Ig^^M^
the ppesence of this Book
thej.m.kellyliBRaRy
hàs Been màôe possiBle
thROLiqh the qeneROSity
Stephen B. Roman
From the Library of Daniel Binchy
REVUE CELTIQUE
MAÇON, PROTAT FRERES, IMPRIMEURS
^^^^ FONDÉE r^\
^^ PAR V— X
/C^\ H. GAIDOZ ^
T^ 1870-1885 Cx^
f^^ CONTINUÉE PAR V^l
H. D'ARBOIS DE JUBAINVILLE
1886-1910
DIKIGÉEPAR
J. LOTH
Professeur au Collège de France
Membre de l'Institut
AVEC LE CONCOURS DE
G. DOTTIN E. ERNAULT J. VENDRYES
Doyen de la Faculté des Professeur à la Faculté Professeur à la Faculté
Lettres de Rennes des Lettres de Poitiers des Lettres de Paris
ET DE PLUSIEURS SAVANTS FRANÇAIS ET ÉTRANGERS
Années 1920-1921. — Vol. XXXVIII
PARIS
LIBRAIRIE ANCIENNE H. CHAMPION, ÉDITEUR
EDOUARD CHAMPION
5, Q.UAI MALAQ.UAIS ( 6^ )
I92O-I92I
Téléphone : Gobelins 28-20.
Digitized by the Internet Archive
in 2011 with funding from
University of Toronto
, /
http://www.archive.org/details/revueceltiqu38pari
REPERTOIRE
DES
FAC-SIMILÉS DES MANUSCRITS IRLANDAIS
Q* partie)
La première partie de ce travail, ayant pour objet les
manuscrits irlandais conservés en Irlande, a paru, en 19 13,
dans la Rei'iie Celtique (t. XXXIV, p. 14-37), la seconde,
concernant les manuscrits conservés en Angleterre, a été
publiée en 1914 (t. XXXV, p. 415-430). Dans cette troi-
sième et dernière partie j'indique les fac-similés des manuscrits
qui se trouvent dans les bibliothèques de l'Europe continen-
tale.
Pour les abréviations les plus usuelles on voudra bien se
reporter aux listes données en tête des deux premières parties.
ALLEMAGNE
BAMBERG
(ANC.) BIBLIOTHÈQL'E ROYALE
1. — H. J. IV, 5. — Scoti Erigenae, De divisione naturae.
— ix^-x^ s. Facs. de notes latines en écrit, irlandaise, attribuées
à Jean Scot: L. Traube, Palaeographische Forschiingen ; Auto-
grapha des Johannes Scottus dans Abhandlung. der k. bay. Akad.
der IVissenschaften : Philos. -philol. ti. hist. Klasse, t. XXVI,
1912 ; pi. III = fol. 2- ; pJ. VI = fol. ISO"" ; pi. Viimifol. ISB"".
2. — Q. VI, 32. — Mélanges latins (ix^-x^ siècles).
Facs. dénotes lat. en écrit, irl. attribuées à Jean Scot :
L. Traube, Ibid., pi. xi = fol 4^^
R^cue Celtique, XXXVIII. I
2 L. Gougaud.
BERLIN
(ANC.) BIHLIOTHKQ.UE IMPHRIALH
Addit. 553, fonds Hamilton. — Psautier dit de sainte
Salaberge. — vii^ siècle.
Facs. des premières lettres du mot « Credo » :
Mâbillon, De re il iploinatica, p. 375, pi. viii. — O'Conor,
pi. IV, n° r. — C. P. Cooper, Siippl. pi. v. — Jean-Ferd.
Denis, Histoire de F ornementation des manuscrits, Paris, 1858,
p. 6.
COLOGNE
BIBLIOTHÈaUE DU DOM
N° 76. — Augustini Opuscula (viii^ s.). — Facs. d'une
initiale irlandaise dans K. Lamprecht, Initial-Oruanientik des
nil. bis XII L Jnhrhunderts, Leipzig, 1887, pi. 2'.
DRESDE
(ANC.) BIBLIOTHÈQUE ROYALE
A. 145 b. — Codex Boernerianus (ix'' siècle). — Epîtres de
saint Paul en grec avec une traduction latine interlinéaire et
de nombreux marginalia en irlandais. — Reproduction pho-
totypique : Codex Boernerianus, avec introduction d'Alexander
Reichardt, Leipzig, 1909.
ESSEN
TRÉSOR DU MUNSTER
Evangéliaire (ix^ siècle). — Facs. d'une initiale irlandaise
dans K. Lamprecht, op. cit., pi. 2 b.
FULDA
LANDESBIBLIOTHEK
N° 3. — Evangéliaire (ix" siècle).
Facs. du portrait de saint Matthieu : Nouv. traité de diplo-
matique, III, pi. 46, VI. — Schannat, Vindemiae literariae,
Fuldae, 1723, p. 22). — Westwood, M. O., pi. 54, n° 4.
Facs. du fol. 54' : Lindsay, pi. m.
Répertoire des' jac-similcs des manuscrits irlandais. 3
GIESSEN
BIBLIOTHÈQUE DE L'UNIVERSITÉ
Mélanges irlandais (xvir siècle).
Facs. du texte : J. \ . Adrian, Catalogus mss. Bibliothecae
acadetnicae Gissensis, Francofurti ad M., 1840, pi. viii.
KARLSRUHE
(ANC.) BIBLIOTHÈQUE GRAND-DUCALE
1. — AUG. CXXXII. — Prisciani institiitio de arte granima-
tica, avec gloses irlandaises (ix* siècle).
Facs. de l'écriture : Cooper, Addit, pi. iv. — Silvestre,
pi. 10.
2. — ADG. CLXMI. — Mélanges latins, avec gloses
irlandaises (ix'^ siècle).
Facs. de l'écrit.: Cooper, Addit, p\. 11. — Silvestre, éd. sir
F. Madden, 1850, t. II, pi. 220 (fol. 18, 32, 45). - New Pal.
Soc. pi. 34 (fol. 180-
3. — AUG. CXCV. — Mélanges latins et gloses irlandaises
(ix^ siècle).
Facs. de l'écriture : Fol. i' : Silvestre, éd. Madden, p. 609,
II, pi. 220. — Fol. 42"': Lindsay, pi. xl
MAIHIXGEX (WALLERSTEIX, BAVIÈRE)
OETTIXGEX-WALLERSTEIXISCHE BIBLIOTHEÏC
Évangéliaire (viii^ siècle?).
Facs. : 2 pages ornées dans i^rr. Celt., t. I. p. 28-29.
MUNICH
(AXC.) BIBLIOTHÈQUE ROYALE
N° 6298. — Sermons latins (vii'^-viii^ siècle).
Facs. : Fol, l''-2'': Burn, FacsimUes of îhe C reed s (Hemy
Bradshaw Society), London, 1909, pi. xx et xxi. — Fol. 71^':
Silvestre, IV, pi. vi.
4 L. Gougaud .
TRÊVES
TRÉSOR DU DOM
N° 134. — Evangéliaire (viiiMx^ siècle)."
Facs. : Westwood, M. 0. pi. 20 (fol. 5'). — Ihid., pi. 52,
n° 3 (portrait de saint Luc). — Ibid . pi. 19 (saint Pierre,
saint Michel et saint Gabriel). — Lamprecht, Inilial-Orna-
tnenîik, pi. 3, a, b (initiales). — Ibid., pi. 4 (portrait de
saint Luc). — Ibid., pi. 3 (portrait tétramorphe des Evan-
gélistes). — Beissel, Geschichîe der Evangclienbiicher in der
ersten Hàlfte des Mittelalters, Freib. i. Br., 1906, pi. 32 p. 123.
WÛRZBURG
BIBLIOTHÈQUE DE L'UNIVERSITÉ
1 . — Mp. th. f. 12. — Epîtres de saint Paul avec gloses
latines et irlandaises (viii^-ix^ siècle).
Facs.: Fol. B' (Rom. x, i i-xi, 6): Cooper, Addit sitppl.,
pi. 22. — Fol. 5' (Rom. XI, 25-xii, 21): H. Zimmer,
Glossae hibernicae, Berolini, 1881, p. 3. — Ch. Stern, Episto-
lae Beati Pauli glossatae, Halle, 19 10.
2. — Mp. th. f. 69. — Epîtres de saint Paul (viii' siècle).
Facs.: Frontispice: Crucifixion : N. H. J. Westlake, An
eleinentary hist. of Design in Mural Paint ing, London, t. II,
1905, p. 130, pi. cxlvjII b; Johannes Reil, Die friïhchrisili-
chen Darstellungen der Kreit:(ignng Chrisli, dans J. Ficker.
Studien iïber christliche Denkmâler, Leipzig, 1904, pi. v ;
Archaeologia, t. XLIII, 1871, p. 141.
AUTRICHE
VIENNE
CANC.) BIBLIOTHÈQUE IMPÉRIALE
I. — N" r6. — Palimpseste, mélanges : écriture supérieure
du VIII* s. Facs. : J. Karabacek et R. Béer, Monunienla palaeo-
graphica Vindobonensia, Leipzig, 2. Lief., 191 3, pi. 27 et 28 =
Répertoire des fac-similés des manuscrits irlandais. 5
fol. 30', SI' (August., De haeresibus^, fol. 33'' (canon biblicus),
fol. 35' (Hieron., Epist. ad Evangel.') ; pi. 29 = fol. 37''
(Césaire, Capitula sanct. piUruDi), fol. 41' (Gennadius, De ec-
clesiast. dogiiiatibtis) ; pi. 301= fol, 49' {Fragnienium de versibus),
fol. 54'' (Hieron., Epist. ad Ripariutii) ; pi. 31 = fol. 47^' (^De
finalibus syllabis), fol. BS"" (Hieron., Ep. ad Ripar., Sergius,
Dearte graniniatica) ; pi. 32 = fol. 74' (Césaire, Homil. FI),
fol. 43"' (Sergius, Z)^ syllaba, de pedibus); pi. 33 = toi. 67'' et
60'' (Eutyches, De discernendis coniungationibiis); pi. 34 = fol.
65' et 62'' (Idem); pi. 35 = fol. 76=^ (Probus, De iiltimis sylla-
bis ad Coelestinum . écrit, du vi^ siècle); pi. 36 =: fol. 110''
(Probus, Catholica, vi^ s.); pi. 37 =fol. 125'' (Marius Plotius
Sacerdos, Ars grammatica, vi^ s.) ; pi. 38 (fol. 139' {Idem).
2. — Cod. Lat. 1247. — Epitres de saint Paul écrites par
Marianus Scottus, avec gloses latines et irlandaises (xi^ siècle).
Facs. de la fin de l'Ep. aux Hébreux dans Pal. S.,l, 191 ;
H. Smith Williams, Manuscripts, hiscripticns and Mnniments :
the hist. of tbe art of writing, London, s. d., Médiéval séries,
pi. 107. — Fol. 9 ■-10'' : Chroust, Monumenta Palaeographica
I. Ser., Liel. X, pi. 1.
BELGIQUE
BRUXELLES
BIBLIOTHÈQUE ROYALE
[Cooper. Append. A, suppl. addit.. pi. 58 : choix d'écri-
tures irlandaises tirées de divers mss. de la Bibliothèque
royale de Bruxelles.]
1. — N° 507 (5100-4). — Mélanges irlandais (v. 1630).
Facs, des fol. 125''-126'' (passage dumartyrol.d'O'Gorman):
The Martyrology of O'Gorman, éd. Whitley Stokes (Henry
Bradshaiv Soc.), London. 1895, frontispice.
2. — N" 3409 (4190-4200). — Mélanges irlandais
(v. 1628).
Facs. d'un passage de la vie de saint Declan: P. Power,
Life of S' Declati (Irish texts Society), London. 1914. frontisp.
L. GoiiofiinL
MAESEYCK
Evangéliaire (viii'^ siècle).
Flics. : J. Van den Gheyn, Alluiiii hclge de paléographie,
Bruxelles. 1908, pi. m (lettre de saint Jérôme au pape
Damase). — Reussens, Eléments de paléographie, Louvain, 1899,
pi. X (fol. l'). — Jules Helbig, Lart viosaii, Bruxelles, 1906-
II, t. I, p. i_| (s3'mboles des quatre .évangélistes), p. 14
(canons d'Eusèbe), p. 15 (portrait d'un évangéliste), p. 14
(autre canon d'Eusèbe). — Gielen, V Evangéliaire d'Eyck-le:(-
Maeseyck dans Bulletin des coinniissiotis royales d'art et d'archéo-
logie, t. XXX, 1891, p. 9-28 (canons d'Eusèbe). — D. de
Bruyne dans Bulletin de la Société d'art et d'histoire du diocèse de
Liés;e, t. XVII, 1908, en face de p. 388 (Marc ix, 39-x, i);
en face de p. 391 (fol. 6' : Canons d'Eusèbe).
FRANCE
ARRAS
BIBLIOTHÈQUE DE LA VILLE
N° 739. — Facs. : Cooper, pi. addit. xi.
LAON
BIBLIOTHÈQUE DE LA VILLE
N°444. — Glossaire grec-latin, avec mots irlandais.
Facs. : Fol. 297''-298'' : Recueil de fac-similés à l'usage de
l'Ecole nationale des Chartes, Paris, 1880-84 [planches non
numérotées]. — Choix de lettres grecques tirées de ce
manuscrit dans Catalogue des manuscrits des bibliothèques
publiques des départements, Paris, 1849, pi. en f. de p. 234.
PARIS
I. - BIBLIOTHÈQUE NATIONALE
[Cooper, Addit. ^ pi. 9, 10 et 11 : Facs. de diverses écrit,
irl. tirées des manuscrits de Paris.]
Répertoire des fac-siiuiUs des uiaiiiiscrits irlandais. 7
1. — Nouv. acquis, lat. 1587. — Evangéliaire (viii^-ix*
siècle).
Fiics. : fol. 2' (avec init. ornée) : Nonv. traité de diploma-
tique, t. III, pi. xxxvn, 4, 2; pi. Lv, 5, i; Delisle, Z,<?5 }nanu-
scrits des fonds Lihri et Barrais, Paris, 1888, pi. vi, n° i. —
Fol. 31'' (Mat. XXVII, 52 sq.): Prou, Manuel de paléogr.,
Paris, 19 10, album, pi. vi. — Fol. 32'' (Début de saint Marc):
cf. L. Delisle, op. cit.. p. 9. — Fol. 53'' (Luc i, 1-16, avec
une initiale ornée): J. M. Heer, Evangelium Gatiantim,
Friburgi Brisg., 19 10, en tête du vol. — Fol. lOG' (souscrip-
tion : Ego Holcundus, etc.) Nouveau traité de diploni., lll,
pi. LV, 5, 2.
2. — Suppl. lat. 880. — Commentaire de saint Jérôme
sur Isaïe (x^ siècle).
Facs. : Fol. 38'' (écrit, avec une lettre ornée) : Silvestre, IV,
pi. XII.
3. — Fonds celtique n° i. — Mélanges irlandais
(xv^ siècle).
Facs. : Silvestre, IV, pi. xxii (fol. 58^ 71 ■,104').
II. — BIBLIOTHÈQUE DE L'ARSENAL
N° 8407. — Psautier en grec (ix'' siècle).
Facs. : Montfaucon, Palaeogr. greca, p. 237 (Ps. cet ci). —
Omont, Inventaire sonvnaire des manuscrits grecs des bibl.
Ma^arine, de V Arsenal et de Sainte-Geneviève à Paris (^Mélanges
Charles Graux, Paris, 1884, p. 306-320), p. 313 (fol. SS").
REIMS
BIBLIOTHÈQUE DE LA VILLE
N° 875. — Jean Scot, De divisione Naturae (ix^ siècle).
Facs. : fol. Bl"^ et 82'' (notes latines marginales attribuées à
Jean Scot Erigène) : Traube, Pal. Forsch., pi. i et 11.
RENNES
BIBLIOTHEQUE DE LA VILLE
N° 598 (138). — Mélanges irlandais (xv= siècle).
8 L. Goiigaud.
Facs. : Nouveau traité de diphin., t. III, p. 200-201 ; Cooper,
p. 44, pi. XIII ; T. Price, Literarx reniaiiis, éd. Jane Williams,
Llandovery, 1854-), ^- ^^ P- -é-27 (sept lignes et deux ini-
tiales).
ROUEN
BIBLIOTHÈQUE DE LA VILLE
N° ^. — Psautier (x' siècle).
Facs. : Nouveau traité de diplo)ii., t. II, pi. xviii (initiales). —
Silvestre, IV, pi. vi (Ps. i et ci). — Westwood, P. S. P.
(The Ps. of Saint-Oueu and Risceniarchus, pi. uniq. n° 5) :
2 versets.
HOLLANDE
LEYDE
BIBLIOTHÈQ.UE DE L'UNIVERSITÉ
Lat. 67. — Priscien avec gloses irl. (ix' siècle).
Facs. : New Pal. Soc, pi. xxii (fol. 7'), pi. xxiii (début du
17' livre des Institiitioues de Priscien).
ITALIE
FLORENCE
BIBLIOTHÈQUE LAURENTIENNE
N° 78, 19. — Boèce, De consolatione phiJosophiae (xii^ siècle).
Facs. : Fol. 4 : G. Vitelli et C. Paoli, Coîleiione Jiorentina
di facsimili paleografici greci e la fini, Firenze, iSSé, pi. 4.
MILAN
BIBLIOTHÈQUE AMBROSIENNE
I. — C. 5, inf. — Antiphonaire de Bangor (vii^ siècle).
Facs. reprod. intégrale: F. E. Warren, The antiphonary oj
Bangor, t. I, A complète facsiniile in collotype (H. Bradshaw
Soc), London, 1893. — Fol. 30: Franz Steffens, Lateinische
Paldographie, Trcihurg, 1903 etc., t. I, pi. xxiv, n° 3; édit.
française, pi. xxvi.
Réperioire des fac-similés des manuscrits irlandais. 9
2. — C. 301^ inf. — Psaumes, commentaires, gloses
irlandaises (viii^ siècle). .
Facs. : Fol. 24: G. I. Ascoli, // codice irlandese delV Anihvo-
siana, Komz, 1878-91, pi. en face de p. 112. — Fol. 52 :
Cooper, Siippl. pi. vi.
3. — H. 78, sup. — Commentaire de saint Ambroise sur
saint Luc (vii'^ siècle).
Facs. : Pal. Soc , I, pi. 137.
4. — I. 61, sup. — Evangéliaire (viii^ siècle).
Facs. : Fol. 70' : Steffens, op. cit., pi. 27.
5. — O. 212, sup. — Mélanges lat. (vii^ siècle).
Facs.: Fol. 14'', 14', lô' : Burn, Facsimiks of the Creeds,
pi. XXII, XXIII, XXIV.
XAPLES
BIBLIOTHEQUE NATIONALE
IV, 4, 8 . — Charisius et autres traités grammaticaux
(vii^-viii"' siècle).
Facs: Fol. 25' : Carlo Cippola, Codici Bobhiensi délia hiblio-
teca nationale univers itari a di Torino, Milan, 1907, pi. i. —
Fol. ? (Charisius, Institutioues), Ibid., pi. xi.
ROME
BIBLIOTHÈQUE VATICANE
r. — Palat. 65. — Psautier glosé (xii^-xiii= siècle).
Facs.: Fol. l"" (Ps. i, avec initiale ornée): Codices e Vaticanis
selecti phototypice expressi, séries minor, Roma, 1910, t. II, pi. i.
— Fol. 16' (Ps. XIV, 4-7); Codices, pi. iv. — Fol. 75-
(Gloses en lat. sur le ps. lvjii): F. Ehrle et F. Liebart,
Specimina codicum lalinoriim vaticanoiinn , Bonn, 19 12,
pi. 24. — Fol. 86' (Ps. Lxvii, 2-10): Codices, pi. 11. —
Fol. 134' (Ps. CI, 1-3, avec init. ornée) : Codices, pi. m.
2. — Palat. 68. — Commentaire latin sur les psaumes,
avec gloses irlandaises (viii' siècle) .
Facs. : Fol. 46' : Lindsay, pi. xii.
3. — Palat. 220. — Mélanges (ix^ siècle).
Facs. : Fol. 33': Ehrle et Liebart, Specimina, pi. x.xii ;
10 L. Go II gn lui.
H. M. Bannister, Paleogiafia musicale vaticana, n. 23, pi. 4 a.
4. — Palat. 830. — Chronique de Marianus Scottus et
poèmes irlandais (xi'= siècle).
Facs. des fol. 33% 67% 131% 147% 148% 150% 166-^ dans
Monunieiita Gernianiae historica, Scriptores, t. V, pi. iv. —
Fol. 148: Ehrle et Liebart, Speciiniua, pi. 23.
5 . — Barberini Lat. 570. — Evangéliaire (viii'-ix'^ siècle).
Facs.: Lettre initiale de saint Mat. dans The revision of ihe
Vnlgate, 2""^ Report of Work done, S' Anselm's, Rome, 191 1,
p. 10. — Lettre initiale de saint M.3.rc, Ibid., p. 12. — Lettre
init. de saint Jean, Ibid., p. 15.
TURIN
BIBLIOTHÈQ.UE NATIONALE ET UNIVERSITAIRE
I . — A. II. 2*. — Feuillet unique palimpseste, écrit à
Bobbio au viii"" siècle.
Facs. : A. Peyron, M. T. Ciceronis orationum fragmenta,
Lipsiae, 1825, pi. à la fin du volume ; Châtelain, Paléogra-
phie des classiques latins, Paris, 1884-90, pi. xxxvi^.
2 . — F. IV. I . — Recueil factice de mélanges latins avec
gloses irl. (viii'^ siècle).
Facs. : Fol. 1' : Cippola, Codici Bobbiensi, pi. xxxvii. —
Fol. 2': Cippola, pi. xxxiv. — Fol. 4'-5'' : Cippola, pi. xxxviii.
3. — F. IV. 24. — Vie de saint Gall en lat., avecgloses irl.
(ix' siècle).
Facs. fol. l"" et 35': Cippola, pi. lxix.
4. — G. V. 37.
Facs. fol. 4'' (Cyprien avec 5 lignes en écrit, irl.) : Cippola,
pi. XII.
5. — G. VII. 15. — Evangéliaire (vi*^ siècle).
Facs. fol. 32' : Carta, Cipolla et Frati, Monum. palaeogra-
phica sacra: Atlante paleografico artistico, Turin, 1899, pi. v, 2.
6. — O. IV. 20. — Evangéliaire (vii'-viii^ siècle).
Facs. : Fol. 1'' (page ornée : Rédempteur bénissant et les
douze apôtres) : Carta, etc., pi. x ; Cipolla, pi. xxxix ; Cabrol
et Leclercq, Dict. d'archéol. chrét. et de liturgie, planche hors texte,
art. Celtique {art). — Fol, 2' (Christ au milieu de saints):
Répeiioire des fac-similés des ifiaiiiiscrils irlandais. 1 1
Carta, pi. x, CipoUa, pi. xxxix^ Cabrol et Leclercq, toc. cit. —
Fol. 96' (Luc, vil, 8-16, VIII, 8) : CipoUa, pi. xli. — Fol.
158' (Luc, I, I, 5, IV, 35-39): Cipolla, pi. xli. — Deux
feuillets ornés: personnages, ornements zoomorphes, spirales,
entrelacs : Cipolla, pi. xl.
RUSSIE
PÉTROGRAD
(ANC.) BIBLIOTHÈaUE IMPÉRIALE
1. — F. I. 8 (olim S. Germ. ro8), — Evangéliaire (viii'
siècle).
Facs. des fol. IS--, 78% 119% 177' chez Westwood, M. 0.,
p. 52-53 et pi. 25. — An t. Staerk, Les nimuiscrits latins du
V^ au XIII' siècle conservés àlabibl. de Saint-Pétersbourg, Saint-
Pétersbourg, 19 10, pi. XXII = fol. 21''; pi. XXI ': fol. IS'
(page ornée. Liber generatiofiis^; pi. xxiii : fol. 77'" (page ornée,
Initium Evangelii Jesu Chris ti).
2. — Q. L 15 (olim Corh. 188). — Mélanges (viii^ siècle).
Facs. Mabillon, De re diploni., éd. 1789,- 1, 366. — FoL 63"' :
Burn, Facs. of the Creeds, pi. xviii, xix,- — Fol. 2'' (5. Isidoride
vetereet novo Testaniento), Ant. Staerk, o/). cit., pi. lxxiii.
SUISSE
BÂLE
BIBLIOTHÈQUE DE L'UNIVERSITÉ
1. — A. vil. 3. — Psautier grec-latin (viii'^-ix^ siècle).
Facs. dups. XXIX, lo-xxx, 6 chez Aug. Baumeister, Denkmii-
1er des klassischen Altertunis, Munich, 1885-88, t. II, p. 1133.
2. — FF. III. 15. — Mélanges latins.
Facs. de lettres ornées et des signes du zodiaque dans les
ouvrages suivants : Ferd. Keller, Bilder und Shriftiïige in den
irischen Manuscripten der scJjweiierischen Bibliotheken (Antiqnar.
Gesellsch. in Zurich, VII, Mitlheil, 185 1, p. 86); Wil. Reeves,
12 L. Gougaud.
Illuminations and facsimiks from Irish mss. in the librarifs of
Su'itierland{Ulster journal ofArcbaeology,\.. VIII, i8éo, pi. m);
Romilly Allen, Christian symbolisni in great Britain and
Irelaud, London, 1887, p. 358, fig, 128.
BERNE
BIBLIOTHÈQ.UE DE LA VILLE
363. — Mélanges (viii^-ix' siècle).
Facs. : H. Hagen, Codex Bernensis }6} phototypice éditas,
Lugduni Batavorum, 1897 ; F. Steffens, Prohen ans griechischen
Handschriften n. Urknnden, Trêves, 19 12.
SAINT-GALL
STIFTSBIBLIOTHEK
1. — N° 48. — Mélanges bibliques (ix^-x^^ siècle).
Facs. : Luc i, i : Pal. Soc, I, pi. 179. — Début de l'Ev. de
saint Jean : Steffens, La/. Pal., pi. xlvii, i. — Facs. complet:
H. C. M. Rettig, Antiquissinuts cjnatnor n'angelionim canon,
codex SangaUensis, Zurich, 1836.
2. — N" 51. — Evangéliaire (viii^ siècle).
Facsimilés. — Ornements divers tirés de ce ms. : Aug.
Racinet, V Ornement polychrome, Paris (1869-87), t. I, n"* 6 et
10; J. O. Westwood, On the distinctive characters, etc. (^Archaeo-
logical Journal, t. X, fig. i et 2 en face de p. 291, fig. 11 en f.
de p. 297) ; Cooper, pi. iv. — P. 265 : Steffens, Lat. Pal.,
II, pi. XLii, I. — Fol. 79-80: Chroust, Monum. pal., Lief.
XVII, pi. 5 . — Page ornée (croix centrale, entrelacs, oiseaux
entrelacés): Copper, pi. m ; Westwood, M. 0., pi. 27;
Westwood dans Archacological journal, p. 294, fig. 9;
H. Janitschek, Geschichte der deutschen Malerei, Berlin, 1890,
p. 13; J. R. Rahn, Geschichte der hildenden Kûnste in der
Schiueii, Zurich, 1876, pi. 16; Wilhelm Lûbke, Grundriss
der Kunstgeschichte, II. Die Kunst des Mittelallers, Esslingena.
N, 19 10, fig. 132; Cari Schnaase, Geschichte der hildenden
Kiinste, Dûsseldorf, 1866-79, t. III, p. 610, fig. 145; Michel,
Histoire de l'Art, Paris, 1905, t. I, p. 316, fig. 160. — Page
ornée {Christi autem generalio) : Westwood, M. 0., pi. 26 ;
Répertoire des fac-similés des manuscrits irlandais. 13
Cooper, pi, II ; Martin Gerbert, Iter akniannicum, accedit
italicum et gallicum, Typis San Blasianis, 1773, pi. iv. —
Page ornée {Liber generationis), Cooper, pi . vi. — Page
ornée {Oiioniam mitlti^, Cooper^ pi. viii. — Page ornée (Jn
principio Deiis erat Verhum), Cooper, pi. x. — Portrait de
saint Luc: Keller, op. cit., pi. II ; Cooper, pi. v; Westlake,
Au elementary history of Design in unirai painting, London,
t. II, 1905, pi. CLXii ; Rahn, Geschichle, p. 127, iig. 17;
Franz von Reber, Kuusgeschichte des Mittelalters, Leipzig, 1886,
p. 21), fig. 131; Hermann Hieber, Die Miuiaturen des frûhen
Mittelalters, Munich, 1912, pi. 37. — Portrait de saint Jean :
Cooper, pi. IX; Keller, pi. iv. — Portrait de saint Marc :
Westwood, M. O., pi. 26; Keller, pi. m ; Cooper, pi. vu. —
Portrait de saint Matthieu : Keller, pi. i; Cooper, pi. i; Beissel
Geschichte der Evaugelienbiicher in der ersten H ai f te des Mittelal-
ters, Freiburg-i-Br.. 1906, pi. 33. — Jugement dernier ou
glorification du Christ : Keller, pi. vi ; Cooper, pi. xii :
Westwood, M. 0., pi. 27 ; Rom. Allen, Early Christian
Symbolis))i, p. 172, fig. 49. — Crucifixion: Cooper, pi. xi ;
Keller, pi. v; Reeves. Ulster journal of Archaeology, VIII,
1860, en face de p. 301 ; Herder's Konversation Lexikon, art.
Kreni; Michel, Hist. de l'art, t. I, p. 317, fig. 161 ; Cabrol
et Leclercq, Dict. d'arch. chrét. et de liturgie, art. Celtique (art),
fig. 2336; Westwood, M. O., pi. 28 ; Beissel, op. cit.,
fig. 34, p. 126; Rom. Allen, Syuibolisui, p. 147, fig. 36;
J. Stoc]iha.ueï , Kîinstgeschichte des Kreu^es , Schaffliausen, 1870,
p. 198; Rahn, Geschichte, p. 128, fig. 18; F. X. Kraus,
Geschichte der christlichen Kunst, 1896, t. I, fig. 484; Westlake,
Mural painting, t. II, p. 130, pi. cxlviiia; R. Forrer et
G. A. Mûller, Kreiii und Krewi^igung Christi in ihrer Kunst-
entîi'icklung, Strasbourg et Bùhl, 1894, P^- 1^% 6.
3. — N" 60. — Evangéliaire (ix^ siècle).
Facs. Portrait de saint Jean : Keller, pi. viii; Cooper,
pi. XII. — P- 41 : Steffens, Lat. pal., II, pi. xlii, 2.
4. — X° 904. — Mélanges, gloses irlandaises (ix'' siècle).
Facs. Initiales : Keller et Reeves, pi. iv. — C. Nigrj, Reiiquie
celtiche. I. // manoscritto irlandese di S. Gallo, Turin, 1872,
pi. 1,2, 3, 4. — P. 182 et 194 : Steff"ens, Lat. pal., pi. 50. —
P. 212 : G. I. Ascoli, Il codice irlandese delFAmbrosiana, pi. 2.
14 L. Gougaud.
5. — N° 12^3. — Mélanges (viii''-ix'' siècle).
Facs. Cooper, pi. vi, x.wiii, xxix, xxx; Pal. Soc. I, 208,
II, 50; Keller-Reeves, p. 293; Chroust, XVII, pi. i et 2.
6. — N° 1394. — Mélanges, gloses irlandaises (viii'^-ix*
siècle).
Facs. : Keller pi. xii, n'' 2; Reeves, pi. iv. — P. 427:
Steftens, Lat. pal., pi. xxiv, 2; Keller, pi. xi, n° 3; Cooper,
pi. XXIV. — Page ornée (Peccavimus Dné): Westwood, M. O.,
pi. 28 ; Cooper, pi. xxiii ; Keller, xi. — Portrait de saint
Matthieu, p. 417 : Cooper, pi. xix. — Autres facsimilés:
Cooper, pi. XXI, pi. xxxi; Keller, pi. xii, 2; Reeves, pi. m, 2;
Cooper, pi. XXII, iv, xx, xxv, xxvi, xxvii.
SCHAFFHOUSE
STADTBIBLIOTHEK
N° 32. — Vita Columbae (viii' siècle).
Facs. : Lindsay, p. 108 ; W. Reeves, The Life of 5' Columba
by Adamnan,T>\ih\in^ 1857.
L. Gougaud.
AN OLD WELSH GLOSS
A few weeks ago Dr Reginald Lane Poole drew Mr Jenkin-
son's attention to Bodley MS 865, a composite volume pre-
sented by the Dean and Chapter of Exeter in 1602, which
contains on fo. 89-963 a curions dialogue between a master
and a pupil in a handwriting of the eleventh century. It is to
be hoped that Mr Jenkinson will undertake to publish the
whole text as it shows évident traces of Hisperic influence and
is of considérable interest from several points of view. For
the moment I merely désire to register the occurrence of a
Brythonic gloss on fo. 93, where the following passage is to
be found :
nigellani qnocjue rassani uetustaniqiie curbanam pleiiam micis in
dorso uibranteiii
Above the word curbanam is written tuic. Carbana is known
as a Hisperican term for « covering, garment », see Jenkin-
son's Index to his édition of the Hisperica Famina. Tuic, there-
fore, is the Old Welsh form of the later tiuyg, a loan-word
from Latin iheca, which is used sparingly by médiéval poets
to dénote some kind of a body-covering. Dr Davies has :
TwYG, amictus, tunica,
with the following quotation from Lewis Glyn Cothi :
Braidd y mêdd dan bridd a main,
Dig ei le, diuy^ 0 liain.
In another passage from the Red Book referred to by Pughe
we read :
Ny chynimeraf gytnun
Gan ysgymun uyneich
Ac eu twygeu ar eu cl un
Am hymuno duiv ehun.
I6 E. C. Ouiggin.
Skene, Four Ancient Books, II p. 233, Myv. Arch. p. 115
b. For the référence I am indebted to Dr J. G. Evans and
Mr Timothy Lewis.
E. C. QUIGGIN
ARMON ARMENIA
When Labraid Loingsech was exiled by Cobthach, accord-
ing to the version of the story printed b}' Stokes {RC. XX,
p. 430) from RawUnson B 502 § YBL, it is stated : dochuaid
soir co rainig Inis Bretan 7 in brmcmacraid tbiri Arnienia. Ro
naisc-sium a munter iarsin a n-anisaine for rig Armenia. Stokes
translates without comment : « He went eastward till he
reached the island of the Britons and the speckled youtiis of
the land of Armenia. Then his people bound him as a sol-
dier to the king of Armenia. » On returning to Ireland :
rogabsad tir ac Indbir Boiudi, « they landed at the mouth of
the Borne ».
D'Arbois de Jubainville deals with this passage in RC.
XXVIII, p. 35 as follows : « Menia (in Eg. 1782 Armenia is
replaced by fer Menia) n'est pas autre chose que Menapia
prononcée à l'irlandaise avec chute du p et de l'a qui le pré-
cède. Le roi de Ménia, c'est-à-dire de la Menapia, prit en
amitié l'exilé et l'envoya en Irlande avec une flotte de trois
cents vaisseaux. L'expression lir fer Menia embarrassa beau-
coup les Irlandais pendant la seconde partie du moyen âge.
Certains avaient lu la Bible ; ils connaissaient le passage de la
Genèse, où il est dit que l'arche s'arrêta sur les monts d'Ar-
ménie, et le livre IV des Rois, où on lit que deux fils de
Sennachérib, ayant tué leur père, se réfugièrent dans la terre
d'Arménie. En conséquence ces Irlandais remplacèrent/^r ///mm
par Armenia. C'est la leçon du Livre Jaune de Lecan. En effet
fer, aujourd'hui fear se prononçait /ar, et ce mot, étant com-
plément déterminatif du substantif précédent, perdait son f.
Ainsi tir fer Ménia se prononçait tir ar menia. La prononcia-
tion pénétra dans l'écriture où tir ar menia devint facilement
hiifial G in Welsh. fj
tir Ainienia. » In lier interesting study « On Chariot Burial
in Ancient Ireland « reprinted in « Side-Lights on the Tain
Age », Miss Dobbs makes use of D'Arbois' argument to
support her other évidence for early relations between Gaul
and Ireland. Some of the évidence is beyond dispute^ but in
this particular instance the distinguished French scholar on
whom she relies is to my mind seriously at fault. For the
framerof the story the district disguised under theform Arme-
nia is definitely in Britain. When Labraid returns to Ireland,
he lands at the mouth of the Boyne. When he leaves Ireland
he sails eastward. A course in the main easterly from any
port between Drogheda and Arklow would bring him to Arvon
which in early Irish spelling would be Armon. I suggest that
an Irish scribe, unfamiliar with the name, resolved a contract-
ed form, such as a r ô, into Armenia. The connexion between
the name of the Lleyn peninsula and Leinster (Ir. Laigiti)
was pointed out by Kuno Meyer some years ago. It is not
clear to me if any spécial signihcance attaches to the epithet
breac in heacmacraid thiri Armenia.
The reading/er Menia in Eg. 1782 I take to be an attempt
to correct the obviously impossible Armenia of the other
MSS. It might perhaps be argued that Menia is related to
Menevia, but one would scarcely expect to find the Latin
form in such a context and the name appears regularlv in
Irish as Muine, Cell Muine v. Hogan s. v. The varions forms
of the names for Saint Davids were discussed by Professer
Loth in this journal, vol. XX, p. 206.
E. C. QUIGGIN
INITIAL G IN WELSH
In the autumn of 1916 a considérable number of Welsh
letters from the troops in France passed through my hands.
A marked feature of the correspondence of the less educated
amongst the writers was the use of initial c for g although /
never occurred in place of d nor was b displaced by p. I give
a few instances below mainly taken from letters addressed to
Revui Celtique, XXXVIll. 2
l8 E. C. Quigoiii.
Anglesey and N. Wales, but I hâve an impression that the
same phenomenon was found in correspondence going to
other parts of the Principality as well. There is no indication
of anything pecuHar in the articulation of g in Fynes-CUn-
ton's excellent work on the dialect of the Bangor district. The
High German sound-shifting shows that a guttural stop need
not develop on precisely the same lines as the labial and den-
tal stops.
Examples : dy caradig lythiir : nid oes dim coJwc am i mi cail
mynd ; amser canv ; cobitho ; ar coll ; i cyd (cid) ; wedi cwneyd ;
chance i cael un arall ; mac y cwragedd sydd yn cael arian oddi
y ma oddi larth ei cwyr yn hucys ; mi feasa yn dda cenyf; callaf
ddeud lurthiich fy mod yn meddiul llawer am danoch yn yr hen.
Ddtig ont y ma er ei fod y cor a ydwj wedi bod ynddo eto ; mi ddaw
dy cariad yn ol ; yn cofun amlythur cymraic ; fel y cwuddoch.
It is of course unnecessary to quote instances of provection
such as eich cwunab aniuiil ; yn eich cadal ; mi roedd yn ddnug
cenyf.
E. C. QUIGGIN
LES
VINS DE GAULE EN IRLANDE
ET
L'EXPRESSION FIN AICNETA
Une découverte récente, dont M. le docteur Capitan a
entretenu l'Académie des Inscriptions le 4 février 19 16 (voir
Comptes rendus de V Académie des Inscr. et Belles-Lettres, 1916,
p. (>(> et suiv.), a mis au jour des restes de vin gallo-romain.
On en peut tirer quelques suggestions sur la nature des vins
que la Gaule exportait en Irlande : elle aide même à mieux
comprendre "certains passages des récits épiques irlandais.
Les découvertes de vin antique ne sont pas très nom-
breuses. M. le docteur Capitan, dans sa communication, a
rappelé les principales. En 1877, Berthelot, ayant analysé des
matières contenues dans un tube scellé provenant d'un tom-
beau des Aliscamps, y avait reconnu des restes de vin ordi-
naire. A Bordeaux, on a trouvé au cimetière Saint-Seurin une
fiole de verre enduite d'un dépôt qui contenait de la crème
de tartre et une matière chromotannique, c'est-à-dire encore
des restes de vin. On conserve au musée de Spire, une fiole
antique qui semble avoir contenu du vin ; il y en avait une
aussi au musée archéologique de Reims.
Cette fois, la découverte a été faite à Amiens. Des fouilles,
dirigées par M. Commont, ont fait apparaître à 35 mètres
de profondeur, deux grands vases brisés, d'environ 35 centi-
mètres de diamètre sur 20 centimètres de hauteur, dont les
parois étaient couvertes d'un dépôt brun jaunâtre, qui a été
reconnu à l'analyse comme formé d'une matière résineuse.
On doit certainement voir là l'extrait sec d'un vin aromatisé
par une substance de la famille des résines. Il ne s'agit plus de
ce vin ordinaire, que les anciens buvaient pur ou.bien coupé
20 /. f'ciiiirxt's.
d'eau (Martial, I, 57 ; III, 57) ; il s'agit d'un de ces vins addi-
tionnés d'aromates, dont nous parlent les anciens (v. Ray-
mond Billard, La vigne dans l'antiquité, Lyon, 19 13, p. 504,
et C. Jullian, Histoire de la Gaule, t. V, 1920, p. 253), et
probablement de vin « poissé » ou « résiné »,picaluni uinum.
Il ne faut pas seulement entendre sous ce nom, un vin qui
avait pris un goût spécial pour avoir été enfermé dans des réci-
pients enduits de poix. Les anciens avaient l'habitude de
traiter par la poix ou la résine des vins ordinaires, de les
apprêter (condire, avicintiare), comme dit Pline (i7. N., XIV,
124), adspersu picis, ut odor uino contingat et saporis quaedam
acumina. Le procédé est décrit par Columelle (XII, 23, i).
Quoique fort acres, les vins ainsi traités étaient appréciés de
beaucoup de gens (Plutarque, Synipos., V, 3, i). Sur les ins-
criptions bachiques, on voit célébrer le vin aromatisé (iiinum
conditum, Corp. Insçr. Lat. XIII, 10018, n°' 7, 17, 131, 157),
aussi bien que le vin naturel (jdnum mernm, ibid., n°^ né,
130, 138, etc.); cf. C. Jullian, op. cit., V, 255, n. 3.
L'usage de résiner le vin était fort ancien. Caton le recom-
mandait déjà (^Cato iubet uina concinnari, Pline, XIV, 25, 7).
C'est d'Italie, suivant Pline (XIV, 24, i), que l'usnge était
parti ; mais il s'était répandu dans le monde entier, et jus-
qu'en Egypte. Dioscoride (V, 43) le signale en Gaule, ainsi
que Plutarque {Syiupos., V, 3, i), suivant lequel le vin résiné
de la Viennoise était célèbre. Pline dit bien que le vin des
crus viennois avait naturellement certain goût de résine (uiiis
per se in uino picem resipiens, XIV, 18) ; mais nous savons aussi
par Pline lui-même (XIV, 57) qu'on fabriquait dans la région
viennoise des vins résinés. Martial fait l'éloge du uinuni pica-
tuni de Vienne (XIII, 107), de même qu'il accable d'op-
probres le vin fumé que vendait à Marseille un nommé Munna,
empoisonneur redoutable (X, 36).
Le picatum uinuni passait lui-même pour nuisible à la santé :
lot ueneficiis placere cogitur, dit Pline (XIV, 25, 7), et miramur
noxiuni esse! Et ailleurs, le grave Romain constate que le
vin le plus sain est celui qui ne contient aucun ingrédient :
saliiberriinum cui nihil in nuista additum est (XXIII, 24, i)
D'après l'analyse chimique, le vin du dépôt d'Amiens était
Les vins de Gaule en Irhnide. 21
très fortement alcoolisé. Le picatum uinum produisait certaine-
ment une ivresse spéciale. Ce devait être comme le vermouth,
l'absinthe ou tel autre des modernes apéritifs, un breuvage
alcoolisé et aromatisé, où le jus de la vigne ne servait que
de base à des préparations artificielles. Pline nous a transmis
une longue liste de substances aromatiques que Ton faisait
dissoudre, macérer ou fermenter dans le vin (XIV, 107); il
n'y avait pas seulement des gommes provenant de divers
arbres résineux (pin, sapin, mélèze, cyprès, lentisque, téré-
binthe, etc.), mais aussi de l'iris, du fenugrec, de la racine
de jonc, des feuilles de nard, du souchet, du safran, de
l'aloès, etc. Le i> vin d'absinthe » est mentionné par Columelle
(XIT, 35, i), par Pline (XXIII, 52), par Palladius (III, 32).
D'après l'évangile (Marc, xv, 23), c'est du « vin myrrhe »
que les légionnaires présentèrent à Jésus quand iL fut arrivé
sur le calvaire, et qu'il refusa. Les fouilles de M. Commont
attestent qu'à côté du vin ordinaire les Gallo-romains fai-
saient place dans leurs celliers au picatum uinum.
Or, dès l'antiquité la plus haute, le vin fut l'objet d'un
commerce actif entre la Gaule et l'Irlande (cf. G. Plummer,
Vitae Sanctorum Hiberniae, t. I, p. c, n. 2 et p. 214). Zim-
mer a jadis publié sur ce sujet une copieuse étude dans les
Sit^ungsberichte de l'Académie de Berlin (1909, n°XV, p.430-
476). Le vin de Gaule était fort apprécié en Irlande ; maint
détail des légendes épiques montre quel cas les héros irlandais
en faisaient. On le trouve mentionné dans le récit de l'Expul-
sion des Dési, événement qui eut lieu au m* siècle de notre
ère, sous le roi Cormac Mac Airt {fin... a tirib Gall, Cymmrodor
XIV, 118 et Ériu III, 140). Deux siècles plus tôt, en Ulster, les
héros de la Branche rouge connaissaient également le vin. Au
début du Tochmarc Emire, on voit paraître Forgall Manach,
déguisé en ambassadeur du roi des Gaulois ; il venait offrir à
Conchobor des objets d'or et du vin de Gaule (co n-imchomarc
do di orduisih 7 fin Gall, Rev. Celt., XI, 442). Quand Oengus
fils d'Aed Abrat voulut décider Cuchullin à partir pour la
terre des fées, il lui répéta les paroles de Fand, suivant les-
quelles celui qui viendrait vers elle aurait de « l'argent, de
l'or et beaucoup de vin à boire » (rombiad arcat ocus or, rombiad
môr fina do 61, L. U. 44 b 6, Irische Texte, I, p. 209).
22 /. Veridryes.
Lors de Texpédition contre l'Ulster pour la conquête du
Taureau Brun de Cooley, la reine Medb avait avec elle une
provision de vin (Zimnier, op. cit., p. 434) : elle s'en servait
pour enivrer les jeunes guerriers qu'elle envoyait ensuite se
faire tuer en luttant contre CuchuUin ; c'est ainsi qu'elle fait
boire Ferbaeth « jusqu'à ce qu'il soit ivre » (corbo mesc, L. U.
73 a 41); elle enivre même Fergus pour qu'il aille se battre
{dobrcth fui dô 7 nvnescad co trén, L. U., 82 b 7). Pour
séduire Cuchullin, Ailill n'hésite pas à proposer à sa femme
d'employer l'attrait du vin : « Envoie-lui, dit-il, un bœuf avec
du porc salé et un fût de vin » Çbo- dam co timie do 7 taulchtuna
fina, L. U. 67 b 10). Dans la version du Book of Leinster
(p. 69 b dern. ligne), c'est Medb elle-même qui suggère un
arrangement avec Cuchullin ; elle y fait entrer le vin et l'hy-
dromel (//» 7 mid ; les deux boissons vont souvent ensemble,
cf. L. U. 131 b 37, Tecosca Corniaic, éd. K. Meyer, i, 44,
comme en gallois givin a med, Book of Taliesin, 59, 7).
Toutes ces ruses diaboliques du couple royal de Connaught
rappellent le Petit fût de Maupassant.
Il y avait assurément plusieurs espèces de vins en Irlande.
Un poème, contenu dans les Scéla Cauo Meic Gartnàin {Anecd .
from Irish MSS, I, p. 14) et où sont énumérées différentes
espèces de bières, mentionne des u bières rouges comme du
vin » (cormand derga aniail fin, 1. 18). On savait conserver le
vin; le vin vieux avait un nom spécial, esarn, connu par le
glossaire dit d'O'Mulconry, § 447 ; ce mot sort de exhibernum
et désigne le vin qui a passé l'hiver (v. K. Meyer, SitT^ber.
der pr.Akad. der IViss., 1912, ri, p. 1150, et Marstrander,
Rev. Celt., XXXVI, p. 361) : c'est ainsi que chez les
Romains le tiinum uetus, ayant un an révolu, s'opposait au
tiinum nouelhim (R. Billiard, op. cit., p. 216).
Les vins gaulois en Irlande étaient de qualités diverses. Cer-
tains textes par exemple mentionnent des vins de première
qualité, cétgrinne fino (gl. nectar, Sg. 122 b 22 et Kuhn's Zeit-
schrift, XXXIII, 70), éingrinde ftno {Imram Bràin, § 13).
Tout cela ne nous renseigne pas sur la nature de ces vins.
Mais il y a un passage plus instructif dans la Fled Bricrend.
Zimmer, qui le cite {op. cit., p. 435), n'en a pas tiré tout le
Les vins de Gaule en Irlande. 25
parti qui convient. Ailill et Medb, dans leur palais de Crua-
chu, reçoivent les trois héros Cuchullin, Conall Cernach et
Loegaire ; il s'agit de choisir entre les trois à qui donner le
« morceau du héros ». Décision périlleuse! Pour gagner du
temps, Medb use de tromperie : prenant à part chacun d'eux,
elle lui fait croire qu'il est l'heureux élu. En même temps,
elle les flatte par des présents et les fait boire. Mais elle ne
leur donne pas à tous le même vin. Loegaire et Conall
reçoivent une coupe de « vin naturel » (//« aicneta, L. U.
108 a i). Cuchullin, qui est à ses rivaux, dit Medb, comme
l'or rouge est au bronze, est honoré de « vin spécial » (^fin
sainemaU, L. U. 108 a 31). Zimmer a eu le tort de n'attacher
aucune importance au sens propre de ces deux épithètes et de
les considérer comme deux synonymes désignant une seule et
même qualité de vin. Ce n'est pas vraisemblable. L'expression
fin aicneta « vin naturel » se retrouve ailleurs (L. U. 100 a à la
fin ; 1 10 a 49) ; elle n'a de sens que s'il existait d'autres vins
qui ne l'étaient pas. L'opposition du//n aicneta et au fin sai-
nemaU est sans doute que le premier ne comportait l'addition
d'aucun ingrédient; c'était du vin « nature », comme nous
dirions aujourd'hui. Au contraire, le //// saineniai! renfermait
sans doute de ces ferments spéciaux qui donnaient au picatum
uinuni sa force et son bouquet. C'était un vin aromatisé, et
en même temps très alcoolisé, plus digne que le vin « nature »
d'un héros tel que CuchuUin.
Dans un passage du Commentaire sur les psaumes, où la
colère du Dieu vengeur frappant le coupable est comparée à
l'ivresse qui trouble et égare, le glossateur du manuscrit de
Milan décrit avec précision les effets de la vengeance qui est,
comme le vin, « piquante et amère » (tiachair 7 serh 9^ c 6),
« sans aucune douceur en elle » (cen ni duailgini indi, 94 c 7) ;
ces épithètes semblent se rapporter exactement au picatum
uinum, tel que les Latins nous le décrivent.
Il est probable qu'au cours des âges en Irlande le sens propre
de fin aicneta s'est perdu, en même temps que le souvenir de
l'époque où l'Irlande recevait de Gaule des vins « dénaturés ».
Ainsi dans un passage du Lebor na h-Uidre (100 a, 1. 5 du
bas), fin aicneta a été glosé par un scribe, .i. sainemail. C'est-à-
34 /• î'endryes.
dire que ce scribe a commis la même confusion que Zimmer :
il a pris aicneia comme une épithète banale se rapportant à
Texcellence du vin, ce qui ne s'accorde guère avec l'étymo-
logie ; aicneta, tiré de aicned « nature » (cf. firmac aicnid
gl. filius meus es tu, Wb. 32 b 6) ne signifie que « natu-
rel ». Sans doute, les anciens connaissaient de nombreux
moyens de falsifier le vin (Pline, H. N., XXITI, 20, i ; cf.
R. Billiard, op. cit., p. 489). On pourrait donc imaginer que
par fin aicneta les Irlandais voulaient désigner un vin soustrait
à toute falsification, et par conséquent de bonne qualité. Mais
il n'est pas dit que le vin naturel ait été plus apprécié que
les vins travaillés tel qu'était le uiniim picatum. Afin de don-
ner tout son sens à l'expression //w saimviail dans le passage
de la FïedBricrend, il paraît donc préférable d'attribuer aussi à
l'expression^/;? aicneta une valeur technique précise, conforme
à ce que nous savons des vins de la Gaule romaine, en enten-
dant par là un « vin nature » s'opposant à un « vin spécial »
dans le genre du uinum picatum.
J. Vendryes,
LE SYSTÈiME VÇRBAL
DANS
IN CATH CATHARDA
CHAPITRE IX
VERBES IRRÉGULIERS
§ 193. berî}n
Prés. sg. I herim
— 2 noco mberi
— 3 (b) co mheir, co mberend
Imparf. sg. 3 no beredh
Impér. sg. 2 beir
— pi. 2 beirid
Subj. prêt. pi. 3 na rucctais
Fut. prés. sg. 3 rel. beras
Fut. prêt. pi. 3 7ia bèrdais
Prés. pass. sg. berair
Imparf. pass. pi. no bertis
Fut. prêt. pass. sg. no blrta '
§ 194. doberim
Prés. sg. I (a) doberim
— 3 (a) bobeir
— (b) îabair
— pi. I (a) dobenun
— 3 (a) doberat
Imparf. sg. 3 (a) dobered
— 3 (b) labradh
Imparf. pi. 3 (a) dobertis
— 3 (b) tab radis
Impér. sg. 2 (b) tabair
^^ AJf SommerfcJt.
Impér. sg. 3 (b) tabrad
Impér. \>l.2{h)tabraid
— 3 (b) tabrat
Subj. prés. sg. i tiiccur
Subj. prêt. sg. 2 (z) doberta-sa
— 3 (a) doberad
— pi. 3 tucctais
Fut. prés. sg. I (a) dobèr
— 3 (a) dobèra
Fut. prêt. sg. I (a) dobèrainn
— 3 (^) dobèradh
pl- I (a) dobèr mais
— pi. 3 (â)dobêrtais
(b) tibratais
Prêt. sg. 3 (a) dobert
— (a) dorât
— (b) dard, tarât
— tue
Prêt. pi. I (a) dabertsum
— I (a) doratsiim
— 3 (a) dobertsat
— (a) doratsat
— (b) tartsat
— tticsat
Prés. pass. sg. (a) doberar
— pi. (â)dobertar
Imparf. pass. sg. (a) doberiJm, doberta
Impér. pass. sg. tabiirthûr
Subj. prêt. pass. sg. (b) tabairti
Fut. prés. pass. sg. (a) dobertar
Fut. prêt. pass. sg. (a) doberta
— (b) Hbirthi
Prêt. pass. sg. (a) doberthea
(a) doratad
— (b) tardadh
tucadh
— pi. (a.) dobrethea
— (a) dobertha
— (a) doratta
Le Système Verbal dans In Calh Cathania.
5 195- atberim
Prés. sg. I (a) atberim
Prés. pi. 2 (b) aburthi, abraid
— 3 (a) atberat, aderaid
Imparf. sg. 3 (a) atbered
Imparf. pi. 3 (a) atberlis
Impér. sg. 2 (b) abair
Subj.prés. sg. i (b)/rt n-abra-sa
— 2 (b) dia n-apra
Fut. prés. sg. 2 (a) atbcra
Fut. prêt. sg. 3 (a) atbërad
Prêt. sg. 3 (a) asbert, isbert
— (a) atbert, itbert
— (b) co n-ebert, co n-ebairl
— (b) co ndehhairt
Prêt. pi. I (a) atrubartmar
— (a) adiibhramar
3 (a) asbertsat
— (a) atbertsat
Prés. pass. sg. (a) atberar, iderar
Fut. prêt. pass. sg. (a) atb'ertha
Prêt. pass. sg. (a) atbertha, asbreth
§ 196. atcim
Prés sg. I (a) atcim
— 2 (h)faici
— 3 (a) atci
— (b) faicenn
Prés. pi. 2 (a) atcithi
— (h)faictbi
— 3 (a) ifciat
— (h)faicet
Fut. prés. sg. 3 (a) atchifi
Fut. prêt. sg. 3 (a) atcifed
Prêt. sg. I (a) atconnarc
— 3 (a) atcondairc
— (a) atcomiaic
— (W) faca
Prêt. pi. i (^z) ataconucammar
28 Jlf Soninierjelt.
Prêt. pi. 3 (a) atconncatar
— (b) confacatdr
Prés. pass. sg. (a) atcither
— pi. (a)atdter
Imparf. pass. sg. (a) atcite
— (b) faicthe
— pi. (a) atcitis '
Prêt. pass. sg. (a) atces, atceas
— (a) atconcas
— (h)faccas, facthus
Prêt. pass. pi. 3 (a) atcesa
§ 197. dognîm
Prés. sg. 3 (a) dogni
Près. pi. 3 (a) dogniat
Imparf. sg. 3 (a) dognith
— (a) dogniedb, donidh
Imparf. pi. 3 (a) dognitis
— (b) co ndentais
Impér. sg. 2 (b) dena
Impêr. pi. 2 (b) denaidh
Subj. prés. sg. 2 (\))derna
— 3 (b) derna
— pi. 2 (b) derntai
— 3 (b) dernat
Subj. prêt. sg. 3 (a) donmdh
— • (b) dernad
— pi. 2 (a) dognethe
— (b) cenco nderntai
— 3 (b) co ndernadis
Fut. prés. sg. I (h)dingén-sû
— pi. I (a) dogénum-ve
— (b) dinginum-ne
— (b) dingnim-nt, dingniutn-ne
— 2 (b) a ndingentai
Fut. prêt. sg. I (a.) dogenainn-si
— 3 (a) dogênadh
— (b) dingnedh, dingenad
— pi. I (b) ina ndingenmais
Lf Système Verbal dans lu Calh Caiharda. 29
Fut. prêt. pi. (h) co ndingnimis
— 3 (a) dogeritais, dodeniais
— (b) co iidingéntais
Prêt. sg. 3 (a) dorighiie, daroighni
— (a) doriue, âorinne
— (b) dernai, dénia
— (b) demi, dernae
Prêt. pi. 2 Ça) doronsaidh
— (b) / ndernsaidh
— 3 (a) doronsat, daronsat
— (a) dorigniset
— (b) dernsat
Prés. pass. sg. (a) dognither
— pi. (a) dogniter
Imparf. pass. sg. (a) dognithe, dognithi
— (b) î ndenta
— pi. (a) dognitis
Impér. pass. sg. (b) dentar
Subj. prés. pass. sg. {a.ydognether
— — (b) conderntur
Subj. prêt. pass. sg. (b) dernta
Fut. prés. pass. sg. (a) / nd in g in ter
— pi. (b) / ndingentar
Fut. prêt. pass. sg. (a) dogenta
— (h^ a ndenta
— (b) / ndingénta
Prêt. pass. sg. (a) dognith
— (a) dorighnedh
— (a) doronadh
— (b) dernadh
— pi. Ça) doronta, daronta
— (b) dénia, dernta
Prêt. pass. pi. (a) daroignit, doronait
§ 198. teigim
Prés. sg. I teigim
— 3 teit
Prés. pi. I (a) tiaghmaid
— 3 tiagait
30 Alf Sommer feii.
Imparf. sg. 3 no tegbed, iéighedh
— pi. 3 teigtis
Impér. sg. 2 érigh
Impér. pi. leirgid
Subj. prés. sg. 3 co ndeach (v. 1. dig)
Subj. prêt. sg. 3 dothisadh
( — pi. 3 na renttiastais)
Fut. prés. sg. r (a) rachad
— (b) ;// rag-sa
— 3 (b) "' ragha
— rel. rachus
Fut. prés. pi. I (b) raghavi
— 3 r agi ait
Fut. prêt. sg. 3 no rachadh
— pi. 3 no raghdais
Prêt. sg. 3 (a) docoidh, docnaidh
— (a) rocoidh, rocoidh
— (b) co ndeachaidh
Prêt. pi. 3 (a) docuadar, dochuadar
— (a) rocotar, rocuatar
— (b) co ndeachdar
— (b) ina ndeachatar
Prés. pass. sg. tiagair
— haghar
Fut. prés. pass. sg. ragar, ragthar
Prêt. pass. sg. ro cûadJms
§ 199. dotaet
Prés. sg. 3 (a) dotaet
Prés. pi. 3 (a) dotaegat
(Impér. sg. 2 (b) tair)
Impér. pi. 2 (b) taid (tael)
Fut. prés. sg. 2 (a) dorctgha-sa
— 3 (a) doroga
— 3 (b) targa
— pi. 3 (a) airagat (ai- = do-)
Fut. prêt. sg. 3 {1) doraghad, dorachad
— (a) dodicsedh {nodiccsedh)
Prêt. sg. 2 (a) dodeachdais
Le Système Verbal dans In Cath Catharda. 51
Prêt. sg. 3 (a) dodechaid}]
— (a) dodeachaidh
Prêt. pi. 3 (a) dùdeachatar
— (a) dodechalar
— (a) dodheochatar
§ 200. rosoich
Prés. sg. 3 (a) rosoich
Prés. pi. 3 (b) roicheat. reichef
— 3 roicit
Imparf. sg. 3 (a) rosoichedh
— (a) no soichedh
— (b) roichedh
Imparf. pi. 3 (a) rosoichtis
— (b) roichtis
Subj. prêt. sg. 3 (a) msoisedh
— (a) no sossadh
Subj. prêt. sg. 3 (b) roisedh
— pi. 3 (a) rosoistis
— 3 (y) ^'oistis
Fut. prés. sg. 3 (a) rosia, rose
— (b) ria
— pi. 3 (b) roisef
Fut. prêt. sg. 3 (a) rosoisedh
— (b) roisedh
Prêt. sg. 3 (a) rosiacht
Prêt. pi. 3 (b) riachîatar
Pass. prés. sg. rosoichter
§ 201. doroich
Prés. sg. 3 (a) doroich
— (b) ni -thoraig
Imparf. sg. 3 (a) doroichedh
Subj. prêt. sg. 3 (a) doroisedh
Fut. prêt. sg. 3 (a) doroisedh
Prêt. sg. 3 (a) dorochl
Prêt. sg. 3 (a) duriiacht
— (a) doriacht
— (b) toracht
Prêt. pi. 3 (a) dorochtatar
32 Alf Sommer felt.
Prêt. pi. 3 (a) darochtatar
— (a) doruachtadur
§ 202. adfet
Prés. sg. 3 adfet
Prés. pi. 3 adfiadhamar
Prés. pass. sg. adfiadnr
§ 203 . //V//;/
Prés. sg. 3 (a) dos- fie
— ' (b) tic
Prés. pi. 3 (b) leccatl
Imparf. sg. 3 (b) ticedh, ticeadh
— (b) ticidh
Impér. sg. 3 (b) ticedh
Subj. prés. sg. 3 (b) //
— pi. 2 (b) listai
— (b) tisaidh-si
— 3 (t>) teccat
Subj. prêt. sg. 3 (h)tisedb, tisadb
Fut. prés. sg. 3 (a) dofor-fiefa
— (b) ticfa
Fut. prés. pi. 2 (b) //Vaid/;
Fut. prêt. sg. 3 (a) dos-ficfad
— 3 (b) //r/^^
— (b) //j(//;^, tisdha
— pi. I (b) ticfamais
— (b) do ticfamais
Prêt. sg. I (b) tanac, tanac-sa
— 2 (b) tangais, tançais
— (b) tanacais
— 3 (a) do-fainic, dos-jainic
— (a) dus-fainie
— (b) tainic, tanic
Prêt. pi. I (b) tancainmair-ne
— 3 (b) tancadar
— (b) tancadur
— (b) tangadur
Prêt. pass. sg. (b) tangas, tancus
§ 204. ricim
Le Système Verbal dans In Cath Calharda. 33
Prés. sg. I riccim-si
— 3 rie
Prés. pi. 2 riccthi
Imparf. sg. 3 riccedh
Imparf. pi. 3 no rictis
Sub). prés. pi. 3 reccat
— T- cor-risat
Subj. prêt. pi. 3 m//^, ristais
Prêt. sg. I ranac-sa
— 3 ra«/V, ;'a/«/f
Prêt. pi. I cotramiimmar
— 3 rancadar
— rancudar
— rangadur
Prêt. pass. sg. rancus
§ 205. con-ic
Prés. sg. 2 (a) coîn-ici, cotn-ic
— (b) cumgi
Imparf. sg. 3 (b) ciiimgedh, cumcedh
— (b) ciiimgeadh, cumgadh
Imparf. pi. 3 (b) cuimgidis
Subj. prêt. sg. 3 (b) no coenisadh
Fut. prés. pi. 2 (a) cotn-ic fait i
— 3 (a) cotn-icfat
Fut. prêt. sg. 3 (a) cotn-icfad
— pl- 3 (b) caeinhsitis
— (b) caemsatais
— (b) caentsaitis
Prêt. sg. 3 (b) nar cumaing
Prêt. pl. 3 (b) ro cumciset
— (b) ro cuimgidset
— (b) nir cnmcctar
Prêt. pass. sg. (b) ro cuiingedh
— (b) rociiimgead, cumhgadh
§ 206. do-eccaim
Prés, sg. 3 (a) dos-fecaim
— (a) do-écaim, do-eccaim
— (b) tecaim, teccaim
Revue Celtique. XXXVllI. î
34 ^If Sommer jelt.
Prcs. sg. 3 rel. tecimis
Imparf. sg. 3 (b) tecmadh, do tecmadh
— (b) 110 tecmadh
Imparf. pi. 3 (h) tecmaitis
— (b) tecmhaitis
Subj. prét.sg. 3 (b) tecmadh, teacniadh
— (b) tegmad, no tecmadh
Prêt. sg. 3 (a) do-eccaim
— (a) dos-feccaim-si
§ 207. do-tuit
Imparf. pi. 3 (b) no ihuitidis
— (b) do ihuitidis
Impér. sg. 2 (b) toit
Subj. prêt. sg. 3 (b) co taethsad
Fut. prés. sg. I (a) do-faethiis
— 3 (a) do-faeth
— pi. 3 t ait fit
Fut. prêt, sg, 3 (a) do-faetsad
■ — (b) no taetsadh
— co tuitfedh
— pi. 3 (b) 110 taethsaidis
Prêt. sg. 3 (a) dorochair
— (a) atrochair, atrocair
— (b) torcair, drocair
Prêt. pi. 3 (a) dorochradar
— (a) atrochratar, atrocartar
— (a) atorcradar
— (a) itrochradar
— (b) torcratar
— (b) drochradar
— ro tuitset, ihuitset
— ro tuitseat
§ 208. fetar
Imparf. pi. 3 ni finntais
Subj. prés. pi. 3 co fcsarat
Subj. prêt. sg. 2 da festa-su
— pi. 3 co /estais
— 3 no fias tais
Le Système Verbal dans In Calh Catharda. ^5
Prêt. sg. I ro-fetar, ni fedar
— 2 in fetair
— 2 do fetaraisi
— 3 ro-fitir, ni fitir
Prêt. pi. 2 rofctabhair, fetebhair
— 3 conna fededar, ni fedadar
— 3 ni fedadur, ni fetafar
Prés. pass. sg. finntar
Subj. prêt. pass. no fiasta
CHAPITRE X
DATE DU TEXTE
§ 209. — Le x'^ siècle est la période de transition entre le
vieil-irlandais et le moyen-irlandais. La langue présente aux
environs de l'année 1000 la plupart des traits distinctits du
moyen-irlandais : -//:' au datif pluriel de l'article est tombé (le
premier exemple dans les « Annals of Ulster » est de 917) ;
Vn du neutre disparaît en dehors de formes figées comme là
n-ann, fecht n-aill, etc. ; les formes prototoniques des verbes
composés se généralisent et adoptent en position absolue les
anciennes désinences absolues ; les formes en ro du prétérit
perdent le sens parfait ; le système compliqué des pronoms
infixes est abandonné, etc.
§ 210. — Notre texte possède toutes ces marques caracté-
ristiques et appartient sans aucun doute à la période du
moyen-irlandais. Si l'on veut essayer de préciser davantage
la date de sa rédaction, il sera utile d'examiner sa place par
rapport aux trois textes principaux du moyen-irlandais dont
la date a été fixée au moins avec une certitude approxima-
tive « Saltair na Rann' », « Passions and Homilies- », et
« Acallam na Senôrach ' », et en même temps de le rapprocher
des Annales d"Ulster dans lesquelles on peut suivre les étapes
1. W. Stokes, Anecdota Oxoniensia, Mediaei-al,lll ; cf . Strachan, Procee-
dings, 1895-98.
2. Atkinson, Todd Lecture Séries, I.
3. Éd. Stokes, Irische Texte, IV.
36 Alf Sommer jdt.
successives de révolution Je la langue à travers les siècles '.
Les matériaux que nous fournissent ces annales sont cepen-
dant, en particulier pour ce qui touche le système verbal^ assez
clairsemés.
§ 211. — Un examen même superficiel de « Saltair na
Rann », écrit en 987, prouve à toute évidence que notre texte
présente un état de langue plus récent. Dans SR :
i^se trouve conservé un nombre très grand des anciennes
formes du pronom infixe ;
2° le pronom « indépendant » ne se rencontre pas - ;
3° la différence entre les formes deutérotoniques et les
formes prototoniques s'est conservée dans une plus large
mesure ;
4° se trouve un beaucoup plus grand nombre d'anciennes
formations sigmatiques du subjonctif et du futur, de prétérits
en / et de futurs redoublés ;
5° les formes en^du futur n'ont pas eu d'extension consi-
dérable par rapport au vieil-irlandais ;
6" -atar ne se trouve pas introduit par analogie à la j"" per-
sonne du pluriel du prétérit sigmatique ;
7° -it à la y personne du pluriel du prétérit passif ne se
rencontre pas ;
8° se trouvent quelques exemples de la flexion déponente,
tandis que cette formation doit être considérée comme morte
dans notre texte.
9° Les formes de la copule et du verbe substantif indiquent
une date antérieure à celle de notre texte.
§ 212. — Si l'on compare d'un autre côté notre texte avec
« Acallam na Senôrach » — rédigé probablement vers le milieu
du XII'' siècle ' — on peut affirmer avec certitude qu'il est
plus ancien que ce dernier. Dans Ac :
1. Cf. Tomâs O Maille, 77;g Langun<ye of the Annals of Uhter, 19 10.
2. Strachan, hr., I, p. 76.
3. Cf. Tomâs O Maille, Er., VI, p. i. [Depuis que ces lignes ont été
écrites, il m'est venu des doutes sur la date que propose M. O'Mdille. Le
texte de VAcaUavi na Senôrach pourrait bien être plus jeune qu'il ne l'in-
dique; auquel cas la date que je propose moi-même plus loin pour notre
texte devrait être modifiée en conséquence. Note de correction. \
Le Svstcnie Verbal dans lu Cal h Cal ha nia. 57
1° la désinence -ib du datif pluriel de l'adjectif attribut est
tombée, tandis qu'elle a été conservée en grande partie dans
notre texte (cf. ci-dessous). Cette chute commence dès le xi^
siècle, cf. d'airnih dnhcorcra, Annals ot Ulster 1030 ; ossaib
alla LU. 16 a 5 ; na maccaib aile LU. 52e f, ri maccaib calma
dans un poème de Gilla Coemâin mort en 1072, LL. 128 a
49;
2° les exemples des anciennes accentuations deutérotoniques
des formes verbales sont moins nombreux et
3° de même les exemples des anciennes formations du pré-
térit fort;
4*" la désinence analogique -atar de la y personne du plu-
riel du prétérit sigmatique est beaucoup plus fréquente que
dans CCath. De -sat il va 170 exemples en regard de 151
exemples de -alar, tandis que la proportion est de 10 à i dans
CCath. ;
5° se trouvent au pluriel du prétérit passif 11 exemples
de la formation -it à côté de quelques exemples de l'ancien
-tha; toutefois le -ad du singulier sert le plus fréquemment
comme désinence du pluriel ;
6° do a dans une mesure beaucoup plus grande remplacé
les autres particules verbales.
7° La copule et le verbe substantif présentent plusieurs
formes plus récentes.
§ 213. — Notre texte ne peut donc pas avoir été composé
avant l'année 1000 ni pas plus tard que le milieu du xii^ siècle.
A l'aide des « Passions and Homilies » nous arriverons à serrer
la date de plus près. Ces textes peuvent être datés avec certi-
tude de la fin du xi*^ siècle. Outre les arguments de M. O
Maille, Er. VI, p. i, en faveur de cette thèse et ceux de
M. Dottin, Manuel, I, p. xiv on peut signaler encore les
formes en -it du pluriel du prétérit passif qui semblent s'être
généralisées dans la dernière moitié du xi^ siècle. « Scéla Lai
Brâtha » et « Scéla na h-Esserge » — textes delà première moi-
tié du xi" siècle — ne présentent pas d'exemples de cette forma-
tion, ni non plus les poèmes de Dubhlitir hua Huathgaile ',
I. LL. 141 b28, BB. 7 b 13.
38 Alf SomnierfcU.
mort en 1082, de Gilla Coemain ', mort en 1072, de Fland
Mainistreclî % mort en 1056, et de Cellach hua Ruanada 5^
mort en 1079. Le genre littéraire de ces textes nous com-
mande toutefois de la circonspection quand il s'agit de tirer
des conclusions des traits linguistiques qu'ils présentent.
§ 214. — Si l'on rapproche les « Passions and Homilies »
de notre texte, on remarque dans PH :
r° la fréquence du pronom infixe, ce qui suppose une
date plus ancienne ;
2° la proportion entre les formes avec -ih et celles sans -//;
au datif pluriel de l'adjectif attribut, qui est de 8 à 6 (84 ex.
avec -ib sur 147), tandis qu'elle est de 7 à 8 dans CCath.
(sur 301 exemples il y en a 140 avec -ih);
3° l'existence de formes deutérotoniques dans des exemples
plus nombreux que dans notre texte ;
4° des exemples plus nombreux des anciennes formations
du prétérit fort : erhaill, arroét, doroinailt, -geoguin, -Itil, rir,
-sclaig, duaid, etc., et
5° de la flexion déponente ;
6° la proportion entre -sat et -atar, qui est sensiblement la
même dans les deux textes (sur 387 exemples il y en a dans
PH. 37 de -atar^);
7° le fait qu'à la y personne du pluriel du prétérit passir
le -// et le -iha etc. sont répartis d'une manière à peu près
égale (35 exemples de -it à côté de 32 de -thd), tandis que la
proportion dans notre texte est de éà i (179 exemples de -//
à côté de 3 I de -tha^.
8° l'état de la copule et du verbe substantif, qui semble
indiquer une date quelque peu antérieur.
§ 215. — Il ressort de ces remarques que CCath. est pos-
térieur aux « Passions and Homilies ». Mais l'écart de temps
1. LL 3 b 10, BB. 20b 15, LL. 16 b 47 ; LL. 127 a i, BB. 45 b 28 ; LL.
129 b 47 ; LL. 130 b 22, cf. ib. 395 a 17.
2. LL. 1139, BB. 35 a 37, LL. 16 a 8 ; LL. 27 b 53.
5. LL. 38 a 19.
4. Cette formation paraît avoir commencé vers le milieu du xf siècle,
cf. Aimais of Ulsler coro brisidur 1041, ternatur 1103 . Les poètes précités
ne la connaissent pas.
Le Système Verbal dans In Cath Catharda. 39
entre les deux textes ne doit pas être très grand, en particu-
lier si l'on considère que, dans la langue de PH'., le caractère
religieux de l'œuvre doit être regardé comme archaïque à
certains points de vue. Nous sommes donc autorisés à placer
la date de la composition de In Cath Catharda aux environs
de l'année ] 100, ou au début du xii'' siècle.
APPENDICE
Comme il n'est pas dans mes intentions de traiter du verbe
être (verbe substantif et copule^ dans notre texte, je me borne à
en donner la liste de formes qui suit. Cette liste, cependant,
n'est pas complète, en tant que je donne seulement un choix
d'exemples des différentes formes, et ne cite pas tous les pas-
sages où elles se présentent.
«
A. — VERBE COPULE
Présent de l'indicatif.
Sg. I. ain eolach on âin 288-I ; i}ilan isain coscrach 3789;
-ar asam senoir cena 5495 ; masam cintach 596.
Sg. 2 indot (indat C) loIac[h] isin tir-si 2883 .
Sg. 3 is leis sen ro ciimdaiged 1 5 ; w é ro athrigh 29 ; issi in
dictatoirecht 94; is iatso na sjvtba 1209 ; ar as lor 3675 ; iiair
ni o\c\ ardrighaibh tarrasair 46; ar ni dot aimles... tiaghar 426;
conidh aire sin 219 ; conad docra 7 conad doidngi 803 ; dianadh
ainni 198 ; -masaada nô niasadir damsa 982; masa Çnias F) tre
imaltiir loii ; màs é airrdercngud 1670.
PI. I. uair isar (S, asar F, isat H) scitha énirti 2562.
PI. 3. it e inso 825 ; it e annso anmanna 4465 ; isat urlamha
655 ; ni dat srotha 962 ; condat clanda dam 1143 ; condat mail-
hi cummainena toiton 4534 ; tnairg danad (ainsi S) fçt dûthaig
in feronn so 501 ; -niasat fira na forcetla -^813.
Présent du subjonctif.
Sg. I, madham buidech-se 4210.
40 Alf Soin mer fell.
Sg. 3. cidh iat dclba 650; i^ih e dih had coscrach 1095 ; .i,'// /'<{/' J
failidh ko 2717 ; niinab toi! léo a huain 1785 ; niadh tiisa bus
treu" 1299.
Prétérit du subjonctif.
Sg. 3. aniail had neach ele no beith j6j ; dâfis in budlj (lus in
bad S, dus an bad F) ferr 1907; conach a cosmaiJins acbt madh
éochraun darach 335 ; ciamadh uiaith saich dogniedh 79 ; ciamad
iindha crann 342 ; co nûmdh sinn badh cintachann 5069 ; co mbad
commàni Cait 1152 ; damad ail lais 391 ; dd mad atnhlaid tis-
aindsi 579.
PI. 3. acht co mbedis cobhsaidhi 19 14 ; da iii\b^dais (damdis C)
niinraingne 4064.
Présent du futur.
Sg. r. bidham tigerha 4046.
Sg. 3. bidh lâsair tcnedh 651; bid lugaidi a dimnms-sum
II 25; bid fiadhnaise léo uile 2710; rel. niadb fusa bus tren
1299; inbaid bas toirseach sibsi 2730; intan bas adhlaic dôibh
606.
PI. 3. acht for îr chenabidat nio na huile 988.
Prétérit du futur.
Sg. 3. inds budh écin dul 1622 ^ ; uair budh air bus raen da
mbemne 1674 '■> ^^ badh amhra... dûinn dâ fétmais 642 ; nach
budh lucht aensîdha in lucht gusa ngresfet 644 ; cinnus nobhiadh...
ocus cia dona airdrighaibh forsiiibadh ran É 3895.
Prétérit de l'indicatif.
Sg. 3. bd dd gradhji ; ba derbh deinihin leis 394; intan ba
heimilt in ri fein 65 ; isî sin ro bo banchéile 113 ; /// conair ro bo
1. Pour ces verbes en moyen-irlandais, cf. Tfh. Ô'Mâille : Contributions
to ihe Historyof the verbs of Existence in Irish; Er. VI, p. i.
2. Subjonctif? Cf. inds do licfâniais 1683.
Le Système Verbal dans In Cath Catharda. 41
menmarc leo na Ronmiacha do thecht 189 ; ro bu ainniesarda a
nert ^8}î ; do bo cruaidh 7 do bo commrt (ba... y ba... S)
2213 ; ro bo éidigh damsa 1700 ; nibà samail 304 ; nar bo miadh
leis 2']'] ; nîr bo soreidh dôson 162; nir-bu sirsani 1663; nir
comtig diiitsiu 6^4; ce/ b olc lâsin senadh 541 ; corbà toit dôibh
253 ; giir bo lan 747 ; cor' côru doibhsium 1309; conâr'bô
\infe]adhma 332 ; diar bo aimn 199 ; fd {ba S) talamciimscu-
giid... tainic 1 841 ; /a (Jba S) hé corp 2240; -ar (jiirsa S) tua-
lains 2206 ; nirsa timmiu innasin ant- imairecc 2861.
PL 3. bdtar... esrdinti 681 ; araisin batar cinedha 203 ; batar
tra cuissi 235 ; -ar roptar imda aghmura 5361 ; narbiar bang-
lasa dib robtar dubglasa 966 \ar niptar seitrigh 1 104 ; air giam-
tar lana na brondanda bat itadaig na braichti 2^'] <) ; ciimtar
làna na longa 2789; nirsat luga a n-acaine 4455.
B. VERBE d'existence
Présent de Tindicatif.
(i) atà
Sg. I atiïsa...ic lainmilled 5127.
Sg. 2. cid tai dom trengresacht 888.
Sg. 3. ata seachraîi mor 1009 ; amail atà tigernus 495 ; iutan
atà soiinp nemfuirighthi 548 ; uair ataloib i fuiniud 1034 '■,don[a^
pupJaibh inicclacb[a] ata comhfoicsi dô 365 ; cid ni dâ ta side dano
2992 ; ô ta ceiin dictatoirechta 1508 ; ô ta in fail 290.
PI. I. caidc aimn na tnlca-sa i tam irnmorro 2887.
PI. 3. atat adbuir S 557 ; atàit benda sleibhe (bit S) 121 5 ;
atait popailirudha 3836 ; atât cathracha imdha ^Sij ; forsatat insi
Eichnidb 3829; airin i tât na Parci 4222 ; inni ara tait (Jor a
tat S) inggabhail 1701.
Pass. atathar i[c] coiiiallad faistini 91e ; atàthnr ac cur long
1461 ; atathar icc denam inor^niinh{a] 4819.
(2) fil. ^
Sg. 3. fil gué n-aill 1026 ; fil do met 1142; cid fil ami tra
765 ; an fil senchus... let 2885 ; ni fil rind 1033 ; ara fiiil (fil
S) smacht 1355 ; co fil remfis 4063.
PI. I. isin céini i fnilîin 2558.
42 ^If Sommer jeli.
PI. T,. 0 na tjcrcrnailhaibh diitmsachaih filet fuirri 614 ; acht
na slega filet ^6j6;cio na jîlet ar t ai scella -ni loio ; ica filet na
renna-sa 1039 ; vocofileat ic tainnisc 1270; cidh ni dia filet na
hanmanna 2890 ; ô na tigcrnaighih dinmsacha domfnilet fuirri
427.
Présent d'habitude.
Sg. I. cid da mhûi-sa ac à acaine 592; cid da mhiu-sà 'ga
cleith 1046 ; cidh da mhiu-sa im aenar 4577.
Sg. 3. bidh cocadh ann 504; i tnbi nathir dibh 3085 ; rel. bis
fora erball 439 ; amail bis ealladha 518 ; acht anmanda fe[o]chra
altaidi bis (bit V)for cennsacht 2452.
PL 3. amail bit cnraidh 2499 ; droug ele da mbid isinn imbad-
hiidh S 2168 ; /;/ bethn i nibit 2729 ; ni bid acco conair 3173 ;
-rel. 7 na tri Par ci ifernaidc bite icc sniui saeguil 4180.
Imparfait.
Sg. 3. ba brec inn aisneis no bid for imdechtaibh Cesair accô
753 ; ar ni bidh tnodh 240 ; nibîth in céim sin 67 ; co nibidh mis-
cais... la cech oenduine 252; -isna tirib examlaib i mbid 4003.
PI. 3. intan bitis na daine ic II. 3996 ; co mbitis a marcslôgh
ic imrum 1405 ; fo mbidis na sloigh ic gliadh 1749.
Pass. intan no bilhe icc losccud 3971.
Impératif.
Sg. 3. bidh gair uair dait-siu on 4079; na bidh ccist iarthair
in domain 2559 ; bidh a fis occot 4043.
Subjonctif du présent.
Sg. 3. ar cia beith tinndeithnes orumsa 1689; co nibé for ftir-
tacht fnalle frim 423 ; co nibe bar sairi... agaibh 3071 ; rel. cidh
sidh bes in cech inadh 504.
PI. I. da nibém .. ic congnum 1124; '^^^ nibemne maille fris
1675.
Le Système Verbal dans In Caih Catharda. 43
Prétérit du subjonctif.
Sg. 3. ainaiJ bad ht... nobeth dûib^Sj ; dia nibad i \ji]Aquair
uscidi nobethiind 1027 ; atnail no'beith ica guin 3850 ; co mbeth
in airdrighan... n-inudh 3378 ; cen co [in^beth degslogh ica din
341e ; ^/a nibeith neach no iarfaighead 992.
PI. 3. no beilis icfoghiasacht 1817; co mbeidis a premha ar
foglnasacht fuithi 340; ro tircansat doib co mbeitis i traiti ic air-
leach 4804.
Pass. no bethea (betbeadb S) aca dedhail fria sJôgh 395.
Présent du futur.
Sg. I. biùdsu (hiattsu C) fcin ic scailed 5137.
Sg. 3. biaid drong mor 5514 ; -ni bia Cesair a conitbriall
1360 ; ni bia for cornus fein foraib 2697 5 ''^^ mbia fein ic iniacal-
laini 4128; -rel. cia hernail plâighi bias and 1023 ; mor mbliadan
bia s in Roi m anilaid sin 1052; aired bes cloch for cloch 657;
intan bés imtiiaircnech nandul 300.
PL I. bernait cen deghail 1467.
PI. 2. airet heiti a n-aigthi foraib 5162.
Prétérit du futur.
Sg. 3. no biadh scur for in cath cal[b]arda 3754; cinnus no
bhiadh digleodh in catha moir 3895 ; ni biadh f ri t\])\bcrt friu iinnia
denam 3457 ;ba deniin h'is na biadh a scarad 3373 ; nach biadh
i conirainn 5 64; a' ndnad cumsanadh on coccad dô 3239.
Prétérit de Vindicatif.
Sg. I. intan ro bas\a^ ac iriall 4223.
Sg. 2 . ro bàdhais... ic gnim catha 553.
Sg. 3. bui Cesair... ic traeihadh 202 ; ba hiaisle j ba honô-
raige bi'ii occo 95 ; air is iat biïi for firinni 13 10; -ro biïi slôgh
mor... for bruachaibh 186 ; in ben ro bi'ii là Marcus Crasus 208;
-ni bhi'ti nech isin céim sin 210 ; ni bai isin bith 11 76 ; -a mbùi...
ic forbais 687 ; -co mbûi ac â tairmesc 619 ; dobido airdi a aicnidh
44 ^'iif Soiiuncrfelt.
{ro boi S) 278 ; /// /'/ (biii S) dîbh ciniitdb 317 ; a mh'i (iiibui S) . . .
ic forbhais 690 ; robî {coirpûi S) inti 1302 ; -ni raihhe fos isin
doinan slinbh 121 5 ; canna roibi skgh...foy alcning 878 \mraibh
{ni bûi S)... cathair 1255.
PI. I. ro bàmar isin cciiii 2558.
PL 3 . na sninia batar i cridhe 5 38 ; 0 ro badar na sloigh uili 7 a
n-aisi fair S 573 ; <^(' mbatar a n-cnbaile 1 30 ; </ vdmdar and 1 1 32;
/ mbàtar fordus 303 ; ^0 nà rabhadar rechîa... occo 251 ; co rab-
hadur ar fut sléibhe AlJjoin {go mbadar S) 1402.
Pass. ro bas ic Icnniain 543 ; ro bas ic à tinôl 15 15 ;/;«! truagh
ira ro bas isin cobhlach 2144.
ADDITION
Variantes en ce qui concerne les verbes qui n'ont pas été
donnés par Whitley Stokes ; elles sont tirées de S (Stowe,
Div, 2).
imariadais S, 19
ni bi S, 67
na rosgab S, 73
no gniad S, 79
ro orniset S, 98
asb^rtea S, 108
Ro comroinnit S, 115
ro faided S, 132
ro tinnta S, 146
co ro geoguinsat S, 163
gur' tardhodh S, 173
dofoeth S, 18 r
ni bid S, 210
i mine hordaige S, 212
daronnisium S, 216
Asaid S, 222
Aslaigid S, 223
bad S, 227
ro fas S, 230
gombui S, 252
U Système Verbal dans In Calh Catharda. 45
i géin bias S, 258
i filet S, 302
bad S, 360
no betheadh S, 395
conna raghadh S, 396
atconnarc-sum S, 403
beirthi S, 414
ni dlegtar S, 415
ro c;7<agad 7 rocaitig S, 418
co nthen S, 421
co tuiced S, 491
ro bigsat S, 498
ros-lin S, 499
zmail bid S, 518
sailmit S, 547
roichisiu cuigi S. 549
na bia S, 564
ni fogabar S, 594
bas S, 599
gellfait S, 603
dobt'rtar S, 607
gusa torraighe S, 646
na bat S, 643
na bat S, 644
fO?margaibh-sium do CesairS, ééo
daroctadar S, 679
bad S, 727
Inian batar S, 1194
ITe inso ïminorro, 1209
atcitt'/- S, 12 14
go mbi S, 1239
ni bûi S, 12))
bad S, 1256
ro tencastar S, 1260
ni cuinneag-sa S, 1299
na farcaib S, 1322
atain cathair S, 1335
congabat S, 1337
4^ Alf Sommerjelt.
tobairS, 1349
tilS, 1355
tinoil S, 1358
ar faidit S, 1365
i mbadar S, 1377
g//;- ascnadar S, 1445
conàobcn S, 1455
bemit S, 1467
nac tiberte S, 1496
i ndernai S, 1499
doratta S, 15 19
tarrastar S, 1532
orda bis isin tsruth icein S, 15 61
itait-sen S, 1584
na faicit S, 1584
ni bui S, 1614
no mardais S, 1644
fora tat S, 1701
nirsa S, 1707, 1708
ro duinit S, 17 12
nirsa lor S, 1765
ro tegoisc S, 1802
i mbùi S, 18 10
no laethe S, 1855
no toitidis S, 1871
scithaighter S, 1890
ni derna S, 19 10
comtis S, 19 14
g7/ro cuirit S, 1958
ro foilgedh S, 198
ro stiurn S, 2037
co «d^rnai S, 2056
Sinis S, 2057
ro caidh S, 2097
ticed S, 2146
bid araile S, 215 1
no facbad S, 2163
no bfcvad S, 2164
Le Système Verbal dans In Cath Catharda. 47
da mbid S, 2168
sochtais S, 2180
giiro dibra/gur S, 2184
O'tconnairc S, 2198
ni dfrna S, 2201
dosbert S, 2209
ba S, 2213
romaeltamnaig S, 2219
Darochtadar S, 2278
nir' cuimgiset S, 2313
ro leced S, 2383
scibid S, 2492
gur' islige S, 2493
retidis S, 25 11
no ibdais S, 2533
no gabtais S, 2540
ro laesat S, 2547
(Dublin, janvier 1915.)
(^A suivre.^ Alf Sommeri-elt.
NOTES
ÉTYMOLOGIQUES ET LEXICOGRAPHIQUES
(Suite)
98. Irl. ABAR ; gallois abar.
D'après O'Donovan (suppl. à O'Reilly), ahar en Donegal
a le sens de pièce de terre marécageuse. Dinneen, outre ce sens,
lui donne celui plus précis d'argile, ou tourbe pour engrais, et
de plus au sens métaphorique, celui d'embarras, difficulté.
Silvan Evans attribue au gallois abar le sens de carcasse,
charogne, chair en putréfaction et un sens adjectif de pourri.
Aucun des exemples qu'il cite n'est absolument concluant.
Le premier est tiré d'un poème de Llywarch Hen disant de
lui-même (Skene, Four a. B. II, 261) :
wyf annwar abar, luyf hen .
« je ne suis qu'un débris (?) désagréable, je suis vieux. »
(Cf. le français vieux débris.) Dans le second {Myv. arch.,
210.2) il est dit de Llywelyn ab lorwerth : yn ervid yn arvod
abar.
On ne sait si abar se rapporte à Llywelyn ou qualifie ^rwJ.
Le troisième paraît plus clair (tiré deGro. Owain) :
Diardwy abwy abar fyti
« tu seras une charogne désarticulée, une carcasse ? » Ici, abar
peut être adjectif (tu seras pourri), comme dans cet autre
exemple ÇMyv. arch. 222.1) où abar est en composition
avec beddau: abar feddau les tombes pourries (où on pourrit ?)
Le passage le plus intéressant au sujet d'abar (il a échappé à
Silvan Evans) se trouve dans un poème de Dafydd Benfras
Noies étymologiques et le.xicooraphiqucs. 49
(xiii s., M\v. nrch. 222-1) : le poète parle de se préparer à
la mort et demande à souffrir avant la fin :
Kyn bwyf abar ambo lluted
« avant que je ne sois abar, que j'aie fatigue ». Il me semble
que le sens d'abar s'éclaircit si on le rapproche d'un vers de
Meilir (M)'!', airb. 142.1).
Giueiiiiji y m Reen ri
Kyn bwyf deierin
« je travaillerai pour mon chef et roi avant que je ne sois
devenu terre (sous terre) ». Deierin est un dérivé connu de
daiar. Aneurin jeté dans un cachot l'appelle ty deierin, maison
de terre, souterraine .
Abar paraît bien signifier pourriture, peut-être plus préci-
sément et primitivement terre putride. Dans le passage précé-
dent ce sens irait fort biem Si cette h5^pothèse est justifiée, les
deux mots irl. et gallois ont une origine identique. Mais à
quoi rattacher un vieux celtique *abbaro ? Il est difficile de séparer
abar du gallois abwy, abo charogne. Quant à l'irl. abîach, qui
a le même sens, l'étymokîgie qu'en donne . Macbain (^ad-
balâko-) ne serait pas fondée dans ce cas.
99. Le préfixe AD- en gallois : eikniui.
Le préfixe qui est ad- en irlandais se présente en gallois sous
la forme add- devant les voyelles : add-oer « très froid » .
Devant p, t, c, le J s'assimile et produit des spirantes sourdes:
athaw « très silencieux », albref « demeure » ; achas « odieux » ,
corn. ahas. Devant /^ d, g, le d s'assimile : aber « confluent ",
abcrth « sacrifice », agaric « rude » . Devant r il y a assi-
milation à r : eirif ( = ad-rïtn-^ « nombre ». Devant m, il y a
eu sans doute assimilation, mais on trouve aussi add-: add-
fiv\n « doux », formation postérieure.
Il semble que d devant / ait le même sort que d devant /',
le groupe -dr évoluant comme -gr-. Cette évolution explique-
rait des formes énigmatiques, comme eilemvi: acgwedy eylenziy
0 Wrgant varyf Twrch dxeued y vuched (M. A. 493, i) « et
après que Gwrgant \c\r\ Truch eut terminé les jours de sa"
vie » .
Rn'tte Celtique. XXX VIII. 4
50 /. Lolb.
yd eyhnnvey ynteu y crculoudcr (M. A. 493,2) « Il assou-
vissait sa cruauté » .
Le gallois é'/7m», image ; eilyw^ traits (Mab. L. Rouge, p. 70)
peut à la rigueur s'accommoder de Vétymologie eil-liin,eil-Irw ;
mais il ne saurait en être de même de eilcnioi, ni non plus de
eiliw, eiliwed ', reproche; d'autant plus qu'on trouve à côté
l'dliw (^oti-Iiij-): Heng mss. 261 : ?ia chyvedliw y pechaïut
hiunn at Invy, ne leur reproche pas ce péché. Eilizu supposerait
ad-Iiij. Jusqu'ici en faveur d'un traitement de -dl- semblable
à celui de -gr-, Pedersen n'avait pu invoquer que l'irl. sgâile
à côté du V. bret. esceileiin gl. cortina, qui n'est pas décisif. A
l'appui on peut encore faire remarquer qu'il n'y a pas
d'exemple en gallois de -//- = -dl-. A remarquer que ad- avec
son double sens de perjeclion et ^'addition conviendrait aussi
bien à eilcHun qu'à cil un.
100. V. Irl. adbol ; irl. moy. adbul, adbal ; gall. arfivl .
Le sens de l'irlandais est bien établi ; iiidadbol (Prise. S. Gall,
Thés, pal., II, p. 220-217'' 5) §'• '^'(ilde. Le sens ordinaire est
puissant, grand, vaste (W'md, JVôrty, énorme, iinincnse (O'Keilly;
Dinneen à adhhhal').
En gallois, Arvtil Meliii désigne le cheval de Pascen (Z,.
noir, 10, 6. ap. Skene, F. a. B. ji , 10, 6). Sa grande taille
est indiquée dans le même recueil par un autre vers (p. 49,
19): •
kin ottei eiry hid in aritul nielin
nym gunaei artu avirtul
« Quand même il neigerait jusqu'à Arvwl, cela ne me ren-
drait pas très sombre, très déprimé. »
Dans le Livre d'Aneurin (F. a. B. II, 100, 8) Bleidic mab
Eli est monté sur Arvwl Cann :
ac en dyd camaïun camp a wneei
yar arvul cann
« et au jour du combat il faisait des prouesses (monté) sur
1. Pour cU\iuel,d. L. Tal. (F. a. S. 149, 27); L. Aneurin (ibid. 87).
2. L'irl. liim est à rapprocher de l'iij- t't ne s;.urait remonter à un Jéjo.
Notes étymologiques et lexicographiqnes. 51
Arvwl Cann. Le sens de arfwl, ardeur est dû à l'imagination
d'Owen Pugiie.
Llwyd donne le sens d'arfzvll à l'épée de Tristan {Arcb. 213).
Je ne sais d'où il a pu tirer ce sens. En tout cas les deux
mots sont différents. L'irl. comme le gallois suppose -bûJo-
avec un préfixe différent.
ICI. V. irl. -ÂER ' ; gall. awyr ; corn. awid.
Les formes du v, irl. aiev, àtr, gén. aiêïr, dat. aîar {l-sslnn-
aiar), rappellent singulièrement celles de l'irl. moy. a bel, aél,
âini, brise ; il est fort probable qu'il y a eu influence
d'un mot sur l'autre, de ahél, aél, aial sur âer, aér. Il semble
qu'en brittonique les formes empruntées à âèr aient dû aussi
subir l'influence d'un mot indigène. Tout d'abord, le gallois
aiuyr ne peut être tiré de âèr, gén. âèris qut si on suppose le
mot emprunté au nominatif ou si on suppose la quantité de ê
du nominatif passée au cas oblique.
Il faut supposer en outre que âîvyr^ est devenu aiuyr, ô
devenant à par suite d'atonie. Le contact avec un mot britto-
nique devient indubitable en face du mot du voc. corn, apuit,
aer {t = d). Le mot malheureusement ne se retrouve plus en
comique.
Il semble qu'en gallois aiuyâ ait eu ce sens à en juger par
un exemple chez un poète du xii'=-xiii'= siècle, Llywarch ap
Llywelyn, plus connu sous le nom de Prydydd y Moch
(Mvz'. arch. 208-1). Il s'adresse à Rhys Gryc :
Dy arwyt ech awyt uchod
ys argrat ? y gad y ganvod
« ta bannière en l'air là-haut, qu'il est effrayant dans le
combat de l'apercevoir. » Le sens de cch ici est douteux :
cf. ech-doe, avant-hier, ech-nos. Awyâ a l'accent sur w.
Auyd suppose un vieux celtique aueido- ; son sens habituel
1. Irl. moy. aér (K. Meyer, Coiitr. suppl. à la page 28).
2. wy est une vraie diphtongue et a l'accent sur u-; au xiii^ s. l'accent
avance sur v ; mais jusqu'au xv^ l'ancienne valeur se montre : chez Ll. Glvn
Coth. : awyr rime avec U7r, petit-fils.
3. Sur argrad, cf. J. Loth, Kemarques el add. à Silv. Evans, Arch. f. C. L.
I, 454-
52 /. Lot h.
est souffle arJcnt, vchênieiit, ei aussi ardeur, iinpéliiosité. Sa
parenté avec aiu-el, vent, aiu-en, inspiration, est évidente. Il ne
saurait être question d'un emprunt à avldus, qui eût donné
eivyâ. C'est aivyâ évidemment qu'on retrouve sous le latin
avide de Nennius, Historia, chap, xlvi : Guortheiiiir quatuor
bella contra eos avide gessit.
102. Irl. ag; gallois eilon.
Le mot gall. moy. eilon (et eiliorî) désigne proprement les
daims et métaphoriquement les chevaux. C'est évidemment
un pluriel.
eirymynyd eiJion ffraeth{L. R. 241, 4) « neige de la mon-
tagne, les daims sont bruyants ».
val eilon niynydd y sarff hwn y sydd (Ll. Gl. C, p. 253)
« comme les daims de la montagne est ce serpent » (en par-
lant d'un cheval).
oian a parchellan andaude ir eilon {L. N. 26, 27) « petit
pourceau, entends-tu les daims ? ».
De même, on trouve ceiriu « cerfs » pour « chevaux »
ceiriu iich cain ebran (Cynddelw, M . A . 154, 2)
eilon =*agliones est un dérivé du radical conservé dans l'irl.
ag « daim ».
103. Irl. aile, aill; gall. eil; y neill ; corn. nyll.
Le breton eil « second » offre une épenthèse qui ne se
présente que dans quelques mots terminés par une spi-
rante douce (blei~^, bei~, fei:^ et encore pour quelques mots
n'y a-t-il pas unanimité dialectale (par ex. pour fe^, à
l'exception de teil « fumier », dont l'étymologie n'est pas
sûre ; or le yod final ne produit pas épenthèse en breton :
del « feuilles », gall. dail; n final n'est mouillé que lorsqu'il
est double: dên de *dmiio-, mais dispign « dispendium ». On
pourrait donc supposer par analogie *all-io- mais le gallois
n'a qu'une /. Il doit être identifié avec l'irlandais aile- *alio-. En
breton, une forme régulière *el a été évincée par une forme
apparentée qu'on retrouve clairement dans le gallois)' neill,
corn, an nyll, annyl, l'un des deux, py nyl, na «3'/ (écrit aussi
nyl). Comme sens et origine, le comique est identique au
Notes élyiiiulo^iqiu's et lexicographiques . 53
gallois: y neill. Dans les deux cas, il faut supposer l'article on
(v;/, aii) et eill. Quant au gallois Hall, il peut être pour al-all
ou pour n-all par dissimilation. C'est évidemment une forme
hystérogène. Le comique y répond par 3/ gek et pour le fémi-
nin spécialement par y ben, comme le breton. Le double //
rappelle l'irlandais neutre aill, avec une dérivation différente.
Comme il y a idée de comparaison, on peut supposer une
forme comparative *aU-iûs {aln-ids).
104. Irl. moy., àin, pousser; célébrer (cf. aige, célébra-
tion).
Legall. moy. Kyvaenad <.i réunion » son de*cotn-agnatu.
En voici des exemples :
Kyvaenad Keliiit Kynelvo Dovit (L. N. 7, 11, 12) « réunion
habile, profit venant de Dieu ».
Arthur vendigat \angerd gyfaenat (L. T. 156,5)
Kwyn Kyrt Kyvaenad na ivater (M. A. 169,2) « que l'on ne
refuse pas une réunion de poèmes de deuil ».
Il faut comparer irl. âinde *agm-. Le sens de « célébration »
pour l'irlandais aige (K. Meyer, Contrib., p. 36) a pu venir
d'un composé disparu avec coni-.
105. Irl. moy. aiss. rivière et ach, gall. aches.
Legall. moy. aches « flot, vague », sort de "aksissa- , cf. irl.
aiss « rivière », de *aksi- (K. Meyer, Contr , 70).
Aux exemples donnés par moi {Mélanges H. d'Arhois de
Jiibainvilk, p. 197) ajouter:
. ardwyreaf hael 0 hiuyl aches kyrt (M. A. 202, i) « je célébre-
rai le généreux par des poèmes ayant l'élan de la vague. »
tiuryf acher ain draeth, fracas de la vague sur le rivage
(Cynddelw, M. A. 162. i).
rys nwlaf om hert oni hein aches (M. A. 160,1) « je le louerai
par ma belle inspiration ». Cf. kyn kainuyf a diufyn a dofyn
aiuen ;
Aches dans le sens de besoin est pour ankes: cf. achenog et
anghenog.
106. Irl. moy. aithbe ; gall. etfyn.
A l'irlandais aitl)be (auj. aithbhe) « reflux, déclin » de *ali-
54 /• Loth.
hio- correspond en gallois un verbe de même composition,
avec -;/- au présent et de sens analogue : et-fyn, de *ati-hentt
ou *ati-bcniet :
ei ongyr ei angerdd nid ctfyn (M. A. 173,2) « ses coups de
lance, son ardeur ne faiblit pas » (en parlant de Rhys ap
Gruffudd).
Dans le passage suivant, ce verbe a un sens plus voisin de
Tétymologie :
ail llaii! am edfyn
ywllad LJyweJyii (M. A. 148,2)
« Un autre saut qui m'abat, c'est le meurtre deLlywelyn. »
Llaïuii, comme en breton, le sens de « saut, chute » qu'on
subit ou qu'on provoque.
Le sens de at = *ati- pour signifier changement en mal est
connu (J. Loth, Remarques au Dictionary de S. Evans, Arch.
f. celt.Lex. I, p. 423).
107. Irl. AITHBERIM ; gall. ADFAR.
J'ai rapproché l'irlandais aith-herim « je reproche », du
gallois ad-jeirio, adfeir, même sens, de *ati-hcriô. Mais adfeir
ne peut se séparer de <?^///}7r « repentir » ate-di-bari-=^mi\.-Q\ir.
*Mti-dë-bhr .
On trouve aussi dans ce sens le gallois moyen ndfar =
*ati-baro-, *ati-bhr :
Gahvaf Dmv gan dcifniawc ndfar (M. A. 148, i) « j'invo-
querai Dieu avec un repentir profitable ».
108. Irl. moy. aithrech « repentant », aithrige « repen-
tir » ; gallois attrec.
Il est impossible de séparer du comique cddrck, moy. breton
a::^rec (( remords », le gallois moyen allrcc. Les dictionnaires
donnent à ce mot le sens de « arrêt »; il a manifestement
dans certains passages le sens de « repentir » :
ny tiuu'c rac dricweithred im atlrec guydi darffo (L. N., 5, 11),
« cela ne remédie pas, en ce qui concerne une mauvaise
action, de se repentir une fois que c'est fait ».
Le dérivé attrcgiuch a le sens d'arrêt, mais aussi de repentir:
gnaiid guydi traha allregiuch (L. A/"., 60, 8), « c'est chose habi-
tuelle que le repentir après l'arrogance ».
Notes étymologiques et lexicographîqiies. 55
assuinaf y chnaiit na chcluch ych porth can perthin atlreguch
{ibid., 4r, 5).
L'irlandais moyen aithreach « repentant, pénitent y),aithrige
« repentir » suppose *ali-reJw-, ati- *rek'm-(y^\\. Stokes, Urk.
Spr., 9). Pedersen {Vgl. gr., II, 594) y voit une racine *rcg-^
ce qui séparerait legoidélique du brittonique.
La persistance de la graphie tt, t en gallois fait supposer la
présence d'un pronom infixe : *ati-to-, *ad-io-reko-. Le breton
suppose *ati-reh-. Le du comique eddrek ne s'expliquerait pas
sans edrege, edrega, « repentir », de *ati-rekiâ : edrega pour
*edieged.
109. Irl. Al; gall. ael, aelaw.
L'irlandais âl signifie « portée (de truie, de chienne), cou-
vée »), aujourd'hui « progéniture, petit d'animal » (Dinneen).
Le mot gallois aehnu, au sens de « richesse », semble dérivé
de ael « couvée, portée » :
oet aeJav vtiit diilloet dihcueirch (L. N., i9, 14), « c'était
une richesse pour eux que des mœurs intrépides ».
ay aelaw ny chroniuiwd « et il ne thésaurisa pas ses richesses »
ÇMyv. Arch., 278, i). Un des éloges habituels des bardes à un
chef, c'est qu'il n'amasse pas, mais qu'il distribue ses biens.
Le breton eal « poulain » a été identifié à tort avec le gal-
lois ael. Le trègorois dit en effet éal ; or ce dialecte ne connaît
pas la métathèse de ae en ea, comme -le fait remarquer Er-
nault(G/oi5. moy. -breton). Le mordu vocabulaire comique ehal
« pecus, iumentum » suffirait d'ailleurs à faire rejeter ce rap-
prochement.
iio. Gallois AL, petit d'animal ; race ; alu, vêler; breton
ALA, id. (moyen-bret. hallajf : h n'a rien d'étymologique).
Dans le dialecte de Glamorgan, âl peut représenter réguliè-
rement ael, et il a pu y avoir confusion. Mais al est d'un em-
ploi général en Galles. Dans le sens de race, nation, cf. M.
A., 205.1 :
y al a gediuis, « il a gardé (sauvé) sa race ». On dit aussi al
luyddylhrace des Gaëls, al v Cxinry, la race des Gallois (Silv.
Evans, IVehb Dict.). Le moi est amené par alu « mettre bas,
vêler >'. Cf. irl. alaiii, troupeau ; gall. alaf, troupeau et richesse.
$6 /. Loth.
111. Irl. moy. âlad, blessure, gén. Alaid ; irl. mod. âladh,
gén. nlihih, blessure, mauvaise disposition à l'égard de —
gallois AELE, ANAELE.
Le gallois aek, a le sens de douloureux, triste ; aekii, a le
sens de douleurs, peines et est un pluriel ;
odid rhag angaii a '/ aelau maïur
« c'est chose rare que devant la niort et ses grandes douleurs
(blessures)». (Llvwarch lien, M. arch., 1.113 ap. S. Evans,
WeJsh Dict.)
En gall. moy. auaclen (mal lu anaelew, comme le prouve
la rime) a le sens de terrible, douloureux et a même pris à une
époque récente le sens de incurable. Ce sens s'explique par la
valeur intensive de an-.
Anaele {anaeleii), subst. a clairement le sens de douleur :
Llaiv paii'b ar ei anaele : (sud-Galles) ; var.
Llaw pau'b ar ei ddolur : « chacun met la main sur sa dou-
leur (blessure) » (S. Evans, W. Dict.).
L'irlandais suppose *agl-ato- ; le gall. aglotj-.
Ce thème est à séparer de ail « reproche, blâme », que
Stokes fait venir de *agli-; ail a en effet à bref (K. M., Coulr.)
et n'a rien à faire avec âladh.
112. En moy. irl anair «poème laudatif » (Corn. 3,
O'Mul., 537, ap. K. M., Contr.) ; gallois an-, anant.
Il y a en gallois moyen un verbe an « célébrer » :
a minheu om radcu rym anant (M. A., 212, i) « ils me
célèbrent »
et un mot anant pi. « bardes », « poètes » :
py dawant anant na phrydant ivaiudÇM. A.,\, 189) « pour-
quoi se taisent-ils, les poètes qu'ils ne composent pas de
louanges ? »
anant ae ciuynant (ibid . , I, 320) « les poètes le pleurent ».
Un composé de la même racine est cyn-an « parole,
louange », et le \tx\)t cyn-an :
ac vei gnyver kinan am y gylchin huan ar gnyver pegor
yssit y dan mor {L. N., 7, 13) « quand même il y aurait
autant de paroles autour du cercle du soleil qu'il y a
d'animalcules sous la mer ».
Noies étymologiques el lexicographiques . 5.7
Kyvaenad kxnan 0 Crist kein didanÇL. N., 4, 12) « Richesse
de conversation sur le Christ, belle récréation ».
Arthur ardercbawg cynan {M. A., 132, i).
nid oes gystedlyd...
nyd ydyiu yn fyw
ni daiu ni dodyw
ni chynan ni chlyiv.
{M. A., 147,2).
Cf. a^iaiu « inspiration », Pedersen (V. Gr., II, 670) sup-
pose que anaiu signifie « poète ». Aucun exemple ne peut être
cité à l'appui.
Cf. Llywmtà-w « conducteur de l'inspiration » Cynddelw
(M. A., 257) ; Elivri anaïukyrd « Elivri inspiration des
artistes, ou aux poèmes inspirés » (Mab. Livre Rouge, 265, 14).
113. Gall. AXC-.
Ce mot a le même sens que son composé di-anc dans plu-
sieurs textes gallois :
Tru namen un giur nyt anghassant {L. A., 102, 17) « chose
triste, un homme excepté, ils n'échappèrent pas ».
nyt anghei oïl ny vcioradein (Godod. 90, 23) « il n'en échap-
pait pas qui ne fût très-ailé ». Ce sens ne permet guère de rap-
procher dianc de l'irl. doiccini (Jcc). Cf. peut-être gallois engi
ar, « accoucher, mettre bas ».
114. Irl. moy. anfoss, turbulence, agitation ; gall. moy.
ANWAS.
oet anivas cas « il était d'une haine turbulente ? » (Af. A.,
164,2).
Ct. Angiuas edeinauc {L. A'., 51, 13 ; J. Lot h, Mah., I,
p. 212, n. 4) :
Anniuas cdeinnu'c, Anwas l'ailé, un des trois vaillants qui
ne revenaient jamais du combat que sur une civière.
C'est : an- privatif -j- ijosto-.
II). Gallois EINGYAW et GEXNI.
Ces deux verbes ont été coniondus l'un avec l'autre, par
58 /. Loth.
suite de mutations syntactiques : nyt ocd ryvedfich gau Liid noc
eigaw )';/ y kaiveJl hwnnw peth kymeint a hynny « rien n'était plus
étonnant pour Lluidd que pussent être contenues dans la
corbeille tant de choses » (Mab., 98.29).
Nyt eyngassei vendigeit Vran myiun ty (var. Penarth : nyt
angnsst'i^ « Bendigeid Vran n'aurait jamais pu être contenu
dans une maison » {Red Book, l, 28, 1 1 ; cf. nyt eîgwys, ibid.,
37, 20).
Ce verbe rappelle pour le sens gemri, « être contenu dans »,
gall. mo3^ 3'' pers sg. prés, (^)em et geing {ci. meilhring pour
mcithrin : J. Morris-Jones, Gr., p. 317, 168): gmni, géin est
évidemment à rapprocher de praehendô. Quant à eingyaw,
c'était vraisemblablement une formation passive en î: io-, de
*angd, « serrer » ; soit : « être serré, contenu dans ». Genni
est une formation semblable ; le suffixe du présent a passé cà
tout le verbe : genni = gandl-mu- (présent anal, gannaf).
116. Irl. moy. anglan ; gall. moy. anylan.
Moy. irl. anglan « impur » a pour correspondant le moyen-
gallois anylan (deux syllabes) : a dyadu tan an poploet anylan
{L. N., 9, II) « et lancer le feu sur des peuples impurs ».
Pour y de résonnance, comparez :
Karaf(y) gaer wennglaer odu giuenylan (9 syll. :y, nota augens
ne compte pas) « j'aime la ville forte blanche et claire du côté
du blanc rivage » (M. A., 197, i).
C'est an- prévatif -|- glan.
I 17. Gall. DI-AREB.
Ce mot qui a été rapproché du v. irl. arase, airesc « stipu-
lation » doit en être séparé. Il présente en effet les formes
suivantes en moyen gallois :
dilmereb R. B., poitr., 1329 (J- Morris Jones, Granim.,
P- 64) ;
diaerhebyon R. B., poitr., 974, 975, 1083 ;
diayreb M. A., Il, 55, 9 ;
diaereb Br. y T., 1^6.
Ce mot est arrivé à signifier « excellent » (qui est passé en
proverbe). Une forme apparente est dihcnru, dihenraiu, « dis-
Noies étymologiques et lexicographiques . 59
culper » (^Anc. laws, gloss., p. 128). Il semble qu'il faille par-
tir de di-haer-heb ou di-hayr-heh =*dî-sagro -j- seqiio-. Cf. gall.
haeru, affirmer,
118. Gall. crvynyad.
Ce mot qui correspond à l'irlandais ar-henim « je frappe .»,
« je coupe «, se trouve en moyen gallois :
LJachar var aervar crvynyad (M. A., 226, 2) « colère de
Llachar, fureur du combat, qui taille ».
119. Gall. ARDUNYAW.
Dym giuallovuiy Diizu diheudawn azven... yn ardiinyaiu giur
(M. A., 159, i) « Que Dieu me verse l'inspiration certaine
dans mon exaltation du héros». Cf. artuniant « célébration »
L. N., 40, 17, ardunyant {M. A., 185, 2).
Cf. irl. ard « haut », gall. ard- en composition.
120. Gall. AROS.
Aros est la forme du nom verbal et suppose *ari-uostu-.
Cf. v.-irl. ar-a-ossa gl. manet ;foss « résidence ».
Mais les formes personnelles n'ont pas s ; le thème est aro-
ou arho- :
dedwytach no mi ae harhowe
aniser Ksiàiuâladir (L. N.., 18, 4) « plus heureux que moi,
qu'il l'attende, le temps de Kadwaladr ».
gwae ae harhoes (L. T., 119, 28).
ac adar ae haroy nid arhoynt wy neh mamyn Dewi (M. A.,
195, 2) « et les oiseaux qui l'attendaient n'attendraient pas
d'autre que Dewi ».
yd erhy gwraged giueddaivt {L. T. , i > i , 4).
Cf. J. Loth, Mél. d'Arbois, p. 200.
121. Gall. AS et KAMAS ; irl.-moy. camas.
A l'irlandais as « pic » correspond le gallois as qui ne se
trouve que dans le passage suivant :
ossit lich yg clawd
neut Uryen a blaïud
6o ;. Loth.
uch hynt itch as
uch \mpop hamas (L. T., i88, 33).
« S'il y a un gémissement dans le fossé, c'est bien Uryen
qui s'agite, au-dessus de la ... ? au-dessus du pic ? dans chaque
kamas »,
Il paraît peu probable que iich dans iich hyjit puisse avoir le
sens de « gémissement « ; hynt est assez singulier. C'est bien
la leçon du manuscrit (p. 59-60, éd. Evans). Skene avait lu
nyiit qu'on aurait pu corriger en neint « vallon », ce qui eût
assuré par contre-coup le sens de as. Il y aurait des recherches
à faire à ce sujet dans la toponomastique. O. Pughe traduit
as justement dans ce passage par « surface plane ». En dehors
de ce passage, as ne se trouve qu'avec le sens de « côtes »,
smguhuiî a sen.
Le sens de canias est plus sûr. Il paraît indiqué par l'îrl.
moy. CAMAS, coude d'une rivière, baie (K. M., Contr.),
*cai)ibasso-. Il est possible que as soit, en réalité, à rapprocher
de asna, gall. asen et ait signifié primitivement coté, flanc de
colline, plutôt que pic.
122. Irl. moy. b.JlGACH, « belliqueux, combatif»; gall.
moy. -boawc.
Boavjc apparaît en composition dans le Livre Noir, 5 1 . 29 :
rutu'oanc en parlant de Madawc ab Maredud. Cf. Cynddehv :
rnivoawc va rchaïuc {même orthographe: M. A., 237.2; 251.
2; 257.2; modernisée, ibid., 224.1: Rhun Rhuddfoazug).
De même dans les Triades du Livre Rouge (éd. Rhys-Evans,
P- 303- 5)- Tri rudvoawc. Rhudvoawc est devenu Rhudvaawc,
par évolution phonétique et aussi à cause de l'interprétation du
nom : ils étaient ainsi nommés parce que rien ne poussait où
ils étaient passé, pendant un an, ni herbe ni plantes.
Bdghach, -boawc = bâgâko-, cf. nidveâel, le rouge moisson-
neur, L. Aneur. et L. Tal.
123. Irl. cuMBRE, brièveté ; cumbair, court, bref (K. M.,
Contr.); irl. mod. cumair ; gall. dygymmyrru.
Dygymmyrrn a été traduit à contresens par Silvan Evans
Notes étymologiques et Icxicographiqucs . éi
{JVelsh Dict.) : estimer, respecter. L'erreur est venue d'une con-
fusion zxeccynitnyrrii, cymmyrredd, considération, estime (thème
-borr). Les deux exemples suivants qu'il cite lui-même suf-
fisent à le prouver : L. an., 65.14:
Gwyr a aeth Gatraelb.
Dygymmyrrws euhoet euanyanaïur . « Les guerriers qui allèrent
à Catraeth, leur tempérament abrégea leur vie. »
Cf. le proverbe (M. A., m. 155):
Dygymmyrrid haiarn boedl dyn. « Le fer abrège la vie de
l'homme. »
Dygymmyrr- = *to-com-berr- ; ciimbre = *cumberiâ. Le mot
cumbre est attesté en vieil-irlandais (archmnbri , B. Cr. 3 i c 9
in Thés. Pal. hib., H, 15 ; le Ms. de Milan a la forme cnimre,
14 d 3).
124. \". irl. ATBAILL ; gall. moy. adveil ; aballu ; corn.
BAL, bret. SALUENT.
Le V. irl. atbaill, écrit aussi ad-baill qui meurt (Wb 4 de
1 5 ; 1 6 b 1 1 ; Ml 1 08 a 3 ) est composé de at- = ad-d- et du pré-
sent de -bail- = -bain-. La graphie avec un seul / parait venir
du subj. at-bela. Il y a eu confusion entre û^- et as- (css-) en
raison de la ressemblance de son (infinitif epeltu et apaltn ;
conid-apail et epil, Thurneysen, Gr., p. 461); cf. Pedersen,
Vergl. Gr., II, 459: pour les formes avec a initial, influence
de ad-batli). Irl. moy. : at-bailim. je meurs (K. M.. Contr.') ; irl.
mod. eablaim, je meurs, tombe (Duncan).
Le gallois moyen est composé avec ait- et une forme avec
/ simple de la même racine : le gallois remonterait plutôt à
bel-. L. Noir, 14, 10. F. a. B., 11: kadarn bugeit Crist. nid
adweil y ieilygdaw. « Le Christ est un puissant berger, sa
dignité ne décline pas. » Cf. adneuydu a orne y keyryd a atvei-
lynt, « il répara les remparts qui tombaient en ruines » (Brut.
Gr. ab Arth., M. A., 11 . 155) ; henllys atvciledic, «vieille cour
en ruines » (Mab. L. R. ap. S. Evans, Welsh Dict.).
Le gall. moy. aballu a le sens de dépérir : a dolyriaw 0 Trollo
giuelet e pobyl en aballu 0 neiuxn « et Trollo éprouvait de la dou-
leur de voir son peuple mourir de faim ». {Brut. Gr. ab Arth.,
M. A., 11.313). On trouve aussi aball, décadence, dispari-
62 /. Loth.
tion {Brul. Gr. ah Arth., M. A., 11.261): gwae hi y drcic
coch kans y haball yssyd yn bryssyaw, « malheur au dragon
rouge, car sa perte arrive rapideinent ».
AbaJl suppose ad-hallo- (*ad-bal-no-) ; à la même racine, se
rattache \e bal, pestis, du voc. corn., et aussi un mot très
rare du moyen-breton haliient :
bon gucitre salo a pep baluent « il nous fit sauf de toute peste
(malheur, fléau) » (Noëls bretons, Rcv. Celt., X, p. 317).
125. Gall. CYNFYL, discorde, lutte ; rhyfel ; hret. arvel.
Le sens du mot cynfyl est attesté par les exemples suivants:
bychan fydd main y cynvyl (M. A., 841, 2) « petite est la
mère du conflit » (c'est-à-dire : une querelle naît souvent
d'une cause insignifiante) '.
Ffrangkod, Sacson, luychion weikh
Gwyddyl, main kynvyl, kcinveilch (lolo Goch, éd. Ashton,
p. 130, 82).
« Français, Anglais, vaillants faucons, Gaëls, source de
querelle, beaux et fiers. » (Cf. ibid., p. 214, 34.)
ath ofyiiaf heb gynfyl (M. A., i . 178) « Je te demande,
sans querelle «.
Le breton-vann. arvel a le sens de querelle, noise ; arvelloiir,
ergoteur (Ernault, G/'.) ; à rapprocher évidemment du gallois
rhyfel, guerre. Kynfyl supposerait con-hel'i ; on a rapproché
arvel, rhyfel (et par conséquent arvel) de bel- dans le subj. irl.
at-bela, prés. 3*= sg. at-bell (ci-dessus). Les sens sont fort dif-
férents.
J. Loth.
I. Cf. m. a. 867,2: ychydig niam y cynnen.
CHROXiaUE
Sommaire. — I. Deux nouveaux académiciens, MM. le commandant Espé-
randieu et Adrien Blanchet. — II. Un article de M.J. Loth sur l'impor-
tance des études celtiques. -- III. John Rliys et Lly%varch Revnolds
jugés par M. Gaidoz. — IV. Une nouvelle édition de Marcellus de
Bordeaux par M. Max Niedermann. — V. M. Jeanneret et la langue
des tablettes d'exécration latines. — VI. Les relations entre l'Aquitaine,
le Poitou et l'Irlande duv= au ix« siècle d'après M.Boissonnade. — VII.
Récentes publications sur les chants populaires d'Irlande. — VIII. Le
tokharien et le celtique d'après M.J.Pokorny. — IX. M.Tom Peete Cross
et l'Ystori Tristan.
I
Dans sa séance du 7 février 1919, l'Académie des Inscriptions
et Belles-Lettres devait élire deux membres libres en remplace-
ment de l'abbé Thédenat et du marquis de Vogué, décédés. Elle a
fait choix de deux savants, qui ont tous deux bien mérité des études
celtiques, le commandant Emile Espérandieu et M. Adrien Blanchet.
Le premier a consacré les loisirs que lui laissait le métier mili-
taire à l'épigraphie et à l'archéologie gallo-romaine ; on sait la
part qu'il a prise à l'exploration épigraphique de la Tunisie et plus
tard aux fouilles du Mont-Auxois ; ses publications sont fort nom-
breuses et ont été souvent citées dans notre Revue ; son principal
titre de gloire est d'avoir entrepris le Recueil général des bas-reliefs
de la Gaule romaine ; sept volumes ont paru de ce précieux réper-
toire, indispensable à tous ceux qui s'intéressent à la plus vieille
histoire de notre pays (v. Rcv. Celt., XXVIII, p. 352) ; le dernier
volume est daté de 19 18.
M.Adrien Blanchet est à la fois un archéologue et un numismate.
Nos lecteurs ont pu apprécier ses intéressantes « Chroniques de
numismatique celtique » (t. XXVIII, 73 ; XXIX, 72 ; XXX, 189 ;
XXXI, 49 ; XXXII, 396; XXXIV, 397), et chacun connaît son
Traité des monnaies gauloises (Paris, Leroux, 1905 ; cf. i?. CeU . ,
64 Chronique.
XX\'I, 178) ; il en a repris la matière dans le premier volume du
Manuel de Numismatique française publié chez l'éditeur Picard. Il
s'est fait connaître comme archéologue, notamment par son
ouvrage sur Les enceintes romaines de la Gaule (Paris, Leroux, 1907)
dont la Reinie Celtique a parlé, t. XXVIII, p. 87 et 1 10 ; il a
publié, en outre, toujours chez l'éditeur Leroux, des Mélanges d'ar-
chéologie gallo-romaine (2 fascicules 8°) et une Elude sur la décora-
tion des édifices de la Gaule romaine.
A notre savant collaborateur comme au commandant Espéran-
dieu nous adressons nos félicitations.
II
La Revue hebdomadaire, dans son numéro du 20 septemore 191 9,
p. 281-303, a publié un article de M. J. Loth sur les Etudes Cel-
tiques et leur importance. Il était bon d'attirer sur ce sujet l'attention
du public lettré de notre pays.
Les études celtiques jouissent d'une fortune heureuse. Depuis
1870 où M. Gaidoz fonda le premier périodique consacré au cel-
tique, on a vu naître et prospérer près d'une dizaine de revues
celtiques ; la plupart sont assez viables pour résister, espérons-
le, aux effets de la tourmente mondiale. Et depuis 1875, où le
celtique pour la première fois figura officiellement sur une
affiche universitaire (à Strasbourg, sur l'initiative d'Ernst VVin-
disch), le nombre des enseignements du celtique n'a fait qu'aug-
menter. Il y a toujours eu des celtistes en France, en Grande-
Bretagne, en Allemagne ; il y en a eu aussi en Italie ; il y en a
aujourd'hui aux Etats-Unis et jusque dans de petits pays comme la
Hollande et la Bohême, le Danemark et la Norvège; ce ne sont
pas les moins illustres, si l'on songe seulement au danois Pedersen
et au norvégien Marstrander.
Le coup d'œil ainsi jeté sur le présent est vraiment rassurant
pour l'avenir. Mais par une ironie du destin, cette fortune des
enseignements coïncide avec une disparition rapide de la matière
enseignée. Les langues celtiques sont aujourd'hui parmi les moins
vivantes du globe. L'état du gaélique de Man est désespéré ;
il n'en restera bientôt plus qu'un souvenir, comme c'est le cas
depuis 150 ans du brittonique de Cornwall. Le gaélique d'Ecosse
est fort malade, ainsi que celui d'Irlande ; malgré les efforts que
l'on tente pour les sauver tous deux, certains des médecins qui les
soignent avec le plus de dévouement redoutent une issue fatale. Le
breton de France, encore importr.nt par le nombre de ceux qui le
chronique. 65
parlent, est néanmoins gravement menacé. C'est le gallois qui est
le plus vivace de tous les dialectes celtiques, et cela parce qu'il y a
en Galles une classe bourgeoise éclairée qui a la volonté de le
taire vivre ; le gallois est une langue de bonne société, une langue
littéraire ; c'est aussi la langue en laquelle on prêche et on prie.
