.  III,  p.  262).  L'au- 
teur du  poème,  Fear  Flatha  O  Gnimh,  est  donné  par  O'Reilly 
comme  florissant  au  milieu  du  xvF  siècle  ;  mais  ce  poème  ne  peut 
guère  être  antérieur  au  début  du  xvii^. 

9.  Autre  poème  sur  le  même  personnage  Çihid.,  mars  1920,  p. 
97),  mais  tiré  du  Book  of  O'Conor  Don,  copié  à  Ostende  en 
163 1,  avec  des  variantes  de  trois  manuscrits  postérieurs. 

10.  Arl  versus  Nature.  Ce  poème  a  pour  auteur  celui  du  n"  8, 
Fear  Flatha  O  Gnimh  ;  il  est  adressé  au  poète  Fearghal  Og  Mac 
an  Bhaird,  dont  M.  Bergin  a  publié  deux  poèmes  dans  la  même 
série  (n""-  5  et  12).  Fear  Flatha  oppose  sa  méthode  de  travail  à  celle 
de  son  confrère  :  ni  hionand gnàth  damhsais  duitt,  nous  n'avons  pas 
la  même  façon  de  faire,  lui  dit-il. 


368  chronique, 

11.  On  ci  u'tvlik^  Prince  (ibid.,  sept.  1920,  p.  417).  Pancgynqlië 
d'O'Conor  Faly  (The  Calbhach),  prince  d'OlTaly,  et  qui  fut  jusqu'à 
sa  mort,  survenue  en  1458,  en  état  de  lutte  constante  contre  les 
Anglais  du  Pale.  Ce  panégyrique  est  antérieur  à  145 1,  d;ite  de  la 
mort  de  son  épouse  Margaret,  fille  d'O'CarroU,  L'auteur  en  est 
Seithfin  Môr,  un  spécialiste  du  genre. 

12.  Love  of  Iirland  (ibid.,  nov.  1920,  p.  565).  L'auteur  de  ce 
joli  poème,  oià  les  différentes  régions  de  l'Irlande  reçoivent  chacune 
leur  tribut  d'éloges,  est  encore  Fearghal  Og  Mac  an  Bhaird,  déjà 
deux  fois  nommé. 

13.  Loohing  towards  Spain  (ibid.,  mars  192 1,  p.  73).  Les  événe- 
ments auxquels  se  rapporte  ce  poème  sont  ceux  qui  ont  été  rappe- 
lés à  propos  du  n°  6  ;  et  l'auteur  des  deux  poèmes  est  le  même, 
Eoghan  Ruadh  Mac  an  Bhaird.  Ce  poème-ci  a  été  composé  après 
que  Rury  O'Donnell,  vaincu  à  Kinsale,  le  6  janvier  1602,  avait  quitté 
l'Irlande,  mais  avant  qu'il  ne  mourût  à  Simancas  le  10  septembre 
suivant.  Il  exprime  les  espoirs  que  ses  partisans  mettaient  alors  en 
l'Espagne. 


V 


Nous  ne  dirons  qu'un  mot  de  la  thèse  de  doctorat  de  M.  Viggo 
Brœndal,  qui  remonte  déjà  à  l'année  1917  :  c'est  qu'elle  est 
remarquable  et  ne  doit  pas  rester  ignorée  des  celtistes.  Elle  a  pour 
titre  Substrater  og  Laan  i  romansk  og  gerniansk,  Sliuiier  i  Lyd-  og 
Ordhislorie  «  Substrats  et  emprunt  en  roman  et  en  germanique  ; 
études  d'histoire  des  sons  et  des  mots  »  (Copenhague,  Gad,  1917, 
xvi-215  p.  8°).  La  question  traitée  est  l'une  des  plus  importantes, 
mais  aussi  des  plus  difficiles  de  toute  la  linguistique.  Tous  les  his- 
toriens du  langage,  qui  essaient  de  ramener  à  des  lois  générales 
l'évolution  des  faits  qu'ils  étudient,  sont  forcés  de  tenir  compte 
d'une  double  influence,  qui  est  capitale  comme  cause  de  change- 
ment :  celle  du  substrat  linguistique  et  celle  de  l'emprunt  aux 
langues  voisines.  Mais  si  elles  se  laissent  partout  deviner,  ces 
influences  sont  très  difficiles  à  préciser  et  à  définir.  En  limitant  son 
étude  aux  langues  romanes  et  germaniques,  M.  Brœndal  rencon- 
trait devant  lui  le  celtique,  qui  est  un  des  substrats  les  plus 
authentiques  sur  lesquels  le  roman  s'est  étendu.  Nourri  d'une 
forte  doctrine  linguistique,  remarquablement  au  colirant  des  théo- 
ries émises  en  ces  dernières  années  par  des  hommes  comme 
MM.     Meillet,    Grammont,    Gilliéron,    Jespersen,     Pedersen    et 


throniqiie.  369 

4iielqués  autres  —  la  biblioguaphie  qu'il  cite  au  bas  des  pages 
prouve  l'étendue  et  la  variété  de  ses  lectures  —  il  a  fait  œuvre 
originale,  tout  en  s'inspirant  visiblement  de  l'enseignement  de  ses 
maîtres  danois.  Sa  conception  des  changements  phonétiques, 
reposant  sur  les  lois  de  l'imitation,  est  à  base  sociologique  ;  il  se 
rencontre  ainsi  avec  l'enseignement  de  F.  de  Saussure.  Sa  doctrine 
sur  le  substrat  celtique  des  langues  romanes  remet  en  honneur 
plusieurs  hypothèses  d'Ascoli.  Peut-être  estimera-t-on  qu'il  force 
parfois  sa  thèse  et  qu'il  en  exagère  la  portée.  Mais  il  a  le  grand 
mérite  d'avoir  groupé  dans  un  système  cohérent  un  nombre  consi- 
dérable de  faits.  Si  son  livre  laisse  parfois  place  au  doute,  il  fait 
toujours  utilement  penser. 


VI 

Les  Ruhâyyât  («  quatrains  »)  d'Omâr  Khayyàm  sont  fort  à  la 
mode  depuis  quelques  années.  Le  succès  s'en  étend  jusqu'aux 
terres  celtiques.  Ils  ont  été  naguère  traduits  en  «  penillion  » 
gallois  par  Sir  John  Morris-Jones  (Caniadau  gan  J.  Morris  Jones, 
Rhydychen,  Fox  and  Jones,  1907,  p.  161-182).  Voici  que  Torna 
les  traduit  à  son  tour  en  quatrains  irlandais  (Ruhàiiàt  Oniâr  Caiiâm, 
Ath  Cliath,  Mârtan  Lester,  1920,  33  p.  12°).  On  sait  que  Torna 
est  le  nom  bardique  de  M.  Tadhg  O'Donnchadha  (O'Donoghue), 
professeur  de  celtique  à  l'University  Collège  de  Cork.  Torna  ne  se 
pique  pas  de  savoir  le  persan.  11  nous  dit  dans  sa  préface  qu'il  a 
tout  bonnement  traduit  en  vers  irlandais  la  première  traduction 
anglaise  des  Rubâyyàt  qui  est  celle  d'Edward  Fitzgerald  (1809- 
1883).  Cette  traduction,  parue  en  1859,  a  été  réimprimée  en  1868 
et  par  deux  fois  encore  depuis,  avec  un  succès  croissant.  C'est  une 
belle  infidèle,  de  l'aveu  même  du  traducteur  ;  et  on  ne  peut  la 
comparer  à  la  traduction  française  de  J.-B.  Nicolas  ÇLes  quatrains 
de  Oueyam,  texte  persan  et  traduction,  1867)  ni  à  la  traduction  alle- 
mande de  F.  Rosen  {Die  Sinn-Spriiche  Oniars  des  Zellmachcrs,  aus 
dem  persischen  ùbertragen,  publiée  en  édition  de  luxe  en  1914). 
Elle  est  en  outre  assez  incomplète,  ne  présentant  qu'un  choix  de 
ICI  quatrains,  alors  que  l'édition  J.-B.  Nicolas  en  compte  464  et 
qu'une  traduction  anglaise  en  vers  publiée  en  1883  parE.  H.  W'hin- 
field  en  compte  500.  Beaucoup  sans  doute  sont  apocryphes  ou 
d'une  attribution  contestable  ;  le  manuscrit  des  Riihbâyât  conservé 
à  la  Bodléienne  et  daté  de  1460  s'arrête  au  chiffre  de  158  quatrains. 
Quand  il    a   voulu  faire    passer   Omar   Khayyâm  dans  la  poésie 


570  Chronique. 

galloise,  sir  John  Morris  Jones  a  fait  lui-même  un  choix,  limité  à 
105  quatrains.  Torna  n'a  reproduit  que  les  loi  de  Fitzgerald.  Mais 
il  convient  de  prévenir  les  celtistes  qui  auraient  l'idée  de  comparer 
le  gallois  de  sir  John  à  l'irlandais  de  Torna  pour  en  tirer  des  con- 
clusions linguistiques  ou  simplement  pour  faciliter  par  l'une  des 
langues  l'intelligence  de  l'autre,  qu'ils  s'exposeraient  à  quelques 
mécomptes.  Les  deux  poètes  ont  fait  des  œuvres  assez  dissem- 
blables ;  et  il  est  malaisé  de  retrouver  exactement  sous  leurs  tra- 
ductions un  original  commun.  Il  serait  piquant  de  faire  traduire 
celles-ci  en  vers  persans  et  de  comparer  le  résultat  au  texte  d'Omar 
Khayyâm.  Peu  importe  d'ailleurs  la  précision  littérale.  Quand  on 
veut  faire  connaître  à  ses  compatriotes  un  poète  étranger  et  qu'on 
est  poète  soi-même,  l'essentiel  est  de  s'imprégner  de  l'esprit  du 
modèle  et  de  le  rendre  par  des  moyens  adaptés  à  son  public.  C'est 
déjà  ce  qu'avait  fait  le  traducteur  anglais  Fitzgerald.  De  leur  côté, 
les  deux  traducteurs  celtiques  ont  réalisé  chacun  avec  talent  le 
dessein  qu'ils  se  proposaient  :  Sir  John  est  plus  concis  et  plus 
ferme,  plus  rapproché  par  conséquent  du  ton  sentencieux  habituel 
au  poète  persan  ;  Torna  est  plus  coulant,  plus  lâché.  Ils  sont  tous 
deux  agréables  à  lire.  Qu'on  en  juge  par  les  échantillons  suivants, 
où  le  texte  est  suivi  d'une  traduction  littérale  : 
J.  Morris-Jones,  n°  19  : 

Fy  min  ar  fin  y  ffïol  a  rois  i, 

i  ofyn  rhin  yr  einioes  iddi  hi  ; 

ac  yna  fin  lurth  fin  sibrydodd  hon  : 

«  yfwin,  cans  yma  ni  ddychiveli  di  ». 

J'ai  posé  ma  lèvre  sur  la  lèvre  du  flacon 
pour  lui  demander  le  secret  de  la  vie  ; 
et  là,  lèvre  contre  lèvre,  il  murmura  : 
«  Bois  du  vin  ;  car  tu  n'y  reviendras  pas.  » 

Torna,  n"  35  : 

N-a  dbiaidhsin  thàrla  an  t-àrthach  cré  seo  dham, 
is  d'iarras,  trd,  fios  fdth  mo  scéilse  air  ; 
'se  duhhairt,  '5  sinn  béai  le  gob  :  «  O's  iadh  go  bràth 
an  t-iadh  fè  chldr,  nd  stàn  let  rése  on  digh  ». 

Après  cela  viut  à  moi  ce  vase  d'argile, 

et  je  l'interrogeai  donc  pour  savoir  la  raison  de  mon  existence  ; 
il  dit,  quand  nous  fûmes  bouche  contre  lèvre  :  «  Puisqu'est  éternelle 
la  fermeture  sous  la  tombe,  ne  te  retiens  pas  de  boire  auparavant.  » 


Chronique.  371 

VII 

MiM.  Meven  Mordiern  (René  Le  Roux)  ■  et  Abherve  (F.  Vallée) 
ont  continué  malgré  la  guerre  leur  série  des  Notennoii  dituar  henn 
ar  Gelted  ko^,  0  istor  hag  0  sevenadur,  dont  la  Revue  Celtique  a  pré- 
cédemment parlé  avec  éloges  (v.  t.  XXXIV,  p.  551  et  XXXV, 
p.  242).  En  1917,  outre  une  réédition  du  fascicule  V  sur  les  sciences 
a  paru  un  neuvième  fascicule  sur  les  voyages  et  le  commerce,  et 
en  1918  un  autre,  sur  la  guerre,  qui  n'est  qu'une  réédition  du 
fascicule  III.  Cette  réédition  offre  toutefois  l'intérêt  de  présenter 
en  regard  du  texte  breton  une  traduction  en  gallois  due  à 
MM.  P.  Mocaeret  RhysPhilipps,  touchante  manifestation  d'entente 
cordiale,  au  moment  où  les  soldats  gallois  luttaient  épaule  contre 
épaule  avec  leurs  frères  d'Armorique  contre  l'ennemi  commun. 
Le  fascicule  X  consacré  à  la  Vie  domestique  avait  paru  en  191 3.  En 
1920  a  paru  le  douzième  et  dernier  fascicule  qui  a  pour  objet  les 
divisions  de  l'année,  les  fêtes  et  assemblées,  la  chasse,  la  pêche, 
la  musique,  la  danse,*  les  modes  et  usages  de  la  sépulture,  les 
noms  de  peuples  et  de  lieux.  C'est  par  ouï-dire  seulement  que 
nous  connaissons  les  derniers  fascicules  de  cette  intéressante 
collection  ;  le  dernier  que  la  Revue  Celtique  ait  reçu  est  celui  de 
1913. 


VIII 

En  même  temps  que  M.  Jaffrehnou  consacrait  un  monument  à  la 
gloire  de  Prosper  Proux  en  publiant  sur  sa  vie  et  ses  oeuvres  une 
thèse  de  doctorat  en  breton,  dont  la  Revue  Celtique  a  parlé  (t. 
XXXI\',  p.  467),  il  prenait  l'initiative  de  faire  élever  au  poète 
chansonnier  un  monument  figuré  dans  sa  ville  natale.  Le  Guerlesquin 
(canton  de  Plouigneau,  Finistère).  Ce  monument,  œuvre  commune 
des  sculpteurs  Hernot  pour  la  stèle  en  granit  et  Quillivic  pour  le 
buste  en  bronze,  était  prêt  en  1914.  Il  n'a  été  inauguré  que  le 
21  septembre  1919.  La  cérémonie,  présidée  par  M.  Etienne  Port, 
comportait,  comme  il  convient,  plusieurs  discours.  L'un  notam- 
ment fut  prononcé  par  notre  collaborateur  et  ami  le  doyen 
G.  Dottin,   qui,  en  remettant  le    monument   au    nom  du  comité 

I.  Et  non  A.  Le  Roux,  comme  il  a  été  imprimé  par  erreur  dans  la 
Revue  Celtique,  t.  XXXV,  p.  242. 

Revue  Celtique,  XXXVIII.  25 


^yi  Chronique. 

d'organisation  à  la  ville  du   Gueriesquin,  a  fait  l'éloge  de  l'auteiii 
populaire  de  Bomba rd  Keriic. 


IX 


Les  journaux  gallois  ont  signale,  en  lui  donnant  toute  l'impor- 
tance qu'elle  mérite,  la  nomination  du  D""  Edwards,  évêque  de 
Saint-Asaph,  en  qualité  d'archevêque  métropolitain  de  la  princi- 
pauté. C'était  une  conséquence  de  la  loi  de  «  Disestablishment  and 
Dedotation  »  qui  avait  prononcé  l'autonomie  de  l'église  galloise. 
Les  quatre  évéques  de  Saint-Asaph,  Bangor,  St  David's  et  Llandaf, 
libérés  du  serment  canonique  qui  les  rattachait  à  l'archevêché 
deCanterbury,  durent  faire  choix  del'un  d'entre  eux  comme  arche- 
vêque. Bien  que  l'évêque  de  Saint-Davids  eût  pu  faire  valoir 
l'antiquité  de  son  siège,  fondé  par  l'apôtre  national  du  pays, 
c'est  l'évêque  de  Saint-Asaph  qui  a  été  choisi  comme  étant  le  plus 
ancien  en  fonctions.  Le  Right  Rev.  Alfred  Geors^e  Edwards 
occupait  en  eft'et  depuis  31  ans  le  siège  épiscopal  de  Saint-Asaph. 
Depuis  le  1"  juin  1920,  date  de  la_  cérémonie  d'intronisation,  il  est 
le  premier  archevêque  national  du  Pays  de  Galles. 


X     - 

L'Université  de  Galles  compte  aujourd'hui  quatre  collèges. 
Aux  trois  anciens,  ceux  d'Aberystwyth,  de  Bangor  et  de  Cardift, 
vient  en  effet  d'être  ajouté  un  quatrième  qui  a  son  siège  h  Swansea. 
La  Faculté  des  Sciences  en  a  été  organisée  dès  l'année  scolaire 
1920-192 1.  La  Faculté  des  Lettres  y  fonctionnera  à  la  rentrée 
d'octobre  1921.  La  chaire  de  langue  française  sera  occupée  par 
miss  Mary  Williams,  doctoresse  de  l'Université  de  Paris,  qui 
enseignait  jusqu'ici  le  français  au  King's  Collège  de  Londres  en 
qualité  de  rcader.  La  chaire  de  gallois  a  été  donnée  à  M.  Henry 
Lewis,  qui  était  auparavant  à  l'University  Collège  de  Cardiff 
assistant  du  Professeur  W.   I.  Gruffydd. 

L'University  Collège  de  Swansea,  comme  celui  de  Bangor,  ne 
comptera  que  deux  facultés.  On  sait  que  ceux  d'Aberystwyth  et 
de  Cardiff  en  ont  chacun  trois  :  l'unique  faculté  de  droit  du 
Pays  de  Galles  est  à  Aberystwyth  et  l'unique  faculté  de  médecine 
à  Cardifï,  s'ajoutant  chacune  aux  deux  facultés  des  Sciences  et  des 
Lettres.  Mais  l'University  Collège   de  Bangor  a    donné  un  grand 


Chronique.  37^ 

développement  à  l'enseignement  de  l'agriculture,  qui  forme  une 
section  spéciale  rattachée  à  la  Faculté  des  Sciences.  On  dit  que 
l'activité  de  l'University  Collège  de  Swansea  s'orientera  surtout 
vers  l'enseignement  technique  des  sciences  appliquées. 


XI 

Il  s'est  créé  en  191 9  une  Socicic  dlnatoife  et  d'archéologie  de 
Bretagne,  qui  se  superposera  de  façon  utile  aux  diverses  sociétés 
locales,  répandues  à  travers  les  cinq  départements.  En  un  moment 
où  l'on  s'occupe  partout  de  centraliser  et  de  coordonner  les  efforts, 
la  nouvelle  société  doit  réussir  dans  une  province  qui  a  toujours 
compté  un  grand  nombre  de  travailleurs  dévoués  à  l'étude  de  son 
glorieux  passé.  Les  deux  présidents  d'honneur  sont  Mgr  Duchesne 
et  M.  J.  Loth,  deux  Bretons  membres  de  l'Institut.  Le  bureau  de 
la  société  réunit  plusieurs  chartistes  et  archivistes  qui  se  sont 
consacrés  à  l'étude  de  la  Bretagne.  Il  y  a  un  comité  général  et  des 
sous-comités  par  départements.  Le  secrétaire  général  est  M.  H,  du 
Halgouet  (à  Coetsal,  par  Sainte-Anne  d'Auray),  qui  reçoit  les 
adhésions  ;  la  cotisation  des  membres  ordinaires  est  de  16  fr.  par 
an,  rachetable  moyennant  un  versement  de  200  fr.  En  versant 
300  fr.  on  est  membre  fondateur. 

La  société  espère  publier  un  volume  annuel  de  Mémoires  et  un 
Bulletin  périodique.  Le  champ  de  ses  études  comprendra  tout  le 
passé  de  la  Bretagne  jusqu'en  1848  ;  il  embrassera  donc  aussi  la 
préhistoire  et  la  linguistique  celto-bretonne.  La  publication  d'une 
collection  de  textes  ou  de  travaux  d'ensemble  est  envisagée  pour 
l'avenir. 


XII 


La  question  d'Irlande  a  inspiré  récemment  en  France  plusieurs 
discours  ou  articles  qui  méritent  une  mention.  M.  Marc  Sangnier, 
député  de  Paris,  a  prononcé  le  28  juin  1920,  à  l'hôtel  des  Sociétés 
savantes,  un  éloquent  discours  «  Pour  l'Irlande  libre  »,  qui  a  paru 
depuis  en  brochure  (Société  des  éditions  de  la  Démocratie, 
32,  boulevard  Raspail,  i  fr.). 

Tout  récemment  a  paru  à  la  librairie  Plon-Nourrit  une  brochure 
de  136  pages  de  M.  Sylvain  Briollay,  L'Irlande  insurgée.  Elle  est 
très  favorable  à  la  cause  de  la  liberté  irlandaise. 


374  Chronique. 

Sous  la  signature  Stephen  Brown,  S.  J.,  les  Etudes  ont  publié 
trois  importants  articles  sur  la  crise  irlandaise  dans  les  numéros 
des  20  janvier,  5  février  et  20  février  1921. 

M.  Maurice  Bourgeois  a  donné  à  la  Revue  de  h  semaine  illustrée 
(l'^r  avril  1921,  p.  31-46)  un  article  sur  la  «  Psychologie  du  Sinn 
Fein  »,  et  à  la  revue  Les  langues  modernes  (15  avril  1921,  p.  185- 
190)  une  note  sur  «  l'Irlande  et  l'empire  britannique  ». 

Enfin,  on  trouvera  dans  la  revue  Scientia  du  i"  avril  1921 
(p.  281-300)  un  article  signé  J.  Vendryes  sur  «  la  crise  irlandaise  ». 

On  annonce  d'autre  part  l'apparition  prochaine  d'une  nouvelle 
édition  du  livre  de  M.  L.  Tréguiz  (ci-dessus,  p.  200),  considéra- 
blement auementée. 


