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Full text of "[Oeuvres de M. de Voltaire]"

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GUSTAVE  RUDLER 
COLLECTION 


VI.   1115  (\A-/\J 

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TOME    QUATORZIÈME. 


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E  §  S  AI 

S  V  % 

LES  MCEURS, ET  L'ESPRIT 

DES    NATIONS; 

£  T     S  U  K 

LES  PRINCIPAUX  FAITS  DE  L'HISTOIRE, 

DEPUIS 
CHARLEMAGNE,  jusqu'à  LOUIS  Xm. 


TOME    PREMIER. 


M.   Dca  LXXV. 


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A    TRÈS-HAUTE 


ET  TRÈS-AUGUSTE  PRINCESSE 

CATHERINE  lï, 

IMPÉRATRICE   DE   TOUTES 
LES    RUSSIES, 

PROTECTRICE    DES    ARTS 
ET    DES    SCIENCESi 

DIGNE  PAR   SON   ESPRIT    DE   JUGER 
DES  ANCIENNES   NATIONS, 

COMME  ELLE  EST  DIGNE  DE  GOUVERNER 
LA    SIENNE. 


OFFERT    TRÈS-HUMBLEMENT 
PAR   LE   NEVEU   DE   l'aUTEUR. 


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OXFORD 

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L    A 


PHILOSOPHIE  DE  L'HISTOIRE. 


Introduction. 

VOus  voudriez  .que  des  philofophes  euflent  ^crit 
rhiftoire  ancienne,  parce  que  vous  voulez  la  lire 
en  philofophe.  Vous  ne  cherchez  que  des  vérités 
utiles ,  &  vous  n'avez  guère  trouvé  .  dites -vous ,  quo 
d'inutiles  erreurs.  Tâchons  de  nous  éclairer  enfemble  ; 
eiTayons  de  déterrer  quelques  mohumens  précieux 
ibus  les  ruiiles  des  Cécles. 

Commentons  par  examiner  fi  le  globe  que  nous  ha* 
bitons  était  autrefois  tel  q^u'ii  eit  aujourd'hui. 

II  (è  peut  que  notre  monde  ait  fubi  auttnt  de  chan. 
gemens  que  les  Etats  ont  éprouvé  de  révolutiocis.  U 
parait  prouvé  que  la  mer  a  couvert  des  terrains  im* 
menfes  chargés  aujourd'hui  de  grandes  villes  &  de 
riches  moiflbns.  Il  n'y  a  point  de  rivage  que  le  tenis 
n'ait  éloigné  ou  rapproché,  de  la  mer. 

Les  fables  mouvans.  de  TAfriquc  feptentrîonalc  & 
des  bords  de  la  Syrie  voifins  de  l'Egypte  ,  peuvent-ils 
être  autre  chofe  que  les  fables  de  la  mer  qui  font  dei- 
meiu'és  amoncelés  quand  h  mer  s'eft  peu«^-petf  retîi- 
rée  ?  Hérodote  qui  ne  ment  pas  toujours ,  nous  dit 
l^robablement  une  très  grande  vérité^  quand  il  raconte 
que  fuivant  le  récit  des  prêtres  de  TEgyptc  ,  le  Delta 
I  n'avait  pas  été  toujours  terre.  Ne  pouvons->nous  pas 
1  en  dire  autant  des  cpntrées  toutçs  f^bbaneûfes  qui  font 
J^       Efaifur  iesnmurs.&c.TomA.  A 


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l 


2  Chanoemeks  iP 

;  • 

vers  la  mer  Baltique?  Les  Cielades  n'atteftent-clTes  p^s 
aux  yeux  même ,  par  tous  les  bas  fonds  qui  les  entou* 
rent  ^  par  les  végétations  qu'on  découvre  aifément 
fous  l'eau  qui  les*  baigne,  qu'elles  ont  fait  partie  du 
Continent  ? 

Le  détrok  de, la  Sicile,  cet  ancien  gouffre  deCaribde 
&  de  Scilla  ,  dangereux  encor  aujourd'hui  poi^les 
petites  barques  ,  ne  femble-t-il  pas  nous  apprendre 
que  la  Sicile  était  autrefois  jointe  à  l'Appulie  ,  comme 
l'antiquité  l'a  toujours  cru  ?  Le  mont  Véfuve  &  le  mont 
Etna  ont  les  mêmes  fon démens  fous  la  mer  qui  Jes 
fépàre.  Le  Véfuve  ne  commença  d'être  un  volcan  dan- 
gereux que  quand  l*Etna  cefTa  de  l'être  ;  l'un  des  deux 
foupîraux  jette  encor  des  flammes  quand  l'autre  eft 
tranquille.  Une  fecouffe  violente  abyma  la  partie  de 
cette  montagne  qui  joignait  Naples  à  la  Sicile. 


Toute  l'Europe  fait  que  la  mer  a  englouti  la  moitié 
de  la  Frife.  J'ai  vu  il  y  a  quarante  ans  les  clochers 
de  dix-huit  villages  près  du  Mordik ,  qui  s'élevaient 
encor  au- deflus  de  fes  inondations ,  &  qui  ont  cédé 
depuis  à  l'effort  des  vagues.  Il  eft  fenftble  que  la  mer 
abandonne  en  peu  de  tems  fes  anciens  rivages.  Voyez 
Aiguemorte ,  Fréjus  ,  Ravénne  ,  qui  ont  été  des  ports 
&  qui  ne  le  font  plus.  Voyez  Damiette  où  nous  abor- 
dâmes du  tems  des  croifades  ,  &  qui  eft  adtuellement 
à  dix  milles  au  milieu  des  terres  ;  la  mer  fe  retire 
tous  les  jours  de  Rofette.  La  nature  rend  partout 
témoignage  de  ces  révolutions  ;  &  s'il  s'eft  perdu  des 
étoiles  dans  l'immenfîté  de  l'efpace ,  fi  la  feptiéme  des 
Pléiades  eft  difparue  depuis  longtems ,  fi  plufieurs  au- 
tre8>fe  font  évanouies  aux  yeux  dans  la  voye  ladée , 
4evons.nous  être  furpris  que  notre  petit  globe  fubiffe 
des  changemens  continuels. 

Je  ne  prétends  pas  affurer  quei  la  mer  ait  formé  ou 
même  côtoyé  toutes  les  montagnes  de  la  terre.  Quel- 
j)ues  coquflles  trouvées  prés  de  ces  montagnes  peu- 


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DAK8LE6L0BS.  3^ 

vent  avoir  été  le  logement  des  petits  teftacées  qui 
habitaient  des  lacs  ;  &  ces  lacs  qui  ont  dlfparu  par 
des  tremblemens  de  terre ,  fe  feront  jettes  dans  d'au- 
tres lacs  inférieurs.  Les  cornes  d  Ammon  ,  les  pierres 
étoilées  ,  les  lenticulaires  ,  les  judaïques  ,  les  glofTopé- 
tres ,  m'ont  paru  des  foffilcs  terreftres.  Je  n'ai  jamais 
ofé  penfer  que.  ces  glofTopêtres  puffent  être  des  lan- 
gues de  chien  marin  ,  (a)  &  je  fuis  de  l'avis  de  celui 
qui  a  dit  qu'il  vaudrait  autant  croire  que  des  milliers 
de  femmes  font  venues  dépofer  leurs  coTtcar  veneris 
fur  un  rivage ,  que  de  croire  que  des  milliers  de  chiens 
marins  y  font  venus  apporter  leurs  langues.  Ce  que  les 
merç  fans  reflux  &  que  les  mers  dont  le  reflux  eft  de 
fix  y  fept  ou  huit  pieds  ayent  formé  des  montagnes  de 
quatre  cent  toifcs  de  haut ,  que  tout  le  globe  ait  été 
brûlé ,  qu^il  foit  devenu  une  boule  de  verre ,  ces  ima- 
ginations deshonorent  la  phyfique.  Une  telle  charla- 
tancrie  eft  indigne  de  Thiftoire. 


Gardons  -  nous  de  mêler  le  douteux  au  certain ,  & 
le  chimérique  avec  le  vrai  ;  nous  avons  aflez  de  preu- 
ves  des  grandes  révolutions  du  globe ,  fans  en  aller 
chercher  de  nouvelles. 

La  plus  grande  de  toutes  ces  révolutions  ferait  la 
perte  de  la  terre  Atlantique ,  s'il  était  vrai  que  cette 
partie  du  monde  eût  exifté.  Il  eft  vraifemblable  que 
cette  terre  n'était  autre  chofe  que  l'îfle  de  Madère  dé- 
couverte peut  -  être  par  les  Phénidiens ,  les  plus  hardis 
navigateurs  de  l'antiquité ,  oubliée  enfuite ,  &  enfin 
retrouvée  au  commencement  du  quinzième  fiécle  de 
notre  ère  vulgaire. 

Enfin  ,  pair  Jl^jS  oV-*ïicures  de  toutes  les  terres  que 
l'Océan  baigne ,  par  ces  golfes  que  les  irruptions  de 
la  mer  ont  formées ,  par  ces  archipels  femés  au  milieu 
des  eaux ,  il  parait  que  les  deux  hémifphères  ont  perdu 

C«  )  Voyez  ks  chapitres  Intitulés  Ckriofités  de  la  nature, 
A    ij  t! 


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& 


e  H  A  N  G  E  M  B  N  s  ,  &C. 

peut-être  plus  de  deux  mUle  lieues  de  terrain  d'un  c6té , 
&  qu*ils  l'ont  regagné  de  l'autre.  Mais  ,  la  mer  ne 
peut  avoir  été  pendant  des  fiécles  fur  les  Alpes  &  fur 
les  Pyrénées  !  Une  telle  idée  choque  toutes  les  loix  de 
la  gravitation  &  Thydroftatique. 

Dç^  DIFFÉRENTES  RACES  D'HOMMES. 

Ce  qui  eft  plus  intéreffant  pour  nous ,  c'eft  la  diffé- 
rence fenfible  des  efpèces  d'hommes  qui  peuplent  les 
quaijre  parties  connues  de  notre  monde. 

11  n'eft  permis  qu'à  un  aveugle  de  douter  que  les 
Blancs,  les  Nègres,  les  Albinos,  les  Hottentots ,  les 
Lappons ,  les  Chinois ,  les  Américains ,  foient  des  races 
entièrement  diflFér  entes. 

11  n'y  a  point  de  voyageur  înftruît  qui  en  paflant  par 
Leide  n'ait  vu  la  partie  du  reticulum  mucofum  d'un 
Nègre  difféqué  par  le  célèbre  Ruisb,  Tout  le  reftc  de 
cette  membrane  fut  tranlportée  par  Pierre  le  grand 
dans  le  cabinet  des  raretés  à  Pétersbourg.  Cette  mem- 
brane  eft  noire  ,  &  c'eft  elle  qui  communique  aux 
Nègres  cette  noirceur  inhérente  qu'ils  ne  perdent  que 
dans  les  maladies  qui  peuvent  déchirer  ce  tiiîu ,  &  per- 
mettre à  la  graifle  échappée  de  fes  cellules  de  faire 
des  taches  blanches  fous  la  peau. 

Leurs  yeux  ronds ,  leur  nez  épaté  ,  leurs  lèvres 
toujours  greffes ,  leurs  oreilles  différemment  figurées , 
la  laine  de  leur  tête,  la  mefurc  même  de  leur  intelli- 
gence ,  mettent  entr'eux  &  les  autres  efpèces  d'hom- 
mes des  différences  prodigieu^s  ;  &  ce  qui  démofttre 
qu'ils  ne  doivent  point  cette  <fl!ifreftc€  à  leur  climat ,  . 
c'eft  que  des  Nègres  &  des  Négreffes  tranfportés  <lans 
les  pays  les  plus  froids,  y  prbduifent  toujours  des 
animaux  de  leur  efpèce ,  &  que  les  mulâtres  ne  font 
qu'une  race  bâtarde  d'un  noir  &  d'une  blanche ,  ou 
d'un  blanc  &  d'une  noire. 


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DiFFéREKTES  RACES   D'HOMMES.  f      |ff 


Les  Alhijnos  font  à  la  vérité  une  nation  très  petite 
&  très  rare  ;iIS  habitent  au  milieu  de  T Afrique.  Leur 
faiblelTe  ne  leur  permet  guères  de  s'écarter  des  caver- 
nes où  ils  demeurent;  cependant  les  Nègres  en  attra- 
pent quelquefois ,  &  nous  les  achetons  d'eux  par  cuiio- 
lité.  J'en  ai  vu  deux ,  &  mille  Européans  en  ont  vus. 
Prftendre  que  ce  font  des  Nègres  nains  ,  dont  une 
eipèce  de  lèpre  a  blanchi  la  peau ,  c'eft  comme  fi  oq 
difait  que  les  noirs  eux  -  mêmes  font  des  blancs  que 
la  lèpre  a  noirCis.  Un  Albino  ne  reflbmble  pas  plus 
à  un  Nègre  de  Guinée  qu'à  un  Anglais  ou  à  un  Efpa- 

S  loi.  Leur  blancheur  n'eft  pas  la  nôtre  ,  rien  d'in- 
mat ,  nul  mélange  de  blanc  &  de  brun  ,  c'eft  une 
couleur  de  linge ,  ou  plutôt  de  cire  blanchie  ;  leurs 
cheveux,  leurs  fourcils  font  de  la  plus  belle  &-de  la 
plus  douce  foie  ;  leurs  yeux  ne  reflemblent  en  rien  à 
ceux  des  autres  hommes  ,  mais  ils  approchent  beau- 
coup des  yeux  de  perdrix.  Ils  rèCTemblçnt  aux  Lappons 
par  la  taille  ,  à  aucune  nation  par  la  tête  ,  puisqu'ils 
ont  une  autre  chevelure  ,  d'autres  yeux  ,  d'autres 
oreilles,  &  ils  n'ont  d'homme  que  la ilature  du  corps, 
avec  la  faculté  de  la  parole  &  de  la  penfée  dans  un 
degré  très  éloigné  du  nôtre.  Tels  font  ceux  que  j'ai 
vus  &  examinés. 

Le  tablier  que  la  nature  a  donne  aux*  Cafres ,  & 
dont  la  peau  lâche  &  moUe  tombe  du  nombril  fur 
les  cuiifes  ;  le  mamelon  noir  des  femmes  Samoyèdes  , 
la  barbe  des  hommes  de  notre  continent ,  &  le  men- 
ton toujours  imberbe  des  Américains  ,  font  des  diffé- 
rences fi  marquées ,  qu'il  n'eft  guères  poffible  d'ima- 
gingr  que  les  uns  &  les  autres  ne  foient  pas  des  races 
dilfêrentés. 

Au  relie ,  fi  Ton  demande  d'où  font  venus  les  Amcrî- 
cains  ?  il  faut  aufli  demander  d'où  font  venus  les  habi- 
tans  des  terres  Auftrales  ?  &  on  a  déjà  répondu  que 
la  Çipvidence  qui  a  mis  des  hommes  dans  la  Nor- 
vège' en  a  planté  aufli  en  Amérique  &  fous  le  cercle 

A  ii  j 


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I 


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6  DiFFJÊRENTES 

polaire  méridional ,  comme  elle  y  a  pla^jtc  des  arbres  , 
&  fait  croître  de  l'herbe. 

Plufteurs  favans  ont  foupqonné  que  /luelques  races 
d'hommes  ,  ou  d'animaux  approchans  de  l'homme  9 
ont  péri  ;  les  Albinos  font  en  fi  petit  nombre  ,  fi 
iaibles ,  &  fi  maltraités  par  les  Nègres ,  qu'il  eft  à  crain- 
dre que  cette  efpéce  ne  fubfifte  pas  encore  longtems. 

Il  eft  parlé  de  Satyres  dans  tous  les  auteurs  an*. 
ciens.  Je  ne  vois  pas  que  leur  exiftence  foit  impoifi* 
ble  ;  on  étouffe  encore  en  Calabre  quelques  menftres 
mis  au  monde  par  des  femmes.  Il  n'efk  pas  impro- 
bable  que  dans  les  pays  chauds  ,  des  finges  ayent 
fubjugué  des  filles.  Hérodote  au  livre  II ,  dit  ,  que 
dans  fon  voyage  en  Egypte  >  il  y  eut  une  femme  qui 
s'accoupla  publiquement  avec  un  bouc  dans  la  prc 
vince  de  Mendès  ;  &  il  appelle  toute  l'Egypte  en 
témoignage.  Il  eft  défendu  dans  le  Lévitique  au  chap. 
XVII.  de  s'unir  avec  les  boucs  &  avec  les  chèvres.  Il 
faut  donc  que  ces  accouplemens  ayent  été  communs  ; 
&  jufqu'à  ce  qu'on  foit  mieux  éclairci ,  il  eft  à  préfu- 
mer que  des  efpèces  monftrueufes  ont  pu  naître  de 
ces  amours  abominables  ;  mais  fi  elles  ont  exifté,  elles 
n'ont  pu  influer  fur  le  genre  -  humain  ,  &  femblables 
aux  mulets*  qui  n'engendrent  point  ,  elles  n'ont  pu 
dénaturer  les  autres  races. 

A  l'égard  de  la  durée  de  la  vie  des  hommes ,  (  fi 
vous  faites  abftracftion  de  cette  ligne  de  defçendans 
à* Adam  confacrée  par  les  livres  juife  ,  &  fi  longtems 
inconnue  )  il  eft  vraifemblable  que  toutes  les  races 
humaines  ont  jouï  d'une  vie  à-peu-près  aufli  courte 
que  la  nôtre,  comme  les  animaux,  les  arbres,  &  toutes 
les  productions  de  la  nature  ont  toujours  eu  la  même 
durée,  II  eft  ridicule  de  nous  en  excepter. 


M  ds  il  faut  obferver  que  le  commerce  n'ayant  pas       r 
toyjoqrs  apporté  au  genrç- humain  les  prodùdliôns  &     |  j 

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Ri^CES     D' HOMME 


7      ' 


les  maladies  des  autres  climats ,  &  les  hommes  ayant 
été  plus  robuftes  &  plus  laborieux  dans  la  fimpltcité 
d'un  état  champêtre  pour  lequel  ils  font  nés  ,  ils 
ont  dû  jouir  d'une  fante  plus  égale,  &  d'une  vie  un  peu 
plus  longue  que  dans  la  molleffe ,  ou  dans  les  travaux 
mal-fains  des  grandes  villes  ;  c'eft-à-dir« ,  que  (t 
dans  Conftantinople ,  Paris  &  Londres ,  un  homme 
fur  cent  mille  arrive  à  cent  années ,  il  eft  probable 
que  vingt  hommes  fur  deux  millions  atteignaient  au- 
trefois cet  âge.  C'eft  ce  qu'on  vit  dans  plufieurs  en- 
droits de  l'Amérique  où  le  genre-humain  s'était  con- 
fervé  dans  l'état  de  pure  nature. 

La  pefte ,  la  petite  vérole  que  les  caravanes  Arabes 
communiquèrent  avec  le  tems  aux  peuples  de  l'Afie 
&  de  l'Europe ,  furent  longtems  inconnues.  Ainfî  le 
genre-humain  en  Afie ,  S:  dans  les  beaux  climats  de 
TEurope ,  fe  multipliait  plus  aifément  qu'ailleurs.  Les 
maladies  d'accident ,  &  plufieurs  bleflTures  ne  fe  gué- 
riiTaient  pas  à  la  vérité  comme  aujourd'hui  ,  mais 
l'avantage  de  n'être  jamais  attaqué  de  la  petite  vérole 
&  de  la  pefte  «  compenfait  tous  les  dangers  attachés 
à  notre  nature;  de  force  qu'à  tout  prendre  il  eft  à 
croire* que  le  gehre- humain  dans  les  climats  favo- 
rables ,  jouïflait  autrefois  d'une  vie  plus  faine  Se  plus 
heureufe  que  depuis  TétabliiTement  des  grands  empi- 
res. Ce  n'eft  pas  à  dire  que  les  hommes  ayent  jamais 
vécu  trois  ou  quatre  cent  ans.  C'eft  un  miracle  très 
refpeâable  dans  la  Bible  »  mais  partout  ailleurs  c'eft 
un  conte  abfurde. 


De  l.'AHTIQ.UITÉ  DES  NATIOKS. 

Prefque  tous  les  peuples  ,  mais  furtout  ceux  de 
l'Afie  ,  comptent  une  fuite  de  fiéclcs  qui  nous  effraie. 
Cette  conformité  entr'eux  doit  au  moins  nous  faire 
examiner  fi  leurs  idées  fur  cette  antiquité  étaient  def^ 
tituées  de  toute  vraifemblance. 

A  iiij 


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De   l' antiquité 

.  Four  qu'une  nation  (bit  rafTemblée  en  corps  de  peu- 
ple ,  qu'elle  foit  puiffante,  agiierrie,  favante  ,  il  cft 
certain  qu'il  faut  un  tems  prodigieux.   Voyez  TAmé- 
riquc;il  n'y  avait  que  (Jeux  royaumes  quand  elle  fut 
découverte ,  &  encor  dans  ces  deux  royaumes  on  n'a- 
yait  pas  inventé  l'art  d'écrire.   Tput  le  refte  de  ce 
vafte  continent  était  partagé ,  &  l'eft  encor  ,  en  petites 
fociétés  à  qui  les  arcs  font  inconnus.   Toutes  ces  peu- 
plades vivent  fous  des  huttes  ,  elles  fe  vétiffent  de 
peiux  de  béces  dans  les  climats  froids  ,  &  vont  pref- 
que  nues  dans  les  tempérés.  Les  unes  fe  nourriflent 
de  la  chafTe ,  les  autres  de  racines  qu'elles  pêtriflent. 
Elles  n'ont  point  recherché  un  autre  genre  de  vîe  ; 
parce  qu'on  ne  délire  point  ce  qu'on  ne  connaît  pas. 
Leiir  induftrie  n^a  pu  aller  au-delà  de  leurs  befoins 
prefTans.   Les  Samoyèdes  ,  les  Lappons ,  les  habitans 

8^  du.  nord  de  la  Sibérie ,  ceux  du  Kamshatka ,  font  encor 
moins  avancés  que  les  peuples  de  l'Amérique.  La  plu- 
part dçs  Nègres  ,  tous  les  Cafres  font  plongés  dans 
la  même  ftupidité  ;  &  y  croupiront  longtems. 

Il  faut  un  concours  de  cîrconftances  favorables  pen- 
dant des  fiécles  pour  qu'il  fe  forme  uhe  grande  fociété 
d'hommes  rademblés  fous  les  mêmes  loix.  Il  en  faut 
même  pour  former  un  langage.  Les  hommes  n'ar- 
ticuleraient pas  fi  on  ne  leur  apprenait  à  pronorrcer 
dès  paroles  ;  ils  ne  jetteraient  que  des  cris  confus , 
ils  ne  fe  feraient  entendre  que  par  fignes.  Un  enfant 
ne  parle  au  bout  de  quelque  tems  que  par  imitation  ; 
&  il  ne  s'énoncerait  qu'avec  une  extrême  difficulté 
fi  on  laiffait  pa^Ter  fçs  premières  annçes  fans  dénQiief 
fa  langue. 

Il  a  falu  peut-être  plus  de  tems  pour  que  des  hom^ 
mes  doués  d'un  talent  fingulier  ayent  formé  &  en- 
feigné  aux  autres  les  premiers  rudimens  d'un  langage 
imparfait  &  barbare ,  qu'il  n'en  a  falu  pour  parvenir 
çnfuite  à  l'ét^bliffement  de  quelque  fociété.  Il  y  a  mê- 


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me  des  nations  entières  qui  n'ont  jiiniais  pu  parvenir 
à  former  un  langage  régulier  &  à  prononcer  diftinAe- 
ment  ;  tels  ont  été  les  Troglodites  au  rapport  de  Pline  $ 
tels  font  encor  ceux  qui  habitent  vers  le  Cap  de  Bonne- 
Efpérance.  Mais  qu'il  y  a  loin  encor  de  ce  jargon 
barbare  à  l'art  de  peindre  fes  penfées  !  la  diftance  cft 
immenfe. 

Cet  çtsat  de  brutes  où  le  genre -humain  a  été  long- 
teros ,  dut  rendre  refpèce  très  rare  dans  tous  les  cli- 
mats. Les  hommes  ne  pouvaient  guéres  fuffire  à  leurs 
befoins,  &  ne's'entendant  pas  ils  ne  pouvaient  fe  re- 
courir. Les  béces  carnafliéres  ayant  plus  d'inftinét 
qu'eux ,  devaient  couvrir  la  terre  ,  &  dévorer  une  par- 
tie de  refpèce  humaine. 

Les  hommes  ne  pouvaient  fe  défendre  contre  les 
animaux  féroces  ,  qu'en  lanqant  des  pierres ,  &  eh 
s'armant  de  groffes  branches  d'arbres  ;  &  de  là ,  peut- 
être  ,  vint  cette  notion  confufe  de  Tantiquité ,  que  les 
premiers  héros  combattaient  contre  les  lions  &  contre 
les  fangliers  avec  des  maiTues. 

Les  pays  les  plus  peuplés  furent  fans  doute  les  cli- 
mats chauds ,  où  l'homme  trouva  une  nourriture  fa- 
cile &  abondante  dans  les  cocos  ,  les  dattes ,  les  ana- 
nas,  &  dans  le  ris  qui  croit  de  lui-même.  Il  eft  bien 
vraifemblable  que  l'Inde ,  la  Chine ,  lea  bords  de  l'Eu- 
phrate  &  du  Tigre  ,  étaient  très  peuplés ,  quand  les  au- 
tres régions  étaient  prefque  défertes.  Dans  nos  cli- 
mats feptentrionaux  au  contraire  ,  il  était  beaucoup 
plus  aifé  de  rencontrer  une  compagnie  de  loups  qu'une 
fociété  d'hpmmes. 

De  la  connaissance  de  l'ame. 

Quelle  notion  tous  les  premiers  peuples  auront-ils 
eue  de  l'ame  ?  Celle  qu'ont  tous  nos  gens  do  cam- 
pagne avant  qu'ils  ayent  entendu  le  catéchifme ,  ou 


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. 


itiéme  après  qu'ils  l'ont  entendu.  Ilar  n'acquièrent  qu'u- 
ne idée  confufe,  fur  laquelle  même  ils  ne  réflechiflfent 
jamais.  La  nature  a  eu  trop  de  pitié  d'eux  pour  en 
faire  des  metaphyficiens  ;  cette  nature  eft  toujours 
&  partout  li  même.  Elle  fit  fentir  aux  premières  focié- 
tés  qu*il  y  avait  quelque  être  fupérieur  à  Thomme  ^ 
quind  elles  éprouvaient  des  fléaux  extraordinaires. 
Elle  leur  fit  fentir  de  même  qu'il  eft  dans  l'homme 
quelque  chofe  qui  agit  &  qui  penfe.  Elles  ne  diftîn- 
guaient  point  cette  faculté  de  celle  de  la  vie;  &  le  mot 
à'ame  ûgnifia  toujours  la  vie  chez  les  anciens  ,  foît 
Syriens,  foit  Caldéens,  foit Egyptiens , foit  Grecs,  foît 
ceux  qui  vinrent  eoiin  s'établir  dans  une  partie  de  la 
Phenicie. 

Par  quels  degrés  peut-on  parvenir' à  imaginer  dans 
notre  être  phyfique  un  autre  être  métaphyfique  ?  Cer- 
tainement des  homnes  uniquement  occupés  de  leurs     Jl 
befoins  n'étaient  pas  philofophes.  D 

Il  fe  forma  dans  la  fuite  des  tems  des  fociétés  un 
peu  policées ,  dans  lefquelles  un  petit  nombre  d'hom- 
mes put  avoir  le  loifir  de  réfléchir.  Il  doit  être  arrivé 
qu'un  homme  fenfiblement  frappé  de  la  mort  de  fon 
père ,  ou  de  fon  frère  ,  ou  de  fa  femme  ,  ait  vu  dans 
un  fonge  la  per fon  ne  qu'il  regrettait.  Deux  ou  trois 
fonges  de  cette  nature  auront  inquiété  toute  une  peu- 
plade.  Voilà  un  mort  qui  apparaît  à  des  vivans  ,  & 
cependant  ce  mort  rongé  des  vers  eft  toujours  en  la 
même  place.  C'eft  donc  quelque  chofe  qui  était  en 
lui ,  qui  fe  promène  dans  l'air.  C'eft  fon  ame  ,  fon 
ombre ,  fcs  mânes  ;  c'eft  une  figure  légère  de  lui-même.^ 
Tel  eft  le  raifonnement  naturel  de  l'ignorance  qui 
commence  à  raifonncr.  Cette  opinion  eft  celle  de  tous 
les  premiers  tems  connus ,  6^  doit  avoir  été  par  con- 
'  féquent  celle  des  tems  ignorés.  L'idée  d'un  être  pu- 
rement  immatériel  n'a  pu  fe  préfenter  à  des  efprits  qui 
ne  connaîflaient  que  la  matière.  Il  a  falu  des  forgea  ' 
rons ,  des  charpentiers  ,  des  maqons ,  des  laboureurs^ 


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9  D  E      l'  A  M  E*  II      I  f 


avant  qu'il  fc  trowrât  un  homme  qui  eût  aflcz  de  loifir 
pour  méditer.  Tous  les  arts  de  la  main  ont  fans  doute 
précédé  la  métaphyGque  de  pluGeurs  fiécles. 

Remarquons  en  paiTant  que  dans  Page  moyen  de 
la  Grèce ,  du  tems  d'Homère ,  l'ame  n'était  autre  chofe 
qu'une  image  aérienne  du  corps.  Ulyjfe  voit  dans  les 
enfers  des  ombres  ,  des  mânes  ;  pouvait-il  voir  des 
cfprits  purs  ? 

Nous  examinerons  dans  la  fuite  comment  les  Grecs 
empruntèrent  des  Egyptiens  l'idée  des  enfers  &  de 
l'apothéofe  des  morts  ;  comment  ils  crurent ,  ainfi  que 
d'autres  peuples ,  une  féconde  vie  ^  fans  foupqonner  la 
fpiritualité  de  Tame  ;  au  contraire  ils  ne  pouvaient  ima- 
giner qu'un  être  fans  corps  pût  éprouver  du  bien  & 
du  mal.  Et  je  ne  fais  fi  Pltiton  n'eft  pas  le  premier  qui 
aie  parlé  d'un  être  purement  fpirituel.  C'eft  là  peut- 
être  un  des  plus  grands  efforts  de  l'intelligence  hu- 
maine. Ëncor  la  fpiritualité  de  P/atoft  eft  très  con- 
teftée  ,  &  la  plupart  des  pères  de  l'églife  admirent 
une  ame  corporelle ,  tout  platoniciens  qu'ils  étaient 
Mais  nous  n'en  fommes  pas  à  ces  tems  fi  nouveaux , 
&  nous  ne  confidérons  le  monde  que  comme  encor 
informe  &  à  peine  dégro(fi. 

De   la  religion   des    premiers 

HOMMES. 

Lorfqu'après  un  grand  nombre  de  fiécles  quelques 
fociétés  fe  furent  établies ,  il  eft  à  croire  qu'il  y  eut 
quelque  religion  ,  quelque  efpèce  de  culte  groffier. 
I  Les  hommes  alors  uniquement  occupés  du  foin  de 
foutenir  leur  vie ,  ne  pouvaient  remonter  à  l'auteur  de 
la  vie  ;  ils  ne  pouvaient  connaître  ces  rapports  de  tou- 
tes les  parties  de  l'univers ,  ces  moyens ,  &  ces  fins 
innombrables  qui  annoncent  aux  fages  un  éternel 
archite^e.  «^ 

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12  D   E     L  A     R  E   L  I   G  I   O   N 

.  La  connaiffancc  d'un  D I K  U  formateur ,  rémuiié*. 
rateur  &  vengeur;  eft  le  fruit  de  la  raifon  cultivée ,  ou . 
de  la  révélation* 

.Tous  lés  peuples  furent  donc ,  pendant  des  fiéclcs  , 
de  que  font  àujourH*hùi  les  habîtans  de  plpfieurs  cAces  • 
méridionales  de  l'Afrique  ,  cei^x  de  plufieurs  ifles  ,  & 
la  moitié  des  Anericains.  Ces  peuples  n'ont  nulle 
idée  d'un  DiEO  unique,  ayant  tout  fait,  préfent  en 
tous  lieux,  exiftint  par  lui-méne  dans  l'éternité.  On 
ne  doit  pas  pourtant  les  nommer  athées  dans  le  fens 
ordinaire  ;  car  ils  ne  nient  point  TEtre  fupréme  ;11s 
ne  le  connaiflcnt  psis  ;  ils  n'en  ont  nulle  idée.  Les^ 
Cafres  prennent  pour  protedleur  un  infeéle ,  les  Nè- 
gres un  ferpent.  Chez  les  Américains  ,  les  uns  ado- 
rent la  lune ,  les  autres  un  arbre.  Pluûeurs  n'ont  abfo- 
lument  aucun  culte. 

Les  Péru.viens  étant  policés  adoraîfent  le  foleil.  Ou 
Mango  Capac  leur  avait  fait  accroire  qu'il  était  le  fils 
de  cct'aftre  ,  ou  leur  raifon  commencée  leur  avait  dit 
qu'ils  devaient  quelque  reconnaifîance  à  l'aflre  qui 
anime  la  nature. 


Pour  favoir  comment  tous  ces  cultes  ou  ces  fu- 
perilitions  s'établirent ,  il  me  femble  qu'il  faut  fuivre 
la  marche  de  t'efprit  humain  abandonné  à  lui-même. 
Une  bourgade  d'hommes  prefque  fauvages ,  voit  pé- 
rir les  fruits  qui  la  nourrilTent  :  une  inondation  dé- 
truit quelques  cabanes  ;  le  tonnerre  en  brûle  quelques 
autres.  Q)jî  leur  a  fait  ce  mal  ?  Ce  ne  peut  être  un 
de  leurs  concitoyens  ;  c^r  tous  ont  également  fouffert. 
C'eft  donc  quelque  puîflance  fecrette  ;  elle  les  a  maltrai- 
tes ,  il  faut  donc  l'appaifer.  Comment  en  venir  à  bout? 
en  la  fervant  comme  on  fert  ceux  à  qui  on  veut  plaire , 
en  lui  faifant  de  petits  préfens.  Il  y  a  un  ferpent  dans  le 
voifinage ,  ce  pourait  bien  être  le  ferpent  ;  on  lui  offrira 
du  lait  près  de  la  caverne  où  il  fe  retire  ;  il  devient  j  r 
facré  dès  -  lors  ;  on  l'invoque  quand  on  a  la  guerre   .  ^  * 


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DBS    FUilSIjeRS    HOMMES. 


13    ^ 


con^e  la  bourgade  ¥oifme ,  qui  de  fon  côté  a  cholfi  un 
autre  protecteur. 

D'autres  petites  peuplades  fe  trouvent  dans  le  même 
Cas.  Mais  n'gyant  ckez  elles  aucun  objet  qui  fixe  leur 
crainte  &  leur  adoration ,  elles  appelleront  en  général 
l'être  qu'elles  foupc^onnent  leur  avoir  fait  du  mal ,  ù 
Maître ,  le  Seigmur ,  le  ^bef^  le  Dominant, 

Cette  idée  étant  plua  conforme  que  les  autres  à 
la  raifon  commencée  qui  s'accroit  &  fe  fortifie  aveC 
le  temsv  demeure  dans  toutes  les  têtes  quand  la  na- 
tion eft  devenue  plus  nombreufe.  Aînfi  nous  voyons 
que  beaucoup  de  nations  n'ont  eu  d'autre  Dieu  quç 
le  Maître ,  le  Seigneur.  C'était  Adouai  c\\q%  les  Phé- 
niciens ,  Baal^  Meikom ,  jidad  ,  Sadai  chez  les  peu- 
ples de  Syrie.  Tous  ces  noms  ne  fignifient  que  le 
Seigneur  ,  le  Purjfunt, 

Chaque  état  eut  donc  avec  le  tems  fa  divinité  tuté- 
laîre  ,  fans  favoir  feulement  ce  que  c'eft  qu'un  Dieu  ; 
&  fans  pouvoir  imaginer  que  l'Etat  voifin  n'eût  pas 
comme  lui  un  protecteur  véritable.  Car  comipient  pen- 
icr  ,  lorfqu'on  avait  xiu  Seigneur  ,  que  les  autres  n'en 
enflent  pas  auffi  ?  11  s'agiffait  feulement  de  favoir  lequel 
de  tant  de  maîtres ,  de  feigneurs ,  de  Dieux ,  l'em- 
porterait quand  les  nations  combattraient  les  unes 
contre  les  autres. 

Ce  fut  là,  fans  doute',  l'origine  de  cette  opinion  fi 
généralement  &  fi  longtems  répandue  ,  que  chaque 
peuple  était  réellement  protégé  par  la  divinité  qu'il 
avait  choifie.  Cette  idée  fut  tellement  enracinée  chez 
les  hommes  ,  que  dans  des  tems  très  poftérieurs  ,  vous 
voyez  Homère  faire  combattre  les  Dieux  de  Troye 
contre  les  Dieux  des  Grecs ,  fans  laifl'er  foupqonner 
en  aucun  endroit  que  ce  foit  une  chofe  extraordi- 
naire &  nouvelle.  Vous  voyez  Jephté  chez  les  Juifs 
qui  dit  aux  Ammonites  >  2^e  pojfédez  -vous  pas  de  droit 


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14       De    la    religion 

ce  que  votre  feigtieur  Chatnos  vont  a  donné  ?  Souf- 
frez donc  que  nous  pojfédions  la  terre  que  notre  f eu 
gneur  Adon^  nous  apromife. 

Il  y  a  deux  autres  palTages  non  moins  forts ,  ce  (ont 
ceux  de  Jirémie  &  d'Ifàie ,  où  il  eft  dit  ,  Que/Ze  rai- 
fin  a  eu  le  feigneur  Melkom  pour  s* emparer  du  pays 
de  Gad  ?  Il  eft  clair  par  ces  expreffions ,  que  Jes 
Juifs  ,  quoique  fcnriteurs  à'Adonài  ,  reconnaiflaient 
pourtant  le  feigneur  Melkom  &  le  feigneur  Cbamos. 

Dans  le  premier  chapitre  des  Juges  vous  trouverez 
que  le  Dieu  de  Juda  fe  rendit  maître  des  montagnes  , 
mais  qu'il  ne  put  vaincre  dans  les  vallées.  Et  au 
troifiéme  livre  des  Rois  vous  trouvez  chez  les  Syriens 
l'opinion  établie  que  le  DiEU  des  Juifs  n'était  que  le 
Dieu  des  montagnes. 

Il  y  a  bien  plus.  Rien  ne  fut  plus  commun  que 
d'adopter  les  Dieux  étrangers.  Les  Grecs  reconnu- 
rent ceux  des  Egyptiens  ,  je  ne  dis  pas  le  boeuf  jqpis 
&  le  chien  Anubis  »  mais  Ammon ,  &  les  douze  grands 
Dieux.  Les  Romains  adorèrent  tous  les  Dieux  des 
Grecs.  Jérimie  ,  Amos  &  St.  Etienne ,  nous  aflfurent 
que  dans  le  défert  pendant  quarante  années,  les  Jui& 
ne  reconnurent  que  Moloc ,  Rempbam  &  Kium ,  qu'ils 
ne  firent  aucun  facrifice  ,  ne  préfentèrent  aucune 
offrande  au  feigneur  Adonai  «  qu'ils  adorèrent  depuis. 
Il  eft  vrai  que  le  Pentateuque  ne  parle  que  du  veau 
d'or ,  dont  aucun  prophète  ne  fait  mention  ;  mais  ce 
n'eft  pas  ici  le  lieu  d'éclaircir  cette  grande  difficulté  : 
il  fuffit  de  révérer  également  Moife ,  Jirémie  ,  Amos 
&  St,  Etienne  ,  qui  Semblent  fe  contredire ,  &  que  l'on 
concilie. 

Ce  que  j'obferve  feulement  ,  c'eft  qu'excepté  ces 
tems  de  guerre  &  de  fanatifme  fanguinaire  qui  éteignent 
toute  humanité  &  qui  rendent  les  mœurs,  les  loix, 
}a  religion  d'un  peuple  l'objet  de  Thorreur  d'un  au-     , 


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DES    PREMIERS    HOMMES.        I^ 

tre  peuple ,  toutes  les  nations  trouvèrent  très  bon  que 
leurs  voifins  euflent  leurs  Dieux  particuliers ,  &  qu'eU 
les  imitèrent  fouvent  le  culte  &  les  cérémonies  des 
étrangers. 

Les  Juifs  mêmes  ,  malgré  leur  horreur  pour  le  reftp 
des  hommes  ,  qui  s'accrut  avec  le  tems  «  imitèrent  la 
circoncifion  des  Arabes  &  des  Egyptiens ,  s'attachè- 
rent comme  ces  derniers  à  la  diilinction  des  vian« 
des ,  prirent  d'eux  les  ablutions  ,  les  procefTions  ,  les 
danfes  facrées  ,  le  bouc  Hazazel ,  la  vacbe  roujffm 
Ils  adorèrent  fouvent  le  Baai ,  le  Be/pbegor  de  leufa 
autres  voifins  ;  tant  la  nature  &  la  coutume  l'empori» 
tent  prefque  toujours  fur  la  loi ,  furtout  quand  cette 
loi  n'eft  pas  généralement  connue  du  peuple.  Ainfi  Jo- 
cob  petit-fils  à^ Abraham  ne  fit  nulle  difiiculté  d'époufer 
deux  fœurs ,  qui  étaient  ce  que  nous  appelions  ido^ 
làtres  &  filles  d'un  père  idolâtre.  Mdife  même  époufa 
la  fille  d'un  prêtre  Madîanite  idolâtre.  Abrabam  était 
fils  d'un  idolâtre.  Le  petit-âls  de  Moïfe ,  EUazaty  fut 
prêtre  idolâtre  de  la  tribu  de  Dan  idolâtre. 

Ces  mêmes  Juifs  qui  criaient  tant  contre  les  cuU 
tes  étrangers  ,  appellèrent  dans  leurs  livres  facrés 
l'idolâtre  Nabucodonofor  ,  l'oint  du  Seigneur,  l'ido- 
lâtre Oyrut  auffl  l'oint  du'  Seigneur.  Un  de  leurs  pro- 
phètes fut  envoyé  à  l'idolâtre  Ninîve.  Elijee  permît 
a  l'idolâtre  Naaman  d'aller  dans  le  temple  de  Rem- 
non.  Mais  n'anticipons  rien  ;  nous  favons  affez  que 
les  hommes  fe  contredifent  toujours  dans  leurs  mœurç 
&  dans  leurs  loix.  Ne  fortons  point  ici  du  fujel 
que  nous  traitons  ;  continuons  à  voir  comment  les 
religions  diverfes  s'établirent. 

Les  peuples  les  plus  policés  de  l'Afie  en-deqàde 
TEuphrate  adorèrent  les  aftres.  Les  Caldéens  avant 
le  premier  Zoroajlre ,  rendaient  hommage  au  Soleil , 
comme  firent  depuis  les  Péruviens  dans  un  autre 
hémifphère.  Il  faut  que  cette  erreur  foit  bien  na- 
turelle à  l'homme  ,  puifqu'elle  a  eu  tant  de  fe<fta- 


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l6         De     XÂ      RELIGION 

teurs  dans  l'Afié  ôc  dans  rAmérique.  Une  nation 
j^etîte  &  à  demi  fauvagc  n'a  qu'un  protecteur.  De- 
vient-elle  plus  nombreufe  ?  elle  augmente  le  nombre 
de  fes  Dieux.  Les  Egyptiens  commencent  par  ado- 
rer Lbetb  ou  Ifif ,  A  ils  finiflenif  par  adorer  des  chats. 
Les  premiers  hommages  des  Romains  agreftes  font 
pour  Mars  ,  cei^x  des  Romains  maîtres  de  l'Eu- 
rope font  pour  la  Déeffe^^Ie  Tadte  du  mariage  ,  pour 
le  Dieu  des  htrines.  (a)  Et  cependant  Cicéron  Se, 
tous  les  philofophes  &  tous  les  initiés  reconnaiffaîent 
un  Dieu  fuprême  &  tout-puiffant  Ils  étaient  tous 
revenus  par  la  raifon  au  point  dont  les  hommes  fau- 
vages  étaient  partis  par  inftindl. 

Les  apothéofes  ne  peuvent  avoir  été  imaginées 
que  très  longtems  après  les  premiers  cultes.  Il  n'eft 
pas  naturel  de  faire  d'abord  un  Dieu  d'un  homme 
que  nous  avons  vu  naître  comme  nous  ,  fouffrir  com- 
me nous  les  maladies  i  les  chagrins ,  les  miféres  de 
l'humanité ,  fubir  les  mêmes  befoins  humilians  ,  mou- 
rir &  devenir  la  pâture  des  vers,  lyiaîs  voici  ce  qui 
arriva  chez  prefque  toutes  les  nations  après  les  ré- 
volutions de  plufieurs  fiécles» 

Un  homme  qui  avait  fait  de  grandes  chofes ,  qui 
avait  rendu  des  fervices  au  genre- humain  ,  ne  pou- 
vait être  à  la  vérité  regardé  comme  un  Dieu  par 
ceux  qui  l'avaient  vu  trembler  de  la  fièvre ,  &  aller 
à  la  garderobe  ;  mais  les  entoufiaftes  fe  perfuadèrent 
qu'ayant  des  qualités  émînentes  ,  il  les  tenait  d'un 
Dieu  ,  qu'il  était  fils  d'un  Dieu  :  ainfi  les  Dieux  firent 
des  enfans  dans  tout  le  monde  ;  car  fans  compter  les 
rêveries  de  tant  de  peuples  qui  précédèrent  les  Grecs , 
BaccbuT  ,  Perfée  ,  Hercule ,  Caftor  &  Pollux  furent 
fils  de  Dieu  ;  .Romulm  fils  de  Dieu  ;  Alexandre  fut 
déclaré  fils  de  Dieu  en  Egypte  ;  un  certain  Odin^ 
chez  nos  nations  du  Nord  ,  fils  de  Dieu  >  Mangt)  Ca* 

foc. 

(  a  }  Bea  pertmda  ,  Dtusftefeutius. 


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]>ar  fils  du  Soleil  au  Pérou.  L'hiftorien  des  Mogola 
Abu/gazi  rapporte  qu'une  des  ayeules  de  Gengis-lia^ 
nommée  Alanku  ,  étant  fille  ,  fut  grolTe  d'un  rayori 
célefte.  GengisAian  lui-même  pafla  pour  le  fils  de 
Dieu.  Et  lorfque  le  pjpe  Innocent  IV  envoya  frère 
Ajcelin  à  Batoukan  petit-fils  de  Gengis  ,  ce  muine  ne 
pouvant  être  préfence  qu'à  Tun  des  vifirs  ,  lui  A\% 
qu'il  venait  de  la  part  du  vicaire  de  Dieu  :  le  minif- 
trc  répondit ,  Ce  vicaire  ignore-t-il  qu'il  doit  des  hom- 
mages &  des  tributs  au  fiU  de  Dieu  le  grand  J?a- 
toukan  Ton  maître  ? 

D  un  fils  de  Dieu  à  un  Dieu,  il  n'y  a  pas  loin  chez 
les  hommes  amoureux  du  merveilleux.  Il  ne  faut 
que  deux  ou  trois  générations  pour  faire  p  irtager  au 
fils  le  domaine  de  fon  père  ;  ainfi  des  temples  furent 
élevés  avec  le  tems  à  tous  ceux  qu'on  avait  fuppofé 
être  nés  du  commerce  furnaturcl  de  la  ©ivinicé  avec 
nos  femmes  &  avec  nos  filles, 

On  pourrait  faire  des  volumes  fur  ce  fujet  ;  maïs 
tous  ces  volumes  te  réduifent  à  deux  mots ,  c'eftque 
le  gros  du  genre -humain  a  été  &  fera  très  lohgtcms 
infenfé  &  imbécille  ;  &  que  peut-être  les  plus  infen- 
fés  de  tous  ont  été  ceux  qui  ont  voulu  trouver  un 
fens  à  ces  fables  abfurdçs  ,  &  mettre  de  la  raifoa 
dans  la  folie, 

Des  usages  et  des  sentimens  communs  4 

PRESaUE   toutes   LES   NATIONS   ANCIENNES. 

La  nature  étant  partout  la  même  ^  les  hommes  ont 
dû  néceflairçnient  adopter  les  mênjcs  vérités  65:  les 
mêmes  erreurs  dans  les  chofes  qui  tombent  le  plus 
fous  les  fens  ,  &  qui  frappent  le  plus  rimagination. 
Ils  ont  dû  tous  attribuer  le  fracas  8c  les  effets  du 
tonnerre  au  pouvoir  d'un  être  fupérieur  habitant  dans 
les  airs.  Les  peuples  voifins  de  l'océan  voyant  les  gran- 
des mirées  inonder  leurs  rivages  à  la  pleinç  lune  » 

EJfaifur  les  mœurs  ,  '^c,  Toin.  L  B 

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ont  dà  croire  que  la  lune  était  caufe  de  tout  ce  gui 
ajrrivait  dans  le  tems  de  fes  différentes  pbafes. 

Dans  leurs  cérémonies  religieufes ,  prefque  tout  fe 
tournèrent  vers  Toricnt ,  ne  fongeant  pas  qu'il  n*y  a 
ni  orient  ni  occident  ,  &  rendant  tous  une  efpece 
d'hommage  au  foleil ,  qui  fe  lei^ait  à  leurs  yeux. 

Parmi  les  animaux  ,  le  ferpent  dut  leur  paraître 
doué  d'une  intelligence  fupcrieure ,  parce  que  voyant 
muer  quelquefois  fa  peau ,  ils  durent  croire  qu'il  ra- 
jeuniflait.  Il  pouvait  donc  en  changeant  de  peau  fe 
maintenir  toujours  dans  fa  jeuneffe  ;  il  était  donc 
immortel.  Aufli  fut  -il  en  Egypt«  ,  en  Grèce  ,  le  fym- 
bole  de  l'immortalité.  Les  gros  ferpens  qui  fe  trou- 
vaient auprès  des  fontaines  empêchaient  les  hommes 
timides  d'en  approcher.  On  penfa  bientôt  qu'ils  gar- 
daient  les  tréfors.  Ainfi  un  ferpent  gardait  les  pom- 
mes  d'or  hefpéridcs  ;  un  autre  veili«ît  autour  de  la 
toifon  d'or  ;  &  dans  les  myftères  de  Baccbus  on  por- 
tait l'image  d'un  ferpent  qui  femblait  garder  une  grap- 
pe d'or. 

Le  ferpent  paflait  donc  pour  le  plus  habile  des 
animaux  ;  &  de  -  là  cette  ancienne  fable  indienne ,  que 
Dieu  ayant  créé  l'homme ,  lui  donna  une  drop.ue  qui 
lui  aflurait  une  vie  faine  &  longue  ;  que  Thomme 
chargea  fon  âne  de  ce  préfent  divin  ,  mais  qu'en  che- 
min  l'âne  ayant  eu  foif ,  le  ferpent  lui  enfeigna  une 
fontaine  ,  &  prit  la  drogue  pour  lui ,  tandis  que  l'âne 
buvait  ;  de  forte  que  l'homme  perdit  l'immortalité 
par  fa  négligence  ,  &  le  ferpent  l'acquit  par  fon 
adrefle.  De- là  enfin  tant  de  contes  de  ferpens  6c 
d'ânes. 

Ces  ferpens  faifaient  du  mal  ;  mais  comme  ijs  avaient 
quelque  chofe  de  divin ,  il  n'y  avait  qu'un  Dieu  qui 
eût  pu  enfeigner  à  les  détruire.  Ainfi  le  ferpent  Python 
^     fut  tué  par  ^follon,  Ainfi  Opbionie  le  grand  fei;pent ,     . 

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PES  NATIONS    KVÇltVmth     19 

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fit  la  guerre  aux  Dieux  longtems  avant  qve  les  Greç^ 
cuflent  forgé  leur  Apollon,  Un  fragment  de  Phirécide 
rapporte  que  cette  fable  du  grand  ferpent  ennemi  dç$ 
Dieux  était  une  des  plui  anciennes  de  la  ffeénicie,  ' 

Nous  avons  déjà  vu  que  les  fonges ,  les  rêves  dui^ 
rent  introduire  la  même  fuperftition  dans  toute  la  terre, 
Je  fuis  inqujet  pendant  la  veille  de  la  fanté  de  ma 
femme  ,  de  mon  fils  ,  je  les  vois  mourans  pendant 
mon  fbmmeil  ,  ils  meurent  quelques  jours  après  :  il 
n'eft  pas  douteux  que  les  Dieux  ne  m'ayent  envoyç 
ce  fonge  véritable.  Mon  rêve  n'a-t-il  pas  été  acçom^ 
pli  ?  c'eft  un  rêve  trompeur  que  les  Dieux  m'ont  dé» 
puté.  Ainfi  dans  Homère^  Jupiter  envoyé  un  fonge 
trompeur  au  chef  des  Grecs  Jgamenmon,  Ainfi  ,  (  au 
m.  livre  des  Rois ,  chap.  XXII.  )  le  Dieu  qui  con, 
duit  les  Juifs  envoyé  un  efpriç  malin  pour  mf  ntir  dans 
la  bouche  des  prophètes, 


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Tous  les  fonges  vrais  ou  hux  viennent  du  ciel.  I^e$ 
oracles  s'étabiiflent'de  même  par  toute  la  teire, 

Une  femme  vient  demander  à  des  mages  (i  fon  mari 
mourra  dans  Tannée.  L'un  lui  répond  oui ,  l'autre  non, 
Il  eft  bien  certain  que  Tun  d'eux  aura  raifon  ;  fi  le 
mari  vit,  la  femme  garde  le  iilence;  s'il  meurt ,  elle 
crie  par  toute  la  ville  que  le  mage  qui  a  prédit  cettç 
mort  eft  un  prophète  divin.  Il  fç  trouve  bientôt  dans 
tous  les  pays  ^es  hommes  qui  prédifent  l'avenir  ,  & 
qui  découvrent  les  chofes  les  plus  cachées.  Ces  hom, 
mes  s'appellent  les  Voyans  chez  les  Egyptiens  ,  com^ 
me  dit  Manétbon  au  rapport  mêmç  de  Jofepb  dans 
fon  difcours  contre  Appion. 

Il  y  avait  des  Voyans  en  Caldée ,  en  Syrie.  Chaque 
temple  eut  fes  oracles.  Ceux  ^^ Apollon  obtinrent  un 
fi  grand  crédit ,  que  Rollin  dans  fon  hiftoire  ancienne 
répète  les  oracles  rendus  par  Apollon  à  Créfus,  Le 
Dieu  devine  que  le  roi  fait  cuire  une  tortue  dans  une 

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20       Usages  E'çsENTiMEN s 


tourtière  de  cuivre  ,  &  lui  répond  que  fon  règne  finira 
quand  un  mulet  fera  fur  le  trôhe  des  Perfes.  RoUin 
n'examine  point  fi  ces  présidions  dignes  de  li^ofira* 
dmnus  ont  été  faites  après  coup.  Il  ne  doute  pas  de 
la  fcience  des  prêtres  à' Apollon  ^  &  il  croit  que  Dieu 
permettait  q(\i  ApoUon  dit  vrai.  C'était  apparemment 
pour  confirmer  les  Payens  dans  leur  religion. 

Une  queftion  plus  philofophique  ,  dans  laquelle 
toutes  les  grandes  nations  policées  fe  font  accordées 
depuis  rinde  jufqu'à  la  Grèce ,  c'éft  l'origine  du  bien 
&  du  mal. 


Les  premiers  théologiens  de  toutes  les  nations  du- 
rent fe  faire  la  queftion  que  nous  faifons  tous  dès 
rage  de  quirize  ans ,  Pourquoi  y  a-t-il  du  mal  fur  la 
terre  ? 

On  enfeîgna  dans  Tlnde  qu'Adimo  fils  de  Brama 
produifit  les  hommes  juftes  par  le  nombril  du  côté 
droit ,  &  les  injuftes  du  côté  gauche,  &  que  c'eft  de 
ce  côté  gauche  que  vint  le  rral  moral  &  le  mal  phyfiquc. 
Les  Egyptiens  curent  leur  Typhon ,  qui  fut  Tennemi 
â'OJiris,  Les  Perfans  imaginèrent  qu'Ariman  perqa 
l'œuf  qu'avait  pondu  Oromafe  ^  &  y  fit  entrer  le  pé- 
ché. On  connaît  la  Pandore  des  Grecs  :  c'eft  la  plus 
belle  de  tqutes  les  allégories  que  l'antiquité  nous  ait 
tranfmifes. 

L'allégorie  de  Job  fut  certainement  écrite  en  arabe  » 
pbîfaue  les  tradudîons  hébraïques  ^  grecques  ont 
cônfervé  plufieurs  termes  arabes.  Ce  livre  qui  cft  d'u- 
ne très  haute  antiquité  ,  repréfente  le  Satan ,  qui  eft 
VAriman  des  Perfes  ,  &  le  Typhon  des  Egyptiens  ,  fe 
promenant  dans  tonte  la  terre  ,  &  demandant  permif- 
fjon  au  Seigneur  d'.  ffliger  Joh,  Satan  paraît  fubor- 
donné  au  Seigneur  ;  mais  il  réfuîte  que  Satan  eft  un 
être  très  puilTT^nt  ,  capable  d'envoyer  fur  la  terre  des 
maladies  ,  65:  de  tuer  les  animaux. 


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DES   NATIONS   ANCIENNES.      21 

Il  9s  trouva  an  fond  que  tant  de  peuples  fans  le 
favoir  étaient  d'accord  fur  la  croyince  de  deux  prin- 
cipes ,  &  que  Tunive/s  ^lors  connu  était  en  quelque 
forte  manichéen.'  ^ 

Tous  les  peuples  durent  admettre  les  cxpintions  ; 
car  où  et  lit  l'homme  qui  n'eût  pas  commis  de  gran- 
des fautes  contre  la  fociété  ?  &  où  était  l'homme  à 
qui  l'inilindt  de  fa  raifon  ne  fît  pas  fentir  des  remords  ? 
L'eau  lavait  les  fouillures  du  corps  &  des  vétemens , 
le  feu  purifi  it  les  métaux  ;  il  falait  bien  que  l'eau  & 
le  feu  purifiaffent  les  âmes.  Aufli  n'y  eut- il  aucun 
temple  fans  eaux  &  fans  feux  (alutaires. 

Les  hommes  fe  plongèrent  dans  le  Gange ,  dans 
rindus  ,  dans  l'Euphrate  ,  au  renouvellement  de  la 
lune  ,  &  dans  les  éciipfes.  Cette  immeriion  expiait 
les  péchés.  Si  on  ne  fe  purifiait  pas  dans  le  Nil ,  c'eft 
que  les.  crocodiles  auraient  dévoré  les  pénitens.  Mais 
ies  prêtres  qui  fe  purifiaient  pour  le  peuple  fe  plon- 
geaient dans  de  larges  cuves ,  &  y  baignaient  les  cri- 
minek  qui  venaient  demander  pardon  aux  Dieux. 

Les  Grecs  dans  tous  leurs  temples  eutent  des  bains 
facrés  ,  comme  des  feux  facrés  ,  fymboles  univerfels 
chez  tous  les  hommes  de  la  pureté  des  âmes.  Enfin 
les  fuperftitîons  p^raiflcnt  établies  chez  toutes  les  na^ 
tiens ,  excepté  chez  les  lettrés  de  la  Chine. 

J)  Ë  S    Sauvages. 


Entcnde7-Vous  far  fauvages  djes  ruftres  vîvans  dans 
des  cabanes  avec  leurs  femelle?  &  quelques  animaux , 
expofés  fans  ceïfe  à  toute  l'intempérie  des  faifonè  , 
rtt  connaiffant  que  1i  terre  qui  les  nourrit ,  le  mar- 
ché où  ils  vont  quelquefois  vendre*  leurs  denrées , 
pour  y  acheter  .quelques  habillemens  groflîers  ,  par- 
lant un  jargon^  ^u*on  n'entend  pàs^dans  les  villes  ^ 
ayant  f)eu  d*idécs  ,  &  par  conféqué'nt  peu  d'expref- 

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tiônÈ  ;  fournis^  (ané  qu'ils  fâchent  pourquoi ,  à  tlti  hom* 
hie  die  plume ,  auquel  ils  portent  toUs  les  ans  la  moitié 
tié  ce  qu'ils  Ont  gagné  à  la  fuSur  de  leur  front  ;  fe 
taffemblant  certains  jours  dans  une  cfpêce  de  grange 
pour  célébrer  des  cérémonies  où  ils  ne  comprennent 
rien  4  écoutant  un  homme  vêtu  autrement  qu'eux ,  & 
^u^ils  n'eniKindent  point  \  quittant  quelquefois  leur 
Chaumière  Iorfqu*on  bat  le  tambour ,  &  s*engageant  à 
t'aller  feirc  tuer  dans  une  terre  étrangère  ,  Ô  à  tuer 
leurs  femblables  [iour  le  quart  de  ce  qu'ils  peuvent 
j|agner  chez  eux  tn  travaillant  ?  H  y  a  de  ces  fau* 
Vagés-là  dans  toute  l'Europe.  Il  faut  convenir  ,  fur* 
iout  s  que  les  peuples  du  Canada ,  &  les  Cafres  ,  qu^il 
nous  a  plu  d'appeller  fauvages,  font  infiniment  fupé* 
Heurs  iu,x  nôtres.  Lt  Huron  ,  l'Algonquin  ^  l'IIlinois  , 
lé  Cafre  ^  le  Hottentot ,  ont  l'art  de  fabriq"uer  eux* 
tnémet  tout  ce  donc  ils  ont  befoin  ;  &  cet  art  man- 
<jue  a  nos  ruftrés.  Les  peuplades  d'Amérique  Se  d'A- 
JFrique  font  libres ,  &  nos  fauvages  n'ont  pas  même 
d'idée  de  la  liberté. 

Les  prétendus  fauT^agéS  d'Amérique  font  des  foii- 
^^erains  qui  reçoivent  des  ambaCTadeUrs  de  nos  colo- 
hies  ,  que  l'avarice  &  la  légèreté  ont  tranfpla^ntés  au* 
J)rès  de  leur  territoirCi  Ils  connaHTent  l'honneur, 
dont  jamais  nos  fauvi^ges  d^Éutope  n*ont  entendu 
Jjarlert  Ils  ont  une  patrie,  il*  l*aiment  ,  ils  la  défen* 
dent  ;  jls  font  des  traités  ;  ils  fe  battent  avec  cou- 
fage,  &  parlent  foUvenf  avec  une  énergie  héroïque, 
Y  a-tiil  une  plus  belle  réponfe  dans  les  grands-hom- 
mes de  Plittarqtle  ,  que  celle  de  ce  chef  des  Cana- 
diens ,  à  qui  Une  nation  puropéane  propofait  de  lui 
èédèr  Ton  patrimoine?  IfoUsfommes  net  fur  cette  terre  ^ 
hùs  pères  y  fo^tt  enfevelis  ;  dirom-nom  aux  ojfemem  de 
hoT  pères  ,  levez  -  vo$ts  ,  ^  vtnez  avec  hohs  dans  une 
itrtè  étrangère  ?  , 

Ces  GanidJeni  étaient  ileé  Sj:>artîateî  en  compa* 
fairort  de   nos   ruftres   qui   fégeteat    dans  nos  fiU     ^ 

ifia^h Un  ijMfcmpiiii  1*111 fcppift&'Wf 


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DesSavvagis.         23      r 

lages  ,  &    des   Sibarices   qui  s'énervent  dans  nos 

viJJcs, 

Entendez- vous  par  fauvages  des  animaux  à  deux 
pieds  9  marchant  fur  les  mains  dans  le  befoin ,  ifolés , 
errans  dans  les  forêts  ,  Sahatici ,  Selvagi ,  s'accou- 
plant  à  Tavanture ,  oubliant  les  femmes  auxquelles 
ils  fe  font  joints  ,  ne  connaiflant  ni  leurs  fils  ni  leurs 
pères  ;  vîvans  en  brutes  ,  fans  avoir  ni  TinAinâ  ni  les 
refTources  des  brutes  ?  On  a  écrit  que  cet  état  eft  le 
véritable  état  de  l'homme ,  &  que  nous  n'avons  fait 
que  dégénérer  miférablement  depuis  que  nous  l'avons 
quitté.  Je  ne  crois  pas  que  cette  vie  folitaire  attribuée 
à  nos  pères  foit  dans  la  nature  humaine. 


Nous  fommes  ,  G  je  |ie  me  trompe  »  au  premier 
rang  (  s*it  eil  permis  de  le  dire  )  des  animaux  qui 
vivent  en  troupe ,  comme  les  abeilles  ,  les  fourmis  , 
les  caftors  ,  les  oies ,  les  poules ,  les  moutons ,  âl:c. 
Si  l'on  renconcrp  une  abeille  errante  ^  devra-t-*on  con- 
clure que  cette  abeille  eft  dans  l'état  de  pure  nature , 
&  que  celtes  qui  travaillent  en  fodété  dans  la  ruche 
ont  dégénéré  ? 

Tout  animal  n'a-t-il  pas  fon  inftîndl  irréfiftible  au- 
quel  il  obéit  néceOTairement?  Qu'eft-ce  que  cet  înf- 
tinéfe  ?  l'arrangement  des  organes  dont  le  jeu  fe  dé- 
ploie  par  le  tems.  Cet  inftincft.ne  peut  fe  dévelop- 
per d'abord ,  parce  que  les  organes  n'ont  pas  acquis 
leur  plénitude. 

Leur  pouvoir  eft  cooftant  »  leur  principe  eft  divin  » 
Il  faut  que  Te nfant  croifTe  avant  qa*il  les  exeioe  1 
Il  ne  les  connaît  pas  fous  la  main  qui  le  berce. 
Le  moineau  dans  Tinllant  qu'il  a  requ  le  jour. 
Sans  plumes  dans  Ton  nid  peut-il  fentir  Tamour  ? 
Le  renard  en  oaiOant  va-t-il  chercher  fa  proie  ? 
Les  infedes  changeans  qui  nous  filent  la  foie  » 

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Des    Savyages. 


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Les  cflT^ins  bourdonnans  de  ces  filles  du  ciel  , 
Q,uî  pétrifient  la  cire ,  &  compofent  le  miel , 
Si-tôt  qu'ils  font  éclos  fotment-ils  leur  ouvrage  ? 
Tout  s'accroil  par  le  tems ,  tout  meurit  avec  Tâge. 
Chaque  être  a  Ton  objet ,  &  dans  TinHant  marqué 
Marche  &  touche  à  fou  but  par  le  ciel  indiqflé* 

Ne  Voyons-nous  paiî  en  êflfet  que  tous  les  animatijc^ 
aînfi  que  tous  les  autres  êtres ,  exécutent  invariable- 
ment la  loi  que  la  nature  donne  à  leur  efpcce?  L'oifeau 
fait  fon  nid ,  comme  \ts  aftres  fourniflent  leur  .cour» 
fe  ,  par  un  prindpe  qui  ne  change  jdm  .is.  /Comment 
Thomme  feu!  aurait^il  changé  ?  S*il  eût  été  deftîné  à 
Vivre  folît  lîre  comme  les  autres  animaux  carnaflîers  , 
■aUrait-y  pu  coVitredire  la  loi  de  la  nature  jufqu*à  vî- 
\re  en  fjciétc?  &  s'il  était  fait  pour  vivre  en  troupe 
,comme  les  animaux  de  bafTe^cour  &  tant  d'autres  ^ 
eût-irpu  d^abord  ^rverttr  fa  deftinte  jufqu*à  vivre 
4)ierK)ai>t  des  fiéçles  eo.  folitaire  1 1l  eft  perfedUbîe  ;  & 
4e  la  on  a  conclu  qu'il  s'eft  perverti.  Mais  pourquoi 
ijîen.pas  conclure  qi^'il  s'eft  pcrfîedtionné  jufqu'au 
point  où  la  nature  a  marqué  les  limites  de  fa  per- 
fedîon  t 

.  *fou8  les  lîom0i^3  vivent  en  focîété  :  peut  «on  en 
inferôr  qu'ils  n'y  .ont  pas  vécu  autrefois  ?  n'eft-ce  pas 
jComrae  (i  on  concluiJ^  que  fi  les  taureaux  ont  aujour- 
d'hui ,  des  cornes  >  c'eft  parce  qu'ils  n'en  ont  pas  tou- 
jours eu  î 

L'hohîûié  jcn  génçral  a  toujours  été  ce  qu'il  eft  t 
tela  ne  veut  pas  dire  qu'il  ait  toujours  eu  de  belles 
villes  ,  du  canofl  <le  vingt-quatre  livres  de  balle ,  àcs 
Opéra  comiques  à  dés  couvens  de  religîeufes  ;  mais 
îl  a  toiijotjrs  eu  le  même  înftîn^  qui  le  porte  à  s'aimer 
dans  foi-méme  ,  dans  Ir  compagne  de  fon  phifir  ,  dajis 
fés  enfafïs^  dans  fes  pètits-4ils ,  dans  les  œuvres  de 
fetnains. 


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Des    Sauvages. 


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Voilà  ce  qui  jamais  ne  change  d*un  bout  de  Tunivers 
à  Tautre,  Le  fondement  de  la  fociété  exiftant  tou- 
jours ,  il  y  a  dont:  toujours  eu  quelque  fociété  ;  nous 
n'étions  donc  point  faits  pour  vivre  à  la  manière 
des  ours. 

On  a  trouvé  quelquefois  des  enfans  égarés  dans 
les  bois ,  &  vivans  comme  des  brutes  ;  mais  on  y  a 
trouvé  auin  des  moutons  &  des  oies  ;  cela  n'empêche 
pas  que  les  oies  &  les  moutons  ne  foient  deftinés  à 
vivre  en  troupeaux. 

Il  y  a  des  faquîrs  dans  les  Indes  qui  vivent  feuls  ^ 
chargés  de  chaînes.  Oui  ;  &  ils  ne  vivent  ainfi  qu'afin 
que  les  paflans  qui  les  admirent ,  viennent  leur  don- 
ner des  aumônes.  Ils  font  par  un  fanatifme  rempli 
de  vanité  ,  ce  que  font  nos  mendians  des  grands  che- 
mins ,  qui  s'eftropient  pour  attirer  la  compaffion.  Ces 
excrémens  de  la  fociété  humaine  font  feulement  des 
preuves  de  Tabus  qu'on  peut  faire  de  cette  fociété.' 

Il  efl:  très  vraifemblable  que  l'homme  a  été  agrefte 
pendant  des  milliers  de  fiécles  ,  comme  font  eocor  au- 
jourd'hui une  infinité  de  payfans/  Mais  Thomme  n'a 
pu  vivre  comme  les  bléreaux  &  les  lièvres. 

Par  quelle  loi ,  par  quels  liens  fecrets  ,  par  quel  inf- 
tind  l'homme  aura-t-il  toujours  vécu  en  famille  fans 
le  fecours  des  arts  ,.&  fans  avoir  encor  formé  un  lan- 
gage ?  C'eft  par  fa  propre  nature  ,  par  le  goût  qui  le 
porte  à  s'unir  avec  une  femme  ;  c'eft  par  l'attache- 
ment qu'un  Morlaque  ,  un  Iflandois  ,  un  Lappon  ,  un 
Hottentot  fent  pour  fa  compagne ,  lorfque  fon  ven- 
tre groffiflant ,  lui  donne  l'efpérance  de  voir  naître  de 
fon  fang  un  être  femblable  à  lui  ;  c'eft  par  le  befoin 
que  cet  homme  &  cette  femme  ont  l'un  de  l'autre, 
par  l'amour  que  la  nature  leur  infpire  pour  leur  pe- 
tit dès  qu'il  eft  né ,  par  l'autorité  que  la  nature  leur 
donne  fur  ce  petit ,  par  l'habitude  de  l'aimer ,  par  l'ha* 


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Dbs    Sauvages. 


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bitttde  que  le  petit  prend  néceflaiVement  d'obéir  an 
père  &  à  la  mère  ,  par  les  fecoui-s  qu'ils  en  reçoi- 
vent dès  qu'il  a  cinq  ou  fix  ans  ,  ]Dar  les  nouveaux  en- 
fans  que  font  cet  homme  &  cette  femme  ;  c'efl  enfin 
parce  que  dans  un  âge  avancé  ils  voyent  ayec  plaifir 
leurs  fils  &  leurs  filles  faire  enfemble  d'autres  enfans 
qui  ont  le  même  inftincîl  que  leurs  pères  &  leurs  mères. 

Tout  cela  eft  un  afîemblage  d'hommes  bien  grof- 
fiers ,  je  l'avoue  ;  mais  croit-on  que  les  charbonniers 
des  forets  d'Allemagne ,  les  habitans  du  Nord  ,  &  cent 
^peuples  de  l'Afrique  ,  vivent  aujourd'hui  d'une  ma- 
nière bien  différente  ? 