Or, chacun sait combien l'église pénètre dans la vie privée et
publique du pays de Galles. Quel contraste avec le breton!
M.J. Loth, qui n'est pas suspect de complaisance à l'égard des pré-
tentions de certains Celtes à l'indépendance politique, ne craint pas
d'opposer les encouragements accordés libéralement par l'adminis-
tration anglaise à l'enseignement du gaélique dans les écoles
d'Irlande aux mesures d'intolérance tracassière que les autorités
françaises appliquent au breton dans notre Bretagne. Il est étrange
qu'on ne favorise pas l'existence du dernier débris de celtique
vivant sur le continent. Nos parlers bretons sont des monuments
dupasse aussi respectables que les dolmens, menhirs ou cromlechs,
sur lesquels l'administration étend sa sollicitude !
Qiiels sont les titres du celtique à mériter cette sollicitude, ce
n'est pas à nos lecteurs qu'il y a lieu de l'apprendre, mais il est
toujours bon de le rappeler au public. Sans exagération ni
emphase, par la seule éloquence des faits, M. J. Loth montre
l'importance du rôle des Celtes dans l'histoire. Antérieurement au
iv^ siècle avant l'ère chrétienne, les Celtes sont historiquement des
inconnus. Mais l'archéologie révèle leur existence quinze ou même
dix-huit siècles avant notre ère sur une notable partie de l'Europe.
C'est au iv« siècle qu'ils sortent brusquement des ténèbres et se
déchaînent à travers le monde ; au iii<= siècle ils sont maîtres de la
plus grande partie de l'Espagne, des Iles Britanniques, de la France,
de la Belgique, de la Hollande, de l'Allemagne occidentale et méri-
dionale, de l'Autriche. En 281, ils s'emparent de la Thrace, pous-
sent leurs incursions jusqu'à Delphes, vont s'établir en Asie-Mineure.
C'est l'époque de l'empire celtique, qui s'étend de l'Océan Atlan-
tique à la mer Noire. Empire sans cohésion et d'une durée éphé-
mère. Entre 238 et 219 Carthage s'empare de l'Espagne, où Rome
laremplace en 201. Successivement, la Gaule Cisalpine (238-192),
la Galatie (189-25), l'Illyrie (129), la Gaule transalpine (58-50), la
Rhétie, la Vindélicie et le Norique (15-9) tombent aux mains des
Romains. En même temps au centre de l'Europe, les Celtes recu-
laient devant les Germains : à l'époque de César la tribu celtique
des Volcae Tectosages se maintenait encore au nord du haut
Danube, autour de la forêt Hercynienne. La domination romaine
déborde même au delà des mers : la Grande-Bretagne est entamée
Revue Celtique, XXXVIII. 5
66 Chronique.
en 45 et en partie conquise. Toutefois quand les Romains la quittent
en 410, elle se retrouve celtique de langue et d'institutions.
Mais en Gaule, le latin étouffa définitivement le celtique. C'est
dans les îles qu'il devait continuer à vivre, non sans de longues et
âpres luttes. Les premiers siècles du moyen âge sont marqués en
Grande-Bretagne par l'anarchie et les guerres intestines. Les
Angles, Jutes et Saxons conquirent la majeure partie de l'île sur
les Bretons, mais il leur fallut un long temps pour assurer leur
conquête. En 633,1e royaume de Northumbrie tombe sous les
coups de Catwallon, roi de Gwynedd et de Mon. Au Nord-Ouest,
les Bretons de Strat-Clut défendent vaillamment leur indépendance
contre une alliance des Pietés et des Anglo-Saxons : en 734 ils
détruisent une armée picte à Mocetane (auj. Mugdock). Au vii«
siècle, le breton est encore parlé dans le Somerset ; il se main-
tient un ou deux siècles plus tard dans le Devon et le Dorset. En
Irlande, l'invasion Scandinave, puis l'invasion anglo-normande
bouleversent le pays et refoulent la langue nationale ; mais celle-ci
est vivace et, malgré des péripéties douloureuses, se maintient au
cours des siècles. Dans notre Armorique, la langue, importée de
Grande-Bretagne aux v* et vi^ siècles, subit l'assaut du français.
Déjà affaibli par la domination Scandinave dans le premier tiers du
x*^ siècle, l'élément breton est étouffé dans une partie de la pénin-
sule par l'élément français entre. le xi*^ et le xiiF siècle. Il n'est plus
cultivé et tombe rapidement à l'état de langue populaire inférieure.
Cette triste histoire de la décadence des langues celtiques se
rachète par l'exposé des qualités intellectuelles, artistiques et morales
des peuples qui les parlaient. M. J. Loth en fait un bel éloge, plei-
nement justifié ; il rappelle leur élévation de sentiments, leurs
croyances philosophiques et religieuses, en avance sur la plupart
de leurs voisins, leur littérature si riche, leurs rares aptitudes à la
création poétique : quand on lit les Mabinogion et les épopées
irlandaises, on déplore qu'il n'ait manqué aux Celtes qu'un Homère
pour donner à toutes ces belles légendes la forme qui les eût ren-
dues immortelles. Telles que nous les avons conservées, elles sont
encore capables de réjouir et d'émouvoir le monde. Ce n'est pas
par la force brutale des armes que la revanche des Celtes s'est pro-
duite : Arthur n'est pas sorti de son île enchantée. C'est par la
vertu du génie celtique que le celtisme refleurit dans le monde.
III
Les cinq articles que .M. Gaidoz a consacrés dans la Revue Iiiler-
Chronique. 67
nationale de l'Enseignement à « Deux érudits gallois : John Rhys et
Llywarch Reynolds » dépassent de beaucoup l'intérêt et la portée
des nécrologes habituels. On les trouvera échelonnés dans les
cinq premiers fascicules de l'année 1917. Ils sont d'une lecture
souvent piquante et toujours instructive. L'auteur qui a vécu en
relations d'amitié avec les deux érudits qu'il célèbre a puisé large-
ment dans ses propres souvenirs et nous donne sur chacun d'eux
mainte information personnelle. On goûtera particulièrement ce
qu'il dit de Rhys. Avec un jugement singulièrement ferme et précis,
sans se départir jamais de l'objectivité scientifique, il apprécie en
Rhys l'homme et le savant et dresse de ses ouvrages une biblio-
graphie critique et méthodique. Rhys a touché à la plupart des
problèmes qui intéressent les Celtes; il a été historien, philologue,
folkloriste,épigraphiste. Résumer son activité, c'est donc faire l'his-
toire des études celtiques pendant plus d'un demi-siècle. M.Gaidoz
qui a. fondé la Revue Celtique en 1870 connaissait dès avant cette
date tous les celtistes français et étrangers ; il s'est toujours tenu au
courant des progrès de la science qui lui était chère, restant en rela-
tions avec les maîtres qui l'enseignaient, suivant avec curiosité
les premiers pas de chaque nouveau disciple. Il a résumé dans ses
articles sur Rhys et Reynolds toute une période de l'histoire du
celtisme, celle où le celtisme est entré définitivement, en partie
grâce à lui-même, dans la voie de la saine méthode scientifique.
IV
Marcellus de Bordeaux, dit aussi Marcellus Empiricus, magister
officiorum de Théodose le Grand et auteur d'un traité de Medica-
men/w, a longtemps intrigué certains celtistes. Son ouvrage contient
en effet, outre treize mots qu'il donne expressément comme gau-
lois I, un certain nombre de formules magiques où il y a des mots
latins, des mots grecs et des mots qui ne peuvent s'expliquer ni
parle grec ni par le latin. Il est tentant d'y soupçonner du celtique.
En 1847, Jacob Grimm lut à l'Académie des sciences de Berlin un
mémoire dans lequel il expliquait par l'irlandais les formules
incompréhensibles de Marcellus. Sa doctrine, bien que reprise
I. Douze noms de plantes : baditis,hhitthagio, hricitviuni, calliouiarcus,
calocatatios, gigarus, gihitiin, hatiis, odocos, ratis, ueinetiis, tiistuiiarus, et un
nom d'oiseau : alauda . Il faut y joindre peut-être le mot geusiae « gen-
cives» (Meyer-Lùbke, Rom. Etyni. Wtb., p. 280) et sûrement le mot
brigantes «uermiculi » (A. Thomas,/oMrHfl/ des 5flî'a«^i, janvier-février 1920,
p. 20).
68 Chronique.
plus tard par Pictet, ne tut admise ni par Zeuss,ni par Ebel ; d'Ar-
bois de Jubainville l'a formellement rejetée {Mèm. de la Soc. de
Ling., II, p. 66). On continue cependant à ranger ces formules
parmi les documents de la langue gauloise, sans réussir d'ailleurs à
les interpréter. Le dernier essai d'interprétation est sans doute celui
de sir John Rhys (Celtaeatid Galli, p. 50-53) : il ne vaut pas mieux
quelesautres. A titre documentaire, M. Dottin, comme il convient,
a fait place aux formules de Marcellus dans son livre récent sur
la Langue gauloise (Paris, Klincksieck, 1920), p. 214. Elles sont au
nombre d"une douzaine ■ et ne présentent en général qu'une succes-
sion de mots barbares; il est peui-ètre oiseux d'y chercher un sens.
M. AudoUent a montré par l'usage des defixionum tabellae que la
magie n'emploie pas seulement des langages connus ; elle recourt
volontiers à la cryptologie, se sert, comme dit Lucien (Méiiippe,
9), d'a!7Y,(ji.a ovoaaxa, mots inintelligibles, dépourvus de sens,
soit qu'ils n'en aient jamais eu, soit plutôt qu'ayant été estropiés,
déformés par l'usage, ils aient perdu celui qu'ils avaient primitive-
ment (A. Audollent, Defixionum tabellae, p. lxix et suiv.). Les
formules de Marcellus pourraient bien n'appartenir à aucune langue
parlée,
A la fin de l'article précité, d'Arbois de Jubainville exprimait le
regret qu'on ne disposât d'aucune bonne édition de l'ouvrage de
Marcellus ; il proposait d'attendre une révision des manuscrits, qui
sont au nombre de trois (Parisinus 6880, Laudunensis 420 etBri-
tish Muséum Arundel i6é) et un nouvel établissement du texte
pour se prononcer sur la celticité des formules qu'il renferme. La
chose est possible aujourd'hui. Nous avons une édition de l'ouvrage
de Marcellus qui sera pour longtemps définitive, car elle est
l'œuvre de l'excellent philologue et linguiste qu'est M. Max Nie-
dermann : Marcellide Medicamcnlis liber, Berlin et Leipzig, Tenbner,
1916 (Corpus medicorum Latinorum, tome V), xxxv-368 p. grand
8°. Les formules en question y figurent aux pages 60, 72, 74,99,
107, 121,22e, 233,247. Si d'Arbois de Jubainville avait eu le
volume entre les mains, il eût sans doute maintenu sa conclusion :
il n'y a rien là qui paraisse vraiment celtique. Une exception au
moins est permise, en faveur du passage viii, 171 où se lit la
formule : inmon dercomarcos axaîison. A vrai dire, le premier mot
I. M. Dottin en enregistre dix ; mais il n'y a pas de raison pour ne pas
joindre à celles qu'il cite les formules indiquées par Marcellus aux chapitres
XXVIII, 73, XXIX, 45, XXXI, 33; la langue n'en paraît ni plus ni moins
« celtique», avec çà et là des mots grecs comme -o'tvîx (.') ou latins comme
ahsis Q).
Chronique. 69
et le dernier ne se laissent pas aisément interpréter. Mais, la for-
mule étant destinée à combattre une affection de l'œil, le second
mot contient certainement le même radical que l'irlandais derc
« œil ». due faire toutefois de -mnrcos} Le mot gaulois marcos
(.< cheval », bien connu par ailleurs, ne fournit ici aucun sens satis-
faisant. Faudrait-illire dercomaros « ayant bonne vue », en compa-
rant Xertoiiiaros (irl. tiertmar,gâ\\. nerthfaïur « fort») ou lantumaros
(cf. irl. élmar « zélé, jaloux ») ? Toute correction est sans doute
téméraire tant que la valeur des deux autres mots de la formule
n'aura pas été sûrement établie.
V
Depuis qu'on a publié les inscriptions imprécatoires gravées sur
des lamelles de plomb et cachées au fond des tombeaux, l'intérêt
grammatical de ces curieux textes n'a pas échappé aux latinistes.
Déjà leur premier éditeur, M. A. Audollent, dans le volumineux
corpus qu'il a dressé des Defixiouiim tabeïîae, a fait un relevé des
particularités grammaticales qu'elles présentent (p. 5 17-5 49). Depuis,
quelques études de détail ont complété les premières données. Mais
il n'y avait pas de travail d'ensemble. Un élève de M. M. Nieder-
mann, M. Maurice Jeanneret, s'est proposé d'étudier la Langue
des fableties d'exécration latines et de présenter son travail comme
thèse de doctorat à l'Université de Neufchâtel. L'ouvrage a paru
en 1918 (Neufchâtel et Paris, Attinger frères, vii-172 p. 8°, 12 fr.).
Il mérite d'être signalé aux celtistes, tant pour les qualités de
méthode et de précision qu'il a en commun avec tous les travaux
inspirés par M. Niedermann que parce qu'il pose un certain nombre
de problèmes, d'ordre général ou particulier, qui intéressent nos
études .
La principale difficulté du travail de M. Jeanneret est dans le
fait qu'il s'appliquait à une matière qu'on ne peut rigoureusement
pas définir. A quelle langue avait-il affaire ? Les tablettes d'exécra-
tion se rencontrent sur toute l'étendue du monde romain, depuis
la Grande-Bretagne jusqu'à l'Afrique, v compris, outre l'Italie, les
pays germaniques, la Gaule et l'Espagne ; c'est en Afrique
toutefois qu'on en a découvert le plus grand nombre. En outre, il y
en a de toutes les époques, depuis le premier siècle avant notre
ère jusqu'au v« siècle après J.-C. Ce sont des témoignages abon-
dants, puisqu'il y en a plusieurs centaines, mais isolés et somme
toute indépendants les uns des autres. Quel lien pourrait les mettre
ensemble et en faire l'unité? Dira-t-on qu'il s'agit d'un langage
70 Chronique.
populaire ? Sans doute le caractère populaire de ces inscriptions est
évident ; il ressort à la fois de la personne des gens qui les rédi-
geaient et des motifs delà rédaction. Les thèmes sur lesquels
roulent ces inscriptions sont inspirés des passions qui agitent
l'àme populaire: l'amour et le jeu, la cupidité et l'envie. Il v est
question de rivalités féminines, de courses de chevaux, de procès.
Dans leur simplicité misérable, ils portent éloquemment témoignage
de l'éternelle et incurable bêtise humaine. Comme celle-ci ne
laisse pas d'utiliser les progrès de la civilisation, la tabula defixio-
nis est aujourd'hui avantageusement remplacée par la lettre
anonyme. Y a-t-il donc une langue des lettres anonvmes ? La
langue des tabulae n'est pas définie par le fait qu'il s'agit d'invec-
tiver une amante infidèle ou de vouer un rival à la mort. Q.uelle
conclusion peut-on tirer du rapprochement de trois imprécations
amoureuses, dont l'une trouvée à Bologne date du iv<= ou v« siècle
de notre ère, la seconde à Carthage duiF siècle après Jésus-Christ,
et la troisième à Rome du !«■■ siècle avant ? En admettant que nous
ayons dans les trois cas un exemplaire de parler populaire, ce
parler populaire était-il le même sur toute l'étendue de l'empire
romain et serait-il resté invariable pendantcinq siècles?
M. Jeanneret a senti la difficulté et a tenté de la pallier en disant
qu'il s'agit d'une langue spéciale. Ce n'est pas assez dire. Il y a
sans doute des habitudes que la tradition impose souvent aux
langues spéciales, mais les langues spéciales ne sont pas des
langues qui ne changent pas. Tout au contraire. Elles naissent
dans certains milieux spéciaux du fonds d'une langue commune,
avec laquelle elles restent en contact et dont elles se renou-
vellent. En bonne méthode, les tabulae defixionum devraient donc
être étudiées par époque et par région. C'est alors que l'étude en
serait instructive, car on pourrait légitimement comparer les
particularités qu'elles présentent à la langue commune en usage
dans la région d'où elles sont sorties. Ainsi les inscriptions de
la collection de Johns Hopkins University admettent une étude
d'ensemble. Elles nous éclairent avec sincérité sur un certain
parler en usage dans le bas peuple de Rome au temps de César et
de Cicéron ; encore qu'il faille apporter beaucoup de prudence à
conclure, vu le petit nombre et la faible étendue des textes, on en
peut cependant dégager certaines conclusions précises. De même,
les inscriptions d'Hadrumète qui sont du ii^ ou iii<^ siècle de notre
ère nous fournissent sur l'état du latin en Afrique à cette époque
des renseignements qu'on ne saurait dédaigner. Elles sont sensible-
ment plus correctes que les inscriptions de Rome ou de Campanie
Chronique. 71
qui leur sont antérieures de plusieurs siècles. Ce n'est pas à Hadru-
mète qu'on écrirait palpetra pour païpebra, merila pour medulla, ou
poUiciarus pour poUicearis. Les écrivains publics d'Hadrumète
avaient la prétention d'écrire le latin correctement tel qu'ils l'avaient
appris ; les défaillances qu'ils commettent trahisseru: précisément
qu'ils écrivaient une langue apprise. Les conditions linguistiques
dans lesquelles ont été rédigées les tablettes de Rome et celles
d'Hadrumète sont donc absolument diftérentes.
Il faut tenir compte aussi des particularités de grammaire ou de
prononciation qui sont dues aux dialectes en usage dans le pays.
Ainsi, pour en revenir aux pays celtiques, M. Jeanneret rencontrait
sur la fameuse tabula de Lydney Park (Audollent, p. 159, n°" 106)
les formes deiio et demediam. Il a le tort de les confondre dans une
liste d'exemples variés, venus d'ailleurs, 6ù un / est transcrit ^,
« contre-partie, dit-il, de idsica pour uêsica » (p. 20). Les formes
deuoet demediam doivent être rangées à part et interprétées de façon
spéciale. L'ancienne diphtongue ei était devenue ê en celtique.
Delà les mots gaulois Dcita et Dénoua (parfois écrits ou même pro-
noncés à tort Diua et Diiioua parles Latins). La ïorvat diuo sm
l'inscriptioii de Lydney Park est donc un fait de prononciation
celtique. On a substitué au latin t^/';/- laforme celtique d'ev-. Ce n'est
pas la contrepartie de ulsica pour uêsica, mais bien de Dïuona pour
Dénoua dans des textes latins. La graphie demediam sur la même
inscription pourrait s'expliquer d'une manière analogue par le fait
qu'un préfixe de-, issu de *diiei-, était répandu en celtique (cf. irl.
dériad gl. bigae, déchorpdae gl. bicorpor, etc.) : il y aurait eu sim-
plement de la part du lapicide confusion dans le mot en question
du préfixe latin di- (de dis-') et du préfixe celtique d'e- ÇdQ*dnei-).
VI.
M. P. Boissonnade, professeur à l'Université de Poitiers et cor-
respondant de l'Institut, a consacré un article aux Relatious euhc
r Aquitaine, le Poitou et V Irlande du V" au IX^ siècle. L'article, publié
dans le Bulletin de la Société des Antiquaires de l'Ouest (t. IV,
19 17), forme, en tirage à part, une brochure de 24 pages (Poitiers,
Imprimerie G. Roy).
De tout temps, il y a eu des relations entre la terre de France et
l'Irlande. Dans l'antiquité, ces relations furent d'abord commer-
ciales ; fortifiées au cours des siècles, elles facilitèrent plus tard
entre les deux pays des relations intellectuelles et notamment reli-
gieuses. Les Siliungsbericbte de r Académie de Berlin contiennent une
72 Chronique.
série d'articles qu'avait écrits Zimmer sur cette question des
relations commerciales entre la Gaule et l'Irlande (cf. R. CelL,
XXXII, 130). L'illustre celtiste y traitait de l'exportation des vins
qui tenait une grande place dans le trafic ; il étudiait l'influence
qu'exerça la Gaule sur l'église d'Irlande; enfin, il cherchait à
déterminer la voie par laquelle depuis l'origine les relations entre
les deux pays s'étaient effectuées. Comme d'Arbois de Jubainville
l'avait précédemment fait remarquer (R. CelL, XXX, 212), cette
voie était double. Il y avait une route par la Manche et le Pas de
Calais, à travers la Grande-Bretagne en partant de Rouen ou de
Boulogne, une autre par l'Océan en partant de Nantes ou de Bor-
deaux. Cette dernière, qui fut de tout temps pratiquée, devint sans
doute la plus ordinaire lorsque les circonstances politiques ren-
dirent l'autre plus difficile et moins sûre. A partir du iv« siècle, la
partie orientale de la Gaule fut exposée à l'invasion, à la pénétra-
tion des peuples barbares ; la civilisation romaine s'en reculait peu
à peu (cf. Sidoine Apollinaire, Paiiégyr., dans les Carm., VII, 369
et suiv.). Comme il est naturel, la Gaule occidentale garda plus
longtemps les traditions qu'y avaient fondées les Romains.
Tandis qu'à la fin du v*^ siècle, à Trêves, au désespoir de Sidoine
Apollinaire (fp/.?/., IV, 17), le culte des humanités et la connais-
sance même du latin étaient en pleine décadence, un siècle plus
tard, à Poitiers, où brillait le talent poétique de l'évéque Fortunat,
les lettres classiques florissaient encore. L'Ouest se trouva ainsi
plus favorisé que l'Est et le Nord pour servir aux Gallo-Romains de
voie d'accès en Irlande lorsque l'évangélisation multiplia les rela-
tions entre les deux pays.
Du v= au ix= siècle, c'est surtout de nos provinces du littoral de
l'Atlantique que les Irlandais tirèrent de quoi alimenter chez eux
la foi nouvelle. Au v^ siècle en Gaule l'Aquitaine était le principal
centre de l'apostolat. La légende veut que saint Patrice ait visité
la Gaule occidentale, où il aurait débarqué d'un bateau marchand
vers l'embouchure de la Loire; il aurait visité Tours, puisAuxerre,
et les écoles gauloises. Il n'y a sans doute dans cette légende
qu'un naïf désir de rattacher la mission de saint Patrice aux deux
grands apôtres de la Gaule, saint Martin et saint Germain, qui
d'ailleurs ne florissaient pas exactement à la même date. Le fait est
qu'en Irlande les souvenirs du fondateur de Ligugé et de Marmou-
tier abondent. La vie de saint Martin par Sulpice Sévère fait suite
à celle de saint Patrice dans le fameux Book of Armagh (v. Rev.
CelL, XXXVIl, p. 417); dans des vies de saint Patrice de date
postérieure, il est dit que le jeune Patrice était venu à ^Tours
Chronique. 73
auprès de saint Martin pour y poursuivre ses études et y recevoir
la tonsure (Bury, Life of saint Patrick,. p. 273 et suiv.). Une note
au texte de l'hymne de Fiacc dans le ms. des Franciscains dit même
que Concessa, la mère de saint Patrice, aurait été la sœur de saint
Martin (^ba siiir side cohnesta do Martan, Thés. Pal.-hib., II, 309,
1. 20) ; la même parenté est donnée dans le Betha Patraic des Lis-
more Lives Qiur do Mhartan bi, 1. 49, éd. \Vh. Stokes). Saint
Martin devient ainsi le père, spirituel du monachisme irlandais :
les grands fondateurs de monastères se réclament de lui. Son tom-
beau à Tours est parmi les Irlandais l'objet d'une vénération tradi-
. tionnelle. Saint Colomban y vient en pèlerinage et y passe une
nuit en prières ÇViia Cohinihani par Jonas, 7, 23, 74 dans les Mon.
Gerni. Hist., Script. Rer. Mer., IV, 1-17 ').
Dans son désir de faire ressortir l'importance du rôle de saint
Martin, M. Boissonnade oublie un peu saint Germain ; il sacrifie
Auxerre à Tours. La façon dont il présente les faits donnerait à
croire que le nom de saint Germain eût été introduit par une
simple bévue dans la vie de saint Patrice. Ce n'est pas exact ; saint
Germain tient plus de place que saint Martin dans les, anciennes
vies de saint Patrice (v. Bury, op. cit.). Et il n'est pas juste de dire
(p. 8) qu' « il n'y a pas trace de saint Germain d'Auxerre » dans
« la littérature ecclésiastique de l'Hibernie ». Ce n'est pas seule-
ment la Vie Tripartite qui met saint Patrice en rapport avec saint
Germain ; c'est Je Book of Armagh (v. Thés. Pal.-Hih., II, 288) ;
c'est l'Hvmne de Fiacc, qui ne parle pas de saint Martin et où saint
Germain est nommé (^ihid., II, p. 311, v. 10); c'est le Betha
Patraic des Lismore Lives. Saint Germain est donné comme le
maître de saint Patrice dans deux notes au Félire d'Oengus tirées
du Leabhar Breacc, Gernian maigistir Patraic (28 mai, p. xci de
l'cd. Stokes, 1880) et Germain escop 7 maigistir Patraic (i^"" octobre,
p. CLiv, ihid.) ; de même dans une note au même Félire de l'édition
Stokes, 1905 (German espoc, aiti Patraic, 31 juillet, p. 173). Il y
avait donc en Irlande une tradition à cet égard ; on la retrouve
dans la Vie latine de saint Ciaran de Saigir (C. Plummer, t. I,
p. 219) : ...quod cymbalum factura est apud Germanum episcopum,
magistrum sancti Patricii.
A la gloire de saint Martin se joignait dans la vénération des
I. On trouvera une honijélie irlandaise sur saint Martin dans la Revue
Celtique, II, 381 etlll, 152. — Saint Martin a pénétré aussi dans la légende
Scandinave : c'est lui qui apparaît au roi Olaf Tryggvason pour lui pres-
crire uu rituel nouveau de la libation.
74 Chronique.
fidèles celle de saint Hilaire, le grand évcque de Poitiers au iv
siècle '. On venait également d'Irlande prier sur le tombeau de ce
dernier. C'est par un pèlerinage au sanctuaire de Poitiers que saint
Fridolin, débarquant d'Irlande, aurait commencé sa mission sur le
continent.
Il arriva en eftet un moment où c'est la Gaule qui devint la
débitrice de l'Irlande. A partir du vii*^ siècle, la barbarie gagne
l'Occident. Les florissantes régions-^du Poitou et de l'Aquitaine
qu'avaient illustrées Ausone et saint Hilaire, saint Martin, saint
Grégoire et Fortunat, sont désolées par les invasions. Un grand
nombre de moines et de lettrés du continent allèrent chercher un
refuge en Irlande (v. R. Celt., XXXIV, 222) ; et lorsque, grâce à
l'arrivée de ces étrangers, les monastères d'Irlande se furent nour-
ris de bonne doctrine, ils devinrent à leur tour des pépinières de
missionnaires qui allèrent évangéliser, civiliser la Gaule orientale,
la région rhénane et les Alpes jusqu'à l'Italie du Nord. Le premier
en date de ces missionnaires est le grand apôtre saint Colomban,
qui mourut en 615 à Bobbio après avoir fondé dans les Vosges les
monastères d'Anegray, de Luxeuil et de Fontaine. Il eut des dis-
ciples et des successeurs nombreux : saint Gall, saint Fursy, saint
Ultan, saint Foilan, saint Desle, saint Roding, saint Liévin, saint
Mauguille, saint Gobain. L'ardeur de l'apostolat accroissait chez les
Irlandais cet amour du voyage, qui est un des traits du tempérament
national (consuetudo peregrinandi, comme dit Walahfrid Strabo
au ix^ siècle, Mon. Germ . Hist., II, 30) et qui explique aujour-
d'hui encore l'extension de l'émigration. M. Gaidoz a découvert en
Savoie la trace d'un évêque d'Armagh, Conchobar Mac Concoille,
mort par accident dans un iter italicum, et devenu à Chambéry
l'objet d'un culte local sous le nom de saint Concord {Rev . Celt.,
VIII, 165).
L'église d'Irlande ne laissa pas d'exercer une influence sur celle
d'Aquitaine. Saint Amant, originaire du Bas-Poitou (Pays d'Her-
bauge), apôtre de la Gascogne et des Pays-Bas, fui des premiers à
adhérer à la règle colombanienne (Scottorum partibus adhaerere,
Krusch, Mon. Germ. Hist., V, 595). C'est en Irlande que Grimoald
envoya Dagobert II en 656, par l'entremise de Didon, évêque de
Poitiers, qui était en rapports étroits avec l'église de ce pays
(Krusch, Mon. Germ. Hist., II, 316). Ce même Didon fit venir
I. Les vies latines de saint Ailbe et de saint Declan mettent ces deux
saints en relation avec saint Hilaire à Rome (C. Plummer, t. I, p. 49;
t.II, p. 38).
Chronique. 75
saint Fridolin à Poitiers (id., ibid., III, 555) dans le même temps
qu'à Solignac en Limousin saint Éloi introduisait la règle des
moines irlandais de Luxeuil et qu'à Cahors saint Didier appelait
auprès de lui l'irlandais Amanus (cf. Gougaud, les Chrétientés cel-
tiques, p. 263 et 271). Les rapports religieux de l'Aquitaine et de
l'Irlande se poursuivirent pendant plusieurs siècles. M. Boisson-
nade apporte de ce lait des preuves certaines, auxquelles nous
renvoyons nos lecteurs (p. 17 et suiv.) : il parle notamment, d'après
M. Antoine Thomas (Jim. du Midi, I, 51 et 394 ; XI, 68; cf.
Rev. Celt., XX, 105), de l'évêque d'Angoulême Tomianus ou Tho-
meneus, homonyme d'un évêque d'Armagh. Le dernier Irlandais
qu'on voie figurer parmi les personnages religieux de l'Aquitaine
est également un évêque d'Angoulême, Hélie (de 862 à 875), qui
passe pour avoir été le disciple de Jean Scot Erigène. Avec lui se
termine une période de relations continues, qui furent des plus
fécondes pour les deux pays.
VII
On ne connaît pas complètement l'âme irlandaise tant qu'on ne
l'a pas entendue chanter. Les chants populaires ont en Irlande une
importance particulière. Ils la doivent d'abord à leur beauté propre,
bien digne de les faire rechercher de tous les amateurs de musique ;
on goûte en eux une traicheur, une spontanéité dans le sentiment,
une délicatesse et une exactitude dans l'expression, qui les égalent
aux plus touchantes créations de l'art. Mais ils ont aussi cet intérêt
de révéler mieux que tout certains aspects du caractère national :
la tendresse expansive et pénétrante, l'ardente passion, l'amour de
la nature et du sol natal, l'attachement fidèle aux traditions de la
race, aux convictions de la patrie. Voltaire a fait la remarque que
les chants populaires sont généralement tristes. Cela est vrai des
chants irlandais. Il v en a peu de joyeux, de vifs et d'alertes,
comme sont tant de nos airs populaires français du xviii^ siècle';
la plupart sont empreints de mélancolie, mais ils mêlent souvent
l'enjouement à la tristesse; ils ont un ton de gravité souriante et
de douce résignation, qui convient à un peuple auquel des siècles
d'épreuves ont donné l'habitude de la souflfrance. La musique de
ces chants vaut uniquement par la mélodie ; elle n'est pas chorale.
I. Pourtant, le joli air de An Maidrin rurtJ/;, tel qu'on le chante en
Munster (Céol ar Siusear, II, 9), est aussi gai que l'est par exemple notre
Covipère Guilleri .
yé ' Chronique.
Si doué qu'il soit pour la musique, le peuple irlandais reste donc
inférieur à certains peuples étrangers, comme l'allemand, le tchèque
ou le russe, qui ont naturellement le sens de l'harmonie et savent
chanter en choeur. Des psychologues ne manqueraient pas de
reconnaître à ce trait le caractère individualiste de la race celtique ;
peut-être n'auraient-ils pas tort. Les chants irlandais, si répandus
qu'ils soient dans le peuple, ont souvent un tour très personnel.
On connaît d'ailleurs plusieurs des auteurs qui les ont composés ;
ce sont de ces poètes locaux, répandus à travers la campagne, par-
fois d'humbles paysans ou artisans, que le chant délasse de leurs
travaux ou console de leur misère ; il y en a depuis plus de deux
siècles une floraison innombrable en Irlande. Leurs œuvres, ins-
pirées des sentiments intimes du peuple, ont enrichi le patrimoine
traditionnel de sa littérature orale : on peut les entendre encore
fréquemment, à peine déformées suivant les particularités dialec-
tales, dans la bouche de ces chanteurs ou chanteuses profession-
nels, dont la mémoire est un trésor.
Ce n'est pas d'aujourd'hui que l'on a entrepris de recueillir les
chants populaires de l'Irlande. Le plus ancien recueil est sans doute
celui d'Edward Bunting, A gênerai Collection oftheancient Irish Miisic,
qui parut à Dublin en 1796. Les noms de James Hardiman', de
James Clarence Mangan *, de George Pétrie 3, de P. W. Joyce +, pour
ne citer que les principaux, montrent l'intérêt que cette recherche a
suscité parmi les érudits dans tout le cours du xix*^ siècle. On sait
que le grand poète Thomas Moore consacra son talent à mettre des
paroles anglaises sur desairs nationaux). En mêmetemps, Sir Charles
Gavan Duffy {The Ballad Poetry ofireland, Dublin, 1845) et Edward
\\'alsh (^Irish Popiihir Songs, Dublin, 1847) publiaient des chansons
populaires sans musique. De nos jours, l'entreprise a été continuée
par M. A. Perceval Graves (The Irish Song Book^ London, 1904)
1. James Hardiman, Irish Miustrelsy, or Bardic retiiains ofireland, uiith
English poetkal translations. 2 vol. London, 183 1.
2. James Clarence Mangan, The Poels and Poetry of Munster, a sélection
of Irish Songs ivith poetical translations, Dublin, 1849.
3. George Pétrie. The Pétrie Collection ofthe ancient nnisic of Ireland, t. l,
Dublin, 1855. Sir Charles Villiers Stanford a publié à Londres en 3 parties
(1902- 1905) The Complète Collection oj Irish Music as noted hy George Pétrie.
4. P. W. Joyce, Ancient Irish Music (Dublin, 1872): Irish Music and
Sang (Dublin, 1888); Old Irish Folk Music and Songs (Dublin, 1909).
5. Voir Charles Villiers Stanford, The Irish Mélodies of Thomas Moore ;
the original airs restored and arranged for the voice, with pianoforte accompa-
niment, London, 1895.
Chronique. 77
et surtout par M. Douglas Hyde, dont les « Love Songs of Con-
nacht » (Abhràln Gràdh Chiiige Conuacht, Dublin, 1893, 5' ^d-
1909) et les « Religious Songs of Connacht » ÇAbhrâin diadha
Chi'iige Connacht, London, 1906) sont connus et appréciés de tous
les lettrés '.
Mais un travail de critique s'impose aujourd'hui aux collecteurs
de chansons populaires. Il reste en effet à classer ces chansons, à
en faire l'histoire, à en déterminer l'origine. Des auteurs comme
Joyce acceptèrent parfois sans discernement dans leurs recueils des
mélodies ou des paroles qui n'avaient rien d'irlandais et qui
étaient de provenance étrangère, empruntées à l'Angleterre ou
même au Continent ^. Il y a donc à éliminer, et d'abord à analyser,
après avoir rassemblé. C'est le rôle que ie sont proposé des sociétés
comme la Feis Ceoil Association, la Folk Song Society, l'Irish
Folk Song Society. On ne peut qu'encourager et soutenir leur
activité.
La première, dont le siège est à Dublin, 37, Molesworth Street,
a publié en 19 14 une Collection of Irish Airs hitherto iinpuhlished ,
edited by Arthur Darley and P. J. Mac Call ; ces airs sont au
nombre de quatre-vingt-cinq. Nous ne connaissons que par ouï-
dire cette publication.
La seconde est une société scientifique bien connue, qui a son
siège à Londres (19, Berners Street, \V . i)et qui publie un excel-
lent périodique, consacré au Folk Song en général. Nous avons
signalé en son temps le fascicule lé (qui fait partie du tome IV)
du Jourral ofthe Folk Song Society; c'était un recueil de cent cinq
chansons écossaises, dû à Miss Frances Tolmie (v. Revue Celtique,
t. XXXIII, p. 152). Le fascicule 23 du même journal (qui fait
partie du tome VI, p. 95-205) contient trente-trois chansons
irlandaises recueillies par M. A. M. Freeman. Le recueil était prêt
avant la guerre ; il n'a paru qu'en janvier 1920, l'auteur ayant servi
jusqu'à la fin sous les drapeaux. Son travail est excellent : il a
poursuivi méthodiquement son enquête, avec une conscience de
1. Un' recueil populaire commode et bon marché est celui du P. Patrick
Walsh, Ceol lir Sinsear « Musique de nos ancêtres » (Dublin, 191 3, i sh.),
en sept parties, dont la sixième, intitulée Fiium na Sviôl « chant des grives »,
donne parfois son titre au recueil entier. — On peut citer aussi an Smôlach
« la Grive » (Dublin. Maunsel, 1918, i s. 6 d.), onze mélodies à paroles
irlandaises avec accompagnement de piano par M. Hubert E. Rooney.
2. C'est même le cas d'auteurs plus récents, comme le capitaine Francis
O'Xeill, auquel on doit un important^ recueil de 1850 airs, publié à Chi-
cago en 1903 sous le titre Music of Iretand.
78 Chronique.
philologue ; il a joint à son texte une traduction anglaise et des
notes, que M. Robin Flower et Miss L. E. Broadwood ont com-
plétées çà et là d'utiles renseignements comparatifs. La plupart
des chansons ont été fournies à l'auteur par un vieillard nommé
Connv Cochlan (Coiichobhar O'Cochlàin, prononcé Crochùr
O'Cochalâin), habitant Derrynasaggart près Ballyvourney (Co.
Cork); quelques-unes aussi viennent d'une vieille femme de Bal-
lymakeery (Co.Cork), nommée Peg O'Donoghue (PeigNi Dhonn-
chadha, prononcé Peg Ni Ghonochua). Ce sont donc des chansons
du Munster. Le comté de Cork a été longtemps et est encore une
pépinière de chanteurs, grâce à Mrs. Annie O'Rahillv (Aine Ni
Raghallaigh) qui enseignait à l'Irish Collège de Ballingeary, grâce
aussi au Père O'Flynn, de Cr)rk, ardent promoteur de l'enseignement
du chant dans les écoles. Le recueil de M. A. M. Freeman doit
être continué dans un fascicule suivant du même périodique.
LIrish Folk Song Society, fondée en 1904, a son siège à
Londres, 20 Hanover Square, W. Elle a publié en 1919 un excel-
lent recueil, Aiiihrâin Mhuighe Seôla, traditioual Soiigs frotn Galway
and Mayo, coUected and edited by Mrs. Costello, Tuam. Le Con-
naught, qui s'honore d'un poète comme Raftery, est une des
régions où le chant est le plus en faveur parmi le peuple. C'est de
là que M. Douglas Hyde a tiré la matière de ses deux recueils.
M. Thomas O'Mâille, avec la collaboration de son frère Michel, a
publié en 1905 à Dublin un Amhrâin Chlainne Gaedbeal, dont les
morceaux provenaient également de cette région ; et l'on cite aussi
des « chants irlandais de l'Ouest » (Abhrâui Ghaedbilge an iarthair,
Dublin, 1906) de M. Michel Timony. Le recueil de Mrs. Costello
comprend quatre-vingts chansons, dont le texte irlandais est accom-
pagné d'une traduction anglaise et de notes. Q.uelques-unes sont
tort belles ; la mélodie de plusieurs est pleine de caractère (v.
notamment p. 45 et p. 55), et les paroles, souvent empruntées à
Raltery lui-même, sont d'un joli tour poétique.
Comme on le voit, l'étude des chansons populaires d'Irlande est
à l'heure actuelle en pleine prospérité. Beaucoup a été fait déjà ;
mais il y a encore une belle moisson à récolter. II est à souhaiter
que les autres parties du domaine celtique soient cultivées à cet
égard avec la même activité '.
I . On s'occupe beaucoup de chansons populaires en Ecosse. Sans parler
des recueils spéciaux comme celui de Miss F. Tolmie (v. ci-dessus), il
existe de petits recueils populaires avec notation musicale, An Smeôrach
« The Mavis » et Am Brù-dhearg « The Robin » par Malcolm Mac Farlane
Chronique. 79
VIII
Depuis que le tokharien a été découvert, les linguistes ont pris
à tâche de marquer la place de ce nouveau venu dans la tamille
indo-européenne ; et chacun s'est ingénié à lui trouver des liens de
parenté avec les dialectes déjà connus. M. Meillet qui a été l'un
des premiers à fixer les traits grammaticaux du nouveau dialecte,
s'est tenu, quand il s'est agi d'en déterminer la parenté, sur une
prudente réserve. On n'attendait pas moins de l'auteur des Dia-
lectes indo-enropéeui. Ayant fondé et proclamé une doctrine, il
n'avait garde de la compromettre par des applications hâtives et
aventureuses. A la fin du magistral article d'ensemble qu'il a con-
sacré au x6k\\2.x\tn (^Indogermanisches Jahrbuch, t. I, p. 1-19), il
dit, p. 17 : « On ne se trompera sans doute pas beaucoup en at-
tribuant au tokharien une place intermédiaire entre Titalo-celtique
d'une part, le slave et l'arménien de l'autre. Mais les faits dont on
dispose ne permettent aucune conclusion certaine. » Cette opi-
nion est celle de la prudence et du bon sens. Aussi est-elle traitée
de « farblos » par M. Julius Pokorny.
M. Julius Pokorny aime les couleurs crues et tranchées; il ne
sait pas que dans les ouvrages de l'esprit, ce qu'il y a de plus beau,
ce n'est pas la couleur, c'est la nuance. Aussi ne pouvait-il se
contenter de la conclusion finement nuancée de M. Meillet. Son
travail sur « la Place du tokharien parmi les langues indo-euro-
péennes ' » montre une fois de plus avec quelle facilité il se laisse
prendre aux brillants tableaux que son imagination présente à ses
yeux.
Sa doctrine est que le tokharien se rattache à l'arménien et ap-
et C. H. Mackay (éditeur E. Mackay, à Stirling), Ati Uiseag « The Lark »
par Malcolm Mac Farlane (éditeur A. Sinclair, à Glasgow), Tbe Celtic Lyre
par Fionn (en quatre parties, chez l'éditeur Sinclair, à Glasgow), et surtout
en un gros volume de 527 pages. An t-Oranaiche qui comprend près de
500 chansons (même éditeur). — En Galles, il existe une Welsh Folk Song
Society, et on cite un recueil de M. Bennett, ALiwon fy Ngichid a Airs
de mon pays ». — En ce qui concerne la Bretagne, nos lecteurs connaissent
les importantes publications de M. Duhamel et de M. Lois Herrieu (Rev.
Celt., t. XXXII, 369: t. XXXR, p. 105 ; t. XXXV, p. 121 et 368;
t. XXXVII, p. 140).
I. Die Stelliiiig des Tocharischen im Kreise der iiidogeniiaiiischeii Sprachen,
Souderabdruck aus den Berichten des Forschungs-Institutes fur Osten und
Orient in Wien, III. Baud, 1919, 30 pages.
8o Chronique.
partieiit comme l'arménien à un groupe dialectal thraco-phrygien,
intermédiaire à l'indo-iranien et à l'illyrien, ce dernier voisin lui-
même de l'italo-celtique. Certains s'étonneront peut-être que
M. Meillet, qui est un maître des études arméniennes, ne se soit pas
avisé de ce rapprochement. Mais M. Pokorny appuie sa doctrine
linguistique d'arguments historiques et archéologiques, qu'il
développe avec chaleur et conviction. Ce n'est pas le lieu de les
résumer, encore moins de les discuter. Il n'y a qu'un côté de son
argumentation qui nous touche, celui qui regarde les relations du
tokharien et du celtique. On sait qu'un ou deux détails de struc-
ture morphologique sont communs aux deux dialectes. M. Peder-
sen en était tenté de conclure que le tokharien appartenait au groupe
celtique (J^erghich. Gramin. der kelt. Spracheii, II, 673). M. Char-
pentier (Z./. c^^w/^c/:/. morgenl. Geselîsch . , znnée 1917, p. 347), repre-
nant cette idée, a prétendu l'établir au moyen de données histo-
riques : les Tokhariens seraient les descendants des K'.jxixÉo'.oi d'Ho-
mère (X, 14) et d'Hérodote (I, xv ; I\', xii), qui habitaient d'abord
au nord de la mer Noire, et qui furent poussés en Asie par une
invasion des Scythes. Suivant lui, tous ne prirent pas part à cette
migration ; il y en a qui demeurèrent sur place et qu'on retrouve
plus tard à Olbia et dans le delta du Danube : ce sont des Celtes.
Les Tokhariens seraient un rameau détaché anciennement du même
tronc et qui aurait été entraîné par le bassin de la \'olga et le nord
de la mer Caspienne jusqu'au centre de l'Asie. Les Kip.|i.£p'.o'. seraient
la même chose que les Cimbres, et par suite les Cimbres seraient
des Celtes et non des Germains. M. Pokornv renverse en partie la
fragile construction de M. Charpentier. 11 en retient le rapproche-
ment des Tokhariens et des Cimmériens, mais regarde les Cimmé-
riens comme des Thraces et non comme des Celtes. La partie cri-
tique de son raisonnement mérite approbation, encore qu'il donne
toujours à ses arguments une forme rigide et mécanique, qui con-
vient peu en pareil sujet. Mais quand il se met à construire lui-
même, il fait preuve d'une audace déconcertante. Ce n'est pas avec
une étymologie, si assurée qu'elle soit, ou avec une concordance
phonétique, même parfaite, qu'on refait plusieurs siècles d'his-
toire des migrations de peuples inconnus. Il est dangereux de ne
pas savoir se résigner à ignorer.
IX
On a fait quelque bruit autour d'un texte gallois relatif à Tris-
tan, dont M. J. Gwenogvryn Evans fut le premier à signaler l'exis-
Chronique. 8l
tence (Report on Mss in ihe JFelsh Lnnguage, vol. I, part II, 1899) -
Un peu hâtivement, Windisch, en appendice à son livre das kel-
tische Britannien bis lu Kaiser Arthur, p. 285, exprima l'opinion
que cet Ystori Tristan présentait la forme ancienne de la légende,
au moins dans sa conclusion. M. Loth, dans la Revue Celtique,
t. XXXIV, p. 365-596, n'a pas eu de peine à remettre les choses
au point. Ayant soumis le conte gallois à une analyse critique
minutieuse, il a montré ce qui le dénonçait comme récent, à la
fois dans la forme et dans l'esprit : le ton de parodie que l'on y
sent discrètement, la solution légèrement bouifonne donnée au
différend, le caractère des personnages, tout empêche de prendre
ce conte pour un archétype de la légende. Le texte n'en est pas
moins important en nous montrant comment une légende peut se
transformer dans l'esprit du peuple, quand elle n'est pas soutenue
par une tradition littéraire fortement fixée ; et somme toute,
V Ystori Tristan est un exemplaire unique de ce quix correspondait
en Bretagne insulaire au récit épique (scél) des Irlandais.
Sans discuter ces conclusions, M. Tom Peete Cross a cru devoir
reprendre la question dtV Ystori Tristan dans les Studies in Philology
(t. X\^II, p. 93-1 10, janvier 1920) sous le titre « A Welsh Tristan
Episode ». On sait que le texte de V Ystori Tristan est conservé
dans quatre manuscrits : fragmentairement dans Peniarth 147 (écrit
vers 1566) et Peniarth 96 (entre 1565 et 1616) ; intégralement
dans les mss. 6 et 43 de la Cardiff Free Library copiés l'un vers
1550, l'autre vers 1749. Il y a d'autre part dans la Myvyrian Ar-
chaiology (éd. 1870, p. 132), mais sans indication de source, un
dialogue en englyns entre Tristan et Gwalchmai, qui se retrouve
sous une forme peu différente dans le texte des manuscrits de
Carditf. On considérait jusqu'ici le manuscrit 43 de Cardiff, parce
qu'il est le plus récent, comme une simple copie du manuscrit 6.
M. Tom Peete Cross n'admet pas cette hypothèse. Il nous donne
une édition nouvelle de l'Fi/on Tm/a», accompagnée d'une tra-
duction anglaise, et pour laquelle il a pris comme base le texte du
ms. 43 en ayant soin d'indiquer en notes les variantes des autres
manuscrits.
Edition et traduction n'ajoutent rien au travail de M. Loth,
dont elles sont largement inspirées. Nous ne présenterons à M. Tom
Peete Cross qu'une ou deux remarques de détail:
P. 96, 1. II, dans l'englyn que chante Tristan, le vers tra fivyh
ith erchwynog était traduit par M. Loth « tant que je serai à ton
côté » (loc. cit., p. 373 et n. i). La traduction de M. Tom Peete
Cross est « while I am protectingthee ». Cela dépasse le texte. Le
Rn-ue Celtique, XX XVI II. 6
82 C.hroiiiijiic.
mot eichwyiiiog est employé par Dafydd ab Gwilym dans la fameuse
pièce du coup de tonnerre (n" 44, v. 4) : a inerch wen 'Cm erchwy-
tiiog « et une jolie fille à mon côté ». Il n'y a donc pas de doute
sur le sens.
P. 96, 1. 2 et 97, 1. 19, M. ToLi Peete Cross paraît avoir été
embarrassé par l'expression ai iawn ni gwad, nag iawn na gwad. Il
traduit giuad avec doute par « bloodshed » dans le premier passas[e,
et décidément par « blood » dans le second. C'est-à-dire qu'il con-
sidère o^tiw^/ comme une forme dialectale à.t gwned « sang ». L'hy-
pothèse d'une forme dialectale est plausible ; M. Loth l'avait indi-
quée lui-même (op. cit., p. 373, n. 5) ; mais il en avait aussi
indiqué une autre, qui est de prendre gwad pour ce qu'il est cou-
ramment dans la langue, à savoir le mot qui signifie « refus ». Cette
seconde hypothèse paraît la meilleure. Le mot gwaed « sang » en
effet se rencontre ailleurs dans VYstori Tristan, et sous sa forme
correcte giuaed (p. 96, 1. 3, 1. 4; p. 100, 1. 18) ; on ne compren-
drait .pas qu'il eût la forme giuad seulement dans les deux passages
où précisément le sens est douteux. La variante que présente le
ms. 6 dans le second passage (;m giuad na thaï au lieu de nag iawn
va gwad) justifie encore le sens de « refus » pour gwad. Le nœud
de la difficulté est dans le sens du mot iaïuti, qui est visiblement
ici un terme de droit chevaleresque équivalant à l'irlandais //'r, ou
cert, ou côir. Dans l'épopée irlandaise, /ir (ou /ir fer), c'est le
« droit » que possède le guerrier, ce qui définit et garantit à la
fois son honneur. On le lui accorde ou on le lui refuse:
ni fil fer no comlond oeiifir ra damsatar dô « ce ne fut pas droit des hommes
ni combat singulier qu'ils lui accordèrent » L. L. 80 a 40 (= T. B. C,
éd. Windisch, 1. 2910) ; ni damar fii fer dam na comlond oenfir « on ne
m'accorde pas droit des hommes ni combat singulier » L. L. 93 a dern.
ligue (= T. B. C, éd. Wd., 1. 4707 ; cf. 1. 4733); ni rodamad fîr comlaind
doit' « le droit du combat ne leur fut pas accordé » L. L. 295 b 14 ; brisit
Jir fer fair iaruni « ils lui refusent alors le droit des hommes » L. U. 82 a
dern. 1. (= T. B. C, éd. Strachan, 1. 2138); brissem fii fer forsin lôech
« refusons droit des hommes à ce guerrier », Z. /. Celt . Phil., III, 45,
§ 27 (cf. y//' flatha do brisind, Trip. Life, 58, 5); inge ma rochoilled fîr
« sauf si le droit a été violé » L. U. 57 b 55 (^ T. B. C. éd. Str., 1. 265) ;
etc.
nd dam cert do deman dur « n'accorde pas le droit à un démon cruel »
L. Br. 237 (cité par K. Meyer, Contrib., p. 586) ; nirdamad cert comlaind
dô « on ne lui accorda pas le droit du combat » L. L. 257 b 8 (I. T., III,
p. 504, 1. 583); iarsain rosiacht cert curad « il obtint ensuite le droit des
guerriers »Z./. Celt. Phil., III, 45,5 28; etc.
déne côir ngascid frim l « fais moi juste combat (fair play) » L. U. 70 a 5
(= T. B. C. éd. Str.. 1. 1289).
Chronique. 83
La meilleure illustration du fir fer irlandais est fournie par l'épi-
sode de la mort de Lugaid, qu'on trouvera dans la Revue Celtique,
t. III, p. 184 et 185. Lugaid blessé va se mesurer avec Conall
Cernach. « Je voudrais, dit Lugaid, que tu m'accordes le droit des
hommes. — Que veux-tu dire? — Que tu ne viennes contre moi
qu'avec une seule main, car je n'ai qu'une main moi-même. « —
Soit, dit Conall Cernach, et il se fait attacher au corps une de ses
mains. Le combat s'engage, âpre et long, sans amener de décision.
Alors Conall Cernach fait un signe à son cheval ; celui-ci se jette
sur Lugaid et d'un coup de dents lui emporte un morceau des
flancs. « Malheur à moi ! s'écrie Lugaid; ce n'est pas là le droit
des hommes. — Je te l'ai accordé pour moi-même, réplique Conall,
et non pour les bêtes privées de raison » (v. d'Arbois, VÈpopée cel-
tique en Irlande, p. 352). Ces mœurs brutales et barbares font un
violent contraste avec la société polie et doucement sceptique dont
VYstori Tristan évoque l'idée. Pourtant' la même notion tradition-
nelle, tirée du code de l'honneur guerrier chez les Celtes, explique
à la fois \t fir fer irlandais et le iaïun gallois.
J. Vendryes.
PÉRIODIQUES
Sommaire. — I. Comptes reudus de l'Acadcmie des Inscriptions et Belles-
Lettres. — II. Revue des Études Anciennes. — III. Eriu. — IV. The
Romanic Review. — V. Zeitschrift fur vergleichende Sprachforschung.
— VI. Sitzungsberichte der [Ivôn. î preuss. Akademie der Wissenschatten.
— VII. Indogermauische Forschungen.
I
Les Comptes rendus de l'académie des inscriptions et belles-
lettres de l'année 1916 contiennent plusieurs communications qui
intéressent les études celtiques.
P. 66 (4 février 19 16) Quelques observations sur les chiens et le vin
à l'époque gallo-romaine, par le docteur Capitan.
L'antiquité romaine connaissait trois sortes de chiens, les chiens
de garde (ou de berger), les chiens de chasse et les chiens de luxe.
Ces trois sortes de chiens sont également connues en Gaule. Le
recueil de M. Espérandieu contient une soixantaine de représen-
tations de chiens, appartenant surtout aux deux dernières séries.
Si les chiens de befger y figurent sur trois bas-reliefs seulement,
les chiens de chasse ont une iconographie considérable chez les
Gallo-Romains ; M. Espérandieu n'en publie pas moins de vingt
figures. Cela n'est pas pour étonner si l'on songe que parmi les
nombreuses variétés de chiens de chasse connues des Romains, les
chiens de Gaule, le uertragus, le séguse, le chien des Morins
comme celui des Bretons étaient particulièrement appréciés (cf.
C. Jullian, Hist. de la Gaule, il, 287); Grattius Faliscus le dit,
Cynég. V. 155 (cf. v. 199) :
Mille canum patriae ductique ab origine mores
cuique sua ; magnas indocilis dat proelia Medus,
magnaque diuersos extollit gloria Celras.
Et aussi Ovide dans les Métamorphoses, 1, 533.
Périodiques. 85
Les chiens de luxe tenaient une grande place dans la vie familière
des Romains de l'époque impériale '. Trimalchion demande par
testament qu'on décore son tombeau d'une statue de sa chère
Fortunata tenant en laisse une petite chienne (Pétrone, Satyr., 71)
et l'on connaît les vers par lesquels Martial se moque d'un certain
Publius et de sa chienne Issa (I, no). La mort ne rompait pas les
liens qui unissaient les chiens à leurs maîtres. Les riches élevaient
des tombeaux à leurs chiens favoris, et y inscrivaient des épitaphes ;
le recueil de Martial contient l'épitaphe de la chienne Lydia (XI,
69) et les fragments de Pétrone celle de la chienne Concha (n° 56),
une chienne de chasse originaire de Gaule ; enfin, on trouvera
dans les Poetae Latini minores (éd. Baehrehs, I, 142) l'épitaphe de
la chienne Margarita. Les Romains introduisirent ces mœurs en
Gaule ; les bas-reliefs gallo-romains présentent mainte scène naïve
et touchante 011 nous vovons le chien domestique au foyer de ses
maîtres (cf. en particulier les numéros suivants du recueil d'Espé-
randieu : 298, d'Avignon ; 655, deNarbonne ; 1184, de Bordeaux ;
iéé6, du Puy ; 1778, de Lyon ; 1842 et 1893, d'Autun ; etc.). Une
sculpture trouvée aux sources de la Seine représente un enfant
au berceau, aux pieds duquel est couché un chien. Une inscription
sur marbre, qui se voit au Musée d'Auch {Corp. Iiiscr. Lat., XIII,
488), conserve l'épitaphe gravée par une dame gallo-romaine à sa
chienne Muia. Et le Musée de Narbonne possède la pierre tombale
de la chienne Cytheris, avec un portrait de la défunte (n° 770 du
recueil d'Espérandieu).
Or, en exécutant récemment des fouilles à Amiens, M. Commont
a découvert dans un puits, au milieu^de sépultures gallo-romaines,
les cadavres de neuf chiens : quatre sont particulièrement intéres-
sants ; la position qu'ils occupent, au fond d'une urne ou au-
dessous d'un squelette d'homme, atteste l'existence d'un rite.
Parmi ces chiens, deux sont de petite taille, à membres trapus, et
à museau court comme nos bouledogues ; ils semblent être morts
très jeunes ; un autre, de dimension double des précédents, était
certainement un chien adulte. M. Capitan donne de minutieux
détails sur cette curieuse découverte.
Il y a lieu de rappeler ce que le glossaire de Cormac nous
rapporte au sujet de l'introduction des chiens de luxe en Irlande
I. Et déjà avant, comme le prouvent les vers de Lucrèce (IV, 995 et
ss.) que .\L Capitan ne cite pas :
At consueta domi catulorum blanda propage
Dcgere ...
86 Périodiques.
(s. u. Miig-éime, n° 883 de l'édition K. Meyer). C'est au temps du
roi de Munster Flann le petit et du roi suprême Cormac Mac Airt
que Coirpre Musc Mac Conaire obtint par ruse le chien bichon
d'un de ses amis bretons. Jusque là il était interdit chez les Bretons
de donner de ce genre de chien à un Irlandais : ascongrad la Bretnu
natarta oirci . . . do Goidiul. Mais Coirpre imagina une ruse qui
obligeait légalement le propriétaire à lui céder le chien, et il tour-
na ainsi l'interdiction. Les rois d'Irlande se disputèrent la posses-
sion de l'animal ; il fallut par un accord leur en partager la jouis-
sance et quand celui-ci, qui était une femelle, mit bas, il fallut leur
donner à chacun un petit de la portée. C'est d'alors que date l'exis-
tence des chiens de luxe en Irlande. Or, Flann le petit-fils de
Fiacha Muilletban devint roi de Munster en l'an 260 de notre ère,
et Cormac Mac Airt, le petit-fils de Conn aux cent batailles, de-
vint roi suprême en 254. A cette date, les Bretons avaient déjà pris
les habitudes romaines en ce qui concerne l'usage des chiens de
luxe ; les Irlandais les prirent à leur tour.
Les fouilles de M. Commont à Amiens ont eu un autre résultat
non moins instructif : celui de nous faire connaître des restes de
vin gallo-romain. Il a été question de cette découverte ci-dessus,
p. 19 et suiv.
A la page 85 (séance du 11 février) se trouve une note de M.
J. Loth sur le celtique petru- « quatre ». A propos du comique ped-
drack mow qui désigne une « meule parfaite, complète, achevée »,
M. J. Loth signale certains exemples empruntés au gallois et à
l'irlandais qui montrent qu'e_p celtique l'idée de perfection, de
symétrie achevée s'exprime volontiers par le nom de nombre
« quatre » ; pedrylaw en gallois veut dire « habile, adroit », m. à
m. « à la main carrée ». Le nom de nombre « quatre » pouvait donc
être employé en celtique avec la valeur d'un intensif.
Page 168. Remarques aux inscriptions latines sur pesons de fuseau
trouvés en territoire gaulois et en particulier à l'inscription celtique de
S^-Révérien {Nièvre), par M. J. Loth.
Héron de Villefosse a publié en 1914 dans le Bulletin archéologique
une série de pesons de fuseau porteurs d'inscriptions. Ces pesons
de fuseau, trouvés en territoire gaulois, ont ceci de très intéressant
que les inscriptions qu'ils portent contiennent çà et là des mots
gaulois ; ils attestent que la région où on les a trouvés était bilingue
et que le celtique y était encore d'un usage courant parmi le peuple
à côté du latin vers le ni' et iv^ siècle de notre ère. Ces inscrip-
Périodiques. 87
tions offrent du gaulois populaire, différent du gaulois officiel des
autres inscriptions déjà connues et qui sont d'ailleurs plus
anciennes.
Parmi les mots gaulois fournis par ces inscriptions, il faut
noter :
curmi, le xo-jojjh de Dioscoride (2, no), qui désigne une bois-
son faite avec de l'orge fermentée, une sorte de bière.
geiieta, qui paraît dans deux inscriptions (les n°^ 8 et 9 de Héron
de \'illefosse), est l'équivalent des mots iiata ou de ptieUa, que
l'on trouve dans d'autres. Le gallois a conservé ce mot sous la
forme genelb, à cette réserve près que geneth remonte à *genettâ„
c'est-à-dire à une forme hvpocoristique caractérisée par le redouble-
ment de l'occlusive (cf. Zimmer, K.Z., XXX, 158-197; Thur-
neysen, ih., XXX, 480 ; d'Arbois de Jubainville, M. S. L., IX,
189) il y a en gallois mo^^en un nom propre Genethaïuc qui
remonte à *Geriettâcos.
vimpi, expression courante appliquée à une femme (inscriptions
é, 7 et 12), à laquelle répond le gallois ^tt'v/w/) « beau, joli » (Myv.
Arch. 198 a 37, 198 b 54 ; superl. givymha, B. Tal. p. 40, 1. 8 éd.
Evans, pour gwy m haf). Il faut sans doute lire Aue uimpi au lieu
de Aue Uipi sur une fibule de Reims (C. I. L.,XIII, n° 10027,
^55)- ....
veadia (inscription 4) paraît désigner les fuselées que tient le
peson : ce doit être un plus ancien *ucgindia dérivé de *uegio- « fait
de tisser » (irl. fige ; cf. gallois, gzueu), avec le même suffixe que
le grec xpuTTràota ; cf. en v.h.a. wickili « quenouillée » qui sort
de la même racine.
marcosior (inscription 5) doit être la i" pers. du singulier à la
voix déponente d'un subjonctif sigmatique, c'est-à-dire d'un dési-
dératif : « je désire monter à cheval », à comprendre dans le même
sens erotique qu'a chez Ovide, Juvénal, Martial, Arnobe, le latin
fquitare; en breton moyen d'ailleurs ma;'c/;n/f est traduit par rat iil ire
(Ernault, Gloss.) ; et en vieux gallois adulter est glosé par guas
marchauc ou seruos equarius (cf. Rev. Celt., XXXII, 220). Pour
une forme de subjonctif analogue, cf. poh llyfiur Uemittyor arrw,
pobffer dyatler heibio « tout poltron, qu'on lui saute dessus ; tout
brave, qu'on le laisse aller » (^Myv. Arch. 118 b i).
Enfin, il y a un dernier peson de fuseau (le n° 49) qui ne con-
tient que du gaulois. C'est celui qui provient de S'-Révérien
(Nièvre) et qui, après avoir été exposé au Musée céramique du
palais Ducal de Nevers, paraît avoir disparu. Héron de Villefosse
a publié l'inscription d'après un croquis fait sur l'original il v a
88 Périodiques.
quelques années ; elle porte
Moinguathas^abi
biiddutton mou
M. Loth considère gain comme un impératif; soit « prends »
ou M donne » (cf. irl. gaibiin) ; gnalha « fille » pour gnâta, n'a pas
besoin d'explication ; buddiittoii est clairement un accusatif singu-
lier masculin ou neutre, et c'est sans doute le diminutif de *biissu-
« bouche », que l'on a dans l'irlandais bus, gén. biisso ; le sens
serait « baiser » comme dans l'irlandais moderne bitsôg, pusôg.
Moui peut être l'impératif d'un verbe « venir », celui qu'on a dans
le breton monel, gall. niyiied (cf. Rev. Celt., XXXV, 223),
Mais M. Loth ne se dissimule pas ce qu'il y a d'hypothétique
dans l'interprétation, très raisonnable pourtant, qu'il présente ; par
excès de scrupule, il en suggère deux autres, dans le cas où il
faudrait lire Biiddultoiii, d'après \e Corpus Inscr. Lat. XIII, 2827, ou
Buddutlouinioii en un seul mot. Budduttoiii serait le datif d'un nom
du type latin bibo, nebulo, soit « l'amateur de baisers « ; il faudrait
peut-être alors considérer moui comme un' mot neutre à l'accusatif
complément direct de gabi (cf. irl. iiniiii « cou » [gabi moui
«accoler? »] ou muin « amour », Wh. Stokes, Rev. Celt., V, 248).
Budduttouimon pourrait être le nom gaulois du peson de fuseau
(budduiio- « peson » par sens métaphorique issu de « petite
bouche » et iiimou de *suimoii, cf. irl. sniomh « filer ») ; le sens
serait alors : « Viens,- ma fille, prends ce peson de fuseau ».
Les Comptes rendus de l'académie des Inscriptions de l'année
19 17 mentionnent p. 514 qu'à la séance du 7 septembre M. Ant.
Thomas a fait une communication sur le nom de fleuve a Aude ».
L'auteur d'une brochure intitulée Note sur les ports antiques de Nar-
èoHwc (Narbonne, Gaillard, 1917, 56 p. ; tir. à part du Bulletin de
la Commission archéologique de Narbonne, t. XIII et XIV), M. Henri
Rouzaud, inclinait à croire qu'il n'existait aucune relation entre
le nom ancien Jtaxei le nom moderne Aude ; pour lui, le dernier
nom représentait l'adjectif latin alterum employé substantivement,
sous-entendu flumeii ; et le nom Atax, à supposer qu'il ait survécu,
serait à retrouver dans celui de la Cesse, affluent de gauche de
l'Aude. M. Thomas estime les spéculations philologiques de
M. Rouzaud absolument sans valeur. Et cela nous vaut une dis-
sertation fort intéressante où le savant romaniste prouve que la
forme Aude est sortie par évolution phonétique du nom ancien
Atax et a son point de départ dans le cas oblique proparoxyton
Périodiques. 89
Alace. On lit Adice dans la continuation de la chronique de Frédé-
gaire sous l'année 7^7 et dans divers documents, Atax en 814,
Atacio vers 844, Atax en 908, Aiaic en 925, Atace en 92e et en
954, Alaie en 9Ï4, Aiate en 978. 11 faut noter la métathèse dans
le cas de AtjiIc ; c'est la pierre angulaire de l'évolution qui a
abouti à la forme moderne Aude. On la retrouve naturellement
dans les siècles suivants : A::alis en 1032 et en 1034, A:{atc et
A'^ete en 105 3-1060. La métathèse est un accident fréquent dans
les proparoxytons : elle explique le passage de corulus à *colurus
(v. fr. coldre), de jicalum proparoxyton à *fitacum (d'où prov.
fctge) ; et parmi les noms propres, le passage de Carnutis à *Cur-
tunis, d'où Chartres, et de Vciietis à *Vetenis, d'où Vannes, jadis
Venues. Dans la seconde moitié du xi« siècle apparaissent pour le
nom de l'Aude des formes plus évoluées : A^de en 1089, et Aide (zn
1069 et en 1082. Dans cette dernière, la liquide est simplement la
notation de Vu semi-consonne issu de i. Aujourd'hui même en
catalan, à côté de deu « dix », on écrit delme « dîme », etc. '.
On peut affirmer que la prononciation moderne, Aude, comme le
révèle la graphie Aide, existait déjà au xi*" siècle.
Dans les Comptes rexdus de l'académie des Inscriptions de
l'année 1918, il y a à relever ce qui est dit aux pages 479 à 484.
A la séance du 6 décembre 191 8, Héron de Villefosse a fait
une communication sur une inscription découverte sur le territoire
de Rivières (Charente) au lieu dit la Garenne, par M. le Docteur
Jules Lhomme, médecin à La Rochefoucauld. Elle est gravée sur
une dalle triangulaire brisée en trois morceaux, et mesurant i '" 22
sur o'"43. C'est une dédicace aux Numina Augustorum et à la
déesse Damona ; il devait y avoir, sur la colline où la pierre fut
recueillie, un petit fanum ; on y a relevé des traces de source.
Damona est honorée sur l'inscription de l'épithète matuherginni,
mot nouveau, mais qui contient deux éléments bien connus des
celtistes : matii- et herg-. L'inscription montre la diffusion du
culte de Damona dans l'Ouest de la Gaule où on ne l'avait pas
encore rencontré ; elle fait voir en outre que Damona était
quelquefois honorée seule et que son culte n'était pas nécessaire-
ment lié à celui de Boruo, comme les textes de Bourbon-Lancy et
de Bourbonne-les-Bains pouvaient le donner à penser, ou d'Albius
comme sur l'inscription de Chassenay (près Arnay-le-Duc, Côte-
I . Mais le changement de ^ en u n'est pas seulement catalan ; on ren-
contre deituhi pour décima et leuda pour ticita dans huit ou neuf dépar-
tements du Sud-Ouest (cf. A. Thomas, Rontania, XXVIII, 196 et 487).
90 Périodiques.
d'Or ; C. /. L., XIII, 2840). Albius n'est d'ailleurs sans doute
qu'un surnom de Boruo, appelé Candidus sur une inscription
d'Entrains (C. 1. L., XIII, 2901).
II
Le fascicule IV du tome XVIII de la Revue des études anciennes
contient p. 248 et suiv., des Notes latines de M. A. Cuny, dont la
première touche à nos études. Il s'agit du vers 888 du Trinum-
mus qui se termine dans les manuscrits par les mots quasi uixillum
uinarium. Le second de ces mots est manifestement corrompu ; on
le corrige généralement en iiesculuiii, neutre de l'adjectit iiesculus
(Paul. Fest. p. 578, 1. 21, éd. Lindsay) qui signifie « mince,
malingre ». M. Cuny admet cette correction, mais voit dans ues-
cuhitn un substantif signifiant « récipient, vase » et emprunté à
l'ombrien. Les Tables Eugubines contiennent en effet un pi. ves-
kla, veskln « vases » et le volsque présente le même mot sous la
forme du dat. plur. iiesclis. Cette interprétation a d'abord l'avan-
tage de laisser au mot uinarium la valeur d'un adjectif; mais elle a
aussi celui de nous faire retrouver chez Plante un mot apparenté
au celtique. Comme l'a reconnu M. Thurneysen (^Kuhns Zeit-
schrift, XXXVII, 95 eilndog. Fscbg, XXI, 175), l'ombrien uesklo-
sort d'un primitif *lestlo- qui se retrouve sous la forme *lestro- en
celtique : v. irl. lestar « vase », Wb. 4 c 32, gall. llestr, bret. lestr
« vaisseau », v. bret. leslir g\.. rati.
Dans le même fascicule, p. 277-279, M. Salomon Reinach
développe sur le nom de la ville de Lyon l'hypothèse mentionnée
dans le volume précédent de la Revue Celtique, p. 402. Nous ne
reviendrons pas sur une controverse, qui risquerait de s'éterniser
sans profit. Il est fort possible, comme le suppose ingénieuse-
ment le savant auteur, qu'il se soit produit une confusion entre
2(a)T£'.vc-v opo; et le nom de l'évêque S' Pothin ; mais cela ne
prouve pas que Mons Lucidus ('^wre'.vôv opoç) soit la vraie traduc-
tion de L'ugu-dunom. Ce n'est pas d'aujourd'hui que datent les
étymologies fantaisistes. Héric d'Auxerre n'était pas le premier à
en tenter sur le nom de Lyon ; on sait qu'il ne fut pas le dernier.
La tentative du pseudo-Plutarque, qui voit dans Luguduniim la
« Colline du corbeau », n'est pas tellement déraisonnable, si l'on
songe que d'après l'irlandais loch « noir » et le gallois llivg
« livide », il a pu exister en gaulois un adjectif *luko- « noir,
sombre ». De ce mot est tiré en brittonique comme en gaélique le
nom de la souris ; le gaulois *luko- pouvait servir d'épithète au
Périodiques. 91
corbeau, et l'on sait que le corbeau était réputé sacré sur la colline
de Fourvière. Mais ni l'explication par *luko- « corbeau », ni celle
par hicidiis mons ne rendent compte de la gutturale sonore et du
thème en -11- que présente le premier terme de Lugu-dunum. II y
a dans les deux cas une double difficulté, phonétique et morpho-
logique. Voilà pourquoi l'étvmologie de Liigu-dunnm par le nom
du dieu Liig a été généralement préférée des celtistes '.
Poursuivant la série de ses Notes gallo-romaines, M. C. Jullian a
donné au même fascicule, p. 263-276, sous le n° Lxxij, un résu-
mé de ses idées sur, l'époque italo-celtique. On sait que le savant
auteur enseigne depuis longtemps que les Italiotes et les Celtes ont
formé à une certaine date une unité de civilisation, qui suppose-
rait une unité politique, sociale ou religieuse Cette doctrine, qui
lui est chère, n'est pas pour déplaire à certains linguistes, qui
admettent de leur côté, vu les rapports étroits des grammaires et
des vocabulaires, une unité de langue italo-celtique. M. Jullian
apporte ici à cette doctrine des précisions géographiques et archéo-
logiques. II croit que l'unité italo-celtique est représentée dans la
tradition par le nom des Ligures ; il admet avec d'Arbois de Jubain-
ville, Pauli, Kretschmer, et plus récemment M. Niedermann (v.
Rev. Celt., XXXMI, p. 405) que le ligure était une langue indo-
européenne ; que les limites de l'empire italo-celtique étaient
précisément celles de l'empire ligure et que la fin de cet empire
italo-celtique ou ligure eut lieu par la dislocation des éléments
qui le constituaient, lesquels apparaissent séparés à date historique
sous le nom d'Ombriens, de Celtes, de Latins ou de Ligures
proprement dits. Nous laisserons les archéologues discuter cette
doctrine du point de ntjc qui les intéresse. Aux yeux des linguistes,
elle ne soulève guère d'objections sérieuses, à condition toutefois
de ne pas confondre unité de langue, unité de race et unité de
civilisation ; ce sont là trois notions qui peuvent se superposer,
parallèlement les unes, aux autres, mais dont les limites ne se
recouvrent pas nécessairement.
I. Il n'y a certainement aucun rapport entre la déformation de s'jJTîtvo;
en -oOeivo'ç supposée par M. S. Reinach et celle de l'ancienne rue d'Enfer
(via Inferni), qui est aujourd'hui la rue Denfert-' Rocher eau. En faisant ce
changement, parfaitement volontaire et conscient, les édiles parisiens ont
simplement été soucieux de dérouter le moins possible les habitudes du
public. Delà même façon, les édiles d'une ville du Midi, voulant honorer
la mémoire de Bernard Lazare, ont débaptisé en sa faveur leur ancienne
rue St-Bernarâ. C'est sacrifier les vieux noms avec esprit aux exigences de
l'actualité.
92 Périodiques.
Au tome XIX de la Revue des Études anciennes, p. 55-38, M.J.
Loth a complété l'article qu'il avait précédemment donné à cette
même revue sur l'omphalos chez les Celles (^v . Rev . Celt., XXXVII,
p. 142); il s'occupe cette fois de Lia Fàil, Pierre d'intronisation ou
d'épreuve des rois d'Irlande à Tara et, s'inspirant d'un travail de
M. J. Baudis (Ériu, VIII, ici), il se demande si cette pierre était
un omphalos ou un phallus. Que les pierres dressées aient été chez
les Celtes l'objet d'un culte phallique, cela est prouvé par divers
témoignages. Dans un texte irlandais publié par M. Lucius Gwynn
(Ériu, VI, 134), il est question à Tara d'une pierre Ferp Cluiche
« Pénis de pierre », laquelle, d'après Pétrie (^Antiquities 0} Tara),
portait à une époque plus récente le nom àeBod Fheargusa « Pénis
de Fergus «.M.Loth ajoute à ce témoignage celui que fournit la plus
ancienne vie de saint Samson, éd. Fawtier, p. 143-145. Pourtant
il ne croit pas que ce caractère phallique soit ancien dans le Lia
Fâi!. Celui-ci était plutôt à l'origine un omphalos. Le roi de Tara
avait un caractère sacré ; il était soumis à des ^t'.sY7 variés, d'origine
fort ancienne, il était investi d'une sorte de royauté sacerdotale.
Or, le Lia Fàil jouait un rôle dans l'intronisation du roi suprême
de Tara.
A la suite de cet article, M. Dottin publie une note sur le Ser-
ment celtique (p. 38), tel qu'il est prononcé par Conchobar d'après
le texte de la Tàin bô CuaJnge, 1. 4753, éd. Windisch.
Dans le 2= fascicule du même tome, p. 125-133, M. C.JuUian,
reprenant sous le n" LXXIV de ses Notes gallo-romaines, la question
de l'unité italo-celtique, en étudie les provinces et les limites.
L'enquête est des plus délicates et ne peut être abordée sans une
extrême prudence : nous sommes ici sur un terrain si peu solide.
L'unité italo-celtique apparaît à M. Jullian plutôt comparable à
l'unité hellénique au temps d'Alexandre ou à l'unité gauloise au
temps d'Ambigatus qu'à l'unité romaine formant un tout compact
autour d'un seul centre. Il ne croit pas possible de déterminer avec
certitude l'emplacement du centre de l'unité italo-celtique ; le centre
géographique en devait être en tout cas la Gaule. En revanche, il y
distingue un certain nombre de grandes provinces, que permet de
reconnaître aisément l'archéologie du bronze :1a province maritime
de la Manche comprenant l'Armorique, l'Irlande et le Sud de la
Grande-Bretagne ; les Alpes méridionales et l'Apennin du Nord ;
l'Italie péninsulaire ; l'Espagne; l'Europe Centrale; la Gaule conti-
nentale qui for-mait peut-être deux provinces; enfin les terres rive-
raines de la Baltique et la Hongrie, deux régions dont les rapports
Périodiques. 93
avec le monde italo-celtique peuvent être contestés (v. i?^î;. Q//.,
XXXII, 504 ; XXXIII, 391 ; XXXV, 256). Plus tard, les colonies
proprement celtiques se seraient superposées aux populations italo-
celtiques, autrement dit ligures. L'hypothèse ne manque pas de vrai-
semblance ; mais c'est aux archéologues à la discuter. Les linguistes
toutefois souscriront difficilement à l'argument qu'emploie
M. Jullian pour étendre jusqu'au long de la Baltique la frontière
orientale du monde italo-celtique : il fait état d'une « parenté
initiale entre l'italo-celtique et le balto-slave » ; mais parmi les
groupes dialectaux de l'indo-européen, ceux-ci sont des plus diffé-
renciés. On ne peut guère parler d'une parenté linguistique du balto-
slave et de l'italo-celtique qu'en considérant l'époque de l'unité
indo-européenne, nécessairement bien antérieure à celle de l'unité
italo-celtique.
III
L'excellente revue Ériu a fait paraître son huitième volume au
cours de la guerre. Le premier cahier, paru en 1915, débute par
l'édition d'un texte fort important, celui de la « Première bataille
de Moytura » par M. J. Fraser (p. 1-63). Cette première bataille,
livrée vingt-sept ans avant la seconde, se distingue de celle-ci par
l'emplacement : on l'appelle aussi « Bataille de Moytura du Sud »
par opposition à la seconde qui est la « Bataille de Moytura du
Nord ». Le présent texte la désigne du nom de Cath Miiige Tiiired
Cuiiga v. Bataille de Moytura Conga ». On trouvera tous les ren-
seignements utiles sur les causes et les circonstances de ces deux
batailles, qui nous reportent en pleine mythologie, dans les
ouvrages de d'Arbois de Jubainville, le Cycle mythologique irlan-
dais, p. 131 et suiv., et l'Épopée celtique en Irlande, p. 393 et suiv.
On sait que Moytura se trouve dans le comté de Sligo ; c'est là que
la légende irlandaise a localisé la victoire des Tuatha de Danann
nouveau-venus en Irlande, contre les deux races mythiques des
Fir Bolg et des Fomoré. Il est probable qu'à l'origine il n'y eut
qu'une seule bataille de Moytura ; on la dédoubla ultérieurement,
suivant le nombre des adversaires des Tuatha De Danann, en sup-
posant qu'ils livrèrent la première aux Fir Bolg et la seconde aux
Fomoré.
Du texte de la première bataille de Moytura, il n'avait été publié
jusqu'ici qu'un résumé, dû à O'Curry (Manuscript Materials,
p. 244 et suiv.). Ce texte n'est^conservé que dans un seul manuscrit,
H. 2. 17 de Trinity Collège, qui est des xV-xvi' siècles. Il com-
94 Périodiques.
prend deux parties : l'une (§§ 1-22) consacrée aux migrations des
Fir Bolg et des Tuatha De Danann et à leur arrivée en Irlande ;
l'autre (|^§ 25-59), ^ ^^ rencontre des deux peuples en Irlande et à
la bataille elle-même, à la suite de laquelle les Fir Bolg vaincus
allèrent s'installer dans le Connaught. La première partie est mal-
heureusement incomplète, car une partie assez considérable du
manuscrit est aujourd'hui illisible (p. 90-91). M. John Fraser s'est
acquitté de sa tâche ainsi qu'on pouvait l'attendre de son érudition
et de son ijoùt ; il a joint au texte édité une traduction ançjlaise.
Le même fascicule contient a Poemon Irelaiid édité par M. Paul
Walsh (p. 64-74) d'après le ms. Stowe B. W. 2 (f° 120-121) de la
Royal Irish Academy 011 il est transcrit du Book of Leinster (p.
31), avec des variantes tirées de cinq autres manuscrits, dont le
Yellow Book of Lecan (p. 413 a). Le poème est attribué à Flann
Fina, nom irlandais du roi saxon Aldfrithfils d'Osswy, qui mourut
vers 704 ; sous sa forme actuelle, il contient des additions certaines
et il a été fortement retouché par ceux qui l'ont ultérieurement
reproduit. Mais il a quelques archaïsmes, et si la correction orodan-
dct est certaine au dernier vers, elle fournirait un exemple de pronom
infixé avec la valeur d'un datif : « depuis qu'il lui a été accordé ».
La traduction que donne M. Walsh n'appelle que peu d'observa-
tions : v. 5-6, iii cach coiciudh do eoiccedaibh na hErend fournit un
exemple de plus de la redondance d'expression dont il a été question
R. Celt., XXXVII, p. 286 ; traduire : « dans chaque province
des provinces d'Irlande ». — Vers 7, cofraig est mal traduit:
cette locution qui signifie proprement « jusqu'au mur » ' a pris le
sens de << complètement » : bafJailh Fâil co frnig L.L. 18 a 49 (Éd.
Gwynn, Mctr. Diiids., III, 522). On peut lui comparer l'idiotisme
français « jusqu'à la gauche » emprunté à la langue des casernes et
en irlandais même co talmain <c-complètement,des pieds à la tête »,
ni 00 àm is fer co talmain L.L. 98 b (= TBC, 1. 5822 éd. Wd.),
augô is fer co talmain Lee. 47 b (=TBC, 1. 3259, éd. Strachan). —
Au vers 75, que M. Walsh laisse sans traduction, on peut soup-
çonner dans tothlaithele génitif d'un nom verbal du verbe dolknaiw
(Pedersen, Vgl. Gr., II, 649) et le sens serait : «< des vaches qui
emportent toute récolte »; c'est le tour mentionné i?. Celt., XXXVII,
p. 328. —Au vers 83, W ïaui hire de a mbaill It sujet de bronnait et
comprendre : « des hommes vainqueurs dont les membres con-
I. La locution complète est otbeiti cofraig « du foyer [placé au milieu
de la pièce] jusqu'à la paroi du mur » L. U. 107 a 20 ( =F. Br. § 55).
Périodiques. 95
soninient, etc. » ; l'accusatif tomailt est alors le régime direct de
hroiinait. — Au vers 91, arrecc n'est pas traduit ; c'est la form'e
moyen-irlandaise de inrec (Sg.148 b 8,153 '^ ?)' ^i^'^<^<^ (Sg-iobi),
hirrec (Pr. Cr. 63 b 2) « entièrement, complètement, d'un seul
coup » ; cf. Stokes, Z. f. Celt.Phil., II, 473, Ed.Gwynn, Monast.
ofTallaght, 158, 3 et Metrical Di)idshenchas,lU, p. 489 ; voir aussi
les notes au Thésaurus Palaeohibi'rnims, t. II, p. 63 et 162.
Le même M. W'alsh, qui a publié déjà d'utiles articles sur les
noms de lieu des textes médiévaux, identifie, p. 75-77, le nom de
lieu Ochu ou Ocbauu qui est donné dans la Tâiii comme étant sur
la route des gens de Connacht vers l'Ulster. Ce serait aujourd'hui
Faugha?} , dans la paroisse de Martrv, au sud de la rivière Blackwater
et à 3 milles environ de Te\tov:nÇTailtiu),qui est situé au nord. De
même l'anciêa nom de Oihaiu est représenté aujourd'hui par Fahan
en Inishowen (Co.Donegal) ; la prothèse de / est un fait bien
connu en irlandais moderne.
Aux pages 78-99, M.Douglas Hyde étudie un manuscrit, le Bock
of the O'Conor Don, qui est le plus précieux recueil de poésie bar-
dique qu'il ait jamais rencontré. Ce manuscrit a été copié à Ostende
en 163 1 pour un certain Captain Samhairle(Sorley), le même auquel
on doit la compilation du Duauaire Fhinu ; le copiste des deux
recueils serait le même, à savoir Aodh O' Dochartaigh. Il y a en
tout 342 poèmes ; un examen du manuscrit montre qu'il en manque
28; des 422 folios que comportait primitivement le manuscrit, une
trentaine en effet sont gâtés ou perdus. Les poèmes sont de 85
poètes différents, dont 22 étaient inconnus quand K.Meyer établit la
liste qui termine ses Primers of Irish Metrics. Ces poètes sont en
majorité du nord de l'Irlande. Le recueil suit un ordre à peu près
méthodique : les 125 premiers folios sont consacrés principalement
à la poésie didactique et religieuse ; les autres à la poésie historique
ou politique. M. Douglas Hvde donne une liste des premiers vers
de chaque poème et une liste des poètes.
Il y a enfin à signaler dans le fascicule deux courtes notes : l'une
de M. Bergin (p. 99) sur l'expression doreari'iasal {Imram Brain,
^ 48 et Death-Tales p. 12, j 3), qu'il interprète par une tmèse do
rea rùasal a qui a créé les espaces célestes (cf. as rima riiidaid,¥éUYe
d'Oengus, 12 janvier); l'autre de M. R. I. Best (p. 100) sur l'in-
cantation contre le mal de dents du ms. de St. Gall (Thés. Pal.,
II, 248) qui est conservée en meilleur état dans le Ms. H. 3.17 de
Trinity Collège (col. 658d).
96 Périodiques.
Ce premier fascicule du tome VIII de /:/;» contient en appendice
le début d'une édition par M. Bergin des Irish Grammatical Tracts.
C'est une entreprise de longue haleine, qui est de très grande
importance. Nous ne faisons que la signaler aujourd'hui. Nous y
reviendrons.
IV
La veillée de Fingen, Aime Fingein, est un curieux récit en prose
mêlée de vers, dont le texte irlandais a été publié par Miss Annie
M. Scarre dans les Auecdota from Irish Maniiscripts, t. Il, p. i-io,
d'après un manuscrit de la collection Stowe. Il y en a trois autres
manuscrits, le Book of Lismore f" 96 a i, le Book of Fermoy, f°
24 a I et le Liber Flavus Fergusiorum, f° 27 r° b ' (cf. E. Gwynn,
Proceedings of the Royal Irish Academy, 1906, t. XXVI, sect. C,
p. 26).
Deux celtistes américains, dont le nom est familier à nos lec-
teurs, MM. Arthur C. L. Brown et Tom Peete Cross, viennent de
faire une traduction anglaise du texte publié par Miss Scarre. Cette
traduction a paru dans le tome IX delà Romaxic Review (n° i,
January-March 1918, p. 29-47). Les deux traducteurs l'ont
fait précéder d'une introduction, où ils marquent l'intérêt et la
portée du récit irlandais. Des notes abondantes accompagnent la
traduction ; elles étaient nécessaires, car le texte de Y Aime FiHgein
est rempli de traits de folk-lore et d'allusions à des faits mytholo-
giques, historiques ou géographiques, que l'on connaît en partie
par les recueils de Dindshenchas. Les difficultés d'interprétation
n'y manquent pas non plus. L'auteur de ce compte rendu, ayant
eu l'occasion de prendre VAirne Fingein comme texte d'explication
à une de ses conférences de celtique il y a six ou sept ans, soumet
aux deux traducteurs les observations qui suivent.
5 I. Rothnianih, nom de la fée qui venait rendre visite à Fingen,
est traduit mot à mot par « Wheel-splendor » ; une ligne d'expli-
cation n'eût pas été déplacée. La roue en question est apparem-
ment la roue solaire ; le latin rota désigne le soleil dans une glose
citée Trip. Life p. 49e (rotae factor .i. Solis), et rhod tes v roue
ardente » est dans la poésie de Dafydd ab Gvv^ilym (pièce 93) un
nom du soleil ; cf. Z.f. Celt. Phil., VU, 160.
§ 2 (p. 2, 1. 5) ; sur le sens de co nderna, voir maintenant
K.Meyer, Miscell. Hibern., p. 36.
I. Ce dernier non mentionné par MM. Brown et Peete Cross.
Périodiques. 97
§2 (p. 2, I. 7); la traduction « bountiful road » pour rèd iniais,-
n'est pas exacte limais, à lire iiiimais, est ici le génitif du mot inibas
" magie » (cf. imhns forôsiiai, \Vd., Wih., p. 6ié et Anecd. froiii
Irish niss.. Y, p. 28). La magie est liée au cours des fleuves et en
particulier à celui de la Boyne et du Shannon. Voir la légende
relative à la formation de ce dernier fleuve dans le Didshenchas
(Rev. Ceît., XV, 456 et E. Gwynn, Meir. Dinds., III, p. 286-294).
C'est l'art delà magie, la science mystique que Sinenn vient cher-
cher à la source de la montagne de Segais Çinniias iia Segsa,
Gwynn, op. cit., p. 28e, 1. 21) : hiid iarum Sinend do saigid in
inibois, ar ni tesla ni fuirri acht soas tantiim (R. Celt., XV, 45e), ni
Ihesla main hadmaith linn for in-sâir-sin... acht immas sois (E. Gwynn,
op. cit., p. 288, V. 45). Sur le fleuve auquel elle donna son nom,
' Sinenn trouva des « bulles magiques » formées de jus de noix Çdo
sïig na cnô dogniat na bolca immaiss, ibid., p. 294). Les bulles pro-
duites par le soleil sur les plantes donnaient l'inspiration poétique
(cf. O'Davoren, 1569 dans A. f. Celt. Lex., 11,477 • iinhus greine .i.
holg greiuc imfuilnges ingrian for na luibhibh, 7 cipe caithes iat bidh
dan aigi). Il n'est pas douteux que nous ayons affaire ici au même
mot imbas ; cf. J. Loth, Rev. Celt., XXXVII, 311 et suiv.
§ 4. A propos des secht solabra filed «seven good speeches ofpoe-
try », comparer le passage de l'Acallamh na Senorach, 1. 7551 et
suiv. : dia mbeitis secht tengiha im cind 7 secht solaharta siiadh cecha
tengad dib...
§ 5. Il eût fallu introduire dans le texte la correction évidente
due à M. E. Gwynn Çla Nair tuathchaoich^ et traduire en consé-
quence.
Les vers de la fin du paragraphe doivent être traduits : « La
veillée serait longue, si tu n'étais pas à converser avec moi, por.r
qu'elle soit plus merveilleuse ; c'est un héros, c'est un roi que je
fus un moment occupé à cela {occa), auprès de la pierre très
longue. »
§ 12. bidh hludaid co niara murK il sera un briseur jusqu'au rem-
. part de la mer » ; bludaid équivaut à blugaid, cf. cleth-blugaid « bri-
seur d'épieu » Z. f. Celt. Phil., III, 466, 26.
foigera cach tiiaidh a hhara « sa colère brûlera chaque tribu » ;
cf. le subjonctif /oo-era dans le sermon de Cambrai, Thés. Pal.
hib., II, 246.
fondaig scailti « chars brisés » ; fondaig équivaut à fondaid, cf.
fonnad .i. carpat O'Cl .
ciahemne niadh tu; sur ce tour, voir maintenant Thurneysen, Z.
f.vergl.Sprachf., t. XLVIII (ci-dessous, p. 98).
Revue Celtique. XXXVIII. 7
9 s Pcriodiqurs.
^ i-^ . nocho taircii baa dam « il ne me vient pas de profit (^baa)»;
sur tiiiiri, voir Pedersen, Vgî. Gr., II, 553.
V
Dans la Zeitschrift hiir vergleichende Sprachforschung,
t. XLVIII, p. 48-75, M. Thurneysen a réuni, sous le titre général
de hisches, une série de notes grammaticales d'un grand intérêt.
1. Dativische iiifigicrte Versoualpronomen. Contrairement à l'hy-
pothèse présentée dans la Revue Celtique, XXXI I, 480 et dans les
Mémoires de la Société de Liiignistique, t. XVII, p. 344, le savant
professeur ne croit pas que la phrase dotbérœ éislis du Monastcry of
Tallaght, § 37, fournisse un exemple de pronom datif infixé : il y
voit une construction aualoj^ue à celles des locutions stéréotypées
friscurethar céill « il honore », ou arheir hiuth « il consomme »,
qui admettent un régime à l'accusatif. Il n'y aurait en irlandais
d'exemples sûrs de pronom datif infixé qu'au prétérit passif.
2. Die Ventdrhniigspartikel der i. Persou siiig. La forme de cette
particule est en irlandais -se ou -sa suivant le timbre de la con-
sonne précédente ; mais, contrairement à la doctrine courante qui
voit dans -sa la forme ancienne (dont -se ne serait que la palatali-
sation), M. Thurneysen considère -se comme plus ancien ; -sa en
serait issu, par l'intermédiaire de -sae, après consonne de posi-
tion postérieure. La particule remonte donc à un thème primitif
*siyo-, *syo- .
3. Zum Noniiiiati-v der PersoiiaIproiioiiie)i. Il s'agit du tour idioma-
tique mad tii « moi et toi » (m. à m, « si c'est toi ») dans des
phrases comme dianibàmar rnadtii leis oc foglaim biudiussa (Tochm.
Emire, Z. f. Celt. Phil., III, 249, 64 = R. Celt., XI, 44e, 49).
Autres exemples : Anecdota from Ir. Mss., II, 9, 3 ; Z. f. celt.
Phil., VIII, 329, 27 {L.L. 330 e9 =B.B. ié6 a 6); Ir. Texte, III,
p. 244,1 ; etc.
4. Zum Gebrauch voii i. En général, cette particule n'exprime la
relation qu'en composition avec l'article : ;;/// « celui qui », etc.
On trouve cependant quelques exemples où elle est ajoutée à un
substantif : in maie hi roslassa and « les garçons qui avaient été
battus là » (T. B.C., 1. 414 éd. Strachan-O'Keeffe) ; autres
exemples : Z. /. celt. Phil., VI, 2 ; Liadain and Curitbir, p. 22,
19 (= I.T. III, 16, 5 39 et 4), § 63); Laïas II, 338, i ; etc.
6. no. La particule verbale no de l'irlandais est identique à la
conjonction no « ou bien ». Les étymologies proposées, pour
expliquer cette dernière à part de la précédente (Pedersen, Vgl.Gr.,
Périodiques. 99
I, 441 ; Morris Jones, Welsh Gramni. I, 441) sont donc fausses :
dans les deux cas, wosortirait de iie-ii^e « ou bien non ? », ail. « oder
nicht ? », angl. « do'nt you ? ».
G. for mu mud « à ma manière » est une locution où Tadjectif
possessif a la forme pleine {Thés. Pal., 11, 294,4); le même fait
se présente souvent lorsque le substantif suivant commence par
une m ; il s'agit d'éviter une ambiguïté.
7. a/ « jenseits... ûber hinaus » est une préposition d'emploi
plutôt rare; on la trouve dans Sg. 217 b 14, et K. Meyer en a
donné deux exemples dans Eriu II, 87 ; elle explique almôin .i.
fri main (R. Celt., XV, 308), al mnà, al maccu {Forjess Fer Falgae,
Z. f. celt. Phil., VIII, 565), mag alcuing (Tochm. Emire,Z. i. celt.
Phil., III, 245, §52 ; etc.). La forme a/ est issue de oll en
position prétonique (oldàu « que moi », proprement « au delà
de ce que je suis »).
8. Das Verh « essen ;;. Examen de quelques formes verbalesrares
appartenant à ce verbe.
9. Zur Declination der u-Stâmme. Le nominatif pluriel masculin
en -/ avec consonne postérieure {giiimai) est dû moins à l'in-
fluence des thèmes en -/- qu'à celle des thèmes masculins en -io-
dont la consonne précédente était de position postérieure.
10. béso « ist vielleicht » à côté de bés, est en étroit rapport avec
hésnipo à côté de bés nip; Vo final de ces formes doit sortir d'un
ancien prétérit (cf. Pedersen, Vgl. Gr., II, 28e) ; héso a servi de
modèle à tnaso, ciaso, etc.
11. irar « Adler ». Le prototype de ce nom d'oiseau est *eriros ;
cf. gall. eryr . Peut-être faut-il en rapprocherle motgrec ocv.ç et le
v.h.a. arn.
12. -1 im Auslaiit. Dans les formes de subjonctif sigmatique de la
racine */ȣ'/^'-, la 3*^ personne -uiell sort de *iuelost et prouve que -//
final se conserve en irlandais comme -rr (dans -o/r etc.).
13. Der priidikative Genitiv. Exemples de cet emploi attesté en
vieil-irlandais dans des phrases qui ont été souvent mal comprises:
nibà pêne lia réigi ÇV. Trip. né, 26) ; napa nime na taltnan ÇSau.
Corm., 756), ni a thire {San. Corm., 1059); (w) do selba (T. B.C.,
1553 éd. Str.-O'K.) ; ba chuta (Cath Ruis, §44); is cuil lend
{T.B. €., 1770 éd. Str.-O'K.); is folaid (Ériu, \, 205 et 19e, 13);
ni machin (^Metr. Dinds.,éd. Gwynn, III, 502) ; ni bar scéuil iî(Wb.
17 bé); etc.
14. Das Kollektivsuffix -rad est sorti en irlandais de echrad et de
damrad, oià il désignait l'attelage de chevaux ou de boeufs (cf. riad
« Fahrt » et le verbe riadaim « ich fahre ») ; cf. gall. ebrwydd
« prompt » qui répond à echrad. ^
loô Périodiquei.
15. Einielnes. Remarques sur les mots hen « femme» (dont l'an-
cien accusatif estbein, Eiiu, VI, 136,78) ; bri » colline» (qui est
féminin) ; -buich « il vainquit » (forme d'aoriste, à rattacher à la
racine du gotique biugan); a'/r « cinq » (produit l'aspiration, cf.
Eriu II, 26 § 8 et L. L. 148519); dcr « larme » (est un ancien
thème en-o-, *dakro-m, cf. got. tagr^ ; fcmmuin « algue comestible »
(a un génitif y<;7;w;'r T. B.C., 1169 éd. Str.-O'K. et par suite repré-
sente commt arbur un ancien thème en ;-h) \fessin, fadcssin «même»
(a en poésie la voyelle e tantôt brève, tantôt longue); /t'^cfl «joue»
(est issu de leccoiiii, ancien composé lelh-coini) ; leslar « vaisseau »
(est un emprunt au brittonique) ; aél « souffle » (est une forme
semi-savante d'après le latinfl^r) ; .V6t/j conjonction (s'emploie aussi
bien dans des phrases positives que négatives ') ; seiche « peau »
(est un ancien thème en -ia) ; torhae « profit » (contient le préfixe
to- comme todéoir « larmoyant»).
Cet important travail se termine par des observations et correc-
tions aux dernières hypothèses de M. Pokorny.
YI
Dans les Sitzungsberichte der kôn. preuss. akademie der
wissENSCHAFTEN, I9i5,n° LUI, p. 905-908, Kuno Mcycr a publié
un article daté de San Francisco, lé novembre 191 5. Il s'agit d'un
poème sur le roi Bran Find, conservé dans le Livre de Leinster (f°
327 g et h, 1. 50). L'intérêt de ce poème est double : d'abord, il
est fort ancien, appartenant à la première période de la versifica-
tion irlandaise, la période que l'on peut appeler métrique ; et de
plus, il provient du Munster, décrivant la généalogie du roi des
Dési, Bran Find (mort en 671) jusqu'à son lointain ancêtre Tua-
thal Techtmar. Kuno Meyer n'avait jusqu'ici rencontré qu'un
seul ancien poème de même origine, celui qui célèbre la généalo-
gie du roi Cù cen mâthair mort en 665 (cf. Aeltesle irische Dichtuiig,
I, poème l\'). Bran Find est mentionné dans un poème d'âge pos-
térieur, dont une strophe nous a été conservée par les traités de
métrique (Thurneysen, Irische Texte, III, 20) ; et nous savons qu'il
passa son temps en incursions chez les voisins : for dibeirg nobid
dogrés (O' Keeffe, Ériii, V, 36). Sa généalogie est donnée parmi
celles des rois des Dési dans le Livre de Leinster, p. 327 g et dans
I. II est exact que dans ma Grammaire du vieil irlandais je n'ai pas
donné d'exemples de sech au sens de « sauf que, outre que ^), mais ia
conjonction sech y est mentionnée p. 571, § 714.
Périodiques. loi
le Rawl. B. 502, p. 154 d. Le poème que publie K. Meyer est
fort court; et en dehors des noms propres il ne contient que peu
de texte. Il n'en est pas pour cela plus facile ; et le savant auteur
est contraint çà et là de présenter son interprétation comme pure-
ment conjecturale. Au dernier vers, on lit Tùathal /îia[//;] que
K. xMeyer traduit par « Tûathal der ûber Volkstàmme herrschte »
en faisant de iùaih un génitif pluriel. C'est d'une construction bien
hardie. Il paraît plus simple de considérer ici le mot tuath comme
un adjectif équivalant au gallois //// dans Morgan tut, et de le tra-
duire par « magicien » (cf. Loth, R. Celt., XXXIII, 254 et suiv.),
ou par « secourable, favorable », ce qui est sans doute le sens
ancien de l'adjectif celtique *teuto-(^c(. got. piup n. àyaOov).
Dans les mêmes Sitzungsberichte, 1916, XVII, p. 420-422, le
même auteur publie un altirischer Heihegen d'après le Leabhar
Breacc, p. 99. \Vh. Stokes en avait donné une simple copie dans
la Kuhn's Zeitschrift, XXVI, 519 (cf. Zimmer, ibid., XXXIII, 144),
mais nul n'en avait tenté jusqu'ici l'interprétation. Celle que pro-
pose K. Meyer, comporte quelques corrections au texte du
manuscrit'. Voici le texte qu'il restitue :
Trefuili trebéoil : a neim hi naithir, a chontan hi coin, a daig hin-umae.
Ni'p on hi nduiniu.
Trefuili trebéoil : fuil chon, fuil ilchon, tuil flede Flithais. Nip loch, nîp
chrù, nîp att, nip aillsiu anî frisa cuirither mo éle.
Admuiniur teora ingena Flithais.
A naithir, icc a n-att !
Benaim galar, benaim crécht, suidim att, frisbenaim galar.
Ar choin gaibes, ar delg goines, ar îarn benas.
Bendacht for inngalar-sa, bendacht for in corp itâ,
Bendacht for inn-éle-sea, bendacht for in càch rodlâ.
La tormule, comme on le voit, se termine par deux Langzeilen.
I. Certaines de ces corrections n'améliorent pas le texte d'une façon irré-
prochable ; en particulier on peut émettre des doutes sur l'interprétation de
Jletlhi corrigé en flede : qu'est-ce que « le sang du festin de Flidas ? » Flidas
(ou Flidais) est l'héroïne de la Tàin ho Flidais, éditée par Windisch, Ir. Texte.
II, 2, p. 206 et parThurneysen, Zu irischen Handschriften und Liieraturdenk-
màlern, I, p. 95 ; femme d'Ailill Finn et maîtresse de Fergus, Flidas est
mentionnée dans la Tdin bo Ciiaihige, 1. 402, éd. Windisch (=: L. L., 56 b);
le Book of Leinster 9 b 51 lui attribue quatre filles. — Au lieu de ilchon
(ms. hilcon), ne pourrait-on lire fdilchon, forme ancienne du nom du
« loup » (cf. K. Meyer, Sitiher. der kon. pr. Akad. d. fViss.. 191 2, p. 798
et H. Hubert, R. Celt., XXXIV, p. 5) >
102 Périodiques.
Traduction :
Drei Blutwunden aus drei Màulern : ihr Gilt in die Natter! seine Toll-
wut in den Wolt ! sein Feuer in das Hrz ! Es soll kein weiterer Schaden in
dem Menschen sein .
Drei Arten Blut aus drei Màulern : Wolfsblut, Blut von vielen Wôlfen,
Elut von Flidas' Festmahl. Das, wogegen mein Spruch angewendet wird,
soll keine tiefe Wunde, keine blutige Wunde, keine Geschwulst kein Gesch-
wûr werden.
Ich rufe die drei Tôchter Flidas' an.
O Natter, heile die Geschwulst !
Ich schlage die Krankheit, ichschiage die Wunde, ich beschwichtige das
Geschwûr, ich heile die Krankheit .
Gegen den Wolfder anpackt, gegen den Dorn der verwundet, gegen das
Eisen das trifFt.
Segen ùber dièse Krankheit, Segcn ùber den Leib, in dem sie steckt,
Segen ùber diescn Hcilspruch, Segen ùber jeden der ihn angewendet hat !
Enfin les Sitzukgsberichte der preussischek akademie der
wissENSCHAFTEN de 1918, qui pour la première fois depuis leur
création ont rayé de leur titre le mot kôniglich, contiennent,
p. 1030-1047, un autre article de K. Meyer, qui touche aux
rapports de l'Irlande et des pays Scandinaves, Nordisch-Irisches. Cet
article a pour principal objet de réfuter l'hypothèse présentée ici
même par M. Marstrander (Rev. Ceît., XXXVI, p. 241-263) sur le
dieu Thor en Irlande. K. Meyer conteste que le nom de Toinar
soit autre chose qu'un nom d'homme et représente autre chose
qu'une altération d'un plus ancien Tomrir (Tomrair^, qui est le
Scandinave porir. Il est fait mention de trois rois pôHr dans les
Annales irlandaises (Ann. Ulster, 847 ; Three fragments of Irish
Annals, années 860-869; Ann. d'Innisfallen et de Clonmacnois,
année 922), toujours sous la forme Toinrair ou Tomrar. Et l'on
connaît des t// Thomrair (en Donegal, Z. /. celt. Phil., VIII, 296,
26; en Munster, B. Bail., 102 b 34), des clauna Tômoir (près de
Tara, Bataille de Mngh Leana, éd. O' Curry, 1855, p. 66, 7) et
une muiutcr Tomrair (a.ii sud de Dublin, Three fragments, 166, 19).
Quand il est question d'un tore Toinalr (« sanglier des Ui Tom-
rair », Book of Rights [Leabhar na g-Ceart] éd. J. O' Donovan,
1847, P- 206, 5), il faut comprendre que Tomair est mis là pour
désigner les Ui Tomair. Dans tous les passages où ce mot se ren-
contre, il ne s'appliquerait qu'à un homme et n'aurait rien à
faire avec le nom du dieu Thor. De même Balder, où M. Mars-
trander voyait le nom d'un dieu, ne serait qu'une transcription de
l'anglo-normand Walter, nom d'homme bien connu. Nous laisse-
Périodiques. 1(15
rons à M. Marstrander le soin de répondre aux arguments de
K. Meyer, s'il le juge à propos. Il suffira de signaler ici qu'à
propos de cette controverse, K. Meyer touche deux ou trois
points d'une grande portée historique : v. notamment ce qui est dit
p. 1038-1039, du christianisme chez les Vikings et des rapports
de parenté qui s'établirent par mariage entre les rois irlandais et
les Wikings ; sur le sens du mot Gall, appliqué d'abord aux Gau-
lois (=: Français), puis aux Scandinaves (généralement avec l'épi-
Ûièle fi II d a blond »), puis aux Normands et aux Anglais; enfin,
p. 1042 contre Zimmer, sur le caractère irlandais de Finn Mac
Umaill ', d'Ossian et des fana, ainsi que sur Fer diad (p. 1045),
qui n'aurait rien à faire avec les Nibelungen.
VII
Dans le tome XXX\' (1913) des Indogermakische Forschux-
GEX, nous relevons les articles suivants :
P. ij2-i8i, M. juïms Fokorny, Keltisches.
I. L'^long indo-européen en celtique. Que l'ancien c se conserve
en celtique dans quelques cas isolés au lieu de passer à l suivant
la règle générale, c'est ce qu'avaient déjà soupçonné M. Thurney-
sen ÇHdb., I, § 86. 2, et § 569, pour expliquer la 2* pers. sg.
d'impératif déponent en -the) et M. Pedersen (^Vgl. Gr. I, 51, 249
et II, 356). M. Pokorny s'est fait sur la question une doctrine per-
sonnelle qu'il a formulée brièvement dans son Old-Irish Gratnmar,
§ 119, mais qu'il expose ici avec plus de développement ; c'est
seulement en syllabe finale inaccentuée que ê resterait sans chan-
gement, et cela quelle que fût la consonne qui terminait le mot.
11 y a des exceptions, mais qui ne sont qu'apparentes (comme
athir, màthir, brâthir, qui sortent de *atcr, *niàtèr, *brâler) ou que
l'analogie explique (comme les nominatifs oégi, fili, dont 1'/ final
est dû aux cas obliques ; cf. l'ogamique veliias).
II. Aoristes redoublés à voyelle longue en vieil-irlandais.' — Il
s'agit des formes de prétérit des verbes fo(a')id « il passe la nuit »
et dûgoa « il choisit » ; ces formes sont pour le premier : 2*= sg.
-roœ, 3« sg. fiu, l'^'^pl. fenimir, 3' pi. -féotar ; pour le second : i""^
et 2« sg. doroiga, 3^ sg. doroigu, 2^ pi. doroigaid, 5^ pi. doroi-
gatar. Elles n'ont jamais reçu jusqu'ici d'explication satisfaisante;
M. Pokorny considère les 3" personnes du singulier de ces prété-
I. Aux références données R. Celt., t. XXXII. p. 391 et suiv., pour la
forme de ce nom, K. Meyer ajoute ici Rawl. 502, p. 95 et Yellow Book
of Lecan, 325 a 44.
104 Périodiques.
rits comme tirées d'anciens aoristes radicaux redoublés à voyelle
longue : soit Jiu de *vivàst et *gigu (d'où -roigu) de *gigêust. En
revanche, les autres personnes appartiendraient originellement au
système du parfait. Cette explication hardie se heurte à cette difficulté
essentielle, reconnue par M. Pokorny lui-même, qu'il n'existe pas
en indo-européen d'aoristes redoublés à voyelle longue du type
qu'il imagine. Mais, ajoute-t-il, il aurait pu y en avoir. Une telle
candeur désarme, jointe à une désinvolture qui fait de la linguis-
tique une pure fantasmagorie.
P. 336-340, M. Julius Pokorny, Zudi (iltirischen Verhum.
I. Le thème du prétérit redoublé. Les formes -lil, -rir, -gii/il,
-ciuir de lenaim, renaiiii, glenaim, crenaim (et -crinaim, cf. arachriii)
seraient dues à un fait d'analogie parti des quatre verbes *hnnuii
a il détruit », \p')rinati c il vend », *tlinati « il enlève », *dinati
« il suce «, dans lesquels le thème faible (à voyelle brève) a été
généralisé au présent. 11 en aurait été de même au parfait redou-
blé, où l'on aurait substitué à *kilwra, *pipora, *fiiola, des formes
*kikra,*pipra, *titla, d'après le pluriel *kikra-mar,*pipra-rnar,*tilh-
mar .
II. Sur le vocalisme de -icc-. Pour expliquer le thème de présent
-icc-, de la racine *e>iek-, on ne peut partir de *nk- comme le sup-
pose M. Pedersen Vgl. Gr., I, 152, car *^^- eût donné *éc-. Il faut
partir de *ënk- en supposant l'état allongé de la racine ; cet *étik-
est devenu en celtique * înk- puis *iiik- d'où l'irlandais icc- ; cf. le
nom du « mois », '*'mêns, *mins, *i)iins *mîss, mi. L'opposition de -icc
(issu de *-ênket) et de issed (issu de *ërikseto) ou de richtu (issu de
*ênktyû-) s'explique par le fait qu'en irlandais in devant /, k,
donne i.
P. 341-342. M. F. Kieckers. Miitelirisches clôlhi « Niigel ».
Contrairement à Wh. Stokes (Ir. Texte, II, i, p. 137, ad
1. 580) et à M. Dottin {Manuel,, t. I, p. 52, § 81 rem. 5),
M. Kieckers repousse l'idée que le th de nôlhe « les navires » ou
de clôthib « aux clous » ait eu une simple valeur graphique (comme
celle de /; dans le latin ahemts) ; il croit le ih de ces mots analo-
gique des doublets laithe là, laithih làib, dans le nom du « jour »,
doublets qui s'expliqueraient connue l'enseignent MM. Thurney-
sen, Hdb. I, p. 174, et Pedersen, Vgl. Gr . , I, 133.
Dans le tome XXXVIII du même périodique, fascicule i,p. 115-
116, M. J. Pokorny publie une courte note Zur Deututig des Fuiu-
rums von altirisch agid. M. Thurneysen {Mise. K. Meyer, p. 61) a
reconnu que la forme -ehla sert de futur au présent agid « il
Périodiques. lo^
pousse », et il a expliqué -ehh comme issu de *ehga sur le modèle
du couple alid « il nourrit », -ehla « il nourrira ». M. Pokorny
repousse Vhx^poXhéùo^nQ. *-ehga \ il croit que -ehla (de agid) a été
directement tiré de la racine *pel- « pousser », comme -ehra de la
racine *per-. L'emploi de -ehh comme futur de alid serait analo-
gique de agid : -ehla.
Jusqu'au premier fascicule du tome XXXVIII, inclusivement,
les ludogennanische Forschimgen ont continué à paraître avec leur
régularité habituelle et dans les mêmes conditions que précédem-
ment; rien dans la forme extérieure ne pouvait faire soupçonner
les circonstances au milieu desquelles la publication avait lieu. En
revanche, le deuxième fascicule du même tome, qui s'est fait
attendre près de trois ans, porte la marque du malheur des temps,
de cette heure fatale, Schicksalsstunde, comme disait Frobenius,
mais pas dans le sens où il ^'entendait. Le papier a changé, avec
la couleur de la couverture, et aussi les. dimensions du volume
qui sont singulièrement réduites.
Dans le fond aussi, il y a quelque chose de changé. Nous ne
trouvons ici qu'un recueil de courtes notes, pour lequel on semble
avoir fait appel au ban et à l'arrière-ban des linguistes. Par une
heureuse chance, trois de ces notes touchent aux études celtiques,
et l'une est signée de M. Thurneysen.
Etudiant les formations du futur en indo-européen et en grec
(Z«m indogennaiiiscbeii und griechischeii Futurum, p. 143-148),
M. Thurneysen introduit dans la discussion le futur sigmatique
irlandais. Il part du fait qu'il y a en indo-iranien deux types
distincts, un futur non redoublé tn-sya- et un désidératif redoublé
en -sa-, et il remarque que dans la catégorie du futur sigmatique
redoublé de l'irlandais, qui correspond au désidératif indo-iranien
(Zimmer, K. Z., XXX, 128), figurent sept futurs dépourvus de
redoublement'.
less- de laigim « je suis couché » (rac. *lcg-^
sess- de saidim « je suis assis » (rac. *sed-^
ress- de rethim « je cours »
tess- de techim « je fuis »
-ress- de ai-regim « je me lève »
I. Aux exemples, donnés par M. Pedersen, Vgl. Gr., tome II, et par lui-
même, Hdb. I, § 661 et Iiidog. Jn;. XXXIII, 34, M. Thurneysen ajoute :
forsa-leasad T. B. C. 1. 3449 éd. Strachan ; fa-i-resat 1. C. P. XI, 92, § 10;
at-ré Z. C. P. VIII, 200, str. 9, 3 ; nit-ansitis T. B. C, 1. 3557 éd. Stra-
chan ; not-anister Rev. Celt. XIV, 191 .
loé Périodiques.
-ness- de arneiil-sa « j'attends » (rac. * neth-)
aness- de aingiin « je protège « (rac. *aneg-)
L'éminent celtiste ne croit pas à un accident qui aurait fait
perdre le redoublement à ces futurs ; ce sont pour lui des forma-
tions anciennes, originellement dépourvues de redoublement, et il
en retrouve le correspondant exact dans le futur grec ordinaire.
Pour trois racines même, on a en grec et en irlandais des thèmes
qui se recouvrent : Jess- et Xi^oii-xi, sess- et xa6-£coj(Jensen, Hermès,
Ll, 5 3 5, et Wackernagel, Spracbl. Unters. lu Homer, 64, 254),
-ress- et ooilo).
Ainsi on aboutirait à distinguer trois formations : la première,
à redoublement et suffixe -se/o- (désidératif indo-iranien, futur
sigmatique redoublé irlandais) ; la seconde, non redoublée à suffixe
-syelo- (futur indo-iranien) ; la troisième, non redoublée à suffixe
-se/o- (futur grec ' et exceptionnellegient futur sigmatique non
redoublé irlandais).
A cette démonstration est jointe une fine remarque, c'est que le
futur irlandais à voyelle longue pourrait se rattacher au type sig-
matique redoublé. Il se rencontre en effet de préférence dans les
verbes dont le radical se termine par une sonante (Thurneysen,
Hdb., p. 376-577) ; or, en sanskrit, les racines terminées par une
sonante ont au désidératif la sonante longue (type jihlrsati de
hàrali ou çûçrUsate de çriiôti), c'est-à-dire que devant le suffixe
sigmatique il y avait en pareil cas un? ; des racines de forme *kel-
ou *ger- on avait donc en indo-européen *kikl-ds-, *gigr-9S-, c'est-à-
dire en celtique *kiklâs-, *gigriis-, d'oià en irlandais cela-, géra-,
avec chute de la sifflante en position intervocalique. Cette ingénieuse
explication, l'auteur le reconnaît lui-même, n'explique pas tout;
I . A ce rapprochement du futur grec et du futur sigmatique irlandais, il
v a une difficulté : c'est que jamais le second n'a par lui-même la liexion
déponente qui est à date ancienne caractéristique du premier (v. Magnien,
Futur grec, II, 295, avec la note de M. Meillet). Mais M . Thurneysen estime
que la flexion moyenne du futur grec résulte d'une innovation de cette
langue dont le point de départ serait à chercher dans le futur [iSLoija; « je
vivrai », qui aurait entraîné 9av£0[j.at, ïaoïjiat et ensuite tous les autres futurs.
L'explication ne convainc pas. Comme l'a montré M. Magnien, l'emploi
des désinences moyennes dans le futur grec n'est pas une question de
forme, mais une question de sens. S'il y a eu innovation, c'est du côté cel-
tique qu'il faut la chercher. L'irlandais n'avait aucune raison de maintenir
à son futur la flexion déponente, car en celtique les désinences moyennes
ne faisaient plus fonction de « voix » (cf. R. Celt., XXXIV, p. 132) ; aussi
a-t-il réglé la flexion de son futur sur celle du présent. C'est d'ailleurs ce
qui est arrivé ultérieurement au grec lui-même.
Périodiques. 107
on peut dans une certaine mesure la combiner avec celle qui a été
proposée dans les Mémoires de la Soc. de Linguistique, t. XX, p. 121-
122.
M. Pokorny étudie p. 190-194 die Lautgruppe ov im Gallo-hriti-
schen. Le traitement de ov en gaulois serait soumis à cette loi que
V. ov devant a passe à «t» ». Exemples : kavaros de *kovaros (cf.
x'jp'.o; et skr. çàvïrah ; gall. cawr àt *kavaros et irl. pi. coraid) ;
lautro (gl. bàliieo) de *lovatro- . Peu importe, suivant M. Pokorny,
que Va subséquent ait subsisté ou non : il explique le double trai-
tement {Cavarinus Caurinus ; Cavarius Caurius ; Lavaratus Laiira-
tus ; Avara Aura; Savara mais Raura, etc.) par l'antique théorie
des « AUegro-formen » et des « Lento-formen » : qui aurait cru
qu'elle put servir encore ?
La même loi expliquerait le gall. Hatv « neuf ^) de *novai! en face
de l'irl. uoi de *noven.
Si le gallois A'xlUazucn « joyeux » et llaïuer « nombreux » en face
de corn, loueu, loiuer, bret. laoueii, il faut partir de *laveuo- *lavero-
(ce dernier recouvrant exactement l'homérique Àâsô;) ; et cela
donne lieu à l'énoncé d'une loi spécialement bretonne et comique,
suivant laquelle le groupe av après consonne initiale et suivi d'une
syllabe à initiale vocalique portant l'accent se confond avec le
groupe ov du brittonique commun.
Toutes ces lois compliquées souffrent naturellement des excep-
tions, dont M. Pokorny se débarrasse en invoquant l'analogie.
P. 194-96, M. Marstrander revient sur la question du futur de
agid et du présent de -era, précédemment traitée par M. Pokorny
(v. ci-dessus). C'est pour rappeler à ce dernier que l'explication
qu'il présente est déjà dans la Vergleichende Grammalik de M. Peder-
sen, t. H, p. 675, et pour y ajouter, avec une série d'exemples
nouveaux de -ehla, cette ingénieuse hypothèse que la forme -ehla
servait peut-être dès l'origine de futur supplétif aussi bien à agid
« il pousse » qu'à alid « il nourrit » ; le sens des deux racines
admet en effet également le supplétisme d'une racine *pel- « pous-
ser » .
J. Vendryes.
Le Propriétaire-Gérant : Édoc.^rd CHAMPION.
M.\CON, PROTAT FRÈRES, IMPRIMEURS.
PLACE-NAMES OF PICTLAND
I
I. The area to be dealt with in the présent papers is the
part ûf Scotland which lies to the north of the Firths of Forth
and Clyde — the ancientkingdom ofthe Picts. The Western
Isles are excluded, and such parts of the mainland as werc
for a considérable period in Norse possession are sparingly
drawn upon, as the possibility of Norse introduces a needless
élément of uncertainty, seeing that there is abundant
tnaterial for determining the character of the Celtic topono-
my froni districts outside the limits ol Norse power. The
names to be discussed, therefore, are mostly drawn from the
mainland of Inverness, the east of Argyll, the counties of
Perth, Forfar, Aberdeen, Banff, and Elgin, that is to say,
from the heart of ancient Pictland. I hâve confined myself
also almost entirely to such namcs as can be heard in Gaelic
to-day. The Celtic place-names ofthe eastern Lowlands, ail
the way round from the Firth of Forth to Inverness, are
identical in type with those of the Highlands, but, as they
exist only in anglicised forms, it is impossible to operate with
thèse as primary data, however great their value in other con-
nections. The great ma^oritv of the names to be dealt with
hâve been heard from the mouths of native Gaelic speakers
and are given both in conventional and phonetic spelling. As
matters stand at présent, the student ofScotrish place-names
must for the most part collect his material for himself. The
forms current in modem books are often either incorrect
or inadequately spelt, and it is to be regrettcd that the
i officiai maps of the Highlands — the Ordnance Survey — are
for philological purposes quite uscless. The late Professer
Rtvue Celtique, XXXVIU. 8
I
I lo Francis (i . D'uick.
iMacKinnon's description ot" the Gaelic nomenclature of
thèse maps {Cehic Rev., III, 87) as « preposterous » is within
the mark. Any worlc, such as Gillies's " Place-names of
Argyll ", that does not begin by avoiding every O. S. name
given in Gaeiic till verified, can hâve httle value.
I am much indebted to the Rev. G. M. Robertson, whose
knowledge of the dialects of Gaeiic is unrivalled, for kindly
supplying me \vich names which I hâve not had an opportu-
nity of hearing. Thèse, however, are given only in conven-
tional spelling, and the same remark applies to those I hâve
taken from Watson's " Place-names of Ross and Cromarty ''
(Inverness, 1904), the first work on an extended scale which,
following Macbain's contributions ' to the subject, recognised
the necessity of strict attention to local pronunciation.
2. The paucity of ancient sources for the old forms of the
names meets the student at every turn. In this respect Ireland
enjoys an enviable advantage. Classical sources supply a few.
Many, it not most, of the names recorded by Ptolemy are
obsolète or doubtfully identified, but a few still survive, and
taken in conjunction with the modem Gaelïc forms are of
the highest importance as évidence in the problem of the
language of the Picts. Adamnan, Fita Columbae, has some
Pictish place-names, and the Bookof Deer' (rith-i2th cent.),
a native source, having been written in the Buchan district
of what is now Aberdeenshire, contains about forty, mostly
of places in that neighbourhood . The miscellaneous collection
printed by Skene ' has to be used with caution, as anglicised
and corrupt spellings are apparent in the native documents,
even the earliest. Stokes (Bezzenberger, Beitrà^e, XVIII, 86 tî.)
used this work, and uncritically includes anglicised names as
"Pictish ", e. g. Fothreve, Gouerin, Htlef, Meneted, Migdale,
etc. ; but this and other points in the article will be dealt
with below.
1 . Badenocli : its history, clans, and place names ; Placenames of Inver-
nessshire (Trans. Gaeiic Soc. of Inverness, vol. 16, 25).
2. Ed. by Stokes in Goidelica, Lond. 1872 ; also bv Macbain in Trans. oj
the Gaeiic Soc. 0/ Inverness, vol. 11.
3. Chronicles of the Picls and Scots, Edin. 1867.
Place-Names of Pictiaud. 1 1 1
In this scarcity of early material, the Irish Annals and-
other Irish texts fortunately give some help. Thèse contain
more références to places in Scotland than might hâve been
expected, and should be treated as equal in authority to
native sources ; the modem GaeHc, where it is available,
shows that they are rightly so to be regarded. Hogan's
Ouûmasticon Goedelicuiii provides a convenient collection of
thèse références. From the I2th century onwards, anglicised
versions of the original Celtic are to hand abundantly.
Where the names are still extant in Gaelic, thèse early English
spellings are sometimes really illuminating, as will be seen
below. To avoid confusion, anglicised Gaelic words are print-
ed in ordinary type, Gaelic in italics.
3 . In attempting to exhibit some of the most characteristic
features of the toponomy of Pictland, I hâve thought it may
be convenient to begin with and group together a particular
class of words, those, namely, which can be analysed into
stem + suffix or suffixes. This type includes many of our most
archaic names, and besides offers some curions problems for
considération.
One or two preliminary remarks, that applv to ail of what
follows, are necessary.
a) Final -a and -e, i. e. <?, from whatever source arising,
tend to disappear. This is true of ail districts, says Robertson
(Trans. of Inverness Gaelic Soc, vol. XXV, p. 107), except
the north-west and the Islands, which areoutside our présent
area. The tendency is most pronounced towards the east,
and is completely carried ont in the dialects oieast Perthshire,
Braemar, and Strathspey (i. e. the valley of the Spey below
the neighbourhood of Aviemore). Further, in thèse dialects,
-adJ), from whatever source arising, is lost, except in the
subjunctiveof the verb. Thus madadh, dog, mon'adh, mountain,
geanihradh, winter, bualadh, striking, are mad, Dion, gea>iihr,
huai, but in the genitive madaidh, monaidh, geamhraidh, and
sometimes hualaidh.
b) In thèse suffix-formed names inflection is disregarded :
that is to say, whatever the original declension may hâve
been, in présent usage the word occurs only in one case in
112 Francis G. Diack.
ail grammatical positions. This is thc gênerai rule and
exceptions are extremely rare. Formations in -adh sometimes
show a gen. in -aidb. Even with the living suffix -ach, in
place-names the form is the same for ail cases, either -ach or
-aich. Where the article is présent, it of course is regularly
inflected, but not the word itself. Thus : a'Chabraich, the
Cahrach, gen. na Cabraich ; aGhairbheacl), the Garioch, gen.
lia Gairbheach; am PoUath, the PoUa, gen. aPholïalh.