XIII 


Dans  la  matinée  du  dimanche  12  décembre  1920,  la  seule  biblio- 
thèque publique  que  possédât  la  ville  de  Cork  pour  ses  90.000 
habitants,  la  Carnegie  Free  Library,  fut  anéantie  parle  feu.  Tous 
les  journaux  ont  rapporté  les  circonstances  tragiques  dans 
lesquelles  l'incendie  avait  été  allumé  et  propagé.  Ce  fut  un  des 
épisodes  les  plus  dramatiques  de  la  guerre  engagée  par  les  forces 
de  la  couronne  contre  les  patriotes  irlandais.  Il  ne  faut  pas  se 
laisser  abuser  par  l'euphémisme  de  «  représailles  »  sous  lequel  on 
tenta  de  présenter  à  l'opinion  publique  comme  des  mesures  de 
o-uerre  légitimes  les  attentats  des  Black  and  Tans  contre  une  popu- 
lation laborieuse  et  paisible,  contre  ses  instruments  de  travail,  ses 
habitations,  ses  propriétés.  Il  n'est  pas  de  raison  valable  aux  yeux 
d'un  homme  civilisé  pour  justifier  pareille  politique.  L'incendie 
des  II  et  12  décembre  1920  anéantit  un  des  plus  beaux  quartiers 
de  la  ville  de  Cork,  y  compris  l'hôtel  de  ville  et  plusieurs  grands 
magasins.  La  Carnegie  Free  Library  fut  atteinte  en  dernier  par  les 
flammes  :  il  ne  resta  du  bâtiment  que  les  quatre  murs,  et  les 
14.000  volumes  qu'elle  contenait  furent  réduits  en  un  tas  4^  cendres. 
Le  Library  Committee  a  lancé  un  «  Appeal  for  books  »  dont  nous 
détachons  les  passages  suivants  : 

We  are  forced  to  issue  this  urgent  appeal  for  books  to  reestablish 
our  Library  which  was  patronised  almost  exclusively  by  working  men 
and  womcn,  serious  young  studeuts,  and  also  school  children  for  whom 
we  had  a  spécial  Juvénile  Section. 

Gifts  of  books,  large  or  sniall,  vvill  be  very  gratefuUy  received.  A  spécial 
book-plate,  inscribed  with   the  name  of  the  Donor,  will  be  put  on  every 


Chronique.  375 

book.  As  we  must  rebuild  from  the  beginning,  practically  every  class  of 
book  will  be  useful. 

.  .  .  We  confidently  appeal  to  ail  those  who,  without  distinction  of  creed, 
race  or  class,  wish  to  help  in  this  humanitarian  and  educational  réparation. 
We  appeal  in  particular  to  ail  those  who  are  members  of  the  great  world 
of  Letters  and  Art  —  dramatists,  poets,  authors,  editors,  scholars,  teachers, 
clergymen  —  to  contribute,  were  it  only  a  single  volume  each,  to  our 
peaceful  endeavour  to  reestablish  a  Free  Public  Library  in  our  devastated 
Citv.  Hducational,  literary,  scientific  and  charitable  institutions  may  also, 
we  hope,  be  led  to  send  us  books.  And  there  must  be  very  many  indivi- 
dual  book-lovers  who  will  be  onlv  too  happy  to  spare  from  their  librariës 
a  few  volumes  to  contribute  to  the  happiness  and  éducation  ofothers  less 
fortunate. 

Books  maybe  sentto  the  Librarian  (James  Wilkinson,  F.  L.  A.),  School 
of  Art,  Cork. 

XIV 

Nous  avons  reçu  la  circulaire  suivante,  relative  à  la  chaire  de 
celtique  de  Jésus  Collège,  à  Oxford,  laissée  vacante  par  la  mort 
de  sir  John  Rhys  (v.  Rev.  Celt.,  t.  XXXVI,  p.  418)  et  restée 
jusqu'ici  sans  titulaire. 

JESUS   PROFESSORSHIP  OF  CELTIC. 

The  Electors  to  this  Professorship  intend  to  proceed  to  an  élec- 
tion of  a  Professer,  to  come  into  office  on  October  i,   1921. 

Candidates  are  requested  to  send  in  their  applications,  with  such 
évidence  of  their  qualifications  as  they  may  désire  to  submit,  to 
the  Registrar  of  the  University,  University  Registry,  Oxford,  so  as 
to  reach  him  not  later  than  August3i,  1921.  T^w  copies  of  the 
letter  of  application,  and  of  any  testimonials  submitted,  should  be 
sent.  The  choice  of  the  Electors  will  not  necessarily  be  limiled  to 
those  who  apply. 

The  Professer  will  be  a  Fellow  of  Jésus  Collège,  and  will  receive 
from  the  Collège  £  400  a  year  ;  in  addition  he  will  receive  from 
the  University  Chest  £  200  a  year. 

It  will  be  the  duty  of  the  Professer  to  lecture  and  give  instruction 
on  the  Celtic  Languages,  Literature,  and  Antiquities. 

The  Professer  is  bound  by  the  Statutes  of  the  University  to 
réside  within  the  University  during  four  menths  at  least  in  each 
academical  year. 

He  is  also  bound  to  lecture  in  two  at  least  of  the  three  Univer- 
sity Ternis.  His  lectures  must  extend  over  a  peried  net  less  in 
any  Term  than  six  weeks,  and  not  less  in  the  whele  than  fourteen 
weeks,  and  he  must  lecture  twice  at  least  in  each  week. 


57^  Chronique. 

The  Professer  is  also  subject  in  respect  of  résidence  and  duties 
to  the  General  Régulations  laid  down  in  Statt,  Tit.  IV'.  Sect.  i.  §  3 
(Oxfonl  Uiiiversity  Sintiitcs,  éd.  1920,  pp.  68,  69).  Copies  of  thèse 
may  be  obtained  froni  the  Registrar  of  the  University. 

G.   Lhudesdorf, 
Registrar  of  the  University. 
University  Registry,  Oxford, 
May  lé,  1921 


XV 

On  annonce  la  publication  à  la  librairie  Hachette  d'un  traité  de 
phonétique  latine  de  M.  C.  Juret.  Le  nom  de  l'auteur  suffit  à 
marquer  l'intérêt  du  livre  et  à  piquer  la  curiosité  des  lecteurs.  On 
sait  en  effet  avec  quel  talent  vigoureux  et  original  M.  Juret  a  repris 
des  problèmes  maintes  fois  retournés  avant  lui  et  en  a  renouvelé 
les  solutions.  Il  est  vraisenihlable  que  la  linguistique  celtique 
pourm  tirer  un  grand  profit  du  livre  qu'il  consacre  à  la  phoné- 
tique latine.  Il  y  a  lieu  toutefois  d'avertir  les  celtistes  qui  seraient 
tentés  d'en  faire  la  commande  que  le  livre  est  rais  en  vente  au  prix 
de  soixniile-qiiiiiie  francs  !  La  plupart  d'entre  eux  verront  là  une 
prohibition,  non  moins  difficile  à  enfreindre  que  les  geasa  de  la 
légende  irlandaise.  Il  est  vraiment  bien  inutile  d'éditer  des  livres 
d'étude  si    l'on  empêche  les  étudiants  de  se  les  procurer. 

Ouvrages  récents  dont  il  sera  rendu  compte  ultérieurement  : 

A.  Longnon,  Les  noms  de  lieu  de  la  France,  V  partie.  Paris, 
Champion,  1920. 

Rev.  P.  Wsihh,  Leahhar  Chlahute  Sttihhne.    Dublin,  1920. 

Lady  Gregory,  V-isions  and  Reliefs,  2  vol.  Londres,  G.  P.  Putnam's 
Sons,  1920. 

J.  Vendryes. 


PÉRIODIQ.UES 


Sommaire.  —  I.  Annales  de  Bretagne.  —  II.  Revue  des  Études  anciennes. 
—  m.  Mémoires  de  la  Société  de  Linguistique.  —  IV.  Bulletin  de  la 
Société  de  Linguistique.  —  V.  Le  Fureteur  breton.  —  VI.  Eriu. 


I 

Le  tome  XXXIV  des  Ankales  de  Bretagne  contient  dans  les  fas- 
cicules 2  et  3  l'édition  avec  traduction  française  du  texte  irlan- 
dais de  «  la  Langue  toujours  nouvelle  »,  Tenga  bilhiiua  (p.  190- 
207  et  278-297).  Il  s'agit  de  la  langue  de  l'apôtre  Philippe,  qui 
neuf  fois  coupée,  repoussa  neuf  fois  pour  faire  connaître  aux  sages 
liébreux  assemblés  sur  la  montagne  de  Sion  la  veille  de  Pâques 
les  mystères  delà  nature,  mers,  sources,  fleuves,  pierres  précieuses 
et  arbres  étrangers,  cours  des  astres  et  races  des  homiBes,  ainsi 
qu'une  description  de  l'enfer  et  du  séjour  des  bienheureux.  C'est- 
à-dire  que  le  texte  appartient  à  cette  littérature  de  visions  et  de 
révélations,  issue  des  Apocalypses,  dont  la  fantasmagorie  était  bien 
faite  pour  charmer  l'imagination  des  Celtes.  On  possède  plusieurs 
rédactions  du  Tenga  hithtnia.  L'une,  conservée  dans  le  Manuscrit 
de  Lismore,  a  été  publiée  avec  traduction  anglaise  par  Whitley 
Stokes  dans  Eriu,  II,  96-162  ;  deux  autres  ont  été  publiées  par 
M.  Dottinavec  traduction  française  dans  la  Revue  celtique,  t.  XXIV, 
p.  365-403  et  t.  XXVIII,  p.  277-307.  Celle  que  donne  aujour- 
d'hui M.  Dottin  aux  Annales  de  Bretagne  est  tirée  du  Manuscrit  de 
Paris  (fonds  celtique  n"  i,  f"  24  a  1-27  b  3).  Il  y  a  peu  de  dif- 
férences entre  cette  rédaction  et  celle  du  manuscrit  de  Rennes 
publiée  au  tome  XXXV  de  la  Revue  celtique.  Il  était  néanmoins 
utile  de  la  publier  à  cause  des  variantes  qu'elle  présente  ;  en  géné- 
ral la  forme  est  plus  archaïque  dans  le  ms,  de  Paris  que  dans  celui 
de  Rennes.  Au  point  de  vue  du  fond  aussi,  on  pourra,  grâce  à 
M.  Dottin,  faire  une  étude  fructueuse  de  ce  curieux  texte  et  cher- 


578  Périodiques. 

cher  notamment  à  en  reconstituer  l'original,  qui  était  certainement 
écrit  en  latin.  P.  192,  début,  je  traduirais  :  car  c'était  pour  la  race 
d'Adam  «  tète  en  sac  »  et  «  saut  dans  une  maison  obscure  »..., 
c'est-à-dire  «  saut  dans  les  ténèbres  »  comme  nous  disons  «  saut 
dans  l'inconnu  ».  P.  278,  1.  6,  on  notera  le  tour  ///  rig  amhi  laim 
{  cath  «  le  roi  en  la  main  de  qui  elle  est  dans  le  combat  »,  archaïsme 
égaré  dans  ce  texte  plein  de  formes  modernes. 

M.  J.  Loth  étudie  aux  pages  51-56  l'irlandais  acher,  le  gallois 
agenv  et  l'irlandais  accarh.  Ces  trois  adjectifs  qui  expriment  la  vio- 
lence et  la  rudesse  ont  souvent  été  considérés  comme  des  emprunts 
au  latin.  Le  savant  auteur  les  restitue  au  vocabulaire  du  celtique 
commun.  Les  inscriptions  ogamiques  présentent  un  nom  propre 
Aheras  (gén.)  qui  rend  vraisemblable  l'existence  d'un  celtique 
*akero-,  confirmée  par  le  vieux-breton  aceruission  gl.  hirsutis.  Donc 
acher  son  de  *akero- .  Le  gallois  agenu  (5.  An.,  19,  4  Evans  ; 
Cynddelw  dans  M.  A.,  189  b  44)  est  en  vieux-gallois  y^c^rw,  Ache- 
rii,  Aggeru  (Lib.  Landau.  235,  297,  279)  ;  il  remonte  donc  à  un 
celtique  *(ihenj-o.  Quant  à  l'irlandais  moyen  accarh,  auj.  agarhh,  il 
a  un  correspondant  dans  le  gallois  agariu  ;  tous  deux  remontent  à 
un  celtique  *ad-garuo-.  —  P.  188-190,  M.  J.  Loth  fait  un  tableau 
du  traitement  de  la  particule  privative  an-  dans  les  langues  cel- 
tiques. 

Les  amis  du  breton  et  de  Le  Laé  se  réjouiront  "d'apprendre  que 
l'étude  de  M,  Esnault,  interrompue  par  les  années  de  guerre,  est 
reprise  au  fascicule  5  du  tome  XXXIV  des  Annales,  p.  519-362. 
Il  s'agit  d'un  commentaire  au  texte  du  Morin,  publié  comme  on 
sait  avec  toute  la  minutie  et  l'acribie  d'un  philologue  dressé  aux 
méthodes  classiques  dans  les  tomes  XXVIII  et  XXIX  du  même 
périodique  (de  janvier  1913  à  juillet  1914). 


II 


Dans  la  Revue  des  Études  anciennes,  t.  XX,  p.  38  et  suiv., 
M.  Loth  étudie  «  le  mot  hoiii  dans  une  inscription  gauloise  de  Ca- 
vaillon  et  l'ogamique  koi  ».  11  s'agit  d'une  inscription  qui  a 
d'abord  fait  l'objet  d'une  étude  de  M.  Mazauric  (Revue  du  Midi, 
Nîmes,  1910)  et  que  Rhys  a  examinée  depuis  (Proceedings  of  the 
British  Academy,  vol.  V,  1912,  p.  7-1 1)  ;  elle  est  aujourd'hui  au 
musée  de  Cavaillon,  avec  quatre  autres  trouvées  également  dans 
cette  localité.  Le  mot  koui  par  lequel  elle  se  termine  est  identifié 
par  M.    Loth  au  mot  koi  qui  apparaît   sur  sept  inscriptions  oga- 


Périoiiiques.  379 

miques.  Or,  ce  mot  est  considéré  par  M.  Marstrander  comme  le 
locatif  du  thème  démonstratif  */i'o-  ;  cf.  irl.  ce  «  ici  »  (Êriu,  V,  143). 
L'adverbe  koi  aurait  une  valeur  indicative  de  lieu  ;  déjà  M.  Maca- 
lister  y  voyait  l'équivalent  du  latin  hic  iacet  ÇSiudies  in  Irish  Epi- 
grapby.  Part  III,  pp.  83-84).  Ainsi  l'inscription  ogamique  Corrbi 
koi  maqi  Lahrialt[os]  doit  se  comprendre  :  «  [Pierre]  de  Corb  ici,  le 
fils  de  Labraid  ».  L'ordre  des  mots  de  cette  inscription  mérite  une 
remarque.  C'est,  on  le  sait,  un  vieil  usage  indo-européen  de  placer 
toujours,  entre  le  nom  propre  et  l'apposition  qui  le  détermine, 
tantôt  le  substantif  dont  il  dépend,  tantôt  tel  autre  mot  de  la 
phrase.  Cet  usage  est  attesté  aussi  bien  en  indo-iranien  qu'en 
grec,  en  germanique,  en  latin  (cf.  Wackernagel,  Indog.  Fschg.,  l, 
429  ;  Thommen,  die  IVortstelliuig  im  nachvedischen  Altindisch  tind 
iiii  Miflelindiscbeii,  Gûtersloh,  1903,  p.  54  et  suiv.,  §  82-89  5  ^ic- 
ckers,  die  Stelhing  des  Verbs  im  griechischeti,  p.  80;  et  surtout 
W.  Schulze,  die  lateinischeu  Eigennamen,  p.  128,  n.  4).  Par 
exemple,  on  dit  en  grec  ancien  :  (^a-jcTou  totco;  Ntii'.wtou,  X'.xoÀàou 
àvâOT,u.a  'Pooiou  ou  AiiçYÔvoç  atytô/oio  comme  en  norrois  runique 
Hurnhura  staiii  Suipks  ou  en  vieux-haut-allemand  Davides  sun  thés 
guateii  (Otfrid,  III,  10,  10)  ou  Davides  se^  tbes  Jaininges  (\d.,  I,  5, 
28). 

M.  C.  Jullian  continue  la  série  de  ses  «  Notes  Gallo-romaines  ». 
Sous  le  numéro  Ixxvij  il  défend,  p.  43  et  suiv.,  le  caractère  indo- 
européen des  Ligures  contre  M.  Piganiol.  Ce  dernier  dans  sa  thèse 
publiée  en  1917,  Essai  sur  les  origines  de  Rome,  p.  13,  a  soutenu 
que  les  Ligures,  qui  ne  seraient  point  des  Indo-européens,  repré- 
senteraient la  civilisation  des  temps  néolithiques  et  du  premier 
âge  du  bronze.  M.  C.  Jullian  lui  répond  par  des  arguments  connus 
de  nos  lecteurs  (v.  ci-dessus,  p.  91  et  suiv.),  sur  la  race  et  le  nom 
des  Ligures,  symbole  de  l'unité  italo-celtique. 

Sous  le  numéro  Ixxviij,  p.  113  et  suiv.,  il  signale  la  présence 
d'une  serpette,  à  côté  du  maillet  et  du  pot,  sur  un  autel  provenant 
de  Psalmodi  (en  Bas-Languedoc,  près  de  la  Camargue),  et  consacré 
à  Silvain.  Celui-ci  serait  donc  tout  simplement  un  dieu  rustique  et 
agraire  ;  et  bien  hoin  de  chercher  un  sens  cosmogonique  aux  repré- 
sentations que  nous  en  avons  conservées,  il  faudrait  voir  dans  ses 
attributs  des  allusions  à  la  culture  de  la  vit^ne. 

Le  n"  Ixxix  (p.  169-180)  reproduit  une  lecture  faite  à  l'Acadé- 
mie des  Inscriptions  sur  l'Alsace  gallo-romaine.  L'auteur  y 
réunit  tous  les  témoignages  qui  établissent  le  caractère  celtique  de 
l'Alsace  à  l'époque  gallo-romaine. 

Dans    le    tome   XXI  de  la   même    Revue,  M.  J.    Loth   étudie, 


iSo  Périodiques. 

p.  263-270,  le  gaulois  Arcautodan  et  le  nom  de  l'argent  chez  les 
Celtes.  Le  mot  en  question  figurant  sur  des  monnaies,  on  l'a  tra- 
duit par  a  préposé  aux  monnaies,  essayeur,  vérificateur,  directeur  », 
ce  qui  est  hypothèse  pure.  M.  Loth  retrouve  la  syllabe  dan  dans 
platiodoniii  (C.I.L.,  XIII,  6676)  et  daiimim  (f /;/</.,  4228)  et  croit 
pouvoir  donner  à  cette  ancienne  hypothèse  une  confirmation  en 
rapprochant  du  mot  datinos  l'irlandais  </<?//,  gallois  dawn  «  talent, 
profession,  fonction  ».  11  passe  ensuite  en  revue  les  formes  du 
nom  de  l'argent  dans  les  langues  celtiques. 

Dans  ce  même  tome,  suite  des  notes  gallo-romaines  de  M.  Jullian. 
Le  n"  l.xxxi  est  consacré  à  l'origine  de  l'assemblée  druidique 
(p.  27-32).  Le  savant  auteur  y  montre  combien  il  est  nécessaire 
de  remonter  au  delà  du  texte  de  César  ;  l'état  politique  de  la  Gaule 
un  siècle  avant  notre  ère  ne  gardait  plus  que.  quelques  survivances 
d'un  état  plus  ancien,  politico-religieux,  commun  à  tout  le  nord- 
ouest  de  l'Europe,  où  la  société  avait  sur  le  sol  de  la  Gaule  à 
la  fois  son  cadre  naturel,  fourni  par  la  contrée,  son  centre  sacré, 
ses  organismes  locaux,  ses  communions  humaines.  C'est  pour  cette 
société  que  le  druidisme  était  fait  ;  c'est  au  milieu  d'elle  qu'il 
fonctionnait  régulièrement.  On  en  peut  faire  remonter  la  date 
mille  ans  environ  avant  notre  ère.  Reprenant  et  précisant  les  don- 
nées du  problème  dans  le  n'^  Ixxxij  (p.  102-110),  M.  C.  Jullian 
marque  l'importance  du  pagtis,  unité  politique  plus  ancienne  que 
la  ciiiitas,  et  qui  a  toujours  maintenu  son  individualité  religieuse  ; 
la  Gaule  a  dû  être  pendant  une  certaine  période  constituée  par  un 
demi-millier  de  petits  royaumes,  correspondant  à  autant  dt  pagi  : 
les  rois  qui  y  étaient  en  même  temps  prêtres  formaient  entre  eux 
comme  une  fédération,  dont  l'assemblée  druidique  des  Carnutes 
était  la  sanction  religieuse.  Les  hypothèses  qu'établit  M.  Jullian 
pour  la  Gaule  pourraient  recevoir  certaines  confirmations  d'une 
comparaison  avec  l'état  religieux  et  social  de  l'Irlande  primitive.  11 
y  aurait  entre  les  deux  sociétés  des  analogies  frappantes.  Ajoutons 
que  dans  chacun  des  fascicules  dch  Revue,  M.  C.  Jullian  continue 
sa  chronique  gallo-romaine,  toujours  si  riche  de  faits  et  d'idées, 
mine  précieuse  pour  les  celtistes. 


III 

Dans  le  tome  XXI  -des-  Mémoires  de  la  Société  de  Linguis- 
tique, M.  Meillet  a  publié  p.  249  et  suiv.  un  article  sur  les  noms 
du  (I.  jeu  »  et  de  r  «  eau  »  et   la  question  du  genre .  Il  j  a    illustré 


Périodiques.  381 

d'exemples  empruntés  à  des  langues  variées  une  théorie  originale, 
suivant  laquelle  la  catégorie  indo-européenne  du  genre  représen- 
terait en  partie  l'opposition  d'animé  et  d'inanimé,  qui  s'observe 
chez  plusieurs  peuples  non  civilisés  et  notamment  chez  les  Algon- 
quins. Le  fait  est  que  pour  certaines  notions  générales  d'ordre  na- 
turel, les  langues  indo-européennes  possèdent  parfois  deux  mots, 
l'un  neutre  exprimant  la  notion  sous  sa  forme  d'objet  matériel 
immobile,  l'autre,  masculin  ou  féminin,  exprimant  la  notion  sous 
forme  de  personnalité  agissante.  C'est  le  cas  en  particulier  pour 
l'eau  et  pour  le  feu.  A  côté  de  mots  comme  grec  uowp  et  r.Zo,  got. 
luato  et  foti,  tokharien  luâr  ctpor,  arm.  jnr  et  bur^  ombrien  utur  et 
pir,  qui  sont  neutres  ou  remontent  à  d'anciens  neutres,  on  ren- 
contre des  mots  comme  skr.  apah  (plur.)  et  agnih,  zend  cijs  et 
(Ifars,  lat.  tiuda  ou  ciqtia  etigiiis,  lituanien  vandû  et  iignis,  qui  sont 
de  genre  animé  (masculin  ou  féminin).  La  différence  des  deux 
valeurs  est  encore  sensible  en  sanskrit  védique,  où  le  neutre  uda- 
hitn  s'oppose  à  apah,  le  premier  désignant  l'eau  en  tant  que  chose, 
le  second  en  tant  qu'être  personnifié  (R.  T.,  V,  45,  10).  La  valeur 
«  animée  »  du  latin  uuda  ressort  du  fait  que  l'élément  à  nasale 
inséré  à  l'intérieur  du  mot  est  le  même  que  l'on  rencontre  dans  le 
verbe  sanskrit  unàtli.  La  même  explication  s'applique  à  l'irlandais 
nisce,  masculin,  qui  a  un  suffixe  -sk-,  identique  à  celui  du  verbe 
germanique  ivaskan  (cf.  Rev.  Celt.,  XXX,  209).  C'est  donc  en  cel- 
tique comme  en  latin  le  nom  de  genre  animé  qui  a  prévalu  dans 
le  cas  de  l'eau. 