Quelle  langue  parleront  ces  familles  fauvages  & 
barbares  1  elles  feront  fans  doute  très  longtems  fans 
en  parler  aucune  ;  elles  s'entendront  très  bien  par  des 
cris  &  par  des  geftes.  Toutes  les  nations  ont  été 
ainfi  des  fauvages ,  à  prendre  ce  mot  dans  ce  fens  ; 
c'eft-à^dîre,  qu'il  y  aura  eu  longtems  des  familles  erran- 
tes  dans  les  forêts  ,  difputant  leur  nourriture  apx  au- 
tres animaux  ,  s'armant  cofitr'eux  de  pierre^ .  &  de 
groffes  branches  d'arbres  ;  fe  nourrîffant  de  légumes 
fauvages ,  de  fruits  de  toute  efpèce  ,  &  enfin  d'ani- 
maux  mêmes. 

Il  y  a  dans  l'homme  un  înftînd  de  méchanique  que 
nous  voyons  produire  tous  les  jours  de  très  grands 
effets  dans  des  hommes  fort  grofliers.  On  voit  des 
machines  inventées  par  des  habitans  dts  montagnes 
du  Tirol  &  des  Vofges ,  qui  étonnent  les  favans.  Le 
payfan  le  plus  ignorant  fait  partout  remuer  les  plus 
gros  fardeaux  par  le  fecours  du  levier ,  fans  fe  dou- 
ter que  la  puiffance  feifant  équilibre ,  eft  au  poids  , 
comme  la  diftance  du  point  d'appui  à  ce  poids  eft 
à  la  difhnce  de  ce  même  point  d'appui  à  la  puifTance. 
S'il  avait  falu  que  dette  connaiflance  précédât  l'ufigfe 
des  leviers ,  que  de  fiécles  fe  feraient  écoulés  avant 
qu'on  eût  pu  déranger  une  groffe  pierre  de  fa  place  ! 


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Des    Sautagisi 


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Propofez  à  des  enfàns  de  fauter  un  foflTé  ;  tons  pren* 
dront  machinalement  leur  fecoufle ,  en  fe  retirant  un 
peu  en  arrière  >  &  en  courant  enfuite.  Ils  ne  fa  vent 
pas  affurém^nt  que  leur  force  tn  ce  cas  ^  le  produit 
de  leur  maffie  multipliée  par  leur  vitefle. 

Il  eft  donc  prouvé  que  la  nature  feule  nous  infpire 
des  idées  utiles  qui  précèdent  toutes  nos  réflexions. 
Il  en  eft  de  même  dans  la  morale.  Vfous  avons  tous 
deux  fentimens  qui  font  le  fondement  de  la  fociété , 
la  commifération  Se  la  juftice.  Qu'un  enfant  voye  dé- 
chirer Ion  femblable  ,  il  éprouvera  des  angoiffes  fubi- 
tes  ,  il  tes  témoignera  par  fes  cris  &  par  fes  larmes ,  il 
fecourera  s'il  peut  celui  qui  foufFre. 

Demande2  à  un  enfant  fans  éducation ,  qui  com- 
mencera à  raifonner  &  à  parler ,  (i  le  grain  qu'un  hom- 
me a  femé  dans  fon  champ  lui  appartient ,  &  fi  le 
voleur  qui  en  a  tué  le  propriétaire ,  a  un  droit  légitime 
fur  ce  grain  ;  vous  verrez  fi  l'enfant  ne  répondra  pat 
comme  tous  les  légiilateurs  de  la  terre. 

Dieu  nous  a  donné  un  principe  de  raifon  univerfel* 
le  ,  comme  il  a  donné  des  plumes  aux  oifeaux ,  Se 
la  fourrure  aux  ours  ;  Se  ce  principe  eft  fi  conftant  qu'il 
fubfifte  malgré  toutes  les  paffions  qui  le  combattent, 
malgré  les  tyrans  qui  veulent  le  noyer  dans  le  fang  , 
malgré  les  impofteurs  qui  veulent  l'anéantir  dans  la 
fuperftition.  C'eil  ce  qui  f^it  que  le  peuple  le  plus 
grofiier  juge  toujours  très  bien  à  la  longue  des  loix 
qui  le  gouvernent  ,  parce  qu'il  fent  fi  ces  loix  font 
conformes  ou  oppofees  aux  principes  de  commiféra- 
tiotl  &  de  juftice  ^ui  font  dans  fon  cœur. 

Mais  avant  d'en  venir  à  former  une  fociété  nom- 
breufe  ^  un  peuple  ,  une  nation  ,  il  faut  un  langage , 
&  c'eft  le  plus  difficile.  Sans  le  don  de  l'imitation  on 
n'y  ferait  jamais  parvenu.  On  aura  fans  d^ute  corn- 
mencé  par  des  cris  qui  auront  exprimé  les  premiers 


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D«$    Sauvage 


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befoins  ;  cnfuite  les  hommes  les  plus  ingénieux., 
nés  avec  les  organes  les  plus  flexibles ,  auront  formé 
<jaelqucs  arricuUtions  que  leurs  -enfaris  auront  répé- 
jtécs  ;  les  mères  furtouf  auront  dénoué  leurs  langues 
les  premières.  Tout  idiome  commentant  a Pîfa  été 
compofé  de  monofyllabes ,  comme  plus  aifé  à  forijier 
iSc  à  reteflir. 

Nous  Voyons  en  effet  que  les  nations  les  plus  an^ 
ciennes ,  qui  ont  confervé  quelque  chofe  de  leur  pre- 
mier  langage ,  expriment  encor  par  des  monofyllabes 
les  çhofes  les  plus  familières,  &  qui  tombent  le  plus 
fous  nos  fens  :  prefqqe  tout  le  chinois  eft  fondé  encor 
aujourd'hui  fur  des  monofyllabes, 

Confultez  Tâncien  tudefque  ,  &  tous  les  idiomes  du 
TJord  ;  vous  verrez  à  peine  une  chofe  néceffaîre  & 
commune  ,  exprimée  par  p4us  d'une  articulation.  Tout 
"feft  monofyllabe  ;  zon  ,  le  foleil  :,  motin  ^  la  lune  /  zé  , 
I  \'à  mer  ;  flus  ,  fleuve  ;  mon  ,  l'homme  ;  kof  ^  la  tête  ; 
Iboumif  un  arbre  ;  drink ,  boire  ;  march ,  marcher;  sblaf^ 
dormir ,  &c. 

C'eft  avec  cette  brièveté  qu'on  s'exprimait  dans 
les  forêts  des  Guules  &  de  la  Germanie,  &  dans  tout 
le  Septentrion.  Les  Grecs  &  les  Romains  n'eurent  des 
^ots  plus  compofés  que  longtems  après  s'être  réunis 
Jcn  corps  de  peuple. 

!  Mais  par  quelle  fagacîté  avons -nous  pu  marquer 
les  différences  des  tems  ?  Comment  aurons-nous  pu 
exprimer  lei  nuances  ,  ;>  voudrais ,  fcairods  voulu  , 
les  chofes  pofitives  ,  les  chofes  conditionnelles?  Ce  ne 
peut  être  que  chez  les  nations  déjà  les  plus  policées ,  - 
jqu'on-  foit  parvenu  avec  le  tems  à  rertdre  fcnfibles 
^r  des  mots  compofés>  ces  opérations  fecrettes  dé 
il'efprit  humain.  Auffi  voit-on  que  chez  les  Barbares 
.il  n'y -a  que  deux  ou  trois  tems.  L^  Hébreux  n'ex- 
^rÏR^aient  que  le  préfcnt  &  le  futur.  La  langue  fi-an- 


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Des    s  a  u  t  â  g  e  s. 


29 


que  fi  commune  dans  les  échelles  du  Levant ,  eft  ré- 
duite encor  à  cette  indigence. .  Et  enfin ,  malgré  tous 
les  efforts  des  hommes  ,  U  n'eil  aucun  langage  qui  ap- 
proche de  la  perfedion. 

De    L'AMéRidUE. 

Se  peut-il  qu'on  demande  encore  d'où  font  venus 
les  hommes  qui  ont,peuplé  l'Amérique  ?  On  doit  apu- 
rement faire  la  même  queftion  fur  tes  nations  des 
terres  Auftrales.  Elles  font  beaucoup  plus  éloignées 
du  .port  dont  partit  Chrijlopbe  Colomb  que  ne  le  font 
les  ifles  Antilles.  On  a  trouvé  des  hommes  &  des 
animaux  partout  où  la  terre  eft  habitable  ;  qui  les 
y  a  mis  ?  On  l'a  déjà  dit ,  c'eft  celui  qui  fait  croître 
l'herbe  des  champs  ;  &  on  ne  devait  pas  être  plus 
furpris  de  trouver  en  Amérique  des  hommes  que 
des  mouches. 

If  efl  affez  plaifant  que  le  jéfuite  Lafiieau  prétende 
dans  fa  préface  de  VMJhJre  des  Sauvages  Américains  % 
qu'il  n'y  a  que  des  athées  qui  puiffent  dire  que  Dieu 
a  créé  les  Américains. 

On  grave  encor  aujourd'hui  des  cartes  de  l'anoien 
monde ,  où  l'Amérique  paraît  fous  lé  nom  d'ifle  At- 
lantique. Les  ifles  du  Cap-Ver d  y  font  fous  le  nom 
des  Gorgades  ;  les  Caraïbes  fous  celui  des  Hefpérî- 
des.  Tout  cela  n'eft  pourtant  fondé  que  fur  l'an- 
cienne découverte  des  iflies  CanarieS ,  &  probable- 
ment de  celle  de  Madère  ,  où  les  Phéniciens  &  les 
Carthaginois^  voyagèrent  ;  elles  touchent  prefque  à 
l'Afrique,  &  peut-être  en  étaient -elles  moins  éloi- 
gnées dans  les  anciens  tems  qu'aujourd'hui* 

LaifTons  le  père  Lafiteau  faire  venir  les  Caraïbes 
des  peuples  de  Carie  ,  à  caufe  de  la  conformité  du 
nom,  &  furtout ,  parce  que  les  femmes  caraïbes  fai- 
faîent  la  cuifme  de  leurs  maris  ,  ainfi  que  les  fem- 


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mes  cartcnnes  ;lai{rons-le  fuppofer  que  les  caraïbes 
ne  naiflent  rouges ,  &  les  négreffes  noires  ,  qu'à  caufe 
de  rhabicude  de  leurs  premiers  pères  de  fe  peindre 
en  noir  ou  en  rouge. 

Il  arriva  ,  dit*il,que  les  négrefTes  voyant  leurs 
maris  teints  en  noir ,  en  eurent  Timagination  fi  frap- 
pée 9  que  leur  race  s'en  refientit  pour  jamais.  La  mê- 
me chofe  arriva  aux  femmes  caraïbes ,  qui  par  la  mê- 
me force  d'imagination  accouchèrent  d'enfans  rou- 
ges. Il  rapporte  l'exemple  des  brebis  de  Jacob ,  qui 
naquirent  bigarrées  ,  par  l'adrefle  qu'avait  eue  ce  pa« 
tfiarche  de  mettre  devant  leurs  yeux  des  branches 
dont  la  moitié  était  écorcée  ;  ces  branches  paraiifant 
à-peu-près  de  deux  couleurs,  donnèrent  aulTi  deux 
couleurs  aux  agneaux  du  patriarche.  Mais  le  jéfuite 
devait  favoir  que  tout  ce*  qui  arrivait  du  tems  de 
L     Jacob  ,  n'arrive  plus  aujourd'hui.  i 

^         Si  on  avait  demandé  au  gendre  de  ia^aw^pour-     * 
quoi  fes  brebis  voyant  toujours  de  Therbe  ne  faî- 
faient  nas  des  agneaux  vérds ,  il  aurait  été  bien  em- 
barrafle. 

Enfin  Lafiteau  fait  venir  les  Américains  des  an- 
ciens Grecs ,  &  voici  fes  raifons.  Les  Grecs  avaient 
des  fables  ,  quelques  Américains  en  ont  auifi.  Les 
premiers  Grecs  all^îlent  à  la  chaffe  ,  les  Américains 
y  vont  Les  premiers  Grecs  avaient  des  oracles ,  les 
Américains  ont*  des  forciers.  On  danfaic  dans  les 
fêtes  de  la  Grèce  ,  on  danfe  en  Amérique*  Il  faut 
avouer  que  ces  raifons  font  convaincant^. 
# 

On  peut  faire  fur  les  nations  du  nouveau  monde 
une  réflexion  que  le  père  Lafiteau  n'a  point  fuite , 
c'eft  que  les  peuples  éloignés  des  tropiques  ,  ont  tou- 
jours été  invincibles  ,  &  que  les  peuples  plus  rap- 
prochés des  tropiques ,  ont  prefque  tous  été  fournis 
i     à  des  monarques.   Il  en  fut  longtems  de  même  dans 


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De    L'AnéRiauE. 


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31 


notre  continent.  Mais  on  ne  voit  point  que  les 
peuples  du  Canada  folent  allés  jamais  fubjuguer  le 
Mexique  ,  comme  les  Tartares  fe  font  répandus  dans 
l'Afie  êc  dans  l'Europe.  Il  parait  que  les  Canadiens 
ne  furent  jamais  en  affez  grand  nombre  pour  envoyer 
ailleurs  des  colonies. 

En  général ,  l'Amérique  n'a  jamais  pu  être  auffi 
peuplée  que  l'Europe  &  l'Afie  ;  elle  eft  couverte  de 
marécages  immenfes  qui  rendent  Tair  très  mal  fain  ; 
la  terre  y  produit  un  nombre  prodigieux  de  poî- 
fons:  les  flèches  trempées  dans  les  fucs  de  ces  her- 
bes  yenimeufcs  ,  font  des  plaies  toujours  mortelles. 
La  nature  enfin  avait  donné  aux  Américains  beau- 
coup moins  d'induftrie  qu'aux  hommes  de  l'ancien 
monde.  Toutes  ces  caufes  enfemble  ont  pu  nuire 
beaucoup  à  la  population. 

Parmi  toutes  les  obfervations  phyfiques  qu'on  peut 
faire  fur  cette  quatrième  partie  de  notre  univers  fi 
longtems  inconnue ,  la  plus  fingulîère  peut-être  ,  c*eft 
qu'on  n'y  trouve  qu'un  feul  peuple  qui  ait  de  la 
barbe  ;  ce  font  les  Efquimaux  ;  ils  habitent  au  nord 
vers  le  cinquante -deuxième  degré  ,  où  le  froid  eft 
plus  vif  qu'au  foixante  &  fixiéme  de  notre  continent. 
Leurs  voifins  font  imberbes.  Voilà  donc  deux  races 
d'hommes  abfolument  différentes  ,  à  côté  l'une  de 
l'autre ,  fuppofé  qu'en  eifet  l'es  Efquimaux  foîent  bar- 
bus. Mais  de  nouveaux  voyageurs  difent  quç  les 
Efquimaux  font  imberbes ,  que  nous  avons  pris  leurs 
cheveux  crafleux  pour  de  la  barbe.  A  qui  croire  ? 

Vers  l'îfthme  de  Panama  eft  la  race  des  Darîcns 
prefque  femblables  aux  Albinos ,  qui  fuît  h  lumière 
&'qui  végète  dans  des  cavernes  ;  race  faible  ,  &  par 
conféquent  en  très  petit  nombre. 

Les  lions  en  Amérique  font  chétifi  &  poltrons  ; 
les  moutons  y  font  grands  &  fi  vigoureux  qu'ils  fer-     Jb 


mçtm^ 


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Uiém 


32 


De    l*Améri(i.ue.  fif 


vent  à  porter  les  fardeaux.  Tous  les  fleuves  y  font 
dix  fois  au  moins  plus  larges  que  les  nôtres.  Enfin 
les  productions  naturelles  de  la  terre  ne  font  pas 
celles  de  notre  hémifphète.  Ai^fi  tout  eft  varié;  & 
la  même  providence  qui  a  produit  Télephunt ,  le  rhi- 
nocéros &  les  nègres  ,  a  fjît  naître  dans  un  autre 
inonde  des  orignans  ,  des  contours  ,  des  pures  qui 
ont  le  nombril  fur  le  dos  ,  &  des  hommes  d'un  ca- 
radère  qui  n'eft  pas  le  nôtre. 

De    la    théocratie. 

Il  femblc  que  la  plupart  des  anciennes  nations  ayent 
été  gouvernées  par  une  efpèce  de  théocratie.  Com- 
mencez par  rinde  ,  vous  y  voyez  les  Jbrames  long- 
tems  fouverains;  en  Perfe  les  mages  ont  la  plus  gran- 
de autorité.  L*hiftoire  des  oreilles  de  Smndis  peut 
bien  être  une  fable  ;  mais  il  en  réfulte  toujours  que 
c'était  un  mage  qui  était  fur  le  trône  de  Cyrti^,  Plu- 
fieurs  prêtres  d'Egypte  prefcrivaient  aux  rois  jufqu'à 
la  mefure  de  leur  boire  &  de  leur  manger ,  élevaient 
leur  enfance  ,  &  les  jugeaient  après  leur  mort,  &  fou» 
vent  fe  faifaient  rois  eux-mêmes. 

Si  nous  defcendons  aux  Grecs ,  leur  hiftoire ,  toute 
fabuleufe  qu^elle  eft,  ne  nous*  apprend -elle  pas  que 
le  prophète  CalcaT  avait  aflez  de  pouvoir  dans  l'armée 
pour  facrifier  la  fille  du  roi  des  rois  ? 

Defcendez  encor  plus  bas  chez  des  nations  fauva- 
ges  poftérieures  aux  Grecs  ;  les  druides  gouvernaient 
la  nation  gauloife. 

Il  ne  paraît  pas  même  poffible  que  dans  les  pre» 
mîères  (a)  peuplades  un  peu  fortes  on  ait  eu  d'autre 

gouverne- 


(fl)  On  entend  par  pre- 
mières peuplades  des  hom- 
mes  raflemblés  au   nombre 


de  quelques  milliers  après 
plu  fleurs  révolutions  de  ce 
globe. 


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De     la     THioGRATIE. 


I 


gOM^rernement  que  1^  théocratie;  car  dés  qu'une  nation 
a  choifi  qn  Dieu  tutéiaire ,  ce  Dieu  a  des  prêtres.  Ces 
prêtres  dominent  fur  refprit  de  la  nation  ;  ils  ne  peu- 
vent dominer  qu'au  nom  de  Ipur  Dieu  ;  ils  le  font 
donc  toujours  parler  \  ils  débitent  fes  oracles ,  Sç  c'efl: 
par  un  or4re  exprès  dç  Dieu  que  tout  s'exécu^ç, 

Ceft  de  cette  fourcc  que  font  venus  les  facrîficçç 
de  fang  humain  qui  ont  fouillé  prefque  toute  la  terré. 
Quel  père  ,  quelle  mère  aurait  jamais  pu  abjurer  la 
nature  au  point  de  préfentér  fon  'fils  bu  fa  fille  à  un 
prêtre  pour  être  égorgés  fur  un  autel ,  fi  on  n'avait 
pas  été  certains  que  le  Dieu  du  pays  ordonnait  ce 
façrifice?  '        '    "      '   '  "  '    '^ 

Nqn.feulement  la  théocratie  a  longtems  régné ,  mais 
elle  a  pouffé  la  tyrannie  au  plus  horrible  excès  où  )a 
démence  humaine  puiflfe  parvenir  ;  &  plus  ce  gouv^i:^ 
nemènt  fe  difdit  divin ,  plus  il  était  abominabij:. 

•  Prefque  tpps  les  peuplçs  pnt  facrifié  des  enfans  | 
Ipurs  Dieux  ;  donc  ils  croyaient  recevoir  cpt  ordrç 
dénaturé  de  la  bouche  des  Dieux  qVil^  ado|:aient 

Parmi  les  peuples  qp'on  appelle  fi  împropremjsnt  cîyî* 
liféç ,  je  ne  vois  guères  que  les  Chinois  qqi  n'ayent 
pas  pratiqué  ces  horreurs  abfurde^.  l^a  Chine  p&  1q 
feul  des  anciens  états  connus  qui  n'ait  pas  été  fou^ 
miç  au  facerdope  ;  car  les  Japonois  étaient  fous  les 
loix  d'un  prêtre  fix  cent  ans  avant  notre  ère.  Pref- 
que partout  ailleurs  la  théocratie  eft  fi  établie ,  fi  epra* 
dnée,  que  Içs  premières  hiftoires  font  celles  des  Dieu^ 
mêmes  qgi  fe  font  incarnés  popr  venir  gouverner  les 
hommes.  Les  Pieux  ,*  diraient  les  peuples  de  Thèbes 
&  de  Memphîs ,  pnt  régné  dqpze  ipille  ans  en  Egypte. 
Cranta  s'incarna  pour  régner  dans  l'Inde  ;  Sammonoj 
eodom  à  Siam  ;  le  Dieu  Âdad  gouverna  )a  Syr\e  ;  la 
dëeffe  Cibêlç  avait  été  fouyeraine  de  Phrygie ,  JupU 
ter  de  Crète ,  Saptemè  de  Grèce  &  d'Italie.  Le  mémç 
éfprit  pré|ide  ^  tQutes  ces  fables  ;  c'efl:  partout  une 

^ffaifur  tesmœurs,^ç.Tom.\.  '  "' ^'     Ç"    '        ^ 


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\\     34  DELATHéoCRATIB. 


' 


1 


confufe  idée  chez  les  hommes  que  les  Dieux  ftnt 
autrefois  defcendus  fur  ia  (erre. 

Des    CALDéENs. 

Les  Caldéens ,  les  Indiens ,  les  Chinois  ,  me  paraif. 
fent  les  nations  les  plus  anciennement  policées.  Nous 
^vons  une  époque  certaine  de  la  fcience  des  Caldéens  ; 
çlle  fe  trouve  dans  les  dix-*  neuf  cent  trois  ans  d'ol>- 
fervations  céleftes ,  envoyées  de  Babilone  par  Callip* 
tbhte  au  précepteur,  à^ Alexandre,  Ces  tables  aftrono- 
mic^ues  remontent  précifément  à  Tannée  zz%^  avant 
c^otr^  ère  vulgaire.  Il  eft  vrai  que  cette  époque  tou- 
che au  tems  où  ta  vulgate  place  le  déluge.  Mais  n'en^ 
trons  point  ici  dans  les  profondeurs  des  différentes 
chronologies  de  la  vulgate  ,  des  Samaritains  &  des 
Septante  ,  que  nous  révérons  également.  Le  déluge  - 
univerfel  eft  un  grand  miracle  ,  qui  n'a  rien  de  com- 
mun avec  nos  recherches.  Nous  ne  raifonnons  ici  que 
d'après  les  notions  naturelles ,  en  foumettant  toujours 
les  faibles  tàtonnemens  de  notre  elprit  borné  aux  lu« 
mières  d'un  ordre  fupérieur. 

D'anciens  auteurs  cités  dans  George  le  Stncelle  ^ 
difent  que  du  tems  d'un  rot  caldéen  nommé  Xixou» 
trou  ,  il  y  eut  une  terrible  inondation.  Le  Tigre  & 
l'Euphrate  fe  débordèrent  apparemment  plus  qu'à 
l'ordinaire.  Mais  les  Caldéens  n'auraient  pu  favoir 
que  par  la  révélation  qu'un  pareil  fiéau  eût  fubmergé 


C  0  )  Notre  fainte  rcHgion 
fi  fupërieure  en  tout  i  nos 
himieres ,  nous  apprend  que 
k  monde  n*eft  lait  que  de- 
puis environ  fix  mHIe  années 
lelon  la  vulgate ,  ou  environ 
fept  mille  fuivant  les  Sep- 
tante. Les  ii>terpréte8^de  cet- 
te reliiîion  ineflfàble  nous  en- 
U\%ntntf\vî'Mam  eut  la  fcien- 
ce iijFiife ,  &  que  tous  les  arts 
fe  perpétuèrent  à'AàamïNoé, 


Si  c'eft  là  en  effet  le  fenti- 
ment  de  réj^life ,  nous  Tadop- 
tons  d'une  foi  ferme  &  conf- 
tante  ,  foumettant  d'ailleurs 
toiit  ce  que  nous  écrivons  au 
Jugement  de  cette  fainte  églî- 
fe  qui  eft  infeilliblc.  C*eft  vai^ 
nement  que  l'empereur  Ju». 
lien  ,  d'ailleurs  fi  refpeftable 
par  fa  vertu  ,  fa  valeur  &  fa 
fcience,  dit  dans  fon  difcours 
cenfuré  par  le  grand  &  mode- 


1^ 


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mâiil 


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DkS     CkLDÛtHi. 


3f 


toute  la  terre  habit  ible.  Enoor  une  fois  J6  n'examino 
ici  que  le  cours  ordinaire  de  la  nature. 

II  eft  cliir  que  (i  les  Caldéent  n'avaient  exifté  (b? 
la  terre  que  depuis  dix-neuf  cent  années  avtnc  notr0 
ère  ,  ce  court  efpace  ne  leur  eût  pas  fufii  pour  trouver 
une  partie  du  véritable  fyftéme  de  notre  univers  ;  no. 
tion  étonnante ,  à  laquelle  les  Caldéens  étaient  enfin 
parvenus.  Arijiarque  deSimos  n«>us  apprend  que  les 
fages  de  Caldee  avaient  connu  combien  il  eft  impoflk 
ble  que  la  terre  occupe  le  centre  du  monde  plane, 
taire,  qu'ils  avaient  aflfigné  au  foleil  cette  place  qui  lui 
appartient;  qu'ils  &ifaient  rouler  la  terre  &  les  autres 
planètes  autour  de  lui ,  chacune  dans  un  orbe  diCfércntt 

Les  progrès  de  refprit  fqnt  6  lents  ,  Tillufion  des 
yeux  eft  fi  puilTante  ,  l'aflerviiTement  aux  idées  re<;ue8 
fi  tyrannique  ,  qu'il  n'eft  pas  poifible  qu'un  peuple 
qui  n'aurait  eu  que  dix -neuf  cent  ans  eût  pu  pir. 
venir  à  ce  haut  degré  de  philofophie  qui  contredit  les 
yeux,&  qui  demande  la  théorie  la  plu»  approfondie. 
AufT]  les  Caldéens  comptaient  quatre  cent  foixante&diK 
mille  ans  Encor  cette  connaifTance  du  vrai  fyftéme  du 
monde  ne  fut  en  Caldée  que  le  partage  du  petit  nombre 
des  phiiufophes.  C'eft  le  fort  de  toutes  les  grandes  vé» 
rites  ;  &  les  Grecs  qui  vinrent  enfulte ,  n'adoptèrent  quO 
le  fyftéme  commun ,  qui  eft  le  fyftéme  dçs  enfans. 

(a)  Quatre  cefnt  foixante  &  dht  âiille  ans ,  c^eft 


féik.  OfriUe ,  que  foit  qu'-<l- 
imn  eût  la  fcience  infufe ,  ou 
non ,  Dieu  ne  pouvait  lui  or- 
donner de  ne  point.toiicher  à 
l*arbre  de  la  fcience  «lu  bien 
&  du  mal ,  que  Dietï  devnt 
au  contraire  lui  commander 
de  mander  beaucoup  de  fruits 
de  cet  arbre ,  afin  de  (è  per« 
feâionner  dans  la  fcience  in« 
fufe  s*il  Pavait ,  &  de  Tac- 
4uérir  s*il  ne  Favait  pas.  Qn 


fait  avec  auelle  fagefie  St.  tym. 
ritie  a  réfuté  cet  argument. 
En  un  mot  nous  prévenons 
toujours  le  lefteur  que  nous 
ne  toucbons  en  aucune  ma*i 
niére.aux  choies  facrées.  Nous 
proteftons  contre  toutes  ks 
fnufles  interprétations ,  con« 
tre  toutes  les  induéHons  ma- 
lignes que  Pon  voudrait  tirçf 
de  nos  paroles. 


c  Ij 


ŒBWipl^jljj^'J 


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i6  D  B  I.     C.A  iL  /D   é  &  N  S. 

beaucoup  pour  nous  autres  qui  fommes  d'hier  ;  mais 
c'eft  bien  peu  de  çhofe  pour  l'ynivers  entiçr.  Je  fais 
bien  que  nous  ne  pouvons  adopter  ce  calcul  ,  que 
Ciciron  s'en  eft  moqué ,  qu'il  eft  exorbitant,  &  que 
furtout  nous  devons  croire  au  Pentateuque  plutôt  qu'à 
S^cbonàaton  &  à  Bér^ft  s  ^^^  encor  une  fois ,  il  eft 
impoffibie  (  humainement  parlant  )  que  les  hommes 
foient  parvenus  en  dix  ^  neuf  cent  ans  à  deviner  çle 
fi  étonnantes  vérités.  Le  premier  art  eid  celui  de  pour- 
voir à  fa  fubfiftance ,  ce  qui  était  autrefois  beaucoup 
plus  difficile  aux  hommes  qu'aux  brutes.  Le  fécond , 
de  former  un  langage  ;  ce  qui  certainement  demande 
un  efpace  de  %em8  très  confidérable.  Le  troifiéme  , 
de  fe  bàdr  quelques  huttes  ;  le  quatrième  de  fe  Tétir. 
Enfuite  pour  forger  le  fer  ,  ou  pour  y  fuppléer,  il 
faut  tant  de  hazards  heureux ,  tant  d'induftrie ,  tant 
de  fiédes ,  qu'on  n'imagine  pas  menue  comment  les 
hommes  en  font  venus  9  bout.  Quel  faut  de  cet  état 
à  l'aftronomie  | 

Longtems  les  Caldéens  gravèrent  leurs  obfervations 
&  leurs  loix  fur  la  brique ,  en  hiéroglyphes,  qui  étaient 
des  çar^f^ères  parlans ,  ufage  que  les  Egyptiens  con- 
nurent après  plufieurs  ficelés.  L'art  de  tranfmcttre  fes 
penfées  par  de$  caradléres  alphabétiques ,  ne  dut  être 
inventé  que  très  tard  dans  cette  partie  de  TAfie. 

Il  eft  à  croire  qu'au  tems  op  les  Caldéens  bâtirent 
des  villes ,  ils  commencèrent  à  fe  fervir  de  l'alpha- 
bet, Comment  feifait-on  auparavant  ?  dira-t-on  ;  com- 
me on  fait  dans  mon  village» ,  &  dans  cent  mille  villa- 
ges du  mondç ,  où  perfonne  ne  fait  ni  lire ,  ni  écrire , 
^  cependant  où  l'on  s'entend  fort  bien ,  où  les  9rts 
nccefl'aires  font  cultivés ,  &  mémç  qiielquefois  ^veç 
génie, 

Babilone  était  probablement  une  tris  ancienne 
bourgade  avant  qu'on  en  eût  fiait  une  ville  îmmenfe 
&  fuperbe.  Mais  qui  a  bâti  cette  ville  ?  je  n'en  fais  rien. 


1 


il     &fupeibe.  Mais  qui  a  bâti  cette  ville?  je  n'en  fais  tien.     ^ 


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ii(g1>J^'  '      MlT^M-''*^ 


Des    Caldéen 


Eft-ce  Sémiramis?  cft-ce  Èélus  ?  cft-ce  Nabofiaffar?  Il 
n'y  a  peut-être  jamais  eu  dans  l'Afie  ni  de  femme  appel* 
lée  Sémiramis^  ni  d'homme  appelle  Béius.  {b)  C'eft com- 
me fi  nous  donnions  à  des  villes  grec()ues  les  noms 
A' Armagnac  &  à*Abbevilîe.  Les  Grecs  qui  changèrent 
toutes  les  terminaifons  barbares  en  mots  grecs  ,  déna- 
turèrent tous  les  noms  afiadques.  De  plus ,  Thiftoire 
de  Sémiramis  refTemble  en  tout  aux  contes  orientaux. 

2fabonaffar ,  ou  plutôt  'Nabon^oÉor ,  eft  probable*- 
ment  celui  qui  embellit  &  fortifia  Babilone  ,  &  en  fit 
à  la  fin  une  ville  fi  fuperbe.  Celui-là  eft  un  véritable 
monarque ,  connu  dans  l'Afie  par  l'ère  qui  porte  fon 
nom.  Cette  ère  inconteftable  ne  commence  que  747 
ans  avant  la  nôtre  :  ainfi  elle  eft  très  moderne  par 
rapport  au  nombre  desfiécles  néceffaire  pour  arriver 
jufqu^à  rétabliflement  des  grandes  dominations.  I^ 
parait  par  lé  nom  même  de  Babilone ,  qu'elle  exilait 
longtcms  avant  Nabonaffar.  C'eft  la  ville  du  ^ère 
BeL  Bob  fîgnifie  pire  en  caldéen  ,  comme  l'avoue 
d'Herbeiot.  Bei  c&lt  nom  du  Seigneur.  Les  Orientaux 
ne  la  connurent  jamais  que  fous  le  nom  de  Babet\  la 
ville  du  Seigneur  ^  la  viUt  de  &eu ,  ou  félon  d'autres  » 
la  porte  de  Dieu. 

Il  nV  à  pas  eu  proi)ab1eiàent  plus  de  yHnus  fonda- 
teur de  Ninvah  ,  nommée  par  nous  Ninivè,  que  de 
Bilus  fondateur  de  Babilone.  Nul  prince  afiatique  ne 
^i>orta  un  nom  en  iis. 

Il  fe  peut  que  la  circonférence  de  Babilone  ait  été 
de  vingt-quatre  de  nos  lieues  moyennes)  maïs  qu^un 
liJinus  ait  bâti  fur  le  Tigre ,  à  quarante  lieues  feule- 
ment de  Babilone ,  une  ville  appellée  Ninive  ^  d'une 
étendue  aufli  grande  9  c^eft  ce  qui  ne  parait  pas  croya- 
ble. On  nous  parle  de  trois  puii&ns  empires  qui  fuk^ 

(A)  le/ eft  le  nom  de  Dieu. 
g  G  iij 

a^iiiljiii  H\m»hi  liifjfcal 


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1 


^g         De»    Caldébks. 

T    '"ir'iiiTri  riT- I  -  ■    '■  mmmÊi^mmiiÊiMtiàmm 

fiftaient  à  la  fois  ^  celui  de  Babilonc ,  Celui  d'Aflyrîô 
ou  de  Ninîve  ^  &  celui  de  Syrie  ou  de  Damas.  La 
çhofe  eil  peu  vraifemblable  ;  c'eft  comme  fi  pn  dîfait 
tjuil  y  avait  à  la  fois  d.  ns  une  partie  de  la  Gaule 
trois  puirtans  empires  ,  dont  les  capitales  „Paris  ,  Soif- 
fons  &  Orléans  ,  avaient  chacune  vingt-quatre  lieues 
de  tour.  B*  lilleuts  NiniVe  n'était  pas  bâtie  ,  ou  du 
moins  étale  fort  peu  de  chofe  au  tems  où  il  e(l  dît 
i^ue  le  prophète  Jonas  lui  fut  député  pour  Texhorter 
&  la  péniteqce ,  &  fut  englouti  en,  ehemîn  par  un  poif* 
tbn  qui  16  gàfd^  trois  jours  &  trois  nuits. 

Le  prétendu  émpîre  d*Affyrîe  n'exift  »ît  pas  même 
encore  dans  le  tems  ou  l*on  place  Jonas  ,•  car  il  pro- 
phétîfu't,  dît .  on ,  fous  le  melk  ou  roitelet  juif  Joax  s 
&  Phul  qui  eft  regardé  dans  les  livres  hébreux  com- 
me le  premier  roi  d^AfTyrie  ,  ne  régn:i  félon  eut  qu'en- 
tîro  I  dînqu<nte-  deux  ans  après  la  mort  de  Joat. 
C*eft  .iînfi  qu*en  Confrontant  toutes  les  dates  on  trouve 
partout  de  la  çontradkVon ,  &  on  demeure  dans  Pin» 
certitude» 

ïî  eft  dît  dans  lô  lîiTre  de  f^as  qu'il  y  avait  à  Ni* 
ftîve  eent  vingt  mille  enfans  nouveaux-nés  ;  cela  fup- 
poièrait  plus  de  cinq  nlillions  d^habrtans  :  félon  le 
tilcul  iflTe^  }ufte  de  ces  dénomhremetts  ,  fonJés  fur 
le  nombre  des  e  ifan»  vi^ans ,  nés  dms  la  même  an- 
née. Or  cinq  millions  cf habitons  dans  une  ville 
qui  n*tftpas  encor  bâtie,  font  quelque  chofe  d^affez 
irarcw 

J*atoue  que  je  nt  Comprends  rien  aux  deux  em* 
pires  de  B4bflone  Se  d'AflFVrie.  Plufîeurs  favans  qui 
Ont  voulu  pjrcer  quelques  lumières  dans  ces  ténè- 
bres ,  ont  affirmé  que  PAffyrie  Se  la  CUdée  n'étaient 
t|Ve  le  même  empire  ,  gouverné  quelquefois  p:^r  deux 

S  rinces  ,  INjn  réfidant  à  B  ibîlone ,  Pautre  à  Ninive  ; 
:  ce  fentiment  raifonnable  peut  être  adopté  ,  jufqu'à 
tt  qu'on  tn  trouve  un  plus  i aiïbnnaUo  encore» 


i: 


yg^ijIMin    r  ^r    . 


HPlftSlK 


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r 


Des    CALDiBNs. 


.  Ce  qui  contribue  à  jetter  une  grande  vraifemblance 
furrandquité  de  cette  nation ,  c'en  cette  fàmeuretour 
élcrée  pour  obferver  les  aftres.  Prerque  tous  les  com-^ 
mentateurs  ne  pouvant  contefter  ce  monument  ,  fe 
croyent  obligés  de  fupporer  que  c'était  un  refie  de 
la  tour  de  Babel ,  que  les  hommes  voulurent  élever 
jufqu'au  Ciel.  On  ne  fait  pas  troo  ce  que  les  com- 
mentateurs entendent  par  le  ciel;  eil-cela  lune? 
efU;e  la  planète  de  Venus  ?  il  a  loin  d'ici4ii.  Vod- 
laient-ils  feulement  élever  une  tour  un  peu  haute  ?• 
Il  n'y  a  là  ni  aucun  mal  ;  ni  aucune  difficulté  i  fup- 
pofé  qu'on  ait  beaucoup  d'hommes  ,  beaucoup  d'in& 
trumens  &  de  vivres. 

La  tour  de  Babel ,  la  difperfion  des  peuples ,  la  con- 
fufion  des  langues  font  des  chofes  comme  on  (ait ,  &èt 
refpedables ,  auxquelles  nous  ne  touchons  point  Nous 
ne  parlons  ici. que  de  Tobièrvatoire ,  qui  n'a  rien  de 
common  avec  les  hiftoires  juives* 

Si  Nabonajfar  éleva  cet  édifice,  il  ftbt  au  moins 
avouer  que  les  Caidéens  eurimt  un  obfervatoireplus 
de  deux  mille  quatre  cent  ans  ammt  nous.  Conce^ 
vez  en(uite  combien  de  fiécles  exige  la  lenteur  de 
Pefprit  humain ,  pour  en  venir  ju^u'à  drefli»-  un  tel 
monument  aux  fcience^  ^ 

Ce  fut  en  Caldée ,  &  non  en  Egypte ,  qu'on  inventa 
le  Zodiaque.  Il  y  en  a  *  ce  me  femble ,  trois  preuves 
aiTe^  fortes;  la  première,  que  les  Càldéenis  forent  une 
nation  éclairée ,  avant  que  TEgypte ,  toèjours  inondée 
par  le  Nil ,  pût  être  habitable  i  la  féconde  ,  que  tes 
lignes  du  Zodiaque  conviennent  au  climat  de  h  Méfo- 
potamie ,  &  non  i  celui  d'Egypte.  Les  EgypH^ns  ne 
{K)uvaient  avoir  le  figne  du  taureau  au  mo^s  d'Avril  » 
puifque  ce  n'eft  pas  en  cette  faifon  qu'ils  Idbeerent  y 
ils  ne  pouvaient  au  mois  oue  nous  nommons  ^où$ , 
figurer  un  iigne  par  éne  fille  chargée  d'épis  de  bléd  , 
poifquci  ce  a'eft  pas  en  ce  teins  qu'ils  &>nt  te  moiffonv 

C  Hij 


I 


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49  ,  De  s      C  AlLDÉ  B  NS. 

Ib  ne  pouvaient  figurer  Janvier  par  une  cntebe  d'eau , 
pui(qu*il  pleut  très  rarement  en  Egypte ,  &  ^mais  au 
mois  de  Janvier.  La  troifiémerairon ,  c'eftqaeles  fignea 
anciens  du  Zodiaque  caldéen  étaient  un  der  ardcles 
de  leur  religion.  Ils  étaient  fous  le  gouvernement  de 
douze  Dieux  fecondaires ,  douze  Dieux  médiateurs  : 
chacun  d'eux  préfidait  à  une  de  ces  ccfhftellations  , 
ainfi  que  nous  apprend  Diodore  de  Sicile  au  livre  II. 
Cette  religion  des  anciens  Caldéens  était  le  Sabifine , 
(fe&â-dire,  Tadoration  d'un  Dibu  fupréme,  &lavéné. 
satiôn  des  adbes  &  des  intelligences  céleftes  qui  préfi* 
dident  aux  aftres.  Quand  ils.  priaient ,  ils  fe  tournaient 
vers  rétoile  du  nord  :  tant  leur  culte  était  lié  à  Taftro- 
nomie. 


1' 


.  Vitruoe  dans  fon  neuvième  livre ,  où  il  traite  des 
qadrans  Iblaires ,  des  hauteurs  du  foleil ,  de  la  longueur 
dés  ombres,  de  Vi  lunûèfe  réfléchie  par  la  hme ,  cite 
toujours  les  anciens  Caldéens ,  &  non.  les  Egyptiens. 
C'eft ,  ce  me  femble ,  une  preuve  aflez  forte  qu'on  re* 
gndait  la  Caldéé , .  &  âoh  pas  TEgypte ,  comme  le  ber- 
GMiidecette  fcience;  de  forte  que  tien  a^eft  plus  vrai 
qoe  cet  ancien  proverbe  latin.  - 

Des  Babilokiens  devenus  Persans. 

A  rarient  de  Babilone  écaîent  les  Perfes.  Ceux-ci 
portèrent  les  armes  &  leur  religion  à  Babilone  »  lors 
que  lùresb  ,  que  nous  appelions  Oyrui  ,  prit  cette 
ville  avec  te  fecours  des  Mèdes  établis  ati  nord  de  la 
Pcrfe.  Nous  avons  deux  fables  principales  fur  Cyrus^ 
ceW^  à' HirQdots  ^  &  celle  de  À^WopAoji ,  qui  fe  con- 
tredirent en  tout ,  &  que  mUie  écilvains  ont  copiées 
infliffîéremtneàt. 


,  Hit.o4fètf  fupp^l^ttii  roi  Mède>  ^e^-à-dirc,  un 
roîr  diHtrcaqie^:  «s'il.  «rcU^.  4^ûef  d'un  wni  psc. 


m^mv\  mm^ 


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I 


; 


DtS  BAblLOKftNfi  fiETEKUS  PlRSANS. 


41   % 


Cet  hireânien  4fi^^  commande  de  noyer  fon  petit-fils 
€>yrm  aa  berceau  ,  parce  qu'il  a  vu  en  fonge  (a  fille 
Maftdme  mère  de  Cyrus^  fiprjicopieufetftent^  at^etiê 
inonda  toute  tÂfie.  Le  refte  de  Pavanture  eft  a*peu- 
fTrès  dans  ce  goAt  ;  c^eft  une  faiftoire  de  Gargaafua 
éêrke  fériinirekncnc. 

Xinofbon  feit  de  la  vie  de  Cyrui  un  roman  moral , 
à  -  peu  -  près  femblable  i  notre  TiUmaquf.  Il  corn* 
menée  par  fuppofer ,  pour  fidre  valoir  l'éducation  mftle 
ft  vigoureulè  de  fon  héros ,  que  les  Mèdes  étaient <les 
voluptueux  plongés  dans  lamoUefle.  Tous  ces  peuples 
vpifins  de  PHircàniie ,  que  les  Tartares  alors  nommés 
Scy^és  ,  avaient  ravagée  pendant  trente  années  9 
é«uent-ils  des  SibaritesT 

Tout  ce  qtfçn  peut  aflurer  de  Cyrus ,  c*eft  qu'il  fitt 
ih)  grand  co|iqu.éraojt ,  par  conféquent  un  fléau  de  la 
terre.  Le  fonds  de  fon  oiftoir^e  eit  très  vrai  ;  les  épU  * 
finies  (ont  fifdbuleux  :  il  en  eft  aiijfi  de  toute  hiftoirê. 

Rome  exiftadt  du  tems  de  Cyruî  :  elle  avait  un  terri-i 
toire  de  quatre  à  cinq  lieues  ,  &  pillait  tant  qu'elle 
pouvait  fes  voifins  ;  mais  je  ne  voudras  pas  garantir 
le  combat  des  trois  Horacet  ,  &  Tavanture  de  Lu* 
frice  ^  &  les  boucliers  defcendus  du  ciel ,  &  la  pierre 
coupée  avec  un  rafoir.  Il  y  avait  quelques  Juifs  efcla- 
ves  dans  la  Bâbilonie  &  ailleurs  ;  mais  humainement 
parlant,  onpourait  douter  que  l'ange  Rapb^ifl f&t  de£> 
cendu  du  ciel  pour  conduire  à  pied  le  jeune  7*061^ 
vers  lIliroaaBe ,  afin  de  le  fiure  payer  de  quelque  ar- 
gent ,  ft  de  cfaaflEer  le  diable  Afmodit  avec  la  année 
du  foie  d'un  brochet 

Je  me  garderai  bien  d'examiner  id  le  ipman  i^HL 
rodote ,  ou  le  roman  de  Xénophon ,  concernant  la  vie 
&  la  mort  de  Qyna  ^  mais  je  remarquerai  que  les  Sarf 
fis  ou  Perfes  pré^daient  avoir  eu  parmi  eux  »  il  ^ 

^    avait  &tmâ\ê  ans  1  u»^  aacien  «?i^A^ ,  jm  p^cf>falte 

&.  1 


esSarf 
>falte^    » 


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^41      DBSBABtLOKIElïS. 

qui  leur  avait  appris  it  être  juftes  «  &  i  révérer  la  foleil , 
comme  les  anciens  Caldéens  avaient  révéré  les  étoiles 
en  les  obfervant. 

Je  me  garderai  \ûen  cl*4i£Brmer  qtse  ces  Perfes  ft 
ces  Caldéens  fuflent  fi  juftes  ,  &  de  favofr  précifé* 
ment  en  quel  tems  vint  leur  fécond  J^erdufl  qui  reâifia 
Inculte  du  foleU  5  &  qui  leur  apprit  à  n'adorer  que  le 
Dieu  auteur  du  foleil  6c  des  étoiles.  Il  écrivit  ou  com« 
menta  ,  dit-on ,  le  livre  du  Zend ,  que  les  Parfis  dif- 
perfés  aujourd'hiM  dans  TAfie  révèrent  comme  leur  bi- 
dIo  :  ce  livre  efl:  très  ancien  j  mais  moins  que  ceux  des 
Chinois  Se  des  Brames  ;  on  le  croit  même  poftérieur 
à  ceux  de  Sancboniaton  &  des  cinq  Kings  des  Chinois  :  il 
eft  écrit  dans  l'ancienne  langue  fiicréc  des  Caldéens  ;  & 
Mr.  ^yde  qui  nous  a  donné  une  tradndion  du  Sadder , 
nous  aurait  procuré  celle  du  Zend ,  s'il  avait  pu  fub* 
venir  aux  frais  de  cette  recherche.  Je  m'en  rapporte  au 
•  moins  au  Sadder  ,  à  cet  extrait  du  Zend ,  qui  eft  le 
catéchifme  des  Parfis.  J'y  vols  que  ces  Parfis  croyaient 
depuis  longtems  un  Dieu  ,  un  Diable,  une  réfurrec- 
tion ,  un  paradis ,  un  enfer.  Us  font  les  premiers ,  fiins 
contredit ,  qui  ont  établi  ces  idées  ;  c'eft  le  fyHéme  le 
plus  antique ,  &  qui  ne  (ut  adopté  par  les  autres  na- 
tions qu'après  bien  des  fiëcles ,  puifque  les  pharifîens 
chez  les  Jui(^  ne  foudnrent  hautement  l'immortalité 
de  rame ,  &  le  dogme  des  peines  &  des  récom- 
penfes  après  la  mort  ,  que  vers  le  tems  du  roi 
Hérode. 

Voilà  peut-être  ce  qu'il  y  a  de  plus  important  dan» 
l'ancienne  biftoice  du  monde.  Voilà  une  religièn  utile , 
établie  fur  le  dogme  de  l'immortalité  de  l'ame,  & 
fur  la  connaifTance  de  l'Etre  créateur.  Ne  ceflbns  de 
remarquer  par  combien  de  degrés  il  falut  que  l'efprit 
humain  pafflt  pour  concevoir  un  tel  fyftême^  Remar- 
quons  encore  que  le  baptême ,  l'immerfion  dans  l'eau 
pour  purifier  l'ame  par  le  corps ,  eft  un  des  précep- 
tes du  Zmd.  ( porte  2çi.  ) La  foorcc  4e  tous  les  rites 


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i 


HBTEVUt     PSRSA 


N  8.    43    i 


eft  venue  peut-être  des  Perfans  &  des  Caldéens  juf- 
qu'aux  extrémités  de  roccident. 

Je  n'examine  point  ici  pourquoi  &  comment  les 
Babiloniens  eurent  des  Dieux  fecondaires  en  recon- 
naifTant  un  DiEU  fouverain.  Ce  fyftéme  ,  ou  plutôt 
ce  chaos  ^  fut  celui  de  toutes  les  nations ,  excepté  des 
tribunaux  de  la  Chine.  On  trouve  prefque  partout 
Pextréme  folie  jointe  à  un  peu  de  fagefle  dans  les  loix , 
dans  les  cultes ,  dans  les  ufages.  Linftind  plus  que 
la  r^ffon  conduit  le  genre*humain.  On  adore  en  tous 
h'eux  la  Divinité  ,  &  on  la  deshonore.  Les  Perfes  ré- 
vérèrent des  ftatucs  dés  qu'ils  purent  avoir  des  fculp- 
.  teurs  ;  tout  en  eft  plein  dans  les  ruines  de  Perfépo. 
lis  :  mais  aufli  on  voit  dans  ces  figures  les  rymboles 
de  Timmorplité  ;  on  voit  des  têtes  qui  s'envolent  au 
ciel  avec  des  ailes ,  fymboles  de  Témigration  d'une 
vie  pafTagère  à  la  vie  immortelle. 

Paflbns  aux  ufages  purement  humains.  Je  m'étonne 
qu'Hérodote  ait  dit  devant  toute  la  Grèce  dans  fon 
premier  livre  ,  que  toutes  les  Babiloniennes  étaient 
obligées  par  la  loi  de  fe  proftituer  au  moins  une  fois 
dans  leur  vie  aux  éti^ogers ,  dans  le  temple  de  Milita 
ou  Venus.  Je  m'étonne  encor  plus  que  dans  toutes 
les  hiftoires  faites  pour  l'inftruâion  de  la  jeunefle  ^ 
on  renouvelle  aujourd'hui  ce  conte.  Certes  ce  devait 
être  une  belle  fête  &  une  belle  dévotion  ,  que  de  voir 
accourir  dans  une  églife  des  marchands  de  chameaux  , 
de  chevaux ,  de  bœufs  &  d'ânes ,  &  de  les  voir  def. 
cendre  de  leurs  montures  pour  coucher  devant  l'au- 
tel avec  les  principales  dames  de  la  ville.  De  bonne 
foi ,  cette  infamie  peut-elle  être  dans  le  caractère  d'un 
peuple  policé  ?  Eft-il  poffible  que  les  magiftrats  d'une 
des  plus  grandes  vijles  du  monde  ayent  établi  une 
telle  police? que  les  maris  ayent  confenti  de  profti- 
tuer leurs  femmes  ?  que  tous,  les  pères  ayent  aban- 
donné  leurs  filles  aux  palfreniers  de  l'Afie  ?  Ce  qui 
n'eft  pas  dan»  la  nature  n'eft  jamais  vrai.  J'aimerais 


M^Or!^ 


>9prmSlll 


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\    44     Des    Bàbilonibns  ^ 

autant  ttaht.Èion  CaJJtus  s  qui  afTure  que  les  gravies 
fénateurs  de  Rome  propofèrent  un  décret  par  lequel 
Ci^ar  âgé  de  cinquante-fept  ans  aurait  lé  droit  de  jouir 
de  toutes  les  femmes  qu'il  voudrait. 

Ceux  qui  en  compilant  aujourd'hui  rhiidoire  ancien- 
ne ,  copient  tant  d'auteUrs  fans  en  examiner  aucun , 
n'auraient-iis  pas  dû  s'appercevoir  ou  qu*Hérodote  dé- 
bitait des  fables  ridicules  ,  ou  plutôt  que  fan  texte 
était  corrompu ,  &  qu'il  ne  voulait  parler  que  des  cour- 
tifannes  établies  dans  toutes  les  grandes  villes  ,  & 
qui  même  attendaient  les  pafTans  fur  les  chemins^ 

J«  we  croirai  pas  davantage  Sextùs  Empiricus  ^  qui 
prétend  que  chc2  les  Ptrfes  la  pédéraftie  était  ordon- 
née. Quelle  pitié  !  Comment  imaginer  q^  les  hom- 
mes euffent  fait  une  loi ,  qui ,  fi  elle  avait  été  exécu- 
tée ,  aurait  détruit  la  race  des  hommes  ?  La  pedérat 
tie  ,  au  contraire  ,  était  expreifément  défendue  dans 
le  Kvre  du  Zend  ,  &  c'eft  ce  qu'on  voit  dans  l'abrégé 
du  Sadder ,  où  il  eft  dit ,  (porte  9  )  quHlffy  a  poinf 
de  fins  grand  fécbé.  (  a  ) 

Strabon  dit  que  les  Perfés  époufaient  leurs  mères  ; 
mais  quels  font  fes  garans  ?  des  ouï-dire ,  des  bruits 
vagues.  Cela  put  fournir  une  épigramme  à  Catulle  : 

Nom  iHogus  ex  maire  £sf  nato  nafcatur  oporM, 

Tout  mage  doit  naître  de  rinceite  d*une  mère  A  d*un  fils.  * 

Une  telle  loi  n'eft  f)as  croyable  ;  une  épigramme  n'eft 
pas  ufiê  preuve.  Si  on  n'avait  pas  trouvé  de  mères 
qui  voululTeint  coucher  avec  leurs  fils ,  il  n'y  aurait 
donc  point  eu  de  prêtres  chez  les  ferles.   La  religion 


(  a  )  Voyez  les  réponfes  à 
celui  <|ui  a  prétendu  que  la 

Îiroftitution  était  une  loi  de 
'einpiré  des  Bxbiloniens ,  & 
m     que  la  pédérailie  était  établie 


en  Perfe  dans  le  même  pays. 
On  ne  périt  guères  pouffer 
plus  loin  rppprobre  de  la  iit« 
tératnre ,  nil  plus  caiomnier  la 
nature  humaine. 


l^f^^jw»  ijliiaefcni  II         b^JUiS^ 


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DETENUS    Persans.    4f 

des  mages  ,  dont  le  grand  objet  était  la  population  y 
devait  plutôt  permettre  aux  pères  de  s'unir  à  leurs 
filles ,  qu'aux  mères  de  coucher  avec  leurs  en&ns  ^ 
puis  qu'un  vieillard  peut  engendrer ,  &  qu'une  vieille 
n'a  pas  cet  avantage. 

Qj]e  de  fottifes  n'avons-nous  pas  dites  fur  les  Turcs  9 
les  Romains  en  difaijent  davantage  fur  les  Ferfes. 

En  un  mot ,  en  lifant  toute  Phiftoire  ,  foyons  tn 
garde  contre  toute  fable. 

0  K     LA     S  T  R  I  fi. 

Je  vois  par  tous  les«monumens  qui  nous  reftent, 
que  la  contrée  qui  s'étend  depuis  Alexandrette  ou 
Scanderon  ,  jufqu'auprès  de  Bagdat ,  fut  nommée  tou- 
jours Syrie ,  que  l'alphabpt  de  ces  peuples  fut  0û* 
jours  fyriaque ,  que  c  eft  là  que  furent  les  anciennes 
villes  de  Zobah  ,  de  Balbek  ,  de  Damas ,  &  depuis 
celles  d'Ancioche  ,  de  Séleucie ,  de  Palmire.  Balk  était 
il  ancienne  que  les  Perfes  prétendent  que  leur  Bram 
ou  Abrabam  était  venu  de  Balk  chez  eux.  Où  pou- 
vait donc  ^tre  ce  puiflant  empire  d'Aflyrie  dont  on 
a  tant  parlé  »  fi  ce  n'ei^  dans  le  pays  des.  fables  ? 

Les  Gaules  tantôt  s'étendirent  jufqu'au  Rhin  ,  tan- 
tôt furent  plus  reiTerrées  ;  mais  qui  jamais  imagina 
de  placer  un  vafte  empire  entre  le  Rhin  &  les  Gau- 
les ?  qu'on  ait  appelle  les  nations  voifines  de  l'Eu- 
phrate  AiTyriennes  ,  quand  elles  fe  furent  étendues 
vers  Damas  ;  &  qu^on  ait  appelle  AfiVriens  les  peur 
pies  de  Syrie  ,  quand  ils  s'approchèrent  de  l'Euphrate;. 
c'eft  là  où  fe  peut  réduire  la  difficulté.  Toutes  les 
nations  voifines  fe  font  mêlées  ,  toutes  ont  été  en 
guerre ,  &  ont  changé  de  limites.  Mais  lors  qu'une 
fois  il  s'dd  élevé  des  villes  capitales ,  ces  villes  étar 
bliifent  une  différence  marquée  entre  deux  nations., 
Ainfi  les  Babiloniens  ou  vainqueurs  ou  vaincus ,  fur 


» 


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D  B      LA     S  T  ft  I  E« 


rent  toujours  difFérens  det  peuples  de  Syrie.  Les 
anciens  oaraâères  de  la  langue  fyrkque  ne  fîirene 
point  ceux  des  anciens  Cdldéeos. 

Le  culte  ,  les  fuperftidons  ,  les  toix ,  bonnes  ou 
mauvaifes  ,  les  ufages  bizarres  ne  furent  point  les 
mêmes.  La  Déefle  de  Syrie  ff  ancienne  n'avait  au- 
cun rapport  avec  le  culte  des  Caldéens.  Les  mages 
caldéens ,  babilonîens  ,  perfans ,  ne  fe  firent  jamais 
eunuques  comme  les  prêtres  de  la  Déefle  de  Syrie  ; 
chofe  étrange ,  les  Syriens  révéraient  la  figure  de  ce 
que  nous  appelions  Priape ,  &  les  prêtres  fe  dépouil- 
laient de  leur  virilité  ! 

Ce  renoncement  à  la  génération  ne  prouve-t-îl  pas 
une  grande  antiquité ,  une  population  corfidérable  ? 
Il  n'eft  pas  poffible  qu'on  eût  voulu  attenter  ainfi 
contre  la  nature  dans  un  pays  oà  l'efpèce  aurait 
été  rare. 

Les  prêtres  de  Cibiîe  en  Phrygie  fe  rendaient  eu- 
nuques comme  ceux  de  Syrie.  Encor  une  fois  ,  peut- 
on  douter  que  ce  ne  fttc  Teffet  de  l'ancienne  cou- 
tume de  facrifier  aux  JDieux  ce  qu'on  avait  de  plus 
cher,  &  de  ne  fe  point  expofer  devant  des  êtres 
qu'on  croyait  purs  ,  aux  accidens  de  ce  qu'on  croyait 
impureté?  Peut- on  s'étonner  après  de  tels  f:i orifices 
de  celui  que  l'on  faifait  de  fon  prépuce  chez  d'au.* 
très  peuples  ,  Se  de  l'amputation  d'un  tefticule  chez 
des  nations  africarnes  ?  Les  fables  di^Atis  &  de  Com^ 
bàbus  ne  font  que  des  fables  ,  comme  celle  de  Ju-^ 
fiter  qui  rendit  eunuque  Suturne  fon  père.  La  fu- 
perftition  invente  des  ufages  ridicules ,  &  Tefprit  ro* 
manefque  en  invetite  des  raifons  abfurdes. 

Ce  que  je  remarquerai  encor  des  anciens  Syriens, 
€*eft  que  la  ville  qui  fut  depuis  nommée  la  ville 
fainte  ,  &  Hiérapolis  par  les  Grecs  ,  était  nommée 
par  les  Syriens  Magûg.    Ce  mot  Mag  a  un  grand 


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Dk    LA    Strie.  47 

rapport  avec  les  anciens  mages  ;  il  femble  commun 
à  tous  ceux  qui  dans  ces  climats  étaient  conîacrés 
au  fervice  de  la  Divinité.  Chaque  peuple  eut  une 
ville  fainte.  Nousfavons  queThèbes  en  Egypte  était 
la  ville  de  Dieu  ,  Babilone  la  rille  de  Dieu  ;  Apa- 
mée  en  Phrygie  était  auflt  la  ville  de  Dieu. 

Les  Hébreux  longtems  après ,  parlent  des  peuples 
de  Gqg  &  de  Magog  ,•  ils  pouvaient  entendre  par  ces 
noms  les  peuples  de  TEuphrate  &  de  l'Oronte  :  ils 
pouvaient  entendre  auffi  les  Scythes  qui.  vinrent  ra- 
vager  TAfie  avant  Cyrus ,  &  qui  dévaftèrent  la  Phé- 
nicie.  Mais  il  importe  foft  peu  de  fa  voir  quelle  idée 
paflait  par  la  tête  d'un  Juif  quand  il  prononçait  J!i^ 
gog  ou  Gog.     . 

Au  refte  je  ne  balance  pas  à  croire  les  Syriens  beau- 
coup plus  anciens  que  les  Egyptiens ,  par  la  raifon 
évidente,  que  les  pays  les  plus  aifément  cultivables 
font  néceflairement  les  premiers  peuplés  ,  &  les  pre- 
miers floriflans. 

Des  Phéniciens  ,  et  de  Sanchoniaton. 

Les  Phéniciens  font  probablement  raflemblés  en 
corps  de  peuple  aufli*  anciennement  que  les  autres 
habitans  de  la  Syrie.  Ils  peuvent  être  moins  anciens 
que  les  Caldéens  ,  parce  que  leur  pays  eft  moins 
fertile.  Sidon ,  Tyr ,  Joppé ,  Berith ,  Afcalon  ,  font  des 
terrains  ingrats.  Le  commerce  maritime  a  toujours 
été  la  dernière  reiïource  des  peuples.  On  a  com- 
mencé par  cultiver  &  terre  avant  de  bâtir  des  vai& 
féaux  pour  en  aller  chercher  de  nouvelles  au  -  delà 
des  mers.  Mais  ceux  qui  font  forcés  de  s'adonner  au 
commerce  maritime  ont  bientôt  cette  induftrie  fille 
du  befoin  qui  n'aiguillonne  point  les  autres  nations. 
Il  n'eft  parlé  d'aucune  entreprife  maritime  ,  ni  des 
Caldéens ,  ni  des  Indiens.  Les  Égyptiens  même  avaient       t 

èla  mer  en  horreur  ;  la  mer  était  leur  Typhon^  un     j?» 


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i^    4$      Dbs    PnéNiciEirs 


?f 


être  mal  -  feifant  ;  &  c'eft  ce  qui  fait  révoquer  en 
doute  les  quatre  cent  vailTeaux  équipés  par  Séjqfirir 

four  aller  conquérir  l'Inde.  Mais  les  entreprifes  des 
héniciens  font  réelles.  Carthage  &  Cadiz  fondéps 
{lar  eux ,  l'Angleterre  découverte ,  leur  commerce  aux 
ndes  par  Eziongaber  »  leurs  manufàâuces  d^étofFes 
précieufes ,  leur  art  de  teindre  en  pourpre  ,  font  des 
témoignages  de  leur  habileté  ,  &  cette  habileté  fit 
leur  grandeur. 

Les  Phéniciens  furent  dans  l'antiquité  ce  qu'étaient 
les  Vénitiens  au  quinzième  fiécle  ,  &  ce  que  font 
devenus  depuis  les  lioll^qdais  ,  forcé  de  s'çnrfchir  par 
Iççr  induftrîc. 

Le  commerce  exigeait  néceffairement  qu'on  eât  des 
regiftres  qui  tinflent  lieu  de  nos  livres  de  compte , 
avec  des  fignes  aifés  &  durables  pour  établir  ces  re- 
giftres.  L'opinion  qui  fait  les  Phéniciens  aqteurs  de 
récriture  alphabétique  ef^  dqnc  très  yraifembl^ble. 
Je  n'attureraispas  qu'ils  ayent  inventp  de  fels  cara^ 
tères  avant  les  Caldéens ,  mais  leur  alphabet  fut  certai* 
nement  le  plus  copiplet&  le  plus  utile,  puifqu'ils pei- 
gnirent les  voyelles  que  les  Caldéens  n'exprimaient 
pas.  Ge  mot  même  Alphabeth ,  compofé  de  leurs  deux 
premiers  caraétèr^ ,  dépofe  ea  faveur  dps  Phéniciens. 

Je  ne  vois  point  que  les  Egyptiens  ayent  jamais 
communiqué  leurs  lettres ,  lepr  langue  »  à  aucun  peu- 
ple :  au  contraire ,  les  Phé.niciens  tranfmirent  leur  lan- 
gue &  leur  alphabet  aux  Carthaginois ,  qui  les  altérè- 
rent depuis.  Leurs  lettres  devinrent  celles  des  Grecs. 
Quel  préjugé  pour  l'antiquité  des  Phéniciens  ! 

Sanchoniaton  Phénicien ,  qui  écrivait  longtems  avant 
la  guerre  de  Troye ,  l'hiftoire  des  premiers  âges  ,  & 
dont  Eufèbe  nous  a  confervé  quelques  fragmens  ,  tra- 
duits par  Pbilon  de  Biblos  ;  SancboniçiSQn ,  dis-je ,  nous 
ji     apprend  que  les  Phéniciens  avaient  facrifié  de  tems     mm 
çf  immémorial    ^ 


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iliP(Wi"ii       I  "inriiii^>  ,111  iiijTjyg. 

IÇT    DP   S^NÇHO  NIATON.  43 

i^nmémorial  aux  clémens  &  aux  vents ,  ce  qui  cons 
vient  en  effet  à  un  peuple  navigateur.  Il  voulut  dans^ 
fon  hiiloîre  s'élever  jufqu'à  l'origine  des  chofes  ,  com- 
me tous  les  premiers  écriviains  ;  il  eut  la  même  am- 
bition que  les  auteurs  du  Zend  &  du  Vidam  »  la 
même  qu'eurent  Manétbon  en  Egypte  &  Héfîode  ea 
Grèce. 

Ce  qui  prouve  la  prodigieùfe  antiquité  du  livre  de 
Sfincbçniatqn  ^  c'eft  qu'on  en  lifait  les  premières  lignes 
dans  les  myftères  d'ifif  &  de  Cérès  ,  hommage  quç 
les  Egyptiens  &  les  Grecs  n'euffent  pas  rendu  à  un 
auteur  étranger  ,  s'il  n'avait  pas'  été  regardé  commç 
pne  des  premières  fpurces  des  connaifTances  humaines. 

•  Sancboniaton  n'écrivit  rien  de  lui  -  même  ;  il  con- 
fulta  toutes  les  archives  anciennes  ,  &  furtout  le  prê- 
tre JerombaL  Le  nom  de  Sancboniaton  fignifie  en 
ancien  phénicien ,  Amateur  dé  la  yérifé.  Porpbire , 
Tbéodoret ,  Èiifèbe  l'avouent.  La  Phénicie  était  appel- 
lée  le  pays  des  Archives  ,  Kirjatb  Sepber,  Quand  les 
Hébreux  vinrent  s'établir  dans  une  partie  de  cette 
contrée ,  ils  lui  rendirent  ce  témoignage ,  ço'mn^e  or^ 
le  voit  dans  Jofué  &  dans  les  Juges. 

Jçrombai  confulté  p^r  Sancboniaton  éfait  prêtre  du 
Dieu  fuprême ,  que  les  Phéniciens  nommaient  lao  , 
Jeova ,  nom  réputé  facré  ,  adopté  chez  les  Egyptiens , 
fn  enfuite  chez  les  Juifs.  On  voit  par  les  fragmens  de 
pe  monument  fi  antique ,  que  Tyr  exiftait  depuis  très 
iongtcms ,  quoiqu'elle  ne  fût  pas  paryeniie  ^ncor  i^ 
être  une  ville  puiffante. 

Ce  mot  Ei ,  qui  défignait  Dieu  chez  les  premier^ 
Phéniciens  ,  a  quelque  rapport  à  VA  lia  des  Arabes  ;  Sç 
il  eft  probable  que  de  ce  monofyllabe  £i ,  les?  Grecs 
pompofèrent  leur  E^ios,  Mais  ce  qui  eft  plus  remarqua^ 
ble ,  c'eft  qu'on  trouye  chez  les  anciens  Phéniciens 
le  mot  Eioa ,  Etpim  ,  dont  les  flébteux  fe  feryirenj 

.EJj'aifur  ies  mœurs ,  j&fc.  Tom.  I,  P 


'^^m      I  ipB.iWjKiiiniji 


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f    fo      Des    PHéKiciEN 


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«sas» 
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très  lon^toms  après  ,  quand  ils  s'établirent  dans  le 
Canaan. 

C'eft  de  la  Phénicie  aue  les  Juift  prirent  tous  les 
noms  qu'ils  donnèrent  a  Dieu  ,  Eloa  ,  lao  ,  Adondi  ^ 
cela  ne  peut  être  autreiilient  ,  puifque  les  Juifs  ne 
parlèrent  longtems  en  Canaan  que  la  langue  phéni- 
cienne. 

Ce  mot  lao ,  ce  nom  ineffable  chez  les  Juifs  ,  & 
qu'ils  ne  prononc^aient  jamais  ,  çtait  fi  commun  dans 
POrient ,  que  Diodore  dans  fon  livre  fécond  ,  en  par- 
lant de  ceux  qui  feignirent  des  entretiens  avec  les 
Dieux ,  dit  que  Minos  Je  vantait  d^ avoir  communiqué 
avec  le  Dieu  Zeus  ;  Zamolxis  avec  la  déejfe  Vefta  ,  &f 
te  Juif  Moïfe  avec  le  Dieu  lao ,  &c. 

Ce  qui  mérite  furtout  d'être  obfervé ,  c'eft  que  5^^»- 
eboniaton  en  rapportant  l'ancienne  cofmologie  de  fon 

Eays ,  parle  d'abord  du  chaos  enveloppé  d'un  air  téné- 
reux  ,  Cbautereb.  L'Erèbe  ,  la  nuit  d'Héfîode ,  eft 
prife  du.  mot  phénicien  qui  s'eft  confervé  chez  les 
Grecs.  Du  chaos  fortit  Mutb  ou  Motb ,  qui  fignifie 
la  matière.  Or  qui  arrangea  la  matière  ?  C'eft  Coipi 
lao  ,  TEfprit  de  Dieu ,  le  vent  de  Dieu ,  ou  plutôt 
la  bouche  de  Dieu  ,  la  voix  de  Dieu.  C'eft  à  la  voix 
de  Dieu  que  naquirent  les  animaux  &  les  hommes. 

Il  eft  aifé  de  fe  convaincre  que  cette  cofmogonic  eft 
l'origine  de  prefque  toutes  les  autres.  Le  peuple  le 
plus  ancien  eft  toujours  imité  par  ceux  qui  viennent 
après  lui  ;  ils  apprennent  fa  langue  ,  ils  fuivent  une 
partie  de  fes  rites  ,  ils  s'approprient  fes  antiquités  & 
les  fables.  Je  fais  combien  toutes  les  origines  caldéen* 
nés,  fyrîennes ,  phéniciennes ,  égyptiennes  &  grecques 
font  obfcures.  Quelle  origine  ne  l*eft  pas  ?  Nous  ne 
pouvons  avoir  rien  de  certain  fur  la  formation  du 
monde  «  que  ce  que  le  Créateur  du  monde  aura  dai- 
gné nous  apprendre  lui-même.  Nous  marchons  avec 


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^='!f^t^^ 


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ET   DE  SaMCHONI  A  TOIT.         fl      |f 


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fôretë  jufqu'à  certaines  bornes  :  nous  favons  que  Babi« 
lone  extftak  avant  Roni9  ,  que  les  villes  de  Syrie 
étaient  puiflkntes  ayant  qu'on  connût  Jérufalem ,  qu'il 
y  avait  des  rois  d'Egypte  avant  Jacob ,  avant  Abriu 
bam  i  nous  lavons  quelles  fociétés  fe  font  établies  les 
dernières  ;  mais  pour  (avoir  précifément  quel  fut  lo 
premier  peuple ,  il  faut  une  lévélation. 

Au  moins  nous  eil-il  permis  de  pefer  les  probable 
lités  &  de  nous  fervir  de  notre  raifon  dans  ce  qui 
n'intérefle  point  nos  dogmes  facrés  fupérieurs  à  (ou^q 
taifon  ,  &  qui  ne  cèdent  qu'à  la  morale. 