In some few instances the stage of stereotyping is almost,
but not quite, reached. The original case distinctions remain,
but they are used capriciously and not grammatically. The
Inverness river Lochy, for example, is heard as Lbchath and
Làchaidh. With the Perthshire Garry, \ve hâve Glcami Car
(from Gàradh, see (a) above) and Loch Gar, but Sratb Gba-
raidh. Similarly the Orchy (Argyll) is heard as Urchath and
Urchaidh. The forms for the well-known Glen Coe are
Gleaun Conihanu (most common, and used at the place
itselt), G. Coviha and with loss of -a G. Coiiih, and
G. Comhainn, showing that the word is an -n stem. In Glen
Tilt, Perthshire, there is Loch Loch, with the river out of it
Lochainn, pointing again to the -n declension.
Thèse cases, however, are comparatively rare, and the
gênerai rule is as already stated.
As regards the phonetic notation, the aspirated voiceless
stops are written k, k' : t, tf :p; the non-aspirated voiceless
g, g': d, df : b; and both séries, when voiced(i. e. in eclipsis or
after nasals), g, g' ; d, d^ : b ;Ç) denoting palatal quality. Nasa-
lisation of vowels is indicated by (") and length by (:). To
divide syllables a comma is sometimes used . The main stress
is on the first syllable of the word, except with a hyphen,
when it is on the syllable immediately following the hyphen.
-AS, -Aïs
4. Geadais, g'edaf, Geddes (N '.-p. Cawdor) : gead, a
spot of arable ground.
I. The following letters arc useJ to indicate the namcs of counties :
A., Aberdeen ; Ar., Argyll; B., Banff ; E., Hlgin or Moray : F., Forfar ;
1., Inverness; N., Nairn ; P., Penh; p., parish.
Place-Names of Pictland. 1 1 3
Cluaineis, kLuJiiaf, Clunas (N.-p. Cawdor) : cliiain,
meadow .
Du\-TUtRCEis, dun-turkaf, Dundurcas (E, .,on the lower
Spey): tore, tiiirc, boar. The d in the English instead of t is
probably due to the fact that nasalisation after the old neuter
i/itnsurvivedat the time Dundurcas started as an Enghsh word.
Examples of this neuter nasalisation, still extant in place-
names, will be discussed below .
Fearxais, fiarnaf, Ferness (E.-p. Ardclach) : /m;?/, aider
tree. Cp. Gaulish names in \'^erno-.
Greineis, on: naf, Granish (I.-Strathspey). Macbain dérives
froni ^ràin, abhorrence, that word being in the local dialect
grèin (P. iY. ofliiveniess, p. 84), and the meaning of the for-
mation something like " rough place".
DuBHAis, duaf, Duffus (E.-p. ; thèse parish names are
not originally district names, but almost aKvays belong to
the site of the parish church): diibb, black. Cp. Dubais in
Ireland (Hogan, O//0///. Goed.,s. v.).
Neibheis, N'tvaf, and also N ivaf Nevis (I.), a river,
with the well known Beinn Neibheis . lE. )iebh, " vorquellen "
(Fick, Wôrterb. d. indogerm. Spr . , p. 502). Cp. the spanish
river Nebis, and possibly Nevi-asca (Holder, s. vv.).
Creicheis, k'reçaf, Crathes (A. -lower Deeside): cp. creachan,
bare wind-swept place, for which Macbain (Dict.) suggests
creach, piunder, O. I. crech, dat. creich. There is also Creichidh,
for which see -aidh sufEx infra.
Altais, aLtaf, Altas (Sutherland, near the Oykell estuary) :
ait, joint. '^ A real or fancied ressemblance to différent parts
of the human body bas originated a great variety of topogr-
aphical names ail over the countrv "(Joyce, Irish naines of
places, I, 522).
RÀTHAis, m : af, Rothes (E.-p.): ràth, earthen fort.
Dalais, dalaf, Dallas, Srath Dalais, " parish of Dallas »
(E.), also Dalais (R.-p. Edderton and I.-Strathspey) : stem dal,
of unknown meaning, distinct from dail, a meadow. Thelatter
Macbain (^Dict., s. v.) takes from Norse dalr. This should
hâve been deleted by the editor of the second édition of the
Dictionars', since the author had evidentlv abandoned it. In
ii.| Francis G. Diack.
P. N. of Inveniess, p. 58, he speaks oi chiil as identical with
di(l and takes both from " Welsh dôl, Corn, et Breton dol. "
But there is no identity, and usage keeps the words separate.
There are in fact three words in place-names which hâve a
rough resemblance in English, but are not always confused
even there : (i) dail, gen. daJach, meadow, a h- stem, to bc
classed tor frequency with such words as baile and achadh ;
it does not seem to occur in Irehtnd; (2) doJ, dul, a Brytho-
nic loan-word, examples of which are tairly common : Dol,
dol, Doll (F.-Glen Clova), Du!, DuU (P. p.), and with
extensions in Doldaidb, Dulsaidh, Doîmach-gearraidh; (3) dal,
in Dalais -xs ixhoxQ, and with extensions in Dalacb-cùl, dalay-
kif.l, Delachule(B.-p. Kirkmichael), Z)n/rtc/;^//fl'/?, dfllayi, Dall-
ach3'(E.-mouth ofSpey).
FuiRBEis, FoiRBEis, fiuïhaj', fanibaf, Forbes (A. -p.),
whence the personal name Forbes. For the stem possibly
Vorh-ia, W. N. (Holder) may be compared. There is also
Forbie in Glen Esk (F.), Fuirbidh.
Albhais, alavaf, Alves (E.-p.) : stem *ûh'-, seen also in
Albhaidh, alavi, Ahie (I.-Badenoch, and A.-Braemar). Holder
lias Alv-fiitiuiii, now Avin in Belgium, and Alv-inca.
Neimheis. N'èvaf loch, and (formerly) also river (west-I.):
the nasalised vowel (at least in some pronunciations) suggests
the root iieni " sich beugen, verehren " (Stokes), whence iieiiie-
ton, O. I. nemed, sacellum, neiii, heaven. Cp. the river Neiii-esa,
now the Nims in Luxembourg. Adamnan, Fita Coluiubae I,
12, has in this neighbourhood " locum qui dicitur Miiiiboh'
Paradisi ", that is, ' loch of heaven '. This may be safely
identified as the Locl) Neifubeis of to-day, and it is curious
that the same popular etymology, as if from neanib, 'heaven',
is still current in the district. Neibbeis and Neiiubcis are evi-
dently to be taken as names of river-divinities.
5. In combination with -;/- we hâve the double suffix
-nais :
Gleann RUAiDHNEis, riii:iiaf, Glen Rinnes (B.) : ritadb,
maidh, red. This is one of the few instances where the glen
does not take its name from the river.
MuiGHNEis, niùi:naf, Moyness (N.) : mning, hair, cp. O.
Place- iSJ âmes of Pidland. 115
I. mon^, gen. mniuff ; applied in place-names to rough grass,
e. g. Lo'uin miiing, Loin-muie (A.) and Fuaran mhongaidh
6. In combination with -/'- :
CoiLLEARAS, koiL'.^ni^ (I.-Badenoch) : coill, wood.
7. Other occurrences which may contain the suffix are
Rcidh-h'igais, Alll Cl.iarrais, Cinn-itcis, Tiacais, Farrais, Cnoc-
iidais.
8. The usual function of the -as suffix <C-*st-, is to form
abstracts or collectives, and this is doubtless the meaning and
origin oî -ais in most ofthe above examples. It may, however,
be also adjectival in force, see Pedersen, VergJ. Grain., II,
p. 21 (3), and this may be the function in some cases; cp.
the Bores li oï Tiidtus, a Pictish tribal name.
9. It will be observed that in ail the examples given above
\n-ais the vowel of the final syllabe is a not 3. This normally
would suggest an original long a,e, or 0 before -jt/, i. e. -âsl-,
-est-, or -ôst-. I think, however, that the û; hère is a secondary
development. Common nouns and abstracts in -as which are
inflected hâve ^ ; thus dorus, gen. doruis, camas, gen. camais,
ceartas, gen. ceartais, etc. The change of 3 to û; in the place-
names may be connected with the fact that they are stereo-
typed in the oblique case. Where examples of this suffix are
found in the nom. the vowel is ?, e. g., Duras and Daras
(I.) and Leôdhas ', Lewis, and Coillearas above ail indéclinable.
A clear case of -asti >■ a not -.' is seen in ciircais, bulrush,
<Z*horhasii and hère the true nom. curcas is not heard.
10. This suffix has been described by Macbain as peculiarlv
Pictish, and, in his sensé of the word, Pictish means non-
I . This name is usuallv regardcd as Norse, but uo even plausible déri-
vation froni this source has ever been offered. Such explanations as hljôâ-
hi'is, sounding house fMunch), Ijôda-hûs, house of songs (Watson), Ljôt-
hïis, Leod's house, for ihis the largest of the Scottish islands, are hardly
convincing. Most of the northern and western islands preserved their ori-
ginal Celtic names through the period of Norse occupation ; Skye, Muli,
Islay, Tirée, lona, Arran, Orkney, probably Shetland, etc., are ail Celtic,
and the presumption is that so is Leôdhas. Other instances of the stem leùdh
.ire possibly to be seen in Leôchail, U?>.yal Leochel (A.), Diin-hbdha
(Hogan Cl. G.), Leàid, IJ'Tid f. I.ude (P.).
II 6 Francis G. Diack.
Goidelic in some way. Professor Watson in P. N. of Ross,
p. XLix speaks of it as " non-Gaelic and found only on
Pictish ground ", and in the Cellic Kevicw, II, p. 237,
classes it as " unknown in Dalriada and Ireland ". Such
statements, however, arc not wellfounded, as a moment's
examination of Irish toponomy will show. Joyce in liis second
volume discusses the suffix at pp. 1^-14 and points out its
trequency, and in the alphabetical list in his third volume
additional examples will be found ; such as Breacas, [vombreac,
speckled, Blàras, from blàr, field, Clitain-a'-stiallas, from
stiall, stripe. Sillis trom siUeadh, oozing. Examples will also
be found in Power's P. N . of Decies and in Hogan ; e. g.
from the latter, Dubnis, the same word as Diihhais, Duifus,
above, Odras, a river, from odhar, grey, Flidais, a river,
Cliiain muerais, from mue, pig, with -rais suffix, cp. Cùillca-
ras above.
-AR
j I . An interesting group ot river names is formed by
this suffix, corresponding to such names on the Continent as
Isara, the Isère, *Iseara, the Hisscar in Belgium ; Arar, now
the Saône, Samara, now the Somme, etc.
Farair, jarïr, Farrar in Inverness, the lower part ot which
has now lost its proper name but which is universally iden-
tified with Ptolemy's Ojâczpiç sï^yj^iç. For the stem compare
Farnaid, a Perthshire river (see § 14 below).
Nabhair, nauïr, Naver (Sutherland), Ptolemy's Nx^iapc-j
(gen.). Holder, s. v., writesin error '^England"for" Scotland"
and " Naber "' for "'Naver ". There is also on the Continent
Nab alia, now the Leck at the mouth of the Rhine.
Macbain (Ptolemy's Geog. of Seotlaud, p. 28) has the
following remark on this name : " The modem Gaelic is
[pronounced] Nauir, the préservation, such as it is, of the t^
showing a borrowing from the previous Pictish tongue". It
is difHcult to see what exactly he meant by this. The proniin-
ciation ' nauir ' of Nabhair is of course quite normal, and one
cannot see why it should imply borrowing from Brythonic (for
Placc-Names of Pictîand. iiy
that is what Pictish connoted for Macbain) any more than
gohhar g'iuïr or lûbhair, Lûii'ïr. O. C. *Nabari([oc.) = modem
Gaelic Nabhair, is regular Goidelic development '.
Labhair, Lain'r, a small stream, known from the Gaelic
for its confluence with the Spey, Obair-lahhair, Aberlour (B.).
There is another of the same name in Perthshire. Cp. Labara,
Continental river name, fem. of *labaros, sonorus, loquax
(Holder); O. I. labar, superbus, arrogans. With the suffix -ag,
is Allt Labhrag (I.-Bad.); with -aidh, *Labhraidh, Lowrie
(F.-Loclilee) ; with -ach, Uisg Labhrach (locaHtv not noted).
Cp. also the Irish Labrand (Hogan, 0. G.).
Tannar, taNdr, Tanner (A.). The stem tami- seems to be
the same as in O. C. Tann-etos^ now Taneto, near Parma,
Tannins, etc. Identification with O. C. Tanaros, now Tanaro,
tributary of the Po, looks tempting and may be right, though
this has only one n m both the extant speUings.
Bruthar bru'dr, Bruar (P.-AthoU) ; the pronunciation
I . Another example in the same pamphlet of loose methods in dealing
with inconvénient data is his treatment of Ptoleniv 's Loxa, a river entering
tiie Moray Firth. This is now the Lossie in English, taken over from the
Gaelic Losaidh, still extant, i. e. los and the -aidh sufïix (for which see
below). « The phonetic difficulty hère », he says, « is a racial one ; from
an early Pictish .v, we should expect a later ch, that is, if tha Pictish was a
Brittonic language and treated .v as the other Brittonic languages did »,
and passes on without further remark. There is no « difîiculty » hère,
imless one chooses to start with the assumption of Pictish having been
Brythonic ; had it been in Ireland that O. C. hx- =z modem Gaelic los-
occurred one would hardly hâve heard of « difficulty ». With ail due respect
to Macbain's labours, it is permissib'.e and even necessary to sav that often
when dealing with the Pictish question, he does not seem to appreciate
the force of évidence. And besides, his methods are often so uncritical that
his results in the field of place-names should be received with caution and
sysiematically tested. On the same page, for example, as his référence to
Loxa, he writes concerning Ptolemy's tribal name Taixali, that it « should
produce in later times a Pictish (British) Tuch-al or a Gaelic Taosal ; the
parish of Tough in mid Aberdeenshire ideally represents the British form
of the root ». Now the history of the word Tough, pronounced tu/ for hil/ ,
is quite well known. The Gaelic is obsolète, but old anglicised spellings,
such as Tùlich, Tulch, Tulloch, etc., show that the word is merely the
common tulach, a knoll. The foundations of the popular Brj'thonic theory
of Pictish will be found, when examined, to contain much mnterial of this
sort.
ii8 Francis G. Diack.
bruar is also heard. The stem is briith ; O. I. brtitb, beat,
fire, ardour, and the name doubtless is that of a river
diviiiity. Other extensions of the stem are seen in the river
names Bruth-rath, Bniilh-m, Bruth-aidh (see below).
Gamhar, gauïr, Gaoire on map (P.-Kinlochrannoch) and
another in Auchtergaven parish (P.)- The Ogham Ganiiciiuas
(xMacaHster, Irish Epigraphx l, 66^ seems to contain the same
stem. There is another stream in Glen Orchy (Ar.) called
Allt Gamhiain, which may be analysed as gamh- \\ith the
suSx-group -nan; possibly, however, the word \s gamhn-an,
-an diminutive, from gamhain, calf, as magie calves are asso-
ciated with rivers and lochs.
LiBHiR, Liver (twice in Ar.) : lïbh, to pour forth, to flood,
<i*l'ibo-, is a prolific stem for rivers. Besides thèse two, there
are Dbheann, once in Perth and once in Argyll, and Libhcid
in Banff. Cp. Liber in Ireland (Hogan), the water goddess Liban
of the Irish mythology, and Ptolemy's Irish river Libuios.
-AN {<C-anâ,-onri)
12. In Ptolemy's Geography there are located in the
Aberdeenshire district the Taixali and the town A-^ouava.
This name is now represented in English b)^ the river
" Don ", the r.'znit of the tribe being then often identical
with the name of the chief river, a fact no doubt due to the
cuit of river worship. Cp. Devona (Holder, s. v.), a town of
the Cadurci, and originally a spring. In the Book of Deer \ve
bave in Old Gaelic the name of the place at the mouth of
the river, Abberdeon, now in English Aberdeen. The present-
day Gaelic, which can be heard ail over the Highlands, is
usually obd-Ri'ïn \ written awkwardly in conventionalspelling
Obair-, Abair-dheatheain, th being merely todividethesyllables,
better Obair-dhea'in. The pronunciation oh-Raïn, is also
heard in some localities, and is to be explained thus. There
I . The n is to be regarded as palatal, for though palatal and non-palatal
lenited n are identical in this position, at least in the north eastern dialects,
the quality of thcpreceding vowel is palatal.
Place-Names of Pictland. 119
is a wellmarked, thougli sporadic, tendency for a and e,
both short and long, to interchange in accented syllables
foUowing r : bràigh, rachainn, cnaimh, ràith are to be heard
as bn:, nyiN'jkrJr., rt : also creag as craig, reub as ràb (see
also Macbain, Tians. Invermss Gael. Soc, XVIII, pp. 83-4).
In place-names the following show the same interchange :
Craichidh and Creichidh, Crathie; Raitir and Reitir, Rattray;
Braid- and Breid- Albainn, Breadalbane ; Cill-raig and -reaig,
Kilravock : Braigh- and Bie-MJmrr, Braemar. In Obair-dhedin
the dh disappears, or rather -rdh->> R not r, and the vcwel
being thus in immédiate contact with the liquid falls under
the above law.
The river itself is Dediii, dftïij, Don. Macbain (P. N. of
hivcrness p. 63 and Ptol. Geog., p. 48) gives as present-day
GaeHc Dian or Dcatban, but without saying where Dian is the
form. The river name is much less widely known than Obair-
dhedin, and it is only in the districts of Braemar, Tomintoul,
and Abernethy, which are not far from the head waters of
the river that I hâve heard it, but there indeed times without
number and never anything but Dcdin. In the Don valley
Gaelic recently became extinct, but natives who hâve heard it
spoken hâve informedme that the name of their river sounded
in Gaehc « Hke the English word'chain' », i. Q.dftïn. Till
some positive évidence is forthcoming, the form Dian must
be held non-existent, which the non-existence of Obair-
dhinin anywhere would itself indicate.
Dedin is the direct descendent of some oblique case (? dat.-
loc.) of Ptolemy's Devanâ, older *Deivana, an rt-stem. The
Ravenna geographer has Devoui (Holder, s. v. Devana). For
O. C- Deivanà, dêimm ^ deoji (Bk. of Deer)> dedin of lo-
day, cp. *deivaktâ, *dêvaktâ >■ O . I. deacht, divinity ; and for
the shortening of the original !}• long vowel in hiatus see
Thurneysen, Grain. § 45.
Along with Devana may be taken the adjoining river whose
O. C. name we are also fortunate enough to find recorded
in Ptolemy : Xr^z-jy. ~z-y.\j.t\) £y.,3oAa''. Ii^ should be noted that
Holder's entry under Deva « (2) j. Aberdeen, s. Devana »
should be deleted ; he gives the correct entrv 18 lines above.
I20 Fnvicis G. Diack.
The contusion is excusable, for though the présent town of
Aberdeen is at the mouth of the Dee, the word Aberdeen
descends from Devanâ, as \ve hâve seen, and has nothing to
do with Dcvâ. The modem représentative o( Dêvâ is the Dee,
in Gaelic Dé, dfe:, loc. case ; *dèvi'^dé, cp. Thurneysen,
Gram., § 295 D. The formation of the names of two rivers so
near each other both from the stem *deiv-, divine, is signifi-
cant of the prevalence of river-worship.
Linguistically and historically considered, thèse two river-
names seem to be of décisive importance, and even by
themselves are enough to prove what the Cehic speech of
the district has been from the first century onwards. The
modem names exactly correspond to the ancient, but only
by Goidelic phonology. If the Picts spoke British, then by
the time their language was supplanted by a supposed GaeHc
invasion (whether of people, or of language, or of both),
which cannot hâve been before the yth or 8th century, the
O. G. forms must hâve already undergone the phonetic
developments of the time : Devà must hâve been well on the
way to something like O. W. diiia and Devana to some
un-Goidelic form. Thèse, or a Goidelic attempt at them, would
hâve been the names to survive to-day. As it is, on any
Brythonic theory of Pictish, the names Dca in and Dé stand
unexplainable, parentage and lineage unknown.
-AID
13. AiLiD, û'.l'ïdf; in some places a:I'df with syncope,
Alyth (P.)- The difficulty is to know what the name origi-
nally applied to. Alyth is a small town and parish, but was
anciently a thanage (Skene, Celt. Scot., III, 267). The stem
may be àil, gl. bucca (Meyer, Contrib. to Ir. Lex.).
BiALAiD, hialïdf, Beallid (I.-Badenoch) : stem heul, mouth.
In this dialect long e from compensatory lengthening is
broken to m. Gp. bélat in Ireland, a pass, crossroad (Hogan,
O. G., s. V.).
Nom, nodf, Nude (I.-Badenoch). In Scottish Gaelic no, nda,
new, -< *novio-, still survives in some districts, rather than
Place-Names of Piclland. I2ï
the extended form niiadh. For ihe short vowel, as against
O. I. nùè, cp. S. G. ogha, grandson, but Ir. ô, M. Ir. ôa, ûa.
Bail no, Balnoe, ' new stead ', is very common intoponomy,
but it is unlikely that Noid <^*nùv-anti simply means ' new
place'; there is possiblysome cuit notion underlying the name.
Ptolemy has a river Navios, now the Nith (with Brythonic
phonetics) in Dumfries, with the tribal name Novantae in
the neighbourhood. There is also in Argyll the river Nda.
Ail this points to the worship of some divinity of the name.
MuSAiD, inusadf, Mossat, a stream (A.), also Mosset burn
near Forres (N.) : ni us <i*fnutso-, the stem of musach, nasty,
dirty. Cp. Miisadaidh (infra).
LiBHEiD, L'iwadf, Livet, a river (B.-p. Inveraven). For
stem lihh see § 1 1 .
CoN.\iD, a stream (P.-Glen Lyon) : stem probably *kuno-s,
high. Cf. Conghlas, Conglass (B.) 'high stream', and conti-
nental Ar-cim-ios, ' very high ', with intensive prehx. As
MacXeill point out {Proc . Roy. Irl. Acad.,XKVl\, p. 331),
" many Irish names in Con- may contain the adjectival
cnno-, ' high ' rather than c//«-, ' hound ' ", and instances the
Ogham Ciina-coia, Ciina-magU, etc.
TuRAiD, tiiradj, Turret, a river, loch, and glen (P. -near
Crieff). The stem *tiiro- is discussed by D'Arbois de Jubain-
ville in Les premiers habitants de V Europe, II, 174. He finds
it identical with Sanskrit tura-s, ' fort, puissant ', and présent
in the Ligurian Turi^inà. Nenia-turi. There are also in Holder
Turo-briga, the river Turia in Spain, and others. Turaid,
' the strong one ', no doubt belongs to.the river divinity
class.
Further, there is a tributary of the river Roy (I.). Turraid,
luRadf ; in a Gaelic spelhng of the ijth cent., the same.
Taking -rr- hère as for -rth-, we hâve Tur-th-aid, that is the
old double suffix -tat (Pedersen, V. G. Il, 49 and Zeuss- Ebel,
p. 274), e. g. O. I. tir-th-at, gl. agellus, cen-t-at, gl. capi-
tulum, glaine-th-at, gl. maxilla.
Within our area there is another interesting occurrence of
the stem. Ammianus Marcellinus (4th cent.) states that the
Picts were divided " in duas genres, Dicalydonas et Vertu-
122 Fiiiiicis G. Diack.
riones". In the Pictish Chronicle (Skene, CIrron. of Picts and
Scots, p. 4) Fortrenn appears as one of the sons of the legen-
dary Cruidne, pater Pictoriim, and in the annals as the
kingdom of Fortrenn, the district roughly hetween Forth and
Tay. Rhys was the first to point out the identity of Fortrenn
with Verlurioms (Celt. Brilain, p. 322), but the dérivation he
offers is not satisfactory. He connects it philologically with
Verterae in Westmorland and both with W. giuerlhyr,
fortress. But the word is to be divided Ver-turiones, ' the
very powerful', an n- stem, from ver, vor, intensive prefix,
and tnriones, a tribal name like Turoni, later Turones,
Touraine. Compare such names as Vercingetorix, Ver-
tigernos, Ver-nemeton etc. The early spellings, which are
abundant, show that this is the correct analysis : Ann. of
Ulster, For tr end gi^n. (« the/r is probably palatal», O'Mâillc,
Lang. of Annals of Ulster, p. 48), Foirtrind ace, Foririnn dat.;
Skene, Chron. of P. and S., p. 401, Foirtreann gen. and Foir-
treannoibh dat.; Prophecy of St. Berchan, Forlhrenn,Foirthrenn;
Keating Foirihren. The forms withlenited itcannotbe explain-
ed if the stem is vert-, but are in order with for, ' over ',
^ver, vor; compare, for example, O. I. fortacbt 'help ', but
also forthact (see Thurneysen, Grani., § 830). The palatal
-;■/- is also according to rule, since, after syncope, n- and i-
coloured consonants coming together gave a palatal group.
The history of the word is thus purely.Goidelic from the 4th
century.
• Druid, driiujf, Druid (P.-Glen Girnaig) : there is a stem
in S. Gaelic drùdh, drii, ooze, see Macbain, Dict., s. v.
drùdhadh. Gaulish Drtientia, cited there, belongs elsewhere,
as the vowel is short. In the Strathspey river Druaidh, druri,
it is long.
14. Combinations of -aid with other suffixes are also well
represented as follows : •
-N -AID
Forms diminutives (cp. Pedersen, V. G., Il, 49 and Thurn-
eysen, Qram., p. 169, and for a large collection of examples
Pïace-Names of Piclland. 12^
see Marstrander in Ztschft j. celi. Phil., VII, 389), O. I.
siur-n-at, gl. sororcula^ oen-n-at, gl. ulla, duine-n-et, gl.
honiunculus, etc.
Farnaid, far nadf or faurnadf according,to dialect, Fernate,
a river(P.-north-east), not Fearnaid as in Celtic Revint', VIII,
238, which is not heard, or, if it is, is a « momentary » form
and popular etymologising from fearn, aider. For the stem
far cp. Farair in § 11.
*LiBHNEiD. There is a stream Livenet in Banff, near Fin-
dochty, the Gaelic of which is obsolète, but which can be
restored with high probability as a diminutive from the wide-
spread stem Jihh- (see § 11). Another probable restoration
can be offered for Arbuthnott, older Aberbuthnott, in Kin-
cardineshire. The original is something like *Bnadhnaid, a
river name and identical with O. I. Buadnat, woman's name
(Meyer, Contribulions toir. Lex., s. v.). For the stem buadh
see§ 17.
Pett meic garnait, place-name in the Book of Deer. Stokes
corrects this to Gartnait, but the / may be doubted, as the
name occurs twice and both times it is wanting. If the word
is Gartnait, then the stem is gart-, head, and the name a nick-
name, « little head ». If Garnait is right, the sitm gar may
be that of the rivers Gar-adh and of the man's name Gar-antus
(Holder, s. v.), i. e. the root gar, cry.
-L-AID
13. AiRCLEiT, Arklet, a loch and river (Stirlingshire) : the
root is arc, défend, Gr. àc/.ioj, Lat. arceo (Stokes, U. S.,
p. 28) and the name a river divinity, « the defender ». Cp.
O. G. Arco-briga and Arcontia, clann Arcain (Hogan, O. G.),
and ArciU, man's name in the Book of Deer. With Airckit
may be mentioned Airceig, erçkaig, Arkaig, river and loch (I),
An Aingleid, a-N'vJadf, The Elat (I.-p. Abernethy) :
ang-, aing-, narrow. The name applies to part of a road pass-
ing through a deep gullv.
Ï24 Francis G. Diack.
-R-AID
i6. CocHRAiD, kpyradf, Cochrage (P. Blairgowrie) : coch-
seems also to occur in lubhir-cochaill (P.-Aberfeldy).
Beôraid, bi'D:radf, Beoraid, a loch and probably also ori-
ginally the name of the river from it (I.-Arisaig). From beà
'living' << *bivo- are formed proper names with varions suf-
fixes : Beothach, man's name in Tàin B6 Cùalnge, < *Bivo-t-
aco-; Bivonia, woman's name, Biv-elius, etc. (Holder), Bivadi,
ogham (Mac Alisier, //■. Epig., I, 78). There is also Loch
Bheoail, Loch Voil(P.-Balquidder).
-CH-AD
17. BuiDHCHEAD, bii'r.çad, Buchet, a river (A. -p. Glen-
buchet). The length of the diphthong indicates a lenited cons-
onant before ch, and hence the spelling Buichead, sometines
given is inadéquate. Stem buaidh <C *bondi-, victory ; Buidh-
chead, 'the victorious', <C *Boudicantà.
In formations from this i-stem the quality of the conson-
ant is net always preserved, O. I. buadach ■< buaidh
(Thurneysen, Gram., p. 214). Thus also Buadh-ch-aig, a river
in Ross. Cp. Buaid, a river in Ireland (Hogan, s. v.) and Bon-
dicca, thequeen of the Iceni.
18. Since present-day usage shows no change for case and
early forms are wanting, the declension of the foregoing
names cannot be determined. As to the significance of the -nt-
suffix, originally participial, it has a wide range of meaning,
but is especially used to form abstracts and nomina actionison
the one hand and diminutives on the other; cf. Pedersen, V.
G., § 394 (3). Its wide extension in the toponomy of Pictland
is parallel with the numerous continental names in -antis,
-anto-, -ento-, -onto-, -antia-, etc.
-AD, -AID in compounds.
19. (ajL in prefixed non-qualifying term, the second élé-
ment bearing the main stress :
Place-Names of Piclland. 125
Bkeid-albainn, hredf-alahiN' , Breadalbane, name of a large
mountainous district in north-west Perthshire. The pronun-
ciation varies between bredf and bradf , in accordance with the
rule given in § 12. Breid, better Breighid ■< *Brig-autes, 'the
mountain-dwellers' of Alba ; cp. the Brigantesïn the north of
England, Brigi-âni, Brig-antium, &c.
(b) in prefixed quahfying term, bearing the main stress
and not leniting the second élément :
Argadmeall, aragddmiaL, a hill (I.-p. Rothiemurchus)
airgiod, silver, is argad in the local dialect, and the meaning
thus « silver or white hill ».
Compounds of thèse types will be met with below in con-
nection with other suffixes.
-NE, -N
20. With the loss of -e referred to in § 3 (a), the usual
form, at least in the eastern dialects, is simply-w. It is a pro-
lific suffix in O. I. ; see Pedersen, V. G., II, 58-9, and an
excellent discussion by Marstrander in Zeitsch. f. ceJt. Phil.,
VII, 376. The -«^ goes back to -inio-, -inia-, cp. Ogham Do-
vinias, Ir. Diiihhne, and Gaulish names in -hiios, -inia. Mars-
trander points out that, both on the Continent and in Ireland,
the suffix is especialh^ common in the formation of personal
names, often divinity-names, such as Artinios, Brissinios,
Epinia (= Irish woman's name Eichne) &c. In Pictland it is
well represented, often in names of rivers. Theprimary mean-
ing is adjectival but, like many ot the sutfixes found in
place-names, it has a wide range of functions, being used to
form abstracts, diminutives and collectives.
Srath-nithne stra-m:n^, StrathnQon, taking its name
from the river Niîhne, now apparently obsolète (I.-Strath-
dearn) : O. I. nith, proelium, « nith i. guin duine, Corm.,
mortal wounding of a man » (Windisch, Wôrt., p. 709).
Nithiie <C *nît-iniii, the idea being something like Potens,
Mortifera, or possibly Potestas ; cp. the Gaulish Nitio-briges,
'die Kampfberûmten' (Holder) and Nitio-genna, woman's
name.
Rivue Celtique, XXXVIII. 9
lié Francis G. Diack.
FÎNE, fi:n' Fyne, river and loch (Ar.). Exaniples of the
stem vi- are given by d'Arbois de Jubainville in Prem. Habi-
tants, II, i"6-j. He compares Sanskrit vi, 'aller vers', 'mettre
en mouvement' ; see also Holder s.vv, Vi-mina, and per-
haps Via, river in Hispania Terraconensis, and Fi-ainos, man's
name. The underlying notion in Fine, as a river name, is
doubtless rapidity of movement. The word occurs also in Ire-
land ; see Hogan, 0. G., CeU Fine, Kildare.
Breamhaine, brT)'ïu, hrîy'ïN' map Allt na bronn (A.-Brae-
mar). The explanation of the two pronunciations lies in this
that in Se. Gaelic final lenited palatal n tends very generally
to be pronounced unlenited, that is ;/;/. When therefore the
two forms are heard, the lenited prononciation is the primary.
This ruleaffects most of the names in this -ne group. In Bream-
haine, original e is sounded as D in deanihain, devil, seahhag,
hawk, and some others. The stem is brein, roar, Welsh brefii.
Cp. Breniia, and 5;-e?;/7é'/7/();;, in Bri tain (Holder). In Perthshire
there is also the river Brcanihainn.
LuiGHNE, Lui:n-, Lui.:N' , Loyne, river and loch (I.-
Glen Moriston). The drag on the diphthong indicates that
there is some lenited consonant before the ;/, hence the
spelling Luinn is inadéquate. In the absence of old références,
what the consonant is is of course conjectural, but Lnighne
is phonetically possible and is extant also in an O. I. tribal
name ; see Hogan s. v. Dal Luigbne, with which Mac Neill
{Proc. Roy. Ir. Acad., XXIX, 73) compares Luguni of the
Oghams. Ptolemy has the Lngi, a tribe in the north of Scot-
land, also Lugi-dunon on the Continent.
LoiNE, L^'/n, L'd'ïN', Loyne, a river (B.-Glen Aven). The
spelling Loimhne in a local poem is incorrect, as the vowel
is not nasal. The bare stem occurs in Lo, L?, a river in Su-
therland, <i*iavo-,\\2iitï,0. I. lô i. uisge(Stokes, U. S., 249).
For the shortening of the vowel cp. § 13 Isloid. The function
of the suffix in Loine <C *Laviniâ seems to be adjectival, form-
ing a Personal name from the primary notion of water ; cp.
Lavinius, a river, now Lavino (Holder).
A'mhaoirn, gen. na Maoirn, s-vj^rn^, -v^rN' , The Mearns
or Kincardineshire ; early spellings Mairne and Moerne. The
Place-Names of Piciland. 127
stem maor, maoir, from Latin maior, is seen in O. G. mor-
inaer, mormair (Blc, of Deer), 'great steward' now morair,
'lord, earl'. A'Mhaoirn is thus 'the Stewartry', apparently an
appanage of the neighbouring Mormaership or Great Stewar-
try of Angus. The ancient monnaer has survived in one place-
name, A'Mhormhairne, a parish and district in West Argyll,
mcaning 'the great Stewartry'. In early (English) documents
it appearsas Garmoran, i. e. Garbh Mhorairne, 'the rough' or
Highiand great Stewartry, in contradistinction to those in the
lowland east. Macbain analyses the word as môr + bhearna,
'great passes', though it is obviously singular, and Henderson
(Z. C. P., I\', 275) as 'mor, sea, and bhearn', which is dou-
blv impossible, since in old compounds of noun + noun
the hrst élément is in the nom. case, and the -e is left unex-
plained. The dérivation otfered agrées with the fact that
Mormhairne appears in Anglo-Celtic times as an earldom
(Skene, HighJanders of Scotland, 1902, p. 347), as do ail the
other Celtic mormaerships.
It will be noticed that both in morair, earl, which is un-
doubtedly mor, great, -\-maer, and in Mormhairne, the 0 is short,
however it is to be explained. It may be relevant in this
connection to note that as Kuno Meyer has shown (^Zur kclf.
Worthunde, III, nos. 11 «.'^31) dermar is older than derniâr and
that alongside oî cennmàr, cennnwr the form with short vowel
exists. So also in Scotland cennnwr can be proved, for the well-
known Scottish king Malcolm Canmore, is in Braemar Calam
Ceannmhar, liiaNavdr not k'iaNavar which O. G. cennmôr
would hâve given. Similarly with the place name Ceannmbar,
Kenmore ; the final vowel is J in ail the pronunciations I hâve
heard.
Sgàin, sga:n, sga:N' , Scone (P., the ancient Pictish ca-
pital): Scôine, gen., Bk. of Leinster; Scoan, anglicised Gaelic
in Pictish Chronicle. The -ne suffix appears to be hère, but the
stem is doubtful, possibly -< *scav-iniâ, cp. Scava, man's
name, in inscription of Aquileia (Holder).
Loch shubhairne, Lsy-nïrN' , Loch, and presumably also
originally the river, Hourn (I.). The primary form is not
now available, but in the Book of the Dean ofLismore(ié th
128 Francis G. Diack.
cent.) \ve hâve phonetically 'eJdir Seili is Sowyrrni', i. e.
eadar Seile is Subhairne. For the stem, there may possibly be
compared the continental Iiisubri, which Much analyses as in-
and *sii-ebro-, 'the very violent', and the tribal name Siiebri
in Gallia Narbonensis. Macbain (P. A', of Inverness, p. 72)
writes Loch Shuirn, 'furnace loch', from so)-n, furnace, which
is unsatisfiictory phonetically and otherwise. Henderson (Z.
C. P., IV, 267) compares the river Severn in England, but
this is O. C. Sabrina, Welsh Habren, and the Goidelic équiva-
lent is the Irish rWer Sabrann (Hogan, s. v.).
Subhairne occurs also in north Perthshire as a hill-name,
on the O. S. map Beinn lutharn. Properly, however, the
Word doubtless belongs to the river rising in the hill which
has lost its ancient name and is now merely Allt Gleann
môr.
Freôine, river in Dumbartonshire, English Fruin ; freôine,
rage (see Macbain, Dict-, s. v.) is apparently unknown in
Irish.
21. As in O. L, the -ne, -» suffix appears also in the torm
-ine, -in, cp. Pedersen, ^•G.,§399(3).
FuiRGiN, furïgin Forrigen, (I.-p. Duthil) : for fiiirg cp.
Ogham Vorgos, gen. (MacAlister, /;-. Epig., no. 91), nom.
*Vorgis, O. I. Fuir g, gen. For go (MacNeill, Proc. R. Ir. Acad.,
vol. 27, p. 351) and continental Vorgio, man's name, Vor-
giuni, town of the Ossismi in Brittany.
Breichin, brzçïn. Brechin, town (F.), Brecini, gen., Book
of Deer, with -i written for -e, as elsewhere in the text. The
sievcï breich \s otherwise unknown tome.
*PùiRiN. In the Book of Deer occurs « nice Fùrené » (the
accent marks are capricious), 'as far as Purene'. The stem /?///-,
which Macbain rightly took as Welsh pawr, depastio, Br.
peur, is common in Pictland in such forms as Baiie Phiiir,
TuJaich Phùiridb, with suffix, and Dailidh Phùir.
EiLGiN, elïgin usually, occasionally elïgiN' , Elgin, town
(E.). It has long been recognised that this v^-ord contains the
stem seen in Elga, one of the poetical names for Ireland and
a female divinity. The clear quality of the final vowel in Eil-
gin, as in Fuirgin above, points to an original î and the suffix
Place-Names of Pidland. 129
-ïno-, -inâ, the force of which cannot be determined hère ûs
the meaning of the stem is unknown ; it may be diminutive
or adjectival. Eilgin goes back to *elginî, dat. or loc. case.
Other examples of the stem are seen in Eilg, older Eilge ■<
*elgio-, *elgià (I.), and Eilgnidh, with -nidh suffix (see infra),
in Sutherland, both rivers.
22. The occurrence of other names like Elga in the Pic-
tish toponomy has been noted by varions scholars. Skene
(Celtic Scotland, I, 220) says, « The Irish Nennius gives us
three words as the three old names of Ireland, Eire, Fodla,
Banba, and in the north-eastern Lowlands \ve find thèse three
entering into the topography. » Similarly Kuno Meyer in
Zur kelt. IPortkiinde, III, No. 42. To take the second of
thèse names first, Skene's allusion isto the district nameAthole
in the north of Perthshire formerly one of the seven pro-
vinces of Alba, the présent day Gaelic of which is AthnU,
aJL. The old spellings are: Athjhotla gen., Tigh. Ann. ;
Atfoithk, gen., Ann. of Ulster ; Athochlach, Pict. Chron.,
anglicised and corrupt ; Atha Fhoila, MS. H. i. 18, T. C. D.
(Hogan, O. G.) ; Athotla, Book of Deer. For the second élé-
ment the spellings are : Fodla and Fotla, Ir. Nennius ; Fotla,
Bk. of Lecan ; Flochlaid, Pict. Chron . , and Foltlaid in an
Irish version of the same, both corrupt, as Siokes remarks.
Stokes (Be:(^enb., Beif., vol. 18, p. 88), Macbain {Skeiies
Higblanders, p. 413), Meyer (/. c), and others see in the
second part of this name the word Fôlla, poetical name for
Ireland, and Athfhoîla is translated « New Ireland », a name
given by supposed Goidels from Ireland among Brythonic
Picts'in memory of their old home'. It is rather curious that,
sofar as I know, none of those who hâve dealt with the word,
hâve stopped to enquire how its modem Gaelic agrées with
the suggested etymology. In the second syllable of Aihull
the vowel is markedly obscure, ? not a, whereas an original ô
would hâve given a to-day. Such is the invariable rule, e. g.
lionar, numerous, from lionmhôr ; muiceil, pork, from mue
and fheôil ; Camaran, personal name, from cam and srôn; -ag,
diminutive suffix, from -ôc ; annaid, mother church, O. I.
andôit; àicheadh, deny, M. I. aithcheôdh. In ail thèse the final
130 Francis G. Diack.
vowel is a, not ^. The modem Gaelic a^L, ahdL thus points
to a short 0 in O. G. Alhfhotla, which indeed is confirm-
ed by the spellings given above. None of them give long 0
exceptthe Bock of Deer, and it cannot be rehed on, for the
accent or length marks are distributed capriciously, partly
it would appear from ornamental ideas.
Alhfhotla, a district name, is most probably originally tri-
bal like the others with which it is associated. A possible
analysis is *ate-voti-Iâ-, aie being the intensive as in Ate-
bodua, Ate-cotti, Ate-cingus, etc., *voti-, wound, and the
final élément to be referred to root *lâ-, ich sende, werfe, cp.
O. I. laaini, ich werfe (Stokes, U. S., 42); the whole mean-
ing Pervulnitici. The group -tl- became ultimately non-pala-
tal, though thespelling of the Ann. o( Ulster, Atfoithle, which
Stokes calls corrupt, shows the earlier quality. For a name
similar in meaning and structure see the Llanfallteg, Carmart-
henshire, bilingual inscription Voteporigis, gen., in Goidelic
Votecorigas (Holder) ; according to Stokes nom. *Votiqoris
from *voti- and *qori-s, derivative of root ^qcr, make, and
meaning Vulnificus.
But further. Even lî Athfhotla contained the goddess-name
Fôtla, the translation « New Ireland » would not be permis-
sible. The first notice of the word goes back to the legends
of the Picts concerning the origins of their race.
Moirsheiser doCruithne clainn
Raindset Albain i secht raind,
Cait, Ce, Cirig, cethach clann,
Fib, Fidach, Fotla, Fortrenn.
« Seven children ofCruithne divided Alba into seven divi-
sions, Cait, Ce «etc. (Skene, Chron., p. 25). Thèse names
are probably ail tribal. Fortrenn we hâve already seen to be so
(§ 13)- ^^"/ < *Catti, at présent Cataibh, dat. plur., Cat,
gen. plur., English Caithness. Ce, now obsolète, in other
spellings Cee, can be compared with Ceaiius, god-name (Hol-
der), and the tribal name Ce-angi. Fidach is also obsolète,
but there is in Banffshire a river Fidhich \ fi\ç,Fiddich , which
I . The spelling Fiodhaich and the dérivation from fiodh, hâve been sug-
gested, but the local pronunciation of fiodhach, fi'uay , is quite différent.
Place-Nanics of Pictiaiid. 131
is apparently the same word and implies a river-divinity,
from vid, know, as in O. I. dri'ii, magus, <C *dru-vid-s
(Thurneysen), Vidi-maglus , 'eminent in knowledge', Epo-
stero-vidos, Vid-acos, man's name, the same word as Fidach.
In such Company to translate (a supposed) Fôtla and Athf-
hôtla by 'Ireland', 'New Ireland' in a geographical sensé is
to introduce ideas that are quite foreign to the context and
that are felt to be false . Besides, even if the translation were
admitted it would lead immediately to fresh difficulties. For
there are in Pictland at least four rivers named Eire, or Éir
with loss of -e, gen. Eireann, the same word as Eriu, Ire-
land. One in Perth is a tributary of the Tay. Another enters
the west end of the Moray Firth, called in English Findhorn
(from an oblique case), which shows that the old Gaelic was
Fionn Eireann. Parallel with this is the Deveron in Aberd.een
and Banffshires, formerly Duffhern, i. e. Dubh Eireann. The
fourth is AUl Eireann, Auldearn (N.). And lastly there is a
Forfarshire siream, Differan in English, probably from Diihh
Eireann \
Then to take Banha, another poetical name for Ireland,
there are Banb and Bainh(\oc.\ Bk. of Deer Banb, the town
of Bantf (B.), Banbh (P.) and again in Kincardine, three
rivers Bainbhaidh (I., P., and Sutherland), also Benvie, for-
merly Banvie, near Dundee, Gael. *Banbhaidh. It is unlikely
that any of thèse names contains banbh in the sensé of 'young
pig', certainly net those in the bare stem, nor the rivers Bainb-
bidh. Rather we'Jiave to do with the cultus o( Banba \
23. On the 'New Ireland' principle of translation ail the
1. Thèse four or nve occurrences of the name, and ail with rivers, suggest
that Eriti is priniarily a river, not a land, name, and hence the root /in' in
the sensé of 'fat', 'fruitful' seems unsatisfactory. They show also the impor-
tance of the Eriu cuit in prehistoric Pictland. From the standpoint of rela-
tive frequency indeed Eriu is more characteristic of Pictland than Ireland.
2. Another cuit that has left évidence of its importance and wide exten-
sion is that of the divine bull Tarvos; cp. d'Arbois de Jubainville, Les
Celtes, 49-50. There are three rivers Tairbh (loc), in Inverness, Perth,
and Forfar ; Tarbhaidh, river-name, occurs in Banfï and Perth ; Tarves, G.
*Tarhbais, in Aberdeen, and others. Ptolemy's Tarvedum, cape in the
north of Scotland, a name which d'Arbois connects with cuit ideas, is not
represented by a modem name.
132 Francis G. Diack.
foregoing, including the names in Eiîg-, must fall into line
with the supposed Foda and Athfhotla, so that we hâve to
figure the new GoideHc invaders of Pictland as traversing the
length and breadth of the country imposing among the Bry-
thons poetical names for 'Irehind', especially on rivers, « in
memory of their old home ». The truth is that thèse invaders
are a mère assumption, invented under the pressure of a pre-
conceived idea of what Pictish linguistically was \
24. It would however be to convey a false impression it
exceptional attention were drawn to this Eriu, Banba, Elga
séries, as if names of this antique type were rare in the topo-
nomy. The reverse is the truth. Among the names already
dealt with the constant occurrence of words belonging to this
antique stratum will hâve been noticed, and the same thing
holds everywhere in the district. A comparison with Ireland
shows for Pictland at least as great a proportionate number,
in a given area, of place-names that date themselves as des-
cending from proto-goideUc times. This comparison cannot
be made from Joyce's work on Irish place-names, because it
contains only a sélection, but from Power's Place-names oj
Decies, which exhausts the district under examination, it can
be said that any equal area in Scotland will contain fully as
many words of the primitive type.
Aberdeen. Francis C. Diack.
I. Bickery in Glastonbury, Somersetshire, where therc was an early
Irish seulement, has been adduced by Prof. Watson (Celt . Rev., VII, 69)
as an exact parallel to Athfhotla, taken by him as New Ireland, Bickery
being for Bec Eriu and translated Little Ireland . But Bec Eriu occurs twice
in Ireland itself (see Hogan, s. v.) and the true translation in ail cases is
Little Eriu.
LIFE OF SAINT ALEXIS
The following eighteenth centurylrish text is not remark-
able for its literary qualities, but deserves to be published as
one of the many versions of a Life which enjoyed immense
popularity during the Middle Ages. It is taken from the
Egerton MS. 112, f° 508-510, described by Srandish Hayes
O'Grady, in his Catalogue of Irish Manuscripts in the British
Muséum, page 56, no. 158. The text follows the spelUngand
inconsistencies of the manuscript, except that some of the
forms hâve been corrected and the manuscript rendings plac-
ed in foot-notes. A Breton 5//^:^ on the same subject is men-
tioned by A. Le Braz, Le Théâtre Celtique, page 308, Paris,
1904.
Joseph DuNN.
(f" 508 r.)
Beatha Alexius Naoimh
Righ romhânach do bhi gan chloinn aige agas do bhi ag
congmhâil a ôighe agas a aontûghadhdo dhia go diochra,
agas do chiiaidh an popul romhânach â ccômhairle agas as
i cômhairle air ar chinnedar, an righ do ghùidhe fd dhul do
lûighe le na mhnaoi phôsda féin ionnus nach rachadh an
fhuil rioghdha a mbâthadh. Ge ar leisg leision a ghloine agas
a gheanamnûigheacht do bhriseadh, do rin comhairle an chin-
[eda rômhanaich. Agas do luig le na mhnaoi an oidhche sin,
agas tainic ' do ghrâsaibh dé gur torrcheadh î, agas air teacht
I. tsinigh, MS.
I 54 " Joseph Du un.
d-am tùismhighthe an toirrchesa don inghen do rug si gein
mhullach leathan mhic, agas do baiste é do réir an rechta bhi
a ngni'uhLigh(7(//; an uair sin aca, agas tugadh Alexius d-ainm
air agas do cuiredh dd oileamhuin é gn;7 ' heth ineagnadhô,
agas do cuiredh iar sin do dhéanamh eagna agaseaU?^/;an é,
agas ni fada do bhi ann antan do fhôirféadh an eagna agas an
éolus, agas gach nidh do bhainedh le dia as de do leanadh
Alexius, gur aidhbhsioch leis an phobal romhânach uile méid
na coda do bheiredh Alexius de féin do dia ; agas do chuadar a
ccômh^///-/e air sin dd fhéachuin créd éan nidh as mô do bhain-
fedhaaire dodhia, agasisi^ cômhâj/rle air ar chin^^cf^r, ben
do phôsadh ris. Agas do cuiredh Alexius air an ccomhfl/rle sin
go hdinihleasg, agas fu^radrt/- ben do réir a uaisle agas a
athardha féin dô, agas do pôsadh ris i, agas tainic ' an pobul
romhânach do chaithemh flede > an phôstadh, agas air mbeth
do châch ag sûighioghadh, do fhurâil Alexius deisgiobal dé
d-onôriighadh amesg chàich agas gach ûrnaighthe doghndithio-
ghadh féin do dhénamh roimhe sin, ni tug lûthghdir a nihnd
air gan a ndénamh an oidhche sin. Ciodh trd acht ro ha -t maith
an fhleadh do bhi ann sin, ôir dob iomdha biadha séimhidhe
sobhlasda agas deocha mine meiss,e:iiiihlacha uirthe. Iar
ccaithemh > na fléidhe agas tdinic'^'am suain agas sâdhaileac/;/^
dhoibh, deargadh iomdha d h agas ârdleaba d'Alexius^ agus
don inghen agas do mhaithibh an teaghlaigb 6 sin amach.
Agas do cuiredh a seômradhâihh agas a suaintighthibh iad,
agus do cuiredh Alexius agas a bhen a sœmradh leô fein,
agas do cuiredh seômradôir^ leô agas lôchrann air lasadh ina
lâimh agas mar d-fâgaibh astig iad tdin/V^ féin uatha. Is ann
sin do ch naidh an inghen air a h-lomdhaih agas air a h-ârd-
leâhaidh. Do shuigh Alexius air cholbha na leaptha agas do
bhi ag tra^/;/ tar sgéalfl'//'/; a ihxghcrna féin, agas adubh ai rt
1. gy, MS.
2. a SI. MS.
3. fléadh, MS.
4. ro badh, MS.
5. cciathedh, MS.
6. tainigh, MS.
7. Ailexius, MS.
8. scômradhdôir, MS.
Life of Saint Alexis. '135
leisan inghin : Atdcômhâî/rle amhnzJ/; agamdhuit, a inghen,
ar se. As do dhénamh do chômhairle tanac ' chugad ann
so, ar si. Maisedh, léig damhsa mo thigherna féin do lean-
mhuin, ar se. Agus congaimh féin t-ôighe agas t-ionrac/<5 an
onôir dé. Agas d'aont///^/; an inghen sin do dhéanamh .i. a
céd fher d-feraibh an domhuin do léigion do lorgairecht a
thigherna féin. Is ann sin d-éirig Alexius le cois an cheada
sin d-fâghail on inghin '. Adubhairt ria : Atâ fâinne agamsa,
ar se, agascongai?;//; leath an flidinne (f° 508 v.) agad, agas
antan do gheabhadsa bas tiocfadh an leath elle chugad. Agas
do roinn an fâinne air a dhô agas tuga leath don inghin - agas
adubhairt ria : Na creid go bhfuigheabhsa bas nô go roiche
an leath elle so thû. As a haithle-sin d-éirigh Alexius agus tug
driiim don inghin agas do chuadh do lorgaireacht a dhia féin.
Isi ' sin uair agas aimsir tâinig '^ cabhlach cômhmôr cathardha
a ccriochaibh an domhuin mhôir air sruith Tibir, agus iad ag
sgrïobadh a long agasa laoidhingre hâghaidb imihechta, agas
rainic > Alexius chùcha agus tug a eana. agus a éadach air
leahaidb loinge, agas do ghabh éadach dochruidh doimheasta
uime, agas an chathrt/r ar ghabh an cabhlach sin cuan agas
calaith, fuair Alexius lucht crâbh^/^f/; do Chriost chômhacht-
achinte. Imthûsa na h-inghine, do rug an ôidhche sin as na
h-uatha agas nah-aonar, agas d-eirig mnd agas maccaoimhna
cathrach amach na maidne ^ ar na mhaireach do hhreith air a
leabû'7'^/7 air an lanamhuin sin, agas ni hhfu« radar Alexius
înte, agas do bhadar da ihhïr iiigbe don inghin cait air ghabh
uaithe, agas adubhairt sisi gur fhdgaibh se 1 féin an oidhche
roimhe sin, agas nâch feidt'r câ conflr ar ghabh uaithe. Agas
do chuïredar cuaird na cathrach na dhiaigh sin, agas 6 nach
fuflradar Alexius inte, do thogbhadar garnhâ iromdha truai-
dhmhéiléacha ag caoinedh aoin mhic Fisianus. As ann sin
do cuir^dh teac/;/a agas tnisdiolaidh air fedh na cruinne go
cômhlân dâ larmhàireacht.
1. tânadh, MS.
2. inghin, MS.
3. a si, MS.
4. tainigh, MS.
5. rainigh, MS.
6. maidhne, MS.
156 Joseph Du II II.
Imthûsa Alexius, secht mbliadhnii do san chinhv'âigh sin
air bheagân bidhe agas dighe agas éadaig agas codalt/^/;^j gur
ghvâidheadar \ucht na cathrach go môré. Do chuala ' Alexius
go raibh cath^?/V eile san chr/och sin agas iomhdighe Muire
înte ^ agas miorbhùill/^/;^ iomdha aice da ndéanamh, agas do
râinic ^ Alexius inte. La éigin dd raibh ag siôbhal na cathrach sin,
go bhfacaidh diassguiér do mhùintir aatha;;- féin dâionnsùighe,
agas iad da iarmhoirecht féin, agas ôr agas ionmhus agas alm-
sana iomdha acodd thahhairtdo hhochtaihh air a anmumsion.
Agas do bhi do thruâ'ûledh an traoghnw^a agas na h-ûrnaighthe
air aghaidh Alexius, ndr aithin a mhiiintir féin é, agas do
ghabh déirc uatha mar gach bocht eile; agas do ghabhadar na
teâchtâ lamh air imthecht go tiiirrseach trôimnéaW/j 6 nach
fuaradar a n-'iarracht .
Imthùsa Alexius, do léig a dhd ghlùin re lar agas re Idntal-
amh agas do rug a bhùidhe ré dia gurb iad sguiér a athar
féin tug hetlm na h-oidhche sin do air ghrddh dé, ag radh :
Bheir|i]m a bhiiidhe re dia, 6 thugw^ mo chrôidhe dhô nar
bhaineas de é, agas nach bainfad chôidhche. Imthùsa ^ na
iGâchtâ, rdngadar don Rôimh, agas d-innisedar ndch fuaradar
Alexius. Imthùsa a mhdtha/r, adubh^r/V/ go ngeabhadh éadach
peannaide uimpe agus go n-anfadh ina cùirt fhairsing fhuin-
neôgaig agus ina h-iosdaidh aluinn ôiredha féin, agus go
mbiadh annsin gan cheôl gan chômhrâdh, gan 61, gan aoibh-
nes, gan e^ladha, gan (f° 509 r.)ùrgha/rdioghadh intinne na
aigeannta, acht hheth déanamh ùrnaighthe agas i^rnihéirge
déirce agas dzonachta. air anmuin a h-aoinmhic féin. Is annsin
do râidh bean Alexius : Atd cinéal eanlaith san domhan .i.
tuirtuire an anmona, agas an lànnùmha bhios ag d chéile
dhiobh, an uair do gheibh éan diobh bas, ni aontuigheann an
t-éan eile le h-aon éan don eanlaith go brdth aris ; agus do
dhéansa mar sin ; ni aontôchadh le h-aon fher d-theraibh an
domhuin go brdth, agus geabhad éadach peannuide umum
agus biad ag rddh mo thrâth agus mo shalm air ghrddh anma
1. chualadh, MS.
2. inthe, MS.
5. rainich, MS.
4. imthusas na, MS.
Life of Saint Alexis. 1 37
m-aoinrhir pôsda féin. As ann sin do cheangladar an dias
bhan sin re chéile f-ân ccômhairle sin do dhénamh.
Imthûsa Alexius, do smûin aige féin gur bhferr do hhetha
d-fhagbail ' ina thir àhnkhaigh féin ô nâch aithéantaoi inte é
nd ann sna crîochaibh côimhidheacha eile. Agus fuair long
urlamii inimthechta ag fagbliâil na cathrach agus do chuadh
inte agus ni fada do bhâdar air muruchadh mara agus môr-
fharige, agustaréis a bhfuaradar d-annrodh agus d-anshocair-
eacbt, do ghabhadar cuan a ccnûiair na Rômha. Aithnigheas
Alexius a thir dhinthûigb féin, agus tainic ^ a ttir, agus air
ndul don Rôimh do chonnairc a athair agus sluagh adhbhal
mhôrsochfl/^e ina thimchioU, agus do chuaidb mar gach
bocht eile dâ ionnsùighe, agus do ghlac air binn a bhruit é,
agus is edh^^ 3.duhhairt ris, A thigherna, ar se, as edh ' dob
ail linne, betha neimhurchôidech bidhe agus dighe agus
éadaig d-fâghail uaitse air ghràdh Dé. Agus do gheall san go
bhfâghadhsésin, agus rug leisd-'ions nid he an ionnaid a rabha-
dar na mnâ é .i. ben Alexius agus a mhatha/r dâ chaoinedh
féin, agus ni thug sin claochlodh intinne na aigennta air, agus
a ccionn na ré sin tainic ^ aimsir an charghais chûcha, agus do
foillsigheadh d-Ailexius aimsir a bhâis do bheth chuige, agus
do ghabh penn agus pâipér agus do sgribh a bhetha féin, aoine
an chéasda do sunnradh sin, agus do bhi an pobal romhdnach
uile ag eisdeacht seanmora a tteampoll na Rômha, agus tainic ^
aingiol Dé 6 nimh ôs cionn an choimhtionôil, agus adubhairt
ris, Atâ mogha dileas do Dhia air bhfâghail bhais a ccathair
na Rômba aniugh, agus onôrth^r libh é. Do sgaoil câch on
seanmôir agus do chuaidb gach aon diobh d-ïonnsuidbe 3.
thighe téin da fhéachuin an bhfdghdiois an té sin d-foillsigh
an t-aingiol dôibh. Agus do fuair Etimdnis an bocht do bhi
ma thigféin air bhfâghail bais agus sgribhinn ina lâimh dheis,
agus do ihairg an sgribhinn do bhuain as a lâimh agus nior
fhéad. Râinic + an sgéal sin an Papa, agus thâinic > fâ thâsg an
1. 11-, MS.
2. tainich, MS.
3. a sedh, MS.
4. râinich, MS.
5. tâinich, MS.
138 Joseph Dunit.
mhairtîredli uasail, agus as edh ' aduhhairt ris. As mise
biocflïVeDé air(f° 509 v.) talmhuin agus léig liom an sgrib-
hinn as do lâimh. Do léig Alexius an sgrîbhinn leis, agus do
léighedh an Papa beatha Alexius. As annsin do h-âiûinighecib
gurb é aon mhac Efimânus do bhi ann. Do chuaW/j a bhean
agus a mhàthâ'[ï]r sin, agus do Vmngeiiar trid na sluaghaibh
sin mar eilite uadhmhalla air mbuain a laôigh dhiobh. Adûb-
huirt ben Alexius, Da mo é mo Hier do bhiadh ann,d-f[â]gaibh
se cômhartha agamsa le a n-aithneôchuinn é .i. fâinne do
bhi aige agus d-fagaibh se ieath an fhâinne agamsa, agus do
gheall antan do gheabhadh féin bas go rolcMedb an Ieath elle
don fhainne chugamsa. As -àmhlaidh do bhi an Papa annsin,
agus an Ieath eile don fhainne amesg na sgribhinne. Agas do
féachadh re chéile iad agus do o'iredai- dd chéile go maith
agus do h-aithnig/W/7 Alexius as sin, agus do thôgbhadfl;;'
leô d-ïonnsuighe na h-eaglaise é .i. go teampoll môr na
Rômhn, agus do leanadûtr aos easlân na cathrach é, ôir gach
neach dhiobh re a mbainedh a éadach, do bhiodh sleamhuin
slâinnchréa<:À>/ach dâ éis, agus do h-adhnaicedh agus do h-onô-
redh leô é, agus do rinnedh la saoire san Rôimh dhô. Foir-
chenn don bhetha sin.
(In the same hand, but more ornate) Le Muiris Camshrôn-
ach 6 Conchûbhair, abhar saoir loinge a Ccorcaig mhôir
Mûmhan, agus a cconar na Rômhânach air charraig na cclog,
donleth thuaidh donchathair réimhrâighte. Athchuingim gach
léaghthôir crôidhe fâ ghuidhe go dûthrachtach air mo shon
dom shaora air phiantaibh siorrûidhe ifruinn agus go saora
Dia eision agus gach aon eile do chuirfios an eadarghùidhe
sin airmo s[h]on. Amen. 1782. Deo Gracias.
Life op Saint Alexis
There was a Roman king and he had no children, and he
was keeping his virginity and his agreement sedulously for
God. And the Roman people took counsel, and the counsel
I. a sedh, MS.
Life of Saint Alexis. 139
thev decided on was, to pray the king to lie with his wife, lest
the royal blood should be extinguished. Though loath to sully
his purity and destroy his chastity, he followed the advice of
the Roman people. And he lay with his wife that night, and,
bv the grâce ofGod. it cameto passthat she became pregnant.
AnJ when the time came for the woman to be delivered of
her oftspring, she gave birth to her son, a broad-headed child,
and he was baptised according to the customary manner
among ihern at that time, and the name Alexis was given to
him. and, being not yet capable of wisdom, he was sentto be
nursed. And subsequentlv he was sent to acquire wisdom and
learning. And not long was heengaged therein, when heacquir-
ed sapience and knowledge. And whatever pertained to God,
to that Alexis adhered, so that it was a marvel to ail the
Roman people, the great dévotion wherewith Alexis applied
himself to God. And thereupon they took counsel to see
what would best distract his attention from God. And the
décision they reached was, that he should take a wife. And
reluctantly Alexis agreed to that décision, and they found
him a wife in keeping with his rank and patrimony. And she
■ was married to him, and the Roman people came to eat the
marriage feast. And when ail were being seated, Alexis com-
manded that God's disciples be honored among them ail ;
and whatever prayers he was accustomed to say theretofore,
the delightof his wife did not prevent him from saying them
that night. Howbeit, the feast was a good one, for it consist-
ed ofmany délicate, tastyviands and fine, intoxicating drinks.
When the banquet was over and the time for them to rest and
repose had come. a couch and high bed were *made ready for
Alexis and his bride, and (beds)for the gentlefolk of the house-
hold withal. And they were assigned to rooms and dormitories,
and Alexis and his bride were installed in a room bv themselves,
and a Chamberlain with a lighted candie in his handaccompa-
nied them, and after leaving them within he departed. There
after the bride went to her couch and high bed. Alexis sat
on the side of the bed, reciting the 'taies ot hisown Lord, and
hesaid to the maid : « I hâve a strange pièce of advice for thee,
girl », said he. « To do thv biddine; hâve I come hère to
140 Joseph Dunn.
thee », said she. « If so, permit me lo follow my own Lord,»
said he, « and do thon keep thy vj-ginity and thine inno-
cency for the glory ci God. » And the maiden agreed to doso,
even to let her first man of the men of the world follow his
own Lord. On receiving that vouchsafement from his wife,
Alexis arose and said to her : ;; I hâve a ring, » quoth he,
« and do thou keep half the ring by thee, and when I die the
other half will come to thee. » And he broke the ring in two
and gave half of it to his wife, and he said to her : a Believe
not that 1 am dead till the other half cornes to thee. » There-
upon Alexis arose, turned his back on his wife and went in
pursuit of his own God.
It was at that juncture and time that a great fleet of mer-
chant ships from ail parts of the world came to the river
Tiber. And their ships and boats were being scraped
in préparation for the voyage. And Alexis approached
and exchanged his dress and raiment for a ship's bed, and
donned rough, mean garments. And in the city wherein that
fleet made port and harbor, Alexis found devotees of Christ
having great influence therein.
As regards the bride, she spent that night solitary and alone,
and on the following morning the women and youths of the
city came forth to surprise the wedded pair in bed, and they
found not Alexis therein, and they inquired of the bride
whitherhe had gone from her. And she replied that he had
left her the night before and that she knew not what way
he had gone from her. And they instituted a search of the
city, and, inasmuch as they found not Alexis therein, they
raised loud, mournful cries, grieving for the onlyson of Fisia-
nus '.Then were messengers andcouriers despatched through-
out the whole world in search of him.
As regards Alexis, he spent seven years in that city, with
but scanty food, drink, raiment and sleeping-room, wherefore
the people of the city loved him much, Alexis heard that
there was another city in that country, wherein was a
I. Efimanis, post. ; " Eufemiens — ensi out nom li pedre — ", La Vie
de Saint Alexis, G. Paris et L. Pannier, 1887, p. 140 : " Eupliemianus ",
Acta Sanctorum, lulii, t. IV, pp. 251, 253.
Life of Saint Alexis. 141
statue of Mary, at which many miracles were wrought. And
Alexis fared thither. On a certain day, as he walked through
that city, he saw coming towards him two squires of his
father's people, and they were inquiring for him. And gold
and treasnre and alms they had in abundance, to give to the
poorfor the sakeof his soûl. And so pitiaj^le was the worn
expression on the face of Alexis, from exhaustion and praying,
that his own people did not recognize him . And he accepted
alms from them like any beggar. And sadly and with heavy-
heart the raessengers set about to départ, since they found not
what they sought. For his part, Alexis fell on his nées fully
prostrate on the ground, and gave thanks to God that is was
his own father's servants who had given him that night's sus-
tenance for the sake of God, saying, « I give thanks to God
that, ever since I gave Him my heart, I hâve never withdrawn
it from Him and never will «.
How the messengers fared : They returned to Rome and
made known that they had not found Alexis. As for his mo-
ther, she vowed that she would don penitential robes and re-
main in her wide, windowy court and beautiful,pleasant cham-
ber, and that she would abide there without music, without
converse, without drink, without pleasure, without diversion,
without rejoicing her spirit or her mind, but occupied with
prayers and matins and almsgiving and worksof charity for the
sakeof the soûl of her only son. Then said the wife of Alexis :
« There is a kind of bird in the world, turtle-dove is its
name, and when those birds pair among themselves and one
of them dies, the other bird never mates with any other bird
again. AndI will dolikewise. I will never wed with any other
man forever, and I will put on penitential garb and will recite
my hours and psalms for love of the soûl of my own dear
husband ». Thereupon the two women pledged themselves
to fulfill that resolution.
As regards Alexis, he bethought himself that, inasmuch
as he would not be recognized, it would be better for him
to live in his own country than in other strange lands. And
he found a ship making ready to leave the city, and he went
aboard, and not long were they sailing the sea and the main
Revue Celtique, XXXVIII. lo
14- Joseph Du nu.
when, after storms and tempests. they made port in the city
of Rome. Alexis recognized his native land and came ashore.
And when he came to Rome, he saw his father with a great
throng of attendants around him, and Hke any other beggar
Alexis approached him. And he took hold of the hem of his
mantJe,and what he said to him was : « Sir,I would fain hâve
trom thec a simple UveHhoodoffood,drink andraiment for the
love of God . » And theking promised that he would get such,
and he took himwith him to the place where the women,even
Alexis's wife and mother, mourned for him. And that did not
cause him to change his mind or purpose.
At the end of that period the season of Lent was ai
hand, and it was revealed to Alexis that the time of his death
approached ; and he took pen and paper and wrote his life.
It was just on Good Friday, and the Roman people were ail
listening to a sermon in the church of Rome, and an angei
of God from heaven came over the congrégation and address-
ed it : « A servant, dear to God, has died in the city of Rome
to-day, and show ye himhonor. » Everybody left the assem-
blyand each one went his way to his own housetosee would
he find the onetheangel had disclosed to them. And Efimanis
found that it was the beggar who was in his own house that
was dead, and there was a writing in his right hand ; and he
tried to withdraw the writing from his hand, and he could not.
Thèse tidings reachedthe earsof the Pope, and, because of the
famé of the noble martyr, he came, and what he said to him
was : « I am God's Vicar on earth, and do thou leave me the
writing from thy hand. » Alexis yielded the writing to him,
and the Pope read the life of Alexis. Then was it discovered that
he was the son of Efimanis. His wife and his mother learned
ofthat, and they rushedthrough the crowds like solitary hinds
when their fawns are taken away from them. Quoth the
wife of Alexis : « If this man should be my husband, he
would leave me a token whereby I should know him, even a
ring which he had; and he left me one half of the ring,and
he promised that when he died the other half of the ring
would come to me. » And there was the Pope, with the other
half of the ring inside the writing. And they were compared
Life of Salut Alexis. 145
and they fitted each other exactly. And thereby was Alexis
recognized. And they brought him to the church, namely to
thecathedral of Rome, and the infirm ofthe city followed him;
for evetyone of them that was touched by his garment,straight-
way became whole and healed. And he was buried and honor-
ed, and a festival was proclaimed in Rome for him. End ot
the Life.
(By Maurice 'Hook-nosed' O Connor, shipwright'sapprent-
ice in Cork City, Munster, on the Roman Road on Carraig
na gClog, on the north side of the aforesaid city. I beseech
every hearty reader to pray fervently for me, that I be saved
from the everlasting pains of hell, and may God save him and
every one else who will thus make intercession in my behalf.
Amen. 1782. Deo Gratias.)
Joseph DuNN
ALTERNANCES AI : A ; OU : 0
EN
GOIDÉLIQUE ET EN BRITTONIQUE
On a relevé entre les deux groupes goidélique et britto-
nique un certain nombre d'alternances vocaliques qu'on n'a pu
expliquer jusqu'ici d'une façon plausible que par des emprunts
d'un groupe à l'autre, l'hypothèse d'un héritage indo-européen
ne pouvant être envisagée . Ces alternances qu'on peut rame-
ner à la disparition de / et // dans les diphtongues ai, ou, ne
se montrent parfois que dans le groupe goidélique, les mots
correspondants manquant dans l'autre groupe. Un exemple
caractéristique de ces phénomènes et de leur explication nous
est fourni par le vieil-irlandais càirthen, moy.-irl. càerthann,
sorbier, irl. mod. caorthann, en face du gallois cerdin. Comme
l'irlandais remonte à *cairotino- et le gallois k*càrotino- et qu'on
n'a pas songé à une alternance ai : a, on a. dû recourir à l'hy-
pothèse d'un emprunt : Kuno Meyer ' croit à un emprunt
par les Gallois; Pedersen, comme la plupart des Celtistes, à
un emprunt par les Irlandais ^ Kuno Meyer partant de l'idée
que le second terme du composé est -tan, -ten, collectif signi-
fiant arbre, buisson, idée empruntée à Pedersen % aurait dû
1. Sit7. d. K. pr. Ah. 1912, p. 798 et siiiv.
2. Vergl. Gr. I, 23, 70, no; II, 14, 659.
3. Pedersen voit dans -tan un collectif indiquant une réunion de plantes
et lui compare le skr. sthâna, endroit, et le persan moderne gidi-stati, jardin
de roses. Ce serait primitivement l'irl. tau, temps. Marstrander (Rev. Celt.
191 5-16, p. 349 et suiv.) fait remarquer avec raison que tan, en celtique,
n'a jamais eu de signification locale. Après une énumération critique des
comparés en -ten, -tan, Marstrander conclut à un suffixe vieux-celtique
-t-ino-, primitivement adjectif ; cf. runipolinum, nom de plante donné comme
gaulois par Columclle et Pline.
Alternances AI : a ; OU : o. 145
conclure que le second terme tout au moins, était différent
dans les deux groupes (ce qui était, il est vrai, très peu vrai-
semblable). S'il est, en effet, facile de conclure à une évolu-
tion d'un gallois -fin (ou -â'ni} en -ten, -tan (ou -then, -thmï) en
irlandais, en situation atone, le contraire est impossible.
Comme le fait remarquer Pedersen, e gallois ne peut non plus
répondre à ai irlandais. En revanche, l'hypothèse de Pedersen
se heurte à des difficultés tout aussi graves. Tout d'abord,
Pedersen part de la forme galloise cerâin (gallois mod. cerd-
dhi). Or, il y a une autre forme cerâin avec d occlusifs f
vieux-celtique : c'est aussi, d'après V Archaeologia de Lhvyd, la
forme comique (cerden '). Cette forme correspond exacte-
ment, en dehors de la question ai : à, à la forme irlandaise,
au point de vue celtique. Pas n'est besoin de supposer la
transcription d'un <f gallois par un -th- irlandais, transcription
cependant en elle-même admissible. Pedersen doit aussi évi-
demment, comme le dit Marstrander (R. C. 191 5-16,
p. 350) renoncer à son étymologie de -tan, s'il maintient sa
théorie de l'emprunt par les Irlandais aux Gallois, non seule-
ment parce que le gallois ne saurait s'en accommoder -, mais
encore parce que les inscriptions oghamiquesnous ont mani-
festement conservé la forme vieille-celtique de Caerthann,
dans le nom propre Cairatini :
maqi Cairatini avi Incqaglas.
Cette inscription, publiée par le Journal of the Roy. Soc. of
Ant. ofir. a été mise à profit par John Mac Neill dans son
importante étude : Notes on the distribution, history, granmiar
and impart of the Irish ogham Inscriptions (Proc. ofthe R. I.
1. Le breton a keriin. II faudrait donc supposer qu'il y a eu deux
formes : carotino- et carodïno-. Je croirais plutôt à une étymologie popu-
laire pour cerâin. Cet arbuste a joui d'un privilège particulier chez les Celtes.
II est qualifié en irl. -moyen de fid nu ndruad, arbre des druides (Kuno Mever,
Cûiitrib. to ir. Lex. : caerthann). On a pu le rapprocher de cerâ, art, et on
en a fait un dérivé en -Ino- : cf. irl.-moy. cerddiie, art = *cerdhiiâ.
2. On peut à la rigueur supposer que les Irlandais empruntant le mot
gallois auront remplacé le second terme par un mot indigène entrant dans
la composition des noms d'arbres, et qui leur était plus familier.
I4é J. Lolh.
A., t. XXVII. C. Dublin, 1909, pp. 329-370). Le personnage
qui y est commémoré porte un nom transparent. On le
retrouve dans le Livre d'Armagh 10 /' 2 : filius Cairlin, mot à
mot fils du sorbier. Les noms propres reproduisant des noms
de plantes ne sont pas rares. Mac Neill relève des noms de :
Macc CiiiJl, fils du coudrier; M^rr Ciiilinn, fils du houx; Macc
Dregin, fils de l'épine noire ; MaccDara, fils du chêne; Macc
Ihair, fils de l'if. C'est un souvenir du culte des arbres et des
plantes. L'étymologie de -lan écartée, l'hypothèse de Peder-
sen en devient plus plausible, mais n'en soulève pas moins
d'irréfutables objections.
L'inscription où figure Cairatini remonte sûrement au
moins au vi^ siècle de notre ère. Si on suppose un emprunt
au brittonique, quelle devait être, à cette époque, la forme du
gallois cerd'in ? assurément : carotîno-. Nous possédons un cer-
tain nombre d'inscriptions chrétiennes de Grande-Bretagne du
V* et du VI'' siècles. Les seules traces d'altération au point de
vue vocahque qu'on y remarque concernent la voyelle théma-
tique du premier terme : par exemple Senemagli à côté de Setio-
magli. Les voyelles finales ne sont tombées que dans le cours
du vii^ siècle, quoique l'altération ait commencé dès les pre-
miers siècles de notre ère. Les occlusives intervocaliques
paraissent intactes. On ne voit pas comment un brittonique
carotJno a pu évoluer, passé en irlandais, en cairatino-. Va-t-on
supposer une altération de Va de carotîno- sous l'influence de
î long du second terme ? On aurait tout au plus c qui ne sau-
rait expliquer Ai irlandais. Ce serait, il faut l'ajouter, fort osé.
Car cette infection de a pan surtout séparé par deux syllabes
dans l'intérieur d'un mot ne paraît pas ancienne. On ne la
constate dans aucun des noms des inscriptions du v^ au vii^
siècle de l'ère chrétienne. Elle a dû se produire assez tardi-
vement, car on remarque encore dans une glose bretonne du
x'^ siècle : molin de niollna, plus tard melin ; à bref a été atteint
plus tôt.
Ce qui achève de démontrer l'impossibilité d'un emprunt,
c'est l'existence indépendante du simple *caird à toute époque
en irlandais : vieil-irl. cder gl. bacca (S'-Gall 22*", Thésaurus
palaeoh., II, p. 72, ligne 6); irl. moy. câer, baie, grain, globe
Alternances AI : a ; OU : o. 147
= *cairâ. Whitley Stokes {Urk. Spr.), Pedersen cite un gal-
lois cair, baie, plur. ceirion. Il ne repose que sur l'autorité
d'Owen Pughe qui a bien d'autres inventions sur la con-
science. D'ailleurs, si nous nous reportons au vi^ siècle, date
vraisemblable de l'inscription où figure cairaîlni, cair suppo-
serait une forme cario-, qui, à la même époque, eût été
en irlandais, caria-. Une forme galloise cair ne pourrait
remonter au delà du vii^ au viii* siècle. De plus, à cette
époque, on n'aurait pas affaire à une véritable diphtongue,
mais à un fl suivi d'un élément palatal dégagé par r mouil-
lée : d'où des graphies comme le vieux-gallois arcibrenou
gl.jg/)/^//; mais gallois-moyen «ro-^z/rem, sépulture au sens mé-
taphorique = are-com-regnicl (^are-com-regnioi, sepulti : racine
reg-, rigide; cf. irl.-moy. rigin, raide). Ce n'est qu'assez tard
que l'élément palatal s'est affermi dans la syllabe précédant
la consonne mouillée au point de former avec la voyelle
étymologique une véritable diphtongue : phénomène qui
accompagne la dépalatalisation de la consonne. Si cair n'existe
pas, on a, en gallois, un défivé de car- : ceri, noyau de fruit
ou grain ; ceri a aussi le sens de néflier (^pren ceri, arbre à
noyaux).
Toute hypothèse d'emprunt étant écartée, on est réduit à
admettre en vieux-celtique deux formes : pour le goidélique
cairotîno-, pour le brittonique : carotîno- \
La forme non-diphtonguée carotîno- est vraisemblablement
représentée, en vieil-irlandais, par le nom de l'évêque à forme
latinisée Cartenus^, et d'une façon plus nette par Carthind,
génitif, qui suppose un v\ova\n2iûî carthemi >.
On se trouve donc manifestement en présence d'une alter-
nance goidelo-brittonique ai : a, dont les conditions restent à
déterminer. J'aurais hésité néanmoins à la formuler, si je ne
1. Il me paraît probable que -thio- représente un mot originairement
indépendant. Le suffixe -tino- existe bien en celtique, mais avec i bref; -Ino-
existe aussi, mais pour arriver à -tlno-, il faudrait supposer l'extension d'un
/- analogique : gall. eithin, ajoncs = *akttno-.
2. Livre d'Armagh (Thés. pal. II, 262) : le document d'où ce nom est
tiré remonte pour la rédaction à la fin du vue siècle. Cf. moderne car thenn.
3. Plummer, Vitae ss . Hiberniae, I, p. 173, ss. XII: Fintanus filius
Carthind.
148 /. Lolh.
m'étais trouvé, en étudiant les inscriptions oghamiques, en
face de cas analogues. Trois personnages différents, mais
appartenant à la mène gens, s'appellent, l'un (au génitif) Coil-
labotas, l'autre Collabota, le troisième Colaboti :
Coillabotas viaqi Corbbi — Collabota miicoi Liiga — niaqi
Ritte viaqi Colabot \ Coillabotas a évolué, en vieil. -irl. en Coil-
both : Sardn macc Coilboth {Memoranda in the Book of Arniagh,
Thés, pal., II, p. 364). On a eu plils tard Càelbaâ. A ma con-
naissance, on ne trouve pas de nom irlandais dérivé du nom
sans diphtongue Colabot. Macalister a cru en voir une forme
relativement récente, célibat, dans 1 inscription oghamique de
Whitefield : Alatto celibattigni (Studies, II, p. 78, 81). Il est
évident qu'il faut lire : Alatto celi Battigni; cf. alatto celi
viaqi... Le même phénomène paraît se présenter dans la double
forme Toicaki, Tiicacac : maqi mucoi Toicaci ^ (Toicaki dans
trois inscriptions) -nuico Tucacac >.
Au cours d'un exposé de ces faits dans une leçon au Col-
lège de France, tout dernièrement, un de mes auditeurs, M.
Alf Sommerfelt me rappela fort à propos que- mon éminent
collaborateur, Marstrander, avait relevé, dans le dernier fasci-
cule de h Revue Celtique 1915-ié, p. 349, des variations vo».a-
liques semblables dans des noms oghamiques. Il identifie
V oghamique valubi '^ avec le vieil. -irl. Fâlbi (ou mieux FAlbe) :
l'orthographe Failbi est, dit-il, équivoque en ce sens qu'elle
contient certainement aussi Vailubi (avec diphtongue) K
D'autres exemples seraient Battigni, Gattigni identifiés par
Mac Neill avec Baethin, Gaethin ^. Marstrander n'a pas hésité à
conclure que l'ancienne diphtongue ai, dans certaines condi-
tions, perdit son élément palatal dès avant lépoque du vieil-
1. Macalister, Studies in irish Ep. II, 78; III, p. 182 ; II, p. 74, 75, 78.
2. Ibid. II, p. 89-92.
5. Ibid. III, p. III. Tucacac serait un dérive en -Cico- de Tocac-. Je serais
tenté de lire Toica-caki.
4. Macal. Studies, III, p. 218 : valuvi (pour valubi).
5. Le premier terme du composé vailubi paraît se montrer aussi dans le
Vailathi d'une inscription chrétienne du Cornwall (Rhys. Lectures on luelsh
Philology, p. 402).
6. Notes, p. 353. Les formes modernes comme airde et aoirde, hauteur
(drd, haut), présentent des phénomènes purement irlandais et ne remontent
pas vraisemblablement plus loin que l'irlandais moderne ou moyen.
Alternances AI : a ; OU : o. 149
irlandais. A l'époque où paraissait le travail de Marstrander,
je n'avais pas eu occasion d'étudier de près les questions sou-
levées par caerthann et cerdin et je n'avais pas sans doute atta-
ché au résultat obtenu par Marstrander pour l'irlandais à une
période précédant celle des plus anciens manuscrits l'impor-
tance qu'il méritait.
Il y a peut-être un exemple d'alternance oi : 0 dans l'irlan-
dais mog. côilân, mod. caolàn, intestin grêle, tripes, et le gal-
lois coliidd, boyaux, viscères, intestin ; voc. corn, colurionein.
Cf. V. gallois coiliou gl. extorum : / indique le mouillement
de /.
L'influence de r, / dans le cas de cairotino-, carolim- ; vai-
hibi, valubi ; pourrait avoir été pour quelque chose dans la
disparition de /, mais outre que cette disparition se produit
en dehors du voisinage de r, /, comme dans Tucacac à côté
de Toicaki; Gatîigni en face de *Gaittigni (= Gaeîhirï), elle
ne suffirait pas à expliquer le maintien de la diphtongue en
irlandais dans cairatini et sa disparition dans le brittonique
*carotïno-. Il a dû s'y joindre une autre influence qui doit être
celle de l'accent.
A ne considérer que la forme diphtonguée, cairotino- en
goidélique et la forme sans /, *carotino- en brittonique, on
expliquerait peut-être le maintien de la diphtongue en irlan-
dais par la présence de l'accent sur la première syllabe du mot
et sa réduction en brittonique comme un effet de l'accentua-
tion régulière de la pénultième constatée dans ce groupe dès
lei*'' siècle de l'ère chrétienne. Mais, comme il y a en vieil-
irlandais, un doublet sans diphtongue de ce nom, Cartmus,
Carthend (sans parler d'autres exemples), on ne peut logique-
ment expliquer le maintien de la forme pleine que par l'in-
fluence du simple *cairù (câer en vieil-irlandais), accentué sur
la diphtongue ; Cartenus, Carthend supposent la même accen-
tuation que le gallois cerdin, c'est-à-dire à l'époque de l'unité
goidélo-brittonique, l'accentuation sur le second terme du
composé. L'alternance ai : a^ remonterait donc à Tépoque de
l'unité celtique insulaire -.
1. Cf. iû.moà.faiUrach,faoilteact).
2. Valu-, à côté devaitu-, qu'on a dans l'oghamique Valuvi, paraît se
I50 /. Lofh.
Il semble que le 'genre d'alternance vocal ique qui vient
d'être constaté se soit étendu à la diphtongue ou et qu'on
ait eu en celtique insulaire, ou : o, comme on a eu ai : a.
L'exemple le plus caractéristique nous paraît fourni par le
vieil-irl. àbar, uabar (Wb 27 moy. ; 13 b 14), vaine gloire,
vanité; irl. mod. uabhar, id., en face du gallois ofer, vain,
oferedd, vanité, frivolité. Obùr, uabar remontent à ùbero- =
*onbero-; over (ofer) à ôbéro-'. Le breton cuver, fade, est sans
doute pour iiver, si du moins il se rapporte à la même racine.
En comique moyen on a tifer (=- uver'), vain, Beunans
Meriasek, vers. 3001 ; ufereth, vanité, frivolité, Res. D. 950,
1264 (evereth, ibid. 936: e représente û réduit). Si on prend
l'ensemble de ces formes, il est clair qu'on est en présence d'une
alternance remontant, elle aussi, à l'unité goidélo-brittonique.
L'accentuation du gallois remontant à obéro- sur la pénultième
est très frappante. Il est très probable que le maintien de ii==
ou en comique est dû à une influence analogique. On peut
citer encore le vieil-irl. ôinun, mod. uamhan = *oubno- tandis
que le gallois ofn, peur, corn. moy. oum, breton aoun = *ôbno-;
gaulois Exobnus (gall. ehofn, sans peur). On a même, en
vieil-irlandais omon, avec un 0 bref, assuré par la rime ^.
Peut-être peut-on expliquer encore ainsi le vieil-irl. ôcht, le
froid (gloses de Milan hnacht^, le gallois oer, froid, mon-
trant ô bref = *oo-ro- (cf. Calendrier de Coligny 0^;w//). Il est
vrai qu'il a pu y avoir en irlandais une influence de ûar, froid
= ôgro- où la longue diphtonguée est un effet de la compensa-
tion.
Pedersen {Vergl. Gr. I, p. 255) énumère un certain nombre
de mots brittoniques dont la voyelle aurait été allongée par
suite de sa position à l'initiale, phénomène connu en slave et
en suédois. A priori, un pareil allongement serait assez étrange
dans une langue qui n'a aucune prédilection pour l'accent sur
l'initiale. Les mots où il croit le constater sont en gallois :
retrouver dans le nom gaulois Valuco, C. I. L. XIII, looio, 6966 ; cf. Laitiîo
et Latiliaco (monnaie mérov.) d'où Z,a////v, Aisne (ap. Holder, Alt. K. Spr.).
1. Dans ofcr, 0, peut représenter rt vieux-cell. = à ou ô indo-eur. accen-
tué. Dans ce cas, ofer, «iwr seraient à séparer de uabar.
2. Thurneysen, Gr. p. 40, explique ôiiiun, plus tard ùamun par l'in-
fluence de nath, épouvante (à une époque archaïque ô//.').
Allcruances AI : a : OU : o. 151
ufani, cheville du pied, hIzv, charbons ardents; Urbgen, nom
propre (plus tard Urien en breton comme en gallois); ugaint,
vingt ; ucher, soir ; tifyll, humble ; ufydd, obéissant ; luybren,
nuée; ivyneh, visage; itig, angoisse, à côté de cyf-yng. Il taut
écarter *ufyll, emprunt latin dont Yu dénote peut-être sim-
plement une prononciation ecclésiastique savante û pour û
(iifydd est d'origine douteuse). Wyneb a un doublet vieux-
gallois cnep et doit avoir une origine différente : peut-être,
comme on l'a supposé, est-il composé avec uo-. Ing est rela-
tivement récent et a été précédé par yng; kyvirig mais aussi
kyvyng : y gallois (? bref) devient / en moyen-gallois récent
devant g (c) et ng (J. Morris Jones, Gr., p. iio, § 77. i.).
L'étymologie deivybre?i, voc. corn. : -huibren ; wybr, firmament,
bret. oabi ' est inconnue. Il en est de même de iikv (cf. ? breton
euvJen, elvenn, nlyenenn, étincelle) : un rattachement àpuJvis
(polhiis) est bien invraisemblable. Uffarn, à côté deffern, fer
indique un composé ancien qui le sépare nettement de l'irl.
odbraun. Deux iigaint, ucher, d'après Pedersen (F. Gr. I, p. 42)
un w initial aurait disparu de wi- et la voyelle aurait été
allongée, et cela en il ce qui paraît inadmissible. Quant à
Urbgen, il n'est nullement prouvé ni même probable qu'il
faille le rattacher au gaulois Orbius, à moins qu'on ne sup-
pose l'alternance on : 0 dont il a été question plus haut.
Il n'est peut-être pas inutile de faire remarquer que dans
deux des exemples donnés plus haut de l'alternance ou : 0, la
diphtongue était suivie de b, qui était déjà, entre deux voyelles,
une spirante à l'époque gauloise. Dans ôcht, on a affaire à une
spirante gutturale développée de fort bonne heure et dans
oer = ogro- à un groupe intervocalique -gr- où sûrement g a
évolué de bonne heure, quoique dans les inscriptions ogha-
miques le groupe -gr- soit conservé, au moins dans l'écriture-,
J. LOTH.
1 . Il n'est pas du tout prouvé qu'on ait affaire à un e vieux-celtique dans
le corn, moyen ebron, mod. ehharn, et le haut-vannet. ehr, evr .
2. Mac Neill considère ô comme une variante dialectale de ôi (notes,
p. 350.10.
NOTES
ÉTYMOLOGIQUES ET LEXICOGRAPHIQUES
{suite)
126. Irl. BENN;gall. bann.
Le gallois hann est bien connu comme subst. et adj. dans
le sens de : sommet, conte, pointe ; élevé, haut. Son emploi a
été moins remarqué dans le sens de: poifit cardinal :
Teir bann y vedyssawd :
nef a dacar ac iiffern
« Trois points (extrémités) de l'univers : ciel, terre et
enfer. » (Ymb. yr eneit, Heng. mss. II, 249, XXV, 19).
Cf. le composé pedryfan : pedryfanoedd byd les quatre points
du monde.
L'opposé de bann endroit élevé est adfaji plaine (M. A.,
191. 0-
Bann a été confondu avec mann dont l'étymologie ordinaire
n'est pas satisfaisante ; mann a tous les sens de l'anglais spot,
tache, place (cf. pour tache, l'irl. mennair).
127. Irl. moy. barann ; gall. moy. baran.
L'irlandais a le sens de colère, fureur, de même que le
gallois :
Pan zunel Duw dangos y varan, « quand Dieu montrera sa
colère » {M. A., 289, i).
Baran baed oed Bleidic mab Eli, « il avait la fureur du san-
glier, Bleidic fils d'Eli (L. Aneurin, 106. i). Cf. ibid., baran
lUw ; baran mor (8o.ro ; 93.16).
L'irl. moy. a aussi : barann, gén. barainde. Au v.-irl. bare,
correspond l'irl. moy. bara (K. M., Contr.\ Le vieil-irl. barc.
à
Noies étymologiques et lexicographiques. 1 5 3
supposerait bario- ou barià ; mais primitivement c'est peut-être
un nominatif d'un thème en -n : cf. care, carae. Il est possible
aussi qu'on ait fait sur un gèrnûïbaran-, un nom. bara en irl.
moy. (cf. ptrsa, persmi). Le gallois peut provenir d'un cas
oblique (baran-os etc.) ou être tiré de bar- à l'aide du suf-
fixe -ano-. Le gallois possède aussi bar, fureur, qui peut
remonter à un nominatif * barâs.
128. Irl. moy. barc « hampe de lance » ; gall. barch,
lance, f.
bu erchyll giuan a barchau Brenin byd (Dafydd ddù Hiraddug
mss.). « Ce fut horrible de percer avec des lances le roi du
monde. »
barch hell yn brkuo ' / chylla (Llanover mss.), « une lance
horrible brisant sa poitrine ».
Il semble que le sens de « hampe » soit conservé dans cet
exemple :
gwyr a meircb a beirch barch-iuyn (Llanover mss. ap. S. E.),
« des guerriers et des chevaux et des lances à hampe blanche ».
129. Gall. moy. DYVvd, infortune ; v. irl. -be.
On chercherait vainement le mot dyvydd, d'ailleurs rare,
dans les dictionnaires gallois. J'en ai relevé deux exemples
sûrs :
L. Noir 50.14 :
Perku nnu pereist imi dyvit, « créateur du ciel, tu m'as causé
infortune (triste existence) ». dyvit rime avec aingiffredit :
t^ d.
M. A. 159. I :
neum dotyw defnyt dyt dyvitlawn
Dyvod y gyfnod y Gadwallawn
« Il m'est venu vraiment matière d'un jour plein d'infor-
tune, que le ternie fatal soit arrivé à Gadwallawn. »
Z)3'Z'_)'^ suppose (//^- ^;'/o- : J^i, préparatif, irl. do, et un dérivé
en 0 de bl- (cf. bitu-). Il me paraît probable que c'est ce -bio-
qu'on retrouve dans les termes seconds des noms propres v. irl. :
Lugbe, Ailbe, Falbe, et dans les noms propres gaulois : Lato-
bios, Vindobios (pour Lato-bios, surnom de Mars, cf. v. irl. macc
154 /• ^oth.
Laithbi L. Arm.). Dans les inscriptions ogh., on peut signaler
Ditibias; Luguwe, nomin. plus récent qui eût été plus ancien-
nement Lii^H-hios.
130. Gall. moy. erfid; mid.
Le gallois moyen erfid a le sens de k hache » (cf. gall. mod.
bidog, dague, poignard).
Dans les vers suivants ce sens n'est pas sûr :
yvei zuin giuirazut
oed ervit vedel (L. A.^^ 69, 22)
« il buvait comme boj^son du vin ; il était le moisonneur du
champ de bataille (ou la hache de la troupe des moisson-
neurs) ».
Le sens de « combat » est attesté par les exemples suivants :
Hiewii erfid au lid oedd daladivy (M. A., 386, 2)
« dans le combat leur colère valait cher ».
Cf. le m. gall. mid :
... biiost lew en dyd mit (L. A., 94, 16)
« tu as été un lion le jour du combat ».
marchawc mitlan (L. N., 86, 9)
« cavalier du champ de bataille ».
Ce mot peut avoir la même origine que melel, troupe de
moissonneurs ; il a un sens métaphorique : vieux-celt. *nîht-,
indo-eur. më-to-, me-ta.
131. Gall. d'Ecosse BLÀR ; gall. iîlawr.
A l'écossais blâr « qui a une tache blanche sur la face »
(animal), correspond le gallois blaïur « gris ».
blawr blaen, en rann in ariant (L. N,, 38, 24)
« au devant gris-pcàle leurs crins d'argent » (en parlant de
chevaux).
llawer gorwyd blaïur (M. A., 155) beaucoup de coursiers gris,
Uajnawr ar flawr flaid (jbid., 144, 2)
« les lames (d'épée) sur les loups gris ».
Notes étymologiques el lexicographiques. 155
nid Inunnw yiu'r march bJaenbarch blawr (Ido Goch., p. 339)
« Ce n'est pas là le cheval au devant (la face) remarquable,
gris ».
Llewis Glyn Cothi, p. 33 e, 17 appelle hlaïur le manoir de
Nicolas Ryd par opposition probable aux maisons ordinaires
de Galles blanchies à la chaux.
BJâr, blaïur = v. celt. * blâro-.
132. Irl. BONGiM ; gall. difwng.
A la même racine que l'irlandais bongim « je brise » se rat-
tache le second terme du gallois di-fiuiig « implacable », « qu'on
ne fléchit pas » :
divwlch ut divalch y esgar
divwg blwng blaen uvel drwy iwr (M. A., 17e, i)
« chef sans défaut (estime), pas lier son ennemi, implacable,
sombre, face (?) de flamme dans la colère ».
gor-diinung signifie « tout à fait implacable ».
ysym arglwyd gurd gordivung y var
gordwy neb nyu hystung Qbid., 176, i)
« J'ai un seigneur rude, implacable sa colère ; oppression
de quiconque ne plie pas devant lui. »
di'Vivng sort de di-bongo-.
133. Gall. moy. calledd.
Ce mot a deux sens d'origine différente :
called, « tiges de plantes, haricots, chardons » a peut-être
la même origine que caill « bois ».
calkdd, dans le passage suivant, indique clairement une
arme; cf. irl. cail « lance! ».
ar huai très tardei galled ÇL. A., 93, 5)
« et sur la chaîne (cotte de mailles) éclataient les lances »
(hampes de lances).
Le sens de très n'est pas sûr.
a Un 0 Ffreinge ffyr ffrawdd galledd
« armée de Français, ruée (?), lances qui s'agitent ».
156 /. Loth.
Le sens de ffyr est douteux.
134. Irl. moy. cailc, chaux ; bouclier blanchi à la chaux ;
gall. CALCH.
Gall. caîch, irl. cailc « chaux » a deux sens en gallois : 1°
« chaux », comme eu irl. ; 2° « armure de métal ». Voici des
exemples de ce second sens :
kin y olo dan tywarch
Brkvei calch[mab Llywarch] Hen (L. N., éo, 2^)
« Avant qu'il ne fût couvert sous la terre, il brisait l'armure,
le fils de Llywarch Hen ».
Briiuint calch ar drwyn feibon Cyndriuynyn (M. A., 122, i)
« ils brisaient l'armure sur le nez des fils de Cyndrwyn. »
Il est question dans le Livre d'Aneurin (83, 20) de calcbdoet
couverture de bouclier (cuirasse ou cotte de mailles). Calch
paraît avoir plus spécialement désigné le bouclier, mais sûre-
ment aussi a eu le sens d'armure :
gorvlîvng lualch yg calch ygcad (M. A:, 266, i)
« faucon très violent dans l'armure dans le combat ».
Dans le Livre Noir (59, 3) un bouclier est qualifié de
calchvreith {calchfraitl)) qui signifie « à l'émail tacheté». Dans
les Ancient laws and inslitutes of fVales, II, p. 803, coloration...
glatico, en parlant d'un boucher est traduit par calchlassar
« émail bleu ». On trouve l'expression équivalente llasar glas.
Le bouclier coloratiim aurichalco est en gallois, dans les Lois :
eurcalch. Sur calch « émail», v. J. Loth, Mabin.^, I, 155, 392;
II, 209.
L'émail était bien connu des Celtes de l'époque de fer. Il
me paraît très vraisemblable qu'en irlandais cailc a dû avoir
aussi le sens d'armure revêtue d'émail.
135. Irl. moy. callôid ; gall. kallawet.
Ki kallawet signifie très probablement « un chien querelleur,
aboyeur ». En effet, il est dit dans les Ancient Laws and Ins-
titutes of WaleSy I, 49, 8 : Ki kallawet or lledir pellach 710 naw
cam ywrth y ty, ny thelir dim ymdanaw ; os 0 vywn y naw cam
y lledir, pedeir arhugeint a tal « si on le tue à plus de neuf pas
Notes étymologiques et Icxicographiques. 157
de la maison on ne paie rien pour lui ; si c'est dans l'espace
de neuf pas c'est 24 pence qu'on paie >).
O. Pughe écrit caUawydd, ce qui n'est pas sûr. L'irlandais
moyen callôid querelle, tapage, grand cri (Gloss. in Eg., 415,
Arch. /. C. L.) a un suffixe différent mais il est fait peut-être
sur un thèmerrt//fl'///-. Cf. callae « jeune chien » chez O'Reilly.
Dinneen : calJôid f. querelle, cri ; callôid, querelleur. Cf. cal-
lûire, crieur, héraut.
136. Irl. cÂiM ; gall. moy. di-gawn; digon, dichon.
Irl. moy. et mod. càin, gén. cana f. règle, tribut; irl. moy.
cànachus, mod. cànachas, coutume, tribut ; irl. moy. cânaim,
je punis, frappe d'amende (K. Mayer, Contr.). Càin, en irl.
moy. gl. emenda À. réparation (Ir. Gl. 98).
Le gall. moy. di-gawn, di-chawn a non seulement le sens
de pouvoir faire, mais àç. faire :
L. Noir 7.23 :
onid iniwaredit or drue digonit
« si tu ne garantis pas du mal que tu fais ».
Ibid. 10.26 :
diwyccoiunc a digonhoni 0 gamiuet
« réparons ce que nous avons pu commettre de méfaits ».
C'est le même mot que l'on trouve dans le gallois go-goned,
gloire; cf. le nom propre v. bret. Wocon, v.-gall. guoccaivn
(Ann. Cambr. 871), plus tard Givgaïun. C^;/- paraît avoir eu
le sens de pouvoir, pouvoir par la loi dans Tirl. càin- =^càni-.
L'explication de Zimmer {càin de canôtî) ne supporte pas
l'examen.
137. Gall. POSBEiRDEiN et irl. casbairdne.
L'irl. casbairdne f. est employé par le Sruth dïaill (Ir. T.,
III, 6). .
Du gallois posbeirdein sont attestés les exemples suivants :
posbeirdein bronrein a dyfei (L. T. 108, 13)
posberdein bronrein a dyui
a deuhont vzvch med lestri
a ganhont gam vardoni (L. R. 303, 34)
Rn'ue Celtique, XXXVIII. II
158 . /. Loth.
« Il viendra des bardes de bas étage orgueilleux
qui viendront (se grouperont) au-dessus de vases à hydromel,
qui chanteront des compositions bardiques incorrectes. »
Le sens précis de pos n'est pas établi; l'irl. cass « frisé,
tondu » a le sens métaphorique de « mauvais ^y, fauve (K. M.,
Contr.). Le gallois supposera *qijoss-. Qua\nà.-bâirdfie, il répond
exactement à-bcrdeùi = bardonià.
138. Irl. moy. cf.l, mort; irl. mod. ceal, manque, oubli,
mort; gall. pallu, manquer, périr.
païub pan rydyngir yt bail (L. A., 94, 8)
« chacun, quand cela a été fixé (par le destin), périt ».
pallant ieueinc rac adwyt (L. R., 235, 23)
Irl. cel sort d'un vieux celt. *quelo-; pallu sort de*qualno-,
139. V.'irl. et irl. moy. cèssim, ces s ai m ; mod. céaseaim ;
gall. moy. llet-cynt.
L'irl. a le sens net de: je souffre; inf. céssad, souffrance.
De même le gallois llet-cynt.
Le sens préjoratif de llet- est connu (J. Loth, Revue celt.,
Ihd-vryded et llaw-vrydeâ).
Myv. arch. 164-1 :
Essillyt Merwyt mawr a llefkynt yzu
nadynt vyw vegys gynt
« Les descendants de Merwyd, c'est une grande douleur,
qu'ils ne sont plus vivants comme auparavant. »
Cf. L. Tal., 150,18 :
Dygawn yn Uetcynt nieint vygkeudawt :
racine v.-celt. * kent- ; irl. céssim z=z * ken{t)sû (cf. R. C,
XXXI, 157).
140. Irl. moy. cocerth, arrangement, correctif ; gall. moy.
CYNGERTH.
L'irl. moy. cocerth a le sens de : arrangement, correctif,
décision. Silvan Evans donne au gallois cyngerth le sens de :
imminent, suspendu sur, terrible. Aucun des exemples qu'il cite
ne justifie ces sens; au contraire, ils paraissent bien donner
Notes étymologiques et lexîcographiques. 159
au mot gallois le sens qu'on en attendrait d'après l'étymolo-
gie : qui est d'accord avec, concordant, convenable :
mai m Hoches...
yn berth, glauar, gyngerth, gled
« Mon refuge est joli, de température douce, bien adapté,
bien abrité. »
Cf. Daf. ab Gwil. :
neud berth a chyngerth
L'irl. cocert, gén. cocerta ; gall. cyngcrth remonte à *con-ccrta.
141. Irl. moy. cl6, clôi ; gall. cleu, clau.
Le sens de « rapide, qui s'agite rapidement » est attesté pour
le mot gallois par des exemples sûrs :
clev (L. N. 18, 13 ; M. A. 154, i ; L. R., 301, 20).
cledyfal clau « coup d'épée rapide » (M. A. i, 208).
cledyf gyrchyad cleu, « qui va rapidement chercher l'épée »
(îbid. 255, 2).
Cf. les expressions populaires maeyn bwnu ynglau « il pleut
rapidement ».
rhedeg yn glau « courir vite ».
clau à aussi, surtout en gallois moderne, le sens de « dili-
gent » et de « sincère ».
L'irlandais clô a le sens de tourbillon de vent (K. M., Contr.'),
clô et clan sortent de * clouo.
142. Irl. moy. com-run ; gall. cyprin.
nafid dy wraig dy gyfrin « que ta femme ne soit pas dans
ton secret » (Vaughan, Prov. p. 250 : « que ta femme ne soit
pas ta confidente (de commun secret) » ; cyfrin en moyen gall.
est subst. et adj. : secret commun, confident (S. Evans). Cf.
bret.-moy. giieffrin.
143. Irl, moy. cocad m., mod. cogadh ; gall. cynghad.
Exemple :
glew gloywrad gloyiu gyngad (M. A. 151, 2)
« vaillant à la faveur brillante, brillant à la guerre. »
De * con-catu-.
i6o /. Lotb.
144. Gall. moy. -iwng.
Il semble qu'il ait existé en gallois un mot -iung qu'on ne
trouve plus qu'en composition avec préfixe. Cf. irl. co-cung
« laisse articulée », gall. cynohwng {R. C. XXX, 261).
Dywal yg cat kyniwng yg keui (L. A. 100, 2)
« terrible dans la bataille, (mais) union dans l'effort ».
C'est ce même mot que l'on retrouve dans eidivng pour a d-
iwng :
arddwyreaf hael... tyrrua eitwg'ÇM. A. 266, i)
« je célébrerai le généreux, qui unit la troupe ».
Irl. cung serait issu de co-iung ?
145. Gall. CAwd.
Ce mot, qui correspond à l'irlandais cûadd « cruche, pot »,
est conservé dans le moyen gallois Jletcaud.
Cynnetyj y Boiuys henn ymadrawt gwyr
tich giuiraud eur gyniJawt
yn nep Uys yn ncp lie anhaivt
nadef daw ar eu llaw lied caivt (M. A. 186, i)
« C'est une habitude pour les gens de Powys guerriers chefs
de l'entretien, au-dessus de la boisson coulant à flots dans
l'or (coupes d'or ?), que dans aucune cour, en aucun endroit
difficile, il ne vienne en leur main une demi-mesure. »
Le même -caut se retrouve dans les Privilèges des hommes
d'Arvon ÇAnc. Lawsl, 106).
na[d]R voent laudkani « qu'ils ne boivent pas de mesure li-
mitée ».
laudkaiU est pour kdhaut ou pour ladhaut mesure de bois-
son Qlad). Le t ici comme plus haut = d. Le mot a été mal
lu et on le retrouve à l'époque moderne par exemple chez
S. Evans, Llythyraeth y Cymry, sous, la forme Uadgaïud. On
trouve aussi comme épithète louangeuse diletcatid (M. A.
157,2 : mariunad Ywein vab Madaïuc) nyd tvyf diletkynt am
diletcawt hael 0 hil Yorwerth « je ne suis pas sans souffrance au
sujet de celui qui n'admettait pas de demi-mesure, le géné-
reux de la race de Yorwerth ».
Notes étymologiques et lexicographiques. i6i
On se trouve ici en face d'un problème analogue à celui
de ciiach, gall. cawg, avec cette différence que cûadh est mono-
syllabique. Il y a eu peut-être, comme l'a supposé Thurneysen,
pour cûacb, l'influence de nia creux; un emprunt irlandais
paraît plausible. Pour ô Çiia) irl. = ô britt., cf. ûar « heure »,
gall. awr, bret. eiir, corn, iir (== ô et non û comme l'a cru
Pedersen) ; mais on ne voit pas le mot latin type ; cadiis a a
bref. En tout cas ô britt. donnant au> gall., ô bret. indique un
emprunt relativement récent.
La ration de boisson était proportionnée au rang. Pour
l'héritier du trône, elle était divessur « sans mesure » ; le pen-
teulu a droit à 3 cornes pleines de la meilleure boisson. L'ap-
pariteur avait un plein vase de bière, une moitié de vase de
bragget et un tiers d'hydromel (^Anc. Laivsl, p. 9, 13).
146. Gall. CYSTLWN.
Ce mot signifie « parenté, liaison, lignage » :
Pieu y het : da y cystlun (L. N. 29, 34)
« A qui est la tombe ? honorable sa parenté ».
kyn kystkvn kerennyd (L. A. 65, 24)
na chais ynigystliuu ar dnug (M. A. 758)
« ne cherche pas à te lier avec le mauvais ».
ymgystlwn a Mair (S' Greal, p. 102)
« invoquer Marie ».
Cf. irl. moy. com-slonnnd « parenté, surnom » (K. M. Con-
trib.^ de * coin-slund- ; cf. sluindim, slond ; v. gall. istlinnit,
glanstlinniin, famine sancto ; slond, gall. ythuii = stlondo-
(Ped. F. Gr. I, 84 : splendo-').
147. Gallois CYNNELW.
Ce mot paraît avoir dans quelques exemples le sens de
« modèle » (de * con-delu- ; cf. irl. condelb « conformité »),
mais dans d'autres, il a clairement le sens de « profit; premier,
principal profit », de kynt -f- helw : '
meu genhyd gynnhelw (M. A. 162, i)
I. Cf. cyiil.Hiid, premier essairn, et cyutaid.
i62 /. Loih.
« mon principal profit, c'est avec toi >>.
teidu Yniain... ■
Vm gynnehu yd fyddwch (M. A. 1,247)
« famille d'Yvain, soyez mon profit ».
Le poète Cyinîehu avait un fils auquel il adresse quelques
strophes ; il s'appelait Z)v^3';/w/ît' (M. A. 185, i).
148. Irl. moy. com-digal ; gall. cynial.
Le gallois cynial est attesté dans les exemples suivants :
oet trum y dial
Oi't tost y cynial (L. N. 52, 21)
« Lourde était sa vengeance, cuisante était sa complète ven-
geance »,
kalelach lurth elyn noc ascwrn
ys kynyal Cunedaf kyn kyiuys a thytwed (L. T. 201, 10)
« plus dure qu'un os enVers l'ennemi est la vengeance complète
de Cunedaf avant la cohabitation avec la glèbe ».
L'irl. moy. coin-dîgal a le sens de vengeance complète (K. M.,
Contr.^ = com-dîgalâ.
149. Irl. moy. congnim, gall. kynif.
A l'irlandais con-gnim « assistance », « secours » correspond
le gallois kynif « concours » :
ae kyniw ny welli ny omet (L. N. 10, 17) en parlant de Dieu :
« et son concours ne faiblit pas (ne se refuse pas) ».
kyjiifivr kynnif nid diover (M. A. 167,1)
« guerrier au concours dont on ne se passe pas ».
Ef oreii rien...
Ef kynnif tud voryon (ibid. 202, i)
« Lui le meilleur des rois, lui le secours des grands ».
kynnifwr, kynnifwyr a le sens de « guerrier, combattant ».
Poet tywyssawc Dezui yr kynifwyr (L. T. 129, 23)
« Que Dewi soit chef pour les combattants ».
Le primitif est con-gnîmu. Pour une autre origine, voir ky)ii.
Notes étymologiques et lexicographiques. 165
150. Gall. moy. kyniret.
Le mot kyniret a le sens de « visiter, fréquenter » et est
écrit avec un n ou nn ; mais avec un seul n, dans deux
exemples, il a le sens de : faire jaillir.
Hunier yr yspryt glan yn anvon neu yn kyniret gwrychyon 0
dan y karyat {Eliicid. 88) « que l'on représente l'Esprit saint
envoyant ou faisant jaillir des étincelles du feu de l'amour ».
(Cyssegrlan Fuched) kanys of y ssyd yn kyniret car iad anniuyl-
scrch ynug y tat ar niab (Jhid. 87) « car c'est lui qui fait naître
l'amour attendu entre le père et le fils ».
L'orthographe avec deux «// ou une seule fait supposer
qu'il s'agit de deux mots différents. Dans le second cas, on
peut imaginer un rapprochement avec l'irlandais moven ûr
« feu » (O'Cl. ; cf. Stokes, B. B., XXI, 123) ?
151. Gall. GORUN ; bret. gurun, kurun, kudurun.
Le sens du gallois goriin est assuré par de nombreux
exemples, ce qui ne l'a pas empêché d'être mal compris par
les lexicographes gallois. O. Pughe le traduit par « écume,
houle ».
gorun morgymlawd ai gogJawd gJan (M. A. 154, i)
« le fracas de la mer en fureur qu'endigue le rivage ».
y(g) gwythlidyg gwythlaivn orun (M. A. 185, i)
« dans la colère folle, dans le fracas furieux ».
gornn indique ici la Inêlée furieuse. Cf. v. gall. o'r gniihlaiin
tal « fronte duelli ».
ban del goryn arnam ny rybytwn ofnawc (M. A. 194, 2)
« lorsque le fracas (de l'invasion) viendra sur nous, nous ne
serons pas peureux ».
(Le poète compte sur la protection de Dieu et de Dewi).
gorun est assez souvent employé dans le sens de «bataille »
(fracas de la mêlée).
y g gorun aergun (M. Pi.1^2, i) « dans le tumulte (la mêlée)
des chiens de bataille (guerriers) ».
Le sens de « tumulte (bruit tumultueux, réunion tumul-
ié4 /. Loth.
tueuse) » est bien marqué dans ce passage du Livre de TaJias-
sin (i68, 24) :
ys gnawt goriin heird iich vied lestri
« c'est chose habituelle (dans cette ville forte) que le tumulte
des bardes au-dessus des vases à hydromel (penches sur les
vases à hydromel) ».
Le mot gallois éclaire l'origine du mot breton désignant le
tonnerre, le fracas de la foudre. En Léort et, je crois, en Cor-
nouaille, c'est knriin (iéxnm\x{): zr gurun; en vannetais, c'est
onrim et le mot est masculin. On peut expliquer l'évolution
du genre, en partant de kurun, aussi bien que de ^uriin, et
par suite on est autorisé à poser comme primitif l'un ou
l'autre. Ce qui paraît trancher la question en faveur de gurun,
c'est hidiirun tonnerre, coup de tonnerre. Quel que soit le
sens de kud-, il est clair que le second terme ne peut être que
giinm. Kurun, avec kud- comme préfixe, n'eût donné que
*kukurun ou *kuikurun. Dès lors, l'identification du mot breton
et du gallois gorun paraît s'imposer. Gurun pour gorun est
normal ; cf. kustum, ku:{ul, kutuil, kunucha, griihi, briilu, etc.
152. Irl. moy. crann-gall; irl. mod. crann-ghail ; gall.
moy. PRENNYAL.
L'irl. moy. cranngal a plusieurs sens qui rappellent ceux du
grec âôpu : « bois ; bateau ; hampe de lance » (K. M., Conlr.^.
En irl. mod. Dinneen donne à crannghail le sens de « treil-
lage devant un autel, séparant le sanctuaire du corps de l'église ;
cercueil; pipers accompagnant le cortège funèbre ».
En gallois moyen, les sens paraissent aussi variés. Dans
l'exemple suivant du Livre de Tal. 149.17, prennyal paraît
avoir le sens de « mort, sort fatal Q^ », « (cercueil ?) ».
prenyal yw y bawb y trachwres « c'est la mort pour chacun,
son extrême ardeur ».
Pour ce sens, M. A., 159.2 ; 141. 2.
Même sens dans le passage du Livre Rouge 264.4 (F. a.
B.).
Prennyal dywal galysgiun (lire dal au lieu de gaï).
Dans cet autre, prennyal paraît signifier « trésor, (coffre) ».
Noies étymologiques et lexicographiques. 165
L. An. 84.25 :
Dym givallaiu gwledic dal
oe hrid breiinyal
« Il me verse le souverain, paiement de son riche coffre. »
En effet, d'après T. Lewis, dans deux manuscrits de la
collection Peniarth, prenial a le sens à& ysgrin (scrinium).
Dans un passage d'un poète du xiir s. CM. A., iSS.j) preti-
nyal paraît signifier viciée (au milieu des lances, hampes de
lances ?) :
y s giurtvalch y m prennyal
« il est vraiment rude et fier dans la mêlée ».
La composition des deux mots est assez claire : il s'agit de
craiin, prenn « arbre » suivi du collectif^^^ï/-.
i53.Gall. POR, seigneur, chef.
Cynddehv (xii^ s.) qualifie de por Owain Gwynedd (cf. du
même : por en parlant de Cadwallawn ab Madawc, M. A.,
150. 2; 159.2). lolo Goch, éd. Ashton l'emploie dans le
sens de chef; por giuyn, en parlant de Roger Mortimer
(p. 124, 10); por y glyn, le seigneur de la vallée, c'est-à-dire
Owain Glyn dyfrdivy (Jbid . , 198, 37). De même, leuan èvêque
de Llan Elwy est qualifié de por yr eglwys {ibid., 367, 2). On
l'emploie aussi en parlant de Dieu. C'est une forme de la
même racine que perif, créateur; pryd, irl. cnith. Por suppose
qnoro-. Whitley Stokes rapproche de la racine qiier-, le latin
cerus, créateur, mais cerus suppose plutôt *ker- (cf. Walde,
Lat. Eiym. W.).
154. Irl. moy. crIth, contrat, paiement ; gall. prid.
Le gallois moyen prid a le sens de « valeur, prix » .
7iy cheffir da heb prit (L. R. 306, é)
« on n'a pas de bien sans le payer ».
Cf. le proverbe ny cheir geirda heb brid « on n'obtient pas
bonne parole sans la mériter » (O. Pughe). Dans les Ancient
Laws, prit est la somme payée par un tenancier au seigneur
(II, 884, 4)-
i66 /. Loth.
Le mot prid a aussi le sens de c précieux, cher ».
nid pria pryn gair teg
« n'est pas cher l'achat d'une bonne parole (parole d'éloge) »
(O. Pughe). Il sort de q"ntu-. Pour d'autres formes de cette
racine, cf. creniin ; crîthid ; gall. prynii, dirper, datpnvy ; gohrid
gabryn, etc.
155. Irl. CRATHAIM, crothim; gall. ar-grad.
Exemples du gallois moyen argrad :
cyvlavan argrat « qui agite, fiit trembler (le combat?) »
(M. A., 191, i).
Llavin aryrad (L. N., 59, 2) « lame qui fait trembler ».
ardwx cad argrad eurgreid leyrnet (M. A., 263; i)
« régulateur du combat qui fait trembler les chefs les plus
ardents ».
dyarwyt... ys argrad y gad y ganvod {ibid., 208, i)
« ta bannière... qu'il est effrayant (que cela fait trembler) de
l'apercevoir dans le combat ».
Cf. irl. moy. crathaivi, « je fais trembler », v.-irl. crothim.
Il semble qu'on possède en celtique les trois degrés de cette
racine: cret-, krit- {*kflu-); krot (irl. crothim), krat (assuré
par le gallois, car l'irl. crathaim peut être pour crothim).
156. Gall. moy. crydr.
a chrydr ar belydr balzoyf {lolo Goch, p. 226) « vibration sur
les fûts (de lance) de tilleul ».
Le sens de balioyf qui paraît identique à baJwydd n'est pas
sûr, on y voit le palmier ou le tilleul. Cf. pour l'idée :
• ae ergryd a chryd a chreu dàillwg (M. A., i , 27 1)
A rapprocher de l'irl. moy. crithir, « tremblant, tremblement,
vibration », dérivé de crith, cryd.
157. Irl. cÛAN;gall. moy.cuN; corn. kuen.
L'irl. moy. et mod. cuanL a le sens de « meute, portée de
chiens ou loups; troupe, bandes ». Le mot gallois est employé
en poésie souvent métaphoriquement :
Notes èlymoJogiques et lexicographiqiies. 167
llwyth llithyawc cun ar armant gwaet (L. T., 191, 3)
« tribu qui appâte les chiens sur le sang de (?) ».
eiri hid inipcn clun gan cun caJlet (L. N., 24, 5)
« la neige jusqu'aux hanches avec des chiens habiles ».
aerhost catgiin (M. A., 145, 2) « le pilier de bataille des
chiens de combat ».
bvjyst gnnion coed(ibid., 146, 2) « les chiens sauvages (ou
loups) du bois ».
aergnn gedynidcith (jbid., 157, i) « compagnons des chiens
de bataille » (ici les guerriers).
gwyt gun(Jbid., 185, i) « chiens sauvages ».
Cf. ibid., 163, I ; 211, 2.
Le comique kuen est le pluriel ordinaire de ky ; ne peut indi-
quer ù ou u (pu, eu, au v. celt.). Comme cun ou cuan, le mot
a d'abord été un collectif; il remonte à *kounâ.
158. Gall. CYR BWYLL.
ith kirpuill (L. N., 45, 6) « pour te célébrer (te faire con-
naître). »
hyt tra vwyj vyw kyrbwylktor (L. T., 200, 6)
« et qu'il soit célébré tant que je serai vivant ».
Cf. L. T., 206,25 ; L. R., 239, s; 306, 14.
Dans la Gorchan Maeldena (103, 22), on lit : pan grim-
builler {-ni- pronom infixe).
Il y a, dans lolo Goch, corbwyJlir (S. Evans).
Il me paraît plus vraisemblable d'expliquer ce mot par *con-
ro-qijeiU- (cf. kyrhaeddu) que par une expression analogue à
l'expression irl. *cor do cheill, comme le fait Pedersen (V.
Gr., I, 334; II, 501).
159. Gall. OETH dans anoeth « joyau » et cyjoeth « richesse ».
Le mot oeth seul est rare, excepté dans la légendaire Kaer
oeth ag anoeth, où le sens n'est pas clair. On le rencontre encore
dans les exemple? suivants :
defawd 0' i adawd oeth ystyfJais (M. A., 143, 2),
oeth doeth goeth gyngor Çibid., 287, i). Cf. ibid., 149. i.
i68 /. Loih.
Pour an-oeih, les exemples sont clairs et assez abondants :
mirejn anoeth (L. N., 6, 17) « merveilleux joyau (ou pré-
sent) ».
ddwym doeth anoeth ymdoel ha nmv (M. A., 168, 2) « comme
me vint le présent, me vint l'inspiration » (c'est-à-dire je
paie en poésie les dons qu'on me fait).
peimyd yn rwyddryt y m rodit anoeth (M. A., 258, i)
« chaque jour on me donnait joyau abondamment».
yn cJndaw anoethion (ibid., 202, i).
Dans le mabinogi de Kulwch et Olwen, Yspaddaden Pen-
Kawr, en terminant l'énumération des objets merveilleux dont
il impose la conquête à Kulhwch, dit: a phan geffych hynny oll
or anoetheu (L. R., p. 125) « et quand tu auras trouvé tout
ce qu'il y a de merveilles (ou joyaux) ». Il est chxr que anoeth
est composé de an- particule intensive et de oeîh. Le rapport
avec cyf-oeth « richesse » est évident. Il y a deux autres anoeth
qui se confondent parfois avec le nôtre, orthographiquement :
i*^ anoeth pour annoeth « déraisonnable >), opposé à doeth
« sage » en parlant des personnes et des actes ; 2° annoeth
« tout à fait nu, dépouillé » : y adaiv yn annoeth le laisser
(l'arbre) dépouillé (de ses fruits) (Heng. mss., II, 309).
L'expression tir oeth a le sens de « terre cultivée ». Le mot
oeth sort de *oktâ.
léo. Irl. moy. cumne ; irl. mod. cuimhne f. ; gall. moy.
COVEIN.
Comme l'irlandais, le gall. moy. covein a le sens de « sou-
venir, commémoration ».
Perheit e wrhyt en wrvyd .
ae govein gan e gein gyweithyd
« sa valeur durera dans le monde des braves ? et son souvenir
avec ses beaux compagnons ».
Cf. covein L. N., 6, 17; cofeinQA. A., 279, i)« mémoire».
cuimhne et covein remontent à *cotn -nienià.
Notes étymologiques et lexieographiqiies. 169
léi. Gall. moy. cun^ chef.
yn dri cuti (M. A., 341, 2) « (Dieu) en trois personnes >>.
ciDi Rcged imUidQÂ. A., 303. 2) « d'une colère égale à celle
du chef du Reged ».
cun nef (ibid., 317, 2) " le roi du "ciel (Dieu) >y.
Duiu hen ciin(Jhid., 372, 2) « Dieu roi des rois ».
Il y a des dérivés cunic et cunyat :
cunic : pell cunic y glot (M. A., 265, 16) « répandue au
loin, élevée, sa gloire ».
cad kunyat (ibid., 169, i) ef gunyad 0 g ad ni gilwyd (ibid.,
170, i) « lui chef (en tète) du combat qui ne reculait pas ».
kun- entre aussi peut-être en composition dans le mot
cun-lleith « destruction ». Comme lleith signifie « mort »,
kun- a dans ce composé un sens intensif :
cunllaitb gelynion (M. A., 331, 2) « destruction des enne-
mis » (épithète d'un chef).
cun lleith y luyd deheu (L. T., 174, 22) « destruction pour
les armées du sud ».
llawin aryrad ig kad ig cunlleith (L. N., 59, 2) « lame
d'épée qui s'ébranle dans le combat, dans la destruction ».
Il y a un autre cunlkid, aujourd'hui cynllaidd, tout diffé-
rent. Il y a aussi un cunllaitb, cynllaith c humidité ». Le mot
cun « chef » sort de *kouno- (forme réduite *kùno-).
162. Irl. moy. daig, flamme, feu ; gall. goddaith.
En moy. gallois, godeitb veut dire « grand feu ».
twryf goteilh wrth cawn (M. A., 172, 2) « faisant le bruit
de la flamme sur les roseaux ».
turuiu grue yg gotuc goteith (L. N., 58, 20) « qui a le bruit
de la bruyère en proie à la flamme ».
goddaith se dit aussi de la matière qu'on enflamme : bruyère,
ajoncs, fougère .
L. Rouge (P. a. B.) 250.7 :
kalangaeaf llwm godeith
« au I" novembre, la bruyère est dépouillée ».
Cf. Ane. L. 1.258 : tan godéyi maurth .
L'irl. daig a pour génitif dego, dega ; godaith s'accommode
aussi bien de dag- que de deg- : *uo-dekti- ou *uo-dekto- (le mot
est masculin).
170 /. Loth.
163. Gall. DIDDAWL.
Exemples ••
navi dilaivl oth viit (L. N., 45, 14)
« ne me rejette pas de ton' profit ».
oe varaimd nyin ditohs
nys dilolwy Duzu de deyrnks (M. A., léo, i)
« celui qui ne m'a pas rejeté de sa troupe, que Dieu ne le
rejette pas de son bénéfice souverain ».