En  ce  qui  concerne  le  feu,  M.  Meillet  nous  paraît  avoir  été  trop 
prompt  à  admettre  l'opinion  exprimée  par  M.  Thurneysen  (Haiid- 
biicb,  p.  198),  suivant  laquelle  il  n'v  aurait  en  irlandais  qu'un  mot 
masculin  teiie,  gén.  tened,  comportant  au  datif  singulier  une  double 
forme,  leiiid  et  fein  '.  Une  ancienne  doctrine,  admise  par  W'hitley 
Stokes  dans  son  Urkeltischer  Sprachschat;,   p.  125,   établissait  une 

î.  La  forme  de  duel  dd  tene  (Corm.,  s.  u.  heUaine)  est  de  toute  façon 
embarrassante.  L'absence  d'aspiration  du  /  indique  un  mot  neutre.  Ce  pour- 
rait être  une  forme  de  pluriel  {*tepnesa)  employée  en  fonction  de  duel. 
Mais  d'ailleurs  on  ne  connaît  pas  exactement  la  forme  de  nom.  ace.  duel 
des  thèmes  neutres  en  -es-  ;  l'exemple  indagnc  Sg.  168  a  3  est  ambigu,  vu 
que  le  mot  gnè  tendait  à  être  indéclinable  (Thurneysen,  Hdh.,  p.  209). 
Par  conséquent  dâ  lem  conserve  une  valeur  entière.  Il  est  vrai  que  Stra- 
chan  y  voyait  une  forme  de  singulier  en  fonction  de  duel  (^middle  Irish 
Declension,  p.  39);  mais  n'a-t-on  pas  datbetiid  dans  L.  L.  99  a  28  en  face  de 
dd  tene  Lee.  48  b  ?  Ce  pourraient  bien  être  les  représentants  de  deux  mots 
originellement  différents. 


382  Périodiques. 

distinction  entre  un  mot  ien,  neutre,  thème  en  -es-,  et  un  mot  iene, 
masculin  ou  féminin,  thème  à  dentale.  Le  datif  iein  (attesté  en 
vieil-irlandais  sous  la  forme  bo-tcn  «  par  le* feu  »  Ml.  31  d  4  ;  cf. 
assinteiti,  var.  -tcii,  dajis  l'Hymne  de  Fiacc,  v.  48),  s'explique  aisé- 
ment en  partant  d'un  thème  neutre  *tepnes-  ;  la  métaphonie  a  pu 
être  entravée  par  le  groupe  -[p]ii-  (v.  Pedersen,  Vgl.  Gr.,  I,  249  et 
II,  103). 

Le  mot  teiie  au  cours  de  l'histoire  hésite  entre  le  genre  masculin 
et  féminin.  En  irlandais  moderne  c'est  au  féminin  qu'il  s'est  fixé  ; 
mais  dans  le  gaélique  d'Ecosse,  on  rencontre  les  deux  genres, 
suivant  les  dialectes  (cf.  Mackinnon,  The  Celtic  Revieiu,  VI,  303). 
Semblable  hésitation  dénonce  souvent  un  ancien  neutre  (v.  Rev. 
Ceît.,  XXXI,  535).  Il  est  donc  permis  de  croire  avec  Whitley 
Stokes  que  le  celtique  possédait  jadis  pour  désigner  le  feu  un  mot 
neutre  teii,  répondant  à  l'avestique  Infnah-,  et  un  mot  masculin 
iene,  dérivé  de  la  même  racine  au  moyen  d'un  suffixe  *-yât-  ou 
*-yejot-  (Pedersen,  Vgl.  Gr.,  II,  103).  Du  moins,  M.  Meillet 
aurait-il  eu  intérêt  à  mentionner  cette  hvpothèse  au  nom  même  de 
la  doctrine  qu'il  se  proposait  d'établir'. 

Le  tome  XXI  des  Mémoires  contient  aussi  p.  39  et  suiv.  quelques 
Etymologies,  parj.  Vendryes  ;  le  celtique  y  est  intéressé,  notam- 
ment en  ce  qui  concerne  le  nom  de  la  noix  (irl.  cnù,  gall.  cnau  ; 
V.  toutefois  J.  Loth,  Rev.  Celt.,  XV,  227),  le  nom  de  la  saleté  ou 
souillure  (irl.  saî,  salach,  etc.)  et  celui  du  bief  (gallo-roman 
hedo-). 


IV 


Le  BuLLETiM  DE  LA  SociÉTÉ  DE  LINGUISTIQUE,  tome  XXII,  fas- 
cicule  I,  contient  p.  24  et  suiv.,  une  note  signée  J.  Vendryes,  sur 
le  rapprochement  des  trois  mots  «  gotique  wulbus  /^?/'"  uoltus  et 
gallois  gweled  ».  Ces  mots  sortent  d'une  racine  "uel-,  qui  signifiait 
('  voir  »  ;  le  sens  de  «  choisir,  désirer,  vouloir  »  que  la  racine 
*iiel-  présente  ailleurs  (en    indo-iranien,  en  baltique,  en  slave,  en 


I .  Le  celtique  a  un  bel  exemple  d'opposition  entre  inanimé  et  animé 
dans  le  cas  du  mot  oes  (aes)  qui  a  en  irlandais  deux  genres  et  deux  flexions 
différentes:  oes  neutre  (gén.  dis  Sg.  65  b  5)  désigne  la  vie,  l'âge,  le  cours 
du  temps  ;  oes  masculin  (gén.  oesso)  désigne  les  gens  qui  vivent,  le  peuple, 
et  sert  couramment  de  pluriel  à  fer  dans  l'emploi  déterminé.  Voir  la  note 
au  Thésaurus,  p.  117  n.  d  et  cf.  Thurneysen,  Hdh  ,  p.  171  et  187. 


i 


Périodiques.  583 

germanique,  en  latin),  paraît  secondaire  et  dérivé  du  précédent. 
M.  Loth  (Rev.  Celt.,  XV,  94)  avait  déjà  signalé  combien  le  pas- 
sage est  aisé  du  sens  de  «  voir  »  à  celui  de  «  vouloir  ». 


V 

Malgré  les  difficultés  de  l'heure  présente,  le  Fureteur  breton 
continue  doucement  son  activité.  Nous  relevons  dans  le  n°  58 
(t.  X,  janvier-février  1920),  outre  deux  notes  signées  L.  Gougaud 
(«  Aménités  »  sur  les  Bretons  et  Le  peintre  Gauguin  en  Bretagne^,  les 
résultats  d'une  enquête  de  M.  Gaston  Esnault  sur  Le  poilu  de  Bre- 
tagne; parmi  les  mots  enregistrés  figure  p.  109  le  mot ^«V^on,  donné 
comme  en  usage  pendant  la  guerre  au  71"=  de  ligne  pour  désigner 
la  viande  de  porc  conservée.  L'emploi  du  mot  en  ce  sens  est  bien 
antérieur  à  la  guerre;  il  était  courant  en  1896  parmi  les  soldats  du 
ii7«de  ligne  au  Mans.  Esf-il  d'origine  bretonne  ?  C'est  fort  dou- 
teux, encore  qu'il  y  eût  alors  au  117*=  une  assez  forte  proportion 
de  recrues  provenant  des  arrondissements  de  Lorient  et  de  Pon- 
tivy. 


VI 


Le  second  et  dernier  fascicule  du  tome  VIII  de  Ériu  débute  par 
un  fort  intéressant  article  de  M.  J.  Baudis  «  on  the  antiquity  of 
the  kingship  of  Tara  »  (p.  101-107).  Cet  article  corrobore  et 
complète  sur  quelques  points  ceux  que  M.  Loth  a  consacrés  dans 
la  Ra'ue  des  Études  anciennes  (t.  XVII,  p.  195  et  t.  XIX,  p.  35)  à 
l'omphalos  chez  les  Celtes  (cf.  R.  Celt.,  XXXVII,  p.  142  et  ci- 
dessus,  p.  92).  Il  a  pour  objet  de  prouver  qu'avant  l'arrivée  des 
Milésiens  en  Irlande,  Tara  était  déjà  un  lieu  important  comme 
capitale  d'une  sorte  de  royauté  sacerdotale.  Le  roi  de  Tara  était 
investi  de  pouvoirs  surnaturels  ;  il  était  soumis  à  une  série  d'in- 
terdictions {gesa)  ;  mais  aussi  longtemps  qu'aucune  infirmité  ne 
diminuait  sa  puissance,  il  exerçait  une  action  sur  le  monde  phy- 
sique, sur  la  marche  du  soleil,  sur  la  végétation,  sur  la  fécondité 
des  troupeaux.  On  retrouve  certains  de  ces  traits  dans  nombre  de 
légendes  et  notamment  dans  celles  du  cycle  de  l'Ulster',  Le  cycle 

I.  Voir  notamment  dans  le  même  fascicule  à' Eriu,  p.  154,  le  fragment 
de  la  Tdhi  bô  Ftidais,  où  il  est  dit  que  le  soleil  ne  se  montra  pas  tant  que 


384  Périodiques. 

de  Tara,  cycle  méndionnl,  est  cependant  antérieur  au  cycle  de 
rUlster  ;  celui-ci,  qui  est  le  cycle  de  Conchobar  et  de  Cuchullin,  a 
donc  absorbé  plusieurs  éléments  caractéristiques  du  cycle  du  Sud, 
qui  est  celui  de  Conaire  Mor  (cf .  Ériii,  VI,  134). 

De  M.  Baudià  aussi  est  l'article  suivant.  Notes  on  Ibe  preverhal 
partides  (p.  108-113);  le  savant  auteur  est  d'accord  sur  plus  d'un 
point  avec  les  conclusions  d'un  article  sur  la  place  du  verbe  en 
celtique  paru  en  191 1  dans  les  Mémoires  de  la  Sociéiè  de  Linguis- 
tique (cL  Rev.  Celt.,  XXXIII,  154).  C'est  pour  l'article  en  question 
une  garantie  d'exactitude,  qui  est  fort  précieuse. 

Viennent  ensuite  :  de  M.  Lucius  Gwynn  une  note  sur  Leahhar 
Gabhàhi  nnd  the  Book  of  Lciuster  (p.  114-116)  et  de  M.  R.  I.  Best, 
Pahvographical  Notes,  II  (p.  117-119),  sur  la  seconda  manus  du 
Lehor  )ia  hUidre. 

M.  Best  publie  dans  le  même  fascicule  deux  curieux  textes.  L'un 
est  de  pur  folk-lore  :  Progiiosticatioiis  from  the  ravcn  and  the  wreii 
(p.  120-126).  Dans  la  Lorica  qui  lui  est  attribuée,  Colum  Cille 
repousse  les  présages  tirés  des  oiseaux  {iii  adraim  do  ^othaih  en), 
déclarant  n'avoir  d'autre  druide  que  le  Chrhl  (^is  é  nio  drai  Crist  mac 
De).  Mais  l'usage  de  la  divination  par  les  oiseaux  fut  certainement 
répandu  en  Irlande;  il  suffit  pour  s'en  convaincre  de  lire  le  Fia- 
chairecht  et  le  Dreanachl  que  publie  M.  Best  d'après  le  ms.  H.  3. 
17  (col.  803  et  831);  ce  sont  des  recueils  de  règles  à  suivre  pour 
interpréter  les  présages  fournis  respectivement  par  le  corbeau  et  le 
roitelet.  On  sait  par  ailleurs  le  rôle  que  joue  le  roitelet  dans  le 
folk-lore  brittonique  (cf.  J.  Loth,  Rev.  Celt.,  XX,  342).  — L'autre 
texte  édité  par  M .  Best  appartient  au  cycle  épique  de  Conchobar, 
bien  que  les  événements  qu'il  raconte  soient  postérieurs  à  la  mort 
de  ce  prince.  C'est  le  Cath  Airtig,  «  Bataille  d'Airtech  »,  provo- 
quée par  le  partage  de  l'Ulster  qu'effectua  Cuscraid  le  bègue,  fils 
de  Conchobar.  Ailill  et  Medb  réclamaient  le  Crich  Maland,  qu'ils 
n'avaient,  prétendaient-ils,  cédé  à  Conchobar  que  sa  vie  durant. 
Un  conflit  s'éleva,  qui  fut  réglé  parles  armes:  les  gens  du  Con- 
naught  (Fir  01  nEgmacht)  furent  finalement  battus  par  les  gens 
de  l'Ulster.  Mais  les  pertes  furent  sévères  des  deux  côtés  ;  notam- 
ment Benna,  fils  de  Conchobar,  et  Cel,  fils  d'Ailill  et  Medb,  périrent 
de  la  main  l'un  de  l'autre.  Le  texte  du  Cath  Airtig  est  conservé 
dans  deux  manuscrits,  le  Book  of  Lecan,  p.  342  a,  et  le  H.  3.  18  de 

Fergus  régna  sur  l'Ulster.  Ce  «  sombre  règne  »  {diihh-JtaitJ}es)  dura  sept 
ans  au  bout  desquels  Conchobar  fut  restauré  dans  le  trône  dont  il  avait 
été  chassé. 


Périodiques.  ^85 

Trinity  Collège,  p.  724.  Il  présente  de  nombreuses  difficultés  que 
M.  Best  a  élucidées  avec  sa  science  habituelle. 

P.  133-149,  Miss  Margaret  Dobbs  publie  cinq  fragments  inédits 
de  la  Tâiii  bâ  Flidais,  appartenant  à  une  recension  non  utilisée  jus- 
qu'ici, conservée  dans  le  ms.  B.  IV,  i  de  la  Royal  Irish  Academy, 
f°  127.  Ils  sont  surtout  importants  par  les  noms  de  lieu  et  les 
détails  topographiques  qu'ils  renferment  sur  une  région  du  Con- 
naught  que  M.  \\'estropp  a  récemment  étudiée  du  point  de  vue 
archéologique  (JourtwloftheR.  Soc.  of  Autiquaries,^.  XLII  etsuiv., 
notamment  t.  XLIV,  p.  148). 

P.  135-160,  Miss  Eleanor  Knott  publie  un  morceau  tiré  du  Book 
of  Lecan  (p.  135  a  34);  on  v  raconte  comment  Mongân,  fils  du  roi 
d'Ulster  Fiachna  Mac  Boetan,  fut  privé  de  postérité  pour  avoir 
à  plusieurs  reprises  tourné  en  dérision  Eochaid  Rigéices,  poète- 
supréme  {ardjili)  d'Irlande.  En  Irlande,  les  poètes  ne  sont  pas 
seulement  irritables;  ils  sont  dangereux  pour  ceux  qui  les  attaquent, 
comme  l'a  montré  M.  Robinson  (cf.  Rev.  Celt.,  XXXI\',  p.  95). 
La  même  érudite  philologue  publie  p.  191-194  un  poème  «'sur  la 
fuite  des- Comtes  »  (v.  Rei'.  Celt.,  XXXV,  245)  signé  du  poète 
Ainnrias  Mac  Marcuis.  Ce  poème  a  fait  l'objet  d'une  analyse  de 
Standish  O'Grady  dans  son  Catalogue,  p.  397-399  ;  il  est  empreint 
d'une  mélancolie  que  les  circonstances  ne  justifiaient  que  trop. 

Il  convient  enfin  de  citer  les  articles  suivants:  On  the  form  im- 
parrà  (L.  U.,  55  a  35)  par  Alf  Sommerfelt  (p.  12e);  Notes  on 
some  passages  in  the  Brehon  Laws,  par  Charles  Plummer  (p.  127- 
132);  Quidam  Scotigeua  .i.  Discipulus  Boethii,  par  Robin  Flower 
(p.    150-154). 

C'est  M.  Osborn  Bergin  qui  a  fourni  la  plus  grande  part  du  fas- 
cicule, avec  la  suite  de  son  édition  des  Irish  grammatical  Tracts, 
dont  nous  avons  plus  haut  annoncé  le  commencement.  Il  a  donné 
aussi  les  notes  suivantes  :  sur  le  vieil-irlandais  conmherad  (Thés. 
Pal.,  1,488;  glose  de  Turin),  qu'il  interprète  comme  un  imparfait 
du  futur  du  verbe  conbiur  «  je  conçois  »  (p.  léo);  sur  le  verbe 
sirid  «  il  cherche  »,  qui  ayant  Vi  radical  bref  doit  être  séparé  de 
l'adjectif  sir  «  long  »  (p.  196).  Il  a  en  outre  publié  un  court 
poème  tiré  du  Book.  of  the  O'Conor  Don  et  signé  de  Bonaventura 
O'Hussey,  dit  «  An  Brathair  bochi  gioUa  Brigde  »  («  le  frère 
pauvre  compagnon  de  Brigitte  »)  ;  ce  poème  en  quatre  strophes 
traite  de  la  fragilité  de  la  vie  humaine  (p.  195-196).  Enfin,  sous  le 
titre  M^/nVrt  (p.  161-169),  il  a  publié  d'importantes  notes  addi- 
tionnelles au  précis  de  métrique  irlandaise  de  Kuno  Mever  et  étu- 
dié la  prétendue  loi  suivant  laquelle  voyelle  longue  pourrait  rimer 


3^6  Périodiques. 

avec  voyelle  brève.  Cette  loi,  proposée  par  K.  Meyer,  avait  été 
contestée  déjà  par  M.  Thurneysen  {Z.  f.  celt.  Phil.,  XI,  p.  36). 
M.  Bergin  ajoute  divers  arguments  propres  à  la  faire  définitive- 
ment rejeter. 

J.  \'endryes. 


i 


NÉCROLOGIE 


Louis  TIERCELIN 

Né  à  Rennes,  Louis  Tiercelin  avait  dix-huit  ans  quand  il  fit  jouer 
au  théâtre  de  sa  ville  natale  deux  comédies-proverbes  en  vers  : 
L'occasion  fait  le  larron^  L'habit  ne  fait  pas  le  moine.  La  même  année 
(i8é8)  il  fondait  une  revue  appelée  tout  simplement  et  joliment  La 
Jeunesse.  Son  principal  collaborateur  était  Frédéric  Le  Guyader  qui, 
quelque  vingt  ans  plus  tard,  devait  le  définir  avec  un  rare  bonheur 

Le  poète  de  la  Renaissance  Bretonne. 

Puis,  comme  tout  jeune  homme  qui  sent  monter  en  lui  la  sève 
des  beaux  vers,  il  s'en  alla  à  Paris  ainsi  que  son  héros  Keruzel.  Là, 
il  fréquenta  le  Parnasse  sis  passage  Choiseul  où  se  réunissaient  chez 
Alphonse  Lemerre,  les  poètes  de  l'époque  :  Coppée,  Leconte  de 
Lisle,  José-Maria  de  Hérédia,  SuUy-Prudhomme,  Catulle  Men- 
dès,  etc.  .  .  A  l'école  du  poète  magnifique  des  Trophées,  de  l'hiéra- 
tique et  somptueux  auteur  des  Poèmes  Barbares,  il  se  plia  à  la  disci- 
pline parnassienne.  A  Hérédia  ne  disait-il  pas  : 

pétais  l'humble  petit  poète  qui  s'ignore, 

C'est  toi  qui  m'enseignas,  Maître,  cet  art  sonore 

D'accoupler  savamment  et  les  mots  et  les  sons. 

J'ajoute  tout  de  suite  que  Louis  Tiercelin,  autant  que  bien 
penser,  savait  écrire  bien.  Sa  langue  était  châtiée,  son  vers 
harmonieux,  sonore,  jamais  amorphe.  Il  connaissait  exactement 
tous  les  secrets  de  la  métrique,  les  jeux  multipliés  des  rythmes  et 
des  rimes  (car  à  l'Inspiration  doit  s'unir  le  métier),  mais  il  pro- 
clamait aussi  que  la  poésie  n'est  que  rêve  et  musique.  Les  mots 
pour  lui  n'avaient  de  valeur  que  s'ils  exprimaient  avec  netteté  la 
pensée.  Sa  poésie  toute  personnelle  —  ses  familiers  reconnais- 
saient ses  vers  à  leur   facture  —  se  prétait  également  aux  récits 

Revue  Celtique,  XXXVIII.  26 


588  Nécrologie. 

simples,  intimes,  aux  belles  évocations  lyriques  ou  épiques.  Louis 
Tiercelin  devait  être  toute  sa  vie  un  fidèle  servant  de  la  poésie  et 
de  la  beauté  et  par  conséquent  ne  souffrit  jamais  que  le  souci  de  la 
forme  muselât  son  inspiration. 

Successivement  parurent  Les  Asphodèles,  ses  premiers  vers  réunis 
en  volume  (1873),  L'Oasis  (1880),  Primevère,  poème  (1881).  En 
même  temps  son  tempérament  dramatique  s'affirmait  par  Un  voyage 
de  Noce,  drame  en  quatre  actes,  en  vers,  joué  à  l'Odéon,  et  divers 
actes,  notamment  :  Corneille  et  Roiron,  Le  Rire  de  Molière  (Comé- 
die Française,  1887).  Puis  après  avoir  donné  Les  Anniversaires  ', 
poèmes  nationaux  dédiés  au  duc  d'Aumale,  pas  assez  connus  (ah  ! 
lisez  dans  Une  nuit  au  Grand  Bé  cet  admirable  entretien  où  con- 
versent, autour  de  la  tombe  de  l'Enchanteur,  le  Jeune  homme, 
la  Bretagne  et  l'Ombre),  il  revenait  à  Rennes  et  ne  devait  plus 
se  séparer  de  la  Bretagne.  Aux  lauriers  il  préférait  les  ajoncs.  Or  il 
se  trouva  que  précisément  beaucoup  de  jeunes  poètes  florissaient 
en  ce  temps-là  sur  la  terre  d'Armor.  Tiercelin  comprit  sans  tarder 
que  sa  tâche  était  de  les  grouper,  de  les  initier  aux  secrets  des  vers, 
de  les  mettre  en  valeur.  Cette  idée  se  réalisa  par  la  publication  du 
Parnasse  Breton  contemporain,  anthologie  réunissant  près  de  cent 
poètes  dont  beaucoup  ignoraient  la  joie  de  voir  leur  signature 
imprimée. 

M.  Ad.  Van  Bever  ^  a  dit  très  justement  «  que  cette  publication 
devait  marquer  une  étape  et  réaliser  les  ressources  d'une  géné- 
ration impatiente  de  se  produire  ».  La  glorieuse  Renaissance 
Bretonne  commençait, .  . 