Il  eft  très  avéré  que  les  Phéniciens  occupaient  de, 
puis  longtem^  leur  pays  avant  que  les  Hébreux  s'y  pré» 
fentaflent.  Les  Hébreux  purent^ls  apprendre  la  langue 
phénicienne  ,  quand  ils  er r  tient  loin  de  la  Phénicie 
dans  le  défert  au  milieu  de  quelques  hordes  d'Arabes  ? 

La  langue  phénicienne  put- elle  devenir  }e  langage 
ordinaire  des  Hébreux  î  &  purent -ils  écrire  dans 
cette  langue  du  tems  de  Jofui  parmi  des  dévaftations 
&  des  maflacres  continuels  ?  Les  Hébreux  après  Jb/W 
devenus  longtems  efclaves  dans  ce  même  pays  qu'ils 
avaient  mis  à  feu  &  à  fang,  n'apprirent -ils  pas  alors 
un  peu  de  la  langue  de  leurs  maîtres ,  comme  depuis 
ils  apprirent  un  peu  de  caidéen  quand  ils  furent  efcla-» 
vcs  à  Babilonel 

N'eft-ii  pas  de  la  plus  grande  vraifemblance  qu'un 
peuple  commerçant ,  induftrieux  ,  favant ,  établi  de 
tems  immémorial ,  &  qui  pafle  pour  Pinventeur  des 
lettres ,  écrivît  longtems  avant  un  peuple  errant  noo^ 
utilement  établi  dans  fon  voifinage,  fans  aucune  fcien, 
ce ,  fans  aucune  induftrie  ,  (kns  aucun  commerce , 
fubfîftant  uniquement  de  rapines  ? 

Peut» on  nier •  fédeufement  l'autenticité  des  frag^ 
mens  dp  Sançbonmfon  çonfervés  par  Eufèbe  ?  ou  peut-^ 

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W^i-'  -v-tm-  •^'»m 

1 


f2       Des    PHiS  î  €  i  e  n  s,  &c. 

'      '  -     1  I    ■■■  ,1. 

on  imaginer  avec  le  favant  Uuet  que  SancbomafoH 
ait  puifé  chez  Moïfe^  quand  tout  ce  qui  rette  de  mo- 
numens  antiques  nous  avertit  que  Sanchoniaton  vivait 
à -peu -près  du  tems  de  Mdife?'^ous  ne  décidons 
tien  ;  c'eft  au  ledcur  éclairé  &  judicieux  à  décider 
^ntro  tiuet  &  Vandaie  qui  Ta  réfuté.  Nous  cherchons 
la  vérité  &  non  la  difpute. 

Des  Scythes  ,  et  des  Gomeritbs. 

Laiffohs  Gomer  prefqû'au  fortir  de  Tarchc ,  aller 
fubjuguer  les  Gaules  &  les  peupler  en  quelques  an» 
nées.  Laiflbns  aller  Tubal  en  Efpagne ,  &  Magog  dans 
le  nord  .de  TAllemagne  ,  vers  le  tems  où  les  fils  de 
Chctm  faifaient  une  prodigieufe  quantité  d^enfans  tout 
noirs  vers  la  Guinée  &  fe  Congo.  Ces  impertinences 
dégoûtantes  font  débitées  dans  tant  de  livres  ,  que  ce 
n'eft  pas  la  peiné  d'en  parler.  Les  enfans  commen- 
cent à  en  rire.  Mais  par  quelle  faiblefle ,  ou  par  quelle 
4nalignité  fecrette  ,  ou  par  quelle  affecflation  de  mon- 
trer une  éloquence  déplacée  ,  tant  d'hiftoriens  ont- ils 
fait  de  fi  grands  éloges  des  Scythes  qu'ils  nç  connaif- 
faient  paç  ?  . 

Pourquoi  Quinte  -  Curée  ,  en  parlant  des  Scythes 
qui  habitaient  au  nord  dp  la  Sogdiane  au  -  delà  de 
l'Oxus  ,  (  qu'il  prend  pour  le  Tanaïs  qui  en  eft  à 
cinq  cent  lieues  )  pourquoi,  dis  '  }Q  ^  Qiimie- Cur  ce 
met .  il  une  harangue  philofophique  dans  la  bouche 
de  ces  barbares  ?  pourquoi  fuppofe-t-il  qu'ils  repro- 
chent à  Aiexandr£  fa  foif  de, conquérir  ?  pourquoi 
leur  fait-il  dire  qu^ Alexandre  eft  le  plus  fameux  vpleur 
de  la  terre  ,  jeux  qui  avaient  exercé  Je  brigandage  dans 
toute  l'Afie  fi  longtems  avant  lui  ?  pourquoi  eni>^ii 
^Quinte  -  Ciirce  peint  -  il  ces  Scythes  comme  les  plus 
juftes  de  tous  les  hommes  ?  I^a  raifpn  en  eft  quf , 
comme  il  place  le  Tanaïs  du  côté  de  la  mer  Cafpienne 
en  mauvais  géographe.,  il  parle  du  prétendu  défin- 
téreiTement  des  Scythes  en  déclamateur. 


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I 


Des  Scythes  et  des  Gomérites.  53 

SI  Hor aérien  oppofant  ks  mœurs  des  S<>ythe$-à^ 
celles  des  Rotnsiins  v  fait  en  yers  harmonieux  le  paaér 
gyrique  de  ces  barbares ,  s*ii  dit ,  -  _ 

Campefires  melius  Scythm  ^ 

Quorum  pkuiftra  vagas  rite  trabmt  domot  ^ 

Vivunt  £jf  rigiH  Gtta  :  •  ^ 

Voyez  les  habîtans  ile  raffrenfe.  Scythie 

Qui  vivent  fur  des  chars. 
Âv«e  plus  d'innocence  ils  confument  leur  ,vie  -. 

Que  le  peuple  de  Mars  $  ,,  .. , 

c'eft  qu'Horace  parlç  en  poète  un  peufatyrîque,  quC 
eft  bien  aife  d'élever  des  étr^ng^rs  aux  dépens  de* 
fon  pays.  ' ^  .        ' ..  \'      J 

C'eft  par  la  même  raifon  que  Turiée  s'çptiîfe  à 
louer  les  barbares  Germains^  qui  pillaient  les  Gaules 
&  qui  immolaient  des  hommes  à  leurç  abominables. 
Dieux.  Tacite  ,  Quinte  -  Cnrce  ,  Horme  réiTemblcnt  à 
ces  pédagogues  ,  qui  pour  donner  de  rcmuktion  à 
leurs  difciples ,  prodiguent  en  leur  préfençe  des  louan- 
ges à  des  enfans  étrangers ,  quelques  grbtliers  qu'il» 
puiflent  être. 

Les  Scytlies.font  Cj2s  mènies  barbares  que  nous  avons 
depuis  appelIés^Tartares  ;  ce  font  ceux-là  m ê.i»ès  qui 
longteips  ^^XATït  Alexandre  yvàiem  ravage  plutkùrs  fois' 
l'Afie,,&  qui  ont  été  Içs,  déprédateurs  ^'uiie  gnmJe 
partie  du  continent.  Tantôt  fous  le  noni  de  JVl^jnguls  „ 
ou  de  Muns  y.  ils  ont  aflervî  la  Chine  &  les  Indes; 
tantôt  fous  lé  nom  de  Turcs  *  lU  ont  chiffé  les  Arabes 
qui  avaient  conquis  utié  partie  de  l'Afie.  C*elt  dettes 
vafles  campagn^  ijue  DatcirentL  le^  Huns  pour  aller 
jufqu'à  Rome,  voilà'ces  hommes  défintérefles  &  juf- 
tes  t'doot  nos  ^€mipilateurs^vatt|te9t.^ocor^«u}ppi<l-.hui 
réquité  quand  ils  copient  Quinte-  Ctirçe,  C'çftamû. 
qu'on  nous  accable  d'hiftôires  9P4:;iennes  fans  ^oix  Çi.^ 
'     '    D   iij 


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S  4     t>ti   SÈVTltE$  Et   DES   GôiaÉRttES. 


fahs  jugement  ;  on  les  lit  à-peo.prés  avec  lé  même 
d'pric  qu'elles  ont  éce  faites  ^  &  on  ne  ft  mefc  dans 
la  tecé  que  des  erreurs^ 

Lés  RuflTes  tiabitènt  atijourd'huî  Panclennc  Scythîe 
èuropeane  ;  ce  font  eux  qui  ont  fourni  à  Thiftoire 
dés  vérités  bien  étonnantes.  Il  y  a  eu  fur  la  terre 
des  révolutions  qui  ont  plus  frappé  Tîmaginatlon;  il  n'y 
l^n  a  pdS  une  qui  fatisfaHe  autant  l'efprit  humain  & 
^ui  lui  faffe  autant  d'honneur»  On  a  vu  des  conqué- 
l^ans  &  dés  devait  tiôns  ;  mais  qu'un  feul  homme  ait 
en  vingt  années  changé  les  mœufs  ,  les  loix ,  l'efprit 
t)ù  plus  Vuile  empire  de  la  terre  ,  tque  tdus  les  arts 
fuient  venus  en  foule  embellir  des  défert^, p'eft-là  ce 
qui  èft  admirable.  Une  femme  qui  ne  favalt  ni  lire  ni 
éctire  ,  perfcdtionna  ^e  que  Pierre  le  grand  avait  com^» 
mençç.  Une  autre  femme  (  Elifabeth  )  étendit  encot 
ces  noblts  ctimmencemens.  Une  autre  impératrice  en- 
core ,  e(t  ^lliic  pJus  Itjîn  que  les  deux  autres  ;  fon  génie 
s'eft  communiqué  à  fes  fujets  ;  les  révolutions  dti  palais 
n'ont  p  s  rétirîé  <î'un  ma  ment  les  progrès  de  la  féli- 
cité rîe  l'empire;  on  a  vu  en  on  demi ^ fiécle  la  cour 
de  Scythie  plus  ecidirée  que  ne  l'ont  été  jamais  la 
<jrèce  &  R^itnc*  i 

Et  ce  qui  eft  plua  admirable, c'eft  qù*en  i*;7o,  temj 
'auquel  nous  écrivons,  Catherine  /f  pourfulten  Europe 
&  çh  A  fie  îes  Turcs  ftiy^ins  devnntfes  armées  ^  Se  les* 
%h  trembler  ûdn^  Oinihntînopie.  Ses  foldats  font 
fiufîî  terribles  que  f.i  cour  eft  polie.  Et  quel  que  foit 
l'évenemeot  de  cette  grande  guerre,  la  pollerité  doit 
admirer  1:*  Thnmiris  du  nord.  Eilc  mérite  de  venger 
la  terre  de  ïa  tyrannie  turque,  ' 

/Si  ffeft.'  .tft'curterix  de  iîi^ntimens  tefc  que  ceu»  de 
lEél^P'^e  ,  je  ne  crois  pas  qu'on  doive  les  chercher 
t*  Arabie*  ta  Mecque  fut ,  dit -on  ^  bâtie  vers  le 


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D  B      L'  A  H  A  B  I  s.  5Ç 

tems  ^ Abraham  i  mais  eUe  eft  dans  un  terrain  fi  la- 
blonneux  &  fi  ingrat,  qu'il  n'y  a  pas  d'apparence  qu'elle 
aie  été  fondée  avant  celles  qu'on  éleva  près  des  fieu- 
ves  dans  des  contrées  fertiles.  Plus  de  la  moitié  de 
l'Arabie  eft  un  vafte  défert ,  ou  de  fables ,  ou  de  pier- 
res. Mais  l'Arabie  heureufe  a  mérité  ce  nom ,  en  ce 
qu'étant  environnée  de  folitudes  &,  d'une  mer  ora- 
geufe ,  elle  a  été  à  l'abri  de  la  rapacité  des  voleurs 
appelles  conquérans  jufqu'à  Mahomet ,  ou  pfutât  elle 
fut  la  compagne  de  fes  viAoires.  Cet  àvanftage  eft 
bien  au-deffus  de  fes  aromates ,  de  ibiii  en^ns ,  de 
bi  cannelle  qui  eft  d'une  efpèce  médiocre  y  &  xsàsxat 
de  fon  caffé  qui  fait  aujourd'hui  (a  richeffe. 


L'Arabk  déloFte  eft  ce  pays  maiheuretx  habité  par 
quelques  Amalécttes  ,  Moabites  ,  Madianites  ;  pays 
af&eux  ,  qui  ne  contient  pas  aujourdfhui  neuf  à  dix 
mille  Aeabes  efrans  &  voleurs  ^  &  qw  ne  peut  en 
nourrir  davantage.  C'eft  dans  ces  mêmes  défet ts^  qu'il 
eft  dit  que  deï^x  millions  d'Hébreux  pafleient  qu»-  » 
rante  années.  Ce  n'eft  point  la  vraie  Arabie  ^  &  ce  j  ' 
pays  eft  fonvent  appelle  défert  de  Syrie. 

L'Arabie  pctrée  n'eft  aînfi  appeltée  q,ue  du  nom 
de  Pkra. ,  petite  fortereffe ,  à  qui  fûrement  les  Ara- 
bes n'avaient  pas  donné  ce  nom  y  mats  qui  fut  non», 
mée  ainfi  par  les  Grecs  vers  le  tems  à!  Alexandre,  Cette 
Arabie  pétrée  eft  fort  petite,  &  peut  être  confondue , 
fans  lui  faire  tort ,  avec  l'Arabie  déferte.  L'une  & 
l'autre  ont  toujours  été  habitées  par  des  bordes  va- 
gabondes.  C'eft  auprès  de  cette  Arabie  pétrée  que  fut 
bâtie  Jérufalem. 

Pour  cette  vafte  partie  appellée  heureufe ,  près  de  la 
moitié  confirte  auffi  en  déferts  \  mais  quand  on  avance 
quelques  milles  dans  les  terres  ,  foit  à  l'orient  de 
JAoka ,  foit  même  à  Torient  de  la  Mecque ,  c'eft  alors 
qu'on  trouve  le  pays  le  plus  agréable  de  la  terre.  L'air  \ 
y  eft  parfumé ,  dans  un  été  continuel ,  de  l'odeur  des      K 

ny  ^  '"^  * 


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D   E      L'  A   ft    A  B   1   i. 


1 


plantes  aromatiques  que  la  haturc  y  fait  croître  fans 
culture.  Mille  ruifle-ux  defcendent  des  montagnes 
Se  entretiennent  une  fraîcheur  perpétuelle ,  qui  tem- 
père Tai^deur  du  foleil  fous  des  ombrages  toujours 
"Vcrdr. 

C'èft  furtout  dani  ces  pays  que  le  mot  de  jafdîn , 
Jiaradi^  ,  fignifia  la  faveur  célefte. 

Les  jardins  de  Saana  vers  i\den  ,  furent  pliis  &- 
meux  chez  les  Arabes  ,  que  ne  le  furent  depuis  ceax 
yA'J.vikous  chez  les  Grecs.  Et  cet  Adcn  ou  Edcn', 
était  nommé  le  Heu  des  délices.  On  parle  cncor  d*ua 
ancien  Shedad ,  dont  les  jardins  n'étaient  pas  moins 
Tenommés.  La  félicii»  dans  ces  climats  brûlans  était 
l'ombryge;       ! 

/  fce  vafte  pays  de  PYemen  èft  fi  bcaii  ,  fcs  ports 
font  fi  heureufement  fitués  fur  TOcéan  indien  ,  qu'on 
prétend  qu^j^lexandre  voulut  conquérir  l'Yemen  pour 
^n  faire  le  fiége  de  fon  empire ,  &  y  établir  l'entre- 
pôt du  commerce  du  monde.  Il  eût  entretenu  Tani 
cien  canal  des  rois  d'Egypte  ,  qui  joignait  le  Nilà  la 
jner  Rdugc  ;  &  tous  les  tréfors  de  l'Inde  auraient  paffé 
d'Aden  ,  ou  d'Edcn  ,  à  fa  ville  d'Alexandrie.  Un^ 
-telle  entreprife  ne  reffemMe  pas  à  ces  fables  infipît 
ides  &  ablurdes  dont  toute  hiltoire  ancienne  eft  rem*- 
plie.  Il  eût  falu  à  la  vérité  fubjuguer  toute  l'Arabie. 
Si  quelqu'un  le  pouvait  .,  c'était  Alexandre.  Mais  il 
paraît. que  ces  peuples  ne  le  craignirent  point  ;  ils  né 
lui  envoyèrent  pas  même  des  députés  quaad  il  tenait 
fous  le  joug  l'Egypte  &  la  Perfe, 

tes  Arabes  défiendus  p^r  leurs  déferls  fi:  pat  leur 
cdurage  ,  n'ont  jamais  fubi  le  joug  étranger.  Trajait 
ne  conauît  qu'un  peu  de  l'Arabie  pétrée.  Aujourd'hui 
Vnême  ils  bravent  la  puifTarice  du  Turc.  Ce  grand  peu- 
y)îea  tçûjours  été  auffi  Hbre  qiie  les  Scythes ,  &  plus 
4nvilifi&  qu'eux; 


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11  faut  bien  Te  garder  de  confondre  ces  anciens 
Arabes  avfec  les  hordes  qui  fe  difent  defcendues  d'7/1 
maif/.  Lés  Ifoiaiëlîtes  ,  ou  Agaréens ,  ou  ceux  qui  fe 
difaient  enfans  de  Cethura ,  étaient  des  tribus  étrangè- 
res ,  qui  ne  mirent  jamais  le  pied  dans  TArabic  heu- 
reufe.  Leurs  hordes  erraient  dans  l'Arabie  pétrée, 
vers  le  pays  de  Madian  ;  elles  fe  mêlèrent  depuis  avec 
les  vrais  Arabes  du  tems  de  Mahomet  ,  quand  elles 
cmbraflerent  fa  religion. 

Ce  font  les  peuples  de  l'Arabie  proprement  dite-, 
qui  étaient  véritablement  indigènes  ,  c'cft-à-dîre^  qui 
de  tems  immémorial  habitaient  ce  beau  pays  fans 
mélange  d'aucune  autre  i^tlon ,  fans  ayoir  jamais  été 
ni  conquis  ,  ni  conquérans.  Leur  religion  était  la 
plus  naturelle  &  la  plus  fimple  de  toutes  ;  c'était  le 
culte  d'un  Dieu  ,  &  la  vénération  pour  les  étoiles  » 
qui  femblaient  fous  un  ciel  fi  beau  &  fi  pur ,  annon<- 
cer  la  grandeur  de  DiEU  avec  plus  de  magnificence 
que  lé  refte  de  la  nature.  Ils  regardaient  les  planètes 
comme  deis  médiatrices  entre  D^u  &  les  hommes. 
Ils  eurent  cet^e  religion  jufqu'à  Mabontet,  Je  crois 
bien  qu'il  y  eut  beaucoup  de  fuperftitions  ,  puifqu'ils 
étaient:  hommes  ;  mais  féparés  du  refte  du  monde  par 
des  mers  &  des  déferts  ,  poiTeffe^rs  d*uh  pays  déli- 
cieux, &  fe  trouvant  au-deffus  de  tout  ibefoîn  &  de 
toute  crainte,  ils.  durent  être  néceffaircment  moins 
méchans  &  moins  fuperflitieux  que  d'autres  nations*  . 

On  ne  les  avait  jamais  vus  ni  envahir  le  bien  de 
leurs  voifins  comme  des  bêtes  oarnaffières  affamées^, 
ni  égorger  les  faibles  ^  en  prétextant  les  ordr^es  delà 
Divinité,  ni  fajre  leur  cour  aux  puiffans  en  les  flattant 
par  de  faux  oracles.  Leurs  fuperftitions  ne  furent  ni 
abfurdes  ni  barbares. 

On  ne  parle  point  d'eux  dans  nos  hiftoîrcs  unîver- 
felles  fabriquées  dans  nétrc  Occident.  Je  le  croîs  bien  ; 
ils  n'ont  aucun  rapport  avec  la  petite  nation  juive 


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qui  eft  devenue  Tobjet  &  le  fondement  de  nos  hiftmres 
prétendues  univerfelles  ,  dans  lefquelles  un  certaku 
genre. d'auteurs  fe  copiant  les  uns  les  autres,  oublie 
ks  trois  quarts  de  la  terre. 

De  Bram»AbraM)Abrâham. 

Il  femble  que  ce  nom  de  Bram\  Brama ,  Abranty  ^ 
Ibrahim  ,  foit  un  des  noms  des  plus  conununs  aux 
anciens  peuples  de  l^AGe.  Les  Indiens  que  nous  croyons 
vta€  des  premières  nations ,  font  de  leur  Brama  un  fils  • 
de  Dieu  ,  qui  ei^eigna  aux  brames  la  manière  de 
Fadorer.  Ce  nom  fut  en  vénération  de  proche  en  pro- 
die.  Les  Arabes  <  les  CaUtéens ,  les  Perfans  fe  Tappro- 
f^rtèrent  ,  &  les  Jtrife  le  regardèrent  comme  un  de 
leurs  patriarches.  Xes  Arabes  qui  trafiquaient  avec  les 
Indiens  )  eurent;  probablement  les  premiers  quelques 
idées  confufes  do  Brama  ,  qu'ils  nommèrent  Abra' 
ma ,  &  dont  enfuîte  ils  fe  vantèrent  d'être  defcen- 
dos.  Les  Caldéens  l'adoptèrent  comme  un  légiflateur. 
Les  Perfes  appelaient  leur  ancienne  religion  ,  Jfi/- 
lat  Ibrahim  $  les  Mèdes  Kish  Ibrahim.  Us  prétendaient 
que  cet  Ibrahim ,  ou  Abraham^  était  de  la  Ba<ftriane  , 
&,  qu'il  avait  vécu  près  de  la  ville  de  Balk.  Us  révé- 
raient en  lut  un  prophète  de  la  religion  de  l'ancien 
Zoroajire,  Il  n'appartient  fans  doute  qu'aux  Hébreux , 
puifqu'ils  le  reconnaiflent  pour  leur  père  dansleuts 
livres  facrés. 

Ses  favans  ont  cru  que  le  nom  était  indien ,  parce 
tpât  les  prêtres  indiens  s'appellaient  brames ,  brach* 
mânes  ,  &  que  plufieurs  de  leurs  infiitotions  facrées 
ont  un  rapport  immédiat  à  ce  nom  ,  au-lien  que  chez 
les  Afiâtiques  occidentaux  vous  ne  voyez  aucun  établif- 
fement  qui  tire  fon  nom  d'Abram  ,  ou  Abraham.  Nulle 
fociété  ne  s'e#  jamais  nommée  Abramiaue.  Nul  rite, 
nulle  cérémonie  de  ce  nom-  Mais  poiiqtre  les  livres 
]mk  difent  ^v^ Abraham  eft  la  tige  de«  Hébreux ,  il 
faut  les  croire  fans  difficulté. 


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Db   BRjLM»  ABRAM»  ARUAfiA^M.    59 

L'Alcoran  cite ,  touchant  Abraham ,  les  ancieimes 
hiftoires  arabes  ;  maïs  il  en  dit  très  peu  de  chofe.  EUeg 
prétendent  que  cet  Abraham  fonda  la  Mecque* 

Les  Juifs  le  font  venir  de  Caldée ,  &  non  pas  de 
l'Inde  ,  ou  de  la  Badtriane  ;  ils  étaient  voifins  de  U 
Caldée  ;  Tlnde  &  la  Baétriane  leur  étaient  inconnues. 
Abraham  était  un  étranger  pour  tous  ces  peuples ,  & 
la  .Caldée  étant  un  pays  dés  loqgtems  renommé  pour 
les  (cîences  &  les  arts ,  c'était  un  honneur  t  humai-» 
nement  parlant ,  pour  une  petite  nation  renfermée  dans 
la  Paleftine ,  de  compter  un  anciea  fage  réputé  caldéei) 
au  nombre  de  fes  ancêtres. 

S^il  eft  permis  d^examiner  la  partie  hiftorique  des 
livres  judaïques  par  les  mêmes  règles  qui  nous  coa- 
duifent  dans  la  critique  des  autres  hiftoires ,  il  faut 
convenir  avec  tous  les  commentateurs  que  le  récit 
des  avantures  à^ Abraham  tel  qu'il  fe  trouve  dans  le 
1  *  Pentateuque ,  ferait  fujet  à  quelques  difficultés  ,  s'il 
fe  trouvait  dans  une  autre  luftoire. 

La  Genèfe  dit  qu^ Abraham  tortlt  d'Aran  âgé  de 
foîxante  &  quinie  ans ,  après  la  mort  de  fon  père. 

Mais  la  même  Genèfe  dit  qne  Tbaré  (oti  père 
Payant  engendré  à  foixante  &  dix  ans,  vécut  jut 
ques  à  deux  cent  cinq.  Ainfi  Abraham  avait  cent 
trente>.cinq  ans  quand  il  quitta  la  Caldée.  H  parait 
étrange  qu'à  cet  âge  il  ait  abandonné  le  fertile  pays 
de  la  lUéfopotamie  ,  pour  aller  à  trois  cent  milles 
delà  ^  dans  la  contr'ée  ftérlFe  &  pterreufe  de  Stchem, 
qui  n'était  point  un  Keu  4^  commerce.  De  Sichem 
on  le  fait  allef  acheter  du  bled  à  Memphis  ,  qui  eft 
environ  à  fix  cent  milles  ;'&  dès  qu'il  arrive ,  leroî 
devient  amoureujt  de  fa  femme  âgée  de  foixante  & 
quinze  ans. 

Je  ne  touche  point  à  ce  qu'Hy  a  de  divin  dans 
%    cette  luftoire-;  j^.  m.'en  tiens  toujours  aux  recherches     j  ^ 

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$Q        D  ï'   B  a   A-M,  A  4  ff\A  M.,i    i  |i 

de  Tantiquité.  Il  eft  dît  qu'Abraham  réqut  de  graiîds 
préfens  du  roi  d'E^pte.  Ce  pays  était  dèsJors  ub; 
puiflant.état  ;  là  monarchie  était  établie  ,  les  arts  y- 
étaient  donc  cultivés  ^  le  fleure  avait  été  domté ,  on 
avait  creufe  parébut  des  canaux  pour'  recevoir  les 
inondations ,  fans  quoi  la  contrée  n'eût  pas  été  ha- 
bitable. 

Or  je  demande  à  tout  homme  fenfé  ,  s'il  n'avait  pas 
fâlu  des  fiécles  pour  établir  un  tel  empire  dans  un 
pays  longtems  inacceffible  &  dévafté  p'ar  les  eaux 
mêmes  qui  le  fertififèrent  ?  Abram  ,  félon  la  Oenèfe^ 
arriva  en  Egypte  deux  mille  ans  avant  notre  ère  VuU- 
gaire.  Il  faut  donc  pardonner  aux  Manétbom  y  wax 
ilérodotes  ,  aux  Dîodores  ,  aux  Eratojlhènèi ,  &  à  tanfc 
d'autres  ,  la  prodigfeufe  antiquité  qu'ils  accordent 
tous  au  royaume  d'Egypte  ;  &  cette  antiquité  devait 
être  très  moderne  en  comparaifbn  '  de  celle  des  Çal- 
déens'&  des  Syriens. 

Qu'il  foit  pernits'  d*obferver'un  trait  de  l*hiftoire 
d'Abrabinn,  H  eft.^;|epréfenté  au-  fgrtir  de  l'Egypte 
jcçnnme.iiij  p^fteu^,  Nomade,  :errant;  entre  le  mont 
Carmél  &  le  lac  Afphaltide  ;  c'eft  le  défert  le  plus 
aride  de  i'Arabjc^pétrée ,  tout  le  territoire  y  eft  bitumi- 
neux ;  l'eau  y  eft  t^ç^rarcXe  peu/qu'on  y  eji  trouvj^ 
eft  moins  potable^  que  celle  de  Ja  jfnqr.  Il  y  voi- 
tpre  fes  teQtçs:.avé.Q  trois' cent  diic-Tvu.it  ferviteurs, 
5S  fon  neveu  Lot  gft,  établi  dans  la. ville  ou  bourg 
jdeSodome,  JJ^i  ,rqri  d^  Babil oiie  ,  un  roi  de  Perfc , 
un  roi  de,Poi^t  , /&  u/i  roi  de  pl^^eur^s. autres  n^ 
/tions  ,  fe  liguent  çnfemWe^.pom: .  f^irç  la  guerre,  ja 
Sçdonie  &  à  quatrç^  bourgades  voifme^.  Ils  prennenjt 
jcps  boni;gs  ;&!;Si9^qme.  Jto^  ^eft  Içjur-  prifonnier.  Il 
jp^'t^  pasa^  copjnent  cinq  grands 

rois  il  pûifians  fe  liguèrent  pour  venir  ainlj  attaquer 
une  horde  d'Arabes  dans  un  coin  de  terré  fi  fauvage, 
j  îii  commenfeb^^rr^iznr: défit  dejfîpjuiflkns  monarques 
j  l    «arec  .trois  cent  .valets  de  campt'gne-^t^i'coàia^ent  il 

&   . 


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A  B  K  1  H  A  m:  ,6.1 


les  pourfuivit  jufques  par-delà  Damas.  Quelques  tra- 
duifteurs  ont, mis  l)an  pour  Damas  ,•  mais  Dan  n^exit 
tait  pas  du  tems  de  Moife  ,  encor  moins  du  tems 
à^ Abraham.  Il  y  a  de  l'extrémité  du  kc  Afphaltidc 
où  Sodome  était  fttuée  ,  jufqu'à  Damas  ,  plus  de  trois 
cetit  milles  de  route.  Tout  ceU  eft  au-defluside 
nos  conceptions.  Tout  eft  miraculeux  dans  l'hiftoire  des 
Hqbreux.  Nous  Tavons  déjà  dit ,  &  nous  redifons  cri- 
cote,  que  nous,  croyons  ces  prodiges  &  fous  les  au- 
tres ,  fans  ai^cun  examen. 

D   E      L'  I  N  D  E.  I 

S'il  eft  permis  de  faire  des  conjcéturcs  ,  les  Indiens 
vers  le  Gange  font  peut-être  les  hommes  les  plus 
anciennement  ra^emblés  en  corps  de  peuple.  U  efl 
certain  que  le  terrain  où  les  animaux  trouvent  la 
pâture  la  plus  facile  eft  bientôt  couvert  de  refpèce 
qu'elle  peut  nourrir.  Or  il  n'y  a  point  de  contrée 
au. monde  où  refpèce  humaine  ait  fous  fa  main  des 
alimens^plus  fains ,  plus  agréables  &  en  plus  grande 
jibondance  ,  que  vers  le  Gange  ;  le  ris  y  croit  fans 
culture  ;  l'ananas  ,  le  cocos  ,  la  datte ,  le  figuier  ,  prér 
Tentent  de  tous  côtés  des  mets  délicieux  ;  l'oranger , 
le  citronnier  ,  fourniflent  à  la  fois  des  bpiflbns  ra- 
fraîchiflantes  avec  quelque  nourriture.  Les  cannes 
de  fucre  font  fous  la  main,  Les  palmiers ,  les  figuiers 
-à  larges  feuilles  ,  donnent  le  plus  épais  ombrage.  On 
n'a  pas  befoin  dans  ce  pays  d'étorcher  des  troupeaux 
pour  défendre  fes  enfans  des  rigueurs  des  faifons  ; 
on  les  élève  cncor  aujourd'hui  tout  nuds  jufqu'à  la 
puberté.  Jamais  on  ne  fut  obligé  dans  ce  pays  de 
rifquer  fa  vie  pour  la  foutenir  ,  en  attaquant  les 
animaux  ,  .&  en  fe  nourriffant  de  leurs  membres 
déchirés  ,  comme  on  a  fait  prefque  partout  aiU 
leurs. 

Les  hommes  fc  feront  raffemblés  d'eux-mêmes  en 
fociété  dans  ce  climat  heureux  ;  on  ne  fe  fera  pdint 


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difputé  un  terrain  wAàt  pour  y  établir  de  maigres 
troupeaux  ;  on  ne  fe  fera  point  fait  la  guerre  pour 
un  puitt  ,  pour  une  fontaine  ,  comme  ont  fait  des 
barbares  dans  TArabie  pétrée. 

Les  l^rames  fe  vantent  de  pùfTéder  les  itiomiment 
les  plus  anciens  qui  foîent  fiir  ia  terre.  Les  raretés 
les  plus  antiques  que  l'empereur  chinois  Cam*bi  eét 
dans  fon  palais  étaient  indiennes  :  il  montrait  à  nos 
miflionnaires  mathématiciens  d^antiennes  monnoies 
indiennes  ,  frappées  au  coin  ,  fort  antérieures  aux 
monnoies  de  cuivre  des  empereurs  chinois  :  &  c'eft 
probablement  des  Indiens  que  les  rois  de  Perfe  ap* 
prirent  Tart  monétaire. 

Les  Grecs  arant  Pythagare  voyageaient  dans  l'Inde 
pour  s'inftruire.  Les  fignes  des  fept  planètes  A  des  fept 
métaux  font  encor  dans  prefque  toute  la  terre  ceux 
que  les  Indiens  inventèrent  :  les  Arabes  furent  obli* 
gés  de  prendre  leurs  chiflFres.  Celui  des  jeux  qui 
fait  le  plus  d'honneur  à  Tefprît  humain  nous  vient 
incontcftablement  de  l'Inde  ;  les  cléphans  auxquels 
nous  avons  fubftitué  des  tours ,  en  font  une  preuve. 

Enfin  ,  les  peuples  les  plus  anciennement  connus  i 
Perfans ,  Phéniciens  ,  Arabes  ,  Egyptiens  ,  allèrent  de 
tems  immémorial  trafiquer  dans  l'Inde  ,  pour  en  rap. 
porter  les  épiceries  c^e  la  nature  n'a  données  qu'à 
ces  climats  ,  fans  que  jamais  les  Indiens  allailent 
rien  demander  à  aucune  de  ces  nations. 

On  nous  parle  d'un  Baccbus  9  qui  partît ,  dît-on , 
d'Egypte  ,  ou  d'une  contrée  de  l'Afie  occidentale  , 
pour  conquérir  l'Inde.  Ce  Racchus  quel  qp'îl  foît  y 
favait  donc  qn'il  y  avait  au  bout  de  notre  continent 
une  nation  qui  valait  mieux  que  la  fienne.  Le  befoin 
fit  les  premiers  brigands  ;  ils  n'envahirent  l'Inde  que 
païce  qu'elle  était  riche  ,  &  fûrement  le  peuple  ri- 


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che  eft  raiTemblé  ,  ci?ilifé  ,  policé ,  longtcms  avant 
le  peuple  voleur. 

Ce  qui  me  frappe  le  plus  dans  l'Inde  ,  c'eft  cette 
ancienne  opinion  de  la  tranfmisration  des  aroes  »  ^ui 
s^étendit  avec  le  tems  jufqu'à  la  Chine  &  dans  l'Eu- 
rope.    Ce  n'eft  pas  que  les  Indiens  fuflent  oe  que 
c'eft  qu'une  ame  :  mais  ils  imaginaient  <{\it  ce  prin- 
cipe ,  foit  aérien  ,  foit  igné  ,  allait  fucceflivement 
animer  d'autres  corps.  Remarquons  attentivement  ce 
fyftéme  de  philofophie  qui  tient  aux  mœurs.  C'était 
un  grand  frein  pour  les  pervers  que  la  Crainte  d'ê- 
tre condamnés  par  Vifnou  ,  &  par  Brama  ,  ï  deve- 
nir les  plus  vils  &  les  plus  malheureux  des  animaux. 
Nous  verrons  bientôt  que  tous  les  grands  peuples 
avaient  une  idée  d'une  autre  vie  ,  jquoiqu'avec  des 
notions  difFérentes.  Je  ne  vois  guères  parmi  les  an- 
ciens empires  que  les  Chinois  qui   n'établirent  pas 
la  doArine  de  l'immortalité  de  l'ame.  Leurs  premiers 
légiflateurs   ne   promulguèrent   que  des  loix  mora- 
les ;  ils    crurent  qu'il   fufiifait  d'exhorter  les   hom- 
mes à  la  vertu  ,  &  de  les  y  forcer  par  une  police 
févcre. 

Les  Indiens  eurent  un  frein  de  plus  en  embraf- 
fant  la  dodrine  de  la  métempfycofe  ;  la  crainte  de 
tuer  fon  père  ou  fa  mère  en  tuant  des  hommes  & 
des  animaux  ,  leur  infpira  une  horreur  pour  le  meur- 
tre &  pour  toute  violence  ,  qui  devint  chez  eux  une 
féconde  nature.  Ainfi  tous  les  Indiens  ,  dont  les  fa- 
milles ne  fe  font  alliées  ni  aux  Arabes  ,  ni  aux  Tar- 
tares ,  font  encor  aujourd'hui  les  plus  doux  de  tous 
les  hommes.  Leur  religion  &  la  température  de  leur 
climat  ,  rendirent  ces  peuples  entièrement  fembla- 
bles  à  ces  animaux  paiiibles  que  nous  élevons  dans 
nos  bergeries  ,  &  dans  nos  colombiers  pour  les  égor- 
ger à  notre  plaifir.  Toutes  les  nations  farouches  qui 
defcendirent  du  Caucafe  ,  du  Taurus  ,  &  de  Tlm- 
maûs  pour  fubjuguer  les  habitans  des  bords  de  Un- 


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de  ,  de  THidaQpe  ,  du  Gange  i  les  afibrvirent  en  fe 
montrant. 

C'cft  ce  qui  arriverait  aujourd'hui  à  ces  chrétiens 
primitifs  appelles  Quakers  ,  auffi  pacifiques  que  les 
Indiens  ;  ils  feraient  dévorés  par  les  autrçs  nations , 
s'ils  n'étaient  protégés  par  leurs  belliqueux  compa- 
triotes. La  religion  chrétienne  que  ces  fculs  primi- 
tifs fuivent  à  la  lettre  ,  eft  aufli  ennemie  du  fang  que 
la  pythagoricienne.  Mais  les  peuples  chrétiens  n'ont 
jamûs  obfervé  leur  religion  ,  &  les  anciennes  caftes 
indiennes  ont  toujours  pratiqué  la  leur.  C'eft  que  le 
pythagorifme  eft  la  feqle  religion  au  monde  qui  ait 
fu  faire  de  l'horreur  du  meurtre  une  pitié  filiale  & 
un  fentiment  religieux.  La  tranfmigration  des  âmes 
eft  un  fyftéme  f\  fimple  ,  &  même  fi  vraifemblable 
aux  yeux  des  peuples  îgnorans  ;  il  eft  fi  facile  de 
croire  que  ce  qui  anime  un  homme  peut  enfuice  en 
ianîmer  un  autrç  ,  que  tous  ceux  qui  adoptèrent  cette 
religion  ,  crurent  voir  les  âmes  de  leurs  parens  dans 
tous  les  hommes  qui  les  environnaient.  Ils  fe  oru, 
rent  tous  frères  ,  pères  ,  mères  ,  enfans  ,  les  uns 
des  autres.  Cette  idée  infpirait  nécefTai rement  une 
charité  univerfelle.  On  tremblait  de  blefler  un  être 
qui  était  de  la  -famille.:  en  un  mot  l'ancienne  reli- 
gion de  l'Inde  ,  &  celle  des 'lettres  à  la  Chine  ,  font 
les  feules  dans  lefquelles  les  hommes  n'ayent  point 
été  b?rbares.  Comment  put-il  arriver  qu'enfui  te  ces 
mêmes  hommes  qui  fe  faifaient  un  crime  d'égorger 
un  animal  ,  permlfTent  que  les  femmes  fe  brulaffenç 
fur  le  corps  de  leurs  maris  ,  dans  la  vaine  efpcrance 
de  renaître  dans  des  corps  plus  beaux  &  plus  heu- 
reux ?  c'eft  que  le  fanatifme  &'  les  contradictions  font 
l'apanage  de  la  nature  humaine. 

Il  faut  furtout  confidérer  que  l'abftinence  delà  chair 
des  animaux  eft  une  fiiite   de  la  nature  du  climat. 
L'extrême  chaleur  &  l'humidité  y  pourrifTent  bientôt 
31     la  viande  ,  elle  y  eft  une -très  mauvaife  nourriture. 

&  ^'^     .« 

Sg^j^*        PII  Jr»w  '  ■      ■  >^nsSiM 


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^ 


P  B     J,'  r  K  O  8. 


«5 


Les  liqueurs  fortes  y  font  aufli  défendues  par  la  nar 
ture  qui  exige  dans  Tlnde  des  boifTons  rafraichiflant 
tes.  La  métempfycofe  pafla  à  la  vérité  chez  nos  na-i 
tiens  fcptçntrionales.  Les  Celtes  crurent  qu'ils  renaî- 
traient dans  d'autres  corps  ;  mats  fi  fes  druides  Rivaient 
ajouté  à  cette  do<^ine  la  dé&nfe  de  manget  c^e  i^ 
çbair  ,  ils  n'apraient  pas  été  Qbéis^ 

Nous  ne  conoaiflious  prefque  rien  des  anciens  rites 
des  brames  confervés  jufques  à  nos  jours.  Ils  comy 
muniqueut  peu  les  livrés  du  Hanfarit  qu'ils  ont  en? 
cor  dans  cette  ancienne  langue  facrée  :  leurs  Vidanu^ 
leur  Shafla  ont  été  aulfi  longtems  inconnus  que  le  Zeni 
dps  Perfes  »  &  que  Içs  cinq  K,ings  des  Chinois.  Il 
n'y  a  gi^ères  que  {w  vingt  ans  quelles  furopéaas  eut 
rent  les  premières  potions  dçs  cinq  Kmgs  :  Çc  le  Ze^i 
n'a  été  vu  que  par  le  célçbre  do<fteur  Hide ,  qui  n'eu^ 
pas  de  quQi  l'acheter  ,  &  d^  qi^oi  payer  l'interprète, 
^  par  le  marchand  Chqrdin  qui  ne  voMlqt  pas  en 
donner  le  prix  qu'on  lui  en  demandait.  N^ous  n'eu* 
mes  que  cet  eiçtrait  du  Zim4  »  çç  ^^f^f^  dqnt  j'af 
parlé  {ç>i%  au  long. 

Un  hazard  pliis  heureux  a  procuré  à  la  bibliothèt 
que  de  Paris  ,  aa  ancien  livre;  des  brames. ,  c'eft 
VEzQurvidam  ,  écrit  a^ant  l'expédition  à'Alexandn 
dans  l'Inde  ,  avec  un  rituel  de  cous  les  anciens  rite) 
des  bracmanes  ^  inptulé  le  Çormo-Védam  :  ce  ma? 
nufcric  traduit  par:  un  brame  ,  n'tîft  pas  à  la  vérité  le 
Féd^m  luî-méme^  mais  ç'jcft  un  réfumé,  des,  opi-t 
nions  &  des  ritea  contenus  dans  cette  loi.  .Noua  n'a? 
Yons  que  dtpm  $eu  d'f^nnéo^Xç  Sb^fia.  Nous  le  de, 
YQiï^aux  iQins.&.àJL'éruditioa.dc  Mx^HotvMll  qui  a 
demeuré  très  longtems  parmi  les  brames.  Le  Sbnjl(\ 
eft  antérieur  au  Vidam  de  quinze  cent  années ,  félon 
le  palcul  de  ce  favant  Anglais.  (<t)  Nous   pouvons 


,  (  a  )  Voyez  les  Mélange; 
de  ^bi(Qfophie    &  é^'\\\SiQiïQ 

EJfaifur  Us  mœurs  ,  6f  r,  Tom.  I, 


<)vi  Terpit  à  1^  fin  d^ 
pueil. 


r?3 


? 


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1W 


<wfl^l 


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donc  nous  flatter  (fa?oir  anjôurdiitti  quelque  ctrn* 
naifTance  des  plus  andens  écfits  qui  foieot  au  monde, 

'  Il  faut  défefpérer  d'avoir- jamais  rieii 4eî  Egyptiens; 
leurs  livres  font  peréus  y  leor  rdigJon  s'c%  an^an- 
tie  ;  Ds  n'entendent  plus  leur  ancienne  hmgue  vul- 
gaire ,  encor  moins  la  (àQfée.  Ainfî  ce  qui  était  plus 
prè$  de  nous  ,  plus  facile  à  conferver ,  dépofé  dans 
d^  bfbfiothèques  immen&s  ,  a  péri  pour  jamais  ; 
&  nous  avons  trouvé  au  bout  du  monde  des  monu- 
mens  non  moins  autent»|ue8  ,  que  mont  ne  devions 
pas  efpérer  de  découvrir. 

On  ne  peut  douter  die  là  vérité  ,  de  Tautcntieité 
de  ce  rituel  des  bracmanes  dont  je  parle.  L'auteur 
apurement  ne  flatte  pa^  fa  fedte  ;  il  ne-oherdie  point 
à  déguifer  fes  fùperftitions  ,  à  leur  donner  quelque 
I  vraifemblance  par  des  explications  forcées  ,  à  les  m 
^  excufer  par  des  allégories.  Il  rend  compte  des  ■ 
ioix  les  plus  extravagantes  avec  la  {implicite  de  la 
Catd)E»UT.  L'efprîtliitmain parait  là  danstoute  fa  mifère. 
Si  les  brames  obfervaient  toutes  les  loix  de  leur  Fé-* 
dam  ,  il  n'y  a  point  de  moine  qui  voulût  s'aiTujet- 
tir  à  cet  état.  A  peine  te  fils  d'un  braifae  eft-il  né, 
qu'il  eil  l'efclave  d^  cérémonies.  On  frotte  fa  lan» 
gue  avec  de  la  poix  réfine  ,  détrempée  dans  de  la 
farine  ;  on  prononce  le  mot  Oxm  :  on  invoque  vingt 
divinités  avant  qu'on  Jui^it  coupe  le  nombril  ;  mais 
aiifli  on  lai  Ait  ^ -Viveti  four  commander  aux  bom-^ 
m^s  ;  &  dè!s  qu'il  peut  parler  ,  on^lut  fait  fentir  la 
dignité  de  fon  être.  En  effet,  les  bracmanes  furent 
lofigtems  fouverains  ^dîafls  l'Inde  ,  &  la  théocratie  fut 
établie  dans  cette  ^afle  contrée  plus  qu'en  aucun 
pays  du  monde. 


,  Bientôt  on  çxpofe  l'enfant  a  k  lune  :  ouprîe  l'Etre 
fuprême  d'effacer  les  péchés  que  l'enfant  peut  avoir 
cètnmis,  quoiqu'il  iie  f6ît  né  que  depuis  huit  jours  :  o» 
adrelTe  des  antiennes  au  feu  \  on  donne  à  Fen&ht  avec 


a^^A^Pi^ 


i 


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cent  cérémonies  \t^  nom  dp  CbtnifQ ,  <mi  eft  lo  titrç 
d'honneur  des  brames. 

Dés  qitc  cet  enfimt  fMt  oiardier  ,  il  pafTe  ùl  fie 
à  fe  baigner  &  à  rédler  des  prières.  Il  fait  le  (kcri? 
fiœ  des  morts  ;  ft  ce  facrifiœ  eft  inftksé  pour  que 
Brama  donne  à  i'sme  des  ancsécres  de  V^nùait  pue 
demeore  agréablç:  dons  d'ai^trf^  corps. 

On  fait  des  piières  aux  cinq  vents  qui  peuvent 
fortir  par  les  cinq  ouvertures  du  corps  humain.  Cela 
n'efè  pas  (dus  étrange  que  les  prières  récitées  au 
Dieu  B^t  par  les  bonnes  TÎetlks  dp  Kome. 

Nulle  foiK^ion  de  la  natui^  ,  nulle  a^on  chex 
1^  brames  fans   prières.    La  première   fois    qu'on 

1^  rafe  la  tête  "et  l'eaiBint ,  le  pire  dit  au  rafoîr  dévo*  l 
tcsnent  ^  Rafiér  ;  rJt/f  mon  fit  eomtne  Ut  as  raje  h  .  1 
Soiêil  ^  le  Bie^  Indro.  Il  fe  pourant  après  toot  ft 
que 'le  Dkf»  imbro  eàt  été  autrefois  rafë  :  maïs  pour  1 
le  ibiell  y  cela  n^eR:  pas  aifé  i  oomfvendre  ,  à  moins 
que*  les  brames  n'ayent  eti  notre  JlpQliQn ,  que  notrs 
rept éTentôtts  encor  ùàs  barbe. 

Le  réck  dé  tëutes  ces  cérémonies  ferait  aufii  ^f 
nuyeun  qu'elles^  nous  paraffTent  Ridicules  ;  &  dansf 
leur  aveuglement  ils  en  difent  autant  des  nôtres  \\ 
mais  il  y  a  chez  eux  un  myftère  qui  ne  doit  pas 
être  pafFé  ibos  liiehce  :  c'efr  le-  MatiHcba  Macbom^ 
On  fe  donne  par  ce  myftère  fii  nouvel  être  ,  unf 
nouvelle  vie. 

L'amc  eft  fappolée  être  dana  ia  |K)itHiie ,  êc  ç'e^ 
en  effet  te  ftntiment  de  prefque  toute  ^antiquité.  On 
paffe  la  maîh  die  la'  poitrine  à  la  céte ,  en  appuyant 
fur  le  néff  qu'on  croît  aller  d'un  de  ces  organps  k 
l'autre ,  &  on  conduit  aînfî  fon  arme  à  fon  cerv^u  ; 
quand  on  ^  ftt  qàe  fon  ame  eft  bien  montée ,  alors 
le  jeune  homme  s'écrie  que  fon  ame  A  fon  corps  fonf 

]|f|][j|ji,.  WtfTTl —  III  II  O' 


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iÇS^fj/n^ 


s     (58  D  B     ^'  I  -^  B   Ei  é 

féunis  à  TEtre  fuprômes  &  dit  ;  ^Je  fnu  moi  -  mime 

une  partie  de  la  Divinité. 

:  *  Cette  opinibn  acte  eelle  ctes  phjs  refpe(fhibîes  phi- 
lôfophes  de.  la  Grèce  v-de  ces  Stoïcien  s 'qui  ont  élevée 
la  natore  htrmaine  au-dfiffos  d*elle-inêin« ,  celle  des: 
àkv'tn^Antomm  ,•  &  il  fiiut  avouer  que  lien  n'était  plui 
capable  d'înfpirer  de  grandes  vertus.  .Se, proire  une; 
partie  de  la  Divinité  ,  c'eft  s4mpofer  la  loi  de  ne  rien 
foire  qui  ne  foit  digne  de  DiEU  méniOv  * 

On  trouve  dans  cette  loi  ,des  iraomanes  dix  com- 
mandemens  ,  &  ce  font  dix  péchés  à.  évitçr.  Ils  font 
divifés  en  trois  efpèces ,  les  péchés  du  corps  ,  ceux 
de  b  parole,  ceux  de  Ja  vojofftéi  Frapper  ,  tuer  fon 
prochain:,  le  .voler,  violer  les  .femmes  ,  ce -font  le«: 
péchés  du  corps  ;.dHrtnw|er ,  jnsxï&t^  injâficr  ,xe  font 
ks'î^échés  de  la|)ttiolei;iceux;dé  la  volonté  confiflentî 
àrfoyhaiter  le  ràal^  i  regarder  le  bieç  des  Autres  aveô 
envie  ;  àrn'ctrc.pas  .touché  des  mifères.  d'awtrui.  Ces 
dix  uomnianderaens.  font  pardonner  îtous  les  rites  ddi- 
CBdcs.  .On  voit. évidemment  queJaj'morale  eft  la  mê-^^ 
me  chez  toutes  les  nationa  civiJifées  v&que  les  lifages: 
les  plus  confacrés  chez  un  peuple  ,  paraiflent  aux 
a^k^egou  extrav^âRS,Dti,haïSables.  Les -rites  établis 
divjfent  aujourd'hui  Je. genre- humain  „&  la  morale; 
I^>réunit.  >  iv    -••  ,       -     .:    ,.,  .  •     . 

La  fuperftiriott'Ji'empBcha  jamais  les  briacmanestde 
reconnaître  un;DUEU.ajnique.-SifraZ'o«  dans:  fon  quin- 
zième livre  dit  qu'ils  adorent  un  DiEU  fupr^me,  qu'ils: 
gardent  le  fdence  plufieurs  années  avant  d'ofer  par- 
ler,  qu'ils  font  fobiîes:,  cbaft^',  l^ftapéraTn s  i, qu'ils  vî- 
\4tït  dans  la  juftice,,  <&  qu'ils  meur«i?^,.6nsf  regret. 
C'eft  le  témoignage  quejçur  t^nÛQnt  St.  Clément  dfA- 
kxandr^e,  Apulée-,  Porphire.»  ffaliade ^  St.  Ambroife. 
ÎJ!oubliojis  pas  furtout  qu'ils  eurent  31  n  paradis  t^r- 
relire ,  «Â.que  les  hommes  ,qui  abufère^  des  bienfaits. 
de<>DlEU  furehtchaffés  dp.ce  jaaradû.^^,  i^  -\  , 


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*«<*- 


eSifel 


I 


D:e    l'  I  -N.d  b. 


|: 


.  La  chute  -dt^  rfaomme  dégénéré  eff  le  fondement 
de  la  théologie  de  prefque  toutes  les  anciennes  na- 
tions. Le  penchant  naturel  de  Thorame  à  fe  pl^ndre 
du  préfent ,  &  à  vanter  le  pafle  ,  a  fait  imaginer  par- 
tout une  efpèce  d*âge  d'or  auquel' les  fiécles  de  fer 
ont  fuccédé»  Ce  qui  eft  plus  fingulier  encore ,  c'eft 
que  le  Vidam  de9  anciens  bracmanes  enfeigne  que 
k  premier  homme  fut  Âdimo ,  &  la  première  femme 
ProcritL  Adimo  fignifiait  Seigneur ,  &  Procriti  vou- 
lait dire  /a  vie  ,•  comme  Eva  chez  les  Phéniciens  &  les 
Hébreux  fignifiait  aufli  la  vie  ou  Uferfent.  Cette  coà- 
fi>rmité  mérite  une  grande  attention. 

Bk    la    Chine. 

Oferons-nous  parler  des  Chinois  fans  nous  en  rap- 
porter à  leurs  propres  annales  ?  elles  font  confirmées 
par  le  témoignage  unanime  de  nos  voyageurs  de  diffé- 
rentes feifles ,  jacobins ,  jéfuites  ,  luthériens  ,  calvinif- 
tes,  anglicans ,  tous  intérefles  àfe  contredire.  Il  eft  évi- 
dent que  Tempire  de  la  Chine  était  formé  il  y  a  plus  de 
quatre  mille,  ans.  Ce  peuple  antique  n'entendit  jamais 
parler  d'aucune  de  ces  révolutions  phyfiques ,  de  ces 
inondations ,  de  ces  incendies  dont  la  faible  mémoire 
s'était  coafervée  &  altérée  dans  les  febles  du  déluge 
àtDeucalion  ^  &  de  la  chute  de  Pbaéton.  Le  climat 
de  la  Chine  avait  donc  été  préfervé  de  ces  fléaux , 
comme  il  le  fut  toujours  de  la  peûe  proprement  dite , 
qui  a  tant  de  fois  ravagé  TAfrique ,  TAfie  &  TEurope. 

Si  tjuelques  annales  portent  un  caradtère  de  certi- 
tude ,  ce  foQt  celles  des  Chinois ,  qui  ont  joint ,  comme 
on  Ta  déjà  dit  ailleurs ,  Thiftoire  du  ciel  à  celle  de 
la  terre.  Seuls  de  tous  les  peuples  ils  ont  conftam- 
ment  marqué  leurs  époques  par  les  éclipfes ,  par  les 
conjondtionsy  des  planètes  ;  &  nos  aftronomes  qui  ont 
examiné  leurs  calculs ,  ont  été  étonnés  de  les  trou- 
ver prefque  tons  véritables.  Les  autres  nations  inven- 
^  tèrent  des  fables  allégoriques  ,  &  les  Chinois  écrivi-t 
&  E    iij  ^ 


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\\  '70 


ja^j^^eé^^A 


jmify fi 


't'i^^ 


Dis    LÀ    CktiiTË. 


lïi  i  ii^  I 


Ttnl  leur  hiftoirc  la  plume  &  î'aftrolayè  k  la  main , 
avec  unefîmplidté  dont  on  ne  trouve  point  d'etemple 
dans  le  refie  de  TÀ&à 

Cbaqtie  régné  de  léiîrs  cmpèitnrs  a  été  écrit  pat 
des  conrcmporaing  ;  nnllie  différente  manière  de  comp- 
ter parmi  eux  ;  nulles  chronol6giies  qtii  fe  contredirent. 
ths  yoyagears  miflionnai^es  rapportent  avec  candeur 
que  lorfqu^ils  parlèrent  au  fage  empereur  Cam-bi  des 
Variations  confidérables  dé  la  chronologie  de  la  VuU 
^a<te  ^  des  Septante ,  &  des  Samaritains  ,  Cam-bi  leur 
répondit ,  EJlMpùJJiUé  que  ks  Hfortstn  fui  vùêu  crùyet 
.fe  combattent  ?    \ 

lès  Chinois  écrivaient  (ur  des  tablettes  légères  de 
bambou  ,  quand  lés  Caldéens  n'écrivaient  encor  que 
ïur  la  bf ique  ;  &  ils  ont  même  encor  de  ces  ancien- 
nes tablettes  que  leurs  vernis  ont  préTervées  de  la 
potirrîture.  Point  dliiftoîre  chçz  eux  avant  cfellcs  dé 
leurs  empereurs  ;  pteique  point  de  fldions  ,  aucun 
prodige ^  nul  bomme  înfpirc  qui  fe  difô  demi-Dîeir 
cfomme  cbe^  les  Egvptiéns  &  clieî  les  Grecs  }  dès  que 
te  peuple  é^rft  ^  il  écrit  taîfonnablement 

tï  dîfftte  fiirtout  des  autres  nations  ,  en  ce  que 
itur  hiftoîre  ne  fait  aucune  mention  d*nn  collège  de 
jprêtres  qni  aîfe  jamais  influé  fut  les  loit.  Lés  Chinois 
he  remontent  point  jufqu*auit  tems  fauvages  bu  les 
hommes  eurent  bcToîn  é|u*on  les  trompât  pour  les  con* 
duîre.  D'autres  peuples  commencèrent  leur  hîftoire 
ptr  l'origîné  dti  mûndé  ;  le  ^end  des  Petrc» ,  le  Sbafla 
&  le  Vidam  des  lodSens  ,  Sancb^nîaton ,  ManhboA^ 
^Bn  ,  îufiju*à  itéfiodè ,  lous  retrtontent  à  Torigînc  des 
trhofts  ,  i  la  fbTtnation  de  TuniVérs.  Les  Chinois  n'ont 
ï)0Tnt  eu  c^tte  fcfie  ;  bût  hîftoirt  n'cft  que  celle  des 
tems  Wftoïi'qoe^. 

tVft  ICI  qtfil  feut  ftiltocrt  aippiîqueîr  notre  grand 
^incipe,  qiB''Qaeiiati6n  dont  les  prenâères  dironiques 


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DblaChimb.  71    if 

tUe^çnt  l'cTÙftence  d'un  vafte  empire  puiflant  &  fage  > 
doit  avoir  été  raflemblée  en  corps  de  peuple  pendant 
des  fiécics  antérieurs.  Voilà  ce  peuple  qui  depuis  plus 
de  quatre  mille  ans  écrit  journeliement  fes  annales. 
Encor  une  fois ,  n'y  aurait-il  pas  de  la  démence  à  ne 
PAS  voir  que  pour  être  exercé  dans  tous  les  arts  qu'exige 
la  fociété  des  hommes ,  &  pour  en  venir  non-feule- 
ment jufqu'à  écrire ,  mais  jufqu'à  bien  écrire ,  il  avait 
falu  plus  de  tems  que  l'empire  chinois  n'a  duré ,  en 
ne  comptant  que  depuis  l'empereur  Fa4>i  jufqu'à  nos 
jours  ?  Il  n'y  a  point  de  lettré  à  la  Chine  qui  doute 
que  les  cinq  Kings  n*ayeat  été  écrits  deux  mille  trois 
cent  ans  avant  notre  ère  vulgaire.  Ce  monument  pré- 
cède donc  de  quatre  cent  années  les  premières  obfer- 
vations  babiloniennes  envoyées  en  Grèce  par  Ca/Iijl 
tbêne.  De  bonne  foi  fied-il  bien  à  des  lettrés  de  Paris 
de  contefter  l'antiquité  d'un  livre  chinois ,  regardé  com* 
me  autentique'par  tous  les  tribunaux  de  la  Chine  ?  («) 

Les  premiers  rudimens  font  en  tout  genre  plus 
lents  chez  les  hommes  que  les  grands  progrès.  Sou- 
venons^nous  toujours  que  prefque  perfonne  ne  favait 
écrire  il  y  a  cinq  cent  ans ,  ni  dans  le  Nord ,  ni  en 
Allemagne ,  ni  parmi  nous.  Ces  tailles  dont  fe  fervent 
encor  aujourd'hui  nos  boulangers  ,  étaient  nos  hiéro- 
glyphes &  nos  livres  de  compte.  Il  n'y  avait  point 
d'autre  arithmétique  pour  lever  les  impôts  ,  &  le  nom 
de  taille  ratteite  encor  dans  nos  campagnes.  Nos  cou- 
tumes capricieufes ,  qu'on  n'a  commencé  à  rédiger  par 
écrit  que  depuis  quatre  cent  cinquante  ans  ,  nous  ap- 
prennent aflèz  combien  l'art  d'écrire  était  rare  alors.  Il 
n'y  a  point  de  peuple  en  Europe  qui  n'ait  fait  en  dernier 
lieu  plus  de  progrès  en  un  demi-iiécle  d^ns  tous  les 
arts ,  qu'il  n'en  avait  fait  depuis  les  invafions  des  Bar- 
bares jufqu'au  quatorzième  fiécle. 

Je  n'examinerai  point  ici  pourquoi  les  Chinois ,  par^ 
venus  à  connaître  &  à  pratiquer  tout  ce  qui  eïl  utile 

(  a  )  Voyez  les  lettres  da  favant  jéfuite  Parennin, 

E   iHj  ^_ 


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De    là    Chine; 


f 

k 


' 

1 


9.  h  foéiété ,  n'ont  pas  été  auffl  loin  que  nous  allons 
aujourd'hui  dans  les  fciences.  Ils  font  auffi  mauvais 
phyfjciens  ,  je  l'avoue,  que  nous  Tétions  il  y  a  deux 
cent  ans ,  &  que  les  Grecs  &  les  Romains  l*ont  été  ; 
mais  ils  ont  perfedionné  la  morale  ^  qui  eft  la  première 
des  fciences.  » 

Leuir  vafte  &  f^oputeux  empire  était  déjà  gouverna 
tomme  une  famille  ,  dont  le'  monarque  était  le  père  , 
&  dont  quarante  tribunaux  de  Icgiflâtion  étaient  re- 
gardés commt  les  fVéres  aines  ,  ()uand  nôos  étions  er- 
rans  en  petit  nombre  dahs  la  forêt  des  Ardennes. 

Leur  religion  était  fimple  ,  fage ,  àugufte  ,  libre  dé 
toute  fuperftttion  &  de  toute  barbarie  ,  quand  nous 
n'avions  pas  même  encor  des  Tentâtes  à  qui  des  drui- 
des facriiiaient  les  enfans  d^  nos  ancêtres  dans  dé 
grandes  mannfcs  d'ofiér* 

Les  empereurs  chinois  bAfraîént  éiix-mémes  au  DlEÛ 
tie  l'univers  ,  au  Chang-ti ^  au  Tien  ^  au  principe  de* 
toutes  chofes ,  les  prémices  des  récoltes  deux  fois  l'an- 
née ;  &  de  quelles  récoltes  encor  ?  de  ce  qu'ils  avaient 
femé  de  leurs  propres  mains.  Cette  coutume  s'eft  fou- 
tenue  pendant  quarante  fiécles ,  au  milieu  même  des 
révolutions  &  des  plus  horribles  Calamités. 

Jamais  la  religion  dés  empereurs  &  àts  tribunaux 
he  fut  deshonorée  par  des  impoftures ,  jamais  trou- 
blée par  les  querelles  du  facerdoce  &  de  l'empire  , 
jamais  chargée  d'innovations  abfurdes  qui  fe  combat- 
te,nt  les  unes  les  autres  avec  des  argumens  auflî  ab- 
furdes qu'elles  ,  &  dont  la  démence  a  mis  à  la  fin  le 
l:îOîgnard  aux  mains  des  fanaticjues  conduits  par  des 
f*dieux.  C'eft  par-là  furtout  que  les  Chinois  l'em- 
portent fur  toutes  les  nations  de  l'univers. 

Lriir  àojtrûtzéé  ^  que  nous  appelions  Confie  a  us  ^ 
hMmagina  ni  nouvelles  opinions  ,  ni  nouveaux  rites. 

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De    la    Chine. 


U  ne  fit  nf  rînfpîré  ni  le  prophète.  C'était  un  magiftrat 
qui  enfeignait  les  anciennes  loix.  Nous  difons  quel- 
quefois,  &  bien  mal  -  à  -  propos , /a  religion  de  Confu- 
dus  y  il  n'en  avait  point  d'autre  que  celle  de  tous 
les  empereurs  &  de  tous  les  tribunaux ,  point  d'autre 
que  celle  des  premiers  fages.  11  ne  recommande  que 
la  vertu  ;  il  ne  prêche  |pcun  myftère.  Il  dit  dans  (on 
premier  livre ,  que  pour  apprendre  à  gouverner  il  faut 
paffer  toiîs  fes  jours  à  fe  corriger  :  dans  le  fécond , 
il  prouve  que  Dieu  a  gravé  lui-même  la  Vertu  dans 
le  cœur  de  l'homme  ;  il  dit ,  que  l'homme  n'eft  point 
né  méchant ,  &  qu'il  le  devient  par  fa  faute  :  le  troi- 
fiéme  eft  un  recueil  de  maximes  pures  où  vous  ne 
trouvez  rien  de  bas  ,  &  rien  d'une  allégorie  ridicule. 
Il  eut  cinq  mille  difciples ,  il  pouvait  fe  mettre  à  la 
tête  d'un  parti  puiffant ,  &  il  aima  mieux  inftruire  le» 
îiommes  que  les  gouverner. 

On  s'eft  élevé  avec  force  dans  un  Èffat  fur  tbif- 
toire  générale  ,  contre  la  témérité  que  nous  aVons  eufc 
au  bout  de  l'Occident  de  vouloir  juger  de  cette  cour 
orientale ,  &  de  lui  attribuer  l'athéifmc.  Par  quelle 
fureur  en  effet  quelques-uns  d'entre  nous  ont-ils  pti 
appeller  athée  un  empire  dont  prefque  toutes  les  loix 
font  fondées  fur  la  connaiffance  d'un  Etre  fuprême  , 
rémunérateur  &  vengeur  ?  Lts  infcriptions  de  leurs 
teifiples  ,  dont  nous  avons  des  copies  auten tiques  ^ 
font  :  («)  Au  premier  principe  fanî  commencement 
ftff  fans  fin.  Il  a  tofdt  fait  ,  il  gmiverne  tout.  Il  eji 
infiniment  bon ,  infiniment  jujie  ,•  il  éclaire ,  ilfoutientj 
il  règle  toute  la  nature. 

On  a  reproché  en  Europe  aux  jéfuîtes  qu'on  n'ai- 
mait  pas ,  de  flatter  les  athées  de  la  Chine.  Un  fran- 
çais nommé  :^a/gro^,  évêquc  de  Conon  ,  qui  ne  favait 
pas  un  mot  de  àhinois  ,  fut  député  par  un  pape  pour- 


f.        (b)  Voyez   fcuîemeut   les  efli^mpes  gravées  dans  la  col- 
^^     ledion  du  iéiuite  Du  Haide. 


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De    la    Chine. 


aller  jugcf  le  procès  fur  les  lîctix  ;  il  traita  Confucim 
d'athée  ,  fur  ces  paroles  de  ce  grand -homme ,  le  ciel 
fn^a  donné  la  vertu  ,  Pbomme  ne  peut  me  mdre.  Le 
plus  graml  de  nos  faints  n'a  jamais  débité  de  maxime 
plus  célefte.  Si  Confucîus  était  athée ,  Coton  >  &  le 
chancelier  de  VHêpital  Tétaient  auffl. 

» 

Répétons  ici  pour  faire  rougir  la  calomnie ,  que  les 
mêmes  hommes  qui  foutenaient  contre  Bayle ,  qu'une 
fociété  d^athées  était  impoflible ,  avançaient  en  mê- 
me tems  que  le  plus  ancien  gouvernement  de  la  terre 
était  une  (bcié*-é  d^athées.  Nous  ne  pouvons  trop  nous 
&ire  honte  de  nos  coatradidtions. 

Répétons  enCor  que  les  lettrés  chinois ,  adorateurs 
d'Hn  feul  Dieu ,  abandonnèrent  le  peuple  aux  fuper& 
titions  des  bonzes.  Ils  reçurent  la  feéte  de  Laokium 
&  celle  de  Fo  &  pluGeurs  autres.  Les  magiftrats  fenti- 
rent  que  le  peuple  pouvait  avoir  des  religions  diffé- 
rentes de  celles  de  l'état ,  comme  il  a  une  nourriture 
plus  groffière  ;  ils  fouffrirent  les  bonzes  &  les  contin- 
rent Prefque  partout  ailleurs' ceux  qui  faifaient  le  mé- 
tier de  bonzes  avaient  l'autorité  principale. 

Il  efk  vrai  que  les  loîx  de  la  Chine  ne  parlent  point 
de  peines  àc  de  récompenfes  après  la  mort  ;  ils  n*ont 
point  voulu  affirmer  ce  quMls  ne  favaient  pas.  Cette 
différence  entr'eux  6S:  tous  les  grands  peuples  policés 
eft  très  étonnante.  La  doârine  de  Tenfer  était  utile  , 
&  le  gouvernement  des  Chinois  ne  l'a  jamais  admifc. 
Us  fe  conlentèrent  d'exhorter  les  hommes  à  révérer 
le  ciel  ,  &  k  être  juftes.  Us  crurent  qu'une  police 
cxa^îte  toujours  exercée  ,  ferait  plus  d'effet  que  des 
opinions  qui  peuvent  être  combattues ,  &  qu'on  crain* 
diait  plus  la  loi  toujours  préfente ,  qu'une  loi  à 
venir.  Nous  parlerons  en  fon  tems  d'un  autre  peuple  , 
infiniment  moins  confidérable  ,  qui  eut  à-peu -près 
la  même  idée,  ou  plutôt  qui  n'eut  aucune  idée  ,  mais 

Mfjjh^Mt  mMÊBmi* 1  nt^^ 


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Db    la    Chiïts. 


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qui  fét  conduit  pair  des  voies  inconnues  aux  autarel 
hommes.  >  ^ 

RéAimons  ici  feulement  que  l'empire  cbiaeis  flibfif- 
tait  avec  fplendeur  quand  les  Caldcens  commeoi^ient 
le  cours  de  ces  dix -neuf  cent  années  d'obfervations 
agronomiques  envoyées  en  Grèce  par  Cailifthine.  Les 
brames  régnaient  alors  dans  une  partie  de  llnde  ;  les 
Perfes  avaient  leurs  loix  ;  les  Arabes  au  midi ,  les  Scy- 
thes au  feptentrion,  habitaient  (bus  des  tentes.  L'Egypte 
dont  nous  allons  parler ,  était  un  puiiTant  royaume. 

De    I' Egypte. 

tl  me  parait  Tenfible  que  les  Egyptiens ,  tout  anti- 
ques qu'ils  font ,  ne  purent  être  raffemblés  en  corps , 
cîvilifés ,  policés ,  induftrieux ,  puiflans ,  que  très  long- 
tems  après  tous  les  peuples  qui  ont  paffé  en  revue. 
La  raifon  en  eft  évidente.  L'Egypte  jufqu'au  Delta 
cft  refTerrée  par  deux  chaînes  de  rochers ,  entre  Ict 
quels  Je  Nil  fe  précipite  ,  en  defccndant  d'Ethiopie 
du  midi  au  feptentrion.  Il  n'y  a  des  cataraAes  du 
Nil  à  fes  embouchures  en  ligae  droite  que  cent  foi- 
xante  lieues  de  trois  mille  pas  géométriques ,  &  la 
largeur  n'eil  que  de  dix  à  quinze  &  vingt  lieues  jufqu'au 
Delta,  partie  baffe  de  l'Egypte, qui  embraffe  une  éten- 
due  de  cinquante  lieues  d'orient  en  occident.  A  la  droite 
du  Nil ,  font  les  déferts  de  la  Thébaïde ,  &  à  la  gaucl^e 
les  fables  inhabitables  de  la  Lybie  jufqu'au  petit  pajfs 
où  fut  bâti  le  temple  à'Ammon. 