Cf. hy-tolawc {su- dâlâko- : t= d) a qui partage, qui donne
facilement » .
La radiale de daud se trouve dans l'irl. ddil, portion, part ;
dâlim, je partage, je verse : irl. ddil auj. f. était neutre =
dâlî- ; cf. gall. gwaddavl ; moy. bret. gudiil; irl. fo-dâlim.
Pour tawl, toliei dawl, v. J. Loth, A. f. C. L., p. 902.
164. Gall. DIFANT.
Ce mot signifie « destruction, extermination, disparition » ;
cf. gall. difa « détruire » ; irl. moy. dibad « destruction ') ; irl.
mod. dibhadh.
iigein cant eu divant en un awr (L. A., 64, 4)
« vingt fois cent, leur destruction en une heure ».
ac cin bu divant dileit aeron {ibid., loé, 23)
« et avant sa mort il détruit Aeron ».
trydyd dyd dodyiu 0 divant (M. A., 288, i)
« le troisième jour, il vint de la destruction (en parlant du
Christ ressuscité) »;
Cf. difancoll « perte par disparition, perte complète » (pour
difant-coll^.
165. Irl. moy. dind; gall. moy. tygdyn, tydyn.
Dans les Lois, tydym le sens bien établi de maison avec une
pièce de terre dont l'étendue a varié (Ane. Laws II, 780, xi ;
I, 168, m; cf. T. Lewis, Gloss.). La composition de ce terme
était encore connue à l'époque de la rédaction des Lois, d'après
l'orthographe tygdyn (Ane. L., II, 781, iv).
Noies étymologiques et lexicographiques. iji
Chez Dafydd ah Gwilym, tyddyn paraît désigner plus spé-
cialement la terre attachée à la maison :
awn i' redig y tyddyn
sy rhwng y ty ar odyn
« allons charmer la pièce de terre qui est entre la maison et le
four ».
Dinn dans tyg-dynn peut être rapproché avec quelque vrai-
semblance de l'irl. moy- dind qui a non seulement le sens de
colline, forteresse, mais aussi de court (K. M., Contr.). Il semble
que l'idée de court, terre élevée, se retrouve dans ce passage
du L. Noir, 29, ié(T. a. B.) :
Bet gur giiaud iirteii
in uchel tytin
in isel guelitin
« La tombe d'un homme à la louange élevée, dans un haut
monument (situé sur une hauteur), dans un limon bas ».
guelitinzzigwelyddyn qui est à rapprocher du breton gwele:{enn,
lie, sédiment, dépôt ; giuelyddyn, guele~enn ne peut être tiré ni
de givaelod, ni de giuaeledd : le vannetais a pour la lie le mot
giiele pour giieled. Dind génitif denna=^dindu- ou dinnu-. Il est*
à remarquer que chez O'Davoren, dinn est interprété par
indik; or indile dans les Ane. L. of Irel., IV, 362, 17, a non
seulement le sens de bétail, mais aussi de biens en général.
i6é. Irl. dangen; gall. dengyn.
Le gallois dengyn est attesté dans les vieux livres : L. An.,
64, 30 :
T)wys dengyn ed emledyn aergun
« solidement, obstinément, ils se battaient les chiens de com-
bat ».
L. Noir, 24, 24 : treis degin (dengyn'), violence terrible.
Ibid., 17.5 : kad degin, combat obstiné,
L'irl. mod. dangen a de même le sens de solide, fort, et,
comme subst. celui à& forteresse (K. M., Contr.). L'irl. mod.
daingean a ce sens. Dangen, daingea, dengyn = dangino-.
172 /. Loth.
167. Gall. DYLEiTH « verrou » er métaphorique « garde,
protection ».
Le sens propre de dyleith est « verrou ». Cf. v. gall. delehid
gl. sera.
Cynddehv dit de lui-même :
nid -u'vfvart dyJaiu wyf dykiîh ar gerl (M. A., 157, i)
« je ne suis pas un barde maladroit (?) je suis verrou sur la
poésie » .
Deinioel a i ceidw a Dwynwen
Dyleith irev Vachynllaith luen (Ll. Glyn Cothi, p. 427).
« Dunioel la garde et Dwynwen, verrou (sécurité) de la ville
de Machynllaith bénie ».
Kayator y dyleith
arnaivch (L. T., 123, 13) « le verrou serafermé sur vous».
Cf. bret. dlei::tn, gleiien « pêne » v. britt. *dlekt-.
168. Irl. moy. solam ; gall. hylaw; irl. dolmha ; gall.
DYLAW.
Le v.-irl. solam a eu le sens de « rapide » : int solam, gl.
ultro, Ml. 1917 : 42'*9 ; ind solam, gl. presse, I3i"'5; solam,
rapidement (Atk. Pass. and K) ; solme, rapidité; solma (Wind.
WôTty,gosolma, rapidement (O'Cl. -ksolainh^. A solam répond
le gallois bien connu hylaw, adroit = *sû-làmo-. Dylaiv est
en revanche inconnu ou mal connu.
Cynddelw dit de lui-même (M. A., 151, i) : 7iyd wyf vart
dylaw, wyf dyleith ar gert « je ne suis pas un barde maladroit
(?), je suis verrou (garde, sécurité) en poésie ».
L'irl. mod. dolmha, lenteur, hésitation, paraît bien opposé
2i solma, solme, rapidité : dylaw = dû-lâmo-; dolmha = dû-
làmiâ.
Dylaw a aussi un sens et une composition toute différente.
Il a le sens de dylofi, manier, palper, éprouver : par exemple
dans cet exemple d'un poète du xii-xiii^ s. (M. A., 21e, 2) :
Rybu gamwetawc Madawc modur faw :
Rybut vu itaw dylaw dolur
N^oîes étymologiques et lexicographiqucs. 173
« Il a été (il n'est plus) Madawc, coupable, maître de la renom-
mée : ce fut un avertissement pour lui que d'éprouver de la
douleur ».
On a donné ce sens à dylaiu diins un autre passage du même
poète, passé en proverbe (M. A., 207) : gnaivd y dyn dylazu
dyîif ny gwe. Thomas Richards (^Welsb Dict., 1825) le trans-
crit sous dylofi par : gnaïud y ddyn ddylaw dylifnyiue. Il traduit :
« il arrive souvent qu'un homme manie ou prépare une trame
qu'il ne tisse pas ». Dans dylazu, dylofi, dy = to-.
169. Gall. DREM, TREM.
En gallois moyen, il y a à distinguer : 1° tremyn « il passe,
traverse » et 2° treni « vue, aspect », autre forme de drem.
■ 1° Ef y^^ '^^'^ ef yn drut
pan tremyn trostiit (L. T. 160, 26)
« Lui est rude, en violence, quand il passe par-dessus le
pays ^) (le vent).
EU kwyn ain tremyn Ç\l. A. 168, i)
« un second sujet de plainte me traverse ».
Cf. breton tremeii passer, traverser ; comique tremene. Ces
mots se rattachent à monet.
2° dim Jii ueli
pevychwys tremwys drwy vot Dezui (M. A. 195, i)
« il ne voyait rien ; il guérit, il vit par la volonté de Dewi »
(parlant d'un aveugle guéri par Dewi).
Le sens propre de drefu est « vue, regard ».
pan dremher arnazu (L. T. 185, 17)
« quand on le regarde ».
drem walch (M. A. 332, 2) « à la vue (qui a la vue) de
faucon ».
a choUi trem eu lygeit(M. A. 734, i)
« et perdre la vue de leurs yeux ».
Le sens de perception (aspect) est surtout marqué dans le
dérivé dremynt.
Rn-iie Celtique, XXXl'III. 12
174 ]■ Lot h.
tri phriv drcmynt corforaivl dyn, gwelet, cJywed a theitnlaw- tri
phriv dremynt enaid dyn : cariad, cas a deall (M. A. 894, i).
On trouve l'orthographe dreinhynt (M. A. 157, i); drem,
bret. dreinm zrz driksma ; cf. drech, drych.
170. Irl. DRETTEL;, TRETELL; gall. DRYTHYLL, TRYTHYLL.
Le sens de l'irl. moy. drettell est « favori ». O'Davoren
(Arch. f. Celt. Lex. n" 706) interprète J/yZ/c// p3.Y peta, anglais
pet. La forme la plus sincère apparaît dans la Tâin Bô Ciiûilnge
éd. Windisch, 1. 5378: dû thrcittd Ulad, les deux favoris de
d'Ulster: var. trcittill; Pedersen, Vcrgl. Gr. I, p. léo, le donne
comme emprunté au gallois drythvll « débauché », ce que rien
ne justifie : les deux sens sont trop différents d'abord pour
conclure à un emprunt. Quant à la forme elle remonte vrai-
semblablement à un vieux-celtique * treftillo-; en gallois on
trouve aussi drythyll et trythyll. Pedersen appuie son rappro-
chement du gallois avec l'irl. trot combat, irl. mod. troid, par
un gallois trythu s'enfler, qui n'existe que chez Owen Pughe :
* trythu se distendre, qui viendrait d'un trwth que Pughe tire de
try-wst.
Le sens primitif, d'après le gallois serait •.pétulant, capricieux,
aussi bien que voluptueux.
Le sens de voluptueux, débauché est bien connu (M. A.
865, i). Le sens primitif se trouve peut-être dans ce proverbe
(M. A., 844, i):
drythyll maen yn llaw esgud
« une pierre est instable (capricieuse, prête à partir) dans la
main d'un homme prompt ».
171. Irl. DRÛTH, DRÛis; gall. drud.
Drud en gallois a plusieurs sens :
1° « furieux, insensé, qui n'entend pas raison » ; assimilé
à ynfyd dans les Lois ; opposé à doeth « sage » dans le Livre
de Taliesin, 180, 31.
rei yndriid, ereill yn doethyon (M. A. 201, 2) « les uns insen-
sés, les autres sages » (Dieu donne à chacun ses qualités).
2° héros, brave, vaillant :
Notes étymologiques et lexicographiqties. 175
Dyvi 0 Alcliit giuyr drut diiueir (L. T. 128, 8) « il viendra
d'Alclut des guerriers vaillants, loyaux ».
ynnuan ac ef yn drud (Mab. L. R. 172) « se battre avec lui
vaillamment ».
3° « cher, qui coûte ». Ce sens est dérivé de celui de « pé-
nible » :
er dy ddnid loesion (M. A. 354, 2) « pour tes terribles souf-
frances ».
y Sarasinieit a hrynyssant y mab yn drut (Heng. mss. II, 123)
« Les Sarrasins achetèrent le fils cher ».
Davies donne le sens de carus, mais c'est « cher » dans le
sens de «coûteux », qui est aujourd'hui le sens courant de ce
mot.
L'irl. drûtba le sens bien connu d'efoii {Tâin Bô C, p. 872,
1. 284.3, 3017 0- Il ^ aussi le sens d'iiiipiidigue (O'Donovan,
SuppL). Whitley Stokes (^Urk.sp.) lui donne le sens de nioetrix,
évidemment d'après ce passage du Glossaire de Cormac {Three
M. Gl. p. 29) : mer .i. driithj drech ./. baeth, iiicrdrech didiu.i.
.drûth baeth, c'est-à-dire comme le remarque Thurneysen (Kel-
toromanisches, p. 56): mer = driith et drech ^= baeth (simple
d'esprit) ; ainsi merdrech est fou et simple. Le ms. B (^Cormac s
Tr., p.. 59) donne la glose druth -i. merdreach, mais ce n'est
qu'un emprunt malencontreux à la glose précédente, qui a
passé dans les divers glossaires.
Du sens de fou, furieux, volage on a pu arriver au sens de :
impudique. L'irl. mod. (Dinneen) traduit drûth par : Joolish girl
et harlot^. Thurneysen (i^cZ/orow., p. 57)avance.que l'irl. mod.
drûis volupté (Dinneen : id. etformication,adu]têre) est emprunté
au V. fr. druge; c'est une erreur ; dans le Tai^t Bô C, p. 233,
1. 5330, drûis 3. le sens de folie. Les deux sens de folie, fureur
et volupté, ici encore sont liés.
Le français druger, drue paraît plutôt d'origine germanique.
En celtique, il se peut que deux mots d'origine et de sens
différents se soient confondus. L'irl. a un vocalisme
1. Windisch traduit le plur. druith par Druides, probablement en raison
de la variante des mss. Stowe et Egerton : draoilJje.
2. D'après le ms.de O'Naughton.
176 /. Loth.
différent du gallois et supposerait * drfito-; le gallois: * draiito-
ou droiito-. Si on suppose avec Pedersen (Vergl. Gr. I, 161),
que l'irl. est emprunté au britt., il faut admettre comme il le
fait, que l'emprunt a été tait à l'époque lointaine où Vu long
vieux-celtique n'était encore parvenu ni à i'i ni à l en britto-
nique. Dn'iis = * ârut-sti-.
172. Gallois GOR-DIN.
Le gallois gorâin, violence, oppression, a été confondu avec
gordineu, gordinaw, verser à flots (dinazu, verser).
Le sens de violence est clair dans ce proverbe (Livre Rouge,
F. a. B. II, 306, lé):
Gosgymon gwyth gordin
« c'est l'aliment de la colère que la violence ».
Cf. ihid. 279. 6, à propos de Cadwallawn :
Lleiv lluûsawc y iverin
twrwf niaïur trachas y ordin
« Lion, nombreux son peuple, grand tumulte, très haïssable •
sa violence ».
Myv. Arch. 219, 2 :
, Goruc Llywelyn...
ar y brenhinoedd braw a gordin
(( Llywelyn... a fait sur les rois épouvante et violence ».
Le seul mot irlandais qu'on puisse phonétiquement rappro-
cher de -din est l'irl. moy. din, gén. dîna, protection, abri, toit
(K. M., Contr.); irl. mod. diou. Le sens est fort différent. Tout
au plus pourrait-on songer que le préfixe *ivor- apporte au
rriot dont l'origine est inconnue le sens d'excès. Pour l'évolu-
tion de sens, on peut peut-être comparer le vieil-irl./or-//^g et
for-dinge (Pedersen, Vergl. Gr. II, 505). Il est vrai qu'ici, il y
a eu probablement dans certains cas, confusion morphologique,
comme le dit Pedersen.
Dans les Mahin. (L. Ronge, p. 254, 1. 26 ; L. Blanc, col. 398),
on trouve l'expression : gordinaiu y varch ; j'ai supposé qu'il y
avait peut-être là un emploi métaphorique de gordinaw (ver-
ser à flots) ; lancer son cheval à toute bride. Mais il me paraît
plus probable que c'est un dérivé degor-âin : forcer son cheval.
Notes étymologiques et lexicographiqucs. 177
173. Irl. moy. ermaissiu ; gall. moy. erwis.
L'irl. moy. ermaissiu a le sens de : « viser à atteindre par la
pensée, comprendre » ; irl. mod. : tirmaisim « je me propose,
j'atteins ».
Le gallois envis Ç= ervys) ne se trouve que dans un passage
du Livre Noir, 21-8 :
clat in lie argel in Arcoedit
rac envis Riterch Hacl ruyfadur fit
« creuse (ta bauge) dans un endroit secret, dans la région des
bois, de peur des recherches (ou de l'atteinte) de Rhydderch
Hael, le directeur de la foi. »
Gwenogfryn Evans a proposé au lieu de erwis, erchwys, meute.
Le sens serait satisfaisant, mais la correction est peu vrai-
semblable : dans l'orthographe du L. Noir, lu représente v,
spirante labiale sortie deZ' ou /;/ ; l'absence de r/j est également
peu vraisemblable. L'irl. et le gallois remonteraient à un vieux-
celt. * ari-messiù : d. mess, messaim, d'une racine /;/^^- ; aux
formes irl. composées avec ari- répond le gallois ar-feddyd,
dessein.
*
174. Irl. mod. ÉAGAN ; gall. anghanawg.
L'irl. mod. e'agan a le sens de vagabond. Tel paraît être le
sens du gallois ano^hanawi!.
gîvell aughanaïug mor nag anghamnig niynydd (M. A. 847, i)
« mieux vaut un vagabond de mer qu'un rôdeur de mon-
tagne ».
Le mot est confondu dans les dictionnaires avec anghenaïug.
La racine paraît être la même que àzns ei g e an violence^ néces-
sité ; gall. anghen.
ÇA suivre.) J. Loth.
BRETON BOMM
« MAT QUI MAINTIENT LA BASE
DE LA GRANDE VOILE »
Dans le numéro 365 du journal " Kroaz ar Vretoned
M. Loeiz ar Floch communique un mot breton botfitn " mât
qui maintient la base de la grande voile ". Il va de soi que ce
mot doit être séparé de boni " rehaut entre deux sillons
(Troude, Le Gonidec ; racine celtique* /;(';/-). C'est un terme
du langage des marins emprunté au hollandais boom " arbre,
gaffe, perche ", ou bien directement ou bien par l'intermé-
diaire de l'anglais. L'anglais boom désigne en effet ce qui s'ap-
pelle en français le " gui " dans le langage des marins. Les
langues Scandinaves ont de même emprunté ce mot sous la
forme bom. Cet emprunt est généralement considéré comme
venant du moyen-bas-allemand bôm (v. Falk-Torp, Etymolo-
gisk Ordbog, s. u.). Mais on peut se demander si le sens de
" gui " ne leur vient pas plutôt du hollandais, vu le grand
nombre de termes de marine emprunté par les langues Scandi-
naves au hollandais.
Paris, 5 octobre 1920.
Alf SOMMERFELT.
BIBLIOGRAPHIE
Sommaire. — I. G. Dottin. La langue gauloise. — II. S. Feist. Etymo-
logisches Wôrterbuch der gotischen Sprache, I. — III. Kuno Meyer.
Misceilanea Hibernica. — IV. H. Moore PiM. A short Histor}' of Celtic
Philosophy. — V. G. O'Nolax. Studies in Modem Irish, Part I. —
VI. L. Tréguiz. L'Irlande dans la crise universelle. — VII. W. J.
Gruffydd. Blodeuglwm o Englynion. — VIII. Ifor Williams et
Thomas Roberts. Cywyddau Dafydd ab Gwilym a'i Gyfoeswyr. —
IX. F. Vallée. Vocabulaire français-breton de Le Gonidec.
I
G. Dottin. La langue gauloise. Grammaire, textes et glossaire.
Paris, Klincksieck, 1920. xvij-3é4 p. 8°.
« C'est une maladie chez plusieurs étymologistes de vouloir
persuader que la plupart des mots gaulois sont pris de l'hébreu. . .
N'est-il pas plaisant de prétendre que ...kir en bas-breton signi-
fiait autrefois ville, que le même kir en hébreu voulait dire un mur,
et que par conséquent les Hébreux ont donné le nom de ville aux
premiers hameaux des Bas-Bretons ? Ce serait un plaisir de voir les
étymologistes aller fouiller dans les ruines de la Tour de Babel
pour y trouver l'ancien langage celtique, ... si la perte d'un temps
consumé si misérablement n'inspirait pas la pitié. » Ces lignes de
\"oltaire (Did. phil., éd. Hachette, t. XII, p. 95) étaient bonnes
à rappeler ici pour montrer quels progrès ont été faits depuis le
xviii'^ siècle. Les celtistes n'ont pas eu besoin d'aller fouiller les
ruines de la Tour de Babel pour avoir quelque idée du celtique
ancien. Le sol même de la Gaule leur a livré des éléments d'in-
formation plus solides. Quelques-uns même étaient déjà mis au
jour avant l'époque de Voltaire ; mais ils n'étaient pas interprétés.
L'interprétation n'a été possible que le jour où l'on a eu sur le
développement des langues en général et sur l'histoire des langues
i8o Bibliographie.
celtiques en particulier des idées claires, fondées sur l'analyse
méthodique et la comparaison des faits et des textes.
En tête du livre qu'il consacre à la langue gauloise, M. Dottin
présente en raccourci un historique du sujet ; il y signale les vaines
hypothèses, les divinations hasardées, et tant de constructions vite
écroulées parce qu'elles reposaient sur le vide. C'est une piquante
introduction à l'exposé qu'il donne ensuite des résultats de la
science moderne. Le contraste est frappant. L'ouvrage de M. Dottin
se recommande, comme tous ceux qui sont partis de sa main, par
une prudente réserve dans l'interprétation des faits autant que par
l'exactitude de la documentation et par la clarté de l'exposition. Il
se divise en trois parties, une étude de la langue, un recueil des
textes, un glossaire. Le recueil de textes reproduit en grande partie
celui qu'a publié ici même (R. Cell., t. XX\'III, p. 262)
M. Ernault, d'après les travaux de Rhys ; mais des références utiles
y ont été ajoutées. Le glossaire est particulièrement précieux ; il
dispensera souvent de faire des recherches dans le vaste
Sprachschati de Holder. Bref, l'ouvrage présente, sous une forme
commode et facile à consulter, grâce aux index, tous les renseigne-
ments utiles à l'étude du gaulois. Historiens, philologues et
archéologues auront grand profit à s'en servir. C'est à eux surtout
qu'il s'adresse puisqu'il fait partie de la collection publiée par
M. Jullian pour l'étude des antiquités nationales '. Comme réper-
toire de faits, il est de nature à les satisfaire.
Il laissera peut-être plus- à désirer aux linguistes, moins par la
faute du sujet que par la façon dont M. Dottin l'a traité. On
connaît par ses précédents ouvrages le parti pris qu'a le savant
auteur de toujours disposer sur le même plan les faits qu'il a au
préalable patiemment réunis et classés ; il se refuse à toute cons-
truction systématique, il redoute ce qui pourrait ressembler à un
arrangement personnel de sa matière ; il pousse l'objectivité jusqu'à
l'abnégation. Pareille méthode est parfaitement louable dans un
ouvrage didactique, traitant une matière où les faits sont tellement
clairs et abondants qu'ils parlent d'eux-mêmes et que le seul
classement en est instructif. Une étude grammaticale sur la langue
de Virgile ou de Cicéron s'en accommoderait fort bien. Mais le
gaulois est très différent du latin ou du grec. Nous ne connaissons
pas la langue gauloise. Nous n'avons sur elle que quelques rares
I. Le tome 1='' de cette collection, qui était déjà signé du nom de
M. Dottin, a fait l'objet d'un compte rendu dans la Revue Celtique,
t. XXXVII, p. 358.
Bibliographie. i8i
données, fragmentaires, incohérentes, échelonnées sur plusieurs
siècles, dispersées sur un très vaste territoire. Pour être apprécié à
sa valeur, chaque fait doit être étudié en lui-même et replacé dans
une série qui reste à reconstituer par hypothèse. Aucune langue
peut-être, plus que le gaulois, ne réclame du linguiste le sens de la
perspective et le don de la combinaison.
Le principal défaut du livre est un défaut de perspective. Il est
trop bâti comme s'il s'agissait d'une grammaire classique, destinée
à fournir à l'écolier des paradigmes bien établis et des règles sûres.
Le gaulois ne comporte pas une pareille précision ; il ne présente
que des faits en poussière, et de valeur fort inégale. Il v en a
beaucoup dont on ne peut rien tirer, parce qu'ils ne prêtent à
aucune comparaison ou que même ils ne sont pas établis avec
assez d'exactitude. Mais plusieurs ont un grand intérêt et per-
mettent, lorsqu'on les a réunis, de reconstituer certaines parties du
système phonétique ou morphologique du gaulois. On a souvent
à regretter en lisant le livre de M. Dottin que la valeur propre à
chaque fait n'y soit pas mieux mise en lumière. Il s'en faut que
nous connaissions dans le moindre détail la phonétique du gaulois.
Les variantes des manuscrits et même des inscriptions sont pleines
de contradictions et de disparates. M. Dottin en les réunissant
pêle-mêle, p. 54-67, confond délibérément des choses fort diffé-
rentes. Il y a dans ce fatras plus d'un détail qui permet pourtant
de reconnaître certaines tendances de la phonétique gauloise et
même d'en retracer l'évolution. Ainsi, les langues indo-euro-
péennes ont en général une tendance à réduire les anciennes
diphtongues. Cette tendance, manifeste en italique et en germa-
nique, apparaît dans les dialectes celtiques insulaires. Le gaulois
n'y échappe pas. L'ancienne diphtongue ei a été en celtique
commun la première atteinte ; elle est déjà en gaulois uniquement
représentée par ë : la graphie deiuo- ou diiw- pour dnio- est due à
linfluence latine. De la diphtongue oi, en syllabe radicale, il n'v a
aucun exemple sûr. La diphtongue ai est notée ae. Q.uant aux
diphtongues eu et on, la première se confond avec la seconde, et
toutes deux se réduisent à ô ou û ; c'est une évolution que l'on
peut suivre, puisque les» formes teiil- tout- tôt- tut-, leuc- loue- loc-
luc-, houd- bod- bud-, slog- slug- sont également attestées. La chose
méritait d'être nettement distinguée de tant d'autres faits peu sûrs,
souvent dus à des erreurs de graphie. Une autre tendance
frappante en gaulois est celle qui consiste à changer en spirante
l'occlusive gutturale devant consonne. Elle fournit sur la nature
des implosives et sur la faiblesse de l'articulation des indications
i82 Bibliographie.
qui prêtent à coinpaiaison avec d'autres langues. Ainsi le groupe
-kl- est souvent noté -yi- (= chï) et le groupe -hs- est noté -ys- (=
chs) ; on a même la graphie A/ro- pour Acro-. Ces faits demandaient
à être réunis. On n'en pouvait séparer le cas de la gutturale g, qui
tend à s'altérer à l'intervocalique : une forme comme iiertraha est
à cet égard des plus significatives ; l'altération qui s'y révèle est
confirmée par les formes -hria, rio- où g a disparu dans l'écriture
après une voyelle palatale ; cf. Biillelin de la société de Linguistique,
t. XXII, p. 90-91. II s'agit d'un amuissement de g spirant inter-
vocalique, qui est commun au gaélique et au brittonique.^
Mais il ne fallait pas, p. 77, signaler « la chute des consonnes
intervocaliques g, t » comme un phénomène caractéristique du
celtique insulaire. Le / intervocalique ne tombe pas en irlandais ;
il subsiste encore aujourd'hui sous la forme d'un /;. A Galway,
gnotha se prononce giioha, d'après M. Dottin lui-même (R. Celt.,
XIV, 121). Quant au brittonique il n'a jamais perdu le / inter-
vocalique. Le cas de latbe, laa est exceptionnel. Il n'établit nulle-
ment la doctrine, chère à Zimmer, suivant laquelle le //; aurait eu
déjà la valeur de /; en vieil irlandais (v. K. Meyer, Sit^her. der
preuss. Akad., 1918, p. 1044). Si lathe et laa ne sont pas deux
mots différents, on peut croire que le second est sorti de groupes
de mots, dans lesquels la forme pleine lathe était exposée à se
réduire.
En groupant les faits sûrs qui permettent de fixer exactement
certains traits de la langue gauloise, on pouvait par la comparaison
avec le gaélique et le brittonique marquer la place du gaulois dans
Tensemble de la linguistique celtique. Mais il fallait n'opérer pour
cela que sur des faits bien attestés et nettement délimités. Or, la
comparaison qu'établit M. Dottin entre le gaulois et les dialectes
insulaires prête singulièrement à la critique. Ainsi, Ténumération
qu'il donne p. 103, des groupes de consonnes conservés en gaulois
par opposition aux autres langues celtiques, n'est pas concluante
parce qu'elle contient des faits hétéroclites, dont chacun deman-
dait une interprétation spéciale. Il est exact par exemple qu'on
rencontre en vieil-irlandais les groupes ml- et mr- conservés à
l'initiale, tandis qu'en gaulois ils ont déjà passé à bl- et br-: mais
la même évolution s'est produite en irlandais dès la deuxième
moitié du viii^ siècle, comme le prouvent les Annales d'Ulster, qui
fournissent en 732 la curieuse graphie vihleguiti (v. Rev. Celt.,
XXXI, p. 520). Il n'y a donc pas opposition entre le gaulois et
l'irlandais; tous deux manifestent une même tendance, qui a
seulement plus ou moins tôt abouti dans chacun des deux. Or
Bibliographie. 183
en phonétique ce sont les tendances qui importent, beaucoup plus
que les résultats, ou que la date des résultats.
En matière de morphologie, la comparaison était plus délicate,
parce. que les faits sont moins nombreux. Quand il oppose p. 124
et suiv. le système du verbe dans les deux groupes de langues,
M. Dottin découvre entre elles une série de différences. Le plus
souvent, l'opposition est illusoire. Il note par exemple qu'il n'y a
pas de futur en h en gaulois. Cela n'est que trop vrai ! Nous n'avons
du gaulois tout au plus qu'une demi-douzaine de formes verbales,
dont la mieux attestée, l'énigmatique ieuru, est inexpliquée. Il ne
faut pas demander au gaulois plus qu'il ne peut donner. Une
3"^ personne de prétérit sigmatique comme legasif, une r*^ personne
de désidérarif déponent comme marcosior (suivant la très ingé-
nieuse interprétation de M. Loth, ci-dessus, p. 87), sont des
formes du plus haut intérêt : elle nous font vivement regretter de
ne pas posséder davantage, mais ne permettent pas de rien préjuger
sur ce que nous ne possédons pas. Il est exact aussi que pour la
place du verbe le gaulois paraît en désaccord avec le vieil-irlandais
et, en partie du moins, le gallois ancien. Mais si l'hypothèse
présentée dans les Mém. de la Soc. de Lingu., t. XVII, p. 537,
pour expliquer la place du verbe en tête de la phrase est exacte,
la gaulois ne fait pas exception. Cette hypothèse consistait en une
action analogique partie des cas où le verbe avait un préverbe et
un pronom régime. Or, le hasard fait que nous n'avons aucune
phrase gauloise comportant de préverbe ou de pronom régime.
Cela n'impose pas la conclusion que le gaulois n'en ait pas eu,
mais cela peut expliquer que, dans les quelques phrases gauloises
où il y a des verbes, ceux-ci soient placés ailleurs qu'au commence-
ment.
Il y a des cas où la doctrine linguistique de M. Dottin est mal
assurée. Ce qu'il dit p. 103 de l'accent des langues celtiques est
inexact, et il ne dégage pas des faits gaulois les conclusions sûres
qu'ils comportent. Quand il rapproche, p. 130, l'assimilation du
gaulois pempe ou du latin quinque de celle du germanique fiuif,
comme une caractéristique commune aux trois groupes, il confond
deux faits différents : le passage de p-k'" à A-"-/c"' est spécialement
italo-celtique, comme le prouve par ailleurs la comparaison de
coqiiô et de pobi (y. M. S. L., XVI, 55) ; le cas du germ. fiwf est
un fait d'assimilation différent.
Ci-joint quelques remarques de détail :
p. 21 n., les travaux de MM. Jud et Guarnerio (cf. Rev. Celt.,
XXXIV, p. iié-117) pouvaient être mentionnés.
184 Bibliographie.
p. 35. On ne voit guère comment l'emploi de quarc au sens de
car serait dû à l'influence du gaulois.'
p. 38 n. 2. L'anglo-saxon liyde ne peut être « un ancien parfait
indo-européen sans autre désinence que e » ; cf. Sievers, Angel-
sâcbsische GrawDiatik, 3^ édition, § 131.
p. 56. D'Arbois de Jubainville soutenait que Seiioues (avec ê
long) et Sciioiies (avec c bref) étaient deux noms de peuples
différents : cf. en dernier lieu, Les Celtes, étude historique, p. 155.
p. 66. Pour la chute de s initial, l'exemple asia (Pline, XVIII,
141) pouvait être joint à ceux qui sont cités; cf. p. 24 et 284.
p. 87. Coriosseâum ne peut signifier « Le château du Chaudron » ;
car le nom du « chaudron » qui est coire en irlandais a un p initial
en brittonique (m. gall. peir) ; il avait également un p en gaulois,
comme le prouve le provençal pairol, d'origine celtique (Jaberg,
Spraclfgeographie, p. 18).
p. 99 n. L'irlandais Jiach « corbeau » est anciennement un
dissyllabe ; cf. Rev. Celt., XXXY, p. 88.
p. 114. Il y avait certainement en gaulois des thèmes masculins
en a- ; mais il est douteux que druida ait été du nombre. L'irlan-
dais drui est un thème consonantique. Comme l'accusatif pluriel
des thèmes consonantiques avait en celtique la désinence -as, nous
savons que les Latins ont parfois fait entrer dans leur première
déclinaison des mots de ce type. Ainsi, l'ace, pi. Allohrogas a fait
créer Allobrogae (Schol. de Juvénal, ad VIII, 234), et sur l'ace, pi,
Biturigas (Florus I, 45), Ammien Marcellin a refait Biturigae (XV,
II, II). César n'a d'autre forme pour le nom des druides que
druides, druidum, druidihus. Si d'autres écrivains présentent la
forme druida (par ex. Cicéron, de diuin., 1,41, 40), c'est apparem-
ment sous l'influence des masculins latins en -a, qui ont en
général une valeur triviale et méprisante ; cf. Mém. de la Société
de linguistique, t. XXII, p. 102.
p. 225. Les noms du type Alisa etc. pourraient sortir aussi du
nom du « rocher » et se traduire par « La Roche » ; cf. en v. h.
A. felis m.txfelisa f. En irlandais on a d'une part ail, dat. sg. ail
L. L. II b II (plus tard gén. ailech), et d'autre part ail n., g. aille,
dat. aill L. L. 115 b 2, n. pi. aile L. U. 26 a 37; soit probable-
ment *[p]alis- et *[p]als-os-.
p. 246. Corohilium est à corriger en *Corboialum d'après
M. Grôhler (cité par Kuno Meyer, Sit\ber. der preuss. Akademie,
1919, p. 399). Corboialuiii explique les formes du Moyen âge
Corbueil et Corboil.
p. 265. L'irlandais lôchet « éclair » est un thème neutre en -ut-
Bibliographie. 185
(Thurneysen, Z. /. Celt. Phil., V, 20); ce ne peut être le même
mot que le gallois lliiched, dont le ch suppose d'ailleurs un radical
différent ; mais ni l'un ni l'autre n'est formé comme le gaulois
Leiicctio-.
p. 291. Le gallois techu « se cacher » comme le breton tec'hel se
rattache à la racine de l'irlandais Icchim « je cours », mais suppose
une formation sigmatique, comme l'a reconnu M. Pedersen, Vgl.
Gramm. II, 639 ; il n'a donc rien à faire avec le gaulois tecco
« saumoneau ».
J. Vexdryes.
II
Sigmund Feist. Etymohgisches Wôrlerhiich der gotischen Sprache.
2'= neubearbeitete Auflage. Erste Lieferung : A-D. Halle, Max
Niemeyer. 1920. 96 p. 8°. 10 M.
La première édition de cet ouvrage date de 1909 (voir Bull,
de la Soc. de Liiiguist., t. XVI, p. ccclvj). Cette seconde édition a
été précédée d'un remaniement, qui a comporté nombre de correc-
tions et quelques additions ; elle paraît par fascicules, de six
feuilles chacun. L'ouvrage complet formera de quatre à cinq
fascicules.
Une des principales améliorations porte sur les comparaisons
avec le celtique. Comme le dit spirituellement M. Feist dans son
avant-propos, l'étymologie indo-européenne se montre trop sou-
vent une marâtre à l'égard du celtique ; elle le méprise et le
méconnaît. Or, surtout lorsqu'on étudie le vocabulaire des langues
germaniques ou italiques, il est impossible de ne pas tenir compte
du vocabulaire des langues celtiques, qui fournit à cette étude tant
de points de comparaison. Il a existé à l'ouest de l'Europe un
vocabulaire commun aux trois groupes de langues (Meillet, Dia-
lectes indo-européens, p. 21) : le gotique en a conservé nombre de
mots.
En outre, la civilisation celtique a exercé sur la civilisation ger-
manique une influence qui se trahit dans le vocabulaire. Les Celtes
conquérants, en possession d'une civilisation plus avancée, ont dû
transmettre aux Germains vaincus des mots se rapportant à l'outil-
lage, à l'organisation politique et sociale. De là tant de mots de
civilisation communs au germanique et au celtique ' tels en
gotique eisarn « fer », halgs «■ outre » ou brunjô « cuirasse », aips
« serment », andbabts « serviteur, fonctionnaire », arbi « héri-
i86 Bibliographie.
tage », </»/^^-f « dette y), peis a libre », lekeis « médecin », liuga
« mariage », magus « esclave », reiks <( roi » et reild « royaume »,
rûua « secret », piiip a bon (et gauche) », en vieux haut ail.
ledar « cuir » (Loth, Reu. Cell., XV, 370), gîsal « otage », wini
« ami », en moyen-bas-allcniand bute « butin » (J. Loth, Mém.
Soc. Liugu., VII, 158), en vieil-anglais Icad « plomb )i, etc. (voir
notamment d'Arbois de Jubainville, Comptes rendus de f Académie
des Inscriptions et belles-lettres .,X. XIII [1885], p. 320, Revne Archéo-
logique, t. XVII [1891], p. 187-215 et Mémoires de la Société de
Linguistique, t. VII, p. 286) ; le gotique entre toutes les langues
germaniques est seul à présenter le mot kelihn «tour (?)», visiblement
emprunté du gd.\x\o\s celicnon . Pour quelques-uns des mots précé-
dents, l'hypothèse de l'emprunt est seulement possible ; pour
quelques autres, elle est incontestable. Dans bien des cas enfin, il
peut s'agir de mots d'un fonds ancien, également conservés dans
les deux groupes de langues. Il y a notamment des termes com-
muns se rapportant à la guerre ou à l'armement : irl. hiail, v.h.a.
blhal « hache » ; irl. lorg, v. isl. lurkr « massue » ; gaul. catu-,
v.h.a. hadu- « combat » ; irl. cob «" victoire », v.isl. happ
« bonheur » ; irl. bàg a bataille », v.h.all. bâg « querelle » ; etc.
L'irlandais net " combat » (de *nanti-) n'a de correspondant exact
qu'en germanique dans le vieux-haut-allemand gi-nindan « se
résoudre à » Qho er selbo tothes ginand « quand il se résolut à la
mort », Otfrid, i, 2, 12) et le gotique ana-nanpjan toXiaïv, etc. Il
n'est guère douteux qu'en approfondissant le vocabulaire des
langues celtiques — où il y a encore beaucoup de mots à découvrir
et à identifier — on ne voie naître de nouveaux rapprochements
avec le germanique. Afin d'assurer à sa seconde édition toute
garantie d'exactitude en matière celtique, M. Feist l'a fait relire à
M. Thurneysen. Déjà M. Walde avait eu recours au savant celtiste
de Bonn pour un service semblable lorsqu'il publia en seconde édi-
tion son dictionnaire étymologique latin. Les deux ouvrages ont
beaucoup gagné à cette révision ; quelques monstres, d'autant plus
dangereux souvent qu'ils traînent partout, en ont été définitive-
ment bannis(ainsi un prétendu mot irlandais et « fin », qui n'existe
pas ; Feist, p. 36) ; l'étymologie celtique a été épurée de quelques
rapprochements douteux (voir les notes . relatives à l'irl. ail
« outrage » p. 11, uaithne « douleurs de l'enfantement » p. 46,
bàid « durable » p. 61, roppp. 69, etc.) ; en revanche elle s'est
enrichie de quelques rapprochements nouveaux et plus plausibles
(par ex. irl. boc « mou, tendre » etgot. biugan p. 71).
Voici quelques observations suggérées par la lecture de l'eu-
Bibliographie. 187
vra^e : P. 4. Le verbe hamôn ne sort pas nécessairement d'un
thème féminin *ha»w ; cf. aigiiiôii de algiii n., fîskdii de Jisks m.,
bati:idn de hatis n., histon de lustus m., spillôn de spill n., etc.
D'autre part, il n'est pas possible de séparer le gallo-latin cainisia
et le v.h.all. heniidi, issus tous deux d'un même prototype, pro-
bablement germanique. — P. 14, comment s'expliquerait le main-
tien du /) dans celt. *apa rattaché au skr. âpab ? — P. 18, irl. an-
ciir avec à ne peut sortir de *arc- (gaulois Are-) ; en fait, la quan-
tité longue est des plus douteuses, malgré la graphie anâir dans
Wb. 6 d 17 ; la graphie ordinaire est anair, anoir. — P. 22, il faut
distinguer en irlandais ôes, des n. « âge » aes n-escni, Nancy gl., gén.
(lis Sg. 63 b 5 (thème en -0-') etôes, des, m. « gens, peuple » gén.
oesso, oessa (thème en -w-), bien que les deux mots se soient con-
fondus dans la suite ; v. la note d au Thésaurus Palœohiheniicus,
t. Il, p. 117. — P. 34, s. u. andanumts, pour la chute de /entre m
et /, cf. la graphie /?w//Vm5 « cinquante » pour fimftigus (Luc, lé,
6). — P. 37, la quantité brève de Va de *prndmi (irl. reiiim « je
vends j>) est en celtique un fait d'analogie (extension du vocalisme
du pluriel à toute la flexion ; cf. Pokorny, Indogermanische Forschun-
geri, XXXV, 336). — P. 5 3,. le français ^/e/paraît d'origine celtique,
et non germanique (Méin. Soc. Lingu., XXI, 43). — P. 64, sur le
cas de bertisjos, voir Rev. Celt., XXXII, 235. — P. 66, comment le
vieil-anglais be-pœcan pourrait-il être un emprunt au celtique ? —
P. 79, irl. bri'iim est un présent, « je brise, je mets en pièces ». —
P. 88, la racine de got. digan est également attestée en celtique :
\t\. cuuutgim i< je bâtis » Sg. 141 a i, conutuinc « il bâtit » Wb. 10
b 28, de *com-od-ding' (Pedersen, Vgl. Gr. II, 506).
J. Vexdryes.
III
Kuno Meyer. Miscellanea Hihernica (Universityof Illinois Studiesin
Language and Literature, vol. II, n° 4, novembre 19 16).
Urbana, 1917, 55 p. 8°. S i.oo
Cette brochure, par laquelle l'auteur marqua son passage à l'Uni-
versité d'Urbana, où il fut Lecturer in Celtic au cours de l'année
1916, est une sorte de pot-pourri de philologie irlandaise. On y
trouve du neuf et aussi du vieux, mais le tout sous forme telle-
ment fragmentaire que l'ouvrage laisse l'impression d'avoir été
rédigé à la hâte, avec des notes tirées pêle-mêle de plusieurs fonds
de tiroir. Les vingt dernières pages sont remplies de corrigenda et
i88 Bihliooraphic.
d'addtMida à des ouvrages publiés depuis longtemps par l'auteur lui-
même ou par d'autres. Les trente premières sont plus substan-
tielles, quoique toujours composées de fragments : les étymologies
ou études de mots y tiennent une grande place. Il faut mettre à
part quelques notes de métrique ; c'est une matière où l'auteur
était passé maître et oii il était toujours à même de fournir un
enseignement original et neuf : ce qu'il dit de la prononciation du
//; (p. 14) est intéressant et l'étude sur plusieurs vieux poèmes à
rime sporadique (p. 18-27) mérite d'être lue attentivement, encore
qu'il y reproduise la prière de longue vie, éditée précédemment par
lui (v. Revue Cclticjiie, t. XXXMl, p. 250). Parmi les « philological
notes » signalons : i . des exemples nouveaux du mot dû f. « terre,
place ». 2. comram m. « dispute » rattaché au mot rùm <.< fait de
ramer ». 3. inùrfairgge f. « océan », ayant toujours Vo long, ne peut
être rattaché au gallois mererydd. 4. firinne f. « justice » a un
double ;/// qui s'explique par la loi qu'a découverte M. John Mac
Neil. 5. cûach m. « coupe » étant disyllabique, s'explique comme
un "dérivé de cùa « creux ». 8. rigdùii (Tochm. Ferbe, 1. 8'38) équi-
vaut au gaulois 'PiyoBouvov. 9. Confirmation de l'explication de cet
« il est permis » par un emprunt au latin licet ; exemples de licet
écrit en toutes lettres. 10. biiiit f. « présure » eXscinnUî. « noyau »
sont d'anciens thèmes en -ntl-, 11. fonnam m. « palpitation »
issu dcfo-snâm. 13. exemples de mac samla^ macsamaU « compa-
gnon, semblable ». 13. legam m. « mite « et sireni m. a animal
parasite » sont des noms d'agent en -am. 16. létiui. nom verbal de
roîamur « j'ose ». 19. exemples de constructions impersonnelles
en irlandais. 21. franc-amus « mercenaire » contient le nom
national des Francs, qui, après la conquête franque, remplaça l'an-
cien mot Gall dans la terminologie irlandaise.
J. Vendryes.
IV
Herbert Moore Pim. A Short History of CelticPhilosophy, with notes
by Prof. Eoin Mac Neill. Dundalk, W. Tempest, 1920. 116 p.
12°. 7 s. 6 d.
Voilà un titre qui est fait pour surprendre d'abord. Si les Celtes,
de Grande Bretagne ou d'Irlande, ont créé nombre d'œuvres poé-
tiques et d'imagination, qui leur assurent une place honorable dans
l'histoire intellectuelle de l'humanité, ils semblent n'avoir rien
produit de marquant sur le domaine de la philosophie. 11 n'y a pas
Bïbliograph ie. 189
de philosophie cehique comme il y a une philosophie grecque ou
française, anglaise ou allemande.
Sans doute, les Irlandais, par droit de naissance, peuvent reven-
diquer Johannes Scotus Erigena et George Berkeley. Le premier,
qui se distingua à la cour de Charles le Chauve, était né en
Irlande, comme son surnom l'indique ; il passait en son temps
pour un très grand homme et est encore considéré comme une
lumière de la philosophie, même par des gens qui l'ont lu.
George Berkeley vint au monde à Dysert, près de Thomastown
dans le comté de Kilkenny ; il fit ses études à la fameuse Kilkenny
School, d'où étaient sortis peu auparavant Swift et Congreve, et
aux environs de la cinquantaine il reçut l'évêché de Cloyne (Co.
Cork), oia l'on peut voir son tombeau dans la cathédrale ; il passa
la plus grande partie de sa vie en Irlande, et ce fut un bon philo-
sophe.
Mais Scotus Erigena n'a laissé que des œuvres en latin ou en
grec', et il est malaisé de dire dans quelle mesure les écoles du
Continent contribuèrent à sa formation. Il était en tout cas pénétré
de pensée grecque, nourri du Tintée de Platon et de VÔrgaiion
d'Aristote, plus encore de rEiiayioy/j de Porphyre ; c'est un des-
cendant des néoplatoniciens bien plutôt qu'un précurseur des sco-
lastiques ^. Quant au protestant Berkeley, il appartient à l'école
anglaise ; ses Principles of Hiiman Knowledge (1710) sont écrits en
anglais comme ses Three Dialogues hehueen Hylas and Philonoiis
(lyn) ; et s'il lui est arrivé, dans son Querisi (1735) ou dans A
Word to the IVise (1749), d'exprimer sur les affaires d'Irlande des
opinions raisonnables, il n'en est pas moins anglais de tradi-
tion, d'éducation, de relations ; c'est un abus de faire de cet ami
de Pope, de ce protégé de Lord Chesterfield, un représentant de la
philosophie celtique.
Et cependant il y a une idée intéressante dans le livre de M. H.
Moore Pim ; elle aurait seulement gagné à être dégagée plus nette-
ment et débarrassée d'affirmations hasardées qui la déforment. Si
anglais que soit Berkeley, si grec ou latin que soit Scot Erigène,
ils ont tous deux des traits communs : ne les devraient-ils pas à
leur naissance irlandaise ? Pour Scot Erigène, la philosophie n'a
1. On trouvera dans la Patrologie latine de Migne, t. CXXII, col.
12 57-1 240, les poésies grecques que Jean Scot Erigène adressait à Charles
le Chauve.
2. Consulter à ce sujet la dissertation de M. Georg Buchwald, der Logos-
begriff des Johannes Scotus Erigena, Leipzig, 1884.
Revue Celtique, X X X VlII. 1 3
190 Bibliographie.
d'autre objet que d'interpréter la révélation et d'en pénétrer les
mystères ; il considère le monde extérieur comme une émanation
du divin et explique la connaissance que nous en avons comme
une union de notre esprit avec le divin réalisée par l'effet de la
grâce : il se rapproche ainsi de la théosophie desgnostiques. Mais
il est tout près aussi de l'idéalisme mystique de Berkeley. Dieu se
confond pour lui avec le concept de l'univers, qui est la seule
réalité objective ; les créatures ne sont que les manifestations tran-
sitoires d'une commune substance immatérielle, l'oÙTia, qui a seule
une existence réelle.
Il est intéressant de comparer ce qu'à huit siècles de distance ces
deux hommes nés en Irlande ont écrit sur le problème fondamen-
tal de la philosophie. A certains égards Berkeley a l'air de conti-
nuer Scot Erigène : même conception du divin, même parti pris
de refuser toute existence à la matière, même tendance à expliquer
notre perception du monde extérieur par l'action qu'exerce sur
notre esprit un principe purement spirituel. Et si l'on compare
l'idéaliste Berkeley aux deux philosophes anglais entre lesquels il
s'intercale dans le temps, Locke l'empiriste et Hume le sceptique,
on est frappé des différences qui les séparent. Ces différences tien-
draient-elles à l'esprit celtique du premier ? Il est difficile de
répondre quand on songe combien l'idéalisme de Berkeley est voi-
sin de celui de .Malebranche, lequel n'était pas un Celte. Et cepen-
dant, le tour d'esprit de Berkeley comme celui de Scot Erigène
peut s'expliquer par l'atmosphère celtique dans laquelle ils ont tous
deux vécu à l'âge oij la pensée se forme. Le Celte est mystique et
panthéiste ; son âme communie sans effort avec l'âme des choses
et dans cette communion rencontre naturellement le divin. C'est
un des traits caractéristiques de la race.
M. Pim a essayé de retrouver dans l'histoire les manifestations
de l'esprit celtique. Mais' il fallait pour cela une connaissance per-
sonnelle et approfondie des littératures celtiques. L'information
de M. Pim est malheureusement superficielle et toute de seconde
main. Poète autant que philosophe, comme l'indique la liste de
ses écrits, il a une imagination qui l'entraîne à des hypothèses
souvent téméraires. Le raisonnement qui sert de base à son livre
peut se résumer ainsi : les Celtes étaient un peuple chevaleresque,
généreux, idéaliste, attachant grand prix à l'honneur (p. 17) ; ils
étaient pleins de sensibilité et de finesse d'esprit (sensiiive and
acute-minded (p. 42). De si grandes qualités morales et intellec-
tuelles trouvent naturellement leur emploi dans la spéculation
philosophique. Il n'est donc pas croyable que les Celtes se soient
Bibliographie. 191
désintéressés de la philosophie. Par conséquent ils ont été de
grands philosophes. Et il n'y a qu'à glaner à travers leur littéra-
ture pour recueillir les éléments de leur philosophie.
Une démonstration ainsi engagée n'avait garde d'être arrêtée en
rouie. Néanmoins les conclusions auxquelles elle aboutit manquent
de vertu persuasive parce qu'elles sont amenées par des arguments
trop fragiles. Quelques détails donneront idée de la compétence
de M. Pim en matière de philologie celtique : il cite p. 24 le Lehar
lia Heera et p. 25 le Book of Dun Coiv comme s'il s'agissait de deux
documents différents ; le premier étudiant venu comprendra que
ces deux titres désignent le Lebor na h-Uidre. De pareilles bévues
sont fâcheuses. Ce que M. Pim dit des druides est bien confus et
en partie inexact. Il rapproche leur doctrine de l'enseignement de
Pvthagore, tout en repoussant l'idée qu'ils aient pu subir l'in-
fluence de ce dernier (p. 22-25) ; et p. 13, il compare Pythagore
à CuchuUin (« Pythagoras as a luminous figure, the child of
Apollo, the friend of celestial messengers, in communion with
nature, is reproduced exactly in every détail in Cuchulain »). Il a,
p. 19, sur la portée morale et intellectuelle du Timée de Platon
comparé au récit des exploits de Cuchullin, une phrase d'où l'on
pourrait conclure que ni l'un ni l'autre ne lui sont très familiers.
Il découvre la doctrine de la transmigration des âmes dans l'aven-
ture de Tuan et celle de la vie future dans la légende des Tuatha
De Danann. Soit. Cela n'est pas nouveau. L'aventure de Tuan
est bien connue de tous ceux qui ont lu le Cycle Mythologique de
d'Arbois de Jubainville, où elle est tout au long racontée (p. 43-
63). Et M. Pim n'a eu qu'à la prendre dans la traduction qu'a faite
M. Best de cet excellent ouvrage. Cependant, à la page 20,
parmi les auteurs sur lesquels il appuie ses idées sur la doctrine de
la transmigration, il cite bien MM. Hyde, Mac Neill. Meyer, Nutt,
Mac Culloch, et autres érudits dont l'autorité est d'ailleurs incon-
testable, mais il oublie le nom de d'Arbois de Jubainville. Oubli
d'autant plus fâcheux qu'en vue de soutenir l'opinion que la doc-
trine en question est celtique, d'Arbois utilise précisément les pas-
sages de César (5. Gall., VI, 14) et de Lucain (I, 454), l'aventure
de Tuan et le poème de Taliesin sur Kat Godeu (p. 23 éd. Evans),
qui sont également les seuls textes que cite M. Pim.
Il y a dans le livre de M. Pim une intention louable qui est de
définir la forme de pensée particulière aux Celtes et de marquer
les traits originaux de leur philosophie. L'entreprise était délicate,
mais elle valait d'être tentée ; car l'esprit des Celtes est assuré-
ment bien doué pour la philosophie et cet esprit se reflète dans
192 Biblioo-raphie.
leur littérature, écrite et orale. Mais ce qu'a fait M. Pim n'est
qu'une ébauche imparfaite. Le livre qu'il projetait est encore à
écrire.
J. Vendryes.
V
Rev. Gerald O'Nolan, Studies in Modem Irish, Part I. Dublin,
The Educational Company of Ireland, 1919, xiv-286 p., 12°.
A condition de ne chercher dans cet ouvrage ni plan concerté ni
construction systématique, le lecteur y pourra trouver beaucoup à
apprendre. C'est à la fois une suite de discussions dogmatiques
et un recueil d'exercices sur les principales questions de la syntaxe
irlandaise moderne : le verbe copule, la prolepse, les particules
relatives, les noms verbaux, les prépositions, etc. L'auteur, qui
enseigne l'irlandais au collège Saint-Patrick de Maynooth, est un
représentant et un défenseur du purisme. Il s'est proposé de fixer
les règles du bon usage pour ceux qui se mêlent d'écrire en
irlandais, en même temps que de corriger certaines idées fausses,
répandues, semble-t-il, parmi ses concitoyens. Son livre est ins-
tructif par les faits abondants qu'il contient ; mais il suggère aussi
des réflexions d'ordre général.
Comme toutes les langues qui ont un long passé et dans ce passé
une riche littérature, l'irlandais possède un grand nombre de tours
idiomatiques. Ces tours frappent d'autant plus un étranger que l'ir-
landais, ayant poursuivi une évolution indépendante, a échappé
aux actions qui tendaient à modeler sur un type commun la syn-
taxe des principales langues de l'Europe occidentale. Ces actions
résultent en partie de l'imitation des langues classiques, mais plus
encore des influences réciproques que les langues ont exercées les
unes sur les autres. Elles ont été si durables et si fortes qu'une
phrase de français contemporain peut le plus souvent se traduire,
sinon mot à mot, du moins par un exact équivalent, en italien, en
anglais ou en allemand. Il y a vraiment une forme de pensée qui
est commune aux peuples qui parlent ces langues. Au contraire, la
syntaxe de la langue irlandaise fourmille d'idiotismes qui n'ont
d'équivalent dans aucune autre ; on dirait que l'esprit est orienté
dans un sens différent, que les catégories en sont disposées sur un
plan particulier. Les auteurs indigènes, qui ne bornent pas leur
ambition à faire des pastiches du latin ou des traductions de l'an-
glais et qui ont le sentiment intime de leur langue, ne peuvent être
Bibliographie. ■ 193
interprétés qu'au moyen d'un dictionnaire où la valeur de chaque
tour soit indiquée avec précision : un simple lexique est insuffisant
pour comprendre leurs ouvrages.
Les puristes choisissent d'ordinaire un écrivain qui représente à
leurs yeux la perfection et dont l'usage leur sert de norme. Ainsi
\'augelas considérait Coeft'eteau comme le modèle à suivre dans
l'art d'écrire en français. Le style de VHistoire Romaine de Coeffe-
teau semblait si pur à Vaugelas « qu'il ne pouvait presque recevoir
de phrase qui n'y fût employée; à son jugement, si nous en
croyons Balzac, il n'y avait point de salut hors de VHistoire Romaine
non plus que hors de l'église Romaine ' >;. Le Coeffeteau de l'abbé
O'Xolan, c'est le chanoine Peter O'Leary, dont nous annonçons
la mort d'autre part (v. ci-dessous la Nécrologie). L'abbé O'Nolan
dirait sans doute volontiers qu'il n'y a pas de salut pour un écri-
vain irlandais moderne hors de Niamh ou de Séadna, hors de Mo
Sgèal Féiii ou de l'arrangement de la Tain bô Cuailnge en dialogues.
Quatre-vingt-dix pour cent des exemples qu'il cite sont tirés de
ces ouvrages, ou de quelques autres, partis de la main de l'infati-
gable chanoine.
Peter O'Leary avait, entre autres mérites, celui d'employer une
langue à la fois pure et sincère ; il l'écrivait bonnement, naturelle-
ment, telle qu'il la parlait de naissance pour l'avoir apprise des
paysans du Munster au milieu desquels ses premières années
s'étaient écoulées. Il l'avait entretenue, sa vie durant, par le com-
merce constant des gens du peuple, si bien qu'elle avait sous sa
plume un goût de terroir assez prononcé. Nombre des idiotismes
dont il use sont spéciaux au Comté de Cork. L'abbé O'Nolan s'en-
ferme délibérément dans les limites de ce dialecte, où il trouve
conservées les meilleures traditions du temps où chacun parlait
irlandais. C'est par exception qu'il cite des textes teintés de dialec-
tismes du Connaught comme le sont les A/ooi ngâbhadh an ghiolla
dhuihh de Michel OWlâille (par exemple, p. no), ou qu'il men-
tionne l'usage du f^aélique d'Ecosse.
La langue de Peter O'Leary a beaucoup des caractères de la
langue parlée. On y retrouve non seulement la prolepse, qui est
un procédé syntaxique fort ancien en irlandais, niais encore l'ana-
coluthe et la reprise du verbe, comme aux exemples cités p. 237.
C'est moins affaire de grammaire que de stylistique. Entre les deux
I. Bouhours, Entretiens cVAriste et d'Eugène, 4e édition, 1675, p. 149.
Voltaire écrit de même : « sans Racine, point de salut » (Lettre au marquis
de Condorcet du 6 décembre 1776).
194 Bibliographie .
d'ailleurs la limite est souvent malaisée à fixer. Beaucoup de dis-
tinctions qu'enseigne l'abbé O'Nolan ne sont que des nuances de
style. Elles sont parfois si subtiles qu'il faut pour les saisir être
rompu à la scolastique, et même, comme il le dit p. 39, à la théo-
logie. C'est d'une subtilité pleine d'embûches. On ne se doute pas
qu'en traduisant la phrase eucharistique « ceci est mon corps » par
is é seo mo chorp-sa au lieu de is é mo chorp é seo, ou la question du
catéchisme « le père est-il Dieu ? » par au é Dia au t-alhair ? au
lieu de a)! Dia an t-atlmir ?, on avance une proposition hérétique.
Voilà de quoi faire frémir les personnes bien pensantes qui seraient
tentées de s'adresser à Dieu en irlandais moderne*
Question d'orthodoxie à part, la syntaxe irlandaise, telle que la
présente l'abbé O'Nolan, apparaît sous un aspect redoutable. On
se demande comment les gens qui parlent cette langue réussissent
à ne pas se-tromper, comment ils parviennent à se reconnaître au
milieu de ce fouillis de règles, de subdivisions, de cas particuliers
et d'exceptions. La première question traitée, celle de l'emploi de
la copule is, est bien faite pour donner une idée de ces complica-
tions. Encore l'auteur n'a-t-il pas touché à l'épineuse distinction
de is et de ta, laquelle est, comme on sait, un des puzzles de la
langue irlandaise, autant que la distinction de 1 shall et / luill est
un des puzzles de l'anglais. Il n'est question ici que des règles
d'emploi de la copule is. Elles sont déjà suffisamment compliquées.
L'auteur les répartit en deux groupes, suivant qu'il y a classifica-
tion ou identification ; et dans chacun de ces groupes il distingue
une quinzaine de types différents ! Il y a classification dans une
phrase comme le cheval est un animal et identification dans la crainte
du seigneur est le commencement de la sagesse. C'est une distinction
logique. Elle a un double inconvénient. C'est d'abord de ne pas
pouvoir être maintenue partout ; dans nombre de phrases, il est
malaisé de décider s'il y a classification ou identification. Un
inconvénient plus grave est le suivant : comme il n'y a pas dans la
langue d'expression grammaticale qui réponde à la distinction
établie, on ne peut l'y introduire que par des interprétations sou-
vent arbitraires. Il est toujours dangereux de partir d'une concep-
tion logique et d'essayer de faire entrer les faits dans un système
bâti a priori. Les faits sont souvent récalcitrants; et le grammai-
rien entêté de logique est contraint de rejeter comme barbares
et contraires à la raison et au sens commun des tours que l'usage
autorise. Il arrive à l'abbé O'Nolan de protester contre des em-
plois que des ouvrages imprimés (horrescit referens !) ne craignent
pas de sanctionner !
Bib liograph ie. 195
Si compliqué que soit l'usage de la copule is, on peut cepen-
dant ie ramener à quelques régies assez simples. La copule a deux
emplois en irlandais. L'un consiste à unir un sujet à un prédicat.
C'est le rôle que joue la copule dans la plupart des langues qui
n'ont pas conservé la phrase nominale pure, sans verbe être (v.
Meillet, Méin. Soc. Lingu.,X. XIV, p. 15). L'autre emploi est de
sei-\-ir à mettre en vedette un élément de la phrase. Nous connais-
sons cet emploi en français; il est tenu par le tour c'est... qui
{(lue)... («C'est le père qui est venu », « c'est 1e fils que j'ai
vu ».) En irlandais les deux emplois doivent être distingués. Ils
correspondent parfois à la différence qu'établit l'abbé O'Nolan
entre classification et identification. Mais pas toujours. Et si on
remonte à l'origine, ils n'ont rien de commun.
La règle fondamentale de l'emploi de la copule est formulée dés
le début de son livre par l'abbé O'Nolan : c'est que la copule n'est
jamais suivie du sujet et ne peut l'être que du prédicat.
Cette règle est en pleine vigueur dans les gloses du vieil-irlan-
dais ' ; on la trouve formulée déjà dans les grammaires de cette
langue. Par elle la copule se distingue de tous les autres verbes
(y compris le verbe d'existence, hiu ou -tàii), qui admettent leur
sujet immédiatement après eux. On sait qu'en latin aussi le verbe
copule fait normalement groupe avec le prédicat et non avec le
sujet (Marouzeau, cité dans la Rev. Celt., XXXII, p. 221). On
dira donc en vieil-irlandais : is garait ar saigul « notre vie est
courte » (Ml. 59 d 6), is taipe inso « ceci est un abrégé » (Ml.
14 d 4), is la Dia in popul « le peuple est à Dieu » (Ml. 114 a 3),
comme on dit tnaith for foisitiu « votre confession [est] bonne »
(Wb. 17 a 4), nein insin « cela [est] un poison » (Ml. 33 d 10),
ôgnuis dœ auetarhide « de la face de Dieu [est] leur destruction »
(Wb. 25 d 17), ou ni sulbir in bridthar « la parole n'est pas élo-
quente » (Wb. 17 b 4), sans verbe copule exprimé.
Il peut arriver que le prédicat soit trop long pour être placé
immédiatement après la copule ou qu'une raison de commodité
oblige à le rejeter après le sujet. En pareil cas le vieil-irlandais
recourt à une anticipation ; il annonce le prédicat en plaçant un
pronom personnel après la copule, et évite ainsi de violer la règle
qui interdit de faire suivre immédiatement la copule de son sujet :
I . La seule exception signalée par Strachan (Stihstantive Verb in Old
Irish Classes, p. 51) est dans la phrase de Ml. iio d 15 : arattû centosacl}
cetiforcenn « car tu es sans commencement, sans fin » . Il faut sans doute
lire arattâi, avec le verbe d'existence.
196 Bibliographie.
it é uiui iiiiia doitie hi « les uiui sont les hommes vivants » (Sg. 39
a 25) ; is é Crist in lia asrubart » le Christ est la pierre dont il a
parlé » (\Vb. 4 d 11). Ce tour s'impose lorsque le prédicat com-
prend une proposition : // hé in ioirlhi iiniahi adfiadatar « les fruits
sont les choses qui sont annoncées » (Ml. 46 c 14) ; is i mo cho-
mairle co rochara cach iiaib arailc « mon conseil est que chacun de
vous aime l'autre » (P. H., 1. 5804).
L'introduction de ce pronom après la copule a joué un orrand
rôle dans l'histoire de la langue. On le voit peu à peu gagner du
terrain et s'implanter dans des phrases oià on ne l'admettait pas
d'abord. Les raisons de cette extension sont assez claires. Dans un
certain nombre de phrases, il était difficile de décider entre les
deux membres quel était le sujet et quel le prédicat. Ce cas est plus
fréquent qu'on n'imagine. Notamment dans la phrase citée ici p. 17,
na druinge... ag ar ab é a ndia a mbolg, on peut traduire indifférem-
ment « les foules dont le Dieu est leur ventre » ou « dont le
ventre est leur Dieu ». Il est possible que le contexte serve de
guide en pareil cas, comme dans telle autre phrase citée p. 13.
Mais le fait seul qu'on puisse hésiter explique que l'usage du pro-
nom se soit dans bien des cas développé. Il était favorisé d'ail-
leurs par le second emploi attribué plus haut à la copule. Lors-
qu'un élément d'une phrase devait être mis en vedette, la copule
se prêtait commodément à l'introduire. La phrase comprenait alors
deux groupes: le mot mis en vedette précédé de is, et le reste de
la phrase. Lorsque le mot mis en vedette avait avec le reste de la
phrase un rapport de relation directe, celle-ci s'exprimait d'ordi-
naire par les moyens de la relation. L'irlandais a pu de cette façon
exprimer finement des nuances qui restent intraduisibles aux autres
langues. Même le français, quand il use de c'est... qui (ou que),
paraît lourd et gauche, comparé à la souplesse et à l'aisance de
l'irlandais. Or, dans le tour en question le pronom s'introduisait
parfois entre la copule et le substantif, et cela dès le vieil-irlan-
dais.
L'emploi du pronom était, en vieil-irlandais, fixé par une règle
fort simple, qui a été formulée par Strachan {Subst. Verb, p. 50),
par M. Thurneysen {Hdb., p. 442), et par d'autres encore. Atkin-
son l'avait déjà déduite de l'usage du Leabhar Breacc (v. son glos-
saire des Passions and Homilies, p. 893). Cette règle est la suivante:
on introduit le pronom après la copule non seulement quand le
prédicat ne peut pas suivre immédiatement la copule, mais aussi
quand le prédicat est lui-même déterminé (par un article, un géni-
tif régime ou telle autre détermination). Les exemples en sont très
Bibliographie. 197
nombreux dans la langue des gloses. Qu'on oppose des phrases
comme : istaipe son « c'est un abrégé » et is hé in noihad « c'est la
sanctification » (Wb. 25 b 2), is si ind anim as airlam do chomalnad
recto Dé, ni in corpp « c'est l'àme qui est disposée à accomplir la
loi de Dieu, ce n'est pas le corps » (Wb. 3 d 1 1) ; etc. Ou encore :
is-ôinfer gaihes huàid « c'est un seul homme qui obtient la victoire »
(Wb. II a 4) et is hé in peccad rogéni anuile comaccohor « c'est le
péché qui a produit toute la concupiscence » (Wb. 3 c 25 ; gl.
peccatuni operatum est in me omnem concupiscentiam).
Malgré la clarté de ces exemples, l'abbé O'Xolan se prononce
énergiquement contre la règle ainsi formulée. Il lui oppose deux
raisons qui ne valent pas mieux l'une que l'autre (p. 44). La pre-
mière est qu'en vieil-irlandais l'emploi du pronom serait rare et
résulterait d'une fausse conception. Quand on parcourt les listes
établies par Strachan (^Subst. Verb, p. 24 et suiv.), on constate au
contraire que dans les phrases de ce type le pronom est plus souvent
présent qu'absent, tout simplement parce que le nombre des sub-
stantifs déterminés emploj'és comme prédicats est plus grand que
celui des substantifs indéterminés. La seconde raison est qu'on
rencontre le pronom devant un sujet indéterminé dans le type de
phrase ainmidhe is eadh capall. Mais ce type, d'ailleurs rare, n'a
rien à faire avec le type issi mo chomairle son. 11 consiste en un
emploi emphatique du prédicat. Celui-ci est jeté en tête de la
phrase ; il faut alors le rappeler après la copule. Dans ce cas on
fait suivre la copule du pronom sans tenir compte du caractère du
sujet (déterminé ou indéterminé). Le français nous présente un
cas analogue. Nous disons couramment : l'homme est mortel, mais
nous pouvons dire aussi : mortel, Vhommc l'est. Le pronom neutre
s'emploie en pareil cas dans les deux langues pour reprendre un
adjectif attribut '.
Les différents emplois d'un même tour syntaxique ne constituent
pas un système logique cohérent. Chacun s'explique par les
autres en ce sens que chacun est le résultat de l'extension analo-
I. Cf. l'emploi du pronom neutre dans des phrases comme : toirach
dano hen Echach 7 ha tied ben Gabrain « la femme d'Echu était enceinte et
la femme de Gabran /' était [aussi]» (Z. /. Cett. PhiL, II, 134) ; truag
siti, ar in gitla, ni fer dingbala dhô viisi, uair is fer comlainn cet esiornh, agus
nocha n-edh inisi « c'est fâcheux, dit le garçon ; je ne suis pas de force avec
lui ; car il est homme à en combattre cent, et moi je ne le suis pas »
(Windisch, T. B. C, 1. 3884). Sur le tour français, voir la lettre de Vol-
taire à la marquise du Deffand, du 30 mars 1775.
198 Bibliographie.
gique d'un autre. Par suite, il faut remonter le cours de l'histoire
pour voir dans quel sens l'évolution s'est faite et quels sont les
types anciens qui ont servi de modèle. Cela est vrai du verbe
copule, vrai aussi de la prolepse ou de l'emploi des noms verbaux
dits à tort infinitifs. L'abbé O'Nolan a sur ces deux questions
d'excellentes pages, pleines d'analyses subtiles et pénétrantes.
Mais là aussi l'exposé des développements historiques est préfé-
rable à l'analyse logique pour faire comprendre l'état actuel. Ainsi
l'idiotisme de la page 146 dans lequel un substantif au nominatif
foit groupe avec un nom verbal suivant se rencontre dés le vieil-
irlandais : ar is hés leosom in daim do thuarcuin iud arhe « car c'est
la coutume chez eux que les bœufs écrasent le blé » (Wb. 10 d 6),
les mots indaiin do thuarcahi équivalent à une proposition conjonc-
tive, comme dans la traduction française. Le nominatif peut
paraître justifié par le fait que cette proposition est le sujet dont
hés est le prédicat. De même dans la phrase uisse in hoill do âss « il
est juste que les membres croissent » (Wb. 22 a 17). Nous n'en
avons pas moins là une extension abusive de la phrase nominale.
Mais que dire de albert Cuchulaind a eich do gahciil de « Cuchullin
dit qu'on lui harnache ses chevaux » (Mesca Ulad, p. 4, 1. 12). Le
nominatif ne peut s'y expliquer logiquement ; seule l'histoire du
développement de ce tour en justifie l'emploi.
Ce n'est pas que l'abbé O'Nolan fasse fi de l'histoire. Il a sou-
vent recours à des exemples empruntés à de vieux textes ; mais ce
n'est pas d'après le développement historique qu'il établit ses
règles et organise son exposé. Les exemples anciens ne sont utili-
sés par lui que pour appuyer ceux de la langue moderne, qu'il
classe d'après un plan logique. Quand il parle de la copule, ou de
la prolepse, ou du pronom relatif, bien qu'il cite çà et là quelques
textes anciens, il n'utilise pas les travaux qui ont pris ces textes
pour base. Il ne dit mot par exemple de la remarquable étude de
M. T. O'Màille (£rm, VI, 1-102 ; d.Rev. CelL, XXXII, 351) où
les emplois comme les formes du verbe substantif ont été magis-
tralement analysés et décrits dans leur développement historique.
Le défaut de sens historiq-ue entraîne fatalement des erreurs dans
l'interprétation des faits. L'une des plus familières aux grammai-
riens qui veulent expliquer par la logique les idiotismes d'une
langue est d'y voir partout des sous-entendus. « Quelquefois nos
gallicismes ne sont autre chose qu'une ellipse, ou plusieurs
ellipses combinées, qui ont fait disparaître peu à peu divers mots,
diverses liaisons, qu'un long usage rend faciles à sous-entendre,
quoiqu'il ne fût pas toujours facile de les suppléer, ni même de
Bib îiographie . 199
les deviner. » Ainsi parle l'abbé d'Olivet dans ses Remarques sur
Racine (n» xcvij). L'abbé O'Nolan pourrait prendre cette phrase
pour devise à son étude des hibernismes. Il n'est guère de tour 011
il ne fasse intervenir l'ellipse et le sous-entendu. Il introduit çà
et là les mots rud « la chose qui (ou que) » ou na daoine « les gens
qui (ou que) » poui- rendre compte de tours qui se justifient par-
faitement sans cela. Dans une phrase aussi simple que is lioinsa an
leahhar san (p. 5), il croit devoir expliquer liomsa comme équiva-
lant à ;■//(/ liomsa ; comment explique-t-il donc le latin est mihi
liber ?
Il va jusqu'à consacrer un chapitre spécial à deux faits d'ellipse,
qui lui paraissent sans doute particulièrement caractérisés. A bien
examiner les choses, il n'y a pas d'ellipse du tout.
Le premier cas étudié est celui où, dans deux propositions unies
par la conjonction agus <■' et », le verbe de la seconde prend la
forme de l'infinitif au lieu d'être muni, comme celui de la première,
de désinences personnelles : mima bhrâgfair an ait sin agus glanadh
as mo radharcgo diair,... « si tu ne quittes pas la place et ne disparais
pas de ma vue au plus vite... « (mot à mot « et disparaître... »),
Sêadua, p. 76 ; cad nathaohh nà preabann tu làithreach agus i do lea-
namhaiut ? « pourquoi ne te lèves-tu pas immédiatement et ne la
poursuis-tu pas? » (m. à m, « et elle à poursuivre »), Séadna,
p. 164. Il s'agit d'une proposition infinitive qui se substitue à
une proposition à mode personnel. Le moyen-gallois fournit de
nombreux exemples du même tour: pan bebillo Lloegir in tir Eihlin
a guneuthur Dyganhiuy dinas degin « quand les Anglais camperont
dans le pays d'Ethlin et qu'ils feront de Deganwy une place forte »
(m. à m. « et faire... »), Black Book of Cannarthen, p. 28, 1, 14
Evans ; pan gyfodes y bobyl a chael Lhnunslot megys yn iiariv « quand
le peuple se souleva et trouva Lancelot comme mort » (m. à m.
« et trouver... ») Hengwrt Manuscripts, I, p. 155. Dans les phrases
irlandaises précitées, l'abbé O'Nolan suppose un verbe sous-
entendu au début de la seconde proposition : muna déanfair « si
tu ne fais pas... » ou nà deineann ti'i « ne fais-tu pas... ? ». C'est
ainsi que nos grammairiens imaginent des sous-entendus pour ex-
pliquer le vieux tour, qu'emploie encore La Fontaine : Ainsi dit le
renard ; et flatteurs d'applaudir (Fables, VII, i), ou Vautre aussitôt
de s'excuser (VII, 7). Il va sans dire qu'il n'y a rien à sous-entendre.
Le second cas d'ellipse a en français un correspondant plus frap-
pant encore. On sait qu'en français la conjonction que sert de subs-
titut à diverses autres conjonctions (si, quand, comme etc.) dans la
seconde de deux propositions subordonnées unies par la conjonc-
200 Bibliographie.
tion et : si vous le rencontre\ et quil demande où je suis ; ou : comme
tout le bien appartient à Dieu et que rhomme n^est rien de lui-même...
(Bossuet, Sur Vhonneur du monde, 3« point); ou : quand vous verrez
Pauline et que son -désespoir par ses pleurs et ses cris saura vous émou-
voir {Polyencte, V, 4). L'irlandais moderne emploie exactement de
même la conjonction go comme substitut de ma ou de dtx. Ainsi :
ma thagann aon chômhursa isteach agus go suidhfidh se sa chathaoir « si
un voisin entre et qu'il s'asseye sur la chaise... » (Séadna, p. 15) ;
déi mbeadb beirt bhan ag troid agus go bhfeicjidis ag leacht i « si deux
femmes étaient à se quereller et qu'elles la vissent venir... » (^Séad-
na, p. 82). Là non plus, il n'y a rien à sous-entendre. Pourtant,
l'abbé O'Nolan propose d'introduire dans ces phrases quelque chose
comme le français « s'il arrive j) ou « s'il arrivait » pour justifier
le « que » suivant. C'est une addition bien inutile et qui heurte
l'exacte interprétation des faits.
Les critiques adressées ici à l'abbé O'Nolan portent seulement sur
l'interprétation et le classement de certains faits ; elles ne touchent
pas à la valeur documentaire de son livre, qui est incontestable. 11
dit en commençant que ce livre est le premier où la syntaxe de
l'irlandais moderne ait été soumise à une analyse méthodique, en
vue de faire connaître les finesses de la langue, et d'en faire goûter
la beauté. C'est un mérite justifié et que tous ses lecteurs lui recon-
naîtront. Les études de syntaxe ont ceci d'attirant, qu'elles
touchent à la psychologie et à l'esthétique. L'abbé O'Nolan
expose les siennes sous une forme qui est un attrait de plus ; il
pique la curiosité et invite à la discussion. Cela explique la lon-
gueur de ce compte rendu, où pourtant quelques-unes seulement
des questions qu'il étudie ont été indiquées.
J. Vendryes.
VI
Louis Tréguiz. V Irlande dans la crise universelle (3 août 19 14-
25 juillet 1917). Paris. Alcan, 1918. vi-279 p. 8°. é fr.
Le 3 août 19 14, l'Irlande "se trouvait à la veille d'une guerre
civile. La situation de l'Irlande, bien faite pour causer à l'Angleterre
de graves soucis, était une de ces circonstances favorables dont
l'État-major prussien attendait une issue rapide et heureuse des
hostilités qu'il engageait. D'après les prescriptions des meilleurs
théoriciens de la « prochaine guerre », l'Allemagne, pour imposer
par la force son hégémonie à ses voisins, devait choisir le moment
Bibliographie. 201
où elle les verrait aux prises avec des difficultés intérieures. La
guerre alors serait courte, à condition d'être cruelle. La guerre fut
cruelle en eftet, autant que des Allemands savent la faire. Mais elle
ne fut pas courte ; car la victoire de la Marne ruina les plans des
stratèges de Berlin. S'il est faux de prétendre qu'après cette victoire
le temps travaillait pour les alliés, du moins est-il vrai que grâce
à elle les alliés en gagnant du temps purent travailler à surmonter
les circonstances qui au début de la campagne leur créaient un
désavantage si redoutable. Mais il fallut quatre ans passés d'efforts
communs pour abattre la puissance de destruction la plus formi-
dable qui ait jamais menacé la civilisation.
Que devint l'Irlande pendant ces quatre ans ? Quelle attitude
prit-elle devant les problèmes mondiaux qui s'agitaient et quel rôle
joua-t-elledans la guerre ? C'est un pénible sujet. Ce qui s'est passé
en Irlande depuis 19 14 n'a fait qu'ajouter des épisodes douloureux
à une histoire où les événements douloureux dominent. On y
retrouve cette fatalité qui semble peser sur l'Irlande au cours des
âges et qui ferait croire à l'influence maligne de quelque signe
mystérieux : un héroïsme magnifique resté sans récompense, un
mouvement vers l'idéal piteusement échoué dans le sang, de respec-
tables sentiments qui engendrent la guerre civile, des passions
généreuses qui inspirent des crimes.
Dès le début, l'Irlande, où les vertus militaires sont de tradition,
entra dans la guerre avec une belle ardeur. Les engagements n'y
furent pas moins nombreux que dans les autres parties de l'empire
britannique, et pour la valeur les troupes irlandaises ne le cédèrent
à aucune autre. L'Etat-major anglais les employa sans compter ;
partout où elles furent employées, elles se montrèrent à la hauteur
de leur tâche. « Bien que je sois Anglais, écrivait en novembre 191 5
le général W. B. Marshal, je dois dire que les soldats irlandais se
sont battus magnifiquement. » Il parlait du débarquement aux
Dardanelles, où les Dublins et les Munsters firent merveille. Mais
la conduite des Iniskillings et des Connaught Rangers en Serbie
et en Macédoine ne fut pas moins magnifique. Et les exploits des
troupes irlandaises sur ces lointains théâtres d'opérations ne sau-
raient faire oublier ceux qu'elles accomplirent dans les premiers
mois de la guerre en Belgique et en France. Ce qui en augmente le
prix, c'est que des soldats venus de tous les coins de l'Irlande y
participèrent. Les Unionistes d'Ulster, qui avaient depuis longtemps
une armée toute prête, l'avaient mise à la disposition du War
Office. Les Nationalistes, par la bouche de leur chef John Red-
mond, proclamèrent le 3 août 19 14 leur loyalisme envers l'empire
202 Bibliographie.
biitiinnique et se déclarèrent prêts à détendre la liberté du monde.
Le pacte d'union sacrée fut scellé sur les champs de bataille. Gens
du Pale et du Kerry, de l'Ulster et du Connaught rivalisèrent de
courage et d'abnégation. Une grande pensée les soutenait tous.
En mettant leur vie au service de la justice et du droit, ils avaient
la conviction que ce sacrifice servirait la cause de leur propre
patrie.
On pouvait croire, en effet, qu'un des premiers résultats de la
guerre mondiale serait d'assurer à l'Irlande la paix dans 'la liberté,
lamais les circonstances n'avaient paru plus favorables à un règle-
ment définitif de l'irritante question irlandaise. Le Home Rule Act,
voté par le Parlement le 25 mai 1914 et promulgué le 18 septembre
suivant, était inscrit au Statute Book sous cette seule réserve que
l'application en était d'abord remise à un an. La politique nationa-
liste était donc sur le point de triompher. En apparence, une ère
nouvelle s'annonçait pour l'Irlande sous l'égide de John Redmond,
et celui-ci allait voir récompenser les efforts de toute sa vie. Cela
n'était qu'une trompeuse apparence. 11 était prouvé une fois de plus
qu'une politique de conciliation est impossible en Irlande. Red-
mond était dépassé et repoussé par le Sinn Fein, comme Grattan
l'avait été par les Irlandais-Unis en 1798, O' Connell par la Jeune-
Irlande en 1847 et Parnell parles Invincibles en 1882. Et lui-même
devait mourir en 191 8, l'âme ulcérée de chagrin, devant l'effondre-
ment de ses espérances. Jamais revers ne fut plus soudain ni plus
cruel. En quelques mois le parti nationaliste se trouva balayé,
presque annihilé.
L'histoire de l'Irlande pendant les années de guerre, c'est l'his-
toire de la faillite du parti nationaliste. A vrai dire, plusieurs sym-
ptômes annonçaient cette faillite prochaine au moment même où
le succès semblait s'affirmer. Lorsque M. Asquith, le 25 septembre
1914, fut honoré d'une réception officielle au Mansion House de
Dublin en qualité de Premier ministre, aussi bien les Carsonites
que les Sinn Feiners et les Larkinites refusèrent de s'y associer.
Ces trois partis extrêmes, réduits à deux par suite de la coalition
électorale des derniers, ne devaient pas tarder, en dressant leurs
forces l'un contre l'autre, à écraser entre eux le bloc, qui semblait
si compact, des Redmondites. Ils reçurent un encouragement pré-
cieux de ce que M. Lloyd George lui-même, dans la séance du
18 octobre 19 16 aux Communes, a appelé « les incroyables stupidi-
tés » du War Office, et aussi des non moins incroyables mala-
dresses du gouvernement de Dublin Castle. Mais de leur côté ils
mirent tout en oeuvre pour rendre d'avance l'application du Home
Bibliographie. 20^
Rule impossible, et finalement leur intransigeance rejeta l'Irlande
dans la situation inextricable où elle se débat aujourd'hui.
Le War Office semblait avoir pris à tâche de décourager les
bonnes volontés de l'Irlande nationaliste, il répondit par des vexa-
tions, des humiliations, des brimades, aux déclarations de loyalisme
qui lui venaient de ce côté. Il traita en parias, en suspects, des
hommes qui s'enrôlaient volontairement sous les couleurs britan-
niques pour défendre la cause des alliés. Il refusa à John Redmond
d'étendre à l'Irlande le Territorial Act et de créer des camps d'ins-
truction oia l'on exercsrait les Volontaires. En septembre 19 14,
M. Asquith avait solennellement promis qu'on réunirait en un
corps d'armée irlandais les régiments et les divisions recrutés en
Irlande ; le War Office refusa de tenir cette promesse. Il interdit à
la 16' division, recrutée dans le sud de l'Irlande, le port d'insignes
spéciaux qu'il accordait à la division d'Ulster aussi bien qu'à la
division de Galles. Bien mieux, il interdit la remise à cette même
lô'^ division de drapeaux qu'avait brodés pour elle un comité de
dames irlandaises. Il affecta de donner aux soldats catholiques des
officiers protestants ; il refusa à la National University (catholique)
la préparation militaire des aspirants officiers, qui était organisée
dans les Royal Universities (protestantes) de Belfast et de Dublin.
Cette altitude du War Office contribua à rejeter dans l'opposition
les éléments irlandais qui se montraient disposés à un accord avec
l'Angleterre. Elle favorisait ainsi les desseins de Sir Edward Carson,
qui vovait avec dépit la question irlandaise près d'être résolue par
le Home Rule, parce qu'il sentait bien que toute atteinte à l'Union
ne pouvait qu'affaiblir la situation privilégiée que les Unionistes
d'Ulster occupaient dans la politique britannique. N'avait-il pas
pris soin d'affirmer publiquement (le 4 septembre 19 14, à Ulster
Hall) que, bien loin de renoncer à ses plans de guerre civile, il en
différait seulement l'exécution jusqu'à la fin de la guerre étrangère ?
Cette intransigeance donnait à réfléchir aux nationalistes; beaucoup
se prirent à redouter que leur chef, John Redmond, n'eût conclu un
marché de dupe ; sans qu'ils le désavouassent encore publiquement,
la confiance qu'ils avaient en lui fut ébranlée ; et leur enthousiasme
pour la guerre se refroidit rapidement. Les groupes « anti-enlisting »,
qui avaient toujours été assez actifs dans l'Ouest de l'île furent
fortifiés dans leur action par la politique combinée de Sir Edward
Carson et de Lord Kitchener.
D'autre part les « Volontaires », dont on avait refusé les services,
s'exercèrent en dépit du War Office, mais ce ne fut pas pour com-
battre « en faveur de l'Angleterre ». Portan la question sur le
204 Bibliographie.
terrain politique, leur chef, Eoin Mac Neill, déclarait que l'Irlande
ne devait pas prendre part à des querelles étrangères sans une
décision librement prononcée par un gouvernement national.
C'était réveiller dans l'âme irlandaise le désir d'une République
indépendante. Beaucoup d'Irlandais y pensaient toujours. Fidèles à
la maxime « England's difficulty, Ireland's opportunity », ils sou-
haitaient que l'Irlande profitât des circonstances pour secouer une
domination qu'elle n'avait jamais acceptée. Comme les chances de
la guerre mondiale paraissaient indécises, ils nourrissaient le
secret espoir que l'Angleterre serait battue ou même faisaient
ouvertement des vœu.K pour la victoire allemande. L'Allemagne,
qui connaissait ces dispositions, n'eut garde de les négliger ; mais
on sait quel genre d'intérêt elle portait aux revendications irlan-
daises : l'Irlande n'était pour elle qu'un moyen de combat contre
l'Angleterre. Néanmoins, aveuglés par la passion, les chefs du
Sinn Fein ne s'avisèrent pas des véritables motifs de la prétendue
sympathie allemande ; ils allèrent jusqu'à mettre leur confiance
dans une alliance avec l'Allemagne. La proclamation républicaine
de Pâques 1916 célébrait « l'aide des vaillants alliés du continent ».
Forts de cette illusion, les plus exaltés préparaient activement un
soulèvement contre l'Angleterre.
Depuis les premiers mois de 19 16, l'agitation allait croissant en
Irlande. Mais le gouvernement anglais conservait son optimisme.
Le chief-secretary Birrell laissait faire, en homme qui ne doutait
pas que l'Angleterre aurait toujours et aisément le dernier mot. Il
vivait dans une atmosphère de sérénité imperturbable ou d'aveugle-
ment obstiné ; il en fut brusquement tiré par la Rébellion de
Pâques 191e. Quand on considère les circonstances qui la prépa-
rèrent, la disposition des lieux où elle éclata et la personnalité de
ceux qui la dirigèrent, on est stupéfait de penser que, n'ayant pas
su la prévenir, les autorités anglaises n'aient pas du moins tout
employé pour la rendre inofiensive. Si la Rébellion a été ce qu'elle
fut et ce qu'elle restera dans le souvenir du peuple irlandais, la
responsabilité en est à ceux qui, par une répression disproportion-
née, transformèrent en une manière de révolution ce qui pouvait
n'être qu'une manifestation sans conséquence. En dehors du socia-
liste Connolly, esprit pondéré et qui ne devait pas avoir d'illusion
sur les chances de succès, et en dehors du vieux révolutionnaire
visionnaire Clarke, les chefs du mouvement n'étaient guère que
des jeunes gens, presque des enfants, groupés autour d'un maître
d'école de 34 ans nommé Patrick Pearse. Patriotes fanatiques et
chrétiens mystiques, dont la foi s'exaltait au souvenir de la Rébel-
Bibliographie. ■ 205
lion de 1798, ils voulurent faire un coup d'éclat pour sauver l'âme
de l'Irlande. Le lundi de Pâques 191e, ils s'emparèrent du Post
Office de Dublin et y proclamèrent la République, cependant que
des Volontaires occupaient quelques bâtiments voisins.
Il arrive quelquefois en France que des lycéens impatients de
l'internat ou des étudiants mécontents de leurs maîtres s'enferment
dans une salle d'études et déclarent la guerre à l'autorité. L'autorité
pourrait répondre par le canon et la mitrailleuse. Elle se contente
généralement de s'armer de patience ; au pis aller, une pompe à
incendie calme les plus exaltés : il n'est rien de moins imposant
que des conjurés qui ruissellent. A Paris, en plusieurs circonstances,
des soulèvements qui eussent pu devenir graves ont été ainsi étouf-
fés. Le Post Office de Dublin pouvait n'être qu'un Fort Chabrol ; le
\Yâr Office en fit un Mur des fédérés. Il fallut deux jours aux auto-
rités anglaises pour se remettre de leur surprise ; mais alors elles
s'affirmèrent par un déploiement inouï de force militaire. Un vais-
seau de guerre, ancré dans le port, bombarda pendant cinq jours
et détruisit le plus beau quartier de Dublin, tandis qu'à terre l'ar-
tillerie faisait rage et qu'un cordon de troupes entourant la ville
fusillait sans pitié les passants. Une répression aussi brutale causa
naturellement beaucoup de victimes innocentes.
Des observateurs renseignés affirment qu'avant la « semaine san-
glante » le nombre des Sinn Feiners était insignifiant à Dublin.
C'est bien possible. Ce qui est sûr, c'est que la semaine d'après
une majorité énorme était acquise au Sinn Fein. Les Anglais
s'étaient chargés de la meilleure propagande en faveur de leurs
adversaires; ils leur avaient accordé ce qu'ils pouvaient souhaiter
de meilleur pour sanctifier leur cause : des martvrs à venaer et à
honorer. Une fois de plus, le sang des victimes avait fécondé le
sol et fait germer la foi. Pearse et ses compagnons étaient morts
avec un courage admirable : ils devinrent des héros nationaux
comme Wolfe Tone (1798) ou Robert Emmet (1804), comme les
« trois martyrs de Manchester » dont on commémore toujours
l'exécution depuis le 23 novembre 1867. La Rébellion de Pâques
1916 provoqua dans toute l'Irlande une émotion qui n'est pas près
de s'éteindre. On le vit bien dans les mois suivants lorsque le gou-
vernement anglais, affectant de meilleures dispositions à l'égard de
l'île sœur, essaya de la ramener à lui par une politique de conci-
liation.
Deux tentatives furent faites, à un an d'intervalle : le Georgian
Settlement et la Convention. Dans l'été même qui suivit la Rébel-
lion, le ministère Asquith, sentant que la répression n'avait causé
Revue Celtique, XXXVIII. 14
2oé Bibliographie.
que des maux, voulutles réparer en réglant définitivement la ques-
tion irlandaise. M. Lloyd George fut chargé d'établir un projet ; il
y travailla pendant deux mois (juin-juillet 1916), qui furent sur-
tout employés à des conférences avec les principaux hommes poli-
tiques d'Angleterre et d'Irlande. L'idée fondamentale du projet
était heureuse : c'était de placer le règlement de la question entre
les mains des Dominions, de faire de la question irlandaise une
question d'Empire. En attendant, le Home Rule entrerait en
vigueur. Le ministère anglais semblait croire que le retard apporté à
l'application du Home Rule était la principale cause du méconten-
tement irlandais. Il y en avait d'autres, beaucoup plus graves; et
le mécontentement — pour ne pas dire plus — était bien plus
profond qu'on n'imaginait. On put dès lors se rendre compte que
le Home Rule, avec ou sans appel aux Dominions, était un remède
insuffisant à guérir la crise irlandaise. En vain, John Redmond
essaya de soutenir le ministère anglais : son parti ne le suivit pas.
Au Parlement, le Georgian Settlement ne fut même pas discuté;
il rencontra tellement d'oppositions qu'on dut retirer le projet.
La Convention, qui se tint en Irlande du 25 juillet 1917 au
5 avril 19 18, marque un suprême effort pour établir dans l'île un
régime stable sur la base du self-s;overnment. Et c'était à des Irlan-
dais qu'on confiait le soin de préparer un projet ; ils échouèrent.
Les causes de cet échec furent discutées de façon variée par les
divers partis ; on les chercha souvent où elles n'étaient pas et on
ne les vit pas toujours où elles étaient. Il n'y a pas à suspecter la
bonne volonté de ceux qui prirent part à la Convention et surtout
de ceux qui la dirigèrent, au premier rang desquels était Sir Horace
Plunkett. Tous étaient animés d'un même désir d'aboutir à un
accord qui satisfît les intérêts en présence; leur loyauté, leur cou-
rage civique, leur patriotisme étaient indiscutables. Il y eut contre
la Convention des circonstances défavorables. La méthode adoptée
pour le travail prolongea la session outre mesure et fit traîner sur
des questions de détail des délibérations qui auraient dû être
promptes et s'en tenir aux généralités; on chercha trop à obtenir
l'accord sur des points secondaires, autour desquels la discussion
s'éternisa sans profit. Il y eut à l'extérieur des incidents malheu-
reux, comme la mort du Sinn Peiner Thomas Ashe le 25 septembre
dans la prison de Mountjoy à la suite d'une grève de la faim ; cette
mort augmenta la haine contre le régime politique auquel l'île
était soumise. Il y eut surtout l'annonce du projet de conscription,
qui révéla les véritables raisons de la bienveillance anglaise, exas-
péra les patriotes irlandais et valut au Sinn Fein une énorme accrois-
Bihliog raphie . 207
sèment de popularité. Mais la cause essentielle de l'échec de la
Convention est qu'elle fut en butte à l'hostilité des deux partis
extrêmes entre lesquels se partageaient les esprits, les Unionistes
de rUlster et les Sinn Feiners. Ces derniers avaient refusé d'y
prendre part, déclarant ne pouvoir souscrire à des propositions qui
n'émaneraient pas de représentants élus du peuple irlandais. Les
premiers y avaient envoyé des délégués, mais sans leur conférer
aucun pouvoir et plus à titre d'informateurs que de collaborateurs
effectifs ; ils se réservaient même de désavouer les concessions
auxquelles ces délégués auraient pu souscrire. Dans ces conditions,
la Convention ne pouvait pas aboutir. Le nombre de ses partisans
diminuait de jour en jour ; à la fin, elle n'intéressait plus personne ;
elle succomba dans l'indifférence générale.
Ce fut aussi la fin du parti nationaliste, comme le prouvèrent
les élections de décembre 1918. Mais le livre de M. Tréguiz ne va
pas jusque là; même les derniers événements rappelés dans le
résumé qui précède dépassent la limite qu'il s'est fixée On doit
souhaiter qu'il poursuive son œuvre, car les événements d'Irlande
n'ont pas cessé dans les années suivantes de présenter un vif intérêt
et on trouvera difficilement pour. les exposer un historien plus
compétent que lui. Il est documenté de façon remarquable. Par
un dépouillement méthodique et régulier de la presse, il s'est
acquis une connaissance approfondie de l'histoire d'Irlande pendant
la guerre, et il en a déo-agé habilement les traits généraux. Il a
tâché d'être impartial, sans dissimuler ses préférences pour une
solution qui satisfasse les aspirations nationales du pays. C'est un
ami de l'Irlande : la raison en est sans doute 'qu'il la connaît bien.
Il est peu de pays en efïet qui attirent d'avantage la sympathie,
où l'âme des gens mêlée à celle des choses s'ouvre avec plus de
séduction aux regards de l'étranger. Les malheurs de l'Irlande
depuis tant de siècles n'ont fait qu'augmenter ses charmes. M. Tré-
guiz y a été sensible, comme déjà plus d'un Français avant lui. Cela
explique, sans le justifier tout à fait, qu'il passe un peu légèrement
sur certaines défaillances. Son livre, comme on pouvait s'y attendre,
a été très lu en Irlande : il y a obtenu un succès qui fait son éloge.
Une remarque toutefois s'impose. La plupart de ses lecteurs se
sont réjouis de penser qu'en M. Tréguiz, dont le nom était nouveau
pour eux, se révélait un Français de plus, instruit des choses
d'Irlande et capable d'en parler brillamment. Il faut les détromper.
Le nom de Tréguiz n'est qu'un nom d'emprunt, cachant un publi-
ciste et conférencier qui n'en est pas à ses débuts en matière cel-
tique.
J. Vendryes.
2o8 Bibliographie.
VII
W, J. Gruffydd. Blodeughvm o Englynion. Cyfres y Werin, Rhif I
(^Bouquet iVEuglyns. Série populaire, n° i). Abertawe [Swansea],
Morgan and Higgs. Sans date (paru en 1920). xxii-75 p. 16°.
Ce petit livre inaugure une série populaire éditée par MM. Ifor
L. Evans et Henry Lewis. C'est un bon début. M. \V. J. Gruffydd,
professeur érudit et délicat poète, était sûr de faire oeuvre populaire
en réunissant comme il l'a fait un bouquet de 283 englyns choisis
parmi les meilleurs que la poésie galloise de tous les temps ait pro-
duits. A vrai dire, c'est surtout aux poètes modernes qu'il a
emprunté des modèles, à ceux des xviii'^ et xix« siècles. L'œuvre
n'en est pas moins utile, car l'abondance de la matière rendait le
choix difficile.
On sait que la versification galloise comprend des « mètres libres »
(jnesurau rhyddioii) et des « mètres stricts » ou plus exactement
« asservis » {inesurau caeihion). Les mètres stricts, les seuls qui
fassent l'objet de l'enseignement des métriciens nationaux, depuis
le xv« siècle (v. J. Loth, Métrique galloise, I, p. xij), sont au nombre
de vingt-quatre et se ramènent à trois genres, Vaivdl, le cyiuydd et
Veiiglyii ; il y en a douze pour le genre awdl, quatre pour le genre
cywydd et huit pour le genre englyn (J. Loth, op. cit., I, 63 et
suiv., et J. Morris-Jones, Z. f. Celt. Phil., IV, 114). L'awdl est
un poème formé de strophes, correspondant à peu près à notre
ode ; le cywydd, c'est notre discours en vers, et le plus souvent en
vers d'égale longueur ; enfin l'englyn ressemble à ce que les Grecs
appelaient l'épigramme : c'est une petite pièce courte, générale-
ment descriptive, où le poète enferme sa pensée en un cadre étroit
et compliqué, dont les différentes pièces sont combinées et liées
entre elles avec beaucoup d'art ; il existe d'ailleurs de longs poèmes
composés d'une suite d'englyns (v. J. Loth, op. cit., II, 200 et
suiv.). On distingue deux espèces principales d'englyn, l'englyn
unodl et Venglyn proest (allitérant) ; et chacune de ces espèces com-
prend plusieurs divisions. Ainsi l'englyn unodl peut être union [ou
uusaiii] (droit ou de même son), criucca (inverse) ou cyrch (com-
portant une sorte d'enjambement). Tout les englynion contenus
dans le recueil de M. W. J. Gruffydd sont du genre unodl union;
c'est en effet le plus répandu.
Venglyn unodl union se compose de quatre vers dont le premier a
dix syllabes, le second six et les deux derniers chacun sept. Les
Bibliographie. 209
deux premiers constituent ce que l'on nomme la tige ou le fût
(poladr) ; les deux derniers sont les ailes {esgyll). Le premier vers
a généralement une coupe après la cinquième syllabe ; il comprend
deux parties d'inégale longueur, dont la dernière qui peut avoir
de une à trois svllabes est appelée gair cyrch « mot d'attaque » ou
toddaid « qui fait fondre, qui soude ». La syllabe finale qui précède
le gair cyrch rime avec la syllabe finale des trois vers qui suivent;
elle indique la rime de l'englyn entier (v. J. Loth, op. cit., I, 72).
En outre, à l'intérieur de chacun des vers règne tyranniquement
la cynghanedd « concordance des sons » (allitération, asso-
nance, etc.). Ainsi le début du gair cyrch allitère avec le début du
second vers, à moins que la fin n'en rime avec un des premiers
mots du second vers. Et les deux derniers sont d'autant mieux
réussis qu'ils reproduisent chacun dans leurs hémistiches respectifs
les mêmes suites de consonnes. C'est d'un art très raffiné, que cer-
tains poètes gallois ont poussé de nos jours à la perfection. On peut
citer comme modèle l'englyn qui emporta le prix à l'Eisteddfod
nationale de 1906 et qui est du bon poète Eifion Wyn, plusieurs
fois lauréat du prix de l'englyn ; il figure sous le n° 99 dans le
recueil de M. W. J. Gruffydd. Titre : Blodaur Grug « Bruyère en
fleurs ».
Thvs eu hu, luaws tawel, — gemau teg i
Giuniwd haul ac awel ;
Crog glychaii'r creigle uchel,
Ffltir y main, ffiolau'r tnél.
« Jolie pousse, masse sereine — beaux joyaux
du rovaume du soleil et de l'air ;
clochettes pendantes des hauts rochers,
duvet des pierres, flacons de miel. »
Ou encore le suivant, qui forme le numéro 255 du recueil. C'est
l'épitaphe composée pour lui-même par le poète Robin Ddu o Fei-
rion, enterré à Trawsfynydd :
Gicael wyf Jî, 0 geilw tieb — Ji adref.
Ni fedraf ei hateb :
Mae du oer lom daear wleb
Trawsfynydd tros fy uyneb.
« Infortuné que je suis, si quelqu'un m'appelle — à la maison.
Je ne pourrai lui répondre ;
la terre noire, froide, nue et humide
de Trawsfynydd pèse sur ma face. »
I. L'usag3 est de séparer le gair cvrch du reste du vers en mettant un
tiret devant.
210 Bibliographie.
Ou celui-ci enfin, dans lequel Trebor Mai, voulant définir le
« perfect englyn », a joint l'exemple au précepte :
Corph Uimiaidà, addas, urddasol — hylaw,
pob nelod yn inwl,
corph cyfan, heh ran ar ol,
ag enaid yn ei ganol.
« Corps bien fait et bien pris, plein de noblesse et — d'aisance,
dont chaque membre concourt à l'unité ;
corps complet, auquel rien né manque,
avec une âme en son milieu. »
Les règles de l'englyn unodl union sont clairement exposées par
M. W. J. Grufi:"ydd dans la préface qu'il a jointe à son recueil. Il y
a résumé aussi les idées de Sir John Rhys sur l'origine de l'englyn.
L'illustre celtiste a consacré en effet un volume du Cymmrodor
(t. XVIII, 1905 ; cf. R. Celi., XXVL 177) à chercher le point de
départ de l'englvn gallois dans la versification latine des bas-temps
et notamment dans la forme prise à cette époque par le distique
élégiaque classique. Question controversée sur laquelle ce n'est
pas le lieu d'exprimer un avis. Le fait est qu'on trouve desenglyns
dès le début de la poésie galloise. Il y en a dans le Black Book of
Carmarthen, notamment les fameux « englyns des tombes », p. 32-
35 de l'éd. Evans (cf. J. Rhys, op. cit., p. 125, 127 et 107); le
Mabinogi en contient plusieurs (Math fab Mathonwy, R. B., I, 78,
28 et 79, 3 et 7, cf. Loth, Mahiiiogiou, 2" éd., I, p. 400; Branwen
ferch Llyr, R. B., I, 58, 22, cf. Loth, ihid., p. 142), et il y en a
un dans le récit de Kulhwch et Olwen {R. B., I, 153, 26).
L'englyn est resté en honneur à toutes les époques de l'histoire de
la littérature galloise. Il y a dans le recueil des Gogynfeirdd des
poèmes entiers en englyns. Dafydd ab Gwilym en a composé de
fort jolis, ainsi que William Llyn au xvi*^ siècle. Mais jamais l'en-
glyn n'a sans doute été autant cultivé que depuis la Renaissance
galloise du wiii^ siècle. Sans parler de Goronwy Owen (1722-
1769), qui en a laissé un bon nombre, des poètes comme Twm
O'r Nant (1739-1810), Dafydd lonawr (1751-1827), Dafydd Ddu
Eryri (1760-1822), Gwallter Mechain (1761-1849), Robert ab
Gwilym Dda (1767-1850), Défi Wynn o Eifion (1784-1841), etc.,
ont été de véritables maîtres en ce genre. Ils se disputaient dans
les concours la gloire d'improviser le meilleur englyn. C'est ainsi
qu'à l'eistcddfod de Corwen en 1789 le jeune Gwallter Mechain
enleva le prix d'englyn à Twm o'r Nant, un vétéran du succès. Ces
Bibliographie. 21 1
poètes occupaient souvent dans la société un rang assez modeste ;
c'étaient des cultivateurs comme Robert ab Gwilym Ddu (Robert
Williams) ou Défi Wynn o Eifion (David Owen), des journaliers
comme T\vm o'r Nant (Thomas Edwards), des maîtres d'école
comme Dafydd lonawr (David Richards) ou Dafydd Ddu ErjTÏ
(David Thomas), à côté de pasteurs comme Gwallter Mechain
(Walter Davies). La Muse galloise a conservé au xix« siècle ce
caractère démocratique ; parmi les meilleurs auteurs d'englyns on
compte, outre des ecclésiastiques comme Caledfryn (William Wil-
liams 1804-1869), Gwilym Hiraethog (William Rees 1802-1883)
ou Emrys (William Ambrose 181 3-1873), des maîtres d'école
comme Eben Fardd(Ebenezer Thomas 1802-1863), '^^^ imprimeurs
comme Cawrdaf (William Ellis Jones 1795-1848), des carriers
comme Glan Padarn (Thomas D.Thomas 1848-1888), des tailleurs
comme Trebor Mai (Robert Williams 1 830-1877), lequel passait
en son temps pour le meilleur faiseur d'englyns. Aujourd'hui
encore, dans les eisteddfodau annuelles, les concours de poésie en
mètres stricts et particulièrement les concours d'englyns con-
servent toute la faveur des poètes et du public {cf. J. Morris Jones,
Z. f. CelL PbiL, IV, 159). \'oilà pourquoi le petit livre de
M. \y. J. Gruftydd aura certainement du succès dans son pays.
Il mérite d'être également bien accueilli à l'étranger, car il fait
connaître un des genres les plus caractéristiques de la poésie gal-
loise.
J. Vendryes.
VIII
Ifor Williams et Thomas Roberts. Cywyâdau Dafydd ah Gwilym
ai gyfoeswyr, wedi eu gol3'gu o'r llawysgrifau, gyda rhagyma-
drodd, nodiadau a geirfa (« Poèmes de Dafydd ab Gwilym et
de ses contemporains, édités d'après les manuscrits, avec intro-
duction, notes et glossaire »). Bangor, Evan Thomas, 1914,
c-285 p., ié°, 3 s.
Dafydd ab Gwilym, qui florissait selon toute apparence entre
1540 et 1380, est le plus grand poète gallois du Moyen Age. Il
n'existe pourtant jusqu'ici aucune bonne édition de ses œuvres.
Cette lacune a de quoi étonner; elle paraît moins étrange quand
on songe aux difficultés de l'entreprise. Le nombre des manuscrits
du poète est considérable ; beaucoup ont à peine été collationnés
ou même ne sont connus que depuis peu d'années. Le texte varie
212 Bibliographie.
fortement d'un manuscrit à l'autre. Il y a un grand nombre de
pièces dont Tattribution à Dafydd est suspecte ou même sûrement
fausse. Pour décider dans ces questions de date, de classement,
d'authenticité, il faut avoir sur la vie de l'auteur et sur les mœurs
de son temps, sur l'histoire de la littérature, de la langue et de l'or-
thographe, des connaissances précises qui font défaut à beaucoup de
gens. L'édition princepsdu poète, qu'ont publiée Owain Myfyr Jones
et William Owen Pughe en 1789, laissait beaucoup à désirer. Elle
n'a guère été améliorée par les rééditions qu'en ont faites au xix^ siècle
Cynddehv et Robert Ellis. Celle de Robert Ellis (Barddoiiiaetb
Dafydd ah Gu'ilyiii, Liverpool, librairie Foulkes, 1875) marque même
à certains points de vue le contraire d'un progrès. Malgré ses défauts,
c'est l'édition princeps qui sert de base à toute étude. Quelques
travaux de détail, reposant sur des collations de manuscrits, ont
permis çà et là d'en corriger plusieurs mauvaises leçons ^ Mainte-
nant que la National Library of Wales offre au public ses incom-
parables ressources en manuscrits, il est à espérer que le travail
philologique sur Dafydd ab Gwilym, aujourd'hui encore à peine
ébauché, sera entrepris d'ensemble. La collection Peniarth renferme
en effet des manuscrits du poète, qui sont parmi les plus anciens ;
l'un même est presque contemporain du poète.
L'édition de M. Ifor Williams fait preuve de bonnes intentions.
L'auteur s'est entouré de garanties pour établir son texte ; il a
collationné, par lui-même et par d'autres, nombre de manuscrits ;
il a cherché à élucider quelques-unes des principales questions
que posent la vie et l'activité poétique de Dafydd. Mais que d'inex-
périence encore, et comme nous sommes loin de la maturité !
L'exemple de la philologie classique, où la méthode d'établissement
des textes est depuis longtemps portée à sa perfection, pouvait épar-
gner aux autres philologies la période ingrate des premiers tâton-
nements, ou devait tout au moins la raccourcir. Avant d'aborder
les textes gallois médiévaux, il conviendrait de s'exercer à la cri-
tique verbale des textes grecs et latins ; ce serait un entraînement
excellent.
Sur la collection complète des œuvres de Dafydd, qui comprend
262 poèmes, M. Ifor Williams en a choisi 64, qu'il publie inté-
I. Comme échantillon de ces mauvaises leçons, on peut citer celle que
rapporte M. Ifor Williams, p. Ixxxij : a solos ym Maaaleg (n° 2, v. 36) au
lieu de solas : le mot solas (français soûlas « plaisir, distraction ») trans-
formé en solos « des solos à chanter » ! L. Chr. Stern lui-même s'y est
laissé prendre (Z. /. Celt. PhiJ., VII, 15).
Bibliographie. 213
gralement. Un premier regret à exprimer est qu'il n'ait pas pris
soin d'établir une concordance permettant de retrouver immédia-
tement les poèmes qu'il publie soit dans l'édition princeps soit
dans les éditions les plus en usage, comme le petit recueil du
regretté O. M. Edwards. Cette simple précaution, qui ne lui coû-
tait aucun travail supplémentaire, eût évité à ses lecteurs des
recherches et une perte de temps inutiles.
M. Ifor Williams n'a pas donné les raisons du choix qu'il a fait
entre les poèmes ni de l'ordre 011 il a placé les poèmes qu'il a choi-
sis. En général, son choix est judicieux. On peut toutetois regret-
ter l'absence de certaines pièces dont la tradition a consacré la
réputation et qui sont considérées comme caractéristiques du talent
de Dafydd ; ainsi les jolies pièces sur le poète et son ombre
(n° 171)5 qui est si originale, 'ou sur la fuite au petit jour (n° 97),
qui est si piquante, ou sur la cabane démolie (n° 140) ou sur le
coucou (n° 70). Celle-ci, une des plus fameuses, est, il est vrai,
d'une authenticité douteuse. Mais M. Ifor Williams prévient,
p. Ixxxiv, qu'il ne garantit pas l'authenticité de toutes les pièces
de son recueil ; il aurait pu l'augmenter avantageusement d'une
bonne demi-douzaine de poèmes.
L'Intro'duction qu'il a placée en tète est importante par ses
dimensions et témoigne d'un effort méritoire. Elle a pourtant de
graves lacunes. Aucune donnée sur la date et la filiation des
manuscrits ! Aucune indication sur les raisons qui ont déterminé
le choix entre les variantes ! Le plus souvent il est tort malaisé au
lecteur de deviner pourquoi telle leçon du texte a été préférée à
celles qui sont reproduites au bas des pages. C'est dans l'introduc-
tion qu'on devait être renseigné à cet égard. Le devoir d'un édi-
teur est de faciliter leur tâche à ses successeurs en les éclairant sur
la façon dont il a conçu la sienne. Ainsi la matière se perfectionne
à chaque génération de travailleurs. Nul ne peut avoir la préten-
tion de créer à lui seul toute la science; un bon érudit prend sa
besogne au point où l'ont laissée ses devanciers. On constatera
avec plaisir dans la partie de l'Introduction consacrée à la poétique
de Dafydd que M. Ifor Williams a tiré bon parti de travaux fran-
çais ; il cite à plusieurs reprises l'excellent livre de M. A. Jeanroy
sur les Origines de la poésie lyrique en France, le travail de M. Faral
sur les Sources latines des contes et romans courtois, enfin la Métrique
galloise de M. Loth, bien qu'il avoue ingénument p. Ixxxv ne pas
avoir ce dernier livre sous la main ^ On ne peut donc lui reprocher
I. La même ingénuité se révèle dans la discussion qui remplit les pages
214 Bibliooraphie.
l'absence de bibliographie. Pourtant, sa bibliographie paraîtra
incomplète à plus d'un lecteur. Comment n'a-t-il pas trouvé le
moyen de mentionner, mcMiie en une ligne, la belle étude de
M. Cowell parue dans le Cymmrodor en 1878 (t. II, p. loi et suiv.),
ou les Snfoiuiu Dafyâd ah Gwilym qu'a données Anwyl au Geninen
en 1907 ? Comment surtout a-t-il pu ignorer le travail fondamen-
tal de L. Chr, Stern, qui emplit presque un cahier entier de la
Zeiischrift fur celtische Philologie (t. \'U, p. 1-265) ^ Ce dernier
oubli est incompréhensible. On devrait désespérer de tout progrès
en philologie si pareille méthode de travail se généralisait. Le tra-
vail de Stern est plus et mieux qu'un déblaiement ; c'est la base
la plus solide qui ait été fournie à toute étude ultérieure sur la vie
et les œuvres du poète gallois ; il donne même sur le texte nombre
d'observations critiques, de rapprochements et de conjectures dont
M. Ifor Williams aurait pu tirer parti.
Ces réserves faites, il y a beaucoup à louer dans le travail de
M. Ifor Williams: des notes abondantes et judicieuses éclairent
quelques-unes des difficultés du texte; un glossaire, un peu trop
court seulement, facilite l'interprétation. L'édition est complétée
par des morceaux empruntés à quatre poètes contemporains de
Dafydd : Gruftudd ab Adda, Madog Benfras, Gruftudd Gryg (l'en-
nemi personnel de Dafydd) et Llywelyn Goch. La partie de l'in-
troduction consacrée à ces poètes et l'établissement du texte de
leurs œuvres sont dus à M. Thomas Roberts. Mais Dafydd ab
Gwilym les éclipse par l'éclat du talent : c'est sur lui que se con-
centre l'intérêt du livre. On peut ici se faire une bonne idée de
ses idées morales et littéraires.
Dafydd ab Gwilym professait la morale d'Epicure. On ne dirait
pas qu'il a vécu en des jours troublés et sombres où la guerre déso-
lait la plus grande partie du monde occidental, où ses compa-
triotes luttaient dans les armées anglaises contre la France et
l'Ecosse. II a vu partir la troupe d'archers gallois qui devait prendre
une part décisive à la sanglante bataille de Crécy, sous Rhys
Gwgan ; mais ce spectacle ne lui inspire que le souhait de la mort
Ixxj et suiv. sur l'origine du mot cyivydd « poème ». L'auteur enregistre
le rapprochement établi, dit-il, par K. Meyer du gallois cyiuydd et de l'ir-
landais r/z/'/ja/W/; ; mais trouvant dans une note deM. J. Glyn Davies {Wehh
Metrics, p. 10) que Meyer traduisait cuhlmidh^Av « havingthe same stave »,
il ne comprend pas cette traduction et croit à une erreur de M. Davies ou
même à une faute d'impression ! Il pourra s'éclairer en consultant la R(vue
Celtique, t. XXXIII, p. 384, où est analysé le travail de M. Loth sur Je Sort
et l'écriture che:^ les anciens Celtes (Journal des Savants, 191 1, p. 403).
Bibliographie. 215
d'un rival, qui faisait partie de la troupe (pièce 99). Sa maîtresse
lui ayant reproché sa couardise, il répond sur un ton désinvolte
(pièce 58) : les gens de guerre sont brutaux et grossiers, ne rêvent
que lances, épées ou flèches ; lui, préfère courtiser les jolies filles.
La lâcheté serait-elle de tradition chez les lyriques ? Archiloque
s'est vanté d'avoir fui dans la guerre des Thasiens contre les
Saïens de Thrace (fgt 6) et Alcée dans celle des Lesbiens de Myti-
lènc contre les Athéniens (Hérodote, V, 95) ; Anacréon proclame
son peu de courage (fgt 28-29) ^^ Horace rappelle l'abandon de
son bouclier sur le champ de bataille de Philippes (Odes, II, vu,
10). Dafydd ab Gwilym avait des ancêtres dans l'antiquité clas-
sique. Dans son propre pays, il est l'ancêtre des « consciencious
objectors » ; mais il a sur ceux-ci cette supériorité qu'il avoue
franchement sa lâcheté, sans essayer de la couvrir de motifs hono-
rables. Ce caractère n'était pas fort ancien dans la poésie galloise.
Les vieux bardes, qui accompagnaient les armées en campagne,
chantaient surtout l'ardeur au combat, l'amour de la lutte et du
butin. Mais depuis 1282 la liberté galloise était morte: Llywelyn
fut le dernier souverain indépendant du pays'. La poésie, qui avait
jusque là fréquemment traduit les aspirations nationales, se fit cour-
toise, savante et amoureuse.
Chez Dafydd, elle est surtout amoureuse. C'est l'amour qui fait
le principal, on pourrait dire l'unique objet de ses chants. Rares sont
les descriptions où il ne décrit que pour décrire ; généralement, la
description sert de cadre à une aventure galante. Ainsi, le ton-
nerre (n° 44), le nuage (n° 59), les étoiles (n° 208) sont rattachés
par le poète à des incidents de sa carrière de séducteur ; la lune lui
sert de guide pour se rendre auprès de son amie (n° 51) ;
le vent porte à celle-ci les vœux de l'amant qui soupire
(n° 69). Il y a toute une faune dans la poésie de Dafvdd ; mais
les animaux, les oiseaux, les poissons même, lui servent de
messagers d'amour (ainsi le chevreuil, n" 16, le cygne, n" 190, le
saumon, n" 75, ■ la truite, n° 206) ; la pie lui donne des conseils
(n° 198), et le rossignol des consolations (n° 114). Il a décrit les
phénomènes naturels avec une richesse, une précision incompa-
rables ; il a donné de la campagne et des bois certaines impressions
qui révèlent un sentiment exquis de la nature (n° 87, n° 11 6,
n° 258, etc.). Mais c'est l'amour qui les occasionne ; les buissons
de bouleaux, les futaies de chênes sont les retraites silencieuses au
fond desquelles il entraîne sa Morfudd ou sa Dyddgu.
Parmi les noms de femme qui émaillent sa poésie, ceux-ci sont
de beaucoup les plus fréquents. Morfudd notamment est restée dans
2 1 6 BIhJioo raphie .
la tradition comme le symbole des amours de Dafydd. C'est à elle
qu'il consacre le plus grand nombre de ses chants. A son propos
une question se pose, que M. Ifor Williams (p. xxvj et suiv.) a
résolue contrairement à L. Chr. Stem. Qui étaient ces femmes,
Morfudd ou Dyddgu ? M. Ifor Williams ne croit pas qu'on doive
chercher sous ces noms des personnes déterminées. Ce ne sont à
ses yeux que de vagues noms génériques. Morfudd est blonde et
Dyddgu brune : pour célébrer l'ébène ou l'or de la chevelure de
chacune, le poète emprunte à la nature entière les épithètes et les
comparaisons les plus variées. Mais on ne devrait voir en elles que
des types, s'appliquant en général à toutes les blondes ou les brunes.
Il est en effet malaisé de se reconnaître au milieu des détails
contradictoires que le poète nous donne sur ses héroïnes. Mais
ce serait faire tort à lui et à elles que de les considérer comme de
purs produits de son imagination, comme des inventions de sa
fantaisie. Ce qui gêne notamment pour fixer les traits de Morfudd,
ce n'est pas qu'elle- manque de personnalité, c'est qu'elle en a
trop. Les renseignements biographiques qu'on relève à son sujet
dans les poèmes de Dafydd ne concordent pas. Était-elle du nord
ou du sud (p. xxix) ? Habitait-elle en Cardigan, en Carmarthen ou
en Angleseyj(p. xxviij) ? Etait-elle mariée ou non à ce Bwa Bach,
à cet Eiddig, le jaloux vieux et contrefait ? Le roman qu'Owen
Pughe a bâti sur la vie de cette femme d'après Dafydd lui-même
manque de vraisemblance et de précision (v. p. xxv). Il est pos-
sible que le poète ait successivement donné le nom de Morfudd à
plusieurs femmes blondes qu'il courtisait. Tout en reconnaissant ce
qu'il peut y avoir de juste dans cette hypothèse, il convient de
tenir compte aussi de l'état lamentable de la tradition manuscrite,
qui ne permet pas de décider ce qui appartient à Dafydd ou à ses
contemporains, sans parler des poètes postérieurs qui l'ont imité
ou démarqué.
Une chose est certaine, c'est que la poésie de Dafydd est beau-
coup plus savante et livresque qu'on ne le croirait d'abord. Son
inspiration paraît d'une fraîcheur, d'une spontanéité toute per-
sonnelle. En réalité, il doit beaucoup à la poésie provençale, et
pas seulement dans la forme du vers ou dans l'expression ; il lui a
emprunté autsi plus d'un motif. Une des meilleures parties de
l'Introduction de M, Ifor Williams est celle où il dénonce cette
influence, avec exemples à l'appui (p. xxxviij et suiv.). Il y eut
vraiment au xiv siècle un modèle de poésie galante, établi dans
les cours du Midi de la France et qui se répandit dans tout le
monde occidental. Dafydd appartient à la'même école que les trou-
Bibliographie. 217
badours et les minnesinger. Mais il se distingue entre tous par une
verve intarissable, une facilité incroyable à enchâsser les mots et à
dresser les rimes, une abondance d'images qui se poursuivent, se
croisent, se mélangent, se succèdent, bondissantes et alertes,
comme un troupeau de gazelles. C'est une fantaisie poétique qui
tient du prodige. Dafydd est un virtuose autant, et même plus, que
le sont chez nous Banville ou Gautier. Son fameux poème sur
la neige (n° 205) est une symphonie en blanc majeur d'un éclat
éblouissant ; ses pièces sur l'été (n° 201), sur le mois de mai
(n° 144), sur le feuillage (n° 83) sont de véritables acrobaties de
rime, des tours de force funambulesques.
La rançon de cette virtuosité, c'est qu'elle donne souvent l'im-
pression de n'être pas sincère. Q.uand l'art s'enferme ainsi en des
jeux déformes, le sentiment y est étouffé. Certains regrettent qu'en
pleurant sa fille le poète des Contemplations paraisse trop préoc-
cupé d'assurer la richesse de ses rimes ; ce père était un homme
de lettres ! De même quand Dafydd s'adresse à ses maîtresses, il
mêle à ses transports amoureux trop de littérature. Au moment de
parler des femmes on dirait qu'il a suivi par avance le conseil de
Diderot, trempant sa plume dans l'arc-en-ciel et secouant sur ses
lignes la poussière des ailes du papillon. Ce n'est pas ainsi que
Musset a écrit le Souvenir ou les Nuits. La vraie poésie, qui part
du cœur, touche par sa simplicité. Dafydd a une fécondité d'imagi-
nation qui le dessert, car elle fatigue le lecteur à la longue. On se
lasse de ces litanies amoureuses, entremêlées de gaillardises, de
ces jeux d'esprit galant où une sensualité assez vulgaire se cache
sous un fîot de mots sonores. On incline à douter qu'il y ait chez
lui plus de véritable amour que de patriotisme. Si l'on écarte son
attirail poétique, si richement orné, le fond apparaît pauvre et sec.
Il est bien difficile de relever la banalité de la poésie erotique, de
réchauffer un genre naturellement froid. (Quelques plaisanteries un
peu grosses contre les moines, quelques invectives contre les maris
jaloux, ne réussissent pas à la rendre plus attrayante.
Les défauts signalés ici sont ceux qui rendent en général la poé-
sie du moyen âge si rapidement fastidieuse. Nous avons eu
chez nous au xv^ siècle des poètes remarquablement doués, à
commencer par le délicieux Charles d'Orléans, si coulant, si har-
monieux, si bon arrangeur de mots, dont le style, mérite plus
rare, est déjà plein d'esprit et de goût. N'est-il pas étonnant que
ni l'assassinat de son père, ni la mort de sa mère, ni la perte de sa
jeune épouse, ni le désastre d'Azincourt, ni sa longue captivité,
ni le spectacle des malheurs de la France ne lui ait jamais arraché
2i8 Bibliographie.
un cri de douleur sincère ou ne l'ait fait réfléchir sur le monde et sur
la vie ? Pour lui, comme pour Dai'ydd, la poésie n'était pas l'ex-
pression des émotions du cœur ou des méditations de la pensée ;
c'était un amusement de l'imagination, où la convention tenait
lieu d'inspiration. On ne demande pas à un joaillier d'épancher sa
sensibilité, ni à un ébéniste d'exprimer sa conception du monde ;
on ne s'inquiète même pas s'il en a une. Nos poètes du moven
âge ne s'élevaient pas au-dessus des artisans. François Villon fait
exception ; aussi doit-on le considérer comme le premier des
modernes.
Le métier de l'artisan a ses avantages : il n'y a pas d'ébéniste
mélancolique. La gaieté est une qualité qu'on ne peut refuser à
Dafydd ; sa poésie déborde de joie de vivre; elle exprime l'amour
de la vie sous toutes ses formes. On y sent un homme pour qui le
monde extérieur existe et qui en jouit. Les gens de cette espèce ont
la santé du corps et la gaieté, qui est la santé de l'âme. L'an-
goisse est réservée à ceux qui scrutent les abîmes de la vie inté-
rieure. Il est tout de même frappant de constater combien celui
qui passe pour le plus grand poète gallois est vide de pensée
sérieuse. Alors que le génie gallois est aujourd'hui attiré de préfé-
rence par les hautes et vastes spéculations de la métaphysique et
de la religion, Dafydd ab Gwilym nous offre un horizon intellec-
tuel des plus bornés et une morale singulièrement terre à terre.
Est-ce la faute de son temps ou la sienne ? Le fait est qu'il lui a
manqué le goût des idées générales, le souci des grands problèmes
du monde, en un mot la philosophie, qui seule peut mériter à un
poète, si bien doué qu'il soit, le nom de grand.
J. Ven'dryes.
LX
F. Vallée. Vocabulaire français-breton de Le Gonidec, nouvelle édi-
tion mise à jour et considérablement augmentée. Saint-Brieuc,
Prud'homme, 1919, xx-598 p.