Le  I)  octobre  1889  paraissait  le  premier  numéro  de  VHermine, 
revue  mensuelle,  à  la  naissance  de  laquelle  j'eus  l'honneur  de  col- 
laborer avec  nos  amis  SuUian  Collin,  actuellement  inspecteur  géné- 
ral des  Assurances  générales  à  Lyon,  et  Guy  Ropartz,  aujourd'hui 
directeur  du  Conservatoire  National  de  musique  de  Strasbourg. 
Sur  la  couverture  semée  d'hermines  était  inscrite  la  devise  de  Marie 
de  France,  reprise  par  M.  de  la  Borderie  «  Bretaigne  est  poésie  ». 
En  faisant  sienne  cette  devise,  Louis  Tiercelin  signifiait  que  sa  vie 

1.  Consuher  pour  la  bibliographie  de  Tiercelin,  Camille  Lemercier 
d'Erm  :  Les  Bardes  et  poètes  nationaux  de  la  Bretagne  annoricaine,  Rennes, 
Plihon  et  Hommay  —  Paris,  Sansot. 

2.  Les  Poètes  du  Terroir,  t.  I,  Paris,  Delagrave,  éditeur,   1908. 


Nécrologie.  ■        389 

littéraire  serait  consacrée  à  l'exaltation  de  son  pays.  Ah  !  ce  furent 
vraiment  de  belles  années  d'enthousiasme,  de  ferveur  lyriques  ! 
A  l'un  des  dîners  du  Parnasse  Breton  et  de  V Hermine  qui  nous  réu- 
nissaient pour  fêter  l'apparition  d'un  volume  de  vers,  Anatole  Le 
Braz  s'écriait  en  breton  :  «  Tiercelin  a  fait  une  chose  grande, 
il  a  rassemblé  autour  de  lui  quiconque  rêve  de  voir  encore  le 
drapeau  de  la  Bretagne  onduler  au  vent,  quiconque  est  décidé  à 
maintenir  droit  sa  hampe.  » 

Entre  temps,  Tiercelin  et  moi  tramions  de  petits  complots  pour 
stupéfier  Monsieur  Prudhomme.  Nous  nous  y  efforçâmes  en 
publiant  le  Pour  Fuir .  .  .  titre  énigmatique  que  justifiaient,  si  j'ose 
dire,  ces  deux  vers  sur  la  couverture  de  ce  livret  anthologique  : 

Loin  du  monde  banal  où  l'ennui  tend  ses  toiles, 
Fuir  à  travers  le  Rêve,  au  pays  des  étoiles  ! .  .  . 

«  En  la  maison  de  l'Hermine,  41,  faubourg  de  Fougères,  tel, 
chaque  mois,  tiré  à  très  petit  nombre,  un  livret  dé  vers  paraîtra, 
respectueusement  dédié  à  l'un  des  maîtres  de  la  poésie  contem- 
poraine. Le  prix  de  chaque  livret  est  fixé  à  un  franc.  Les  direc- 
teurs :  Louis  Tiercelin,  Edouard  Beaufils.  » 

Nous  nous  amusions  à  combiner  des  dédicaces  qui  fussent  adé- 
quates aux  personnages  et  à  leurs  œuvres,  ainsi  :  «  Léon  Dierx, 
très  noble  poète  mystérieux  des  Lèvres  closes  »;  «  Paul  Bourget,  , 
poète  élégant  des  tristesses  automnales  et  des  âmes  que  la  Vie 
inquiète  »  ;  «  aux  deux  bardes  bretons,  vicomte  Hersart  de  la  \'ille- 
marqué  et  François-iMarie  Luzel  en  qui  revit  l'âme  poétique  des 
Gwenc'hlan  et  des  Hervé  »,etc..  .  Il  y  eut  dix  livrets  (1890-1891), 
Le  dernier  fut  dédié  «  au  poète  dont  l'initiative  vaillante,  par  le 
Parnasse  Breton  et  par  l'Hermine,  a  fait  jaillir  en  Bretagne  une 
merveilleuse  floraison  de  poésie,  à  l'ami  dont  le  nom  éveille  tant 
de  sympathies  bretonnes,  à  Louis  Tiercelin  ».  Il  avait  été  con- 
venu, au  début  de  notre  direction,  que  nous  écririons  en  collabora- 
tion une  sextine  qui  figurerait  en  tête  de  chaque  livret.  Quelles 
joutes  passionnées  !  Je  nous  revois  encore  dans  le  cabinet  de  Tier- 
celin, l'un  marchant  de  long  en  large,  criant  les  vers  pour  en 
éprouver  le  nombre  et  la  sonorité  ;  l'autre  écrivant,  et  parfois, 
debout  tous  les  deux,  récitant  la  strophe  achevée  avec  les  gestes 
congruents  !  Ah  !  la  farouche  ardeur  avec  laquelle  nous  empoi- 
gnions les  crins  de  la  déesse  ! .  .  . 

Toutes  ces  choses  sont  passées, 
Comme  l'ombre  et  comme  le  vent .  .  . 


390       '  Nécrologie. 


Brusquement,  comme  un  vent  de  Fronde  souffla  sur  Rennes  et 
la  Bretagne.  Dans  le  même  temps  que  V Hermine  publiait  mes  Bul- 
letins séparatistes,  Tiercelin  proclamait  l'indépendance  de  la  Bre- 
tagne sous  le  gouvernement  du  duc  de  Chareite  qui  s'appelait 
Jean  III.  Neuf  évêchés,  neuf  comtés  ;  Monseigneur  Bécel,  évêque 
de  Vannes,  était  promu  archevêque  de  Rennes  et  primat  de  Bre- 
tagne ;  M.  J.  Loth  ',  professeur  à  la  Faculté  des  lettres  de  Rennes, 
devenait  —  nouveau  M.  de  Fontanes  —  grand-maître  de  l'Univer- 
sité de  Bretagne.  La  langue  bretonne  obligatoire;  V Hermine,  jour- 
nal officiel  du  duché,  etc..  Le  fonctionnement  du  nouveau 
régime  était  prévu  jusqu'aux  moindres  détails  et  cette  quasi-insur- 
rection s'accomplissait  avec  l'agrément  du  gouvernement  français 
que  présidait  Carnot.  Malgré  cette  assurance  quelques-uns  prirent 
la  chose  au  sérieux  et  faillirent  en  référer  au  ministre  de  Tinté- 
rieur  ! 

Il  est  vraisemblable  que  pendant  cette  crise  de  bas-bretonisme 
aigu,  Tiercelin  se  détermina  à  apprendre  la  langue  bretonne.  Sur 
la  harpe  et  La  Bretagne  qui  chante  renferment  une  série  de  poèmes 
écrits  en  breton,  dont  certains  sont  dédiés  «  à  mon  savant  ami 
J.  Loth  »  pour  remercier  de  ses  conseils  l'éminent  celtisant.  Dans 
Brei:^ad  er  Baradoi,  le  poète  se  présente  à  nous  comme  un  homme 
de  la  ville 

Me  10  eiinn  den  a  ger 

qui  a  étudié  à  l'école  de  Rennes,  est  devenu  —  un  poète  renommé 
au  pays  de  France  — 

Bmx  brudet  e  e  bro  Chall 

mais  qui  pourtant  n'est  pas  heureux.  Alors  il  apprit  le  Breton  — 
avec  (les)  livres  des  gens  savants  — 

Me  nieiii^  desket  ar  Bre^ounek 
Gant  levriou  ann  dtid  gui:(iek. 

Et  il  termine  ainsi  :  Dans  le  paradis  de  Dieu,  par  sa  grâce,  — 
Je  serai  un  vrai  Pantalon-large,  —  qui  parlera  la  bonne  langue. 

I.  Je  me  fais  un  devoir  de  remercier  ici  M.  Loth,  professeur  au  Collège 
de  France,  membre  de  l'Académie  des  Inscriptions  et  Belles-Lettres,  d'avoir 
bien  voulu  m'accueillir  dans  cette  revue. 


Nécrologie.  391 

Er  Barado{  Doue,  dre  he  chras, 
A  ve^o  eur  gwir  «  Bragou-bras  » 
A  gomio  ar  te^  vad. 

Narcisse  Quellien  ',  cet  être  falot,  chimérique  (une  sorte  de 
Gérard  de  Nerval  breton),  dont  la  façon  de  sentir  et  d'exprimer  était 
légèrement  souffreteuse  et  gauche  —  maladresse  donnant  au  récit 
plus  de  poésie  et  de  rêve  —  qui  fut  écrasé  par  un  chauffeur  dont 
le  nom  était  Agamemnon  Schliemann  !  inspira  à  Louis  Tiercelin 
cette  «  Plainte  sur  la  tombe  du  barde  Quellien  »: 

Emin  true:{  eo  d'eur  Bretoiin,  d'eiir  Bar:(, 
Mervel  he  unan  e  Paris 
Mervel  peU  dioch  tour  ann  Ilis 
El  leach  ma  ann  anaoun  ebar~. 

«  C'est  une  pitié  pour  un  Breton,  un  Barde  —  De  mourir  tout 
seul,  à  Paris,  —  Mourir  loin  du  clocher  de  l'église  —  Où  sont  les 
âmes  dedans.  » 

Ce  pauvre  Quellien  que  j'ai  bien  connu  et  aimé  s'en  est  allé  er 
Baradoi  Doue .  . . 


Malgré  le  labeur  incessant  qu'exigeait  la  direction  de  l'Hermine, 
malgré  l'article  de  tête  mensuel  Choses  de  Bretagne  où  le  poète, 
le  chroniqueur  —  et  le  polémiste  parfois  —  s'unissaient  brillam- 
ment ;  ses  incursions  de  critique  averti,  curieux  «  à  travers  les 
Lettres  et  les  Arts  »,  Tiercelin  continuait  de  travaillera  son  oeuvre 
personnelle.  En  1892  le  Théâtre  de  Rennes  représentait  Une  soirée 
à  Vhôtel  de  Bourgogne,  comédie  en  deux  actes,  en  vers,  reçue  et 
distribuée  deux  fois  à  l'Odéon,  que  son  auteur  tinta  voir  jouer  sur 
la  scène  même  où  sa  première  pièce  avait  vu  le  feu  de  la  rampe. 
L'année  suivante,  j'assistais  à  l'élaboration  de  son  drame  en  vers 
Le  Ciliée,  qui  se  passe  dans  la  Byzance  du  x^  siècle.  Chaque  jour, 
entouré  des  livres  où  il  cueillait  des  documents,  il  me  lisait  le  dia- 
logue ou  la  scène  ou  même  l'acte  achevé.  Ce  drame  ne  fut  jamais 
joué,  non  plus  que  Le  Cœur  sanglant  (l'Ecosse  au  XVF  siècle).  On 
peut  se  demander  pourquoi.  Le  poète  répond  fièrement  à  cette* 
question  :  «  .Moins  heureux  que  les  honnêtes  femmes,  ces  drames 

I .  Cf.  le  délicieux  article  :  Narcisse  Quellien  et  le  bardisme  armoricain  de 
Charles  Le  Goffic,  dans  YAvie  bretonne,  première  partie,  Paris,  Champion. 


592  Nécrologie. 

ont  une  histoire.  J'avais  d'abord  pensé  à  la  dire  dans  une  pré- 
face et  je  crois  que  ce  récit  eût  amusé  mes  lecteurs,  à  quelques 
exceptions  près.  Je  renonce  à  cette  idée.  Le  drame  en  vers 
est  d'un  art  assez  haut  pour  qu'on  ne  l'abaisse  pas  à  l'environner 
de  satire,  et  si  je  peux  avoir  quelques  griefs  personnels  qu'il 
me  serait  facile  de  conter  plaisamment,  mes  vers  ne  gagneraient 
rien  à  ce  que  ma  prose  leur  payât  une  revanche  d'ironie.  » 


Des  années  s'écoulèrent,  joyeuses,  dans  la  tranquillité  du  foyer 
familial,  entre  la  mère  et  les  quatre  enfants  :  Gabrielle,  Stéphana, 
Jeanne  et  Raymond,  ces  «  petites  âmes  blanches  »  à  qui  leur  père 
dédiait  Le  Livre  Blanc  (1892)  lorsque  la  mort  emporta  subitement 
l'aînée. 

Ce  premieV  deuil  survenu  dans  un  logis  dont  on  peut  dire  que 
jusqu'alors  la  vie  y  avait  été  heureuse  parmi  les  fêtes  et  les  récep- 
tions d'innombrables  amis  et  admirateurs  ',  décida  sans  doute  Tier- 
celin  à  quitter  Rennes  et  à  se  fixer  définitivement  à  Paramé,  en  son 
Kerazur,  où  il  devait  mourir  en  laissant  un  testament  immortel,  La 
Chanson  des  Vieilles  Choses,  livre  qu'il  m'adressait  sans  dédicace  «  ne 
voulant  pas  écrire  sur  sa  douleur  »  ! 

«  Ce  n'était  pas  pour  y  vivre  dans  une  retraite  oisive;  c'était 
pour  y  méditer  dans  le  calme,  pour  se  recueillir,  pour  converser 
avec  la  nature,  pour  tirer  de  la  vie  la  haute  leçon  morale  qu'elle 
fournit  à  l'homme  de  pensée,  au  philosophe,  au  croyant,  pour 
juger  enfin  de  loin  les  choses  et  les  hommes,  les  événements,  les 
crises  morales  et  politiques  qui  ébranlaient  la  France  alors  et  qui 
le  faisaient  souffrir,  lui,  attaché  qu'il  était  aux  traditions,  aux  idées 
du  passé  ^.  »  Mais  comme  il  était  aussi   un  poète  essentiellement 

1.  Un  excellent  juge,  M.  René  Gautheron,  professeur  au  lycée  de  Brest, 
au  cours  d'une  conférence  faite  dans  cette  ville  :  Un  grand  poète  Bretoii, 
Louis  Tiercelin  (Vannes,  imprimerie  Lafolye,  191 3),  a  très  bien  discerné 
l'attrait  qu'exerçait  Tiercelin  :  «  La  vie  de  ce  poète  a  été  entourée  de  sym- 
pathies innombrables  et  il  savait  de  quoi  il  parlait  lorsque  dans  un  très 
beau  symbole,  il  nous  donnait  la  définition  de  l'amitié  : 

La  vie  éblouissante  éclaire  nos  prunelles, 
Mais  si  la  nuit  se  fait  dans  le  cœur  sans  espoir 
Aussitôt  nous  voyons  rayonner  an  ciel  noir 
La  lune  amie  et  les  étoiles  fraternelles. 

2.  Gustave  Allais,  professeur  à  la  Faculté  des  Lettres  de  Rennes  :  Chro- 
nique d'Histoire  et  de  Littérature  de  la  Bretagne,  Louis  Tiercelin  (extrait  des 
«  Annales  de  Bretagne  »). 


Nécrologie.  39^ 

sociable,  qu'il  aimait  à  faire  plaisir,  à  donner  de  lui-même  toutes 
les  fois  que  l'on  requérait  son  concours  ou  même  son  talent  d'or- 
ganisateur, il  apportait  tous  ses  soins  à  rendre  belles  les  fêtes  franco- 
canadiennes  en  l'honneur  du  malouin  Jacques  Cartier  (23  et  24 
juillet  1905). 

En  1898,  il  convoquait  à  Saint-Malo  Ferdinand  Brunetière  et  le 
vicomte  de  Vogué,  délégués  de  l'Académie  Française  pour  célé- 
brer le  cinquantenaire  des  funérailles  de  Chateaubriand.  Ce  furent 
des  fêtes  éclatantes,  dignes  des  triomphales  funérailles  du  19  juillet 
1848  par  l'éloge  de  l'auteur  du  Génie  du  Christianisme  que  fit  en 
la  cathédrale  de  Saint-Malo  le  Père  OUivier,  par  les  discours  de 
Brunetière  et  de  Vogué.  Et  Louis  Tiercelin  écrivait  :  «  En  appendant 
cette  triple  couronne  d'une  distinction  et  d'un  prix  inestimables 
devant  l'immortelle  image  de  Chateaubriand,  la  Société  des  Biblio- 
philes Bretons  a  bien  mérité  de  la  France  et  de  la  Bretagne'.  » 


Dans  le  cabinet  de  travail  de  Kerazur  s'entassaient  harmonieu- 
sement des  objets  d'art,  bustes,  gravures,  photographies,  trois 
bibliothèques,  un  piano,  une  harpe.  Et  il  se  mettait  au  piano  ou 
prenait  sa  harpe.  Louis  Tiercelin  avait  le  don  mélodique,  le  sens 
de  l'assimilation  ;  de  la  gaieté,  de  la  verve,  de  l'à-propos.  Il  avait 
même  écrit  des  Chansons  rosses  pour  Yvette  Guilbert  et  dont  on  a 
vanté  la  drôlerie  étourdissante.  Je  ne  les  connais  pas,  mais  je  l'ai 
entendu  jouer  de  tout  à  fait  charmantes  mélodies,  notamment  l'une 
écrite  sur  des  vers  de  Gustave-Charles  Toussaint  —  un  ami  de  la 
première  heure.  Et  il  chantait  en  s'accompagnant  de  la  harpe. 

La  harpe  s'est  tue  et  les  chants  sont  morts. 
On  a  vu  briller  les  dernières  flammes  ; 
Voici  qu'on  entend  les  derniers  accords  : 
Un  dernier  frisson  s'éteint  dans  les  âmes. 


Oui  donc  renouera  les  cordes  brisées 

Et  qui  va  baiser  les  doigts  douloureux  ? 

Piano  et  harpe  s'étaient  tus  depuis  longtemps  —  depuis  la  mort 

I.  Le  cinquantenaire  des  funérailles  de  Chateaubriand  célébré  à  Saint-Malo 
les  y  et  8  août  i8çS.  Nantes,  Société  des  Bibliophiles  Bretons  et  de  l'Histoire 
de  Bretagne,  M.D.CCCXCIX. 


594  Nécrologie. 

de  Simone  et  la  mort  de  Jeanne  —  et  les  doigts  du  poète  devenus 
de  plus  en  plus  douloureux,  lorsqu'un  fâcheux  qui  faisait  visite  de 
cérémonie  à  Tiercelin  eut  l'indiscrétion  d'ouvrir  le  piano  et  d'en 
faire  résonner  les  touches.  Tiercelin  ne  protesta  pas,  mais  pleura 
silencieusement. 


Du  mariage  de  son  fils  naissait  Simone  pour  laquelle  le  grand- 
père  devait  écrire  des  vers  qui  sont  parmi  les  plus  beaux  de  la 
langue  française  : 

Ses  pieds  arrêtés  sur  le  sable, 
Y  semblent  fixés,  et  ses  yeux 
Gardent  dans  un  appel  joyeux 
Un  sourire  indéfinissable. 

Est-ce  un  amoureux  ?  Est-ce  un  fou  ? 
C'est  cela,  mais  c'est  autre  chose .  .  . 
Je  ne  sais  quoi  de  blond,  de  rose., 
De  blanc,  de  bleu,  lui  saute  au  cou! 

Rie^  de  ce  regard  qui  brille. 
De  ces  bras  serrés  !  rie^  bien .  .  . 
Ce  nest  quun  grand-père  qui  vient 
De  trouver  sa  petite-fille. 

Ces  vers  sont  extraits  de  Sous  les  Brumes  du  temps  dont  une  par- 
tie a  pour  titre  :  Son  petit  livre.  Le  grand-père  le  voit  entre  les 
mains  de  sa  Simone,  grand'mère,  qui  le  lit  à  ses  petits-enfants  : 

//  faut  que  vous  aimiei  ces  vers, 
Que  vous  les  trouvie:^  beaux  et  qu'ils  vous  restent  chers 
Comme  des  bijoux  de  famille. 

Et  cette  enfant  à  qui  —  saisi  d'un  pressentiment  sinistre  — 
«  ne  grandis  pas  »,  disait-il,  voici  qu'elle  s'en  allait  dans  le  pays 
des  anges  le  20  novembre  1909,  à  l'âge  de  4  ans.  Alors  ce  ne  sont 
plus  des  vers,  mais  des  sanglots,  les  soulèvements  tumultueux,  les 
palpitations  désordonnées  d'un  cœur  —  «  c'est  là  qu'est  le  génie  !  » 
—  qui  bat  follement  sous  la  poitrine  : 


Nécrologie.  393 

Sur  ton  oreiller  blanc  tes  pauvres  chei'eux  d'or, 
Ton  petit  cœur  qui  se  soulevait  avec  rage 
Comme  un  oiseau  qui  veut  s'envoler  de  sa  cage. 
Tes  yeux  qui  me  fixaient  et  me  cherchaient  encor .  .  . 

Le  soleil  qui  décline,  une  lanipc  qui  brille .  .  . 
Des  prières  qu'on  dit .  .  .  des  pas  dans  le  jardin .  .  . 
Des  bruits  qu'on  enteiuiait  qui  se  taisent  soudain 
Tout  cela  cest  la  mort  d'une  petite  fille  ! 

Non,  ce  n'est  plus  ici  de  la  littérature  et  ce  serait  presque  faire 
outrage  à  la  Chanson  des  Vieilles  Choses  que  d'en  donner  un  compte 
rendu  quelconque  ou  même  de  la  commenter  en  quelques  lignes 
qui  seraient  impuissantes  à  en  exprimer  ou  plutôt  à  en  faire  sentir 
toute  la  détresse  infinie  et  magnifique.  Il  faut  lire  ces  vers  lente- 
ment, pieusement,  et  les  commenter  en  soi-même.  Et  l'on  peut  se 
demander  si  la  plainte  des  Contemplations  ÇPauca  meœ)  dépasse  en 
intensité  de  douleur  le  thréne  lamenté  par  La  Chanson  des  Vieilles 
Choses  où  «  toutes  les  conventions  ont  disparu  :  la  forme  n'est  plus 
que  l'expression  même  du  sentiment  et  de  la  pensée  '  ». 

Écoutez  plutôt  ce  grand-père  désespéré  qui  «  vit  dans  sa  douleur 
comme  dans  un  tombeau  »  : 

Tendant  quatre  ans,  dix  mois,  huit  jours,  je  vais  te  suivre. 
Voyageur  qui  retourne  au  pays  bienfaisant. 
Tu  seras  mon  poème  et  je  serai  ton  livre .  . . 
Je  veux  qu'on  l'aime  et  qu'on  me  pleure  en  le  lisant. 

Le  5  juin  1910  —  six  mois  après  le  départ  de  Simone  pour  le 
grand  vovage —  un  autre  deuil  s'abattait  «  sur  le  bon  vieux  chêne  » 
du  jardin  de  Kerazur,  l'une  de  ses  filles  disparaissait  : 

Six  mois  passés  !  Six  mois  et  c'est  un  nouveau  deuil! 

Cest  un  autre  cercueil  sur  le  petit  cercueil  ! 

C'est  ma  Jeanne,  après  ma  Simone  qu'on  emporte  ! 

Cest  ma  fille,  après  ma  petite-fille,  morte! 