Les  inondations  du  Nil  durent  pendant  des  fiécles 
écarter  tous  les  tolons  d'une  terre  fubmergée  quâ- 
tre  mois  de  l'année  ;  ces  eaux  croupjffantes  s'accu». 
mulant  continuellement  ,  durent  longtems  faire  tin 
marais  de  toute  PEgyptc.  Il  n'en  eft  pas  ainfi  des 
bords  de  l'Euphrate ,  du  Tigre ,  de  Plnde ,  du  Gange 
&  d'autres  rivières  qui  fe  débordent  auffi ,  prefque 
chaque  année  en  été ,  à  la  fonte  des  neiges.  Leurs 
débordemcm  ne  font  pas  fi  grands ,  &  les  vaftes  plai- 


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De    l'  E  g.y  p  t  e. 


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nés  qui  les  envirotinent  ,  donhent  aDx  cultivateurs 
toute  la  liberté  de  profiter  de  la  fertilité  de  la  terre. 

Ôbfervons  ftrtout  que  la  pefte  ,  ce  fléau  attaché 
^u  genre  animal ,  régne  une  fois  en  dix  dns  au  moins 
en  Egypte  ;  elle  devait  être  beaucoup  plus  deftru<^ive 
quand  les  eaux  du  Nil  en  croupiflant  fur  la  terre ,  ajou- 
taient leur  infe<ftion  à  cette  contagion  horrible  ;  & 
ainfi  la  population  de  TEgypte  dut  être  très  faible 
pendant  bien  des  fiécles. 

L'ordre  naturel  des  chofes  femble  donc  démontrer 
invinciblement  que  l'Egypte  fut  une  des  dernières 
terres  habitées.  Les  Troglodites  nés  dans  ces  rochers 
dont  le  Nil  eft  bordé ,  furent  obligés  à  des  travaux 
aufifi  longs  que  pénibles  pour  creufer  des  Canaux  qui 
reçuffent  le  fleuve  ,  peur  élever  des  cabanes  &  les 
réhaufler  de  vingt -cinq  pieds  au-deflus  du  terrain. 
C*e{t-là  pourtant  ce  qu'il  falut  faire  avant  de  bâtir 
Thèbes  aux  prétendues  cent  portes ,  avant  d'élever 
Memphîs  ,  &  de  fonger  à  conftruîre  des  pyramides. 
Il  eft  bien  étrange  qu'aucun  ancien  hiftorien  n'ait  fait 
une  réflexion  fî  naturefle. 

Nous  avons  déjà  obfervé  que  dans  le  tenis  où  Von 
place  les  voyages  d* Abraham  ,  l'Egypte  était  un  puif- 
fant  royaume.  Ses  rois  avaient  déjà  bâti  quelques-unes 
de  ces  pyramides  ,  qui  étonnent  encor  les  yeux  & 
l'imaginatioo.  Les  Arabes  ont  écrit  que  la  plus  grande 
fut  élevée  par  Saurid^  plufieurs  fiécles  avant  Abra- 
ham. On  ne  fait  en  quel  tems  fut  conftruite  la  fameufe 
Thcbes  aux  cent  portes,  la  ville  de  Dieu,  DiofpoUs. 
Il  paraît  que  dans  ces  tems  reculés  les  grandes  villes 
partaient  le  nom  de  villes  de  Dieu  comme  Babilone. 
Mais  qui  poura  croire  que  par  chacune  des  cent  portes 
il  fortait  deux  cent  chariots  armés  en  guerre ,  &  dix 
mille  combattans  ?  Cela  ferait  vingt  mille  chariots,  & 
AMI  million  de  foldata;  &  à  un  foldat  pour  cinq  per- 
sonnes ^  ce  nombre  fuppofe  au  n^oins  cinq  millions 


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I>  fr    L'  E  G  y  t  T  B. 


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de  têtes  pour  une  feule  vfllc,  dans  un  pays  qui  n'eft 
pas  fi  grand  que  PEfpagne  ou  que  la  France  ,  &  qui 
n'avait  pas ,  félon  Diodore  de  Sici/e\  plus  de  trois  mil- 
lions  d'habicans ,  &  plus  de  cent  foixante  mille  foldats 
pour  fa  défenfe.  Diodore  au  livre  premier  ,  dît  que 
TEgypte  était  fi  peuplée  ,  qu'autrefois  elle  avait  eu 
jufqu'à  fept  millions  d^abitans ,  &  que  de  fon  tems 
elle  en  avait  enoor  trois  millions. 

Vous  ne  croyez  pas  plus  au;t  conquêtes  de  Sifoftris 
qu'aux  dix  millions  de  foldats  qui  fortent  par  les  cent' 
portes  de  Thèbcs.  Ne  penfez-vous  pas  lire  l'hiftoîre' 
de  Picrocoie,  quand  ceux  qui  copient  Hérodote  ^6u$ 
difent  que  le  père  de  Séfojhis  fondant  fes  cfpérance» 
fur  un  fonge  &  fur  un  oracle ,  deftina  fon  ^s  à  fub* 
juguer  le  monde  ;  qu'il  fil  élever  à  fa  cour  dans  le 
métier  des  armes  tous  les  enfhns  nés  le  même  jour 
que  ce  fils ,  qu'on  ne  leur  donnait  à  manger  qu'après 
qu'ils  avaifertt  couru  huit  de  nos  grandes  lieues,  0«) 
&  qu'enfin  Sèfqftris  partit  avec  fix  cent  mille  hom-^ 
mes,  vingt-fept  mille  chars  de  guerre,  &  alla  con- 
quérir toute  la  terre  ,  deputaJ'Inde  jufqu'aux  extrê- 
mités  du  Pont-Euxin  ,  &  qù^  fubjugua  la  Mingrélîe' 
&  la  Géorgie- appellées  alors  la  Colchide.    Hiroddte 
ne  doute  pas  que  Séfojhris  n'ût  laiffé  des  colonies. en 
Golchidef,  parce  qu'il  a  vu  à  Colchos  des  homnies 
bafanés ,  avec  des  cheveux  crépus  ,  reflemblans  aux* 
Egyptiens.  Je  croirais  bien  plutôt  -que  ces  efpèces  de- 
Scythes  des  bords  de  la  mer  Noire  &  de  la  mer  Caf- 
pienne  ,  vinrent  rançonner  les  Egyptiens  quand  ils'- 
ravagèrent  fi  longtems  l'Afie  avant  le  règne  de  Cjh^uf. 
Je  croirais  qu'ils  emmenèrent  avec  eux  des  efclaves 
d'Egypte ,  ce  vrai  pays  d'efclaves ,  dpnt  Hérodote  put' 
voir ,  ou  crut  voir  les  defcendans  en  Colchide.  Si  cesi 
Colchidiens  Vivaient  en  effet  la  fiiperftition  de  fe  faire 
circoncire,  ils  avaient  probablement  retetiu  cette  cou- 

(a)  Quand  un  réduii^tt  ces  huit  lieues  à  fix,  on  ne  retranche- 
;    raie  qu*un  quart  du  ridicule. .        '  - 


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7^         ^  D  ^   j:  E  G  Y  p  •?  «. 


tume  d'Egypte  >  comme  iLardva  prçfi|i^  toAJQuii  owc 
peuples  du  Nofd  de  prendre  les  rt(ff  4(e^  mooHS  çiv4<- 
Uféçs  qu'ils  ayaiçnt  yamçues. 


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Jamais  les  Egyptiens  dans  les  lem3  connut  ne  btent 
redoutables  ;  jamais  ennemi  n'entra  ehezeux  qu'il  ne 
les  fubjuguàt.  Les  Scythes  oommenoèrent;  après  tes 
Scythes  vint  Nabucodomfor  »  qui  o^Hiqnit  i'Egypte 
fans  réfiilance  ;  Cyrut  n'eut  qu'à  y  envoyer  un  de 
fi^  lieuienans  ;  révoltée  fous  ùmb^f ,  il  ne  &Iut 
qu'une  campagne  pour  la  foume^tr^  :  (k  ce  Càmbyfi 
eut  tant  de  mépris  pour  les  Egyptiens  •  qu'il  tua 
leur  dieu  J^pis  en  leur  préfence.  Ocèm  redulift  1'^ 
gypte  en  province  de  fon  royaume.  AIexuf$dr£^  Cîfar , 
Aumfte  9  le  calife  Omtvr  conquirent  l'Egypte  avec  une 
égale  facilité.  Ces  mimes  peuples  de  Colçhos  fous  le 
nom  de  Mammelucs  revinrent  encor  s'emparer  de  i'E^ 
gypte  du  tems  des  croifades  ;  enfin  Silim  I  conquit  j 
l'Egypte  en  une  feule  campagne ,  comme  tous  ceuK  & 
qui  s'y  étaient  prélentés  ;  il  n'y  a  jamais  eu  que  nos  ^ 
feuls  croifés  qui  fe  foient  fait  battre  par  ces  Egyp* 
tiens  9  le  plus  lâche  d^tous  les  peuples ,  comme  on 
l!a  remarqué  ailleurs  4  mais  c'eft  qu'alors  ils  étaient 
gouvernés  par  la  milice  des  Mammelucs  de  Qolchos^ 

n  tSk  vrai  qu'un  peuple  humilié  peut  avoir  été  au« 
trefois  conquérant ,  témoins  les  Qreçs  &  les  Romains* 
Mais  nous  fopimes  plus  fi^rs  '  de  Tançienne  gran^ 
deur  des  Romains  &  des  Grecs  que  de  celle  de  Sé-^ 
fafirù, 

Je  ne  nie  pas  que  celui  qu'on  appelle  Sifojhii  n'ait 
pu  avoir  une  guerre,  beureufe  çontxe  quelques  Ethio^ 
piens  y  quelques  Arabes ,  quelques  peuples  de  la  fhé-^ 
nicie.  Alors  dans  le  langage  des  exagérateurs  il  aura 
conquis  toute  la.  terre.  U  n'y  a  point  de  t^ation  foh** 
juguée  qui  ne  prétende  en  avoir  autrefois  fubjugué 
d'autres.  La  vaine  gloire  d'une  ancienne^  fupériorité 
confole  de  l'humiUation  préfente^ 


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D  E    t'  E  a  Y  p  T  E.  79    î? 


Hérodote  racontait  ingénument  aux  Gtecs  ce  qw 
les  Egyptiens  lui  avaient  die  ;  mais  comment ,  en  ne 
lui  pariant  que  de  prodiges  ,  ne  lui  dirent^ils  rien  des 
femeufes  plaies  d'Egypte  ,  de  ce  combat  magique  en- 
tre les  forciers  de  Pharaon  &  le  nûniftife  du  Dieu 
des  Juifs  y  &  d'une  armée  entière  engloutie  au  fond 
de  la  mer  Rouge  fous  les  eaux  éleyéjesi  conune  des 
montagnes  à  droite  &  à  gauche ,  po^r  UiCTer  pafler 
Ips  Hébreux  ,  lefquelles  en  retombant  fubfnergèrent 
les  Egyptiens  ?  C'était  apurement  le  plus  grand  évc«- 
ilement  dans  l'hi&oire  du  monde  :  ni  Hér^doU  ^  ni 
Manetbon  ,  ni  Ératojibénes  ,  ni  %uGun  des  Qtsai  û 
grands  amateurs  du  merveilleux ,  &  toujours  «n  toi-^: 
refpondancc  avec  l'Egypte ,  n'ont  parlé  de  ces  mira- 
cles ,  qui  devaient  occuper  la  mémoire  de  toutes  les 
générations.  Je  ne  fais  pas  affurément  cette  réflexio» 
pour  infirmer  le  témoignage  des  livres  hébreux  ,  que 
je  révère  comme  je  dois.  Je  me  borne  à  m'étonner 
feulement  du  filence  de  tou§  les  Egyptiens  &  de  tous 
les  Grecs.  DiEU  ne  voulut  pas  fans  doute  qu'une 
hiftoire  fi  divine  nous  fût  tranfmilè  par  aucune  main: 
profane. 

De  la  langue  des  Egyptiens, et  db 

LEURS   SyMBOJiES* 

Le  langage  des  Egyptiens  n'avait  aucun  rapport 
avec  celui  des  nations  de  J'Afie^  Vous  ne  trouvez 
chez  ce  peuple  ni  le.  mot  H'Moni  ou  d' j^doma  y  ni 
de  Êal  ou  Èaal ,  termes  qui  fignifient  le  Seigneur  ; 
ni  de  Mitra  y  qui  était  le  foleil  che2  les  Peifes  ;  ni 
ât  Melcb  y  qui  fignifie  roi  en  Syrie  ,  ni  de  Sbak  y  qut 
fignifie  la  même  çhofe  chez  les  Indiens  &  chez  les 
Perfans*  Vous  voyez  au  contraire  que  Pharao  était 
le  nom  qgyptien  qui  répond,  à  roj.  Osbirtt  iQfirif) 
répondait  au  Jlitra  des  Perfans  ;  &  le  mot  vulgatfe 
Oh  fi^ifiait  le  foleiU  Les  prêtres  caldéens  s'appel- 
lajent  Mag ,  ceux  des  Egyptiens  (^oen  y  au  rapport 
de  Diodore  de  Stc^e.    Les  hiéroglyphes ,  les  cataxftèt- 


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%    8o    Langue   et  Symboles  jf 

tes  alphabétiques  d'Egypte  que  le  tems  a  épargnés  &. 
que  nous  voyons  ertcor  gravés  fur  les  obélifque»^ 
n'ont  aucun  rapport  à  ceux  des  autres  peuples. 

Avant  que  les  hommes  enflent  inventé  les  hiéro, 
glyphes  ,  ils  avaient  indubitablement  des  iîgnesf  repré^ 
fentatift  ;  car  en  effet,  qu'ont  pu  faire  les  premiers 
hommes  finon  ce. que  nous  feifpns  quand  nous  fem- 
mes à  leur  place  ?  Qu'un  enfant  fe  trouve  dans  un 
pays  dont  il  ignore  la  langue  ,  il  parje  par  fignes; 
fi  on  ne  l'entend  pas ,  il  delîîné  fur  Un  mu^  avec  un 
charbon  les  chofes  dont  il  a  befoin ,  pour  peu  qu'il 
ait  la  moindre  fagacité. 


On  peignît  donc  d'abord  groflTiIrement  ce  qu'on 
voulut  feire  entendre ,  &  l'art  de  deflîner  précéda  fans 
doute  l'art  d'écrire.  Ceft  ainfi  que  les  Mexicains  & 
les  Péruviens  écrivaient  ;  ils  n'avaient  pas  pouffé  l'art 
plus  loin.  Telle  étsit  la  méthode  de  tous  les  pre-; 
miers  peuplés  poHcés,  Avec  le  tems  on  inventa  les 
figures  fymboliques  :  deux  mains  entrelaffées  fignifiè- 
rent  la  paix  ;  des  flèches  repréfentèrent  la  guerre; 
un  œil  fignifia  la  Divjfîté  ;  un  fceptre  marqua  la 
royauté  ;  &  des  lignes  qui  joignaient  ces  figures  ex- 
primèrent des  phrafes  courtes. 

Les  Chinois  inventèrent  enfin  des  caradlèrcs  pour 
exprimer  chaque  mot  de  leur  langue.  Mais  quel 
peuple  inventa  l'alphabet  ,  lequel  en  mettairt  (ous 
les  yeux  les  difFèrens  {Jons  qu'on  peut  articuler  ,  don- 
ne la  facilité  de  combiner  par  écrit  tous  les  mqt^ 
poffibles  ?  Qui  put  s^inù  apprendre  aux  hommes  à 
graver  fi  aifément  leurs  penfées  ?  Je  ne  répéterai  point 
ici  tous  les  contes  des  anciens  fur  cet  art ,  qui  éter- 
nife  tous  les  arts  ;  je  dirai  feulement  qu'il  a  falu  bien 
des  fiécles  pour  y  arriver. 

^  Les  choen ,  ou  prêtres  d'Egypte,  continuèrent  long- 

t^m?  d'écrire  çn  hiéroglyphes ,  ce  qui  eft  défendu  par 

W  ^^ 


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DES      EqYFTIÇNS.  3J 

>        -  . 

Ip  fécond  article  de  la  loi  Aps  Hébreux  \  &  qpap^ 
l^s  peuplées  d'Egypte  çyrent  des  caradèrej^  alphabe* 
tiques ,  les  choen  en  prirent  de  différens  qu'ils  apr 
pellèrent  facrés  ,  afin  de  mettre  toujours  une  barrière 
entre  eux  &  le  petip}ef  Les  mages  ,  les  bran]es  en 
ufaient  de  même ,  tant  Tart  de  le  cacher  aux  hom? 
mes  $1  fcmblé  néceffaire  pour  le^  gouverner.,  {fon- 
feulement  çps  phojen  avaient  d.es  caraifjtèrcs  qpi  n'apr 
partenaient  qp'à  egx ,  mais  ils  avaient  encor  confer^ 
vé  l'ancienne  langue  di^'Egypte ,  quand  ie  tems  ayak 
changé  celle  du  vulgaiçc. 

Manitbon  cité  dans  Enfèbt  parle  de  deux  colotv 
nés  gravées  p^r  Tbaut ,  le  premier  Hernies ,  en  car 
raétères  de  la  langue  facrée.  Mais  qui  fait  en  quel 
tems  vivait  cet  ancien  Hermii  ?  Il  eft  très  vraifem- 
blable  qu'il  vivait  plus  de  huit  cent  ans  avant  le 

8  tems  où  Ton  place  Moife  :  car  Sancboniaton  dit  avoir 
lu  les  écrits  de  Thaut ,  faits  ^  dit-iU  il  y  a  huit  çet^t 
ans.  Or  Sancbeniaton  écrivait  en  Phénicie  ,  pays  voi- 
iin  de  la  petite  contrée  cananéenne  ,  mife  à  feu  & 
à  fang  par  Jofui ,  félon  les  livres  juifs  ;  s'il  avdit  été 
contemporain  de  Moife  ,  ou  s'il  était  venu  après  lui , 
il  aurait  fans  dopte  parlé  d'un  homme  fi  extr^ordî- 
naire  ,  &  de  fcs  prodiges  épouvantables  ;  il  aurait 
rendu  témoignage  à  ce  fameux  légiilateur  Juif,  & 
Eufèbe  n'aurait  pas  manqyé  d,e  fe  prévaloir  dç;  ayçu;|: 
de  SancbQnifi$ont 

Quoi  qu'il  en  foit ,  les  Egyptiens  gardèrent  furtoijt 
très  fcrupuleufement  leurs  premiers  fymboles.  Ceft 
une  chofe  curieufe  de  voir  fur  leurs  raonumenç  un 
ferpent  gui  fe  mord  la  queue ,  figuranjt  les  douze  mois 
de  l'année  j  &  ces  doyze  mois  exprimés  chacun  pa|r 
des  animaux ,  qui  ne  font  pas  ceux  du  Zodiaque  que 
nous  connaîflbns.  On  voit  encor  les  cinq  jours  ajou- 
tés depuis  aux  douze  mois  fous  la  forme  d'un  petit 
ferpent;,  fut  lequel  cinq  figures  font  aflifes ;  c'eft  qn 
épervier.nn  hofnme^un  chien,  un  lion  &  un  ibis. 

£jfdifuriesniœurf,i^é'c.T6m:h  V  '     ^ 


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9 


8»  Mo  NU  M  E  N  s 

On  les  voit  deflinés  dans  Kirker  d'après  des  mona- 
mens  confervée  à  Rome.  Ainfi  prefque  tout  eft  fym- 
bole  &  allégorie  dans  l'antiquité. 

Des  mokumens  des  Eotptisns. 

1\  eft  certain  qu'après  les  fiécles  où  les  Egyptiens 
fertiiiférent  le  fol  par  les  faignées  du  fleuve  ,  après 
les  tem&  où  les  villages  commencèrent  à  être  chan- 
gés en  villes  opulentes ,  alorslks  arts  néceifaires  étant 
perfectionnés ,  les  arts  d'oftentation  commencèrent  à 
être  en  honneur.  Alors  il  fe  trouva  des  fouverains 
qui  employèrent  leurs  fujets ,  &  quelques  Arabes  voi- 
fms  du  lac  Sirbon ,  à  bâtir  leurs  palais  &  leurs  tont* 
beaux  en  pyramides  ,  à  tailler  des  pierres  énormes 
dans  les  carrières  de  la  haute  Egypte ,  à  les  embar- 
quer  fur  des  radeaux  jufqu'à  Memphis ,  à  élever  fur 
des  colonnes  maffives  de  grandes  pierres  plates  fans 
goût  &  fans  proportions.  Ils  connurent  le  grand ,  & 
jamais  le  beau.  Ils  enfeignèrent  les  premiers  Grecs  ; 
mais  enfuite  les  Grecs  fiirent  leurs  maitres  en  tout 
quand  ils  eurent  bâti  Alexandrie. 

II  eft  trifte ,  que  dans  la  guerre  de  Céfar ,  la  moitié 
de  la  fameufe  bibliothèque  des  Ptolomeet  ait  été  brû- 
lée ,  &  que  l'autre  moitié  ait  chauffé  tes  bains  des 
mufulmans ,  quand  Omar  fubjugua  PEgypte.  On  eût 
connu  du  moins  l'origine  des  fuperftitions  dont  ce 
peuple  fut  infeâé  »  le  chaos  de  leur  philofophie,^ quel- 
ques-unes de  leurs  antiquités  &  de  leurs  fciences. 

Il  faut  abfolument  qu'ils  euffent  été  en  paix  pen.- 
dant  plufieurs  fiécles ,  pour  que  leurs  princes  éuffent 
le  tems  &  le  loifir  d'élever  tous  ces  bàtimens  prodi- 
gieux ,  dont  la  plupart  fubfiftent  encore* 

Leurs  pyramides  coûtèrent  bien  des  années  &  bien 
des  dépenfes  ;  il  falut  qu'une  nombreufe  partie  de  la 
nation  avec  des  efclaves  étrangers  fut  longtems  em-    |^ 


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I  IJJÎ  ^     Ç  ^,Y,P  T  I  E  N  5.         83 

ployéc  à  çp4  ^uvraeçs  immçnfçs.  Ils  furent  élevés  pair 

le  deftatifme,  là  Vanlfé',  ip  fervîludé ,  &  la  fuperftiV 

tion/Èn  çfPft^^îI  n'y  avait  gu'un  i^oi  defpotîque  qu} 

pût  fpfcerV 

eft  î^iif 

un  roi 

élever 

La  vaâJté  f  avaii  part  fana  doute  ;  c'était  che^  l^i 
anciens  roig  d*Egypte  à  qui  élèverait  la  plus  belle  pyrar 
midç  à  fon  père  ou  à  lui-même  ;  la  fervitude  procura 
la  main-^-œuvre.  Et  quanti  1^  fuperftition ,  on  fail 
que  ces  pyramides  étaient  des  tombeaux  ,  on  fait  quo 
les  chochamatim  ou  choen  d'Egypte ,  c'eftrà-dire  le^ 
prêtres  j  avaient  perfp^tdé  1^  nation  que  Tame  rentre« 
rait  dans  fon  €ot^s  au  bout  de  mille  années.  On  vouy 
lait  que  le  corps  fût  mille  ans  entiers  à  Tabri  de  tout(| 
corruption  t  <?eft  pourquoi  on  ^embaumait  avec  ui^ 
foin  fi  fcrupuîeux  ;  &  pour  le  dérober  aux  accidena  ^ 
on  Renfermait  dans  une  mafTç^d.e  pierre  fana  iffuc^ 
]Les  rois ,  les  grands  fe  dreflfiiént  des  tombeaux  danf 
|a  forme  la  moins  en  orSfe  aux  injures  du  temt.  Leuri 
corps  fe  (ont  conferves  au-delà  des  efpéranccs  humait 
nçs.  Nous  ^ydns  aujourd'lnii  des  momies  égyptiennes 
de  plus  dt  quatre  mille  années.  Dps  çadayres  ont  dv^xé 
autant  que  des  pyramides. 

Cçj^te  opinion  d^une  réOjrre^on  après  dix  iiécles 
pafla  depuis  chez  les  Grecs  difciples  des  Egyptiens , 
&  chez  ips  Romains  iifciples  des  Grecs.  On  la  re* 

tropv^e  dans  le  fixîéme  livre  de  V Enéide  ^  qui  n'eft 

Îue  ia  defcnptîon  des  myftères   à'IJîs  &  de  Çir^ 
^eujiné. 

Jlas^of^ef  M  tm/le  rotam  volvere  ^ér  ifnnos 
J^etff^fglff  jd  fiipùtm  Dpus  aàvocat  agmine  tn^fi 
^lUa  ut  nunpres  fufir9  £^  foti'ffPW  revifanU 

,         Etfe  V^ntrpiJuifrt  jçnfyî^jb  çkçi  Us  chrétiens  ,  qui 
g    ^ItfWt  te  ,f q6l^ç  df  ^  j^\  >  feôç  des  mille. 


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idk— iMjiiaiii  iu  mÊiidUàiii,,.iii^ — i iw^fc 


84  MONUMENS  DES  EOYPTIEKS. 


1 


naires  Ta  fait  revivre  jufqu'à  nos  jours.  C'eft  ainfi  que 
plufieurs  opinions  ont  fait  le  tour  du  monde.  En  voilà 
afTez  pour  faire  voir  dans  quel  efprit  on  bâtit  ces  py- 
ramides. Ne  répétons  pas  ce  qu'on  a  dit  fur  leur  archi- 
teâure  &  fur  leurs  dimenjions  i  je  n^xamine  ^ue  ThiC. 
toire  de  l'efprit  humain. 

Des  rites  égyptiens,  et  de  la 
circoncision. 

Premièrement  les  Egyptiens  reconnurent-ils  un  Dieu 
fupréme  ?  Si  on  eût  fiiit  cette  queftion  aux  gens  du 
peuple ,  ils  n'auraient  fu  que  xépondre  ;  fi  à  des  jeu* 
nés  étudians  dans  la  théologie  égyptienne,  ils  auraient 
parlé  longtems  fans  s'entendre  ;  fi  à  quelqu'un  des 
fages  confultés  par  Pytbagore^  par  Platon ,  pa^^P/«- 
tarqtie  ,  il  eût  dit  nettement  qu'il  n'adorait  qu'un 
Dieu  ;  il  fe  ferait  fondé  fur  l'ancienne  infcriptîon  de 
la  ilatue  d'Ifis ,  Je  fuit  ce  qui  eft  s  &  cette  autre,  Je 
fuis  tout  ce  qui  a  été  ^  qui  fera  f  nul  mortel  ne  pour  a 
lever  mon  voUe  s  il  aurait  fait  remarquer  le  globe 
placé  fur  la  porte  du  .temple  de  Memphis  ,  qui 
repréfentait  l'unité  de  la  nature  divine  fous  le  nom 
de  lùtef.  Le  nom  même  le  plus  facré  parmi  les 
Egyptiens  était  celui  que  les  Hébreux  adoptèrent 
T  ha  bo.  On  le  prononce  diverfement  ;  mais 
Clément  d'Alexandrie  aiTure  dans  fes  ftromates , 
^ue  ceux  qui  entraient  dans  le  temple  de  Sérapis 
étaient  obligés  de  porter  fur  eux  le  nom  de  i  ba 
bo  ,  ou  bien  celui  de  i^ba  bou^  qui  fignifie  le  Dieu 
étemel.  Les  Arabes  n'en  ont  retenu  que  la  fyllabe 
bou ,  adoptée  enfin  par  les  Turcs ,  qui  la  prononcent 
avec  encor  plus  de  refpeét  que  le  mot  allqff  ;  car  ils 
fe  fervent  à'allab  dans  la  converfation  ,  &  ils  n'em- 
ployent  bou  que  dans  leurs  prières.  Difons  ici  en 
paflant  que  quand  l'ambafladeur  Turc  Said  Effendi 
vit  repréfenter  à  Paris  le  Bourgeois  Gentilhomme  ^  & 
içette  cérémonie  ridicule  dans  laquelle  on  le  fait  Turc , 
nv     quand  il  entendit  prononcer  le  nom  facré  bou  avec 


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I 


iisstSmiika 


?y^.^ 


1 


R  I  TE  S    i  OY  P  T  I  E  k  S  ^  ^c.      85 

dérifion  &  àvçc  des  polturës  extravagantes ,  il  regarda 
ce  divertif&tiftnt  oomme  la  prôfimation  la  plQS  àhù* 
mînabk.  ':    -     <.  r 

Revenons.  Les  prêtres  d*Egypte  nourrîflaîcnt  un 
bœuf  facré  ,  un  chien  fkcré  ,  un  crocodile  faeré  ! 
oui  ^  &  les  Romains  eurent  auili  des  oies  facrées  ;  ils 
eurent  des  Dieux  de  toute  efpèce  ;  &  les  dévotes 
avaieilt  parmi  leurs  pénates  le  Dieu  de  la  chaîfe  per- 
cée ,  Dium  Jierctaium  ,  &  le  Dieu  Pet ,  Deum  crépie» 
tum  :  mais  en  reconnaiflaient-ils  moins  le  Deum  opti^ 
mum  maximum ,  le  maître  des  Dieux  &  des  hommes? 
Quel  efl  le  pays  qui  n'ait  pas  eu  une  foule  de  fuperf« 
titieux  &  un  petit  nombre  de  fages  ? 

Ce  quW  doit  furtout  remarquer  de  TEgypte  &  de 
^      toutes  les  nations ,  c'eft  qu'elles  n'ont  jamais  eu^d'o- 

Spinions  confiantes ,  comme  elles  n'ont  jamais  eu  de 
loix  toujours  uniformes  ,  malgré  l'attachement  que.  les 
"  hommes  ont  à  leurs  ancie^f  ufiiges.  Il  n'y  a  d^immua- 
ble  que  la  géométrie  ;  tout  lé  refte  eft  une  variation 
continuelle. 

Les  favans  difputent  &  d]Q)uteront.  L'un  aflure 
que  les  anciens  peuples  ont  tous  été  idolâtres  ,  l'autre 
le  nie*  L'un  dit  qu'ils  n'ont  adoré  qu'un  Dieu  fans 
fimulàcre  ,  l'autre  qu'ils  ont  révéré  plufieurs  Dieux 
dans  plu(ieurs  fimulacres  ;  ils  ont  tous  raifon  ;  il  n'y  a 
\  qu'à  diflinguer  les  tems  &,les  hommes  qui  ont  changé  ; 
rien  ne  fut  jamais  d'accord.  Quand  les  Ptolômits  & 
les  principaux  prêtres  fe  mSquaient  du  bœuf  Apis ,  le 
peuple  tombait  à  genoux  devant  lui.  \ 

'  Juvenal  a  dît  que  le$  Egyptiens  adoraient  des  bî- 

.  gnons  :  mais  aucun  hiftorîen  ne  l'avait  dît.  Il  y -a  Wen 

de  la  différence  entre  un  oignon  facré  &  un  oignon 

Dieii  ;?on  tfadore  pas  tout  ce  qu'on  place ,  tout  ce 

,  que  J'on  confacre  fur  un  autel.  Nous  lîfons  dans  Cici- 

"  ron  que  les  hommes  qui  ont  cpuifc  toutes  les  fuperf- 

_  F  iij  _ 


r 

1 


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fe  I  f  E  s     lÊ  G  V  I  î  I  B  N  s , 


fcitions  tte  foDt  poii;^  parvçnjqig  i?nçor<»  cdte  ^e  man- 
kér  leurs  Dieux  ^  &  qùô  c'cft  la  feule  abfurdité  quî 
leu^  manque. 

L^  ci<l$t)i)<iîflon  î^f^ni-èîle'isies'Ëgyp tiens ,  dés  Arabe?, 

bu  des  JËthiopienfif  ?  Je  .n'<«i.  fais  rien.  Que  peux  qui 

je  faVent  le  difentt  Tout  çç  q^ie  je  fais  ,  c'eft  que 

.les  pîêtrfes  de  l*antiquicé,s*îï»prwnaîent  fur  le  corps 

-des  ifliarq^s  de  Iç^r  tortfécratiôn ,  comme  àjcpuis  on 

în  trqua  d'un  fer  afdeht  la  main  des  foldats  Romains. 

La  dea.nicriftcateurs  fe  tailladaient  le  qprps  ,  comme 

-fieéîit  depuis  les  prêtres  de  Bellone  :  ici  ils  fe  faifaient 

eunuques  ^  comme  les  pr.étres  de  Cibèle, 

'  'J6iè  Vieli  Tpbinît  au  tout  par  un  principe  de  ftnté 
quie  leî?  Ethiopiens  ,  les  Arabes  ,  léi  Egyptiens  fe 

•  çirfconcÎTfent.  On  a  dît  qu'ils  avaient  le  prépuce  trop 
lon^.  Mais  fi  on  'peut  juger. d^uhe  natidrt  par  un  în- 
aividù  ^  j'ai  vu  un  jeiine  Ètliiopîèft  i,  qiiî   hé  hors 

-•de  fa  j^atHe  n'avait  point  été  circoncis  ;  jé  peux 
aflurer  que  fort  prépuce  était  précifément  comme  les 
hiàtresi 

Je  ne  fais  pas  cj'uetle  nation  s'avîfa  la  première  de 
porter  en  procefïïon  le  Kttis  &  le  PhaHum  ,  c'eft- 
a-dîie  îa  reprércntatîfjn  des  fifînes  diftîntflîfs  des  anî- 
maux  mâles  &  fenselles  ;  cérémome  aujourd'hui  in- 
décente ,  aucreffiTS  facrée.  Les  Egyptiens  eurent  ceEte 
coutume  \  on  oFErait  4ux  Dieux  des  prémices  ,  on 
leur  inimoLijt  ce  gu'ôn  avaft  de  plus  précieux.  Il 
pi  Tint  naturel  &  jutle  que  !es  pt  êtres  oflFrtTfent  une 
légère  purtîctde  l'organe  de  la  génération  à  ceux 
par  qvi  tout  s'en^endraît.  Les  Êthîopîêns  ,  ïès  Ara- 
bes citGÔncîrent  aulTi  leurs  Biles  ,  en  coupaftt  une 
très  I^^ére  partie  des  nymphes  \  ce  qui  prouve  bien 
^que  la  fanté  ni  la  netteté  ne  pouvaient  ^tr'e  la  rai- 
fan  de  cette  cérérnonjc  ;  car  afTurémeiit  utife  jfîilc 
încîrconeife  peut  ctrô  auïïi  propre  qu'aune  citcbinciiTe, 


"■iprwMU 


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|<PN^ 


Quand  .Içs  rPCçtrçs  d'Egypte  curient  confâcré  cette 
opération  ,' leurs  initiés  Ta  fubirent  aufli  ;  maïs  avec 
le  tdms  on  abandonna  aux  feuls  prêtres  cette  mai^ 
que  diftindive.  On  ne  voit  pas  qu'aucun  Ptoloméf 
fe  foit  fait  circpncire  ,  &  jamais  les  ayceurs  Rom^int 
ne  flétrirent  le  peuple  Égy^tîcii'du  npm  WAp^lla 
qu'ils  donnaient  aux  Juifs.  Ces  Juifs  avaiené  pris*  I4 
circoncifion  des  Egyptiens  «  avec  une  partie  de  leur^ 
cérémonies.  îls  l'ont  toujours*  ^nfcrvée  ,  aînfi  que 
les  Arabes  &  les  éthiopiens.  Les  Turcs  s'y  font  fou- 
rnis ,  quoiqu'elle  né  foit  pas  ordonnée  dans  l'AlCp- 
ran.  Ce  n'efl  quhiti  ancien  uf^ge  qui  coihmen(;a  pat 
la  fuperllitîon  ,  &  qui  sf'eft  côn|èrvc  par  la  coutume.    . 

Des  MYST'iitES  dbs  Égyptiens. 

Je  fiiis  bien  loin  de  favoîr  quelle  nation  "învenU 
la  première  ces  myftéres  ,  qui  furçht  n  accréditée 
depuis  TEuphrate  jtifqu'au  Tibre.  Les  Egyptiens  ne 
nomment  point  l'auteur  des  myftéres  d'/^x.  ^oraa^'^ 
tre  pafle  pour  en  avoir  établi  en  Perfe,  Cadniks  &  Inà- 
chus  en  Grèce ,  Orptée  en  Thrace  ,  MmoT  en  Crète.  11 
^eAcertaio  que  tous  ces  ;nyf(ères^nDonqaient4ine;vie 
future  ;  car  Ce/fe  dit  aux  chrétiens  (aï,,  ^ous  vous  van- 
tez de  çrpire  4ifx  peines  iternéVes  i^  tçus  les  minijiris 
des  myflères^  ne  les  unnoncèrent-ilspas  aux  initiés  ? 

LA  Grecs  qui  prirent  tant  de   chofes  des  Egyp- 

,^t;îens  ,  leur  Tqrtharùtb  dont  ils  firent  leTartarc  ,  le 

lac  dp n t  i I5  :  Ji rèn t ' VÂcbérQii  ,  1  e  ba tel î cr  Coron  dont 

ils  firent  [e  noclier  des  morts  ,  n^curent  leurs  fiimçux 

joayftcres  d'jLkufîne  que  d'après  ceux  à'Ifs*  Mais  que 

les  myftéres   de  ^ùroa/in^  n'ayent  pas  précédé  ceux 

.des  Egyptiens  ,  't'êft  ce  que  perfonne  ne  peut  affir- 

^mer*   Les  uns  &  les  autres  étaient  de  ia  plus  haute 

^antiquité  ;  &  tous  les  auteurs  Grecs  &  Latins   qut 

;  en  ont  ^uU  ,  ponvicnnent  que  runité   de  Dieu  , 


F  lu] 


f(9Îm 


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MyàTiRÈs  liEfe  EbYipi'iÈNs. 


i*immortaIité  de  Tamc  ,  les  peines  &  les  récoriipèn- 
Tes  après  la  mort  »  étaient  annoncées  danâ  ces  cé- 
ténionies  facrçes, .,    . 

îi  yii  grapie  apparence  que  les  Égyptiens  ayant 
une  fois  établi  ces  myftèrés  en  confervèrent  les  rites  ; 
îciir  malgré  leiir.  eîUrênie  légèreté  ,  ils  furent  conftans 
dins  la  fupepft'itfon.  .La  prîçre  que  nous  trouvons  dans 
^pu^ée  quand  Lnciuf  eÔi  initié  aux  mVftères  d'i/?x , 
jijpit  étr^fe  Fanci^nne  prière*  Lei  puiffances  cilejles  te 
firvenù  ,  ks  ewers  te  font  jhhthii.^fuiiîvers  ioùrtie 
foîu  tu  tnofji  ^  tes  pieds  foulent  le  Tartgre  ^  les  ajlres 
répondent  à  ta  voix  ,  les  Jaîfons  reviennent  à  iés  or^ 
dres^  les.élfmens  ^obiifjent\^  &c. 

..  ,Peut-on  avoir  une  plus  forte  pr«uyc  iâ  Tunîté 
d'fn  feul  Dieu  reconnu  par  les  JEgyptieris  ,  aii  mi- 
.lièu  de  toutes  leurs  fupérftitidhs  mét)nfablès  1^ 


bas    ÔRkcSi   DE     LEURS    ANCIENS' DÉtUGES  ,  tife 
LEURS    ALPHABETS,    ET   P£  LEUR    OENtE. 

'  La  ferècé  éft  un  ^ttxi  pa^s  nlôntagneux  énti^ecoupé 
par  la  mer  ,  à-péu-près  de  l'étléndue  de  la'Grâiidc- 
Bretagnè.  Tout  attëfte  dans  cette  contrée  les  révo- 
lutions phyfiqiies  qu'elle  a  dû  éprouvei^.  Les  ides  qui 
Ptnvironnent  montrent  aflez,par  les  écueils  continus 
qiiï  les  bordent  ,  par  le  peu  de  jrroibndéùr  de  la 
mer  ,  ^àï  les  lierbés  &  les  taCiries'  qui.  croîffent  foiis 
les  eatjJt  ,  qu'elles  ont  été  détachées  du  continent. 
Le')  gf>l plies  de  l'Eubéé  ,  de  Calcîs  ,  d'Argos  ,  de 
C'*rmthe  ^  d*Ac1ium  ,  dé  MéîTène  ,  âppténhent  aux 
yeux  que  la  mer  s*cfl;  fait  dies  jiaflaffes  dans  lés  terres. 
Lés  éoguî liages  dé  iher  donb  fortt  remplies  les  mon- 
tngnefi  qui  renferment  la  Fameufé *  vallée  de  Te*pé, 
font  des  téftioigriagcs  vifibleîî-d'thié  ancîenhe  îhoh- 
djtion:  &  lés  dcluges  d^Ogigis  '&  de  Dmcaliori  ^  qui 
ont  fourni  tant  de  fables  ,  font  d'une  vérité  hiilo- 
rique.  C'eft  même  probablement  te  qui  fait  des  Grecs 


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& 


DétVQWSy  ALPHABETS,  &C      'S^ 


: 


bn  peuf)le  fi  nouveau.  Ces  grandes  révolution^  les 
feplongerent  dans  la  barbarie  «  quand  les  nations  de 
TAfie  &  de  TEgypIfe  étaient  floriflances. 

Je  laifTe  à  de  plus  favans  qùé  moi  le  foin  de  protiVer 
que  les  trois  enfans  de  Noi\  <\m  étaient  les  feùts 
nabltans  du  glote ,  le  partagèrent  tout  entier ,  qu'ils 
âlièrkilt  chacun  à  deux  ou  trois  mille  liéùes  l'un  de 
l'autre  ,  fondet  partout  de  puifTany  empires  ,  &  que 
Jùivan  fon  petit-fils  peupla  la  Grèce  en  pafTant  en 
Italie  :  que  c'cft  de-là  que  les  Grecs  s'appellèrent 
Ioniens  ,  parce  qu'/oir  envoya  des  colonies  fur  les 
fcôtes  de  l'Afie  mineure  ;  qUe  cet  Ion  eft  vlfible- 
hient  JavoH  ,  en  changeant  I  en  Ja  ^  &  an  en  van. 
On  fait  de  ces  contes  aux  enfans  ,  éb  les  enfans  n'en 
croyent  rien  : 

.  2^ee  Pueri  crtâtml  mfi  qui  nonâùm  éerè  lavantur,  "m 

Le  déluge  à*Ogîgêr  eft  placé  coipmunémént  envi, 
ron  douze  cent  années  avant  la  première  olympia* 
de.  Le  premier  qui  en  parte  eft  Acijîlas  ,  cité  par 
Bujèbe  dans  fa  Préparation  ivangélique  ,  &  par  George 
le  Sinceile.  La  Grèce  ,  dît-on  ,  refla  prefquej  déferte 
deux  cent  années  après  cette  irruption  de  la  mer  dans 
le  pays.  Cependant  ,  on  prétend  que  dans  le  même 
tems  il  y  avait  un  gouvernement  c«ibli  à  Sicionè, 
&  dans^rgos  ;  on  cite  mcmc  les  noms  des  premiers 
magiftratf;  de.  ces,  petites  provinces,  &  oh  leur  donne 
le  nom  de  hajîleés ,  qui  répond  à  celui  de  princes.  Ne 
perdons  point  de  tern^  à  pénétrer  ces  inutiles  obf- 
curîtés.     -      ; 

Il  y  eut  encor  une  autre  inondation  du  tem^  de 
t)eucalion  fils  de  Promhhèe.  La  fable  ajouta  qu'il  ne 
refta  des  habitahs  dé  ces  dimats  que  Deucalion  ^^ 
Pirra  ,  qui  refirent  des  hommes  en  jéttant  des  ^îer- 
rôs  derrière  eux  entre  leurs  jambes^.  Le  genre-hutnaîn  jî 
^     fe  repeupla  beaucoup  plus  vite^^  qu^uhe  garenne.  ig 


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I 


If     ^O  DéLtfGES»  ALPHABETS» 


;  Si  Ton  en  croit  d^  hommes  tr^  judicieux ,  comme 
FéfaH  le  jéfuite  ,  un  fed  fiis  de  Noi  produific  une 
race  qui  au.  bout  de  de^  cent  quatre-vingt-cinq 
ans  ,  fe  montait  à  fix  cent  vingt-trois  milliards  ùx 
xent  4ouze  millions  d'hommes.  Le  calcul  eft  un  peu 
iiprt  Nous  fommes  aujourd'hui  ailez  malheureux 
pour  que  de  vingt-Gx  mariages  ,  U  n'y  tn  ait  d'or- 
dinaire 4}ue  quatre  dont  il  relie  des  enfans  qui  de- 
. viennent  pères.  Ceft  ce  qu'on  a  calculé  fur  les  re- 
levés -^  regiftres  de  nos  plus  grandes  villes.  De 
mille lenfans  nés  dans  une. même  année ^  il  en  reflie 
à  peine  fix  cent  au  bout  de  vingt  ans.  Défions-nous 
.de  Pjftau  &  de  fes  femblables  ,  qui  font  des  enfans 
k  cqups  de  plume  ,  au(fi-bien  que  ceux  qui  ont  dit 
;auç  peucalion  &  Fma  peuplèrent  la  Grèce  à  coups 
de  pierres. 

;K         La  Grèce  fut  ,  cpmme  on  fait  ,  le  pays  des  fà-     j 
fl     blés  ,'&  prefqûe  chaque   fable  fut   l'origine- d'un     D 
^  '  culte  i  d'u«  temple  ,  d'une  fête  publique.  Par  quel     » 
'excès  de  démence  ,  par  quelle  opiniâtreté  abfurde 
'tant  de  conipibreurs  ont-îb  voulu  prouver  dans  tant 
àt  volumes  énormes  ,  qu'une  fête  publique*  établie 
en   mémoire   d'un   événement  était  on,é  démonftra- 
tîon  de  la  vérité  de' cet  événement  ?  (^"oi  i  parce 
qu'on  célébraft  dans  un  temple  le  jeune  Bacchnf  for- 
tan  t  de  la  cuifîe  de  Jupièer  ,  ce  Jupiter  avait  en  effet 
gardé  ce  Buvcbus  dans  fa  cuifTe  !  Quoi  ,  Cadmus  & 
fa  fçfnme  avaient  été  changés  en  ferpens  dans  la  Béo- 
tk  1  parce  que  les  Béotiens  en  faifaient  commémo- 
ra^ton  dans  leurs  cérémonies  !  Le  temple  de  Caftor 
&  de  PûHux  à  Rome  démoD  trait-il  que  ces  Dieux  étaient 
venus  combattre  en  faveur  des  Romains  ? 

-^  Soyez  fur  bien  plutôt ,  quand  vous  voyez  une  an- 
;<:i.enne  fête ,  un  temple  antique  >  q^u'Us  font  les  ouvra- 
.  gcs.  âe  l'erreur.  Cette  erreur  s'accrédite  au  bout  de 
.deux  ou  trois  ifiécles  ;  elle  devient  enfin  facrée  ;  & 
on  bâtit  des  teqiples  à  des  cl>imères. 


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f 


^^l*ste 


f^wfilf^ 


I 


B  t     ft  É  HI  B/^  t)  B  8    <3  R  1  C  S.      91 

l)ans  ks  teMit  hlft^iqoes,  aa  cbQtrairt  ^  les  jlm 
nobles  vérités  trouvent  peu  de  kéïittiM  ;  lei  ^h* 
çrands-hoâimes  meumiit  uns  honneor.  Lj»  Tbiimft^ 
'cles^  les  Vimms  >  4es  Miltiades  ,  les  ^^ifiidifs  ,  tas 
Pj&orioif j  f(Wit  perfècutés ,  taftdfe  qiiie  iV/îftf ,  Sêtetbm 
&  d'autres  perfonnages  fantaftiques  ont  des  teiMptili^ 

On  peut  croire  un  |)euple  fur  ye  qu'il  ditdeluN 
nuèmt  à  (on  défavantage  ,  quand  fes  récits  font  accom- 
pagnés de  vrâifemblahce  ,  &  quS'Is  ne  contredifent  eh 
rilea  l'ordre  orcSnaire  de  la  nature. 

Lés  Athéniens  qiii  étaient  épars  dans  un  terrain  très 
^Jlérile,  nous  aj^rennent  eux-mêmes  qu'un  Egyptien 
nommé  CicroPs  chaffé  de  fon  pays  ,  leur  donnt  leurs 
premières  inftitutions.  Cela  paraît  Aitprenant ,  puit 
que  les  Egyptiens  n'étaient  pas  navîjgateufs  :  mais  il 
fepeut  que  les  tbénîciens  qui  voyageaient  chez  toutes 
les  nations ,  ayent -amerté  ce  Cecrjo^^/.dafts  JîAètïquc. 
Ce  qai  eft  bien'  fur ,  c^eil  qtie  les  Grecs  p'e  prirent 
point  les  lettïes  égyptiennes ,  à  qui  tes  leurs  rte  ret 
fembient  point  du  tout.  Les  Phériicieins  lièur  portè« 
rent 'leur  premier  alphabet  i  qui.  ne  confiftait  alorâ 
qu'en  feize  caraftères  .  qui  font  évidethmcrit  lésTn^ 
mes.  Le^  ^énkiens  -depuis  y  ^Jôulèréot  li'ii^t  autres 
lettres  4u«  les  Grecs  adoptèrent -èncdre. 

Je  regarâew^  alphajbet  comme  uh»  monument  in- 
conteftable  du:pays  dont  utie  nation,  a  tiré  fes  pre- 
mières cohnâiïrances.    îl  paraît' encoV  bien  probabfc 

.que  ces  Phéniciens  «iqpleitèrent.les^ mines  ë'a^Fgent 
qui  étaient  d^ns  TA^tique,  çctoàïp'îfcTravaÎHèfe'nt.à 

.  celles  d'Êipagne.,  Dcs^arohîÉwls.fiiFenjt  kis  premiers 
prèœpteurs/de  ces  mêmes  Juf^ecs^.qujÇ  cfepi^is  Ihftruî- 
firent  tant  d'autres  nations, 

Ûe  'petï()ïe  tôUt  "Bèrbate  iju'îl  éiAV^-Wip^^^^gù 
'gèî  ,  paraît  iii  avec  d^ès  îo^ahes  ^hrt  tïii^bfe^lèà  at^ 
beaux  arts  que  tous  les  autresf peuplée.  Bs^>aknt  dans 


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1^ 


"  Ci 


$2         DiLVOBS,  ALPHABETS, 


-^ 


i 


leur  nature  je  ne  fais  quoi  de  ^ns  fin  &  de  plus  délié  ; 
leur  langage  en  eft  un  témoignage  ;  car  avant  même 
qu'ils  fuflent  écrire  on  voit  qu'ils  eurent  dans  leur 
langue  un  mélange,  harmonieux  de  confonnes  douces , 
&  de  voyelles  qu'aucun  peuple  de  l'Afie  n^a  jamais 
eonnué 

^  Certainement  le  nom  de  Knatb  qui  défigne  les  (hé« 
hiciens  félon  Sânchoniatpn ,  n'eft  pas  fi  harmonieux 
que  cAxxx  à^HelleHos  oU  (Sraios.  Argos ,  Athènes  ,  La» 
cédémone ,  Olimpie  ,  fonnent  mieux  à  l'oreille  que 
la  ville  de  Reheboth.  Sopbia  ,  la  fagefTe ,  eft  plus  doux 
que  Shocbematb  en  fyriaque  &  en  hébreu.  Bajtieus , 
roi ,  fonne  mieux  que  JUeik  ou  Sbak.  Compare^  les 
iloms  ai* Agamemnon  ,  de  Diomède ,  ^Idominh  à  ceux 
de  Mardokempad  ,  Simordak ,  SobAjfducb  ,  Viricaffo^ 
labjjar.  Jofepb  luî-méme  dans  fon  livre  contre  Apfion 
avoue  que  les  Grecs  ne  pouvaient  prononcer  le  nom 
barbare  de  Jirufalem ,  (fe&  que  les  ]mk  prononçaient 
/ Hersbalaim  :  ce  mot  écorchait  le  gofier  d'un  Athé- 
nien ;  &  ce  furent  les  Grecs  qui  changèrent  Hersba- 
laim  en  Jéruf aient. 

Les  Grecs  transformèrent  tout  les  noms  rudes  fy- 
riaques ,  perfans  ,  égyptiens.  De  Coresb  ils  firent  Oy- 
ruT  i  à'hbetb ,  Osbiretb  ,  ils  firent  IJîs  &  OJtris  ,•  de 
Mopb  ,  ils  firent  Mempbis  ,  &  accoutumèrent  enfin 
les  barbares  à  prononcer  comme  eux;  de  forte  que 
du  tems  dés  Ptolomées ,  les  villes  8c  les  Dieux  d'E- 
gypte n'eurent  plus  que  des  noms  à  la  grecque. 

Ce  font  les  Grecs  qui  donnèrent  le  nom  à  l'Inde 
'  &  au  Gange.  Le  Gange  s'appellait  Sannottbi  dans  la 
langue  des  brames  ;  Tlndus  Sombadipo,  Tels  font  les 
anciens  noms  qu^on  trouve  dans  le  Védam.    « 

.'  Les  Grecs  en  s'étendant  fur  les  côtes  de  l'Afie  ti|i- 
ineure  y  «menèrent  l'I^^rnionie.  Leur  Bomire  naquit 
^probablement  à  Smyrne. 


' 


ftSrn 


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r 


ET    oiKIE    DS8    G  «.  £  O  S.      93 


La  belle  architedhire  ,  la  fculpture  perfediontiée , 
la  peinture  ,  la  bonne  mufique  ,  la  vraie  poëfie ,  ht 
vraie  éloquence ,  la  manière  de  bien  écrire  Thilbire , 
enfin  ,  la  philofophie  même  quoiqu'informa  &  ob£. 
cure ,  tout  cela  ne  ^parvint  aux  nations  que  par  les 
Grecs.  Les  derniers  yenus  rtmportérent  en  tout  fur 
leurs  maîtres* 

L'Egypte  n'eut  jamais  de  belles  Qatues  que  de  la 
main  des  Grecs.  L'ancienne  Balbek  en  Syrie  ,  l'an- 
cienne Palmire  en  Arabie  ,  n'eurent  ces  palais  ,  ces 
temples  réguliers  &  magnifiques ,  que  lorfquc  les  fou- 
veralns  de  ces  pays  appellèrent  des  artiftes  de  la  Grèce. 
On  ne  voit  que  des  relies  de  barbarie  ,  comme  on 
Ta  déjà  dit  ailleuts  ,  dans  les  ruines  de  Ferfépolis , 
bâtie  par  les  Perfes  ;  &  les  monumens  de  Balbek  & 
de  Palmire,  font  encor  fous  leurs  décombres  des  chefs* 
d'œuvre  d'architeâure. 

Des  législateurs  Grecs  ,  de  Minos  ,  d'Or- 
phée ,  DE  l'immortalité   DE   L*AME* 

Que  des  compilateurs  répètent  les  batailles  de  Ma« 
rathon  &  de  Salamine ,  ce  font  de  grands  exploits  aflez 
connus; que  d'autres  répètent  qu'un  petit-fils  de  Noé 
nommé  Settim  fat  rpi  de  Macédoine ,  parce  que  dans 
le  premier  livre  des  Maccahies ,  il  eft  dit  ^xiAlexan^ 
dre  fortit  du  pays  de  Kittim  \  je  m'attacherai  à  d'au- 
tres objets. 

Minos  vivait  à-peu-près  au  tems  où  nous  plaidons 
Moije  s  &  c'eft  même  ce  qui  a  donné  au  favant  Huet 
évéque  d'Avranches  Quelque  faux  prétexte  de  (butenir 
que  Minos  né  en  Crète ,  &  Moife  né  fur  les  confins 
de  l'Çgypte  ,  étaient  la  même  perfonne  ;  fyftéme  qui 
n'a  trouvé  aucun  partifan ,  tout  abfurde  qu'il  eft. 


I 


•  Ce  n*eft  pas  ici  une  fable  grecque  ;  il  eft  indubî- 
table  que  Minoî  fut  un  roi  légillateurir  Les  fameux 


II 


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I 


tsÈà 


\\    94        Or?hé?,Minqs, 


: 


I 


marbres  de  Faro^  ,  monument  le  plus  précieux  ic 
l'antiquité  (&  que  nous  devons  aux  Anglais)  fixent 
fa  naifÎGince  quatorze  cent  quatre-vingt-deux  ans  avant 
notre  ère  vulgaire.  Homère  Tappelle  dans  TOdyAce 
le  fage  confidciH  de  Dieu.  F/avim  Jofeph  ne  balance, 
pas  à  dire  qu'il  r^ut  fes  loix  d'iih  Dieu.  Cela  eft, 
un  peu  étrange  dans  un  Juif  qui  ne  femblait  pas  der 
voir  admettre  d'autre  Dieu  que  le  fien  ,  a  moins  qu'il 
ne  penfôt  comme  les  Romains  fes  maîtres  ,  &  comme 
chaque  premier  peuple  de  l'antiquité ,  qui  admettait 
Fexiftence  de  tous  les  Dieux  des  autres  nations. 

Il  eft  fur  que  Minos  était  un  légifiateur  très  févè^ 
re ,  puifqu'on  fuppofa  ()u'aprés  fa  mort  il  jugeait  bs 
âmes  des  morts  dans  les  enfers  ;  il  eil  évident  qu'alors 
la  croyance  d'une  autre  vie  était  généralement  répan- 
due dans  une  aiFez  grande  partie  de  l'AGç  &  de 
l'Europe. 

Orphie  eft  un  perfonnagc  aufli  réel  que  Minora  \\ 
eft  vrai  que  les  marbres  de  Parus  n'en  font  point  men- 
tion ;  c'eft  probablement  parce  qu'il  n'était  pas  né 
dans  la  Grèce  proprement  dite ,  mais  dans  la  Thrace. 
Quelques-uns  ont  douté  de  l'exiftence  du  premier  Or^ 
jpbée ,  fur  un  paflage  de  Ciceron ,  dans  fon  excellent 
livre  fur  la  nature  des  Dieux.  Cotta ,  un  des  interlo- 
cuteurs ,  prétend  qu^AriJiote  ne  croyait  pas  que  cet 
Orphée  eût  été  chez  les  Grecs  ;  mais  Ar\flote  n'en  parle 
pas  dans  les  ouvrages  que  nous  avons  de  lui.  L'opinion 
de  Cotta  n'eft  pas  d'ailleurs  celle  de  Ciceron,  Cent 
tuteurs  anciens  parlent  d'Orphée,  Les  myftères  qui 
portent  fon  nom  lui  rendaient  témoignage.  Paufanias^ 
l'auteur  le  plus  exa^  qu'ayent  jamais  eu  les  Grecs , 
dit  que  fes  vers  étaient  chantés  dans  les  cérémonies 
religieufes ,  de  préférence  à  ceux  d'Homère  qui  ne  vin( 
que  Longtems  .après  lui.  On  fait  bien  qu'il  ne  defcen^ 
dit  pas  aux  enfers  ;  mais  cette  fable  même  prouve 
que  les  enfeVs  éuient  un  point  de  U  théologie  de  ces 
tems  reculés.. 


f 


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g-  -*«« 

L'opinion  yagpe  de  la  permanence  de  Tame  après 
la  mort ,  ame  aérienne ,  ombre  da  corps ,  mânes ,  fooffle 
léger  ,  ame  kiconnue  ,  ame  incompr^henfible  ,  maii 
exiftante  ,  &  la  croyance  des  peines  &  des  récom- 
penfes  dans  une  autre  vie ,  étaient  admifes  dans  toute 
la  Grèce ,  dans  les  Ifles ,  dans  TAfie ,  dans  l'Egypte. 

^  Les  Juifs  feuls  parurent  ignorer  abfolument  ce  myC 
tère  ;  le  livre  de  leurs  loix  n'en  die  pas  un  feul  mot  ; 
on  n'y  voit  que  des  peines  &  des  récompenfes  tem- 
porelles.  Il  cft  dit  dans  PExode ,  Honore  ton  pire  &P 
ta  mère  ,  afin  ^Adonaï  prolonge  tes  jours  fur  la  terre  > 
&  le  livre  du  Zend  (  porte  ii  )  dit ,  Honore  ton  pire 
&  ta  mire ,  afin  de  mériter  le  ciel, 

L'évêque  Warburton ,  qui  a  démontré  que  le  Penta- 
teuque  ne  fait  aucune  mention  de  l'immortalité  de  l'a^ 
me  «  prétend  que  ce  dogme  n'était  pas  néceflaire  dans 
la  théocratie.  Arnauld ,  dans  fon  apologie  de  Port- 
royal  ,  s'exprime  ainfi  ;  Qeli  le  comble  de  tignorance 
de  mettre  en  doute  cette  vérité  ,  qui  eji  des  plus  conu 
munes  ,  Èf  qtii  eJi  attejlée  par  tous  les  pires ,  que  les 
promejfes  de  l'ancien  tejtament  frétaient  que  tempO' 
relies  &  terrejires  ,  ^  que  les  Juifs  f^ adoraient  Dieu 
que  pour  les  biens  charnels, 
• 

On  a  objedé  que  fi  les  Perfes  ^  les  Arabes  ,^  les 
Syriens,  les  Indiens,  les  Egyptiens  ,les  Grecs  croyaient 
Pimmortalité  de  l'ame ,  une  vie  à  venir ,  des  peines 
& desrécompenfes  éternelles , les  Hébreux  pouvaient 
bien  auIE  les  croire  ;  que  fi  tous  les  légiflateurs  de 
l'antiquité  ont  établi  de  fages  loix  fur  ce  fondement, 
Moife  pouvait  bien  en  ufer  de  même  ;  que  s'il  igno- 
rait ces  dogmes  utiles ,  il  n'était  pas  digne  de  con- 
duire une  nation  ;  que  s'il  les  faVait ,  &  les  cachait , 
il  en  était  encor  plus  indigne. 


I 


On  répond  à  ces  argumens ,  que  Dieu,  dont  J/o//i 
était  l'organe ,  daignait  fe  proportionner  à  la  groflié- 


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I 


Sectes.  p^E  S  Grecs. 


reté  des  Juifis.  Je  n^entre  point  dans  cette  queftioa 
^pineufe  ;  &  refpeâant  toujours  tout  cç  qui  eft  divin, 
je  continue  l'examen  de  Thiftoire  de$  hno^nmes. 

Des  sectes  des  Grecs, 

Il  parait  que  chez  les  Egyptiens ,  chez  les  Ferfans , 
ehez  les  Caldéens  ,  chez  les  Indiens  ,  il  n'y  airaic 
qu'une  fe<fte  de  philofophie.  Les  précres  de  toutes  ces 
nations  étant  tous  d^une  race  particulière,  ce  qu'on  ap- 
pellait  ia  fageffe ,  n'appartenait  qu'à  cette  race.  Leur 
langue  (acrée ,  inconnue  au  peuple ,  ne  laiflait  le  dé? 

f>ôt  de  la  fcience  qu'entre  leurs  mains.  Mais  dans 
a  Grèce  plus  libre  Se  plus  heureufe  ,  l'accès  de  la  rai- 
fon  fut  ouvert  à  tout  le  môide;  chacun  donna  l'ef- 
for  à  fes  idées  \  &  c'eft  Cfr  qui  rendit  les  Grecs  le 
peuple  le  plus  ingénieux  de  la  terre.  C'eft  ainii  que 
de  nos  jours  la  nation  anglaife  eft  devenue  la  plus 
éclairée  ,  parce  qu'on  peut  penf^r  impunément:  cjfic^ 
eUe. 

L^es  ftoïqyes  admirent  une  ame  unfverfelle  du  tpon- 
d.e ,  dans  laquelle  les  âmes  de  tous  les  êtres  viyans 
fe  replongeaient.  Les  épicuriens  nièrent  qu'il  y  ei^): 
une  ame,  &  ne  connurent  que  des  principes  phyfî- 
quest  Ils  foutinrent  que  les  Dieux  ne  fe  mêlaient 
pas  des  affaires  des  hommes  ;  &  on  laifla  les  épicu- 
riens en  paix  comme  ils  y  laiffaient  les  Dieux. 

*  Les  écoles  retentirent  depuis  T^alis  jufqu'au  fems 
de  Platon  Se  d^AriJiote ,  de  difputeç  philofophiques 
qui  toutes  décèlent  la  fagacité  &  la  folie  de  l'efprit 
humain ,  fa  grandeur  &  fa  faiblefle*  On  argunjenta 
prefque  tpdjourç  fans  s'entendre ,  comme  npus  av.on$ 
fait  depuis  le  treizième  fiécle  ou  npi^s  commençâ- 
mes à  raifonner, 

La  réputation  qu'eyj;  Platon  ne  m'étonne  pas  ;  tous 
les  îphilofophes  étaient  inintelligibles  ;  il  l'était  au.tapt 

que 


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S  9  ç  T  B  s   DBS    Grecs.      $7    ijf 

4)ue  les  autres ,  &  s'expriitiait  avec  plus  d'ébquence. 
Mais  quel  fuccès  aurait  Platçn^  s'il  paraiflaitaujouf- 
.d'hui  dans  une  compagnie  de  gens  de  boia.fens,  & 
s'il  leur  difait  ces  belles  paroles  qui  font  dans  fou 
Tîmée  \  De  la  fubjtance  indmjible  &  de  la  divipble^ 
Dieu  compofa  une  troipéme  ejfèce  de  fubjlance  au  mi* 
lieu  des  deux  ,  tenant  de  la  nature  du  même  ëf  de 
l'autre  ;  fitis  gênant  ces  trois  natures  enfembk  y  il  les 
mêla  toutes  en  une  feuli  forme  ,  èf  forga  la  ncâure 
de  Pâme  à  fe  mêler  avec  la  n^pure  du  méme^  &  les 
ayant  mêlées  avec  la  fubjiance  ,  ^  de  ces  trois  ayant 
fait  un  fufpôt ,  il  le  divijùi.en  portions  convenables  $ 
chacune  de  ces  portions  était  piêlée  du  même  Êï!'  d'C 
l'autre  \  Êf  de  la  fuhficmçe  il  jlt  fa  divi/ton. 

Efifuîte  il  explique  avec  la  même  clarté  le  quateN 
naire  de  Pytbagore.  Il  faut  convenir  que  des  hom- 
me» raifonnables  qui  viendraient  de  lire  VEntende-^ 
ment  humain  de  Locke ,  prieraient  Platon  d'aller  à 
Ion  école.  -  '  '•      * 

Ce  galimatias  du  bon  Platon  n^empêche  pas  qu*il  n'y 
ait  de  tems  en  tems  de  très  belles  idées  dan^&sou^ 
vages.  Les  Grecs  avaient  tant  d'efprit  qu'ils  en  abù- 
fèrent.  Majs  ce  qui  leiir  fait  beaucoup  d'honneur  < 
c'eft  qu'aucun  de  leurs  gouvernemens  ne  gêna  [les 
penfi^es  des  hommes.  II  n'y  a  que  Socrate  dqsiX,  Jl 
foit  avéré  que  fes  opinions  lui  coûtèrent  la  vijc.;  4 
il  fut  encor  moins  la  vfâime  de  fes  opinions  ;que; 
celle  d'^un*  parti  violent  élevé  contre  lui-  L^^f  Athé-r 
niens  ,  à  la  vérité ,  lui  firent  boire  de  la  ciguë  ;  maïs 
on  fait  combien  ils  s'en  repentirent  ;  on  fait  qi/ils 
punirent  fes  accufateurs  ,  &  qu'ils  élevèrent  un  temç 
pie  à  ceîuî  qu'ils  avaient  condamné.  Athènes  laiffa 
une  tibeïté  entière  ,  non  -  feulement  à  la  philofo^feie , 
plais  à  tbutes  les  religions.  Elfe  recevait  tous  les 
Dieux  étrangers ,  elle  aVatt  même  un  autel  dédié  aux 

j  V     Dieux  inconnus.  . 

1^        £j[faiJiirlesm(BurSi&c:Tom.t  '     G  ' 


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; 


98       Sectbsdés   GkBcs. 


./li  eft  inconteftable  que  les  Grecs  recônhainaientuii 
Bieu  fijprime ,  ainfi  que  toutes  les  nations  dont  noos 
ivons  parlé.  Leur  Zeuï  ^  leur  Jupiter ,  était  le  mai- 
trè  des  Dieux  &  des  hommes.  Cette  opinion  ne  chan- 
gea jamais  depuis  Orpbè^  ,•  on  la  retrouve  cehl  fois 
dans  ifo^rf  :  tous  les  autres  Dieux  font  inférieurs. 
On  peut  les  comparer  aux  Péris  des  Pérfes  ^  aux  Gé- 
nies des  autres  nations  orientales.  Tous  les  philofo- 
ph^  i  excepté  les  ftratoniciens  Se  les  épicuriens  , 
reconnurent  Tarchitedte  du  monde ,  le  Demiourgoj, 

Nfe  craignons  point  de  trop  pefer  fur  cette  gran- 
die vérité  hiftorique ,  qliç  la  raifon  humaine  commen- 
cée adora  quelque  puiflance  ,  quelque  être  qu'on 
croyait  au  -  defTus  du  pouvoir  ordinaire  ,  foit  le  fo- 
leil,  (bit  la  lune ,  ou  les  étoiles  ;  que  la  raifon  hu- 
maine cultivée  adora ,  malgré  toutes  fes  erreurs ,  un 
pieu  fupréme  maitre  des  élémens  &  des  autres  Dieux, 
&  que  toutes  les  nations  policées  depuis  Tlnde  juf- 
qu^au  fond  de  l'Europe ,  crurent  en  général  une  vie 
à  venir ,  quoique  plufieurs  fedtes  de  philofophes  euf- 
fent  une  opinion  contraire. 

ÔeZalbiîcus  et  dé  auEiauBs  autres 

LÉGISLATEURS. 

/J'èf<?icî  défier  tous  les  moralîftes  &  tous  les  légif- 
làtèbrs  ,  '&  je'  leur  demande  à  tous  s'ils  ont  dit  rien 
de  plWs  'beau  &  déplus  utile  que  J'exorde  deS  loix 
Bg  Zàleuçus^^  qui  vivait  avant  Pjytbagorè  j  &  q\Jii  fnt 
lé  prenHer  magiftrat  des  Locriens. 

THui  citoyen  doit  être  perfuade  de  Fexijléncè  delà 
ÎHtîtiiti.  Ilfuffit  ifobfer^e^  l'ordre  gf  f  harmonie  de 
Punivéri  ^  pour  être  convaincu  que  le  bazard  np  peut 
f'apùîr  formé.  On  doit  maitrifer  fon  ame  ,  tckîuri- 
Jm  ;  in  écarter  tout  mal  ^perfuade  queJilzt  nef  eut 
i  être  Mfnfervi  par  tes  pervers  ,  6?  qu'il  ne  reJfembU 
2     point-  aux  miférabUs  mortels  qui  Je  laijfent  toucher 


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4  faire  le  bien ,  peuvent  lui  plaire.  Qu'on  cherche  dont 
•«  être i4fl^  dans  f es  principes  ^.dans  la.pratiiue. 
H>efi  ùn^q^nfe  rendra  cher  à  M  Diverse.  Obmtd 
dota  craindre  ce  qtd  mine  à  Nptominis  ,  kèen  plus 
^e  ce  qsd  .c^dtàs  à  ia  punvreil  U  fwèt  regmier 
^ontsue  U  ntHllner  dfqyéacekti  qui  nùandékne  Ai/or- 
^tUne  peur  hsfufiicvj  thais  cetae  qufàw^sipajpànsviç. 
tentes  eMNânétt  vers  le  mai ,  hommes  .^  fimfàesu  a- 
^^)^eMs^  ifin^s  heéitans  ,  d^zfetit  4tre  a^trtis  de  Te 
ifouvenhrdes  Dieux  ,  Êf  de  fenfis*  fmwmt  ^m  jJ^. 
^mens.JMrésqaHls^ercvnt  conPh  kseoupai^s  sqt/iis 
asj^^U  4kvant  4es  r^éux  ^ heure  de  4a  sn^rt^  P heure  /%- 
^e  qui  nwï  ^tèkd  tims  ,  ^akre'^  le  Jimvekir  des 
fautes  iùniHe  les -remords  y^  ie\vain  repentir  ^dt  i^a^ 
^wrr  pas  fournis  toutes  fe^  aRhm  -à  H^êe^. .      .    r 

Chacun  doit  dMc  fi  toMùîr'e  i  fôut  y^stintént ,  é<fhu 
mejt  ce  moment  était  le  dernier  de  fa  vie  ^  mais  Jî 
un  inâu^f  ^Ùénie  le  porte  tm  c^iint  ,  qifil  fiiie' aux 
pieds  des  taâèls  ,  qïi'il  prié  le  ciel  d'écarter  loin  de  M 
ce  Génie  muhfuîpckt ,  auHl  fi  'jette  Jurtout  entre  les 
biràs  des  gens  de  bien  ,  doth  lés  coizfiils  le  i-Omtnh-bkt 
a  la  vêftu  ,pt  hâfèpr^éntmi  Ic^  hokté  dt  JhÉV  & 
fà  vengeoHCç: 

"Non  ,  il  E^^  a  rieh  dans  tatltc  Tantiquieé  qu'on 
çuiffc  préférer  à  ce  morct^ju  fimplc  &  fAlîmc  ,  diôé 
par  la  raifoa  &|>ar  la  vertu-,  â^pouillé  d'emouriafme 
&  «ie  CHSS  '*aûie»  iJîganterque^  gUé  le  bon  ïens  d^-  ^ 

Charondas  ^  qui  fui  vit  ZaleucUs ,  s'expliqua  de  m'é- 
nje.    Les  Plat^m  ,  les  Cicerom  ,  Ifè  divins  Antoninsi    - 
n'eurent  point  depuis  à*autre  tangage.    C'eft  ainfr  que 
•«VspKûût  «Il  cent  enéroii^  ^ô  ^Jttlie^  q«i  ^t  \t  mal- 


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nywag^  iii  ■"«»'  "-  '"^Jgig 


çi:po  D  B    Z'  41  li  B^  XX  c  /u  i.  ç 

fit  tant  d'honneur  i  U  naturelle  \JuRèn  le  fcandale 
4e  notre  eglife  &  la  glpire  de  Tempire  Romain. 