Sous ce titre modeste, c'est un livre entièrement neuf et original
que M. Vallée vient de faire paraître. Dans la préûice, p. i, il
caractérise ainsi son œuvre :
« Dans celte réédition, nous nous sommes proposé, tout en
conservant autant que possible le fond classique du Vocabulaire de
Bibliographie. 219
Le Gonidec, d'en améliorer la forme, de façon à lui donner plus
de portée, et à le rendre plus pratique surtout pour les commen-
çants.
« Dans ce but, les principaux sens du mot français ont été
mieux distingués, et les mots bretons correspondant à ces divers
sens ont été séparés, tout au moins par un point et virgule. Cette
disposition, qui manquait à la première édition, aidera le lecteur
dans le difficile travail du choix des mots.
« On a ajouté des pluriels irréguliers ou complexes (pluriels
déterminés, indéterminés, etc.), des participes de verbes dont le
radical est altéré à l'infinitif, enfin, entre parenthèses à la suite de
certains verbes, les prépositions que l'on devra employer après ces
verbes. En breton, comme en anglais, l'emploi des prépositions a
une très grande importance.
« La première édition ne donnait guère que les mots princi-
paux, en laissant au lecteur le soin de former les dérivés. On a
donné dans cette réédition un certain nombre de dérivés en les
groupant par paragraphes, autant que possible. » .
Le livre tient les promesses de la préface, souvent même plus,
et c'est le plus bel éloge que l'on en puisse faire. Le Vocabulaire lui-
même est précédé d'une douzaine de pages de notions sur la déri-
vation et l'emploi des suffixes. Ces pages sont appelées à rendre
les plus grands services aux écrivains bretonnants qui ont perdu,
sous l'influence du français, le sens du génie de la langue et sont
trop enclins, en général, à en employer les suffixes au hasard et
souvent à tort et à travers. On peut regretter que M. Vallée n'ait
pas jugé à propos de traiter avec autant de détail la question des
préfixes. Il ne leur consacre qu'une seule page (xiv). A côté de
ad-, ai-, di-, dis-, peur-, hen-, dont il parle, il aurait été bon de
dire quelques mots sur ar-, am-, gcir-, gou-, goiir- qui entrent dans
la composition d'un grand nombre de termes. En ce qui concerne
di-, il aurait été essentiel de distinguer entre di-, gallois di-, et
di- pour de-, gall. dy-, v. br. do-, la valeur de ces deux préfixes
étant totalement différente et leur confusion dans la langue moderne
extrêmement regrettable. Elle n'est d'ailleurs pas entièrement
complète puisque de- s'est maintenu dans certains mots, surtout en
vannetais.
Le Vocabulaire renferme un certain nombre de néologismes. De
tout temps les lexicographes bretons ont cédé au besoin d'en for-
ger, afin de pouvoir placer en regard de chaque mot français un
mot breton correspondant. Sur la parfaite légimité de ce procédé,
on pourra lire les très justes remarques de M. Ernault, Gloss. Moy.-
220 Biblii^^rapbie.
Brti., II, p. \i. M. Vallée n'y a jamais été hostile ». Mais ce qui
distingue ses néologismes de ceux de ses prédécesseurs, c'est que
la plupart des siens ont déjà été employés maintes et maintes fois,
dans des brochures ou dans des articles de Kroai ar Vretoned ^.
Quelques-uns même, tel nijerei^ « aéroplane », sont en train (et à
bon droit) de devenir populaires, tout au moins dans le coin de
Tregor où ce journal compte le plus de lecteurs. Les néologismes
de M. Vallée et ceux de ses prédécesseurs qu'il a cru devoir ad-
mettre, après mûr examen, dans son Vocabulaire, se recommandent
en général par l'excellence de leur frappe. On ne peut que souhai-
ter de voir leur emploi se généraliser, et cela pour le bien même
de la langue bretonne qui a tout intérêt à mettre en valeur ses
propres richesses et à tirer parti de ses ressources plutôt que de
recourir au procédé brutal et banal de l'emprunt à jet continu au
français 5.
A côté des néologismes, M. \' allée a fait place à quelques mots
anciens conservés dans les textes du moyen-breton ou dans les
noms de lieu actuels. Je citerai parmi ces derniers goariva
« théâtre » et lcdene\ « péninsule » (v. Rev. cclt., XII, p. 281,
390). Dans certains cas, un mot d'indication sur l'emploi de ces
termes n'aurait peut-être pas été inutile, étant donné le public
auquel s'adresse le Vocabulaire. A « temple » on trouve ili\,
templ, neved ; ce dernier n'existe plus que comme nom de lieu
(Loth, Chrest. hret., p. 222): son emploi en breton littéraire ne
parait justifié que dans quelques cas bien spéciaux, par exemple
dans une étude traitant des lieux du culte chez les anciens Celtes.
Le nemeium celtique étant, non un édifice, mais un bois, sa forme
néo-celtique ne peut guère s'appliquer à une construction en
pierre comme le temple de Salomon, le temple gréco-latin ou
encore le temple protestant moderne 4. Mais un Bretonnanl sorti
1. Dans une lettre à un ami, datée du ]0 a vi^ Hère i^oi, il écrivait :
« Mat eo klask geriou nevez. Gwelloc'h e vije koulskoude ober eun dastum
eus an holl c'heriou anavezet gant ar re goz hag a deu da veza ankouaet. »
2. Dès 1901, il caractérisait ainsi sa méthode : « Evit pinvidikaat ar yez,
ar gwella d'ober e vije koms ha skriva anezan evel ma reomp aman. Dre
ma teu ezom eus eur ger nevez bennag, e klasker hag e kaver anezan. »
(Lettre du 9 a vi:( Hère ipoi.)
3. On ne saurait trop recommander aux Bretonnants la lecture du cha-
pitre que M. A. Meillet a consacré aux Langues littéraires dans son Aperçu
d'une histoire de la langue grecque (Paris, 1913), notamment les pages 133-
4 où il traite du vocabulaire et de la création des néologismes.
4. Il est possible que, postérieurement à la conquête romaine, en cel-
Bibliographie. 221
de l'école primaire est parfaitement incapable de faire de telles
distinctions, si simples qu'elles puissent paraître. Ou bien il rejet-
tera brutalement le mot parce qu'il ne le connaît pas, parce qu'il
est étranger au dialecte de sa paroisse ou de son canton et que,
par suite, il le juge mauvais. Ou bien il l'adoptera aveuglément
et s'en servira de même.
Archaïsmes et néoiogismes mis à part, le vocabulaire réuni par
M. Vallée est extrêmement riche. Tous les dialectes et sous-dia-
lectes y ont fourni ce qu'ils ont de meilleur et l'ensemble forme
probablement l'image la plus tidèle que nous ayons de cette
langue néo-celtique que la vague française sape depuis des siècles
sans pouvoir la détruire. J'ai l'impression que cette richesse pour-
rait être encore accrue et qu'il subsiste çà et là quelques lacunes
que ne comble pas parfaitement le supplément de vingt-six pages
qui termine le volume. Mais, somme toute, il n'en reste pas
moins vrai que ce remaniement du Vocabulaire Jraiiçais-bretoii de
Le Gonidec constitue le répertoire de mots bretons le plus riche,
le plus pratique et le mieux compris qui ait été publié jusqu'ici.
Tous les Bretonnants remercieront M. François \'allée d'avoir su
trouver le temps et la force nécessaire à l'exécution de ce travail.
Éprouvé cruellement par la guerre, privé par elle de ses deux col-
laborateurs,. Yves Le Moal et Bocher, M. Vallée est resté depuis
1914 absolument seul pour rédiger, diriger et soutenir, malgré sa
santé chancelante, la dureté des temps et les difficultés sans cesse
croissantes de la vie, son journal AVoa- ar Vreloncd, le seul hebdo-
madaire entièrement en breton qui paraisse dans la péninsule. Les
circonstances pénibles au milieu desquelles il a préparé ' et mené à
bien cette deuxième édition du Vocabulaire de Le Gonidec en
doubleront le prix aux yeux des Bretonnants et augmenteront
encore la reconnaissance qu'ils doivent à l'auteur.
Voici maintenant quelques observations de détail :
P. 22, amuser. Ajouter: kaout fent gant. « 11 m'amuse », fetit
am eus ganian.
P. 49, baleinière, hag-valumere\. P. 574 (additions), Z'flo'-z'fl/wma.
On attendrait plutôt balumeiere':^ (t^^-)' bahinicia, sur les modèles
tique continental et dans l'île de Bretagne, le mot nemetum ait fini par dési-
gner un édifice religieux de pierre et de briques, mais il n'y a pas de preuve
certaine de ce fait, tout au plus peut-être un indice, pour le gaulois, dans
le nom de lieu Au^ustonemetum .
I. Sous la direction et avec la collaboration de M. Ernault, Préjace,
p. XIX. Supplément, p, 571, n. I.
Revue Celtique, XXXFIII. i y
222 Bibliooraphie.
courants peskcten'\, peskcta, evneta, lalhiiseta, kiidoneta, goxeia,
mercheta, « pcche, pécher, chasser les oiseaux, les ramiers, les
taupes, les filles ». Baluma évoque l'idée de « faire la baleine »
(cf. p. 575, evna « faire l'oiseau », p. 594 halafeuna « papillon-
ner »), ou encore celle de « rechercher le mâle » en parlant de la
femelle (cf. marc'ha, tartni, totirc'ha « demander le mâle » en par-
lant de la jument, de la vache, de la truie).
P. 50, banque, H-bank, arc''baut-ti, pi. //t'y- ou iïer-haiik, archaiil-
tioii. Il serait essentiel de dift'érencier d'une façon quelconque dans
récriture les mots composés sur le type ancien morvran des mots
composés sur le type moderne lacr-iuor. La seule chose à faire est
de réserver l'usage du trait d'union exclusivement pour les seconds
et d'écrire les premiers en un seul mot. C'est ce qu'a fait La Vil-
lemarqué dans son édition du Dictionnaire Breton-Français de Le
Gonidec où il écrit bravement et en un seul mot, à l'exemple du
gallois, archanti « maison de banque », giuerxdi « factorerie »,
soudarti « caserne ». Son exemple est à suivre sur ce point. De
même, p. 200, à « ellipsoïde », il faudrait écrire hirgek'benvel en
un seul mot, comme gwifhenvel « vraisemblable » qui lui a servi
de modèle'. La même graphie appliquée à deux systèmes radica-
lement différents de composition n'est bonne qu'à tout embrouiller
et elle aboutit à dérouter, non pas seulement les débutants, mais
ceux qui sont rompus à la pratique de la langue. C'est ainsi que,
p. 477, au mot « sacrifice », devant des nèologismes tels que kin-
nig-lid, lid-kinnig. lid-la\, on hésite et on se demande à quel genre
décomposition on a affaire. Des deux termes qui les forment, quel
est le déterminant, quel est le déterminé?
P. S7, bicyclette (manque) : marc'h-houarn.
P. 81, cap. Abcg-donar, on aurait pu ajouter ^ew//> qui est con-
servé dans les noms de lieux (^Mélanges d\4rbois, p. 227).
P. 212, entraîner, entraînement, au sens sportif (manquent). Le
moyen-breton oïïre gourdon {Gloss., I, p. 284) dont la langue litté-
raire commune pourrait tirer le verbe gourdona et le subs. gour-
douer e\.
P. 232, 241, 560, face, figure, visage, drenim, min, beg. On
aurait pu ajouter, semble-t-il, le moyen-breton cncb qui vit toujours
dans le verbe dérivé enebi « faire face, résister ». Ce n'est pas trop
de quatre termes pour concurrencer en breton usuel les emprunts
I. Gvjirhenvel est calqué sur le français, mais le vieil-armoricain avait
des adjectifs formés de la même façon, témoin le nom propre d'homme
Leuheiiiel « semblable à un lion » (Loth, Chrest. bret., p. 144).
Bibliographie. 223
français/fl5 et bi\ach, d'autant plus qu'aucun des trois tenues cités
n'est bien satisfaisant. Le meilleur des trois, drcDini, est équivoque
{heia dreiiim en e lagad, he\a dremiiict, gwall-'yi-einmet « avoir la vue
perçante, le regard vif et fier, mauvais », dremmcl « regarder fiè-
rement et avec vivacité », Rev. celt., XXVII. p. 222).
P. 251, fragile. Ajouter: hedorr (Landerneàu).
P. 316, jainbe. Ajouter : diouharet-uhel « haut sur jambes ».
P. 3)6, monter. Ajouter: « bien monté », marchel-mal.
P. 362, nager. Le bas-vannetais ';/ im angellal était à citer, car
il conserve un mot intéressant aiigcll « nageoire, aile, aileron,
bras » (^Mélanges d'Àrbois, p. 199).
René Le Roux.
CHRONiaUE
Sommaire. — I. M. Georges Dottin correspondant et lauréat de l'Institut.
— II. M. R. I. Best docteur es lettres de l'Université d'Irlande. — III.
Nomination de M. T. Parry Williams à l'University Collège d'Aberyst-
wyth. — IV. Mort du Professeur Chakhmatov. — V. Nouveaux enri-
chissements de la National Library of Wales. — VI. Projet d'un diction-
naire gallois par M. Bodvan Anwyl. — VII. M. A. M. Freeman et les
chansons populaires irlandaises. — VIII. M. Edward D. Snyder et le
« Wild Irish ». — IX. Les langues parlées dans lllrlande du moyen âge,
d'après M. E. Curtis. — X. Poèmes en irlandais moderne publiés par
M. Bcrgin. — XI. M. Gourvil et l'enseignement bilingue en Bretagne.
— XII. MM. J. Pokorny et C. Marstrander sur « l'année de neuf mois
en cehique ».
I
Le 19 décembre 19 19, l'Académie des Inscriptions et Belles-
Lettres a élu correspondant national notre collaborateur et ami
Georges Dottin, doyen de la Faculté des Lettres de Rennes. Cet
honneur, si bien justifié par les nombreuses publications de
M. Dottin sur le domaine celtique, avait été jadis décerné à son
prédécesseur au décanat, M. J. Loth ; grâce à eux, les études de
philologie et de linguistique celtique conservent à l'Institut la situa-
tion que leur avait acquise d'Arbois de Jubainville.
Le 28 avril 1920, la même Académie a décerné à M. G. Dottin
au concours des antiquités nationales une deuxième médaille pour
son livre sur la Langue gauloise, dont nous rendons compte plus
haut (p. 179).
II
Le 15 juillet 1920, la National University ôf Ireland a conféré
le grade de docteur es lettres honoris causa à notre ami M. R. Ir-
vine Best, le savant conservateur de la National Library à Dublin,
Chronique. 225
et l'auteur de la précieuse Bibliography of Irish Literature, qui
rend chaque jour de si grands services à tous les érudits.
III
Comme nous l'avions annoncé à la page 399 du tome XXXVII,
le sénat de l'Université de Galles a procédé au mois de juin dernier
à la nomination d'un professeur de langue galloise à l'University
Collège d'Aberystwyth. C'est M. T. Parry Williams qui a été choisi
et nommé. Toutefois, pour reconnaître les services éminents qu'a
rendus à l'Université pendant tant d'années M. Timothy Lewis,
on a décidé de conservera celui-ci un enseignement de philologie
celtique. Ainsi l'University Collège d'Aberystwyth, pourvu désor-
mais d'un triple enseignement du celtique, est en passe de deve-
nir un centre important pour nos études ; les ressources qu'offre
en outre aux travailleurs l'admirable National Library of Wales
doivent les y attirer davantage encore.
M.. T. Parry Williams, le nouveau professeur de langue galloise,
est né le 21 septembre 1887 à Rhyd-ddu (Carnarvonshire), où son
père était maître d'école. Il fit ses études à la County School de
Portmadoc de 1899 à 1905 et quitta cette école pour l'University
Collège d'Aberystwyth, où il fut pendant quatre ans l'élève de sir
Edward Anwyl ; il obtint en 1908 le grade de B. A. ; puis il passa
deux années à Jésus Collège d'Oxford, sous le principal sir John
Rhys. Une fois en possession des grades de M. A. (XVales) et de
B. Litt. (Oxon.), il partit en novembre 191 1 pour l'Université de
Fribourg-en-Brisgau, où il resta jusqu'au printemps de 191 3. C'est
là qu'il prépara, sous la direction de M. Thurneysen, sa thèse de
doctorat Some points of similarity in the Phonology of Welsh and Bre-
ton, dont la première partie a paru dans la Revue Celtique (t. XXXV,
40 et 317) et qui tut éditée à la librairie Champion en 191 3. C'est
le seul ouvrage qu'il ait publié ; mais il s'est fait connaître dans
son pays comme poète et a obtenu des succès aux concours de
poésie des eisteddfodau. Ayant opposé à la conscription des « objec-
tions de conscience », il resta pendant la guerre à Aberystwyth où
il partagea l'enseignement du gallois avec M. T. Gwynn Jones,
comme nous l'avons déjà mentionné.
IV
Des dépêches de provenance russe communiquées par Helsing-
22é Chronique.
fors et par Stockholm ont annoncé vers la fin du mois d'août 1920
qu'à Petrograd « le professeur Chakhmatov, membre de l'Acadé-
mie, était mort de misère et de faim ». Cette nouvelle dans
sa brutale simplicité, a de quoi faire frémir. Chakhmatov était
un des grands noms de la linguistique russe; il avait publié d'im-
portants travaux qui ne touchent en rien aux études celtiques ;
mais notre Revue avait eu l'occasion de signaler de lui deux articles
où il étudiait les rapports des Celtes et des anciennes populations
de la Baltique (v. Rev. Celt., XXXII, 504 et XXXIII, 391).
Nous devons un souvenir ému à cette malheureuse victime du
régime bolchevique.
V
La National Library of Wales, qui a, comme on sait, son palais
à Aberystwyth, vient d'être gratifiée d'une double libéralité.
M. Henry G. Lewis, high sherifi' of Glamorgan, lui a ofîert, en
son nom et au nom de sa femme, la bibliothèque du regretté Quig-
gin, après l'avoir acquise pour la somme de i.ooo livres. Sans
l'empressement et la générosité de M. Lewis, il est probable que
cette bibliothèque aurait passé aux. Etats-Unis. Elle comprend des
ouvrages qui se rapportent à toutes les parties de la philologie
celtique et à tous les dialectes, irlandais, gaélique d'Ecosse, maux,
gallois, comique, breton. Suivant les intentions du donataire, les
ouvrages que la National Library se trouvera posséder déjà seront
donnés à la bibliothèque de l'University Collège de Cardiff, et, au
cas où cette dernière les posséderait également, à la bibliothèque
de Swansea.
Une autre collection de livres, dont s'enrichit la National Library,
est celle du Révérend Henry Hey Knight, de son vivant Rector de
la paroisse de Neath, décédé en 1856. Henry Hey Knight s'inté-
ressait à l'histoire et aux antiquités du Glamorganshire et il a laissé
en mourant une bibliothèque de 3.000 volumes, particulièrement
riche en ouvrages sur la région. Cette bibliothèque, conservée jus-
qu'ici à Nottage Court, Porth Cawl, par les deux filles du défunt,
est devenue la propriété d'un de ses petits-neveux, M. George
Blundell, qui vient d'en faire don à la National Library of Wales.
L'intérêt zélé que portent les Gallois à leur Bibliothèque natio-
nale a déjà été souvent signalé ; petits et grands tiennent à hon-
neur de continuer à l'embellir et à l'enrichir. C'est un exemple de
patriotisme que l'on pourrait souhaiter de voir suivre en de plus
grands pays.
Chroriicjue. 227
vr
Le besoin d'un dictionnaire complet de la langue galloise étant
un des plus graves dont souffrent les celtistes, ceux-ci apprendront
avec plaisir que le Board cf Celtic Studies s'occupe actuellement
d'y pourvoir. Le président de ce Board, qui est l'actif Principal de
rUniversity Collège d'Aberystwyth, M. J. H. Davies, a récemment
annoncé le projet d'un vaste IVelsh-Englisb Dictionary. On n'en est
encore qu'au travail préparatoire. Un organising secretary a été
désigné, qui aura pour tâche de constituer une équipe de travail-
leurs, de leur distribuer la besogne de lecture des textes et de cen-
traliser les résultats de leurs dépouillements. L'organising secre-
tary qui a été choisi est le Rev. Bodvan Anwyl, frère du regretté
sir Edward, et auteur lui-même d'une réédition fort appréciée du
Spurrell's Welsh Dictionary. C'est un choix excellent. Le Rev.
Bodvan Anwyl se propose, nous dit-on, d'enregistrer tous les mots
de la langue galloise aussi bien ancienne que moderne, et tous les
sens de chaque mot avec des exemples à l'appui. Il ne s'occupera
pas, au début du moins, de l'étymologie ; son but est d'établir les
faits avant de chercher à les expliquer. C'est le plus sage parti ;
peut-être même fera-t-il bien de renoncer définitivement à intro-
duire dans son œuvre des données étymologiques, sauf pour les
mots composés ou dérivés de mots existant déjà dans la langue.
L'étymologie celtique est une science qui se fait peu à peu chaque
jour, mais qui demandera encore bien des recherches et du temps
avant d'être achevée. En joignant à la lexicographie proprement
dite l'étymologie, on risque d'affaiblir la première sans profit pour
la seconde. Une fois les mots identifiés, datés, classés par le lexi-
cographe, l'étymologiste est en mesure de travailler utilement à en
découvrir la parenté et l'origine. Mais il ne faut pas confondre les
deux tâches.
VII
M. A. M. Freeman continue la publication du recueil des chan-
sons populaires irlandaises dont nous avons annoncé ci-dessus
(p. 77) la première partie. x\ux trente-quatre chansops déjà publiées,
il en ajoute vingt nouvelles qui forment le n° 24 du Journal of ihc
Folk-Song Society (vol. VI, part I\') ;• une dernière série, qui reste
encore à publier, terminera le recueil. Les nouvelles chansons pro-
viennent de la même région du comté de Cork que les précé-
2 28 Chronique.
dentés, et notamment de Derrynasaggart, près Ballyvourney. Elles
ne sont pas moins intéressantes, et les notes jointes au texte par
M. Freeman, Miss Lucy E. Broadwood, Miss A. G. Gilchrist,
M. Frank Kidson et M. R. Flower fournissent un commentaire des
plus utiles. On notera dans le recueil (p. 244) une variante, ou
plutôt une déformation du célèbre air hô na leath adhairce (« la
vache à une seule corne »), si répandu en Munster; l'expression
énigmatique qui lui sert de titre désignerait l'alambic d'un bouil-
leur de cru : cette interprétation rend compréhensibles plusieurs
détails du texte de la chanson. M. A. M. Freeman aura rendu à
l'étude des chansons irlandaises un service dont tous les amateurs
de musique populaire lui devront être reconnaissants.
VIII
Chacun des groupes sociaux qui constituent l'humanité se défi-
nit surtout par opposition aux groupes qui l'entourent. On dirait
que chacun prend à tâche d'exagérer les caractères qui lui sont
propres pour mieux se distinguer des autres. II en est apparem-
ment ainsi depuis que les hommes vivent en société. De là naissent
entre nations les préjugés qui engendrent les rivalités et les guerres;
car l'opposition est d'autant plus forte qu'elle s'appuie sur des dif-
férences de race, de langue, de religion, d'organisation politique
ou sociale.
Le portrait que trace un peuple de ses voisins est rarement flat-
teur. Les qualités en sont généralement exclues ou tournées en
préjudices; les défauts, en revanche, vrais ou supposés, y appa-
raissent grossis par la malignité ou l'envie. Cela fait une carica-
ture que la tradition conserve et enrichit de traits nouveaux. On
peut avoir plaisir à la regarder, pour peu que ceux qui la dessinent
aient naturellement de verve et d'esprit. Même la psychologie des
peuples y peut trouver à prendre. Car le bon sens populaire saisit
d'ordinaire assez bien ce qu'il y a de défectueux dans le caractère
d'autrui ; et si l'on tient compte de l'intention satirique qui porte
à souligner les laideurs et à faire ressortir les vilains côtés, la façon
dont les traits sont rendus est instructive. La réalité se reconnaît
même dans un miroir qui la déforme.
On ne peut guère imaginer une opposition plus frappante
qu'entre l'Anglais et l'Irlandais. Dès le moyen âge, elle éclate
comme celle de deux tempéraments ethniques différents, s'expri-
mant dans des langues différentes et se reflétant dans des orsîanisa-
Chronique. 229
tions sociales de type différent; depuis la Réforme, la religion a
introduit entre eux une différence nouvelle. Les Irlandais sont
généralement sévères pour les Anglais ; ils ont sans doute de bonnes
raisons pour cela. Pourtant l'on ne trouverait pas dans la littéra-
ture irlandaise un parti pris d'hostilité à l'Angleterre comme il y
en a contre l'Irlande dans la littérature anglaise. Les Anglais n'ont
jamais compris leurs voisins ; ils les ont par suite toujours mal
jugés, s'irritant d'une conduite qui les déconcertait, qui les dérou-
tait, qui heurtait la conception arrêtée qu'ils ont du monde et de
la vie. Un érudit américain, M. Edward D. Snyder, a pris la peine
de réunir ce que les Anglais ont dit des Irlandais ; sous le titre
« The Wild Irish », il expose dans le numéro d'avril 1920 de
Modem PJnlologx (t. XVII, p. 687-725) le résultat de ses recherches.
C'est dans la littérature qu'il a puisé ses informations et il a réparti
sa matière en trois groupes, suivant qu'elle provenait des écrivains
en prose, des auteurs dramatiques ou des poètes. Il a voulu, dit-
il, faire de son étude une contribution à l'histoire des relations lit-
téraires des deux peuples. Ce point de vue littéraire est trop exté-
rieur : il ne permettait pas à lauteur d'embrasser l'ensemble de la
question, ni surtout d'en pénétrer les origines. Néanmoins la riche
collection de faits qu'il a réunie, et qu'il ne donne pas comme
complète, présente un vif intérêt.
Ce n'est pas d'aujourd'hui que l'expression de « wild Irish » est
en usage. Le plus ancien exemple qu'en signale M. Snvder est
emprunté à un poème, intitulé Richard the Rediles, dont Skeat fixe
la date à septembre 1399 ; on y lit : pe zvilde Yrisshe. Depuis lors,
l'expression se rencontre fréquemment : elle est dans The Lihel of
Etiglish Policy, de 1436 (ivylde Iryshe; Rolls séries, 1859, II, 185-
188), dans Ylntroduction of Knoiuledge d'Andrew Boorde, de 1542,
dans le titre d'un pamphlet de John Good, A Description of the
Manners and Customs of the Wild Irish, écrit en 1566. On la
retrouve dans la Description of Ireland de Richard Stanihurst, dans
Vltinerary de Fynes Morison, publié à Londres en 161 7, et dans
bien d'autres ouvrages.
Les principaux traits satiriques dont les Anglais se plaisent à
dessiner la figure des Irlandais sont déjà indiqués par Giraud de
Cambrie ; les œuvres de cet historien étaient, comme on sait,
autant destinées à la glorification des Anglo-Normands qu'au déni-
grement des Celtes, de ceux de Galles comme de ceux d'Irlande.
Avant lui déjà, William of Malmesbury avait assez maltraité les
Irlandais. Après lui, le mépris de la race irlandaise fut de tradition
chez les historiens anglais. Dans l'Introduction de son Foras Feasa
2 30 Chronîcjue.
ar Èirinn, le brave Keating s'élève avec une indignation émue
contre le parti pris dont ses compatriotes étaient victimes ; il pro-
teste contre les allégations calomnieuses de John Barckly, de Fynes
Morvson. de Campion, de Camden, de Spcnser, de Stanihurst.
C'est surtout d'Edmund Spenser (i 552-1 598), auteur du fameux
dialogue A Firu' of ihe présent state of Irelaiid (imprimé pour la
première fois en 1633) et de Camden, dont la Britaiiuia fut publiée
en 1586, que les modernes ont tiré les jugements les plus sévères
sur rirlande. A quels griefs répondent-ils donc? On reproche
d'abord aux Irlandais la barbarie de leurs mœurs; ce sont, dit-on,
des sauvages hostiles à toute civilisation, incapables de culture. En
outre, on les accuse d'être sans foi, enclins au vol, ivrognes et
superstitieux. Déjà Giraud de Cambric avait noté tous ces défauts
(v. Thomas Wright, The hisiorical Works of Giraïdus Cambrensis,
London, 1881 : Topographia Hihernicu, p. ni, p. 135, p. 141).
D'autres ajoutent la nonchalance, la malpropreté, la tenue débrail-
lée, les moeurs relâchées, dont leurs prêtres catholiques donne-
raient eux-mêmes l'exemple. Ce tableau, si noir qu'il soit, contient
une part de vérité. Beaucoup des défauts qu'il présente ne sont que
des envers de qualités. L'Irlandais passe pour traître et peu sûr
parce qu'il est mobile, iujpressionnable, prompt à se jeter d'un
extrême à l'autre ; on le trouve rebelle au progrès parce qu'il est
très attaché à ses traditions et qu'il entoure d'un culte touchant les
êtresset les choses qui lui sont familiers ; il paraît débraillé, négli-
gent, parce qu'il vit content de peu, et brutal, parce que sa sincé-
rité ne connaît pas l'hypocrisie. Son arme principale est l'esprit,
dont il use avec une souplesse, une vivacité, une fantaisie inépui-
sable. Elle l'a fait parfois accuser de méchanceté ' ; pourtant le fond
de son caractère est la bonté, une bonté qui le laisse souvent sans
défense contre la ténacité implacable de ses ennemis. Voilà ce que
M. Snyder devait dire pour compléter et expliquer le portrait du
Wild Irish ^.
Au théâtre anglais, l'Irlandais a fourni un personnage bouffon,
poussé souvent jusqu'à la charge, le « Stage Irishman »; il appa-
1. Entre autres défauts qu'il reproche aux Irlandais, Camden les accuse
d'être « implacably malicious ».
2. Le moindre reproche que les Anglais adressent aux Irlandais est
d'être passionnés pour la controverse. En France, ils ont longtemps passé
pour avoir l'esprit querelleur, chicaneur, batailleur. On disait autrefois chez
nous « ergoteur comme un Hibernois ». Lesage parle des « figures hiber-
noises » avec lesquelles son héros, sortant des mains du plus habile pédant
di'Oviedo, entamait des disputes philosophiques (Gil Blas, chap. I).
ChronUjue. 231
raît déjà dans Ben Johnson (In'sh Masque) et a été souvent repré-
senté. Il a un partenaire non moins bouffon, dans le « Stage Welsh-
man », marqué par Shakespeare de traits ineffaçables : Sir Hugh
Evans des Joyeuses Commères de JFindsorei Glcndower de Henry IF
sont des personnages trop célèbres pour qu'il y ait lieu d'insister
sur les défauts que Shakespeare reproche aux Gallois, sur leur
balourdise stupide, leurs prétentions nobiliaires, leur vantardise
(« I am not in the roll of common men », dit Glendower), leur
superstition, leur goût immodéré pour le fromage. Tous ces traits
ont été reproduits, depuis Shakespeare, dans mainte comédie. Il en
est un, d'ordre phonétique, qui mérite une mention spéciale. Quand
un auteur dramatique veut ridiculiser un Gallois, il lui fait pronon-
cer, surtout à l'init'iale, les occlusives sonores comme des sourdes :
ieal pour deal, prilish pour british, Cad pour God, etc. Il y a Là un fait
de prononciation, que les contemporains de Shakespeare avaient
relevé et que chacun peut observer aujourd'hui encore, dans le cas
surtout de l'occlusive gutturale, en entendant parler un Gallois (cf.
ci-dessus, p. 17).
IX
M. Edmund Curtis, professeur d'histoire à Trinity Collège, a
publié en juin 1919 dans les Studies (xo\. VIII, n° 30, p. 234-267)
un fort intéressant article intitulé The spohen laiiguages of médiéval
Ireland.
A aucun moment de l'histoire, l'irlandais n'a été la seule langue
parlée en Irlande. Quand les Celtes de la branche gaélique arri-
vèrent dans l'île, ils y trouvèrent des populations dont la langue
était sans doute fort dift'érente de la leur et se maintint plus ou
moins longtemps. Sans remonter à l'époque mythique de la lutte
des Fomoré et des Firbolg contre les Tuatha De Danann et à celle
de l'invasion des Milésiens, on peut admettre qu'avant l'ère chré-
tienne il se parlait en Irlande d'autres langues que l'irlandais :
d'abord le picte, puisqu'il y eut dès ce moment des établissements
pietés dans le coin Nord-Est de l'Ulster et peut-être plus bas, le
long de la côte ; ensuite le britonnique, comme le prouvent les
noms des Menapii et des Brigantes, peuples de Grande-Bretagne
que Ptolémée nous montre installés en Irlande, dans la région qui
est actuellement le comté de Wexford. Les échanges pacifiques ou
belliqueux, entre la Grande-Bretagne et l'Irlande ont existé dès la
plus haute antiquité (K. Meyer, Trausact. of the Soc. of Cymmro-
dorion, 1895-1896, p. 54). Des mariages unirent fréquemment les
232 Chronicjut'.
familles princicres des deux pays. Il y eut des Irlandais installés en
Galles, comme le prouvent les inscriptions oghamiques trouvées
dans ce dernier pays, aussi bien que des noms géographiques
comme Lleyn, de LageniÇ]. Rhys, Archneologia Cambreiisis, 1895,
p. 18 etsuiv.; K. Meyer, Sitiber. derkdii.pr. Akad., 191 2, p. 11 54).
Le glossaire de Cormac fournit la preuve d'établissements irlandais
en Grande-Bretagne (Thurneysen, Festschrift Windisch, p. 28).
Mais il V eut aussi des Bretons en Irlande (J. Loth, Revue Celtique,
XMII, 304 et XXMII, 417). Le moins célèbre n'est pas saint
Patrice. Il est vrai qu'il y fut vendu comme esclave et que le rôle
illustre qu'il y joua n'eut rien de spécialement breton. D'autres
Bretons en revanche y laissèrent des traces de leur langue, comme
le nom de lieu Salchoit que cite Cormac dans son Glossaire. Le
même Cormac connaissait nombre de mots bretons, qu'il avait
apparemment appris de gens qui les employaient. C'est par l'inter-
médiaire des Bretons que tant de mots latins ont passé en irlan-
dais ; la langue bretonne leur servit de véhicule et les laissa en
Irlande après qu'elle se fut retirée. Il y a même en irlandais un
nombre imposant d'emprunts britonniques ; ils attestent le contact
des deux langues et supposent que ce contact a dû se prolonger
pendant un certain temps (v. Pedersen, Vgl. Gramm., t. I, p. 22
et suiv.).
Le contact du Scandinave et de l'irlandais a laissé moins de traces
dans le vocabulaire. Nous savons pourtant dans quelles circon-
stances il s'est produit et combien il a duré. Les premières inva-
sions Scandinaves remontent à la fin du viiF siècle. Le royaume
danois de Dublin s'écroula lorsque Brian Boromha eut vaincu
l'armée du roi Sitric à la bataille de Clontarf (1014) ; mais la
population Scandinave resta longtemps importante, fortement
retranchée dans les villes de l'Est et du Sud ; et, quoique dissémi-
née, elle continua sans doute à parler sa langue. Néanmoins, en
dehors des termes de marine, dont le vocabulaire est presque
entièrement d'origine Scandinave (v. notamment les travaux de
MM. Bugge et Falk mentionnés Rev. Celt., XXXIV, 205 et 230),
l'irlandais recèle moins d'éléments Scandinaves que d'éléments
brittoniques. Cela peut tenir à ce que le brittonique représentait,
grâce à l'influence romaine qu'il avait subie fortement, une civilisa-
tion d'un degré supérieur.
En tout cas, lors de l'invasion anglo-normande, il ne semble
pas que les descendants des envahisseurs Scandinaves fussent diffé-
rents pour la langue et les mœurs du milieu irlandais où ils
vivaient ; celui-ci les avait absorbés. Les conquérants ne firent pas
Chronique. 233
de distinctions dans le traitement qu'ils infligèrent aux habitants,
de l'île. Ces conquérants eux-mêmes parlaient des langues variées.
Parmi les Anglo-normands que Strongbow amena en Irlande en
116911 y avait moins d'Anglais et même de Normands que de
Flamands et de Gallois. Dans les Annales des Quatre Maîtres, les
soldats de Strongbow sont appelés Fleniendaigb {« Flamands ») ;
ils venaient en effet du South Pembrokeshire, où Henri I^"" avait
« planté » une colonie de Flamands. La langue flamande ne paraît
pas avoir laissé de traces en Irlande, si ce n'est dans le nom propre
Fleming, qui se rencontre encore aujourd'hui. Des noms propres
comme Walsh ou Lynnot attestent d'autre part l'influence galloise.
Les troupes que les De Burgo employèrent dans la conquête du
Connaught étaient en effet d'origine galloise. On a conservé le
souvenir en Mavo de^ « Welsh tribes of Tirawley » . Les choses
changent peu en Irlande. On y voit aujourd'hui des troupes écos-
saises campées à Phcenix Parle, des Welsh Fusiliers occupant des
villes de l'Ouest, comme Limerick, et un peu partout des « black
and tans », recrutés dans toutes les parties de la Grande-Bretagne.
L'armée d'occupation de sir Xevil Macready rappelle par sa
variété celle des premiers envahisseurs qu'y avait envoyés le roi
Henri IL
A la tête de ces envahisseurs, il y avait surtout des Normands,
qui parlaient franco-normand, c'est-à-dire français. A la cour des
rois d'Angleterre, et cela pendant plus d'un siècle, c'est exclusive-
ment le français que parlait l'aristocratie. Le français resta long-
temps, en Irlande comme en Angleterre, la langue de la loi, de la
chancellerie, de l'administration. Les fameux « Statuts de Kilkenny »,
de 1367, sont rédigés en français. Il fallut que l'anglais luttât
peu à peu contre lui pour l'évincer. En Irlande, on trouve le
français employé dans les actes du Parlement à partir de 13 10, et
jusqu'en 1472, où l'anglais prend sa place. Ces dates donnent une
idée fausse de la période pendant laquelle le français fut le plus
en faveur ; il faut les avancer pour avoir une vue exacte des choses.
Avant 13 10 on parlait français en Irlande ; l'importance qu'y
avait prise le français explique qu'il ait remplacé le latin ; c'est la
marque de son déclin profond qu'on se soit décidé dans les actes
à le remplacer par l'anglais. Au cours des deux siècles qui sui-
virent la conquête, il y a des preuves de l'usage du français comme
langue du commerce et de l'administration urbaine aussi bien que
de la société polie et cultivée. Les « Statutes and ordinances » des
villes de Dublin, de Waterford, de Limerick, de Gahvay sont en
français et en latin jusqu'à l'année 1365 où le français cède la place
2 54 Ch rouit] lie.
■A l'anglais. Pendant ce temps le peuple naturellement continuait
à parler irlandais. La vie des cités était donc très polyglotte.
M. Curtis donne de ce fait des preuves typiques et amusantes.
Il cite notamment le cas d'un évoque d'Ossory, Richard Ledrede
(15 18-1360), qui se posa en réformateur des moeurs du clergé. Il
trouvait que celui-ci sacrifiait trop aux habitudes mondaines de
la petite ville, jusqu'à introduire à l'église ce que le prélat appelle
« cantilenae teatrales, turpes et seculares ». En vue de combattre
la pernicieuse influence du « siècle », il composa lui-même
soixante hymnes en latin ; mais, pour mieu.\ assurer le succès de
son entreprise, il mit les paroles qu'il composa sur des airs emprun-
tés aux chansons qu'il condamnait. Nous connaissons par lui-même,
les premiers vers de ces chansons. Il y en a d'anglaises, mais aussi
de françaises. Cela prouve que nos refrains de café-concert, toujours
également ineptes, ont toujours eu à l'étranger le même succès.
Cela prouve aussi que dans la petite ville d'Ossory le français et
l'anglais se maintenaient tous deux côte à côte en usage. Parmi
l'aristocratie, l'usage du français fut plus durable. Gerald, 4^ comte
de Desmond (1359-1398), écrivit des vers français, que conserve
le Book of Ross. La bibliothèque des Fitzgerald de Kildare, quand
Lord Grey prit le château de Maynooth en 153 1, contenait
112 volumes, dont 36 en français, 34 en latin, 22 en anglais et
20 en irlandais (v. Standish O'Grady, Catalogue, p. 154). Suivant
certains érudits, le français aurait même laissé des traces dans l'ir-
landais moderne. M. Douglas Hyde a expliqué comme un emprunt
au français les suffixes -âiste (bagàiste « bagage », corâiste « cou-
rage », damàiste « dommage », etc. ; cf. Gadelka, I, 79), que
M. Thomas F. O'Rahilly tire avec plus de vraisemblance de Vzn-
g\i[s-age, lui-même d'origine française (/fczV/., I, 283). D'autres
retrouvent du français dans l'indéfini puinn, usuel dans le dialecte
du Munster surtout en phrase négative {ni lahhradh se puinn « il ne
parle guère »), ou dans la place que le même dialecte donne à
l'accent sur la finale de certains mots (v. toutefois J. Loth, Rev.
Celt., XXVIII, p. 417 et Revue de phonétique, III, 317 et suiv.).
Quoi qu'il en soit, c'est bientôt l'anglais qui devint le seul rival
de l'irlandais en Irlande. La lutte des deux langues est fort curieuse
à suivre, même quand on s'arrête au xvi« siècle, comme fait
M. Curtis ; dans ses péripéties diverses, elle marque le mouvement
des actions politiques et sociales. Les villes, surtout sur la côte,
étaient des centres de langue anglaise ; les bourgeois, les commer-
çants, qui étaient d'origine anglaise, tenaient beaucoup à leur
langue, qui était comme la marque distinctive de leur classe sociale.
Chronique. 255
Mais dans les campagnes, l'irlandais était en usage, même aux
alentours immédiats des villes. D'autre part l'aristocratie s'hiber-
nisa volontiers. Dans le même temps qu'en Angleterre, les nobles
renonçaient à l'usage du français pour parler la langue du peuple,
l'anglais, en Irlande les descendants des conquérants anglo-nor-
mands adoptèrent l'irlandais quand ils cessèrent de parler français.
Le pouvoir d'absorption delà civilisation irlandaise est tel que sauf
dans les régions voisines de la côte orientale, où Ita usages anglais
étaient entretenus par l'arrivée constante de nouveaux colons,
l'irlandais ne cessa de gagner du terrain. En 1327, un poète anglais
d'Irlande, cité par Sir J. Davies dans sa Discovery of the truc causes
luhy Ireland was never entirely siihdued (édition Morley, p. 298), se
lamente de l'abandon de plus en plus grand où était laissée la
langue anglaise et en rejette la faute sur le gouvernement d'Irlande,
trop favorable aux modes irlandaises. Comme on sait, les autorités
d'Angleterre s'émurent de cette situation. Le statut de Kilkenny,
en 1367, interdisait aux Anglais d'épouser des Irlandaises, de
former avec les Irlandais des associations, de parler leur langue,
de prendre des noms irlandais, de porter la moustache à l'irlan-
daise, etc. sous peine de mort ou d'emprisonnement. On recon-
naît à ces traits le despotisme d'Edouard III. Le statut de Kilkenny
semble n'avoir eu aucun effet ; en ce qui concerne au moins l'usage
de la langue, il se trouva abrogé en 1495 par la loi de Poynings.
Le fait est que les preuves abondent de l'extension de l'irlandais.
Le premier comte de Kildare, un Fizgerald!, qui mourut en 13 16,
a laissé le souvenir d'un poète en irlandais ; les Quatre Maîtres
parlent de William de Burgo, qui mourut en 1372, comme d'un
adepte des manières et de la langue irlandaises ; les Butler (Le
Bouteiller), devenus seigneurs d'Ormond, les de Courcy étaient
entrés par mariage dans de vieilles familles celtiques. A la séance
du parlement irlandais, où Henry \'III fut fait roi d'Irlande, en
1542, le comte d'Ormond dut traduire en irlandais 1' « adresse »
du président pour les membres des deux chambres, qui apparte-
naient pourtant en majorité à dé vieilles familles anglaises ; il n'y
avait que lui dans le Parlement à savoir parler anglais ; il faut dire
que la famille d'Ormond était par tradition un des plus fidèles sou-
tiens de la couronne.
Au temps de Henry VIII, le domaine où se parlait l'anglais, en
dehors des villes, était réduit en Irlande à deux territoires fort exi-
gus, d'une part le Pale, qui consistait alors en une bande de
soixante milles de long sur trente de large de Dundalk et Ardee à
Kilcullen et aux Montagnes de Dublin, et d'autre part le Sud du
256 Chroiiiiiiw.
comté de Wexford, avec les baronies de Forth et de Bargy. L'an-
glais du Pale, entretenu sans cesse par les rapports avec la métro-
pole, n'a pas d'histoire indépendante ; mais l'anglais du Wexford,
éloigné de tout contact avec l'Angleterre, enfermé dans une enclave
du domaine celtique, a conservé longtemps ses caractères origi-
nels; il a survécu jusqu'au milieu du xix*^ siècle comme un dialecte
aberrant, apparenté toutefois aux dialectes du Somerset ou du Dor-
set (voir la description qu'en a donnée Jacob Poole, mort en 1827,
dans The Dialeci of Forlh aud Bargy).
S'inspirant en tout d'une sagesse clairvoyanteethabile, Henry VIII
avait établi les rapports de l'Angleterre et de l'Irlande sur une poli-
tique conciliante et modérée. Si ses successeurs l'avaient poursuivie,
la question d'Irlande serait apparemment depuis longtemps réglée,
et la langue irlandaise fleurirait encore en Irlande. Mais l'oppres-
sion, brutale ou hypocrite, remplaça la conciliation. Les siècles
suivants ne furent pas moins néfastes à la langue qu'à la civilisa-
tion celtique de l'Irlande. Les conditions politiques, religieuses,
économiques agirent naturellement sur la langue et en réglèrent
l'histoire lamentable. Mais c'est une histoire que M. Curtis
n'aborde pas. Il se borne à l'annoncer en quelques mots et rappelle
en terminant le bel éloge de la langue irlandaise que fait Lynch,
dans son Camhrensis Eversus : « It surpasses in gravity the Spanish,
in élégance the Italian, in coUoquial charm the French and equals,
if it does not surpass, the German itseif in inspiring terror »,
duand on songe à l'état misérable où l'irlandais est réduit aujour-
d'hui, ces lignes font le triste efïet d'une inscription funéraire.
X
M. Osborn Bergin a commencé dans les Sludies de mars 1918
et continué dans les volumes suivants la publication de Uiipublisbcd
Irish poenis. Nous avons reçu en tirage à part les six premiers qui
sont consacrés aux sujets suivants :
1. The Patron Saint of the O'Dalys (mars 1918, p. 97). Le
poème est de Gofraidh Fionn O'Dâlaigh, « Ireland's arcb-profes-
sor of poetry », qui mourut en 1387 ; il est adressé à saint Colman
fils de Léinin, patron de l'église de Cloyne.
2. In meinoriam Rîcardi Nugent (juin 19 18, p. 279). Richard
Nugent était en 1603 en état de « rébellion ». Après sa mort, ce
poème fut composé et dédié à sa mère par Giolla Brighde
O Heoghusa (en anglais O'Hosey ou O'Hussey), franciscain au
collège Saint-Antoine de Louvain, où il mourut en 16 14.
Chronique. 237
3. An Exiles Yearning (sept. 1918, p. 451). Du même auteur
que le précédent, ce poème est adressé à William Nugent, père
de Richard. O'Hussey y exprime son chagrin d'être depuis dix ans
éloigné d'Irlande.
4. On a change in Liicrary Fashions (déc. 1918, p. 616). L'au-
teur, Eochaidh O Heôghusa, s'y plaint des conditions misérables
où vivent les poètes à la suite des troubles politiques du pays.
Le poème date de 1603.
5. A begging lelier (mars 19 19, p. 72). Complainte amère sur
les souffrances de son exil, adressée par Fearghal Og Mac an
Bhaird à Flaithri O Maoilchonaire. Ce dernier, appelé en anglais
Florence Conry, est connu pour avoir été le confesseur et l'ami
dévoué du fameux Aodh Ruadh, Red Hugh O'Donnell, qui mou-
rut entre ses bras à Simancas le 10 septembre 1602. Fl devint
en 1609 archevêque de Tuam et fonda le collège Saint-Antoine
de Louvain.
6. On a Peace Conférence in i6oj (juin 1919, p. 255). Ce poème
a pour sujet les négociations entamées par Rury O'Donnell, le
vaincu de Kinsale, après la nouvelle de la mort de son frère Hugh.
L'auteur en est Eoghan Ruadh Mac an Bhaird (Red Owen Mac
Ward) ; la date, 1603.
XI
Au point de vue de l'emploi des langues locales dans l'ensei-
gnement, la France est en retard sur d'autres pays et notamment
sur sa voisine et amie, l'Angleterre. En Bretagne, aucun progrès
appréciable ne semble avoir été fait depuis la Péliiiou pour les langues
provinciales adressée au Corps Législatit en 1870 ; on se rappelle
que cette pétition était signée du comte de Charencey, un des
fondateurs de la Société de Linguistique, de Charles de Gaulle et
de M. Henri Gaidoz, directeur de la Revue Celtique. Depuis ce
temps, outre Manche, l'enseignement bilingue a été organisé, non
seulement en Galles ', mais encore en Irlande ; en se prêtant à cette
innovation, l'administration anglaise a fait preuve d'esprit de jus-
tice. Voici que M. F. Gourvil, directeur du journal Mouei ar Vro,
de Morlaix, a pris l'initiative d'entamer une nouvelle campagne en
faveur de l'enseignement bilingue en Bretagne. Dans une brochure
de 16 pages éditée à Morlaix (33, place Thiers), il a réuni Quelques
opinions sur les langues locales dans renseignement. Ces opinions
I. Voir P. Mocaër, L'enseignenwiit bilingue au pays Je Galles, 191 5.
Revue Celtique, XXX VIII. l6
258 Chronique.
émanent de savants, de professeurs, de publicistes, au nombre
desquels M. Bréal, J. Loth et G. Dottin. Elles sont naturelle-
ment toutes favorables à l'idée que défend M. Gourvil. On peut
les résumer dans la phrase suivante, qui est dé M. Loth : « Un
enseignement bilingue favoriserait la connaissance approfondie
du français, maintiendrait la langue du pays et pourrait amener
la création ou le développement d'une littérature nationale ».
XII
Nous recevons de notre collaborateur et ami M. H. Hubert la
communication suivante :
On n'est pas tenté de rechercher des contributions aux études
celtiques dans VOrientalistische LUeraturicitung.'M. J. Pokorny lui
adonné en I918 un article intitulé Eiii neuii-monaiiges Jahr im Kel-
tischen (col. 130 et suiv.). Les calendriers comportent des gran-
deurs semblables, et théoriquement devraient être des systèmes
de grandeurs semblables. A la semaine de 9 jours devrait corres-
pondre par exemple une année de 9 mois. C'est ce dont M. Po-
korny signale une trace chez les anciens Irlandais. Voici son texte
(Book of Leinster, p. 3 19 a.b — Rawlinson B 502, p. 147 a 39) :
Gahais Dâri mac Dedad rigl conerhailt dia rue a ingen in mac (t.
Noine). Atruhairt in drùi ris, intan noberad a ingen mac, iss and
aibelad. Co-rrabi cornet aice furrî. Arâide rostorrchestar Mac ind Oc
{scilicet quidam diabolus) dia liiid indingen tria mesca assin dîin. Co-
eragbatar nadruid [forahroind]co cend nôi ihbliadan. i.nôimisfà nôi,
co rucadin mac .1. nindiu nôi-brethach A. nôc mbrethe rue iarna gein
fachetôir. Is amlaid rogèuair co irilis fat de làm fair 7 co cassulcha.
Marb ira Dàre mac Dedad intan rucad Noine.
« Dâre (*Darios) le fils de Deda eut le pouvoir jusqu'à sa mort,
quand sa fille eut un fils (c'est-à-dire Noine). Le druide lui avait
prédit qu'il mourrait quand sa fille mettrait un fils au monde.
Aussi prenait-il ses précautions. Cependant elle fut engrossée par
Mac ind oc (c'est-à-dire par un démon), étant sortie du fort en état
d'ivresse. Les druides lui maintinrent le corps pendant neufans, c'est-
à-dire neuf fois neuf mois, dans leur puissance, jusqu'à ce que
naquit un fils Nôi-brethach, c'est-à-dire qui prononça neuf sen-
tences après sa naissance. Il vint au monde avec des cheveux de
deux paumes de long et avec une barbe bouclée. Dâri, fils de
Deda, mourut aussitôt la naissance de Noine. »
On voudrait bien savoir en quoi consistait cette année de 9 mois.
Chronique. 239
Serait-ce une année solaire divisée en 9 périodes ? Scraient-ce
simplement les 9 mois de la grossesse considérés comme une
année ?
C'est, je crois, plutôt le cas. L'histoire est d'un type connu. En
Irlande, c'est celle de Lug, où Balor tient la place de Dâre. A Rome,
c'est celle de Romulus et Rému^. En Grèce, c'est celle de Persée et
en Perse, c'est celle de Cyrus.
M. Pokorny cite de celle-ci une intéressante version (Spiegel,
Iran. Aliert. 537 sqq ; Justi, Iran. Nameiih. 390 ; Sacred Books of
Ihe East, V, 132 ; G. Hûsing, Beitrâge -{ur Kyrussage, p. 23) :
Le bon xo\ Jama avant été mis à mort par le mauvais roi Dahâka,
celui-ci doit être tué par un descendant de Javia, à la neuvième
génération, par sa fille Frnk. Ce justicier s'appelle Frêtôim. Dahâka
n'est autre que Ast^^ages (^Aïisdahâka).
Aux neuf générations de la légende de Dahâka, correspondent
les neuf années de grossesse de la fille de Dâre. Je doute fort qu'il
y ait là un thème calendaire. Dans l'ensemble de faits réunis par-
M. Pokorny, ce qui me frappe le plus c'est l'étroitesse de la res-
semblance que présentent les légendes de Dâre ( ? Darios) et
d'Astyages.
En 1919, dans la même Revue (mai-juin, col. 136), M. .C.
Marstrander a ajouté quelques mots à l'article de M, J. Pokorny.
Il exprime au sujet de l'année de neuf mois le doute qui vient
d'être exprimé. Il ajoute en passant que le passage avait été déjà
relevé par K. Meyer, Contributions to Irish Lexicography, au mot hlia-
dain. Il traduit le nom du héros, qu'il corrige en Nôindiu nôiin-
hrethach, Noindiu des neuf enfantements ; l'auteur a joué sur les
similitudes des mots breth, «enfantement » et brelh « sentence». Il
corrige d'autre part Naine en Noinne d'après le livre de Byllmote.
M. J. Pokorny a répliqué aux observations de M. C. Marstran-
der dans le numéro de septembre-octobre 19 19 du même pério-
dique, col. 230 et suiv.
J. Vendryes.
NÉCROLOGIE
Joseph Déchelette. — A. Héron de Villefosse. — F. de Pachtcrc.
André Oheix. — R. Henebrv. — E. C. Quiggin. — P. O' Lcary.
O. Schrader. — Karl Brugmann.
Joseph DÉCHELETTE
Il n'est pas encore trop tard pour rendre dans cette Revue à la
mémoire de J. Déchelette l'hommage qui lui est dû. Quelques
semaines à peine sont passées depuis qu'une cérémonie touchante
réunissait, le 23 juin 1920, ses admirateurs et ses amis, sous la pré-
sidence du maréchal JofFre, au Musée de Saint-Germain, dans la
salle de la Marne, pour inaugurer son buste, qui dominera le riche
étalage de ces antiquités gauloises à l'élude desquelles il a consacré
sa vie. L'ère des hommages n'est pas close pour J. Déchelette.
L'amitié la prolongera. La simple réunion de Saint-Germain a
montré combien d'amitiés ce galant homme, qui fut un savant
considérable et qui est mort en brave, avait su grouper autour de
lui.
J. Déchelette est né à Roanne le 8 janvier 1862 dans une
famille d'industriels fort honorée. Lui-même, ses années d'études
achevées, s'est donné tout d'abord au travail de la maison fami-
liale et ne s'en est au surplus jamais désintéressé. En 1892 il fut
nommé conservateur du Musée de Roanne. Mais c'est à partir de
1899 seulement qu'il a pu se consacrer presque uniquement à ses
projets scientifiques. Il arrivait à la science avec un très bon bagage
d'études classiques, d'excellentes traditions de famille, une bonne
pratique des langues modernes et des pays étrangers, les solides
connaissances archéologiques et les vastes curiosités qu'entre-
tiennent les bonnes sociétés de province, une ample expérience de
la vie, des hommes et des techniques, une appréciable habitude du
travail méthodique et positif, mais aucune culture d'Université ou
d'Académie. Ces particularités de sa formation expliquent une partie
Nécrologie. 241
de son originalité. S'ily eut défaut, il y a paré et personne n'a songé
à le lui reprocher. Il a été en effet reconnu d'emblée par les
savants et il s'était classé dans les tout premiers quand la guerre
éclata.
J. Déchelette était capitaine de territoriale. Affecté d'abord au
commandement d'une compagnie du to4^ d'infanterie, il n'eut de
cesse qu'il fût envoyé au front. Il y alla avec une compagnie du
298* de réserve et fut frappé le 5 octobre 19 14 dans un de ces
assauts aveugles oi\ l'armée française paya si cher son école de la
guerre. Il mourut deux jours après à Vingré (Aisne). Une très
belle citation et la piété de ses soldats furent un hommage immé-
diat et bien mérité.
On trouvera une bibliographie complète de J. Déchelette dans la
notice que lui a consacrée sans tarder la pieuse amitié de
M. S. Reinach dans la Revue archéologique de I9i4(p. 315). Je ne
veux qu'indiquer les principaux moments de sa vie scientifique et
son apport aux études celtiques. Sa vie scientifique se résume en
trois faits : les fouilles du Beuvray, la publication des Vases Céra-
miques ornés de la Gaule romaine et celle de son Manuel d^ Ar-
chéologie préhistorique. La préparation de chacun de ces livres a
donné lieu à la publication d'un grand nombre d'articles et de
mémoires, travaux d'approche.
J. Déchelette était le neveu de BuUiot, l'auteur des fouilles du
Beuvray. Il a participé aux fouilles de son oncle et les a continuées
lui-même à partir de 1897. C'est ce qui orienta sa carrière d'ar-
chéologue. Le Beuvray l'attacha aux Gaulois ; l'étude de ce qui
s'y trouvait le mena à celle des fouilles de Stradonic et de proche
en proche fit de lui le spécialiste de l'archéologie gauloise (voir
J. Déchelette, V Oppidum de Bihr acte. Paris, Picard, sans date).
Le classement du Musée de Roanne, très riche en poterie, la
proximité des grands ateliers céramiques gallo-romains de la vallée
de l'Allier et de Lezoux, un fructueux voyage en Italie, qui lui donna
une idée concrète de l'exportation rutène ou arverne, l'amena à com-
poser son grand ouvrage sur les Vases céramiques ornés de la Gaule
romaine (Paris, Picard, 1904), livre incomplet sans doute, puis-
qu'il néglige les ateliers du Nord de la Gaule et de la Germanie,
et qu'il s'écourte au moment où les céramistes gaulois paraissent
retrouver leur spontanéité et leuresprit d'inventiondans l'application
de la technique du décor à la barbotine, mais livre presque tout
entier de première main et marqué d'une forte originalité. J.
Déchelette a classé et daté les diverses séries de cette céramique à
décor d'impression ; il en a suivi la dispersion ; il a analysé sa
242 Nécrologie.
»
technique, ses ornements et laisse^ la clarté où il avait trouvé la
confusion. J. Dcchelctte aimait les énumcrations et les statistiques.
Elles constituent la charpente solide de ses ouvrages et en font la
valeur durable ; elles donnent à ses lecteurs une impression de sin-
cérité, d'honnêteté qui satisfait et rassure les exigences critiques. Il
s'est donné carrière dans ce grand ouvrage. La liste des potiers de
Lezoux et des lieux où ont été trouvées leurs marques, l'inventaire
descriptif des marques, le recueil général et analytique des types,
sont des travaux définitifs, où il n'y a que très peu à ajouter et
qu'il suffît en tous cas de compléter, s'il en vaut la peine. Par cette'
publication, J. Déchelette a fait ses preuves de science étendue et
de sûre compétence, particulièrement aux yeux des savants qui en
jugent au critérium de l'archéologie classique.
Ces potiers gallo-romains étaient des Gaulois adonnés à une
industrie latine, mais Gaulois au fond. J. Déchelette va retrouver
les Gaulois en composant son Manuel iFarcbéologie préhistorique. Il
leur a donné prés de deux volumes et ils sont d'importance.
Le quatrième volume de ce manuel, consacré plus spécialement
à l'archéologie du monde gaulois aux derniers siècles avant la con-
quête romaine de la Gaule, a paru en 19:4. Il devait être suivi
d'un ou deux volumes d'archéologie gallo-romaine, que J. Déche-
lette était certainement mieux que personne préparé à écrire, mais
qu'il n'aurait certainement pas écrits avec le même intérêt que le
dernier volume. Nous avons la bonne fortune qu'il ait pu nous
donner la partie essentielle de son ouvrage. Celui-ci s'est déve-
loppé en cours décomposition. Il devait comporter deux volumes:
l'un, archéologie préhistorique, comprenant le paléolithique et le
néolithique, l'autre, archéologie celtique ou protohistorique, c'est-
à-dire les âges des métaux. Mais la matière a débordé le cadre.
L'âge du bronze a fait tout un volume, qui a été suivi d'un petit
volume d'appendices, dont l'un se rapporte au volume suivant.
L'âge du fer, dans son ensemble, devait en faire un autre, et c'était
une idée scientifique. Mais il a fallu le diviser. Malheureusement la
coupure a été conçue trop tard et il y a, d'un volume à l'autre, des
chevauchements fort gênants. Le premier volume de l'âge du fer
a 39e pages, le deuxième en a 781 et J. Déchelette avait fait
paraître en 1913 léo pages d'appendices nouveaux. Personne, je
crois, ne s'en est plaint et nous aurions grand tort de nous en
plaindre. J. Déchelette, qui était assez lettré pour se donner de
temps à autre le plaisir de fleurir son style, n'attachait qu'une
médiocre importance à l'harmonieux équilibre de la composition.
Il a tenu à faire part au public de son trésor de notes et de biblio-
graphie, et il a bien fait.
Nécrologie. 245
J. Déchelette a apporté le plus grand soin à la classitication
chronologique des formes des objets auxquels s'attache l'archéolo-
gie, lia donné plus d'intérêt à l'étude de la répartition. Ses cartes
sont inappréciables. Mais ils avait aussi les interpréter et leurdeman-
der toutes les lumières possibles sur le cheminement de la civilisa-
tion. La partie la plus parfaite de ses volumes d'archéologie cel-
tique, c'est, à vrai dire, la technologie. Retrouver l'usage, compléter
la forme, définir les types des outils préhistoriques et en établir
la filiation est un art auquel il excellait entre tous. Dans le précé-
dent vblume l'étude des poignards de fer à antennes de la fin de
l'époque Halstattienne était particulièrement remarquable, ainsi
que le chapitre sur les broches utilisées comme monnaies, qu'il
avait essayé d'abord dans la Revue Numismatique. Dans le dernier
volume le chapitre sur la charronnerie gauloise est un modèle et il
y en a d'autres .
Si l'on peut essayer de dégager une idée principale dans un
exposé si objectif et si ample de l'archéologie gauloise, la voici :
la civilisation celtique est tributaire de la civilisation grecque. Les
Celtes ont reçu de la Grèce, par la vallée du Pô et les Alpes d'abord,
par Marseille ensuite, les produits du Midi, huile, vin surtout et tout
le matériel que l'usage de ces produits comportait, récipients,
vases à verser, vases à boire. Cette vaisselle d'importation leur a
fourni des modèles. Les ornements caractéristiques de leur art s'en
inspirent.
Dans toute la longueur de ses trois derniers volumes Déchelette
n'a cessé d'attribuer en Europe à la zone méridionale, orientale et
méditerranéenne une influence prépondérante qui se résume, peut-
être symboliquement, en celle de la civilisation grecque. D'un bout
à l'autre la Grèce commande la civilisation européenne. Derrière
elle vint l'Italie.
Ce n'est pas faire injure à sa mémoire que de limiter à cet éo-ard
la portée de ses conclusions.
Au surplus, J. Déchelette ne cesse de vanter l'habileté technique,
par exemple des métallurgistes gaulois, l'esprit inventif de toute
l'industrie, l'originalité de la charronnerie, de l'émaillerie, etc. Les
Gaulois, comme les peuples qui les avaient précédés à la tête de
l'Europe, ont eu un armement original et, pour leur temps, supé-
rieur, enfin quelques techniques spéciales. Grands imitateurs ils
ont été, sans doute, mais ils avaient de la personnalité. Le Manuel
de J. Déchelette est le tableau le plus complet et le plus impres-
sionnant de cette civilisation gauloise déjà si bien outillée au
moment où la conquête de la Gaule par les Romains la ramena
244 Nécrologie,
violemment dans le cercle de la civilisation romaine. Il a tracé ce
tableau avec amour et l'on peut dire avec un patriotisme discret,
sachant juger du temps et des valeurs générales. En appréciant les
qualités intellectuelles de l'œuvre, on revient par un mouvement
naturel aux sentiments et aux qualités morales de l'homme. Quali-
tés intellectuelles, qualités morales sont inséparables chez un être
aussi bien équilibré que J. Déchelette. C'est aux deux que vont
nos hommages et le regret de son sacrifice.
H. Hubert.
A. HERON DE VILLEFOSSE
A. Héron de Villefosse, qui est mort le 15 juin 19 19, très peu
de temps après avoir résigné ses fonctions de conservateur des
Antiques au Musée du Louvre, était entré avant la guerre de 1870
dans le personnel des Musées. Il y était destiné par tradition de
famille, étant parent du comte de Clarac. Peu de jours après sa
sortie de l'École des Chartes, il avait été distingué par Froehner et
attaché au département des Antiques. Il en était conservateur
depuis 1889. A peine en fonctions, il s'était dévoué avec courage
et sang-froid, pendant la guerre et la Commune, à la protection et
au sauvetage du Louvre. Il a retrouvé à la fin de sa carrière les
mêmes soucis qu'à ses débuts. Il représentait au Louvre, avec toute
l'autorité de son ancienneté, de son savoir, de ses services, le
passé, la tradition, mais un passé et une tradition alertes, saines et
bienveillantes.
Un très louable souci de la perfection, qu'on lui a reproché, l'a
peut-être empêché de publier quelques gros travaux. Il laisse cepen-
dant une œuvre considérable en articles et en mémoires, générale-
ment courts, mais parfaitement au point, qui sont éparpillés dans
la Revue archéologique, le Bulletin luonutnenial, les Mémoires de la
Société des Antiquaires, le Bulletin archéologique du Comité des travaux
historiques, les Comptes rendus de l'Académie des Inscriptions, les Monu-
ments Piot. Ces travaux sont dispersés dans le vaste champ de
l'archéologie. Il y en a bien une trentaine qui sont des contribu-
tions à l'archéologie de la Gaule romaine ou même des Gaulois '.
C'est à la Gaule qu'appartient le dieu accroupi de Bouray, qu'il
I. Statue d'Apollon à Entrains, Revue archéoto^ ique , 1876. Mercure
arverne, Revue arctiéologiqiie, 1883. Canthare d'Alise, Moninnents Piot,
1905. Grâîfiti gaulois de Châyrieu, Bulletin arcliéologique du Comité, 19 16,
etc.
Nécrologie. 245
publiait en 191 3 dans les Mémoires de la Société des Antiquaires et la
Statuette de bronze d'Issoudun qu'il faisait connaître vers le même
temps.
Les voyages archéologiques de Héron de Villefosse lui avaient
créé parmi les savants de province des relations très étendues. 11
leur devait d'être informé de toutes les découvertes. Mais il a
certainement eu sur cette clientèle de savants une influence consi-
dérable et c'est peut-être sa plus efficace contribution aux études
auxquelles s'attache cette revue. Il tenait ainsi dans notre vie scien-
tifique une place qui reste vide. Rendons hommage en passant à la
mémoire de ce très honnête homme et de cette grande probité
intellectuelle.
H. Hl'bert.
AxDRÉ OHEIX
Né à Loudéac le 26 novembre 1882, André Oheix a passé les
années les plus heureuses de sa vie dans sa propriété de la Ville-au-
Veneur, en Trévé. Elle lui disait tant de choses ! Elle avait été
construite par son quadrisaïeul, Sébastien Moisan (né en 1705),
qui faisait facilement des vers et des chansons, qui avait une corres-
pondance intéressante avec des personnages notables, homme
d'ordre et laborieux, dont la fortune se développa dans le com-
merce des toiles. On sait que cette industrie était très prospère
dans toute la contrée. — Une petite-fille de Sébastien Moisan
épousa le docteur Oheix, élève du fameux Guépin (de Nantes), et
qui fut le grand-père de notre ami. — Celui-ci se trouvait appa-
renté à bon nombre de familles connues en Bretagne. Il avait pour
grand-oncle le chanoine Tresvaux, qui a montré du zèle pour l'é-
rudition ecclésiastique de notre province ; et il comptait parmi les
membres plus ou moins rapprochés de son lignage, le conven-
tionnel Honoré Fleury, dont les Mémoires ont été publiés par
Robert Oheix. — Ce dernier, né en 1845, mort en 1904, était le
père d'André. Magistrat, érudit, écrivain, il était un esprit indépen-
dant et original, nanti d'une bibliothèque abondante et curieuse.
Notre ami était donc prédestiné aux travaux intellectuels.
Il fit ses humanités à la maison paternelle. Plus tard, il suivit à
VËcole pratique des Hautes Études les conférences d'histoire de
M. Thévenin et de M. Lot, durant les années scolaires 1906-7,
1907-8, 1908-9, 1909-10. Il gardait de cette période de sa vie un
délicieux souvenir. Le 25 juin 19 14, il se maria avec M"<= Amélie
246 Nécrologie.
Trémaut, à Nantes. Mais il eut à peine le temps de faire un voyage
de noces en Italie. La guerre monstrueuse éclatait. Il partit
comme caporal au i^"" régiment d'infanterie coloniale, 22^^ compa-
gnie. Le i^"" janvier 1915, il m'écrivait : « Depuis trois mois je
suis en campagne et mène la vie de tranchées ; je ne suis plus un
rat de bibliothèque, mais une taupe. Enfin c'est encore quelque
chose que d'être vivant, et je suis bien vivant. Il y a quelques
semaines, je me suis tout particulièrement souvenu de vous devant
l'autel de S. Méen, dans l'église de La Neuville-au-Pont (Marne).
Les deux statues du saint sont malheureusement modernes, mais
j'ai été heureux de retrouver si loin ce petit morceau de Bre-
tagne. » André était alors sergent. Le 27 juin 191 5, il fut cité à
Tordre du régiment, avec cette mention : « A fait preuve d'une
belle énergie et d'un sang-froid remarquables, en maintenant ses
hommes dans la tranchée, après l'explosion d'une mine allemande
qui avait bouleversé une partie du parapet. A contribué au dégage-
ment d'un blessé enseveli par l'explosion, malgré les gaz suffo-
cants lancés par l'ennemi. » Moins d'un mois après (le 15 juillet),
André Oheix, décoré de la croix de guerre, docteur en droit,
élève diplômé de l'Ecole pratique des Hautes Etudes, disparaissait
au champ d'honneur, près Vienne-le-Château, en Argonne, dans
sa 33^ année.
C'était un homme d'une droiture parfaite, de relations très
agréables et très sûres, plein de procédés délicats pour ses amis,
un esprit éverilé, et qui savait maintenir sa liberté d'appréciation.
La bibliographie de ses travaux montrera son activité et la perte
sensible que sa mort cause à l'érudition provinciale :
Un coin de bibliographie simonienne : Jules Simon au Journal
pour tous (dans la Rev. hist. de FOii-esl, année 1897, p. 139-145).
S. Frjard el S. Seconde}, Saint-Brieuc, Prud'homme, 1900. In-
oct., 28 p.
Noie sur la translation des reliques de S. Paul Aurélien à Fleuri
(vers 9So), \'annes, Lafolye, 1901. In-oct., 8 p. (Extr. du Bulletin
soc.archéol. Nantes).
S. Victor de Cambon, Nantes, Guist'hau, 1903. In-oct., 41 p.
(Extr. du Bulletin soc. archéol. Nantes). \
Échantillons de correspondances bretonnes du XVIII^ siècle, Saint-
Brieuc, Prud'homme, 1903. In-oct., 12 p.
Bibliographie de Robert Oheix, Saint-Brieuc, Prud'homme, 1906.
Plaquette de 16 p., tirée à 50 exemplaires.
Les reliques bretonnes de Monlreuil-sur~mer , Nantes, Durance,
1906. In-oct., 37 p. (Extr. àtsMéni. Associât, brei.).
Nécrologie. 247
S. MeJaine est-il 11c à Plélanjf ? "Nantes, Durance, 1908. In-oct.,
9 p. (Extr. des Mém. Associai, hret.).
Un livre d'histoire, Paris, Champion, 1908. In-oct., 20 p. (Extr.
de la Rev. de Bret.), C'est une étude sur les Mél. dlnst. hret. de
M. Ferdinand Lot.
S. Benoit de Macérac, Nantes, Durance, 191p. In-oct,, 22 p.
(Extr. du Ballet, soc. archèol. Nantes).
Le prix de la vie à Ploërmel au milieu du XVIII'' siècle. In-oct.,
9 p., dans la Revue niorbihaunaise, avril 19 10.
Vie inédite de S. Cuniual, publiée avec un commentaire, Paris,
Champion, 191 1. In-oct., 30 p. (Extr. de la Revue celtique,
XXXII).
Le culte des sept saints de Bretagne au moyen âge, Nantes, Durance,
1911. In-oct., 16 p.
Les évèques de Léon aux X^ et XI^ siècles, Nantes, Durance, 191 2.
In-oct,, 12 p, (Extr. desMe;w. Associât, hret.).
L'histoire deCornoiiaille d'après un livre récent, 19 12, in-oct., 24 p,
(Extr, du Bullet. soc. archéol. du Finistère'). C'est une étude sur les
Mél. d'hist. de Comouaille par Robert Latouche.
S. Viau, Nantes, Durance, 191 3. In-oct., 32 p. (Extr. du Bullet.
Soc. archéol. Nantes).
Notes sur la vie de S. Gildas, Nantes, Durance, 191 3. In-oct,,
37 p. (Imprimé à Saint-Brieuc, chez Prud'homme.)
La date de la mort d'Alain III duc de Bretagne, Saint-Brieuc,
Guyon, 1913, In-oct., 10 p.
Nécrologe de l'abbaye de Landevenec, Quimper, Kerangal, 191 3
(Extr, du Bullet. diocésain d'hist. et d' archéol. Quimper). In-oct.,
19 P-
Essai sur les sénéchaux de Bretagne des origines au XIV^ siècle, Paris,
Fontemoing, 1913. In-oct., xvi-253 p. Thèse de doctorat en droit.
Cf. Reviw historique, sept.-oct, 19 18, p. 99-101, article de M. Louis
Halphen .
Recherches sur le commencement de l'année civile en Bretagne au moyen
âge (dans le Moyen âge, mai-juin 1914, p. 215-232).
André Oheix avait entrepris un Recueil des actes des ducs de Bre-
tagne jusqu'au XIII^ siècle. Et il avait achevé un S. Corentin, com-
prenant le texte d'une vita et divers documents liturgiques. Le plus
bel hommage qu'on pût rendre à sa mémoire serait de publier,
avec le soin qui convient, et sans trop tarder, le fruit de ses
patientes recherches et de sa critique historique.
Disons en terminant que la descendance màle des Moisan-Oheix
s'est éteinte au champ d'honneur, par la mort du lieutenant Robert
Oheix, frère d'André. F. Duine.
54S Nêcrohme.
F. DE PACHTÈRE
L'Université française a paye un lourd tribut au Moloch panger-
maniste. La liste est terriblement longue des jeunes professeurs et
savants qui ont donné leur vie sur les champs de bataille pour la
défense de la patrie attaquée. Parmi ceux dont la perte est le plus
déplorable au point de vue des études historiques, il faut citer
Félix de Pachtére, tué le 24 septembre 19 16 à la tête de sa compa-
gnie au combat de Boresnica, en avant de Florina. Né à Paris le
20 avril 1881, de Pachtére était entré à l'École Normale supérieure
en 1903 et avait été reçu agrégé d'histoire en 1907. La Gaule
l'attira d'abord. On n'a pas oublié l'article qu'il publia, en collabo-
ration avec son maître M. Camille JuUian, dans la Revue des
Études anciennes (x. IX, 1907, p. 265-264) sur le monument des
Nautae Parisiaci (cf. Rev. Celt., XXIX, 103). Son mémoire pour
le diplôme d'Études supérieures était consacré au Paris gallo-
romam ; il y faisait preuve d'une érudition solide, pénétrant pro-
fondément dans l'histoire, la géographie, l'épigraphie, l'archéolo-
gie de la Gaule. Ce premier travail annonçait un historien de
premier ordre. Il le remania pour le publier en 1912 sous le titre
Paris à l'époque gallo-romaifte. C'est le seul livre, hélas ! qu'il aura fait
paraître '. Une fois agrégé, il était parti pour Rome comme membre
de l'École française. Puis il se fit envoyer comme professeur à
Oran, et à Alger. Là, il se passionna pour l'étude de l'Afrique ;
comme tant d'autres de nos anciens « Romains », il aurait sans
nul doute fait sur ce domaine une brillante carrière. C'est pourtant
comme historien de l'Italie ancienne et de la Gaule romaine qu'il
laisse un nom qui vivra.
J. Vexdryes.
Rev. Richard HENEBRY
Richard Henebry (Risteird de Hindeberg) était né le 13 sep-
tembre 1863 à Mount Bolton, à l'est du Comté de Waterford,
I. Le mémoire qu'il envoya de Rome à l'Institut en 1909 (voir Comptes
rendus de l'Académie des Inscriptions, séance du 7 octobre 1910) vient
d'être publié sous le titre La laide tiypottiécaire de Veleia, étude stir la propriété
foncière dans V Apennin de Plaisance (Paris, Champion, 1920, xix-119 p. ;
fasc. 228 de la Bibl. de l'École des Hautes Études). On y trouvera, p. xvj
et suiv., un relevé complet des publications de F. de Pachtére.
Nécrologie. 249
dans la région qu'on appelle Duthaig Paurach, du nom d'une
famille normande, les Le Poer, qui s'y étaient jadis installés en
conquérants. Bien que l'élément normand ait prévalu un temps
dans le pays, la langue irlandaise s'y conserve aujourd'hui, et
Richard Henebry parlait de naissance cette variété du Munster
Irish qu'on appelle le Dési Irish. Il fréquenta d'abord l'école
publique de Carrick on Suir, puis celle de Portlow et enfin entra
au collège Saint-Jean de Waterford, où il obtint une bourse pour
aller continuer ses études au collège Saint-Patrick de Maynooth.
Il resta sept ans à Maynooth, joignant à l'étude des humanités les
diverses disciplines ecclésiastiques, la philosophie, la théologie,
l'Écriture sainte, l'hébreu. Ordonné prêtre en 1892, il alla exercer
le ministère à Manchester ; là il lia connaissance avec John Stra-
chan, dont il suivit les leçons pendant trois ans, étudiant le sans-
krit et se perfectionnant dans la philologie celtique. En avril 1895,
il fut désigné pour le poste de professeur de celtique à l'Université
catholique de Washington. Il interrompit bientôt son ensei-
gnement, pour passer deux ans en Allemagne, où il suivit à
Fribourg-en-Brisgau les leçons de M. Thurneysen et à Greifswald
celles de Zimmer. C'est sous la direction de ce dernier qu'il pré-
para sa thèse de doctorat, a Contribution to the Phoiiology of Desi
Irish (Greifswald, 1898), qui fut son premier ouvrage. Rentré en
Amérique, il s'occupa d'éditer la « Vie de Saint Colomba •» (Beiha
Cohiimh Chille), rédigée en 1532 par Manus O'Donnell. La publi-
cation commença au tome III de la Zeitschrift fur celtische Philolo-
gie et continua dans les deux tomes suivants. Il devait bientôt
abandonner l'entreprise. Elle fut continuée par les soins de
M. Andrew Kelleher, curé de Saint-Pierre-et-Saint-Paul à Great
Crosby et lecteur à l'Université de Liverpool, dans la même
Zeitschrift f. celt. Phil., t. IX et X. Depuis, l'œuvre de Manus
O'Donnell a été éditée dans son entier avec traduction anglaise,
aux frais de l'Université d'IUinois par M. A. Kelleher aidé de
Miss G. Schoepperle. Peu après son retour en Amérique, Richard
Henebry perdit son poste à l'Université de Washington ; il resta
quelque temps encore aux États-Unis, puis revint en Irlande où
rUniversity Collège de Cork lui offrit la chaire de philologie irlan-
daise, qu'il occupa jusqu'à sa mort, survenue le 17 mars 1916.
Richard Henebry a peu publié ; en dehors de quelques courtes
notes contenues dans la Zeitschrift fur celtische Philologie (t. I,
p. 114 et 141 ; t. III, p. 577) et de l'édition inachevée du Betha
Coluimb Chille, il n'y a guère à citer de lui que la publication de
O'DavorenDeed, 1606 (North Munster Archaeol. Soc.U, 86-93, ^9^^)
2 50 Nécrologie.
et quelques blucttes, comme Eachtra an Ghobbâin Saoir so (Tralee,
19 lo). Son principal ouvrage reste sa dissertation de doctorat sur
la phonétique de son dialecte natal. Il s'intéressait beaucoup à la
musique et jouait du violon avec talent. Il a publié à Dublin en
1903 une courte brochure, destinée principalement aux violonistes :
Irish Miisic, being an examination of the mattcr of scales, modes
and keys, with practical instructions and examples for players.
Ceux qui l'ont connu le dépeignent comme un homme aimable,
plein de feu, brillant causeur. Il a laissé voir quelques traits de
son caractère dans l'article nécrologique qu'il a consacré à Whitley
Stokes (The Ccltic Rcvinu, \\, 65-85) ; l'impression en est sympa-
thique.
J. Vendryes.
Edmukd Crosby Q.UIGGIN
Au début de janvier 1920, des journaux anglais nousont apporté
une bien pénible nouvelle : celle de la mort de notre cher colla-
borateur E. C. Quiggin, survenue le 9 de ce mois. Les circonstances
de sa mort augmentèrent encore l'impression douloureuse qu'elle
nous causa. Frappé d'une congestion cérébrale alors qu'il faisait
une excursion à bicyclette, notre pauvre ami mourut sur la route ;
son corps fut découvert par des passants, quand tout secours
était inutile ! Bien qu'il ne soit pas tombé sur le champ de bataille,
Quiggin est lui aussi une victime de la guerre. Dès qu'il fut démo-
bilisé, il apparut à tous ses amis comme un homme dont la santé
était gravement compromise ; il souffrait de troubles du système
nerveux, de troubles aussi de la circulation ; il avait perdu son
entrain ; il était inquiet, accablé, « éteint ». Résultat d'un surme-
nage de plusieurs années !
Les Anglais avaient réglé leur mobilisation intellectuelle avec
plus de prévoyance et de discernement que nous. Quiggin fut de
ces hommes d'étude dont on utilisa immédiatement l'intelligence
et le savoir pour la défense nationale et qui, au fond d'un bureau,
ne travaillèrent pas moins efficacement à la victoire que s'ils
avaient tenu la tranchée. Dès le début de la guerre, on lui donna
à l'Intelligence Office un emploi pour lequel le désignaient ses vastes
connaissances linguistiques ; pendant de longs mois, à Boulogne-
sur-mer, il eut la surveillance et le contrôle des correspondances
en langues étrangères ; puis, à partir de 1917, il revint à Londres,
où on luiconfia à l'Amirauté un poste de confiance des plus impor-
Nécrologie. 2 5 1
tants. Son haut sentiment du devoir, son zèle infatigable, sa
méthode rigoureusement scientifique lui conquirent l'afFection et
l'estime de ses chefs, autant que sa modestie et son désintéresse-
ment. Pendant les négociations de paix, il fut appelé à Paris,
chargé d'une mission spéciale, qui lui imposa un travail écrasant,
à peu près continu. Il acheva d'y ruiner sa santé. Ceux qui l'ont
connu à Paris à cette époque, sous son uniforme d'officier de marine
britannique, n'oublieront jamais cette physionomie grave et douce
à la fois, respirant la loyauté, la fermeté, la sagesse, mais sur
laquelle la fatigue marquait sa trace chaque jour davantage. Nul
pourtant ne pouvait s'attendre que quelques mois après il serait
enlevé à l'affection de ses collègues de l'Université de Cambridge,,
dont il était l'honneur, et à celle de sa femme et de ses trois jeunes
enfants, que son travail faisait vivre !
Il était né le 23 août 1875 à Cheadle (Staffordshire), d'une
famille originaire de l'île de Man. Après avoir fait de bonnes
études secondaires à l'Intermediate School de Guernesey puis à la
Kingswood School de Bath, il entra en octobre 1893 ^^ Grenville
and Caïus Collège de Cambridge pour se consacrer aux langues
modernes. En juillet 1896, il soutint le tripos des langues médié-
vales et modernes. 11 débuta l'année suivante dans l'enseignement
comme professeur à, la Blairlodge School de Polmont (Sterling-
shire) ; puis, il partit pour Greifswald en qualité de lecteur d'an-
glais à rUniversité. C'est là qu'il prépara sous la direction de Zim-
mer la dissertation qui fut sa première publication : die lautliche
Geltung der vortonigen JVorter iind Silhen in der Book of Leiiister Ver-
sion der Tàin bô Cualnge (Greifswald, 1900 : 60. p. 8°; cf. Revue
Celtique, t. XXII, p. 130). Bien qu'à son retour d'Allemagne,
comme fellow de l'Université de Cambridge, il eût à enseigner
les langues modernes en général, et notamment l'allemand, c'est
à la philologie celtique qu'il consacra son activité. On créa d'ail-
leurs pour lui quelques années plus tard à l'Université de Cam-
bridge, le poste de Lecturer in celtic. Voulant acquérir une con-
naissance directe des pays et des langues celtiques, il fit en Irlande,
en Galles, en Bretagne, plusieurs séjours des plus fructueux. En
1906, parut à Cambridge A dialect of Doncgal, son principal ouvrage,
modèle d'enquête dialectale et de description phonétique ; il s'y
révélait observateur minutieux et linguiste bien informé (cf. Rev.
Celt., XXVIII, 89). De son séjour à Trédarzec, près Tréguier, il
rapporta aussi plusieurs observations phonétiques intéressantes,
dont une fut publiée : a Case of slress sbifting in the dialect of Tré-
guier (^Zeitschv. f. celi. PhiL, VII, 354). Il montra une bonne
252 A(V/0/(nr/V.
connaissance de la philologie irlandaise par son travail sur The
S-Prelerite in middlc Irish (Eriu, IV, p. 191-207) et par ses rro-
kgonieva to thc Stud\ of Ihe hiler Irish Bards, 1200-ijno ÇProcee-
ditigs of Ihe Briiish Academv, vol. V, 191 1). On lui doit encore
deux excellents articles d'ensemble de VEucydopaedia Britannica,
II '^édition, t. V, 1910-: Celtic Langiiages Qt Irelivid's Early History.
Enfin, de courts articles dans la Zcitscbrifl fiir celtische Philologie
(t. \'III, p. 407 : a Fragment of an Old Welsh Computus), dans
le Miscellany Kuno Meyer (p. 167 : a Poem by Gilbride Macnamee
in praise of Cathal O'Conor), dans Èriu (t. VI, p. 125 : a Book
of the O'Reilly's) et dans la Revue Celtique (ci-dessus, p. 15-18).
Ces derniers sont les derniers de lui qui aient été publiés ; il avait
eu juste le temps d'en corriger les épreuves ; ils ont paru après
sa mort.
J. Vendryes.
Peter O'LEARY
Le 21 mars 1920, s'est éteint doucement, dans son presbytère
de Castlelyons (Co. Cork), le chanoine Peter O'Leary, an tAthair
Peadar, comme on l'appelait familièrement, le plus célèbre écri-
vain gaélique- de l'Irlande contemporaine et l'un des meilleurs
ouvriers du revival linguistique. Il avait quatre-vingt-un ans. Sa
santé, depuis quelques mois, avait, dit-on, subi de graves atteintes ;
mais ceux qui ont eu l'occasion de le rencontrer il y a seulement
un an étaient frappés de l'entrain, de la vivacité que montrait ce
petit vieillard robuste et alerte : sous son chapeau à larges bords
s'épanouissait un visage large et coloré, encadré de longs cheveux
blancs, éclairé de deux yeux bleus, pétillants d'esprit derrière les
lunettes. Il avait l'abord simple d'un curé de campagne et rece-
vait les visiteurs avec une charmante familiarité, surtout quand
il les savait intéressés par la cause qui lui tenait à cœur, celle de
l'Irlande et de la langue irlandaise. Causeur intarissable, il se
lançait alors en d'interminables récits, vivant^, imagés, semés
d'anecdotes et de bons mots. Sa mémoire, qu'il avait étonnamment
fidèle, Taidait à mettre du pittoresque dans les épisodes qu'il
racontait de sa longue vie.
Bien que sa vie se soit écoulée dans l'atmosphère sereine des
séminaires et des presbytères, il avait connu des jours très sombres.
Patriote ardent, il avait partagé les misères et les souffrances de
son pays. L'intéressante autobiographie qu'il publia en 1915, sous
Nécrologie. 253
le titre Mo Sgéal Féiii « mon histoire », montre quelle impression
firent sur lui tous les événements qui troublèrent l'Irlande au
cours du xix« siècle. Il se rappelait avoir vu en arrivant à
Macroom, étant petit garçon, trois tètes de rebelles piquées aux
grilles du château 1 (M. S. F., p. 54). Il a décrit en termes éner-
giques la misère des fermiers luttant contre les landlords ; ayant
vu de ses yeux les atroces effets de la grande famine dans une des
régions où elle sévit le plus cruellement, il en a fait un tableau
saisissant (M. S. F., p. 36). Le mouvement fénian se déchaîna alors
qu'il était à Maynooth ; mais le clergé, comme on sait, s'en tint
à l'écart ; et lui-même n'y prit aucune part. Il n'eut l'occasion
d'exprimer ses convictions politiques que lors des mouvements
de la Land League et du Home Rule. Il le fit toujours avec
dignité, mais d'un ton ferme et courageux. Il assistait au fameux
meeting de Mitchelstown, oij la police tira sur la foule et causa
de nombreuses victimes (Ai. S. F., p. 198). En avril 1916, lors
d'un raid de la force armée dans la petite ville de Castlelyons,
il intervint encore pour protéger ses paroissiens contre les soldats.
Mo Sgéal Fèin présente ainsi le vif intérêt d'un livre documen-
taire : c'est l'histoire politique et sociale de l'Irlande au xix*-' siècle
telle que l'a pu voir un curé de campagne ; on apprend à connaître
l'àme irlandaise, sous sa forme à la fois rurale et catholique. Mais
comme biographie aussi, le livre est instructif et attachant. En
décrivant les principaux épisodes de sa vie, l'auteur nous explique
comment est née en lui la vocation littéraire, comment il a été
conduit à entreprendre l'œuvre qui rendra sa mémoire illustre et
chère aux Irlandais. Il était né à Liscorrigane (Lios Caragâin, Co.
Cork), en 1839, de paysans instruits et aisés. Il parlait gaélique de
naissance, comme tous ceux qui l'entouraient ; mais il reçut de
ses parents mêmes des notions d'anglais, de français, de latin et
était déjà assez avancé quand il fut envoyé par eux à la Secondary
School de Macroom. De cet établissement il passa au Saint-Col-
man's Collège de Fermoy ; c'est là qu'il termina ses études secon-
daires, avant d'entrer au grand séminaire de Maynooth, où le
poussait la vocation ecclésiastique. Une surprise l'attendait à May-
nooth. Il s'y aperçut avec stupeur qu'il y avait beaucoup de jeunes
prêtres irlandais qui ne connaissaient pas un mot de la langue
irlandaise ! Cette découverte l'affecta tellement qu'il résolut de se
consacrer à faire aimer de tous ses compatriotes sa langue mater-
nelle, à en répandre le goût et l'usage. Il existait bien peu de
livres alors. Peter O'Leary se rappelait les beaux récits que lui
faisaient dans son enfance les voisins et voisines de Lios Cara-
Revue Celtique, XXXVIII. 17
2 54 ' Xécrolflgie.
i;àin ; la voix de ces humbles conteurs, qui ne savaient pas un mot
d'anglais et parlaient d'abondance le pur Munster Irish, ciiantait
dans sa mémoire ; il avait dans son imagination de quoi embellir
encore leur naïf langage. Quand fut fondée la Society for the
préservation ofthe Irish Language, il fut un des premiers à mettre
en elle ses espoirs et à lui donner son appui ', mais ce qu'on
imprimait en gaélique ne le satisfaisait pas. Avec un sens très net
des réalités et des besoins, il résolut d'utiliser les ressources du
langage vivant qu'il connaissait si bien lui-même pour doter l'Ir-
lande contemporaine d'une littérature populaire qui lui manquait.
En 1894, le Gaelic Journal commença la publication du roman
Séadna ; dans l'histoire de la langue irlandaise, cette date fera
époque. Le succès de Séadna fut prodigieux et ne s'est pas démenti.
Séadna est devenu le livre de chevet de la jeune et ardente géné-
ration des Irish speakers, le texte classique sur lequel s'exercent
tous ceux et celles qui veulent s'initier aux secrets de l'irlandais
moderne (v. ci-dessus, p. 193). Séadna a paru en orthographe
simplifiée, sous le titre Shiàna (Dublin, 1914) ; 1'^ traduction
anglaise, qui accompagnait le texte dans la publication première,
a été publiée à part (Shiana, Dublin, 1916) ; enfin, il a paru en
19 13 un Foclôir do Shéadna « Lexique de Séadna ». Peter O'Learj-
a écrit dans Mo Sgéal Féin (p. 13), qu'il devait tout le récit de
Séadna, fond et forme, à sa voisine de Lios Caragâin, Peig
Labhràis, la fille de Maire Ruadh (Marie la Rousse) et de Labhrâs
Ua Duinnin (Laurence O'Dinneen) ; il en avait conservé le sou-
venir intact depuis sa tendre enfance et n'eut qu'à l'écrire de
mémoire. Ce récit a un parfum rustique très prononcé ; on 3' voit
s'épanouir en sa fraîche naïveté l'âme des jeunes paysannes du
Munster. Mais la franchise, la bonhomie, la vivacité du style lui
donnent un attrait, auquel des citadins raffinés peuvent être sen-
sibles. Séadna est, avec le roman historique de Niamh, l'œuvre
principale de Peter O'Leary. A l'un et à l'autre on pourrait préférer
Mo Sgéal Féin, pour les raisons indiquées plus haut, si cette auto-
biographie était écrite d'un style moins lâche, débarrassée des lon-
gueurs et des redites qui rappellent trop la conversation d'un vieil-
lard .
Peter O'Leary avait débuté dans les lettres à l'âge de cinquante-
cinq ans. Ses publications se succédèrent alors avec une étonnante
rapidité. Elles comprennent des oeuvres d'édification : un recueil
de soixante et un sermons (en 2 volumes) pour les dimanches et
fêtes de l'année, Seanmôin agus tri fichid, un catéchisme, an ieagasg
criosdaidl}f,dts traductions des quatre évangiles, Nacheithre Soisgéil
Nécrologie. 255
as an titiomna mia, et de l'Imitation de Jésus-Christ, Jithris ar
Chriosi. Bon humaniste, Peter O'Leary voulut faire connaître à
' ses compatriotes quelques œuvres de l'antiquité classique ; de ce
désir sont issus sa traduction du Catilina de Salluste et son recueil
de fables d'Esope, Aesop a tbàinig go hEirinn (« Esope venu en
Irlande »). Mais c'est surtout à rajeunir la vieille littérature natio-
nale qu'il employa son talent. Eisirt qu'il publia en 1909 raconte
l'aventure du roi d'Ulster Fergus mac Léte au iF siècle avant notre
ère, aventure fameuse qui passe pour avoir inspiré à Swiit son
Voyage de Gulliver à Lilliput. Il mit en dialogues une partie du
récit de la Tâinhô Ciiahige (Dublin, 191 5) ; le sujet, comme on sait,
s'y prêtait assez bien. lia publié encore : An Craos-deamhan (1905)
modernisation de VAislinge Meic Conglinne ; Bricriu, d'après la
Fled Bric rend; Liighaidh Mac Con, d'après le Caib Miiige Miicrime ;
Guaire, diaprés V Immtheacht na Tromdhaimhc ; An Cleasaidhe d'après
Ceithearnach U'i Dhoivhnaill ; Sliahh na mhàn bhjionn et Cuân
FithiseÇen une seule brochure) d'après deux récits populaires dont
le second est contenu dans la Silva Gadelica (pour le premier, v. la
revue Gadelica, t. I, p. 209 et 277).
La plupart de ces ouvrages, étant destinés à faciliter l'enseigne-
ment dans les écoles, ont été édités avec notes et glossaires.
Quelques-uns ont paru de plus en orthographe simplifiée. Peter
O'Leary fut en. effet un ardent partisan de la réforme, à laquelle
MM. O'Bergin et S. O'Cuiv travaillèrent avec lui (v. Rev. CelL,
XXXII, p. 498). Il s'occupa aussi de grammaire ; sous le titre
Mion-CJmint , il publia en trois parties un « Easy Irish Phrase book »,
consacré aux principales questions de la grammaire irlandaise
moderne. Bref, il ne négligea aucun moyen défavoriser l'extension
de la langue nationale. Vice-président de la Gaelic League pendant
de longues années, il joignit ses efforts à ceux de M. Douglas Hyde.
Si l'irlandais reprend aujourd'hui quelque vitalité, le mérite en
revient à ces deux vaillants écrivains. Tous deux, par des voies
différentes, et entraînant derrière eux des publics différents, ame-
nèrent une foule d'adeptes à la cause qui leur était chère. Peter
O'Leary reçut en 1912 le titre de citoyen de la ville de Dublin
(v. Rev. Celt., XXXII, 363) ; ce fut le seul honneur officiel qui lui
vint jamais. Mais sa mémoire sera toujours pieusement conservée
dans le cœur des Irlandais patriotes.
J. \'exdryes.
256 Nécrologie.
Otto SCHRADER
Otto Schrader, qui était ne à Weimar, est mort à Breslau, le
24 mars 19 19, à l'âge de soixante-quatre ans.
11 avait été professeur extraordinaire à léna avant d'aller occuper
à Breslau la chaire de grammaire comparée. Il avait voyagé longue-
ment en Russie entre 1902 et 1908 et avait poussé à fond l'étude
des langues et des civilisations slaves. Il s'est fait surtout connaître
par ses travaux sur la civilisation préhistorique des peuples indo-
européens (v. Rev. Celt., XXXIII, p. 115). Sans avoir des qualités
d'esprit très originales, il s'était créé une sorte d'originalité en
étant l'un des premiers à mener de front l'étude de la linguistique
et celle de l'archéologie et à tenter d'éclairer ces deux sciences
l'une par l'autre. Le résultat de ses recherches a passé d'abord dans
son gros livre, Sprachverglcichuiig und Urgescbichte (1885), puis a
été refondu par lui sous la forme plus commode de l'ordre alpha-
bétique dans son Reallexikou der iiidogermaniscbcn Altcrtumskuude
(1901), plusieurs fois réédité, et qui est une compilation des plus
utiles. Bien que Schrader ne fût pas celtiste, il a rendu à la linguis-
tique celtique d'excellents services par ses travaux sur la préhis-
toire. Les celtistes ne doivent pas oublier son nom.
I . Vendryes.
Karl BRUGMANN
Karl Brugmann, professeur de grammaire comparée à l'Univer-
sité de Leipzig, et l'un des maîtres de cette science en Allemagne,
est mort le 29 juin 1919 à Leipzig, âgé de soixante-dix ans.
L'œuvre qu'il laisse derrière lui est considérable ; le magistral
Grundriss, qui commença à paraître en 1886 et auquel il ne cessa
jamais de travailler pour le tenir au courant, sera pour longtemps
encore le répertoire indispensable à tous ceux qui se consacrent à
l'étude de la grammaire comparée ; le bel ordre de la composition,
l'exactitude et la précision des détails en font un modèle d'exposi-
tion scientifique et de méthode linguistique. Brugmann avait tou-
ché à peu prés à tous les domaines de la linguistique indo-euro-
péenne ; il a fait sur le baltique des travaux fort appréciés ; le
' sanskrit et les langues classiques, le grec surtout, étaient cependant
sa spécialité. Il n'avait guère abordé les études celtiques : ce qui
Nécrologie. 257
touche au celtique dans les volumes du Griiiidriss\eni\ït de M. Thur-
nevsen. C'est grâce à ce dernier que le celtique tient sa place dans
cette vaste compilation, et que le nom de Brugmann est connu de
tous les celtistes. D'Arbois de Jubainville avait fait du Grundriss de
Brugmann un de ses livres de chevet. C'est assez dire le profit
que nos études en peuvent tirer. Pour bien comprendre l'origina-
lité des langTjes celtiques et saisir les traits qui les caractérisent, il
est indispensable d'avoir une idée aussi exacte que possible de la
structure grammaticale de l'indo-européen. Avec son incomparable
richesse de documentation, le Grundriss de Brugmann est l'outil
le plus propre à donner aux celtistes la connaissance minutieuse
de la linguistique indo-européenne. On lui a fait parfois le
reproche de nover les idées sous les faits, de ne pas dégager suffi-
samment les tendances générales des langues, d'être plutôt un
répertoire bien classé qu'un exposé de vues d'ensemble. Le reproche
est en partie juste, bien que la seconde édition marque h cet égard
un sensible progrès sur la première. Mais il ne faut pas faire fi
des répertoires, ni traiter légèrement les services qu'ils peuvent
rendre. Ce sont des œuvres de première importance, quand ils
sont faits, comme le Grundriss de Brugmann, avec le double souci
d'être scrupuleusement exacts et de se tenir au courant des progrès
de la science. Rien de plus méritoire que les efforts faits par Brug-
mann pour refléter dans son Grundriss l'évolution de la grammaire
comparée ; rien de plus remarquable que le succès qui récompensa
ses efforts. Il eut le bonheur d'achever avant de mourir la réédi-
tion de son livre ; cette réédition offre une image parfaite de l'état
des questions de la linguistique indo-européenne au premier quart
du xx« siècle. L'ouvrage a reçu partout l'accueil qu'il méritait et a
valu à son auteur la considération la plus flatteuse. En 1909, à
l'occasion du vingt-cinquième anniversaire de son « ordinariat »,
on offrit à Karl Brugmann un recueil de Mélanges en deux volumes
(Indogermanische Forschuugeu, t. XX\' et XXVI). Sept linguistes
français tinrent à honneur d'v collaborer. Us ne devaient pas
moins à un confrère illustre, plein de correction à leur égard et qui
avait toujours fort courtoisement tenu compte de leurs travaux.
J. Vendryes.
Le Propriétaire-Gérant : Édolard CHAMPION.
MAÇON, PROTAT FRERES, I.MPRIMEURS
LA
PREMIÈRE APPARITION DES CELTES
DANS
L'ILE DE BRETAGNE ET EN GAULE
Le nom des Celtes apparaît pour la première fois dans l'his-
toire, vers la fin du vi^ siècle avant Jésus-Christ, chez Hécatée
de Milet, dans un fragment qui nous a été conservé par
Etienne de Byzance. Dans le premier, on lit : Marseille, ville
de la Ligystique, près de la Celtique ; dans le second : Nyrax,
ville celtique. Nyrax est restée inconnue. Les écrivains pos-
térieurs de l'antiquité ne nous donnent sur les régions occu-
pées par les Celtes, que des notions vagues jusqu'à Pythéas
de Marseille, dont le périple ne nous est malheureusement
connu que par des fragments conservés par Sirabon qui
reproduisait lui-même en se les appropriant les critiques
injustifiées de Polybe et les extraits du périple sur lesquels
elles étaient fondées.
Entre 323-321, Pythéas entreprend un voyage de circum-
navigation le long des côtes de l'Europe occidentale. Après
avoir gagné Gadeira et longé la côte d'Ibérie, après trois jours
de navigation, il reconnaît une presqu'île habitée par les
Ostidamnii ou Ostimii, c'est-à-dire les Ossismii de la pénin-
sule armoricaine du temps de César, et auprès, les îles parmi
lesquelles il distingue Uxisama, dont le nom breton actuel
Eussa remonte à une forme vieille celtique identique à con-
dition toutefois qu'on adopte pour -hs- intervocalique une
évolution romane. De là, il gagne la Bretagne dont il fait le
tour et à laquelle il attribue 40.000 stades de circonférence.
Il reconnaît l'Irlande. Il aborde au Cantium (Kent), d'où il
estime qu'il faut quelques jours de navigation pour atteindre
la Celtique.
Revue Celtique, XXXVIII. i8
26o y. Loib.
Cette Celtique, en conséquence, ne saurait être le nord de
la Gaule, si l'estimation de Pythéas est fondée, et il n'y a
aucune raison sérieuse pour la rejeter ; il fliudrait la chercher
dans les parages de la mer du Nord, vers la Frise, en tout cas
au delà du Rhin, qu'il a reconnu '. On peut en conclure
qu'au iv^ siècle avant notre ère, la Gaule en grande partie, les
Iles Britanniques et une zone indéterminée au nord de la
Gaule, le long de la mer du Nord, étaient occupées par les
Celtes.
A quelles sciences avoir recours pour suppléer au silence de
l'histoire, avant le iv^ siècle.
La linguistique nous donne à ce sujet quelques indications
qui ne sont pas sans valeur.
Si M. d'Arbois de Jubainville - fait remonter au ix* siècle
avant notre ère, l'établissement des Celtes en Bretagne, c'est
pour une pure question de linguistique. Il adopte l'interpréta-
tion du nom de l'étain chez Homère, v.xGj'-zpzÇjdueà M. Salo-
mon Reinach. L'étain devrait son nom aux îles Cassitérides dans
lesquelles il voit l'île de Bretagne avec les îles adjacentes '. Il
paraît, en effet, impossible de les placer ailleurs '*. Les îles
Cassitérides auraient le sens de insulae extimae et devraient
leur nom aux Celtes de la Gaule. Cassi- entre en composi-
tion de plusieurs noms propres gaulois et brittoniques, mais
son sens n'est pas fixé.
La linguistique peut aussi donner à l'archéologie de pré-
cieuses suggestions pour l'orientation de ses investigations sur
les Celtes, à l'époque préhistorique.
Il est reconnu aujourd'hui qu'au point de vue morpholo-
gique, pour la déclinaison et la conjugaison, le celtique est
plus voisin de l'italique que de tout autre groupe de la famille
indo-européenne : on parle aujourd'hui couramment d'un
groupe italo-celtique. D'un autre côté, il est hors de doute
1. Cf. Jullian, /oHrHrt/ </{'5 suvants, 1905, p. 95.
2. Premiers hahilants de VEurope, II, p. 278.
3. L'étain celtique (Aiitbrop., 1892, p. 275 ; ibid., 1899, p. 397-409).
4. On a prétendu qu'il n'y avait pas d'étain, ou de traces d'exploitation
de l'étain dans les îles Scilly. C'est une erreur (cf. Memoirs Geol. Survey.
The Geology of the Isles of Scilly, 1906, p. 10, 11). Scilly est une
mauvaise orthographe. Le nom au moyen âge est Suli (11 français).
La première apparition des Celles. 261
qu'à une époque impossible à préciser, les Celtes ont été inti-
mement mêlés à la vie des Germains : des emprunts de termes
d'une grande portée historique et sociale faits par les Ger-
mains aux Celtes en font foi, à tel point qu'on admet en
Allemagne même qu'ils ont subi, à une certaine époque, la
suprématie des Celtes. On a même attribué à ces derniers une
part qui ne leur revient certainement pas dans le phénomène
fameux de la loi de substitution des consonnes en germanique ',
sur laquelle on s'est cependant appuyé pour contester aux
Germains une origine indo-européenne. Ce qui est plus sou-
tenable, c'est que peut-être, à l'époque où ce phénomène com-
mence à se produire (vers 800 avant notre ère ?), le con-
sonnantisme celtique avait une tendance à évoluer dans un
sens analogue ; il en reste un témoignage difficile à récuser :
c'est la chute du p indo-européen, à l'initiale suivi d'une
voyelle, et à l'intérieur entre voyelles, dans toutes les langues
celtiques. Il semble, quoique cela ne soit pas certain ^, que le
p soit devenu spirant. Les autres occlusives se seraient arrê-
1. Feist (Kultiir, Ausbreitung luul Hcrhtuft der hidogermanen, en parti-
culier, p. 482 et suiv.) soutient que ce sont les Celtes qui ont introduit une
langue indo-européenne, la leur, chez les Germains : ce qui est à tout point
de vue insoutenable. Van Ginneken {Principes de la linguistique psycholo-
gique, 1907, p. 475 et suiv.) essaie aussi de démontrer que le changement
germanique des plosives sourdes et des sonores aspirées en fricatives a com-
mencé à l'intérieur des mots et de constructions après des voyelles, des
liquides et des nasales, sous l'influence du vieux-celtique, de 700 à 800
ans avant J.-C. Il se serait étendu graduellement et psychologiquement à
différentes catégories grammaticales et psychologiques, mais ce serait seu-
lement alors que les Germains allemands eurent acquis leur autonomie,
lorsque l'influence immédiate des Celtes sur toute la civilisation germa-
nique se fut perdue, vers 300 avant J.-C, que ce changement serait devenu
tellement général qu'il nous serait permis de parler d'une mutation conson-
nantique au point de vue linguistique, comme au point de vue historique.
Cette thèse est insoutenable :vers 500 ans av. J.-C, le contact entre Celtes
et Germains est plus étroit que jamais.
2. Il suffisait d'un simple relâchement dans la jonction des lèvres pour
amener la disparition du p. Peut-être ce relâchement était-il dû à quelque
particularité physique chez les Celtes primitifs, par exemple à un écart
anormal des lèvres. Il ne faut pas oublier que lep était une occlusive aspi-
rée. Sa disparition, il faut le reconnaître, est plus facile à expliquer, si on
admet qu'il avait évolué en spirante bilabiale.
262 ]• Lfltb.
tées ' à une étape moins avancée, à l'époque de l'unité cel-
tique. D'après le témoignage des langues celtiques modernes,
les occlusives indo-européennes p, t, k, et les aspirées sourdes
ph, th, kh, s'étaient fondues non pas en occlusives sourdes,
mais en aspirées sourdes, ph, th, kh. Les occlusives sonores
/; d g et les aspirées sonores indo-européennes bk, âh, gh
s'étaient fondues en aspirées sonores : bh, dh^ gh. Il résulte, en
effet, d'expériences poursuivies pendant deux ans au Laboratoire
de phonétique expérimentale du Collège de France qu'en
gallois (Glamorgan), les occlusives sourdes initiales sont des
aspirées sourdes, tandis que les occlusives sonores ont l'ar-
ticulation des moyennes mais sont sourdes, ou parfois accom-
pagnées de vibrations faibles ^ Des expériences faites sur
quatre sujets irlandais par M. l'abbé Rousselot, il résulte que
les occlusives sonores initiales sont des aspirées sonores. On
remarquera le parallélisme frappant entre la prononciation
des occlusives en gallois et en alémanique moderne '' .
Il ne semble pas exagéré de conclure qu'il y avait chez les
Celtes et les Germains une sorte de parenté organique, dans
l'articulation des consonnes, à l'époque préhistorique.
Tout porte à croire que l'habitat des Celtes en Europe
après la dislocation de la famille indo-européenne devait con-
finer vers le nord à l'habitat du groupe germanique à une
époque, il est vrai, de la préhistoire qu'il est impossible de
fixer.
Ces indications paraissent confirmées par les deux seules
1 . Cette divergence n'a rien d'extraordinaire. C'est ainsi qu'en haut-
vannetais d intervocalique est une spirante interdentale sonore, sporadi-
quement en voie de disparition, tandis que b et g paraissent intactes. Chez
un étudiant de l'île de Groix, le regretté Calloc'h (tombé au champ d'hon-
neur), l'occlusive gutturale sourde initiale était aspirée. Il ne semblait pas
qu'il en fût de même de p et /.
2. J'avais toujours supposé, à l'audition, que l'état des consonnes en
Glamorgan, réserve faite pour les occlusives intervocaliques, était le
même partout en Galles. J'étais dans le vrai, d'après les observations faites
au Laboratoire de phonétique de la Sorbonne, en présence de M. Ven-
dryes.
3. Il semble que l'assourdissement des sonores h, d, g k l'initiale
(même phénomène pour r, 1) soit propre au gallois, donc à un groupe cel-
tique particulier.
La première apparition des Celtes. 263
sciences auxquelles on puisse recourir en dehors de l'iiistoire :
l'archéologie et, dans certains cas, l'anthropologie.
L'archéologie préhistorique est aujourd'hui une science
solide d'une méthode rigoureuse, reposant sur des principes
inébranlables. En s'aidant des données de la stratigraphie et
de la typologie avec le concours des sciences naturelles, géo-
logie, paléontologie, anthropologie anatomique, elle est arrivée
à établir une chronologie relative pour les deux âges de la
pierre, et, pour la période qui commence au second millénaire
de notre ère en Europe occidentale avec l'introduction des
métaux, une chronologie absolue. C'est surtout à partir de la
XIP dynastie des Pharaons (2000-1800 ans avant notre
ère), que les trouvailles égypto-égéennes procurent quelque
synchronisme assez précis pour servir de base à des subdivi-
sions chronologiques justifiées (cf. Déchelette, Manuel, II,
i""^ partie, chapitre premier et chapitre m, § VII, pp. 107-
109).
On ne saurait au contraire invoquer le témoignage de
l'anthropologie, en matière d'ethnographie préhistorique,
qu'avec une extrême circonspection. Lorsque l'archéologie
s'est prononcée sur l'époque au moins approximative à laquelle
remontent les squelettes ou restes humains à identifier, le
rôle de l'anthropologie est de les soumettre à un examen
anatomique complet et rigoureux, puis s'ils sont suffisamment
nombreux et caractérisés pour former un groupe ethnique,
de rechercher auquel des groupes actuels ils sont réellement
apparentés : comparaison très délicate et particulièrement
épineuse, si le groupe ethnique actuel a quitté le territoire
sur lequel l'ancien s'était établi et par conséquent le milieu
où il s'était formé : nombreuses sont les chances d'erreur,
même en usant d'une méthode irréprochable. Un des fléaux
en particulier de l'anthropologie, et par conséquent de l'ethno-
graphie^ c'est, comme l'a fait remarquer entre autres notre
confrère M. Salomon Reinach, le droit qu'elle s'est arrogé et
dont elle a indiscrètement usé de donner sans nécessité et sans
précautions suffisantes à des squelettes ou même à des crânes
anonymes des noms historiques. L'anthropologie qui aurait
dû, comme le disait excellemment M. Boule, dans VAnthro-
264 /. Lot h.
pobgie, 1911, p. 561, rester en contact étroit avec la zoologie
et l'anatomie comparée des vertébrés, des mammifères en
particulier, son rôîe essentiel étant l'étude des propriétés
physiques de l'homme, s'est lancée peut-être trop tôt à la con-
quête du domaine ethnographique sans une connaissance
suffisante de l'archéologie, de la linguistique et de l'histoire.
Elle a adopté comme critériums principaux pour la classifi-
cation des races humaines, la taille, la couleur des yeux et
des cheveux, la structure du squelette humain et surtout la
forme du crâne. Posant en principes notamment l'immuta-
bilité du crâne, en dehors du métissage, elle s'est autorisée
quand elle a réussi, à son avis, à identifier le crâne de l'homme
moderne avec le crâne de l'homme préhistorique, à conférer
à ce dernier une sorte d'état civil et de nationalité.
Sans vouloir entrer dans la discussion de la fixité des carac-
tères somatologiques, je me bornerai à signaler parmi les
écueils de l'anthropologie ethnographique : les généralisations
hâtives reposant sur un nombre trop restreint d'observations
ou l'insuffisance des statistiques ' ; l'emploi en statistique des
I. Il serait trop facile de montrer que les classifications de races par
caractères physiques reposent très souvent sur des statistiques insuffisantes.
La carte de Ripley et Maddison, reproduite par M. Boule dans son livre si
remarquable : Les houuiies fossiles (réserves faites pour le chapitre IX), est
souvent fautive, parce qu'elle attribue des territoires entiers à des races
en réalité composites. Toute l'Ecosse par exempleest attribuée à la race nor-
dique. Or, il est avéré que les Highlanders, en réalité, moins certains
districts, sont de taille médiocre et souvent de cheveux bruns. On peut
en dire autant de l'est de l'Irlande et d'une partie notable du centre
et de l'est de l'Angleterre, et à toute époque du Danemark. Au ix^-x^
siècle, les Irlandais et Gallois distinguaient les Danois des Norvégiens en
les appelant les Payens ou étrangers noirs. Il faut faire également des
réserves pour l'Allemagne du nord, par exemple pour la région de Kiel.
Les Gallois sont rangés dans la race alpine. Or, ils sont souvent mesati-
céphales et blonds. Deniker leur trouve une taille moyenne de 1,69 : elle
n'est que 1,65 à peine.
Il y a aussi des incohérences et des contradictions dans les classifications
raciques. Les Bretons sont classés dans la race alpine. Or, d'après les tables
de Deniker lui-même, ils ont comme indice céphalique 82,7 (Basse-Alsace,
82,5), tandis que les Alpins-type, les Savoyards ont 86,7 et les Auvergnats
87,4. La classification n'est pas plus exacte en ce qui concerne la couleur
des yeux et des cheveux. L'insuffisance des statistiques est patente dans la
La première apparition des Celtes. 265
moyennes qui déguisent l'état réel d'un groupement liumain
et donnent une apparence d'unité trompeuse à une race com-
posite ; l'importance exagérée attribuée à une craniologie
superficielle. On se contente trop souvent de classer les
espèces humaines d'après l'indice céphalique. Les anthropo-
logistes compétents qui traitent l'homme comme il le mérite,
c'est-à-dire comme un simple mammifère, et le soumettent
à un examen anatomique véritablement scientifique, pro-
testent contre l'emploi abusif de ce critérium aussi simple que
dangereux. Un des anthropologistes les plus éminents d'Eu-
rope, l'Autrichien von Tôrôk dans VArchiv fur Anthropologie,
1904, p. iio, a clairement démontré que l'indice céphalique
ne renseigne pas réellement sur la forme du crâne ; qu'il peut
avoir pour facteurs des chifii'res très divers ; que des crânes
effectivement longs peuvent avoir des indices brachycépha-
liques et réciproquement. Aussi le docteur Laloy, rendant
compte de cette éindQ {Anthr., XIV, p. 210), n'hésite pas à
conclure qu'il est impossible de tirer de l'indice céphalique
seul une conclusion sur la forme du crâne, et à plus forte rai-
son, que ses variations ne peuvent être considérées comme
une preuve de mélange de races.
Si par une sorte de contradiction, j'ai recours dans cette
étude à l'anthropologie, je crois m'ctre suffisamment prémuni
carte de la couleur des yeux et des cheveux en France de Topinard. Il en
résulterait que le Morbihan serait un des départements les plus blonds de
France et à une grande distance des autres départements de Bretagne. Or,
d'une enquête que j'ai fait faire dans toute les écoles des deux sexes de
Bretagne, en me servant des cadres de Topinard, avec les mêmes catégo-
ries, les mêmes règles d'observations, il résulte qu'il n'y a que des diffé-
rences peu importantes entre le Morbihan et les autres départements. Pour-
quoi des résultats si radicalement différents ? Parce que les observations de
Topinard ont porté sur environ 1.500 sujets et les miennes sur plus de
100.000. En ce qui concerne l'indice céphalique, de nombreuses observa-
tions m'ont convaincu, qu'il y a en Basse-Bretagne, sûrement dans
l'ouest du Morbihan et une partie notable du Finistère plus de dolichocé-
phales que de brachycéphales. De ce que 60 à 64 % de Morbihannais ont les
veux de nuance claire et à peu près autant ont les cheveux bruns, on est
parti de la carte de Topinard pour soutenir que les Vénètes étaient
Belges, en confirmation de l'assertion de Strabon, qui- repose sur une erreur
de cartographie.
266 /. Loih.
contre le reproche de n'avoir pas connu les dangers d'une
pareille intervention. Je n'échapperai pas, il est vrai, à celui
de donner à des squelettes préhistoriques un nom historique,
mais j'espère, en appelant à mon aide l'archéologie et la
linguistique, obtenir sinon un acquittement au moins des
circonstances atténuantes.
Si on entreprend de rechercher les premières traces des
Indo-européens, on est naturellement porté, même sans
préjuger la question de leur habitat primitif, à se tourner
vers l'Orient dont l'histoire, au moins dans certaines régions,
commence bien des siècles avant celle de l'Europe. Mal-
heureusement l'histoire, pour les Indo-européens établis en
Asie, ne remonte pas au delà du xv^ siècle avant notre ère.
Des noms de chefs et de dieux sûrement iraniens et indous
apparaissent dans les documents découverts à Boghaskiôi, capi-
tale du royaume des Mitani située sur une colline des hauts
plateaux à l'est du fleuve Halys (Salomon Reinach, LAnthr.,
19 10, p. 160). D'après la date de ces documents des peuples
ariens seraient fixés au xv^ siècle dans la Syrie et la Mésopo-
tamie de l'Ouest. On peut supposer que leur établissement
dans ces régions était de quelques siècles antérieur à cette
date.
Des Ariens seraient également établis dans l'Inde occiden-
dale vers la même époque, si on admet que les hymnes
védiques les plus anciennes ne sont pas postérieures au
xv^ siècle et n'ont pas été antérieurement composées ailleurs.
En somme, en Asie même, nous ne relevons auparavant
aucune trace historique des Indo-Européens.
Or, par un contraste qui a tout d'abord quelque chose de
paradoxal, c'est dans l'Europe barbare et sans histoire que
l'on peut fixer avec grande probabilité, au moins un millier
d'années ou même davantage, plus, tôt qu'en Asie, l'habitat
d'un peuple indo-européen.
Les archéologues Scandinaves dont les travaux ont tant
contribué aux progrès de la préhistoire, entre autres le plus
illustre de tous, Montelius, sont d'accord sur ce fait capital,
que' la Scandinavie et l'Allemagne du Nord constituaient, à
l'époque préhistorique, le domaine propre des Germains, et
La première apparition des Celtes. 267
que la population de la Scandinavie est restée la même depuis
le début de l'époque néolithique jusqu'à nos jours. Il n'y a
eu, en effet, depuis aucune solution de continuité dans
l'évolution de la civilisation de cette région et s'il y a eu dans
le cours des siècles quelques infiltrations d'éléments étrangers,
ils n'ont pas été assez importants pour altérer le fond de la
population. L'examen des nombreux squelettes qu'ont
livrés les sépultures mégalithiques établirait que les Scandinaves
actuels sont bien les descendants authentiques de ceux de
l'époque néolithique. Montelius qui a résumé ses travaux
antérieurs dans son Urgeschichte Schivedens, Leipzig, 1906,
P- 57"^5j paraît avoir exagéré l'unité de type physique en
Scandinavie, si on prend l'ensemble de la population de ces
pays, notamment celle du Danemark. D'après Sophus MûUer
{Nordische AUerJiumstiinde. 1897, tome I, p. 200 et suiv.),
dans les grands tombeaux mégalithiques, on a constaté l'exis-
tence de deux types : l'un, dolichocéphale de bonne taille
et bien proportionné; l'autre brachycéphale, à front plus bas,
au crâne rejeté en arrière, de structure plus massive et plus
athlétique. On a représenté ce dernier type comme plus
ancien, comme celui de la population que les envahisseurs du
premier type, les purs Germains, auraient trouvé en possession
du sol. C'est une hypothèse à rejeter, car ce type commun en
Danemark est relativement rare en Suède. C'est le contraire
qui se fût produit, en raison de l'éloignement et de l'isolement
de la Suède, si les brachycéphales avaient été les plus anciens
possesseurs du sol.
Il n'est pas non plus exact que le t3'pe physique n'ait
pas subi quelques modifications. D'après Gustav Retzius
{VAnîhr., 1906, p. 738), la taille est plus élevée en Suède
actuellement qu'à l'époque néolithique. En Danemark, en
cinquante années, d'après des documents officiels récents, la
taille moyenne s'est élevée de 3 centimètres ' ; elle est
actuellement pour les hommes de i ™ 691 (JJAnthr.. 1909,
p. 417 ; cf. ihid., 1910). Gustav Retzius, qui avait constaté
1. Gustav Retzius (VAnthr., 191 1, p. 75) donne comme taille moyenne
aux Suédois de l'âge néolithique i " 66-1 m 67, tandis qu'actuellement la
taille moyenne est de i ™ 71.
268 /. Lotb.
des variations désordonnées dans la capacité crânienne
des Suédois, depuis l'époque préhistorique, est d'avis.
dans un travail récent que la population suédoise est la plus
pure de l'Europe, des statistiques fondées sur de nombreuses
mensurations de crânes de soldats suédois, établissant que le
nombre des brachycéphales dans ce pays est intime. Cette
statistique est absolument contredite par celle d'un autre
Suédois, Nystrom ÇUeber die Verànder. dcrmcnschlichen Schàâein
und deren Ursachen, — Archiv fur Anlhr., 1902, p. 27), qui a
mensuré environ 500 Suédois actuels et trouvé chez eux
autant de brachycéphales que de dolichocéphales. Si les deux
statistiques sont fondées, ce qu'il n'est guère permis de mettre
en doute, il s'ensuivrait, comme l'a avancé Nystrom ', que
la brachycéphalie se développe dans les classes élevées et que
l'élargissement du crâne n'est pas sans rapport avec une haute
culture.
Quoi qu'il en soit, en dépit de quelques exagérations et de
certaines inexactitudes, la théorie de Montelius pour l'en-
semble de la Scandinavie paraît fondée ^ C'est ainsi qu'un des
maîtres incontestablement de la science anthropologique,
Virchow {Die Altnordische Schàdeln :^h Kop. — Archiv filr Anlhr . ,
1^5 55)5 sans se prononcer pour une identité absolue, recon-
naît une très grande ressemblance entre le type craniologique
néo-danois ainsi que néo-suédois et celui de la population des
grands tombeaux mégalithiques du Danemark et de la Suède,
lia été aussi reconnu que des cheveux prélevés sur des crânes
de l'époque de Bronze, qui avaient d'abord paru bruns, en
réalité étaient blonds.
Or, d'après la chronologie de Montelius, généralement
adoptée par les archéologues Scandinaves, les premiers tom-
beaux de pierre remonteraient à plus de 3000 ans avant Jésus-
1. Virchow et Schaffhauscn admettent que le crâne va s'élargissant avec
la civilisation ou le développement de la culture (L'Aiithr., 1894, p. 514 et
suiv.).
2. Si le chauvinisme a sévi chez certains écrivains allemands, comme
Kossinna en matière d'archéologie et d'anthropologie, il n'y en a past trace
chez les archéologues Scandinaves. Les plus qualifiés parmi eux sont, comme
Montelius et Sophus MûUer, nettement opposés à la théorie qui place
en Scandinavie le berceau des Indo-Européens.
La première apparition des Celtes. 269
Christ. Les tombeaux mégalithiques à galerie dateraient du
miUeu du troisième millénaire et les grands coftVes de pierre
de 2000 ans environ avant notre ère. L'établissement d'un
peuple de la famille indo-européenne dans l'Europe du Nord
à une date aussi reculée est de nature à faire reporter à une
antiquité vraiment impressionnante l'unité du groupe indo-
européen et à ouvrir la porte à des hypothèses variées tant
sur l'origine des Germains que sur l'habitat primitif des
Indo-européens '.
I. La thèse de l'origine non indo-européenne des Germains a des parti-
sans en Allemagne. L'introduction d'une langue indo-européenne en
Scandinavie ne saurait s'expliquer cependant sans une forte immigration.
Or, il n'y en a nulle trace ni à l'époque néolithique ni à l'époque du bronze,
d'après l'archéologie. On prétend A l'appui de cette thèse, que l'évolu-
tion des consonnes indo-européennes en germanique, surtout celle des
consonnes initiales, ne saurait s'expliquer sans Tintluence d'une langue
indigène d'origine et de structure non indo-européenne. C'est une question
fort complexe et la solution que je viens de mentionner est vraiment
par trop commode : on pourrait l'invoquer chaque fois qu'on rencontre
dans une langue du groupe indo-européen une déviation importante de
la phonétique dite indo-européenne. Il est certain qu'un peuple soumis ou
simplement dans une situation inférieure à un autre peuple imite dans la
mesure du possible la prononciation du peuple supérieur dont il veut par-
ler la langue. Toute la question est de savoir dans quelle mesure, il le
peut. Elle ne peut être résolue que par voie d'analogie. En Bretagne, par
exemple, dans la zone considérable qui a perdu le breton du xi^ au
xiiie siècle, il n'y a aucune trace des sons caractéristique du breton, par
rapport au roman, ch, tb, â, f[ spirant, ni de l'évolution des consonnes ini-
tiales en construction. Il n'y a en principe à se' transmettre que les sons
dont l'oreille ne perçoit pas la différence avec les sons de la langue à imiter.