Je  ne  puis  ni  parler  ni  pleurer,  cette  fois  ; 

Je  suis  anéanti,  sans  larmes  et  sans  voix  ; 

Depuis  qu'ont  disparu  Simone  et  Jeanne  ensemble 

I.  René  Gautheron,  op.  cit. 


596  Nécrologie. 

f  ouvre  des  yeux  hagards,  je  tends  ma  main  gui  tremble  ; 

Je  chancelle,  courbé  sous  un  poids  effrayant; 

Je  suis  comme  un  infirme  et  comme  un  mendiant 

Perclus,  aveugle  et  qui  s'en  va  le  long  des  portes, 

Un  pauvre  malheureux  quêtant  ses  chères  mortes  ! 

Le  dernier   mot  de   la  douleur    humaine  !    Des   larmes  qui   ne 
veulent  pas  qu'on  les  essuie  ! 


Il  convenait  qu'au  vieux  Maître  assailli  par  les  deuils  allât 
l'hommage  reconnaissant  et  respectueux  de  tous  ceux  —  innom- 
brables—  qu'il  avait  guidés,  encouragés  et  qui  lui  devaient  un  tribut 
d'admiration  pour  son  œuvre  de  quarante  années  tout  entière 
consacrée  à  la  Poésie.  Précisément  l'Hermine  cessait  de  paraître. 
Dans  le  numéro  d'octobre  191 1,  il  disait  adieu  aux  lecteurs,  ses 
mains  défaillantes  laissant  à  d'autres  le  soin  de  continuer  cette 
revue  à  laquelle  il  avait  dévoué  tout  son  esprit  et  tout  son  cœur. 
Et  il  se  fit  qu'à  l'occasion  de  la  disparition  de  l'Hermine  Madame 
Perdriel-Vaissière  et  moi  eûmes  la  même  pensée  :  réunir  en  un 
Livre  d'or  les  témoignages  d'amitié,  de  reconnaissance,  de  respect 
et  d'admiration  de  ses  disciples  et  de  ses  amis.  Je  me  mis  aussitôt 
à  l'œuvre  avec  l'un  des  plus  anciens  amis  de  Tiercelin,  le  poète 
Frédéric  Blin  ;  et  le  i'^''  septembre  191 2  nous  eûmes  la  joie  et 
l'honneur  de  lui  offrir,  au  nom  des  poètes  de  Bretagne,  cet  hom- 
mage collectif  :  Les  Poètes  de  Bretagne  à  Louis  Tiercelin  ^=  Bar^ed 
Breii  da  Loeii  Kersilin,  poèmes  français,  bretons,  mélodies.  Fête 
de  famille  :  mieux,  un  événement  dans  l'histoire  de  la  littérature 
bretonne.  Quelques  jours  auparavant,  à  la  suite  d'un  référendum 
organisé  par  le  Breton  de  Paris,  Tiercelin  avait  été  élu  prince  des 
poètes  bretons.  La  cérémonie  n'en  fut  que  plus  touchante  et  plus 
grandiose.  Je  revois  encore  son  émotion  grandissante  à  mesure 
que  se  succédaient  les  lectures.  Il  pleurait  en  nous  embrassant. 
Quand  les  poètes  eurent  achevé,  M.  Louis  Ménard,  un  de  ses 
amis  d'enfance,  se  leva  et  dit  :  «  Si  tu  as  connu  toutes  les  joies  de 
la  vie,  tu  en  as  ressenti  les  plus  grandes  douleurs  et  tu  as  pleuré 
en  des  vers  immortels  l'enfant  chérie  enlevée  à  ton  affection.  Que 
les  amis  qui  t'entourent  adoucissent  ta  peine.  Sois  fier  de  ton 
œuvre,  car  c'est  la  Bretagne  qui  vient  à  toi,  te  salue  et  te  consacre 
le  Prince  de  ses  Poètes.  » 

Au  début  de  1913,  Sous  L's   neiges   paraissait   où,  entre   autres 


Nécrologie.  397 

poésies,  figure  une  suite  de  Sonnets  épigraphiques  dédiés,  en  guise  de 
remerciements,  à  chacun  des  poètes  et  musiciens  du  Livre  d'or. 
Sous  les  neiges  contient  aussi  quelques  pages  pour  Simone  à  !'/;/- 
fanti  dulcissimœ  : 

Petits  oiseaux,  vous  qui  Fave^  connue, 
Ne  chante^  plus  puisqu'elle  nest  pas  là. 

Puisqu'elle  nest  pas  revenue 

Quand  son  grand-père  V appela. 

Puis,  subitement,  dans  une  langue  de  la  plus  grande  simplicité 
mais  qui  n'en  fait  que  mieux  valoir  la  tragique  magnificence  des 
vers,  se  heurtent  ces  propos  éperdus  : 

Tu  nés  pas  morte,  n  est-ce  pas  ? 
N'est-ce  pas  que  tu  n'es  pas  marie  ? 
Non,  mon  espérance  est  plus  forte 
Que  tous  les  deuils  dont  je  suis  las  : 
Tu  n'es  pas  morte,  n'est-ce  pas  ? 
On  ne  te  voit  plus  dans  m'es  bras  ; 
C'est  dans  mon  cœur  que  je  te  porte 
Et  que  tu  me  parles  tout  bas.  .  . 
N'est-ce  pas  que  tu  nés  pas  morte  ? 

Le  poète  qui  a  écrit  cela  ne  pouvait  survivre  longtemps  à 
VInfanti  dulcissimœ.  La  grande  guerre  survint,  épouvantable  cata- 
clysme qui  devait  sans  do'Jte  hâter  sa  fin.  Pourtant  de  sa  main 
tremblante  depuis  plusieurs  années,  il  écrivit  encore  quelques 
sonnets  de  guerre.  Et  tout  d'un  coup  j'appris  sa  mort  —  51  mai 
191 5.  J'eus  la  douleur  de  ne  pouvoir  m"agenouiller  devant  le  lit 
funèbre  de  celui  qui  fut  mon  maître  et  mon  ami  et  le  reste  par-delà 
la  mort.  En  temps  normal  je  n'aurais  pas  manqué  à  ce  devoir. 
Credo,  cresco,  ces  mots,  ou  plutôt  ces  prières,  inscrits  en  tête 
de  la  Bretagne  qui  croit  (pardons  et  pèlerinages)  il  a  dû  se  les 
répéter  en  se  sentant  quitter  la  terre  pour  .  .  .une  autre  Bretagne  en 
des  mondes  meilleurs. 

Credo,  cresco  :  «  Sur  un  signe  du  prêtre  je  me  levai  et  dans  la 
piété  grave  de  l'enfant  qui  a  reçu  le  corps  de  son  Dieu  pour  la 
première  fois,  je  marchai  vers  l'autel.  Et  les  anges  s'inclinaient 
devant  moi  et  la  Vierge  me  tendait  les  mains,  souriante.  .  .  »  Et  je 
songe  aux  divines  Béatitudes  :  «  Bienheureux  ceux  qui  pleurent 
parce  qu'ils  seront  consolés.  »  Il  l'est.  .  . 


3  98  Nécrologie. 

Sullian  CoUin,  Camille  Le  Mercier  d'Erm  et  moi  avons  songé 
que  Rennes  et  Paramé  devraient  donner  son  nom  à  Tune  de  leurs 
rues.  Je  voudrais  davantage  et  mieux.  A  Rennes  une  plaque  sur  la 
maison  où  il  est  né  et  une  autre  rappelant  que  de  la  maison  de 
F  Hermine,  41,  Faubourg  de  Fougères,  s'envola  la  Renaissance 
Bretonne.  Puis  à  Paramé,  en  haut  du  boulevard  de  Rochebonne, 
son  buste  regardant  Kerazur  et  la  mer.  .  . 

Au  printemps  de  1919,  celle  qui  fut  la  compagne  dévouée  de 
Tiercelin  et  non  sa  moindre  admiratrice  s'éteignait  à  son  tour. 
C'est  ainsi  que  dans  la  solitude  mélancolique  de  Kerazur  —  mot 
harmonieux  enfermant  naguère  toute  la  beauté  de  la  mer  et  du 
ciel,  ô  destin  !  —  demeure  la  dernière  fille  du  poète,  fidèle  gar- 
dienne des  souvenirs,  dépositaire  vigilante  des  reliques  et  dont  je 
sais  la  touchante  et  spéciale  piété  envers  la  mémoire  de  son  père 
qui  a  laissé,  inédits,  quelques  manuscrits  :  Le  Maître  de  la  mer, 
adaptation  scénique  du  roman  de  Melchior  de  Vogué  ;  Madame 
Justice,  drame  en  trois  actes,  en  prose  ;  La  marchande  de  Prières, 
drame  en  un  acte  ;  Louis  XV  et  Beaumarchais,  un  acte  en  vers  ; 
deux  grands  drames  Faust  et  Merlin  ;  enfin  Sophie  Arnould,  opérette 
écrite  en  collaboration  avec  Docquois  et  Aubert,  musique  de 
Charles  Levadé.  Avec  cette  liste  elle  me  remettait  le  beau  sonnet 
que  voici,  les  derniers  vers  écrits  par  le  Grand  Poète  Breton  : 

PRINTEMPS 

Un  écho  douloureux  de  cette  guerre  infâme, 

Chaque  jour  plus  intense,  arrive  jusqu'à  moi. 

Et  voici  redoubler  ma  joie  et  mon  eflTroi, 

Aux  succès,  aux  revers,  qu'on  cache  ou  qu'on  proclame. 

Le  renouveau  sourit  dans  l'azur  qui  s'enflamme  ; 

Le  jardin  tout  en  fleurs,  ignorant  mon  émoi, 

Epand  autour  de  nous  son  charme  frais  et  coi  ; 

La  chanson  d'un  bouvreuil  met  du  bonheur  dans  l'âme. 

Des  cris  de  mort,  là-bas  ;  ici,  cette  douceur; 
Ce  calme  pénétrant  et  ce  trouble  obsesseur  ; 
Cet  immense  tumulte  et  cette  paix  profonde. . . 

Et  pendant  que  je  sens,  soudain,  triste  ou  joyeux. 
Grelotter  dans  mon  cœur  la  vieillesse  du  monde. 
Le  printemps  de  la  terre  illumine  mes  yeux. 
10  mai  1915. 

Edouard  Beaufils. 


TABLE    DES    MATIERES 

CONTENUES       DANS     LE      TOME      XXXVIII 


ARTICLES  DE   FOND 

Pages 
Répertoire  des  fac-similés   des  manuscrits   irlandais   (5e  partie),  par 

Dom  Louis  Gougaud i 

An  Old  Welsh  Gloss,  par  E.  G.  Q.uiggi\ 15 

Armon  Armenia,  par  le  même 16 

Initial  g  in  Welsh,  par  le  même 17 

Les  vins  de  Gaule  en  Irlande  et  l'expression  fin  aicneta,  par  J.  Ven- 

DRYES 19 

Le  système  verbal  dans  In  Cath  Catharda  (suite),  par  Alf  Sommer- 

FELT 25 

Notes    étvmologiques    et    lexicographiques    (suite),    par    J.    Loth 

48,   152,  296 

Place-names  of  Pictland,  par  Francis  C.  Diack 109 

Life  of  Saint  Alexis,  par  Joseph  Dunn 133 

Alternances  AI  :  a  ;  OU  :  0,  par  J.  Loth 144 

Breton  homm  «  mât  qui  maintient  la  base  de  la  grande  voile  »,  par 

Alf  SOMMERFELT I  78 

La  première  apparition  des  Celtes  dans  l'Ile  de  Bretagne  et  en  Gaule, 

par  J.  Loth 259 

The  Reeves  Manuscript  of  the  Agallamh  na  Senorach,    par  Douglas 

Hyde ^ 289 

Columbanus  and  Rome,  par  M.  V.   Hay 315 

A  propos  du  nom  des   Germani,  par  Jérôme  Carcopino 319 


NECROLOGIE 

Karl  Brugmann  (J.  Vendryes) 256 

Joseph  Déchelette  (H .    Hubert) ■ 240 

Richard  Henebry(J.  Vendryes) 248 

A.  Héron  de  Villefosse  (H .  Hubert) 244 

André  Oheix  (F.  Duine) 245 

Peter  O'Leary  (J.  Vendryes) 252 

F.  DE  Pachtère  (J. Vendryes) 248 


400  Table  des  matières. 

E.  C.  QuiGGiN  (J.  Veiidryes) 250 

p.  ScHRADER  (J.  Vendryes) 256 

"L.  Tiercelin  (E.  Beaufils) 387 


BIBLIOGRAPHIE 

Cahek  (Maurice),  La  libation  (J.  Vendryes) 345 

Cahex  (Maurice),   Le  nom  de  Dieu  en   vieux  Scandinave  (J.  Ven- 
dryes)   350 

CzARNOwsKi  (Stefan),  Le  culte  des  héros  et  ses  conditions  sociales. 

Saint  Patrick,  héros  national  de  l'Irlande  (J.  Vendryes) 332 

DoTTiN  (Georges),  La  langue  gauloise  (J.  Vendryes) 179 

DuixE  (Abbé  P.),  Mémento  des  sources  hagiographiques  de  l'histoire 

de  Bretagne  (J.  Vendryes) 358 

Feist  (S.),    Etymologisches   Wôrterbuch  der   gotischen  Sprache,  I 

(J.  Vendryes) 185 

Poulet  (L.),  Petite  syntaxe  de  l'ancien  français  (J.  Vendryes) 354 

Gruffydd  (W.  j.),  BlodeugKvm  o  Englynion  (J.  Vendryes) 208 

Hyde  (Douglas),  Gabhaltais  Shearluis  Mhoir  (J.  Vendryes) 351 

JoBBÉ-DuvAL  (E.),  Les  idées  primitives  dans  la  Bretagne  contempo- 
raine (J.  Vendryes) 361 

Lawlor  (H.  J.),  St  Bernard  of  Clairvaux's  Life  of  St  Malachy  of  Ar- 

magh  (J.  Vendryes) 338 

Meyer  (Kuno),  Miscellanea  Hibernica  (J.   Vendryes) 187 

O'Nolan  (Gerald),  Studies  in  Modem  Irish,  Part  I  (J.  Vendryes).  .  192 

PiM  (H.  Moore),  A  short  history  of  Cehic  philosophy  (J.  Vendryes).  188 

Tréguiz  (L.),  L'Irlande  dans  la  crise  contemporaine  (J.  Vendryes)..  200 
Vallée  (P.),  Vocabulaire  français-breton  de  Le  Gonidec  (René  Le 

Roux) 218 

White  (Newport  J.  D.),  Saint  Patrick,  his  writings  and  life  (J.  Ven- 
dryes)    344 

Williams  (Ifor)  et  Roberts  (Thomas),  Cy  wyddau  Dafydd  ab  Gwi- 

lym  a'i  gyfoeswyr  (J.  Vendryes)'. 211 


CHRONiaUE 


Anwyl  (Rev.  Bodvan)  ;   son  projet  d'un  Welsh-EngUsh  Dictionary .  .  227 

Bergin  (O.),  Unpublished  Irish  poenis 236,  367 

Best  (R.   L),  docteur  honoris  causa  de  la  National  University  of 

Ireland 224 

Blakchet  (A.)  ;  son  élection  à  l'Institut 63 

BoissoNNADE  (M.),  les  relations  entre  l'Aquitaine,  le   Poitou  et  l'Ir- 
lande du  ve  au  ixe  sièclc 71 

Brœndal  (Viggo),  les  substrats  et  l'emprunt 368 


Table  des  matières.  401 

Chakhmatov  ;  sa  mort 226 

Chants  populaires  de  l'Irlande  (récentes  publications  sur  les).  .  .     75,  227 

Cork  (Incendie  de  la  Carnegie  Free  Library  de) 374 

Crise  irlandaise  (articles  récents  sur  la) 375 

Cross  (T.  P.),  TYstoria  Tristan 80 

CuRTis  (E.),  the  spoken  languages  of  médiéval  Ireland 231 

DoTTiN  (G.),  correspondant  et  lauréat  de  l'Institut 224 

Église  de  Galles  (le  nouveau  métropolitain  de  1') 372 

EspÉRANDiEU  (E.)  ;  son  élection  à  l'Institut 63 

Freeman  (A.  M.),  collecteur  de  chants  populaires  irlandais.  .  .  .     77,  227 

Gaidoz  (H.),  Doux  érudits  gallois  :  J.  Rhys  et  Llywarch  Reynolds. .  .  66 

GouRviL  (F.),  le  breton  dans  l'enseignement 237 

Jeanneret  (M.),  la  langue  des  tablettes  d'exécration  latines 69 

Jésus  Collège  d'Oxford  (Vacance  de  la  chaire  de  celtique  à) 373 

Livres  nouveaux 376 

LoTH  (J.),  les  études  celtiques  et  leur  importance 64 

MoRDiERx  (Meven)  et  Abhervé,  suite  et  fin  des  Noteniioii  dhuar  beini 

ar  Gelted  ko^ 371 

National  Library  of  Wales  ;  récentes  acquisitions 226 

NiEDERMANN  (M.),  édition  du  de  Medicamentis  de  Marcellus  de  Bor- 
deaux    67 

Poissox  (G.),  le  cavalier  à  Tanguipède  en  Auvergne 364 

PoKORNY  (J.),  le  tokharien  et  le  celtique. 79 

—         l'année  de  neuf  mois  en  celtique 238 

Proux  (Prosper)  ;  son  monument 371 

Rubbâyât  (traduction  des)  en  gallois  et  en  irlandais 369 

Saussure  (F.  de),  le  nom  d'Oron 363 

Snyder  (E.  D.),  The  Wild  Irish 228 

Société  d'histoire  et  d'archéologie  de  Bretagne  (création  d'une) 373 

Swansea  (création  d'un  University  Collège  à) 372 

ToRNA  ;  sa  traduction  des  Rubhdydt  en  irlandais 369 

Walsh  (P.),  Muirchu  biographe  de  saint  Patrice ., 366 

Williams  (Parry)  ;  sa  nomination  à  l'University  Collège  d'Abervst- 

wyth 225 


PÉRIODIQUES 


Annales  de  Bretagne,  t.  XXXIV 377 

Bulletin  de  la  Société  de  Linguistique,  t.  XXII. 382 

Comptes  rendus   de   l'Académie   des    Inscriptions    et    Belles-Lettres 

(1916-1918). 84 

Ériu,  t.  VIII 93,383 

Fureteur  breton  (Le),  t.   X 383 

Indogermanische  Forschungen,  t.  XXXV-XXXVIII. 103 

Journal  of  the  Folk  Song  Society,  t.  VI 77,  227 


402  Table  des  matières. 

Mémoires  de  la  Société  de  Linguistique,  t.  XXI 380 

Revue  des  Études  anciennes,  t.  XVIII-XX 90,  378 

Romanic  Review  (Thie),  t.  IX 96 

Sitzungsberichte  der  preuss.    Akademie  der  Wissenschaften  (191 5- 

1918) 100 

Zeitschrift  fur  vergleichende  Sprachforschung,  t.  XLYIII 98 


Le  Propriétaire-Gérant  :  Edouard  CHAMPION. 


MAÇON,  PROTAT  FRKRES,  IMPRIMEURS 


TABLE 

DES    PRINCIPAUX     MOTS    ÉTUDIÉS 

AU    TOME    XXXVIIT 
DE     LA     REVUE     CELTIQUE' 


I .   Gaulois  ou  vieux  celtique  et  ogamique. 

(Voir  pp.   S-j-Gi),  71,  84,  181-186,  260,  283,  325). 


AKERAS,  gén.,  378. 

A/ro-,  182. 

alauda,  alouette,  67. 

Alisa,  La  Roche  ?  184. 

AUobrogas,  ace.  pL,   184. 

Alventium,   114. 

Alvinca,  1 14. 

Ambiani,  328. 

an-  privatif,  378. 

-ani,  528. 

-antia,  124. 

-antis,  124. 

-anto-,  124. 

-ara,  116. 

Arae,  116. 

arcantodan,     magistrat    monétaire, 

380. 
Arcobriga,  123. 
Arcontia,  123. 
Arcunios  «  très  haut  »,  121. 
are-,  sur,  187. 
Artinios,  125. 
asia,  seigle,  184. 
Atax,  88,89. 
ate-,  très,  130. 
Atebodua,  1 30. 
Atecingus,  130. 
Atecotti,  130. 
Augustonemetum,  221. 
Avara,  Aura,  107. 


barca,  maison  (faite  de  bois),  303. 

BATTIGNI,  gén.,  148. 

bedo-,  bief,  382. 

Belenus,  366. 

Bibracte  241. 

-bios,  existence  ?  153. 

bitu-,  monde,  153. 

Biturigas,  ace.  pL,  184. 

BIVADI,  124. 

Bivelius,  124. 

Bissonia,  124. 

Boresti,  115. 

Bormo,  324. 

Boruo,  89,  90. 

boud-,  bod-,  bud-,  181. 

Boudicca,  124. 

Bremenion,  126. 

Bremia,  126. 

-bria,  182. 

brigantes,  gl.    uermiculi,   67,    303. 

Brigantes,   125,  231. 

Brigantium,  125. 

Brigiani,   125. 

Brissinios,  125. 

Brittani,  281. 

Brittones,  280-282. 

-brog-,  pavs,  281. 

bruca,  bruyère,  303. 

budduttonimon,  88. 


I.  Cette  table  a  été  faite  par  M.  Ernault. 
Revue  Celtique,  XXXVIII.  —  Table. 


Table  des  principaux  mots  étudiés 


CAIRATINI,  du  Sorbier,  145,  146, 

149. 
camisia,  chemise,  187. 
Carnutis,  89. 
cassi-,  260. 
catu-,  combat,  186. 
Cavarinus,  Caurimis,   107. 
Cavarius,  Caurius,   107. 
Ceaiius,  130. 
Ceangi,   150. 
CELI  BATTIGNI,   148. 
celicnon,  tour,  186, 
Cenomani,  528. 
KOI,  ici,  578,  579. 
COILLABOTAS,  gén.,  148. 
COLABOT,  148.  '^ 
COLLABOTA,   148. 
com-,  avec,  281. 
Comani,  328. 
Coriossedum,  184. 
Corobilium  ?  184. 
CORRBI,  gén.,  379. 
koui,  ici,  578. 
CUNACENA,  121. 
CUNAMAGLI,  gén.,  121. 
cuno-,  haut,   121. 
curmi,  xouoijLt,   xopaa,  boisson  faite 

avec  de  l'orge   fermentée,   sorte 

de  bière,  87,  347. 

Damona,  89. 

dannos,     magistrat,    fonctionnaire, 

380. 
derco-,  vue  ?  68,  69. 
Deua,  Arjo-ja,  71,   119,  120. 
Ar,ouàva,  1 18-120. 
deuo-,  dieu,  181 . 
Deuona,  71,  118. 
Devoni,  119. 
DITIBIAS,  154. 
DOVINIAS,  125. 
Druentia,  122. 
druides,  druides,  184. 
dubro-,  eau,  283. 