.  .\IÎ  faut  V  dît-il ,  inftruire  les  ignorons ,  6f  ^o»  /f/ 
\ punir. i  les  piaindre^&  non  les  banr.  Le  devoir  d'un 
empereur  ifi  limiter  Dl£U  :  Nnùter  ,  c'ejl  d'avoir  le 
mifÀni  de  befoins  ^^  de  f^ire  le  plus  de  bien  qu'il  eft 
pojjlble,   (^ue  ceux  donc  qui  infultent  Tantiquité  ap- 

•  prennent  a  la  Connaître  ;  qu'ils  ne  confondent  pas  les 
-iages  légifïateurs  avec  des  conteurs  de  fables  ;  qu'ils 
'.fâchent  diftinguer  les  loix  des  plus  fages  magiârats, 

•  les  ^  ufages  ridicules  des  peuples  ;  qu'ils  ne  difent 
point ,  On  inventa  des  cérémonies  fuperititieufes ,  on 
prodigua  de  faux  oracles  &  de  faux  prodiges ,  donc 

vtous  les  magiilrats  de  la  Grèce  &  de  Rome  qui  les 
toléraient ,  étaient  des  aveugles  trompés  &  des  trom- 
peurs ;.c'e&  comme  s'ils  difaient^Il  y  a. des  bonzes  ft 
8  a  la  Chine  qui  abufent  la  populace  ,  donc  le  fage  Con-  S 
fsidus  était  un  mîférable  impofteur.  & 

On  doit  dans  un  fiécle  aulfi  éclairé  que  le  nôtre 
rougir  de  ces  déclamations  que  l'ignorance  a  fi  fou- 
vent  débitées  contre  dés  fages  qu'il  falait  imiter  ,  & 
noknas  calomnier.  Ne  fait- on  pas  que  dans  tout 
pays  le  vulgaire  eft  îmbécîlle ,  fuperftitiéux ,  infenfé? 
N'y  a-t-il  pas  eu  des  convulfionnaires  dans  la  patrie 
du  chancelier  de  V Hôpital ,  de  Cbaron ,  de  Montagne^ 
de  la  Motte  le  Vayer  ,  de  Defcartes  ,  d^  Bayle ,  de 
Fontenelle ,  de  Montéfquieu  ?  N'y  a-t-îl  pas  des  mé- 
thodiftes  ,  des  moraves  ,  des  millénaires  ,  des  fanati- 
ques de  toute  efpèce  dans  le  pays  qui  eut  le  bon- 
heur de  donner  naiffance  au  chancelier  Ba&on ,  à  ces 
génies  immortels  Neiofton  &  Locke ,  &  à  une  foule 
de  grands-hommes  ? 

D  E     B  A  C   C   H  U   s. 

Excepté  les  fables  vifiblemcnt  allégoriques  ^  comme 
3t     celles  des  Mufes ,  de  Vinus ,  des  Grâces^  de  l^ Amour t 

& 


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HÉbBB 


an 


D  1     B^A-'C-^  41  U   8. 


ÎOI     il 


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de  Zépbire&ie  Flore ,  8c  qoclques-urtcs  de  ce  genre ,^ 
toutes  les  autres  font  un  ramas  de  contes  qui  n'ont 
d'autre  mérite  que  d'avoir  fourni  de  beaux  vers  à 
Ovide  6c  à  Quinault ,  &  d'avoir  exercé  le  pinceau  de 
nos  meilleurs  peintres  ;  mais  il  en  eft  une  qui  parak^ 
mériter  l'attention  de  ceux  qui  aiment  les  recherches 
de  ^antiquité ,  c'eft  la  fable  de  Baccbus. 

Ce  Baccbus^,  ou  Bock  ^  ou  Backos ,  oU  Dkmifiofy 
fils  de  Dieu,  a-t-il  été  un  perfonnage  véritable? 
Tant  de.  nations  en  parlent  alnfique  d'JUercmh:  on 
a  célébré  tant  d'Hercules  &  tant  de  Baccbus  dlffî^ 
rens ,  qu'on  peut  fuppofer  qu'en  eifet  il  y  a  eu  un 
Baccbus  ainfi. qu'un  Hercule. 

Ce  qui  eft  indut)îtable  ,  c'eft  que  dans  l'Egypte , 
dans  l'Afie  &  dans  la  Grèce  »  Baccbus  ainfi  qu'Her^ 
cule  était  reconnu  pour  un  demi-Dieu ,  qu'on  célé- 
brait leurs  fêtes  ,  qu'on  leur  attribuait  des  miracles , 
qu'il  y  avait  des  myftères  inftitués  au  nom  de  Bac-' 
cbus  avant  qu'on  connût  les  livres  juifs. 

On  fait  aflez  que  les  Juifs  ne  communiquèrent 
leurs  livres  aux  étrangers  que  du  tems  de  Ptohmie 
Pbiladelfbe  f  environ  deux  cent  trente  ans  avant  no- 
tre ère.  Or  avant  ce  tems  l'Orient  &  l'Occident 
retentiflaient  des  orgies  de  Baccbus.  Les  vers  attri- 
bués à  f  ancien  Orphée  célèbrent  les  conquêtes  &  les 
bienfaits  de  ce  prétendu  demi-Dieu.  Son  hiftoire  eft 
fi  ancienne ,  que  les  pères  de  l'églife  ont  prétendu 
que  Baccbus  était  Nei  ,  parce  que  Baccbus  &  Noi 
paflent  tous  deux  pour  avoir  cultivé  la  vigne. 

Hérodote  ,  en  rapportant  les  anciennes  opinions  , 
dît  que  Baccbus  était  un  Egyptien  élevé  dans  l'Ara* 
bie  heureufe.  Les  vers  orphiques  difent  qu'il  fut  fauve 
des  eaux  dans  un  petit  coffre ,  qu'on  l'appella  Mifem 
en  mémoire  de  cette  avanture ,  qu'il  fut  inftruit  des 
fecrets  des  Dieux ,  qu'il  avait  une  verge  qu'il  chan- 

G  iij 


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^<9H  î)  e    B-A  >C  C,  H  W  Ô 


1 


1 


g9ait  en  forpent  quand  il  vôijailt,  qu'Sl.ptifo.tjLjnfif 
Jûuge  à  pied  fec ,  çooim^  W^romlé^  p^flftjdc^it  dani 
^n  gûbek£  le  détroits  de  Q^pi &  ii^h'Û9i^\  qneqnMiï 
4  alU  dans  ks  Indes  ^  luv  â;:  Cptn^armér  jouiflaiecit.  d^ 
Iji  clarté  du  foleîl  pendant  U  puifc  ,  qu'il  tonslui  do  fk 
baguette  enGhanterede  les.  eaux-  du  fieiin  Orctotei  âi 
-de  rHidafpe ,  &  que  ces  eauK  a'écpulèrottl  pmt  hd 
laifler  un  paflage  libre.  Il  t&  dit  même  qu^il  arrêta 
1^  cours  di}  fQleil  &  d[».  la  lune. .  Il  éothit  ie&.  tbix 
é>f  deux  tabler  de  pierre.  Il  était  ancimnoment  i epro-p 
(rnté  avec  des  oojraes  oju  dea  raiyons  qui  partaient  de 

Il'n'eft  pas  étonnant  après  cqla  que;  plqfiq^rs.  (kv^nç 
hommes  ,  &  furtout  Bochart  &  Sluet  dans  nos  der« 
nler^  tems  ,  ayent  prétendu,  3^  que  Baçch^s  çft  i^ne 
copte  de  Moife  &  dç  Jofué.  Tout  cpncoqrt  à  favo- 
rifer  la  reOTeinblafice  :  car  B.accbus  si'appell^it  chezJeç 
Egypiiens  Arfupà  y  &  parmi  Içs  noms  qne  lès  p^rç^ 
ont  donnés  à  d^QiJ}  on  y  troyv^,  Qelui  à^OJf^xpk^ 

Entre  ces  deux  hiftoires  qui  paraiflent  Temblables 
QU  taQt  de  points  ^  il  n'eft  pas  doqteux  que  €^U&  de 
iloife  nç  foit  U  vérité,,  &  que  celle  de  Baçcbuf  ne? 
foit  la  fable.  Mais  il  p^ait  que  cette  fal^e  était  con- 
nue.des  nattions  longtems  avant  que  rhiftoire  de  Moift 
fût  parvenue  jufqu'a  elles.  Aucun  auteur  Grec  n'a  cité 
itoifi  avant  Longin  qui  vivait  fous  Tcmperçur  AfitélUm, 
&  tows  avaient  célébiré  Bacçbuf. 

H  parait  inconteftable  que  les  Grecs  ne  pucenl  pren-, 
dre  l'idée  de  Baccbus.  dans  le  livre  de  la  ^oi  juivCr 
qu'ils  n'entendaient  pas ,  &  dont  ils  n'avaient  pas  la 
moindre  connaiiTance  ^  livre  d'ail|.eurs.f;rai:e  c}iC2>les 
Juifs  mêmes ,  que  fous  le  roi  Jojtaf  on  n'en  trou  fia. 
qi;  un  fenl  exemplaire  ;  livre  prefqu'entiérement  pQrdu* 
pendant  l'etclarage  des  Juifs  tranlportés  tt^  C^déc  &; 
dans  le  refie  det'Afie  ;  Uvte  reftauré  enfuîte.pai;  Eplrqn 
djan^  Igf  tems  florKfanf  4'A^hàQe^,  &  dps^  ai^ti^es  ^épn-r. 


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D  E     B  A  C  Ç  H  U  s.  103 

Uicjues  do  la  Gfèce^  teins  où  lt$  myftères  de  Bsucbu» 
étaient  déjà  ioftitues. 

Dieu  permit  donc  quel'efprit  de  menfonge  di^Iguât 
les  abfurdités  de  la  vie  de  Baccbus  chez  cent  nations , 
avant  que  l'efprit  de  vérité  fit  connaître  la  vie  de 
Mdift^  aucunl|eupleyeioepté  aux  Juift. 

Le  favant  évéque  d'Avranches  frappé  de  cette  éton- 
nante reffemblance ,  lie  balança  pas  a  prononcer  ^ut 
Mwfi  était  non .  feolement  Bttfdbus ,  mais  le  na$ifj 
VQJtris  des  Egyptiens.  II  ajoute  même  (a) ,  pour  allier 
les  contraires  ,  que  Moife  était  aufli  leur  Typhon , 
c'eft-à-dire ,  qu'il  était  à  la  fois  le  bon  &  le  mau- 
vais  principe ,  le  proteâeur  &  l'ennemi ,  le  Dieu  A 
le  Diable  reconnu  en  Egypte. 

Mdife ,  félon  ce  favant  homme  ,  eft  le  même  que 

Zoroaftrè.  Il  eft  Efcuiape ,  Ampbion  ,  Afollou ,  Fku- 

*  nus ,  Jamts ,  I^et^ ,  Komulur  ,  Vertwnue ,  &  enitn 

Jdoms  &  Priape.  La  preuve  qu'il  était  Adomit ,  c'eft 

que  Virgile  a  dit  : 

Eifirmqfus  oves  aâjktminu  favit  Adonis» 
£t  le  bel  Adonis  a  gardé  las  montoQs. 

Or  Mojfi  garda  les  moutops  vers  l'Arabie.  La  preuvq 
qu^il  état  Priape  eft  encor  meilleure  :  c'cft  que  queU 
quefois  on  rejpréfentait  PriapA  avec  un  âne ,  &  qiie 
les  Juifs  pafîerent  pour  adorer  pn  âne.  Mueti  ajoute 
pour  dernière  confirmation ,  que  la  verge  de  Moije 
pouvais  fort  bien  être  comptée  au  fceptre  dç.  Pria^ 
feCb).  '     . 

Sceptrm»  Frif^  trtbuittfTy  virga  Jffofi, 

Yoità  ce  que  Hfiet  appelle  fa  démonftration.  Elle 
n'eil  pas  à  la  vérité  géométrique.  ^  eft  à  croire  qu'û 

(a>  Propeptîon  IV ,  pag.  79  &  «T. 
«        (b)  Huet  pag.  iio. 
&  G   iiîj 


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I^g^rfrfi      


D  E   5  A  c  c  H  xr  s.  ff 


en  rou^t  les  dernières  années  de  fk  vîç ,  &  qu'il  fe 
fouvenait  de  fa  démonftration ,  quand  il  fit  fon  traité 
dp  la  faibleffç  de  Telprit  humain,  &  de^  rinçcrtîtudc 
dç  ifes  çonnàifranccç. 

Des  métamorphoses  çhez|les  Grecs» 
hecueillies  par  ovioe. 

.  L'opinion  de  la  migration  des  âmes  conduit  liatu- 
rellei^ent  aux  métam<Mrpho£es ,  comme  nous  l'avons 
déjà  vu.  Toute  idée  qui  frappe  Timaginatton  &  qui 
l'amufe  ,  s'étend  bientôt  par  tout  le  monde.  Dès  que 
vous  m'avez  perfuadé  que  mon  ame  peut  entrer  dans 
le  corps  d'un  cheval ,  vous  n'aurez  pas  de  peine  à 
me  faire  croire  que  mon  corps  peut  être  changé  en 
cheval  auffi. 

Les  métamorphofes  recueillies  par  Ovide ,  dont  nous 
avons  déjà  dit  un  mot  ,  ne  dev^knt  point  du  tout 
étonner  un  pythagoricien ,  un  brame ,  un  Caldéen^  un 
Egyptien.  Les  Dieux  s'étaient  changés  en  animaux 
dans  l'ancienne  Egypte.  Derceto  était  devenue  poiffon 
en  Syrie  ;  Sémiramù  avait  été  changée  en  colombe 
à  Babil  one.  Les  Juifs  dans  des  tems  très  poftérîeurs 
écrivent  que  NabucQdonofor  fut  changé  en  bœuf ,  fanç 
compter  la  femme  de  Lot  transformée  en  ftatue  de 
fel.  N'cft-ce  pas  même  une  métamorphofe  réelle  quoi- 
que paffagère ,  que  toutes  les  apparitions  des  Dieux 
&  (Jçs  Génies  fous  la  forme  humaine  ?      . 

Un  Dieu  ne  peut  guère  fe  communiquer  à  nous 
qu'en  fe  métamorphofant  en  homme.  Il  eft  vrai  que 
Jupiter  prit  la  figure  d'un  beau  cygne  pour  jouir  de 
Léda.  Mais  ces  cas  font  rares  ;  &  dans  toutes  les  relî- 
gions  la  Divinité  prend  toujours  la. figure  humaine 
quand  elle  vient  aonnér  des  -ordres.  Il  ferait  diffi- 
cile  d'çntendre  la  voix  des  Dieux  s'ils  fé  préfentaiçnt 
à  nous  en  p^rs  pu  en  crocodiles. 


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-^FHÉÛh 


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7^^ 


MÉTAMOltPHOSES   DES  GEECS.   lOf' 

Enfin  les  Dieux  fe  m^tamorphofèrent  prefque  par-- 
toDt  ;  &  dès  que  nous  fumes  inftruits  des  fecrets  de 
la  magie  ,  nous  nous  métamorpfaofanfies  nous-mêmes.  ' 
Flufieiirs  perfonnes  dignes  de  foi  fe  changèrent  en 
loups.  Le  mot  de  loup-garou  attefte  encor  parmi  nous 
cette  métamorphofe. 

Ce  qui  aide  beaucoup  à  croire  toutes  ces  tranfinv-* 
tations  &  tous  les  prodiges  de  cette  efpèce ,  c^eft  qu'on 
ne  peut  prouver  en  forme  leur  impoflibilitè.  On  n'a 
nul  argument  il  pouvoir  alléguer  à  quiconque  vous 
dira,  Un  Dieu  vint  hier  chez  moi  fous  la  figure  d'un 
beau  jeune  homme ,  &  ma  fille  accouchera  dans  neuf 
mois  d'un  bel  enfant  que  le  Dieu  a  daigné  lui  faire. 
Mon  frère  qui  a  ofé  en  douter  a  été  changé  en  loup  ; 
il  court  &  heurte  adtuellement  dans  les  bois.    Si  la 
fille  accouche  en  effet ,  fi  Thomme  devenu  loup  vous 
affirme  qu'il  a  fubi  en  effet  cette  métamorphofe ,  vous     J  i 
ne  pouvez  démontrer  que  la  chofe  n'eil  pas  vraie.  Vous'    B 
n'auriez  d'autre  reifource  que  d'aifigner  devant  Iw     '  ^ 
juges  le  jeune  homme  qui  a  contrefait  le  Dieu  ,  &  fait' 
l'enfant  à  la  demoifelle  ,  qu'à  faire  obferver  l'onde 
loup-garou ,  &  à  prendre  des  témoins  de  fon  impof- 
ture  ;  mais  la  famille  ne  s'expofera  pas  à  cet  examen  ;* 
elle  vous  foutiendra  avec  les  prêtres  du  canton  que' 
vous  êtes  un  profane  &  un  ignorant  ;  ils  vous  feront 
voir  que  puis  qu'une  chenille  eil  changée  en  papillon  , 
un  homme  peut  tout  aufli  aifémenfc  être  changé  en 
bête  ;  &  fi  vous  difputez ,  vous  ferez  déféré  à  l'tnquî'* 
fidon  du  pays  comme  un  impie  qui  ne  croit  ni  aux 
loups -garoux  ,  ni  aux  Dieux  qui  engroffcntles  filles,     - 

De      L'  I  D^O   LATRIE. 

Après  avoir  lu  tout  ce  qu'on  a  écrit  fur  l'idolâtrie  y 
on  ne  trouve  jien  qui  en  donne  une  notion  précife/ 
Il  femble  que  Locke  ibit  Iç  premier  qui  ait  appris  aux 
hommes*  a  définir  les  mots  qu'ils  prononçaient ,  &  à 
ne  point  parler  au  hazard.  te  terme  qui  répond  k 


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OÊÊt 


W     106(  D  «     ]L'  I  D  O  L  A  T  R  I  B. 

içioUtrie  ne  fc  ttoove  dans  aocmot  l^ue  ai^cienne  ; 
c'oil  uc^  cxprelTion  des  Grecs  des  derniers  âges ,  dont 
oa  ne  s'était,  jacnais  fervi  avant  le  fécond  fiécle  de 
iV>tre  ère.  È\U  fignifie  adoration:  d'images.  C'eft  un 
t^rme  de  rep^rocKc ,  un  mot  injurieux.  Jamais  aucun^ 
peuple  n'a  pris  la  qualité  d'idolâtre  ,  jamais  aucun 
gouvernement  n'ordonna  qu'on  adorât  une  image  com- 
mf  l0  Dieu  fupréme  de  la  Nature.  Les  aiiciens  Cal- 
déeiM ,  les  anciens  Arabes ,  lea  anciens  Perfes  >  n'eu- 
sent  longtems  ni  images  ni  temples.  Comment  ceux 
qd  vénéraient  dans  le  foleil ,  les  aftres  &  le  feu  ,  les 
emblèmes  de  la  Divinité ,  peuvent  •  ils  être  appelles 
idMâCres  ?  Ils  révéraient  ce  qu'ils  voyaient.  Mais  cer* 
tasnemeot  révérer  le  foleil  &  les  aftres ,  ce  n'eft  pas 
adorer  use  figure  taillée  par  un  ouvrier  ;  c'eft  avoii» 
im  eulte.eironé,  mais  ce  n'eft  point  être  idolâtre. 


il 


Je  fuppofe  que  les  Egyptiens  ayent  adoré  réellement    « 
le  chien  Ânubis  ,  &  le  bœuf  jfyis^  ^  qu'ils  ayent  été     m 
dSSkz  fous  pour  ne  les  pas  regarder  comme  des  anî*     > 
maux  confacrés  à  la  Divinité  ,  &  comme  un  emblè« 
me  dn  bien  que  leur  Isbesb  ,  leur  IJlt  ,  faifatt  aux 
hommes  «  pour  croire  même  qu'un  rayon  célefte  ani- 
mkéCe  bœuf  &  ce  chien  confiicrés  ,  il  eft  clair  que 
ce  n'était  pas  adorer  une  ftatue.  Une  bète  n'eft  pas 
une  idole. 

Il  eft  indubitaDle  que  les  hommes  eorent  des  ob« 
jets  de  culte  avant  que  d'avoir  des  fculpteurs  ,  & 
il  eft  clair  que  ces  hommes  fi  anciens  ne  pouvaieÂt 
point  être  appelles  idolâtres.  Il  refte  donc  à  favoir 
il  ceux  qui  firent  enfin  placer  des  ftatues  dans  les 
temples  ,  &  qui  firent  révérer  ces  ftatues. ,  fe  nom- 
mèrent adçrateurs  de  ftatuef ,  &  leurs  peuples  ado- 
i^teurs  de  ftatues.  C'eft  aSurémeat  ce  qu'on  ne  trou- 
ve dans  aucun  monument  de  l^antiqui|é. 

JJaîs  en  ne  prenant  poii^t  le  titre  4^idotttres  Té- 
t^iqnt-ils  ei^  çftet  ?  çtait-il  ordoj^né  de  croire  que  la 


"smX^ 


à 


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0    • 


Q^     L'ID  QI^A,T,R.||[^  1P7 


I 


. 


itApj^  de  brpnz^  Wi  r^éf<^taitla  &^t  fimtaftiqiif 
4ç.  j^/  à  llaWoae  était  If  m^ir^  ,  le  TiiiU ,  le  qté^ 
^\^  (to.  iBonde  ?  la,  figure  é^  Jt^pif^  çtait-cllci  Ji<». 
_g^>4r  m^e  ?  A'eft-qe  p.^s  ^  &'iL  cft  pernûs  de  cpnv 
l^iiei  les  uJ&^ça  de  i^tre  faintç  rejllgio^  ^v^  les  ufa<- 
gçs  wtiqye^  .  w'el^nçe  pa^i  çcwp^  fi  9a  diC*îC  quç 
noua.  ^docQn?  I9  figui;ei  du  Père  éternel  avec  une  h^^ 
be  longue  ,  la  figure  d'une  femme  &  d'un  enfiéint , 
1;^  figure  d'une  c^lonxbc»?  ^e  fc^nt  ded  oracmcna  mn- 
bténiati^ues  dahsi  n^s  temples»  Nom,  lesi  adorons  fi 
MU  que  quand  ces  ftatue^  font  de  bois  on  s'en  ch;9uËi 
W  ,  dés  qu'ellqç  nourrifleut  ,  on  w  érigé  d'autreçii 
e{Ie9  font  d&  fim|nes  avertiffemens  ^i  parlent  auiç 
ycuic  &  i  l'imagination.  Les  Turcs  &  les  yçforroéa^ 
croyent  que  les  catholiques  font  idolâtres  «  maïs  lea 
catholiques  ne  cefTcnt  dç  protefter  contre  cette  în- 

IX  n'eft  pas  poffible  qu'on  adore  réellement  une 
ftsitue,  ni  qu'on  cro.ye  que  cette  ftatue  éft  le  JkW 
fuprême,  U  n'y  avait  qu'un  Jupiter  ,  mais  il  y  avait; 
nMlledefesftatues.  Or  ce  J«/^f/er  qu'on  croyait  lançei; 
la  foudre  ,  était  fuppofé  habiter  les  nuées  ,  ou  l^ 
mont  Olimpe  ,  ou  la  planète  qui  porte  .fon  nom. 
5,^  figures  ne  }anqaient  point  la  foudre  »  &  n'étaient 
i^  dan^  uQe  planète  ,  ni  dan^  l^  nuées  ,  ni  f ur  1q 
n^qnt  Qlippe.  Toute$  les  prières  étaient  adreffées  au» 
*]^e^  immortels  ^  ^  afTuréaiont  lea  ftatuea  n'étaîenfe 
pa^immorleUes. 

Q«A  fourbes  ,  il  eft  viai ,  fif  ent  oioii e  ,  &  des  fu^ 
pei^tieux  crurent  ,  que  dte»  ftatues  aYaicsnt  parlé. 
Combien  de  fois  nos  peuples  groffiers  a'ont-ils  pas 
e«  la  mèmR  crédulité  7-  mais  jamais  chez  aucun  pei^ 
^  oea  abfurdités  ne  furent  la  religion  de  Pétsft  Quel- 
que vieille  imbécille  n'aura  pas  diftingué  la  ftatue  & 
lie  Dieu  }  ce  n'eft  pas  une  raHbn  d'affirmer  que  le 
g^iiivem^niii^  pen&it  (Somme  cette  vieille.  Les  ski^ 
gijlrats  voulaient  qu'on  révérât  les  repréfentations  de» 


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^     Vo§  D  £  "l^IdVl  AT  R  ï  B. 

Dieux  adorés  ,  &  que  rimaginatîûn  du  peuple  fïH: 
fixée  par  ces  figues  vifibles.  C'eft  préçifcraent  ce  qu'on 
fait  dans  la  moitié  de  TEurope.  On  a  dçs  figures  qur 
repréfcntent  DlEO  le  père  fous  la  forme  d*un  vieil- 
lard ,  &  on  fait  bien  que  DiEU  n*efl;pas  un  vieillard.  On 
a  des  images  de  plufieurs  faints  qu'on  vénère ,  & 
on  fait  bien  que  ces  faints  ne  font  pas  Dieu  le  père. 

De  même  ,  fi  on  ofe  le  dire  ,  les  anciens  ne  fe 
méprenaient  pas  entre  les  demi  -  Dieux  ,  les  Dieux ,  & 
le  maitre  des  Dieux.  Si  ces  anciens  étaient  idolâ- 
tres pour  avoir  des  ftatues  dans  leurs  temples  ,  la 
moitié  de  la  chrétienté  eft  donc  idolâtre  auffi  ;  & 
fi  elle  ne  Tefi:  pas  ,  les  nations  antiques  ne  Tétaient 
pat  davantage. 


il 


En  un  mot  ,  il  n'y  a  pas  dans  toute  l'antiquité  un 
feni  poëte ,  un  feul  philofophe  ,  un  feul  homme  d'état 
qui  ait  dit  qu'on  adorait  de  la  pierre  ,  du  marbre  y 
du  bronze  ,  on  du  bois.  Les  témoignages  du  con- 
traire font  innombrables  :  les  nations  idolâtres  font 
donc  comme  les  forcîers  ,  on  en  parle  ,  mais  il  n'y 
en  eut  jamais. 

Un  commentateur  a  conclu  qu'on  adorait  réelle- 
ment la  ftatue  de  Priape  ,  parce  qu'Horace  en 
feîfant  parler  cet  épouvantail ,  lui  fait  .dire  ,  J'étais 
autrefois  un  trcmc  ,  ^ouvrier  incertain  s'il  en  ferait  ' 
un  Dieu  ou  une  efcabelle ,  prit  le  parti  à^en  faire  un 
Dieu  ,  &c.  Le  commentateur  cite  le  prophète  Ba^ 
Yucb ,  pour  prouver  que  du  tcms  âi^ Horace  on  regar- 
dait la  figure  de  Priape  comme  une  divinité  réelle.' 
Il  ne  voit  pas  qu^Horace  fe  moque  &  du  prétendu 
Dieu  &  de  fa  ftatue.  Il  ft  peut  qu'une  de  fes  fer- 
vantes  eh  voyant  cette  énorme  figure  ,  crût  qu'elle 
avait  quelque  chofe  de  divin  :  mais  affurément  tous 
ces  Priapes  de  bois  dont  les  jardins*  étaient  remplis 
pour  chaffer  les  oifcaux  ,  n^'éîaient  pas  regardés  corn- 
me  les  créateurs^  du  monde. 


H^gigipi^- 


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I 


& 


P  B    t'l;D  O'i  4  T-KA  E. 


209 


:  Il  cft  dit  que  Jloiji  ,  malgré  la  loi  divine  de  ne 
faire  ^acuoe  repréfentation  d'hoinmes  ou  d'animaux, 
érigea  un  ferpent  d'airain  ,  ce  qui  était  une  imiution 
du  ferpent  d'argent  que  les  prêtres  d'Egypte  portaient 
en  proceffion  ;  mais  quoique  ce  ferpent  fût  fait  pour 
guérir  les  morfures  des  ferpens  véritables  ^  cependant 
on  ne  l'adorait  pas.  Stdomon  mit  deux  chérubins 
dans  le  temple  ;  mais  on  ne  regardait  pas  ces  chéru* 
bins  comme  des  Dieux.  Si  donc  dans  le  temple  des 
Juifs  61:  dans  les  nôtres  ,  on  a  refpeété  des  ftatnes 
fans  être  idolâtres  ,  pourquoi  tant  de  reproches  aux 
autres  nations  ?  Ou  nous  devons  les  abfoudre ,  ou  ellei 
doivent  nous  accufer.  -^ 

Des    6  r  a  t  l  e  s. 

n  cft  évident  qu'on  ne  peut  favoir  l'avenir ,  paccf 
qu'on  ne  peut  favoir  ce  qui  n'eft  pas  ;  mais  il  eft  claif 
auffi  qu'on  peut  conjeâurer  un  événement  •;     ^ 

Vous  voyez  une  armée  nombceufe  &  difcîpliiw 
conduite  par  un  chef  habile  ,  s'avancer  dans  un  ItCAl 
avantageux ,  contre  un  capitaine  imprudent  fuivi  dç 
peu  de 'troupes  mal  armées ,  mal  poftées ,  &  dont  vous 
favez  que  la  moitié  le  trahit  ;  vou»  prédifez  que  ce 
capitaine  fera  battu. 

Vous  avez  remarqué  qu'un  jeune  homme  &  une 
fille  s'aiment  épcrdument  ;  vous  leS  avez  bbrerrés  for- 
tans  l'un  &  l'autre  de  la  maifon  paternelle  \  vous 
annoncez  qi^e.dans  peu  cette  fille  (èra  encemte  ;  vous 
ne  vous  trompez  guère.  Toutes  les  prédidlîons  fe  ré- 
duifent  au  calcul  des  probabilités.  Il  n'y  a  donc  point 
de  nation  chez  laquelle  on  n'ait  fait  des  fr éditions 
.  qui  fe  font  en  effet  accomplies.  La  plus  célèbre^^  la 
plus  confirmée  eft  celle  que  fit  ce  traître  Flavien  Jo/epp 
à  Vefpajten  &  Titus  fon  fils  ,  vainqueurs  des  Juifs,  Il 
voyait  Vefpajten  &  Titus  adorée  de ss  armées  Tomaîiiès 
dans  l'Orient ,  &  Tflérm  détefté  de  tout  l'empire^  11 


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i. 


ifrni-itir-  «ÉMi 


^^^'^^^^ 


è(b,  tyoli*  gàgn«^  tes  bbnin^s  g^aûéli  de  F^^^jte  ^lui 
prédire  au  tiotn  dti  Diea  de$  Jtii6  (a)  qii^  loi  &  IImi 
Ah  feront  empereurs.  Us  le  fHfenc  en  effet  ;  mais  il 
»  étîderit  ^ue  Jofepb  ne  rîfquaît  rJett.  Si  VèJ^<i/ièk 
Tncàoruhe  un  jôtn:  en  prétendant  à  Tempire  ,  il  ti'eft 
î>te  eft  état  de  punit  Jofepb  ,•  s'il  eft  empereur  ^  il  le 
Kcèttipenfe ,  8c  tant  qu'il  ne  i-égne  pas  il  eQ)ère  ré* 
]ghfer.  Vtfpafien  feh  dife  à  ce  Jb/i^  que  s^l  eft  propliiêtfe 
fi  défait  avorr  prédit  la  prife  de  Jotapat  qu'il  avait  en 
Vàîhifefendue  <3onti^  l'armée  romaine  :  Joftpb  répond 
^u'ieh  effet  il  l'avait  prédite  ^  ce  qui  n'était  pas  bieri 
Futta^eMairt.  Quel  commandant  en  foutenant  un  fiége 
dans  une  petite  place  contre  une  ^nde  armée  ne 
prédit  pas  que  la  place  fera  prife  ? 

Il  n'était  pas  bien  difficile  de  fentir  qu'on  pouvait 
l^tfrer  le  ref^ed  èc  l'argent  de  la  multitude  en  Fai- 
Ibnt  k  propfhête  ,*  ^  que  la  créduiioé  du  peuple  devait 
être  le  revenu  de  «quiconque  faurait  le  crcrroper.  Il  ^ 
eut  partout  des  devins  ;  mais  ce  n'était  pas  affez  de 
ïie  prédire  qti'eh  f»n  propre  nom ,  il  Ériait  parler  au 
«kùm  de  la  Divinité  :  &  depuis  les  prophètes  de  l'E- 
^pte  qui  s'aippellaient  les  Voyons  \,  jufqu'i  Vlpius 
)>rophéte  du  mignon  de  l'empereur  éàri^n  devenu 
Sieu  «  il  y  eiFt  un  nombre  prodigieux  de  charlatans 
facrés ,  qui  firent  parler  les  Dieux  pout  fis  moquer  des 
hommes.  On  f^tit  affez  comment  ils  pouvaient  réuffir  , 
tantôt  par  une  tëponffe  am'bîgue  qu^fls  expliquaient 
enfoîte  comme  ils  voulaient ,  tatttôt  en  corrompant 
des  domeiîîque^  ,  tn  s'infbrmant  d*eux  fecrétemertt 
des  avanturcs  dW  dévots  qui  venàfîettt  'les  consulter. 
Un  îdîût  était  tout  étontié  qt'un  Fourbe  lui  dît  die 
ia  part  d^  Dieu  te  ijutl  avait  feît  de  plus  caché. 

"Ces  J)rôpliélteà  "pâftkie'nt  pour  favdir  le  pafîé ,  îe 
îpréfent  &  Tàvenîr  \  b'éft  l'éloge  ({ix*Homire  fait  dé 
VUlcas.  Je  h'àjotiteral  tien  ici  à  ce  que  le  favant  Vah- 


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DÉS     toRACtË*.  11^ 


dàie ,  &  lé  judicieux  Ponteneffe'ton  rédaâeàr  ,  ont  dft 
tf^s  ôtactes.  Ils.  ont  dëyoilc  arec  fagacité  des  fiécfôs 
xîe  fotit-bèrîfe  ;  Se  le  |éfuitè  Baltbui  montra  bien  '^tu 
'de  fcns ,  ou  beaucoup  de  malignrtc  ,  quand  il  foutint 
toutt^'eux  la  vérité  des  oracles  pàyens ,  pat  fes  prîn* 
dptes  dfe  h  teligiohchrêtiênhe.  Cétàft  ré^emcnt  &îrfe 
à  Dieu  une  injure  ,  de  prétendre  que  *ce  Dieu  tifc 
iwmté  &  de  yérké  eût  lâché  îes  dîabtes.tifc  Tenfer, 
pour  venir  faire  fur  la  terre  ce  qu'il  neîalt  pas  lui- 
même ,  pour  rendre  des  oracles* 

Ou  ces  diables  diTaient  vrai ,  Sç  en  ce  cas  il  était 
împoffible  de  ne  fes  pas  croire  ;.  &  Dïcu  lui  -  même 
appuyant  toutes  lès  fauiTes  religions  par  des  miracles 
journaliers ,  jettaît  liii-même  l'univers  etitre  les  bfas 
de  fes  ennemis  :  Ou  ils  difaient  faux  ;  !&  en  ôe  cas , 
ï)îeu  déchaînait  lés  diables  pour  tromper  tous  les  hom- 
mes. Il  n'y  a  peut  -  être  jamais  eu  d^opinioh  plus  ab- 
fux'dc. 

t'ôfâclé  le  plus  fameux  Tut  celui  de  Delphes.  Ôh 
choiiit  d'abord  de  jeunes  filles  innocentes  ,  comme 
plus  propres  que  îes  autres  à  être  înfpirées ,  c*eft-â- 
dîre  ,  à  proftïrcr  dé  bonne  foi  le  galimadas  que  les 
prêtres  leur  dkbîent.  La  jeune  pythie  montait  fur  un 
trépied  pofé  dans  Totiverture  d'un  trou  dont  il  fortaît 
une  exhalaîfon  prophétique.  L'efpnt  divin  entrait  fous* 
la  robe  de  la  pythîe  par  un  endroit  fort  humain  ; 
mais  depuis  qu'une  jolie  pythie  fut  enlevée  par  un 
dévot ,  on  prie  des  vieilles  pour  faire  le  métier  :  &  je 
croîs  que  c'eft  la  raîfon  pour  laquelle  Poracle  deBeU 
phes  commença  à  perdre  beaucoup  de  fon  crédit» 

Les  divinations  ,  les  augures  ,  étaient  des  efpècqs 
d'oracles,  &  font/ j«  crois,  d'une  plus  haute  anti- 
quité ;  car  il  falait  hlen  des  cçrémônies^,  bien  du  tçi^ 
"pour  achalahder  ui^  oracle  divin  qui  ne  pouvait  fe 
"paîTér  de  temple  éc  dé  prêtres  ;  à  rien  n'était  pUu 
aifé  que  de  dire  la  bonne  avanture  dans  les  carrefours. 


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i 


Cet  art  fe  fubdivifa  en  mille  faqons  ;  on  prédit  par 
le  vol  des  oifeaux  ,  par  le  foie  des  moutons ,  par  les 
plis  formés  dans  la  paume  de  la  main ,  par  deâ  cer* 
Icles  tracés  fur  la  terre ,  par  Teau  ,  par  le  feu ,.  par  deg 
[petits  cailloux  ,  par  des  baguettes ,  par  tout  ce  qu'on 
.imagina  ,  &  fouvent  même  par  un  pur  entoufiaûne 
qui  tenait  lieu  de  toutes  les  règles.  Mais  qui  fut  celui 
qui  inventa  cet  art  ?  ce  fut  le  premier  fripon  qui  ren- 
.contra  un  imbéçille. 

La  plupart  des  prédidions  étaient  comme  celles  de 
l'almanach  de  Liège.  Un  grand  mourra  ^  il  jy  aura 
des  naufrages.  Un  juge  de  village  mourait -il  dans 
Vannée  ?^  c'était ,  pout  ce  village  le  grand  dont  là 
mort  était  prédite  :  une  barque  de  pêcheurs  était-elfe 
fubmergée  ?  voilà  les  grands  naufrages  annoncés.  L'au- 
'teur  de  l'almanach  de  Liège  eft  un  forcier ,  foit  que 
Tes  prédiftions  foient  accomplies  ,  foit  qu'elles  ne  le 
'fbiem  pas  ;  car  fi  quelque  événement  les  fàvorife ,  fa 
magie  eft  démontrée:  fi  les  événemens  font  contraires, 
on  applique  la  prédiétion  à  toute  autre  chofe  ,,&  l'allé- 
gorie le  tire  d'affaire. 

L'ainftanach  de  Liège  a  dît  qu'il  viendrait  un  peu- 
pie  du  Nord  qui  détruirait  tout  ;  ce  peuple  ne  vient 
point  ;  mais  un  vent  du  nord  fait  geler  quelques 
vignes,  c'eft  ce  qui  a  été  prédit  par  Matthieu  Lcms- 
berge.  Quelqu'un  ofe-t-il  douter  de  fon  favoir?  Auf- 
fi-tôt  les  colporteurs  le  dénoncent  comme  un  mau- 
vais citoyen ,  &  les  aftrologues  le  traitent  même  de 
petit  efprit ,  &  de  méchant  raifonneurr 

Les  fbmiites  mahométans  ont  beaucoup  employé 
cette  méthode  dans  l'explication  du  Koran  àt  Mahomet. 
UétoWe  jfldebaram  avait  été  en  grande  vénération 
-chez  les  Arabes ,  elle  fignifie  rœîl  du  tjauréau  ;  cela 
voulait  dire  que  l'œil  de  Mahomet ^  éclairerait  les  Ara- 
'bes,^  qpe  comme  un  taureau  (1  frapperait  fes  en- 
nemis de  fes  cornes.  » 

LHurbrè    ^ 


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l 


P  fi^      Q   R   ^  C  L  1  ^. 

yarbre  acacia  était  en  vénération  dans  {'Arabie^ 
on  en  fiifait  de  grandes  haies  api  préferyaient  les^ 
moiflbns  de  l'ardeur  du  foleil  j  ^'^i^nie^  e0  Tacads 
qui  doit  couvrir  la  terre  de  Ton  ômbrç  faiutaire.  Leist 
Turcs  fenfés  rient  de  ces  bctîfes  fubtîles  ;  les  jeuiieit 
femmes  n'y  penfent  pas  ;lç8  vieilles  dévotes  y  croyerit: 
&  celui  qiiî  dirait  publiquement  à  yn  dçrvfche  qu*ii 
enfeigne  des  fottîfes  ,  courrait  rîfçîue  d'être  empalé,  fl 
y  à  eu  des  favans  qui  ont  trouvé  Phiftoirë  de  leur 
tems  dans  riliadç  &  dans  l'OdyfTée  ;  mais  ces  favàne 
n^ont  pas  fait  la  même  fortune  que  les  com^tentateurs 
dç  l'Alcoran.  '         '  •  • 

La  plus  brillante  fonâion  des  oracles  fut  d'afTuret 
la  vidtoire  dans  la  guerre.  Chaque  armée  ,  chaque 
nation  avait  fes  oracles  <\u\  lui  promettaient  def 
triomphes.  L'un  dès  deux  partis  avait  reçu  infailli- 
blement un  oracle  véritable.  Le  vaincu  qui  avait 
été  trompé  attribuait  ùl  défaite  à  quelque  fiante  com- 
mife  envers  les  Dieux  après  '  l'oracle  rendu  ;  il  ef7 
pérait  qu'une  autre  fois  l-oracle  s'accomplirait.  Ainfi 
prefque  toute  la  terre  s'eft  nourrie  d'illofion.  Il  n'y 
eut  prefque  pqjnt  de  peuple  qui  ne  çonfervât  dan^ 
(es  archives ,  ou  qui  n'eôt  par  la  tradition  ovale  ,  quel-> 
que  prédidion  qui  raflurait  de  la  conquête  du  înon-^ 
de ,  c'eft-à^^ire  >  des  nations  voifines  ;  point  de  con- 
quéranfr  qui  n'ait  été  prédit  formellenient ,  aufli^tôt 
après  fa  conquête.  Les  Jui6  mêmeç ,  enfermés  dans 
un  coin  de  terre  prefque  inconnu  entre  l'Anti -Liban» 
FArabie  déferte ,  &  la  pétrée ,  efpérérent  comme  les 
autres  peuples  d'être  les  maîtres  de  l'univers  ,  foh-* 
dés  fur  mille  oracles  que  nous  expliquons  dans  un 
fens  myftique  ,  &  qu'ils  eftendaient  dans  le  fens 
littéfa}.  '      *  T 

Dl^S    SIBYLLES    CHEZ  LB$   GrRCS  »   E^  PB    Ll^VR 
INFLUENCE  SUR   LES  AUTRES  NâTIONS, 

ï^orfque  prefqi^e  toute  la  ^erre  était  rempHp  d'ora- 
cles ,  il  y  eut  de  vieilles  ^Ues  qui  fans  être  attacbéej^ 
EJfaifur  les  mœurs  ^^c.TomA.  H 


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114  Sibylles  CHEZ  LES  Grecs.  g 

à  aucun  temple  s'a vi firent  de  prophétifer  pour  leur 
coai.pte.  On  les  appelUy%//^J  ,  mat  grec  de  la  dia- 
Icïte  de  Laconie  ,  qui  lignifie  conleiij  ^e  Dieu.  L'an-' 
tiqoité  en  compte  dix  principales  en,  divers  pays.  On 
fait  affez  le  conte  de  la  bonne  femme  qui  vint  appor- 
ter dans  Rome  à  l'ancien  Tarquin  ^  les  neuf  livres  de 
l'ancienne  fibylle  de  Cumes,  Comme  Tarquin  mar- 
cïiandait  trop  ,  la  vieille  jetta  au  feu  les  fix  premiers 
livres  5  &  exigea  autant  d*ar|ent  des  trois  reftans, 
qu*elle  eu  avait  demandé  des  neuf  entiers.  Tarquin 
les -paya.  Ils  Furent ,  dit-on  ,  confervés  à  Rome,  juf- 
qu'au  tems  de  Sylla ,  &  furent  confumés  dans  un  in- 
o^ndk  du  capitde. 

.  Mais  conmeot  fe  paffer  des  prophéties  des  fibyl- 
lefiil  On  envoya  trois  fénateurs  à  Erytre  ,  ville  de 
Gr/ècc  ou  Toa  gardait  précieufement  un  miUier  de 
mauvais  vers  grecs ,  qui  paflaient  pour  être  delà  fà(;on 
de  la  fibylle  Érytrit.  Chacun  eo  voulait  avoir  des  ço- 
piei.  La  fibylle  Erytru  avait  tout  prédit.  Il  en  était 
cLe  Tes  pri>phétie8  comme  de  celles  de  Na/iradamus 
parmi  oou£.  On  nQ  manquait  pas  à  chaque  événe- 
ment de  focger  quelques  vers  grecs  qu'on  attribuait 
àkfibylk. 

Aâtgt^^  qui  craignait  avec  raifon  qu'on  ne  trouvât 
dans  cette  rapfodie  quelques  vers  qui  autoriferaient 
des  confpirations  ,  défendit  fous  peine  de  mort  qu'au- 
cun Romain  eût  chez  lui  des  vers  fibyllins  ;  défenfe 
digne  d'un  tyran  foupqonneux  ,  qui  confervait  avec 
adrefle  un  pouvoir  ufurpé  par  le  crime. 

Les  vers  fibyllins  furent  refpedés  plus  que  jamais 
quand  il  fut  défendu  dç  les  lire.  11  falait  bien. qu'ils 
continffent  la  vérité  ,  puifqu'on  les  cachait  aux  ci- 
toyens. 

Virgile  y  àzm  fon  églogiie  fur  la  naiflance  de  PoU 
lion ,  ou  de  Marcellus ,  op  de  Drufus ,  ne  manqua  pas 


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m  ta»  'I'  .        m 


i 


Sibylles  cbbï  lss  Grjecs. 


de  citer  l'autorité  de  la  £bylle  de  Cumes ,  qui  avait 
prédit  nettement  que  cet  enfant  qui  mourut  bient6t 
après  ,  ramènerait  le  iiécle  d'or.  I^^  fîbylle  Érytrii 
avait ,  difaitron  alors  ^  prophétifé  auffi  a  Cumes.  L'en^ 
fant  nouveau  né  appartenant  à  Jnmfte ,  Qp  à  fon  ht 
vori ,  ne  pouvait  manquer  d'être  prédit  par  la  fibyile. 
Les  prédirions  ,  d^ailleurs ,  ne  fon^  jamais  que  po^i 
les  grands ,  les  petits  n'en  valent  pas  la  peinç. 

Ces  orades  des  fibylles  étant  donc  toujours  en  très 
grande  réputation ,  les  premiers  chrétiens  trop  env» 
portés  par  un  feux  zèle  ,  crurent  qu'ils  pouvaient  fort 
ger  de  pareils  oracles  ,  pou):  battre  les  gentils  par  leur^ 

f propres  armes.  Hermas  &  St.  Jujiin  pafTent  pour  étrQ 
es  premiers  qui  eurent  le  malheur  de  foutenir  cette 
impofture.  St.  Juftin  cite  des  oracles  de  la  fibvlle  dp 
Cumes  ,  débités  par  un  chrétien  qui  avait  pris  le  nom 
d'IJiape  >  Se  prétendait  que  fa  fibylle  avait  vécu  du 
tems  dij  déluge.  St.  CMme^tt  d'Alexandrie ,  dans  fe^ 
ilromates  ,  liv.  VI ,  affure  que  l'apôtre  St.  Pa«/reçom<^ 
mande  dans  fes  épitres  ia  leffurç  dès  JihylUs  ^  qui  ont 
puanifeJiemeMt  priait  la  nmjfance  du  fils  de  DiEUr 

Il  faut  que  cette  épitre  de  St.  Paul  foit  perdup  ; 
car  on  ne  trouve  ces  paroles ,  ni  rien  d'approchant , 
dans  aucune  des  épitres  de  St.  Paul.  Il  courait  dans 
ce  temS'là  parmi  les  chrétiens ,  une  infinité  de  liyre^ 
que  nous  n'avons  plus  ,  comme  les  prophéties  de  Jah 
dabaft  ,  celles  de  Setb  ,  A^Bnoçb  &  de  Çham  ;  la  péni? 
tence  à* Adam ,  Thiftoire  AtyZacharic  père  de  St.  Jean  | 
1* évangile  des  Egyptiens  ;  l'évangile  de  St.  Pierre , 
à? André ,  de  Jacques  ;  l'évangile  d'jgW  ,  Tapocalypfd 
A' Adam ,  les  lettres  de  Jesujs-Christ  ,  &  cent  autres 
écrits  ,  dont  il  reile  à  peine  quelques  fragmens ,  eil- 
fevelis  dans  des  livres  qu'on  ne  lit  guère. 

L'églife  chrétienne  était  alors  partagée  en  fpcîé^é 
judaïfante^  &  fodété  non-judaiTante.  Ces  deux  étaient 
^      diyifées  en  plufieurs  autres.  Quiconque  fe  fpntait  ui^     ^ 
&  H  ij  ^iQÎ 


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ii5  Sibylles  CHEZ  LES  Grecs.         |f 

peu  de  talent ,  écrivait  pour  (on  parti.  Il  y  eut  plus 
de  cinquante  évangiles  jufqu'au  concile  de  Nicée  ;  il 
ne  nous  en  refte  aujourd'hui  que'  ceux  de  la  Vierge  , 
de  Jacques  ,  de  Y  Enfance ,  &  de  Nicodéme.  On  for- 
gea fuTtout  des  vers  attribués  aux  anciennes  fibylles. 
Tel  était  le  refped  du  peuple  pour  ces  oracles  fibyl- 
lins  »  qu'on  crut  avoir  befoin  de  cet  appui  étranger 
pour  fortifier  le  chriftianirme  naiflant  Non^feulement 
on  fit  des  vers  grecs  fibyllins  ,  qui  annonçaient  Jesus- 
Christ  ;  mais  on  les  fit  en  acrofticbes ,  de  manière 
que  les  lettres  de  ces  mots  ,  Jefous  Çhreiftos  ïqî  $Qter , 
étaient  l'une  après  l'autre  le  commencement  de  cha- 
que vers.  C'eft  dans  cel  poëfies  qu'on  trouve  cette 
prédi^on  : 

Avec  cinq  pMnt  &  clenx  poiflTons , 
Il  nourrira  cinq  mille  hommes  au  dëfert ,  / 

Et  fXi  ramaflTant  les  morceaux  qui  relieront  » 

Il  en  remplira  douae  paniers. 

On  ne  s'en  tint  pas  là  ;  on  imagina  qu'on  pouvait 
détourner  en  faveur  du  chriftianifme  le  fens  des  vers 
4ç  la  quatrième  églogue  de  Virgile  : 

UUima  Cumm  venitjatu  carminis  éetas: 
Jam  nova  progtnies  calo  demittitur  alto. 

Les  tems  de  la  fîbylle  enfin  font  arrivas  : 

Un  nouveau  rejetton  defcend  du  haut  des  cieux. 

Cette  opinion  eut  un  fl  grand  cours  dans  les  pre- 
miers fiécles  de  l'égltfe  ,  que  l'empereur  Conftantin  la 
foutînt  hautement.  Quand  un  empereur  parlait ,  il 
avait  fûrement  raifon.  Virgile  pafla  longtems  pour 
yn  prophète.  Enfin ,  on  était  fi  perfuadé  des  oracles 
des  fibylles ,  que  nous  avons  dans  une  de  nos  hym- 
nes ,  qui  n'eft  pas  fort  ancienne  ,  ces  deux  vers  re- 
marquables  :  fi 

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i 


i$m¥'    iicin^^  ^>>^jggi8 

D    E  s  .   s  I  B   Y  L  L  E   s.  Iiy     *^ 


1 


i^olvet  faclum  in  /kviUa  , 
Tefte  Datfid^cumjibylh. 

n  mettra  rnnivets  en  ccàdre^  » 
Témoin  U  flbylle  &  David. 

Parmi  les  prédîdb'ons  attribuées  aux  fibyllcs ,  on  feî- 
fait  fur  tout  valoir  le  règne  de  milk  ans  ,  que  les  pères 
d^Téglife  adoptèrent  jafqu'au  tems  de  Tbéodofe  IL 

Ce  règne  d^  Jesus-Christ  pendant  mille  ans  fur 
la  terre  étf^ft  fondé  d'abord  fur  la  prophétie  de  St. 
Lttc ,  cil.  XXI ,  prophétie  mal  entendue ,  que  Jesus- 
CôtllST  viendrait  dans  les  nuées ,  dans  une  grande 
puiffance  &  dans  unç  grande  majefli  ,  otuant  que  la 
génération  préfente  fût  paffée.  La  génération  avait 
paffé  ;  mais  St,  Paul  avaît  dît  auffi  dans  fa  première 
épitre  aux  ThefTalonîcîens ,  'ch.  IV. 

Notis  vous  déclarons^  comme  Payant  appris  du  Sei» 
gneur ,  ^Ue  n'ouï  qui  vivons  ,  &  qui  fommes  réfervés 
pour/on  avènement ,  nous  ne  friviendtons  point  ceux 
qui  font  déjà  dans  le  fmnmeil. 

Car  aufli4ot  que  leJJgnal  aura  été  donné  par  la  voix 
de  r archange ,  èf  par  lefon  de  la  trompette  de  Dieu  , 
le  Seigneur  lui-même  defcendra  du  ciel ,  6f  ceux  qui 
feront  morts  en  JesOS» CHRIST  rejfufciteront  lés 
premiers^ 

Puis  nous  autres  qui  fommes  vivons ,  @f  qui  ferons 
demeurés  jufqu' alors  ,  nous  ferons  emportés  avec  eux 
dans  les  nuées ,  pour  aller  au  devant  du  Seigneur  au 
milieu  de  tair^^  &  airipnous  vivrons  pour  jamais  4iveç 
le  Seigneur, 

U  eft  Dien  étrange  çue  Paul  dife  que  <f  eft  le  Sei- 
.  i;ncur  lui-même  qui  lui  avait  parlé;  car  Pau/loin 
2       d'avoir  été  un  des  difciples  de  Christ  ,  avait  été     «k 

6  Hiij         I 


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4Éa 


Dés    Sibylles. 


:, 


lohgtenis  un  de  fes  pétCécûteuh.  Quoi  qu'il  en  ptiifl[% 
être  ,  rApocaiypfe  avait  dit  aiiffi  chap.  XX ,  que  Icà 
juftes  régneraient  fur  la  tnn  fendant  nUille  ans  avec 
jESUS-CHRISt. 

Dn  s'attendait  donc  i  ïomï  Aiomént  que  jEStos- 
Christ  defcendirait  du  ciel  pour  établir  Ton  règne , 
&  rebâtir  Jérufalem  ^  dans  laquelle  les  chrétiens  àt- 
Vaiént  Te  réjouir  avec  les  patriarches. 

fcetté  nouvelle  Jcirufaleni  était  annoncée  dans  l*Ai 
jpoCalypife  :  Moi  Jean ,  }e  vis  la  nouvelle  jénifalem  qui 
defcendait  du  ciel  tarte  cônane  une  ipoufée..,.  Elle 
-avait  une  grande  x^  haute  muraille ,  douze  portes , 

^  un  ange  à  chaque  forte douze  fondemens  où 

font  les  noms  d^s  àfatres  de  F  agneau Celui  qui 

me  far  lait  avait  une  toife  dor  four  mefurer  la  ville , 
ks  fortes  6?  l^  rnur aille,  La  ville  ejl  bâtie  en  quarri^ 
"tlle  ejl  de  douze  mille  ftades  ^fa  longueur  ^fa  largeur^ 

&  fa  hauteur  font  igalesl Il  en  mejfura  aujjila 

muraille  qui  eji  de  cent  quarante-quatre  coudées., .. 
tette  mur  édile  était  de  jafpe  ,  fS  la  ville  était  d!or ,  6?^ • 

Oh  pouvait  ft  contiSBter  de  cette  prédidion ,  liiai^ 
bn  voulut  encor  avoir  pour  garant  une  fibylle ,  à  qui 
Fon  &it  dire  à-peti-près  les  mêmes  chofes.  Cette  per- 
fuafion  s'imprima  ii  forcement  dans  les  efprits ,  que 
St,  Jujiin  dans  fon  dialogue  contre  Triphon ,  dit  qu'il 
en  eji  convenu ,  èf  que  JESUS  doit  venir  dans  cette 
^ttfalem  boire  6f  manger  axfte  fes  difciplts. 

it.  ïréûie  fe  lîVra  fi  pleinement  à  cette  opinion , 
tju'il  aïtribire  à  St,  Jean  TévangeUftc  ces  paroles  : 
Dans  la  nouvelle  Jérufalem  chaque  fef  de  vigne  fro- 
xLuira  dix  mille  branches  ,  6f  chaque  branche  dix 
fhille  bànrgeons ,  chaque  bourgeon  dix  mille  graffes , 
"chaque  'graffe  dix  mHft  grains ,  chaque  raijin  vingt- 
tinf  ampboires  de  i>in.    m  quand  un  dés  faintîs  ven- 


nfiSiB^i^ 


âsBlfi&âtts 


ijffftBatmt 


»««aî 


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ss»^^^ 


flffa 


Des    SiBYLi.Es. 


1^9     il 


dangeùrt  cutiUrra  un  raifin  ^  It  rt^fin  voijùt  iui  dira^ 
Prends  '  moi  ^  je  Juis  meiiiiur  qut  kti  («). 

Ce  n'ctait  pis  affe2  que  la  fibylle  eèt  prédk  ces 
merveilles ,  on  avait  été  témoin  de  l'accomplifleoient. 
On  vit ,  au  rapport  de  TertuiHen  i  la  Jérufalem  nou- 
velle defcendre  du  ciel  pendant  quarante  nttits  coo- 
fécutives. 

Tertuïlien  s'exprime  aînlî  :  (a)  Voms  confeffhns que 
le  royaume  nous  eji  promis  pour  mille  ans  en  terré  « 
après  la  réfurreélhn  dans  la  citt  de  JérufalefH  appfHr* 
tie  du  ciel  ici-bas^, 

C'eft  aînfi  que  rameur  du  merveilleux  &  Tenvie 
d'entendre  &  de  dire  des  chofes  extraordinaires ,  a 
perverti  le  fens  commun  dans  tous  le*  tems.  Ceft 
ainfi  qu'on  s'eft  fervi  de  la  fraude  ,  quand  on  n*a  pas 
eu  la  force.  La  religion  chrétienne  fot  d'ailleurs  fou- 
tenue  par  des  raifons  ff  folfdes  ,  Que  tout  cet  amas 
d'erreurs  ne  put  Tébranler/  On  dégagea  l'or  pur  de 
tout  cet  alliage ,  &  l'églife  parvint  par  degrés  à  l'état 
où  nous  la  voyons  aujourd'hui. 

DKS.  MIRACLE  S. 

Revenons  toujours  à  la  nature  de- l*homme  ;  il  n'aî- 
me  que  l'extraordinaire  ;  &  cela  eft  fi  vrai  que  fi-tôt 
que  le  beau  ,  le  fublime  eft  commun  ,  il  ne  parait 
plus  ni  beau  ni  fublime.  On  veut  de  l'extraordinaire 
en  totit  genre  ;  &  on  va  jufqu'à  Pimpoffible.  L'hif- 
toire  ancienne  reffemble  à  celle  de  ce  chou  plus  grand 
qu'une  maifon ,  &  à  ce  pot  plus  grand  qu'unie  églifil, 
fait  pour  cuire  ce  chou. 

Quelle  idée  avons-nous  attachée  au  mot  miracle^ 
^ui  .d'abord  figniiiait  cbofe  admirable  ?  Nous  avona 


î^ 


a)  Irénée  chap.  XXXV.  liv.  V. 
h  )  Tert.  contre  Marcion  liv.  IIL 


fitii»^ 


H  iîîj 


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■Jimm 


i2b         D  k  é    M  I  R  A  c  L  E  i 


dît',  c*eft  ce  <{\xt  h  nature  ne  peut  opér^ ,  C'èft  cfc 
qui  eft  contraire  à  toutes  (es  loix.  Ainli  l'Anglais  qdi 
promit  au  peuple  de  Londres  de  fe  mettre  tout  en. 
^ier  dan&  ûn^  boutieille  de  deux  pintes  ,  annonçait 
Ûii  miracle.  Et  autrefois  on  n'aurait  pas.  manqué  de 
léj^endairofi  quiàurafent  affirmé  racçompliflement  dé 
c«  prodige  ;  6'il  en  était  reyenu  qîielque  chofe  au 
Couvent. 

^.  Noj!ks,  croyons  fan^  difficulté  aux^  Vrais  miracles  % 
Qpéfés  danç  notre  fainte  religion ,  &  chez  les  Juift 
4ont  la  religion  prépara  la^  nÂtre.  Nous  ne,  parlons 
ici  que  des  autres  nations  ,  &  nous  ne  raifQnhons 
que  fuivant  les  rég!«es  du  boii  fens ,  toî&joùrs  fourni* 
fis  à  la  Irévélatiom 

,  Quiconque  n'eft;pas  illuminé  par  la  foi,  ne  peut 
regarder  un  miracle  que  comme  une  contravention 
.aux  loix  éternelles  .de  la  nature..  Il  ne  lui  parait  j)^s 
ppffible  que  DiEV  dérange Ton  propre  ouvrage  ;  il  fait 
que  tput  ,e(l  l.ié  d^ns  l'univers  par  des  chaînes  que 
rien  pe  peut  rompre.  Il  faié  que  Dieu  étant  immua- 
ble ,  fes  loix  le  font  auiG ,  &  qu'une  roue  de  la  ji;rande 
machine  ne  peut  s'arrêter ,  faut  que  la  nature  entière 
foit  dérangée. 

Si  Jupiter  en  cotochant  avec  Akmihe  fait  une  nuft  de 
Vingt  -  quatre  heures  lorfqù'elle  devait  être  de  douze  , 
il  eftnéceflaire  que  la  terre  s'arrête  dan*  foh  cours, 
]&  refte  immobile  douze  heures  entières.  Mais  cdm- 
Vne  les  mêmes  phénomènes  du. ciel  reparaiffent  la  nuit 
•fuiVante  ;  il  eft  néceflaire  aufC  que  la  lune  &  toutes 
teà  planètes. fè  foient  arrêtées.  Yoflà  une  grande  ré- 
.volution  dans  tous  les  orbes  céleftes ,  en  faveur  d'une 
femme  de  Thèbes  en  Béot}^. 

Un  moA  rclflufctfe  au  bout  àe  quelques  jours  :  il 
^tapt  que  toutes  les  parties  imperceptibles  de  fou  corps 
\}A  s'étaient  exhalées  dans  l'air  ,  &  que  les  vents 


iHgè'^'' vr  ■  Il  11  miùÉÊàsiif^imaiifsim 


ilÉBÉBBMtti 


"«i^iii 


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lHS»jii»i   T'y  ■■y    ^minn      ■     -r       Wfi^ 

Des    miracles.        121 


' 


rniT-^ 


avaient  emportées  au  loin ,  reviennent  fe  mettre  cha^ 
cunè  à  Iéur,])lace  ,  que  les  vers  &  lel  oifeaux ,  ou 
les  autres  aniniaux  nourris  de  la  fubftanee  de  ce  cada- 
vre ,  rendent  chacun  ce  qu'ils  lui  ont  prié.  Les  vers 
engraifTés  des  entràilljes  de  cet  homme  ,auront  été 
mandés  pat  des  hirondelles ,  ces  hirondelles  par  des 
pigriéches ,  ces  pigriéches  par  des  faucons  ,  ces  fau- 
cons par  des  vautours.  Il  faut  que  chacun  reftitue  pré- 
cîfément  ce  qui  appartenait  au  mort  :  fans  quoi  ce  ne 
ferait  plus  la  même  perfonne.  Tout  cela  n'eft  rien  to« 
cor ,  fi  Tame  ne  revient  dans  fon  hôtellerie. 

Si  l'Etre  éternel  qui  a  tout  prévu  ,  tout  arrangé  » 
qui  gouverne  tout  par  des  loix  immuables  ,  deviient 
contraire  à  lui-même  en  renverfant  toutes  fts  loix 9 
ce  rie  peut  être  que  pour  l'avantage  de  la  nature  en- 
tière. Mais  il  parait  cbhtradiâoiire  dé  fuppofer  un  cas 
où  le  créateur  &  h  maître  de  tout,  puifTe  changer 
Tordre  dû  monde  pour  le  bien  du  monde.  Car  ou  il 
a  prévu  le  prétendu  befoin  qu'il  ea  aurait ,  ou  il  ne 
l'a  pas  prévu.  S'il  la  prévu ,  il  y  a  mis  ordre  dès  It 
commencement  ;  s'il  ne  Ta  pas  prévu ,  il  n'eft  plus 
Dieu. 

On  dit  que  cVft  pour  faire  plaifir  à  une  nation,  ^ 
ùné  ville ,  à  une  famille ,  que  l'Etre  éternel  refTufcitè 
Pé/opr  ,  Hippoliu ,  Hérès ,  &  quelques  autres  fameux 
perfonnages  ;  mais  il  ne  parait  pas  vraifemblable  que 
,  le.maitre  commun  de  l'univers  oublie  le  foin  de  cet 
tinivets  en  faveur  de  cet  Hippolite  &  de  ce  Péiops. 

Plus  les  miracles  font  incroyables  (  félon  les  faibles 
lumières  de  notre  efprit  )  ^  plus  ils  ont  été  crus.  Cha- 
que peuple  eut  tant  de  prodiges ,  qu'ils  devinrent  des 
thofes  très  ofrdinaires.  AuIB  ne  s'avifait-on  pas  de  nier 
ceux  de  fes  voifins.  Les  Gifeqs  difaient  aux  Egyptiens, 
aux  nations  afiatiques ,  Les  Dieux  vous  ont  parlé  quel- 
quefois ,  ils  nous  parlent  tous  les.  jours  ;  s'ils  ont  com- 
battu Vingt  fois  pour  rovls ,  ils  fe  font  niis  quarante 


? 


6 


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< 


%      lit  D  B  s     M  I  R  A   C  L  £  ^.  ^ 


fois  à  la  tète  dt  nos  arméts.  Si  tous  ave2  des  meta- 
ttiorphofes ,  Hous  en  avons  cent  fois  plus  que  vous^ 
Si  vos  animaut  parlent ,  les  nôtres  ont  fait  de  très 
beaux  difcours.  Il  n'y  a  pas  même  jufqu'aux  Romains 
chez  qui  les  bétes  n'ayent  pris  la  parole  pour  pré^ 
dire  Pavcnir.  Tite^Live  rajyporte  qu'un  bœuf  s'écria 
en  plein  marché,  Rome  éprends  garde  à  toi,  Pline  dans 
fon  livre  huitième  dit  qu'un  chien  parla  lorfque  Tar' 
quin  fut  chaffé  du  trône.  Une  corneille  ,  fi  Ton  en 
crôft  Suétone ,  s'écria  dans  le  capitole ,  lorqu'on  allait 
affaffiner  DomiPien  ;  FJlai  panta  kahs ,  c'eft  fort  bien 
fait,  tout  eftbien.  C'eft  ainfi  qu'un  des  chevaux  d'-rf- 
tbille  nommé  X4inte  prédit  à  fon  maître  qu'il  modrra 
devant  Troye.  Avant  le  cheval  à' Achille ,  le  bclîcr 
de  PbryxHt  avait  parié  ,  aufll-bien  que  les  vaches 
t!a  mont  OHmpe.  Ainfi  au -lieu  de  réfuter  les  fables, 
on  ertchériffâit  fur  elles.  On  ftifiit  comme  ce  prati^ 
cien  à  qui  on  prodoifatt  une  faufle  obligation  ;  il  ne 
s'amufa  point  à  plaider  ,  il  produifit  fur  le  champ  une 
faulTe  quittance.. 


Il  eft  vrai  que  nous  ne  voyons  guère  de  morts  reffut 
cités  chez  les  Romains ,  ils  s'en  tenaient  à  des  gué- 
rifons  miraculeufes.  Les  Grecs  plus  attachés  àlamé- 
tempfycofe ,  eurent  beaucoup  de  réfurredions.  Ils  te- 
naient ce  fecret  des  orientaux ,  de  qui  toutes  les  fden- 
ces  &  les  fuperfl;itions  étaient  venues. 

De  toutes  les  guérifons  mîraculetifes  les  plus  attcf- 
tées ,  les  plus  authentiques ,  font  celles  de  cet  aveugle 
à  qui  l'empereur  Vefpajien  rendit  la  vue  ,  &  de  ce 
paralytique  auquel  il  rencjit  l'^ufage  de  fes  membres. 
C'eft  dans  Alexandrie  que  ce  ce  double  mirncle  s'opère; 
c'eft  devant  un  peuple  innombrable,  devant  des  Ro- 
mains ,  des  Grecs  ,  des  Egyptiens.  C'eft  fur  fon  tri- 
bunal que  Veffajîen  opère  ces  prodiges.  Ce  n'eft  pas 
lui  qui  cherche  à  fe  foire  valoir  par  des  prefttgcs ,  dont 
un  monarque  aifermf  n'a  pas  befoin.  Ce  font  c«  deux 
malades  eux  -  mêmes ,  qui  profternés  à  fes  pieds  le 


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r 


DSS     MIRACLES.  I^? 


eonîntent  de  les  guérir  :  il  rougit  de  leurs  prières  < 
il  s'en  moque ,  il  dit  qu'une  telle  guérifon  n'eft  pas 
au  pouvoir  d'un  mortel.  Les  deux  infortuniés  infiftent  : 
Sérapis  leur  eft  apparu  ;  Sérapis  leur  a  dit  qu'ils  feraient 
guéris  par  Vefpqfien.  Enfin  il  fe  laiffe  fléchir  ,  il  les 
touche  fans  fe  flatter  du  fuccès.  La  Divinité  favora^ 
Ue  à  fa  roodeftie  &  à  fa  vertu ,  lui  communique  fon 
pouvoir  ;  à  l'inftant  Taveugle  voit  &  l'eftropié  marche. 
Alexandrie  ,  TEgypte ,  tout  l'empire  applaudilTent  à 
Vefpajien  favori  du  ciel.  Le  miracle  eft  configné  dans 
tes  archives  de  Tempire,  &  dans  toutes  les  hiftoires 
contemporaine^.  Cependant  avec  le  tems  ce  mhracle 
n'eft  CTu  de  perfonnt ,  parce  que  perfonne  n'a  intérêt 
dt  le  foutenir» 

ISi  Ton  en  croit  je  ne  fais  quel  écrivain  de  nos  fiéctes      . 
barbares ,  nommé  Helgaut ,  le  roi  Robert  fils  de  Hugues       \ 
Capet  guérit  aufli  un  aveugle.  Ce  don  des  miracles     JÊ 
dans  Robert  fut  apparemment  la  récompenfe  de  la  cha-    m 
I     rite  avec  laquelle  il  avait  fak  brûler  le  confèifeur  de  fa    1 
femme  &  des  chanoines  d'Oriéans  accufés  de  ne  pas 
croire  l'infaillibilité  &  la  puiflance  abfolue  du  pape , 
&  par  conféquent  d'être  manichéens  :  ou  fi  ce  ne  fut 
pas  le  prix  de  cette  bonne  a<ftion  ,  ce  fut  celui  de 
l'excommunication  qu'il  fouffirit  pour  avoir  couché 
avec  la  reine  fa  femme. 

Les  philofophes  ont  fait  des  miracles  comme  les 
empereurs  &  les  rois.  On  connaît  ceux  A*Apoll9mos 
de  Thiane  ;  c'était  un  philofophe  pythagoricien  ,  tem- 
pérant ,  chaflie ,  &  jufte  ,  à  qui  l'hiftoire  ne  reproche 
aucune  adion  équivoque ,  ni  aucune  de  ces  faibkfies 
dont  fut  accufé  Socrate.  Il  voyagea  jchez  les  mages 
&  chez  les  bracmanes  ,  &  fut  d'autant  plus  honoré 
partout  ,  qu'il  était  modefte  ,  donnant  toujours  de 
(âges  confeils ,  &  difputant  rarement.  La  prière  qu'il 
avait  coutume  de  faire  aux  Dieux  eft  admirable  :  Dieutc 
immortels  ,  accor^dez  -  nous  ce  que  vous  jugerez  con» 
venabie ,  fS  dont  nous  ne  foyons  pas  indignes.  U  n'a- 


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124        Des    miracles. 