Un do mes étudiants à Rennes, M. LeGall,de Guerlesquin (Finistère) avait
pour plusieurs consonnes, comme on le trouvera démontré dans les
Annales de Bretagne, deux séries d'articulations, l'une nettement bretonne,
l'autre en parlant français nettement française. Pourquoi ? Parce qu'il avait
l'oreille extrêmement fine et sensible. Il est très possible que nombre
de ses compatriotes, à l'oreille moins excercée, n'aient en français que
l'articulation bretonne. Il est probable, en revanche, que les différences qui
existent encore en zone bretonnante, n'existent plus dans la zone qui a
perdu le breton au xi^ siècle : l'effort de l'imitation, avec le temps, aura
fait son oeuvre. La phonétique expérimentale seule, au prix de nombreuses
et multiples expériences, pourrait nous dire dans quelle mesure et jusqu'à
un certain point au bout de combien de temps, un peuple ou un individu,
en changeant de langue, conserve dans cette langue nouvelle, son ancienne
articulation. Il serait, en tout cas, prudent de réserver son jugement sur
l'origine de la loi de substitution des consonnes en germanique.
270 J. Loi h.
La linguistique, nous l'avons vu, nous conseille de cher-
cher, à l'époque préhistorique, l'hahitat des Celtes non loin de
celui des Germains. A l'époque si lointaine où ceux-ci avaient
atteint la zone où ils devaient se fixer, on peut assu-
rément supposer, et c'est vraisemblable, que les Celtes ont été
encore à la recherche dune patrie assez longtemps. Mais il est
invraisemblable qu'ils soient restés éloignés pendant de longs
siècles d'un peuple avec lequel ils ont été assurément en rela-
tions intimes à une époque fort lointaine. Il paraît également
impossible que pendant le laps de temps qui s'écoule entre
Tépoque néolithique et le premier cage du fer, au début duquel
l'archéologie nous signale leur présence, ils n'aient pas pénétré
sur quelque point de l'Europe occidentale.
Or, le seul pays de cette vaste zone où à une période
de l'âge préhistorique connue, c'est-à-dire à la fin de l'époque
néolithique et pendant la période de transition, de la pierre
au métal, se soit incontestablement produite une brusque
invasion supplantant la population en possession du sol et la
remplaçant par un peuple entièrement différent, c'est l'île de
Bretagne.
L'archéologie et l'anthropologie se prêtent ici une aide
mutuelle et marchent d'accord.
L'île de Bretagne pendant la dernière période de l'âge néo-
lithique était occupée par une population ', qui inhumait ses
morts ou les incinérait dans des tumuli que les Anglais
désignent d'après leur forme sous le nom de Long Barnnus ou
tumuli longs. Ils se composaient d'une galerie et d'une ou
plusieurs chambres. Les cairns à ckambre ou tiiniuli
recouverts d'un amas de pierres sont de la même époque que
les tumuli longs. Les tuiuuli ronds à chambre - et les cairns
1. D'après Rice Holmes, Ancient Bntain, p. 110-2, résumant les
recherches des archéologues, notamment celles de Greenwell, la crémation
à l'âge de la pierre, aurait été très rare dans le sud-ouest ; presque uni-
verselle au contraire en Yorkshire et dans les cairns à chambre de Bute.
Greenwell, à l'occasion d'une fouille pratiquée par lui dans un cairn
à Crinan, en Argyllshire, dit que la crémation est le rite ordinaire dans
cette partie de l'Ecosse. On peut craindre que dans un certain nombre de
cas on ait conclu à la crémation sur des indices insuffisants.
2. En Derbyshire on a constaté l'existence de tumuli ronds à chambre
et à galerie, d'époques différentes (Rice Holmes, Ane. Britain, p. 108).
La première apparition des Celles. 271
de structure analogue sont regardés comme postérieurs, appar-
tenant à l'époque de transition de la pierre au métal. Les
Long Barrows varient non seulement au point de vue des
matériaux de construction mais encore dans leurs dimensions
et leur forme. On n'y a trouvé aucun objet de métal.
Avant la fin de l'âge néolithique, pendant qu'on élève
encore des tumuli longs, on voit apparaître le tumiiliis rond
utilisé parfois par la population indigène. Ces tumuli
ne tardent pas à l'époque de transition de la pierre au métal
à supplanter complètement les autres. On ne construit plus
de tumuli longs quoique quelques-uns aient subsité et aient
même été utilisés pendant l'occupation romaine. On n'inhume
plus dans des chambres destinées à être ouvertes de temps en
temps, excepté peut-être dans certains cairns du Cornwall.
Désormais les sépultures sont des cists, petits coffres composés
de quatre pierres posées de champ, et fermés par une cin-
quième ; parfois, là où la pierre fait défaut, des fosses creusées
dans le sol ; parfois des troncs d'arbres creusés, parfois de
vrais cercueils. Dans certains cas même, le corps inhumé ou
incinéré est déposé sur le sol sans aucune protection apparente
contre la masse qui le recouvre, amas de terre ou de pierres.
Le Uimulns est de forme ronde, parfois ovale. C'est évidem-
ment une forme évoluée des Tumuli Longs. Les galeries sont
inutiles et disparaissent. Les cairns à chambre du Nord cèdent
la place à des amas de pierres sans plan ; les Longs Barrows à
chambre d'Angleterre, avec leurs seuils, galeries, courbes
extérieures gracieuses, sont remplacés par de simples tertres '.
Ces tumuli sont assurément d'époques diverses ; on n'a pu
encore établir pour eux une chronologie sérieuse. Mais le plus
grand nombre, notamment ceux qui ont conservé les restes
de la population envahissante, sont de l'époque de transition
de la pierre au métal et ne sont pas en tout cas postérieurs
au second âge du bronze (léoo à 1500 avant notre ère, d'après
la chronologie de Montelius). L'inhumation et la crémation
paraissent avoir été pratiquées simultanément, mais la pro-
I. Rice Holmes, Ane. Brit., p. 173-4.
2-1 j. Loth.
portion des deux modes de sépulture varie suivant les
régions '.
Il y a un contraste saisissant entre la population des Longs
Barroivs ainsi que des différentes sépultures néolithiques
d'Ecosse et d'Irlande, et celle des Round Barroius. Les squelettes
exhumés des sépultures néolithiques des Iles Britanniques
appartiennent à une même race caractérisée par une tête
longue et étroite, une face généralement ovale, au nez aqui-
lin, de structure régulière, aux membres plus délicats que
robustes, de taille moyenne (de i ^65 à i" Gè) ^
Les envahisseurs inhumés sous les Round Barroius présen-
tent un type physique entièrement différent. Voici le portrait
qu'en trace l'anthropologiste Rolleston dans l'ouvrage capital
de Greenwell sur les British Barrows : le front est rejeté en
arrière ; les arcades sourcilières sont extrêmement saillantes,
les sourcils très prononcés, les bosses pariétales très dévelop-
pées ; les pommettes sont saillantes et épaisses ; le nez séparé
du front par une échancruretrès accusée se projette fortement
en avant ; les mâchoires sont massives, la structure est
athlétique. L'ensemble, d'après les anatomistes, produit une
impression de force brutale; la face a un aspect menaçant.
Thurnam ajoute même que la saillie parfois extraordinaire des
dents incisives et canines donne à la face une expression de
bestialité. Dans l'ensemble, les crânes sont nettement brachy-
céphales 5. La taille est élevée. Pour 17 squelettes brachy-
1. Dans la région de Cleveland et sur la côte entre Scarborougli et
Whitby, la crémation est la règle ainsi que dans les cairns à chambre de
Bute; en Northumberland, la crémation est deux fois plus fréquente que
l'inhumation. En Derbyshire l'inhumation est un peu plus fréquente. Dans
les Yorkshire Wolds, d'après Greenwell, on a 301 inhumations contre 78
incinérations (British Barrows, p. 409). L'inhumation est rare en Wiltshire
et Dorsetshire ; elle est presque inconnue en Gloucestershire, Devonshire,
Cornwall, Merionetshire, Carnavonshire, Denbighshire. En Ecosse, aucun
des rites ne prédomine (Rice Holmes, Ane. Brit., p. 184).
2. Rolleston ap. Greenwell (British Barrows, pp. 659 et suiv.). Cf. Thur-
nam, On the two principal fornis of ancient British and Gnttlish sknlis
(Memoirs read hefore the anthrop. Society of London, ] 86 5, pp. 120, 459).
5. L'indice céphalique de 103 crânes trouvés avant 1894 dans les Round
Barrows ou diverses sépultures de l'âge du bronze est de 70 à 88 ; 5 5
dépassent 80; 19 squelettes des Round Barrows où on n'a pas trouvé de
La première apparition des Celtes. :275
c:éphales, exhu mes avant 1 86 5 , la taille moyenne est de i "' 7 5 3 ;
27 squelettes, en y comprenant les 17 précédents, ont une
taille moyenne de i " 763 '. L'examen de squelettes découverts
depuis la publication des Cranta hritannica a donné pour la
taille des résultats analogues ^.
Certains crânes unissant les contours de la brachycéphalie
à la dolichocéphalie, comme il fallait s'y attendre, on trouve
le type nouveau mêlé à l'ancien dans certains Round Barrows.
Les crânes des grands brachycéphales représentés dans les
Crania britanniça et les British Barroius de Greenwell n'ont
pas tous non plus un aspect aussi peu engageant que ceux
qui viennent d'être décrits 5.
Il est évident qu'il y a eu plusieurs vagues d'envahisseurs,
mais le gros paraît bien avoir pénétré dans l'île au début de
l'rige du métal. Il semble qu'ils y aient été précédés ou suivis
par des groupes de brach3'céphales d'un type fort diffèrent
qu'on a surtout trouvés dans les cists d'Ecosse et les tumuli
ronds du pays de Galles ■*.
métal, ont un indice allanl de 68 à 88. Ceux dont l'indice est au-dessous
de 80 peuvent être considérés comme appartenant à la race néolithique,
(Rice Holmes, Ane. Brit., p. 426; cf. Beddoe, L'Anthr., V, 1894, p. 522).
1. Journal of tlie Anthr.Inst. of Great Brit. and Irel., XVI, 1888.
2. Cf. Rice Holmes, Ane. Brit., p. 425-6.
5. Dans un Round Barrow à Helperthorpe, East Riding, Yorkshire, on
a trouvé deux squelettes, l'un dolichocéphale, l'autre brachycéphale. Des
fouilles plus récentes ont donné une forte proportion de crânes inter-
médiaires en East Riding (British Muséum : 4! Guide lo the antiquities of tlie
Bronze Age, p. 21).
4. On a prétendu que l'Irlande n'avait pas été atteinte par les invasions
des brachycéphales. C'est une erreur (cf. Proceedings of the Roy. Ir. Ae.,
3 ser., IV, 1896-8.) Haddon avance qu'il s'agit des brachycéphales néo-
lithiques de l'Europe centrale. A la vérité, l'archéologie de l'Irlande est
mal connue ; les fouilles conduitef d'une façon méthodique avant Coffey
sont rares. L'anthropologie manque de matériaux. Les races sont trop
mêlées à l'époque actuelle pour que l'anthropologie puisse en tirer de
sérieuses conclusions pour l'époque préhistorique. D'ailleurs, les méthodes
employées sont entachées des mêmes vices si souvent constatés
ailleurs, notamment l'abus des moyennes. C'est ainsi que pour la popu-
lation de Ballycroy, en Sligo, Browne, pour 50 individus, donne comme
moyenne d'indice céphalique 78,5. Fort heureusement il donne l'indice
individuel et range le tout par catégories. Il se trouve en réalité qu'il y a
274 /• Loth.
Ils sont plutôt de taille médiocre. Quatre squelettes des
Round Barrows du Glamorganshire ont une taille moyenne
de i"'65 à i"'é6; la taille de sept squelettes d'hommes trouvés
dans les cistes de l'Aberdeenshire et des environs, va de i'"52
à i™70; la taille moyenne d'après l'anatomiste Alexander Lov/
serait i"'6o '. Le crâne est large: les lo' crânes de l'Aberdeen-
shire et environ ont pour indice céphalique de 82.3 à 92.3 ;
indice moyen 85.39; ^^^^^ ^^ Glamorganshire ont de 81.7 à
86 : indice moyen 84.2. Aucun de ces crânes n'est prognathe,
ce qui arrive chez les grands brachycéphales ; ils sont aussi
élevés que ronds et larges; les pommettes ne sont pas saillantes;
les arcades sourcilières sont légèrement développées ; la face
est large et courte ; la mâchoire inférieure petite -. Ce type
paraît, au moins en ce qui concerne la taille et l'indice cépha-
lique, largement représenté en Gaule et dans l'Europe centrale,
à l'époque néolithique. Thomas H. Bryce ^ distingue dans
l'île d'Arran et en Ecosse, en général, deux groupes de popu-
lations, l'un néolithique, inhumant dans une chambre sans
galerie d'approche ou dans de grands coffres de pierre ; l'autre
en petits cistssous cairn. La population du premier groupe est
la même que celle des Long Barrows d'Angleterre ; c'est elle
également qui a occupé l'Irlande. Le groupe des petits cists est
de type physique tout différent et d'après Bryce, qui n'en
dans cette population à indice plutôt dolichocéphale, une majorité de
brachycéphales : 28 contre 20 mésaticéphales et 2 dolichocéphales. La taille
moyenne est de i ™ 721 (Proc, of the R. I. A., IV, 1896-8). Si quelque
conclusion pouvait être tirée de ce relevé on serait tenté de conclure que
la race des grands brachycéphales de Bretagne a été beaucoup plus large-
ment représenté en Irlande qu'on ne le croit communément. Borlase qui a
étudié à fond l'anthropologie de l'Irlande est d'avis que la race des Long
Barrows y est largement représentée mais qu'elle a été très influencée par
une race brachycéphale (The Dohriens of Irelaiid, tome III, p. 1026).
1 . Proc. Aberdeenshire, Anatoiii. and Antbr. society, 1902-4, 3 i .
2. //nW.,p. 54.
3 . On the cairns of Arran (Proc. of the- soc. of aiitiq. of Scothind, XII,
3 sér. 1901-2, p. 74-189). Borlase (The dohueiis of Ireï., p. 1014) est
d'avis d'après l'étude des crânes découverts en Irlande dans les stone-cists et
certains tumuli analogues à ceux des Round Barrows, que les brachycé-
phales qu'on y a découverts ne sont pas de même race que ceux de Bretagne
et les ont précédés.
La première apparition des Celtes. 275
donne pas de preuves suffisantes, de taille supérieure. Ce sont
des envahisseurs apparaissant à l'époque du métal. Bryce les
fait venir de la Gaule, mais les caractères physiques et en
particulier craniologiques des brachycéphales des deux pays
ne sont pas exposés d'un façon assez précise pour qu'on puisse
en tirer une conclusion satisfaisante.
De plus, les brachycéphales de la Gaule, non seulement
présentent des types variés, mais encore dans la zone où ils
paraissent à l'époque néolithique, à l'est d'une ligne partant
de l'embouchure de la Seine et aboutissant aux sources de la
Garonne ', ils sont intimement mêlés à des dohchocéphales.
On ne peut parler ici de conquérants et de conquis ; il s'agit
d'une même population comprenant deux types différents ^
et des types intermédiaires. En supposant une invasion de
cette population en Bretagne et en Ecosse, on devrait la
trouver dès l'abord aussi mêlée dans leur nouvelle patrie
qu'en Gaule, ce qui ne paraît pas justifié par les faits, au
début de leur immigration '. H semble bien que les brachy-
céphales en question aient été refoulés vers l'ouest et le nord
par les grands brachycéphales, ou, si leur venue dans l'île
s'esrfaite vers la même époque, qu'ils aient reflué plus loin,
trouvant déjà une partie considérable du pays fortement
occupée. A l'âge du bronze, les conquérants des Round Barrows
occupent en nombre une grande partie de l'île. C'est ainsi
qu'en Wiltshire où ils sont le plus nombreux, on n'a
trouvé que éo Long Barrows, tandis qu'on y compte environ
2000 Round Barrows -".
De quel point du continent viennent ces envahisseurs?
Etant donné le type si caractéristique des grands brachycé-
phales des Round Barrows, c'est évidemment aux anthropolo-
gistesà rechercher à quelle race continentale ils sont apparentés.
Sur ce point, les plus compétents parmi ceux qui ont étudié
leurs squelettes, Thurnam, RoUeston, Beddoe, sont d'accord:
le type qui leur est le plus étroitement apparenté est le type
1. Hervé, Revue mensuelle de V Ecole iV Anthr., 1895, p. 24.
2. Déchelette, Manuel, I, p. 485.
3. Rice Holmes, Ane. Brit., p. 427-8.
4. Rice Holmes, Am. Brit., p. loi.
Revue Celtique, XX.XV1II. ,ç
i;6 /. Loi h.
danois néolithique caractérise par les crânes dits de Borreby,
exhumés d'un monument mégalithique de l'île de Falster '. Le
D'' Barnad Davis a mensuré une série importante des crânes
de Borreby et les a décrits dans les Crama Britannica y
chap. \'III. Thurnam les compare ^ à ceux des Round Barrows,
et donne une gravure du plus caractéristique d'entre eux.
Le front est rejeté en arrière ; le crâne est platycéphale ; les
arcades sourcilières sont très proéminentes ; même échan-
crure naso-frontale ; même aspect massif et rugueux de la
tace. La taille des hommes de ce type est élevée; ils sont de
structure athlétique. Le D"" Hamy dans ses Premiers Gaulois
{L'Afitbr., 1907^ p. 130) a reconnu dans un des deux crânes
du tumulus de Bréry, dans le Jura, un type absolument
semblable au crâne dit de Borreby ; il signale en particulier
l'épaisseur et la rudesse des arcs sourciliers tout percés de
petits orifices vasculaires, et qui, dit-il, rappellent de fort près
les saillies similaires du célèbre crâne de Borreby. Le crâne
de BréiT est nettement brachycéphale. Ses diamètres seraient
voisins de ceux des crânes brachycéphales des tumuli du
Châtillonnais. Le D' Hamy persuadé que ses premiers
Gaulois avaient apporté le ter en Gaule, plaçait les tuiniili
qui lui ont livré ses squelettes ou crânes à la première époque
du fer. Il a été reconnu que plusieurs sont de l'époque du
bronze. On ne peut malheureusement pas se prononcer sur
l'âge du tumulus ou des deux luinidi de Bréry. Ils ont été
fouillés en 1867 par M. Sauria, mais il semble qu'il n'y ait eu
aucune relation détaillée des touilles.
Il ressort en tout cas de ce qui précède un tait important,
c'est que la race des grands brachycéphales en question n'était
pas exclusivement confinée en Danemark.
Il est sûr également que les envahisseurs de l'île ne viennent
pas de ce pays. La civilisation que nous révèlent les Round
Barrows est très différente de la civilisation danoise, à la fin
du néolithique, tant par la forme et la structure des tombeaux
1 . Thurnam, Memoirs AiUhr.soc. I, 1863-4, pp. 130, note et 11° 508-10.—
Rolleston, Biit. barrou; pp. 588-9, 680. — Bcdcloe, Journal of the aiithr.
Insl., XIX, 1890, pp. 482-3.
2. Memoirs I, p. 5 10-5 11.
La première apparition des Celles. 277
que par les coutumes funéraires, et les objets domestiques
comme la poterie.
Il est d'un autre côté invraisemblable que les envahisseurs
d'un type plus largement représenté au Danemark que
partout ailleurs, à la même époque, n'aient pas été dans le
voisinage plus ou moins immédiat des néolithiques Danois.
On ne se tromperait guère vraisemblablement en plaçant leur
point de départ entre le Danemark et le Rhin '. A quelle
race, ou. plutôt à quel peuple historiquement connu appar-
tenaient ces envahisseurs de la Bretagne ?
On a fait à cette question les réponses les plus variées ;
Rice Holmes (^Anc Brit., p. 428-30) qui les discute toutes
en compte jusqu'à six principales : pour les uns ce sont des
Goidels (aujourd'hui Gaëls), pour d'autres des Belges ; on a
pensé aussi aux Finnois ; les uns les font venir du Danemark
ou de la péninsule Scandinave ; d'autres vont les chercher
jusqu'en Dalmatie, tandis que quelques-uns les trouvent dans
la vallée du Rhin. Il y en a enfin qui croient adopter une atti-
tude plus scientifique en déclarant qu'ils ne peuvent leur
donner de nom historique mais qu'il est impossible que ce
soient des Indo-Européens. C'est Tavis de Rice Holmes qui a
discuté toutes les théories énoncées plus haut et n'en adopte
aucune (Jnc Brit., p. 433). L'hypothèse, dit-il, qu'un
peuple de langue celtique a envahi la Bretagne à la fin de
l'époque néolithique ou au début de l'âge du bronze, implique
que le latin et le celtique, les plus proches parents, ont été
ditTérenciés longtemps avant la fin du néolithique. Est-ce
qu'aucun philologue, ajoute-t-il, connaissant les rudiments de
l'archéologie, approuverait une théorie si déraisonnable?
Philologue, je connaissais,, sans nulle vanité, les rudiments
de l'archéologie avant d'avoir lu l'ouvrage capital si nourri
de faits et si consciencieux de Rice Holmes, mais je
reconnais qu'il a beaucoup accru mes connaissances sur
l'archéologie des Iles Britanniques. Je l'étonnerai donc
I. Ahercroraby, Bron:(^e âge potier) of Great Brit. and Irel., 1912, tome
I, p. 66, se prononce pour la vallée du Rhin, en se fondant en particulier
sur les ressemblances des vases caliciformes de Bretagne et ceux de Mavence,
Urmitz, Andernach et d'autres des bords du Rhin.
278 /. Lot h.
en n'hésitant pas à déclarer que rh3'pothèse en question
n'est nullement une preuve d'ignorance aussi bien en archéo-
logie qu'en linguistique. Il saute en effet aux yeux, que vers
le début du deuxième millénaire avant notre ère, la famille
indo-européenne était depuis longtemps disloquée. Ses diffé-
rents membres sont séparés par d'immenses espaces. Ils
s'échelonnent sur une aire qui s'étend de la mer du Nord à
l'Inde Occidentale, et se trouvent sans nul doute séparés les
uns des autres par des peuples appartenant cà des familles
linguistiques différentes. Les Germains sont déjà sur leur
domaine propre plus de trois mille ans avant notre ère et
aucun philologue connaissant les rudiments de l'archéologie
n'a songé à contester ce fait sous prétexte que ce serait admettre
une différenciation extrêmement lointaine entre le germanique
et le groupe qui lui est le plus apparenté, c'est-à-dire le
groupe slavo-baltique.
Après tout d'ailleurs, si on ne veut pas admettre une diffé-
renciation, à pareille époque entre le celtique et le latin, il
ne s'ensuit pas qu'on ne puisse admettre une séparation
entre Celtes et Italiotes. Accordons à Rice Holmes que la
séparation en aura été plus douloureuse s'ils étaient frères et
non cousins '.
D'ailleurs un peu plus loin, p. 444, Rice Holmes ne nie
pas que des envahisseurs parlant une langue celtique aient
envahi la Bretagne avant la fin du premier âge du bronze,
mais selon lui il ne peut être question des grands brachycé-
phales parce que les vrais Celtes, d'après la peinture physique
que nous en ont fait les écrivains de l'antiquité devaient
I . Quand on parle de groupe italo-celtique, il ne faut rien exagérer.
Il y a assurément dans la flexion des traits communs qui ne se retrouvent
pas ailleurs. Mais les différences dans le système phonétique, comme nous
l'avons vu, sont graves ; un accent commun italo-celtique est un mythe.
La structure de la langue à l'époque de l'unité celtique, telle que nous
pouvons la reconstituer par l'étude du gaélique et du brittonique, est
essentiellement différente de celle de l'italique. On croyait propres au
celtique et à l'italique les formes verbales en -r, le tokharien nous a fait
la surprise de prouver qu'il n'en est rien. On peut soutenir, il est vrai,
que les deux groupes italique et celtique, ont évolué rapidement dans
des directions divergentes, après leur séparation.
La première apparition des Celtes. 279
être dolichocéphales ou mésaticéphàles. Je ne sache pas qu'au-
cun de ces écrivains ait décrit la forme du crâne des anciens
Celtes. Il est vrai que le crâne des squelettes trouvés en
Bretagne à l'âge du fer, le plus souvent n'est pas brachycé-
phale, mais comme les Indo-européens primitifs, la famille
celtique comprenait assurément les deux types. Certains
groupes, dans cette famille, participent plus de l'une que de
l'autre. De plus, à l'époque en question, ils sont certainement
mêlés d'éléments hétérogènes. Si on demande à Rice Holmes
où sont à la fin du deuxième âge du bronze les squelettes des
vrais envahisseurs Celtes, il répond : nulle part ; ils ont été
incinérés. Il ne s'ensuivrait pas cependant que la population
des envahisseurs eût disparu ou se fût fondue complètement
avec la population néolithique. RoUeston et Thurnam ont
trouvé dans un tombeau qui n'était guère antérieur aux inva-
sions saxonnes, à Crawley, Oxfordshire, de nombreux sque-
lettes d'une tribu brittonne appartenant nettement au type
brachycéphale.
Il ressort d'ailleurs des recherches de Rice Holrnes lui-
même que l'inhumation a persisté concurremment avec
l'incinération pendant le second âge du bronze et il semble
bien que les caractères physiques des inhumés n'aient été
modifiés que dans le cas de métissage '. En réalité, on n'a pas
de preuve qu'il y ait eu de nouvelles immigrations dans l'île
avant l'époque du fer.
Si on veut choisir entre les peuples à nom historique
auxquels on a proposé d'apparenter les envahisseurs de la
Bretagne qui nous occupent, il en est qu'il ne faut pas
hésiter à éliminer. Il ne peut être question ni des Scandi-
naves pour les raisons données plus haut, ni des Finnois
qu'il faut chercher au nord-est de l'Europe, ni des peuples
de la Dalmatie ou de l'Illyrie, qui devaient sûrement être
séparés de la mer du Nord par d'autres populations. En
supposant les conquérants de l'île de souche celtique, on ne
I . A Snowshill, Gloucestershire, dans un Round Barrow, à inhuma-
tion, on a trouvé des objets appartenant clairement au 2^ âge du bronze
(British Muséum. A Guide to the antiquities of the Broute Age, p. 74, 83).
2So /. Lolh.
peut songer un instant aux Belges proprement dits dont
l'invasion en Bretagne ne remonte guère à plus de 200 ou
150 ans avant notre ère. Goidels et Brittons ' ont sûrement
trouvé avant eux dans les Iles Britanniques, un autre peuple :
ce sont les Pietés ou plus exactement un peuple dont le nom
vieux-celtique à l'époque de l'unité goidelo-brittonique était
Oriteno-s, plur. Oriteiioi, OuritenJ. Oritenos est représenté en
moyen-irlandais régulièrement par Cruthen -. La forme la
plus usuelle est le dérivé Cruithncch, Picte ; le pays des Pietés
est Cruit}me= Orileniû-nK La forme brittonique répondant à
Oriicnl est le gallois Pr\dyn, qui au moyen âge désigne
l'Ecosse ^ : la labio-vélaire indo-européenne q" aiusi que
l'occlusive Z' suivie de //- donne en brittonique comme en
■gaulois p à une époque qu'on ne peut fixer mais sûrement
antérieure au vi^ siècle avant Jésus-Christ, comme Fa mon-
tré M. d'Arbois de Jubainville dans ses Premiers habitants
de FEiirope. Les Pietés, à l'époque historique, occupent une
bonne partie de l'Ecosse et le nord de l'Irlande. Si Prydyn,
chez les gallois, désigne l'Ecosse et à l'origine spécialement
les Pietés, Prydain, à toute époque, est la seule dénomination
sous laquelle les Gallois connaissent l'île tout entière. La
forme brittonique de Prydain est Pfiteniâ ou PfUauiâ. Un
rapprochement paraît s'irnposer entre ce nom et celui de
Prctania, lIp£-:[T]zv'.y.al v?îo-o'., le plus ancien nom connu des
géographes grecs pour la Bretagne >. Au témoignage de
Stéphane de Byzance, c'était l'orthographe de Mareianus
1 . J'emploie le terme Brittons pour éviter l'emploi des termes Bretons
insulaires et Bretons armoricains.
2. Cnitheii-li'nith désigne aussi le peuple picte (Kuno Meyer, Coutr. lo
irish Lexic).
3. Kuno-Meyer donne le datif sing. Criiithniu.
4. Une strophe du Gododin, p. 92, v. 21 conserve une forme plus
archaïque : Pr\den désignant ici les Pietés = Priten-ùs = pan-celt.
Qriten-es :
Goruchyd y lav loflen
Ar Gynd a Gtvydyl a Pljryden,
« Sa main lève son gantelet sur les payens (de Scandinavie), les Goidels
et les Pietés. » Pour Prydyn, VEcosse, cf. J. Loth, Mahinogiom I, 273, note.
5 . D'Arbois de Jubainville, Vile Prêtaiiiqiu\ les îles Prétaniques, les
Brettones, Britanni {Rev. Celt., Xll, p. 398, 51).
La première apparition des Celtes. 281
d'Héraclée et de Ptolémée. Dindorf, dans son édition des
Geographici Minores, a constaté que c'est la forme donnée par
les meilleurs manuscrits de Ptolémée et Strabon. Il y a une
difficulté à l'identification de la forme galloise et de la forme
des géographes : c'est la présence d'un c au lieu d'un l bref
dans cette dernière '. Mais on peut supposer peut-être une
forme dialectale insulaire avec un / voisin de e. Il peut se
faire qu'il y ait eu dans la transmission orale ou même
manuscrite, une certaine inexactitude^ ou un certain flot-
tement. Si l'identification est admise, ce qui paraît s'imposer,
il n'y a plus le moindre doute que les Briltones en abordant
dans l'île l'aient trouvée en possession des Qritetwi ou Qriten-es ;
c'est-à-dire des Pietés. Pritenia ou Pritania est la contrée des
Pietés. Il est frappant que les Brittons n'ont jamais connu
d'autre nom pour l'île, tandis qu'ils n'en ont jamais tiré pour
eux un nom ethnique. Pritania ou Pritenia ^st pour eux au
fond une contrée étrangère. Ils n'ont jamais emplo3^é pour
eux-mêmes aucun autre nom que celui de Britton-es ^. Comme
il est de toute évidence que la forme du nom du pays des
Pietés qu'ont trouvé les Brittones à le'ur arrivée était
Oritenia et le nom du peuple Oritcnoi ou Oritenes, et que
l'évolution de Qritenid en Pritenia ' est l'œuvre de la phoné-
tique britionique, il est sûr que, contrairement à une opinion
reçue, les Brittones ont pénétré dans l'ile au moins avant le
vi^ siècle de notre ère, car le changement de q" en p paraît
accompli à cette époque.
Si les Brittons ne tiennent pas la forme Qritenia des Pietés
eux-mêmes, on pourrait supposer qu'ils l'ont connue par les
1 . Prydain peut s'accommoder de Prétania, mais la forme la plus
ancienne dans une généalogie du ix^-x^ siècle est Priten qui avait sans
doute n mouillé : Pappo Post Priten, plus tard Paho Post Prydain (J. Loth,
Mal'-., II, p. 342).
2. Les Irlandais donnent aux Bretons le nom de Brettain, gén. plur.
Brettan =1 Brillant; vers le vie-viie siècle après J.-Chr., les Bretons insu-
laires de rOuest, en lutte avec les Anglo-saxous, se sont donné le nom
de Com-brofes (Com-brogls), singulier Combrox, compatriotes : d'où les noms
modernes de Cymry, sing. Cymro. En breton-mov., dans le cartulaire de
Quimperlé, on a la forme régulière bretonne correspondant : Kenihre.
5. Prétania ou Pritania peut devoir son </ à l'analogie; Cf. Aqnitania.
282 /. Loth.
Goidels qui auraient été établis avant eux en Bretagne. Mais
les Irlandais n'ont jamais appliqué le nom de Cruithue
^=On'tciiio->i à l'île entière: il ne s'applique qu'au pays des
Pietés proprement dit. Si les Pietés sont des Celtes, ce qui me
paraît certain, ils ont pu être précédés dans l'île par d'autres
tribus de la même flimille.
Mais il n'est pas douteux qu'à la fin de l'époque néolithique,
l'unité lins^uistique de la famille celtique existât.
Les différences profondes qui existent à l'époque historique
entre le groupe goidélique et le groupe brittonique, dues
surtout à une divergence dans l'accentuation que l'on constate
dès l'occupation romaine en Bretagne, ne peuvent remonter
au delà de quelques siècles avant notre ère. Comme nous ne
savons quel nom ethnique se donnaient les peuples de cette
famille linguistique à l'époque de l'unité, on doit se contenter
du terme conventionnel de Celtes pour qualifier les conqué-
rants de la Bretagne au début de l'époque du métal si on se
décide à leur conférer cette nationalité. On peut s'y hasarder
pour diverses raisons '.
Physiquement^ ils appartiennent à un type fortement
représenté en Danemark, ce qui paraît assurer leur origine
indo-européenne, et aussi indiquer que leur point de départ
du continent ne saurait être bien éloigné du Danemark, pro-
bablement dans le voisinage de la mer du Nord. On ne voit
pas quel autre peuple indo-européen pourrait occuper vers la
fin du néolithique cette zone. Enfin, si on leur refuse la qua-
lité de Celtes, comme aucune autre immigration n'est constatée
dans l'île avant l'âge du fer, il faudrait supposer que les Celtes
n'y auraient pas pénétré avant le vi^ ou V^ siècle de notre ère,
alors que les Brittones s'y étaient établis, comme nous l'avons
vu, avant cette époque, et d'autre part que les Celtes occu-
paient très certainement une partie considérable de l'Europe
occidentale au nord de la Gaule, plusieurs siècles auparavant,
tout au moins dès le début de l'âge du fer, c'est-à-dire neuf
siècles avant notre ère.
I. J'ai déjà soutenu cette théorie dans ma leçon d'inauguration au Col-
lège de France : Les études celtiques ; leur état présent \ leur avenir {Revue
internationale de V enseignement, 191 1).
La première apparition des Celtes. 285
Peut-être y a-t-il dans un nom de rivière un souvenir de
l'époque reculée où les Celtes n'étaient pas bien éloignés
de la région de l'ambre. Le professeur H. M. Chadwick,
dans son travail Soriie gertiian River-Names paru dans les
mélanges offerts en 1913 à William Ridgewe}' à l'occasion du
soixantième anniversaire de sa naissance, p. 315, a identifié le
nom de trois rivières de Thuringe et d'un affluent du Rhin
entre Diisseldorf et Deutz, Wipper, avec le nom de deux
rivières d'Angleterre, Weaver en Cheshire, et IVaver en
Cumberland. La Weaver représente une forme anglo-saxonne
*Weofre (cf. JVevere, Wivrhani), plus tard WeverÇe) au xiii^
siècle. Le Waver est pour * ÏVaefer , avec le changement nor-
thumbrien en e de ae après zt'. Les Anglo-Saxons ont trouvé ce
nom en Grande-Bretagne, sous une forme celtique, ce qui
explique qu'il n'ait pas subi le changement teutonique de b en
p. La théorie de Chadwick a été confirmée d'une façon frap-
pante par l'éditeur des mélanges, le regretté celtiste Quiggin.
Il signale dans une charte du Book of Llandav. éd. G. Evans,
p. 159, un ruisseau du Monmouthshire portant un nom com-
posé gallois identique à Weaver dans son premier terme :
Guefrduvr : duvr signifie mz; et remonte au \\-ct\l.duhro repré-
senté en Allemagne par la Tnnher et bien connu aussi en Gaule.
Quant à guefr- il remonte à un vieux-celtique. Vebro-, qui
entre en composition de noms propres gaulois et brittoniques
{Book of Llandav, p. 162 : Guebr-gitr =^*Febro-viro-s '); c'est
le nom de l'ambre chez les Gallois aujourd'hui même sous la
forme Gwejr Q=^v). L'étvmologie de gwefr qui paraît propre
au pays de Galles est inconnue. Dans le même travail, Chad-
wick établit que le nom du Weser est celtique. C'est le nom
de la Vesdre, qui se jette dans l'Ourthe, non loin de Liège, et
ce qui est absolument probant, c'est le nom de la Wear (Dur-
ham). Au commencement du viii^ siècle (Beda, H. E., IV,
18 ; V, 21) la forme est IViiir. Conformément à la phonétique
brittonique, s intervocalique avait disparu avant l'arrivée des
Anglo-Saxons. Comme la Weaver, c'est un nom qu'ils ont
trouvé dans l'île de Bretagne. Quoi que l'on puisse penser au
I . Dans le poème lyrico-épiqiie le GoJodin, poème dont le noyau primitif
remonte au vn« siècle, les chefs portent des colliers d'ambre.
284 ' /. Loth.
sujet du sens primitif de Wipper, Weaver, Wcbr, la présence
de ce nom et de celui du Weser en Angleterre et en Germanie,
sans qu'on puisse douter de leur origine celtique, suffirait à
prouver que les Celtes ont occupe non seulement l'Allemagne
du sud mais une partie importante de l'Allemagne du nord-
ouest et de l'Allemagne centrale.
Le mouvement d'expansion des Celtes, quilesauraitamenés
en Bretagne vers le conmiencement du deuxième millénaire
avant notre ère, paraît s'être produit vers la Gaule à une
époque à peu près contemporaine '.
Les Celtes que MM. Al. Bertrand et Salomon Reinach nous
avaient montrés, il y a quelques années, établis au vi^ siècle
dans la vallée du Danube et du Pô, occupaient assurément les
deux rives du Rhin, au moins vers 900 avant notre ère, au
début de l'époque du fer, c'est-à-dire à la première époque de
Hallstatt. La civilisation dite de Hallstatt, du nom d'une
localité de la Haute-Autriche (dans le Salzkammergut), où
elle nous a été révélée dans des centaines de tombeaux (plus
de 900) - et qui est vraisemblablement d'origine illyrienne,
s'est répandue sur la plus grande partie de l'Europe.
Disposant de matériaux d'une exceptionnelle richesse au
premier et au second âge du fer, l'archéologie, d'après les
traits de similitude des rites funéraires et des principaux types
industriels, est arrivée à reconnaître dans ce vaste domaine
un groupe rhéno-danubien celtique, comprenant l'Allemagne
du sud et de l'ouest, la Suisse du nord, la France orientale.
D'accord en principe avec Hoernes à qui on doit une étude
1. Il y a eu, en Europe centrale et occidentale, à la fin du néolithique
et au début du bronze, des mouvements de peuples de type différent et
de civilisation matérielle différente qu'il est impossible d'identifier. La ten-
tative de Schliz qui a employé comme principal critérium combiné avec la
forme du crâne des tombeaux mégalithiques, les différents types de poterie,
ne pouvait réussir, malgré la connaissance approfondie qu'il a du sujet et
l'ingéniosité qu'il y déploie (sur les critiques de sa théorie, cf. Feist, Kulliir,
AnshreitHHg, p. 82 et suiv.),
2. La nécropole de Glasinatz en Bosnie, connue surtout depuis 1894
(Salomon Reinach, VAntr., 1894, p. 554) est encore beaucoup plus riche
(environ 20.000 tumuli en pierres). Les productions indigènes sont nom-
breuses, mais elles ont partout des traces manifestes d'influences grecques
et italiques (Déchelette, Manuel, II, 2^ partie, p. 598).
La première apparition des Celtes. 285
approfondie de l'époque de Hallstatt ', Déchelette y ajoute
avec preuves à l'appui la France du centre, c'est-à-dire le
Berry et l'Auvergne ^. Comme il est établi, ajoute-il "', qu'à
l'époque de la Têne I (500 à 300 avant J.-C.) aussi bien qu'à
la Têne II (300 à 100 avant J.-C), tout ce territoire apparte-
nait aux Celtes, et que jusqu'à la fin de cette dernière époque
on ne constate sur ce vaste territoire aucune particularité pro-
fonde, dénotant un changement de population, on peut en
conclure que tout au moins dès l'époque de Hallstatt, la Cel-
tique comprenait le même domaine. Pour l'ouest et le sud-
ouest de la Gaule, Déchelette croit que l'âge du bronze a sub-
sisté jusqu'au début de la seconde période hallstattienne, c'est-
à-dire jusque vers le vii^ siècle avant notre ère +. On a cepen-
dant fouillé quelques tumuli hallstattiens en Armorique
dont certains doivent remonter à la première période '.
De plus, d'après des trouvailles comme celle de Vénat dont les
objets sont delà hn de l'âge de bronze et qui a livré un ou
deux fragments de fer, synchronique semble-t-il avec celle de
Questembert (Morbihan), d'après la trouvaille de Calastrenn-
en-Bangor (Belle-Ile) dont le vase paraît avoir été couvert
d'un culot de fer, il semble bien que le fer ait été connu aussi-
tôt dans l'ouest que dans l'est. Son usage a peut-être tardé
davantage à s'y généraliser. En tout cas, personne ne conteste
que, vers le vi-v^ siècle, la Gaule occidentale n'ait été celtique.
En Allemagne, les Germains, à l'époque de Hallstatt.
d'après Hoernes, formaient le groupe Elbe-Oder, comprenant
le Haut-Palatinat, la Bohême du nord, la Silésie de Posen ^.
1. Die Haltstalt Période, Arcl)ivfnr Anthr., 1905, p. 223-281.
2. Manuel, II, 2^ partie, p. 678, 677. Le premier âge du fer est même
représenté dans le tumulus de Genévrier (Aveyron) : ihid., p. 674.
5. Ihid., p. 571.
4. Manuel, II, ire partie, p. 109.
5. Le tumulus de Lann-Nilizienn en Silfiac parait bien de cette époque
(clou en fer à tète de bronze). Celui de Lignol enCarnac, par sa structure,
doit être de la même époque. Le tumulus du Rocher, en Plougoumelen,
par la forme de son vase en bronze, ne peut être antérieur au vie-v^ siècle.
Le grand tumulus de Lann-er-Bugn en Lignol (Morbihan) qui a livré une
pointe d'épée en bronze, tumulus par incinération, est de l'époque de tran-
sition du bronze au fer.
6. Déchelette, d'après Hoernes (Manuel, II, 2^ partie, p. 588). Phil ,
286 /. Loth.
A l'âge du bronze, sur les deux rives du Rhin, l'archéologie
nous montre les mêmes populations qu'à l'époque du fer.
Les tumuli de l'Alsace, de la Bavière et des provinces voi-
sines jusqu'en Bohême, en général les tumuli de l'Alle-
magne du sud, présentent de frappantes analogies avec les
plus anciens tumuli de la Gaule du nord-est ' ; à l'âge du
bronze III (1600 à 1300) sur la rive droite du Rhin, 'plusieurs
sépultures que Déchelette n'hésite pas à qualifier de celtiques,
sont synchroniques avec celle de la Combe-Bernard, à Magny-
Lambert (Côte-d'Or). Il y a similitude entre les rites funé-
raires et les types industriels de l'âge du bronze, en général
dans l'Allemagne du sud et la Gaule orientale, et ce parallé-
lisme se poursuit pendant toute la durée de l'âge de fer : ce
qui s'expHque facilement si on admet que toute cette région
franco-allemande était habitée par des tribus celtiques \
Plusieurs des tumuli vraisemblablement celtiques de la
Bourgogne et.de la Franche-Comté ont livr.é des sépultures
de l-'âge du bronze I et II, ce qui assurerait la présence des
Celtes dans cette région vers 1900-iéoo ans avant notre ère'.
Les sépultures celtiques y sont caractérisées par des tumuli
à inhumation, renfermant un squelette non pas accroupi ou
replié, mais allongé sur le dos.
Piroutet ^ qui a étudié tout particulièrement les tumuli
de la Franche-Comté est d'avis que les populations hallstat-
tiennes de ce pays, surtout du groupe d'Alais, sont celtiques
et qu'il faut leur attribuer les tumuli de l'époque du bronze
et même de l'époque énéolithique, ce qui ferait remonter l'éta-
blissement des Celtes dans cette région à 2500-1900 avant
notre ère.
En Armorique, il semble qu'il y ait trace de l'arrivée d'une
Kroppdont Déchelette cite le travail, adoptant l'opiuion de Kossinna, place
les Celtes à cette époque, sur la ligne Quedlinburg, Aschersleben, Merse-
burg et Halle (Hubert, Rez'ue Celt . , 191 2, p. 365).
1. Déchelette, Manuel, II, if's partie, p. 90. Vers l'est, les sépultures
tumulaires du type de la Bavière se rencontrent jusqu'en Bohême.
2. Déchelette, M^7w;(e/, II, Repartie, p. 150-153.
3. Déchelette, Manuel, II, i^ partie, p. 136.
4. Snr la survivance de populations différentes en Franche-Comté pen-
dant les temps pré- et proto-historiques (2« Congrès préhistorique, en
France, session de Lons-le-Saulnier, 191 3, p. 560-652).
La première apparition des Celtes. 287
population nouvelle à l'âge du bronze (1900 à 1600 avant
J.-C). A l'époque néolithique, vers sa dernière période, dans
les tumuli mégalithiques, la règle est l'incinération. Dans
les petits coffres en pierres, la règle est l'inhumation; le corps
est accroupi ou replié. Ce parallélisme se constate pendant
l'époque du bronze. Le tumulus mégalithique ne disparaît pas
brusquement; il n'y a pas révolution mais évolution. La
chambre d'abord est en partie mégalithique, en partie en pierres
sèches, mais elle est recouverte d'une table mégalithique;
puis, sensiblement à la même époque, la chambre de tous
côtés est formée d'une maçonnerie à pierres sèches avec cou-
verture mégalithique. La chambre de forme circulaire est
recouverte d'une voûte en encorbellement. La table mégali-
thique elle-même ne tarde pas à disparaître.
Les tumuli qui recouvrent ces chambres sont encore de
grandes dimensions. Les petits coffres, en général, sont encore
à inhumation. Il semble qu'il y ait eu en Armorique deux po-
pulations différentes ou deux classes sociales différentes. Celle
des petits coffres paraît bien être dans la dépendance de celle
des grands tumuli. Les squelettes repliés conservés dans les
cojSres sont souvent d'une extraordinaire dolichocéphalie.
Quelques-uns sont de haute taille. Un des squelettes de l'île
Thinic (Morbihan) mesurait i"'8o\
Or, pendant l'âge de bronze % il y a dans les grands tumu-
li où l'incinération est la règle, du moins quelques excep-
tions. La première nous est offerte par le tumulus en terre
recouvrant une chambre à peu près rectangulaire arrondie aux
angles, à voûte à encorbellement, de la Garenne en Keruzun
commune de Saint-Jean-Brévelay (Morbihan). Le mort a à
la hauteur de la tête un vase à 4 anses, caractéristique de la
2" époque du bronze ; à gauche^ à portée de la main, un poi-
gnard en bronze de o "' 25 de long et de o ™ 08 de large ; à
droite, à la hauteur de la cuisse, un javelot (pointe de lance)
en bronze forme de feuille de laurier (o "' 03 1 de large sur
1 . Sur les squelettes trouvés à l'époque préhistorique et même à l'époque
gauloise en Armorique, cf. Du Chàtellier, Matériaux, 21 (1887), p. 444 et
suiv. ; ihld., 9, p. 436. Société Em. des Côtes-du-Nord, XXVIII, 1890,
p. 53; XXXI (1893), p. 33.
2. Soc.pol. Morb., 1884, p. 192.
288 /. Loth.
o™o8 de long); on a trouvé aussi une lamelle d'or très mince,
légèrement arquée dont la corde mesure o"'oo7. Le mort
était évidemment un personnage de marque. Ce qui est sur-
tout à retenir c'est qu'il est étendu de son long sur le dos,
position caractéristique dans les tumuli celtiques à inhuma-
tion de la Gaule orientale.
Dans un tumulus situé à 200 mètres du Reuniou en Ber-
rien (Finistère) ' recouvrant une chambre à parois maçon-
nées à sec recouverte d'une table mégalithique, le squelette
est également étendu sur le dos. A la hauteur de l'épaule
gauche, il y a un vase à 4 anses ; du même côté à o ™ 43 du
vase un poignard en bronze ^ ; à la hauteur du bassin, un
second poignard. Le corps et les objets sont recouverts d'un
linceul formé de peaux cousues.
A Kervern en Plozévet (Finistère), le mort est également
étendu sur le dos ; il est placé dans un tronc d'arbre creusé
de 2 ™ 40 de long. La chambre est circulaire, en fer à cheval,
formée de pierres à sec ; pas de couverture mégalithique >.
On n'a pas trouvé d'armes. A gauche, à la hauteur de la tête,
était placé un vase paraissant formé de deux cônes tronqués
réunis par la base, forme bien connue à l'époque du bronze,
et décoré à sa partie supérieure de chevrons.
Il n'y a eu malheureusement aucun examen anatomique des
squelettes ni aucune description craniologique.
Le mode d'inhumation constaté dans ces tumuli, la posi-
tion du cadavre, prouvent qu'il s'agit d'individus appartenant
à un groupe ethnique inconnu jusque là dans la région. Ces
nouveau venus n'ont pas fait prévaloir leurs traditions ; c'est
l'incinération qui continue à dominer, excepté dans les petits
coffres en pierres. Si ce sont des Celtes, il s'en suivrait qu'ils
ont pénétré dans la Gaule occidentale à peu près à la même
époque que dans la Gaule orientale. Les premiers établisse-
ments des Celtes en Gaule, comme leur première invasion
dans l'île de Bretagne, remonteraient donc au commencement
du deuxième millénaire avant notre ère.
J. LoTH.
1. Rev. anh., 1882, p. 179.
2. Du ChâXeWiQr, Société arch. du Finistère, 1899.
3. Revue arch., 1882, p. 179.
THE REEVES MANUSCKIPT
OF THE
AGALLAMH NA SENORACH
The Agallamh na Senorach was first published by Standish
Hayes O'Grady from the Book of Lismore's version in
1892.
In 1900 Whitley Stokes republished what O'Grady had
done, with additions from three other vellum MSS., Laud
610, Rawlinson B 487 and the copy in the Franciscan Monas-
tery, Merchants Quay, Dublin.
The entire text as thus pubhshed by Stokes in Irische
Texte contains 8005 lines. Of thèse Laud which contains the
oldest text (which Stokes makes his text as far as it goes)
has 4312 lines, Rawlinson 5612, and the Book of Lismore
6553 lines. I cannot compute the length of the Franciscan
copy. Nearly ail the fresh matter not published by O'Grady
from the Book of Lismore, comes from Laud, amounting to
about 1241 lines ot text, while about 143 lines of fresh matter
come from the MS. of the Franciscan Monastery. Rawlinson
does not appear to contain anything which is not already
in the Book of Lismore.
There is however aiiother text of the i\gallamh contained
in a paper MS. one of those collected bv that fine old Ulster
man Mac Adam, which at his death passed into the possession
of the late Bishop Reeves. On the death of Dr Reeves they
were sold, and the late Rev. Maxwell Close generously
bought — with a little, but I ih'mkvery little, assistance from
others — a number of thèse MSS. for the Royal Irish Aca-
demy. Thèse are now known as the Reeves MSS. Fortuna-
tely amongst those purchased was this copy of the Agallamh
which is practically unique.
2qo Douglas Hvde. i
It is a lyth (?) century transcript, in a good hand but in
parts much faded, of a différent Agallamh frorn any that
were hitherto known. The first pages are lost and a few are
missing in the middle, and the end is illegible, but it still
contai ns some 500 close pages of matter, a great deal of
which is completely new. The language appears to be of the
same âge as the language of the better known Agallamh,
Some peculiarities of the orthography point to a northern
origin. It may hâve been written in Antrim or Derry or
Down, and the only known copy of this particular MS. (one
volume of which I hâve) was made by a Belfast man nearly
120 years ago. Almost ail Mr Mac Adam's MSS. were picked
up bv him in the north of Ireland.
Not only where it coïncides as to the story with the
vellums is it an independent and quite différent text, but also
(and this most clearly shows an entirely différent provenance)
it is Caoilte who hère usurps the place of Oisin and Oisin
takes the place of Caoilte. In ail the veyums from wdiich
Stokes has edited, it is Caoilte who at the beginning of the
story meets St Patrick and the Clerics, and it is Oisin who
retires into t[ie Sidh (Shee)mound of OchtCleitigh where his
mother was. Caoilte in the vellums is the hero of the story
up to line 2255, when without any motivation or apparent
cause, Oisin suddenly comes on the scène in company with
Patrick, and the King of Munster.
In the Reeves MS. on the other hand, Oisin it is who at
the beginning of the book meets Patrick and is the hero of
the story until Caoilte appears, but Caoilte's appearance in
the Reeves MSS. is properly led up to, and explained. Does
this mean an earlier or a later origin ? Does it point to an
older version, an original and fuU version, or is it an attempt
to coordinate and explain earlier and more fragmentary ver-
sions ? As far as the language goes the Reeves MS. — allow-
ing for the fréquent lyth century spelling dropped into by
the scribe — appears to be of the same date as the language
of the vellums, but its more fréquent adjectives and circum-
locutions would point it out (if one judged by this alone) as
belonging to a quite différent and later school .
Agallamh na senorach. 291
But there are other reasons for believing that it may repre-
sent a text quite as old as any of the vellums if not older, for
in certain stories where thèse only tell part of the taie the
Reeves MS. tells the whole story, and while they hâve often
only a few verses of a poem, the Reeves MS. gives a long fuU
poem (some of them are to be found in the Book of Leins-
ter) upon which the prose story is usually founded. Often
where the vellums hâve no poem at ail the Reeves MS. has
ten or twentv or thirtv stanzas, and it seems s;enerallv that it
is the verses which are the older part, and that it is upon
them the prose story is built up.
However this may be, the Reeves MS., with a verv much
more verbose text, in places quite ditferent, follows story for
story the text of the Book of Lismore for about one quarter
of it, and only when we come to the story of Finn's Dwarf
do we get a long and interesting addition to the taie not con-
tained in any of the vellums but apparently of equal âge and
authenticity. I hâve made a transcript of the Reeves MS, and
so hâve been able to note exactly how far it agrées with the
vellums.
The next noticeable addition to the Lismore text is the
insertion of a poem of 24 lines on the death of « Liath na tri
mbenn » p. 26 of Stokes. At p. 27 of Stokes Reeves inserts a
story abouc a vision that Oisin had, and a poem of 30 lines
not in any of the vellums. At p. 36 of Stokes the poem
« Aima Laigen » contains 140 lines not in the Book of Lis-
more, and a short prose story as well. A page or two of new
matter is inserted in the story of Guaire and Finn Ban at
Stokes' p. 38.
Up to p. 41 line 1448, the Reeves MS. follows the Book
of Lismore closely. Then it suddenly jumps to p. loé of
Stokes, line 3726 and follows the text of Laud fol. 130 a and
Lismore 183 a.
The story of Ciabhan, p. 106 of Stokes, has a good deal of
fresh matter, and 148 lines of poetry, which Stokes has not
got. At p. no of Stokes there is a différent and long version
of the other name of Elphin and 12 lines of poetry.
We now come back again to the Book of Lismore text
Rfvue Celtique, XXXVllI. 20
i>)i Ùouglns Myde,
p. 41 Une 145 1, of Stokes. P. 42 of Stokcs gives a poelli of
three stanzas on Ros Teamhrach, Reeves has 4 stanzas.
There is a leaf of the Reeves MS. missing at this point.
Then we get a fragment of a poem on Leacht Dhiannada of
56 Unes, not in Stokes. The prose introeiuction was prohably
on the missing leaf, and was no doubt much the sairie as in
the Lismore text.
At p. 45 of Stokes, in the poem « Uathad Selga », we hâve
92 Unes of poetry not in Stokes.
After this we jump to near the end of the Lismore version,
and to p. 211 of Stokes.
The séquence of Stokes' text is hère evidently wrong, since
Patrick addresses a question to Caoilte who was absent froin
htm at the time and does not return to him tiU long after wards.
Butin Reeves this is corrected, for Patrick is made tosend for
Oisin (or rather Caoilte, for Caoilte takes the place of Oisin
and Oisin of Caoilte ail through) and brings him back before
he puts the question to him.
After the beautiful poem « atciu tri nella co neim » p. 212
of"Stokes, Reeves jumps back to the Lismore text, fol. 183 b,
and p. III of Stokes. It gives, like Lismore, only 4 stanzas of
the poem, but the Franciscan MS. gives 15 stanzas more.
At p. 114 of Stokes there is a passage in Reeves about
Patrick's healing Oisin, that is not in Stokes' version.
After p. 223 of Reeves 2 pp. appear to be lost. The story
which is thus broken off is told at p. 115 of Stokes from the
Franciscan text. Reeves omits the five Unes épisode of the
robber Dubcraidi and Patrick's verse addressed to Caoilte, and
naturally so, because Oisin takes the place of Caoilte in
Reeves, and the verse rhyming on the word CaiUigan or
« little Caoilte » could hâve no place there.
Page 125 of Reeves finds us in the middle of a long story
which is the prose telling of the lay of Finn and the Phan-
toms which is not in any other copy of the Agaliamh but
which is preserved as a separate poem in the Book of Leins-
ter, which gives the poem in 54 stanzas. Our copy contains
five stanzas less but one or two of them are not found in the
Book of Leinstcr. The story and poem evidently belong to
Agalhtnh na senorach. 295
the Agdllamh, and fit into it neither more nor less naturally
than the rest of the poems and stories. The fact of tbe poem
being contained in the Book of Leinster throws this part at
least of the Reeves text back to some date not later than
II 50. The same poem is found in the Duanaire Fhinn but
with only 44 stanzas to the Reeves 49.
After this we return again to the Lismore text, fol. 170 a 2,
page 46 of Stokes, and we are told the whole story of Oisin's
visit to the Fairy mansion of Ilbhreac of Assaroe, and of
the Nvar between Ilbhreac and Lir of Sidh Finnachaidh, and
the death of the magie bird, and the story told to Ilbhreac of
how Finn saved Tara and thereby got the kingship of the
Fiana in place of Goll. This contains a good deal of new prose
matter and also the quite new story in prose and verse of
« Snâmh dhd éan », also in the Book of Leinster, about 330
lines of verse in ail, of which the « Snâmh » story contains
54 and a half stanzas.
Reeves foliows Lismore from line 1840 of Stokes' Lismore
text to line 1925. Then the Franciscan text, alone of the 4
vellums, gives three stanzas of poetry but our MS. gives 16
stanzas.
After this foliows the story of the death of Goll (lines
1932-1983 in Stokes), with a passage inserted which is not in
the Lismore text. Then foliows a further fragment and poem
not found elsewhere. With a poem beginning « tiagat techta
uainn eu h-Aedh » the story of Goll's death finishes in the
Lismore MS. ; but the Reeves MS. contains 42 lines which
Stokes'version has not got, and this is followed by more
prose and a poem of a hundred lines found nowhere else,
and this too is followed by another poem of 42 lines, ail
concerning the vengeance exacted for Goll's death.
Reeves after this continues to foUow Stokes' Lismore text
from line 201J to 2054 including a couple of stanzas not in
Stokes. After the death of Garbh Daire ending 1. 2054 of
Stokes, Reeves has a new poem of 14 stanzas, the story is con-
tinued up to 1. 2164 of Stokes, with a couple of additional
stanzas which his text has not got. There foliows then a
poem on the death of Finn's wife Bearrach Bhreac which
Stokes has not got, containing 29 stanzas.
294 Douglas H\de.
Reeves follows loosely Stokes' text from line 2172 to 2236
but 2 pages are lost. There are 6 Unes on the death of the
hound Conhec not in Stokes, and an interesting « rhetoric »
on the Mue tSLânga.
Up to this we hâve been following the adventures of Oisin
only. Ail thèse adventures — as many of them as are to be
found in the vellum texts — are ascribed to Caoilte. Novv'
cornes the time when the storyteller décides to bring the two
together. Oisin sees men approach. He asks their mission.
They say they corne from the King of Ireland and from
Saint Patrick and from the surviving Fiana, to ask Oisin
to visit them. As soon as he hears that Caoilte is with the
king and Patrick he détermines to go. He is full of joy at the
prospect of meeting Caoilte again. The story is pursued after
this from line 2242 of Stokes to 1. 2380. This brings us to p.
207 of Reeves and there we hâve the following passage. « As
for Oisin it is not of him there is any question now, but con-
cerning Caoilte the son of Ronan from the time when he
lïimself and Oisin parted with one another at Cuilleann O
Ccuanach until the time that he came under the yoke of reli-
gion and piety, ail that he suffered and endured (?) during
that time and how' his people parted from him, except Firi-
neachaidh alone — ail that is told hère, another while ».
Hère the scribe leaves a blank space of about an inch and
commences his next paragraph with capital letters to show that
he has done with what I may call Vol. i, the wanderings
of Oisin. S. B. ', his copyist, improves on this and writes
« Crioch an chéad roinn », i. e. « the end of the First Part »,
and begins the next page in large letters with the words « An
Dara Roinn » i. e. « the Second Part ». Now this allusion to
Finn's and Oisin's parting with one another at Cuilleann O
Ccuanach w^ould be unintelligible were it not for the unpu-
blished fragment in the Book of Lismore known as the
« Agallamh Bheag », which contains this incident. Not only
I. Samuel Bryson of Belfast (?) made a copy about the year 1800 of
a large portion of the Mac Adam or Reeves MS. in two vols, of which
I possess one ; the other is in the R. I. A.
Agallamh na smorach. 295
does it contain this, which is of the very essence of the ston'
so far as it concerns the history of Caoilte and Oisin, (which
is taken as the framework round which a mass of stories and
traditions is huilt up), but practically the whole of it is found,
but in a quite différent recension, in '< Part 11 » if we may
call it so, of the Reeves MS. which from that out for a
couple of hundred pages follows the fortunes of Caoilte.
This part of the Reeves Agallamh need not hère be notic-
ed for it very largely consists of new and unpublished
matter, mostly in verse, and represents a text of which the
Agallamh Bheag in the Book of Lismore is now — so far as I
know — with the exception of itself the sole survivor.
Finally in the Reeves MS. the two ancient heroes are
brought together again, and the stor}^ is continued almost up
to the death of Caoilte in extrême old âge. He is borne on
mens shoulders to the « Aonach » at Taillte and his last
poem is on « Ros Teamhrach ». The remainder of the MS.
is illegible.
If I were publishing this MS. as a continuons text I would
begin it with the first part of the Agallamh Bheag taken from
the Book of Lismore, for this, I imagine, was also the beginn-
ing of the Reeves text, now lost. Then I would take a few
sentences from the Agallamh Mhor, Lismore text, describing
Oisin's ' meeting with Patrick — Caoilte had, according to
the Agallamh Bheag, run away sooner than meet him — and
then we find ourselves landed in the story of how the Fiana
gottheir horses. From this out the MS. could be printed as it
stands. Even where the same stor}' is told or the same poem
given in the vellum MSS., as is usually the case in the first
part of the book^ nevertheless the Reeves MS. présents a
completely différent recension told usually in différent words.
and as such it is of value, particularly in the case of the
poetr}\ Certain of thèse poems are to be found also in the
Book of Leinster, and some in the Duanaire Fhinn. Thèse
last the writer of the Duanaire, also a Northern, mav hâve
taken directly from this Agallamh.
Douglas Hyde.
I. Oisin as I hâve said is put for Caoilte, and Caoilte for Oisin ail
through the Reeves MS.
NOTES
ÉTYMOLOGIQUES ET LEXICOGRAPHIQUES
{suite)
175. Irl. moy. forémdim; Gall. gommedd.
L'irl. émdim a le sens de « je refuse », for-émd'un, celui de
« je suis incapable de, je ne puis ». Eindini est composé de
é'.Y -\- meâ-. Foréiiidini peut se décomposer en fo-r-énidini
(Pedersen,F('ro-/. Gr. 11, 579; pour le sens, cf. Ascoli, Gl.pal.
CCCXCV ; Wind, Wôrt). Le sens habituel du gallois gommed
est actif: « refuser ». Mais il a aussi celui de : «manquer» ;
ainsi L. Noir 10, 19 :
luoli Diiu innechrcu a diuet
ae kyniw ny uelU ny[if\o}net
« Louer Dieu au commencement et à la fin, et son secours
ne faiblit pas, ne manque pas. »
Ibid. t6, 5 : nythomet in gweti
« notre prière ne te manquera pas ? »
L. Rouge (P. a. B. 11) 29e, 9 :
oret y Diiiv, 0 Duiu ny oiniiied '
« qu'il prie Dieu, de Dieu il ne sera pas refusé ». M. A.
132,2:
oni 'm gonmeddai'r arddwrn
rimmu a lunatun goreu a galliun
« Si le poignet ne me manquait pas (ne me refusait son
service), je ferais du mieux que je pourrais. » Goiiuiit'd me
paraît composé de : ijo-s-med- .
I: mal lu : ommied-.
Notes étymologiques et lexkographiques. 297
176. Irl. FÀINXE ; gall. gwawn. Pedersen {Vergl. Gr. i, 86)
cite l'irl. mod^ fâinne an lac, le point du jour (Jdinne est
commun mais dans le sens à' anneau , voir fâinne). Le gallois
moyen giuaiun paraît y répondre. O. Pughe donne le sens
de « rayons » d'après ce passage d'un poète du xv'^ siècle :
Gwenllia)i giuawn y llcuad
le sens paraît être plutôt « lumière, aube » : giuaiun tveâd,
aspect de l'aube; ne gwaïun, couleur de l'aube en parlant
d'une femme (M, A. 337. 2; 340.1).
Si le sens de l'irlandais est sûr. les deux mots supposeraient
uâsniâ. Gïuawn désigne aussi le Fil de la Vierge (Dafydd ab
Gwilym, pièce 71, v. 52). Pour la racine, cf. irl, fdir, gall.
gwazvr.
ijj. V. irl. FEiss ; gallois gwest, gwesti. Comme le dit
Ascoli, après Zimmer, Kclt. St. 1 2S, feiss a le sens de « s'ar-
rêter, se reposer » ÇGIoss. pal. CCCX), par exemple dans
l'hymne de Fiacc {Thés. pal. 11, 365, 27) :
ni congehed ilacht sine, do feiss aidchc hi linnib
« Le froid du temps ne l'empêchait pas de rester la nuit
dans des étangs. » Cf. Whitley Stokes, Urh. Spr.
Ce sens est très net dans le gallois gwest : Mabin.,L. R.,
p. II 9.2 :
gwest a orugant y nos bonno ynty
Giistenhin
« et cette nuit-là, ils logèrent chez Custenbin. » Kywes, avec
la variante Kywest ' (= com-uesti-), a un sens analogue :
L. Noir 7, 31 :
pa roteiste oth reuvet kin kywes argel
« qu'as-tu donné de tes biens avant la cohabitation cachée
(la tombe) ? »
L. An. 85.19 :
Kyn kywest daear kyngonued .
I. Le texte porte, par erreur, Kyicesc Cp. 19, 1. 3 éd. Evans).
298 /. Loth.
« avant le séjour de la terre, avant d'être étendu(de son long).
Le gallois moyen giaesti a le sens de « logement, séjour ».
L. Noir t6.i :
Turr guir guydyny
a dav y geissaiv in giuesti
« une troupe d'hommes après nous viendront pour chercher
notre séjour. » (Ils demandent qu'on ne l'indique pas.)
Myv. arch. 18 1.2 :
biuyf givâs Dtiiu, givesti dialar
« que je sois serviteur de Dieu, séjour sans douleur. » Cf.
Daf. ab Gwilym, éd. de Liverpool, p. 351, 324.
L'irl./t'/w, gall. givest = * ijesti- ; gzuesti = uestimu-. Le
dérivé givestivyani (M. A. 212. i) a conservé v = m.
L'irl. feis, festin, gall. dir-west (cf. irl. bain-feiss, bret. ban-
ve:;^) doivent en être séparés ; cf. Rev. Celt., t. XXXV, p. 89-
90.
178. Irl. FiONNÂN : gall. gwynnon.
On a quelquefois conionàu guymon(\û.fe)iii)inin « varech »)
avec giiynnon et corrigé gzaymion en giuyinon. Les deux mots
sont différents.
Silvan Evans, Llyth. y Cym. traduit g-wynnon par « petits
morceaux de bois sec ». O. Pughe y voit des petits bois secs.
Rii'xsc fana gîuyuawii val Hurf giuynnyar dritdQA. A. 282, 2)
« L'impétuosité du feu avec les herbes sèches. . . comme
le bruit d'un coup de vent violent. »
ni thangnev gwynnawn a goddaith (ibid. 853,2)
« il n'y a pas de paix entre les herbes sèches ...et le feu. »
Comme goddaith est le feu que l'on met dans les herbes,
bruyères, ajoncs spécialement en mars, il me paraît probable
que giuynnaivn désignait d'abord aussi des variétés d'herbes.
Ce qui le confirme, c'est que gwynnon a aussi le sens de
« regain, herbe sèche propre à être brûlée ». (Thomas Richards,
W. Dict., à gwnnon). Cf. irl. mod. fionnàn, longues herbes
croissant en terres marécageuses. Peut-être est-ce à rappro-
cher de find, cheveux.
Notes étvnwlogiqîies et lexicQgraphiques. 299
179. Gallois GWRYAF.
Dans le vers :
Giuryaf gorofyn Lloegyr ae chythrut (M. A. 238, 2)
« très vaillant, frayeur extrême des Loegriens et leur confu-
sion »,
gzvryaf pavuh être un superlatif de ijej-g- : ci. guyry, en une
syllabe «actif ».
Gwrafa été formé sur gwr.
180. Gall. moyen Gwynver.
Le mot apparaît dans le Livre Noir, 46, 22 :
Duii dovit
a péris lleuver llemnit
hael vynver heul in dit
« Dieu le maître qui a créé la lumière q,ui est une joie, le
soleil généreux qui apporte la clarté (ou le bonheur) dans le
jour. »
Cf. irl, find, gall. guynn « blanc, heureux ». Pour la com-
position, cf. lleufer, « lumière ».
181. Irl. FEUCHUIR, gall. gicychr, gall. moy. gWYCHYDD.
Il y a un mot en moyen-gallois qui paraît contredire la
théorie de Zupitza, que ch gallois serait dû à l'influence de r
suivant dans givychr. \û. feuchuir.
Bet Giurgi giuychit a Givindodil Lev (L. N. 31, 2)
(' tombe de Gurgi brave et lion de Gwynedd
neirthyat guychyd (L. A. 65, 27).
On peut, il est vrai, le rapprocher de guych « gai, digne,
brave ».
Le V. gâW. gtiichir glose « effrenus » ; le gall. moy. gnychr a
aussi le sens de « brave ».
182. Gall. GWIXGAR.
Ce mot ne se trouve, à ma connaissance, que dans le L.
500 ■ /• Lot h.
Noir !)_, 22. Il paraît avoir le sens de « sage », si on le com-
pare au gaélique d'Lcosse fioiinchain' « sagesse » :
Gvingar har gwar giiironel kedivi
« ami du sage, doux, garde de la vérité ».
Il y a une S341abe de trop dans le vers : c est giiar qu'il faut
supprimer? Pour fionii, gwyn{ii) cï. \r\. finnaim, «je trouve,
j'apprends ».
183. Gall. moy. GOGLYT. YMEGLYT.
Mabin. L. R. 116, 19 :
goglyt a oruc Kei yni prenn
« Kei saisit un morceau de bois...» Meglyt (pour \nieglyt) a
oruc Yspadaden Pcnhawr yn un or tri lleclnvaeiu (Mab. L. Blanc,
col. 477 ; L.R. 118, 23 : yiiinvûi'l) : « Yspaddaden Penkawr se
saisit d'un des trois javelots » . Ce sens mérite d'attirer l'attention
d'autant plus qu'il y a déjà de singulières divergences de" sens
entre des mots qu'on ramène, non sans quelques violence, à
la même origine : gall. gochel, gochlyd, éviter ; goglyd, gogelii,
s'occuper de, soigner..
184. Irl.moy. foessam, mod. faoiseamh ; gall. moy. gwae-
SAV, GVv^AYSSAV.
L'irl. moy. focssam « protection » est le subst. abstrait d'un
verbe *fo-siss- (VVind. w. ; Pedersen, FergJ. Gr., II, 629).
En irl. xnoà. jaoiseamhd.à\\ssi le sens de « protection,secours»,
avec celui de « cessation, interruption » {géi). faoisiHjIi). Dans
les Lois galloises, giuaessav, giuayssav a le sens de « garantie »
et de « garant, caution », cf. L. Noir, 19, 26 :
Gwassauc gnaessaj mm fit
« Gwassawc le garant de ma foi ». Ibid. 19, 16 :
Oef kas gan Gcvassawc giuaessaf Rydirch
« Je suis haï de Gwassawc le garant de Rydderch. » Foessam
Qt giuaessaf sonem de *ijo-sessamo-,
Noies étymologiques et lexicographiques . 301
185. Gall. moy. Godeb ; v. br. voteporigis.
Le gall. godeb est fort rare. Owen Pughe le traduit par
« incontinence », sans motif, par un rapprochement forcé
avec godineb. Il lui donne aussi le sens de « cave », comme le
fait Thomas Richards, qui se couvre de l'autorité d'un dict.
ms. de Vaughan, utilisé par Lhwyd dans son Arch. ; or, c'est
ce sens qu'il faut retenir en le modifiant dans le sens de
« cachette, refuge ». En voici un exemple d'un poète du
xiii^ siècle, Llewelyn Fardd (M. A., 251-2). Le sujet, ce sont
les signes avant-coureurs du jugement dernier :
Deuddegfed dydd. . .
y daw poh pysg o'i odeb
Hyd ar wyneh yr eigiawn
« Le deuxième jour. . . viendra chaque poisson hors de sa
cachette jusque sur la surface des flots. »
Le gallois, avec le sens de fuir, comme le breton techt,
l'irl. techitn, a aussi surtout dans des textes plus récents, le
sens de se cacher : il faut naturellement supposer pour le
brittonique tek-s-. Xul doute que la labialisation n'ait été
perdue dans ce composé. Godeb paraît heureusement montrer
la forme indo-europ. avec sa labialisation : godeb = noteku.
Le sens de « refuge » est très voisin de celui de « cachette ».
C'est vraisemblablement celui qu'il faut voir dans l'épithète
godebog appliquée à un personnage semi-mythologique, légis-
lateur, chef des Bretons du Nord : Coel Hen Godebog, en vieux-
gallois Coil Hen Giiotepauc (J. Loth, Mab. II, 375 : généalogies
du x" siècle). Ce terme est à rapprocher du premier terme du
nom d'un chef breton dans l'inscription bilingue de
Llanfallteg. dans le pays de Galles; le nom est au génitif; en
caractères latins : Votepo-rigis, en caractères oghamiques :
Voteco-rigas.
i8é. Irl. moy. fraig, moderne fraigh « paroi, toit
intérieur de la maison, chevrons » ; gallois moy. -gwre.
L'irlandais suppose *uragi-. Pedersen le compare {Vergl.
Gr. I, 97) au skr. vrajà, grec î'îpvw. Macbain a ixdiàmi fraigh
par « wattled partition »i
302 /. Loth.
Le gallois gnre (une syllabe) me paraît avoir un sens
analogue dans un mot très rare que les Lois nous ont conservé.
Il se présente sous les formes acgnre, acure et achure dans les
Leges wallicae lU, VI, 8. Dans les Lois (I, 294) achwre est
indiqué toujours avec le toit : ar to y ty ay acgnre. . . trayan
giierth eto avyd ar er acgnre : ac dryderan 0 hyny « le prix du
toit et de son achwre est le tiers du prix de la maison ».
Silvan Evans, suivant en cela O. Pughe, y a vu achfre et cite à
l'appui un exemxple d'un poète du xiii*= siècle :
Morgant achvre cant '
« Morgant la protection de cent ».
. Il faut évidemment lire achwre (en deux S3'llabes). C'est une
expression métaphorique.
L'orthographe des Lois est ici décisive. S'il faut lire dans le
passage en question achfre, ce qui est invraisemblable, le mot
n'a rien à voir avec achwre ; ach peut avoir le sens de qui est à
côté. Ce seraient dans ce cas des parois ou cloisons à l'inté-
rieur du toit, le protégeant et le complétant. Ce passage des
Lois, p. 28e, note, cité par T. Lewis (Glossary^, le confirme :
to tai ai achivrau a ddylyir en eau rhag eu lygru 0 ysgrubî ; ac
oui cheuir, cyd llycrer, ni' s diwygir « le toit des maisons et ses
achwrau doivent être fermés de peur qu'ils ne soient
endommagés par le bétail ; et si on ne les clôt pas, s'ils sont
endommagés, il n'y a pas réparation. » T. Lewis cite aussi
un passage de la collection manuscrite de Peniarth, 91, p. 192,
où achwre est assimilé à cant ; achwre eil cant y ty, hribiarth.
Silvan Evans donne à cant concernant la maison {Leg. wall.
III. X. 16) le sens de watiled fence or work {phced around
something for its protection^. Il ajoute que cant est remplacé
aussi Tpa.T pared et logail; kribiarth (en W//;) indique clairement
que le cercle de protection, le second, était celui du toit ;
-lure est pour -wrei, comme le prouverait la transcription plus
moderne achwrau (-ai) ; cette orthographe n'est pas rare. Le
gallois wrei sort de *ijragio- ou \uragia.
I. cant peut avoir ici aussi le sens de « cercle », qui protège et assujettit
les chevrons ou toit intérieur et gouverne acliwre.
Notes étymologiques et lexicographiques. 303
187. Irl. moy. barc « palais, forteresse». On trouve le mot
dans The Rennes Dindshenchas, 4 ( i?. Ceh., 1894, P- 292). Le
mot apparaît aussi dans The Boroma (R. Celt., 1892), n° 10:
romiirsetar BAirc mBresail ; Bàirc-sede feda jiemchn'nda doringned
ic Bresal Brathirchend ic ardrig in doninin « ils rasèrent Barc
Bresal: c'était une forteresse de bois incorruptible qui avait
été bâtie par Bresal Brathirchend, roi suprême du monde. »
Le génitif est bàirce (LL. ap. K. Meyer, Conirib.'). Stokes l'a
comparé au grec spa-;;;.;;, çpâsato. La forme v. celtique serait
donc barcâ.
M. Jud (Romania, 1920, p. 468) traite du gallo-roman
barca, barga. Ce mot, en Espagne, a le sens de hutte couverte
de paille. En Italie, il a des sens analogues. En France, en
Vendée, barge est une sorte de hangar couvert de chaume ou
jonc, pour protéger du bois, des outils, des tas de paille;
Dans le bas-Maine, barge (Dottin, Glossaire à barj^ a le
sens de meule de fourrage, d'épis, gerbes, fagots à base qua-
drangulaire ou carrée ; c'est un sens connu dans d'autres
régions de France. M. Jud rapproche barca, barga, de l'irlan-
dais fraigh et suppose en gallo-roman une évolution de
*urqga en braga, barga, analogue à celle de vr- en brûca
(bruyère) ; de urigantes en brigantes. C'est à divers points de
vue peu vraisemblable. Le rapprochement avec barc est plus
naturel. Le sens de palais, en somme, n'est pas assuré, celui
de maison et de maison jaite de bois est au contraire certain.
Si on rapproche les différents sens de barge de celui de
barc, il paraît bien résulter qu'il s'agit d'une maison ronde en
bois couverte de chaume et dont les parois étaient sans doute
également complétées, remplies dans leurs interstices ou
membrures par du chaume.
A remarquer qu'en Saintonge, barge est une sorte de bâti-
ment de transport, ce qui rappelle le vieux-français barge,
barque.
188. Irl. moy. barc « abondance, multitude » ; on lit
barc=^ ioniad dans le glossaire de O'Cl. (ap. K. Meyer, Contr.).
Si le mot est identique comme sens à ioniad (irl. moy. inibed,
immad^, il peut avoir le sens d'excès. Il ne peut guère être
^04 /. Loih,
séparé de bârcain (break out, O'R.) ; en écossais bàrc a le selis
de rush en parlant de l'eau par exemple (Macbain, Dicl.).
Dans le Fled Bricrend, ban. paraît avoir le sens de « fureur,
attaque impétueuse «(Windish, Wôrt.^. Barc a été rapproché
du latin /(7/77(), /rg^«é«5 par Stokes (A". Z.,XLl, 381).
Il faut distinguer des mots précédents l'irlandais barc, livre
(O'Davoren's GL, n° 239); cf. barc-lann, bibliothèque, P. O'Cl.
ap. K. M., Contr. Le génitif est bairc, O'Gr. cat. (Stokes,
Ô'Dav. GL, Arch. II, 3, p. 235).
Stokes le compare ingénieusement au Teut. barc, écorce
d'arbre: indo-europ. *bharg.
189. Gall. PWYO ; bwyaw.
Les deux mots ont été confondus. Pzuyo est traduit par
« battre «, ce qui n'est pas exact. Pzuyo est emprunté au latin
pnÇii^go- pn(^ii)ciiim a donné pwyth (s^itch) ' et signifie
proprement /)/(///f/', enfoncer : Heng. niss, II, 288 : mi a roddetar
y ,?^og ag a pzuyivyt yr hoelion ym dwylaw « J'ai été mis sur la
croix et on a enfoncé les clous dans mes mains. » C'est le
g intervocalique qui est représenté par y : cf. breton moue à
côté du gall. mzvng.
Bzvyazv paraît avoir eu le sens de « battre, renverser »
(L. Blanc, col. 6436). Peredur vient de renverser les 300
chevaliers ennemis.
a llyma evo ac yr y vivyn ef y bzuyeis i dy deiilu di ce le
voici et c'est pour l'amour de lui, que j'ai battu ton clan à
toi i> (à moins qu'il ne faille lire bzuryeii).
Le Livre Ronge, p. 227, donne : a llyma evo ac er y vwyn
ef, y deuthmn i y chzvare ath teulu di « je suis venu pour
jouter avec ton clan à toi ». Peut-être peut-on rapprocher
Iniyazv deVirl. hongim je brise; *bogi-, puis bugi-} {o-i donne
en gallois plutôt wy') : biuyaw- *bogi-ànio-.
Cf. gall. CYMWY « affliction, tourment (brisement) ».
Buyazu apparaît avec le sens de teindre Ç^i plonger dans »?)
Heng. mss, 11, 447, xxiv •.zoedy.bzvyaiuagzuaet, «après l'avoir
teinte de sang (la robe du Christ). »
I . Pour le sens de « réparation représailles » et « cadeau de uoces », cf.
Rhys dans Y Anhaeologia Camhiensis, t. IV. ^
' ^otes étymologiques et lexîcographiques. 505
Il y a eu probablement confusion avec pîuyatu, ou bien on
a affaire à un verbe différent d'origine de pwyo et bwyaiu.
190. Irl. FONN ; gall. gwyn.
L'irl. mod. fonn, m., gén. fuinn (Dinneen) a le sens de
désir, désir ardent, disposition pour , plaisir . En irl. moy. il paraît
aussi avoir le sens zàitciiî (Goidelica p. 177). Whitley Stokes
(Kz. X 41, 358) l'a rapproché du latin venus. Nul doute qu'il
ne faille ramener à la même racine le gallois gwyn, passion,
désir violent : cf. Mabin. L. Rouge, p. 108 : Sgilti ygsaïundroet
pan vei zuxn Jrci>\l hrdet yndau... ny cheisswysford eiryoet. . . « Sgilti
au pied léger, quand il avait un ardent élan pour marcher...,
ne chercha jamais de chemin... » Le Livre Blanc, col. 463 a
liynhyiul qui a le même sens. Cf. v. bret. erguinil gl. tirannica
auctoritate molirentur ;/o;7w ^ * nonno- ; gwyn = * uenî-. Silvan
Evans, Llyihxraeîb y C\mry, p. 82 le donne comme féminin et
aussi adjectif avec le sens de désir, ardeur et aussi peine : Stra-
chan, Philol. Society, i8<)), fait venir l'irl. moy. toise, besoin,
désir, de la même racine : * to-wenski- (autrement, Pedersen,
Vergl Gr. II, 11).
On trouve dans le Mab. du Livre Rouge, p. m, gwynn,
mais le L. Blanc, col. 467, porte gwyn : ny cheffit gwyn gwen
arnaw vyth naniyn tra vei lawn « on ne vit jamais sur lui de
disposition à sourire, si ce n'est quand il était plein (rassasié) ».
Il est vrai qu'on trouve gwynn assez souvent dans le sens de
plaisir et de désir ; pour l'évolution de sens, cf. gwynn fyd.
191. Gallois CYMMRWD.
A l'époque moderne, cynimnvd a le sens de mortier, ciment.
En gallois moyen, il se présente sous la forme cynirwt dans
les Mab. du L. Blanc, col. 486 : Kerdet a orugant luy y dyd
hwnnzu heducher, l.iyiiyvvd kaer vaen gymrwt a welasit vwyhaf ar
keyryd xbxt « ils marchèrent ce jour-là jusqu'à la nuit, jusqu'à
ce qu'un château fort de pierres... fut aperçu, le plus grand des
châteaux forts du monde ».
macji gymrwt, forme un composé et ne saurait avoir le sens
de mortier de pierre ni de pierre à mortier. Il me paraît possible
que le composé ait le sens de brique ; pierre à terre cuite, cyni-
5o6 /. Loth.
\}n]rwl: = * com-brulo-, entièrement brûlé, soumis à un feu
ardent; cf. irl. moy. combniith, ébuUition (K. M. Contr.).
192. Irl. BRACHT ; gall. moy. breithell.
Silvan Evans (JVclsh Dicl.^ donne à breithell le sens de vicm-
brane, pellicule et ne cite comme exemple à l'appui qu'un pas-
sage des Mab. du Livre Rouge. Or, il ressort du contexte
que breithell y a le sens de cervelle. Efnyssien, dans le Mab. de
Branwen, tâte chacun des sacs où les Gywddyl prétendent
avoir mis de la farine lorsqu'ils y avaient mis un homme
armé : sej a wnaeth ynien y deimlaiu hyt pan gavas y benn a
givascn y benn yny glyiu y vyssed yn ymanodi yn y vreithell driuy
yrascwrn « voici ce qu'il fit : tâter jusqu'à ce qu'il trouvât
sa tête (à l'homme armé) et la serrer jusqu'à ce qu'il sente ses
doigts s'arrêter dans la cervelle à travers l'os » (éd. Rhj^s.
Evans, p. 38). Il est clair qu'il s'agit de la substance molle
protégée par les os du crâne. Or l'irl. moy. et mod. bracht^x
le sens de : moelle., graisse, substance grasse (Dinneen ; K. M.
Contr. ^. Breithell aurait donc plus précisément le sens de moelle,
substance molle et grasse \ ce qui confirme l'expression que
donne S. Evans : breithell yr ynmiydd, si elle est réellement
d'un emploi courant. Dinneen donne aussi à bracht le sens de
fureur., rage. Il est possible qu'il faille rapprocher bracht et
breithell à& la racine ;;/rrtÂ'-, * mrek-; irl. braich, malt ; gall. brag.
Pour le sens et la forme mrek, cf. lit. mêrkti amollir ; latin
marcere (Whitley Stokes, Urk. spr. p. 220). Le sens de fureur,
donné par Dinnen, pourrait s'expliquer par un emploi méta-
phorique de cette racine. C'est probablement le cas du gallois
moyen bragat qui a nettement le sens de bataille (cf. irl. mod.
brachadh, maltage, fermentation).
193. Irl. ette; gall. moy. etheis.
Le vieil-irl. ette gl. pinna et le glossateur ajoute à ette, benn
muir, pinacle, faîte d'un rempart (Thés. S. G. 6j a. j, Thés.
II, 122). En irl. mod. eite f. a le sens d'aile, aileron, pluine; le
collectif eiteach f. a celui de plumes, ailes, nageoires.
Le gallois etheis ne se présente, à ma connaissance,' que chez
un poète du xii^ siècle (M. A. 143. 2) Gwalchmai. O. Pughe,
Notes étymologiques et lexicographiques. 307
qui ne donne pas le contexte, traduit par seat et d'une façon
générale par luhat spreads oui, comme il le fait très souvent
par fausse étymologie :
Caraf vr ednmi ai Jlarian liais
cathlfodaiog ' coed, cadr ei et hais
(( j'aime l'oiseau à la gentille voix, dont le chant charme le
bois, aux ailes vigoureuses. »
Il semble bien difficile d'attribuer à ethais un autre sens.
cite = etniâ. Quant à etheis, c'est peut-être un pluriel fait
sur ettassia=* etnassia- Comme eiteach a aussi en irl. mod. le
sens de serres, on peut songer à ce sens pour ethais.
194. Gallois CNWD, CNUD ; breton moyen cnot.
Le mot cnot était déjà connu par la vie de sainte Nonn {Rev,
Celt. 1887, p. 298, vers 836 de l'édition d'Ernault), mais son
sens n'y était pas clair. Le premier magicien annonce au tyran
la naissance de s' Devy :
Brassoch ve^o net eguedot
Gant [D]evy eseiii quiji sol
Languis an cnot hac an stroton
Ernault traduit : « Il sera bien plus grand que toi ; tu te
trouveras sot à côté de David ; tu seras le jouet de ce misé-
rable. »
Son sens, au contraire, est clair dans un passage du Mirouer
de la mort, vers 2257. D'après le contexte, il signifie, comme
l'a traduit Ernault : progéniture.
Re:(^oa:i ne voe leon na con quen disounest
Mar outraig arraget, buanecquet niedest
Pan ve la^^et ho cnot en hobot mé'n proîest
« Jamais il n'y eut lion ni chien si furieux, si outrageuse-
ment enragés, irrités, je l'atteste, quand on a tué leur pro-
géniture dans leur antre, je l'affirme ^ »
1. L'orthographe du poème est rajeunie ; on a dans un ms. plus ancien
cat}}ylvodaiuc ; cf. cathvlvodaivc chez Llywarch Hen (S. Evans, IVelsh Dict. à
hoddog').
2. Trad. d'Ernault, p. 196.
Revue Celtique, XX. XVI II. 21
5o8 . /. Loth.
Ernault (note 5) suppose avec hésitation que owt a pu
devenir crot, petit enfant, peu en usage hors le pays de Léon,
d'après Le Pelletier. Ernault ajoute : krot, petit enfant, plach
krot, bonne d'enfant, en cornou. d'après Troude. Crot, crolen
est, en effet, en usage en Haute-Cornouaille, dans la région de
Faouët, Morbihan. Mais ce mot n'a rien à faire avec cnot. Le
gallois a aussi crwt, enfant, avec un sens quelque peu méprisant
{chap)^ crwtyn, petit enfant (boy, chap) et croten, hllette, croies^
id. Le / final gallois est un clair indice d'emprunt. Le gallois
et le breton paraissent empruntés au français, le gallois par
l'anglais. Cnot a comme équivalent celtique le gallois cniud, qui
a le sens à.t productions , collection de produits divers \ cniud oyd;cnwd
cvliori, essaim de mouches et aussi en Sud-Galles, /?r//7j enfants.
Thomas Richards donne ce dernier sens comme connu en S.
G. ; il ajoute que Davies donne cnydyn, petit enfant, mais qu'il
ne l'a pas observé comme usité dans ce sens.
Le féminin cnod est connu dans un sens analogue (S. Ev.
Welsh Dict. ; Thomas Richards, Antiquœ linguœ thés. 181 5).
Ernault à la fin de sa note ajoute : cf. gall. cnawd, chair (connu
aussi en comique cnesen'). Il faudrait, pour cela supposer un
autre degré vocalique en breton. D'ailleurs cnwd, avec son
sens de produits et métaphoriquement d'enfants, est évidem-
ment identique à cnot, ce qui exclut tout rapprochement
de ce genre. Ernault, avec raison, voit maintenant dans le
cnot de la vie de S'^ Nonne, un terme injurieux, quelque
chose comme engeance. On peut se demander en revanche
s'il n'y a pas une parenté avec le gallois moyen cnud bande,
troupe, surtout de loups. Ce mot est fort usité enmoyen-
gallois dans les textes les plus anciens.
Cf. L. Noir 32-9 :
Kian a ud yn dijfeith cnud '
« un chien hurle au milieu d'une sauvage troupe. »
Cnud désigne parfois plus spécialement une troupe de loups:
L. Tal. 199. 15 :
Owein ac cospes yn drut
mal cnut yn dylut deveit
I. Mss. cund. Il est possible que cnud soit lié par le sens au vers suivant.
Noies étymologiques et lexicographiques. 309
« Owein les a châtiés rudement comme une troupe Je loups
poursuivant des brebis. »
Cf. Cynddehv, M. A. 166. 2 :
gnawd nch knawd hniidoel ar gylchyn
« c'est chose habituelle sur la chair, que des troupes (de loups)
alentour. »
Le même poète précise cnud par civn dans un autre passage ;
M. A. 187. 4:
. . . tyrrynt prein yn drud
y giun gnud nch knouein
« ils amoncelaient des festins — vaillamment — pour une
troupe de chiens au-dessus des chairs à ronger ? » (Voir plus
bas à cnàm)
Dans les Ane. L. 11.478 il est parlé de cnudhJeiddiau, bande
de loups.
Dans le sens de collection , cnud serait de même racine que
cnwd à un degré ditférent : cnut =*knouto-; cnwt ^=^ knûto-. Il
paraît possible que l'irl. moy. cniiass, collection de fruits, ne
vienne pas de cuû, noix ; cniiassaini s\gmÇiQ simplement ye ra-
masse, rassemble. En irl. mod. cni'ias a également le sens géné-
ral de : collection, cniïasaim, celui de : je ramasse, rassemble :
cnùas — - *knoiisso-= * hiout-to- ?
195. Irl. moy. cnam ; gall. moy. knovein.
Je ne connais qu'un exemple de knovein, en moyen-gallois.
Cynddehv (M. A. 187. 2) célèbre des chefs gallois :
... tyrrynt prein — yn drud
y giun hiud uch knouein
« Ils accumulaient des festins — vaillamment — pour la
troupe des shiens au-dessus de chairs ou os ? »
D'après l'orthographe du poème knouein doit être lu ^«0-
vein. C'est ce qui a amené Silvan Evans à en faire un pluriel
de cnofa, morsure, action de mordre, ronger. Cnofa est mo-
derne et ne donnerait d'ailleurs pas un pluriel de cette espèce.
Il est clair que knovein est un dérivé de * cnàm- qui devait
310 /. Loih.
donner en vieux et moyen-gallois * amiv (moi ronger) ; cf.
wylaiu : wylofain ; auynaw : ciuynofain ; Uaiu : dylqfi. L'iden-
tité avec l'irl. moy. cnàin infin. de cnâim, je mords, je ronge,
est évidente. K}wvem (cf. enuein plur. v. gall. de euiî) ■= * knâ-
nietiJ, et signifierait objets à ronger, peut-être os. Il paraît, en
effet, possible que l'irl. cnàim, mod. cnâmh, os, soit à séparer
de /,v/;[;.7^ et à rapprocher de -/.vâa).
196. Bret. moy. grozvol ; comique croffolas.
On ne connaissait pour le breton moyen que gro:{volaf,
murmurer, avant la publication du Miroiter de la luori, où on
trouve vers 3566 : kiin a gro:;^vol, plein de murmures. Ernault
donne en note les formes très variées de ces mots : pour g ro:(-
vol : croniol, krôsmôl, krôsvôl , grôsinô] ; pour g ro:(;vohit : crosinola,
cro^mola, crômola; grosniolat, cromolat ; grosmoli. Sous l'infiuence
du français on a aussi grommelât, grommeler; grominellaat
(Maunoir), grommeler. Henry explique hrômôhi par un em-
prunt du fr. grommeler avec influence de kros, grand bruit,
quelquefois querelles, reproches. Ernault remarque avec raison
que la forme ancienne n'appuie pas ce dernier rapprochement.
Il se demande si l'élément perturbateur n'aurait pas été un
*cro:{ = gall. crwlh, violon.
Il a oublié d'appeler le comique à la rescousse : crothval,
murmure (traduit par complaint, inexactement) O. M., 1837 ;
croffolas, murmurer (quereller), /è., 1662. Croffolas vient de
crothvolat. Il est probable que croth ici représente le gallois j^m,
utérus, ventre et que mol ait le sens de l'irlandais molach, ba-
vard, que Whitley Stokes (R. B., XXI, 132) a rapproché de
molad, louer : pour molach, cf. Gl. d'O'Mulconry, 818.
Crothval aurait d'abord signifié : parler du f;Y//.v (rro//; indique
aussi cavité), gronder, murmurer ?
197. Irl. gris; bret. moy. grizias.
Le breton grizias apparaît, pour la première fois, en moyen-
breton, dans le Miroiter de la mort, vers 2415 : tan gri:(ias : cf.
Rev. Celt., XXVIII, 193, 194. Le Gonidec donne grisia^,
ardent, brûlant. Il est peu probable qu'on ait affaire à un adjec-
tif : -as est une terminaison très rare en pareil cas (^addas). Il
Notes étymologiques et lexicographiqties. 311
est plus probable qu'on est en présence d'un composé de *gris,
feu et de ias, gall. lus ', bouillonnement, bouillon {un ias, un
seul bouillon) = *iastà (cf. ^ew) : tàn grisia^ aurait eu le sens
propre de feu à ardeur pénétrante, brûlant. G?'is = grîsso- =
*ghrenso-. Il faut rejeter le rapprochement de gris avec le gal-
lois ^•^(//'«(i syll.) et le breton groue^.
198. Gallois -LEiTH; bret. leizour.
L'unique exemple de leizour st trouve dans le Mirouer de la
niort, vers 2097, dans un passage quelque peu embarrassé:
neuse scrap nep à prei^ gant esfreiz^ na leizour
negueU yve:^ me^ec inar hoantec ho recour
Ernault traduit : « alors ceux qui pillent avidement de vive
force ou par ruse ? un médecin non plus ne peut, malgré son
désir, les aider ». En outre, il émet l'hypothèse que Jei:^our
serait un dérivé de /«~, humide; l'idée àliuniidité aurait pu
amener à celle de souplesse, menée sournoise. Cette hypothèse
me parait confirmée par un mot en plein usage, en moyen-
gallois, mais qui n'a pas été compris -.goleith. Les lexicographes
y ont vu un composé de luo- et de lleilh, mort(irl. lecht^. C'est
un sens qu'il a très rarement si tant est qu'il l'ait. Il est sub-
stantif et verbe. Son sens est difficile à préciser, mais d'après
les différents contextes, il a le sens de : souplesse, échappatoire,
fléchissement, attendrissement ; avec une particule négative, di-,
an-, hep, il arrive au sens de : inévitable, sans pitié : M. A.,
331.2 (en parlant d'un héros) :
giuaed reieidr beleidr heb 0 Icith yngryd
« (héros) avec le javelot faisant couler des torrents de sang,
sans échappatoire, dans la mêlée (les cris des combattants) ».
Ibid., 281.2:
nyd oes yssywaeth or seith
namyn tri trin dioleith
I . las a. le sens général de sensation violente, de chaud ou de froid, de
joie, de douleur. C'est probablement ias qui se trouve dans des noms
propres bretons comme DoniasÇy. bret. Dubn-iasT), Guyas.
312 /. Loth.
« Il n'y a plus, hélas, des sept (frères) que trois, combattants
(combat) sans merci . »
A peleidr heh oleilh: répond : paraii anoleitbiawc, javelots
inévitables (M. A., 140. 2).
Cf. ibid., 193.1 (Marwnad Owein Gwyned) :
Gîvr a zunai ar Lloegyr Ikvyr anreith
a clnuylaw racdaw rif seiih riallu
ni eUid y oleith
(Ihid., 240, I n///;3TflfWL)/f///;, ruée irrésistible) ;...« guerrier
qui infligeait 'aux Anglais ravage complet. . . et il tombait
devant lui le nombre de sept fois dix mille : on ne pouvait le
fléchir (ou attendrir). «
Ywein Kyveillyawc dit à son serviteur qu'il envoie pour
annoncer sa venue (M. A., 192. 2) :
Dos ivas lia oliit un oleith dy Iwnu
Dy hityaiu ?iyd hawt iveith
« vas, serviteur, ne ralentis pas, ne fléchis pas ta marche *,
ce n'est pas petite affaire que de t'arrêter. »
Cf. L. Noir, 48. 15 :
Ir nep goleith Ilcilh dyppo
« malgré tous les échappatoires, la mort viendra ».
Goieith a peut-être parfois le sens de flatterie, tentative d'at-
tendrissement. John Walter, dans son English Welsh Dict.
donne à ynioleithiad le sens àe flatteur. La racine, comme d'ail-
leurs pour lleiti], mort, destruction ; dik, dilein, irl. dilgaid,
est kg- se dissoudre. Goleith paraît bien répondre au vieil-irl.
fo-llega SG. 190 a, en marge (Thés. 11, XXI) qui, d'après
Pedersen, Fergl. Gr., II, 562, serait une 3^ pers. sing. du prés,
et signifierait : {Y tncre) fuit, coule. Goleith^=* uo-lek-to-. Lei:{our
est un dérivé en -iiro- comme ^/^/'owr, moiteur; sechonr, séche-
resse; kledoiir, abri. Lei:(our a, cela va sans dire, un sens
métaphorique. Lei^our se trouve comme nom propre, mais
ici, -our est probablement -gour, homme.
I. Il est possible que nu oleith ait ici un sens intransitif.
Noies étymologiques et lexicographiques. 313
199. Irl. FOR-suNNUD ; gall. honni, honnaid.
Le vieil-irl. forsunnud, illustratio, declaratio ; forosnaim,
yéchireÇfor-od-suniiaim), illumine (iinbas forosnat) : Ascoli,
G/, pal., CCLXXIII; Stokes, Urk. Spr., 306.
Le gall. honiii \ publier, /70«»rt/, je publie; honnaid, moy.
gall. bonneit, célèbre, connu, paraît bien (=^*sonnatio-') remon-
ter à un thème sonna-: cf. sonno-cingos, du Calendrier de Coli-
gny (marche du soleil ?) : Forsunnud = uor-sonnatu- . li* t ^.if- ftf-cyj-UH'^ !
200. Irl. fled; gall. giukd ; breton de Vannes gloé.
L'irl. anc. et moy. fled, gén . flede, festin, banquet, mod.
fleadh, fleidhe a pour correspondant exact le gallois o^tc/^^tf. Jus-
qu'ici ce mot ne s'est pas trouvé en breton. Il existe en haut-
vannetais dans l'expression gloé-freill, que l'abbé Le Goff tra-
duit par repas à la fin du battage (Supplément au Dict. breton-
français du dialecte de Vannes, d'Ernault). Ce n'est pas exact; -;!f^
le sens est : festin, fête du fléau. En bas-vannetais, c est goél- "
frey et dans d'autres endroits koen-freill. Gloé est le représen-
tant régulier du gallois gzvledd (i syWâhe) = *ijledâ. Pour
l'évolution de ul-, cf. gloan, laine = gall. giulan ; gloat =gwlad ;
gloeb = gwlyb.
201. V.-irl. coMRECHT.\; gall. moy. disgyfrith.
Le gallois disgyfrith est donné, dans des dictionnaires mo-
dernes, avec le sens de : rude, désagréable. Silvan Evans, comme
Thomas Richards auparavant, traduisent : edrych yn ddisgyfrith
par : regarder d'un air farouche; dyivedyd yn ddisgyfrith, par :
parler avec rudesse. Ce sens existe en moyen-gallois. H. Ca-
roli Magni (Silv. Ev. IFelsh Dict.) : y gc'riau disgyfrith hyny
a gyffrocs y brenin ar llid, ces paroles inconsidérées (sans
retenue) mirent le roi en colère.
C'est là un sens métaphorique. Le sens précis apparaît clai-
rement dans YYstoria de Carolo Magna, col. 452 : il s'agit
d'une bataille suivie de désordre : les étalons marchent sans
I. Cf. moy. -gall. M. A., 205.2 :
Kyrclj Gruffut ryhonnir
« on célébrera Tincursion de Gruffudd ».
314 /• Loth.
ordre « le long de la montagne». Dans les ^;/r. L., 1.740 :
si un cheval est sans entrave, (disgyfrith') au cas où il endom-
mage le blé, on doit payer pour lui un demi-penny le jour ;
un penny la nuit . Ce sens est confirmé par la confusion avec
disgyfreith : Ane. L., 11.424, 426.
Il s'agit des privilèges du kygheUaiur ; le troisième est : braint
dyn disgyfreith : sef achos y mae braint dyn disgyfreitb ido ef, am
nad oesyn nùb dasgy arno : « voici pourquoi il aie privilège d'un
homme libre (non soumis à la loi), c'est parce que personne
n'a prise sur lui (au point de vue amende ou impôt).
Il semble qu'ici le poète joue sur les mots et ait en vue
cyfrith (on n'en trouve que des exemples modernes).
D'après la conhjsion entre disgyfreith et disgyfrith, il semble
que dans l'idée de droit, il y ait eu, chez les Gallois du moyen
âge, l'idée de coercition.
Il y a, en outre, un exemple du Livre de Taliessin de na-
ture à rendre circonspect en ce qui concerne l'étymologie du
mot : (F. a. B., II, 137; cf. éd. Gw. Evans, 23, 9) : Biini yn
lliaws rith kyn hum disgyfrith « J'ai eu bien des formes avant
d'être libre ? ». On peut se demander si le sens n'est pas dans
la pensée du poète : avant de n'être plus transformable. On au-
rait un composé de dis- *cyfrith (*coni-riclu-). Si on rapproche
ce passage du sens métaphorique de désordonné, déréglé, on est
excusable d'avoir quelque hésitation. Si le sens primitif est :
détaché, désentravé, comme cela paraît assez vraisemblable, il
faut voir dans : -cyfrith un vieux-celt. *com-rikto-s ou mieux
peut-être *-com-riktio-s , identique au vieil-irl. comrechta gl.
alligatns ;S. G., 39''i3 '.
J. Loth.
I. Mon attention a été appelée sur disgyfritJ: par une des nodiadau iei-
tJn'ddoJ de C. J. Williams, dans Y Beirniad, février 1920, p. 259. L'au-
teur donne à disgyfritto le sens de désentravé, libre et indique son origine,
confirmée par une note de J. Morris Jones.
COLUMBANUS AND ROME
Dr. Skene in dealing with the attitude of St. Columbanus
and the Celtic Church to Rome has fallen into a curious error
w hich so far as I am aware has never been pointed out. This
is ail the more strange because the mistake affects not only
the whole argument in the 2nd. volume of " Celtic Scot-
land", but has led astray nearly ail contemporary and subsé-
quent historians. In regard to this part of his subject it is
évident that Skene cannot quite get away from the tradition
of Celtic Church history originated by Ussher ', and populariz-
ed by later writers. In the particular case to which I am
referring, a question fundamental to the \^ hole history, the
whole character of the Celtic Church, turns on an alleged
quotation from the letter of St. Columbanus to Pope Boniface
IV, a document easily accessible and a référence to which in
Migne's Patrologia Skene duly gives.
The letters of Columbanus are unquestionably authentic,
they bear directly on the relations of the Celtic Church with
Rome and they express on every line the character of the
writer, the religions sentiments of his âge and the spirit of
his countrymen. As Professor Bury has shown in his life of
St. Patrick, pp. 369-71, they throw much lighton the relations
between the Celtic and Roman Churches, and a knowledge
of them could scarcely escape even the most primitive process
of historical research.
Yet it is a fact that in almost every case where a Scottish
historian has quoted from Columbanus the quotation has
I. James Ussher. A discourse of the religion ancicntlv professed hy the Iridi
and British, 163 1.
3i6 M. V. Hay.
proved the writer's ignorance of the original text ; and a
genealogy of modem misquotation from thèse letters can be
traced directly to Dr. Skene.
The passage to which I refer deals with the attitude ad-
opted by St. Columbanus writing to the Pope as spokesman
of the Celtic Church on the subject of the Easter controversy,
and comparison with the original text shows that Skene had
probably taken his quotation at second hand '.
Skeue. Celtic ScotUind, vol. II, Migne. PatroJogia, vol. LXXX,
p. 7: col. 275 :
" We are Irish dwelling at the « Nos enim SS. Pétri et Pauli et
ver}' ends of the earth. We be men omnium discipulorum, divinum ca-
who receive nought heyond the noneni spiritu sancto scribentium,
doctrine of the evangelists and apo- discipuli sumus, toti heberi, ultimi
stles. The Catholic faith as it was habitatores mundi, nihil extra evan-
first delivered by the successors of gelicam et apostolicam doctrinam
the Holv Apostles is still maintain- recipientes : nullus haereticus, nul-
ed amongst us with unchanged fid- lus judaeus, nullus schismaticusfuit;
eHty. " sed fides catholica, sicut a vobis pri-
mum sanctorum scilicet apostolo-
rum successoribus, tradita est, in-
concussa tenetur. »
It will be notictd that throughout thèse letters there runs
a note of apology which cornes out very strongly in the
passage as actually written by St. Columbanus, and which
can be accounted for. It may be conjectured that Laurentius,
who had met Columbanus in Gaul (Bede, E. H., 11.4) and
apparently quarrelled with him over the Easter controversy
had sent a report to Rome reflecting on the orthodoxy of the
Celtic Church. The paragraph to which Skene meant to reter
was probably framed to réfute such an accusation.
" We are the disciples of Saints Peter and Paul, and of
ail the disciples who by the inspiration of the Holy Spirit
wrote the divine canon ; we are ail Irishmen, living at the
ends ot the earth, and (yet) admit nothing beyond the teach-
ing of the evangelists and apostles. "
I. Although in a footnote Skene gives the Latin text from "nos enim"
to " recipientes " with a référence to Migne Patrologia.
Cohimhanus aud Rome. 317
To this detailed statement of orthodoxy, St. Columbanus
adds with insistence and as \i refuting possible accusations in
détail : " There was amongst us no heretic ", a possible réf-
érence to Arianism ; " no Jew ", that is to say, " \ve are not
quarto-decimans keeping Easter on the same day as the
Jews "' ; " no Schismatic ", i. e. we are not to be classified
with any Schismatic Church. " Finally the sentence closes with
a most categorical déclaration in words which, as they stand,
do not admit of the least doubt of the writer's meaning or
orthodoxy :
" But the Catholic f;tith as it was first transmitted from you
the successors, that is, ofthe'Holy Apostles, is maintained
amongst us unchanged. " In regard to this passage I think Pro-
fessor Bury is wrong when he says that thèse words " can
only refer to the transmission and maintainance of orthodox
doctrine at Rome ". The true meaning is explained by S.
Colurnjjanus who a few lines further on in his letter repeats
the words " a vobis " emphazising their significance : " Quid-
quid enim dixero aut utile aut orthodoxum vobis reputabi-
tur... quia a vobis ut dixi processit " .
Either Skene quoted from memory or he took the quotation
and référence together at second hand. I hâve not been able
to tind the quotation thus garbled in anv work published
previous to " Celtic Scotland ' ". There is hère something
more serions than misquotation for the words written by
Skene are a paraphrase susceptible of bearing a meaning dir-
ectly contradictory of the original text. And in fact such false
interprétation has'been almost universally adopted by sub-
séquent historians. Principal Story ^, editor of the " Church
of Scotland Past and Présent ", allowed this passage to pass
(giving the référence to " Celtic Scotland ", 11. 7) as évid-
ence that Columbanus denied the supremacy of the Pope.
" The Celtic Church " writes Rankine ' in " Handbook of
1. It is given correctly by W. G. Todd. History of Ancient Church in
Ireland, 1845.
2. R. H. Story, D. D., F. S. A. The Church of Scotland. London, 1890,
vol. I, p. 129.
3. James Rankine, D. D. J Handbook of the Church of Scotland. Fourtli
Edition, 1888, c. I, p. 24.
5i8 M. V. Hay.
the Church of Scotland ", " cmphasised teaching and preach-
ing and made a spécial appcal to scripiure for doctrine. This
is a feature which still characterises the Church of Scotland".
In proof of this proposition the following note is appended.
" St. Columbanus gives this account of himself and his
companions in a letter to Pope Boniface IV. We are Irish,
etc., etc. "The référence given is to Celtic Scotland, II, 6.
Theetfect of Skene's misapprehension of this passage spread
far and wide and can be traced in the best known modem
text books of history. Lavisse et Rambaud ' were certain ly
misled by Skene, and certainly never consulted Migne when
they wrote that in the Irish Church u le culte se faisait en
langue vulgaire, non en Latin ^ ; on n'admettait que l'autorité
de l'Ecriture rejetant celle des Pères et de la tradition ro-
maine ».
Andrew Lang ' in " History of Scotland " remarks that
the Columban monks " said in a rather Prolestant spirit that
they accepted nothing outside the evangeUcal and apostolic
doctrine ". The référence given is Skene's " Celtic Scotland "
and Migne XXXVII, coll. 257-282 exactly as given by Skene.
It is sufficiently clear that the writers referred to, Story,
Rankine, Lang, hâve based their entirely misleading state-
ments on Skene's inadéquate translation of the passage of
Columbanus in question. Lang's dependence on Skene and
his ignorance of the original text is indeed vouched for by
himself, for he gives the référence to Migne as vol. XXXVII,
coll. 275-282, as Skene does, whereas the correct référence is
vol. LXXX, coll. 259-283.
M. V. Hay.
1. Lavisse et Rambaud. Histoire gcncrale, vol. I, p. 254.
2. Skene is responsible for this explanation of " Nescio quo ritu Bar-
bare ", which has been silently adoptcd by Rait, Scotland, p. 15.
3. Andrew Lang. A History cj Scotland. Second édition, vol. I, p. 34
and note on page 59 .
A PROPOS DU NOM
DES
GERMANI
Après le mémoire d'Hirschfeld (paru en 1898 dans les
Mélanges Kiepert et réimprimé en 19 13 '), concurremment à
celui de Theodor Birt (publié en 19 18 et substantiellement
analysé ici même par M. Vendryes -) au travail de Norden
(dont la Berliner Philologische Wochmschrijt a rendu compte au
début de février '>) et au chapitre dont Sigmund Feist a fait
suivre la réédition de son livre Indogermanem und Germanen *,
voici qu'un des appendices les plus riches et originaux ajoutés
par M . Ettore Pais à sa belle édition des Fastes triomphaux
remet en question l'origine du nom des Germani '^ . Il ne sera
peut-être pas sans intérêt de reprendre, à la suite de cette dis-
cussion nouvelle, les anciens éléments du problème, et de
marquer les résultats qu'elle parait avoir obtenus.
Elle porte essentiellement sur un texte de Tacite dans le De
moribus Gcrmaniae. Ce texte est donné sous la forme suivante :
« Germaniae vocabulum recens et nuper additiim, quoniam qui pri-
mi Rhenuni transgressi Gallos expulerint, ac mine Ttingri, tune
Germain vocati sint. Ita nationis nonien, non gentis, evalnisse
paulat'un ut omnes primum a viclore oh metum, niox etiam a se
1. Hirschfeld, Kleitie Schriften, p. 555 et suiv.
2. Vendryes, Revue Celtique, XXXVII, p. 270-272.
3. a.Berl.Phil. IFoch.Jév. 1921.
4. Sigmund Feist, Indogermanen u. Germanen, 2»^ Auflage, Halle, 1919 ;
Beigabe I, Der Kawe Germanen, p. 71-82.
5. Pais, Fasti triumphales populi Romani, Rome, 1920, p. 401-416.
320 Jérôme Carcopino.
ipsis invento noininc Gcnnani vocareiitur '. » Birt prend la phrase
telle quelle, et la rapproche de la plus ancienne mention des
Germains que nous offre la littérature classique, dans un
fragment de Posidonios qu'Athénée nous a transmis : Fs^fj-avcl
zï (ùz '.(JTisîî IIs7£'.$wvio^ iv TY] Tp'-a/.;!7T^ xpiQ-zv TTpossépivTai
v.piy. •jjL£A-/;obv iù--r^\xz^x /.ai è-t-îvouat vaXaxzt tcv clvov àxpaTsv ^.
L'histoire de Posidonios s'étendait sur un peu plus d'un demi-
siècle, de 144 à 86 av. J.-C. ; la composition s'en place aux
environs de 80 av. J.-C, et la publication entre 80 et 50 av.
J.-C. 5. Il convient de lui rapporter, à elle, ou, tout au moins
au temps de sa rédaction, la doctrine suivant laquelle le nom
de Germains désigne des peuples installés au centre de l'Eu-
rope, entre le Rhin et laVistule, et en contact souvent hostile
avec les Celtes et les Romains ; et il y a lieu d'interpréter en
conséquence le passage du De inoribus Geniianiae : le franchisse-
ment du Rhin dont parle Tacite, c'est celui des hordes dont les
victoires de Marius ont préservé l'Italie ; le vainqueur qu'il
désigne, c'est le peuple romain qui leur a donné un nom tiré
de sa propre langue et inspiré de la terreur qu'elles lui cau-
sèrent alors. C'était un nom tout trouvé pour elles, et par la
suite elles l'ont adopté : les Germains furent, en latin, les
Gennani [Galli], les Gaulois par excellence, ceux que leur
stature, leur courage, leur passion guerrière faisaient les plus
redoutables, donc, si l'on veut, les « Surgaulois ».
Cette théorie de Birt a deux avantages : elle dispense de
toucher au texte de Tacite; elle s'accorde avec une des signi-
fications les plus fréquentes du qualificatif latin gernianus-^, et
celle-ci paraît confirmée, à son tour, par la définition de
Strabon des Yvr,7r.;iraXâ-:a'. >. Elle se heurte, par contre, aune
difficulté à peu près insurmontable : un ressouvenir de la vic-
1. Tac, Demor. Genn., 2.
2. Athénée, IV, 155^ ; cf. Posidonios, ap. F. H. G., III, 264.
3. Cf. Christ^, p. 569 et Feist, op. cit., p. 2, n. 2. La théorie de Birt
avait déjà été soutenue plusieurs fois avec des arguments différents (cf.
JuHian, Histoire delà Gaule, III, p. 51, n. i).
4. L'exemple le plus caractéristique de cette acception se trouve dans
Sen., Apocol., 6: Gallus oermanus, itaqiie, quod Galliim facere oportebat,
Romam cepit. Mais sur la valeur du rapprochement, voir infra, p. 328.
5. Strabon, VII, i, 2.
A propos du nom des Germani. 521
toire romaine sur les Cimbres et les Teutons est d'autant
moins acceptable en cet endroit que Tacite n'y a nommé ni
les Teutons ni les Cimbres, et qu'il y vise, non la migration
d'une race, mais des déplacements de tribus, non un ébranle-
ment profond qui se serait communiqué au delà des Alpes
jusqu'en Italie circumpadane et en Provence, mais un mouve-
ment local qui s'est arrêté en Belgique, autour de Tongres '.
Hirschfeld n'avait eu garde de s'y méprendre, et il a fondé
sur la phrase de Tacite des inductions toutes différentes.
D'abord il la tient pour corrompue. Les mots a victore ob
metum lui paraissent impossibles à conserver. Ailleurs, quand
Tacite emploie cette locution ob mctuui, il l'affecte d'un sens
passif, non actif ^ Or, en général, un vainqueur inspire de la
crainte et n'en ressent pas. Dans le cas particulier, les Ger-
mani sont représentés comme des conquérants refoulant
devant eux les Gaulois qu'ils évincent. Les vainqueurs, pour
Tacite, ce sont eux. Mais alors, il n'est plus moyen de com-
prendre l'opposition a victore... a se ipsis, puisque victor et ipsi
ne font qu'un. Evidemment, le texte original portait, non
a victore ob met uni, mais a victo, re[or\ ob nietuin, correction que
postule la suite des idées et que justifient également la fré-
quence de réserves semblables dans le discours de Tacite et
l'analogie paléographique entre OB et OR. Et, pour en
rendre compte, il suffit de le confronter avec le chapitre
des Commentaires où César fait dépeindre les tribus germaines
par les Rèmes qu'il interroge. D'après leur réponse, qui l'a
satisfait, la plupart des Belges étaient, originellement, des
Germains depuis longtemps établis sur la rive gauche du
Rhin, dans un pays dont la fertilité les avait attirés et fixés.
Chacune de leurs tribus avait gardé sa dénomination particu-
lière; mais un seul nom, dont elles se réclamaient toutes, les
englobait ensemble : Cum [Caesar] ab bis [Remis \quaereret...
sic reperiebat : pkrosque Belgas esse ortos ab Germanis Rhenumque
antiquitus traduclos propter loci fertilitatemibi consedisse, Gallosque
qui ea loca incolerent, expulisse... > Condrusos, Ebnrones, Cae-
1. On trouvera une réfutation de Birt dans Feist, op. cit., p. 76 et suiv.
2. Tac, Ann., I, i ; Hist., II, 49.
3. Caes., De belto Gallico, II, 4, 1-2.
322 Jérôme Cnrcopino.
roesos, Paenuiiios, qui nno nomine Gcniiam' appellantur , arbitrari
ad XL miUia '. Voilà, selon Hirschfeld, la source du De
moribus Germaniae. Tacite dépend ici de César ; et, comme
Tacite affirme que le nom des Germains est d'introduction
récente, il n'y a pas lieu de le faire remonter plus haut que
César. Il importe, au contraire, de l'éliminer, comme le résul-
tat fautif d'élaborations postérieures, de tous les documents
plus anciens que les Commentaires, où il figure indûment.
C'est cette affirmation d'Hirschfeld que M. Pais a combat-
tue avec toutes les ressources de sa vigoureuse dialectique, et
dont l'autorité ^ me semble aujourd'hui très ébranlée.
1° On ne saurait, sous peine de tomber en un vain dilettan-
tisme, ni rejeter comme apocryphes, traiter comme des sub-
stitutions abusives, comme de véritables interpolations d'abré-
viateurs ou de scholiastes, les mentions des Germani qu'on
rencontre, soit chez des auteurs contemporains de César,
comme Salluste ', ou antérieurs comme Posidonios +, soit
dans des histoires écrites après César mais relatives à des
événements qui l'ont précédé, comme celles de Tite Live ">,
les récits de Frontin '' et les biographies de Plutarque ', ni
taxer de fraude la mention officielle du triomphe qu'en 222
av. J.-C, M. Claudius Marcellus aurait, à Clastidium, rem-
porté de Galleis Insubrihus et Germ[an{is^] ^.
2° En ce qui concerne cette dernière, elle est indirectement
confirmée par la tradition littéraire. Assurément Vepitomator
de Tite Live '^ et Zonaras'° n'ont cité, dans leurs allusions à la
campagne de Marcellus, que les Insubres. Mais Florus adjoint
1. Caes., De beîlo Gall., 10.
2. Elle s'impose encore à De Sanctis, Storia dei Roviani, III, i (Turin,
1916), p. 318. Cf. Jullian, Histoire de ta Gaule, III, 51,1.
3. Sali., Hist., fr. Vat., III, 96, p. 150. Maur., ap. Isidore de Séville,
Etym.,XlX, 23. •
4. Cf. supra, p. 320.
5. Liv., Per., XCVII.
6. Frontin, Stratag., Il, 5, 34.
7. Plut., Crassus, 9.
8. Fasti tr., ann. 531 U. C.(532 Varr.).
9. Liv., Per., XX.
10. Zonaras, VIII, 21.
A propos du nom des Germani. 323
aux Insubres des accolae Alpiiini « quibiis an'uiiiferarum corpora
plus qmm humana eranl » ' ; et Polybe % Plutarque ', Paul
Orose ^, qui représente mieux la teneur du récit Livien que
le sec résumé de la Periocha, unissent contre Rome Insubres et
Gésates. Or, par ce terme de Gérâtes, les Gaulois ne dési-
gnaient pas une peuplade déterminée, mais une troupe de mer-
cenaires, abstraction faite de ses origines ethniques : FaXâ-aç
7:307avo5îu2;j.3v;'j; 2è sia xo ;ji.iaO:j z-py.~.zùzv/ I aiuaTcuç ' ; —
nomennon eentis sed merceimarioniDi Galloriim est ". Le rédacteur
des Fasti triuniphales ne pouvait évidemment pas faire hon-
neur à Marcellus d'une victoire remportée sur des combattants
anonymes, et il leur a donné, non une appellation d'orgueil-
leuse fantaisie, mais le nom des tribus chez lesquelles les
Gaulois avaient eft'ectivement levé des troupes à prix d'or.
3° A l'appui de cette équivalence, M. Pais apporte deux
arguments d'inégale valeur, historique et linguistique. Le
premier est très fort, car il y a, dans Strabon, la preuve que,
longtemps avant l'invasion cimbrique, et à diverses reprises,
des Germains, pratiquant la conduite suivie par les Gésates de
225 etde 222 av. J.-C., se sont associés aux Gaulois de la haute
vallée du Rhône pour envahir et piller l'Italie septentrionale '.
Le deuxième est plus contestable, car il repose sur l'identité
conjecturale et primitive des mots Gésates et Germains.
Qui sait, après tout, se demande M. Pais, sans d'ail-
leurs insister sur cette supposition, si Gésates et Germains ne
sont pas des doublets, deux formes issues d'un même vocable,
où, du moins, se retrouve la même racine : gae — ger ?
*
Nous laisserons de côté cette hypothèse. D'abord, elle tend
1. Florus, I, 20.
2. Polybe, II, 22 et suiv. ; 34.
5. Plut., Marcellus, 6.
4. Orose, IV, 13.
). Polyhe, II, 22, I.
6. Orose, IV, 13, 5. Orose dépend ici de Fabius Pictor (fr. 23 Peter).
7. Strabon, IV, 3, 2. M. Jullian avait déjà fait ce rapprochement {His
toire delà Gaule, I, p. 315, n. 5).
Rtvite Celtique. XXXriII. 22
524 Jérôme Carcopino.
à éclaircir obscurum per obscurius, car l'étymologie du mot
« Gésates » n'est rien moins qu'évidente. Les anciens liési-
taient à son sujet entre plusieurs explications : la solde — oCa
To [xicrôou cxpaxEÛeiv ' ; la convoitise — irapà -h tyjv y^'^
ITyjteïv ^ ; un collier d'or — FaiÇ'^tai r,sp\ osipea ypuaooopouvTeç ';
la virilité — gaesa hastas viriles ; nain viros fortes Galli gaesos
vocant •*. Et les modernes, les rejetant toutes à la fois, préfèrent
penser que les Gésates se sont appelés, en celtique, du nom
celtique latinisé qui, d'après les anciens, désignait leur arme :
gaesiiiii 5. Ensuite et surtout, l'hypothèse implique une sorte
de pétition de principes et suppose acquis ce qui, justement,
est en cause et reste à démontrer. L'étymologie de Germani,
véritable criix sur laquelle s'enroulent et s'enchevêtrent les
imaginations plus ou moins méthodiques des modernes, a été
successivement suggérée aux linguistes par le celtique, le
latin, le vieil allemand, les racines indo-européennes ^. Or le
choix entre ces langues ne saurait être arbitraire: il est stricte-
ment déterminé par des conditions qu'il appartient à la recherche
historique de nous révéler : le lieu, la date, les circonstances
1. Polybe, II, 22, I. Cf. C. G. L., V, 71, 25 : Gessatus mercenarins exer-
citiis gallica Jingiui ; et Plut., Marcelltis, 3.
2. Etym. Magn., 223, 16 Gaisford.
3. Ibid.
4. Serv., ad Aen., VIII, 660.
5. Holder, I, 1514. Feist., op. cit., p. 40. — Comme M. Vendryes
veut bien me le faire remarquer, le primitif *gaiso-, d'où sort l'irlandais
gae, comme le celto-latin^i/«Mw, se retrouve en germanique sous la forme
du vieil-islandais geirr, du vieux haut-allemand gér et du vieil-anglais
gâr, qui tous désignent l'épieu.
6. Etymologie par le latin (Birt, op. cit. ; Hartmann, Glotta, IX, p. i
et suiv.) : Germani, s. e. Galli, les « vrais [Gaulois] ». — Par les dialectes
germaniques (Kluge, Geniiania, I, 5 ; Much Reallexikon der Germ. Alter-
lumshinde, II, 183) : les Germani (ga + *ermana — ancien haut-allemand :
irmin, grand) sont les « Grands ». — Par une racine indo-européenne
(Henning, Zeitschrift f. deutsches Altertum, LIV, p. 218 et suiv.), les Ger-
mains tirent leur nom d'un lieu-dit, *Germo, qu'on retrouve sous des
formes diverses en Thrace, en Asie Mineure et jusqu'en Perse, dont le
doublet purement celtique serait Bormo et qui s'apparenterait au mot sans-
krit ^/;flr»W5, chaleur (cf. grec Ocpad?). Feist, qui tient pour le celtique (cf.
infra), a analysé ces différentes opinions, et, d'un point de vue linguistique,
les a réfutées.
A propos du nom des Gerniaiii. 325
OÙ, pour la première fois, retentit le nom de Germains. Les
derniers travaux sur la question lui ont. malgré leurs diver-
gences, fait réaliser un grand progrès.