-ento-  124. 
Epinia,  125. 
Eposterovidos,  1 31 . 
Exobnus,  sans  peur,   150. 

gabi,  prends?  donne  ?  88. 
gaesum,  épieu,  324,  550,  331. 


ra'.aaTci    armés    d'un    épieu,   323, 

324. 
GAMICUNAS,  118. 
Garantus,  123. 

GATTIGNI,  gén.,  148,  149. 
genta,  jeune  fille,  87. 
Germani  ?  328,  331. 
geusiae,  gencives  ?  67. 
gnatha,  hlle,  88. 
Grannus,  366. 

lantumaros,  zélé,  jaloux,  69. 

ieuru,  183. 

-inia,  125. 

-inios,  125. 

-ïno-,   147. 

Insubri,   «  très  violents  »,  128. 

Isara,   116. 

Labara,  "  la  sonore  »,  117. 

LABRIATT[OS],  gén.,  379. 

Lageni,  232. 

Laitilo,   150. 

Latiliaco,   150. 

Latobios,  153. 

lalitro,   gl.  balneo,  107. 

Lavaratus,  Lauratus,   107. 

Lavinius,   126. 

legasit,  183. 

leuc-,  loue-,  loc-,  lue-,  181. 

Leucetio-,  185. 

Libnios,  1 18. 

Loxa,  117. 

Lugi,   126. 

Lugidunon,  126. 

Lugudunum,  90,91. 

LÙGUNI,  126. 

LUGUVVE,  154. 

-mani,  328. 
MA(iI,  du  fils,  379. 
marcos,  cheval  ?  68,  69. 
marcosior,  je  désire  monter  à  che- 
val,   87,  183. 
-maros,  grand,  69. 
matuberginni,  89. 
Menapii,   231. 
moni,  viens  ?  88. 

Kabalia,  1 16. 
NaÇâcoj,  gén.,  116, 
Nebis,   113. 
Nemesa,  114. 


au  tome  XXXVI II. 


nemeton,  sanctuaire,  114,  220,  221. 
Nertomaros,  fort,  69. 
Neviasca,  113. 

Niiiobriges,  les  fameux  dans  le  com- 
bat, 125. 
Nitiogenna,   125. 
Novantae,  121. 
Novios,  121. 

ogro-,  froid,  150. 
Ogroni,  1 50. 
-onto-,  124. 
Orbius,  151. 
Ossismii,  259. 

pempe-,  cinq,  183. 
petru-,  quatre,  86. 
platiodanni,  magistrats  chargés  des 

voies  et  places,  380. 
Pretania,  280,  281. 
n&£T[T]av'./.a'.   'n\'jrjt.,   280. 

Raura,  107. 

'P'.VOOOJVOV,    188. 

rio-,   182. 

rumpotinum,   sorte  d'arbuste,    144. 

Sabrina,   128. 

Samara,   116. 

Savara,  107. 

Scava,  127. 

Senomagli,  Senemagli,   146. 

Senones,  Sênones,  184. 

slog-,  slug-,  181. 

Smertullus,  366. 

sonnocingos,    marche    du    soleil  ? 

313. 
Suebri,   128. 

Taixali,   117,  118. 
Tanaros,  117. 
Tannetos,  117. 
Tannius,  117. 
Tarvedum,   131. 
Tarvos,  le  Taureau,  131. 
tecco,  saumoneau,  185. 


teut-,  tout-,  tôt-,  tut-,  ICI,  181. 

-tino-,  147. 

TOICAKI,  TOIKACI,  gén.,   148, 

149- 
TUCACAC,  148,  149. 
Turia,   121. 
Turobnga,  121. 
Turones-,  puissants,  122. 
Turoni,  122. 

Uromagus,  champ  de  l'auroch,   ou 

d'Uros,  364. 
Uxisama,  259. 

Vailathi,  gén.,  148. 

VAILUBI,  148,  149. 

VALUBI,  148,  149. 

Valuco,    150. 

VALUVI,   148,  149. 

O'japaf'.;  îl'a/uT'.;,  116. 

veadia,    les    fuselées    que    tient   le 

peson  ?  87. 
vebro-,  ambre,  283. 
VELITAS,  du  poète,  103. 
Venetis,  89. 

ver-,  vr-,  sur,  très,  122. 
Vercingetorix,   122. 
vernemeton,  122. 
verno-,  aune,  113. 
Vertigernos,   122. 
uertraha,  182. 

Verturiones,  très  puissants,  121,  122. 
Via,   126. 
Viamos,  126. 
Vidacos,  131. 

Vidimaglus,  éminent  en  savoir,  131. 
Vimina,  126. 
vimpi,  belle,  jolie,  87. 
Vindobios,   153. 
Vorbia,  114. 
Vorgio,  128. 
Vorgium,  128. 
VORGOS,  gén.,  128. 
VOTECORIGAS,  gén.,   130,   301. 
Voteporigis,  gén.,  130,  301. 


IV 


Table  des  principaux  mois  éludiés 


II.  Irlandais. 


(Voir  pp.  3  5-47,  73,  77,  78,  86,  92,  94-99,    loi,  103-105,  107,  182,  186, 
193-195,  i99>  313,  349'  353,  356,  360.) 


abar,  pièce  de  terre  marécageuse  ; 
argile,  ou  tourbe  pour  engrais  ; 
embarras,  difficulté,  48,  49. 

ablach,  charogne,  49. 

accarb,  agarbh,  rude,  acerbe,  vio- 
lent, 378. 

acher,  violent,  rude,  578. 

ad-,  perfection  ;  addition,  49,  50, 
61. 

-ad,  3=  sg.   et  pi.  prêt,    passif,  37. 

ada,  rites  consacrés,  348. 

adbol,  adbul,  adbal,  adhbhal,  puis- 
sant, grand,  vaste  ;  énorme, 
immense,  50. 

adfet,  il  raconte,  32. 

aél,  souffle,  100. 

âer,  aér,  gén.  aéir,  air,  51. 

ag,  daim,  52. 

agid,  il  pousse,  104,    105,  107. 

agus,  et,  199. 

ahél,  aél,  âial,  brise,  51. 

aicned,  nature,  2\. 

aige,  célébration,  53. 

ail,  rocher,  184. 

ail,  reproche,  blâme,  outrage,  56, 
186. 

Ailbe,  153. 

aile,  aill,  autre,  52,  53. 

âin,  pousser;  célébrer,  53. 

aingim,  je  proiége,  106. 

airde,  aoirde,  hauteur,   148. 

Aime  Fingein,  La  veillée  de  Fin- 
gen,  96. 

aiss,  rivière,  53. 

-âiste,  -âge,  234. 

aithbe,  aithbhe,  reflux,   déclin,  53. 

aithberim,  je  reproche,  54. 

aiihcheôdh,  refus,  129. 

aithrech,  -each,  repentant,  pénitent, 

.  54,  55- 

aithrige,  repentir,  54,  55. 
al,  au  delà  de,  99. 
il,   portée  (de   truie,   de   chienne), 
couvée,  progéniture,  petit  d'animal, 
55. 


àlad,  -adh,  blessure,  mauvaise  dis- 
position à  l'égard  de,  56. 

alam,  troupeau,  55. 

Alba,  Ecosse,  129,   130. 

alid,   il  nourrit,  105,  107. 

ail,  rocher,  184. 

am,  je  suis,  39-41. 

-am,  -em,  noms  d'agent,  188. 

ambi  laim,  (le  roi)  en  la  main  de 
qui  elle  était,  378. 

an,  est-ce  que.  .  . }  194. 

an-,  privatif,   578. 

anair,  poème  laudatif,  56. 

anair,  anâir,  anoir,  de  l'est,    187. 

an  daoine,  les  gens  qui,  que,    199. 

andôit,  église  métropolitaine,    129. 

anfoss,  turbulence,  agitation,  57. 

anglan,  impur,  58. 

araossa,  gl.  manet,  59. 

arase,  airesc,  stipulation,  58. 

arattù  ?  car  tu  es,  195. 

arbenim,  je  frappe,  je  coupe,   59. 

arbeir  biuth,  i!  consomme,  98. 

arbur,  blé,  100. 

ard,  drd,  haut,  59,   148. 

ardfili,   poète   suprême,  385. 

Armenia,  fer  Menia,   16,  17. 

arneutsa,  j'attends,  106. 

as,  pic,  59. 

as-,  ess-,  de,  61. 

-as,  -ais,  -is,  1 16. 

at-,  27,  61. 

atâ,  il  est,  41-44. 

-atar,  3e  pi.  prêt.,  36-38. 

atbailim,  eablaim,  je  meurs  ;  atbaill, 
adb-,  qui  meurt,   61,  62. 

atberim,  je  dis,  27. 

atcim,  je  vois,  27,  28. 

Athfliotla,  Atfoithle,  129,  130. 

athir,  père,  103. 

atregim,  je  me  lève,  105. 

Baethin,  148. 

bàg,  bataille,  186. 

bâgach,  belliqueux,  combatif,  60. 


au  tome  XXXVIII. 


bagdiste,  bagage,  234. 

bàid,  durable,   186. 

bainteiss,  fête  nuptiale,  298. 

Balder,   102. 

Banba,  Irlande,  129,  151,  132. 

barann,  colère,  fureur,  132. 

barc,  hampe  de  lance,  133. 

barc,  livre,  304. 

barc,  palais,  forteresse,  303. 

barc,  abondance,  plénitude  ;  fureur, 

attaque  impétueuse?  305. 
bârcaim,  j'éclate,  394. 
barclann,  bibliothèque,  304. 
bare,  bara,  colère,  152,  153. 
-be,  existence  ?  153. 
Bec  Eriu,  132. 
bélat,  passage,  chemin  de  traverse, 

I-20. 

Beltene,  fête  du  ler  mai,  336. 
ben,  ace.  bein,  femme,  100. 
benn,  corne,  pointe,  152. 
Beothach,  124. 
berim,  je  porte,  25. 
béso,  est  peut-être,  99 . 
biail,  hache,   186. 
binit,  f.  présure,  188. 
biu,  je  suis,   195. 
blâr,  champ,  116. 
Blâras,  116. 

bliadain,  année,  238,  239. 
bludaid,  briseur,  97. 
bô  na  leath  adhairce,  la  vache  à  une 
seule  corne,  alambic  d'un  bouil- 
leur de  cru,  228. 

boc,  mou,  tendre,  186. 
Bod  Fheargusa  «  Pénis  de  Fergus  », 
92. 

bongim,  je  brise,  155,  304. 
brachadh,     maltage,    fermentation, 
306. 

bratht,  moelle,    graisse  ;  substance 
grasse  ;  fureur,  rage,  306. 

braich,  malt,  306. 

braichlind  «  liquide  à  malt  «,   547. 

Bran  Find,  100. 

brâthir,  frère,  103. 

breac,  tacheté,  116. 

Breacas,  116. 

breth,  enfantement;  sentence,  239. 

Brettain,  Bretons,  281. 

brùim,    je   brise,    mets    en   pièces, 
187. 

bruth,  chaleur,  feu  ardent,  118. 


buadach,  victorieux,  124. 

Buadnat,  125. 

Buaid,  124. 

-buich,  il  vainquit,  100. 

bus,  bouche,  88. 

busôg,  pusôg,  baiser,  88. 

cach  coiciudh  do  coiccedaibh,  (dans) 
chaque  province  des  provinces), 
94. 

càer,  baie,  grain;  globe,  146,  149. 

cail,  lance,  135. 

cailc,  chaux  ;  boucher  blanchi  à  la 
chaux  ;  armure  revêtue  d'émail  ? 
156. 

câin,  règle,  tribut;  réparation,   157. 

cdirthen,  caerthann,  caorthann,  sor- 
bier,  144,  149. 

Cairtin,  du  Sorbier,  146. 

Cait,  130. 

callae,  jeune  chien,  157. 

callaire,  crieur,  héraut,  157. 

callôid,  querelle,  tapage,  grand  cri, 
156,  157. 

callôid,  querelleur,  157. 

camas,  courbe  d'une  rivière,  baie, 
59>6o. 

Camshrônach,  au  nez  crochu,  138. 

cdnachus,    -chas,    coutume,    tribut, 

cânaini,  je  punis,  trappe  d'amende, 

157- 
Caoilte,  290,  292,  295. 
care,  carae,  ami,  153. 
carn,  tumulus  funéraire,  270,    271. 
Carten,    Carthand,    gén.   Carthind, 

Sorbier,   147,   149. 
càrthenn,  sorbier,  147. 
casbairdne,  bardes  de  bas  étage,  157, 

158. 
cass,  frisé,  tondu  ;  mauvais,  fauve, 

158. 
Cath  Muige  Tuired  Cunga,  bataille 

de  Moytura  Conga,  93. 
ce,  ici,  379. 
Ce,  Cee,  130. 
céasaim,  j'afflige,   158. 
cel,     mort  ;  ceal,    manque,    oubli  ; 

mort,  158. 
cel-,  cacher,   106. 
Cell  Fine,  126. 
cendais,  cennuis,  doux,  apprivoisé, 

353- 


Table  des  principaux  mois  étudiés 


cennmar,  -mûr,  -môr,  à  grande  tête, 

127. 
centat,  gl.  capitulum,   121. 
cerddne,  art,  145. 
ccrt,  le  droit,  82. 
céssad,  souffrance,   158. 
céssim,  céssaim,  je  souffre,  158. 
cet,  il  est  permis,   188. 
clethblugaid,  briseur  d'épieu,  97. 
clô,  tourbillon  de  vent,  159. 
clôthib,  aux  clous,   104. 
Cluaiu-à-stiallas,  116. 
Cluain  muerais,  116. 
cnàini,    je    mords,    je    ronge,    inf. 

cnàm,  310,  511. 
cnâimh,  cnâmh,  os,  510. 
cnù,  noix,  509,  382. 
cuùass,  collection   de  fruits,  cnûas, 

collection,  309. 
cniiassaim,   cnùasaim,   je    ramasse, 

rassemble,   509. 
cob,  victoire,   186. 
cocad,  cogadh,  guerre,  159. 
cocert,  arrangement,  correctif,  déci- 
sion, 158,  159. 
cocung,  laisse  articulée,  160. 
co  fraig,  (du  foyer)  jusqu'au  mur  ; 

complètement,  94. 
côic,  cinq,  100. 
côilàn,  caolân,  intestin    grêle,  tripes, 

149. 
Coilboth,  Cdelbad,  148. 
côir,  le  droit,  82. 
coire,  chaudron,  184. 
coirmcheôl,   «    chant    de    bière    », 

348. 
coirmthech,   «    maison   de  bière  », 

348. 
Colmân,  337. 
Columban,  337. 
Colum  Chille,  337. 
com-,  avec,  53. 
combruith,  ébuUition,  306. 
comdigal,  vengeance  complète,  162. 
commberad,  elle  concevrait,  385. 
comram,  dispute,   188. 
comrechta,  gl.  alligatus,  314. 
comrûn,  secret  commun,  159. 
comslonnud,  parenté;  surnom,  161. 
conbiur,  je  conçois,  385. 
Conchobar,  336,  384. 
condelb,  conformité,  161. 
congnîm,  assistance,  secours,    162. 


conic,  il  peut,  33. 

coraid,  guerriers,  107. 

cordiste,  courage,  234. 

co  talmain,  complètement  ;  des  pieds 
à  la  tète,  94. 

cranngal,  bois  ;  bateau  ;  hampe  de 
lance  ;  crainnghail,  treillage  devant 
un  autel  ;  cercueil  ;  pipers  accom- 
pagnant le  cortège  funèbre,   164. 

crech,  pillage,  113. 

crenim,  crenaim,  -crinaim,  j'achète, 
104,   166. 

crith,  tremblement,  166. 

crith,  contrat,  paiement,  165. 

crithiil,  gl.  emax,  166. 

crithir,  tremblant  ;  tremblement, 
vibration,  166. 

crothim,  crathaim,  je  fais  trembler, 
166. 

Cruithne,  pays  des  Pietés,  1 30, 
280. 

Cruithnech,  Picte,  280. 

cruth,  forme,  165. 

Cruthen,  Picte,  280. 

Cù  cen  mâthair,  100. 

cûa,  creux,  161,  188. 

cùach,  coupe,  161,  188. 

cùadh,  cruche,  pot,  160,  161. 

ciian,  meute,  portée  de  chiens  ou  de 
loups  ;  troupe,  bande,  166,  167. 

cubhaidh,  harmonie,  214. 

Cuchulainn,  191. 

Cuilinn  (Mac-),  (Fils)  du  Houx, 
146. 

Cuill  (Mac-),  (Fils)  du  Coudrier, 
146. 

cuirm,  bière,  347-349,  pi.  cormand, 
22. 

cuirmlind,  «  liquide  de  bière  »,  347. 

cumbair,  cumair,  court,  bref,  60, 
61. 

cumbre,  cuimre,  brièveté,  60,  61. 

cumne,  cuimhne,  souvenir,  commé- 
moration,   168. 

cunutgim,  je  bâtis,  conutuinc,  il 
bâtit,  187. 


daig,  flamme,  feu,  169. 
dàil,  portion,  part,  170. 
dâlim,  je  partage,  je  verse,  170. 
damàiste,  dommage,  234. 
damrad,  attelage  de  boeufs,  99. 


au  tome  XXXVIII . 


VII 


dân,    talent,    aptitude  ;  profession, 
fonction,  380. 

dangen,  daingean,  solide,  fort  ;  for- 
teresse,  171. 

Dara,    (Mac-),    (Fils)    du    Chêne, 
146. 

Dâri,  238,  239. 

dé-,  deux,  71. 

deacht,  divinité,  i  ig. 

déchorpdae,  gl.  bicorpor,  71. 

deglind,  «  bon  liquide  »  ?  347. 

dér,  larme,  100. 

derc,  œil,  69. 

derglind,  «  liquide  rouge  »,   347. 

dériad,  gl.  bigae,  71. 
'dermar,  -àr,  très  grand,  127. 

Diarmaid  mac  Murchadha,  341. 

Diarmuid  mac  Cerbhaill,   336. 

dibad,  dibhadh,  destruction,   170. 

dilgend,  destruction,  312. 

din,    dion,    protection,     abri,    toit, 
176. 

dind,  dinn,  colline,  forteresse  ;  terre 
élevée;  biens,  170,  171. 

do  à,  de,   198. 

do-,  péjoratif,  153,  172. 

doberim,  j'apporte,  25,  26. 

doeccaim,  il  arrive,  33,  34. 

dogoa,  il  choisit,  103. 

dognim,  je  fais,  28,  29. 

doiccim,  je  viens,  57. 

dolmha,  lenteur,  hésitation,  172. 

dorearûasat,  qui  a  créé  les  espaces 
célestes,  95. 

doroich,  il  arrive,  31,  32. 

dotaet,  il  vient,  30,  31. 

dotuit,  il  tombe,  34. 

drech,  simple  d'esprit,  175. 

Dregin   (Macc-),   (Fils)    de   l'Epine 
noire,  146. 

drettell,  favori,  174. 

drui,    druide,   131,    145,    184,    584. 

drûis,  folie  ;  volupté,  adultère,   for- 
nication, 175,    176. 

dnith,fou;  impudique,  174,  175. 

dû,  terre,  place,  188. 

Dubais,  113,  116. 

dubhfhlaithes,  sombre  règne,  384. 

Duibhne,   125. 

duinenet,  gl.  homunculus,   123. 

é,  hé,  il,  cela,  196,  197. 
éagan,  vagabond,  177. 


-ebla,  il  poussera,  104,  105,  107. 
-ebla,  il  nourrira,    105,  107. 
-ebra,  il  accordera,  105. 
echrad,  attelage  de  chevaux,  99. 
Eichne,  125. 

eigean,  violence,  nécessité,  177. 
eite,  aile,  aileron,  plume,  306,  307. 
eiteach,    plumes,    ailes,    nageoires  ; 

serres,  306,  307. 
Elga,  Irlande,  128,  129,  132. 
émdim,  je  refuse,  296. 
er-,  accorder,  105,  107. 
Eriu,  Eire,  Irlande,  129,  131,  132, 

230. 
ermaissiu,   viser  à  atteindre  par  la 

pensée,  apprendre,  177. 
esarn,  vin  vieux,  22. 
etheis,  ailes  ?  serres  ?  306,  307. 
étmar,  zélé,  jaloux,  6<^. 
ette,   gl.   pinna  ;  pinacle,  faîte  d'un 

rempart,  306. 

fâilchon,  du  loup,  ici. 

fâilteach,  faoilteach,  hospitalier, 
accueillant,   149. 

fâinne,  anneau,  297. 

fâinne  an  lae,  le  point  du  jour, 
297. 

fâir,  aurore,  297. 

Fâlbi,  -be,   14S,   153. 

faoiseamh,  protection,  secours;  ces- 
sation, interruption,   300. 

feis,  festin,  298. 

feiss,  s'arrêter,  se  reposer,  297. 

femmuin,  gén.  femair,  algue  co- 
mestible, 100,  298. 

fer,  fear,  homme,  16,  17. 

Fer  diad,  103. 

Ferp  Cluiche,  «  Pénis  de  pierre  », 
92. 

fessin,  fadessin,  même,  100. 

fetar,  je  sais,  34,  35. 

feuchuir,  sauvage,  299. 

fiach,  corbeau,  184. 

fid  na  ifdruad,  «  arbre  des  druides  », 
sorbier,  145. 

Fidach,  130,  131. 

fige,  fait  de  tisser,  87. 

fili,  poète,   103. 

fin,  vin,  21,  22,  348;—  aicneta, 
vin  naturel,  19,  23,  24  ;  —  sai- 
nemail,  vin  spécial,  23,  24. 

find,  blond,  103. 


VIII 


Table  des  principaux  mots  étudies 


find,  cheveux,  298. 

fine,  grande  fiimille  agnatiquc,  335. 

Fine,  126. 

Finn  Mac  Umaill,  103. 

finnaim,  je  trouve,  j'apprends,  300. 

fionnân,  longues  herbes  croissant 
en  terres  marécageuses,  298. 

fir,  le  droit,  82,  83. 

firinne,  f.  justice,  188. 

fiu,  il  passa  la  nuit,  103,   104. 

Flamendaigh,  Flamands,  233. 

fled,  fleadh,  festin,  banquet,  313. 

Flidas  ou  Flidais,  loi,  116. 

fo(a)id,  il  passe  la  nuit,  103. 

fodàlim,  je  distingue,  170. 

Fodla,  Irlande,   129,  131. 

foessam,  protection,   300. 

foigera,  il  brûlera,  97. 

follega,  (l'encre)  fuit,  coule,  312. 

fondaid,  -daig,  chars,  97. 

fonn,  désir,  désir  ardent,  disposition, 
pour,  plaisir,  305. 

fonnam,  m.  palpitation,  188. 

for,  sur,  122;  for  mu  mud,  à  ma  ma- 
nière, 99. 

forémdim,  je  suis  incapable  de,  je 
ne  puis,  296. 

forosnaim,  j'éclaire,  j'illumine,  513. 

forsunnud,  éclaircissement,  313. 

fortacht,  forthact,  secours,  122. 

fortige,  fordinge,  oppresser,  176. 

foss,  résidence,  59. 

fraig,  fraigh,  paroi,  toit  intérieur  à 
la  maison,  chevrons,  301. 

francamus,  mercenaire,  188. 

friscurethar  céill,  il  honore,  98. 