▼ait  nul  cntoufiarme  ;  fcs  diTcipIes  en  eurent  :  îTs  lui 
fuppofcrcnt  des  miracles  qui  furent  recueillis  pat  Pér- 
lùjhrate.  Les  Thianeens  le  mirent  au  rang  des  demi* 
Dieux  ,  &  les  empereurs  Romains  approuvèrent  fon 
apothéofe.  Mais  avec  le  tcms ,  rapothéofe  A^Apallo^ 
nior  eût  le  fort  de  celle  qu'on  décernait  aux  empe- 
reurs Romains ,  À  la  chapelle  à'ApoUonios  fut  aufli 
déferte  que  le  Sodtâiiion  élevé  par  l^s  Athéniens  à 
Socrate. 

Les  rois  d'Angleterre  depuis  St%  Edouard ,  jufqu'au 
roi  Guillaume  III 9  firent  journellement  un  grand  mi- 
racle ,  celui  de  guérir  les  ecrouelles  que  les  médecins  ne 
pouvaient  guérir.  Mais  Guillaume  III  ne  voulut  point 
faire  de  miracles ,  &  fes  fuccefTeurs  s'en  font  abftenus 
comme  lui.  Si  l'Angleterre  éprouve  jamais  quelque 
grande  révolution  qui  la  replonge  d&ns  Tignorance) 
alors  elle  aura  des  miracles  tous  les  jours. 


Des    t  s  vM  p  l  e  s. 

On  n*eut  pas  un  temple  fi. t6t  qu'on  reconnut  vn 
Dieu.  Les  Arabes  ,  les  Caldéens ,  les  Perfans  qui  révé- 
raient les  aftres  ne  pouvaient  guère  avoir  d'abord  des 
édifices  confacrés;  ils  n'<t valent  qu'à  regarder  le  ciel, 
c'était  là  leur  temple.  Celui  de  6f/à  B^bilone  pafle 
pour  le  plus  ancien  de  tous  ;  mais  ceux  de  Brama 
dans  l'Inde,  doivent  écre  d'une  antiquité  plus  recu* 
lée  ;  au  moins  les  brames  le  prétendent. 

U  eft  dit  dans  les  annales  de  la  Chine  que  les  pre- 
miçrs  empereurs  fdcrifiaient  dans  un  temple.  Gehii 
à! Hercule  à  Tyr  ne  p  trait  pas  itre  des  plus  anciens. 
Hercule  ne  fut  jamais  chez  aucun  peuple  qu'une  divi- 
nité fecondaire  ;  cependant  le  temple  de  Tyr  eft  très 
antérieur  4  celui  de  Judée.  Hiram  en  avait  un  ma- 
gnifique lorfque  Salomon  aidé  par  Hiram  bâtît  le  fien. 
Hérodote  qui  voyagea  chez  les  Tyriens  ,  dit  que  de 
(on  tems  les  archives  de  Tyr  ne  donnaient  à  ce  tem- 


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P£3      TEMPLES  I2f      S 

pie  que  deux  mille  trois  cent  ans  d'antiquité.  L'Egypte 
était  ren)pUe  de  temples  depuis  tpngceois.  Hérodote  dit 
enc.  r  qu'il  apprit  que  le  temple  de  r«/c«i«  à  Memphis 
avait  été  bâti  pui  M^nèi  vers,  le  tems  qui  répond  à  trois 
mille  ans  avant  notre  ère  ;  &  il  n'eft  pas  à  croire  que 
les  Egyptiens  euITent  élevé  un  temple  i  Vulceàu  avant 
d'en  avoir  donné  Mn  k  Ifishut  principale  divinité. 

Je  ne  puis  concilier  avec  les  mœurs  ordinaires  de 
tous  les  hommes ,  ce  que  dit  Hérodote  au  livre  fé- 
cond ;  il  prétend  qu'excepté  les  Egyptieas  &  les 
Grecs  tous  les  autres  peuples,  avaient  coutume  de 
coucher  avec  les  femmes  au  milieu  de  leurs  tem- 
ples. Je  foupqonne  le  texte  grec  d'avoir  été  corrom- 
pu ;  les  honunes  les  plus  fauvages  s*abftiennent  de 
cette  aâion  devant  des  témoins.  On  ne  s'eft  jamais 
avifé  de  carefTer  fa  femme  ou  fa  maitrefle  en  pré- 
fence  de  gens  pour  qui  on  a  les  moindres  égards. 


■i 


Il  n'eft  guère  podible  que  chez  tant  de  nations 
qui  étaient  relîjgicufes  jufqu'au  plus  grand  fcrupute , 
tous  les  temples  euffent  été  des  lieux  de  profticution. 
Je  crois  qu^Hérodote  a  voulu  dire  que  les  prêtres 
qui  habitaient  dans  l'enceinte  qui  entourait  le  tem- 
ple ,  pouvaient  coucher  avec  leurs  femmes  dans  cette 
enceinte  qui  avait  le  nom  de  tempie ,  comme  en 
ufaieat  les  prêtres  Juifs ,  &  d'autres  :  mais  que  les 
prêtres  Egyptiens  n'habitant  point  dans  l'enceinte , 
s'abftenaîent  de  toucher  à  leurs  fem^nes  quand  ils 
étaient  de  garde  dans  les  porches  dont  le  temple  était 
entouré. 

Les  petits  peuples  furent  très  longtcms  fens  avoir 
de  temples.  Ils  portaient  leurs  Dieux  dans  des  coffres  , 
dans  des  tabernacles.  Nous  avons  déjà  vu  que  quand 
les  Juifs  habitèrent  les  déferts  à  l'orient  du  lac  Af- 
phaltide,iîs  portaient  le  tabernacle  d^sDieu  Renu 
pban ,  du  Dieu  Molok^  du  Dieu  Kium ,  comme  le  di- 
fent  Jirénûe^Amos  &  St.  Etienne. 


^9mm 


I 


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^     ia«  Dif      TBMPtBS. 

C'éft  ainfi  qu'en  ufaient  teutei  les  aotres  petites  na« 
tions  du  défert.  Cet  ufsge  dait  étte  le  plus  ancien 
de  tous ,  par  la  raifon  qu'il  eft  bien  plus  aifé  4*ayoir 
un  çqffire  que  de  bétir  un  grand  édifice, 

Çeft  probablement  de  ces  Dieux  portatif  que  vint 
la  coutume  des  proeeffions  qui  fe  firent  chet  tous  les 
peuples.  Car  il  femble  qu'on  ne  fe  ferait  pas  avifé 
d'ôter  un  Dieu  de  fa  place  dans  fon  temple  pour  le 
promener  dans  la  ville  ;  &  cette  violence  eût  pu  par 
raitre  un  {kcrilè|e ,  fi  l'ancien  ufage  de  porter  fon 
Dieu  fur  un  chariot ,  ou  fur  un  brancard ,  n'ayai^  pas 
été  d^  longtems  établi. 


1 


î 


La  plupart  des  temples  furent  d'abord  des  cita^ 
délies  y  dans  lefquellcs  on  mettait  en  fûrçté  les  cho- 
fes  facrées.  Ainfi  le  palladium  était  dans  la  f<»^terefle 
de  Troye ,  les  boucliers  defcendys  du  ciel  £p  gardaient 
dans  le  papitole, 

Nous  voyons  que  le  temple  des  Juiffe  était  une  mai<* 
ton  forte  ,  capable  de  foutenir  un  aifaut.  Jl  eft  dit 
au  troifiéme  livre  des  Rois  que  Tédifice  avait  foixante 
coudées  de  long ,  &  vingt  de  large  ;  c'eft  environ  qua-r 
tre  -  vingt;  dix  pieds  de  long  fur  trente  de  face.  Il  n'y 
a  guère  de  plus  petit  édifice  public.  Mais  cette  mair 
fon  étant  de  pierre  &  bâtie  fur  une  montagne ,  pou- 
vait au  moins  fe  défendre  d'une  furprife  :  les  fenêtres 
qui  étaient  beaucoup  plus  étroites  au  d^ors  qu'en 
dedans ,  reffemblaient  à  des  meurtrières. 

Il  eft  dit  que  les  prêtres  logeaient  dans  des  appentis 
de  bois  adofles  a  la  muraille. 

Il  eft  diflScile  de  comprendre  les  dimenfions  de 
cette  architeébure.  Le  même  livre  des  Rois  nous  ap- 
prend que  fur  les .  murailles  de  ce  temple  il  y  avait 
trois  étages  de  bois  :  que  le  premier  avait  cinq  cou« 
dées  de  large ,  le  fécond  fix ,  &  le  troifiém^e  fept.  Ces 


"Bprf|bS)'% 


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I 


D  t  î     TEMPLES.  127     || 

proportioiis  ne  fbnt  pas  les  nôtres;  ces  étages  de  bois 
sauraient  furpris  Michel  Ange  &  Brama^tte.  Quoi  qu'il 
en  foit  9  il  faut  confidérer  que  ce  teiBplo  était  bâti 
fur  le  penchant  de  la  montagne  Moria  ,  &  que  par 
eonféquent  il  ne  pouvait  avoir  une  grande  profon-i 
deur.  Il  (alait  monter  plufieurs  degrés  pour  arrivei; 
à  la  petite  efplanade  où  fut  bâti  le  fanduaire ,  long 
de  yingt  coudées.  Or  un  temple  dans  lequelJl  faut 
monter  &  defcendre  eft  un  édifice  barbare.  Il  était 
i^eoommandable  par  fa  fainteté  ^  mais  non  pas  par  fon 
atchîtedure.  Il  n'était  pas  néceâaire  poui*  les  defleina 
de  DiiU  que  la  ville  de  Jérufalem  fik  la  plus  magni*' 
fique  des  vill^ ,  &  (on  peuple  ie  plus  puiflant  des 
peuples  ;  il  n'était  pas  nécefTaire  non  plus  que  fon 
temple  furpaflat  celui  des  autres  nations  ;  le  plus  beau 
des  temples  eft  celui  où  les  hommages  les  plus  purs 
lui  font  offerts, 

La  plupart  des  commentateurs  fc  font  donné  la 
peine  de  deffiner  cet  édifice  chacun  à  fa  manière.  Il 
eft  à  c/oîre  qu'aucun  de  ces  dcflSnateurs  n*a  jamais 
bâti  de  maifon.  On  conçoit  pourtant  que  ces  murail- 
les qui  portaient  ces  trois  étages  étant  de  pierre  ,  on 
pouvait  fe  défendre  un  jour  ou  deux  dans  cette  petite 
retraite. 

Cette  efpèce  de  fortereffe  d'un  peuple  privé  de$ 
arts ,  ne  tint  pas  contre  Nabufardan ,  l'un  des  capi- 
taines du  roi  de  Babilone  que  nous  nommons  Nabu-^ 
çadonofor. 

.  Le  fécond  teippfe  bâti  par  Nébémie  fut  moins  grand 
€c  moins  fomptueux.  Le  livre  d'JEfdras  nous  apprend 
que  les  murs  de  ce  nouveau  temple  n'avaient  que 
trois  rangs  de  pierre  brute ,  &  que  le  refte  était  de 
iïmplie  bois.  C'était  bien  plutôt  une  grange  qu'un  tem- 
ple. Mais  celui  qu'Hérode  fit  bâtir  depuis  fut  une 
-  vra'!e  fortereffe.  Il  fut  obligé  ,  comme  nous  l'apprend 
9     Jofepb ,  de  démolir  le  temple  de  Nébémie ,  qu'il  ap- 


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i2g  Des    t  s  m  p  l  I  s. 


g 


pelle  le  temple  d*Aggie.  Hérode  combla  n&e  pa^e 
du  précipice  au  bas  de  la  montagne  Moria  pour  faire 
une  plate -forme  appuyée  d'un  très  gros  mur  fur  le- 
quel le  temple  fut  élevé.  Près  de  cet  édifice  était  la 
tour  Antonia  qu'il  fortifia  encore ,  dp  forte  que  ce  tem^ 
pie  éui^  une  vraie  ciudelle. 

En  effet ,  les  Juifs  ofèrent  s^y  défendre  contre  Tar- 
mée  de  Titus ,  jufqu'à  ce  qu'un  foldat  Romain  ayant 
jette  une  folive  enflammée  dans  l'intérieur  de  ce  fort , 
tout  prit  feu  à  l'inftant.  Ce  qui  prouve  que  les  bftti- 
mens  dans  Penceinte  du  temple  n'étaient  que  de  bois 
du  tems  d!J^ir.oie  ,  ainfi  que  fous  Nibimie  &  foys 
Sahmon. 

Ces  bitimens  de  &pin  contredifent  un  peu  cette 
grande  magnificence  dont  parle  l'exagérateur  Jofepb, 
Il  dit  que  Tite  étant  entré  dans  le  landualre  Tad-     i^ 
mira ,  &  avoua  que  fa  richefle  paflait  fa  renommée.     S 
Il  n'y  a  guère  d'apparenpe  qu'un  empereur  flopiain     1 
au  milieu  du  carnage  ,  marchant  fur  des  monceagiç 
de  morts ,  s'amufôt  à  confidércr  ayep  admiration  pn 
édifice  de  vingt  coudées  de  long  tel  qii'était  le  fanpr 
tuaire ,  &  qu'un  homme  qui  avait  vu  le  capitole  fût 
furpris  de  la  beauté  d'un  temple  juif.   Ce  temple  était 
très-faint ,  fans  doute  ;  mais  un  fandtuaire  de  vingt 
coudées  de  long  n'ayait  pas  été  bâti  par  un  Vitruve. 
Les  beaux  temples  étaient  c%\i%  d'Eph]èfe ,  .d'Alexan- 
drie ,  d'A^thènes ,  d'Olimpie ,  de  ^ome^ 

Jofeph  dans  fa  déclamation  contxt  Appion\  dit  qu'il 
ne  felait  qv^un  temple  aux  Juifs  ,  parce  qtCil  tiy  a 
qu^un  Dieu,  Ce  raifonnement  ne  parait  pas  concluant  ; 
car  fi  les  Juifs  avaient  eu  fept  ou  huit  cpnt  milles 
de  pays  ,  comme  tant  d'autres  peuples  «  i)  aurait  falu 
qu'ils  paflaffent  leur  vie  à  voyager  pour  aller  facri- 
fier  dans  ce  temple  chaque  année.  De  ce  qu'il  n'y  a 
qu'un  Dieu  ,  il  fuit  que  tous  les  temples  du  mond.e  ne 
doivent  être  élevés  qu'à  lui  >  mais  il  ne  fuit  pas  que  la 

terre 


fc^iHCT».         .  mxl^n 


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i^^ 


D  B  s     T  £  M  P  LE  s.  12^     » 

te^e  ne  doive  avoir  qu'tin  temple.  La  foperftitioii  à 
toàjoors  une  mauvaife  logique. 

-  D'ailleers  comment  Jofepb  peiit-il  dire  qu'il  ne  fa- 
laic  ((u'un  temple  aux  Juift  ,  lorfqu'ils  avaient  depuif 
le  règne  de  Ptolomii  PbilanuPor  le  temple  aiftz  connu 
de  VQnion  k  Bubafte  en  Egypte  ? 

De  £A   magie; 

Qu'eil-ce  que  la  magie  ?  Le  fecret  de  faire  ce  qdt 
hé  peut  &lfe  la  #ature  ;  c'eft  la  chofe  itnpoffibie  ; 
aufli  a-t-on  cru  à  la  magie  dans  tous  les  tems<  Le 
mot  eft  venu  des  Mag  ,  Magdim  ^  ou  Mages  de  Cal<^ 
dée.'  Ils  en  favaient  pltfs  que  les  auéres  ;  ilâ  recher-^ 
chaiént  la  caufe  de  la  pluie  &  du  beau  tôms  ;  &  bien- 
tôt ils  palTèrent  pour  fai^e  le  beau  tems  &  la  plaiej 
Ils  étaient  aftronomes  ;  ks  plus  ignôrans  &  Us  plus 
hardis  furent  aftrologues.  yn  événement  arrivait  fous 
la  conjondion  de  deux  planètes  ^  donc  ces  deux  pla- 
nètes avaient  caufé  cet  événement  \  &  les  aftrologues 
étaient  les  maîtres  des  planètes.  Des  imaginations 
frappées  avaient  vu  en  fonge  leurs  amià  mourans  ou 
morts  \  les  magiciens  fai&ient  apparaître  les  tàotx». 

Ayant  connu  le  ôours  de  la  lune  ,  il  était  tofut  fim^ 
pie  qu'ils  fiflent  defcendre  la  lune  fur  la  terre.  Ils  dif- 
pofaient  même  de  la  vie  des  homiiies  ,  foit  en  faifant 
des  figures  de  cire  ,*  fo|t  en  prononçant  )e  nom  dé 
Dieu  ,  ou  celui  du  diable.  Clément  d'Alexandrie  i 
dans  fes  ftromatcs ,  livre  1er,  dif  que  fbîvant  uVl  an- 
cien auteur  ,  Jd^e  prononçai  le  nom  de  Ibabo  ,  ou 
Jebovab  ^  d'une  'manière  fi.  efficace  à  l'oreille  du  roi 
d'Egypte  Pbara  Nekefr ,  que  ce  roiren^  mourut  fyr  U 
champ. 

Enfin ,  depuis  Jankir  Se  Mwkbrèf ,  qûî  ééiteflf  les 
fereiers  à  brevet  de  Pifr^^rho»' ^  jufqu'à  la  maréchale 
diAncrt  qui  fut  brûlée  îr  Paris  pour  avoir  tjiéuh  do^ 

EJfiUfurlis  mœurs ,  &c.  Tom.  Il  ^ 


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smamaaBaBmguKmsBBSsaB 


D  8* .  L  A      M  A   O  I  K. 


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blaoc  datifi  la  pleine  lime ,  il  n'y  «  pas  en  un  feul  tems 
fans  fortilège. 

La  pythonifle  d'Endor  qyi  évoqua  l'ombre  de  Sa^ 
muel ,  eft  affez  connue  ;  il  eft  vrai  qu'il  eft  fort  étrange 
que  ce  mot  de  Python  qui  eft  grec ,  fût  connu  des 
Juifs  du  tems  de  Scuih  Pluficurs  favans  en  ont  con- 
clu que  cette  hiftoire  ne  fut  écrite  que  auandies  Juifs 
furent  en  commerce  avjec  .les  Grecs  aptes  Alexandre  ; 
mais  ce  n'eft  pas  ce  dont  il  s'agit  ici. 

Revenons  à  la  magie.  Les  Juii^  ^n  firent  le  métier 
dès  qu'ils  furent  répandus  dans  le  monde.  Le  fabbat 
des  farciers  en  eft  une  preuve  parlante  ;  &  le  bouc 
avec  lequel  les  forcières  étaient  fuppofées  s'accoupler, 
vient  de  cet  ancien  commerce  que  les  Juifs  eurent 
avec  les^boucs  dans  le  défert ,  ce  qui  leur  èft  reproché 
^8  le  Lévitique ,  chap.  XVU. 

Il  n'y  a  guère  eu  parmi  nous  de  procès  criminels 
de  forcielrs ,  fans  qu'on  y  ait  impliqué  quelque  Juif. 

Les  Romains ,  tout  éclairés  qu'ils  étaient  du  tems 
A^Augufie ,  s'infatuaient  encor  des  fortilèges  tout  com< 
me  nous.  Voyez  Téglogue  de  Virgile  intitulée  Pbar» 
maceutria  : 

Carmna  veî  œh  pojitnt  deduare  iunam, 

La  vdx  lie  renchanteur  fait  deicendre  la  Innl. 

His  ego^fétpe  bi^mferi  S^fe  çondereJUvis 
Murim ,  ftpe  aninm  imis  exire  /efuj/aris. 
Mosris  devenu  loup  fe  cadiait  dans  les  Ih^s  ^ 
i)ii  creux  de  leur  tombeau  fai  vu  forttr  les  amts. 

pn  s'étonne  que  Virg^e  paflc  aujourd'hui  à  Naples 
j)oui:  un  forcier.  H  n'en  faut  pas  chercher  la  rdfon 
ailiers  que  dans  cette  é^ogue. 


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Db    la    magis. 


181    f 


Moract  reproche  à  Sagana  &  k  Camdia  leurs  hor- 
ribles  fortilèges.  Les  premières  têtes  de  la  républi* 
que  larenc  ii&âées  de  ces  imaginations  funeftes.  Sest^ 
tus ^\t^%  du  grand  Pompii ,  immola  un  enËint  dans 
un  de  ces  eachantemens. 

1^  philtres  pour  Te  f^ire  aimer  étaient  une  magie 
plus  douce  ;  les  Juifs  étaient  en  poiTeffion  de  les  Ven- 
dre  ^flz  dames  Romaines.  Qeux  de  cette  nation  qui 
ne  pouvaient  devenir  de  riches  courtiers ,  faifaient  des 
prophéties  ou  des  philttes. 

Toutes  ces  extravagances ,  ou  ridicules  ,  ou  affret»> 
Tes ,  fe  perpétuèrent  chez  nous  ;  &  il  n'y  a  pas  un 
fiécie  qu'elles  font  décréditées.  Des  miflionnaires  ont 
été  tout  étonnés  de  trouver  ces  extravagances  au 
bout  dn  monde  ;  ils  ont  plaint  les  peuples  à  qui  le 
démon  les  infpitaft.  Eh  mes  amis  ,  que  ne  refilez^ 
vous  dans  votre  patrie*?  vous  n'y  auriez  pas  trouvé 
plus  de  diables ,  mais  vous  y  auriet  trouvé  tout  au^ 
tant  de  fottires. 

Vous  auriez  vu  des  milliers  de  miférables  aflez  in- 
fenfés  pour  fe  croire  forciers  >  &  des  juges  aflez  im- 
bécilles  &  aflez  barbares  pour  les  condamner  aux 
flammes  ;  vous  auriez  vu  une  jurifprudence  établie 
en  Europe  fur  la  magie ,  comme  on  u  des  loix  fut 
le  larcin  &  fur  le  meurtre  ;  jurifprudence  fondée  fiit 
tes  déciCons  des  conciles.  Ce  qu'il  y  avait  de  pis, 
c'eft  que  ks  peuples  voyant  que  la  magiftrature  6k 
féglife  croyaient  i  h  magie ,  n'en  étaient  que  plus 
invinciblement  perfuadés  de  fon  exiftence  ;  par  c5nw 
féquent ,  pltis  on  pourfuivait  les  forciers ,  plus  il  s*en 
formait.  D'oû  venait  une  erreur  fi  foneftc  &  fi  géw 
nérale?  de  l'ignorance  ;  ■&  och  prouve  que  ceux  qui 
détrompent  les  hommes  font  leurs  véritables  bien- 
fidifkeurs. 

On  t  dit  q«^  le  oonfentOBielit  de  totis  les  hom- 
ma  était  um  preuve  de  la  vérité,  %clle  preuve  1 

I   îj 


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XÉêâ^ 


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«*«#» 


De    lamagie. 


tous  les  peuples  ont  oru  à  la  magie,  à  rafr.ologîc, 
aux  oracles ,  aux  influences  de  la  lune.  Il  eût  falu 
dire  au  moins  que  le  confentemerit  de  tous  les  fa- 
êes  était ,  non  pas  une  preuve ,  mais  une  efpèce  de 
probabilité.  '  Et  quelle  probabilité  encore  !  tous  les 
ûges  ne  croyaient-ils  pas  avant  Copernic  que  la  terre 
était  immobile  au  centre  du  monde  ? 

Aucun  peuple  n'eft  en  droit  de  fc  môquei^d'un 
autre.  Si  Rabelais  appelle  Picatrix  ,  mon  révérend 
père  en  diable  ,  parce  qu'on  enfeignaît  la  magie  à 
Tolède  ,  à  Salamanque  &  à  Seviile  ,  les  Efpagnols 
peuvent  reprocher  aux  Français  le  nombre  prodigieux 
de  leurs  forciers. 

La  France  eft  peut-être  de  tous  les  pays  celui  qui 
a  le  plus  uni  la  cruauté  &  le  ridicule.  11  n'y  a  point 
de  tribunal  en  France  qui  n'ait  fait  brûler  beaucoup 
de  magiciens.  Il  y  avait  da^s  l'ancienne  Rome  des 
fous  qui  penfaient  être  forciers  ;  maia  on  ne  trouva 
point  de  barbares  qui  les  brûlaflent. 

Des   victimes   humaines. 

Les  hommes  auraient  été  trop  heureux  s'ils  n'a* 
valent  été  que  trompés  \  mais  le  tems  qui  tantôt  cor- 
rompt  les  ufages ,  &  tant&t  les  reâifie  ,  ayant  fait 
couler  le  fang  des  animaux  fur  les  autels  ',  des  pré^ 
très  bouchers  accoutumés  au  fang  ,  palTèrent  des 
animaux  aux  hommes  ;  &  la  fuperitition  fille  déna* 
turéede  la  religion  s'écarta  de  la  pureté  de  fa  mère  « 
au  point  de  forcer  les  hommes  à  immokr  leurs  pro- 
pres enfans ,  fous  prétexte  qu'il  &lait  donner  à  DllU 
«e  qu'on  avait  de  plus  cher. 

Le  premier  facrifice  de  cette  natqfe  ,  fi  l'on  en 
croit  les  fragmens  àt  Sancbomaton  ^î)àt  celui  dejie- 
bud  chez  les  Phéniciens  ,  qui  fut  immolé  par  ion 
père  Hillu  environ  deux  mille  ans  avant  notre  ère. 


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Des  TixiXiiiKs  humaiitis.    13$    ' 

^— ^M^it— âfc*^— — — — ^—  I  II— ■— ^— — ^i— ^ 

C'était  ta  Heibs  aà  les  mhdt  étittv  éitidnt  «UJt  et» 
blis ,  oà  la  Syrie  ,  la  CaTdée ,  TEgypIè  éttkat  tvit  flob 
riflkntes  ;  ât  déjà,  dit  Hirodoêe ,  on  myiltme  fittè 
dans  la^  Nil ,  pour  obtenir  de  ce  fleure  un  pbfai  d»> 
bordement ,  qui  ne  ftt  ni  trop  fort ,  ni  trop  MtAc. 

Ces  abominables  holocauftes  s'établirent  dans  preA 
que  toute  la  terre.  Paufanias  prétend  que  iMc^m 
immola  le  premier  des  viâimes  humaines  en  Grèce^ 
Il  falait  bien  que  cet  ufàge  ftt  reçu  du  tems  de  I9 
guerre  de  Troye ,  puis  ({m^ Homère  fait  immoler  par 
AcbiUe  douze  Troyens  à  l'ombre  de  Patrocle.  m* 
mire  eût-il  ofé  dire  une  chofe  fi  horrible  ?  n'aurait» 
il  pas  craint  de  révolter  tous  fes  ledeurs  ,  fi  de  tels 
holocauftes  n'avaient  pas  été  en  u&ge  ?  Tout  poêle 
peint  les  mœurs  de  fon  pays. 
-, 

Je  ne  parle  pas  du  facrifice  à^lpbigénie  &  de  cèhsi 
Sldamante  fils  &Iiominie  :  vrais  ou  faux  ils  prouvent 
Pppînîon  régnante.  On  ne  peut  guère  révogocr  en 
doute  que  les  Scythes  delà  Tauride immolaflcnt  des 
étrangers. 

r  Si  nous  ddcendons  à  des  tems  plus  modernes  ,  les 
Tyriçns  &  les  Carthaginois ,  dans  les  grands  dangers  ^ 
Ëicrifiaient  un  homme  à  Saturne.  On  en  fit  autant  enlt*- 
.Ue  ;  &  lès  Romains  eux-mêmes  qui  condamnèrent  cet 
horreurs  ,  immolèrent  deUx  Gaulois  &tleiix  Grecs  pour 
expier  le  crime  d'une  véftale.  C'eft  Pltatirque  qui  no88' 
Fapprend  dans  (es  queftions  fur  les  Romains. 

Les  Gaulois  ,  les  Germains  eurent  cette  horrible 
coutume.  Les  druides  brûlaient  des  viâimes  humai- 
nes dans  de  grandes  figures  d'ofier  :  des  forcières^^ 
chez  les  Germains ,  égorgeaient  les  hommes  dévoitéf 
à  la  mort ,  &  jugeaient  de  l'avenir  par  le  plus  ou  le 
moins  de  rapidité  du  fang^ui  coulait  de  la  bleiffire. 

,         |t^  crois  bien  que  ces  facrifices  étaient  rares  :  s'ils 
1    avaient  été  fréquens ,  fi  on  en  avait  fait  des  féte$ 

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-annnellet  ;  fi  chique  Bimille  avait  eu  condnoellemeiif 
à  craindre  que  les  prêtres  vinflent  choifîr  la  plus  belle 
fille  9  ou  le  fils  aine  de  la  maifoa  pour  lui  arracher 
le  cœur  faintement  fur  une  pierre  con&çrée  ,  on  au* 
rait  bientôt  fini  par  immoler  les  prêtres  eux-mêmes. 
Il  eft  très  probable  que  ces  faints  parricides  ne  fe 
commettaient  que  dans  une  néceffité  prefTante  ,  dans 
les  grands  dangers  où  les  homme.s  font  fubjugués  par 
la  crainte  ,  &  où  la  fiiufTe  idée  de  l'intérêt  public 
formait  rintérêt  particulier  à  fç  taire, 

~  Chez  Içs  brames  «  toutes  les  veuves  ne  fe  brûlaient 
pas  tQÙjours  fur  les  corps  de  leurs  maris.  Les  plus 
dévotes  &  les  plus  folles  firent  de  tems  immémorial  « 
'&  font  encor  cet  étonnant  facrîfice.  Les  Scythes  immo- 
lèrent  quelquefois  aux  mânes  de  leurs  kans  les  ofiiciers 
Içfi  plus  chéris  de  ces  princes.  Hirodqfe  dit  qu'on  les 
jempalait  autour  du  cadavre  royal  ;  mais  il  ne  parait 
ppint  par  l'hiftoire  que  cet  ufage  ait  duré  longtçms. 

Si  nous  iifîohs  Thiftoire  des  Jui&  écrite  par  un  au^ 
teur  d'une  autre  nation ,  nous  aurions  peine  à  croire 
qu*il  y  ait  eu  en  effet  un  peuple  fugitif  d'Egypte  , 
qui  foit  venu  par  ordre  exprès  de  Dieu  immoler  fept  ou 
huit  petites  nations  qu'il  ne  connaiifait  pas ,  égorger 
làns  miféricorde  toutes  les  femmes ,  les  vieillards  & . 
les  enfans  à  la  mammelle  ,  &  ne  réièrver  que  les  peti* 
tes  filles  ;  que  ce  peuple  (àint  ait  été  puni  de  fon 
Dieu  quand  il  avait  été  aflez  criminel  pour  épargner 
QA  feul  homme  dévoué  à  l'anathéme.  Nous  ne  croi- 
rions pas  qy*un  peuple  fi  abominable  eût  pu  exifter 
fur  la  terre  :  ipais  comme  cette  nation  elie-méme  nous 
rapporte  tous  çe^  faits  dans  fes  livres  (kints  ,  il  faut 
}a  croire. 

Je  ne  traite  pohrt  ici  la  queftion  fi  ces  livres  ont 
^té  înfpirés.    Notre  fainte  églife  qui  a  les  Juîfe^en 
horreur  ,  nous  apprend  <jue  le?  livres  juifs  ont  été 
1  '     di<^és  par  leDlEÛ  créateur  &père  de  tous  leshom^ 


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rite 


H 


HUMAINE 


2Î 


mes;  je  ne  puis  en  former  aucun  doute,  ai  me  per^ 
mettre  même  le  moindre  raifonnement. 

Il  eft  vrai  que  notre  faible  entendement  ne  peut 
concevoir  dans  Dieu  une  autre  fagefle ,  une  autre 
juftice ,  une  autre  bonté  que  celle  dont  nous  avons 
ridée  ;  mais  enfin ,  il  a  fait  ce  qu'il  a  voulu  ;  ce  n'eft 
pas  à  nous  de  le  juger  ;  je  m'en  tiens  toujours  an 
fimple  hiilorique. 

Les  Jttift  ont  une  loi  par  laquelle 'Il  leur  eft  ex- 
preflement  ordonné  de  n'épargner  aucune  chofe  >  aucuft 
homme  dévoué  au  Seigneur.  On  ne  pourale  racheter^ 
il  faut  qu^il  meure ,  dit  la  loi  du  Lévitique  au  chapi- 
tre XXVII.  C'eft  en  vertu  de  cette  loi  qu'on  voit  Jepbti^ 
immoler  fa  propre  fille  ,  le  prêtre  Samuel  couper  en 
morceaux  le  roi  Agc^.  Le  Pentateuque  nous  dit  que 
<)ans  le  petit  pays  de  Madian ,  qui  eft  environ  de  neuf 
lieues  quarrées ,  les  Ifraêlites  ayant  trouvé  fix  cent 
foixante  &  quinze  mille  brebis,  foixante  &  douze  mille 
bœufs,  foixante  &  une  mille  ânes,  &  trente-deux  mille 
filles  vierges ,  Moife  commanda  qu'on  maflaprât  tous 
les  hommes ,  toutes  les  femmes  ,  &  tous  les  enfans , 
mais  qu'on  gardât  les  filles,  dont  trente -deux  feule- 
ment furent  immolées.  Ce  qu'il  y  a  de  remarquable 
dans  ce  dévouemeht ,  c'eft  quç  ce  même  ilf9(/>  était 
gendre  du  grand -prêtre  des  Madianites  Jitbro  ^  qui 
lui  avait  rendu  les  plus  fignalés  fervices ,  &  qui  l'avait 
comblé  de  bienfaits. 


Le  même  livre  nous  dit  que  Jofui ,  fils  de  T^un , 
ayant  pafTé  avec  fa  horde  la  rivière  du  Jourdain  à 
pied  fec ,  &  ayant  fait  tomber  au  fon  des  trompettes 
les  murs  de  Jérico  dévouée  à  l'anathéme ,  il  fit  périr 
tous  le$  habitans  dans  les  flammes  ,  qu'il  conferva 
feulement  Rcéab  la  paillarde  &  fa  famille ,  qui  avait 
caché  les  efpiens  du  faint  peuple  :  que  le  même  Jofui 
dévoua  à  la  mort  douze  mille  habitans  de  la  ville  de 
S^  tiaï ,  qu'il  immola  au  Seigneur  trente  &  un  rois  du 
\3f  I   iiij  a 


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i^ M  ICI»  ^*!  '^'fjglfelt 

1^6  Des  victimes  humaines.  * 

pays ,  tous  fournis  à  Vanathémc  ,  ëc  qui  furent  pen« 
dus.  Nous  n'avons  rien  de  comparable  à  ces  aflaffinats 
religieux  dans  nos  derniers  tems ,  fi  ce  n'eft  peut-être 
la  St.  Bafthelemi  jt  les  mafîacrcs  d'Irlande* 

Gc  qtt'U  y  a  de  trîfte ,  c'eft  que  plufieurs  perfonncç 
doutent  que  les  Juifs  ayent  trouvé  fix  cent  foixante 
&  quinze  mille  brebis  ,  &  trente  -  deux  mille  filles 
pucelles  dans  le  village  d'un  défert  au  milieu  des 
rochers ,  &  que  perfonne  ne  doute  de  là  St.  Barthe* 
lemi.  Mais  ne  ceffons  de  répéter  combien  les  lumiè- 
res de  notrç  raifon  font  impuiflantes  pour  nous  éclai- 
rer fur  les  étranges  événemens  de  l'antiquité ,  &  fur 
les  raifons  que  Dieu  ,  maître  de  la  vie  &  de  la  mort , 
iJ>ouvait  avoir  de  choifir  le  peuple  Juif  pour  ipxtermir 
per  le  peuple  Cananéen^ 


fi 


Pk$  MysTiRE$  DE  Cérès  Eleusine. 

Pans  le  chaos  des  fuperftitions  populaires  qui  au*, 
raient  fait  de  prefque  tout  le  globe  un  vafte  repaire 
des  bétes  féroces ,  il  y  eut  une  inftitution  falutaire, 
qui^çmpécha  une  partie  du  genre -humain  de  tomber 
dans  un  entier  abrutiffement  ;  ce  fut  celui  des  myflè- 
res  &  des  expiations.  Il  était  impoiOble  qu'il  ne  fe 
trouvât  des  efprics  doux  &  fages  parmi  tant  de  fous 
crpels,&  qu'il  n'y  eût  des  phHofophes  qui  tàchaffen^ 
d^  ramener  les  hommes  à  la  raifon  &  à  la  morale. 

Ces  faces  fe  fçryirent  de  la  fuperftition  même  pour 
en  corriger  les  abus  énormes,  comme  on  employé  le 
cœur  des  vipères  pour  guérir  de  leurs  morfures  ;  on 
mêla  beaucoup  de  fables  ayec  des  vérités  utiles  ^  ^  Içs 
vérités  fe  foutinrênt  par  les  fables. 

On  np  connaît  plus  lets  myftèrqs  ifi  Zaroofire,  Qa 
fait  peu  de  chofe  de  ceux  d'^x ,-  mais  nous  ne  pou^ 
yons  douter  qu'ils  n'annonqaflent  le  grand  fyftême 
d'pnç  m  futpre  -,  car  Çelfa  dit  ^  Qn^^ne ,  liyrp  Vlllf, 


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msmét^ 


Des  MtsTèREs  de   Cérès.  137    « 


Vouf  vfnis  vanpiz  de  croire  des  peiftes  éternelles^  Sf 
tous  Ips  tfiimjhres  des  myjiires  ne  les  anncinçèrtfft''ils 
pas  (fux  initiés  ? 

L'unité  de  D|EÇ  était  le  grand  dogn^e  de  tous  les 
ihyftçres.  Nous  ayons  encor  la  prière  dds  prftreflïs 
d'ifis  confervée  dans  Apulée.  Les  puijfanees  çélejies 
te  fervent  ,•  les  enfers  te  font  fournis  ,•  Vt^ivers  to^rne 
fous  ta  mains  tes  piçds  foulent  le  Tartare  $  les  aftres 
répondent  à  fa  voix^  lesfaifons  revieni$ent  a  fes  çrdress 
ffs  f If  mens  fobiijfent, 

^  Les  cérémonies  myftérîeufes  de  Céris  furent  une 
imitation  de  celles  à'Ifts,  Ceux  qui  avaient  commis 
des  crimes  les  confeflaient  &  les  expiaient  :  on  jeû- 
nait ,  on  fe  purifiait ,  on  donnait  l'aumône.  Toutes  les 
cérémonies  étaient  tenues  fecrettes  fous  la  religion 
du  ferment  pour  les  rendre  plus  vénérables.  Les  myf- 
tères  fe  célébraient  la  nuit  pour  infpirer  une  fainte 
horreur.  On  y  repréfentait  des  efpèces  de  tragédies  , 
dont  le  fpedtacle  étalait  aux  yeux  le  bonheur  des  juftes 
&  les  peines  des  méchans.  Les  plus  grands  -  hommes 
de  l'antiquité  ,  les  Platons ,  les  Cicérons  ont  fait  Té- 
loge  de  ces  myftères ,  qui  n'étaient  pas  encor  dégé* 
néréf  dp  leur  pureté  première. 

De  très  fevans  hommes  ont  prouvé  que  le  fixiéme 
livre  de  V Enéide  n'eft  que  la  peinture  de  ce  qui  fe 
pratiquait  dans  ces  fpedlacles  fi  fecrets  &  fi  renom- 
més. 11  n^y  parle  point  à  la  vérité  du  Demiourgos  qui 
repréfentait  le  créateur  ;  mais  il  fait  voir  dans  le  vefti- 
bule ,  dans  l'avant-fcène ,  les  enfans  que  leurs  parens 
avaieht  laiffé  périr ,  &  c'était  un  avertiflement  aux 
pères  &  aux  mères  : 

Céntinu^  audits  veces ,  vagUus  gf  ifsgens ,  Qfc^ 

Enfuite  paraiflait  Minos  qui  jugeait  les  morts.  Les 
méchans  étaient  entraînés  dans  le  Tartare ,  &  les  juftes 
conduits  dans  les  champs  Elifées.  Ces  jardins  étaient 


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BMtaBaElÉtf|9HHË& 


13g       Des    m  t  s  t  è  r  fi  s 

tout  ce  qu'on  avait  iriTenté  de  mieux  pour  les  boni- 
me»  ordinaires.  U  n'y  avait  que  les  héros  demi-Dieux 
i  qui  on  accordait  l'honneur  de  monter  au  ciel.  Toute 
religi.on  adopta  un  jardin  pour  la  demeure  des  juftes  ; 
&  ihéme  quand  les  efleniens  chez  le  peuple  Juif  reçu- 
tei(it  le  dogme  d'une  antre  vie  ,  ils  crurent  que  les 
bons  iraient  après  la  mort  dans  des  jardins  au  bord 
de  la  mer  :  car  pout  les  pharifiens ,  ils  adoptèrent  la 
métempfycofe ,  &  non  la  réfurredUon.  S'il  eft  permis 
de  citer  l'hiftoire  facrée  de  Jesus-Christ  parmi  tant 
de  chofes  profanes ,  nous  remarquerons  qu'il  dit  au 
voleur  repentant ,  Tu  feras  aujourd'hui  avec  moi  dans 
le  jardin  (a).  II  fe  conformait  au  langage  de  tous 
les  hommes. 

ILes  myftères  d*Eiet(lhte  devinrent  les  plus  célèbres.  . 
Une  chofe  très  remarouable ,  c'eft  qu'on  y  Ii(ait  le  coin-  r 
mcncement  de  la  théogonie  de  Sanchoniaton  le  Phé-  H 
nieîen  ;  c'eft  ufie  preuve  que  Sanchoniaton  avait  .an-  ^1 
~  Boncé  un  Dieu  fupréme ,  créateur  &  gouverneur  du 
monde.  C'était  donc  cette  dodrine  qu'on  dévoilait  aux 
initiés  imbus  de  la  créance  du  polythéifine.  Figurons- 
nous  parmi  nous  un  peuple  fuperftitteux  qui  ferait  ac- 
coutumé dès  fa  tendre  enfance  à  rendre  à  la  Vierge  ,  à 
St,  Jofepb^dux  autres  faints  le  même  culte  qu'à  Dieu 
k  père.  Il  ferait  peut-être  dangereux  de  vouloir  les 
détromper  tout  -  d'un  -  coup  ;  il  fçrait  fage  de  révéler 
d'abord  aux  plus  modérés,  aux  plus  raifonnables  ,  la 
diftance  infinie  qui  eft  entre  Disu  &  les  créatures. 
C'eft  précifément  ce  que  firent  les  myftagogues.  Les 
participans  aux  mvftères  s'affemblaient  dans  le  temple 
de  Cérêfy  &  l'hiérophante  leur  apprenait  qu'au-lieu 
d'adorer  Cérêj  conduîfant  Triptolime  fur  un  char  traîné 
par  des  dragons ,  il  falait  adorer  le  Dieu  qui  nourrit 
les  hommes  ,  &  qui  permit  que  Cirés  &  Triptolime 
miffent  l'agriculture  en  honneur. 

<  ,      .  (b)  Loo-ehap.  XXIII. 

Sftgtfs^^^'™ I  iiipiimateiwt     I  ■  mmSà 


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B  X       C  £   R   È  6. 


139      ^ 


CeUf  eft  fi  vrai  que  TUérophamte  commenqait  par 
réciCer  les  vers  de  l'ancien  Orphée ,  Marchez  dam  ia 
voie  de  la  juftsce  ,  adore»  le  Jeulnuâtre  de  Funivert  ; 
il  eft  tm  y  il  eftjeulfar  bd^mime ,  totts  les  êtres  lui  doL 
vent  léser  exijience  $  il  agit  dans  euse  &  par  etiss^  il 
voit  tostt ,  &  jamais  il  sfa  iti  tm  des  yen»  mortels. 

J'avQpe  que  je  ne  conçois  pas  comment  Paufanîas 

S  eut  dke  que  ces  Tcrs  ne  valent  pas  ceux  ^*  Homère  \ 
faut  convenir  que  du  moins  ,  pour  le  fens  ,  ils 
valent  beaucoup  mieux  que  llliade  &  rOdyfTée 
entière. 

Il  ^t  avouer  09e  Tévéque  fFarbttrton ,  quoique 
très  injufte  dans  plufieurs  de  fes  décifions  audadeu- 
fes ,  donne  beaucoup  de  force  à  tout  ce  que  je  ^iens 
de  dire  de  la  néceluté  de  cacher  Iç  dogme  de  l'u- 
nité de  DiffCJ  à  un  peuple  entêté  du  polythéifme. 
Il  remarque. d'après  Plntaraue  que  le  jeune  Alcibia* 
de  ayant  alTifté  à  ces  myfteres  ,  ne  fit  aucunç  diffi- 
culté d'infiilter  aux  ftatues  de  Merctire  dans  une  par- 
tic  de  débauche  avec  plufîeurs  de  fes  amis ,  &  que 
le  peuple  en  fureur  demanda  la  condamnation  d'i^f 
(ibiade. 

Il  falait  donc  alors  la  plus  grande  difcrétion  pour 
ne  pas  choquer  les  préjugés  de  la  multitude.  Ali» 
sandre  lui-même  ayant  obtenu  en  Egypte  de  l'hié- 
rophante des  myfteres  ,  la  permiflion  de  mander  à 
fa  mère  le  fecret  des  initiés  ,  la  conjura  en  même 
tems  de  brûler  fa  lettre  après  l'avoir  lue  ,  pour  ne 
pas  irriter  les  Grecs, 

Ceux  qui  trompés  par  un  faux  zèle  ont  prétendu 
depuis  que  ces  myfteres  n'étaient  que  des  débauches 
infâmes  ,  devaient  être  détrompés  par  le  mot  même 
qui  répond  à  initiis  $  il  veut  dire  qu'on  commen- 
tait pne  nouvelle  vie. 


=9^1; 


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140       Des    mystères 

^ ■— — ^—    I  I  III  I  wmummifmmmmm 

Vïie  preuve  emx>r  ftns  tépltqiie  que  ca  mtRères 
n'étaient  célébrés  qoé  pour  iûTpirer  là  vectu  Kux  hoÉnt- 
mes ,  c'eft  la  formule  par  bquelle  on  congédiait  Tail 
■feinblée.  On  prononçait  chez  les  Grecs  .les  dettt  an- 
ciens mots  phéniciens  lùjf  ompbet ,  Veiliez  &Jqyeg 
purs.  EnfiQ  pout  dernière,  preuve  »  c'eft  que  l'empe- 
reur Néron  coupable  de  la  mort  de  fa  n\ere  »  ne  put 
être  reçu  à  ces  myftèrcs  qjuand  il  voyagea  dans  la 
Grèce  ;  le  crime  était  trop  énorme  :  &  tout  empereur 
qu'il  était ,  les  initiés  n'autaient  pas  voulu  Tàdmeé- 
tre.  Zqfîme  dit  auili  que  Conjlantin  ne  put  trouver 
de  prêtres  payeris  qui  Voulurent  te  purifier  S  Tabfou- 
dre  de  fes  parricides. 

n  y  avait  donc  en  elFét  chez  tes  peuples  qu'on 
noI^hle  payehs ,  gentils  ,  idolâtres  ,  une  religion  très 
purç  5  tandis  que  les  peuples  &  les  prêtres  avaient 
des  u(àges  honteux  »  des  cérémonies  puériles ,  dés 
doctrines  ridicules ,  &  que  même  ils  verfaient  ouel^ 
quefois  lé  fang  Humain  à  l'honneur  de  quelques  Dieux 
imaginaires  ,  méprifés  &  déteftés  par  les  £iges. 

dette  religion  pure  cohfiftâit  dans  l'aveu  de  l'exit 
tènce  d'iin  DiÉù  fupréme  ,  de  £1  providence  &  de 
fàjuftice.  Ce  qui  défigurait  ces  myftères,  c'était,  fi 
l'on  en  crçit  Tertullien  ,  la  cérémonie  de  la  régéné- 
ràtiôri.  Il  falait  que  Pinitié  parût  reflufciter  ;  c'était 
le  fynibolé  du  genre  nouveau  de  vie  qu'il  devait  éni- 
brafler.  On  lui  préfèntait  une  couronne,  il  la  fou- 
lait aux  pieds  ;  l'hiérèphaiïte  levait  fur  lui  le  cou- 
teau fkcré  :  l'initié  qu'on  feignait  de  frapper  feignait 
àùfii  de  tombée  moit  ;  après  quoi ,  il  paraiflait  ireC- 
fufciter.  Il  y  a  encor  chez  les  francs-maqons  un  reOe 
de  cette  ancienne  ce  rémonie. 

Paufanias  dans  fes  arcadiques  nous  apprend  que 
dans  plufièurs  temples  d'£/f  1^1»^  tm- flagellait  lespé- 
hftens ,  les  initiés  ;  coutume  odîeufe ,  intitKloite  loi^- 
â(     tems  après  dans  plufieurs  églilès  chrétiennes.  Je  9e      * 

^^jipii      '  '  -      \mm\ti\y\  ■■■■■! ffcsS 


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4oute  pa6  qae  (^«iis  tous  ces  myftères.^,  dont  le  fonds 
était  fi  fage  &  fi  utile  ,  il  n'eotràt  beaucoup  de  fu« 
perftîtions  condannables.  Les  fuperltitions  conduifi*" 
rent  à  la  débauche  ,  qui  amena  le  mépris.  Il  ne 
reAs  en&i  de  tous  ces  anciens  myftères  que  des  trou- 
par  de  gueux  que  nous  avons  vus  fous  le  nom  d'E- 
gyptiens &  de  Bohèmes  coucjr  r£urope  avec  des  caf- 
tagnettes  ,  danfer  la  danfe  ies  prêtres  d^Ifis  ,  ven- 
dre du  baume ,  guérir  la  galle  ,  &  en  être  couverts , 
dire  la  bonne  avanture  ,  &  voler  des  poules.  Telle 
a  été  la  fin  de  ce  qu'on  a  eu  de  plus  lacré  dans  la 
moitié  de  la  terre  connue. 

Des  Juifs  ,  au  tems  ou  ils  commencèrent 
a  être  connus. 

Nous  toucherons  le  moins  que  nous  pourons  à  ce 

S*  qui  eft  divin  dans  l'hîftoire  des  Juifs  ;  ou  fi  nous  fem- 
mes forcés  d'en  parler  ,  ce  n'efl:  qu'autant  que  leurs 
miracles  ont  un  rapport  eflentiel  à  ta  fuite  des  événe- 
hiens.  Nous  avons  pour  les  prodiges  continuels  qui 
fignalèrent  tous  les  pas  de  cette  nation ,  le  refpeA 
qu'on  leur  doit.  Nous  les  croyons  avec  la  foi  raifonna- 
ble  qu'exige  Péglife  fubftituée  à  la  fynagogoe  ;  nous  ne 
les  examinons  pas,  nous  nous  en  tenons  toujours  à 
Phiftorique.  Nous  parlerons  des  Juifs  comme  nous  par- 
lerions des  Scythes  &  des  Grecs ,  en  pefant  les  proba- 
bilités &  en  difcutant  les  faits.  Perfonne  au  monde 
n'ayant  écrie  leur  hifioire  qu'eux-mêmes  avant  que  les 
Romains  détruififlent  leur  état ,  il  faut  ne  confulcer 
que  leurs  annales.       / 

Cette  nation  eft  des  plus  modernes ,  à  ne  la  regar- 
der comme  les  autres  peuples  que  depuis  le. tems 
où  elle  forme  un  établifTement ,  &  où  elle  {^ofTède 

Îune  capitale,    tes  Juifs  ne  paraifTent  confid^rés  de 
leurs  voifins  que  dû  tems  de  Scdomon ,  qui  était  à- 
peu-près  celui  à^Héfîode  &  ^l  Homère ,  &  des  premiers     L 
archontes  .d'Athènes.  ft 


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||g[t>i«i  inwpit.  ''MitM 

i  ^   14s  D  A  •  J  V  I  t  ft.  ff 

le  MA  Je  Srimtùk  on  AMphim^ dk  ibvt  cqpm 
J»i  orienta W  ;  mail  ethii  de  Jiatni  ne  Vtk  point  ^ 
£iiè/  encor  moint.  Les  Jbifà  avant  &M  ne  paraît 
fent  qn'yne  horde  d'Arabes  du  déftrt ,  fi  peo  poiffima 
i|tte  lea  Plnhiclena  let  traitaient  è^peu-prèa  oobum 
kf  Lacédémonfens  traitaient  les  Ilotes.  C'étaient  des 
dTcia^ef  auxquels  il  n'était  pas  permis  d'avoir  des  ar- 
mes. Ils  n'avaient  pas  le  droit  de  forger  le  fer  »  pas 
n^tne  cehii  d^iguifer  les  fpcs  de  leurs  charmes  &  le 
trandiant  de  leurs  cofgnées%  Il  fâlait  qu'ils  allafTent 
k  leurs  maitres  pour  les  moindres  ouvrages  de  cette 
efpèce;les  Juifs  le  déclarèrent  dans  le  livre  de  Sa* 
muel ,  &  ils  ajoutent  qu'ils  n'avaient  ni  épée ,  ni  ja- 
velot ,  dans  )a  bataille  que  SM  ft  JonâtiAS  donni- 
rent  à  Béthaven ,  contre  leè  Phéniciens ,  ou  PhiliiHns  ; 
journée  ou  il  eft  rapporté  que  Saul  fit  ferment  d'im- 
mokr  m  Seigneur  celui  qui  aurait  mangé  pendant  le 
combat.  i 

II  eft  vrai  qu'avant  cette  bataille  gagnée  fiins  ar- 
mes il  eft  dit  au  chapitre  précédent ,(  a)  que  Said 
avec  une  armée  de  trois  cent  trente  mille  hommes 
âéfit  entièrement  les  Ammonites  ;  ce  qui  femble  ne 
fc  pas^  accorder  avec  l'aveu  qu'ils  n'avaient  ni  jave- 
lot ,  ni  épée ,  ni  aucune  arme.  D'ailleurs  les  plus  grands 
rois  ont  eu  rarement  à  la  fois  trois  cent  trente  mille 
combattans  effeâifs.  Comment  les  Juifs  qui  femblent 
errans  &  opprimés  dans  ce  petit  pays  ,  qui  n'ont  pas 
une  ville  fortifiée ,  pas  une  arme ,  pas  une  épée ,  ont- 
Ds  mis  en  campagne  trois  cent  trente  mille  foldats  t 
il  y  avait  là  de  quoi  conquérir  l'Afie  &  l'Europe.  Laif- 
fons  à  des  auteurs  ûivans  &  refpeâables  le  foin  de  con- 
cilier ces  conttadidtions  apparentes  que  des  lumières 
fupérieures  font  difparaitre  ;  refpeâons  ce  que  nous 
fommes  tenus  de  refpeâer ,  &  remontons  à  Thiftoire 
des  JttfJ^  par  leurs  propres  écrits. 

(a)  LRoisthaf.II. 


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Juifs,   en    £  g  t  p  t  b.    145 


Des  Juifs  e  n  E  g  t  p  t  i. 

Lt8  annales  ût$  Juifs  difent  que  cette  nation  habi« 
tait  fur  les  confins  de  l'Egypte  dans  les  tems  i^o- 
rés  i  que  fon  féjour  était  dans  le  petit  pays  de  Gofl 
fen ,  ou  Geflen  ,  vers  le  inont  Cafius  &  le  lac  Sirbon. 
C'eil  là  que  font  encor  des  Atubes  qui  viennent  «n 
hiver  paitre  leurs  troupeaux  dans  la  baffe  Egypte.  Cette 
nation  n^était  compofée  que  d'une  feule  famille,  qui 
tn  deux  cent  cinq  années  produifit  un  peuple  de 
deux  millions  de  perfonnes  ;  car  pour  fournir  fix  cent 
mille  conri>attans  que  la  Geaèfe  compte  au  (brtir  de 
l'Egypte  ,  il  faut  au  moins  dettx  millions  de  téfies. 
Cette  mtdtiplication  contre  Tordre  de  la  nature ,  eft 
un  dés  miracles  que  Dieu  daigna  faire  en  faveur  des 
J^fs. 

C'eft  en  vain  qu'une  foule  de  favans  hommes  s'é< 
tonne  que  le  roi  d'Egypte  ait  ordonné  à  deux  làge»> 
femmes  de  foire  périr  tous  les  enfàns  mâles^des  Hé* 
bréux  ;  que  la  fille  du  roi  qui  dçmeurut  à  JVtemphis 
foît  v'enue  fe  baigner  loin  de  Memphis  dans  un  bras 
do  -NÛ  où  jamais  perfonne  ne  fe  baigne  à  caufe  des 
crocodiles.  ÇcA  en  vain  qu'ils  font  des  objcAions 
fur  rage  de  quatre-vingt  ans  auquel  Moije  était  déjà 
parvenu  avant  d'entreprendre  de  conduire  un  peuple 
entier  hors  d'efdavage. 

Ils  difputent  fur  les  dix  plaies  d'Egypte  ;  ils  dH^t 
que  les  magiciens  du  royaume  ne  pou^tent  fkire  les 
mêmes  miracles  que  l'envoyé  de  DiBû  ;  &  que  fi  1>ibu 
leur  donnait  ce  pouvoir ,  il  fimbtaft  agir  contre  lui- 
même.  Us  prétendent  que  M^Je  ^yant  changé  tou- 
tes les  eaux  en  fang ,  il  ne  reftait  plus  d'eau  pour  que 
les  magiciens  pu(£ent  faire  la  même  métamorpbofi^. 

Ils  demandent  comment  Pharaon  put  pourfuîvre 
les  Juifs  aved  une  cavalerie  nombreufe  ,  après  que 
tous  les  chevaux  étaient  morts  dans  la  cinquième 


Mim^ 


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144         Juifs   EN  EoY  F  TE.  ^' 


&  fixiéme  plaie  ?  lU  demandent  pourquoi,  fix  c^t 
mille  combattanst  ^'enfuirent  ayant  DieO  à  lûir  té^e , 
$  pouvant  combattre  avec  avantage  des.  Egyptieiis 
dont  tous  les  premiers-nés  avaient  été  frappés  de* 
Qiort  ?  lis  demandent  enÉcor  pourquoi  Dieu  ne  donna 
pas  la  fertile  Egypte  à  fon  peuple  chéri ,  au-lieu  de 
le  faire  errer  quarante  ans  dans  dWreux  déferts  ? 

On  n'a  qu'une  feule  téponfe  à  toutes  ces  obje^ons* 
(ans  nombre  ;  &  cette  réponfe  efl  i  DiBU  Ta  voulu  ; 
réglife  Ie«croit ,  &  nous  devons  le  croire/  C'eft  en 
quoi  cette  hiftoire  diffère  des  autres.  Chaque  peuple 
a  fes  prodiges  «  mais  tout  eft  prodige  chez  le  peuple 
Juif;  &  cela  devait  être  ainii ,  puifqu'il  était  conduit 
par  Dieu  même.  Il  eft  clair  que  l'hiftoire  de  Dieu 
ne  doit  point  reffembler  à  celle  des  hommes;  C'eft 
pourquoi  nous  ne  rapporterons  aucun  de  ces  faits 
furnaturels  dont  il  n'appartient  qu'à  rEfprit  faint  de 
parlet  ;  encor  moins  ofefrons-^nous  tester  de  les  ex- 
pliquer. Examinons  feulement  le  ped  d'événemens  qui 
peuvent  être  fournis  à  la  critique. 

De  Moïse  coNsïDiRé  siUvzHAtH't 

comme   chef    D'UIOTE   ii&TflOtl. 

Le  maître  de  la  nature  donne  feul  la  force  au  braf 
qu'il  daigne  choifir.  Tout  eft  furnaturel  dans  Moife. 
Plus  d'un  favantl'a  regardé  comme  un  polirique  très 
habile.  D'autres  ne  voyfent  en  lui  qu'un  rofeau  fei- 
ble ,  dont  la  main  divine  daig^ie  fe  fefvir  pour  faire 
le  deftin  des  empires.  Qu'eft-ce  en  effet  qu'un  vieil- 
lard de  quatre-vingt  ans  pour  entreprendre  de  con-^ 
duire.pjEtr  lui-même  tout  un  peuple  fur  lequel  il  tt'a 
aucun  droit  ?  Son  bras  ne  peut  combattre  ;  &  fa  lan-- 
guc  ne  peut  articuler.  Il  eft  peint  décrépit  &  bègue. 
Il  ne  conduit  fes  fuivans  que  dans  des  folitudes  af- 
freufes  pendant  quarante  années.  H  veut  leur  Aôfh- 
fiet  un  etabliffement ,  &  il  ne  leur  en  donne  auôun. 
A  fuivre  fa  marche  dans  les  déferts  de  Sur ,  de  Sin, 

d'Oreb, 


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«t^iip^m 


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.  Ss  poi^raitrU  qu'à  T^e  dç  près  de  fixr  vingt  «ns^^ 
J(îiy/ê  n'étant  cpî^duit  qpc  par  luUjn^injc  ,  eût  eia 
■  "EJjTiîfur  Us  mœurs ,  Èfr/Tom.  f/      '    K  ' 


If  De  Motse  chef  de  nation.  14c    m 


d'Oi^ ,  ^  de  Sinaï ,  de  Phaian ,  de  Cadés-Barné  ,  &  4 
le, voir  rétrograder  jorques  vers  l'endroit  d'où  il  était 
parti ,  il  ferait  difficile  de  le  regarder  comme  un  grand 
capâtaîfie.  Il  eft  ji  la  tête  de  ftx  cent  mille  cornet- 
tans  ,  &  il  ne  pourroit  n\  au  vêtement  ni  à  la  fubfiC  ' 
tance  de  &s  troupes.  Dieu  fait  tout ,  Dieo  remé- 
die à  tout ,  il  nourrit ,  il  vêtit  le  peuple  par  des  mi- 
racles. Moifi  n'eft  donc  rien  par  lui-même ,  &  fon 
ii^puilTance  montrje  qu'il  ne  peut  être  guidé  que  par 
Iç  bras  du  Tgut-puiffant  ;  auffi  nous  ne  confidérons , 
en  ]m  f^pe  lliomme,  &  non  le  miniilre  de  Di£U.  Sa 
periopne  en  cette  qualité  eft  l'objet  d'une  recherche 
plus  fpblime. 

Il  vent  aller  an  pa]r9  des  Cananéens  à  L'occident  do 
Jourdain,  dans  la  contrée  de  Jérico  ,  qui  eft^»  dit- 
on  ,  un  bon  terroir  à  quelques  égards  ;  &  au-lieo  de 
prendre  cette  ropte ,  il  tourne-  à  l'orient  entre  Efion- 
gaber  &  la  mer  Motte ,  pays  ISiuyage ,  ftérile ,  hérifie 
de  montagnes  fur  lefi^ttelles  il  ne  cuûï  pas  un  arbnfte, 
&  où  l'on  ne  trouve  point  defootaine  ,  excepté  queU 
(^lee  petitt  puits  d'eau  faléev  Les  Cananéens  on  Phé- 
niciens 9  fur  le  bruit  de  cette  irruption  d^un  peuple 
étranger  ,  iriennent  le  battre  dans  ces  déftits  vers- 
Gadéot-Ban^é.  Commentée  laiiTe-t-il  battre  à  la  têto 
de  fix  cent  mille  fqldats  t  dans  un  pays  qpi  rst-  coi»«( 
tient  pas  aujourd'hui  trois  mille  habitans  ?  Au  bout 
de  trenterneuf  ans  il  rempo^  detix  yidloires  ;  .mais 
il  ne  r^iplit  aucun  o^jet  de  fa  légiflation  :  Lui  &  foo:. 
peâplis  meurent  avant  qife  d'avoir  mis  le  pied  dans 
le  pays  qu'il  vooUit  fubjuguf  r.  . 

Un  légîfîateur  félon  nos  nolîcfhs  çommqnes  doitfe 
faire  aiiiièr  &  craindre;  mais  il  ne  doit  pas  pouffer 
la  févérité  jufqu'à  la  barbarie  ;  il  ne  doit  pas ,  an-  : 
lieu   dlhflîger  par  les  miniftrés  de  la  loi  quelques 
fuppittes  aux  coupables^  feite' égorger  au  bavard  une' 
grande  partie  de  fà  nation  par  ï^âutre. 


^ 


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1^    14^  DbMotse  9 


i 


t 


fi  inhumain  ,  fi  endurci  au  carnage  ,  qu'il  eàt  com- 
mandé aux  lévites  de  mafiacter ,  fiins  diftinâiôn ,  leun 
frètes  jufqu'au  nombre  de  vingt-trois  mille,  pour  la  pré- 
rarication  de  fon  propre  frère,  qui  devait  plutôt 
mourir  que  de  faire  un  veau  pour  être  adoré  ?  Quoi  ! 
après  cette  indigne  aétion  fon  frère  eft  grand-ponttfe  , 
&  vingt-trois  mille  hommes  font  maffacrés  ? 

Moïfe  avait  époufé  une  Madianite ,  fille  de  Jetbr^ 
grand-prêtre  de  Madian  ,  dans  TArabie  pétrée  ;  Jf/i&r^ 
l'avait  comblé  de  bienfaits  ;  il  lui  avait  donné  fbn  fils  pour 
lui  fervir  de  guide  dans  les  déferts  ;  par  quelle  cruauté 
oppofée  à  la  politique  (  à  ne  juger  que  par  nos  faibles  no- 
tions ) ,  JUo'tfe  aurait-il  pu  immoler  vingt-  quatre  mille 
hommes  de  fa  nation  ,  fous  prétexte  qu'on  a  trouvé  un 
Juif  couché  avec  une  Madianite  ?  Et  comment  peut-on 
dire ,  après  ces  étonnantes  boucheries ,  que  Moife  était  r 
ie  plus  doux  de  tous  les  tommes  ?  Avouons  qu  humai-  A 
ntement  parlant ,  ces  horreurs  révoltent  la  raifon  &  la  ^ 
nature.  Mais  fi  nous  confidérons  dans  Mtlife  le  minii^ 
tre  des  defleins  &  des  vengeances  de  DiBO  ,  tout 
change  alors  à  nos  yeux  ;  ce  n'eft  point  un  homme  qui 
agit  en  homme ,  c'eft  l'inftrument  de  la  Divinité  ,  à 
laquelle  nous  ne  devons  pas  demander  compte.  Nous 
ne  devons  qu'adorer  &  nous  taire. 

Si  Moife  avait  inAitué  ùl  religion  de  lui-même , 
comme  Zofoaflre ,  Thaut ,  les  premiers  brames ,  Vu» 
nta ,  Mahomet ,  &  tant  d'autres ,  nous.pourions  lui  de* 
mander  pourquoi  il  ne  â'efl:  pas  fervi  dans  fa  religion 
du  moyen  le  plus  efficace  &  le  plus  utile  pour  mettre 
un  frein  à  la  capidité  &  au  crime  ?  pourquoi  il  n'a 
pas  annoncé  expreflement  l'immortalité  de  Tame ,  les 
peines  &  les  recompenfes  après  la  mort ,  dogmes  re- 
çus dès  longtems  en  Egypte ,  en  Fhénicie ,  en  Mé- 
fopôtamie  »  en  Perle  &  dans  llnde  ?  Vous  a»e%  iti 
inlhrtUt  j  lui  dirions-nous ,  dans  iafagejfe  des  Egyptiens , 
vous  êtes  Ugislatettr  ,  gf  vous  nigUgez  abfolumeut  ie 
^     dognte  prinapfd  dés  Egyptiens,  ie  dogme  le  plus  ni^ 


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r 


a» 


^«^1 


ç  n  t:f-uit  U  Aorct  0  N.     f4i^ 


U  t  çueaQf^miéfvfis  fy^^  twat,  giiighmf  qîiils  iuiUttï^ 
font  êMÙxaffifB  hn^emi  ^éip^s ',vua  j  ébL^mif  ^  fu$ 
adoptai  dà  paMe'par  iHpr  êjfésmT^^hijliar^fçm^ 

CeHo  oi§ja<flibfv  aoeablatile  oontrs  un  lieg UWténr  on 
dinaire  «  tombt  iS:  pisrd  ,  çômfUe  pn  voffi  ,  toute  i^ 
force  quand  it>sf agi t^^iint  1^  cbnnét  pdr  DiBU^ny^ 
me  ,  qui  ay^nt  i^^nè  étoé  te  poi  du  peuple  ^if ,  '}9 
puniflkît  éb  li'Técoitiuanfaft  tempdrelliÉmdnt  ,  â:  qi^ 
M  voulak  M  PtfdfmUtonrtÀ^^mii^  rtmmoriaUr^ 
del'ame ,  &  i«6  û^]9^Kc«»  ^f nel^  de  l'erifev  5  qiDe  dané 
lestems  marqué»  pàj^lë#  d^e^éts.  PTefque  tout  ëvèn^ 
ment  fyurdNietU:'ht|iiiate  ehet  té' peuple  JulFtKft4e  com^ 
i>te  di»  IDoifFduir.  Téu^  ce:  qèi  eft  di^a  eft  aii-deOue 
de  nos  faibles  idées,  j^'un  &  Tauarr  Qopf^  HduiCçi^t 
toiijovrs  au  filençe. 

Il  s'eft  trouvé  des  hommes  d^ine  fctence  pfofondo 
qui  qM  pouffé  le  p^Trri^onifimî  de  Thiftoire  jufqu'à 
douter  qu*il  y  uït  eo  an  Moffe  $  fe  vie  qui  eft  tmit$ 
prodigieufe  dépoii  fon  berceau  jufqu'à  fon  fôpulcrc/ 
leur  a  paru  une  imitation  dea  incieniaes  ^bles  arab^i 
&  parti  ou  lî^re  aient  de  celle  de  l^ancien  Bacckui'\aX 
Ils  ne  favent  m  quel  tems  placer  Mùifi  ^  le  noiirm^ 
ine  du  phafaro  ou  loi  d'Egypte  fous  lequel  on  le  fiii 
vivre  ,  eft  incorïTiu*  Nul  mi^nument ,  nuUe  tnice  ne 
fious  reiîe  du  pays  dans  lequel  on  le  fait  voyager.  Il 
leur  parak  îviipolllble  que  Muife  ait  gouverné  tleinc 
ou  ttok  millio^ns  d'h^^mime*  pendant  quï^rante  ans  dans 
âes  défefrts  inhabNrriWes,  (5«  i"on  trouve  à  peine  aujoufT 
d'hut  deux  ou  trois -ht^nie^s  vagabondes  qui  ne  coin- 
pafen*  pas  %tf>iï  a  qiiHtPc  Riille  honFimés,  ^Nou^  fom-i 
mt*i  bhtf  kjiu  d*ad^cer  ce-fentiment  téméraire  «fiii 
fij^P©*aife'  tdua|s»  fe[Bdfei»?iîs  dél'hiiloére  ancig^nç  dg 
péu-gSe  Jwifî'fsj^j.brrLy.  •■  ■; 

K    ii 


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S    14S  D  S    M  a  jûs  fi 


"^ 


^  Nous  n'adhérons  pas  non  plut  à  l'opinion  d*Àben 
Efra  ,  de  Mahnonide.^  de  Nugnis  y  çk  l'auteur  des 
cérémonies  judaïques  ;  quoique  le  doâe  Le  C^erc  ^ 
Midieton ,  les  fayans  connus  fous  le  titre  de  théolo- 
^gicns  de  Hollande,  &  même  le  grand  Nevpton ,  ayent 
fortifié  ce  fentiment.  Ces  illuftres  favans  prétendent 
que  ni  M6ifi\n\  Jofué  ne  purent  écrire  les  livres  qui 
leur  font  attribués  :  ils  dife^nt  que  leurs  hiftoires  & 
leurs  loix  auraient  été  gravées  fur  la  pierre»  fi  en  eiFet 
elles  avaient  exiilé  ;  que  cet  art  exige. des  foins  pro- 
digieux ,  &  qu'il  n'était  pas  poiFible  de  cultiver  cet 
art  dans  def  déferts.  Ils  fe  fondent ,  eohitne  on  peut 
le  voir  ailleurs  ^ fur  des  anticipations,  fur  des  contra- 
dUékioos  apparfsntfi. .  Nous  embmflbns  contre  cetf 
grands  -  hommes  j  Topinion  commune  «  qui  eft  celle 
de.  la  fynagogue,  &  de.fégUfe  dont  nous  recoiinaif' 
fons  l'infaillibilité* 

Ce  n'eft  pas  que  nous  ofions  accufer  les  Le  Clerc ^  m 
les  Midletm ,  leè  Vrmou  d'impiété  ;  à  Dku  ne  piaife  !  ' 
Nous  fomme&consraiiicus  que  fi  les  livres  de  Moife  & 
de  JE^/W  &  le  Fefte,daPentateuque  ne  leurparaHËdent 
pas  être  de  la  main  de  ces  héros  Ilraillite^  «  ils  n'en 
ont  pas  été  moina  pierfuadés  que  ces:  livres  font  inf- 
picé*- Uft  r^wH^iifeni  le  doigt  de  I>ij;y  k  chaque 
Ugfiedaiis  laGeiièfexdfttis  Ji^tté.udm$JSfti^fimiàstn$ 
Rufb.  L^épriv^n,  Jui£  n'a  été  ,  pour  aiofi  dire  ,  que 
le  fecrétaîre  de  DlRUi;.c'eft  Dieu  ^i  îi  tout.di<àé. 
Ifnv^oif.fansidioiite  «'a  pu  Ipenftr  ;wtrement ,  on  Je 
fentiafle^.  Dieu  ooMs  \prékt¥ef.\^  t/^kfmhUx  à  cef 
hyp0qri(es  pervers  qui  faififlent  |»ttS  les  prétcpctes  df^Co 
cufer  jous  Les;. grande -ihommçsd>'ictéli^Q: .»  comi^f^ 
on  lesj^cçi^l^it  autffefois<  de  uiagie  !  Nxtfi$  croirions 
fiO)|.feu|ement  ^gtr  CQûtre  la  «probité  y  mais  infulter 
ectiellç(pçi>t.  la  religion  ^hr4iienne  ,  fi  (lous  étions  zffed 
ib^odqnnés.  pcNur.vioiDlcilr  pei:ftf|4e9  iHi  public  que  les 
plus  favans  hommes  &  les  plus  grands  génîçf.dela  terre 
ne  font  pas  de  vrais  chrétiens.  Plus  nous  refpeâons 
réglife  à  laquelle  nous  fomqies  ibvmfs  ^  plu«  nous  pen- 

il  :>{  •  •      ■ 


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fons  que  cette  églife  tolère  les  opinioiiu  de  ces  farans 
vertueux  avec  la  charité  qui  fait  ton  caraâère. 