Hirschfeld a raison, contre Birt et contre tous ceux, comme
Feist ou Norden, qui acceptent tel quel le texte fondamental
de Tacite, d'amender la tradition manuscrite du De ?noribus Ger-
maniae. On doit lire, comme lui, a victo, reor, ob metiim. Et,
d'autre part, Hirschfeld a raison, contre M. Pais, de voir dans
le passage de Tacite ainsi corrigé un reflet de César. Ce qui
vient de César, ce qui, en tout cas, exprime la même réalité
que César, c'est la proposition : qnoniam...tunc vocati sint. Ce
qui est commun aux deux auteurs, c'est l'idée que le nom de
Germani a fait son apparition en Belgique, plus précisément
dans la vallée de la Meuse, à la suite de migrations trans-
rhénanes.
Mais tout le passage de Tacite, et, sur ce point, M. Pais a
raison contre Hirschfeld, n'est pas sorti de César. Il suffit de
relire les deux écrivains pour apercevoir la différence de points
de vue qui les sépare. César nous apprend ce que sont les
Germains du pays belge. Tacite se demande depuis quand le
pays situé à l'est et au nord du Rhin, au nord de la Panno-
nie, à l'ouest des Sarmates et des Daces ', s'appelle la Germa-
nie. Ce qui est propre à César, ou plutôt aux Rèmes, les
informateurs de César, et que Tacite a laissé tomber — tune
vocati sint — c'est l'indication du lointain passé auquel se place
l'arrivée des Germains en Belgique. Ce qui est propre à Tacite,
ou à une source de Tacite indépendante de César, c'est une
explication du nom de Germani d'où est issu celui de Germa-
nia, explication dont il n'y a pas trace dans les Commentaires,
et c'est la notion d'une extension progressive du terme Ger-
mani qui, parti d'une tribu isolée, a fini par envelopper la
nation tout entière, et par inscrire, sur la carte du monde
antique, un vocable nouveau couvrant tout le territoire entre
Rhin et Vistule. Les deux textes ne s'absorbent pas plus qu'ils
ne se contredisent. Ils se complètent l'un l'autre. L'évolution
I. Tac, De mor. Genii., i : Geniiania omnis a Gallis Raelisque et Panito-
niis Rheno et Daiiuvio ftuminibus, a Santtatis Dacisqiie mutuo nietii aut mon-
tibiis separalur : cetera Oceanus ambit.
32é Jérôme Carcophio.
que signale Tacite n'était sans doute pas encore achevée lors-
qu'écrivait César. Celui-ci nomme la Germanie, mais sans la
déterminer '. Géographiquement, il la morcelle en deux par-
ties: Cisrhénane et Transrhénane ^. Politiquement, il l'intègre
en un groupement de geiitcs en Belgique \ L'unité de la vaste
Germanie que définit Tacite n'a dû se constituer dans la
conscience des Romains qu'après César et graduellement,
d'abord, quand ils furent aux prises avec l'ennemi qu'ont
maté Drusus et Tibère et qui tailla en pièces les légions de
Varus, et plus tard encore, au cours des campagnes qu'entre-
prirent Domitien et ses généraux contre les Sarmates et les
Daces ■^. Assurément, si Tacite avait songé aux Commentaires
dont la rédaction de son livre est éloignée d'un siècle et demi ^,
il n'aurait pu écrire : Gennatiiae vocahulnm recens et nuper ad-
ditiim ^. L'addition dont il parle pour son compte et que nous
n'avons point, par conséquent, le droit d'attribuer, comme le
voudrait Feist ", à l'une de ses sources vieille d'au moins 150
ans, doit être sensiblement plus voisine de lui ; et, bien plu-
tôt que la diffusion de l'œuvre de César, ce sont les guerres
flaviennes, succédant à l'organisation, non seulement des deux
marches germaniques et de la Raetie (15 av. J.-C.) '\ mais
de la Moesie et de la Pannonie (6 et 10 ap. J.-C.) 9, qui ont
achevé d'en rectifier et généraliser l'emploi. En somme, l'his-
toire du mot Ger mania se déroule selon le développement
1. Caes., Dehell. Gall., V, 15, 6; VI, 25,4; VII, 65, 4.
2. Ibid., I, I, 3; 28, 4; VI, 2, 3 ; 32, I.
3. Ihid., II, 4, 10.
4. Tac, Agr., 41 ; Hist., I, 2.
5. Les, Cofunientaires sont de 52/51 av. J.-C. (Schanzs, II, 129). La Ger-
manie a été publiée en 98 ap. J.-C. (Ibid., III, 302).
6. L'argument a été produit par M. Pais, Fasti triiimplmles, II, p. 404.
7. Feist, op. cit., p. 79 : Uebrigens sei der Name Gennanen jung und
erst sait kurzem im Gebrauch, das kann natùrlich nur aus einer sebr alten
Quelle entnommen haben, da er zu seiner Zeit mindestens 150 lahre ait
y^'2ir. — Mais le vocahdum recens n'est pas Germant, mais Ger mania. Et le
raisonnement de Feist, fondé sur Germani, tombe par là même.
8. Marquardt, Organisation de l'Empire romain, II, p. 161.
9. Marquardt, ibid., p. 181 et 166. C'est sous Vespasien que furent éta-
blis les camps permanents de Pannonie, à Vindobona (pour la leg. X Geminà)
et Carnuntum (pour les tegg. XV Apollinaris et AYF Martia Victrix).
A propos du )wni des Gcrmam 327
habituel à la toponymie des grandes régions ; et il en est à
peu près de la Germanie comme de l'Afrique : l'ethnique
d'une tribu -Afri- ou d'un groupe de tribus -Germani-, par
quoi Rome a pris contact avec les territoires à identifier lui a,
dans les deux cas, fourni successivement le nom de ses pro-
vinces et celui du continent auquel elles se rattachent.
Mais au rebours de ce qui s'est passé pour les Afri dont le
vocable paraît bien libyque, et non punique ', les Germani de
Belgique, originaires de Transrhénanie, à ce que rapporte
César, avaient été nommés par les tribus gauloises dont ils
avaient conquis la place. Telle est, du moins, l'information
supplémentaire que nous fournit Tacite. La grande fortune
du nom Germani, l'extension du mot Germania qui en dérive
faisaient à Tacite un devoir den préciser l'origine et le sens,
et il ne s'y est pas dérobé. Mais déjà cette recherche était dif-
ficile, et la phrase du De morilms Germaniae qu'a rétablie Hirs-
chfeld n'en présente le résultat que sous bénéfice d'inventaire :
reor, ob metum. Ces réserves ne sont point encourageantes
pour les investigations des modernes. Du moins les empêchent-
ils de s'égarer sur la fausse piste des étymologies, soit germa-
niques, à peu près abandonnées par tout le monde, même en
Allemagne ', soit latines qu'on y a récemment essayé de rani-
mer. Il est bien vrai que, dans leur embarras, certains auteurs
romains dont Strabon s'est fait l'écho ', s'étaient efforcés de
rendre compte du vocable Germani par des termes de conso-
nance identique, empruntés à leur propre langue, et voyaient
dans les Germani les Gaulois par excellence: Germani [Galli].
Mais, d'abord, comme Feist l'indique spirituellement, leur
raisonnement par à peu près ne tient pas plus que celui' que
1. Sur cette question, voir, en dernier lieu, Henri Basset. Le Culte des
Grottes an Maroc, Alger, 1920, p. 14 : « Il est difficile de croire que le nom
des Béni Ifren, l'une des grandes familles des Zenata, ne signifie point les
Troglodytes, et ne leur vienne pas de leurs premières habitations, quand
on voit encore donner le nom d'Aït-Ifri à des gens... qui vivent dans les
grottes. »
2. Feist, op. cit., p. 82.
3. Feist cite, après Norden, une étymologie de Strabon (VU, 7, 2) déduite,
avec la même fantaisie, d'un à peu près du même genre : celle des Lélèges
« to Tj/.Àiy.TOj: •■i--(y/Vfx: T'.và: iv. rraÀx'.oj » (ibicj., p. yy).
528 Jérôme Carcopino.
commettrait un Allemand d'aujourd'hui en faisant descendre
les Anglais des Anges sous prétexte que l'adjectif englisch se
rapporte aussi bien à Engel (ange) qu'à England (Angleterre) ?
De plus, il est avéré que Tacite n'en a pas été dupe, et a
formellement rejeté l'interprétation qu'il implique. De celle
qu'il a proposée lui-même, il résulte avec force que notre
enquête doit porter — à l'exclusion de tous autres éléments —
sur les mots de la langue du vaincu — a victo — , sur le cel-
tique, par conséquent '. Mais sur quels mots celtiques de
préférence ? Il est clair que Tacite n'en sait plus rien lui-
même avec certitude : reor, ob incttim ^.
Cette perplexité n'a rien qui doive nous surprendre. Tacite
était pardonnable d'avoir perdu la clé de l'énigme. Tant d'an-
nées s'étaient écoulées depuis que le vocable avait été inventé
en Belgique par les Gaulois conquis à l'adresse de leurs con-
quérants ! César n'assigne pas de date à l'installation des Ger-
mains ; mais lesRèmes qui le renseignaient avaient gardé, très
1 . La recherche historique rejoint ici la conclusion à laquelle les linguistes
les plus qualifiés sont parvenus d'autre part. En Allemagne même, Grimm
{Gesch. d. deutschen Sprache ^, 546), Zeuss (die Deutschcn, p. 59 et suiv.),
Pott, Etym. Forschinigeii, II-, 873), Reiche (Neue lahrhucher fur das klass.
Altertum, 35/36, 9'es Heft, 603), Norden (Korrespoudeniblatt der rôm. germ.
Kommission des Kaiscrl archaeoloirischen Instituts, lahrg. I, Heft 6, p. 161, et
Sit::;ungshericht der Berliner Akadetiiie der Wissenschafteii, 1918, p. 95), Feist,
qui cite tous ces auteurs, tiennent pour Tétymologie celtique. Pour Feist,
dont la comparaison est excellente, il en fut des Gennani de l'antiquité
comme des « Deutschen » des temps modernes. Le nom de ceux-ci leur
est venu d'Angleterre par l'intermédiaire de la Hollande (Dutch, Hollan-
dais). Le nom de ceux-là leur était venu de Gaule par l'intermédiaire des
Belges (Feist, op. cit., p. 82).
2. Feist hésite entre deux formations possibles pour le mot Gerniani
(op. cit., p. 81). Ou bien le mot se décompose en Ger-mani comme les
ethniques gaulois Co-mani et Ceno-mani , ou bien en Gertn-ani, comme
l'ethnique d'Amiens, Amhi-ani. Il faut, en tout cas, comme me l'indique
M. Vendryes, écarter la vieille hypothèse de Grimm, suivant lequel
Germ-ani s^ rattacherait au mot irlandais ;,'«/>•?«« cri, appel »; ce mot, qui
est le substantif verbal de, C'a/y/;» «j'appelle », est formé de la racine gar- et
du suffixe neutre -vin- ou -sniii-.
A propos du nom des Gerniani. 329
nette, l'impression que l'état de choses qu'il décrit après eux
était très ancien, d'une époque dont ils n'avaient plus le sou-
venir précis : Rhenumqiie antiquitus traductos. L'adverbe ànti-
guitus dont ils se servent écarte la possibilité qu'ils aient eu
en vue l'invasion cimbrique, vieille d'un demi-siècle, au
plus. Le contexte, dont je suis surpris que M. Pais n'ait point
fait état, car il fortifie singulièrement sa position, achève de
l'exclure : les Rèmes n'ignoraient pas, en effet, que ces Ger-
niani de Belgique avaient alors fait front contre l'envahisseur,
Cimbre ou Teuton, qu'ils avaient été seuls, en Gaule, à préser-
ver leur territoire : solosque esse qui, patrum nostrorum memoria,
omni Gallia vexata, Teutones Cimbrosqtie intra fines suos ingredi
prohibuerint '. Et cette assertion non seulement ruine la théo-
rie de Birt, mais encore elle nous autorise à interpréter comme
M. Pais le passage de Strabon auquel il s'est référé, et à
remonter en conséquence jusqu'à la période de la bataille de
Clastidium (225-222 av. J.-C.) cette série de coups de main
que des Ti^\j.oLvzi, déjà en possession de leur nom et plus ou
moins étroitement associés à certains Gaulois, tentèrent sur
l'Italie % enfin à rendre toute sa valeur à l'inscription des
Fastes qui consacre le triomphe de M. Claudius Marcellus
« de Germ[an(Jsy\ ».
Certes, ce document officiel n'est pas un document con-
temporain, puisqu'il n'a probablement été gravé qu'en 12 av.
'J.-C. ^ iMais, dans l'ensemble, son rédacteur a utilisé, pour
le composer, les annalistes qui florissaient à l'époque de
1. Caes., De bell. GalL, II, 4, 2. Il est vrai que Feist, op. cit., p. 80,
semble révoquer en doute la réalité du rapport fait à César par Iccius et
Andecumborius, les ambassadeurs des Rèmes. Use peut, écrit-il, qu'il n'y ait
là qu'un arrangement de rhétorique destiné à dramatiser des renseignements
d'origine livresque, empruntés peut-être à Posidonios, « parce que, dans le
discours des ambassadeurs des Rémes, il est aussi question de la résistance
victorieuse opposée par les Belges [ou mieux, par les Germani de Belgique]
aux Cimbres et aux Teutons, et que tous les récits que l'antiquité nous a
légués delà guerre cimbrique remontent à Posidonios ». Mais c'est là raffiner
sur un texte fort clair, et en contester gratuitement les affirmations toutes
naturelles au nom de pures possibilités. Car, enfin, à 50 ans de distance,
les Rèmes devaient avoir gardé le souvenir de l'invasion cimbrique et de
l'ébranlement qu'elle avait communiqué à toute la Belgique.
2. Strabon, IV, 5,2 ; cf. supra, p. 325.
3. Pais, Fastitr., p. VII.
3 30 Jérôme Carcopino.
Sylla ', dès lors avant le temps où Posidonios, retour de ses
explorations en Gaule, publiait ses renseignements sur les
mœurs des Germains ^. Nous n'avons donc aucun motif valable
pour attribuer à l'époque d'Auguste la substitution qu'elles
opèrent des Gennani aux Gésates de la tradition littéraire. A
supposer même que cette substitution fût le fruit d'une élabo-
ration très postérieure aux événements sur lesquels elle porte,
ce travail n'a pas été influencé, cornme le voulait Hirschfeld,
par le spectacle des luttes que les lieutenants d'Octave ont eu
à soutenir contre les Germains. Même entaché d'erreur, il
resterait sincère et désintéressé.
Or plusieurs indices rendent vraisemblable l'assimilation
qui en résulte des Germains aux Gésates de 222 av. J.-C.
Non seulement la preuve est faite qu'à cette date les Gaulois
avaient déjà attribué l'épithète de Germani à certains peuples
immigrés d'Outre-Rhin en Belgique. Mais la preuve n'est pas
difficile à faire que Viridomar, celui des chefs de la coalition
que M. Claudius Marcellus a tué de sa main — \d\iice hostiiim
Vir\diiuiaro ad Cl\astidiiim interfecto — était un « Germain ».
N'en font un Insubre que les documents où les Insubres
sont seuls nommés, la Periocha de Tite Live ' ou le récit
abrégé de Zonaras 4. La notice des Fastes montre en lui le
chef d'une coalition d'Insubres et de Germains sans spécifier
la patrie à laquelle il aurait appartenu. Mais comme Paul
Orose qui nous a transmis la substance du récit livien, le
considère, non comme le roi des Insubres, mais comme celui
des Gésates 5, il est certain que le rédacteur des Fastes qui
dépendait des auteurs de Tite-Live l'a tenu pour un germain.
De fait, cet immense guerrier que Properce arme du petit
bouclier belge et dresse, sur son char, les gaesa à la main, se
vantait de descendre du Rhin :
Claudius Eridanum traiectos arcuit hostés,
Belgica cui vasti parma relata ducis
1. Pais, Fasti tr ., p. VI.
2. Cf. supra, p. 320.
5. Liv., P^r., XX.
4. Zonaras, VIII, 21.
5. Paul Orose, IV, 13, 15. Selon Paul Orose, ibid., d'ailleurs, ce sont
les Gésates qui ont été les victimes de M. Claudius iMarcellus : « Claudius
consul Gaesatorutn triginta niillia dehvit ».
A propos du nom des Germani. 351
Virdomari ; geniis hic Rheuo iactahat ah ipso,
Nohilis ercctis fundere gaesa rôtis ' .
Le dieu auquel, suivant Florus, il avait imprudemment
promis les armes romaines était Vulcain — • Viridomaro rege
roHiana arma Volcano promiseraut ^ — ; Vulcain, le seul nom
de dieu personnel que César ait cité chez les Germains —
deoriim numéro eos solos ducunt [Germani^ quos cernunt et quorum
aperte opibus tuvantur, Solem, et Vulcanum et Lunam ; reliqiios
ne farna quidem acceperunt ' — ; Vulcain, le dieu auquel des
Gésates romanisés consacrèrent, au cœur même du pays des
Germani, une dédicace découverte à Tongres, en 1901 '^.
Ce serait, dans ces conditions, obéir à des préoccupations
tout à fait étrangères à la science que de s'obstiner à rayer de
l'histoire les lignes des Fastes triomphaux. A la date où les
Fastes nous parlent àts Germani, la langue des Celtes les avait
déjà nommés ; et nous ne pouvons récuser ce témoignage,
en accord foncier avec le reste de notre tradition, pour cette
seule raison que, s'il vieillit de près de deux siècles l'entrée
des « Germains » dans l'histoire, et sans préciser d'ailleurs
quels éléments ethniques ils représentent, il les y introduit à
la solde des Gaulois et en posture de vaincus.
Jérôme Carcopino.
1. Prop., V, 10, 38. Voir sur la correction, proposée outre Rhin, de
Rheno en Bretmo, correction que rien ne justifie, les réflexions méritées de
M. V2L\s{Fasti tr., II, p. 413).
2. Florus, I, 20, 5 .
3. Caes., De belJ. GaU ., VI, 21, 2.
4. C. J. L., XIII, 3593. Cf. Wahzino^ Ret'iie des Etudes Aticiennes, IV,
1902, p. 53 et 54. De cet article il ressort que M. Jullian, dans une lettre
adressée à M. Waltzing, avait déjà rapproché cette inscription du passage
précité de Florus. — Ces lignes étaient déjà composées quand j'ai lu
G. Wissowa, Die gernianische Urgesclnchte in Taciliis Gerniania {Neue labrh.
fur ttlass. AUertum, XXIV, 1921, p. 14-31). L'auteur repousse, avec
raison, l'interprétation par laquelle Norden, introduisant une tournure
grecque dans le latin du De nior. Gertn., 2, traduit a, dans a victo par
naclj et non pas par von, ce qui permet, à la fois, de ramener indirectement
de Germanie le nom des Germani et de maintenir le texte traditionnel de
Tacite. Après quoi, Wissowa ne propose rien à la place, et, faisant le
silence sur la correction d'Hirschfeld, se borne à répéter, après Norden :
« Zu Bergen tùrmen sich die Schwierigkeiten in dem sog. Namensatze der
7X\ den umstrittensten der gcsamten lateinischen Prosaliteratur gehôrt »
(p. 29).
BIBLIOGRAPHIE
SoMiMAiRK. — I. S. CzARNOwsKi. Le culte des héros et ses conditions
sociales. St Patricia héros national de l'Irlande. — II. H. J. L.wvlor.
St Bernard of Clairvaux's Life ofSt Malachy of Armagh. — III. Newport
J. D. White. Saint Patrick, hiswritings and life.— IV. M. Cahen. La liba-
tion. — V. M. Cahen. Le nom de Dieu en vieux Scandinave. — VI.
Douglas Hyde. Gabhaltais Shearluis Mhoir. — VIL L. Poulet. Petite
syntaxe de l'ancien français. — VIII. Abbé Duine. Mémento des sources
hagiographiques de l'histoire de Bretagne. — IX. Emile Jobbé-Duval.
Les idées primitives dans la Bretagne contemporaine.
I
Stefan Czarxowski. Le culte des héros et ses conditions sociales. Saint
Patrick héros national de V Irlande (avec une préface de M. H.
Hubert). Paris, F. Alcan (Travaux de l'Année sociologique).
1919. xciv-569 p. 8°. 10 fr.
M. Czarnowski est un sociologue, venu de Varsovie à Paris pour
suivre l'enseignement de MM. Hubert et Mauss à l'École pratique
des Hautes Etudes. Il a conçu le projet d'étudier les « formes con-
crètes sous lesquelles apparaissent les valeurs sociales fondamen-
tales » ; et comme, dans toutes les sociétés, ces valeurs s'incarnent
surtout dans les héros, qui représentent la réalisation d'un idéal
collectif, il a été naturellement amené à faire des héros l'objet prin-
cipal de son étude. Mais cette étude avait besoin d'être limitée
par le choix d'un personnage qui soit un exemplaire typique de
l'héroïsme. C'est saint Patrice, héros national de l'Irlande, que
M. Czarnowski a choisi'. Voilà comment, à la suite de son maître
M. Hubert, il est entré sur le domaine celtique.
I. On peut être surpris que M. Czarnowski ait adopté la forme anojlaise
du nom de son héros, Patrick, alors que nous avons en français une forme
courante, Patrice, qui est même employée comme nom de baptême.
Bibliographie. 53 3
Les celtistes ont grandement à se féliciter du choix qu'il a fait.
Car cette étude de sociologie, qui enrichit si brillamment la collec-
tion de l'école de Durkheim, est en même temps l'étude la plus
complète et la plus fouillée dont la mythologie et l'hagiographie
irlandaises aient été l'objet. La documentation de M. Czarnowski
est d'une richesse qui ne laisse rien à désirer. Il a dépouillé tout ce
qui a été publié et traduit de textes irlandais sacrés ou profanes.
Son exemple permet d'apprécier les services qu'ont rendus à l'éru-
dition générale les celtistes des cinquante dernières années. Leur
labeur trouve ici sa récompense. M. Czarnowski prouve en effet
que les publications qu'ils ont faites au prix de tant d'efforts sont
désormais assez abondantes et assez variées pour qu'on en puisse
tirer la matière de vastes synthèses, sans être soi-même un spécia-
liste de la philologie celtique.
Il est vrai qu'il faut pour cela des qualités d'esprit qui ne sont
pas données à tous les philologues. C'est merveille de voir comme
le chaos de l'hagiographie irlandaise s'organise dès qu"on le consi-
dère du point de vue auquel M. Czarnowski s'est placé. On se
rappelle ces figures, dont parle Bossuet, qui ne montrent à première
vue que des traits informes et un mélange coiifus de couleurs ;
aussitôt que celui qui sait le secret vous les fait regarder par un
certain endroit, toutes les lignes inégales venant à se ramasser
d'une certaine façon, la confusion se démêle et l'on voit paraître
un visage avec ses linéaments et ses proportions là où il n'y avait
auparavant aucune apparence de forme humaine. Ainsi M. Czarnow-
ski nous mène au juste point d'oi^i l'on peut voir d'ensemble
dans sa plénitude et son relief la figure légendaire de saint Patrice.
Ce point lui a été indiqué par M. Hubert, à qui revient donc
le mérite d'avoir découvert le secret de la perspective. Dans la
« préface » de 94 pages qu'il a mise en tête du livre, M. Hubert
expose les principes de la méthode générale .que M. Czarnowski
devait appliquer au cas particulier du saint u-landais. Qu'est-ce
qu'un héros ? Et à quels traits distingue-t-on le héros dans l'en-
semble des créations de l'imagination collective ? Ce qui définit les
héros, c'est qu'ils prennent place entre le monde des dieux et celui
des hommes. Ce sont à la fois des surhommes et des demi-dieux.
Ils sont dieux, puisqu'on les honore d'un culte; mais ce qu'il y
a de divin en eux n'a pas la permanence et l'infinité qui n'appar-
tiennent qu'aux dieux; c'est du divin de circonstance, du divin
discontinu et fini. Et ils sont hommes aussi; même leur humanité
fait leur valeur. L'héroïsme, en effet, n'est pas de droit divin ; il est
de droit humain ; il émane de la société qui se réclame du héros.
5 34 Bibliographie.
Le héros est le symbole ou l'emblème d'une société définie. La
possession d'un emblème commun prouve la parenté, parce qu'elle
la constitue. Il peut y avoir des héros artificiellement créés, sans
lien naturel entre eux et ceux qui les adoptent. Mais généra-
lement le héros est un être qui a réellement vécu. La vie fournit à
la légende des candidats héros. Ces candidats réussissent plus ou
moins bien : certains sont trop mal venus ; d'autres, bien que
pourvus des qualités qui conviennent, s'arrêtent en chemin. C'est
que les héros ne deviennent tels qu'à condition d'être consacrés
par un mythe. C'est la mythologie qui fabrique les héros. Le cas
des héros laisse même le plus clairement apparaître la corrélation
qui existe entre les mythes et l'organisation sociale. Le mythe est
en eff"et un produit social ; il s'impose comme un dogme à tous les
membres d'une collectivité ; la prière est nourrie du mythe. C'est
surtout le rite qui rend visible l'action de la société dans l'éclosion
et le développement du mythe.
Or, le sacrifice est le rite par excellence. L'héroïsme doit donc
passer par le sacrifice, être consacré par l'épreuve. De là, l'impor-
tance de la mort dans le procès mythologique de l'héroïsation ; de
là aussi la place que tiennent les héros dans les fêtes.
La mort est l'élément essentiel de l'héroïsme. Mais la mort du
héros est d'une nature particulière. Le héros mort n'est pas un
mort comme les autres ; c'est un mort qui n'est pas mort tout
entier. Il reste intermédiaire à la vie et à la mort, comme il est
intermédiaire au monde profane et au monde sacré. Il conserve,
étant mort, des forces puissantes, qu'on peut utiliser si l'on en sait
le moyen. Il échappe à la déchéance, à l'anéantissement de la mort ;
entré vivant dans le monde des morts, il continue à y vivre. Il a
une activité posthume et bien que mort, accomplit des actes de
vivant. Son être en quelque sorte se dédouble ; sa dépouille mor-
telle, reste de sa vie terrestre, peut être l'objet d'un culte ; mais sa
personne continue à vivre au delà du tombeau par le souvenir et
par le mythe. Le sacrifice suppose la prolongation de la vie du
héros, puisque dans le sacrifice c'est le héros qui est sacrifié, même
si le sacrifice du héros ne s'accomplit qu'en figure, en représen-
tation .
La mort du héros a une portée sociale ; sa vie légendaire aussi.
Dans le souvenir qui le maintient présent à la pensée d'une collec-
tivité, il y a une part de religion, d'esthétique, et de morale. Sa vie
est édifiante, réconfortante ; elle fournit des exemples d'énergie, de
courage, de belle humeur, de bon cœur, de gaillardise dans tous
les sens du mot. L'héroïsme est optimiste, il symbolise les forces
Bibliographie. 335
actives et créatrices de l'humanité; c'est un principe de joie et de
bien. Aussi le héros lutte-t-il parfois contre la divinité, souvent
triste, sombre et méchante. Le héros utilise au mieux des hommes
son pouvoir surnaturel; il est champion des justes causes, redres-
seur de torts, protecteur des faibles, civilisateur et bienfaisant. Et
sa puissance s'affirme dans le sacrifice, puisqu'après être mort de
nouveau il triomphe encore et continue à vivre.
On comprend dès lors combien il s'insinue aisément dans le
système des fêtes de l'année. 11 faut toujours à la fête un élément
commémoratif, que le héros est tout préparé à fournir. On ne peut
dire que le héros procède de la fête ; pourtant la fête est éminem-
ment propice au développement de l'héroïsme, parce qu'elle est
propice à l'élaboration du divin tangible. C'est dans les fêtes que la
pensée et l'action religieuses sont le plus intimement liées ; tout
ce qui est présent à l'esprit dans le rite y apparaît réellement figuré.
C'est dans les fêtes qu'on célèbre les épisodes héroïques. Ainsi
s'explique la place de l'héroïsme au début de toute littérature, sur-
tout dramatique. Le drame contribue à dégager le héros des nuages
mythiques, à le fixer sous des apparences concrètes. Mais l'épopée
aussi est toujours héroïque. C'est que le drame et l'épopée sont
nés dans les fêtes.
Les sociétés à fêtes sont naturellement des sociétés à héros, sur-
tout lorsqu'elles sont en même temps des sociétés à chefs. Le chef
vivant symbolise en efTet le lien qui unit les membres du groupe
qu'il commande. Une fois mort, il peut incarner sous forme de
héros les aspirations collectives de son groupe. La notion de héros
est éminemment fonction de la structure sociale ; et il y a une har-
monie nécessaire entre la vie légendaire du héros et le milieu social
où la légende se développe. On comprend dès lors combien l'Ir-
lande était propre à faire fleurir l'héroïsme. Le culte des héros avait
sa place naturelle dans la société irlandaise, qui était une société à
chefs et une société à fêtes. Au point de vue politique, l'Irlande était
à mi-chemin entre le grégarisme tribal et l'organisation monar-
chique ; elle comprenait une vaste confédération de clans (Juaiha),
divisés en grandes familles agnatiques (Jine) et groupés en tribus
ou grands-clans (morihuaiha), dont la réunion formait des royaumes,
qui avaient entre eux un lien plus ou moins lâche sous l'égide du roi
suprême de Tara. C'est la liintb qui est l'élément constitutif de cette
vaste tribu hiérarchisée qu'est l'Irlande. Il n'y a pas de villes en
Irlande; la population y vit disséminée. Mais il y a des assemblées
périodiques, sortes de panégyries ; ce sont les fêtes, fêtes de clans,
têtes de royaumes, fêtes nationales de l'Irlande entière, qui tombent
336 Bibliographie.
toujours aux mêmes dates, lesquelles sont les dates saisonnières du
calendrier celtique.
L'année irlandaise était divisée en deux grandes périodes de six
mois, comptant chacune deux saisons de trois mois, lesquelles
étaient subdivisées à leur tour en deux demi-saisons. Le premier
jour de chaque saison était une fête solennelle du paganisme irlan-
dais : Samhuin au i^'' novembre et Beltene au i" mai, Lugnasad
au le^aoùt et Imbolc au i"" février. La dernière, qui devait deve-
nir plus tard la fête ecclésiastique de sainte Brigitte, n'apparaît dans
les traditions païennes qu'avec un rôle effacé. Mais les trois autres
étaient l'occasion de grandes assemblées populaires, concentrant
toutes les manifestations de la vie sociale. Chaque clan célébrait
Samhuin, Beltene, Lugnasad pour son propre compte ; mais il y
avait aussi à chacune de ces fêtes une assemblée générale où était
représentée l'Irlande entière. Cette assemblée se tenait dans la
plaine de Breg, à Tara pour Samhuin, à Uisnech Midi pour Beltene,
à Tailtiu pour Lugnasad. L'importance de ces assemblées ressort
delà littérature irlandaise. Les héros de l'épopée irlandaise sont en
effet des patrons de fêtes. La légende de Conchobar est réglée par
les fêtes saisonnières ; mais Conchobar est surtout un héros de
Samhuin, comme Diarmuid mac Cerbhaill est un héros de Beltene.
Ainsi chacun des grands héros s'enferme pour ainsi dire en une
des fêtes de l'année.
M. Czarnowski, s'inspirant de l'enseignement de son maître,
n'avait qu'à passer en revue les traits de la légende de saint Patrice
pour y reconnaître tous les caractères de l'héroïsme tel que la
société irlandaise le concevait. Ce qui fait l'intérêt de l'étude qu'il
a entreprise, c'est que l'on peut, en réunissant les renseignements
de documents authentiques, reconstituer dans ses grands traits la
vie humaine et mortelle du saint pour l'opposer à la vie héroïque
et posthume que la légende lui a conférée. En marquant l'écart qui
sépare l'histoire de la légende, on se rend compte de ce qui est
nécessaire à la création d'un héros.
Saint Patrice, par tout ce que la légende a brodé sur la trame
ténue de l'histoire, est le symbole le plus représentatif de la nation
irlandaise. Sa venue se place à la suite des invasions mythiques ;
il est arrivé d'ailleurs, par mer, comme les chefs qui ont jadis con-
quis l'Irlande. Il entre de bonne heure dans le cycle des fêtes
irlandaises; c'est un héros festival, et qui joue dans la fête à la fois
le rôle d'un héros sacrifié et d'un héros renaissant. Mais sa légende
se concentre dans une féteprintanière ; il apparaît comme un héros
de printemps, doublé en partie d'un génie solaire. C'est à l'équi-
Bibliographie. 337
noxe de printemps, à égale distance d'Imbolc et de Beltene, que sa
fête liturgique est définitivement fixée le 17 mars. Enfin, c'est un
héros national, qui résume en lui toutes les aspirations collectives
du peuple irlandais : le souvenir légendaire d'ancêtres bienfaisants
et glorieux, l'attachement au sol et la tendance à fixer tous les évé-
nements du monde visible ou invisible en des lieux proches et fami-
liers. Il profite finalement de tout le travail mythique, qui avait
fait éclore avant lui les héros païens de l'épopée ; il est en Irlande
le légataire universel du paganisme en même temps que l'incarna-
tion de l'héroïsme chrétien.
On ne saurait donner ici une idée, même imparfaite et affaiblie,
de l'intérêt, du livre de M. Czarnowski. Toutes les questions de
mythologie et d'hagiographie irlandaises auxquelles il touche sont
renouvelées par l'abondance des vues originales que l'auteur y
projette. C'est un des livres les plus pleins, les plus suggestifs, les
plus attrayants qui aient paru depuis longtemps sur les études cel-
tiques. La lecture attentive s'en impose à quiconque aborde ces
études. L'exposé est clair et bien ordonné. Des notes abondantes
soulignent la documentation. Un copieux index facilite la consul-
tation de l'ouvrage '.
Voici pour finir quelques remarques et corrections de détail.
P. vij n., le mot nia « champion » n'est certainement pas de
même origine que le mot nia « neveu » ; voir en dernier lieu sur
cette question Èoin Mac Neill, Notes on Irish Oghnm Inscriptions,
Proceed. of the R. Ir. Academy, vol. XXVH, sect. C, 1909, p. 369.
P. 32 n. Une rédaction peu claire ferait croire à l'existence de
« deux saints Columban ». En réalité, les deux personnages dont il
est question et qui ne se confondent jamais portent deux noms diffé-
rents : Columha (Colum Chille) et Columhanus (Columban). Du
nom latin de la colombe est également tiré le nom propre Colnuhi,
fréquemment attesté.
P. 78 et suiv. Sur les relations établies entre saint Patrice et
saint Martin, voir les références données ci-dessus, p. 72, et y
joindre un passage de Vlinruin Sncdbghusa 7 Mie Riagla, éd. Thur-
neysen, p. 13, str. 64.
P. 123 et p. 172. Sur les fêtes saisonnières destinées à célébrer
les productions de la terre, voir surtout les quatrains reproduits
par K. Meyer dans Hibernica Minora, p. 49. Une glose du ms.
Egerton 1782, f° 56 a, dit notamment que Lugnasad se célèbre le
jour de la maturité de tous les fruits, là aipchi na n-uili thorud.
I. L'impression est en général des plus correctes; pourtant, le grec est
assez maltraité (v. notamment la note de la p. 41).
338 Bibliographie.
P. 126 et suiv. Dans cette étude des héros festivaux a été oublié
le « green knight », d'origine apparemment celtique et qui a tous
les caractères d'une personnification de la végétation (v. le compte
rendu du livre de Kittredge qu'a donné M. J. Loth dans la Rev.
Celt., t. XXXVII, p. 36i>
P. 135 et p. 149. Le thème des hommes changés en cerfs a
passé dans les légendes hagiographiques; voir le Betba Colmàin,
éd. K. Meyer, p. 86-89.
.P. 141. A propos du tait qu'en Irlande tous les thèmes mythiques
des fêtes ont été transportés à Pâques et que la légende de Patrice
est devenue essentiellement une légende de printemps, il est inté-
ressant de noter que chez les peuples Scandinaves, c'est Noël qui
est devenu la fête par excellence, celle où s'est conservé l'usage
païen de la jôladrykkja ; l'expression drckka jôl ne s'applique plus
aujourd'hui qu'à Noël (v. M. Cahen, la Libation, p. 76-77).
P. 194. Sur la procédure du jeûne, voir aussi les articles ou notes
de M. Gaidoz dans Mélusine, t. IV, col. 8, 41, 365, 406; t. VII,
col. 182; t. IX, col. 22. En 1144, à Rathbrennan, saint Malachie
pratique le jeûne comme moyen de- contrainte pour imposer sa
volonté au roi Turlough O' Conor (v. la Vie de Malachie, dont il
est rendu compte ci-dessous, aux pages 106 et 107).
J. \'e\dryes.
II
Life of St Malachx of Armagh b\ St Bernard of Clairvaux, translated
by H. J. Lawlor, with Introduction, Notes and Index. London
and New-York, The Macmillan Company. 1920. Ixvj-183 p.
12 sh.
La <( Society for Promoting Christian Knowledge » (6 St. Mar-
tin's Place, London W. C. 2), dont les publications sont bien
connues de tous ceux qui s'occupent d'histoire religieuse, com-
mence une série nouvelle, consacrée à l'hagiographie celtique. Trois
volumes ont déjà paru, sous la direction de Miss Eleanor Hull.
Le premier que la Revue Celtique ait reçu est une traduction de la
Vie de saint Malachie par saint Bernard. C'est un excellent ouvrage.
La traduction est précédée d'une substantielle introduction, oti la
figure du grand réformateur irlandais est bien dessinée et replacée
dans le cadre où son activité se déploya.
Mael Maedoc Ua Morgair, qui devait s'illustrer sous le nom
Bibliographie. 559
biblique de Malachias, était né à Armagh en 1094. Dès son enfance
il fut initié aux pratiques pieuses par le saint ermite Imar O'Hagan
(1042-1126), qui lui inspira en outre l'idée d'une réforme religieuse,
alors désirée par beaucoup d'esprits. Ordonné prêtre en 11 19 par
l'évéque Cellach (1080-1129), abbé d'Armagh, lui-même partisan
d'une réforme, il fut choisi par celui-ci comme son vicaire et eut
ainsi l'occasion pour ses débuts ecclésiastiques d'appliquer dans le
diocèse d'Armaghles principes réformistes qu'il avait conçus. Afin
de perfectionner sa doctrine, il alla passer trois ans à Lismore
auprès de iMalchus (Mael Isa Ua hAinmire), .ancien évêque de Wa-
terford, depuis archevêque de Cashel. Ce Malchus avait été au
fameux synode de Rathbreasail en 11 10 le promoteur d'une réor-
ganisation de l'église d'Irlande sur le plan catholique romain.
Auprès de Malchus, Malachie s'imprégna de l'esprit de Rome ; à
Lismore, il eut en outre l'avantage de faire la connaissance de Cor-
mac Mac Carthy, fils du roi de Desmond, alors en exil, et avec
lequel il noua des relations d'amitié qui lui furent précieuses. En
II 24, il revint à Armagh, où le rappelaient Imar et Cellach ; puis,
étant déjà abbé de Bangor, il fut sacré évêque par Cellach et chargé
du diocèse de Connor. Il continua d'ailleurs à résider à Bangor.
Mais en 1127, le roi Conor O'Loughlin l'en chassa, et il dut cher-
cher un refuge à Lismore, puis gagna le Kerry et s'arrêta à Iveragh,
où il fonda un monastère. C'est là qu'il reçut la nouvelle de la mort
de l'archevêque Cellach. La succession de ce dernier se présentait
dans des circonstances graves pour l'église d'Irlande : choisirait-on
l'archevêque d'Armagh conformément aux vieilles traditions pour
résister aux projets de réforme qu'avait établis le synode de Rath-
breasail et auxquels feu Cellach avait lui-même collaboré ; ou bien
entrerait-on résolument dans la voie des réformes en faisant choix
d'une personnalité vigoureuse et active ? La lutte fut longue et âpre.
On donna d'abord le siège successivement à deux parents de Cel-
lach, malgré les vœux d'une partie du clergé. C'est seulement en
1137 que, grâce à divers appuis, Malachie obtint l'archevêché d'Ar-
magh. Mais dès qu'il fut en possession de ce siège, il résigna ses
fonctions et demanda à retourner à Bangor comme évêque de
Down I faisant nommer à sa place Gelasius (Gilla Meic Liaig,
1087-1 174) comme archevêque d'Armagh. De Bangor, Malachie,
tout en dirigeant les affaires de son diocèse, manifesta son autorité
en réglant plusieurs questions générales intéressant les diocèses
I . Le diocèse de Connor venait alors d'être divisé en deux parties ; la
partie méridionale qui comprenait Bangor prit le nom de diocèse de Down.
Rei-ue Celtique, XXXVIII. 23
j40 Èlhliographié.
voisins et môme l'église d'Irlande entière. Mais il lui nlîlnquaît Ll
consécration d'une visite à Rome. Il se décida à l'entreprendre en
1139. Reçu par le pape Innocent II, il obtint de lui les fonctions de
légat apostolique en Irlande en remplacement de l'évéque de Lime-
rick, Gilbert, premier titulaire de l'emploi, mais alors trop vieux
et infirme. Pendant les huit dernières années de sa vie, Malachie
tut vraiment le chef spirituel de l'église d'Irlande.
Le voyage de Malachie à Rome fut des plus heureux puisqu'à
l'aller comme au retour il s'arrêta à Clairvaux auprès de saint Ber-
nard. Celui-ci, qui devait lui survivre pendant cinq années et écrire sa
biographie, était son aîné de trois ans. Il s'établit entre eux immé-
diatement une affection solide. C'est au cours d'un second voyage
sur le continent, qu'étant de passage à Clairvaux, Malachie mourut
le 2 novembre 1148 entre les bras de saint Bernard. Ce dernier
manifesta d'une façon touchante la douleur que lui causa cette
perte. Malachie fut enterré à Clairvaux dans les vêtements de Ber-
nard, et quand Bernard mourut, on revêtit son cadavre, comme il
l'avait demandé, des vêtements de Malachie avant de l'enterrer
auprès de son ami. Le trésor de la cathédrale de Troyes contient
ime châsse provenant de l'abbaye de Nesle la Reposte, dans laquelle
sont réunis des reliques de saint Bernard et le crâne de saint Mala-
chie. Touchant symbole de l'affection qui les unissait durant leur
vie ! Ces deux hommes étaient bien faits pour se comprendre. Ils
avaient tous deux l'âme énergique et autoritaire, la volonté
inflexible vers le but une fois fixé. Dans un monde qui possédait
déjà Abélard et Suger, ils restent deux figures éminentes ; ils se mon-
trèrent ouvriers actifs de ce mouvement de renaissance intellec-
tuelle et morale qui s'épanouit au xu^ siècle en Irlande comme sur
le continent. Ce furent surtout deux réformateurs religieux. On
sentait partout le besoin d'une discipline plus sévère. A la même
époque, Arnauld de Brescia sacrifiait sa vie au zèle des réformes.
Malachie et Bernard furent plus heureux que lui, parce qu'ils
vivaient éloignés des intrigues et des scandales qui déshonoraient
la cour de Rome. Au fond de sa solitude, saint Bernard était
l'oracle de la France et de l'Europe ; il avait su concilier, comme
dit Voltaire, le tumulte des affaires avec l'austérité de son état; et
il s'était acquis auprès des princes et des peuples cette considé-
ration et ce crédit personnels qui sont au-dessus de l'autorité
même '.
I. Voir Josef Thiel, Die politiscbe TiiLigkeit des Abtes Bernbard von Clair-
vaux (dissertation de l'Université de Kônigsberg). Braunsberg, J. A. Wi-
Bibliographie. 341
C'est aussitôt après la mort de Malachie que saint Bernard écri-
vit sa biographie, dès les dernières semaines de 1148 apparemment.
Dans la Vision de Tondale, écrite par Marcus au plus tôt en 1149,
il est question de cette biographie comme étant en cours de trans-
cription (éd. V. Friedelet K. Meyer, p. vj-xij, Ixv, n. 3 et 88 n. 8 ;
cf. Ret>. Celt., XXVlII,4ii). En écrivant la vie de son ami défunt,
saint Bernard se proposait surtout un but d'édification. Aussi cède-
t-il souvent à la tendance d'expliquer par une intervention divine
les moindres succès de Malachie et d'introduire le miracle dans
beaucoup de ses actes. Pour qui connaît cependant les règles habi-
tuelles de l'hagiographie, dont la première est que toute vie de
saint doit être une épopée de miracles, celle de Malachie a un air
de vérité qui frappe. Les miracles qui lui sont attribués sont d'un,
type banal et classique, sans donner dans l'excessif ou l'extrava-
gant '. Le saint guérit de nombreux malades 2, chasse des démons,
fait parler des muets, voir des aveugles, marcher des paralytiques,
favorise des accouchements difficiles, provoque des pêches mira-
culeuses, découvre et punit des coupables, rétablit la paix par son
intercession, remédie à maint cas désespéré. La plupart du temps,
chert, 1885 ; mais consulter surtout E. Vacandard, Vie de saint Bernard,
ahhc de Clairvaux, 4^ éd., Paris, 1910, 2 vol. 12" deLlv-516 et 576 pages.
1. Certains des miracles de Malachie ont même sous la plume de saint
Bernard une couleur de vraisemblance. On est tenté de les interpréter
rationnellement comme le fait par exemple M. Lawlor à la page 57. Mais
il faut bien se garder de ces interprétations rationalistes qui font croire à un
événement naturel transposé par une erreur de l'imagination dgns le monde
surnaturel. Elles ont un double inconvénient. Le premier est que par elles
on supprime le miracle en croyant l'expliquer : or le miracle est un phéno-
mène normal dans la vie psychique de l'humanité et on doit l'admettre
comme tel. Le second inconvénient est qu'en supposant à la base du
miracle un fait matériel, on prend celui-ci comme acquis, on lui donne une
valeur authentique alors que la matérialité même du fait appartient souvent
au miracle et doit être considérée comme un produit de l'imagination tra-
vaillant dans le merveilleux.
2. Parmi les malades illustres que guérit Malachie, saint Bernard men-
tionne un certain comte Dermot, qu'il donne d'ailleurs pour un méchant
homme, sensuel et débauché (Lawlor, p. 90). Le miracle de Malachie ser-
vit peut-être les passions de ce prince indigne, mais beaucoup moins les
intérêts de l'Irlande. Suivant la note de M. Lawlor, il faudrait voir en effet
dans ce comte Dermot le fameux roi de Leinster Dermot Mac Murrough
(Diarmaid Mac Murchadha), qui, après avoir enlevé la femme du roi de
Brethfne, Dervorgilla (Dearbhforgaill), appela dans l'ile les troupes de
Strongbow et fut le promoteur de la conquête anglaise.
342 Bibliographie.
il reproduit exactement les miracles d'illustres devanciers, Moïse,
Elisée, saint Paul, le Christ lui-même. Le biographe ne manque pas
de souligner ces coïncidences par des citations de l'écriture. Sa
langue en est d'ailleurs toute farcie ; sa pensée même semble faite
d'un afflux continu de réminiscences bibliques. Mais il n'y a rien
de factice ou de forcé dans l'emploi qu'il fait de la Bible. L'ardeur
de sa foi va de pair avec l'admiration que lui inspirent les vertus
de Malachie ; toutes deux s'expriment avec une générosité, une
sincérité qui font de cette biographie un beau document de gran-
deur morale.
C'est aussi un précieux document historique. Surtout lorsqu'on
en peut compléter les données par celles que fournissent les
Annales, tirées de sources tout à fait indépendantes, on a de
grandes chances de tenir la vérité. C'est le cas le plus souvent. 11
est assez rare que saint Bernard se trouve en défaut, par suite d'une
défaillance de mémoire ou d'une confusion de faits (Lawlor, p. 35,
p. 166). Dans l'ensemble, la tendance à la glorification du héros
et à l'édification du lecteur une fois admise, sa véracité n'est pas
douteuse. Il était par malheur imparfaitement au courant des
choses d'Irlande, et parfois il les a mal comprises et mal rendues.
De là des erreurs de bonne foi. Voici un cas par exemple où son
témoignage est suspect. L'effrayant tableau qu'il trace de l'état
moral de l'Irlande au début du xii'^ siècle (Lawlor, p. 37) a été
souvent reproduit pour montrer en quelle barbarie le pays était
tombé et quel dut être l'effort providentiel de Malachie pour y
ramener en quelques années la civilisation et la prospérité.
Saint Bernard a dû exagérer dans chacun des diptyques qu'il
oppose : l'Irlande avant et après l'apostolat de Malachie; le
premier est poussé trop au noir, le second brille de couleurs trop
claires. La conviction qu'il mettait à glorifier Malachie l'a entraîné
à chercher des effets de rhétorique.
Cette observation n'est pas pour rabaisser les mérites de Malachie;
ils sont de premier ordre. Rien de plus agité, de plus tourmenté
que sa vie ; rien de plus vigoureux que l'énergie par laquelle il
triompha des difficultés qu'il rencontra. Cet apôtre zélé était en
même temps un habile politique. Il sut tirer parti des dissensions
qui séparaient les princes irlandais. Cormac Mac Carthy, roi de
Desmond, était en butte à l'hostilité de son puissant voisin le roi
de Connaught, Turlough O'Conor; celui-ci excita contre lui son
propre frère, Donough Mac Carthy. Cormac fut soutenu par le roi
de Thomond Conor O'Brien, mais tous deux battus perdirent
leur trône. Malachie les aida à y remonter. En reconnaissance,
Bibliographie. 343
Cormac accorda des privilèges avantageux à Tévêque de Cashel,
dont il transforma le siège en archevêché ; c'est Cormac qui fit
bâtir à Cashel la fameuse chapelle qu'on y admire encore aujour-
d'hui. Lorsqu'à son tour Malachie éprouva des difficultés, Cormac
et O'Brien vinrent le soutenir les armes à la main contre le roi
d'Oriel Conor O'Loughlin en 1 1 34. Ils contribuèrent ainsi à lui faire
obtenir le siège archiépiscopal qu'on lui disputait après la mort de
Cellach. Un autre appui de Malachie fut certainement Donough
O'Carroll, qui s'était emparé du trône d'Oriel après le meurtre
de Conor O'Loughlin en 11 36 (Lawlor, p. 58 et 170). On lit ainsi
entre les lignes de la biographie tout un jeu serré d'intrigues com-
pliquées où le génie tenace et patient de Malachie brisa bien des
résistances civiles et religieuses. La façon dont il vint à bout de
ce Niall, Nigellus nigerrimus, comme l'appelle saint Bernard
(p. 50 et suiv.)ou dont il se fit remplacer par Gelasius sur le siège
archiépiscopal (p. 62), dénote un politique consommé. Les succès
de Malachie s'expliquent en grande partie par l'appui des princes
du temps. Mais ces princes ne jouent dans la biographie qu'un
rôle terne et effacé K A peine saint Bernard les désigne-t-il par
leur nom ; on dirait des figures de second plan, presque des
comparses. Effet d'optique dont il ne faut pas être dupe ! Ces
princes furent de taille aussi à mener le jeu et utilisèrent Malachie
dans leur intérêt comme Malachie se servait d'eux-mêmes. En
concentrant toute la lumière sur son héros, saint Bernard laisse
dans l'ombre certaines figures qui ont dû dans la réalité briller
souvent au premier plan.
Grâce à ses appuis politiques, Malachie put mener à bonne fin
l'œuvre religieuse qui était le but unique de ses efforts. L'église
d'Irlande souffrait gravement de l'anarchie et du désordre(v. Lawlor,
p. léi et ss.). Malachie prit d'abord à tâche de rétablir la fermeté,
l'intégrité de la doctrine : c'était un défenseur de la foi, plein de
chaleur dans l'expression de ses convictions, plein de zèle pour
les imposer aux autres (rè;'(/., p.90 et suiv.) ; saint Bernard célèbre
l'ardeur avec laquelle il combattit ceux qui doutaient de la trans-
substantiation {ihïd., p. loi). La discipline ecclésiastique s'était
gravement relâchée. Il y avait en Irlande un grand nombre d'évêques
I. La Vision de Tondale donne parfois une impression plus exacte de la
réalité. Ce texte, qui provient du Desmond, fait en particulier du roi
Cormac Mac Carthy un portrait peu flatteur (éd. Meyer-Friedel, p. 44 et
suiv.). Saint Bernard a évité de montrer dans son vrai jour ce prince ami
et protecteur de Malachie.
344 Bibliographie.
sans diocèse, et ces episcopi uagantes, en rabaissant le prcsti2;e du
titre, nuisaient à l'autorité de la hiérarchie (Jhid., p. 46). Malachie
mit bon ordre à conjurer ce danger. En outre, beaucoup d'abbés
étaient mariés (p. 45), c'est-à-dire que beaucoup d'abbayes étaient
données à des laïcs, par droit de naissance ou par faveur (voir le
tableau des successeurs de saint Patrice, reproduit par M.Lawlor,
p. 164). Grâce aux efforts de Malachie, ce désordre cessa. Ainsi
sur tous les points il restaurait la discipline, imposait la règle et
l'unité. Il se donnait en cela comme le représentant du Saint-Siège
et se réclamait de l'autorité romaine. On peut voir p. 65 le soin
qu'il prenait à faire confirmer par le pape ses prérogatives. Il fit
triompher en Irlande les idées romaines. Sans doute suivait-il
l'exemple de l'archevêque Cellach, qui avait été déjà au synode de
Rathbreasail le champion de la politique romaine. Mais après la
mort de Cellach, on put craindre un changement de direction.
Avec des chefs comme Murtough ou Niall l'église d'Irlande eût
pu s'engager dans la voie du schisme. Malachie d'une main solide
la fit rentrer dans le giron de l'église romaine. Elle n'en devait
plus sortir. C'est Malachie qui fit vraiment de l'Irlande une Isle de
Papimanes. Le mouvement de « conversion » qu'il accomplit en
Irlande et qui s'était produit deux siècles plus tôt dans un autre
pays celtique, la Bretagne (v. Rev. Celt., t. XXXVII, p. 139), fut
aux yeux de saint Bernard son principal titre de gloire. La biogra-
phie qu'il lui consacra avait au fond pour but de faire ressortir ce
mérite si éminent. C'est une œuvre d'apologétique en faveur du
catholicisme romain.
J. Vendryes.
III
Newport I. D. White, St. Patrick, his xvritings and life. London
and New-York, The Macmillan Company. 1920, 142 p. 12°. 6 s.
6 d.
Ce petit livre fait partie de la même collection que la vie de
saint Malachie, dont il est rendu compte précédemment. Il n'a
aucune prétention à l'originalité. Les écrits de saint Patrice ont
déjà été maintes fois publiés et traduits en anglais ; et M.N.J.D.
White, qui est un spécialiste de la littérature patricienne, a lui-
même donné une édition avec commentaires des Libri Sancti Patri-
cii dans les Proccediugs of the Royal Irish Acadciny,\o\. XXV, sect.C,
n° 7 (1905). Le recueil qu'il publie aujourd'hui comprend en tra-
BiblîograpJjie. 345
duction anglaise la Coiifessio,VEpisioIa dite aâ Coroticum , la Lorica,
les Dicta du Book of Armagh et enfin la Vila Patricii écrite par
Muirchu. Tous ces documents nous ont été transmis en latin ',
sauf la Lorica, dont l'original est en irlandais {Thés. Pal.-l)ib., II,
354) et qui est donnée ici d'après la traduction anglaise d'Atkin-
son, corrigée sur quelques points par M. E. J. Gwynn ou par
Miss E. Knott. Les traductions sont précédées de courtes introduc-
tions et suivies de notes. En tête de l'ouvrage est placée une
introduction générale sur saint Patrice. L'auteur y résume
quelques-unes des questions traitées par lui dans ses Lihri S.
Palricii ; il s'y inspire aussi du beau livre de M. Bury, Life of
St . Palrick, dont il discute cependant certaines assertions de détail.
En général, c'est l'enseignement de M. Bury que l'on retrouve ici.
M. White accepte les données fournies par les documents et s'ef-
force simplement de les accorder. Aussi bien son livre ne visait-il
aucun but de controverse ou de nouveauté. C'est un ouvrage de
vulgarisation, pratique et commode, comparable à celui qu'a
composé pour les Français M. G.Dottin il y a quelques années, les
Livres de saint Patrice, apôtre de F Irlande (v. Revue Cet tique, l.XW,
92). La brochure de M. Dottin ne contient pas la Vita de Muirchu;
en revanche on y trouve, traduit de l'irlandais, l'Hvmne de Fiace
sur saint Patrice que M. White a laissé de côté.
J. \'exdryes.
IV
Maurice Cahex. La libation, étude sur le vocabulaire religieux du
vieux- Scandinave. Paris, Champion. 1921. 325 p. 8°.
On ne saurait trop engager les celtistes à lire cet ouvrage, qui
vient de mériter à son auteur le s^rade de docteur es lettres avec
I. Les sources auxquelles ont puisé aussi bien Muirchu que Tirechàn
paraissent avoir été écrites en irlandais (voir les articles de M. Burv dans
l'Euglish Histor. Review d'avril 1902 et de juillet 1904 ainsi que le livre
du même, L'fe of S t Patrick, p. 250 et 258). 11 y a de ce fait plusieurs
preuves tirées de la langue. A celles qui ont été données on peut joindre
la suivante, qui ressort d'une phrase de Tirechàn conservée dans le Book
of Armagh (Trip.Life, éd. Stokes, p. 528): quia dénier si sunt duo pueri de
piieris Patricii in Saeli. Sur l'hibernisme duo pueri de puer is, voir Rev. Cet t.,
XXXVII, 286. On a bien souvent relevé des latinismes dans les textes
celtiques traduits du latin ; mais il ne manque pas non plus de celticismes
dans les textes latins traduits de langues celtiques.
34^ Bibliographie.
mention très honorable. Outre qu'ils y goûteront l'agrément d'une
érudition très riche sous une forme claire et aisée, ils y trouve-
ront dans les principes de la doctrine et dans les détails de l'exposé
mainte suggestion utile à retenir.
M. Cahen renouvelle la méthode de la science étymologique.
11 est parti de cette idée que le vocabulaire est lié aux faits sociaux
et en reflète exactement les transformations. Déjà l'école de
M. Meringer a réagi contre les fâcheuses tendances de l'étymologie
formelle, qui ramène toute la vie des ipots à des figures de pensée
ou à des jeux de phonèmes et se déclare satisfaite quand elle a res-
titué pour chaque mot un prototype très ancien, d'autant plus
satisfaite même que le prototype restitué est pour la forme et le
sens plus éloigné du mot existant. Les collaborateurs de Worter
iiiid Sackeii ont eu le grand mérite d'établir la nécessité de ne pas
séparer les choses des mots. Mais ils ont généralement opéré sur
des mots qui désignaient des objets matériels ;ils n'ont guère ajouté
à l'étymologie que l'étude de l'outillage' (v. Rev. Celt., XXXIV,
228). Innovation fort utile sans doute, qui cependant ne suffit
pas ! Car les transformations des mots de civilisation ne sont pas
réglées seulement par les progrès de l'outillage ; elles dépendent
aussi de la valeur symbolique des actes que ces mots désignent.
Dans l'esprit de ceux qui parlent, les mots ont une sphère d'évo-
cation, plus ou moins vaste, formée par les représentations qui en
émanent ; et comme ces représentations sont imposées à l'esprit
des individus par les habitudes de la collectivité au milieu de
laquelle ils vivent, on ne peut expliquer les transformations du
vocabulaire sans tenir compte de la mentalité des groupes sociaux
organisés. Le linguiste qui fait de l'étymologie doit s'aider du
travail des sociologues. Inversement les sociologues peuvent
apprendre beaucoup des linguistes ; caries transformations du sens
des mots traduisent celles des idées collectives, des institutions et
des moeurs. L'ouvrage de M. Cahen est la meilleure preuve des
heureux résultats qu'on peut attendre d'une collaboration de la
linguistique et de la sociologie.
Le sujet qu'il a choisi était particulièrement propre à illustrersa
doctrine. Il s'est proposé d'étudier les mots Scandinaves relatifs à
la « libation », entendant par libation « l'acte de boire selon
certains rites une quantité déterminée de liquide consacré aux
I. Toutefois, le travail de M. Murko intitulé dtis Grab ah Tisch {W.
;/.5.,II, 79-160) traite d'une institution sociale et religieuse et mérite
une partie des éloges qui sont décernés ci-dessus à la thèse de M. Cahen.
Bib liographie . 347
dieux » (p. 205). On rencontre la libation dans le monde iranien
(Hérodote, 1, 133 et Strabon XV, 11, 20) ; mais c'est dans le monde
germanique, dès l'époque la plus reculée (Tacite, Germ., 23),
qu'elle apparaît le mieux, sous la forme de bière, comme une
institution essentielle de l'organisation sociale et de la vie religieuse.
Grâce au Heîmskriiigla de Snorre Sturluson, c'est la libation en
usage chez les peuples Scandinaves que nous connaissons avec le
plus de précision. Cette institution, avec toute la variété de rites,
de cérémonies, de personnel et d'ustensiles qu'elle compor-
tait, a survécu à .la conversion des peuples Scandinaves au chris-
tianisme ; mais en s'adaptant aux idées nouvelles et en se transfor-
mant. M. Cahen en suit les transformations, d'après le sens des
mots qui s'y rapportent. Il montre comment les faits de vocabulaire
traduisent fidèlement les usages sociaux aussi bien dans les noms
de la libation elle-même que dans ceux des fêtes qu'elle constituait,
du liquide qu'on y employait, des personnes qui y prenaient part.
A la fois linguiste et germaniste, il fait preuve d'une richesse de
documentation et d'une finesse d'interprétation qui lui font le plus
grand honneur.
La bière tenait une place considérable dans la société Scandinave.
Il ne semble pas qu'elle en ait jamais eu de pareille chez les peuples
celtiques. Sans doute, ceux-ci connaissent la bière, qui même
avait chez eux un nom spécial : gaulois xopaa ou xo-joa-., irlandais
cuinn, gallois ciunuf. Chez les Gaulois, la bière était la boisson
des classes pauvres, au dire de Posidonius (ap. Athénée, IV, 151);
et l'historien grec ajoute que toas les convives buvaient à la même
coupe; un garçon faisait passer la coupe à la ronde en allant de
droite à gauche. En Irlande, les héros de la Branche rouge ne se
privaient pas de boire de la bière ; c'est apparemment une sorte de
bière, sous le nom de liud soôla « liquide savoureux », qui est
offerte à Fer Diad dans un épisode de la Tâin et qui lui cause
une douce et joyeuse ivresse (^cor ho mesc rnedarchàin é, 1. 3025
éd.Windisch). Le mot liiid paraît souvent employé pour désigner
la bière. Ainsi dans la Fled Bricrend, § 16 (L. U. loi b 15) :
fodailter iar sudiu hiad oais lind doih... ocus gabsus meisce (cf.
§90, L.U. ii2a34et/r. Texk,l\, i, p. 180, 1. 178). On le
trouve plus explicitement employé en composition : brakh-lind
« liquide à malt « {F. Br. § 53, L.U. 107 a 4), cuirm-lind « liquide
de bière » {Acallam iia Smorach, éd. Stokes, 1. 4687), ou derg-lind
« liquide rouge » (Hymn. \', 38, Thés. Pal. hih., II, p. 337 ; peut-
être à lire au lieu de deg-liudu. bon liquide» dans Vlmram Maclduin,
§XI,i?<'t'. G'//., IX, 478). Mais le mot ciiirni, gén. connu ou
548 Bibliographie.
coirme (ancien thC^me neutre devenu féminin) est lui-môme bien
attesté (Windisch, IVth., p. 437 ; K. Meyer, Contrib., p. 554;
R. Celt., XII, p. 62, § 21 ; Ir. Texte, l\, i, p. 173, 1. 14 et lé; etc.).
Il y avait en Irlande des « maisons de bière » (connlhech, T. B.C.,
1. 1843 éd. Strachan = L. U., 78 b 17 ou cainnthech, T. B.C., 1.
2498 éd. Windisch = L.L., 76 b 23) et des « chants de bière »
{cormchéol, Imratn Maelduin, § XXXII, R. Celt., X, p. 80) : « on
chante des poèmes en buvant de la bière », oc cormaiui gaibtir
diiaua, dit le poème sur Aed du manuscrit de Saint-Paul {Thés.
Pal.-hib., II, 295 ; cf. Festschrift Sfokes, p. 6). La bière devait être
la boisson ordinaire, habituelle. Les Irlandais espéraient la retrouver
dans l'autre monde. Lorsque le dieu Mider veut décider Elain à le
suivre dans son sid de Bregleith, il lui dit : cid mesc lib coirm înse
Fàil, is tncscii coirm tire màir « si enivrante que vous trouviez la
bière de l'île Fàl (l'Irlande), la bière du Grand pays est plus eni-
vrante » (^Irische Texte, I, 133,1. i). Dans le pays des fées, il y
avait en effet entre autres merveilles une cuve toujours pleine d'un
liquideexcellent (Jestar colliiid sainemail, L.L., 246 a 14). Mais en
plus de la bière, les Irlandais connaissaient l'hydromel (^mid, gén.
medo ; cf. Midchuairt « le Palais de l'hydromel » dans la Fled Bri-
crend, § 2) et usaient de vin, naturel ou non (voir ci-dessus, p. 19
et suiv.). Les trois sortes de boisson sont souvent mentionnées
ensemble (par exemple Fleadh Duiti un ngedh, éd. O'Donovan,
p. lé, 1. 7 ; coirm ocus fin, hnram Maelduin, § XX, i?. Celt., X,
p. 50). La bière ne paraît pas avoir eu en Irlande de caractère sacri-
ficiel et par suite n'y a pas joué de rôle particulier dans les insti-
tutions sociales ou religieuses'.
Il serait bien extraordinaire cependant que l'influence exercée
pendant plusieurs siècles par les envahisseurs Scandinaves sur la
société de l'Irlande n'ait pas laissé dans la littérature irlandaise
quelque trace d'un usage particulier de la bière tel qu'on le trouve
dans la littérature islandaise. En voici un exemple qui ne paraît
pas douteux.
En dehors des indications fournies par les Annales, nous connais-
sons les luttes entre Scandinaves et Irlandais par deux textes
pseudo-historiques, le Cogadh Gaedhel re Gallaihh [La guerre des
Gaels contre les Vikings], édité par James H. Todd en 1867 dans
la collection des Masters of the Rolls, et le récit auquel O'Curry a
I. La bière avait bien sa place parmi les aJa « rites consacrés « des fêtes
de Samain et de Beltene, mais avec la viande, les légumes, les fruits, le lait ;
voir les quatrains des fûtes reproduits par K. Meyer dans les Hibenika
Minora, p. 49.
Bibliographie. 549
donné le titre de Cailhreim CeUachaiii Cuisil [La carrière victorieuse
de Cellachan de Cashel] ; ce dernier a été édité par M. A. Bugge
à Christiania en 1905. De même que le Caifbreini est consacré à la
gloire de Cellachan, de même le Cogadh célèbre Brian Borumha.
L'un et l'autre furent rois de Munster ; Cellachan régna approxi-
mativement de 934à954, date probable de sa mort ; Brian Borumha,
qui devint roi suprême d'Irlande, est le fameux vainqueur de la
bataille de Clontarf, où il périt en 1014. Tous deux luttèrent contre
la domination des Scandinaves, installés en Leinster ; et tous deux
descendaient d'une même famille, ayant pour ancêtre commun
Ailill Olura, roi de Munster vers 237 (voir le tableau généalogique
dressé par O'Donovan, p. 340 de son édition de la Flendh Dnin
lia n-gedh, Dublin, 1842). Mais ils appartenaient à deux branches
différentes de cette famille, Cellachan aux Eoganacht (en Kerry)et
Brian aux Dal Cais (en Clare). Ces deux familles par la volonté
de leur ancêtre Ailill Olum avaient des droits égaux à la royauté de
Cashel et la prenaient alternativement. Ailill Olum avait partagé
le Munster en deux : une part pour les descendants de Corniac
Cais, son second fils ; une autre pour ceux de Fiachaid Muillethan,
fils de son fils aîné Eoghan Môr (Keating, Foras Feasa, éd. Din-
neen, t. I, p. 122 et t. Il, p. 274). Suivant la tradition latine,
Procas, roi des Albains, en avait usé de même à l'égard de ses
deux fils Amulius et Numitor. Mais ce partage n'allait pas sans
contestations (Keating, t. III, p. 198 et suiv.). Comme M. A. Bugge
le suppose avec vraisemblance {Caithreim Cellachain, p. xv), Brian
Borumha, après sa mort victorieuse, ayant fait l'objet d'un récit
louangeur, les Eoganacht tinrent à ne pas rester en arrière des
Dal Cais. De là serait né le Caithreim sur le modèle du Cogadh. Les
deux récits ont en tout cas beaucoup de traits communs et sortent
d'une inspiration semblable. La ressemblance s'affirme jusque dans
le détail de la langue. Or, dans un épisode du Cogadh, deux guer-
riers des deux camps adverses étant sur le point d'en venir aux
mains, le texte porte qu'ils n'avaient pas le visage d'amis buvant
de la bière {in ha haigthi carat iiii chuinn, Cog. p. 174, 1. 2). Même
phrase dans un épisode semblable du Caithreim : nir aighti cariit um
cuirmagna curaduihh « les guerriers n'avaient pas le visage d'amis
autour [ou au sujet] de la bière » (Cailhr., § 77, p. 44, 1. 3). La
phrase était consacrée ; car on la retrouve dans un troisième texte,
la Togal Trot, qui porte la marque d'influence Scandinave (v.
F. Liebrecht, Rev. Celt., V, 399) et qui a dû être rédigé, sinon par
des gens au courant des usages Scandinaves, du moins dans une
région de l'Irlande oià les Scandinaves avaient exercé leur action,
350 Bibliogi'aphie.
notamment sur le vocabulaire (v. A. Bugge, Caithreirri, p. xvij). La
phrase de la Togal Trôi est à la ligne 99^ de l'édition qu'a donnée
Wh. Stokes de ce teste (Calcutta, 1882). L'usage Scandinave auquel
il y est fait allusion est évidemment le môisminni, le toast pour
lequel les deux buveurs vont à la rencontre _ l'un de l'autre
(M. Cahen, Lihaiioii, p. 272).
J. Vendryes.
V
Maurice Cahen. Le mot « Dieu » en vieux-scandinave. Paris,
Champion, 1921. 85 p. 8°.
Cet ouvrage, qui a servi à M. M. Cahen de thèse complémen-
taire, s'inspire de la même doctrine que sa thèse principale ; mais
l'objet en est plus limité. Il s'agit d'étudier comment un mot du
paganisme est passé dans le vocabulaire chrétien et quelles
innovations cette adaptation a entraînées. Le mot en question est
celui qui désigne la divinité. Il était en germanique commun
*guâa- (got. gup, V, islandais gop^ v. anglais god, v. h. ail. got).
M. Cahen prend ce mot à la date la plus ancienne où il est attesté
et en suit minutieusement l'histoire dans les langues Scandinaves.
D'étymologie, au sens où l'on pratique généralement cette science,
il est à peine question ici. Le mot*o-//(/a- se rattache-t-il à la racine
du sanskrit hû- « invoquer » ou du sanskrit Jm- « verser » ? Peu
importe à M. Cahen. Ce qui est essentiel à ses yeux, ce n'est pas
la reconstitution plus ou moins'arbitraire du sens préhistorique du
mot ; c'est la détermination du lien que les sujets parlants établis-
saient entre le nom et l'objet.
Conformément aux principes développés par lui dans sa thèse
principale, il estime que le « sens étymologique » n'a pas plus
d'importance aux yeux du linguiste qu'à ceux du sujet parlant (v.
la Libation, p. 121). C'est la pure doctrine de F. de Saussure,
exposée dans la partie de sa Linguistique générale, où il traite de
linguistique « statique » ou « synchronique ». Il va sans dire que
la linguistique « diachronique » ne peut se passer de l'étymologie
et qu'on ne peut faire de grammaire comparée des langues indo-
européennes sans établir des rapprochements étymologiques et sans
attribuer aux « formes primitives » des « sens primitifs ». M. Cahen
sans doute n'y contredirait point. Mais ici il ne fait pas de préhis-
toire, et il applique ses principes, avec une maîtrise rigoureuse, à
résoudre la question de linguistique germanique qu'il s'est posée.
Bibliographie. ^ 5 1
Les celtistes peuvent tirer de son livre deux réflexions d'ordre
général. Elles ont toutes deux été exprimées par M. Meillet lors
de la soutenance de la thèse. L'une se rapporte au fait singulier que
les Germains ont perdu le nom indo-européen du divin et de la
divinité, conservé par tous les autres peuples y compris les Celtes,
sauf par les Slaves (v. slave bogà « Dieu »). Le vieil-islandais
connaît encore le pluriel /war « les dieux », qui suppose un singu-
lier *tlwai (= *deiuos) en germanique commun ; mais ce pluriel
est attesté pour la dernière fois au xi« siècle (iM. Cahen, op. cit.,
p. 18). Le singulier a disparu plus tôt encore au sens de « Dieu »;
il n'a survécu au paganisme que comme nom propre d'un dieu
païen, Tyr. Ce simple fait montre combien les Germains ont
rompu avec la tradition indo-européenne, combien leur civilisation
est différente et nouvelle. Les Celtes, comme on sait, sont au point
de vue religieux remarquablement conservateurs des vieilles tradi-
tions.
En même temps qu'ils substituaient au vieux nom de la divinité
un nom nouveau, les Germains donnaient à ce nom un genre qui
contredit les notions indo-européennes. Pour les Indo-européens
le « Dieu » est un être agissant et personnel; aussi a-t-il toujours
le genre masculin dans les langues oia son nom est conservé. Au
contraire en germanique commun *§'«(/«- est un mot neutre ; il n'est
redevenu masculin que dans le vocabulaire chrétien (en moyen-
haut-allemand, abgott « idole » est encore neutre, tandis que got
est masculin dès les plus anciens textes du vieux-haut-allemand).
Cela suppose chez les Germains païens une conception de la
divinité très différente de celle que les autres peuples indo-euro-
péens, Celtes compris, pouvaient avoir.
J. Vexdryes.
. VI
Douglas Hyde. Gabhaliais Shearluis Mhôir (The Conquests of Char-
lemagne), edited from the Book of Lismore and three other
VelluniMSS. (Irish Texts Society, vol. XIX). London. 1917.XV-
128p. 8°.
Ce texte est de la dernière période du moyen-irlandais. Il fait
partie d'un groupe de traductions d'originaux latins, français ou
anglais entreprises aux xiv<= et xv^ siècles, et au nombre desquelles
figurent encore l'histoire de Fierabras (Rev. Celt., t. XIX), la vie
de Bevis of Hampton (v. Z. /. celt. Phil., t. VI) et les voyages
351 Bibliographie.
de Maundeville.Ces derniers ont été traduits en 1475 P^"" ^^ nommé
Fingin O'Mahony (v. Zeifsch.f. celt. Phil.,l. II). Les Conquêtes de
Charlemagne, un peu plus anciennes, peuvent avoir été mises en
irlandais vers 1400. Elles sont en tout cas traduites aussi d'un ori-
ginal latin, qui n'est autre que la Chronique du Pseudo-Turpin.
On sait quel succès cette chronique a obtenu au moyen âge ;
inspirée pour une bonne part des chansons de geste, elle a utilisé
la légende de Charlemagne, qui existait bien avant elle ; mais en
donnant à celle-ci une forme fixe, authentiquée par le grand nom
de Tarchevéque de Reims Turpin, elle a largement contribué à la
répandre. Rédigée entre 1140 et 11 50, la Chronique du Pseudo-
Turpin était avant la fin du xii^ siècle copiée et recopiée en maint
endroit; il en existe en tout plus de soixante manuscrits (Baist,
Z.f. roman. Pbil., V, 422). On en connaît sept traductions faites
au xiii'^ s. en français ou en provençal. Dans la seconde moitié du
XIII'-' s. elle fut traduite en gallois « par Madawc ap Selyf, à la
prière et requête de Gruffudd ab Maredudd ab Owein » (^Ystoria de
Carolo Magiio, éd. Powel, p. 28) : l'Ystoria de Carolo Magno est
faite de cette traduction, dans laquelle ont été introduits deux
morceaux tirés du Roman d'OtiieJ et de la Chanson de Roland (voir
le travail de M. Robert Williams dans le tome XX du Cymmrodor,
1907). Bien que Charlemagne ait été connu en Irlande fort ancien-
nement, puisqu'il envoya des présents au monastère de Clonmac-
nois, où son confident Alcuin avait étudié, c'est, on le voit, bien
tardivement que sa légende a pénétré dans la littérature irlandaise '.
Le texte des Gabbaîtais Sbearluis Mhôir se trouve contenu inté-
gralement dans trois manuscrits, le Book of Lismore (dernière
moitié du xv^' s.), un manuscrit du Couvent des Franciscains de
Dublin (duxv^ ouxvi»^ s.), et le manuscrit Egerton 1781 du British
Muséum (copié en 1487). Mais des fragments du même texte se
rencontrent dans deux autres manuscrits, conservés tous deux à
Dublin, l'un à Trinity Collège (N° 1504, H. 2. 12, copié en 147s))
l'autre à King's Inns Library(N*' 10). Il y a entre ces divers manu-
I. En résumant, p. vietsuiv., l'histoire de la Chronique du Pseudo-
Turpin, M. Douglas Hv'de ne se réfère qu'à la dissertation de Gaston Paris,
De PseudO'Turpino, Paris, 1865. Il lui a échappé que G. Paris lui-même a
modifié plus tard la doctrine exposée par lui dans cette dissertation (voir
Remania, t. XI, p. 419) et surtout que M. Bédier, dans sus Légendes épiques,
t. III, p. 42-114, a donné sur la formation de la Chronique de Turpin une
théorie personnelle qui renverse toutes les constructions précédentes et se
rattache à la doctrine d'ensemble, si profonde et si solide, qu'il a fondée
pour expliquer les chansons de geste.
Ethnographie. 5 5 ^
scrlts certaines divergences, qui font supposer plusieurs intermé-
diaires entre eux et l'archétype. Elles ne sont pas assez fortes
pour qu'on imagine des traduciions différentes faites indépendam-
ment p.ir des personnages différents; suivant M. Douglas Hyde
il s'agit bien d'une seule et même traduction, modifiée seulement
par des transcriptions successives. Cette traduction prenait elle-
même un certain nombre de libertés avec le texte latin, supprimant
par exemple des énumérations de noms propres, surtout de noms
propres de villes, qui ne disaient rien à des lecteurs irlandais. Un
fait digne de remarque est l'absence, dans tous les manuscrits du
texte irlandais sauf un (celui de King's Inns Library), de la pré-
tendue lettre de Turpin à Léoprand d'Aix-la-Chapelle, lettre par
laquelle débute la Chronique latine, mais qui manque également
dans le texte o-allois de VYstoria de Caroïo Miwuo.
o o
M. Douglas H3'de a pris comme base de son édition le texte du
Bookof Lismore ; il indique en note les principales variantes des
autres manuscrits. La langue est déjàengrosde l'irlandais moderne.
Les noms propres y ont été très estropiés. M. Douglas Hyde a
identifié un certain nombre d'entre eux ; quelques-uns restent
méconnaissables. P. 12, Viterinis Sensiiim (ynx. Buter nicencium ou
putir insensiuni) cache le nom des habitants de Béziers ÇBiterratis,
plus anciennement Baeterrae), où il y a en effet une église Saint-
Jacques, qui remonte au xiF siècle. P. 24, Sconnas ou Scandas (à
lire Sanctonas) est la ville actuelle de Saintes. P. 26, Telahirgus est
Taillebourg, comme Taranta (à lire Caraiita) est la Charente.
P. 28 et 78, Blauini (Blaiiii) désigne la 'ville de Blaye dont Roland
était «comte » (v. Bédier, Légendes épiques, t. 111, p. 354). P. 66,
Baclorum est une corruption du nom des Basques, comme Caislean
de celui de la province de Castille et Vagbete(\-a.v. Nagedhe) de celui
de la ville de Najera; Auladiilue (var. Auladulup) doit représenter
l'Andalousie. Ces corruptions ne sont pas plus étranges que celle
qu'a subie le nom du Rhin, devenu Vehyn (p. 107). P. 68 Iria
Flauia, l'endroit où la barque portant le corps de l'apôtre saint
Jacques avait abordé (Bédier, op. cit., III, p. 46) est devenu Siria
dans le texte irlandais.
P. 112, l'explication du nom de Turpin Turpinus quasi non
Turpis rappelle les fantaisies du grammairien Virgile (v. Zimmer,
Sitiber. der. preuss. Akad., i9io;cf. i?. Q//., XXXII, 150). —
P. 50, l'adjectif cennuis « doux, apprivoisé » est ancien dans la
langue, sous la forme tendais (K. Meyer, Contr., p. 341). —
P. 68 et iio, on notera le nom donné à la ville de Reims, Remuis
na righ « Reims des rois ».
5 54 Bibliographie .
La Chronique du Pseudo-Turpin a été éditée par M. Castets
d'après sept manuscrits(r//r^/;// Historia /vr/ro//, Montpellier, 1880).
Celui qui entreprendra d'en donner une édition définitive en con-
sultant tous les manuscrits fera bien de tenir compte de cette tra-
duction irlandaise, dont nous devons l'édition à M. Douglas Hyde.
Par les arrangements et abrègements que son auteur a fait subir au
texte latin, le texte des Gahhallais Sheaduis Mhoir oftVe même un
certain intérêt pour l'histoire de la légende de Charlemagne.
J. Vendryes,
VII
Lucien Foulet. Pelite syntaxe de V ancien français. Paris, Champion,
1919. X- 287 p. 12°. 7 fr.
D'autres loueront ailleurs avec plus de compétence et d'autorité
les qualités de ce petit livre, où se trouvent pour la première fois
exposées, sous une forme élégante et précise, les règles syntaxiques
de notre vieille langue. M. Foulet, qui fait preuve d'un senti-
ment très juste de l'évolution linguistique, a fort bien dégagé du
vieil usage les tendances qui devaient aboutir dans le français mo-
derne et même contemporain. Ses recherches sont donc orien-
tées dans le sens de l'histoire et n'en remontent pas le cours. Il con-
vient néanmoins de marquer ici combien les celtistes peuvent tirer
profit de son livre.
Les langues romanes et celtiques ont en effet suivi des déve-
loppements parallèles. Certains détails de leurs syntaxes respectives
offrent même tant de ressemblance qu'on est tenté de croire à des
emprunts par imitation. Il y en a d'incontestables (voir ci-dessous).
En général cependant les faits n'autorisent pas l'hypothèse de
l'emprunt. Il faut croire à des tendances semblables qui ont abouti
dans chaque langue d'une façon indépendante à des résultats ana-
logues. Le vieux système grammatical de l'indo-européen devait
être gravement atteint par l'altération des syllabes finales. Là oià
ces syllabes ont été anéanties, il a fallu refaire sur un plan tout
nouveau le système grammatical de la langue. Mais les possibilités
ne s'offraient pas en si grand nombre que la reconstruction ait eu
lieu par des procédés sensiblement différents. Ainsi constate-t-on
dans la structure des langues iraniennes modernes des ressemblances
frappantes avec celle des langues romanes ou celtiques. Les unes
et les autres, au cours de leur évolution ont eu à résoudre les
mêmes difficultés, mais à des dates différentes. Les langues ira-
Bibliographie. 355
niennes entre toutes ont évolué le plus rapidement. Parmi les langues
celtiques, le brittonique a évolué plus vite que l'irlandais, comme
parmi les langues germaniques l'anglais plus vite que l'allemand.
Il y a entre le vieux français et le brittonique une différence de
date dans l'évolution : celui-ci est généralement en avance sur celui-
là.
Partout, l'évolution a consisté en ce que le mot a perdu l'auto-
nomie et la plénitude qu'il avait en indo-européen. Les noms en
particulier sont devenus des symboles abstraits, exprimant une
notion indépendamment de toute fonction dans la phrase. Il a fallu,
pour marquer la fonction, créer des outils accessoires. De là l'im-
portance prise parles particules de tout genre, personnelles, démons-
tratives, relatives, par les articles, par les prépositions, parles con-
jonctions. Ainsi la confusion des formes du cas sujet et du cas
régime laissait sans expression les distinctions que le latin exprime
au moyen du nominatif, de l'accusatif ou du génitif. Le français a
remédié à cette insuffisance par des procédés variés. Pour marquer
le régime du nom, il s'est servi de la préposition de, devant les
noms de chose d'abord, puis devant les noms de personne (Pou-
let, p. 31). Le gallois s'est accommodé plus longtemps de l'absence
de préposition, et en partie jusqu'à nos jours. En comique et en
breton l'usage de la préposition, s'est répandu plus tôt et plus lar-
gement qu'en gallois (v. Pedersen, Vgl. Gr. II, 82). Cependant
la préposition 0 en gallois moderne a pris pas mal des emplois
que le français donne à sa préposition de (v. Fynes-Clynton, The
Welsh vocahulary of the Bangor district, p. 400 et suiv.). Un tour
comme truan 0 ddyii « un pauvre d'homme », drwc a gcdymdeith
f< un mauvais de compagnon », correspond à un de nos tours popu-
laires les plus employés. Il se rencontre également en comique et
en breton ; et il est vieux en gallois (v. J. Loth, Rev. Celt., XXXI,
362 et Strachan, Introduction, p. 27).
La fixation de l'ordre des mots est une conséquence naturelle de
la disparition, ou même de la simplification de la flexion. On con-
state donc dans les langues celtiques comme en français une ten-
dance à donner aux mots dans la phrase une place correspondant à
leur fonction et à éliminer toute construction dans laquelle l'ordre
des mots laisserait le sens ambigu. Ainsi, le substantif sujet, le sub-
stantif régime de verbe, l'adjectif épithète ou attribut ont de plus
en plus une place fixe. Le substantif qui dépend d'un autre substan-
tif est de bonne heure placé après celui-ci. Le français a conservé
dans l'expression Dieu merci une trace unique de l'ancien usage qui
permettait l'ordre inverse. En gallois, cet ordre inverse n'est attesté
Ret'ue Celtique, XXXVIII. 24
j56 èiblio^rapUê.
que dans la vieille poésie (Rhys, Lectures of IVehh Philology, 1« éd.,
p. 153); le jeu des mutations de l'initiale l'y maintenait possible,
sans danger pour la clarté (v. J, Loth, Rev. Cclt., XXXI, 164). En
irlandais aussi, un génitif régime se place souvent en poésie avant
le nom qui le régit (Vendryes, Grammaire, p. 310 ; Tluuneysen,
Haudbuch, p. 156 ; cf. Stokes, Rev. Celt., V, 3 50 et Félire d'Ocn^^us,
1905, p. xxxvij). Mais en prose le seul ordre admis est en gallois
leithiog giL'lad « maître du pays >■> et non plus lulad ieithiaiog (Myf.
Arch., 146 b 32), comme en irhnda'is firidfolt fairgoae « les blancs
cheveu.K de l'océan » et non p\us fairogac fin dfol t {Th^s. Pal., II,
290). Il s'agit d'un renversement de l'ancien ordre, habituel en
sanskrit, en grec ou en latin, iiidrasya vâjrah, Kûpou Traiosta,
régis domus (Brugmann,^l're^^' de grammaire comparée, § 932). Les
langues celtiques comme les langues romanes ont adopté un ordre
fixe pour le substantif et son régime.
Un ordre des mots étroitement fixé enserre la pensée comme
dans une gaine. En s'y soumettant sans résistance, la langue par-
lée perdrait sa souplesse et sa vivacité. Mais elle résiste d'ordinaire
et s'arrange de façon qu'elle échappe à cette contrainte. De là sont
nés certains tours que l'on rencontre dans les langues celtiques et
aussi dans les langues romanes, notamment en français. Il a été
question ci-dessus- (p. 195) du rôle que joue en irlandais la copule
en permettant de placer en tête de la phrase un mot sur lequel
celui qui parle veut attirer l'attention. On dit en français : C'est
votre fils qui arrive ou C'est de Meliin qu'il arrive, au lieu de dire :
Votre fils arrive ou II arrive de Melun. Le relatif en pareil cas ne
joue plus guère que le rôle d'une conjonction ; niais à l'origine c'était
vraiment un pronom relatif. Avec le temps cette valeur relative s'est
affaiblie, à mesure que s'affaiblissait aussi la valeur démonstrative
du ce qui commence la phrase. Une phrase comme : C'est votre
testament que vous vene\ de faire signifie généralement aujourd'hui :
« Vous venez de faire votre testament, et non tel autre acte ». Mais
dans le vers de Regnard, où Lisette répond à Géronte, la même
phrase signifie : « Ce papier est votre testament, lequel vient d'être
fait par vous ». Démonstratif et relatif ont ici leur pleine valeur,
accusée d'ailleurs par l'accentuation et le rythme de la phrase. De
môme une phrase comme : C'est du vin que j'ai jeté peut signifier,
suivant l'accentuation : « J'ai jeté du vin, et non pas de l'eau ou de
l'huile », ou bien : «Ce que vous voyez là répandu est du vin, que
j'ai jeté ». Il y a ambiguïté dans la langue écrite, à moins qu'on
ne coupe la phrase en deux, par une virgule. Dans l'usage moderne
le démonstratif et le relatif ont le plus souvent une valeur affaiblie.
Bibliographie. 35*?
Au contraire en vieux français, la valeur pleine du démonstratif
restait entière (Foulet, p. 261), et partant celle du relatif. Or, on
observe un affaiblissement analogue dans l'emploi de la copule is
et du pronom qui l'accompagnait au cours de l'histoire de l'irlan-
dais (ci-dessus, p. 19e). Tant il est vrai que l'évolution des faits de
syntaxe, quand le point de départ est le même, se fait généralement
dans le même sens.
On trouverait bien d'autres analogies entre la S3'ntaxe celtique et
la syntaxe française. L'emploi de l'infinitif dit de narration en
irlandais existe en français, ainsi qu'on l'a rappelé dans le compte
rendu du livre de l'abbé O'Nolan (ci-dessus, p. 199). Le gallois
en a des exemples ; le cbrnique et le breton également. L'usage de
substituer « que » à une autre conjonction dans la seconde de deux
propositions subordonnées réunies par les conjonctions et, ou,
mais (Foulet, p. 231) a son analogue en irlandais (ci-dessus, p.
200). Enfin, on sait que le tour populaire en français « l'homme
que j'ai vu sa fille, que j'y ai donné du pain, que je travaille pour
lui » est de règle dans la syntaxe brittonique la plus ancienne et se
développe aussi en irlandais. Dans tous les cas qui précèdent il
s'agit de développements syntaxiques parallèles dans les deux groupes
de langues. Voici pour finir un fait d'emprunt. On connaît en fran-
çais l'emploi du nom de la goutte au sens négatif, comme un outil
grammatical : je ne vois goutte. Cet emploi en français est relative-
ment récent (Foulet, p. 209). Dans la vieille langue mie est plus
employé que goûte avec cette valeur. Mais goûte prend sa revanche
ensuite. Il faut croire que l'extension de goûte comcide avec la
période où la syntaxe française influe le plus sur le breton . Car le
breton armoricain emploie couramment aujourd'hui le nom de la
« goutte », hanne, comme négation après les verbes signifiant voir
ou entendre : né laclann hanne « je ne vois goutte », né glév hanne
« il n'entend goutte » ; ou même, avec d'autres mots que hanne :
né welann hérad, né luelann taken, né glev hérad, né glev taken (ou
tapen en vannetais). L'emprunt s'explique aisément. Mais il est
intéressant de noter qu'il s'étend au comique. Le moxhanna « goutte »
y a le même emploi qu'en breton : dal 0, tiy luely hanna « il est
aveugle, il ne voit goutte » ÇPascon agan arluth, éd. Stokes, p. 66,
strophe 217) ; ny clev hanne « il n'entend goutte » (Passio Domini,
éd. Norris, v. 2321); iudas ny goskvn banne « Judas ne dort goutte »
(jhid., V. 1078). C'est une preuve de l'action que les mystères
français ont exercée sur le théâtre religieux du Cornwall. A ceux qui
s'étonneraient de voir un outil grammatical comme la négation
emprunté d'une langue voisine, il faut rappeler le puinn de l'irlan-
5)8 Bibliographie.
dais de Munster, que certains regardent comme un emprunt au
français (ci-dessus, p. 234) et mieux encore l'emploi de ne pas ou
non pas devant l'infinitif en breton moderne.
J. Vendryes.
VIII
F. DuiN'E. Mémento des sources hagiographiques de llnstoire de Bretagne.
repartie. Rennes. Bahon-Rault. 1918. 215 p. 8°.
L'ouvrage dont nous avons ici la première partie en doit com-
prendre quatre. Les trois suivantes traiteront des « saints bretons
du x^ au xii^ siècle », des « données de l'hagiographie non cel-
tique » et des « origines et dédicaces diocésaines ». Cette première
est consacrée aux « fondateurs et primitifs, du v^ au x'-' siècle ».
S'il est permis de juger par elle l'ouvrage entier, on peut dire que
l'abbé Duine aura rendu en le composant un nouveau grand ser-
vice aux historiens de la Bretagne. Il l'a conçu sous forme de réper-
toire, réunissant, en plus de renseignements bibliographiques géné-
raux, les sources relatives à la vie de chaque saint. On sait com-
bien ses travaux antérieurs le qualifiaient pour entreprendre une
pareille tâche. Sa compétence en matière d'hagiographie bretonne
est bien connue depuis longtemps. UHcrminc, les Annales de Bre-
tagne, les Mémoires de la société archéologique d'IUe-ei-Vilaiiie (dont le
présent ouvrage n'est qu'un tirage à part) ont publié de lui nombre
d'articles consacrés à l'histoire religieuse de sa province. Mais
en lui l'érudit se double d'un homme de goût. Ayant consacré de
longues années à de patientes recherches, il en présente le résultat
sous une forme discrète, simple, qui rend la consultation des plus
commodes. Louons-le surtout d'avoir été guidé, non pas par la
vaine ambition d'étaler une érudition facile, mais par le souci
d'être utile à d'autres. Ce dévouement modeste lui vaudra la recon-
naissance de tous ceux qui utiliseront son livre. Il lui vaut aussi
d'avoir fait œuvre personnelle : en effet, dans une matière aussi
touffue, le choix seul est invention.
L'abbé Duine est un historien dont l'étude des textes a aiguisé
le sens critique ; il est habile à discerner la part de vérité que ren-
ferme chaque document ; il ne s'abuse pas sur la valeur historique
des vies de saints qu'il étudie ; il sait qu'il n'est rien de plus con-
ventionnel que la vie de saint, que c'est un genre littéraire, qui a
ses règles traditionnelles et ses lieux communs (v. Rev. Celt.,
XXXIII, 358). Dans les vies de saints bretons, en plus de la « bri-
Bibliographie. 359
tannica garrulitas », dont se plaint déjà l'abbé Vitalis de Fleury-
sur-Loire (Duine, p. 6i), il faut faire la part de certains défauts
inhérents au genre, et qui sont de nature à inquiéter un his-
torien scrupuleux. Ainsi les miracles sont l'assaisonnement obligé
de tout récit hagiographique, en pays celtique plus qu'ailleurs.
Mais on doit se garder d'être dupe des naïfs biographes qui en ont
si largement saupoudré leurs écrits. L'abbé Duine ne craint pas de
signaler ce qu'il y a de banal et de conventionnel dans les exploits
attribués bénévolement à tant de thaumaturges. En général, ses
jugements sont sévères, même sur la biographie des saints les
plus célèbres, saint Malo par exemple (p. 55) ou saint David (p.
124). Il fait bon marché de prétendues traditions, auxquelles des
esprits laïques, mais moins clairvoyants, comme A. de Barthélémy
ou La Borderie, se sont laissé prendre (p. 50, éi, etc.). Il relève
avec justesse les aveux qui échappent parfois aux biographes.
Quand l'auteur de la vie de saint David écrit : « Egyptios mona-
chos .imitatus similem eis duxit uitam », cette phrase révèle tout
un programme. L'influence du monachisme africain a été grande
sur l'imagination des hagiographes bretons. La Vie de saint Antoine
par saint Athanase leur ser^'it de modèle tout autant que la Vie de
saint Martin par Sulpice Sévère'.
Un trait commun à toutes les vies de saints bretons est dans l'imi-
tation des auteurs classiques. L'abbé Duine a soin de le souligner
partout où il le rencontre. Les hagiographes se piquaient d'huma-
nisme. Quelques-uns citent du grec, sans qu'on puisse toutefois
leur attribuer la connaissance de cette langue ; l'emploi de quelques
mots grecs dans une phrase latine n'est de leur part qu'un pédan-
tismedont ils trouvaient ailleurs le modèle (v. p. 83). En revanche,
les poètes latins leur étaient familiers. Ils ne se font pas faute de
puiser dans les œuvres de Virgile et de Lucain ; l'auteur de la Vie
de saint Magloire, qui savait peut-être aussi le grec (v. p. 49),
avait pratiqué Horace et Ovide. Cela se reconnaît aux tours, aux
locutions, aux allusions qu'ils introduisent çà et là avec plus ou
moins d'à propos dans leurs écrits. Ce sont surtout les réminis-
cences de Virgile qui abondent. Elles donnent à ces vies de saints
bretons un caractère semi-païen qui est parfois piquant (v. p. 44,
51 et suiv., 84, etc.).
Mais le trait le plus saillant, qui frappera tous ceux qui liront
I. Babut soutenait même que Sulpice Sévère dans sa Vie de saint Mar-
tin s'était inspiré de la Vie de saint Antoine par saint Athanase (Saint Mar-
tin de Tours, p. 46). Mais cette doctrine a été combattue par le P. Dele-
haye {Analecta Bollandiana, t. XXXVIII, 1920 p., 88),
360 Bibliographie.
l'ouvrage de l'abbé Duine, est dans le rapport étroit qui unit l'ha-
giograpbie armoricaine à celle de Grande Bretagne et d'Irlande.
L'unité du monde celtique n'est pas un vain mot. En ce qui con-
cerne les traditions religieuses elle s'est maintenue avec une rare
fixité plusieurs siècles après la séparation des dialectes et des peuples.
Les saints armoricains sont pour la plupart venus d'outre-mer;
on les voit constamment passer et repasser la Manche. Leur activité
se partage entre l'Armorique, le Cornwall et le Pays de Galles. Les
rapports religieux qu'eut l'Armorique avec l'Irlande sont particu-
lièrement importants ; ils reposent sur des relations commerciales.
Ainsi Landévennec est en rapport avec l'Irlande (voir la Vita
JVimualoci, 1. I, chap, 19, p. 47, 1. 7-9 écrite par l'abbé Wrdisten,
dans l'édition La Borderie du Cartulaire de Landévennec, Rennes,
Catel, 1888 ; Duine, p. 43). Sans doute, les voyages en Irlande,
terre des saints, étaient devenus une sorte de rite hagiographique
(v. p. 29 et 39 à propos de saint Guenael et p. 118 à propos de
saint Carantoc) ; et l'on constate plus d'une exagération dans la
tendance à découvrir une origine irlandaise aux saints bretons
(v. p, 81, n. là propos de saint Menou) ; mais le fait est
que parmi ces derniers un grand nombre sont donnés comme
Irlandais : saint Briac (p. 87), saint Comean (p. 73), saint Efflam
(p. 89), saintGuiner(p. 126), saint.Maudez(p.97),sainte Osmanne,
patronne de Féricy en Brie (p. loi), saint Renan (p. 102), etc.
Pour quelques-uns la chose est douteuse. Saint Cast n'est proba-
blement donné comme irlandais que parce que son origine était
inconnue. Saint Sané a été confondu avec l'irlandais Senan et a été
investi des miracles de ce dernier (p. 103-104). Saint Vougay ou
Vio, prétendu archevêque d'Irlande, n'est probablement qu'une
invention (p. 107); sur sainte Onenne (p. 155) v. Gaidoz, Zeit- ,
schrifl fur celt. PhiL, t. V, p. 142. Il arrive même que l'hagiogra-
phie armoricaine revendique quelques-uns des grands saints irlan-
dais, en les mettant en rapports avec les saints armoricains : ainsi
saint Ailbe, saint Brendan, sainte Brigitte, saint Colomba, saint
Colomban, saint Patrice sont rattachés à l'Armorique ! Il faut y
joindre saint Ternoc (p. 163) qui porte un nom irlandais et pour
lequel on a le choix entre plusieurs identifications. Ainsi, un
Ternôc fils de Ciaran le Petit, mort en 71e, est mentionné dans
le Thésaurus Pal. hib., t. II, p. xxxij cf. 289 (cf. la note a.u Féîire
d'Oengus, éd. Stokes, 1905, p. 68). Les fables irlandaises ont long-
temps joui d'un grand prestige en Armorique. L'abbé Duine
déploie beaucoup de sagacité pour démêler le vrai du fiiux et inter-
préter exactement les noms qu'il rencontre. Dans les cas oiasa science
Bibliographie. 361
est en défaut, il avoue franchement ses incertitudes. Il sera malaisé
de trouver à reprendre après lui. Voici une simple remarque à lui
soumettre. Il mentionne p. 88 et p. 192 le nom Ethhiniis, donné à
un personnage appelé aussi Ediunetus. Il est probable qu'il s'agit
d'un seul et même nom, d'origine anglo-saxonne, qui aura
été mal transcrit par un copiste. Ediunetus est sans doute à lire
Eduinetus; Eihhiuiis et Ediunetus sortent tous deux de Edu'in ou
Eiiciii, si fréquent dans l'onomastique anglo-saxonne (v. les Bruts
du Red Book of Hergest, t. II, p. 385, 1. 6 ; 387, 1. 9 ; 388, 1. 20;
262, 1. 30 et 265, 1. 23). 11 y a même un Edwin qui est en relation
avec l'Armorique et avec son roi Salomon. C'est le fils du roi Saxon
Edelfet ou Edelflet. Sa mère avant sa naissance s'était réfugiée
auprès du roi breton Katvan ; Etwin, qui était du même âge que le
fils de Katvan, Katwallawn, fut envoyé avec lui à la cour de Salomon
pour y apprendre « les us et coutumes et l'art de la guerre » ; il fut
accueilli avec beaucoup d'égards et traité amicalement (v. son his-
toire au t. II des Bruts, p. 239-248). On observe dans Eduinetus
le même suffixe que dans Edelfet ou Edelfflet.
' J. Vexdryes.
IX
Emile JoBBÉ-DuvAL. Les idées primitives dans la Bretagne contem-
poraine. 2^ édition. Paris, Librairie de la Société du Recueil
Sirey. 1920. x-529 p. 8°. 30 fr.
Si le mérite d'un ouvrage se mesurait au nombre des pages, à
l'abondance des citations, à la variété des références, on ne devrait
parler qu'avec éloge du gros volume de M. Jobbé-Duval. Il y a
réuni une série d'articles, publiés par lui d'abord dans la Nouvelle
Revue historique du droit français et étranger de 1909 à 19 14, et qui
se rapportent à deux questions defolk-lore juridique breton : « l'ad-
juration à saint Yves de Vérité » et « les Ordalies ou jugements de
Dieu ». Sur ces deux questions il a déversé, en plus de ses con-
naissances juridiques personnelles, une masse de citations emprun-
tées à quantité d'auteurs du Nord et du Midi. Suivant la méthode
qui valut jadis une fâcheuse célébrité à l'abbé Trublet, il n'a fait
qu'une compilation. Si l'on retranchait de son ouvrage ce qu'il a
tiré d'autrui et tout le fatras inutile dont il l'a rempli, le fond en
paraîtrait d'une rare indigence. L'érudition est peu de chose si elle
n'est pas soutenue d'une doctrine, et, quand elle s'étale au
hasard en superfluités, elle fatigue le lecteur sans profit. On aime-
362 Bibliographie,
rait à savoir ce que l'auteur entend au juste par « idées primitives » ;
une phrase de Pierre Loti ou un vers de Le Braz peuvent-ils passer
pour exprimer des idées primitives ? Et qu'est-ce qu'un livre sur la
Bretagne contemporaine, où l'on voit paraître les peuples du
Moyen âge, celtiques ou non, et même la Grèce antique ? La place
faite à cette dernière s'explique par l'existence des Etudes sociales et
juridiques sur Fautiquitc grecque de M. Glotz. Certes les livres de
M. Glotz sont parmi les meilleurs, les plus pénétrants, qui aient paru
sur l'antiquité grecque ; ils présentent un modèle de méthode et
d'exposé scientifique. Et les vers de M. Le Braz ont bien du charme.
Mais ces deux écrivains, si différents qu'ils soient à tant d'égards,
font également tort à M. Jobbé-Duval,dont la doctrine est mal assu-
rée, l'exposé diffus et dont la langue molle, imprécise, traîne avec
elle d'insupportables clichés. Il faudrait élaguer, resserrer beaucoup
son livre pour le rendre lisible et utile. Il lui manque d'être
termement composé et fermement écrit. Il lui manque surtout
d'être fermement pensé.
J. Vendryes.
CHRONIQUE
Sommaire. — I. Ferdinand de Saussure et le nom d'Oron. — II. M. Georges
Poisson etle cavalier à i'anguipède. — III. La personnalité du biographe
de saint Patrice, Muirchu, d'après M. P. Walsh. — IV. Nouveaux
« Unpublished Irish poems » publiés par M. Bergin. — V. La thèse de
M. Viggo Brœndal sur les substrats et l'emprunt. — VI. Traduction des
Rubbâyyàt en gallois et en irlandais. — VII. Suite et fin des Xoteu-
nou de MM. Meven Mordiern et Abher\'é. — VIII. Un monument à
Prosper Proux. — • IX. Le nouveau métropolitain du Pays de Galles.
— X. Le nouvel University Collège de Swansea. — XI. Création d'une
société d'histoire et d'archéologie de Bretagne. — XII. Divers
articles sur la crise irlandaise. — XIII. Un cppel en faveur de la biblio-
thèque populaire de Cork. — XIV. Vacance de chaire à Oxford. —
XV. Livres nouveaux.
I
Ferdinand de Saussure s'est toujours intéressé à la toponomas-
tique de son pays nataL II y trouvait sans doute un délassement à
ses méditations linguistiques. Les enquêtes qu'il faisait au cours de
ses promenades sur la forme des noms de lieu ressemblent assez
aux herborisations d'un naturaliste de génie.
L'article de M. J. Loth sur le nom du Jura que la Rame Celtique
a publié (t. XXVIII, p. 340) contenait une note envoyée par F.
de Saussure. S'il n'avait pas cédé ce jour-là à une sollicitation ami-
cale, se serait-il jamais décidé à l'imprimer ? Des scrupules le rete-
naient toujours de livrer sa pensée au public. Aussi garda-t-il en
portefeuille nombre d'idées personnelles, que seuls ses élèves ou
ses intimes eurent le privilège de connaître. Parmi les papiers
qu'il laissa en mourant, on découvrit une note sur le nom de la
ville d'Oron [entre Moudon et \'evey] à l'époque romaine. Elle
avait fait l'objet d'une communication à la Société d'histoire et
d'archéologie de Genève le 28 mars 1901. Elle vient de paraître
dans V Indicateur d'histoire suisse (51^ année, 1920, p. 286-298), par
364 Chronique.
les soins de M. Louis Gauchat. Il faut savoir bon gré à celui-ci de
l'avoir transcrite et mise au point pour l'impression ; car c'est une
merveille de critique pénétrante, d'enchaînement méthodique et
d'élégante démonstration. Sur une question qui semblait réglée
par l'accord des géographes et des archéologues, elle apporte une
opinion nouvelle, soutenue d'arguments qui imposent la convic-
tion.
Nous ne reprendrons pas ici la suite du raisonnement par
lequel de déductions en déductions F. de Saussure amène peu à
peu son lecteur à la conclusion qu'il a en vue. Cette conclusion
seule importe. La voici en peu de mots. C'est que la ville à'Oron,
dont le nom est prononcé Oiiren dans le patois local, représente
un celtique Uromagiis (avec il initial long) « champ de l'auroch »
ou '.< champ d'Uros ». Cet Uromagus est conservé dans deux
manuscrits au moins de l'Itinéraire d'Antonin (nroiiiago). Les
autres manuscrits ont hromago ; ce qui a induit en erreur les
modernes, qui ont généralement été chercher à Promasens (8 kilo-
mètres au sud de Moudon) l'emplacement de la ville celtique en
question. L'identification Bromago-Promasens, impossible à justi-
fier linguistiquement, se heurte à des difficultés topographiques,
qui devaient la faire rejeter des historiens et géographes.
II
Poursuivant ses recherches d'archéologie et de mythologie cel-
tiques, M. Georges Poisson a publié dans le Bulletin hisloricjiie el
scientifique de V Auvergne de 1920 une étude sur « les monuments
du cavalier à l'anguipéde en Auvergne » (tirage à part de 35 p.
8°). On connaît ce motif de sculpture: un cavalier dont le cheval,
enlevé sur ses jambes de derrière, a celles de devant appuyées ou
planant sur un monstre étendu à terre : le monstre a un buste
d'homme, mais son tronc s'achève en un corps de serpent com-
prenant la tête de Tanimal. Ce groupe singulier a été reproduit en
beaucoup d'exemplaires, comportant d'ailleurs de nombreuses
variantes de détail ; l'exécution en est toujours très grossière. La
plupart des exemplaires conservés sont en morceaux, et incom-
plets. Ils sont particulièrement abondants dans la région rhénane
et mosellane. M. Hertlein en compte trois dans le grand duché de
Luxembourg, deux dans le Luxembourg belge, onze dans la Rhein-
provinz, neuf eii Hesse Rhénane, douze dans le Palatinat, sept en
Hesse-Nassau, six dans le grand Duché de Bade, onze en Wur-
Chronique. 365
temberg, un en Bavière ; il y en a dix en Alsace et vingt «n Lor-
raine, seize dans le reste de la France, toujours d'après M. Hertlein
{Die JuppitergigaiiteiLuiiiIeu, 19 10). Or, il convient au moins
d'augmenter d'une unité ce dernier chiflfre, car M. Hertlein a con-
fondu en un seul les deux cavaliers à l'anguipède qu'a livrés le sol
de l'Auvergne. La rectification est d'autant plus utile que M. Espé-
randieu dans son si précieux Recueil général n'a mentionné ni l'un
ni Tautre. Le premier a été découvert en 1848 au hameau de la
Jonchère, commune d'Egliseneuve, canton de Billom. Le second,
découvert en iS8é, près de Lussat, canton de Pont-du-Chàteau,
est aujourd'hui au musée de Clermont-Ferrand.
Depuis l'époque où en furent connus les premiers spécimens, le
groupe du cavalier à l'anguipède a fait l'objet de nombreuses inter-
prétations, mythologiques, allégoriques, symboliques ou amphi-
gouriques, dont on trouvera l'indication dans un travail de M. A.
Prost {Mémoires de la Société des Antiquaires de France, 1891).
M. Poisson a pris la peine d'en reproduire quelques-unes. Les
derniers travaux français sur la question sont ceux de
MM. Gassies (i?(?i'. des Études anciennes, 1902, p. 290), Toutain
{Klio, 1902, p. 194), Espérandieu {Rev. ArchéoL, 1912, 11^ p. 211
et 1917, I, p. 72), sans oublier M. Jullian, qui y touche dans son
Histoire de la Gaule (voir aussi Rev. des Et. Ane, XX, p. 173 n.).
M. Poisson s'attache à démontrer les deux points suivants : 1°
que le groupe du cavalier à l'anguipède est celtique et non germa-
nique (la thèse est ancienne: M. Jullian l'enseigne et M. Espéran-
dien l'a récemment encore soutenue contre M. Hertlein) ; 2° que
l'interprétation doit en être mythologique. Il s'agirait suivant lui
du combat d'un dieu ou héros contre un monstre, thème mytho-
logique né en Orient, attesté en Egypte comme en Grèce, en
Palestine et en Syrie, en Phrygie et en Cappadoce et dont on peut
suivre l'extension, par la Thrace, jusqu'à la vallée du Danube. Le
dieu cavalier thrace est bien connu par les travaux de M. Seure
{Reî>. ArchéoL, 1913). Comme ce dieu est fréquemment appelé du
nom d'Apollon (Seure, Rev. Études Grecques, 1912, p. 26),
M. Poisson voit en lui un dieu solaire. Il croit retrouver aussi
dans la représentation figurée du cavalier à l'anguipède les carac-
tères d'un dieu solaire. Les monuments qui le représentent
peuvent être fixés avec vraisemblance au iii'^ siècle de notre ère :
c'est précisément la date de l'extension dans l'empire romain du
culte du soleil, antérieurement au triomphe du christianisme.
Cette extension aurait une double origine : d'une part les
influences orientales, qui s'exercèrent si largement sous les empe-
366 Chronique.
reurs syriens, et d'autre part des influences venues d'Europe Cen-
trale, où le soleil avait de tout temps été honoré comme un grand
dieu. Le cavalier à l'anguipède représenterait donc la divinité
celtique du soleil, plus tard assimilée à Apollon ou à Jupiter, mais
qui devait porter en gaulois les noms de Belenus, de Grannus, de
SmcrtuJlus. La thèse est intéressante, exposée avec chaleur et
conviction, comme dans les précédents travaux de M. Poisson.
Nous ignorons ce qu'en penseront les préhistoriens et archéologues.
Les linguistes en tout cas n'accueilleront pas sans quelques réserves
les affirmations de M. Poisson en matière d'étymologie. Le nom
de Grannus, il faut le répéter, ne peut pas être le même mot que
l'irlandais grian « soleil » dont le radical contenait en celtique
commun un c long issu d'une diphtongue ei. Et il est un peu
hardi de faire de Smeriu- un nom du dieu du feu sous prétexte
qu'il y a en irlandais un mol smérôit (auj. smèarôicT) qui signifie
« charbons ardents, braise » : rien n'est clair dans ce mot ; la com-
paraison du gallois nianvor, manvyddos, qui a le même sens, ne
l'éclaircit pas (cf. Pedersen, Fgl. Gr., II, 46).
III
Qui est le Muirchu Maccu Machtheni, auquel on doit une vie
bien connue de saint Patrice ? C'est la question que se pose le
Rev. Paul Walsh dans The Irish Thcological Quarterly, vol. XVI,
avril 192 1, p. 177 et s. D'après le Book of Armagh, f° 20 b,
Muirchu aurait écrit cette vie sous la dictée de Tévêque Aedh de
Slébte. Or, la mort d'Aedh de Slébte est mentionnée dans les
Annales d'Ulster à l'année 699 (v.^^z;. Celt., XVII, p. 216) ; et
Slébte, auj. Sleaty, est le nom d'une paroisse du Queen's County,
à I mille 1/4 au Nord-Ouest de la ville de Carlo w. D'autre part,
la mémoire de Muirchu était honorée à Killmurchon (« Eglise de
Muirchu »), dans le comté de Wicklow. Muirchu se rattacherait
donc à une région comprise dans la partie nord du Leinster. Cette
conclusion semble confirmée par le fait que Muirchu est générale-
ment considéré comme le fils du Cogitosus, qui écrivit la vie de
sainte Brigitte, patronne de Kildare. Mais l'abbé Walsh met en
doute cette filiation, et -pour des raisons qui paraissent décisives.
C'est Graves qui eut le premier l'idée de faire de Muirchu le fils de
Cogïlosus {'Proceedings of the Royal Irish Acadeniy, VIII [1863], p.
269 et ss.) ; il appuyait cette idée sur une conjecture Çpatris mei
Cogitosi au lieu de patris mei cognito si dans un passage de l'œuvre
Chronique. ' 367
de Muirchu du Book of Armagh), et surtout sur l'hypothèse que
Maccu Machiheni traduisait Films Cogitosi. L'abbé Walsh n'a pas de
peine à montrer que cette traduction est impossible : Maccu ne
signifie pas « fils », mais « appartenant à la race ou à la tribu de »
(cf. Eoin Mac Neill, Ériu, III, p. 44) ; et il est arbitraire de tirer
Machtbene du même radical que le verbe machtnaigim, qui au surplus
ne signifie pas « je pense », mais « j'admire » (cf. machdad « mer-
veille » Sg. 167 a 4, 222 a 5). Cogitosus ^zr^.\l bien mieux traduire
le nom propre Toimdenach, dérivé de toimtiu « pensée, opinion ».
L'abbé Walsh propose de voir dans Machthene (à lire Machleiic)
un dérivé du nom propre Mocbfa, écrit Mauchteus dans les Annales
d'Ulster, année 5 34 (cf. O'Maille, The Langiiage of the Annals of
Uhter, p. 69) et Maucteus dans la Vita Columbae par Adamnan,
éd. Reeves, p. é (cf. Thés. Pal., II, 272). Cela n'est pas impos-
sible ; mais la personnalité de l'auteur de la vie de saint Patrice en
est-elle mieux connue ?
IV
Sept nouveaux UnpuUished Irish. poenis ont été ajoutés par
M. Osborn Bergin à la série dont nous avons annoncé le commen-
cement ci-dessus, p. 236. Ce sont les morceaux suivants :
7. On a Gaelic Miscellany {Studies, Sept. 1919, p. 458). Du même
auteur que le numéro 6, Eoghan Ruadh Mac an Bhaird (Red
Owen Mac Ward), ce poème comprend quinze quatrains de vers
charmants et délicats accompagnant un manuscrit offert à Aodh
O'Domhnaill.
8. On a hlind harper (ihid., Dec. 1919, p. 611). Il s'agit de
Niclâs Dali, de Rattoo, célèbre en son temps comme joueur de
harpe (cf. O'Curry, Manners and Custonis, t. III, p. 262). L'au-
teur du poème, Fear Flatha O Gnimh, est donné par O'Reilly
comme florissant au milieu du xvF siècle ; mais ce poème ne peut
guère être antérieur au début du xvii^.
9. Autre poème sur le même personnage Çihid., mars 1920, p.
97), mais tiré du Book of O'Conor Don, copié à Ostende en
163 1, avec des variantes de trois manuscrits postérieurs.
10. Arl versus Nature. Ce poème a pour auteur celui du n" 8,
Fear Flatha O Gnimh ; il est adressé au poète Fearghal Og Mac
an Bhaird, dont M. Bergin a publié deux poèmes dans la même
série (n""- 5 et 12). Fear Flatha oppose sa méthode de travail à celle
de son confrère : ni hionand gnàth damhsais duitt, nous n'avons pas
la même façon de faire, lui dit-il.
368 chronique,
11. On ci u'tvlik^ Prince (ibid., sept. 1920, p. 417). Pancgynqlië
d'O'Conor Faly (The Calbhach), prince d'OlTaly, et qui fut jusqu'à
sa mort, survenue en 1458, en état de lutte constante contre les
Anglais du Pale. Ce panégyrique est antérieur à 145 1, d;ite de la
mort de son épouse Margaret, fille d'O'CarroU, L'auteur en est
Seithfin Môr, un spécialiste du genre.
12. Love of Iirland (ibid., nov. 1920, p. 565). L'auteur de ce
joli poème, oià les différentes régions de l'Irlande reçoivent chacune
leur tribut d'éloges, est encore Fearghal Og Mac an Bhaird, déjà
deux fois nommé.
13. Loohing towards Spain (ibid., mars 192 1, p. 73). Les événe-
ments auxquels se rapporte ce poème sont ceux qui ont été rappe-
lés à propos du n° 6 ; et l'auteur des deux poèmes est le même,
Eoghan Ruadh Mac an Bhaird. Ce poème-ci a été composé après
que Rury O'Donnell, vaincu à Kinsale, le 6 janvier 1602, avait quitté
l'Irlande, mais avant qu'il ne mourût à Simancas le 10 septembre
suivant. Il exprime les espoirs que ses partisans mettaient alors en
l'Espagne.
V
Nous ne dirons qu'un mot de la thèse de doctorat de M. Viggo
Brœndal, qui remonte déjà à l'année 1917 : c'est qu'elle est
remarquable et ne doit pas rester ignorée des celtistes. Elle a pour
titre Substrater og Laan i romansk og gerniansk, Sliuiier i Lyd- og
Ordhislorie « Substrats et emprunt en roman et en germanique ;
études d'histoire des sons et des mots » (Copenhague, Gad, 1917,
xvi-215 p. 8°). La question traitée est l'une des plus importantes,
mais aussi des plus difficiles de toute la linguistique. Tous les his-
toriens du langage, qui essaient de ramener à des lois générales
l'évolution des faits qu'ils étudient, sont forcés de tenir compte
d'une double influence, qui est capitale comme cause de change-
ment : celle du substrat linguistique et celle de l'emprunt aux
langues voisines. Mais si elles se laissent partout deviner, ces
influences sont très difficiles à préciser et à définir. En limitant son
étude aux langues romanes et germaniques, M. Brœndal rencon-
trait devant lui le celtique, qui est un des substrats les plus
authentiques sur lesquels le roman s'est étendu. Nourri d'une
forte doctrine linguistique, remarquablement au colirant des théo-
ries émises en ces dernières années par des hommes comme
MM. Meillet, Grammont, Gilliéron, Jespersen, Pedersen et
throniqiie. 369
4iielqués autres — la biblioguaphie qu'il cite au bas des pages
prouve l'étendue et la variété de ses lectures — il a fait œuvre
originale, tout en s'inspirant visiblement de l'enseignement de ses
maîtres danois. Sa conception des changements phonétiques,
reposant sur les lois de l'imitation, est à base sociologique ; il se
rencontre ainsi avec l'enseignement de F. de Saussure. Sa doctrine
sur le substrat celtique des langues romanes remet en honneur
plusieurs hypothèses d'Ascoli. Peut-être estimera-t-on qu'il force
parfois sa thèse et qu'il en exagère la portée. Mais il a le grand
mérite d'avoir groupé dans un système cohérent un nombre consi-
dérable de faits. Si son livre laisse parfois place au doute, il fait
toujours utilement penser.
VI
Les Ruhâyyât (« quatrains ») d'Omâr Khayyàm sont fort à la
mode depuis quelques années. Le succès s'en étend jusqu'aux
terres celtiques. Ils ont été naguère traduits en « penillion »
gallois par Sir John Morris-Jones (Caniadau gan J. Morris Jones,
Rhydychen, Fox and Jones, 1907, p. 161-182). Voici que Torna
les traduit à son tour en quatrains irlandais (Ruhàiiàt Oniâr Caiiâm,
Ath Cliath, Mârtan Lester, 1920, 33 p. 12°). On sait que Torna
est le nom bardique de M. Tadhg O'Donnchadha (O'Donoghue),
professeur de celtique à l'University Collège de Cork. Torna ne se
pique pas de savoir le persan. 11 nous dit dans sa préface qu'il a
tout bonnement traduit en vers irlandais la première traduction
anglaise des Rubâyyàt qui est celle d'Edward Fitzgerald (1809-
1883). Cette traduction, parue en 1859, a été réimprimée en 1868
et par deux fois encore depuis, avec un succès croissant. C'est une
belle infidèle, de l'aveu même du traducteur ; et on ne peut la
comparer à la traduction française de J.-B. Nicolas ÇLes quatrains
de Oueyam, texte persan et traduction, 1867) ni à la traduction alle-
mande de F. Rosen {Die Sinn-Spriiche Oniars des Zellmachcrs, aus
dem persischen ùbertragen, publiée en édition de luxe en 1914).
Elle est en outre assez incomplète, ne présentant qu'un choix de
ICI quatrains, alors que l'édition J.-B. Nicolas en compte 464 et
qu'une traduction anglaise en vers publiée en 1883 parE. H. W'hin-
field en compte 500. Beaucoup sans doute sont apocryphes ou
d'une attribution contestable ; le manuscrit des Riihbâyât conservé
à la Bodléienne et daté de 1460 s'arrête au chiffre de 158 quatrains.
Quand il a voulu faire passer Omar Khayyâm dans la poésie
570 Chronique.
galloise, sir John Morris Jones a fait lui-même un choix, limité à
105 quatrains. Torna n'a reproduit que les loi de Fitzgerald. Mais
il convient de prévenir les celtistes qui auraient l'idée de comparer
le gallois de sir John à l'irlandais de Torna pour en tirer des con-
clusions linguistiques ou simplement pour faciliter par l'une des
langues l'intelligence de l'autre, qu'ils s'exposeraient à quelques
mécomptes. Les deux poètes ont fait des œuvres assez dissem-
blables ; et il est malaisé de retrouver exactement sous leurs tra-
ductions un original commun. Il serait piquant de faire traduire
celles-ci en vers persans et de comparer le résultat au texte d'Omar
Khayyâm. Peu importe d'ailleurs la précision littérale. Quand on
veut faire connaître à ses compatriotes un poète étranger et qu'on
est poète soi-même, l'essentiel est de s'imprégner de l'esprit du
modèle et de le rendre par des moyens adaptés à son public. C'est
déjà ce qu'avait fait le traducteur anglais Fitzgerald. De leur côté,
les deux traducteurs celtiques ont réalisé chacun avec talent le
dessein qu'ils se proposaient : Sir John est plus concis et plus
ferme, plus rapproché par conséquent du ton sentencieux habituel
au poète persan ; Torna est plus coulant, plus lâché. Ils sont tous
deux agréables à lire. Qu'on en juge par les échantillons suivants,
où le texte est suivi d'une traduction littérale :
J. Morris-Jones, n° 19 :
Fy min ar fin y ffïol a rois i,
i ofyn rhin yr einioes iddi hi ;
ac yna fin lurth fin sibrydodd hon :
« yfwin, cans yma ni ddychiveli di ».
J'ai posé ma lèvre sur la lèvre du flacon
pour lui demander le secret de la vie ;
et là, lèvre contre lèvre, il murmura :
« Bois du vin ; car tu n'y reviendras pas. »
Torna, n" 35 :
N-a dbiaidhsin thàrla an t-àrthach cré seo dham,
is d'iarras, trd, fios fdth mo scéilse air ;
'se duhhairt, '5 sinn béai le gob : « O's iadh go bràth
an t-iadh fè chldr, nd stàn let rése on digh ».
Après cela viut à moi ce vase d'argile,
et je l'interrogeai donc pour savoir la raison de mon existence ;
il dit, quand nous fûmes bouche contre lèvre : « Puisqu'est éternelle
la fermeture sous la tombe, ne te retiens pas de boire auparavant. »
Chronique. 371
VII
MiM. Meven Mordiern (René Le Roux) ■ et Abherve (F. Vallée)
ont continué malgré la guerre leur série des Notennoii dituar henn
ar Gelted ko^, 0 istor hag 0 sevenadur, dont la Revue Celtique a pré-
cédemment parlé avec éloges (v. t. XXXIV, p. 551 et XXXV,
p. 242). En 1917, outre une réédition du fascicule V sur les sciences
a paru un neuvième fascicule sur les voyages et le commerce, et
en 1918 un autre, sur la guerre, qui n'est qu'une réédition du
fascicule III. Cette réédition offre toutefois l'intérêt de présenter
en regard du texte breton une traduction en gallois due à
MM. P. Mocaeret RhysPhilipps, touchante manifestation d'entente
cordiale, au moment où les soldats gallois luttaient épaule contre
épaule avec leurs frères d'Armorique contre l'ennemi commun.
Le fascicule X consacré à la Vie domestique avait paru en 191 3. En
1920 a paru le douzième et dernier fascicule qui a pour objet les
divisions de l'année, les fêtes et assemblées, la chasse, la pêche,
la musique, la danse,* les modes et usages de la sépulture, les
noms de peuples et de lieux. C'est par ouï-dire seulement que
nous connaissons les derniers fascicules de cette intéressante
collection ; le dernier que la Revue Celtique ait reçu est celui de
1913.
VIII
En même temps que M. Jaffrehnou consacrait un monument à la
gloire de Prosper Proux en publiant sur sa vie et ses oeuvres une
thèse de doctorat en breton, dont la Revue Celtique a parlé (t.
XXXI\', p. 467), il prenait l'initiative de faire élever au poète
chansonnier un monument figuré dans sa ville natale. Le Guerlesquin
(canton de Plouigneau, Finistère). Ce monument, œuvre commune
des sculpteurs Hernot pour la stèle en granit et Quillivic pour le
buste en bronze, était prêt en 1914. Il n'a été inauguré que le
21 septembre 1919. La cérémonie, présidée par M. Etienne Port,
comportait, comme il convient, plusieurs discours. L'un notam-
ment fut prononcé par notre collaborateur et ami le doyen
G. Dottin, qui, en remettant le monument au nom du comité
I. Et non A. Le Roux, comme il a été imprimé par erreur dans la
Revue Celtique, t. XXXV, p. 242.
Revue Celtique, XXXVIII. 25
^yi Chronique.
d'organisation à la ville du Gueriesquin, a fait l'éloge de l'auteiii
populaire de Bomba rd Keriic.
IX
Les journaux gallois ont signale, en lui donnant toute l'impor-
tance qu'elle mérite, la nomination du D"" Edwards, évêque de
Saint-Asaph, en qualité d'archevêque métropolitain de la princi-
pauté. C'était une conséquence de la loi de « Disestablishment and
Dedotation » qui avait prononcé l'autonomie de l'église galloise.
Les quatre évéques de Saint-Asaph, Bangor, St David's et Llandaf,
libérés du serment canonique qui les rattachait à l'archevêché
deCanterbury, durent faire choix del'un d'entre eux comme arche-
vêque. Bien que l'évêque de Saint-Davids eût pu faire valoir
l'antiquité de son siège, fondé par l'apôtre national du pays,
c'est l'évêque de Saint-Asaph qui a été choisi comme étant le plus
ancien en fonctions. Le Right Rev. Alfred Geors^e Edwards
occupait en eft'et depuis 31 ans le siège épiscopal de Saint-Asaph.