Fuirg,  gén.  Forgo,  128. 

gae,  épieu,  323,  324. 

Gaethin,  148. 

gaibim,  je  prends,  88. 

gairim,  j'appelle,  328. 

gairm,  cri,   appel,  328. 

-gai,  collectifs,  164,  165. 

Gall,  Gaulois  (=  Français);  Scan- 
dinaves; Normands;  Anglais,  103, 
188. 

gart,  tête,  123. 

ger-,  chauffer,  106. 

German,  saint  Germain,  73. 

gésa,  interdictions,  383. 

glainethat,  gl.  maxilla,  121. 

glenaim,  je  m'attache,  104. 


gné,  façon,   381. 
gnimai,  les  actes,  99. 
gnotha,  de  l'art,  182. 
go,  que,  si,  200,   357. 
Gôedel,  277,  280,  282,  348. 
grian,  soleil,  366. 
gris,  chaleur,  310,   311. 

hed,  edh,  cela,  le,   197. 

hi,  -i,  qui,  98. 

hirec,  hirecc,  hirrec,  arrecc,  entiè- 
rement, complètement,  d'un  seul 
coup,  95. 

-ib,  dat.  pi.  35,  37,  38. 

Ibair  (Macc-),  (Fils)  de  l'If,   146. 

-icc-,  venir,  104. 

imbas,  gén.  immais,  magie,  97, 

Imbolc,  fête  du  ler  février,  336. 

indile,  bétail;  biens,  171. 

-ine,  -in,  128. 

inti,  celui  qui,  98. 

irar,  aigle,  99. 

is,  il  est  ;  c'est,  194-198,  356. 

it,  ils  sont,  196. 

-it,  3c  pi.  prêt,  passif,  36-38. 

laa,  là,  jour,  104,  182. 

laaim,  je  jette,   130. 

labar,  arrogant,  117. 

Labrand,   117. 

laigim,  je  suis  couché,   105,  106. 

Laithbi,  gén.,  154. 

lathe,  laithe,  jour,  104,  182. 

leaca,  joue,  100. 

Lebor  na  h-Uidre,  191. 

lecht,  mort,   311. 

legam,  m.  mite,  188. 

lenaim,  je  suis,  104. 

lestar,  vase,  vaisseau,  90,  100. 

létiu,  f.  fait  d'oser,   188. 

Lia  Fâil,  92. 

Liban,   118. 

Liber,  1 18. 

liim,  j'accuse,  50. 

lind  soôla,  «  liquide   savoureux  », 

bière  ;  lind,  bière,  347,  348. 
lô,  eau,  126. 
loch,  noir,  90. 
lôchet,  éclair,   184. 
lorg,  massue,  186. 
Lug,  91,  239. 
Lugbe,  153. 


au  tome  XXXVIII. 


IX 


Lugnasad,    fête  du    i^^  août,    336, 

337- 
Luighne,  126. 

Mac  ind  Oc,  démon,  238. 

mac  samla,  macsamail,  compagnon, 
semblable,  188. 

maccu,  appartenant  à  la  race  ou  à 
la  tribu  de,  367. 

machdad,  merveille,  567. 

Machthene,  367. 

machtnaigim,  j'admire,  367. 

mad  tù,  «  moi  et  toi  »,  98. 

mâthir,  mère,  103. 

mbleguin,  de  l'action  de  traire,  182. 

mennair,  tache,  132. 

mer,  fou,  175. 

mess,  jugement,  177. 

messaim,  je  pense,  177. 

mî,  mois,   104. 

niid,  hydromel,  22,  348. 

Midchuairt,  «  le  palais  de  l'hydro- 
mel »,  348. 

Mochta,  367. 

molach,  bavard,  310. 

molad,  louer,   310. 

mong,  cheveux,  115. 

môrfairrge,  océan,  188. 

morthuatha,  tribus  ou  grands  clans, 

335- 
mue,  pourceau,  1 16. 
muin,  cou,  88. 
Muine,  17. 
Muirchu,  345,   366,  367. 

n-,  neutre,   35. 

-nat,  dim.  ;  123 . 

nem,  ciel,  114. 

nemed,  sanctuaire,  114. 

nertmar,  fort,  69. 

net,  combat,  186. 

ni,  ce  n'est  pas,  195,  196. 

nia,  neveu,  337. 

nia,  champion,  337. 

nith,  combat,  125. 

no,  ou  bien,  98,  99. 

no,  part,  verbale,  98,  99. 

nôi,  neuf,  107,  238. 

nôibrethach,    aux    neuf   sentences, 

238,  259. 
Noine,  238,  239. 
nôthe,  navires,  104. 
nùe,  nouveau,  121. 


ôa,  ûa,  6,  petit-fils,  121. 

ôbar,  uabar,  uabhar,    vaine  gloire, 

vanité,   150. 
-ôc,  dim;  129. 

Ocha  ou  Ochann,  Faughan,  95. 
ôcht,  huacht,  le  froid,  150,  151, 
odbrann,  cheville  du  pied,  151. 
odhar,  gris,  1 16. 
Odras,  116. 
oegi,  hôte,  103 . 
oennat,  gl.  ulla,  123. 
ôes.  âes,  n.,  gén.  âis,  vie,  âge,  cours 

du  temps,  187,  382. 
ôes,    âes,  m.,    gén.    oesso,    oessa, 

gens    qui    vivent,    peuple,    187, 

382. 
Oisin,  290-295. 
olddu,  que  moi,  99. 
ômun,  omon,  uamhan,  peur,   150. 
Othain,  Fahan,  95. 

Patraic,  saint  Patrice,  73. 
persan,  persa,  personne,  153. 
puinn,  (pas)  guère,  134,  357. 

-r,  passif,  278. 

-rad,  collect.,  99. 

-rais,  116. 

râm,  fait  de  ramer,  188. 

Remuis  na  righ,  «  Reims  des  rois  », 

353- 
renim,  renaim,  je   vends,  104,  187. 
rethim,  je  cours,  105. 
riad,  voyage,  99. 
riadaim,  je  vais  en  voiture,  99. 
ricim,  je  viens,  32,  33. 
rigdùn,  forteresse  rovale,  188. 
rigin,  raide,  147. 
ro-,  prêt.,  35. 

-roigu,  il  a  choisi,  103,  104. 
rolamur,  j'ose,  188. 
ropp,  bête,  186. 
rosoich,  il  atteint,  31. 
Rothniamh,    splendeur  de    la  roue 

(solaire),  nom  d'une  fée,  96. 
rud,  la  chose  qui,  que,  199. 

Sabrann,  128. 

saidim,  je  suis  assis,  105,  106. 

sal,  saleté,  souillure,  382. 

salach,  sale,  382. 

Salchoit,  232. 

Samhuin,fête  du  i^r  novembre,  336. 


Table  des  principaux  mois  étudiés 


-sat,  3e  pi.  prêt.,  37,>  38. 

scél,  récit  épique,  8i. 

scinnit,  f.  noyau,  188. 

Scéine,  127. 

-se,  -sa,  (moi-)  même,  98. 

sech,  sauf  que,  outre  que,  100. 

secht  solabra  filed,  sept  bons  dis- 
cours de  poésie,  97. 

seiche,  peau,  100. 

Senan,  560. 

sgâile,  ombre,  50. 

silleadh,  suinter,  1 16. 

Sillis,  1 16. 

Sinenn,  97. 

sir,  long,  385. 

sirem,  m.  animal  parasite,  188. 

sirid,  il  cherche,  385. 

siurnat,  gl.   sororcula,  123. 

slond,  signification,  161. 

-sluindim,  je  désigne,  161. 

sméroi'tjSméarôid,  charbons  ardents, 
braise,  366. 

sniomh,  filer,  88. 

solam,  rapide,  rapidement,  172. 

solme,  -ma,  rapidité,  172. 

stiall,  raie,  116. 

ta,  il  est,  194,  195. 

Tâin  bô  Cualnge,  92,  95. 

Tâin  bô  Flidais,  loi,  385. 

tan,  temps,  144. 

-tan,  -ten,  coll.,  144-146. 

-tau,  je  suis,  195. 

techim,  je  cours,  je  fuis,   105,   185. 


teigmi,  je  vais,  29,  30. 

tein,  au  feu,  381,  382. 

tene,  feu,  381,  382. 

tenid,  au  feu,  381. 

Ternôc,  360. 

-tha,  3e  pi.  prêt,  passif,  37,  38. 

-the,  2e  sg.  impér.  dép.,  103. 

ticim,  je  viens,  32. 

tirthat,  gl.  agellus,   121. 

to-,  100. 

todéoir,  larmoyant,  100. 

Toimdenach,  pensif,  367. 

toimtiu,   pensée,  opinion,  367. 

toise,  besoin,  désir,  305. 

Tomar,   102. 

torbae,  profit,  100. 

tothlailhe  de  l'action  d'emporter  ? 

94- 

trot,  troid,  combat,  174. 

tuath,  clan,  335. 

tûa[th],  magicien  ?  secourable,  favo- 
rable ?  loi. 

uaithne,  douleurs  de  l'enfantement, 

186. 
ûar,  froid,  150. 
ûar,  heure,  161. 
uath,  épouvante,  150. 
uisce,  eau,  381. 
Ui  Tomair,  102. 
ùr,  feu,  163. 
urmaisim,  je  me  propose,  j'atteins, 

177. 


i 


III.  Gaélique  d'Ecosse. 

(Voir  pp.  78,  79,  110-112,  115,    119.) 


Abberdeon,  Obair-,Abairdheathain, 

Obairdhea'in,  118,  119. 
-ach,  117. 
a'  Chabraich,  112. 
-ad,  -aid,  120-125. 
-ag,  dim.  117,  129. 
àicheadh,  refus,  129. 
-aidh,  117. 
àil,  gl.  bucca,  120. 
Ailid,  120. 
Aingleid,  étroit,  123. 
Airceig,  123. 


Aircleit,  le  défenseur,  123. 
airgiod,  argad,  argent,  125. 
Albhaidh,!  14. 
Albhais,    114. 
Allt  Charrais,  115. 
Allt  Eireann,  13  :. 
Allt  Gamhnain,  1 18. 
Allt  Labhrag,  117. 
ait,  articulation,  113. 
Allais,   115. 

A'mhaoirn,    '  l'Intendance 
127. 


126, 


au  tome  XXXVIII. 


XI 


A'Mhaormhairne,  '  la  Grande  Inten- 
dance ',  127. 

-an,  dim.,  1 18-120. 

annaid,  église  métropolitaine,  129. 

-ar,  116-118. 

Arcain,  123. 

Arcill,  123. 

Argadmeall,  '  colline  d'argent  ", 
125. 

-as,  -ais,  1 12-1 16. 

Athôtla,  AthuU,  '  ceux  qui  font  de 
grandes  blessures',  129-132. 

Bail  no,  '  nouveau  lieu  ',  121: 

Bainbhaidh,   131. 

Banb, -bh,  131. 

banbh,  jeune  pourceau,  131. 

bàrc,  s'élancer,   en  pari,    de  l'eau, 

304. 
bearna,   ouvertures,  passages,   127. 
beô,  vivant,  124. 
Beôraid,  124. 
beul,  bouche,  120. 
Bheo'ail  (Loch-),  124. 
Bialaid,  120. 
blâr,    (animal)    qui    a     une    tache 

blanche  sur  la  face,  154. 
Braid-,  Breid-Albainn,   119,    125. 
Braigh-,  Bre-Mharr,  119. 
Breamhauie,  «  mugissante  »,  126. 
Breamhainn,  126. 
Breichin,  gén.  Brecini,  128. 
Bruithne,  118. 
Bruthaidh,  118. 
Bruthar,  117. 
Bruthrach,  118. 
Buadhchaig,  124. 
buaidh,  victoire,  123,  124. 
bualadh,  bual,  frapper,  m. 
Buidhchead,    «   victorieuse  »,    124. 

cam,  courbe,  129. 

Camaran   «    au   nez  courbe  »    129. 

Cot,  gen.  pi.,  1 30. 

Ceannmhar  «  à  grande  tête  »,  127. 

-chad,  124. 

Cill-ra'ig,  -rea'ig,  119. 

Cinn-iteis,  115. 

cluain,  prairie,  113. 

Cluaineis,  113. 

Cnoc-ùdais,  115. 

-cochaill,  124. 

Cochraid,  124. 


Coillearas,  115,  116. 

Comh(a),  Comhann,  112. 

Conaid,  121. 

Conghlas,  haute  rivière,  121. 

Craichidh,  Crei-,  113,  119. 

creach,  pillage,  113. 

creachan,   endroit    balayé    par    les 

vents,  113. 
Creicheis,  113. 
curcais,  roseau,  115. 

dail,  g.  dalach,  prairie,  113,  114. 

Dalachaidh,  1 14. 

Dalach-cùl,  114. 

Dalais,   114. 

Daras,  115. 

Dé,  120. 

Dea'in,  1 19,  120. 

deamhain,  démon,  126. 

Dol,  1 14. 

Doldaidh,    114. 

Dolmach-gearraidh,  114. 

dorus,  porte,  115. 

Dru'aidh,  122. 

drùdh,  drù,  limon,  122. 

Druid,  122. 

dubh,  noir,  113. 

Dubhais,  113,  116. 

Dul,  114. 

Dulsaidh,  114. 

Dunleôdha,  115. 

Duniuirceis,   113. 

Duras,  115. 

Eilge,  Eilg,  129. 
Eilgin,  128,  129. 
Eilgnidh,  129. 
Eire,  Eir,  g.  Éireann,  131. 

Farair,  116,  123. 

Farnaid,  116,  123. 

Farrais,   115. 

fearn,  aune,  113,  123. 

Fearnais,  113. 

Fidhich,  130. 

Fine,  «  qui  se  meut  rapidement  », 

126. 
fiodh,  bois,  130. 
fionnchaire,  sagesse,  300. 
Fortrenn,    Forthrenn,     Foirthrenn, 

122,   130. 
fraigh,  cloison  en  lattes,  501. 


XII 


Table  des  principaux  mots  éhidics 


freôine,  fureur,  128. 

Freôinc,  128. 

Fuaran  mhongaidh,  115. 

Fuirbidh,  114. 

Fuirbeis,  Foirbeis,  1 14. 

Fuirgin,  128. 

Fi'irené,  128. 

gàir,  cri,  123. 

gamhain,  veau,  118. 

Gamhar,  118. 

Gar,  Garadh,   112,  123.     ' 

Garnait,  123. 

gead,  pièce  de  terre  labourable,  112. 

Geadais,  112. 

geamhr,  geamhradh,  hiver,  m. 

Gleann  ruaidhneis,  114. 

gobhar,  chèvre,  117. 

grain,  grèin,  horreur,  113. 

Greineis,  113. 

-ine,  -in,  128. 

Labhair,  117. 

-laid,  123. 

Leochail,   115. 

Leôdhas,  115. 

Leôid,  115. 

libh-,     verser,    inonder,    118,    121, 

123. 
Libheann,  118. 
Libheid,  118,  121. 
Libhir,  1 18. 

lionmhôr,  lionar,   nombreux,    129. 
Lo,  126. 

Loch,  Lochainn,  112. 
Loch  Subhairne,  127. 
Lochath,  -chaidh,  112. 
Loine,  126. 
Loinn  muing,  115. 
Losaidh,  117. 
Luighne,  126. 

madadh,  mad,  chien,  m. 
Mairne,  Moerne,  126. 
maor,  intendant,  127. 
nionadh,  mont,  montagne,  11 1 . 
mor,  mer,  127. 
mor,  môr,  grand,  127. 
morair,  seigneur,  comte,  127. 
mormaer,    -air,    grand    intendant, 
127. 


Mormhairne,    Grande    Intendance, 

muicthèoil,  muiceil,  viande  de  porc, 

129. 
Muighneis,  114. 
muing,  cheveux,  1 14. 
musach,  sale,  121. 
Musadaih,  121. 
Musaid,  121. 

Nabhair,  116,  117. 
-naid,  dim.  122,  123. 
-nais,  114. 
-ne,  -n,  125-128. 
neamh,  ciel,  114. 
Neibheis,  113. 
Neimheis,  114. 
-nidh,  129. 

-nithne,  puissante,  meurtrière  ;  puis- 
sance ?  125. 
no,  no'a,  nuaidh,  nouveau,  120. 
No'a,  120. 
Noid,  120,  121,  126. 

Obair-labhair,  117. 
ogha,  petit-fils,  121. 

-Phùir,  -idh,  de  la  pâture,  128. 

-raid,  124. 

Raitir,  Rei-,  119. 

-ras,  115. 

ràth,  rempart  de  terre,  113. 

Ràthais,  113. 

Reidh-lùgais,  115. 

ruadh,  ruaidh,  rouge,  114. 

seabhag,  faucon,  126. 
Sgàin,  127. 
sorn,  four,  128. 
srôn,  nez,  129. 
Strathnithne,  125. 
Subhairne,  128. 

Tairbh,  131. 
Tannar,  117. 
Tarbhaidh,    131. 
teine,  feu,  382. 
Tiacais,  115. 
tore,  tuirc,  sanglier,  113. 
Tough,  117. 
tulach,  tertre,  117. 
Turaid  «  fort  »  121. 


au  tome  XXXVIII. 


XIII 


Turraid,  121. 


Uisg  Labhrach,  117. 
Urchath,  -chaidh,  112. 


IV.   Gallois. 

(Voir  pp.  17,  18,  79,  188,  199,  208-210,  298,  299,  302,  308,   356). 


a,  et,  199. 

aball,  décadence,  disparition,  61,  62. 

aballu,  dépérir,  61. 

abar,  pourriture,  terre  putride  ?  48,' 

49- 
aber,  confluent,  49. 
aberth,  sacrifice,  49. 
abwy,  abo,  charogne,  49. 
Aceru,  Acheru,  Aggeru,  378. 
achas,  odieux,  49. 

aches,  flot,   vague;   inspiration,  53. 
aches,  besoin,  53. 
achwre,    pi.    achwrau,     parois    ou 

cloisons  à  l'intérieur  du  toit,  301, 

302. 
add-,  très,  49. 
addas,  convenable,  310. 
addfwyn,  doux,  49. 
addoer,  très  froid,  49. 
adfan,  plaine,  152. 
adfar,  reperitir,  54. 
adfeirio,  adfeir,  reprocher,  ^4. 
adveil,  il  décline,  61. 
ael,  couvée,  portée,  55. 
aelaw,  richesse,  5  5 . 
aele,  douloureux,  triste,  56. 
aeleu,  douleurs,  peines,  56. 
aergun,  chiens  de  bataille,  guerriers, 

167. 
agarw,  rude,  49,  378. 
agerw,   rude  ;    impétueux,  rapide  ; 

mêlée  ardente,  358,   378. 
al,  petit  d'un  animal  ;  race,  nation, 

55- 

alaf,  troupeau,  richesse,  55. 
alu,  mettre  bas,  vêler,  55. 
an-  intensif,  56,  168. 
anaele,  -leu,  douleur,  56. 
anaeleu,  terrible,  douloureux,  incu- 
rable, 56. 
anant,  ils  célèbrent,  56. 
anant,  bardes,  poètes,  56. 
anaw,  inspiration,  57. 
anc-,  échapper,  57. 


anghanawg,  vagabond,  177. 
anghen,  nécessité,  177. 
anghenawg,  nécessiteux,  177. 
annoeth,  tout  à  fait  nu,  dépouillé, 

168. 
annoeth,  déraisonnable,  168. 
anoeth,  joyau,  167,  168. 
anoleith,  irrésistible,  312. 
anoieithiawc,  inévitable,  312. 
anwas,  turbulent  ?  57. 
anylan,  impur,  58. 
arcibrenou,  pi.  sepulti,  147. 
ard-,  haut,  59. 
ardunyant,  célébration,  59. 
ardunyaw,  exalter,  59. 
ariedydd,  dessein,  177. 
Arfwl,  nom  d'un  grand  cheval,  50, 

SI- 
argrad,  etTraN'ant,  qui  fait  trembler, 

51,  166. 

arg\'vrein,  sépuhure,  147. 

aros,  rester  ;  arhovnt,  ils  atten- 
draient, 59. 

as,  pic  ?,  59,  60. 

asen,  as,  côte,  60. 

at-,  ed-,  changement  en  mal,  54. 

athaw,  très  silencieux,  49 . 

athref,  demeure,  49. 

attrec,  repentir,  54,  55. 

attregwch,  arrêt;  repentir,  54,  >$. 

awdl.  poème,  sorte  d'ode,  208. 

avvel,  vent,   52. 

awen,  inspiration,  52,  53. 

awr,  heure,  161. 

awvdd,  souflle  ardent,  véhément  ; 
ardeur,  impétuosité;  air  ?  51,  52. 

awvr,  air,  5 1 . 

bann,  sommet,  corne,  pointe  ;  élevé, 

haut  ;  point  cardinal,  152. 
bar,  colère,  fureur,  155. 
baran,  colère,  fureur,  152. 
barch,  lance  ;  hampe,  153. 
bidog,  dague,  poignard,  154. 