Des  Juifs  après  Moïse  ,  jusqu'à  Saui. 

Je  ne  recherche  point  pourquoi  Jofuab  ou  Jofui 
^capitaine  des  Juifs ,  faifant  pafler  fa  horde  de  l'orient 
du  Jourdain  à  l'occident  vers  Jerico ,  a  befoin  que 
Dieu  fufpende  le  cours  de  ce  fleuve,  qui  n'a  pas  en 
cet  endroit  quarante  pieds  de  largeur ,  fur  lequel  il 
écafc  fi  aifé  de  jetter  un  pont  de  planches ,  &  qu'il 
était  plus  aifé  encore  de  pafTer  à  gué.  Il  y  avait  plik- 
fieurs  gués  à  cette  rivière  ,  témoin  celui  auquel  les 
Ifraëiîtcs  égorgèrent  les  quarante  -  deux  mille  Ifraclî- 
tes  qui  ne  pouvaient  prononcer  Sbîboletb. 

Jl  Je  ne  demande  point  pourquoi  Jériço  tombe  au  fon  JE 
M  des  trompettes  ;  ce  font  de  nouveaux  prodiges  que  B 
*  Dieu  daigne  fjire  en  faveuf  du  peuple  dont  il  s'eft  ^ 
déclaré  le  roi; cela. n'eft  pas  du  reflort  de  l'hiâoiie. 
Je  n^examine  point  de  quel  droit  JoW  venait  détruire, 
des  villages  qui  n'avaient  jamais  entendu  parler  de 
lui.  Les  JuiBs  difaient ,  Nous  defcendons  à* Abraham  / 
Abraham  voyagea  chez  vous  il  y  a  quatre  cent  qua- 
rante années  ,  donc  votre  pays  nous  appartienc  ;  & 
nous  devons  égorger  vos  mères  >  vos  femmes  &  vos 
enfans» 

Fabrichis  &  Holjlemus  fe  font  fiiit  Fobjeâi(m  fui- 
vante.  Que.  dirait -on  fi  un  Norvégien  venait  en  Alle- 
magne avec  quelques  centaines  de  fes  compatriotes, 
&  difait  aux  Allemands ,  Il  y  a  quatre  cent  ans  qu'un 
homme  de  notre  pays  fils  d'un  potier  voyagea  près 
de  Vienne ,  ainfi  l'Autriche  nous  appartient ,  &  nous 
venons  tout,  maflacrer  au  nom  du  Seigneur  ?  Les  mê- 
mes auteurs  confidèrent  que  le  tems  de  Jofui  n'eft 
pas  le  nôtre ,  que  ce  n'eft  pas  à  nou4  à  porter  un 
œil  profane  dans  les  chofes  divines  ;  &  furtout  que  k 
»  K  iij  t3 


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l?f»É«" 


par  leà  mâ^në  ëefr  j^î&t 

Il  eft  (iit  ^^^  peiné  l^ictr  eft  faas  cléfenfè ,  que 
les  Juifs  immolent^  leur  Dieu  tous  les  habitans ,  vieiU 
larik,  femmes ,  filles ,  en£ans  à  la  mammelle ,  &  tous 
Its  animaux <,  excepté  Une  JFémme  ))ro(lituée ,  oui  arait 
gardé  chez  elle  les  elpions  Ju16  ^  e{]prons  draillcurs 
inutij^s  )  puiJTque  les  murs  devaient  tOïxxbcf  au  fo& 
des  trompettes.  Pourquoi  tUérauQî  tous  les' animaux 
qui  pouvaient  (ervir  7 

À  régatci  de  cette  jPémtnê  qut  la  vuîgaté  appelle 
nieretrix ,  apparemment  die  meifa  depuis  une  vie  plus 
honnête ,  puifqfii'elle  fut  une  ayeule  de  David^  &  même 
du  Sauveur  dû  monde.  Tous  ces  événemens  font  des 
figures ,  dés  prophéties  qui  annoncent  de  loin  la  loi 

tde  E^ace.  Ce  (bnt  éntàt  une  fois  dès  myitères  aux-     J| 
quels  noiis  nfe  {bûchons  pa^.  .M 

Le  \Htè  de  Jàfué  rapporté  qtfé  Ce  chétk^ètsût  reridti 
Hlaltre  d'une  partie  du  p2ifi  de  Canaan ,  fit  pendre 
fes  rois  aU  nombre  de  trente  &  tiri  ,  c'éft-à-diré, 
trente  &  un  chefs  de  bolirgadçs,  qui  avaient  ofé  dé- 
fendre leurs  foyers  ,  leurs  fertrtnès  A.  leurs  em 
Fans.  ï!  f-ruÉ  fe  profterner  Ici  de^âlit  laf  f  rovidence  , 
iqui  chitfaJt  les  péchés  dt  ce^  ïois  |>at  ié  ghive  de 
JoJuL 

Il  i^étt  pu  iî^n  étMUalifc  qtré  leè  ptbpïes  vdfins 
JTe  réunifiât  istftnre  les  Jiiif^i  ^  qui  ne  pouvaient  paiTer 
que  po«lr  des  brigaivdi  exéo-able»  dans  Fefprit  des 
peuplés  tfvévglés ,  &  m>ft  ^our  i«8  inihumens  facréâ 
dé  là  v«tigïsa4ici»  divine  k  èk  futur  ^ut  db  f^te* 
humain.  Us  lk^0m  i-éAttiis  tiih  è(bl«v&gb  par  €kçM  re^ 
de  Méfbpotamit.  Il  y  a  Mn  ^  it  «ft  >^i ,  de.  la  M6^ 
fopotaMîé  à  Jiiri^;  Il  Ahitddno  qùei  Ckr/M  eàt  caiN 
qbis  là  Syrie  A  une  p^ute  4e  la  Paleftîne^  Qooi  ^u^ll 
en  foit  i  il)  (bnl  efblaveft^liait  aflAées ,  ft  seftem  tuxfoke 


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«««N* 


^mâ 


î 


fâxaattr  &%leux  ans  fan^MtatKt.>Cb^loixaiite  &  deux 
ans  font  une  efpèce  d'afliervifCniient  y  puif^u'U  leur 
était  ordonné  par  la  loi  de  .prendre  tout  le  pays  de£ 
puis  la  Méditerranée  jufqu'à  l'Euphrate,  que  tout  ce 
vafte  pays  (a)  leur  mit  prfani»;  &  qnfaffiirémenïils 
auraient  été  tentés  dé  t'en  èflnparer^s'ili  fvaieqt  été 
libres.  Us  font  efclaves  dix  -  huit  apnées  fous  £g(on 
roi  des  Moabites ,  alIkffiHé  j^  Âoij^i  fônt  èitfàite 
pendâM  vingt  années  efdaves  d'un  peuple  Cananéent 
qu'ils  ne  nomment  pas ,  jufqu'au  tems  où  la  prophé- 
teffe  gucfrfère  Difedr*  tes  délivré.  H^  font  éhcbrc 
efclaves  pendant  fept  ans  jufqu'à  Gidiotu 

Ils  font  efclaves  dîx-huît  ans  des  Phéniciens ,  qu^îls 
appellent  Philîftîns  ,  jurqu'à  Jepbti*  lis  font  encor 
efclaves  des  Phénîdens  quarante  années  jufqu*à5Uii/. 
Ce  qui  peut  confondre  notre  jugement ,  c'eA  qu'ils 
ét^ent  efclaves  du  tems  même  de  5am/ôii  »  pendant 
qu'il  fuffifait  à  Samfùn  d'une  lîmple  mâbholie  d*âné 
pour  tuer  ihille  Philiftîns ,  &  que  DlEU  opérait  par  les 
mains  de  Èamfan  les  plus  étonnant  prodiges. 

Arrêtons-nous  ici  un  moment  pour  obferver  combien 
de  Mft  furent  extermines  p^  léôrs  pt^rés  fr^tîï,  pu 
par  l'ordre  deDiïv  même ,  dtf^nié^^U'îls  etrâ^éht  dà^ 
les  défef ts  jtffqtf au  témS  ou  îlis  ëureht^  toi  rô(  âtrpâl 
ïefort. 


i 


Les  lévites  après  Padoration  du  veap 
a^or  jéfté  eh  ftStc  [^jh^  lé  fife^  cfé  Jlfcyî^, 
é|ùTgehi        .         -  .  .         a?j««gbift:. 

Gonfutnféii  par  h^feik  f ôur  1»  réfèke 
de  Qarii        .  i  ^  j         «i0 

igorgés  pour  la  même  rcvoïté.       -       W?? ,,  ^  ^ 


Î79SO 


(a)  Genife  chap.  XV.  v.  iS.  Deuter.  chap.  1.  v.  7* 

K  iiij 


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iJ^IHm» 


m. 


If»  Des  J» JF.8  tiEPuis  Moïsfi. 


I 


H 


De  rwtrc  part        i  lYç^^Juifi* 

.    Egorgée  jibur  avoir  coihmerce  avec    ' 

les  filles  Madiànûes.        .^         i        .      i^oàô 

.   Egorgés  âti  gué  du  Jourdain,  jx)ur  n'a^ 

Voir  «pas  pu  prononcer  ^ifr/^o/â^i&.       ^       42000     ^ 

Tués  par  les  Benjamites  qu'on  atta* 
quait.         i  ,  i  i  *  4000a 

Benjamites  tués  par  les  autres  tribus.     45000 

,  Lorfque  Parché  fiit  prîfe  par  les  ÎPhî^ 
liftîns,&  que  Dieu  pour  les  punir  les 
ayant  aMigés  d*héniorrhoïdes  iU  rame, 
nèrent  l'arche  à  Bethramès  ,  &  qu'iU 
offrirent  au  Seigneur  cinq  anus  d'or  & 
cinq  rats  d'or  ,  les  BethCamites  frappé$r 
de  iQort  pour  avoir  regardé  l'arche ,  au 
nombre  de  .  •  .  50070 


Somme  totale  239020. 


I 


Voilà  deux  cent  trente-neuf  mille  vingt  Juifs  exter- 
minés par  Tordre  de  Diku  même  ^  ou  par  leurs  guer- 
ifCS  civiles ,  fans  cgnipter  ceux  qui  périrent  dans  le  dé* 
fert ,  &  ceux  qui  moururent  dans  les  batailles  contre 
les  Gananéens  ^  &c. 

Si  on  jugeait  des  Juifs  comme  des  autres  nations ,  on 
ne  pouraic  concevoir  comment  Jes  enfàns  de  Jacob 
auraient  pu  produire  une  race  afTez  nombreufe  pour 
fupporter  une  telle  perle.  Mais  Dieu  qui  les  condui- 
rait, Diiu  qui- les  éprouvait  &  les  puniflait ,  rendit 
Cette  nation  fi  différente  en  tout  des  autres  hommes , 
'qu41  Kutla  regarder  avec  d'autres  yeux  que  ceux  dont 
on^examine  îé  refte  de  la  terre ,  &  ne  point  juger  de  ces 
événémens  comme  on  juge  des  événemens  ordi- 
naires; 


^mmm 


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JHtgUaii,  MIC»  m  , 

Des  Juif  8  DEBîUis  Saul.    ifj    É 

r  »  ^^^nà'nïvr >|  \  i     ■  ■   i  •      -^t  n  i  i F 

bÈs  JuiÈs  httvis  SaûL 

Les  Juifs  ne  paraifTent  pas  jouir  d'un  fort  pluè 
heureux  foUs  leurs  rois  que  fous  leurs  juges. 

Leur  premier  roi  Saiii  eft  obligé  de  fe  donner  U 
morti  Islx^fetb  &  Mifbibofetb  fes  fils  font  aflaffinés. 

David  \ivit  aux  Gabaonités  fept  petits -fils  de 
Saûl  pour  être  mis  en  croix.  Il  ordonne  à  Salomon 
fan  fils  de  fiiire  mourir  Admias  fon  autre  fils  ,  & 
fon  général  Joab.  Le  roi  Afa  fait  tuer  une  partie  du 
peuple  dans  Jérufaiem^  Baafa  aflafline  ï^adub  fils 
de  Jéroboam  &  tous  fes  parens.  Jébu  affafline  Jo- 
ram  &  Ocbojtay  ,  foîxante  &  dix  fils  à'Acbah  ,  ^ua- 
rante-deux  frères  d'OchqfiaSj&  tous  leurs  amis.  Atba» 
lie  aiïafline  tous  fes  petits -fils  ,  excepté  Joas  s  elle 
eft  affaffinée  par  le  grand  -  prêtre  Joiadad,  Joas  eft 
afTaffiné  par  fé§  domeftiques  ;  Am^fias^  eft  tué  ;  Za- 
vhariias  eft  aftafline  par  Selhem ,  qui  éft  aflaftiné  par 
Manatem ,  lequel  Alimahem  &tt  fendre  le  ventre  à  tou«- 
tçs  les  femmes  groffes  dan^  Tapfa.  Pbacéia^fAs  àt 
Manab'em  \  feft  aftaffiné  par  Pbacie  fils  de  RonUli  ^ 
qui  eft  affaifiné  par  Ofie  fils  à'Ela.  Manafe  fait  ttker 
un  grand  nombre  de  Juifs  ,  &  les  Juifs  allaftihent 
Amfmn  fils  de  Manajfi  »  &c. 

Au  milieu  de  ces  maifacres  dix  tribus  enlevées 
par  Salmanafar  roi  des  Babiloniens  ,  font  efclaves 
&  difperfées  pour  jamais ,  excepté  quelques  manœu» 
vres  qu'on  garde  pour  cultiver  la  terre. 

Il  refte  encor  deux  trii3us  i  qjui  bientôt  font  efçla* 
ves  à  leur  tour  pendant  foixante  &  dix  ans  :;  au 
bout  de  ces  foixante  &  dix  ans  ,  Içs  deux  tribut 
pbtiennent  de  leurs  vainqueurs  Se  de  leurs  maîtres. • 
ra.permiffion  de  retourner  à  Jérufalem.  Ces  deux  tri- 
bus »  ainfi  que  le  peu  de  Juifs ^qfû  peuvent  étu-e  ref*> 


I 


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r" 


tés  à*  Samirie  avec  les  novveauxhabitaar  étrangers, 
font  toujours  uijettes  des  rois  de  Perfe. 

Quand  Ali»ttMté  s'emparfr  de  h  Perfb  >  h  Jadéè 
eft  comprife  dans  fes  conquêtes.  Après  Alexandre  les 
juifs  dwiictfilèrént  fournis  tahtôi  aèx  Siimddesfes  fuo 
cefleurs  en  Syrie  -,  tantAt  aux  Ptùlomieî  fes  fuccef* 
fcurs  ^n  Egypte  ;  toujours  affujettîs  ,  &  ne  fe  fou- 
f&tttHitit  que  par  le  métier  de^ôtirtiers  qu'ils  faifafent 
dans  TAfie.  lis  obtinrent  quelques  favetiridu  roi  d'E- 
gypte Ptohiftée  Epipbane,  Un  Juif ,  nùmmé  Jofefb , 
devînt  fermier  général  des  impôts  fur  la  baffe  Sy* 
rie  &  la  Judée  qui  appartenaient  à  ce  Ptohmêe,  C'dft 
là  rétat  le  plus  heureux  des  Joifis  ;  car  c'eft  alors 
qu'ils  bâtirent  la  trotfiéme  partie  de  leur  ville  >  ap« 
pellée  depuis  l'enceinte  des  Maccabiet ,  parce  que 
lés  Maccabies  l'achevèrent 

Du  joug  du  roi  Ptohmée  ils  repafleht  à  celui  du 
roi  de  Syrie  Antiocbur  h  Dieu.  Comme  ils  s'étaient 
enrichis  dans  les  feifuies  ,  ils  devinrent  audacieux , 
&  fe  révoltèrent  contre  leur  maître  An^cbus.  Géi 
lé  tems  des  MoicMes ,  dont  les  Juifs  d'Alexandrie  ont 
célébré  le  courage  &  les  grandes  aétions  ;  mais  les  Mac* 
tajbiis  ne  putent  eibpécber  que  le  général  à'Antiocbut 
Ettpatw  fils  d*Afaiocbus  Efipbane  ,  ne  fie  rafer  les 
murailles  du  temple  ,  en  laiftant  fubfifter  feulement 
le  fanâuaire ,  &  qu^on  ne  fit  trancher  la  tète  au  grand- 
prêtre  Oufox, regardé  comme  l'auteur  delà  révolte. 

Jamais  les  Juifs  ne  furent  plus  inviolablement  at- 
tachés à  leur  loi  que  fous  les  rois  de  Syrie  ;  ils  n^a* 
dorèrent  plus  de  divinités  étrangères  ;  ce  fut  alors 
que  leur  réfi|fîèft  fbt  irrévôcablcrtient  fixée  ;  &  ce- 
pendant ils  furent  |Aus  malheureux  que  jamais  ,  comp^ 
tant  toftjois^s  (ir  leur  délivrance  ,  fur  lès  promefTes 
dé  leunl  prophètes  ,  fut  le  fecours  de  leur  Dieu  « 
\  \  tbais  abandonnés  par  la  Providence',  dont  les  décrets  K 
Jl     ne  font  pas  conbès  des  hommes.  K 


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Dcrtjifc  s  k^L. 


Mf 


lis  rèrpfrè^efit  (jud^uè  tënik  piï  lès'  é^ieités  MeÉ 
ttne$  deé  ïofs  de  Syrie.  Mais  bi<Mi6t  leà  Juifk  mt^ 
inémes  s'atmèréht  les  uns  tdhOre  lès  aàf^es.  CtHhlÉMf 
ils  h'àvatent  poirtt  de  toi»  ,  ft  ()uè  la  dl^îté  dé 
grand  ^  facrificateur  était  la  |ïftmiètic  ,  c'était  tjàùt 
l'obtenir  qu'il  s'élevait  de  yiolens  partis  :  on  n'était 
grand  -  prêtre  que  les  armes  à  là  âiald  .  ft  bn  fi*&r- 
rivait  au  fanclualre  que  fur  les  dada^rèS  £fe  left  tifiMé 

Hircéniy  de  la  race  des  Maccabi^f  ^  devenu  grand- 
prêtre  t  mais  toujours  fujét  dés  Syriens  ,  fit  ouvrir 
le  fépulcre  de  Èavid^à^m  lequel  l'exiigératètJ^  J6- 
fepb  prétend  qu'on  trouva  trois  mille  talèns.  C*éÉa(t 
quand  on  rebâtiffait  le  temple  fous  Néfmmè  ^u*U 
eût  falu  chercher  ce  prétendu  tl"éfor.  Cet  ffircoH  dé- 
tînt àfAntiocbut  Sidétès  lé  droîè  de  battre  inonnoié. 
Maïs  comnfe  il  n'y  eut  jamais  de  mûnîioie  '}uUt ,  ît 
y  a  grande  apparence  que  le  tréfor  du  tombëâu  dtf 
David  n'aVÀîl  pas  été  confidérabif « 

il  tft  à  MHUrqiM  ^ue  de  grand  •  prêtre  ^Tiff^f 
était  faduèéèn  ^  &  qu'il  ne  ero^aft  ni  à  rimllier|aly:é 
de  l'ame ,  ni  aux  anges  ;  fujet  neuvetu  d«  qiiert|il« 
oui  commençait  à  divifer  les  faducéens  &  les  pha- 
rifiéils.  CetriE  -  A  éèhfpIfîfSht'  CMCHI  BKM  ^  ft  f Mi- 
lurent  lè  cotidérilhér  à  la  p^îfeti  k  tû  fbitôt  It  AT 
vengea  dieu*  ^  &  gdutètàa  dé(^&tl<)u«âi«ât. 

Soti  âh  ÀHjlobttk  ôlà  {^  îkirt  ibï  j^néhttt  Ié9  îttm^ 
Mes  de  Syrie  &  d'Eg'^.  G6  hl  ùii  t^tah  f)ii«  ùftiêl 
^e  tous  ctxxt  qui  avaient  àpj^riilié  lè^pèbpfe  Jtfî#^ 
ÀHJidbt^e,  exaa  à  la  Vértfé  à  ptîèt  dttiji»  lè  tè^l^W^ 
&  ne  mangeant  jamais  de  porc  «  fit  raourirde  fidm  fa 
ntère ,  &  fit  égorger  Antigène  foa  l^ére.  tl  eût  pour- 
fiiC^Âeor  oft  nommé  Jean  ou  Jeamté  y  attUfi  méckant 
iqué  lui. 

Ce  Jeem^  ,  fouillé  de  criiffCS  ,  fefflï  d««5i.  «s  q«i 
fe  firent  la  guerre.   Ces  deux  fils  étaîèftt  Atifioimh 


• 


It^ts^ 


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esiâlto 


Iî<f 


Des    Juifs 


ft  Hircan,  Jriftoimle  chaffa  fon  frcre  &  fc  fit  roi.  Les 
Romains  alors  fubjuguaient  l^Âfie.  Pompée  en  paflant 
vint  mettre  les  Juifs  à  la  raifon  ,  prit  le  temple ,  fit 
pendre  les  rédicieuY  aux  portes  y  Se'  chargea  de  fer« 
le  prétendu  roi  Ariftfibule, 

Cet  AriJiohuU  avait  un  fils  qui  ofait  fe  nommer 
Alexandre.  Il  remua ,  il  leva  quelques  troupes  ,  & 
finit  par  être  pendu  par  ordr^-'dc  Pompée. 

'  Enfin ,  Maxc^Amoine  donna  pour  roi  aux  Juifs  un 
Arabe  Idumeén  ,  du  pays  de  ces  Amalécites  tarit  fnaa- 
dits  par  les  Juifi;.  C'eit  ce  même  Hérode  que  St,  MaU 
tbieu  dit  avoir  fait  égorger  tous  les  petits  enfans  des 
environs  de  Bethléem ,  fur  ce  qu'il  apprit  qu'il  était  né 
un  roi  des  Juifs  dans  ce  village ,  &  que  trois  mages 
conduits  par  une  étoile  étaient  venus  lui  offrir  des 
préfens. 

Ainfi  les  Jui^  furent  prefque  toàjours  fûbjugués  bu 
efclaves.  On  r.it  comme  ils  fe  révoltèrent  contre  les 
Romains  ;  &  comme  Titus  ^&  enfuite  Adrifn  Ic^  firent 
tous  vendre  au  marché  ,  au  prix  de  l'animal  dont  ils  ne 
voulaient  pas  mangen 

Ils  elTuyèrent  un  fort  encor  plus  funefle  fous  les 
«empereurs  Trajan  &  Adrien ,  &  ils  le  méritèrent.  Il  y 
eut  du  tems  de  Traian  un  tremblement  de  terre  qui 
engloutit  les  plus  belles  villes  de  la  Syrie.  Les  Juifs  cru- 
rent que;  c'était  le  fignal  de  la  colère  de  Dieu  contre 
les  Rom  tins;  ils  fe  raffemblèrent  »  ils  s'armèrent  en 
Afrique  &  en  Chypre  :  une  telle  fureur  les  anima ,  qu'ils 
dévorèrent  les  membres  des  Romains  égorgés  par  eux. 


C  a  )  Voici  ce  au*on  trouve 
dans  lune  réponl^  à  Tcvêque 
Warburten  ,  lequel  pour  juf- 
tiBer  la  haine  des  Juifs  contre 
les  nations,  écrivit  avec  beau- 
co<ip  de  haîaé  &  force  in jn- 
rss  CQHtce  Tauteur  Français. 


,9  Venons  maintenant  à  la 
haine  invétérée  que  les  If- 
raëlites  avaient  conçue  cèn- 
,  tre  toutes  les  nations.  Dt- 
,  tes  -  moi ,  fi  on  égorge  les 
,  pires  &  les  mères  >  les  fils 
>  &  les  filles ,  les  en£»ns  à  la 


^s^. 


Tmr* 


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P  E  P  V  I  S     S  AUX. 


Mais  bientôt  tons  les  coupables  Aourerent  dans  ksi 
fupplîces.  Ce  qui  reftait  fut  animé  de  la  même  rage 
fous  Adrien ,  quand  Barcocbebas  fe  di&nt  leur  meffie 
fe  mit  a  leur  tête.  Ce  &natifme  fui  étomSé  ààus  des 
torrens  de  fang. 

Il  cft  étonnant  qu'il  refte  encor  des  Jcflft.  Le  fa- 
meux Benjamin  de  Tudel-^  rabin  trésfavânt  qui  voy»* 
geadans  l'Europe  &  dans  l'Afie  au  douzième  fiécle, 
en  comptait  environ  trois  ceot  quatre -vingt  mille, 
bnt  Juifs  que  Samaritains  :  car  il  ne  faut  pas  foire 
mention  d'un  prétendu  royaume  de  Théma  yers  le 
Thîbet ,  où  ce  Benjamin ,  trompé  ou  trompeur  fur  cet 
article ,  prétend  qu'il  y  avait  trois  cent. mille  Jùife  des 
dix  anciennes  tribus  ,  raflembl^s  fous  un  fouveraii). 
Jamais  les  Juifs  n'eurent  aucun  pays  en  propre  depuis 
^ffp^^n ,  excepté  quelques  bourgades  dans  les  dé» 
ferts  de  TArabje  heureqfe  vers  la  mer  Rouée.  Atabomet 
fut  d'abord  oWigé  de  les  métia^ér/ Mais  à  h  fin  il  dc^ 
trùifit  la  petite  domination  qu  ils  avaient  établie  au 
nord  delà  Mecque.  C'eft  depuis  Mahomet  qu'ils  ont 
ccffé  réellement  de  cpmpofer  un  corps' de  pçuple.        * 

En  fuivant  fimplemerft  le  fil  hiftbrique  de  la  pttite 
nation  juive.,  on  voit  qu'elle  ne  pouvait  avoir  une  au- 
tre fin.  Elleie  vante  elle-  même  d^être  fortie  d'Egy|)te 
comme  une  borde  de  voleurs  ,  emportant  tout  ce 
qu'elle  avait  emprunté  des  Egyptiens.;  elle  fait  gloire 
de  n'avoir  jamais  épargné  ni  la  vieillefle  ,  ni  le  fexe  $1 
ni  l'enfance ,  dans  les  villages  &  dans  les  bourgs  dont 
elle  a  pu  s'emparer.  Elle  ofe  étaler  une  haine  irrécon- 
ciliable contre  ttmtes  les  autres  nations  ;  (a)  die  fe 

,9  maméielle'&fle^  animaux   i  »  haine  ?  Relifcz  tdu»  Je* 


mm 


même  (liiiibaïr?Si«n  faom< 

me  avait  1  trtrft^é  datis  le 

laaj^^  fe&  imaln«    déj^oû^ 

^  tarit«s  ^  i&l  a  ct*«ncre  ^ 

^  oferait  -  U  ilfre  qnMl  aurait 

^  aflaffidéûafi^iolèrê  &  fans 


,y  pafifages'dà  il  eÀWilomié 
,',  Kuk  Juifs  de  ne  pas  laifiTer 
\  „  une  ame  en  vie ,  &  dttet 
,-,  après  cd?  qu'il  ne  leur 
„  était  pâ^$  permis  de  ha ir.- 
,-,i  Ceft  «top  fetrbmper  groC* 


: 


ii»r  uï  II  II   j»«i<oi|-(ir    •        ^      'mi^^'Hti 


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De5 tJvjfç  IJE^UtS  Saûl. 


n 


«évoU«  contre  loua  ft s  ii»itr«a  ;  toâjoipf  s  fapcf  £ticteû(b  > 
toujours  avide  du  bien  d'^utiuî  ,  toûioors.barl>4rç« 
nmjp^x^t  dzxks,  le  malheur  »  &  inroIeDfee.dana  Upi<o(; 
yérit^  Voili  ce  iue  furent  les  Jui&  aux  yeuic  des 
Grecs  &  des  Romains  qui  purent  lire,  leurs  livres  : 
mais  aux  yeux  des  chrétiens  éclairés  par  la  foi ,  ils 
ont  (été  nos  précurfeurs,  ils  nous  oni  prépare  h  voie. 
t»  Q9t  été  les  hérauts  de  1^  providence* 


l  Li^s  deux  autres  nations  qui  font  errance»  comm^ 
ta  juive  dans  TOxicnt ,  &  qui  comme  elle  ne  s'allient 
avec  aucun  autrt?  peuple ,  font  les  Banians  Sç,  lès  ParGs 
nommés  Guèbrcs,  Ces  Banians  adonnés  au  commerce 
ainfi  que  les  Juifs,  font  les  4efcendans  des  premiersi 
habîtans  psifibles  de  llnde;  ils  n'ont  jamais  mélç  leur 
fang  à  un  fang  étranger  ,  non  plus  que  les  bracmanes. 
Les  Parfis  font  ces  mêmes  Perfes ,  autrefois  domina^ 
teurs  de  l'Orient  ,  &  fouverains  des  Juife.  ps  font 
dîfperfes  depuis  Omar^Sc  labourent  en  paix  une  par- 
tie de  ia  terre  où  ils  régnèrent ,  iidèles  à  èett<i  anti- 
que  religion  des.mi^çes  v*dorant  un  (eul  Dieu,.^  con- 
fervant  Te  feu  facté  qu'ils  regardent  comme  l'ouvrage 
^.  i'jçnil^lémc  de  la  Dlvioité. 

Je  ne  compte  point  ces  reAes  d'Egyptiens  adora- 
teurs fecrets  d'^x  y  qui  ne  fubfifteat  plus  aujourd'hui 
que  d^ns  Quelques  trompes  vaj^ahcaides ,  bientôt  po^f 
jamais  anéanties/     /    '  :  li 


^  fif^ei^ejQfc  far  la  N^^i 
„  c'eft  un  ufurier  qui  ne  tait 
„  pa^(9<DiiiBter. 

„  QiMJ  !  Qr4onn«r  qu'oiji. 
,j  ne  tofLùg^  pBs  4ai^  te  piajt 
^  dontuaétraflgçcs'eftfervî,, 
„  4e  n^  pas  toucl^r  (Vsha- 
M  bits  y  ce  q'çfi  p^  4^r4pnQej: 
^  rave;fiQ9  pcpr  1^  éftan- 


„  ne  haïuaient  que   ridolâ- 
,»  jtrie ,  ^ttouf.  If $!  j^AWtor^s,; 

M  UiB  jdiMJnm  tigre  rMfiifî^ 

y^  de  caraAger,re9a0ntfa  de/^ 

,  ,3  brelm  q,ai  prJkeAit  la  Itii^e^ 

„.  il  cQM^^t,  :apnè&  elles ,,  $: 

M.  b!U  4iti9i^  eQfim«Vi9H^ 


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y 


D£s   PROPHÈTES  Juifs.       159 
Des    prophètes   Juifs.  *  * 


Noos  nous  prderons  bien  de  confondre  les  Vabim^ 
les  Robiim  des  Hébreux  arecles  in^pofieurs des  autres 
nations.  On  fait  que  Dieu  ne  fe  communiauait  qu'aux 
Juifs  ,  excepté  dans  quelques  cas  particulitrs ,  corn- 
me  ,  par  exemple ,  quand  il  infpira  Balaam  prophète 
de  Méfopotamie ,  &  qu'il  lui  fit  prononcer  le  contraire 
de  ce  qu'on  voulait  lui  faire  dire.  Ce  Balaam  était  le 
prophète  d'un  autre  Dieu,  &  cependant  il  n'eft  point 
dit  qu'il  fût  un  faux  prophète  (a).  Nous  avons  déjà 
remarqué  que  les  prêtres  d'Egypte  étaient  prophè* 
tés  &  voyans.  Quel  (ens  attachait-on  à  ce  mot  ?  celui 
d'infpiré.  Tantôt  l'infpiré  devinait  le  paffé  ;  tantôt  Ta- 
venir  ;  fouvent  il  fe  contentait  de  parler  dans  un  flile 
figuré.  C'eft  pourquoi  lorfque  St.  Paul  cite  ce  vers 
d'un  poëte  Grec,  Aratùs,  Totavit  dam  DiEV^  tout  fe 
meut  ^  tout  refpre  en  DiEU  ,  il  donne  à  ce  poète  le 
nom  de  prophète  (  £  ). 

Le  titre ,  la  qualité  de  prophète  ét^t-elle  une  dignité 
chez  les  Hébreux ,  un  miniftère  particulier  attaché  par 
la  loi  à  certaines  perfonnes  choifies ,  comme  la  dignité 
de  pythie  à  Delphes  ?  Non  ;  les  prophètes  étaient  feu- 
lement ceux  qui  fe  fentaient  ihfpirés ,  ou  qui  avaient 
des  vifions.  Il  arrivait  de-là  que  fouvent  il  s'élevait  de 
faux  prophètes  fans  miflion ,  qui  croyaient  avoir  t'efprit 
de  Dieu  ,  &  qui  fouvent  cauferent  de  grands  malheurs, 
comme  les  prophètes  des  Cevenne^  au  commencement 
de  ce  fiéde. 


r% 


,»  VOUS  imaginez  que  je  ne 
„  vous  aime  point  ,  vous 
avez  tort  { c*eft  votre  bêle- 
ment que  je  hais  $  mais  f  ai 
du  goût  pour  vos  perfon- 
nes ,  &  je  vous  chéris  au 
point  que  je  ne  veux  foire 
qu'âne  chair  avec  vous  ;  je 
m'unis  à  vous  par  la  ch^r 


I  „  ftlefang.  Je  bois  l'un,  je 
„  mange  l'autre  pour  vous 
„  incorporer  à  moi.  Jugez  fi 
„  on  peut  limer  plus  inti- 
^  mement. 

(  a  )  Nombre  chap.  XXII. 

Ih)  Aâes  des apètres  ch. 
XVIL 


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f  f    u 


ri«É& 


Il  était  très  difficile  de  diftjngucr  le  f^ox  prophète 
du  véritable.  C'eft  pourquoi  Manajfi  roi  de  Juda  it 
périr. J^a»  par  le  fupplice  de  la  fcie.  Le  roi  Sé^é- 
cias  ne  pouvait  décider  entre  Jérémie  Se  Âname 
qtii  prédiraient  des  çhofes  contraires  \  &  il  fit  met* 
tft  Jértmie  en  prifon.  Ézicbiel  fut  tué  par  des'  Juîft 
compagnons  de  fon  efclavage.  Micbie  ayant, pro* 
phétifé  dés  malheurs  aux  rois  Acbab  &  Jofapbat\  un 
antre  prophète  Tfedikia  fils  de  Canaa  (a)  lui  donna 
un  foufflet ,  en  lui  difant  :  L'erprit  de  l'Eternel  a  pafTé 
par  mia  main  pour  aljèr  fur  ta  joue.  Ofile  çhap.  IX.  dé- 
clare que  les  prophètes  fqpt  des  fous  ^fiùhum  profbe- 
t'am\  infanumvirûmfphrifût^lem.  t,es  prophètes  Te  trai- 
taient les  uns  les  autres  àç  vifîonnaîres  &  de jnenteurs. 
II  n'y  avait  donc  d'autre  moyen  de  difçemer  le  vrai  da 
fîjux  que  d'attendre  l'^ccom)[>Iifrement  des  préd|dtions. 

J!iîfée  étant  alIéàD^mas  en  Syrie,  le  rpi  qui  était 
nialade  lui  envoya  quarante  chameaux  chargés  de  pré- 
fens  ,  pour  favoir  s'il  guérirait  ;  EÙfée  répondit ,  que 
U  roi  pourrait  guérir  ^  mais  quHl  mourrait.  \.t  roi  mo^- 
rut  en  eff|?t.  Si  Elijée  n'avait  pas  été  un  prophète  du 
"mi  DlEy ,  on  aurait  pu  le  foupqonner  de  fe  ménager 
une  évafton  à  tout  évéheipent  ;  car  fi  le  roi  n'ét^  pas 
mort ,  Èlifie  avait  prédit  ta  guérifon  en  dîlant  qu'il 
pouvait  guériç  ^  &  qu'^l  n'avait  pas  fpécifie  le  tems  de 
fa  mort  Mais  ayant  confirmé  fa  mifiion  par  des  mira- 
cles éclatans ,  on  ne  pouvait  dçuter  de  fa  véracité. 

'  Nbus  ne  rechercherons  pas  ici  avec  les  commenta- 
teurs ,  ce  que  c'était  que  l'efprit  double  q\x*EiiJSè  reqnt 
à' Elit ,  ni  ce  que  fignifie  le  manteau  qut  lui  4oniia 
BIi9  en  n^antant  au  ciel  dans  un  char  de  feu  trainé 
pi|r  des  chevaux  enflammes  ^  comme  les  Grecs  figurè- 
rent en  poéfie  le  char  d'Jfoihft.  Nous  n'approfondi-. 
roQç  point  quel  efl  le  type  ,  ^uel  ed  le  fens  myflique 
df  c^  guarapte-deux  petits  en&ns ,  qui  en  voyant 

■ . . ,    .  "   W^e^ 

(«)  Paral^oménes  chap.  XVin.  - 


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Des  ïiiopHitis  JtiFsJ     i€i 

fil  ...         .  ■  T        -  T  -  -  -  p 

Elifiê  dans  le  ck«min  dbarpé  qui  conduit  à  Befth^l  ^ 
lui  dirent  en  riant ,  monte  ^chauve  ,  mojtte  /  &  de  la 
vengeance  qu'en  tira  le  ptàiphéte  *  en  faiCint  yenU 
fur  le  champ  deux  ours  qui  dévorèrent  ces  ini^ocç^tes 
créatures*  Les  ^ts  font  connus  ;  &  le  iens  peut  e|;i 
étretcachér^    .  *       :     rj 

II  faut  i)bfervcricî  une  coutume  de  FOrient ,  que 
les  Juîfe  pouffètent  à  un  point  qui  nous  étonne»  Cçt 
nfkj^e  étaft  non  -  feulement  de  parier  en  allégories', 
ni  is^ d'exprimer  pfir  des  aérions  (ingulières  leschofe^ 
qu'ofvvbulait  (ignifier.  Riéh  n'était  plus  naturel  alors 
que;cei  ufage^  car  le^  hommes  n'ayant  écrit  lon^temé 
l^rs  peofécB  qu*^n  hiéroglyphes ,  ils  devaient  prçndr^* 
Fhafoittide  de  parler  comme  ils  écrivaient» 

Ainfi  les  Scythes  (  fi  on  en  croît  Hérodote  )  envoyé^ 
rent^  D^r^ib ,  ^uenous  appeU<»Qi  Bwriur ,  uit  oife^ , 
uneXoum,  i^ne  grenpuille  &  çitiqSèthes  ;  cebrvom 
lî^it  djre  quç  ^^<«rwx  nc^ç'çt^fyjWtt  aufli  idtc  qu'un 
oifeau  ,  ou  s'il  ne  fe  cachait  comme  une  fbpm  :& 
comme  une  grenouille  ,  il  périrait  par  leurs  flèches. 
Le  conte  peut  n'être  pas  vrai,  ii»ais  i}  efl  «oûjoucs  :un 
^émoi^nage  def  efnt>lçme^^«n  uiage.  dans^  o^  t$m^ 
recules.'  ^     "       '.     ^  ^  ^^  ..:,.;  . 

Lçs  rois  s'écifiyaient  en  énîgmps  ;  on  en  a^éles 
exemples  dans  Hiratft^  danS|w^A;nio».,  dans  la  reiiio 
de  Sa^Oy  Targzwit  le  Ji^etb^  -çonfulté  dans  fon  ju^ 
din  par  fon  Als  ïur  >  la.  n|%niprç  dqnt  il  f*iut  ie  coiu 
^irir^  2t,yec  Ies"jGabiens>,ne  répond,  qu^cn  -abattant 
les  pav^s  qui  $'éIçvaieni;^Mr.4ieflu$jdei.  àiitres;  fkutsi 
U  tiî^,  aflez  ^  entendra  ffltvr'iiîj/îilaiÇ'  extorqiiafer^  Icf 
graîid^\  §:  çparg;^e|r  Je  pejifll^  .b  /  ■■        ' 

*  C?«ft;  à  ces  hiéroglyphes^  ^tic!  nbùs'  devons  lès  fe^ 
blés  )i|ut  fcr^t  :les  premtors  écrits  des  hommes:  La 
feble '^^b|ea^  plus  ancte^t  nqué  PhStoiré, 

EJfaifur  if  s  tnp^^rs ,  &c,  Tom.  L  L  _ 


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(iT*^ 


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i6z     Des  PRQf  ¥iT9$  Jviis. 


»*ftna|i 


l\  faut  être  un  peu  famili^ifé  s^veç  l'antiquité  pour 
n^étre  point  efFarouché  des  ^âiQns  S^  ^»  difcoun 
çnigpi^tiquçs  des  prap^^ite&  Juifs, 

Ifàie  veut  faire  entçndjre  au  tQi,4cbAS  qu'il  Ésra 
délivré  dans  quelques  années  du  roi  de  Syrie  «&  du 
melk  on  roitelet  de  Samarie  unis  contre  lui  ;  il  lui 
éh  :  Avmti  quim  e^fant  foit  en  âg^  de  difeerner  le 
mal  Ê£?  k  bim  ,  vous  ferez  déli^ri  de  ces  deux  rods^ 
Le  Seigmur  peuftr^t;  w  rajoir  de  lotia^  pour  rafer 
la  têse\  le  poil  iiu  pend  (qui  d^  figuré  par  les  pieds) 
gf  lit  ù^whf ,  ^c-  Alors  le  prophète  prend  deux  tém 
moins,  Zacbarie  Sç  Uriex il  covchç  çivec  Ja  pfophé» 
teiï'e  ;  elle  met  au  i[nonde  un  en&nt;  le  Seigneur  lui 
donne  le  nom  de  Maher-Salal-h^STl;>a$  ,  Parta^ezvite 
les  défouilles  ,•  &  ce  nom  figniiic  qu'on  partagera  Içs 
dépouilles  çlçs  eo;ieDiis. 

.'Je  n'entre  point  dans  le  fens  allégorique  &  tnfinif 
ment  refpeébabte  qu'on  donne  à  cette  prophétie  \  je 
me  borne  à  l'examen  de  ces  ufages  étonnans  aujour- 
d'hui pour  nous. 

'  Le  même  Ifctie  marche  tout  nud  dans  Jérufalcm , 
pour  marquer  que  les  Egyptiens  feront  entiérepiei^t 
dépouillés  par  le  roi  de  Babilpne. 

Qiroi  !  dira-t-on ,  èft-îl  poflible  qu'un  hpnttnp  mar- 
che tout  nud  dans  Jérûfalem  fans  être  repris  de  juC 
ticc  ?  Oui ,  (ans  dbut^  :  Diogiûe  ne  fut  pas  le  feul 
dans  l'antiquité  qui  eut  cette  har^îrffe  \  Strabon  , 
dans  fon  quinzième  livré, dit  qu'il  y  ayak  dans  les 
Iodes  une  fede  de  bracmanés  qui  auraient  ïtéhon- 
teôx  de  porter  des  vétemens,  AujourdTiuî  en  cor  on 
voit  des  pénitens  dans-  Tlnde  qui  rfiarcKènt  ntrds  & 
chargés  de  chaînes,  avec  un  anneau  de  fer  attaché 
à  la  v«Lrge  ,  pour  çxpier  les  péchés:  flupwple.  Il 
y  çn  a  4ans  TAfriq^ei  ^  ^ai»s  la  Tuiqui».  Ces.mpeuM 
ne  font  pas  nba;  n^a;ur^  »  fc  je  ijeictpiftpas  que  da 


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têar^  i^lfaie  il  y  d^  un  ftol  ufii^e  %\x\  rdTembiâl  ayx 
nôtres.  .     .        .  ,       .  ,< oi 

Jirimie  n'araît  que  quatqrze  ans  quand  îl  fc^pt 
PEfprit.  Dieu  étendît  (à  main  &  lui  toucha  h  bpii* 
che,  parce  qu'il  ayait  quelque  difficulté  de  parler.  1) 
yoit  d'abord  une  chaudière  bouillante  tournée  aij 
nord  ;  cette  chaudière  repréfcntc  les  peuples  qui  vien- 
dront du  Septentricrn  ;,  &  l?eau  boufilante  ^gure  leé 
ïXîtalheurs  de  Jérûfalem/  ■  '  *  t 

Il  achète  unit  ceinture  de  Kn  ,  la  met  fur  fes  reins , 
&  va  là  ocher  par  Tordre  de  DiEU  dans  un  troii 
auprès  de  VEuphrate.  Il  retourne  enfuite  la  prendrç' 
&  la  trouve  pourrie.  Il  nous  (explique  lui-même  çettç 
paraboLç  en  disant  que  l'orgueil  de  jèrufaiem  pourrira. 

Il  (ç  met  des  cordes  au  cqo^,  il  fe  charge  de  chal^ 
Des  ,  U  met  iin  joug  fur  fes  épaules  ;  il  envoyé  cè^ 
cordes  ,  ç^s  cbaines  ,  &  cie  joug  aux  rois  yoifins^ 
pour  les  avertir  de  fe  (bumettre  au  roi  de  fiabiloné 
Jfabucodonofor ,  en  faveur  duquel  il  prophétife. 

EzecbieT  pe.ut  fi|rprçndre  davantage  ;  îl  prédît  au^ 
li^ifs  que  les  pères  mangeront  leurs  enftns  ,  &  miç 
les  enF^ns  njangçront  leurs  pères*  Mats  avant  dW 
yenîr  à  cette  prédiftion ,  îl  voit  quatre  animaux  éfîn- 
çelan^  de  lumière,  &  quatre  roues  couvertes  d'yeux; 
^1  mange  un  yoluthè  de  parchemin  ;  on  le  He  avec 
des  chaînes,  ïï  trace  un  plan  de  Jérufjlem  fur  une 
brique  ;  il  met  à  terre  une  pf^ëîe  de  fer  i  il  couche 
trois  cent  quatre- vingt  diic  jours  fur  le  tète  giu- 
dvB  ,  ^  quarante  jours  fur  )e  côté  drojt.  Il  'doit 
mangeç  du  pain*  de.  froment ,  d'orge  ,  de  fèves ,  de 
lentilles  ,  de  millet  ,  &  le  couvrir  d'excrémens  hu- 
mains. Ceft  ai^/t,  dît^U: ,  qne  Hi  enftm  dltjfrt^élmqiij 
gérant  httr  fcdif  fiuiilé  parmi  les  nattofit  fhe^  kh 
guelt^s  ils  feront  cbajfis:  Ijjais  aprèf  avoir  mangé  dj 


fg<^^    -JU..  .1    . 


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164     Des  ?  *  oiphItbs  Jtjifs.1  » 

ce  pain  de  .doule\îr  ,  JXiEÙ.  lui  perisie(  de  ne  le  coa- 
vrir  que  des  excrémens  de  bœufs. 

-  Il  -coupe  feSj  cheveux.  &  les,divife  çn  trgis  parts; 
il  en  mpt  une  partie  au  feu , "coupe  la  féconde  avec  une 
4péeii%ltour  de  k  viUe,  &  jette  au  vent  la  troifiéme. 

Le.  même  jEieVi^/W  a  des  , allégories  encor  plus  fut- 
prenàhtes.  Il  introduit  lé  Seigneur  qui  parle  ainii, 
chap.  XVI.  Quand  '  tu  naquis  ,  on  ne  t[àvait  point 
coupé  le  nombril*^  tu  t^ étais  ni  lavée  ni  falieW,,  tu 
es  dcvf^nue  grande ^f  ta  gorge  s*^  /ôrWi?  ^  ton  poil  a 
parti. . . ,  J^(4i  pnJI'é ^  foi  connu  que  c^était  le^  tems  des 
mnam.  Je  t\u  couverte  ,  ^  je  me  fuis  iteHdu  fur 
ton  ignominie. , ,.  Je  fai  donné  des  chcaiffutes  ^  des 
robes  de  iolou  ,  des  bracelets ,  un  collier ,  des  pendons 
d'oreîile. . , ,  jMais  pleine  de  confiance  en  ta  beauté  tu  fes 
livrée  à,  la  fornication,,,,  &  tu^as  bâti  un  mauvais 
lieu  /  tu  t*es  projiituée  dans  les  carrefours  ,•  tii  as  ouvert 
tes  jambes  à  tous  les  pajjans', .  • ,  tuai  reébmbé  les  plus 
robinet,,.  On  donne  de  f argent  aux  courtàfarniçs^ 
^  tu  en  as  donné  à  tes  amans ,  ^ç, 

(fl)  Oolla  a  forniqué  fur  mois  elle  a  aimé  avec  fu- 
reur fes  amans  , princes ^  magiflrats ,  cavaliers, , .,  Sa 
fœur  06\ib2L  s^eji  frojiituée,  avec  plus  -ê emportements 
Sa  luxure  a  jf  cherché  cei{x  qui  avaient  /f . . . ,  d'un 
àffe^^  ^  qui^,^,^  càrnme  /ff  chevaux,  (ô) 

Ces  expreffions  iious'  fertiblènè  bien  indécentes  & 
bien  groffières  ;  biles  ne  Pétaient  point  chez  les  Juifs, 
elles  fignifiaient  lés  apoftafies  de  Jérufàlem  .&  de  Sa- 
marie.r  Çes^  apo^lafies  étaient  reprëfentées  très  fou- 
vent  çôniipe  une  fornication  ,  comme  uti  -adultère. 
Il  ne.f^aut  pas  ,  encor  uiie  fois  ,  juger  des-  mœurs 
dés  ufages ,  des  faqons  de' parler  anciennes,  par  le^ 

'CàyEaech.  chap.XXriE    ^  les Quefiùms^fnr  rjEnçyclopé^, 
(  b),^  a  très  apptQfondv  \   die  ,  &  da^s  V^vis  imfortan^ 


'I 


cette  matière  dans  ^ulieujs    1  de  mylprd^Bpfîngbrokp. 
livres  nouvç?ux,5furtoiit  dans   ■  -        "' 


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VfJS^Sf^^ 


'^^i^^m 


Des  p  r  o 


PHÊTÈs  Juifs.       i6ç    if 


n&tteis  ;  tlles  ne  fe  reflemblcnt  pas  plus  que  la  lan- 
gue franx^aife  ne  teffemblc  au  c^ldécn  &  à  l'arabe. 

Le  Seigneur  ordonne  d'abord  au  prophète  Ofie 
chap.  I.  de  prendre  pour  fa  femme  une  proftituée , 
Se  il  obéit.  Cette  proftituée  Im  donne  un  fils.  Dieu 
appelle  oe  fils  Jefrajih'c^t^  un  type  de  la  maifonde 
Jihu  ,  qui  périra  ,  parce  que  Jibu  avait  tué  Joram 
dans  Jefracl.  Enfui  te  le*  Seigneur  ordonne  à  Ofie 
chap.  III.  d'époufer  une  femme  adultère  qui  foit  ai- 
mée d'un  autre ,  comme  le  >Selgneur  aime  les  enffins 
d'Ifraël  ,  qui  regardent:  les  ï)ieux  étrangers  &  qui 
aiment  te  marc  de  raifin.  Le  Seigneur  dans  la  pro- 
phétie 'd'sÂmos  chap.  IV.  menace  les  vachei  de  Sa- 
Qi^rie  de  les  mettre  dans  la  chaudière.  Enfin  tout  t& 
l'oppcfé  de  nos  mœurs  &  de  notre  tour  d'efprit  ;  & 
(i  on  examine  les. ufages  de^ toutes  les  nations  orien- 
tales ,  nous  les  trouverons  également  appofés  à  nos 
coutumes,  non-feafement  dans  les  tenis  reculés  ,  ;nais 
aujourd'hui  même  lorfque  nous  les  connalfTons  mieux. 

De^prijèresdes  Juifs.  Vi\, 

Il  nous  refte.peu  de  prières  des  anciens  peuples. 
Nous  n'avons  que  deux  où  trôî«  formules  des  my itè- 
res, &  l'ancienne  prière  à  IJîs  rapportée  dans -^i>«/eV. 
L^s  Juifi  ont  confervé  les  leurs. 

Si  Ton  peut  conjeéturer  le  carataère  d'une  natlo^ 
par  les  prières  qu'elle  fait  è  DiEU  ,  on  s'appercevra 
alfément  que  lés  Julfi  étaient  un  peuple  fcharriél  & 
fanguinaire.  Ils  paraiffent  darts  leurs  pfaùnies  fou- 
haiter  la  mort  du  pécheur  plutôt  que  fa  conyerfion  ; 
&  ils  demandent  au  Seîgnetot  dafis  le' ilile  oriental 
tous  les  biens  terrcftres.  •  ^ 

{a)  Tu  arrqfer'aT  les  montagnes  ,  ia  terre  fera  raf 
fafîée  de  fruits.  \       '  ,       >  ' 

(«)  pf.  Lxxxvin. 


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ff    Ï6é    PkièiiBs   ibBS    JtJiFS. 

^  {b)  Tu  p-odms  /e  foinpûur  lei  bêïeî  ,  ^  Pberbe 
four  t homme.  Tu  fais  fortir  le  pain  de  la  terre  ^ 
&  le  vin  qui  réjouit  le  cœur  s  tu  dormes  t'huile  qid 
répand  la  foie  fuir  le  vijage, 

(c)  Jùda  eji  tine  ^narmite  reînplie  de  iiàndes  ;  là 
montagne  du  Seigneur  eJi  une  montagne  coagulée^ 
une  montagne  graffe.  Pourquoi  regardez^vous  les  moH- 
tagnes  coagulées  ? 

Mab  il  faut  ayotsar  4n«  1^  JuiFf  maûdiftent  leîrirt 
'ennemis  dané  un  iUle  non  moins  figuré. 

^  {d)  Demande-moi  ^  ^  je  te  donnerai  en  héritage 
fbtttet  les  nations  $  tù  les  régiras  avec  une  verge  deftr. 

^^  Cf  )  -^P»DtEO  ,  traite}^  iHes  ennemis  félon  leurs  œiu 
%res  ^  félon  leurs  dejfeins  înécbans ,  pkni[fe2-lef  comntê 
f     fis  le  >râritent. 

(/)  j!^  mes  ennemis  impies  fougiffèftt ,  IjuHlsfoiefà 
'cbfiiidts  dans  lefépulcre. 

r  ik)  Seigneur  ^  prenes  vos  (armes  ^  votre  bouclier'^ 
tirez  votre  ipée ,  fermez  fous  lèspafjages  §  que  mes  en-» 
àemis  foient  couverts  de  conftf/îon ,  qu'ils  Jhient  comme 
ia  poujfière  emportée  pixr  le  vent ,  qt^ils  tombent  dttiis 
U  piigè^ 

.  <*)  ilfi^  /«  f^t  Us^fiirpreme  ^  qtiih  defcénieàt 
têia  vivons  dans  la  foje. 

y 
,    (i)  DiêU  brifèrà  leurs  dents  iaHs  leur  Infttcbe  ^  U 
inettra  en  poudre  hs  mâchoires  de  ces  lions. 


(*)  pr.  cm.  ,   ,  mpcxxx, 

te)  Pf.  cvii.  I  (ir)  k  XXXIV. 

(<<)  pr.ii.  (fc)pf.Liv. 

(e)  Pf.  XXVII.  I  </)  Ff.  ViVL 


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igift*!!.  *»■"  l'i^g^ms 


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P  K  I  i  R  E  $  D  ES  J  lij  1  F  S.  I67 

(è)  Us  Jhuffrifoni  la  fmm  c^ntme  des  chiens  ,  ils 
fi  dijferferont  four  chercher  à  manger ,  &  nefereni 
point  rajjajîis. 

(/)  -Je  m'aiùtinfferûi  vers  FIdttmie  ^^  je  la  fouler 
rai  auk  pieds. 

(m)  Jtéprimtz  tes  hites  faupager  ,  c^ffi  une  affenu 
blie  de  peuples  femblables  à  des  taureaux  &  â  des  va*- 
cbes.  V» . .  Fo/  pieds  feront  baignés  dans  lefang  de  vos 
ennemis  ^&  là  langue  de>  vos  cbierts  en  fera  abreuvée, 

(n)  faites  fondre  fttr  eux  tous  les  traits  de  votre 
colère  ,  qiiils  foient  expofis  à  votre  fUreur  »  qUe  leur 
demeure  &  leurs  tentes  Jbient  défertes. 

(0)  Répandez  ahondanimettt  votre  coUre  fur  les  peu» 
pies  à  qui  vous  êtes  inconnus, 

ip)  Mon  Dieu  ,  traitez-les  comme  les  Madianites , 
rendez-les  comme  une  roue  qui  tourne  toujours  ,  comme 
la  paille  que  k  vent  emporte  ,  comme  une  forit  brûlée 
par  le  feu, 

(^)  Ajferviffez  le  pécheur  3. que  le  malin  foit  toit^ 
jours  à  fon  côté  droit,  1 

f^uHlfoit  toujours  condamné  quand  il  plaidera* 

Que  fa  prière  lui  foit  imputée  à  péché  ,•  .que  fis 
enfans  foient  orphelins  ,  êf  fi  femme  vêuor  ,•  que  fis 
enfans  foient  des  mendions  vagabonds  ,•  que  Pufurier 
enlève  tout  fon  bien*     ^  v '^  .. 


/)  Pf.  LIX.  1       (  <>  )  Pf.  LXXX"" 

m)  Pf.  LXVII.  <î)  Pf.  CVIU. 


I      in)  pr,jLxvm 


LXXXII. 
CVIU. 

L   iiij 


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ééiéfiiBcàiÉièttsâMPPM 


PRlàKfiSJDtiJtJIUS. 


,    (r  )  £e  Seigneur  jufte  coupera  leurs  tètes  :  que  tout 
ies  eimtmii  de  Sionjoient  comme  Fberbejècbe  des  toitsi, 

(x)'  Heurewâ  celui  qui  iventrera  tes  petits  enfans 
encore  \a  la  mammeile  V  &  qui  l^  icraféra  contri  la 
pierre  ,  &Cé 

bn  voit  qve  fi  fiiBU  avak  exaucé  toutes  ks  priè- 
res de  foii  peuple^  il  se  ferait  refté  quedes  Juifs  fui 
la  terre  ;  car  ils  détenaient  touter  les  nations  ^ 
"^Is. en  étaient  déteftés  ;  &  en  demandant  fans  ceffe 
que  Dieu  exterminât  tous  ceux  qu'ils  haïflaient ,  ils 
iemblaîent  demander  la  ruine  de  la  terre  entière. 
Mais  il  faut,  toujours  Te  foùvénir  que  noni-feulepient 
fô  Juifs  étaient  le  peuple  chéri  de  DiEV  ,  maîs^l'inf- 
trument  de  fes  vengeances.  C'était  par  lui  qu'il  pu- 
hifTaît  les  péchés  des  autres  nations  ,,  comme  il  pu- 
fiTîfiiè  foh  peuple  par  elles.  Il  n*eft  plus  permis  aur 
jourd*hui  de  faire  les  mêmes  prières,  &  de  lui  deman- 
der qu'on  éventre  les  mères  &  les  en&ns  encor  à  la 
mammelle  V&  tju'on  les  éc'rafe  cohtre  la  pierre.  DîEU 
étant  reconnu  potfr  le  père  èommun  de  tous  les  honi- 
\nes  ,  aîiàun  peuple  ne  fait  ceS  împréèatîons  contre 
fes  voifms.  Nous  avons  été  aufli  cruels  quelquefois 
Ique  les  Juifs  ;  mais  en  chantant  leurs  pfaumes  ,  nous 
n'en  détotornoné  ptfS  le  ftns  tonlre  les  peùple's  qui 
nous  font  la  guerre.  C'eft  un  des  grands  avantages 
ique  la  loi  de  grâce  a  fur  la  loi  de  rigueur.  Et  plût 
à  DifiO  (\ùt  fous  une  lô!  ùAnte  &  avec  dés  jprières 
divines  ,  nous  n'eulTions  pas  répandu  le  fang  de  nos 
frères  ,  &  ravagé  la  terre  au  nom  d'un  DiEÙ  de 
Yhiféricorde<l 

,  On  fie  doit  P9S  s^étonner  que  Thiftoire  de  Flavien 
^Jofepb/ttouvk  des  contradicteurs  quand  elle  parut 

<r)  pf.cxxvrn.  (o  Pf.  cxxxvt. 


\ 


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De  Flavien  Joseph.     169    jj^ 

à  Rome.  Il  eft  vrai  qu'il  n'y  en  a^ait  que  très  peu 
d'exemplaires  ;  il  falait  au  moins  trois  mois  à  un  co- 
pifte  habile  pour  la  tranfcrire.  Les  livres  étaient  très 
chers  &  très  rares  :  peu  de  Romains  daignaient  lire 
les  annales  d'une  chétive  nation  d'efclaves  ,  pour 
qui  les  grands  &  les  petits  avaient  un  mépris  égal. 
Cependant  il  parait  par  la  réponfe  de  Jofepb  à  If/>- 
pioH  ,  qu*il  trouva  un  petit  nom*bre  de  ic(fteurs  ,  & 
l'on  voit  aufli  que  ce  petit  nombre  le  traita  de  men* 
teur  &  de  vifionnaire. 


ÏI  faut  fe  mettre  à  la  place  des  Romains  du  tems 
de  Tifuf  ^  pôui*  Concevoir  avec  quel  mépris  mêlé 
d'hprreur  les  vainqueurs  de  la  terre  connue  &  les  lé- 
giflateurs  des  nations  devaient  regarder  Thiftoire  du 
peuple  Juif.  Ces  Romains  ne  pouvaient  guère  favoir 
que  Jofepb  avait  tiré  la  plupart  des  faits  des  livres 
facrés  didés  par  le  St.  Efplit.  Us  ne  pouvaient  pas 
être  inftruits  que  Jofepb  avait  ajouté  b^ucpup  de 
chofes  à  la  Bible  >  &  en  avait  paiTé  beaucoup  (bus  fi- 
lence.  Ils  ignoraient  qu'il  avait  pris  le  fonds  de  quel- 
ques hiftoriettçs  dans  le  troifiéme  livre  d'Efdrat ,  & 
que  ce  livre  d'Bfdras  eÛ  un  de  ceux  qu'on  nomme 
apocryphes. 

Que  devait  penfer  un  fénateur  Romain  en  lifant  ces 
contes  orientaux?  Jofepb  rapporte  liv.  X.  ch.  XIL 
que  Darius  fils  à'Afliage  avait  fait  le  prophète  Dcp^ 
niel  gouverneur  de  trois  cent  foixante  villes  ,  lorf- 
qu'il  défendit  fous  peine  de  la  vie  de  prier  aucun 
Dieu  pendant  un  mois.  Certainement  l'Ëcriture  ne  dit 
point  que  Djûtiel  gouvernait  trois  cent  foixante  villcd^ 


Jofepb  îemble  tuppofer  enfuite  que  toute  la  Ferfe 
ic  fit  juive. 

âLe  même  Jofepb  donne  au  fécond  temple  des  Juifs,     j  ; 
rebâti  par  ZarùbabeL  ,  une  fingoliére  origine.  4  * 


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Db  Flavien   Joseph. 


Zorohabtl^  à\t'\\  ^  était  t intime  ami  du  roi  Oa^ 
riuf.  Un  cfclave  Juif  intime  amî  du  roi  des  rois  !  c'eft 
à-peu-près  comme  (i  ua  de  nos  hiftoriens  nous  difait 
qu'un  fanatique  des  Cevennes  délivré  des  galères, 
était  l'intime  ami  de  Loui^  XIV, 

Quoi  qu'il  en  foit ,  félon  Flavien  Jofepb ,  Dariur 
qui  était  un  prince  de  beaucoup  d'efprit  ,  propofa 
'  à  toute  fa  cour  une  queftion  digne  du  mercure  ga- 
lant ,  favoir  ,  qui  avait  le  plus  de  force ,  ou  du  vin, 
ou  des  rois  ,  ou  des  femmes  ?  Celui  qui  répondrait 
le  mieux  devait  pour  récompenfe  avoir  une  thiare  de 
lin  ,  une  robe  de  pourpre  ,  un  collier  d'or  ,  boire 
dans  une  coupe  d'or  ,  qoucher  dans  un  lit  d'or  ,  fe 
promener  dans  un  chariot  d'or  ,  traîné  par  des  che- 
vaux  enharnachés  d'or  ,  &  avoir  des  patentes  de  cou- 
fin  du  roi. 

Darius  s'aflit  fur  fon  hànt  d'or  pour  écouter  lés 
féponfcs  de  fon  académie  de  beaux  efprits.  L'un  dif- 
fertà  en  faveur  du  vin  ,  l'autre  ftt  pour  les  rois. 
^orobabel  prit  le  parti  des  femmes.  Il  n'y  a  rien 
d6  {\  puifTant  qu'elles  ,  car  jai  vu ,  dit- il  ,  Apamie 
la  maitrefle  du  roi  mon  feigneur ,  donner  de  petits 
foufflets  fur  les  joues  de  fa  facrée  majefté ,  &  lui  ôtcr 
fon  turban  pour  s'en  coêfFer. 

Darius  trouva  la  réponfe  de  Zorobabeî  fi  comique  , 
<}ué  fur  le  cham^  il  fit  rebâtir  le  temple  de  Jérufalem. 

Ce  conte  reffemble  affez  à  celui  qu'un  de  nos  plus 
îngénîeux  académiciens  a  fait  de  Soliman  &  d'un  nez 
retrôuffé  ,  lequel  a  fervi  de  caneVas  à  un  fort  joli 
opéra  bouffon.  Mais  nous  fommes  contraints  d'avouer 
que  l'auteur  du  nez  retroulTé  n*a  eu  ni  lit  d'or,  ni 
carroflTe  d'or ,  &  que  le  roi  de  France  ne  l'a  point  appel- 
lé  mon  couGn;  nous  ne  fommes  plus  au  temsdes  Ùarius, 

Ce$  réveties  dont  J(>fepb  forchàrgeait  les  llvèes 
ùix^  ,  firent  tort  fans  doute,  chez  le»  payens  aux 


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1 


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De  Flayibk  Joseph.       171    « 

vérités  que  la  Bible  contient.  Les  Romains  nè^  pou« 
Vaient  diftinguer  ce  qui  avait  été  piiifé  dans  une 
fource  impure  ,  de  ce  que  Jofepb  avait  tiré  d'une 
fource  facrée.  Cette  Bible  ,  fad'ée  pour  nous  ,  était 
bu  inconnue  aux  Romains,  oti  aufli  méprifée  d'eux 
^^ue  Jofeph  lui-même.  Tout  îFut  également  l'objet  det 
railleries  &.  du  profond  dédain  que  leé  leéteurs  conçu- 
rent  pour  j'hiiloire  juive.  Les  apparitions  des  anges 
aux  patriarches, le paiTage  de  là  mer  Rougeoles  dix 
plaies  d'Egypte  ,  TinconceVable  multîplicatlon  du 
peuple  Juif  en  fi  peu  de  temt ,  &  dans  un  aufli  pe- 
tit terTiiin  ;  le  foleîl  &  la  lune  s^arrétant  en  plein  midi 
pour  donner  le  temsii  ce  peuple  efclave  de  maffacrer 
quelques  payfans  déjà  exterminés  par  une  pluie  de 
pierres  ;  tous  les  prodiges  qui  fignalèrent  cett'e  |ii* 
don  ignorée  ,  fbrent  traités  avec  ce  mépris  q\i'un 
peuple  vainqueur  de  tant  de  nations, un  peuple  foi, 
mais  à  qui  DIEU  s'était  caché ,  avait  naturellement 
pour  un  petit  peuple  barbare  réduit  en  efclavage. 

Jofepb  fentaît  bien  que  tout  ce  qu'il  écrivait ,  ré- 
volterait des  auteurs  profanes  ;  il  dit  en  plufieurs  éiu 
droits ,  le  ieffeur  en  jugera  comme  il  voudra.  Il  craint 
d'effaroucher  les  dprits  ;  il  diminue  autant  qu'il  le 
peut  la  foi  qu'on  doit  aux  miracles.  On  voit  à  tout . 
moment  qu'il  eft  honteux  d*étre  Juif,  lots  même  qu'il 
s'efforce  de  rendre  fa  nation  recommandable  à  fes 
vainqueurs.  ïl  faut  fans  doute  pardonner  aux  Ro- 
mains ,  qui  n'avaient  que  le  fens  commun  ,  &.  qui 
n'avaient  pas  encor  la  foi  ,  de  n'avoir  regardé  l'hif-  ^ 
torien  Jofepb  que  comme  un  mlférable  transfuge  qui 
leur  contait  des  fables  ridicules ,  pour  tirer  quelque 
argent  de  fes  maîtres.  Béniffons  Dieu ,  nous  qui  avons 
le  bonheur  d'être  plus  éclairés  que  les  Titus  ^  les  Tra-  " 
jaus ,  les  Antonins ,  &  que  tout  le  fénat  &  les  dhevalieri 
Romains  nos  maîtres ,  nous  qui  éclairés  par  des  lu- 
mières fupérieures  ,  pouvons  difcerner  les  fables  ab- 
furdes  de  Jofepb  &  les  fublimes  vérités  que  la  fainte 
Ecriture  nous  annonce. 


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172Î  D'un  ïiEtîSQNëÉ  bE  JoisEPH 


D'Uîï  MENSONGE   DE  FlAVIEN  J'OSÈPH  ,  CONCER- 

NAiit  Alexandre  et  les  Juifs. 

Lors  (\\x* Alexandre  élu  par  tous  les  Grecs  comme 
fon  père  ,  &  comme  autrefois  Agamemnon ,  pour  aller 
venger  la  Grèce  des  injures  de  l'Afie ,  eut  remporté 
la  vidtoire  d'iffus ,  il  s'empara  de  la  Syrie  ,  l'une  des 

Î)rovinces  de  Darab  ou  Darius  ^  il  voulait  s'aflurer  de 
'Egypte  avant  de  paffer  PEuphrate  &  le  Tigre  ,  & 
6ter  à  Darius  tous  les  ports  qui  pouraient  lui  fournir 
des  flottes.  Dans  ce.deffeîn  ,  qui  était  celui  d'un  très 
grahd  capitaine ,  il  falut  affiéger  Tyr.  Cette  ville  était 
fous  la  protection  des  rois  de  Perfe  &  fouveraine  de 
la  mer  ;  ^Alexandre  la  prit  après  un  fiége  opiniâtre  de 
fept  mois  „  &  y  employa  autant  d'art  que  de  courage  ; 
la  digue  qu'il  ofa  faire  fur  la  mer  eft  encer  aujour- 
cfhui  regardée  comme  le  modèle  que  doivent  fuivre 
tous  les  généraux  dans  de  pareilles  entreprifes.  C'eft 
en  imitant  Alexcatdre  que  le  duc  de  Parme  prit  An- 
vers ,  &  le  cardinal  de  Richelieu  la  Rochelle ,  s'il  eft 
Î'ermis  de  comparer  les  petites  chofes  aux  grandes, 
lollin  à  la  vérité  dit  qu'Alexandre  ne  prit  Tyr  que 
parce  qu'elle  s'était  moquée  des  Juifs,  Se  queDiEO 
,- voulut  venger  l'honneur  de  fon  peuple.  Mais  Alexan* 
are  pouvait  avoir  encor  d'autres  raifons  :  il  falait  après 
avoir  foumis  Tyr ,  ne  pas  perdre  un  moment  pour 
s'ehiparer  du  port  de  Pélufe.  Aînfi  Alexandre  ayant 
fair  une  marche  forcée  pour  furprendre  Gaza ,  il  alla 
d€  Gaza  à  iPélufe  en  fept  jours.  C'eft  ainfi  qu'-^mew , 
Qiiinte  -  Curce  ,  Diodore  ,  Paul  Orofe  même  ,  le  rap- 
portent fidèlement  d'après  le  journal  d'Alexandre. 