Depuis le 1" juin 1920, date de la_ cérémonie d'intronisation, il est
le premier archevêque national du Pays de Galles.
X -
L'Université de Galles compte aujourd'hui quatre collèges.
Aux trois anciens, ceux d'Aberystwyth, de Bangor et de Cardift,
vient en effet d'être ajouté un quatrième qui a son siège h Swansea.
La Faculté des Sciences en a été organisée dès l'année scolaire
1920-192 1. La Faculté des Lettres y fonctionnera à la rentrée
d'octobre 1921. La chaire de langue française sera occupée par
miss Mary Williams, doctoresse de l'Université de Paris, qui
enseignait jusqu'ici le français au King's Collège de Londres en
qualité de rcader. La chaire de gallois a été donnée à M. Henry
Lewis, qui était auparavant à l'University Collège de Cardiff
assistant du Professeur W. I. Gruffydd.
L'University Collège de Swansea, comme celui de Bangor, ne
comptera que deux facultés. On sait que ceux d'Aberystwyth et
de Cardiff en ont chacun trois : l'unique faculté de droit du
Pays de Galles est à Aberystwyth et l'unique faculté de médecine
à Cardifï, s'ajoutant chacune aux deux facultés des Sciences et des
Lettres. Mais l'University Collège de Bangor a donné un grand
Chronique. 37^
développement à l'enseignement de l'agriculture, qui forme une
section spéciale rattachée à la Faculté des Sciences. On dit que
l'activité de l'University Collège de Swansea s'orientera surtout
vers l'enseignement technique des sciences appliquées.
XI
Il s'est créé en 191 9 une Socicic dlnatoife et d'archéologie de
Bretagne, qui se superposera de façon utile aux diverses sociétés
locales, répandues à travers les cinq départements. En un moment
où l'on s'occupe partout de centraliser et de coordonner les efforts,
la nouvelle société doit réussir dans une province qui a toujours
compté un grand nombre de travailleurs dévoués à l'étude de son
glorieux passé. Les deux présidents d'honneur sont Mgr Duchesne
et M. J. Loth, deux Bretons membres de l'Institut. Le bureau de
la société réunit plusieurs chartistes et archivistes qui se sont
consacrés à l'étude de la Bretagne. Il y a un comité général et des
sous-comités par départements. Le secrétaire général est M. H, du
Halgouet (à Coetsal, par Sainte-Anne d'Auray), qui reçoit les
adhésions ; la cotisation des membres ordinaires est de 16 fr. par
an, rachetable moyennant un versement de 200 fr. En versant
300 fr. on est membre fondateur.
La société espère publier un volume annuel de Mémoires et un
Bulletin périodique. Le champ de ses études comprendra tout le
passé de la Bretagne jusqu'en 1848 ; il embrassera donc aussi la
préhistoire et la linguistique celto-bretonne. La publication d'une
collection de textes ou de travaux d'ensemble est envisagée pour
l'avenir.
XII
La question d'Irlande a inspiré récemment en France plusieurs
discours ou articles qui méritent une mention. M. Marc Sangnier,
député de Paris, a prononcé le 28 juin 1920, à l'hôtel des Sociétés
savantes, un éloquent discours « Pour l'Irlande libre », qui a paru
depuis en brochure (Société des éditions de la Démocratie,
32, boulevard Raspail, i fr.).
Tout récemment a paru à la librairie Plon-Nourrit une brochure
de 136 pages de M. Sylvain Briollay, L'Irlande insurgée. Elle est
très favorable à la cause de la liberté irlandaise.
374 Chronique.
Sous la signature Stephen Brown, S. J., les Etudes ont publié
trois importants articles sur la crise irlandaise dans les numéros
des 20 janvier, 5 février et 20 février 1921.
M. Maurice Bourgeois a donné à la Revue de h semaine illustrée
(l'^r avril 1921, p. 31-46) un article sur la « Psychologie du Sinn
Fein », et à la revue Les langues modernes (15 avril 1921, p. 185-
190) une note sur « l'Irlande et l'empire britannique ».
Enfin, on trouvera dans la revue Scientia du i" avril 1921
(p. 281-300) un article signé J. Vendryes sur « la crise irlandaise ».
On annonce d'autre part l'apparition prochaine d'une nouvelle
édition du livre de M. L. Tréguiz (ci-dessus, p. 200), considéra-
blement auementée.
XIII
Dans la matinée du dimanche 12 décembre 1920, la seule biblio-
thèque publique que possédât la ville de Cork pour ses 90.000
habitants, la Carnegie Free Library, fut anéantie parle feu. Tous
les journaux ont rapporté les circonstances tragiques dans
lesquelles l'incendie avait été allumé et propagé. Ce fut un des
épisodes les plus dramatiques de la guerre engagée par les forces
de la couronne contre les patriotes irlandais. Il ne faut pas se
laisser abuser par l'euphémisme de « représailles » sous lequel on
tenta de présenter à l'opinion publique comme des mesures de
o-uerre légitimes les attentats des Black and Tans contre une popu-
lation laborieuse et paisible, contre ses instruments de travail, ses
habitations, ses propriétés. Il n'est pas de raison valable aux yeux
d'un homme civilisé pour justifier pareille politique. L'incendie
des II et 12 décembre 1920 anéantit un des plus beaux quartiers
de la ville de Cork, y compris l'hôtel de ville et plusieurs grands
magasins. La Carnegie Free Library fut atteinte en dernier par les
flammes : il ne resta du bâtiment que les quatre murs, et les
14.000 volumes qu'elle contenait furent réduits en un tas 4^ cendres.
Le Library Committee a lancé un « Appeal for books » dont nous
détachons les passages suivants :
We are forced to issue this urgent appeal for books to reestablish
our Library which was patronised almost exclusively by working men
and womcn, serious young studeuts, and also school children for whom
we had a spécial Juvénile Section.
Gifts of books, large or sniall, vvill be very gratefuUy received. A spécial
book-plate, inscribed with the name of the Donor, will be put on every
Chronique. 375
book. As we must rebuild from the beginning, practically every class of
book will be useful.
. . . We confidently appeal to ail those who, without distinction of creed,
race or class, wish to help in this humanitarian and educational réparation.
We appeal in particular to ail those who are members of the great world
of Letters and Art — dramatists, poets, authors, editors, scholars, teachers,
clergymen — to contribute, were it only a single volume each, to our
peaceful endeavour to reestablish a Free Public Library in our devastated
Citv. Hducational, literary, scientific and charitable institutions may also,
we hope, be led to send us books. And there must be very many indivi-
dual book-lovers who will be onlv too happy to spare from their librariës
a few volumes to contribute to the happiness and éducation ofothers less
fortunate.
Books maybe sentto the Librarian (James Wilkinson, F. L. A.), School
of Art, Cork.
XIV
Nous avons reçu la circulaire suivante, relative à la chaire de
celtique de Jésus Collège, à Oxford, laissée vacante par la mort
de sir John Rhys (v. Rev. Celt., t. XXXVI, p. 418) et restée
jusqu'ici sans titulaire.
JESUS PROFESSORSHIP OF CELTIC.
The Electors to this Professorship intend to proceed to an élec-
tion of a Professer, to come into office on October i, 1921.
Candidates are requested to send in their applications, with such
évidence of their qualifications as they may désire to submit, to
the Registrar of the University, University Registry, Oxford, so as
to reach him not later than August3i, 1921. T^w copies of the
letter of application, and of any testimonials submitted, should be
sent. The choice of the Electors will not necessarily be limiled to
those who apply.
The Professer will be a Fellow of Jésus Collège, and will receive
from the Collège £ 400 a year ; in addition he will receive from
the University Chest £ 200 a year.
It will be the duty of the Professer to lecture and give instruction
on the Celtic Languages, Literature, and Antiquities.
The Professer is bound by the Statutes of the University to
réside within the University during four menths at least in each
academical year.
He is also bound to lecture in two at least of the three Univer-
sity Ternis. His lectures must extend over a peried net less in
any Term than six weeks, and not less in the whele than fourteen
weeks, and he must lecture twice at least in each week.
57^ Chronique.
The Professer is also subject in respect of résidence and duties
to the General Régulations laid down in Statt, Tit. IV'. Sect. i. § 3
(Oxfonl Uiiiversity Sintiitcs, éd. 1920, pp. 68, 69). Copies of thèse
may be obtained froni the Registrar of the University.
G. Lhudesdorf,
Registrar of the University.
University Registry, Oxford,
May lé, 1921
XV
On annonce la publication à la librairie Hachette d'un traité de
phonétique latine de M. C. Juret. Le nom de l'auteur suffit à
marquer l'intérêt du livre et à piquer la curiosité des lecteurs. On
sait en effet avec quel talent vigoureux et original M. Juret a repris
des problèmes maintes fois retournés avant lui et en a renouvelé
les solutions. Il est vraisenihlable que la linguistique celtique
pourm tirer un grand profit du livre qu'il consacre à la phoné-
tique latine. Il y a lieu toutefois d'avertir les celtistes qui seraient
tentés d'en faire la commande que le livre est rais en vente au prix
de soixniile-qiiiiiie francs ! La plupart d'entre eux verront là une
prohibition, non moins difficile à enfreindre que les geasa de la
légende irlandaise. Il est vraiment bien inutile d'éditer des livres
d'étude si l'on empêche les étudiants de se les procurer.
Ouvrages récents dont il sera rendu compte ultérieurement :
A. Longnon, Les noms de lieu de la France, V partie. Paris,
Champion, 1920.
Rev. P. Wsihh, Leahhar Chlahute Sttihhne. Dublin, 1920.
Lady Gregory, V-isions and Reliefs, 2 vol. Londres, G. P. Putnam's
Sons, 1920.
J. Vendryes.
PÉRIODIQ.UES
Sommaire. — I. Annales de Bretagne. — II. Revue des Études anciennes.
— m. Mémoires de la Société de Linguistique. — IV. Bulletin de la
Société de Linguistique. — V. Le Fureteur breton. — VI. Eriu.
I
Le tome XXXIV des Ankales de Bretagne contient dans les fas-
cicules 2 et 3 l'édition avec traduction française du texte irlan-
dais de « la Langue toujours nouvelle », Tenga bilhiiua (p. 190-
207 et 278-297). Il s'agit de la langue de l'apôtre Philippe, qui
neuf fois coupée, repoussa neuf fois pour faire connaître aux sages
liébreux assemblés sur la montagne de Sion la veille de Pâques
les mystères delà nature, mers, sources, fleuves, pierres précieuses
et arbres étrangers, cours des astres et races des homiBes, ainsi
qu'une description de l'enfer et du séjour des bienheureux. C'est-
à-dire que le texte appartient à cette littérature de visions et de
révélations, issue des Apocalypses, dont la fantasmagorie était bien
faite pour charmer l'imagination des Celtes. On possède plusieurs
rédactions du Tenga hithtnia. L'une, conservée dans le Manuscrit
de Lismore, a été publiée avec traduction anglaise par Whitley
Stokes dans Eriu, II, 96-162 ; deux autres ont été publiées par
M. Dottinavec traduction française dans la Revue celtique, t. XXIV,
p. 365-403 et t. XXVIII, p. 277-307. Celle que donne aujour-
d'hui M. Dottin aux Annales de Bretagne est tirée du Manuscrit de
Paris (fonds celtique n" i, f" 24 a 1-27 b 3). Il y a peu de dif-
férences entre cette rédaction et celle du manuscrit de Rennes
publiée au tome XXXV de la Revue celtique. Il était néanmoins
utile de la publier à cause des variantes qu'elle présente ; en géné-
ral la forme est plus archaïque dans le ms, de Paris que dans celui
de Rennes. Au point de vue du fond aussi, on pourra, grâce à
M. Dottin, faire une étude fructueuse de ce curieux texte et cher-
578 Périodiques.
cher notamment à en reconstituer l'original, qui était certainement
écrit en latin. P. 192, début, je traduirais : car c'était pour la race
d'Adam « tète en sac » et « saut dans une maison obscure »...,
c'est-à-dire « saut dans les ténèbres » comme nous disons « saut
dans l'inconnu ». P. 278, 1. 6, on notera le tour /// rig amhi laim
{ cath « le roi en la main de qui elle est dans le combat », archaïsme
égaré dans ce texte plein de formes modernes.
M. J. Loth étudie aux pages 51-56 l'irlandais acher, le gallois
agenv et l'irlandais accarh. Ces trois adjectifs qui expriment la vio-
lence et la rudesse ont souvent été considérés comme des emprunts
au latin. Le savant auteur les restitue au vocabulaire du celtique
commun. Les inscriptions ogamiques présentent un nom propre
Aheras (gén.) qui rend vraisemblable l'existence d'un celtique
*akero-, confirmée par le vieux-breton aceruission gl. hirsutis. Donc
acher son de *akero- . Le gallois agenu (5. An., 19, 4 Evans ;
Cynddelw dans M. A., 189 b 44) est en vieux-gallois y^c^rw, Ache-
rii, Aggeru (Lib. Landau. 235, 297, 279) ; il remonte donc à un
celtique *(ihenj-o. Quant à l'irlandais moyen accarh, auj. agarhh, il
a un correspondant dans le gallois agariu ; tous deux remontent à
un celtique *ad-garuo-. — P. 188-190, M. J. Loth fait un tableau
du traitement de la particule privative an- dans les langues cel-
tiques.
Les amis du breton et de Le Laé se réjouiront "d'apprendre que
l'étude de M, Esnault, interrompue par les années de guerre, est
reprise au fascicule 5 du tome XXXIV des Annales, p. 519-362.
Il s'agit d'un commentaire au texte du Morin, publié comme on
sait avec toute la minutie et l'acribie d'un philologue dressé aux
méthodes classiques dans les tomes XXVIII et XXIX du même
périodique (de janvier 1913 à juillet 1914).
II
Dans la Revue des Études anciennes, t. XX, p. 38 et suiv.,
M. Loth étudie « le mot hoiii dans une inscription gauloise de Ca-
vaillon et l'ogamique koi ». 11 s'agit d'une inscription qui a
d'abord fait l'objet d'une étude de M. Mazauric (Revue du Midi,
Nîmes, 1910) et que Rhys a examinée depuis (Proceedings of the
British Academy, vol. V, 1912, p. 7-1 1) ; elle est aujourd'hui au
musée de Cavaillon, avec quatre autres trouvées également dans
cette localité. Le mot koui par lequel elle se termine est identifié
par M. Loth au mot koi qui apparaît sur sept inscriptions oga-
Périoiiiques. 379
miques. Or, ce mot est considéré par M. Marstrander comme le
locatif du thème démonstratif */i'o- ; cf. irl. ce « ici » (Êriu, V, 143).
L'adverbe koi aurait une valeur indicative de lieu ; déjà M. Maca-
lister y voyait l'équivalent du latin hic iacet ÇSiudies in Irish Epi-
grapby. Part III, pp. 83-84). Ainsi l'inscription ogamique Corrbi
koi maqi Lahrialt[os] doit se comprendre : « [Pierre] de Corb ici, le
fils de Labraid ». L'ordre des mots de cette inscription mérite une
remarque. C'est, on le sait, un vieil usage indo-européen de placer
toujours, entre le nom propre et l'apposition qui le détermine,
tantôt le substantif dont il dépend, tantôt tel autre mot de la
phrase. Cet usage est attesté aussi bien en indo-iranien qu'en
grec, en germanique, en latin (cf. Wackernagel, Indog. Fschg., l,
429 ; Thommen, die IVortstelliuig im nachvedischen Altindisch tind
iiii Miflelindiscbeii, Gûtersloh, 1903, p. 54 et suiv., § 82-89 5 ^ic-
ckers, die Stelhing des Verbs im griechischeti, p. 80; et surtout
W. Schulze, die lateinischeu Eigennamen, p. 128, n. 4). Par
exemple, on dit en grec ancien : (^a-jcTou totco; Ntii'.wtou, X'.xoÀàou
àvâOT,u.a 'Pooiou ou AiiçYÔvoç atytô/oio comme en norrois runique
Hurnhura staiii Suipks ou en vieux-haut-allemand Davides sun thés
guateii (Otfrid, III, 10, 10) ou Davides se^ tbes Jaininges (\d., I, 5,
28).
M. C. Jullian continue la série de ses « Notes Gallo-romaines ».
Sous le numéro Ixxvij il défend, p. 43 et suiv., le caractère indo-
européen des Ligures contre M. Piganiol. Ce dernier dans sa thèse
publiée en 1917, Essai sur les origines de Rome, p. 13, a soutenu
que les Ligures, qui ne seraient point des Indo-européens, repré-
senteraient la civilisation des temps néolithiques et du premier
âge du bronze. M. C. Jullian lui répond par des arguments connus
de nos lecteurs (v. ci-dessus, p. 91 et suiv.), sur la race et le nom
des Ligures, symbole de l'unité italo-celtique.
Sous le numéro Ixxviij, p. 113 et suiv., il signale la présence
d'une serpette, à côté du maillet et du pot, sur un autel provenant
de Psalmodi (en Bas-Languedoc, près de la Camargue), et consacré
à Silvain. Celui-ci serait donc tout simplement un dieu rustique et
agraire ; et bien hoin de chercher un sens cosmogonique aux repré-
sentations que nous en avons conservées, il faudrait voir dans ses
attributs des allusions à la culture de la vit^ne.
Le n" Ixxix (p. 169-180) reproduit une lecture faite à l'Acadé-
mie des Inscriptions sur l'Alsace gallo-romaine. L'auteur y
réunit tous les témoignages qui établissent le caractère celtique de
l'Alsace à l'époque gallo-romaine.
Dans le tome XXI de la même Revue, M. J. Loth étudie,
iSo Périodiques.
p. 263-270, le gaulois Arcautodan et le nom de l'argent chez les
Celtes. Le mot en question figurant sur des monnaies, on l'a tra-
duit par a préposé aux monnaies, essayeur, vérificateur, directeur »,
ce qui est hypothèse pure. M. Loth retrouve la syllabe dan dans
platiodoniii (C.I.L., XIII, 6676) et daiimim (f /;/</., 4228) et croit
pouvoir donner à cette ancienne hypothèse une confirmation en
rapprochant du mot datinos l'irlandais </<?//, gallois dawn « talent,
profession, fonction ». 11 passe ensuite en revue les formes du
nom de l'argent dans les langues celtiques.
Dans ce même tome, suite des notes gallo-romaines de M. Jullian.
Le n" l.xxxi est consacré à l'origine de l'assemblée druidique
(p. 27-32). Le savant auteur y montre combien il est nécessaire
de remonter au delà du texte de César ; l'état politique de la Gaule
un siècle avant notre ère ne gardait plus que. quelques survivances
d'un état plus ancien, politico-religieux, commun à tout le nord-
ouest de l'Europe, où la société avait sur le sol de la Gaule à
la fois son cadre naturel, fourni par la contrée, son centre sacré,
ses organismes locaux, ses communions humaines. C'est pour cette
société que le druidisme était fait ; c'est au milieu d'elle qu'il
fonctionnait régulièrement. On en peut faire remonter la date
mille ans environ avant notre ère. Reprenant et précisant les don-
nées du problème dans le n'^ Ixxxij (p. 102-110), M. C. Jullian
marque l'importance du pagtis, unité politique plus ancienne que
la ciiiitas, et qui a toujours maintenu son individualité religieuse ;
la Gaule a dû être pendant une certaine période constituée par un
demi-millier de petits royaumes, correspondant à autant dt pagi :
les rois qui y étaient en même temps prêtres formaient entre eux
comme une fédération, dont l'assemblée druidique des Carnutes
était la sanction religieuse. Les hypothèses qu'établit M. Jullian
pour la Gaule pourraient recevoir certaines confirmations d'une
comparaison avec l'état religieux et social de l'Irlande primitive. 11
y aurait entre les deux sociétés des analogies frappantes. Ajoutons
que dans chacun des fascicules dch Revue, M. C. Jullian continue
sa chronique gallo-romaine, toujours si riche de faits et d'idées,
mine précieuse pour les celtistes.
III
Dans le tome XXI -des- Mémoires de la Société de Linguis-
tique, M. Meillet a publié p. 249 et suiv. un article sur les noms
du (I. jeu » et de r « eau » et la question du genre . Il j a illustré
Périodiques. 381
d'exemples empruntés à des langues variées une théorie originale,
suivant laquelle la catégorie indo-européenne du genre représen-
terait en partie l'opposition d'animé et d'inanimé, qui s'observe
chez plusieurs peuples non civilisés et notamment chez les Algon-
quins. Le fait est que pour certaines notions générales d'ordre na-
turel, les langues indo-européennes possèdent parfois deux mots,
l'un neutre exprimant la notion sous sa forme d'objet matériel
immobile, l'autre, masculin ou féminin, exprimant la notion sous
forme de personnalité agissante. C'est le cas en particulier pour
l'eau et pour le feu. A côté de mots comme grec uowp et r.Zo, got.
luato et foti, tokharien luâr ctpor, arm. jnr et bur^ ombrien utur et
pir, qui sont neutres ou remontent à d'anciens neutres, on ren-
contre des mots comme skr. apah (plur.) et agnih, zend cijs et
(Ifars, lat. tiuda ou ciqtia etigiiis, lituanien vandû et iignis, qui sont
de genre animé (masculin ou féminin). La différence des deux
valeurs est encore sensible en sanskrit védique, où le neutre uda-
hitn s'oppose à apah, le premier désignant l'eau en tant que chose,
le second en tant qu'être personnifié (R. T., V, 45, 10). La valeur
« animée » du latin uuda ressort du fait que l'élément à nasale
inséré à l'intérieur du mot est le même que l'on rencontre dans le
verbe sanskrit unàtli. La même explication s'applique à l'irlandais
nisce, masculin, qui a un suffixe -sk-, identique à celui du verbe
germanique ivaskan (cf. Rev. Celt., XXX, 209). C'est donc en cel-
tique comme en latin le nom de genre animé qui a prévalu dans
le cas de l'eau.
En ce qui concerne le feu, M. Meillet nous paraît avoir été trop
prompt à admettre l'opinion exprimée par M. Thurneysen (Haiid-
biicb, p. 198), suivant laquelle il n'v aurait en irlandais qu'un mot
masculin teiie, gén. tened, comportant au datif singulier une double
forme, leiiid et fein '. Une ancienne doctrine, admise par W'hitley
Stokes dans son Urkeltischer Sprachschat;, p. 125, établissait une
î. La forme de duel dd tene (Corm., s. u. heUaine) est de toute façon
embarrassante. L'absence d'aspiration du / indique un mot neutre. Ce pour-
rait être une forme de pluriel {*tepnesa) employée en fonction de duel.
Mais d'ailleurs on ne connaît pas exactement la forme de nom. ace. duel
des thèmes neutres en -es- ; l'exemple indagnc Sg. 168 a 3 est ambigu, vu
que le mot gnè tendait à être indéclinable (Thurneysen, Hdh., p. 209).
Par conséquent dâ lem conserve une valeur entière. Il est vrai que Stra-
chan y voyait une forme de singulier en fonction de duel (^middle Irish
Declension, p. 39); mais n'a-t-on pas datbetiid dans L. L. 99 a 28 en face de
dd tene Lee. 48 b ? Ce pourraient bien être les représentants de deux mots
originellement différents.
382 Périodiques.
distinction entre un mot ien, neutre, thème en -es-, et un mot iene,
masculin ou féminin, thème à dentale. Le datif iein (attesté en
vieil-irlandais sous la forme bo-tcn « par le* feu » Ml. 31 d 4 ; cf.
assinteiti, var. -tcii, dajis l'Hymne de Fiacc, v. 48), s'explique aisé-
ment en partant d'un thème neutre *tepnes- ; la métaphonie a pu
être entravée par le groupe -[p]ii- (v. Pedersen, Vgl. Gr., I, 249 et
II, 103).
Le mot teiie au cours de l'histoire hésite entre le genre masculin
et féminin. En irlandais moderne c'est au féminin qu'il s'est fixé ;
mais dans le gaélique d'Ecosse, on rencontre les deux genres,
suivant les dialectes (cf. Mackinnon, The Celtic Revieiu, VI, 303).
Semblable hésitation dénonce souvent un ancien neutre (v. Rev.
Ceît., XXXI, 535). Il est donc permis de croire avec Whitley
Stokes que le celtique possédait jadis pour désigner le feu un mot
neutre teii, répondant à l'avestique Infnah-, et un mot masculin
iene, dérivé de la même racine au moyen d'un suffixe *-yât- ou
*-yejot- (Pedersen, Vgl. Gr., II, 103). Du moins, M. Meillet
aurait-il eu intérêt à mentionner cette hvpothèse au nom même de
la doctrine qu'il se proposait d'établir'.
Le tome XXI des Mémoires contient aussi p. 39 et suiv. quelques
Etymologies, parj. Vendryes ; le celtique y est intéressé, notam-
ment en ce qui concerne le nom de la noix (irl. cnù, gall. cnau ;
V. toutefois J. Loth, Rev. Celt., XV, 227), le nom de la saleté ou
souillure (irl. saî, salach, etc.) et celui du bief (gallo-roman
hedo-).
IV
Le BuLLETiM DE LA SociÉTÉ DE LINGUISTIQUE, tome XXII, fas-
cicule I, contient p. 24 et suiv., une note signée J. Vendryes, sur
le rapprochement des trois mots « gotique wulbus /^?/'" uoltus et
gallois gweled ». Ces mots sortent d'une racine "uel-, qui signifiait
(' voir » ; le sens de « choisir, désirer, vouloir » que la racine
*iiel- présente ailleurs (en indo-iranien, en baltique, en slave, en
I . Le celtique a un bel exemple d'opposition entre inanimé et animé
dans le cas du mot oes (aes) qui a en irlandais deux genres et deux flexions
différentes: oes neutre (gén. dis Sg. 65 b 5) désigne la vie, l'âge, le cours
du temps ; oes masculin (gén. oesso) désigne les gens qui vivent, le peuple,
et sert couramment de pluriel à fer dans l'emploi déterminé. Voir la note
au Thésaurus, p. 117 n. d et cf. Thurneysen, Hdh , p. 171 et 187.
i
Périodiques. 583
germanique, en latin), paraît secondaire et dérivé du précédent.
M. Loth (Rev. Celt., XV, 94) avait déjà signalé combien le pas-
sage est aisé du sens de « voir » à celui de « vouloir ».
V
Malgré les difficultés de l'heure présente, le Fureteur breton
continue doucement son activité. Nous relevons dans le n° 58
(t. X, janvier-février 1920), outre deux notes signées L. Gougaud
(« Aménités » sur les Bretons et Le peintre Gauguin en Bretagne^, les
résultats d'une enquête de M. Gaston Esnault sur Le poilu de Bre-
tagne; parmi les mots enregistrés figure p. 109 le mot ^«V^on, donné
comme en usage pendant la guerre au 71"= de ligne pour désigner
la viande de porc conservée. L'emploi du mot en ce sens est bien
antérieur à la guerre; il était courant en 1896 parmi les soldats du
ii7«de ligne au Mans. Esf-il d'origine bretonne ? C'est fort dou-
teux, encore qu'il y eût alors au 117*= une assez forte proportion
de recrues provenant des arrondissements de Lorient et de Pon-
tivy.
VI
Le second et dernier fascicule du tome VIII de Ériu débute par
un fort intéressant article de M. J. Baudis « on the antiquity of
the kingship of Tara » (p. 101-107). Cet article corrobore et
complète sur quelques points ceux que M. Loth a consacrés dans
la Ra'ue des Études anciennes (t. XVII, p. 195 et t. XIX, p. 35) à
l'omphalos chez les Celtes (cf. R. Celt., XXXVII, p. 142 et ci-
dessus, p. 92). Il a pour objet de prouver qu'avant l'arrivée des
Milésiens en Irlande, Tara était déjà un lieu important comme
capitale d'une sorte de royauté sacerdotale. Le roi de Tara était
investi de pouvoirs surnaturels ; il était soumis à une série d'in-
terdictions {gesa) ; mais aussi longtemps qu'aucune infirmité ne
diminuait sa puissance, il exerçait une action sur le monde phy-
sique, sur la marche du soleil, sur la végétation, sur la fécondité
des troupeaux. On retrouve certains de ces traits dans nombre de
légendes et notamment dans celles du cycle de l'Ulster', Le cycle
I. Voir notamment dans le même fascicule à' Eriu, p. 154, le fragment
de la Tdhi bô Ftidais, où il est dit que le soleil ne se montra pas tant que
384 Périodiques.
de Tara, cycle méndionnl, est cependant antérieur au cycle de
rUlster ; celui-ci, qui est le cycle de Conchobar et de Cuchullin, a
donc absorbé plusieurs éléments caractéristiques du cycle du Sud,
qui est celui de Conaire Mor (cf . Ériii, VI, 134).
De M. Baudià aussi est l'article suivant. Notes on Ibe preverhal
partides (p. 108-113); le savant auteur est d'accord sur plus d'un
point avec les conclusions d'un article sur la place du verbe en
celtique paru en 191 1 dans les Mémoires de la Sociéiè de Linguis-
tique (cL Rev. Celt., XXXIII, 154). C'est pour l'article en question
une garantie d'exactitude, qui est fort précieuse.
Viennent ensuite : de M. Lucius Gwynn une note sur Leahhar
Gabhàhi nnd the Book of Lciuster (p. 114-116) et de M. R. I. Best,
Pahvographical Notes, II (p. 117-119), sur la seconda manus du
Lehor )ia hUidre.
M. Best publie dans le même fascicule deux curieux textes. L'un
est de pur folk-lore : Progiiosticatioiis from the ravcn and the wreii
(p. 120-126). Dans la Lorica qui lui est attribuée, Colum Cille
repousse les présages tirés des oiseaux {iii adraim do ^othaih en),
déclarant n'avoir d'autre druide que le Chrhl (^is é nio drai Crist mac
De). Mais l'usage de la divination par les oiseaux fut certainement
répandu en Irlande; il suffit pour s'en convaincre de lire le Fia-
chairecht et le Dreanachl que publie M. Best d'après le ms. H. 3.
17 (col. 803 et 831); ce sont des recueils de règles à suivre pour
interpréter les présages fournis respectivement par le corbeau et le
roitelet. On sait par ailleurs le rôle que joue le roitelet dans le
folk-lore brittonique (cf. J. Loth, Rev. Celt., XX, 342). — L'autre
texte édité par M . Best appartient au cycle épique de Conchobar,
bien que les événements qu'il raconte soient postérieurs à la mort
de ce prince. C'est le Cath Airtig, « Bataille d'Airtech », provo-
quée par le partage de l'Ulster qu'effectua Cuscraid le bègue, fils
de Conchobar. Ailill et Medb réclamaient le Crich Maland, qu'ils
n'avaient, prétendaient-ils, cédé à Conchobar que sa vie durant.
Un conflit s'éleva, qui fut réglé parles armes: les gens du Con-
naught (Fir 01 nEgmacht) furent finalement battus par les gens
de l'Ulster. Mais les pertes furent sévères des deux côtés ; notam-
ment Benna, fils de Conchobar, et Cel, fils d'Ailill et Medb, périrent
de la main l'un de l'autre. Le texte du Cath Airtig est conservé
dans deux manuscrits, le Book of Lecan, p. 342 a, et le H. 3. 18 de
Fergus régna sur l'Ulster. Ce « sombre règne » {diihh-JtaitJ}es) dura sept
ans au bout desquels Conchobar fut restauré dans le trône dont il avait
été chassé.
Périodiques. ^85
Trinity Collège, p. 724. Il présente de nombreuses difficultés que
M. Best a élucidées avec sa science habituelle.
P. 133-149, Miss Margaret Dobbs publie cinq fragments inédits
de la Tâiii bâ Flidais, appartenant à une recension non utilisée jus-
qu'ici, conservée dans le ms. B. IV, i de la Royal Irish Academy,
f° 127. Ils sont surtout importants par les noms de lieu et les
détails topographiques qu'ils renferment sur une région du Con-
naught que M. \\'estropp a récemment étudiée du point de vue
archéologique (JourtwloftheR. Soc. of Autiquaries,^. XLII etsuiv.,
notamment t. XLIV, p. 148).
P. 135-160, Miss Eleanor Knott publie un morceau tiré du Book
of Lecan (p. 135 a 34); on v raconte comment Mongân, fils du roi
d'Ulster Fiachna Mac Boetan, fut privé de postérité pour avoir
à plusieurs reprises tourné en dérision Eochaid Rigéices, poète-
supréme {ardjili) d'Irlande. En Irlande, les poètes ne sont pas
seulement irritables; ils sont dangereux pour ceux qui les attaquent,
comme l'a montré M. Robinson (cf. Rev. Celt., XXXI\', p. 95).
La même érudite philologue publie p. 191-194 un poème «'sur la
fuite des- Comtes » (v. Rei'. Celt., XXXV, 245) signé du poète
Ainnrias Mac Marcuis. Ce poème a fait l'objet d'une analyse de
Standish O'Grady dans son Catalogue, p. 397-399 ; il est empreint
d'une mélancolie que les circonstances ne justifiaient que trop.
Il convient enfin de citer les articles suivants: On the form im-
parrà (L. U., 55 a 35) par Alf Sommerfelt (p. 12e); Notes on
some passages in the Brehon Laws, par Charles Plummer (p. 127-
132); Quidam Scotigeua .i. Discipulus Boethii, par Robin Flower
(p. 150-154).
C'est M. Osborn Bergin qui a fourni la plus grande part du fas-
cicule, avec la suite de son édition des Irish grammatical Tracts,
dont nous avons plus haut annoncé le commencement. Il a donné
aussi les notes suivantes : sur le vieil-irlandais conmherad (Thés.
Pal., 1,488; glose de Turin), qu'il interprète comme un imparfait
du futur du verbe conbiur « je conçois » (p. léo); sur le verbe
sirid « il cherche », qui ayant Vi radical bref doit être séparé de
l'adjectif sir « long » (p. 196). Il a en outre publié un court
poème tiré du Book. of the O'Conor Don et signé de Bonaventura
O'Hussey, dit « An Brathair bochi gioUa Brigde » (« le frère
pauvre compagnon de Brigitte ») ; ce poème en quatre strophes
traite de la fragilité de la vie humaine (p. 195-196). Enfin, sous le
titre M^/nVrt (p. 161-169), il a publié d'importantes notes addi-
tionnelles au précis de métrique irlandaise de Kuno Mever et étu-
dié la prétendue loi suivant laquelle voyelle longue pourrait rimer
3^6 Périodiques.
avec voyelle brève. Cette loi, proposée par K. Meyer, avait été
contestée déjà par M. Thurneysen {Z. f. celt. Phil., XI, p. 36).
M. Bergin ajoute divers arguments propres à la faire définitive-
ment rejeter.
J. \'endryes.
i
NÉCROLOGIE
Louis TIERCELIN
Né à Rennes, Louis Tiercelin avait dix-huit ans quand il fit jouer
au théâtre de sa ville natale deux comédies-proverbes en vers :
L'occasion fait le larron^ L'habit ne fait pas le moine. La même année
(i8é8) il fondait une revue appelée tout simplement et joliment La
Jeunesse. Son principal collaborateur était Frédéric Le Guyader qui,
quelque vingt ans plus tard, devait le définir avec un rare bonheur
Le poète de la Renaissance Bretonne.
Puis, comme tout jeune homme qui sent monter en lui la sève
des beaux vers, il s'en alla à Paris ainsi que son héros Keruzel. Là,
il fréquenta le Parnasse sis passage Choiseul où se réunissaient chez
Alphonse Lemerre, les poètes de l'époque : Coppée, Leconte de
Lisle, José-Maria de Hérédia, SuUy-Prudhomme, Catulle Men-
dès, etc. . . A l'école du poète magnifique des Trophées, de l'hiéra-
tique et somptueux auteur des Poèmes Barbares, il se plia à la disci-
pline parnassienne. A Hérédia ne disait-il pas :
pétais l'humble petit poète qui s'ignore,
C'est toi qui m'enseignas, Maître, cet art sonore
D'accoupler savamment et les mots et les sons.
J'ajoute tout de suite que Louis Tiercelin, autant que bien
penser, savait écrire bien. Sa langue était châtiée, son vers
harmonieux, sonore, jamais amorphe. Il connaissait exactement
tous les secrets de la métrique, les jeux multipliés des rythmes et
des rimes (car à l'Inspiration doit s'unir le métier), mais il pro-
clamait aussi que la poésie n'est que rêve et musique. Les mots
pour lui n'avaient de valeur que s'ils exprimaient avec netteté la
pensée. Sa poésie toute personnelle — ses familiers reconnais-
saient ses vers à leur facture — se prétait également aux récits
Revue Celtique, XXXVIII. 26
588 Nécrologie.
simples, intimes, aux belles évocations lyriques ou épiques. Louis
Tiercelin devait être toute sa vie un fidèle servant de la poésie et
de la beauté et par conséquent ne souffrit jamais que le souci de la
forme muselât son inspiration.
Successivement parurent Les Asphodèles, ses premiers vers réunis
en volume (1873), L'Oasis (1880), Primevère, poème (1881). En
même temps son tempérament dramatique s'affirmait par Un voyage
de Noce, drame en quatre actes, en vers, joué à l'Odéon, et divers
actes, notamment : Corneille et Roiron, Le Rire de Molière (Comé-
die Française, 1887). Puis après avoir donné Les Anniversaires ',
poèmes nationaux dédiés au duc d'Aumale, pas assez connus (ah !
lisez dans Une nuit au Grand Bé cet admirable entretien où con-
versent, autour de la tombe de l'Enchanteur, le Jeune homme,
la Bretagne et l'Ombre), il revenait à Rennes et ne devait plus
se séparer de la Bretagne. Aux lauriers il préférait les ajoncs. Or il
se trouva que précisément beaucoup de jeunes poètes florissaient
en ce temps-là sur la terre d'Armor. Tiercelin comprit sans tarder
que sa tâche était de les grouper, de les initier aux secrets des vers,
de les mettre en valeur. Cette idée se réalisa par la publication du
Parnasse Breton contemporain, anthologie réunissant près de cent
poètes dont beaucoup ignoraient la joie de voir leur signature
imprimée.
M. Ad. Van Bever ^ a dit très justement « que cette publication
devait marquer une étape et réaliser les ressources d'une géné-
ration impatiente de se produire ». La glorieuse Renaissance
Bretonne commençait, . .
Le I) octobre 1889 paraissait le premier numéro de VHermine,
revue mensuelle, à la naissance de laquelle j'eus l'honneur de col-
laborer avec nos amis SuUian Collin, actuellement inspecteur géné-
ral des Assurances générales à Lyon, et Guy Ropartz, aujourd'hui
directeur du Conservatoire National de musique de Strasbourg.
Sur la couverture semée d'hermines était inscrite la devise de Marie
de France, reprise par M. de la Borderie « Bretaigne est poésie ».
En faisant sienne cette devise, Louis Tiercelin signifiait que sa vie
1. Consuher pour la bibliographie de Tiercelin, Camille Lemercier
d'Erm : Les Bardes et poètes nationaux de la Bretagne annoricaine, Rennes,
Plihon et Hommay — Paris, Sansot.
2. Les Poètes du Terroir, t. I, Paris, Delagrave, éditeur, 1908.
Nécrologie. ■ 389
littéraire serait consacrée à l'exaltation de son pays. Ah ! ce furent
vraiment de belles années d'enthousiasme, de ferveur lyriques !
A l'un des dîners du Parnasse Breton et de V Hermine qui nous réu-
nissaient pour fêter l'apparition d'un volume de vers, Anatole Le
Braz s'écriait en breton : « Tiercelin a fait une chose grande,
il a rassemblé autour de lui quiconque rêve de voir encore le
drapeau de la Bretagne onduler au vent, quiconque est décidé à
maintenir droit sa hampe. »
Entre temps, Tiercelin et moi tramions de petits complots pour
stupéfier Monsieur Prudhomme. Nous nous y efforçâmes en
publiant le Pour Fuir . . . titre énigmatique que justifiaient, si j'ose
dire, ces deux vers sur la couverture de ce livret anthologique :
Loin du monde banal où l'ennui tend ses toiles,
Fuir à travers le Rêve, au pays des étoiles ! . . .
« En la maison de l'Hermine, 41, faubourg de Fougères, tel,
chaque mois, tiré à très petit nombre, un livret dé vers paraîtra,
respectueusement dédié à l'un des maîtres de la poésie contem-
poraine. Le prix de chaque livret est fixé à un franc. Les direc-
teurs : Louis Tiercelin, Edouard Beaufils. »
Nous nous amusions à combiner des dédicaces qui fussent adé-
quates aux personnages et à leurs œuvres, ainsi : « Léon Dierx,
très noble poète mystérieux des Lèvres closes »; « Paul Bourget, ,
poète élégant des tristesses automnales et des âmes que la Vie
inquiète » ; « aux deux bardes bretons, vicomte Hersart de la \'ille-
marqué et François-iMarie Luzel en qui revit l'âme poétique des
Gwenc'hlan et des Hervé »,etc.. . Il y eut dix livrets (1890-1891),
Le dernier fut dédié « au poète dont l'initiative vaillante, par le
Parnasse Breton et par l'Hermine, a fait jaillir en Bretagne une
merveilleuse floraison de poésie, à l'ami dont le nom éveille tant
de sympathies bretonnes, à Louis Tiercelin ». Il avait été con-
venu, au début de notre direction, que nous écririons en collabora-
tion une sextine qui figurerait en tête de chaque livret. Quelles
joutes passionnées ! Je nous revois encore dans le cabinet de Tier-
celin, l'un marchant de long en large, criant les vers pour en
éprouver le nombre et la sonorité ; l'autre écrivant, et parfois,
debout tous les deux, récitant la strophe achevée avec les gestes
congruents ! Ah ! la farouche ardeur avec laquelle nous empoi-
gnions les crins de la déesse ! . . .
Toutes ces choses sont passées,
Comme l'ombre et comme le vent . . .
390 ' Nécrologie.
Brusquement, comme un vent de Fronde souffla sur Rennes et
la Bretagne. Dans le même temps que V Hermine publiait mes Bul-
letins séparatistes, Tiercelin proclamait l'indépendance de la Bre-
tagne sous le gouvernement du duc de Chareite qui s'appelait
Jean III. Neuf évêchés, neuf comtés ; Monseigneur Bécel, évêque
de Vannes, était promu archevêque de Rennes et primat de Bre-
tagne ; M. J. Loth ', professeur à la Faculté des lettres de Rennes,
devenait — nouveau M. de Fontanes — grand-maître de l'Univer-
sité de Bretagne. La langue bretonne obligatoire; V Hermine, jour-
nal officiel du duché, etc.. Le fonctionnement du nouveau
régime était prévu jusqu'aux moindres détails et cette quasi-insur-
rection s'accomplissait avec l'agrément du gouvernement français
que présidait Carnot. Malgré cette assurance quelques-uns prirent
la chose au sérieux et faillirent en référer au ministre de Tinté-
rieur !
Il est vraisemblable que pendant cette crise de bas-bretonisme
aigu, Tiercelin se détermina à apprendre la langue bretonne. Sur
la harpe et La Bretagne qui chante renferment une série de poèmes
écrits en breton, dont certains sont dédiés « à mon savant ami
J. Loth » pour remercier de ses conseils l'éminent celtisant. Dans
Brei:^ad er Baradoi, le poète se présente à nous comme un homme
de la ville
Me 10 eiinn den a ger
qui a étudié à l'école de Rennes, est devenu — un poète renommé
au pays de France —
Bmx brudet e e bro Chall
mais qui pourtant n'est pas heureux. Alors il apprit le Breton —
avec (les) livres des gens savants —
Me nieiii^ desket ar Bre^ounek
Gant levriou ann dtid gui:(iek.
Et il termine ainsi : Dans le paradis de Dieu, par sa grâce, —
Je serai un vrai Pantalon-large, — qui parlera la bonne langue.
I. Je me fais un devoir de remercier ici M. Loth, professeur au Collège
de France, membre de l'Académie des Inscriptions et Belles-Lettres, d'avoir
bien voulu m'accueillir dans cette revue.
Nécrologie. 391
Er Barado{ Doue, dre he chras,
A ve^o eur gwir « Bragou-bras »
A gomio ar te^ vad.
Narcisse Quellien ', cet être falot, chimérique (une sorte de
Gérard de Nerval breton), dont la façon de sentir et d'exprimer était
légèrement souffreteuse et gauche — maladresse donnant au récit
plus de poésie et de rêve — qui fut écrasé par un chauffeur dont
le nom était Agamemnon Schliemann ! inspira à Louis Tiercelin
cette « Plainte sur la tombe du barde Quellien »:
Emin true:{ eo d'eur Bretoiin, d'eiir Bar:(,
Mervel he unan e Paris
Mervel peU dioch tour ann Ilis
El leach ma ann anaoun ebar~.
« C'est une pitié pour un Breton, un Barde — De mourir tout
seul, à Paris, — Mourir loin du clocher de l'église — Où sont les
âmes dedans. »
Ce pauvre Quellien que j'ai bien connu et aimé s'en est allé er
Baradoi Doue . . .
Malgré le labeur incessant qu'exigeait la direction de l'Hermine,
malgré l'article de tête mensuel Choses de Bretagne où le poète,
le chroniqueur — et le polémiste parfois — s'unissaient brillam-
ment ; ses incursions de critique averti, curieux « à travers les
Lettres et les Arts », Tiercelin continuait de travaillera son oeuvre
personnelle. En 1892 le Théâtre de Rennes représentait Une soirée
à Vhôtel de Bourgogne, comédie en deux actes, en vers, reçue et
distribuée deux fois à l'Odéon, que son auteur tinta voir jouer sur
la scène même où sa première pièce avait vu le feu de la rampe.
L'année suivante, j'assistais à l'élaboration de son drame en vers
Le Ciliée, qui se passe dans la Byzance du x^ siècle. Chaque jour,
entouré des livres où il cueillait des documents, il me lisait le dia-
logue ou la scène ou même l'acte achevé. Ce drame ne fut jamais
joué, non plus que Le Cœur sanglant (l'Ecosse au XVF siècle). On
peut se demander pourquoi. Le poète répond fièrement à cette*
question : « .Moins heureux que les honnêtes femmes, ces drames
I . Cf. le délicieux article : Narcisse Quellien et le bardisme armoricain de
Charles Le Goffic, dans YAvie bretonne, première partie, Paris, Champion.
592 Nécrologie.
ont une histoire. J'avais d'abord pensé à la dire dans une pré-
face et je crois que ce récit eût amusé mes lecteurs, à quelques
exceptions près. Je renonce à cette idée. Le drame en vers
est d'un art assez haut pour qu'on ne l'abaisse pas à l'environner
de satire, et si je peux avoir quelques griefs personnels qu'il
me serait facile de conter plaisamment, mes vers ne gagneraient
rien à ce que ma prose leur payât une revanche d'ironie. »
Des années s'écoulèrent, joyeuses, dans la tranquillité du foyer
familial, entre la mère et les quatre enfants : Gabrielle, Stéphana,
Jeanne et Raymond, ces « petites âmes blanches » à qui leur père
dédiait Le Livre Blanc (1892) lorsque la mort emporta subitement
l'aînée.
Ce premieV deuil survenu dans un logis dont on peut dire que
jusqu'alors la vie y avait été heureuse parmi les fêtes et les récep-
tions d'innombrables amis et admirateurs ', décida sans doute Tier-
celin à quitter Rennes et à se fixer définitivement à Paramé, en son
Kerazur, où il devait mourir en laissant un testament immortel, La
Chanson des Vieilles Choses, livre qu'il m'adressait sans dédicace « ne
voulant pas écrire sur sa douleur » !
« Ce n'était pas pour y vivre dans une retraite oisive; c'était
pour y méditer dans le calme, pour se recueillir, pour converser
avec la nature, pour tirer de la vie la haute leçon morale qu'elle
fournit à l'homme de pensée, au philosophe, au croyant, pour
juger enfin de loin les choses et les hommes, les événements, les
crises morales et politiques qui ébranlaient la France alors et qui
le faisaient souffrir, lui, attaché qu'il était aux traditions, aux idées
du passé ^. » Mais comme il était aussi un poète essentiellement
1. Un excellent juge, M. René Gautheron, professeur au lycée de Brest,
au cours d'une conférence faite dans cette ville : Un grand poète Bretoii,
Louis Tiercelin (Vannes, imprimerie Lafolye, 191 3), a très bien discerné
l'attrait qu'exerçait Tiercelin : « La vie de ce poète a été entourée de sym-
pathies innombrables et il savait de quoi il parlait lorsque dans un très
beau symbole, il nous donnait la définition de l'amitié :
La vie éblouissante éclaire nos prunelles,
Mais si la nuit se fait dans le cœur sans espoir
Aussitôt nous voyons rayonner an ciel noir
La lune amie et les étoiles fraternelles.
2. Gustave Allais, professeur à la Faculté des Lettres de Rennes : Chro-
nique d'Histoire et de Littérature de la Bretagne, Louis Tiercelin (extrait des
« Annales de Bretagne »).
Nécrologie. 39^
sociable, qu'il aimait à faire plaisir, à donner de lui-même toutes
les fois que l'on requérait son concours ou même son talent d'or-
ganisateur, il apportait tous ses soins à rendre belles les fêtes franco-
canadiennes en l'honneur du malouin Jacques Cartier (23 et 24
juillet 1905).
En 1898, il convoquait à Saint-Malo Ferdinand Brunetière et le
vicomte de Vogué, délégués de l'Académie Française pour célé-
brer le cinquantenaire des funérailles de Chateaubriand. Ce furent
des fêtes éclatantes, dignes des triomphales funérailles du 19 juillet
1848 par l'éloge de l'auteur du Génie du Christianisme que fit en
la cathédrale de Saint-Malo le Père OUivier, par les discours de
Brunetière et de Vogué. Et Louis Tiercelin écrivait : « En appendant
cette triple couronne d'une distinction et d'un prix inestimables
devant l'immortelle image de Chateaubriand, la Société des Biblio-
philes Bretons a bien mérité de la France et de la Bretagne'. »
Dans le cabinet de travail de Kerazur s'entassaient harmonieu-
sement des objets d'art, bustes, gravures, photographies, trois
bibliothèques, un piano, une harpe. Et il se mettait au piano ou
prenait sa harpe. Louis Tiercelin avait le don mélodique, le sens
de l'assimilation ; de la gaieté, de la verve, de l'à-propos. Il avait
même écrit des Chansons rosses pour Yvette Guilbert et dont on a
vanté la drôlerie étourdissante. Je ne les connais pas, mais je l'ai
entendu jouer de tout à fait charmantes mélodies, notamment l'une
écrite sur des vers de Gustave-Charles Toussaint — un ami de la
première heure. Et il chantait en s'accompagnant de la harpe.
La harpe s'est tue et les chants sont morts.
On a vu briller les dernières flammes ;
Voici qu'on entend les derniers accords :
Un dernier frisson s'éteint dans les âmes.
Oui donc renouera les cordes brisées
Et qui va baiser les doigts douloureux ?
Piano et harpe s'étaient tus depuis longtemps — depuis la mort
I. Le cinquantenaire des funérailles de Chateaubriand célébré à Saint-Malo
les y et 8 août i8çS. Nantes, Société des Bibliophiles Bretons et de l'Histoire
de Bretagne, M.D.CCCXCIX.
594 Nécrologie.
de Simone et la mort de Jeanne — et les doigts du poète devenus
de plus en plus douloureux, lorsqu'un fâcheux qui faisait visite de
cérémonie à Tiercelin eut l'indiscrétion d'ouvrir le piano et d'en
faire résonner les touches. Tiercelin ne protesta pas, mais pleura
silencieusement.
Du mariage de son fils naissait Simone pour laquelle le grand-
père devait écrire des vers qui sont parmi les plus beaux de la
langue française :
Ses pieds arrêtés sur le sable,
Y semblent fixés, et ses yeux
Gardent dans un appel joyeux
Un sourire indéfinissable.
Est-ce un amoureux ? Est-ce un fou ?
C'est cela, mais c'est autre chose . . .
Je ne sais quoi de blond, de rose.,
De blanc, de bleu, lui saute au cou!
Rie^ de ce regard qui brille.
De ces bras serrés ! rie^ bien . . .
Ce nest quun grand-père qui vient
De trouver sa petite-fille.
Ces vers sont extraits de Sous les Brumes du temps dont une par-
tie a pour titre : Son petit livre. Le grand-père le voit entre les
mains de sa Simone, grand'mère, qui le lit à ses petits-enfants :
// faut que vous aimiei ces vers,
Que vous les trouvie:^ beaux et qu'ils vous restent chers
Comme des bijoux de famille.
Et cette enfant à qui — saisi d'un pressentiment sinistre —
« ne grandis pas », disait-il, voici qu'elle s'en allait dans le pays
des anges le 20 novembre 1909, à l'âge de 4 ans. Alors ce ne sont
plus des vers, mais des sanglots, les soulèvements tumultueux, les
palpitations désordonnées d'un cœur — « c'est là qu'est le génie ! »
— qui bat follement sous la poitrine :
Nécrologie. 393
Sur ton oreiller blanc tes pauvres chei'eux d'or,
Ton petit cœur qui se soulevait avec rage
Comme un oiseau qui veut s'envoler de sa cage.
Tes yeux qui me fixaient et me cherchaient encor . . .
Le soleil qui décline, une lanipc qui brille . . .
Des prières qu'on dit . . . des pas dans le jardin . . .
Des bruits qu'on enteiuiait qui se taisent soudain
Tout cela cest la mort d'une petite fille !
Non, ce n'est plus ici de la littérature et ce serait presque faire
outrage à la Chanson des Vieilles Choses que d'en donner un compte
rendu quelconque ou même de la commenter en quelques lignes
qui seraient impuissantes à en exprimer ou plutôt à en faire sentir
toute la détresse infinie et magnifique. Il faut lire ces vers lente-
ment, pieusement, et les commenter en soi-même. Et l'on peut se
demander si la plainte des Contemplations ÇPauca meœ) dépasse en
intensité de douleur le thréne lamenté par La Chanson des Vieilles
Choses où « toutes les conventions ont disparu : la forme n'est plus
que l'expression même du sentiment et de la pensée ' ».
Écoutez plutôt ce grand-père désespéré qui « vit dans sa douleur
comme dans un tombeau » :
Tendant quatre ans, dix mois, huit jours, je vais te suivre.
Voyageur qui retourne au pays bienfaisant.
Tu seras mon poème et je serai ton livre . . .
Je veux qu'on l'aime et qu'on me pleure en le lisant.
Le 5 juin 1910 — six mois après le départ de Simone pour le
grand vovage — un autre deuil s'abattait « sur le bon vieux chêne »
du jardin de Kerazur, l'une de ses filles disparaissait :
Six mois passés ! Six mois et c'est un nouveau deuil!
Cest un autre cercueil sur le petit cercueil !
C'est ma Jeanne, après ma Simone qu'on emporte !
Cest ma fille, après ma petite-fille, morte!
Je ne puis ni parler ni pleurer, cette fois ;
Je suis anéanti, sans larmes et sans voix ;
Depuis qu'ont disparu Simone et Jeanne ensemble
I. René Gautheron, op. cit.
596 Nécrologie.
f ouvre des yeux hagards, je tends ma main gui tremble ;
Je chancelle, courbé sous un poids effrayant;
Je suis comme un infirme et comme un mendiant
Perclus, aveugle et qui s'en va le long des portes,
Un pauvre malheureux quêtant ses chères mortes !
Le dernier mot de la douleur humaine ! Des larmes qui ne
veulent pas qu'on les essuie !
Il convenait qu'au vieux Maître assailli par les deuils allât
l'hommage reconnaissant et respectueux de tous ceux — innom-
brables— qu'il avait guidés, encouragés et qui lui devaient un tribut
d'admiration pour son œuvre de quarante années tout entière
consacrée à la Poésie. Précisément l'Hermine cessait de paraître.
Dans le numéro d'octobre 191 1, il disait adieu aux lecteurs, ses
mains défaillantes laissant à d'autres le soin de continuer cette
revue à laquelle il avait dévoué tout son esprit et tout son cœur.
Et il se fit qu'à l'occasion de la disparition de l'Hermine Madame
Perdriel-Vaissière et moi eûmes la même pensée : réunir en un
Livre d'or les témoignages d'amitié, de reconnaissance, de respect
et d'admiration de ses disciples et de ses amis. Je me mis aussitôt
à l'œuvre avec l'un des plus anciens amis de Tiercelin, le poète
Frédéric Blin ; et le i'^'' septembre 191 2 nous eûmes la joie et
l'honneur de lui offrir, au nom des poètes de Bretagne, cet hom-
mage collectif : Les Poètes de Bretagne à Louis Tiercelin ^= Bar^ed
Breii da Loeii Kersilin, poèmes français, bretons, mélodies. Fête
de famille : mieux, un événement dans l'histoire de la littérature
bretonne. Quelques jours auparavant, à la suite d'un référendum
organisé par le Breton de Paris, Tiercelin avait été élu prince des
poètes bretons. La cérémonie n'en fut que plus touchante et plus
grandiose. Je revois encore son émotion grandissante à mesure
que se succédaient les lectures. Il pleurait en nous embrassant.
Quand les poètes eurent achevé, M. Louis Ménard, un de ses
amis d'enfance, se leva et dit : « Si tu as connu toutes les joies de
la vie, tu en as ressenti les plus grandes douleurs et tu as pleuré
en des vers immortels l'enfant chérie enlevée à ton affection. Que
les amis qui t'entourent adoucissent ta peine. Sois fier de ton
œuvre, car c'est la Bretagne qui vient à toi, te salue et te consacre
le Prince de ses Poètes. »
Au début de 1913, Sous L's neiges paraissait où, entre autres
Nécrologie. 397
poésies, figure une suite de Sonnets épigraphiques dédiés, en guise de
remerciements, à chacun des poètes et musiciens du Livre d'or.
Sous les neiges contient aussi quelques pages pour Simone à !'/;/-
fanti dulcissimœ :
Petits oiseaux, vous qui Fave^ connue,
Ne chante^ plus puisqu'elle nest pas là.
Puisqu'elle nest pas revenue
Quand son grand-père V appela.
Puis, subitement, dans une langue de la plus grande simplicité
mais qui n'en fait que mieux valoir la tragique magnificence des
vers, se heurtent ces propos éperdus :
Tu nés pas morte, n est-ce pas ?
N'est-ce pas que tu n'es pas marie ?
Non, mon espérance est plus forte
Que tous les deuils dont je suis las :
Tu n'es pas morte, n'est-ce pas ?
On ne te voit plus dans m'es bras ;
C'est dans mon cœur que je te porte
Et que tu me parles tout bas. . .
N'est-ce pas que tu nés pas morte ?
Le poète qui a écrit cela ne pouvait survivre longtemps à
VInfanti dulcissimœ. La grande guerre survint, épouvantable cata-
clysme qui devait sans do'Jte hâter sa fin. Pourtant de sa main
tremblante depuis plusieurs années, il écrivit encore quelques
sonnets de guerre. Et tout d'un coup j'appris sa mort — 51 mai
191 5. J'eus la douleur de ne pouvoir m"agenouiller devant le lit
funèbre de celui qui fut mon maître et mon ami et le reste par-delà
la mort. En temps normal je n'aurais pas manqué à ce devoir.
Credo, cresco, ces mots, ou plutôt ces prières, inscrits en tête
de la Bretagne qui croit (pardons et pèlerinages) il a dû se les
répéter en se sentant quitter la terre pour . . .une autre Bretagne en
des mondes meilleurs.
Credo, cresco : « Sur un signe du prêtre je me levai et dans la
piété grave de l'enfant qui a reçu le corps de son Dieu pour la
première fois, je marchai vers l'autel. Et les anges s'inclinaient
devant moi et la Vierge me tendait les mains, souriante. . . » Et je
songe aux divines Béatitudes : « Bienheureux ceux qui pleurent
parce qu'ils seront consolés. » Il l'est. . .
3 98 Nécrologie.
Sullian CoUin, Camille Le Mercier d'Erm et moi avons songé
que Rennes et Paramé devraient donner son nom à Tune de leurs
rues. Je voudrais davantage et mieux. A Rennes une plaque sur la
maison où il est né et une autre rappelant que de la maison de
F Hermine, 41, Faubourg de Fougères, s'envola la Renaissance
Bretonne. Puis à Paramé, en haut du boulevard de Rochebonne,
son buste regardant Kerazur et la mer. . .
Au printemps de 1919, celle qui fut la compagne dévouée de
Tiercelin et non sa moindre admiratrice s'éteignait à son tour.
C'est ainsi que dans la solitude mélancolique de Kerazur — mot
harmonieux enfermant naguère toute la beauté de la mer et du
ciel, ô destin ! — demeure la dernière fille du poète, fidèle gar-
dienne des souvenirs, dépositaire vigilante des reliques et dont je
sais la touchante et spéciale piété envers la mémoire de son père
qui a laissé, inédits, quelques manuscrits : Le Maître de la mer,
adaptation scénique du roman de Melchior de Vogué ; Madame
Justice, drame en trois actes, en prose ; La marchande de Prières,
drame en un acte ; Louis XV et Beaumarchais, un acte en vers ;
deux grands drames Faust et Merlin ; enfin Sophie Arnould, opérette
écrite en collaboration avec Docquois et Aubert, musique de
Charles Levadé. Avec cette liste elle me remettait le beau sonnet
que voici, les derniers vers écrits par le Grand Poète Breton :
PRINTEMPS
Un écho douloureux de cette guerre infâme,
Chaque jour plus intense, arrive jusqu'à moi.
Et voici redoubler ma joie et mon eflTroi,
Aux succès, aux revers, qu'on cache ou qu'on proclame.
Le renouveau sourit dans l'azur qui s'enflamme ;
Le jardin tout en fleurs, ignorant mon émoi,
Epand autour de nous son charme frais et coi ;
La chanson d'un bouvreuil met du bonheur dans l'âme.
Des cris de mort, là-bas ; ici, cette douceur;
Ce calme pénétrant et ce trouble obsesseur ;
Cet immense tumulte et cette paix profonde. . .
Et pendant que je sens, soudain, triste ou joyeux.
Grelotter dans mon cœur la vieillesse du monde.
Le printemps de la terre illumine mes yeux.
10 mai 1915.
Edouard Beaufils.
TABLE DES MATIERES
CONTENUES DANS LE TOME XXXVIII
ARTICLES DE FOND
Pages
Répertoire des fac-similés des manuscrits irlandais (5e partie), par
Dom Louis Gougaud i
An Old Welsh Gloss, par E. G. Q.uiggi\ 15
Armon Armenia, par le même 16
Initial g in Welsh, par le même 17
Les vins de Gaule en Irlande et l'expression fin aicneta, par J. Ven-
DRYES 19
Le système verbal dans In Cath Catharda (suite), par Alf Sommer-
FELT 25
Notes étvmologiques et lexicographiques (suite), par J. Loth
48, 152, 296
Place-names of Pictland, par Francis C. Diack 109
Life of Saint Alexis, par Joseph Dunn 133
Alternances AI : a ; OU : 0, par J. Loth 144
Breton homm « mât qui maintient la base de la grande voile », par
Alf SOMMERFELT I 78
La première apparition des Celtes dans l'Ile de Bretagne et en Gaule,
par J. Loth 259
The Reeves Manuscript of the Agallamh na Senorach, par Douglas
Hyde ^ 289
Columbanus and Rome, par M. V. Hay 315
A propos du nom des Germani, par Jérôme Carcopino 319
NECROLOGIE
Karl Brugmann (J. Vendryes) 256
Joseph Déchelette (H . Hubert) ■ 240
Richard Henebry(J. Vendryes) 248
A. Héron de Villefosse (H . Hubert) 244
André Oheix (F. Duine) 245
Peter O'Leary (J. Vendryes) 252
F. DE Pachtère (J. Vendryes) 248
400 Table des matières.
E. C. QuiGGiN (J. Veiidryes) 250
p. ScHRADER (J. Vendryes) 256
"L. Tiercelin (E. Beaufils) 387
BIBLIOGRAPHIE
Cahek (Maurice), La libation (J. Vendryes) 345
Cahex (Maurice), Le nom de Dieu en vieux Scandinave (J. Ven-
dryes) 350
CzARNOwsKi (Stefan), Le culte des héros et ses conditions sociales.
Saint Patrick, héros national de l'Irlande (J. Vendryes) 332
DoTTiN (Georges), La langue gauloise (J. Vendryes) 179
DuixE (Abbé P.), Mémento des sources hagiographiques de l'histoire
de Bretagne (J. Vendryes) 358
Feist (S.), Etymologisches Wôrterbuch der gotischen Sprache, I
(J. Vendryes) 185
Poulet (L.), Petite syntaxe de l'ancien français (J. Vendryes) 354
Gruffydd (W. j.), BlodeugKvm o Englynion (J. Vendryes) 208
Hyde (Douglas), Gabhaltais Shearluis Mhoir (J. Vendryes) 351
JoBBÉ-DuvAL (E.), Les idées primitives dans la Bretagne contempo-
raine (J. Vendryes) 361
Lawlor (H. J.), St Bernard of Clairvaux's Life of St Malachy of Ar-
magh (J. Vendryes) 338
Meyer (Kuno), Miscellanea Hibernica (J. Vendryes) 187
O'Nolan (Gerald), Studies in Modem Irish, Part I (J. Vendryes). . 192
PiM (H. Moore), A short history of Cehic philosophy (J. Vendryes). 188
Tréguiz (L.), L'Irlande dans la crise contemporaine (J. Vendryes).. 200
Vallée (P.), Vocabulaire français-breton de Le Gonidec (René Le
Roux) 218
White (Newport J. D.), Saint Patrick, his writings and life (J. Ven-
dryes) 344
Williams (Ifor) et Roberts (Thomas), Cy wyddau Dafydd ab Gwi-
lym a'i gyfoeswyr (J. Vendryes)'. 211
CHRONiaUE
Anwyl (Rev. Bodvan) ; son projet d'un Welsh-EngUsh Dictionary . . 227
Bergin (O.), Unpublished Irish poenis 236, 367
Best (R. L), docteur honoris causa de la National University of
Ireland 224
Blakchet (A.) ; son élection à l'Institut 63
BoissoNNADE (M.), les relations entre l'Aquitaine, le Poitou et l'Ir-
lande du ve au ixe sièclc 71
Brœndal (Viggo), les substrats et l'emprunt 368
Table des matières. 401
Chakhmatov ; sa mort 226
Chants populaires de l'Irlande (récentes publications sur les). . . 75, 227
Cork (Incendie de la Carnegie Free Library de) 374
Crise irlandaise (articles récents sur la) 375
Cross (T. P.), TYstoria Tristan 80
CuRTis (E.), the spoken languages of médiéval Ireland 231
DoTTiN (G.), correspondant et lauréat de l'Institut 224
Église de Galles (le nouveau métropolitain de 1') 372
EspÉRANDiEU (E.) ; son élection à l'Institut 63
Freeman (A. M.), collecteur de chants populaires irlandais. . . . 77, 227
Gaidoz (H.), Doux érudits gallois : J. Rhys et Llywarch Reynolds. . . 66
GouRviL (F.), le breton dans l'enseignement 237
Jeanneret (M.), la langue des tablettes d'exécration latines 69
Jésus Collège d'Oxford (Vacance de la chaire de celtique à) 373
Livres nouveaux 376
LoTH (J.), les études celtiques et leur importance 64
MoRDiERx (Meven) et Abhervé, suite et fin des Noteniioii dhuar beini
ar Gelted ko^ 371
National Library of Wales ; récentes acquisitions 226
NiEDERMANN (M.), édition du de Medicamentis de Marcellus de Bor-
deaux 67
Poissox (G.), le cavalier à Tanguipède en Auvergne 364
PoKORNY (J.), le tokharien et le celtique. 79
— l'année de neuf mois en celtique 238
Proux (Prosper) ; son monument 371
Rubbâyât (traduction des) en gallois et en irlandais 369
Saussure (F. de), le nom d'Oron 363
Snyder (E. D.), The Wild Irish 228
Société d'histoire et d'archéologie de Bretagne (création d'une) 373
Swansea (création d'un University Collège à) 372
ToRNA ; sa traduction des Rubhdydt en irlandais 369
Walsh (P.), Muirchu biographe de saint Patrice ., 366
Williams (Parry) ; sa nomination à l'University Collège d'Abervst-
wyth 225
PÉRIODIQUES
Annales de Bretagne, t. XXXIV 377
Bulletin de la Société de Linguistique, t. XXII. 382
Comptes rendus de l'Académie des Inscriptions et Belles-Lettres
(1916-1918). 84
Ériu, t. VIII 93,383
Fureteur breton (Le), t. X 383
Indogermanische Forschungen, t. XXXV-XXXVIII. 103
Journal of the Folk Song Society, t. VI 77, 227
402 Table des matières.
Mémoires de la Société de Linguistique, t. XXI 380
Revue des Études anciennes, t. XVIII-XX 90, 378
Romanic Review (Thie), t. IX 96
Sitzungsberichte der preuss. Akademie der Wissenschaften (191 5-
1918) 100
Zeitschrift fur vergleichende Sprachforschung, t. XLYIII 98
Le Propriétaire-Gérant : Edouard CHAMPION.
MAÇON, PROTAT FRKRES, IMPRIMEURS
TABLE
DES PRINCIPAUX MOTS ÉTUDIÉS
AU TOME XXXVIIT
DE LA REVUE CELTIQUE'
I . Gaulois ou vieux celtique et ogamique.
(Voir pp. S-j-Gi), 71, 84, 181-186, 260, 283, 325).
AKERAS, gén., 378.
A/ro-, 182.
alauda, alouette, 67.
Alisa, La Roche ? 184.
AUobrogas, ace. pL, 184.
Alventium, 114.
Alvinca, 1 14.
Ambiani, 328.
an- privatif, 378.
-ani, 528.
-antia, 124.
-antis, 124.
-anto-, 124.
-ara, 116.
Arae, 116.
arcantodan, magistrat monétaire,
380.
Arcobriga, 123.
Arcontia, 123.
Arcunios « très haut », 121.
are-, sur, 187.
Artinios, 125.
asia, seigle, 184.
Atax, 88,89.
ate-, très, 130.
Atebodua, 1 30.
Atecingus, 130.
Atecotti, 130.
Augustonemetum, 221.
Avara, Aura, 107.
barca, maison (faite de bois), 303.
BATTIGNI, gén., 148.
bedo-, bief, 382.
Belenus, 366.
Bibracte 241.
-bios, existence ? 153.
bitu-, monde, 153.
Biturigas, ace. pL, 184.
BIVADI, 124.
Bivelius, 124.
Bissonia, 124.
Boresti, 115.
Bormo, 324.
Boruo, 89, 90.
boud-, bod-, bud-, 181.
Boudicca, 124.
Bremenion, 126.
Bremia, 126.
-bria, 182.
brigantes, gl. uermiculi, 67, 303.
Brigantes, 125, 231.
Brigantium, 125.
Brigiani, 125.
Brissinios, 125.
Brittani, 281.
Brittones, 280-282.
-brog-, pavs, 281.
bruca, bruyère, 303.
budduttonimon, 88.
I. Cette table a été faite par M. Ernault.
Revue Celtique, XXXVIII. — Table.
Table des principaux mots étudiés
CAIRATINI, du Sorbier, 145, 146,
149.
camisia, chemise, 187.
Carnutis, 89.
cassi-, 260.
catu-, combat, 186.
Cavarinus, Caurimis, 107.
Cavarius, Caurius, 107.
Ceaiius, 130.
Ceangi, 150.
CELI BATTIGNI, 148.
celicnon, tour, 186,
Cenomani, 528.
KOI, ici, 578, 579.
COILLABOTAS, gén., 148.
COLABOT, 148. '^
COLLABOTA, 148.
com-, avec, 281.
Comani, 328.
Coriossedum, 184.
Corobilium ? 184.
CORRBI, gén., 379.
koui, ici, 578.
CUNACENA, 121.
CUNAMAGLI, gén., 121.
cuno-, haut, 121.
curmi, xouoijLt, xopaa, boisson faite
avec de l'orge fermentée, sorte
de bière, 87, 347.
Damona, 89.
dannos, magistrat, fonctionnaire,
380.
derco-, vue ? 68, 69.
Deua, Arjo-ja, 71, 119, 120.
Ar,ouàva, 1 18-120.
deuo-, dieu, 181 .
Deuona, 71, 118.
Devoni, 119.
DITIBIAS, 154.
DOVINIAS, 125.
Druentia, 122.
druides, druides, 184.
dubro-, eau, 283.
-ento- 124.
Epinia, 125.
Eposterovidos, 1 31 .
Exobnus, sans peur, 150.
gabi, prends? donne ? 88.
gaesum, épieu, 324, 550, 331.
ra'.aaTci armés d'un épieu, 323,
324.
GAMICUNAS, 118.
Garantus, 123.
GATTIGNI, gén., 148, 149.
genta, jeune fille, 87.
Germani ? 328, 331.
geusiae, gencives ? 67.
gnatha, hlle, 88.
Grannus, 366.
lantumaros, zélé, jaloux, 69.
ieuru, 183.
-inia, 125.
-inios, 125.
-ïno-, 147.
Insubri, « très violents », 128.
Isara, 116.
Labara, " la sonore », 117.
LABRIATT[OS], gén., 379.
Lageni, 232.
Laitilo, 150.
Latiliaco, 150.
Latobios, 153.
lalitro, gl. balneo, 107.
Lavaratus, Lauratus, 107.
Lavinius, 126.
legasit, 183.
leuc-, loue-, loc-, lue-, 181.
Leucetio-, 185.
Libnios, 1 18.
Loxa, 117.
Lugi, 126.
Lugidunon, 126.
Lugudunum, 90,91.
LÙGUNI, 126.
LUGUVVE, 154.
-mani, 328.
MA(iI, du fils, 379.
marcos, cheval ? 68, 69.
marcosior, je désire monter à che-
val, 87, 183.
-maros, grand, 69.
matuberginni, 89.
Menapii, 231.
moni, viens ? 88.
Kabalia, 1 16.
NaÇâcoj, gén., 116,
Nebis, 113.
Nemesa, 114.
au tome XXXVI II.
nemeton, sanctuaire, 114, 220, 221.
Nertomaros, fort, 69.
Neviasca, 113.
Niiiobriges, les fameux dans le com-
bat, 125.
Nitiogenna, 125.
Novantae, 121.
Novios, 121.
ogro-, froid, 150.
Ogroni, 1 50.
-onto-, 124.
Orbius, 151.
Ossismii, 259.
pempe-, cinq, 183.
petru-, quatre, 86.
platiodanni, magistrats chargés des
voies et places, 380.
Pretania, 280, 281.
n&£T[T]av'./.a'. 'n\'jrjt., 280.
Raura, 107.
'P'.VOOOJVOV, 188.
rio-, 182.
rumpotinum, sorte d'arbuste, 144.
Sabrina, 128.
Samara, 116.
Savara, 107.
Scava, 127.
Senomagli, Senemagli, 146.
Senones, Sênones, 184.
slog-, slug-, 181.
Smertullus, 366.
sonnocingos, marche du soleil ?
313.
Suebri, 128.
Taixali, 117, 118.
Tanaros, 117.
Tannetos, 117.
Tannius, 117.
Tarvedum, 131.
Tarvos, le Taureau, 131.
tecco, saumoneau, 185.
teut-, tout-, tôt-, tut-, ICI, 181.
-tino-, 147.
TOICAKI, TOIKACI, gén., 148,
149-
TUCACAC, 148, 149.
Turia, 121.
Turobnga, 121.
Turones-, puissants, 122.
Turoni, 122.
Uromagus, champ de l'auroch, ou
d'Uros, 364.
Uxisama, 259.
Vailathi, gén., 148.
VAILUBI, 148, 149.
VALUBI, 148, 149.
Valuco, 150.
VALUVI, 148, 149.
O'japaf'.; îl'a/uT'.;, 116.
veadia, les fuselées que tient le
peson ? 87.
vebro-, ambre, 283.
VELITAS, du poète, 103.
Venetis, 89.
ver-, vr-, sur, très, 122.
Vercingetorix, 122.
vernemeton, 122.
verno-, aune, 113.
Vertigernos, 122.
uertraha, 182.
Verturiones, très puissants, 121, 122.
Via, 126.
Viamos, 126.
Vidacos, 131.
Vidimaglus, éminent en savoir, 131.
Vimina, 126.
vimpi, belle, jolie, 87.
Vindobios, 153.
Vorbia, 114.
Vorgio, 128.
Vorgium, 128.
VORGOS, gén., 128.
VOTECORIGAS, gén., 130, 301.
Voteporigis, gén., 130, 301.
IV
Table des principaux mois éludiés
II. Irlandais.
(Voir pp. 3 5-47, 73, 77, 78, 86, 92, 94-99, loi, 103-105, 107, 182, 186,
193-195, i99> 313, 349' 353, 356, 360.)
abar, pièce de terre marécageuse ;
argile, ou tourbe pour engrais ;
embarras, difficulté, 48, 49.
ablach, charogne, 49.
accarb, agarbh, rude, acerbe, vio-
lent, 378.
acher, violent, rude, 578.
ad-, perfection ; addition, 49, 50,
61.
-ad, 3= sg. et pi. prêt, passif, 37.
ada, rites consacrés, 348.
adbol, adbul, adbal, adhbhal, puis-
sant, grand, vaste ; énorme,
immense, 50.
adfet, il raconte, 32.
aél, souffle, 100.
âer, aér, gén. aéir, air, 51.
ag, daim, 52.
agid, il pousse, 104, 105, 107.
agus, et, 199.
ahél, aél, âial, brise, 51.
aicned, nature, 2\.
aige, célébration, 53.
ail, rocher, 184.
ail, reproche, blâme, outrage, 56,
186.
Ailbe, 153.
aile, aill, autre, 52, 53.
âin, pousser; célébrer, 53.
aingim, je proiége, 106.
airde, aoirde, hauteur, 148.
Aime Fingein, La veillée de Fin-
gen, 96.
aiss, rivière, 53.
-âiste, -âge, 234.
aithbe, aithbhe, reflux, déclin, 53.
aithberim, je reproche, 54.
aiihcheôdh, refus, 129.
aithrech, -each, repentant, pénitent,
. 54, 55-
aithrige, repentir, 54, 55.
al, au delà de, 99.
il, portée (de truie, de chienne),
couvée, progéniture, petit d'animal,
55.
àlad, -adh, blessure, mauvaise dis-
position à l'égard de, 56.
alam, troupeau, 55.
Alba, Ecosse, 129, 130.
alid, il nourrit, 105, 107.
ail, rocher, 184.
am, je suis, 39-41.
-am, -em, noms d'agent, 188.
ambi laim, (le roi) en la main de
qui elle était, 378.
an, est-ce que. . . } 194.
an-, privatif, 578.
anair, poème laudatif, 56.
anair, anâir, anoir, de l'est, 187.
an daoine, les gens qui, que, 199.
andôit, église métropolitaine, 129.
anfoss, turbulence, agitation, 57.
anglan, impur, 58.
araossa, gl. manet, 59.
arase, airesc, stipulation, 58.
arattù ? car tu es, 195.
arbenim, je frappe, je coupe, 59.
arbeir biuth, i! consomme, 98.
arbur, blé, 100.
ard, drd, haut, 59, 148.
ardfili, poète suprême, 385.
Armenia, fer Menia, 16, 17.
arneutsa, j'attends, 106.
as, pic, 59.
as-, ess-, de, 61.
-as, -ais, -is, 1 16.
at-, 27, 61.
atâ, il est, 41-44.
-atar, 3e pi. prêt., 36-38.
atbailim, eablaim, je meurs ; atbaill,
adb-, qui meurt, 61, 62.
atberim, je dis, 27.
atcim, je vois, 27, 28.
Athfliotla, Atfoithle, 129, 130.
athir, père, 103.
atregim, je me lève, 105.
Baethin, 148.
bàg, bataille, 186.
bâgach, belliqueux, combatif, 60.
au tome XXXVIII.
bagdiste, bagage, 234.
bàid, durable, 186.
bainteiss, fête nuptiale, 298.
Balder, 102.
Banba, Irlande, 129, 151, 132.
barann, colère, fureur, 132.
barc, hampe de lance, 133.
barc, livre, 304.
barc, palais, forteresse, 303.
barc, abondance, plénitude ; fureur,
attaque impétueuse? 305.
bârcaim, j'éclate, 394.
barclann, bibliothèque, 304.
bare, bara, colère, 152, 153.
-be, existence ? 153.
Bec Eriu, 132.
bélat, passage, chemin de traverse,
I-20.
Beltene, fête du ler mai, 336.
ben, ace. bein, femme, 100.
benn, corne, pointe, 152.
Beothach, 124.
berim, je porte, 25.
béso, est peut-être, 99 .
biail, hache, 186.
binit, f. présure, 188.
biu, je suis, 195.
blâr, champ, 116.
Blâras, 116.
bliadain, année, 238, 239.
bludaid, briseur, 97.
bô na leath adhairce, la vache à une
seule corne, alambic d'un bouil-
leur de cru, 228.
boc, mou, tendre, 186.
Bod Fheargusa « Pénis de Fergus »,
92.
bongim, je brise, 155, 304.
brachadh, maltage, fermentation,
306.
bratht, moelle, graisse ; substance
grasse ; fureur, rage, 306.
braich, malt, 306.
braichlind « liquide à malt «, 547.
Bran Find, 100.
brâthir, frère, 103.
breac, tacheté, 116.
Breacas, 116.
breth, enfantement; sentence, 239.
Brettain, Bretons, 281.
brùim, je brise, mets en pièces,
187.
bruth, chaleur, feu ardent, 118.
buadach, victorieux, 124.
Buadnat, 125.
Buaid, 124.
-buich, il vainquit, 100.
bus, bouche, 88.
busôg, pusôg, baiser, 88.
cach coiciudh do coiccedaibh, (dans)
chaque province des provinces),
94.
càer, baie, grain; globe, 146, 149.
cail, lance, 135.
cailc, chaux ; boucher blanchi à la
chaux ; armure revêtue d'émail ?
156.
câin, règle, tribut; réparation, 157.
cdirthen, caerthann, caorthann, sor-
bier, 144, 149.
Cairtin, du Sorbier, 146.
Cait, 130.
callae, jeune chien, 157.
callaire, crieur, héraut, 157.
callôid, querelle, tapage, grand cri,
156, 157.
callôid, querelleur, 157.
camas, courbe d'une rivière, baie,
59>6o.
Camshrônach, au nez crochu, 138.
cdnachus, -chas, coutume, tribut,
cânaini, je punis, trappe d'amende,
157-
Caoilte, 290, 292, 295.
care, carae, ami, 153.
carn, tumulus funéraire, 270, 271.
Carten, Carthand, gén. Carthind,
Sorbier, 147, 149.
càrthenn, sorbier, 147.
casbairdne, bardes de bas étage, 157,
158.
cass, frisé, tondu ; mauvais, fauve,
158.
Cath Muige Tuired Cunga, bataille
de Moytura Conga, 93.
ce, ici, 379.
Ce, Cee, 130.
céasaim, j'afflige, 158.
cel, mort ; ceal, manque, oubli ;
mort, 158.
cel-, cacher, 106.
Cell Fine, 126.
cendais, cennuis, doux, apprivoisé,
353-
Table des principaux mois étudiés
cennmar, -mûr, -môr, à grande tête,
127.
centat, gl. capitulum, 121.
cerddne, art, 145.
ccrt, le droit, 82.
céssad, souffrance, 158.
céssim, céssaim, je souffre, 158.
cet, il est permis, 188.
clethblugaid, briseur d'épieu, 97.
clô, tourbillon de vent, 159.
clôthib, aux clous, 104.
Cluaiu-à-stiallas, 116.
Cluain muerais, 116.
cnàini, je mords, je ronge, inf.
cnàm, 310, 511.
cnâimh, cnâmh, os, 510.
cnù, noix, 509, 382.
cuùass, collection de fruits, cnûas,
collection, 309.
cniiassaim, cnùasaim, je ramasse,
rassemble, 509.
cob, victoire, 186.
cocad, cogadh, guerre, 159.
cocert, arrangement, correctif, déci-
sion, 158, 159.
cocung, laisse articulée, 160.
co fraig, (du foyer) jusqu'au mur ;
complètement, 94.
côic, cinq, 100.
côilàn, caolân, intestin grêle, tripes,
149.
Coilboth, Cdelbad, 148.
côir, le droit, 82.
coire, chaudron, 184.
coirmcheôl, « chant de bière »,
348.
coirmthech, « maison de bière »,
348.
Colmân, 337.
Columban, 337.
Colum Chille, 337.
com-, avec, 53.
combruith, ébuUition, 306.
comdigal, vengeance complète, 162.
commberad, elle concevrait, 385.
comram, dispute, 188.
comrechta, gl. alligatus, 314.
comrûn, secret commun, 159.
comslonnud, parenté; surnom, 161.
conbiur, je conçois, 385.
Conchobar, 336, 384.
condelb, conformité, 161.
congnîm, assistance, secours, 162.
conic, il peut, 33.
coraid, guerriers, 107.
cordiste, courage, 234.
co talmain, complètement ; des pieds
à la tète, 94.
cranngal, bois ; bateau ; hampe de
lance ; crainnghail, treillage devant
un autel ; cercueil ; pipers accom-
pagnant le cortège funèbre, 164.
crech, pillage, 113.
crenim, crenaim, -crinaim, j'achète,
104, 166.
crith, tremblement, 166.
crith, contrat, paiement, 165.
crithiil, gl. emax, 166.
crithir, tremblant ; tremblement,
vibration, 166.
crothim, crathaim, je fais trembler,
166.
Cruithne, pays des Pietés, 1 30,
280.
Cruithnech, Picte, 280.
cruth, forme, 165.
Cruthen, Picte, 280.
Cù cen mâthair, 100.
cûa, creux, 161, 188.
cùach, coupe, 161, 188.
cùadh, cruche, pot, 160, 161.
ciian, meute, portée de chiens ou de
loups ; troupe, bande, 166, 167.
cubhaidh, harmonie, 214.
Cuchulainn, 191.
Cuilinn (Mac-), (Fils) du Houx,
146.
Cuill (Mac-), (Fils) du Coudrier,
146.
cuirm, bière, 347-349, pi. cormand,
22.
cuirmlind, « liquide de bière », 347.
cumbair, cumair, court, bref, 60,
61.
cumbre, cuimre, brièveté, 60, 61.
cumne, cuimhne, souvenir, commé-
moration, 168.
cunutgim, je bâtis, conutuinc, il
bâtit, 187.
daig, flamme, feu, 169.
dàil, portion, part, 170.
dâlim, je partage, je verse, 170.
damàiste, dommage, 234.
damrad, attelage de boeufs, 99.
au tome XXXVIII .
VII
dân, talent, aptitude ; profession,
fonction, 380.
dangen, daingean, solide, fort ; for-
teresse, 171.
Dara, (Mac-), (Fils) du Chêne,
146.
Dâri, 238, 239.
dé-, deux, 71.
deacht, divinité, i ig.
déchorpdae, gl. bicorpor, 71.
deglind, « bon liquide » ? 347.
dér, larme, 100.
derc, œil, 69.
derglind, « liquide rouge », 347.
dériad, gl. bigae, 71.
'dermar, -àr, très grand, 127.
Diarmaid mac Murchadha, 341.
Diarmuid mac Cerbhaill, 336.
dibad, dibhadh, destruction, 170.
dilgend, destruction, 312.
din, dion, protection, abri, toit,
176.
dind, dinn, colline, forteresse ; terre
élevée; biens, 170, 171.
do à, de, 198.
do-, péjoratif, 153, 172.
doberim, j'apporte, 25, 26.
doeccaim, il arrive, 33, 34.
dogoa, il choisit, 103.
dognim, je fais, 28, 29.
doiccim, je viens, 57.
dolmha, lenteur, hésitation, 172.
dorearûasat, qui a créé les espaces
célestes, 95.
doroich, il arrive, 31, 32.
dotaet, il vient, 30, 31.
dotuit, il tombe, 34.
drech, simple d'esprit, 175.
Dregin (Macc-), (Fils) de l'Epine
noire, 146.
drettell, favori, 174.
drui, druide, 131, 145, 184, 584.
drûis, folie ; volupté, adultère, for-
nication, 175, 176.
dnith,fou; impudique, 174, 175.
dû, terre, place, 188.
Dubais, 113, 116.
dubhfhlaithes, sombre règne, 384.
Duibhne, 125.
duinenet, gl. homunculus, 123.
é, hé, il, cela, 196, 197.
éagan, vagabond, 177.
-ebla, il poussera, 104, 105, 107.
-ebla, il nourrira, 105, 107.
-ebra, il accordera, 105.
echrad, attelage de chevaux, 99.
Eichne, 125.
eigean, violence, nécessité, 177.
eite, aile, aileron, plume, 306, 307.
eiteach, plumes, ailes, nageoires ;
serres, 306, 307.
Elga, Irlande, 128, 129, 132.
émdim, je refuse, 296.
er-, accorder, 105, 107.
Eriu, Eire, Irlande, 129, 131, 132,
230.
ermaissiu, viser à atteindre par la
pensée, apprendre, 177.
esarn, vin vieux, 22.
etheis, ailes ? serres ? 306, 307.
étmar, zélé, jaloux, 6<^.
ette, gl. pinna ; pinacle, faîte d'un
rempart, 306.
fâilchon, du loup, ici.
fâilteach, faoilteach, hospitalier,
accueillant, 149.
fâinne, anneau, 297.
fâinne an lae, le point du jour,
297.
fâir, aurore, 297.
Fâlbi, -be, 14S, 153.
faoiseamh, protection, secours; ces-
sation, interruption, 300.
feis, festin, 298.
feiss, s'arrêter, se reposer, 297.
femmuin, gén. femair, algue co-
mestible, 100, 298.
fer, fear, homme, 16, 17.
Fer diad, 103.
Ferp Cluiche, « Pénis de pierre »,
92.
fessin, fadessin, même, 100.
fetar, je sais, 34, 35.
feuchuir, sauvage, 299.
fiach, corbeau, 184.
fid na ifdruad, « arbre des druides »,
sorbier, 145.
Fidach, 130, 131.
fige, fait de tisser, 87.
fili, poète, 103.
fin, vin, 21, 22, 348;— aicneta,
vin naturel, 19, 23, 24 ; — sai-
nemail, vin spécial, 23, 24.
find, blond, 103.
VIII
Table des principaux mots étudies
find, cheveux, 298.
fine, grande fiimille agnatiquc, 335.
Fine, 126.
Finn Mac Umaill, 103.
finnaim, je trouve, j'apprends, 300.
fionnân, longues herbes croissant
en terres marécageuses, 298.
fir, le droit, 82, 83.
firinne, f. justice, 188.
fiu, il passa la nuit, 103, 104.
Flamendaigh, Flamands, 233.
fled, fleadh, festin, banquet, 313.
Flidas ou Flidais, loi, 116.
fo(a)id, il passe la nuit, 103.
fodàlim, je distingue, 170.
Fodla, Irlande, 129, 131.
foessam, protection, 300.
foigera, il brûlera, 97.
follega, (l'encre) fuit, coule, 312.
fondaid, -daig, chars, 97.
fonn, désir, désir ardent, disposition,
pour, plaisir, 305.
fonnam, m. palpitation, 188.
for, sur, 122; for mu mud, à ma ma-
nière, 99.
forémdim, je suis incapable de, je
ne puis, 296.
forosnaim, j'éclaire, j'illumine, 513.
forsunnud, éclaircissement, 313.
fortacht, forthact, secours, 122.
fortige, fordinge, oppresser, 176.
foss, résidence, 59.
fraig, fraigh, paroi, toit intérieur à
la maison, chevrons, 301.
francamus, mercenaire, 188.
friscurethar céill, il honore, 98.
Fuirg, gén. Forgo, 128.
gae, épieu, 323, 324.
Gaethin, 148.
gaibim, je prends, 88.
gairim, j'appelle, 328.
gairm, cri, appel, 328.
-gai, collectifs, 164, 165.
Gall, Gaulois (= Français); Scan-
dinaves; Normands; Anglais, 103,
188.
gart, tête, 123.
ger-, chauffer, 106.
German, saint Germain, 73.
gésa, interdictions, 383.
glainethat, gl. maxilla, 121.
glenaim, je m'attache, 104.
gné, façon, 381.
gnimai, les actes, 99.
gnotha, de l'art, 182.
go, que, si, 200, 357.
Gôedel, 277, 280, 282, 348.
grian, soleil, 366.
gris, chaleur, 310, 311.
hed, edh, cela, le, 197.
hi, -i, qui, 98.
hirec, hirecc, hirrec, arrecc, entiè-
rement, complètement, d'un seul
coup, 95.
-ib, dat. pi. 35, 37, 38.
Ibair (Macc-), (Fils) de l'If, 146.
-icc-, venir, 104.
imbas, gén. immais, magie, 97,
Imbolc, fête du ler février, 336.
indile, bétail; biens, 171.
-ine, -in, 128.
inti, celui qui, 98.
irar, aigle, 99.
is, il est ; c'est, 194-198, 356.
it, ils sont, 196.
-it, 3c pi. prêt, passif, 36-38.
laa, là, jour, 104, 182.
laaim, je jette, 130.
labar, arrogant, 117.
Labrand, 117.
laigim, je suis couché, 105, 106.
Laithbi, gén., 154.
lathe, laithe, jour, 104, 182.
leaca, joue, 100.
Lebor na h-Uidre, 191.
lecht, mort, 311.
legam, m. mite, 188.
lenaim, je suis, 104.
lestar, vase, vaisseau, 90, 100.
létiu, f. fait d'oser, 188.
Lia Fâil, 92.
Liban, 118.
Liber, 1 18.
liim, j'accuse, 50.
lind soôla, « liquide savoureux »,
bière ; lind, bière, 347, 348.
lô, eau, 126.
loch, noir, 90.
lôchet, éclair, 184.
lorg, massue, 186.
Lug, 91, 239.
Lugbe, 153.
au tome XXXVIII.
IX
Lugnasad, fête du i^^ août, 336,
337-
Luighne, 126.
Mac ind Oc, démon, 238.
mac samla, macsamail, compagnon,
semblable, 188.
maccu, appartenant à la race ou à
la tribu de, 367.
machdad, merveille, 567.
Machthene, 367.
machtnaigim, j'admire, 367.
mad tù, « moi et toi », 98.
mâthir, mère, 103.
mbleguin, de l'action de traire, 182.
mennair, tache, 132.
mer, fou, 175.
mess, jugement, 177.
messaim, je pense, 177.
mî, mois, 104.
niid, hydromel, 22, 348.
Midchuairt, « le palais de l'hydro-
mel », 348.
Mochta, 367.
molach, bavard, 310.
molad, louer, 310.
mong, cheveux, 115.
môrfairrge, océan, 188.
morthuatha, tribus ou grands clans,
335-
mue, pourceau, 1 16.
muin, cou, 88.
Muine, 17.
Muirchu, 345, 366, 367.
n-, neutre, 35.
-nat, dim. ; 123 .
nem, ciel, 114.
nemed, sanctuaire, 114.
nertmar, fort, 69.
net, combat, 186.
ni, ce n'est pas, 195, 196.
nia, neveu, 337.
nia, champion, 337.
nith, combat, 125.
no, ou bien, 98, 99.
no, part, verbale, 98, 99.
nôi, neuf, 107, 238.
nôibrethach, aux neuf sentences,
238, 259.
Noine, 238, 239.
nôthe, navires, 104.
nùe, nouveau, 121.
ôa, ûa, 6, petit-fils, 121.
ôbar, uabar, uabhar, vaine gloire,
vanité, 150.
-ôc, dim; 129.
Ocha ou Ochann, Faughan, 95.
ôcht, huacht, le froid, 150, 151,
odbrann, cheville du pied, 151.
odhar, gris, 1 16.
Odras, 116.
oegi, hôte, 103 .
oennat, gl. ulla, 123.
ôes. âes, n., gén. âis, vie, âge, cours
du temps, 187, 382.
ôes, âes, m., gén. oesso, oessa,
gens qui vivent, peuple, 187,
382.
Oisin, 290-295.
olddu, que moi, 99.
ômun, omon, uamhan, peur, 150.
Othain, Fahan, 95.
Patraic, saint Patrice, 73.
persan, persa, personne, 153.
puinn, (pas) guère, 134, 357.
-r, passif, 278.
-rad, collect., 99.
-rais, 116.
râm, fait de ramer, 188.
Remuis na righ, « Reims des rois »,
353-
renim, renaim, je vends, 104, 187.
rethim, je cours, 105.
riad, voyage, 99.
riadaim, je vais en voiture, 99.
ricim, je viens, 32, 33.
rigdùn, forteresse rovale, 188.
rigin, raide, 147.
ro-, prêt., 35.
-roigu, il a choisi, 103, 104.
rolamur, j'ose, 188.
ropp, bête, 186.
rosoich, il atteint, 31.
Rothniamh, splendeur de la roue
(solaire), nom d'une fée, 96.
rud, la chose qui, que, 199.
Sabrann, 128.
saidim, je suis assis, 105, 106.
sal, saleté, souillure, 382.
salach, sale, 382.
Salchoit, 232.
Samhuin,fête du i^r novembre, 336.
Table des principaux mois étudiés
-sat, 3e pi. prêt., 37,> 38.
scél, récit épique, 8i.
scinnit, f. noyau, 188.
Scéine, 127.
-se, -sa, (moi-) même, 98.
sech, sauf que, outre que, 100.
secht solabra filed, sept bons dis-
cours de poésie, 97.
seiche, peau, 100.
Senan, 560.
sgâile, ombre, 50.
silleadh, suinter, 1 16.
Sillis, 1 16.
Sinenn, 97.
sir, long, 385.
sirem, m. animal parasite, 188.
sirid, il cherche, 385.
siurnat, gl. sororcula, 123.
slond, signification, 161.
-sluindim, je désigne, 161.
sméroi'tjSméarôid, charbons ardents,
braise, 366.
sniomh, filer, 88.
solam, rapide, rapidement, 172.
solme, -ma, rapidité, 172.
stiall, raie, 116.
ta, il est, 194, 195.
Tâin bô Cualnge, 92, 95.
Tâin bô Flidais, loi, 385.
tan, temps, 144.
-tan, -ten, coll., 144-146.
-tau, je suis, 195.
techim, je cours, je fuis, 105, 185.
teigmi, je vais, 29, 30.
tein, au feu, 381, 382.
tene, feu, 381, 382.
tenid, au feu, 381.
Ternôc, 360.
-tha, 3e pi. prêt, passif, 37, 38.
-the, 2e sg. impér. dép., 103.
ticim, je viens, 32.
tirthat, gl. agellus, 121.
to-, 100.
todéoir, larmoyant, 100.
Toimdenach, pensif, 367.
toimtiu, pensée, opinion, 367.
toise, besoin, désir, 305.
Tomar, 102.
torbae, profit, 100.
tothlailhe de l'action d'emporter ?
94-
trot, troid, combat, 174.
tuath, clan, 335.
tûa[th], magicien ? secourable, favo-
rable ? loi.
uaithne, douleurs de l'enfantement,
186.
ûar, froid, 150.
ûar, heure, 161.
uath, épouvante, 150.
uisce, eau, 381.
Ui Tomair, 102.
ùr, feu, 163.
urmaisim, je me propose, j'atteins,
177.
i
III. Gaélique d'Ecosse.
(Voir pp. 78, 79, 110-112, 115, 119.)
Abberdeon, Obair-,Abairdheathain,
Obairdhea'in, 118, 119.
-ach, 117.
a' Chabraich, 112.
-ad, -aid, 120-125.
-ag, dim. 117, 129.
àicheadh, refus, 129.
-aidh, 117.
àil, gl. bucca, 120.
Ailid, 120.
Aingleid, étroit, 123.
Airceig, 123.
Aircleit, le défenseur, 123.
airgiod, argad, argent, 125.
Albhaidh,! 14.
Albhais, 114.
Allt Charrais, 115.
Allt Eireann, 13 :.
Allt Gamhnain, 1 18.
Allt Labhrag, 117.
ait, articulation, 113.
Allais, 115.
A'mhaoirn, ' l'Intendance
127.
126,
au tome XXXVIII.
XI
A'Mhaormhairne, ' la Grande Inten-
dance ', 127.
-an, dim., 1 18-120.
annaid, église métropolitaine, 129.
-ar, 116-118.
Arcain, 123.
Arcill, 123.
Argadmeall, ' colline d'argent ",
125.
-as, -ais, 1 12-1 16.
Athôtla, AthuU, ' ceux qui font de
grandes blessures', 129-132.
Bail no, ' nouveau lieu ', 121:
Bainbhaidh, 131.
Banb, -bh, 131.
banbh, jeune pourceau, 131.
bàrc, s'élancer, en pari, de l'eau,
304.
bearna, ouvertures, passages, 127.
beô, vivant, 124.
Beôraid, 124.
beul, bouche, 120.
Bheo'ail (Loch-), 124.
Bialaid, 120.
blâr, (animal) qui a une tache
blanche sur la face, 154.
Braid-, Breid-Albainn, 119, 125.
Braigh-, Bre-Mharr, 119.
Breamhauie, « mugissante », 126.
Breamhainn, 126.
Breichin, gén. Brecini, 128.
Bruithne, 118.
Bruthaidh, 118.
Bruthar, 117.
Bruthrach, 118.
Buadhchaig, 124.
buaidh, victoire, 123, 124.
bualadh, bual, frapper, m.
Buidhchead, « victorieuse », 124.
cam, courbe, 129.
Camaran « au nez courbe » 129.
Cot, gen. pi., 1 30.
Ceannmhar « à grande tête », 127.
-chad, 124.
Cill-ra'ig, -rea'ig, 119.
Cinn-iteis, 115.
cluain, prairie, 113.
Cluaineis, 113.
Cnoc-ùdais, 115.
-cochaill, 124.
Cochraid, 124.
Coillearas, 115, 116.
Comh(a), Comhann, 112.
Conaid, 121.
Conghlas, haute rivière, 121.
Craichidh, Crei-, 113, 119.
creach, pillage, 113.
creachan, endroit balayé par les
vents, 113.
Creicheis, 113.
curcais, roseau, 115.
dail, g. dalach, prairie, 113, 114.
Dalachaidh, 1 14.
Dalach-cùl, 114.
Dalais, 114.
Daras, 115.
Dé, 120.
Dea'in, 1 19, 120.
deamhain, démon, 126.
Dol, 1 14.
Doldaidh, 114.
Dolmach-gearraidh, 114.
dorus, porte, 115.
Dru'aidh, 122.
drùdh, drù, limon, 122.
Druid, 122.
dubh, noir, 113.
Dubhais, 113, 116.
Dul, 114.
Dulsaidh, 114.
Dunleôdha, 115.
Duniuirceis, 113.
Duras, 115.
Eilge, Eilg, 129.
Eilgin, 128, 129.
Eilgnidh, 129.
Eire, Eir, g. Éireann, 131.
Farair, 116, 123.
Farnaid, 116, 123.
Farrais, 115.
fearn, aune, 113, 123.
Fearnais, 113.
Fidhich, 130.
Fine, « qui se meut rapidement »,
126.
fiodh, bois, 130.
fionnchaire, sagesse, 300.
Fortrenn, Forthrenn, Foirthrenn,
122, 130.
fraigh, cloison en lattes, 501.
XII
Table des principaux mots éhidics
freôine, fureur, 128.
Freôinc, 128.
Fuaran mhongaidh, 115.
Fuirbidh, 114.
Fuirbeis, Foirbeis, 1 14.
Fuirgin, 128.
Fi'irené, 128.
gàir, cri, 123.
gamhain, veau, 118.
Gamhar, 118.
Gar, Garadh, 112, 123. '
Garnait, 123.
gead, pièce de terre labourable, 112.
Geadais, 112.
geamhr, geamhradh, hiver, m.
Gleann ruaidhneis, 114.
gobhar, chèvre, 117.
grain, grèin, horreur, 113.
Greineis, 113.
-ine, -in, 128.
Labhair, 117.
-laid, 123.
Leochail, 115.
Leôdhas, 115.
Leôid, 115.
libh-, verser, inonder, 118, 121,
123.
Libheann, 118.
Libheid, 118, 121.
Libhir, 1 18.
lionmhôr, lionar, nombreux, 129.
Lo, 126.
Loch, Lochainn, 112.
Loch Subhairne, 127.
Lochath, -chaidh, 112.
Loine, 126.
Loinn muing, 115.
Losaidh, 117.
Luighne, 126.
madadh, mad, chien, m.
Mairne, Moerne, 126.
maor, intendant, 127.
nionadh, mont, montagne, 11 1 .
mor, mer, 127.
mor, môr, grand, 127.
morair, seigneur, comte, 127.
mormaer, -air, grand intendant,
127.
Mormhairne, Grande Intendance,
muicthèoil, muiceil, viande de porc,
129.
Muighneis, 114.
muing, cheveux, 1 14.
musach, sale, 121.
Musadaih, 121.
Musaid, 121.
Nabhair, 116, 117.
-naid, dim. 122, 123.
-nais, 114.
-ne, -n, 125-128.
neamh, ciel, 114.
Neibheis, 113.
Neimheis, 114.
-nidh, 129.
-nithne, puissante, meurtrière ; puis-
sance ? 125.
no, no'a, nuaidh, nouveau, 120.
No'a, 120.
Noid, 120, 121, 126.
Obair-labhair, 117.
ogha, petit-fils, 121.
-Phùir, -idh, de la pâture, 128.
-raid, 124.
Raitir, Rei-, 119.
-ras, 115.
ràth, rempart de terre, 113.
Ràthais, 113.
Reidh-lùgais, 115.
ruadh, ruaidh, rouge, 114.
seabhag, faucon, 126.
Sgàin, 127.
sorn, four, 128.
srôn, nez, 129.
Strathnithne, 125.
Subhairne, 128.
Tairbh, 131.
Tannar, 117.
Tarbhaidh, 131.
teine, feu, 382.
Tiacais, 115.
tore, tuirc, sanglier, 113.
Tough, 117.
tulach, tertre, 117.
Turaid « fort » 121.
au tome XXXVIII.
XIII
Turraid, 121.
Uisg Labhrach, 117.
Urchath, -chaidh, 112.
IV. Gallois.
(Voir pp. 17, 18, 79, 188, 199, 208-210, 298, 299, 302, 308, 356).
a, et, 199.
aball, décadence, disparition, 61, 62.
aballu, dépérir, 61.
abar, pourriture, terre putride ? 48,'
49-
aber, confluent, 49.
aberth, sacrifice, 49.
abwy, abo, charogne, 49.
Aceru, Acheru, Aggeru, 378.
achas, odieux, 49.
aches, flot, vague; inspiration, 53.
aches, besoin, 53.
achwre, pi. achwrau, parois ou
cloisons à l'intérieur du toit, 301,
302.
add-, très, 49.
addas, convenable, 310.
addfwyn, doux, 49.
addoer, très froid, 49.
adfan, plaine, 152.
adfar, reperitir, 54.
adfeirio, adfeir, reprocher, ^4.
adveil, il décline, 61.
ael, couvée, portée, 55.
aelaw, richesse, 5 5 .
aele, douloureux, triste, 56.
aeleu, douleurs, peines, 56.
aergun, chiens de bataille, guerriers,
167.
agarw, rude, 49, 378.
agerw, rude ; impétueux, rapide ;
mêlée ardente, 358, 378.
al, petit d'un animal ; race, nation,
55-
alaf, troupeau, richesse, 55.
alu, mettre bas, vêler, 55.
an- intensif, 56, 168.
anaele, -leu, douleur, 56.
anaeleu, terrible, douloureux, incu-
rable, 56.
anant, ils célèbrent, 56.
anant, bardes, poètes, 56.
anaw, inspiration, 57.
anc-, échapper, 57.
anghanawg, vagabond, 177.
anghen, nécessité, 177.
anghenawg, nécessiteux, 177.
annoeth, tout à fait nu, dépouillé,
168.
annoeth, déraisonnable, 168.
anoeth, joyau, 167, 168.
anoleith, irrésistible, 312.
anoieithiawc, inévitable, 312.
anwas, turbulent ? 57.
anylan, impur, 58.
arcibrenou, pi. sepulti, 147.
ard-, haut, 59.
ardunyant, célébration, 59.
ardunyaw, exalter, 59.
ariedydd, dessein, 177.
Arfwl, nom d'un grand cheval, 50,
SI-
argrad, etTraN'ant, qui fait trembler,
51, 166.
arg\'vrein, sépuhure, 147.
aros, rester ; arhovnt, ils atten-
draient, 59.
as, pic ?, 59, 60.
asen, as, côte, 60.
at-, ed-, changement en mal, 54.
athaw, très silencieux, 49 .
athref, demeure, 49.
attrec, repentir, 54, 55.
attregwch, arrêt; repentir, 54, >$.
awdl. poème, sorte d'ode, 208.
avvel, vent, 52.
awen, inspiration, 52, 53.
awr, heure, 161.
awvdd, souflle ardent, véhément ;
ardeur, impétuosité; air ? 51, 52.
awvr, air, 5 1 .
bann, sommet, corne, pointe ; élevé,
haut ; point cardinal, 152.
bar, colère, fureur, 155.
baran, colère, fureur, 152.
barch, lance ; hampe, 153.
bidog, dague, poignard, 154.
Table des principaux mots étudiés
blawr, gris, 154, 155.
-boawc, belliqueux, combatif, 60.
brag, malt, 506.
bragat, bataille, 506.
brefu, mugir, 126.
breithell, cervelle, 506.
bwvaw, battre, renverser ? teindre
(plonger dans ?) 304, 505.
caiil, bois, 155.
calch, chaux ; ariîiure de métal ;
émail, 156.
calchdoet, couverture de bouclier,
156..
calchvreith, à l'émail tacheté, 156.
calchlassar, émail bleu, 156.
called, tiges de plantes, haricots,
chardons, 155.
calledd, lances, 155.
cant, cercle, 502.
cathylvodawc, qui charme par son
chant, 307.
-cavvdd, mesure de boisson, 160.
cawg, seau, 161.
cawr, géant, 107.
ceirw, cerfs ; chevaux, 52.
cerdd, art, 145.
cerdin, cerddin, sorbier, 144-146,
149.
ceri, noyau de fruit, ou grain ; pren
ceri, arbre à noyaux, néflier, 147.
cleu, clau, rapide, qui se meut rapi-
dement ; sincère, 159.
cnau, des noix, 382.
cnawd, chair, 308.
cnod, produits, 308.
cnofa, morsure, action de mordre,
ronger, 309.
cnoi, ronger, 310.
cnud, bande, troupe (de loups),
307-309.
cnwd, productions, collection de
produits divers ; essaim (de
mouches), petits enfants 307-309.
coiliou, gl. extorum, 149.
coludd, boyaux, viscères, 149.
covein, souvenir, commémoration,
mémoire, 168.
croten, fillette, 308.
crotes, fillette, 308.
croth, sein, utérus, ventre, 310.
cr\vt, enfant, 308.
crwth, violon, 310.
crwtyn, petit enfant, 308.
cryd, tremblement, 166.
crydr, vibration, 166.
cun, chiens, 166, 167.
cun, chef, 169.
cun-, intensif, 169.
cu'.iic, (gloire) élevée, 169.
cunllaith, cyn-, humidité, 169.
cunlleith, destruction, 169.
cunyat, chef, en tète (du combat),
169.
c\vr\vf, bière, 347.
cwynaw, se plaindre, 310.
cwynofain, plainte, 310.
cyfoeth, richesse, 167, 168.
cyfrin, secret commun ; confident,
' 159-
cymmrwd, mortier, ciment ; maen
gymrwt « pierre à terre cuite »,
brique ? 305.
cymmvrru, estimer, 61 .
Cvmro, pi. Cymry ; compatriote,
Gallois, 281.
cymwv, afi^iction, tourment, 304.
cynan, parole, louange; parler, 56,
57-
Cvnddelw, 162.
cvnfvl, discorde, lutte, conflit, que-
relle, 62.
cyngerth, qui est d'accord avec,
concordant, convenable, 158,
159.
cynghad, guerre, 159.
cynghanedd, concordance de sons,
209.
cj'nghwng, nœud, articulation, 160.
cvnhaid, cynthaid, premier essaim,
'161.
cynial, vengeance complète, 162.
cynnelw, modèle, 161.
cvnnelw, profit ; premier, principal
profit, 161, 162.
cvrbwyll, célébrer, faire connaître,
167.
cvstlwn, parenté, liaison, lignage,
' 161.
cywydd, poème, sorte de discours
en vers; mesure, 208, 211, 214.
dail, feuilles, 52.
dawl, partie, 170.
dawn, talent, aptitude ; profession,
fonction, 380.
au tome XXXVIII.
deierin, de terre, 49.
delehid, gl. sera, 172.
dengyn, obstiné, terrible, 171.
di, dé-, sans, 219.
dianc, échapper, 57.
diddawl, rejette ! 170.
difa, détruire, 170.
difancoll, perte complète, 170.
difant, destruction, extermination,
disparition, 170.
difwng, implacable, qu'on ne fléchit
pas, 155.
digawn, dichawn, dichon, pouvoir
faire ; faire, 157.
digon, assez, 157.
dihaereb, diaereb, diareb, proverbe;
(proverbial), excellent, 58, 59.
dile, dilein, destruction, 312.
diletcawt, qui n'admet pas de demi-
mesure (de boisson), 160.
dinaw, verser, 176.
dioleith, sans merci, 311, 312.
dirper, mériter, 166.
dirpwy, remplaçant, 166.
dirwest, jeûne, 298.
disgyfreith, libre, non soumis à la
loi, 514.
disgyfrith, rude, désagréable, fa-
rouche ; sans entrave, Ubre, 313,
314.
divessur, (boisson) sans mesure,
161.
doeth, sage, 168, 174.
dôl, vallée, 114.
drem, trem, vue, regard, 173, 174.
dremynt, dremhynt, aspect, 173,
174.
drud, furieux, insensé, qui n'entend
pas raison ; héros, brave, vail-
lant ; pénible ; cher, qui coûte,
174, i?)-
drych, aspect, 174.
drythyll, trythyll, pétulant, capri-
cieux : voluptueux, débauché ;
instable, 174.
duiu, dieu, 120.
-duvr, eau, 283.
dy-, à, vers, 219.
dy-, péjoratif, 153, 172, 173.
dyatter, qu'on laisse ! 87.
dygymmyrru, abréger, 60, 61.
Dygynnelw, 162.
dylaw, dylofi, manier, palper,
éprouver, 172, 173, 310.
dylaw, (barde) maladroit? 172.
dyleith, verrou ; garde, protection,
172.
dyvydd, infortune, 153.
ebrwydd, prompt, 99.
echdoe, avant-hier, 51.
edifar, repentir, 54.
ehofn, sans peur, 150.
eiddwng, union, 160.
eil, second, 52.
eil- second, re-, 50.
eilenwi, terminer; eylanwey, assou-
vissait, 49, 50.
eilon, eilion, daims ; chevaux, 52.
eiliw, eiliwed, reproche ; -edliw,
reproche ! 50.
eilun, image, 50.
eilyw, trait, 50.
eingyaw, être serré, contenu dans,
57,58.
eirif, nombre, 49.
eithin, ajoncs, 147.
enep, visage, 151.
engi ar, accoucher, mettre bas, 57.
englyn, poème, sorte d'épigramme,
208-210.
enu, pi. -ein, nom, 310.
erchwvniog, (à ton) côté, 81, 82.
erchwys, émeute, 177.
erfid, hache : combat, 154.
ervynyad, qui taille, 59.
erwis, (ervys), recherches, atteinte,
177-
eryr, aigle, 99.
etfvn, il abat ; il faiblit, 53, 54.
-eth, f. 87.
eurcalch, (scutum coloratum) auri-
chalco, 156.
flTern, ffer, cheville du pied, 151.
ff"yr, ruée ? 155, 156.
gair cyrch, « mot d'attaque », fin
du premier vers de l'englyn, 209.
geneth, jeune fille, 87.
Genethawc, 87.
genni, être contenu dans, 57, 58.
glan, pur, 58.
glanstlinnim, gl. famine sancto, 161.
gobrid, un peu cher, 166.
XVI
Table des principaux mots étudiés
gobryn, mérite, i66.
gocliel, gochlyd, éviter, 300.
goddeitli, goiïdaith, grand feu ; feu
qu'on met dans les herbes, spé-
cialement en mars ; matière qu'on
enflamme : bruyère, ajoncs, fou-
gère, 169, 298.
godeb, cachette, refuge, 301.
godineb, incontinence, 301.
goglyd, gogelu, s'occuper de, soi-
gner, 300.
goglyt, prendre (dans), saisir, 300.
gogoned, gloire, 157.
goleith, souplesse, échappatoire, flé-
chissement, attendrissement ; flat-
terie, tentative d'attendrissement?
heb oleith, mévitable, sans phié,
511, 312.
gommed, refuser; manquer, 296.
gorddin, violence, oppression, 176.
gorddinaw, lancer à toute bride
(son cheval), 176.
gorddineu, -naw, verser à flots,
176.
gordiN'W'ng, tout à tait implacable,
155-
gorun, fracas ; mêlée furieuse, ba-
taille; tumulte, 163,164.
Guebrduvr, 283.
Guebrgur, 283.
guelitin, gwelyddyn, limon, 171.
guichir, gl. eff^renus; gwychr, brave,
299.
Guoccawn, Gwgawn, 157.
Guotepauc, Godebog, 301.
gwad, refus, 82.
gwaddawl, portion, 170.
g^vaed, sang, 82.
gwaelod, le fond, 171.
gwaessav, gwayssav, garantie ; ga-
rant, caution, 300.
gwawn lumière, aube ; fil de la
Vierge, 297.
g^va^vr, point du jour, 297.
gwefr, ambre, 283.
gweled, voir, 382.
gwerthyr, forteresse, 122.
gwest, loger, 297 .
gwesti, séjour, 298.
gweu, tisser, 87.
g^^•in, vin, 22.
gwingar, sage ? 299, 300.
gwlad, pays, 313.
gwlan, laine, 313.
gwledd, festin, banquet, 513.
gwlyb, humide, 313.
-gwre, paroi, 301, 302.
gwres, chaleur, 311.
gwrvvd, le monde des braves ?
168.
gwrvaf, très vaillant, 299.
gvvych, gai, digne, brave, 299.
gwych\'dd, brave, 299.
Gwyddyl, les Goidels, 280.
gwymon, varech, 298.
gwymp, sup. gwymha, beau, joli,
87.
gwyn, passion, désir violent ;
ardeur, 305.
gwynn, plaisir, désir ; gwynn fyd,
bonheur, 305.
gwynnon, petits morceaux de bois
sec, herbes sèches ; regain, herbes
propres à être brûlées, 298.
gwynver, qui apporte la clarté (ou
le bonheur), 299.
g\v5'ry, actif, 299.
Habren, 128.
haeru, affirmer, 59.
honneit, honnaid, célèbre, connu,
313-
honni, publier, 313.
hylaw, adroit, 172.
hytolawc, qui partage, qui donne
facilement, 170.
ias, bouillonnement; sensation vio-
lente, 311.
iawn, le droit, 82, 83.
iug, angoisse, 151.
istlinnit, gl. profatur, 161.
-ivvng, union ? 160.
kallawet, (chien) querelleur, a-
boyeur, 156, 157.
kamas, coude de rivière, baie ? 59,
60.
knovein, objets à ronger ; os ? 309,
310.
kynif, concours, 162.
kynifwr, guerrier, combattant, 162.
kyniret, faire jaillir, 163.
kyniwng, union, 160.
kynniret, kyniret, visiter, fréquen-
ter, 163.
au tome XXXVIII.
kyrhaeddu, atteindre, 167.
kyvaenad, réunion, 5 5 .
kvvvng, kyving, étroit, 151.
kywes, kvwest, cohabitation, séjour,
297, 298.
Hall, l'autre, 53.
llam, saut, chute, 54.
llasar glas, émail bleu, 156.
llaw, main, 510.
llawen, joyeux. 107.
llawer, nombreux, 107.
lied cawt, demi-mesure, 160.
lleith, mort, destruction, 169, 311,
312.
llemittyor, qu'on saute ! 87.
llestr, vase, 90.
Uet-, péjoratif, 158.
lletkynt, douleur, 158.
lleufer, lumière, 299.
Lleyn, 232.
lluched, éclairs, 185.
llun, figure, 50.
Uwg, livide, 90.
mann, tache ; place, i)2.
marchauc-, (gwas), gl. adulter, 87.
marwor, cendres chaudes, 366.
marwydos, cendres chaudes, 366.
nied, hvdromel, 22.
mesurau, mesures poétiques, 208.
metel, troupe de moissonneurs, 154.
mid, combat, 154.
mwng, crinière, 304.
myned, aller, 88.
naw, neuf, 107.
nerthfawr, fort, 69.
o : truan o ddyn, « un pauvre
d'homme », 355.
oer, froid, 150, 151.
oeth, (terre) cultivée, 167, 168.
ofer, vain, 1 50.
oferedd, vanité, frivolité, 150.
ofn, peur, 150.
pallu, manquer, périr, 158.
pawr, pâture, 128.
pedryfanoedd, les quatre points (du
monde), 132.
pedrvlaw, habile, adroit, 86.
peir, chaudron, 184.
perif, créateur, 165.
pobi, cuire, 183.
por, seigneur, chef, 165.
posbeirdein, bardes de bas étage,
157, 158.
prennval, mort, sort fatal r cercueil ;
trésor (coffre) ; mêlée? 164, 165.
prid, valeur, prix; précieux, cher,
16), 166.
pryd, aspect, 165.
Prvdain, Priten, Grande-Bretagne,
280, 281.
Pryden, les Pietés, 280.
Prydvn, Ecosse, 280.
prynu, acheter, 166.
pwvo, piquer, enfoncer, 304, 305.
pwyth, piqûre ; réparation, repré-
sailles ; cadeau de noces, 304.
rhod tes, roue ardente, soleil, 96.
rhvfel, guerre, 62.
ruddveddel, le rouge moisonneur,
60.
solas, plaisir, 212.
techu, fuir, se cacher, 185, 301.
tremvn, il passe, traverse, 173.
très ? 155.
Tristan, 80, 81, 83.
tuig, t\vyg, couverture, vêtement,
15-
tut, magicien, ici .
tygdyn, tyddyn, maison avec une
pièce de terre ; terre attachée à la
maison, 170, 171,
ucher, soir, 151.
ufîarn, cheville du pied, 151.
ufvdd, obéissant, 151.
ufyll, humble, 151.
ugaint, vingt, 131.
uhv, charbons ardents, 151.
Urbgen, Urien, 131.
wybr, firmament, 151.
wybren, nuée, 151.
wv'law, gémir, 310.
wvlofain, gémissement, 310.
wyneb, visage, 151.
ymeglyt, se saisir, prendre (dans),
300.
ymoleithiad, flatteur, 312.
y(n)> le, 52, 53. •
y neill, l'un des deux, 52, 53.
ystlwn, parenté, 161.
XVIII
Table des principaux mots étudiés
V. CoRNiauE.
(Voir p. 149).
ahns, odieux, 49.
an, le, 55.
an nyll, an nyl, l'un des deux, 52.
avuit, air, 5 1 .
kuen, chiens, 167.
ky, chien, 167 .
louen, joyeux, 107.
lower, nombreux, 107.
bal, peste, 62.
banna, (ne voir, entendre, dormir), own, peur, 150.
goutte, 357.
peddrack mow, meule parfaite,
cerden, sorbier, 145. complète, achevée, 86.
cnesen, chair, 308.
crotîolas,murmurer(quereller), 310. tremene, passer, 173.
crotlîval, murmure, 310.
ebrou, ebbarn, firmament, 151.
eddrek, remords, 54, 55.
edrege, -ga repentir, 5 5 .
ehal, gl. pecus, jumeutum, 55.
huibren, gl. nubes, 151.
ufer, vain, 150.
ufareth, evereth, vanité, frivolité,
150.
ur, heure, 161.
y ben, l'autre, f. 53 .
y gelé, l'autre, 53.
VI. Breton armoricain.
(Voir pp. 170, 219, 220, 222, 360, 361).
-a, rechercher le mâle, 222.
aceruission, gl. hirsutis, 378.
ala, halaff, vêler, 55.
angell, nageoire, aile, aileron, bras,
223 .
angellat (en im-), nager, 223.
aoun, peur, 150.
arc'hantti, maison de banque, 222.
arvel, querelle, noise, 62.
arvellour, ergoteur, 62.
azrec, repentir, 54.
balafenna, papillonner, 222.
baluent, peste (malheur, fléau), 62.
balumeta, pêcher la baleine, 221.
balumeteres, baleinière, 221.
banne, (ne voir, entendre) goutte,
357-
banvez, festin, 298.
beg, visage, 222.
beg-douar, cap, 222.
bérad, (ne voir, entendre) goutte,
.3)7-
bizach, visage, 223.
bleiz, loup, 252.
bom, rehaut entre deux sillons,
178.
bomm, mât qui soutient la base de
la grande voile, 178.
brulu, digitales, 164.
cnot, progéniture ; engeance, 307,
308.
del, feuilles, 52.
dén, homme, 52.
di-, dis-, dé-, 219.
diouharet-uhel, haut sur jambes,
223.
dispign, dépense, 52.
au tome XXXVIII.
XIX
dleizen, gleizen, pêne, 172.
do-, de-, di-, à, vers, 219.
Dol, 114.
Donias, j 1 1 .
dreh-, aspect, 174.
dreram, face ; vue ; vivacité du
regard, 174, 222, 223 .
dremmel, regarder fièrement et avec
vivacité, 223.
dremmel, qui a le regard vif, 223.
éal, poulain, 55.
ebr, evr, firmament, 151.
eil, second, 52.
elvenn, étincelle, 151.
enebi, faire face, résister, 222 .
enep, visage, 222.
erguinit, gl. tirannica auctoritate
molirentur, 305.
esceilenn, gl. cortina, 50.
eur, heure, 161.
Eussa, Ouessant, 259.
euver, fade, 150.
euvlen, étincelle, 151.
evna, imiter l'oiseau, faire de l'avia-
tion, 222.
evneta, chasser les oiseaux, 222.
fas, face, 223.
feiz, fe, foi, 52.
fent, amusement, 221.
glebour, moiteur, 512.
gloan, laine, 313.
gloat, royaume ; fortune, 313.
gloeb, humide, 313.
gloé-freill, festin, fête du fléau,
3IÎ-
goariva, théâtre, 220.
goél-frey, fête du fléau, 313.
gourdon, habituer, 222.
gozeta, chasser les taupes, 222.
grizias, grisiaz, ardent, brûlant, 510,
311.
grommelât, -ellaat, grommeler,
310.
grouez, chaleur, ardeur, 311.
grozuol, grôsmôl, krôsvôl, krôs-
môl, cromol, murmure, 310.
grozuolat, grosmolat, grosmoli,
crosmola, crozmola, crômola,
cromolât, murmurer, 310.
grullu, blé noirci intérieurement,
164.
guele, lie, 171 .
gurun, m., kurun, f. tonnerre, fra-
cas de la foudre, 163, 164.
Guyas, 311.
g\velezenn,lie,sédiment, dépôt, 171.
gwirhénvel, vraisemblable, 222.
hedorr, fragile, 223.
heiz, orge, 52.
-ias, 311.
Kembre, 281 .
kerzin, sorbier, 145.
kir, ville, 179.
kledour, abri, 312.
koen-freill, souper du fléau, 313.
kros, grand bruit ; querelles, re-
proches, 310.
krot, kroten, petit enfant, 308.
kudoneta, chasser les ramiers, 222.
kudurun, tonnerre, coup de ton-
nerre, 164
kunuc'ha, gémir, 164.
kustum, coutume, 164.
kutuilh, cueillir, 164.
kuzul, conseil, 164.
labouseta. chasser les oiseaux, 222.
laer-mor, pirate, 222.
lam, saut, chute, 54.
laouen, joyeux, 107.
ledenez, péninsule, 220.
leiz, humide, 311.
leizour, souplesse, menée sournoise,
ruse ? 311.
Leizour, 312.
lestir, lestr, vaisseau, 90.
Leuhemel, « semblable à un lion »
marchafl^, gl. catulire; marc'ha, de-
mander le mâle, pari, de la
jument, 87, 222.
marc'het, mat-, bien monté, 223.
marc'h-houarn, bicyclette, 222.
merc'heta, courir les filles, 222.
min, figure, 222.
raolin, melin, moulin, 146.
monet, aller, 88, 173.
morvran, corbeau de mer, 222.
XX Table des principaux mots étudiés
moue, crinière, 304. sec'hour, sécheresse, 312.
ne pas, ne pas (faire), 358.
-nevcd, lieu sacré, 220.
nijerez, aéroplane, 220.
non pas, ne pas (faire), 558.
oabl, firmament, 151.
-our, homme, 312.
-our, noms abstraits, 312.
Pentir, « cap », 222.
pesketa, pêcher, 222.
pesketerez, pèche, 222.
peur, pâture, 128.
quefFrin, mystère, 159.
taken, tapen, (ne voir, entendre)
goutte, 357.
tarva, demander le mâle, pari, de
la vache, 222.
tec'het, fuir, 185, 301.
teil, fumier, 52.
ti-bank, maison de banque, 222.
tourc'ha, demander le mâle, pari.
de la truie, 222.
tremen, passer, traverser, 173.
ulyenenn, étincelle, 151.
Urien, 151.
Wocon, 157.
MAÇON PROTAT FRÈRES, IMPRIMEURS
PB 1001 .R5 V.38 SMC
Revue celtique
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