Table  des  principaux  mots  étudiés 


blawr,  gris,  154,  155. 
-boawc,   belliqueux,    combatif,    60. 
brag,  malt,  506. 
bragat,  bataille,  506. 
brefu,  mugir,  126. 
breithell,  cervelle,  506. 
bwvaw,  battre,  renverser  ?   teindre 
(plonger  dans  ?)  304,  505. 

caiil,  bois,  155. 

calch,    chaux  ;   ariîiure  de    métal  ; 

émail,  156. 
calchdoet,  couverture   de  bouclier, 

156.. 
calchvreith,  à  l'émail  tacheté,  156. 
calchlassar,  émail  bleu,  156. 
called,   tiges   de    plantes,    haricots, 

chardons,  155. 
calledd,  lances,  155. 
cant,  cercle,  502. 
cathylvodawc,  qui  charme  par  son 

chant,  307. 
-cavvdd,  mesure  de  boisson,  160. 
cawg,  seau,  161. 
cawr,  géant,  107. 
ceirw,  cerfs  ;  chevaux,  52. 
cerdd,  art,  145. 
cerdin,  cerddin,    sorbier,     144-146, 

149. 
ceri,  noyau  de  fruit,  ou  grain  ;  pren 

ceri,  arbre  à  noyaux,  néflier,  147. 
cleu,  clau,  rapide,  qui  se  meut  rapi- 
dement ;  sincère,  159. 
cnau,  des  noix,  382. 
cnawd,  chair,  308. 
cnod,  produits,  308. 
cnofa,  morsure,  action  de  mordre, 

ronger,  309. 
cnoi,  ronger,  310. 
cnud,    bande,    troupe   (de    loups), 

307-309. 
cnwd,    productions,    collection    de 

produits      divers  ;    essaim      (de 

mouches),  petits  enfants  307-309. 
coiliou,  gl.  extorum,  149. 
coludd,  boyaux,  viscères,  149. 
covein,  souvenir,   commémoration, 

mémoire,  168. 
croten,  fillette,  308. 
crotes,  fillette,  308. 
croth,  sein,  utérus,  ventre,  310. 
cr\vt,  enfant,  308. 
crwth,  violon,  310. 


crwtyn,  petit  enfant,  308. 

cryd,  tremblement,  166. 

crydr,  vibration,  166. 

cun,  chiens,  166,  167. 

cun,  chef,  169. 

cun-,  intensif,  169. 

cu'.iic,  (gloire)  élevée,  169. 

cunllaith,  cyn-,  humidité,  169. 

cunlleith,  destruction,  169. 

cunyat,  chef,  en  tète  (du  combat), 

169. 
c\vr\vf,  bière,  347. 
cwynaw,  se  plaindre,  310. 
cwynofain,  plainte,  310. 
cyfoeth,  richesse,  167,  168. 
cyfrin,   secret  commun  ;   confident, 

'  159- 
cymmrwd,    mortier,  ciment  ;  maen 

gymrwt  «  pierre  à  terre  cuite  », 

brique  ?  305. 
cymmvrru,  estimer,  61 . 
Cvmro,    pi.    Cymry  ;  compatriote, 

Gallois,  281. 
cymwv,  afi^iction,   tourment,    304. 
cynan,  parole,  louange;  parler,  56, 

57- 
Cvnddelw,  162. 

cvnfvl,  discorde,  lutte,  conflit,  que- 
relle, 62. 
cyngerth,    qui    est    d'accord   avec, 

concordant,     convenable,      158, 

159. 
cynghad,  guerre,  159. 
cynghanedd,  concordance  de  sons, 

209. 
cj'nghwng,  nœud,  articulation,  160. 
cvnhaid,  cynthaid,  premier  essaim, 
'161. 

cynial,  vengeance  complète,  162. 
cynnelw,  modèle,  161. 
cvnnelw,  profit  ;  premier,  principal 

profit,  161,  162. 
cvrbwyll,  célébrer,   faire  connaître, 

167. 
cvstlwn,   parenté,   liaison,   lignage, 
'  161. 
cywydd,  poème,   sorte  de  discours 

en  vers;  mesure,  208,  211,  214. 

dail,  feuilles,  52. 
dawl,  partie,  170. 

dawn,  talent,  aptitude  ;  profession, 
fonction,  380. 


au  tome  XXXVIII. 


deierin,  de  terre,  49. 

delehid,  gl.  sera,  172. 

dengyn,  obstiné,  terrible,  171. 

di,  dé-,  sans,  219. 

dianc,  échapper,  57. 

diddawl,  rejette  !  170. 

difa,  détruire,   170. 

difancoll,  perte  complète,  170. 

difant,  destruction,  extermination, 
disparition,  170. 

difwng,  implacable,  qu'on  ne  fléchit 
pas,  155. 

digawn,  dichawn,  dichon,  pouvoir 
faire  ;  faire,  157. 

digon,  assez,  157. 

dihaereb,  diaereb,  diareb,  proverbe; 
(proverbial),  excellent,  58,  59. 

dile,  dilein,  destruction,  312. 

diletcawt,  qui  n'admet  pas  de  demi- 
mesure  (de  boisson),  160. 

dinaw,  verser,  176. 

dioleith,  sans  merci,  311,  312. 

dirper,  mériter,  166. 

dirpwy,  remplaçant,  166. 

dirwest,  jeûne,  298. 

disgyfreith,  libre,  non  soumis  à  la 
loi,  514. 

disgyfrith,  rude,  désagréable,  fa- 
rouche ;  sans  entrave,  Ubre,  313, 
314. 

divessur,  (boisson)  sans  mesure, 
161. 

doeth,  sage,  168,  174. 

dôl,  vallée,  114. 

drem,  trem,  vue,  regard,  173,  174. 

dremynt,  dremhynt,  aspect,  173, 
174. 

drud,  furieux,  insensé,  qui  n'entend 
pas  raison  ;  héros,  brave,  vail- 
lant ;    pénible  ;    cher,  qui  coûte, 

174,  i?)- 

drych,  aspect,  174. 

drythyll,  trythyll,  pétulant,  capri- 
cieux :  voluptueux,  débauché  ; 
instable,  174. 

duiu,  dieu,   120. 

-duvr,  eau,  283. 

dy-,  à,  vers,  219. 

dy-,  péjoratif,  153,  172,  173. 

dyatter,  qu'on  laisse  !  87. 

dygymmyrru,  abréger,  60,  61. 

Dygynnelw,  162. 


dylaw,  dylofi,  manier,  palper, 
éprouver,  172,  173,  310. 

dylaw,  (barde)  maladroit?  172. 

dyleith,  verrou  ;  garde,  protection, 
172. 

dyvydd,  infortune,  153. 

ebrwydd,  prompt,  99. 

echdoe,  avant-hier,  51. 

edifar,  repentir,  54. 

ehofn,  sans  peur,  150. 

eiddwng,  union,  160. 

eil,  second,  52. 

eil-  second,  re-,  50. 

eilenwi,  terminer;  eylanwey,  assou- 
vissait, 49,  50. 

eilon,  eilion,  daims  ;  chevaux,  52. 

eiliw,  eiliwed,  reproche  ;  -edliw, 
reproche  !  50. 

eilun,  image,  50. 

eilyw,  trait,   50. 

eingyaw,  être  serré,  contenu  dans, 
57,58. 

eirif,  nombre,  49. 

eithin,  ajoncs,  147. 

enep,  visage,  151. 

engi  ar,   accoucher,  mettre  bas,  57. 

englyn,  poème,  sorte  d'épigramme, 
208-210. 

enu,  pi.  -ein,  nom,   310. 

erchwvniog,  (à  ton)  côté,  81,  82. 

erchwys,  émeute,  177. 

erfid,  hache  :  combat,  154. 

ervynyad,  qui  taille,   59. 

erwis,  (ervys),  recherches,  atteinte, 

177- 
eryr,  aigle,  99. 

etfvn,  il  abat  ;  il  faiblit,  53,  54. 
-eth,  f.  87. 
eurcalch,  (scutum  coloratum)   auri- 

chalco,  156. 

flTern,  ffer,  cheville  du  pied,  151. 
ff"yr,  ruée  ?  155,  156. 

gair  cyrch,  «   mot  d'attaque  »,  fin 
du  premier  vers  de  l'englyn,  209. 
geneth,  jeune  fille,  87. 
Genethawc,  87. 

genni,  être    contenu  dans,  57,  58. 
glan,  pur,  58. 

glanstlinnim,  gl.  famine  sancto,  161. 
gobrid,  un  peu  cher,  166. 


XVI 


Table  des  principaux  mots  étudiés 


gobryn,  mérite,  i66. 

gocliel,  gochlyd,  éviter,  300. 

goddeitli,  goiïdaith,  grand  feu  ;  feu 
qu'on  met  dans  les  herbes,  spé- 
cialement en  mars  ;  matière  qu'on 
enflamme  :  bruyère,  ajoncs,  fou- 
gère,  169,  298. 

godeb,  cachette,  refuge,  301. 

godineb,  incontinence,  301. 

goglyd,  gogelu,  s'occuper  de,  soi- 
gner, 300. 

goglyt,  prendre  (dans),  saisir,  300. 

gogoned,  gloire,  157. 

goleith,  souplesse,  échappatoire,  flé- 
chissement, attendrissement  ;  flat- 
terie, tentative  d'attendrissement? 
heb  oleith,  mévitable,  sans  phié, 
511,  312. 

gommed,  refuser;  manquer,  296. 

gorddin,  violence,  oppression,  176. 

gorddinaw,  lancer  à  toute  bride 
(son  cheval),  176. 

gorddineu,  -naw,  verser  à  flots, 
176. 

gordiN'W'ng,  tout  à  tait  implacable, 

155- 

gorun,  fracas  ;  mêlée  furieuse,  ba- 
taille; tumulte,  163,164. 

Guebrduvr,  283. 

Guebrgur,  283. 

guelitin,  gwelyddyn,  limon,  171. 

guichir,  gl.  eff^renus;  gwychr,  brave, 
299. 

Guoccawn,  Gwgawn,  157. 

Guotepauc,  Godebog,   301. 

gwad,  refus,  82. 

gwaddawl,  portion,  170. 

g^vaed,  sang,  82. 

gwaelod,  le  fond,  171. 

gwaessav,  gwayssav,  garantie  ;  ga- 
rant, caution,  300. 

gwawn  lumière,  aube  ;  fil  de  la 
Vierge,  297. 

g^va^vr,  point  du  jour,  297. 

gwefr,  ambre,  283. 

gweled,  voir,  382. 

gwerthyr,  forteresse,  122. 

gwest,  loger,  297 . 

gwesti,  séjour,  298. 

gweu,  tisser,  87. 

g^^•in,  vin,  22. 

gwingar,  sage  ?  299,  300. 

gwlad,  pays,  313. 


gwlan,  laine,  313. 

gwledd,  festin,  banquet,  513. 

gwlyb,  humide,  313. 

-gwre,  paroi,  301,  302. 

gwres,  chaleur,  311. 

gwrvvd,    le    monde    des    braves   ? 

168. 
gwrvaf,  très  vaillant,  299. 
gvvych,  gai,  digne,  brave,  299. 
gwych\'dd,  brave,  299. 
Gwyddyl,  les  Goidels,  280. 
gwymon,  varech,  298. 
gwymp,  sup.   gwymha,  beau,  joli, 

87. 
gwyn,      passion,      désir      violent  ; 

ardeur,  305. 
gwynn,  plaisir,  désir  ;  gwynn  fyd, 

bonheur,  305. 
gwynnon,  petits  morceaux  de  bois 

sec,  herbes  sèches  ;  regain,  herbes 

propres  à  être  brûlées,  298. 
gwynver,   qui  apporte  la  clarté  (ou 

le  bonheur),  299. 
g\v5'ry,  actif,  299. 

Habren,  128. 

haeru,  affirmer,  59. 

honneit,  honnaid,    célèbre,  connu, 

313- 
honni,  publier,  313. 
hylaw,  adroit,  172. 
hytolawc,   qui  partage,  qui    donne 

facilement,  170. 

ias,  bouillonnement;  sensation  vio- 
lente, 311. 
iawn,  le  droit,  82,  83. 
iug,  angoisse,  151. 
istlinnit,  gl.  profatur,  161. 
-ivvng,  union  ?  160. 

kallawet,  (chien)  querelleur,  a- 
boyeur,  156,  157. 

kamas,  coude  de  rivière,  baie  ?  59, 
60. 

knovein,  objets  à  ronger  ;  os  ?  309, 
310. 

kynif,  concours,  162. 

kynifwr,  guerrier,  combattant,  162. 

kyniret,  faire  jaillir,   163. 

kyniwng,  union,  160. 

kynniret,  kyniret,  visiter,  fréquen- 
ter, 163. 


au  tome  XXXVIII. 


kyrhaeddu,  atteindre,  167. 
kyvaenad,  réunion,  5  5  . 
kvvvng,  kyving,  étroit,  151. 
kywes,  kvwest,  cohabitation,  séjour, 
297,  298. 

Hall,  l'autre,  53. 
llam,  saut,  chute,  54. 
llasar  glas,  émail  bleu,  156. 
llaw,  main,  510. 
llawen,  joyeux.  107. 
llawer,  nombreux,  107. 
lied  cawt,  demi-mesure,  160. 
lleith,  mort,  destruction,   169,  311, 

312. 
llemittyor,  qu'on  saute  !  87. 
llestr,  vase,  90. 
Uet-,  péjoratif,  158. 
lletkynt,  douleur,  158. 
lleufer,  lumière,  299. 
Lleyn,  232. 
lluched,  éclairs,  185. 
llun,  figure,  50. 
Uwg,  livide,  90. 

mann,  tache  ;  place,  i)2. 
marchauc-,  (gwas),  gl.  adulter,  87. 
marwor,  cendres  chaudes,  366. 
marwydos,  cendres  chaudes,  366. 
nied,  hvdromel,  22. 
mesurau,    mesures   poétiques,  208. 
metel,  troupe  de  moissonneurs,  154. 
mid,  combat,  154. 
mwng,  crinière,   304. 
myned,  aller,  88. 

naw,  neuf,  107. 
nerthfawr,  fort,  69. 

o  :  truan    o    ddyn,    «    un  pauvre 

d'homme  »,  355. 
oer,  froid,  150,  151. 
oeth,  (terre)  cultivée,  167,  168. 
ofer,  vain,  1 50. 
oferedd,  vanité,  frivolité,  150. 
ofn,  peur,  150. 

pallu,  manquer,  périr,  158. 

pawr,  pâture,  128. 

pedryfanoedd,  les  quatre  points  (du 

monde),   132. 
pedrvlaw,  habile,  adroit,  86. 
peir,  chaudron,  184. 
perif,  créateur,  165. 
pobi,  cuire,  183. 


por,  seigneur,  chef,  165. 

posbeirdein,  bardes  de  bas  étage, 
157,  158. 

prennval,  mort,  sort  fatal  r  cercueil  ; 
trésor  (coffre)  ;  mêlée?  164,  165. 

prid,  valeur,  prix;  précieux,  cher, 
16),   166. 

pryd,  aspect,  165. 

Prvdain,  Priten,  Grande-Bretagne, 
280,  281. 

Pryden,  les  Pietés,  280. 

Prydvn,  Ecosse,  280. 

prynu,  acheter,  166. 

pwvo,  piquer,  enfoncer,   304,   305. 

pwyth,  piqûre  ;  réparation,  repré- 
sailles ;   cadeau  de  noces,   304. 

rhod   tes,  roue  ardente,   soleil,  96. 
rhvfel,  guerre,  62. 
ruddveddel,    le  rouge   moisonneur, 
60. 

solas,  plaisir,   212. 

techu,  fuir,  se  cacher,  185,  301. 

tremvn,  il  passe,  traverse,   173. 

très  ?  155. 

Tristan,  80,  81,  83. 

tuig,   t\vyg,  couverture,    vêtement, 

15- 

tut,  magicien,  ici  . 

tygdyn,  tyddyn,    maison  avec  une 

pièce  de  terre  ;  terre  attachée  à  la 

maison,   170,    171, 

ucher,  soir,  151. 

ufîarn,  cheville  du  pied,  151. 

ufvdd,  obéissant,  151. 

ufyll,  humble,  151. 

ugaint,  vingt,  131. 

uhv,  charbons  ardents,  151. 

Urbgen,  Urien,  131. 

wybr,  firmament,  151. 
wybren,  nuée,   151. 
wv'law,  gémir,  310. 
wvlofain,  gémissement,  310. 
wyneb,  visage,  151. 

ymeglyt,  se  saisir,   prendre  (dans), 

300. 
ymoleithiad,  flatteur,  312. 
y(n)>  le,  52,  53.      • 
y  neill,  l'un  des  deux,  52,  53. 
ystlwn,  parenté,  161. 


XVIII 


Table  des  principaux  mots  étudiés 


V.    CoRNiauE. 
(Voir  p.    149). 


ahns,  odieux,  49. 

an,  le,  55. 

an  nyll,  an  nyl,  l'un  des  deux,  52. 

avuit,  air,  5 1 . 


kuen,  chiens,  167. 
ky,  chien,  167 . 


louen, joyeux,  107. 

lower,  nombreux,  107. 
bal,  peste,  62. 

banna,  (ne  voir,  entendre,  dormir),       own,  peur,  150. 
goutte,  357. 

peddrack    mow,     meule     parfaite, 
cerden,  sorbier,  145.  complète,  achevée,  86. 

cnesen,  chair,  308. 

crotîolas,murmurer(quereller),  310.       tremene,  passer,  173. 
crotlîval,  murmure,  310. 


ebrou,  ebbarn,  firmament,  151. 
eddrek,  remords,  54,  55. 
edrege,  -ga  repentir,  5  5  . 
ehal,  gl.  pecus,  jumeutum,  55. 

huibren,  gl.  nubes,  151. 


ufer,  vain,  150. 

ufareth,    evereth,   vanité,    frivolité, 

150. 
ur,  heure,  161. 

y  ben,  l'autre,  f.  53  . 
y  gelé,  l'autre,  53. 


VI.  Breton  armoricain. 

(Voir  pp.  170,  219,  220,  222,  360,  361). 


-a,  rechercher  le  mâle,  222. 
aceruission,  gl.  hirsutis,  378. 
ala,  halaff,  vêler,  55. 
angell,  nageoire,  aile,  aileron,  bras, 

223 . 
angellat  (en  im-),  nager,  223. 
aoun,  peur,  150. 

arc'hantti,  maison  de  banque,  222. 
arvel,  querelle,  noise,  62. 
arvellour,  ergoteur,  62. 
azrec,  repentir,  54. 

balafenna,  papillonner,  222. 
baluent,  peste  (malheur,  fléau),  62. 
balumeta,  pêcher  la  baleine,  221. 
balumeteres,  baleinière,  221. 
banne,  (ne  voir,  entendre)  goutte, 

357- 
banvez,  festin,  298. 
beg,  visage,  222. 


beg-douar,  cap,  222. 

bérad,  (ne  voir,    entendre)  goutte, 

.3)7- 
bizach,  visage,  223. 
bleiz,  loup,  252. 
bom,     rehaut    entre    deux    sillons, 

178. 
bomm,  mât  qui  soutient  la  base  de 

la  grande  voile,  178. 
brulu,  digitales,   164. 

cnot,   progéniture  ;  engeance,  307, 
308. 

del,  feuilles,  52. 

dén,  homme,  52. 

di-,  dis-,  dé-,  219. 

diouharet-uhel,    haut    sur   jambes, 

223. 
dispign,  dépense,  52. 


au  tome  XXXVIII. 


XIX 


dleizen,  gleizen,  pêne,  172. 

do-,  de-,  di-,  à,  vers,  219. 

Dol,  114. 

Donias,  j  1 1 . 

dreh-,  aspect,  174. 

dreram,     face  ;  vue  ;   vivacité     du 

regard,  174,  222,  223 . 
dremmel,  regarder  fièrement  et  avec 

vivacité,  223. 
dremmel,  qui  a  le  regard  vif,  223. 

éal,  poulain,  55. 

ebr,  evr,  firmament,  151. 

eil,  second,  52. 

elvenn,  étincelle,   151. 

enebi,  faire  face,  résister,  222 . 

enep,  visage,  222. 

erguinit,  gl.  tirannica  auctoritate 
molirentur,  305. 

esceilenn,  gl.  cortina,  50. 

eur,  heure,  161. 

Eussa,  Ouessant,  259. 

euver,  fade,  150. 

euvlen,  étincelle,  151. 

evna,  imiter  l'oiseau,  faire  de  l'avia- 
tion, 222. 

evneta,  chasser  les  oiseaux,  222. 

fas,  face,  223. 
feiz,  fe,  foi,  52. 
fent,  amusement,  221. 

glebour,  moiteur,   512. 

gloan,  laine,  313. 

gloat,  royaume  ;  fortune,  313. 

gloeb,  humide,  313. 

gloé-freill,     festin,     fête    du    fléau, 

3IÎ- 
goariva,  théâtre,  220. 
goél-frey,  fête  du  fléau,  313. 
gourdon,  habituer,  222. 
gozeta,  chasser  les  taupes,  222. 
grizias,  grisiaz,  ardent,  brûlant,  510, 

311. 
grommelât,      -ellaat,      grommeler, 

310. 
grouez,  chaleur,  ardeur,  311. 
grozuol,     grôsmôl,    krôsvôl,    krôs- 

môl,  cromol,  murmure,  310. 
grozuolat,      grosmolat,     grosmoli, 

crosmola,      crozmola,      crômola, 

cromolât,  murmurer,  310. 


grullu,  blé  noirci  intérieurement, 
164. 

guele,  lie,  171 . 

gurun,  m.,  kurun,  f.  tonnerre,  fra- 
cas de  la  foudre,  163,  164. 

Guyas,  311. 

g\velezenn,lie,sédiment,  dépôt,  171. 

gwirhénvel,  vraisemblable,  222. 

hedorr,  fragile,  223. 
heiz,  orge,  52. 

-ias,  311. 

Kembre,  281 . 

kerzin,  sorbier,  145. 

kir,  ville,  179. 

kledour,  abri,   312. 

koen-freill,  souper  du  fléau,  313. 

kros,  grand  bruit  ;  querelles,  re- 
proches, 310. 

krot,  kroten,  petit  enfant,  308. 

kudoneta,  chasser  les  ramiers,  222. 

kudurun,  tonnerre,  coup  de  ton- 
nerre,  164 

kunuc'ha,  gémir,  164. 

kustum,  coutume,  164. 

kutuilh,  cueillir,  164. 

kuzul,  conseil,  164. 

labouseta.  chasser  les  oiseaux,  222. 

laer-mor,  pirate,  222. 

lam,  saut,  chute,  54. 

laouen,  joyeux,  107. 

ledenez,  péninsule,  220. 

leiz,  humide,  311. 

leizour,  souplesse,  menée  sournoise, 

ruse  ?  311. 
Leizour,  312. 
lestir,  lestr,  vaisseau,  90. 
Leuhemel,  «  semblable  à  un  lion  » 


marchafl^,  gl.  catulire;  marc'ha,  de- 
mander le  mâle,  pari,  de  la 
jument,  87,   222. 

marc'het,  mat-,  bien  monté,  223. 

marc'h-houarn,  bicyclette,  222. 

merc'heta,  courir  les  filles,  222. 

min,  figure,  222. 

raolin,  melin,  moulin,  146. 

monet,  aller,  88,  173. 

morvran,  corbeau  de  mer,  222. 


XX  Table  des  principaux  mots  étudiés 

moue,  crinière,  304.  sec'hour,  sécheresse,  312. 


ne  pas,  ne  pas  (faire),  358. 
-nevcd,  lieu  sacré,  220. 
nijerez,  aéroplane,  220. 
non  pas,  ne  pas  (faire),  558. 

oabl,  firmament,  151. 
-our,  homme,  312. 
-our,  noms  abstraits,  312. 

Pentir,  «  cap  »,  222. 
pesketa,  pêcher,  222. 
pesketerez,  pèche,  222. 
peur,  pâture,  128. 

quefFrin,  mystère,  159. 


taken,   tapen,   (ne   voir,   entendre) 

goutte,  357. 
tarva,  demander  le  mâle,    pari,  de 

la  vache,  222. 
tec'het,  fuir,  185,  301. 
teil,  fumier,   52. 

ti-bank,  maison  de  banque,  222. 
tourc'ha,   demander  le  mâle,  pari. 

de  la  truie,  222. 
tremen,  passer,  traverser,  173. 

ulyenenn,  étincelle,  151. 
Urien,  151. 
Wocon,  157. 


MAÇON      PROTAT    FRÈRES,   IMPRIMEURS 


PB  1001  .R5  V.38  SMC 
Revue  celtique 


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