Que  f dit  Jofepb  fcmv  relever  fa  nation  fu jette  des 
Perfes  ,  tombée  fous  la  puifTance  d'Alexandre  avec 
toute  la  Syrie ,  &  honorée  depuis  de  quelques  privi- 
lèges par  ce  gratid  -  homme  ?  Il  prétend  qu'Alexandre 
en  Macédoine  avaitvu  en  ibnge  le  grand-prêtre  des 
Juifs  Jaddus  (  fuppofé  qu'il  y  eût  en  effet  «n  puétre 


H^iSIdK^ 


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*j^(giu^'  '        ■       ■"  igaii  "  ^'^^Jl^H 

.SUR    Alexandre.      17g    ;  ! 

juif  dont  le  nom  finit  en  «j  ) ,  que'  ce  prêtre  TaVaît 
encouragé  à  foa  expédition  contre  les  Pcrfesyque  c'é- 
tait par  cette  raifon  qu'Alexandre  avait  attaqué  TAfic. 
Il  ne  manqua  donc  pas  après  le  fiége  de  Tyr  de  fc 
détourner  de  cinq  ou  iix  journées  de  chemin  pour  all^ 
voir  Jérufalem  ;  comme  le  grand  •  prêtre  Jàddus  ^railt 
autrefois  apparu  en  fongeà  Alexandre^  il  reçut  auifi 
en  fonge  urt  oxdre  dp  Dieu  d'aller  fàlyer  ce  roi  ;  il 
obéit ,  &  revêtu  de  fes  habits  pontificaux ,  fuivi  de 
fcs  lévites  en  furplis,  il  alla  en  proceflion  au-devant 
ii! Aiexfundre  ;  dès  que  ce  monafrque  vit  Jaddus ,  il 
reconnut  le  même  homme  qui  l'avait  averti  er)  fpng^ 
fept  ou  huit  ans  auparavant  de  venir  conquérir  la  Per- 
fe;  &  il  le  dit  à  Par^iénion.  Jaddus  avait  fur  fa,  tête 
Ton  bonnet  ôtné'  d'une  lame  d^or  ,  fur  laquelle  était 
gravé  un  rfiot  héfiréu  y  Alexandre  qui  fans  douté 
jBntendait  rhébreli  jiarfaitement ,  reconnut  auffi  -  tôt 
le  nom  Jehovab\^  &'fe  profterna  humblement,  fâchant 
bien  que  DïEU  tie'po'uvaît' avoir  que  ce  nom.  Jaddui 
lui  montra  jàiffî-tôt  des  prophéties  qui  dffaîent  clai- 
rement ç{\x* Alexandre  s'emparerait  de  Tempire  des  Per- 
fes  ,  prophiéticsquî  né  furent  jamais, feitcs  après l'é- 
^ériementï'Il  le.  flatta  que  DlEU  l'avait  choifi  pour>. 
^tèr  à  fon  peuple  chéri  toute  efpérâncc  de  régner  fur 
4a  terre  promifc.,*  aitiii  qu'il  avàit'dipifi  autrefois  2^ 
bucodonofor  &  Cyrus  c[Ui  avaicot  pofledé  la  terre  pr(fe. 
jnife  Tun  après  l'autre.  Ce  conte  abfurde  du  roman« 
cîer  JofepJb  ne  devait  pas  ,  ce  me  femble,  être  copié 
par.iïo///» ,  commr  f'U  était  atteftépar  un  éciîvaiil 
facré.  .  :  j 

_^-Maî&  c'eft  ainfi  (^'on  a  écrit  l'hiftoire  anci^nijc, 
_&  bjen  fojpycnt  la  moderne, 

BeS  PRÉjfUGès  POPULAIRES  AirXdtJEtS  Ï^ES  FCftïi- 
VAINS  SACRÉS  ONT  DAIGNE  SE  CÔNPÔRMEIt 
PAR  CQNDfiSCgNPANCE. 


i 


-n  Les  livres.&iots  font  faits  poult  enfeigniâr  la  moralf 
&  non  la  phyfique.  .     .     t 


.^^'^1^,    Il   iiiiii  iiiijiiiiHiiii  éHji  ih  I  .11 «"''w'K^ill 


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Iiifw<»  1.1  I         -Mtti»!     Il  mimgfg 

Ç    174   P  E  A  J  V  o  é  s  P  o  1 U  L  A  I H IS. 

I  — i— — ^— Mit 

Le  fi»f petit  paflbie  diins  hintiqpit^  pour  le  plus  ha? 
bile  de  tous  les  animaux.  L'auteur  du  Pentateuc^oè 
veut  bien  dire  que  le  ferpeht  fut  aflRiz  fubtil  pour 
réduire  Eve.  On  attribuait  quelqiiefbrs  la  parole  aux 
bétcs  :  récrivain  facré  fait  parler  le  ferpent  >  &  Ti- 
neiTe  de  Balaam.  Piufieurs  Juifs  St  pliiQeors  doéteurs 
chrétiens  ont  regardé  cette  htftoire  comme  une  allé- 
gorie ;  mais  foit  emblème ,  foit  réalité ,  elle  eft  égale* 
ment  refpedtable.  Les  étoiles  étaient  regardées  com- 
me des  points  dans  les  nuées  :  l'auteur  divin  fe  pro- 
portionne  à  cette  idée  vulgaire  ,  &  dit  que  la  |qp^ 
fi^t  faite  pour  pré^der  aux  étoilep. 

L'opinion  commune  était  que  les  deux  étaient  fbli- 
des  ;  on  les  nommait  en  hébreu  Rakiak  ,  mot  qui  ré- 
pond i  la  plaque  de  métal ,  à  un  corps  étendu  &  fer* 
me ,  que  nous  traduîfimes  par  firmament.  Il  portait 
des  eaux  ^  lerquelles  fe  répandalçnt  par  des  ouvertu- 
res. L'Ecriture  fe  prpporfiqnne  à  ççtte  phyfiqûe.  • 

\ 

Les  Indiens ,  les  C^ldéen^,  les  Pierfan^  imagHiaient 
que  Dieu  avait  forme  le  monde  en  fix  tems.  L-au. 
teur  de  la  Genèfe  ,  pour  ne  pas  efl^roocber  la  fai* 
blefle  des  Juife  ,  repréfente  DistJ  formant  le  mond^ 
en  fix  jours  ^  quoiquhin  mot  &  un  infbnt  fuififent  è 
fa  toute  -  puf (Tance.  Un  jardin  ,  des  ombrages  étaient 
un  très  grand  bonheur  dans  les  pays  &cs ,  brûlés  du 
foleil  \  le  divin  aqteur  place  Ijs  premitc  homme  dans 
un  jardin. 

*  On  n- avait  point  d*idée  d'un  être  poremeht  impia- 
tériel  :  Dieu  eft  toujours  repréfente  comme  un  hom- 
me ;  il  fe  promène  à  midi  dans  le  jardin ,  \\  parle ,  iS: 
pn  lui  parle. 

Le  mot  ame ,  Ruah ,  fignifie  le  fouffle ,  la  vie  :  l'a- 
me  eft  toujours  employée  pour  la  vie  dans  le  Penta« 
teuque. 


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PnijTJOés    POPULAIRES-     17f      \\ 

m'iii  ui  .    .       - 

On  croyait  qu'il  y  avait  des  nations[  do  géants  ,  & 
la  Genèfe  veut  bien  dire  qu'ils  étaient  les  enfaiis  des 
^ag^  S^  des  filles  des  hommes. 

On  accordait  aux  brutes  une  efpèce  dç  raifon.  Dieu 
daigne  faire  alliance  après  le  déluge  avec  l^s  hrutei| 
çomnie  avec  l(ss  hon;mes. 

Perfonne  ne  favait  ce  que  c'eft  qiie  Farcren-ciel , 
Il  était  regardé  comme  une  chofe  rurnaturclle  ,  & 
Homère  en  parle  toujours  ainfî.  L'Ecriture  l'appelli; 
l^arc  de  Dieu,  le  figne  d'alliance. 

Parmi  beaucoup  d'erreurs  aûx;quelles  le  genre4iu«. 
main  a  ét^  livré  ypn  croyait  qu*pn  pouyî\it  Caire  naiu9 
les  animaux  de  la  couleur  qu'on  voulait ,  en  préfen- 
tant  cette  couleur  aux  mères  avant  qu'elles  çon,9uf- 
fent  :  Vauteur  de  la  Genèfe  dit  que  jfaçob  ei|t  de^  hrot 
jbis  Cachetées  par  cet  artifice. 

Toute  l'antiquité  fe  fervait  d^ç  d^tme^  contre  U 
morfure  des  ferpens  ;  &  quand  la  plaie  n''était  pas 
mortelle  «  ou  qu'elle  était  heureufement  fucée  par  des 
cljiàrlatans  nommés  PJWes ,  ou  qu'enfin  on  avait  app)ir 
que  avec  fuccès  des  topiques  convenables  ,  on  a# 
doutait  pas  que  les  charmes  n'euflent  opéré.  Moifi 
éleva  un  ferpent  .d'airain ,  dont  la  vue:  guériflait  ceuJ^ 
que  les  ferpens  avaient  mordus.  Dieu  changeait  un^ 
ç;rreur  populaire  en  une  vérité  nouvelle. 

yne  des  plus,  anciennes  erreurs  était  l'opinion  que 
Pon  pouvait  faire  naitre  dss  abeilles  d'un  cadavre 
jppurri.  Cet^  idée  ét;ait  fondée  fur  l'e^ipérience.  jour^ 
çalière  de  voi^  des  louches  &  des  verraliTeaux  cou» 
vrir  les  corps  morts  des  animaux.  De  cette  expérience 
qui  trompait  les  yeux ,  toute  l'antiguité  avait  conclu 
que  la  corruption  eft  Je  principe  do  la  génération. 
Pui(xj[u'on  croyait  qu'qn  cort)s  mort?  produisit  dts  mou- 
ckea ,  00  fefigucàit  queJe  moyeniur de  fe  procurer  de^ 


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17^     Préjuges  Po*ut Aires. 


1 


i 


abeilles  ,  était  de  préparer  les  peaux  fanglantes  des 
animaux  de  la  manière  requife  pour  opérer  cette  mé- 
tamorphofe.  On  ne  falfait  pas  réflexion  combien  les 
abeilles  ont  d'averfion  pour  tovite  chair  coi:rompqe , 
combien  toute  infedionlein*  eft  contraire.  La  méthode 
de  faire  naître  des  abeilles  ne  pouvait  réuUir  ;  mais  on 
croyait  que  c'était  faute  de  s'y  bien  prendre.  Virgile 
d^ns  fon  quatrième  chant  des  géorgiques  ,  dit  que 
cette  opération  fut  heureufement  faite  par  Arijlief 
n^ais  aqfli  il  aJQutp  que  c'eft  un  miracle  ^  mirabi/e 
monjhrum, 

C'eft  en  re<ftiliant  cet  antique  préjugé  qu'il  eft  rap- 
porté que  Samfon  trouva  un  efTain  d'abetlle3  dans  la 
gueiile  d'un  lion  qu'il  ^vait  déchiré  de  fes  mains. 

C'était  ençor  une  opinion  vulgaire  que  rafpic  fc 
bouchait  les  oreilles  de  peur  d'entendre  la  voix  dç 
de  l'enchanteur.  Le  pfalmifte  fe  préce  à  cette  erreur 
en  difant  pf.  LVIII.  Tel  que  rafpic  fourd  qui  boHçbe 
fes  oreilles ,  6?  qui  n^ entend  point  les  encbantemens. 

L'ancienne  opinion  que  les  femmes  font  tourner  Je 
vin  &  le  lait ,  empêchent  le  beurre  de  fe  figer  ,  & 
font  périr  les  pigeonnaux  dans  les  colombiers  quand 
elles  ont  leurs  règles ,  fubfifte  encor  dans  le  petit  peur 
pie  )  ai^fi  que  les  influences  de  la  lune.  On  crut  que 
les  purgatiens  des  femmes  étaient  lés  évacuations  d'un 
fang  corrompu  ,  &  que  fi  un  homtne  approchait  de 
fa  femme  dans  ce  tems  critique ,  il  faiffiit  nçceffiyre- 
inent*des  enfans  lépreux  &  eftropiés  :  cette  idée  ava^ 
tellement  prévenu  les  Juifs,  que  le  Levrtiquè  chapî- 
■tre  XX  ^  condamne  à  mort  l'homme.  &  l^  fempie 
■qui  fe  feront  rendu  le  devoir  conjugal  dans  ce  tems 
critique.  .  . 

Enfin  l'Efprît  faînt.vcut  bien  fe  confiormcr  telle* 
jnent  aux  préjugés  populaires ,  qUe  le  Sauveur  luj-mè^ 
mp  dit ,  qu'on  ne  met  jamais  dp  vin  ^«uveau.  d^à$ 

de 


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: 


FnéjUeÉS  f  QPUI^AII^CS.        J77    1 


de  yieillcs  fotaflies  ^  &  qu'il  finit  que  le  hUi  poui-r 
rifle  pour  meurir. 

St.  PafdAit  aux  Corinthiens,  en  voulant  leur  pçr- 
fuader  la  réTurredion  ,  Infenfis  ,  ne  fave2-vqus  pa^ 
qu'il  fauP  (fue  le  grain  meure  four  Je  vivifier  ?  on  fait' 
b?en  aujourd'hui  que  le  grain  ne  pourrit  ni  ne  mevirt 
en  terre  pour  lever  ;  s'il  pourriffait ,  il  ne  lèverait  pas  ; 
mais  alors  on  était  dans  cçtte  erreur  ;  &  le  St.  E)f- 
prit  daignait  en  tirer  des  comparaifons  utiles.  CeO; 
ce  que  5iP.  Jirème  appelle  parler  par  éçonomiç. 

Toutes  les  maladies  de  convulfîons  paflerent  pour 
des  poiTeflions  de  diable  ,  dès  que  la  dodtrine  des 
diables  fut  admife.  L'épilepfie  chez  les  Romains  com-» 
me  çhe?  les  Grecs  fut  appellée  le  malfacri.  La  mé- 
lancolie accompagnée  d'une  efpéce  de  rage  »  fut  encor 
Sun  mal  dont  la  caufe  était  ignorée;  ceux  qui  en  étaient 
attaqués  erraient  la  nuit  en  hurlant  autour  des  tom^ 
beaux.  Us  furent  appelles  démoniaques ,  lycantropes  , 
chez  les  Grecs.  L'Écriture  admet  dçs  démoniaques  qui 
errent  aiitoyr  des  tombeaux. 


i 


Les  coupables  chez  les  anciens  Grecs  étaient  ft)u« 
vent  tourmentés  des  furies  ;  elles  avaient  réduit  Qrejh 
à  un  tel  défefpoir ,  qu'il  s'était  mangé  un  doigt  dan^ 
un  zcQts  de  fureur  ;  elles  avaient  pourfuiyi  A^cmion , 
Etéocle ,  &  Polinice.  Les  Juifs  helléniftes  qui  furent 
inftruits  de  toutes  les  Qp^nions  grecques ,  admirent  en? 
fin  chez  eux  des  efpèces  de  furies ,  des  pfprits  im^ 
mondes ,  des  diables  qui  tourmentaient  les  homme$. 
Il  e(l  vrai  que  le^  faducéens  ne  reconnaiflaient  poinl 
de  diables  ;  mais  Içs  ph^rifîen^  les  reçurent  un  peu  ayant 
le  règne  d*Hérode.  Il  y  avait  alors  chez  les  Juîfi? 
des  cxorciftes  qui  chaffaîent  les  diables  ;  ils  fe  fer? 
vaient  d'une  racine  qu'ils  mettaient  fous  le  nez  des 
poiïedés ,  &  employaient  une  formule  tirée  d'un  pré-r 
tendu  livjre  de  Salomon^  Enfin  ils  étaient  tellement 
en  po(|efi[iQn  4c  çh^er  les  diablçs ,  qi^e  notre  ^au^ 

Effai  fur  le f  mœurs  ^&c.Tom.l^  IVJ 


I 


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S    î7g     Priêjugés  f ôpul'Aîkes. 

_______ 

TCtir  luî-tnênie  açcafé  ,  felcm  St.  Matthieu^  de  les 
chafler  par  les  enchantcmens  de  Belziimth  y  accor- 
de que  les  Juifs  ont  le  même  pouvoir  ,  &  leur  de- 
mande  fi  c'eft  par  Èelzébutb  qù*îls  triomphent  des 
cfprits  malins  ? 

Certes  fi  les  mêmes  Juifs  qui  firent  mourir  Jesus 
aV^aient  eu  le  pouvoir  de  faire  de  tels  miracles  ,  fi 
les  pharifiens  chaffaient  en  effet  les  diables ,  ils  feî- 
faientdoncle  même  prodige  qu'opérait  le  Sauveur; 
ils  avaient  le  don  que  Jfis US  communiquait  à  (es  diil 
ciples  ;  &  s'ils  ne  Pavaient  pas ,  Jesus  fe  conformait 
donc  au  préjugé  populaire  ,  en  daignant  fuppofer 
que  fes  implacables  ennemis,  qu'il  appellait  race  de 
vipères ,  avaient  le  don  des  miracles  ,  &  dominaient 
fur  les  démons.  Il  cft  vrai  que  ni  les  Juife  ni  les 
chrétiens  ne  jouiffent  plus  aujourd'hui  de  cette  pré- 

8«     rogative  longtems  fi  commune.    Il  y  a  toûjoqrs  des    . 
exorcîftes ,  mais  on  ne  voit  plus  de  diables ,  ni  de  pof-    m 
a      fédés  :  tant  les  chofes  changent  avec  le  tems  !  11     | , 
était  dans  Tordre  alors  qu'il  y  eût  des  poffédés  ,  & 
.  il  eft  bon  qu'il  n'y  en  ait  plus  aujourd'hui.  Les  pro- 
diges  néceflaires  pour  élever  un  édiiice  divin  font 
fnutilcs  quand    il    eft   au   comble.    Tout  a  changé 
fur  la  terre  ;  la  vertu  feule  ne  change  jamais  :  elle 
eft  femblable  à  la  lumière  du  foleil  ,  qui  ne  tient 
prefque  rien  de  la  matière  connue  ,  &  qui  eft  toû- 
jours  pure ,  toujours  immuable ,  quand  tous  les  élé- 
mens  fe  confondent  fans  ccffe.  Il  ne  fiaut  qu'ouvrir  les 
yeux  pour  bénir  fon  auteur. 

Des  anges  ,  des  génies  ,  t)ES  diables  ,  chez  les 

ANCIENNES  NATIONS  ET  CHEZ  LES  JUIlFS, 

Tout  a  fa  fourcc  dans  la  nature  de  Tefprit  humain  ; 

tous  les  hom»nes  puiflans  ,  les  magiftrats  ,  les  princes 

avaient  leurs  meffagers  ;  il  était  vraiftmbbble  que 

ïes  Dieux  en  avaient  auffi.    Les  Caldécns  &  les  Per, 

wt     fes  femblent  être  les  premiers  qui  parlèrent  des  anges    ^ 

atgtf j  ^>  '  ^  MigatMié     ■■■  ■  I  II      >^  tn^l 


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!..      Tiiiy 

Des  AJsraBs,  QéNm,DUQLEs,  ^a  179 

nj         "  •'    »g 

Qoi|ime  de  huifOcrs  céleftes  &  de  porteurs  d'ordre, 
Mais  avant  eux  les  Indiens,  de  qui  toute  efpèce  de 
théologie  nous  eft  venue  ,  avaient  inventé  les  ange^ 
"&  les  avaient  repréfentés  dans  leur  ancien  Uvre  dv^ 
Shaftja  comme  des  créatures  immortelles  ,  participan- 
tes de  la  divinité ,  &  dont  un  grand  nombre  fe  rét 
volta  dans  le  ciel  contre  le  créateur.  (  Vpyez  le  cha^ 
pitre  de  l'Inde,) 

Les  Parfis  ignicoles  qui  fubfiftent  encor ,  ont  çom? 
muniqué  à  l'auteur  de  la  religion  des  anciens  Par- 
fis (a)  ,  les  noms  des  anges  que  les  premiers  Perfei 
reconnaiflaient.  On  ea  trouve  cent  dix-neuf,  parmi 
lefquels  ne  font  ni  Rafhadl  ^  ni  GabrUl ,  que  les  Fer. 
fes  n'adoptèrent  que  longtems  après.  Ces  mots  font 
caldéens  ;  ils  ne  furent  connus  des  Juifs  que  dan| 
leur  captivité  :  car  avant  l'hiftoire  dç  Tobh  on  n% 
voit  le  nom  d'aucun  ange,  ni  dans  le Fentatçucjue^ 
ni  dans  aucun  livre  des  Hébreux. 

Les  Perfes  dans  leur  ancien  catalogue  qu'on  trouva 
au  <  devant  du  Sadder  ^  ne  comptaient  que  douze  dia^ 
blés  ;  Se  Arimane  était  le  premier.  C'était  du  moin^ 
une  chofe  confolante  de  reconnaître  plus  de  génies 
bienfaifans  que  de  démons  ennemis  du  genre  humaii^ 

On  ne  voit  pas  que  cette  dodtrine  ait  été  fpivie 
des  Egyptiens.  Les  Grecs  au  -  lieu  de  génies  tutelai, 
res  eurent  des  divinités  fecondaîres  ,  des  héros  & 
des  demirDîeux.  Au  r  Heu  de  diables  ils  eurent  Ati^ 
Erinnis  ,  les  Euménides,  Il  me  femble  que  ce  fut 
Platon  qui  parla  le  premier  d'un  bon  &  d'un  maur 
vais  génie ,  qui  préfidaient  aux  adtions  de  tout  mor^ 
tel.  Depuis  lui ,  les  Grecs  &  les  Romainç  fe  piqué- 
rent  d^avoîr  chacun  deux  génies  ;  &  le  mauvais  eut 
toujours  plus  d'occifpations  Ci  de  fuçc^s  que  (q|i 
antagonifte. 

C  a  )  Hiiie ,  ii  vtligknt  ^tterum  ferfyrum. 

M  ij 


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«IÇ« 


180    Des  anges»  génies*  diables,' 

Quand  les  Juifs  eurent  enfin  donne  des  noms  à 
leur  milice  céïefte ,  ils  la  diftinguèrent  en  dix  daf» 
fes  :  les  faints  ,  les  rapides  ,  les  forts ,  les  fiammes  » 
les  étincelles  ,  les  députés  ,  les  princes ,  les  fils  de 
princes ,  les  images ,  les  animés.  Mais  cette  hiéraif- 
chie  ne  fe  trouve  que  dans  le  Talmud  &  dans  le 
Targum ,  &  non  dans  Içs  livres  du  canon  hébreu. 

Ces  anges  curent  toujours  la  forme  humaine  ,  & 
c^cft  ainfi  que  nous  les  peignons  encor  aujourd'hui , 
en  leur  donnant  des  ailes,  liapba'él  conduîfit  Tobie, 
Les  anges  qui  apparurent  à  Abrubam ,  à  Lot^  burent 
&  mangèrent  avec  ces  patriarches  ;  &  la  brutale  fîi. 
reur  des  habitans  de  Sodome  ne  prouve  que  trop  que 
les  anges  de  Lat  avaient  un  corps.  Il  ferait  même 
difficile  de  comprendre  comment  les  anges  auraient 
parlé  aux  hommes ,  &  comment  on  leur  eût  répondu , 
s'ils  n'avaient  paru  fous  la  figure  humaine. 

Les  Juifs  n'eurent  pas  même  une  autre  idée  de 
Dieu.  Il  parle  le  langage  humain  avec  Adam  &  Eve  $ 
il  parle  même  au  ferpent  ;  il  fe  promène  dans  le  jar. 
din  d'Eden  à  l'heure  de  midi.  Il  daigne  converfer 
avec  Abraham  ,  avec  les  patriarches  ,  avec  Moife. 
Plus  d'un  commentateur  a  cru  même  que  ces  mots 
de  la  Genèfe  ,  faifons  thomme  à  notre  image  ,  pou- 
vaient être  entendus  à  la  lettre  ;  que  le  plus  parfait 
des  êtres  de  la  terre  était'  une  faible  reflemblance 
de  la  forme  de  fon  créateur  ;  &  que  cette  idée  de* 
vait  engager  l'homme  à  ne  jamais  dégénérer. 

Quoique  la  chute  des  anges  transformés  en  dia- 
bles ,  en  démons  ,  foit  le  fondement  de  la  religion 
juive  &  de  la  chrétienne  ,  il  n'en  eft  pourtant 
rien  dit  dans  la  Genèfe  ,  ni  dans  la  loi ,  ni  dans 
aucun  livre  canonique,  La  Genèfe  dît  exprefle- 
ment  qu'un  ferpent  parla  à  Eve  &  la  féduifit.  Elle 
a  foin  de  remarquer  que  le  ferpent  était  le  plus 
^     habile  ,  le  plus  rufé  de  tous  les  animaux  ;  &  nous     ^^ 

&  S 


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CHEZ  LES  ANCIENS  ET  CHEZ  LES  JUIFS. 


181     f 


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1 


avons  obfervé  que  toutes  les  nations  avaient  cette 
opinion  du  ferpent.  La  Genèfe  marque  encor  pofi^ 
tivement  que  la  haine  des  hommes  pour  les  ferpens 
vient  du  mauvais  office  que  cet  animal  rendit  au 
genre  humain;  que  c'eft  depuis  ce  tems4à  qu'il  cher- 
che à  nous  mordre ,  que  nous  cherchons  à  l'écrafer  ; 
&  qu'enfin  il  eft  condamné  pour  fa  mauvaife  adtion 
à  ramper  fur  le  ventre ,  &  à  manger  la  poufTière  de 
la  terre.  Il  eft  vrai  que  le  ferpent  ne  fe  nourrit 
point  de  terre  ;  mais  toute  l'antiquité  le  croyait. 

Il  femble  à  notre  curlofité  que  c'était  là  le  cas 
d'apprendre  aux  hommes  que  ce  ferpent  était  un  des 
anges  rebelles  devenus  démons ,  qui  venait  exercer 
&  vengeance  fur  l'ouvrage  de  DiEU  &  le  corrom- 
pre. Cependant ,  il  n'eft  aucun  paflage  dans  le  Pen- 
tateuque  dont  nous  puiffions  inférer  cette  interpré- 
^on ,  en  ne  confultant  que  nos  faibles  lumières. 

Satan  paraît  dans  Job  le  maître  de  la  terre ,  fiibor- 
donné  à  Dieu.  Mais  quel  homme  un  peu  verfé  dans  l'an- 
tiquité ne  fait  que  ce  mot  Satan  était  caldéen,  que  ce 
Sataff  était  VArîmane  des  Perfes  adopté  par  les  Cal- 
déens  ,  le  mauvais  principe  qui  dominait  fur  les  hom- 
mes  ?  Job  eftrepréfenté  comme  un  pafteur  Arabe  ,  vi- 
vant fur  les  confins  de  la  Perfe.  Nous  avons  déjà  dit  que 
les  mots  arabes  confervés  dans  la  tradudlion  hébraïque 
de  cette  ancienne  allégorie ,  montrent  que  le  livre  fut 
d'abord  écrit  par  des  Arabes.  Flavien  Jofepb  ,  qui 
ne  le  compte  point  parnii  les  livres  du  canon  hébreu , 
ne  iaîfle  aucun  doute  fur  ce  fujet. 

Les  démons  ,  ks  diables  chaffés  d'un  globe  éhi 
ciel  ,  précipités  dans  le  contre  de  notre  globe  ,  & 
s'échappant  de  leur  prîfon  jpour  tenter  les  hommes , 
font  regardés  depuis  pliififurs  fiécles  comme  les  au- 
teurs de  notre  damnation,.  Mais  èncor  une  fois  ,  c'eft 
une  opinicm  dont  il  n'y  a  aucune  tracé  dans  l'ancien 
Teftament.  Ceft  une  vérité  de  tradition. 

M   iij 


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fa)  il  faut  poortaht  qae 
*àc  livfe  d'Enoch  ait  quelque 
antiquité ,  car  on  le  trouve 
Cité  prfufieurs  fois  dans  !c  tef- 
tament  des  douze  patriarrhes^ 
^utre  livre  juif ,  retouché  par 
y^i  chrétien  du  premier  fiécle: 
^  ce  teihAient  des  douze^s-^ 


triarches  cft  même  cité  par 
Se.  faut  d^m  fa  première  épi- 
tre  aux  Thcflaloniciens  ,  fi 
c'eft  citer  un  paflage  que  de 
le  répéter  mot  pour  mot.  Le 
teftament  du  patrîarche-A?«Ae« 
porte  au  chap.  VI.  Za  colère 
fdu  Seigneur   tomba  enfin  fur 


1^    igâ     Desàn&es,  ëéiQiES,  diables,  m 


Quelques  commentateurs  ont  écrit  que  cfe  palTigô 
îà'Ifaïe  ,  Comment  es -tu  tombé  du  ciel  ,  ô  Lucifer, 
Çtti  parailJ'ais  le  matin  ?  déÛgne  la  chute  des  anges , 
i&  que  fe*eft  Lucifer  qui  fe  déguifa  en  ferpent  pour 
faiiré  manger  la  pomme  à  Ei)e  &  à  fon  mari. 

Maïs  en  vérité  ,  utie  allégorie  iS  étrangère  refleirt- 
tle  à  ces  énigmes  qu'on  faîfait  imaginer  autrefois  aux 
^jeunes  écoliers  dans  lés  collèges.  On  expofait  ,  par 
exemple  ,  un  tableau  repréfentant  un  irieillard  &  une 
Jeûne  fille.  L^un  difait  ,  C'eft  l'hiver  &  le  prlntems  : 
l'autre  ,  C'eft  la  neige  &  le  feu  ;  un  autre  ,  C*eft 
la  rofe  &  l'épine  ,  oo  bien  ,  C'eft  la  force  &  la  fai- 
bleffe  :  &  celui  qui  avait  trouvé  le  fens  le  plus  éloigné 
du  fujet ,  rapplicacion  la  plus  extraordinaire  ,  gagnait 
ic  prix. 

\\  en  eft  précîiéméni:  da  même  de  cette  appIiCa* 
lion  fingulîère  de  l'étoile  du  matin  au  diable.  Ifaie 
dans  fôn  quatorzième  chap.  en  infultant  à  la  mort 
tl'un  roi  de  Babilone  ,  lui  dit ,  A  ta  mort  on  a  cbantt 
à  gorge  déployée  ;  les  fapins  ,  les  cèdres  s*en  font 
rejouis.  Il  riefi  venu  depuis  aucun  exaSeur  nous  met- 
tre  à  la  taille.  Comment  ta  hauteur  eft^elle  defcendue 
Au  tombeau  malgré  le  fon  de  tes  mûjettes  ?  comment 
lef'tu  couché  avec  les  vers  &  la  vermine  ?  comment 
et'tu  tombée  du  ciel  i  étoile  du  matin  ,  Hélel  ,  toi 
ijui  frej/ais  lei  nations  ,  tu  es  abattue  en  terre  ! 

Où  a  traduit  dct  Hilel  en  latin  par  Lucifer  :  on 
^  dônâé  d'èptsis  ce  nom  au  diable  ,  quoiqu'il  y  ait 


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CHEZ  LES  ANCIENS  ET  CHEZ  LES  JuiFS.  l83 

aflurémcnt  peu  de  rapport  cotre  le  diaWe  &  l'étoile 
du  matin.  On  a  imaginé  que  ce  diable  étant  tom- 
bé du  ciel  ,  était  un  ange  qui  avait  fait  la  guerre  à 
Dieu  :  il  ne  pouvait  la  faire  lui  feul  ,  il  avait  donc 
des  compagnons.  La  fable  des  géants  armés  contre 
les  Dieux  répandue  chez  toutes  les  nations  ,  eft  fé- 
lon plufieurs  commentateurs  une  imitation  profane 
de  la  tradition  qui  nous  apprend  que  des  anges  s'é- 
tatcnt  foulevés  contre  leur  maître. 

Cette  idée  rcqut  une  nouvelle  force  de  Tépkre  de 
St,  Jude  ,  où  il  eft  dit  :  Dieu  a  gardé  dmts  les  téni- 
bres  ,  encbcùnés  jufqu'uLU  jugement  du  grand  jour  , 
les  anges  qui  ont  dégénéré  ^de  leur  orïgîJ^e  ,  ^  qui 

ont  abandonné  leur  propre  demeure Malheur  à 

ceux  qui  ont  fuivi  les  traces  de  Caïn difqmls 

Enoch  feptiéme  homme  après  Adam  a  propbètifi  ,  en 
difant^  Voici  ,  le  Seigneur  ejl  venu  avec/es  mJlions  de 
faillis  ,  t^c. 

On  s'imagina  ^\x^Fnw:h  avait  laifle  par  écrit  Thif- 
toîre  de  la  cfaûte  des  anges.  Mais  il  y  a  deux  cho- 
fes  importantes  à  obferver  ici.  Premièrement  ,  Enoch 
n'écrivit  pas  plus  que  Seth  ,  à  qui  les  Juifs  attri- 
buèrent des.  livres  ;  &.  le  faux  Enoch  que  cite  St, 
'Jude  ,  eft  reconnu  pour  étve  forgé  par  un  Juif  («). 
Secondement ,  ce  faux  Enoch  ne  dit  pas  un  mot  de  la 
rébellion  &  de  la  chute  des  anges  avant  la  formation 


mx:  &  St.  Paul  dit  prccifé- 
ment  les  mêmes  paroles.  Au 
refte ,  ces  douze  teftamens  ne 
font  pas  conformes  à  la  Ge- 
nèfe  dans  tous  les  fiiits.  L'in- 
oefte  de  Juiay  par  exemple, 
n'y  eft  pas  rapporté  de  la  mê- 
me manière.  Juda  dit  qu'il 
abutade'Xa  bellâ-fitle  étant 
y  vre.  Le  tea^mcnt  de  Ruben , 


a  cela  de  particulier  ,  qu'il 
admet  dans  Thoranie  fept  or- 
ganes des  fens  au  -  lieu  de 
cinq  ;  il  compte  la  vie  Se  Taâe 
de  la  génération  pour  deux 
lèns.  Au  refte,  tous  ces  pa- 
triardies  fe  repentent  dans  ce 
teftament  d*avoir  vendu  leur 


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184    Des  ÀitôËs  ,  ôéïïiEs,  diables, 

^  ■  ■  ^ 

de  rhommé.    Voici  mot-à-mot  ce  qu'il  dit  dant  fes 
Egregorù 

Le  nombre  dès  bontmes  s* étant  prodigiettfenunt  ac^ 
cru  ,  ils  eurent  de  tris  belles  fiUes  ,•  les  anges  ,  les 
veillans  ^  Egregeri  ,  en  devinrent  amoureux  ^  & 
jfurent  entraînés  dans  beaucoup  £  erreurs^  Us  s^anhnè^ 
.rènt  entr^eu»  ,•  ils  fe  dirent ,  Cboi/iffons-nous  desfem* 
mes  parmi  l&s  filles  des  hommes  dé  la  terre;  Semîaxas 
leur  f  rince  dit  ,  Je  crains  que  vous  tiojiez  accomplir 
un  tel  deffein  ,  f^  que  je  ne  demeure  Jeul  charge  du 
Mme.  Tous  fépoMireiit ,  t'aifôHs  ferment  d* exécuter 
Hotre  dejfein  ,  Êf  dév&uons-nous  i  rahatbêfneji  nous 
y  manquons,  ïls  hmirent  donc  par  ferment  @  firent 
dès  imprécations.  Ils  étaient  dewt  cent  len  nombre. 
Ils  partirent  énfeMble  du  tems  de  Jared  ,  &?  allèrent 
fUr  la  moritagne  àpp'etlèe  Hctirionira  à  caûfe  de  let& 
ferfneni.  Voici  lé  nom  des  principaux»  :  Semîaxas , 
AtaVculph  ,  Aradel  ,  Chôbabicl  Hofampfich  ,  Zacicl 
Parmar  ,  Thaufaël  ,  Samiei  ,  Tirel  ,  Sumiel. 

Ëuie  ^  les  aiàres  prirent  des  femmes  tan  bnze  cent 
Jbixante  &  dix  de  la  création  du  monde.  De  ce  com^ 
mer  ce  naquirent  trois.genres  d'hommes  i,  les  géa^asUiL^ 
fh'dim  )  &Ci 

L'auteur  de  c6  fragment  écrit  clé  ce  ftile  qui  fcm- 
hh  appartenir  aux  premiers  tems^  c'eft  la  même  naï'- 
,V:eté.  Il  ne  manque  pas  de  nommer  les  perfonnages  ;  il 
n'oublie  pas  les  dates  ;  point  de  réflexions ,  point  de 
maximes ,  c'eft  l'ancienne  manière  orientale. 

On  Voit  que  èettè  hilftoirè  eft  fondée  fut  h  fixiez 
taie  chapitre  de  la  Genèfe  :  Or  en  ce  teins  il  y  avait  des 
géants  fi(r  la  terre  ,•  car  les  en/ans  de  Dieu  ayant  eu 
commerce  avec  les  filles  des  hçmmes  ,  elles  enfantèrent 
4es  puijfam  du  fiéch. 

Le  livré  À' Enoch  &  h  Géncie  font  entièrement  d*ac* 
fcoixl  iwc  l'accouplement  dés  anges  awc  les  filles  des 


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CHEZ  LES  ANCIENS  ET  CHEZ  LES  JUIFS.  l85 

hommes ,  &  fur  la  race  des  géants  qui  en  naquit  Mais 
ni  cet  Éfiocb ,  ni  aucun  livre  de  Tancien  Teftament , 
ne  parle  de  la  guerre  des  anges  contre  Dieu  ,  ni  de 
leur  défaite ,  ni  de  leur  chute  dans  Tenfer ,  ni  de  leur 
haine  contre  le  genre- hum^n. 

Il  n'eft  queftion  des  efprîts  malins  &  du  diable  que 
dans  rallégorie  de  Job ,  dont  nous  avons  parlé ,  lai- 
quelle  n'eft  pas  un  livre  juif,  &  dans  l'aVanture  de  Tû^ 
bie.  Le  diable  Afmodée ,  ou  Sbammadey ,  qui  étrangla 
\qs  fept  premiers  maris  de  Sara ,  &  que  Rapba'ei  fit  délo- 
ger avec  la  fumée  du  foie  d'un  poiffon ,  n'était  point 
un  diable  Juif,  mais  Perfan.  Rapha:el  Talla  etichaindr 
dans  la  haute  Egypte  ;  mais  il  eft  confiant  que  les  Juifs 
n'ayant  point  d'enfer ,  ils  n'avaient  point  de  diables. 
Us  ne  commencèrent  que  fort  tard  à  croire  l'immor* 
talité  de  Pâme  &  un  enfer ,  &  ce  fut  quand  la  fe<fte 
des  pharifiens  prévalut.  Us  étaient  donc  bien  éloignés 
de  penfer  que  le  ferpent  qui  tenta  Eve  fut  un  diable  , 
un  ange  précipité  dans  l'enfier.  Cette  pierre  qui  fert 
de  fondement  à  tout  l'édifice  ne  fîit  pofée  que  la  der- 
nière. Nous  n'en  révérons  pas  moins  l'hiftoire  de  là 
chute  des  anges  devenus  diables;  mais  nous  ne  favonè 
où  en  trouver  l'origine. 

On  appdla  AidblcsBe/zèbiitb^Belpbigor^Afiaroibf 
mais  c'étaient  d'anciens  Dieux  de  Syrie.  Beipbigor 
était  le  Dieu  du  mariage  ;  Belzibutb  ,  ou  BeUfe-butb , 
lignifiait  le  Seigneur  qui  ptéferve  des  infedes.  Le  roi 
Ocbojtaî  même  l'avait  confulté  comme  un  Dieu ,  potit 
favoir  s'il  guérirait  d'une  maladie  ;  &  Eiif  indigné  dé 
cette  démarche  avait  dit ,  ITy  o-tM  poittt  de  Dieu  eu 
ïfrdël ,  fout  aiier  confulter  le  Dieu  d'Accartm  ? 

Ajiarùth  était  la  inné ,  ft  la  lune  ne  s'attendait  pai 
a  devenir  diable. 

L'apétre  Jude  dit  ehcor  que  k  diable  fe  querella      t 
«&«r  l'ange  Micha^â  au  fujet  au  sorfs  de  Moïfc.  Mais     ,  fc 


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^icfflij"'         , *Miiirifi  "  >■!■' '>ffjgj^ 

[      i%6  Des  anges  >  génies  ,  diables  ,  &a  S 

on  ne  trouve  rien  de  femblable  dans  le  canon  des 
Juife.  Cette  difpute  de  Micbael  avec  le  diable  n'eft  que 
Jans  un  livre  apocryphe  intitulé  ,  Analipfes  de  Moifi , 
cité  par  Origène  dans  le  troifiéme  livre  de  fes  prin- 
cipes. 

,  Il.eft  donc  indubitable  que  les  Juifs  ne  reconnurent 
point  de  diables  jufques  vers  le  tems  de  leur  capti- 
vité à  Babilone.  Ils  puifèrcnt  cette  dodrine  chez  les 
Perfes  qui  la  tenaient  de  Zoroajire. 

IV  n*y  a  que  Tignorance ,  le  fanatifme  &  la  mau- 
vaife  foi  qui  puiflent  nier  tous  ce3  faits  ;  &  il  faut 
.ajouter  que  la  religion  ne  doit  pas  s'effrayer  des  con- 
féquences.  Dieu  a  certainement  permis  que  la  croyan- 
jce  aux  bons  &  aux  mauvais  génies  ,  à  Timmortalité 
4e  Tame ,  aux  récompenfes  &  aux  peines  éternelles , 
ait  été  établie  chez  vingt  nations  de  l'antiquité  avant 
de  parvenir  au  peuple  Juif.  Notre  fainte  religion  a 
confacré  cette  do(îtçine  ;  elle  a  établi  ce  que  ley^u- 
^tres  avaient  entrevu  ;  &  ce  qui  n*était  chex  les  anciens 
i^u'une  opinion ,  cft  devenu  par  la  révélation  une  vé- 
xité  divine. 

Si  les  Juifs  ont  enseigné  les  autres  na- 
tions ,  ou  s'ils  ont  ÈTà  enseignes  par 
elles. 

Les  livres  facrés  nVyant  jamais  décidé  fi  les  Juifs 
fiyaient  été  les  maîtres  ou  les  difciples  des  autres  pcu- 
fsles ,  il  eft  permis  d^examiner  cette  queilion. 

Pbilm  dans  fa  relation  de  fa  miffion'  auprès  d^ 
Caliguîa ,  commence  pat  dire  qu'Ifrdel  eft  un  terme 
^aldéen ,  que  c'eft  un  nom  que  les  Caldéeas  donnè- 
rent aux  juttes  confacrés  à  D  i  E  u^,qiî'//ra^/  fignifie 
voyant  Dieu.  Il  paraît  donc  prouvé  par  cela  feul  que 

ieS  Tr*^    *•>'>r^;^AtlAwÀr«l.   X^^^U  Til'»,yJ     Qu'île   AA  ffi^   Hnn. 


Juifs  n'appellèrènt  jiacob  IJra'él ,  Qu'ils  jae  fe  don- 
■nèrcnt  le  nom  à^IJrjuiitet ,  que  lor^'ijs.  curent  a^eW 


Mi&a^ 


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Si  les  Juifs  ont  ekseioké,  &a    187    V 

qne  connaifTance  du  caldéen.  Or  ils  ne  porent  avoir 
connaifTance  de  cette  langue  que  quand  ils  furent 
efclaves  en  Caidée.  Eft-il  vralfemblable  que  dans  les 
déferts  de  l'Arable  pétrée ,  ils  euiTent  appris  déjà  le 
caldéen  ? 

Plavim  Jùfepb  ,  dans  fa  réponfe  à  Affion ,  i  Lf^ 
maque  &  à  Moion  lîv.  II.  ch.  V.  avoue  en  propres 
termes ,  que  ce  font  les  Egyptiens  qui  apprirent  à  d*au» 
très  nations  à  Je  faire  circoncire^  comme  Hérodote  le 
témoigne.  En  effet,  ferait -il  probable  que  la  nation 
antique  &  puiflante  des  Egyptiens  ,  eût  pris  cette 
coutume  d'un  petit  peuple  qu'elle  abhorrait ,  &  qui 
de  fon  aveu  ns  fut  circoncis  que  fous  Jofué  ? 


Les  livres  fkcrés  eux-mêmes  nous  apprennent  que 
Moife  avait  été  nourri  dans  les  fciènces  des  Egyptiens, 
&  ils  ne  difent  nulle  part  que  les  Egyptiens  ayent 
jamais  rien  appris  des  Juife.  Quand  Sakmon  voulut 
bâtir  fon  temple  &  fon  palais,  ne  demanda -t -il  pas 
de«  ouvriers  au  roi  de  Tyr  ?  il  eft  dit  même  qu'il 
donna  vingt  villes  au  roi  Hirant'^  pour  obtenir  des 
ouvriers  &  des  cèdres  :  c'était  fans  doute  payer  bien 
chèrement ,  &  le  marché  eft  étrange  ;  mais  les  Tyriens 
demandèrent -ils  des  artiftes  Juifs? 

Le  même  Jofepb  dont  nous  avons  parlé  avoue  que 
fa  nation  ,  qu'il  s'efforce  de  relever ,  n'ettt  longtems 
aucun  commerce  avec  les  autres  nations  ,  qu'elle  fut 
furtout  inconnue  des  Grecs ,  qui  connaijfaient  les  Scy* 
thés  ^  les  Tartares,  Faut -il  s'étonner  ,  ajoute  - 1-  il 
liv»  I.  ch.  V  ,  que  notre  natkm  éloignée  de  la  mer , 
fef  ne  fe  piquant  point  de  rien  écrire  ,  ait  étéjt  peu 
connue  ? 

.  Lorfque  le  même  Jofepb  raconte  avec  fes  exagéra- 
tions  ordinaires  ,  la  manière  auiïi  honorable  qu'in- 
croyable ,  dont  le  roi  Ptolomée  Pbiladelphe  acheta 
une  traduAion  grecque  des  livres  juifs ,  faite  par  des 


\ 


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mJT^'*  "  *!m^' ■'*ar^ 

[88  Si  les  Juijfs  ont  enseigné 


¥   Il 


& 


Hébreux  dans  la  ville  d'Alexandrie  ;  Jofepb ,  dis  -  je  ^ 
ajoute  que  Démétrius  de  Phalère ,  qui  fit  faire  cette 
tradudtion  pour  la  bibliothèque  de  fon  roi ,  demanda  à 
Tun  des  traducteurs,  comntentilje  pouvait  faire  qu'au- 
cun  bijiorien ,  aucun  po'ete  étranger  n^eùt  jamais  parlé 
des  loixfuives  ?  le  traduéleur  répondit  :  Comme  ces  loix 
Jont  taupes  divines ,  perfonne  n*a  ofé  entreprendre  d*en 
parler ,  ^  ceux  qui  ont  voulu  le  faire  ont  été  châtiés  de 
J)ieu,  Théopompe  voulant  en  inférer  quelque  choft  dans 
fon  bifioire  ,  perdit  tefprit  durant  trente  jours  s  fuais 
ayant  reconnu  dans  unfonge  qt^il  était  devenu  fou  pour 
-avoir  voulu  pénétra  dans  les  chofes  divines ,  êf  en  faire 
part  aux  prof ants ,  (a)  il  appaifa  la  colère  de  DiEU  par 
Jes  prières ,  6f  renp-a  dans  fon  bon  fens. 

Théodede  poète  Grec  ,  ayant  mis  dans  une  tragédie 
quelques  pajfages  quHl  avait  tirés  de  nos  livres  faint s  ^ 
devint  aujji-tbt  aveugle ,  ^  ne  recouvra  la  vue  qi^a^ 
près  avoir  reconnu  ja  faute. 

Ces  deux  contes  de  Jofeph  indignes  de  l'hiftc^ , 
^  d'un  homme  qui  a  le  (ens  commun ,  contredirent 
à  la  vérité  les  éloges  qu'il  donne  à  cette  tradudion 
grecque  des  livres  juifs  ;  car  fi  c'était  un  crime  d'en 
inférer  quelque  chofe  dans  une  autre  langue ,  c'était 
fans  doute  un  bien  plus  grand  crime  de  mettre  tous 
les  Grecs  à  portée  de  les  connaître.  Mais  au  moins 
Jofepb ,  en  rapportant  ces  deux  hiftoriettes ,  convient 
que  les  Grecs  n'avaient  jamais  eu  connaiflance  des 
livres  de  fa  nation. 

Au  contraire ,  des  que  les  Hébreux  furent  établis 
dans  Alexandrie ,  ils  s'adonnèrent  aux  lettres  grecques  ; 
on  les  appella  les  Juifs  hellénifles.  Il  eft  donc  indu^ 
bitable  que  les  Juifs  depuis  Alexandre  prirent  beau- 
coup de  chofes  des  Grecs ,  dont  la  langue  était  de- 
venue délie  de  l'Afie  mineure  ,  &  d'une  partie  de 

<  «  )  M^t^  hift.  <ks  Juifs  y  Uv.  XII.  ehtp.  IL 


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LES   AUTRES  NATION  S.       I89 

l'Egypte ,  &  que  les  Grecs  ne  purent  rien  prendre  des 
Hébreux. 

Des  Romains.  Commbncemens  de  leur  empi- 
re ET  DE  LEUR  RELIGION  :  LEUR  TOLÉRANCE. 

Les  Romains  ne  peuvent  point  être  comptés  parmi 
les  nations  primitives.  Ils  font  trop  nouveaux.  Rome 
n'exîfte  que  fept  cent  cinquante  ans  avant  notre  ère 
vulgaire.  Quand  elle  eut  des  rites  &  des  loîx ,  elle 
les  tint  des  Tofcans  &  des  Grecs.  Les  Tofcans  lui  com- 
muniquèrent la  fuperftition  des  augures  ,  fuperQition 
pourtant  fondée  fur  des  obfervations  phyfiques ,  fur  le 
paflage  des  oifeaux  dont  on  augurait  les  changemens 
de  Tatmofphère.  11  femble  que  toute  fuperftition  ait 
une  chofe  naturelle  pour  principe  ,  &  que  bien  des 
erreurs  foient  nées  d'une  vérité  dont  on  abufe.  * 

Les  Grecs  fournirent  aux  Romains  la  loi  des  douze 
tables.  Un  peuple  qui  va  chercher'  des  loix  &  des 
Dieux  chez  un  autre ,  devait  être  un  peupfe  petit  & 
barbare  ;  auïïi  les  premiers  Romains  Tétaient-ils.  Leur 
territoire  du  tems  des  rois  &  des  premiers  confuls  « 
n'était  pas  fi  étendu  que  celui  de  Ragufe.  Il  ne  faut 
pas  fans  doute  entendre' par  ce  nom  de  roi,  des  mo- 
narques tels  que  Cyrus  &  fes  fuccefleurs.  Le  chef 
d'un  petit  peuple  de  brigands ,  ne  peut  jamais  être 
defpotique.  Les  dépouilles  fé  partagent  en  commun  y 
&  chacun  défend  fa  liberté  comme  fon  bien  propre. 
Les  premiers  rois  de  Rome  étaient  des  capitaines  de 
ffibuitiers. 

Si  l'on  en  croit  les  hiftoriens  Romains  ,  cç  peti^ 

Îieuple  commença  par  ravir  les  filles  &  les  bfens  de 
es  voifins.  Il  devait  être  exterminé  ;  mais  la  féro* 
cité  &  le  befoin  qui  le  portait  à  ce§  rapines  ,  ren- 
dirent fes  injuftices  heureufes  ;  il  fe  foutint  étant 
toujours  en  guerre  ;  &  enfin  ,  au  bout  de  cinq 
fiécles  ,  étant  bien  plus  aguerri  que  tous  les  autres 


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i 


190  D  E  s     R  O  H  A  I  N  s. 

■     1 r  -ii--i'--t:-  r— ^ — I 

peuples  ,  il  les  foBmit  tous  les  uns  après  les  autres , 
depuis  le  fond  du  golphe  Adriatique  jufqu'à  l'Eu<> 
phrate. 

Au  milieu  du  brigandage  ,  l'amour  de  la  patrie 
domina  toujours  jufqu*au  tems  de  Sylla,  Cet  amour 
de  la  patrie  confifta  pendant  plus  de  quatre  cent 
ans  ,  à  rapporter  à  la  mafTe  commune  ce  qu'on  avait 
pillé  chez  les  autres  nations.  C'eft  la  vertu  des  vo^ 
leurs.  Aimer  la  patrie  c'était  tuer  &  dépouiller  les 
autres  hommes.  Mais  dans  le  fein  de  la  république 
il  y  eut  de  très  grandes  vertus.  Les  Romains  poli- 
ces avec  le  tems  ,  policèrent  tous  les  barbares  vain-, 
eus ,  &  devinrent  enfin  les  légiflateurs  de  l'Occident. 

Les  Grecs  paraiffent  dans  les  premiers  tems  de  leurs 
republiques  une  nation  fupérieure  en  tout  aux  Ro- 
mains. Ceux-ci  ne  fortent  des  repaires  de  leurs  fept  | 
montagnes  avec  des  poignées  de  foin  ,  moHipuli ,  I 
qui  leur  fervent  de  drapeaux  ,  que  pour  piller  des 
villages  voifins.  Ceux-là  au  contraire  ne  font  occu- 
pés qu'à  défendre  leur  liberté.  Les  Romains  volent 
a  quatre  ou  cinq  milles  à  la  ronde  les  Eques  ,  les 
Voîfques  ,  les  Antiates.  Les  Grecs  repouflent  les  ar- 
mées innombrables  du  grand  roi  de  Perfe  ,  &  triom- 
phent de  lui  fur  terre  &  fur  mer.  Ces  Grecs  vain- 
queurs cultivent  &  perfedlionnent  tous  les  beaux  arts  ; 
&  les  Romains  les  ignorent  tous  ,  jufques  vers  le 
tems  de  Scifion  l'Africain, 

J'^obferverai  ici  (ur  leur  religion  deux  chofes  impor- 
tantes ;  c'eft  qu'ils  adoptèrent ,  ou  permirent  les  cul- 
tes de  tous  les  autres  peuples  ,  à  l'exemple  des  Grecs , 
&  qu'au  fond  le  fénat  &  les  empereurs  reconnurent 
toujours  un  Dieu  fupréme  ,  ainfi  que  la  plupart  des 
philofophes  ,  &  des  poètes  de  la  Grèce,  {f) 

(a)  Voyez  Tartide  \Z);ra  dans  les  jQueJiions  fur  VEncyr 


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iggtma» 


Dbs    Romains.         I9'V 


' 


I 


; 


La  tolérance  de  toutes  les  religions  était  une  loi 
naturelle  ,  gravée  dans  les  cœurs  de  tous  les  hom* 
mes.  Car  de  quel  droit  un  être  créé  pourait-il  for- 
cer un  autre  être  i  pcnfer  comme  lui  ?  mais  quand 
un  peuple  cft  raffemblé  ,  quand  la  religion  cft  deve- 
nue une  loi  de  Tétat,  il  faut  fe  foumcttre  à  cette  loi. 
Or  les  Romains  p'ar  leurs  loix  adoptèrent  tous  les 
Dieux  des  Grecs  ^  qui  eux-mêmes  avaient  des  autels 
pour  les  Dieux  inconnus ,  comme  nous  l'avons  déjà 
remarqué. 

Les  ordonnances  des  douze  tables  portent  ;  fepa* 
ratim  nemo  hahejjît  Deos  neve  advenus  nijî  fublicè 
adfcitôs  :  que  perfonne  n'hait  des  Dieux  étrangers  & 
nouveaux  fans  la  fandion  publique.  On  donna  cette 
fanétion  à  plufieufs  cultes  ;  tous  les  autres  furent 
tolérés.  Cette  aflbciation  de  toutes  les  divinités  du 
monde  ,  cette  efpèce  d'hofpîtalité  divine  fut  le  droit 
des  gens  de  toute  Tanciquité  ,  excepté  peut-être 
chez  un  ou  deux  petits  peuples. 

Comme  il  n'y  eut  point  de  dogmes ,  il  n'y  eut  point 
de  guerre  de  religion.  C'était  bien  aflez  que  Tambî- 
tion  ,  la  rapine  verfaflent  le  fang  humain  ,  fans  que 
la  religion  achevât  d'exterminer  le  monde. 

Il  eft  encor  très  remarquable  que  chez  les  Ro* 
mains  on  ne  perféouta  jamais  perfonne  pour  fa  ma* 
nière  de  penfer.  Il  n'y  en  a  pas  un  feul  exemple 
depuis  Romultis  jufqu'à  Domitien ,  &  chez  les  Grecs 
il  n'y  eut  que  le  feul  Socrate. 

Il  eft  encor  inconteftable  que  les  Romains  comme 
les  Grecs  ,  adoraient  un  DiEU  fùprême.  Leur  Ju-^ 
.  fiter  était  le  feul  qu'on  regardât  comme  le  maître  du 
tonnerre,  comme  le  feul  que  l'on  nommât  le  Dieu  très 
grand  &  très  bon ,  Deus  optimus  maximum,  Ain(i  de  - 
l'Italie  à  l'Inde  &  à  la  Chine ,  vous  trouvez  le  culte 


'^frfftStitt 


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;  •    192 


Des    Romains. 


1 


cfun  Dieu  fupréme   &  la  tolérance  dans  toutes  les 
nations  connues. 

A  cette  connaifTance  d'un  Dieu  «  à  cette  induU 

Îieoce  univerfelle  ,  qui  font  partout  le  fruit  de  la  rai< 
on  cultivée  ,  fe  joignit  une  foule  de  fuperftitions , 
qui  étaient  le  fruit  ancien  de  la  raifon  commencée 
&  erronée.  On  fait  bien  que  les  poulets  facrés  ,  Sç 
la  Déeffe  Pntunda  ,  &  la  Péeffe  Çiçaçina ,  font 
ridicules. 

Pourquoi  les  vainqueurs  &  les  légîflateurs  de  tant 
de  nations  n'abolirent-ils  pas  ces  fottifes  ?  C'eft  qu'é- 
tant  anciennes  elles  étaient  chères  au  peuple  ,  ^ 
qu'elles  ne  nuifaient  point  au  gouvernement  Les 
Scipio9ff  ,  les  Paul-Emiles  ,  les  Cicerons  ,  les  Céu 
tons  ,  les  Céfars  avaient  autre  chofe  à  faire  qu'à 
combattre  les  fuperftitions  de  la  populace.  Quand 
une  vieille  erreur  eil  établie  ,  la  politique  s'en  fçrt 
comme  d'un  mords  que  le  vulgaire  s'eft  mis  Iui-mé« 
me  dans  la  bouche  ,  jufqu'à  ce  qu'une  autre  fuperf- 
tition  vienne  la  détruire  •  &  que  la  politique  pro- 
fite  de  cette  féconde  erreur  ^  comme  elle  a  profité 
de  la  première. 

(Questions   sur  les   conciuêtes  des 
Romains  ,   et  leur  décadence. 


Pourquoi  les  Romains  qui  n'étaient  que  trois  mille 
habitans  ,  &  qui  n*avaient  qu'un  bourg  de  mille  pa^ 
de  circuit  fous  Romuluî  ,  devinrent-ils  avec  le  tems 
les  plus  grands  conquérans  de  la  terre  ?  &  d'où  vient  q  ue 
les  Juifs  qui  prétendent  avoir  eu  fix  cent  trente  mille 
foldats  en  fortant  d'Egypte  ,  qui  ne  marchaient  qu'au 
milieu  des  miracles  ,  qui  combattaient  fous  le  Dieu' 
des  armées  ,  ne  purent-ils  jamais  parvenir  à  con* 
quérir  feulement  Tyr  &  Sidon  dans  leur  voifinage  , 
pas  même  à  être  jamais  à  portée  de  les  attaquer  ? 
Pourquoi  ces  Juifs  furent-ils  prefque  toujours  dans 
^  l'efclavage  ?    ^^ 


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î 


tgBf  Wi  H'  <IMI 


CONQ.UÊTBS  DBS  ROMAI^TS. 


refdavage?  Ils  avaient  tout  i'eiitoiifiafine  &  touto- 
la  férocité  qui  devaient  faire  des  conquérans  ;  le- 
Dieu  des  armées  était  toujours  à  leur  tête  ;  &  ^e^, 
pendant  ce  font  les  Romains  éloipés  d'eux  de  dix-^' 
huit  cent  milles  ,  qui  viennçnt  à  la  fin  les  (ubjiigiteç 
&  les  vendrç  au  marché. 

N'eft-il  paà  clair  (humainement  parlant  &  ne  eon^ 
fidérant  que  les  caufes  fécondes)  que  fi  les  Juifs  qui 
efpéraient  la  conquête  du  monde  ,  ont  été  prefque 
toujours  aflervis  ,  ce  fut  leur  faute  ?  Et  fi  les  Ron 
mains  dominèrent  ,  ne  le  méritèrent  ^  ils  pas  par 
leur  courage  &  par  leur  prudence  ?  Je  demande  trè$ 
humblement  pardon  aux  Romain^  de  le$  çomp^r^f 
un  moment  avec  Içs  Juifs. 

Pourquoi  les  Romains  pendant  i^Ius  de  quatre  centi 
cinquante  ans  ne  purent-ils  conquérir  qu'une  étenduQ 
de  pays  d'environ  vingt-cinq  lieues  ?  N'eft-ce  point 
parce  qu'ils  étaient  eh  très  petit  nombre ,  &  qu'ils 
n'avaient  fuçceflivement  à  combattre  que  de  petits 
peuples  comme  eux  ?  Mais  enfin  ,  ayant  incorporé 
avec  eux  leurs  voifins  vaincus ,  'ii&  eurent  aiTez  de 
force  pour  réfifter  à  PjyrrbuSf 

Alors  toutes  les  petites  nations  qui  les  entou-» 
raient  ,  étant  devenues  Romaines ,  il  s'en  forma  un 
peuple  tout  guerrier  ^flez  formidable  poyr  détruire 
Carthage. 

Pourquoi  les  Romains  employèrent  -  ils  fept  cent 
années  à  fe  donner  enfin  un  empire  à^peu-près  auffi 
vafte  que  celui  qu'Alexandre  conquit  en  fept  ou 
huit  années  ?  eft-ce  parce  qu'ils  curent  toujours  i 
combattre  des  nations  belliqueutcs ,  &  q^'4^ew»^»'Ç 
eut  à  faire  à  des  peuples  amollis  ? 

Pourquoi  cet  empire  fut-il  détruit  par  des  barba^ 
res  ?  Ces  barbares  n'étajjçnt-ils  p^s  pli^s   rpbu(te?, 
Ejfaifur  les  niœurs ,  6? ^-  Tom.  I.  N 


11 


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«s* 


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I 


194^      Q;U  tlTTI  OKI     firiULES 

^^flBi^aBÊ^m^mmm   T  n  -      1   un  n  nu  [Tum— t^^— 

plùS'  guerriers  que  k«>  Ilt>ma&is  amolHs  i  Iwr  tooc 
(bus  Nùnêrins  Sc  foi»  ftts  focoefieurs  ?  Quihd  les  Cim*- 
biws  Tinrent  menacer  ricalie  du  tems  de  Murius  ^ 
les  Roms^ns  durent  prévoir  que  les  Gînbares: ,  c'eftî* 
èh^ire  le9  peuples  du  Nord  ,  dëchirendènc  Tempire 
lorfqu'il  n'y  aurait  plus  àt  Mmus.      - 

La  fàibleffe  des  ènif^eûts  ,  les  faétions  de  leurs 
miniftires  &  de  leurs  eunuqties ,  la  haine  que  Tancien- 
w  rdi^ion  de  l'empire  portait  à  la  nouvelle^  les  que- 
relles fbnglântes  élevées  dans  le  ohrlftfanifine  ,  lee 
difputes  théologiques  AibftituéeS'  au  maniement  des 
armes,  &  la  mollene  à  la  taleur  ,  des  multitudes  de 
moines  rempla<;ant  les:  agriculteurs  &  les  foldats  , 
tout  appellait  ces  mêmes  barbares  qui  n'avaient  pu 
vaincre  la  république  guerrière  ,  &  qui  accablèrent 
Rome:  languifTante  ,  fous  des  empereurs  cruels,  ef. 
fëminés  à,  dévots. 

Lorfque  les  Goths  ,  les  Hérules  ,  les  Vandales  , 
les  Huns  inondèrent  l'empire  Romain ,  quelles  me- 
fures  les  deux  empereurs  prenaient-ils  pour  détour- 
ner ces  orages  ?  La  différence  de  POmoqfîos  à  /*(>• 
moujios  mettait  le  trouble  dans  TOrient  &  dans 
l'Occident.  Les  perfécutions  théologiques  achevaient 
de  tout  perdre.  Nèftarius  patriarche:  de  Conftântî- 
nople  qui  eut  d'abimi  un  grand  crédit  fous  Thiodo^ 
fe.  fécond  ^  obtint  dé  cet  empereur  qu'on  perfécu- 
tât  ceux  qui  penfaient  qu'on  devait  rebatifer  les  chré- 
tiens apoftats  repentans  ,  ceux  qui  croyaient  qu'on 
devait  célébrer  la  Pâque  le  14  de  la  lune  de  Mars  , 
ceux  qui  ne  feifaîent  pas  plonger  trois  fois  les  bâti- 
fés;  enfin  il  tourmenta  tant  les  chrétiens  ,  qu'ils  le 
tourmentèrent  à  leur  tour.  Il  appella  la  Ste.  Vierge 
j^ntrcpotokos  s  fes  ennemis  qui  voulaient  qu'on  l'ap- 
pellât  Theotokoî ,  &  qui  fins  doute  avalent  raifon  , 
puifque  le  concile  d'Ephèfe  décida  en  leur  faveur  , 
lui  fufcîtèrent  une  perfécution  violente.  Ces  que- 
telles   occupèrent   tous  les  éfprits.    Mais  pendant 


1 


sn^ 


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y  Ç  ONaUÉTES  P*E9  RoMAIlf  s.   ISff     11 

qu^on  dfrpntaft ,  Ie9  bftrtiaies  {lartageatçnt  l'EurQpe  4( 
PAfrique.  .... 

Mais  poprc^oi  Aiaric  qui  au  commenoeiiiiçnt  dq 
cinqtdéaie  fiéclt  marcha  des  bords  du  Danube  vtt^ 
Rome ,  ne  commeni^^t-il  pat  par'  attaquer  Confiant}- 
nople  ,  lorfqu'il  était  maître  de  la  Tbrace  ?  Comment 
hazarda*t-ii  de  fc  trouver  prefle  entre  Tempire  d'Or 
tient  &  celui  d'Occident?  EMl  naturel  qu'il  voulût 
paflTer  les  Alpes  &  l'Apennin ,  lorfque  Çonftantinople 
tremblante  s'offrait  à  fa  conquête  ?  Les  bif^oiriens  de 
ces  temsrià  ,  auffi  mai  inftrutts  qpe  les  peuples  étaiient 
mal  gouvernés ,  ne  nous  développent  point  ce  myC 
tère  ;  mais  il  efl  aifé  de  le  deviner.  Aiaric  ^vsiit  été 
général  d'armée  fous  Tbéodofe  J j  ptinct  violent, 
dévot  &  imprudent ,  qui  perdit  l'empire  en  confiant 
ta  défenfe  aux  Goths.   Il  yainquit  atec  eux  fon  çom<^ 

8^  pétiteur  Eugène  ;  mais  les  Goths  apprirent  par-là  qu'ilif 
pouvaient  vaincre  pour  eux-mêmes.  Tbiodofe  fou? 
doyaît  Aiaric  &  fes  Goths.  Cette  paye  devint  un 
tribpt ,  quand  Arcadius  fils  de  Thiodofe  fut  fur  le 
tr6ne  de  TOnent.  Aiaric  épargna  donc  fon  tribu- 
taire  popr  aller  tomber  fyx  Honorius  6c  fur  Rome. 

Honorîus  avait  pour  général  le  célèbre  Stilicon^ 
\p  feul  qui  pouyait  défendre  l'Italie  y  St  qui  avait 
déjà  arrêté  les  efforts  des  barbares.  Honorius  fur  d(; 
fimples  foupqons  lui  fit  trancher  la  tête  fans  forme 
de  procès.  Il  était  plus  aifé  d'afTaffiner  Stilicon  que 
de  battre  Aiaric.  Cet  indigne  empereur  retiré  à  Ra^i* 
yenne ,  laiffa  le  barbare  y  qui  lui  était  fupérieur  en 
tout ,  mettre  le  fiége  devant  ^.ome.  L'ancienne  mal- 
treffe  du  monde  fe  racheta  du  pillage  au  prix  de 
cinq  mille  livres  pefant  d'or  ,  trente  mille  d'argent , 
quatre  mille  robes  de  foie ,  trois  mille  de  pourpre , 
&  trois  mille  liyres  d'épiceries.  Les  denrées  de  Tln^e 
fervirent  à  )a  ranqon  de  Rome. 

i  Honorius  ne  voulut  pas  tenir  le  traité.   |I  envoya      | 

ij:     quelques  tro^ipes  ^xx^A^çpric  extermina.   Il  entra  dasii     ^ 

^ggS^  I .  .  J.  l .    -ipi  mJ^\  iy  .  .  i  ■■   '  ' U '..^  ■■■  1  i^^i 


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196  Sur  les  conqjjbtïs  deç  Romains..  Û 

Rome  en  409,  &  un  Gqth  Y  créa  un  empereur  qui 
devint  fon  premier  fujet.  L'année  d'après  ,  trompé 
par  Honorius ,  il  le  punit  en  faccageant  Rome.  Alors 
tout  l^empire  id'Occident  fut  déchiré  ^  les  habitans 
du  Nord  y  pénétrèrent  de  tous  côtés ,  &  les  empe- 
reùrs  d'Orient  ne  fe  maintinrent  qu'en  fe  rendant 
tributaires. 

C'eft  aînfi  que  Tbeodofe  II  le  fut  d* Attila.  L'Ita- 
lie  ,  les  Gaules  ,  rEfpagne ,  l'Afrique  ,  furent  la  proie 
de  quîctonquc  voulut  y  entrer.  Ce  fut  là  le  fruit  de 
la  politique  forcée  de  Conjiantin  ,  qui  avait  trans- 
féré l'empire  Romain  enThrace. 


1 


N'y  a-t-îl  pas  vîfiblement  une  deftînée  qui  fait  Tac- 
croiflement  &  la  ruine  des  états  ?  Qui  aurait  prédit 
à  Augujie  qu'un  jour  le  capitole  ferait  occupé  par 
un  prêtre  d'une  religion  tirée  de  la  religion  juive»  .  ^ 
aurait  bien  étonné  Augujle.  Pourquoi  ce  prêtre  s*eft.  B 
il  enfin  emparé  de  !a  ville  des  Sapions  &  des  Ci' 
fars  ?  c'cft  qu*îl  l'a  trouvée  dans  l'anarchie.  Il 
s'en  cil  rendu  le  maître  prefque  fans  effort ,  comme 
les  évéques  d'Allemagne  vers  le  treizième  fiécle  de- 
vinrent fûuverains  des  peuples  dont  ils  étaient  paf- 
teurs. 

Tout  événement  en  amène  un  autre  auquel  on  ne 
s'attendait  ^pas.  Romultis  ne  croyait  fonder  Rome  ni 
pour  les  princes  Goths^ni  pour  des  évéques.  Alexan- 
dre n'imagina  pas  qu'Alexandrie  appartiendrait  aux 
Turcs  ;  &  Conflantin  n'avait  pas  bâti  Conftuntinoplc 
pour  Mahomet  IL 

Des  premiers  peuples  qui  écrivirent  l'his- 
toire ,  ET  des  fables  des  PREMIERS  HIS- 
TORIENS. * 

Il  eft  inconteûable  que  les  plus  anciennes  anna- 
le    les  du  monde  font  celles  de  la  Chine.   Ces  annales 


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l 


S     Premiers  peuples  aui  ont  écrit  ,  &c.  197    <  r 

fe  fuivcnt  fans  interruptîoa  toutes  cîrconftanciécs , 
toutes  fages,  fans  aucuii  mélange  de  merveilleux, 
toutes  appuyées  fur  des  obfervations  aftronomiques  de. 
puis  quatre. mille  cent  cinquante-deux  ans.  Elles  re« 
montent  encor  à  plufieùrs  fiécles  au-delà  fans  dates 
précîfes  à  la  vcTÎté  ,  mais  avec  cette  vraîfcrtibïance 
qui  femble  approcher  de  la  certitude.  H  eft  bien  pro- 
bable que  des  nations  puîfTantes ,  telles  que  les  In- 
diens ,  les  Egyptiens ,  les  Caldéens ,  les  Syriens  qui 
avaient  de  grandes  villes  ,  avaient  auiB  des  anngles.    ' 

Les  peuples  errans  doircnt  toe*  les  derniers  qui 
ayent décrit ,  parce  qu'ils. ont  moins  de  moyen»  que 
les  autres  d'avoir  des  archives  &  de',  les  amierver^ 
parce  qu'ils  ont  peu  de  befoîns  ,  peu  de  loix  ,  peu 
d'évéïiemens  ;  qu'ilr  fit  font  occupés  que  d'une  fiib- 
fiftance  précaire ,  &  qu'une  tradition  orale  leur  fuf&t. 
Une  botnrgade  n'eut  jamais  d'hiftoire ,  un  peuple  ert 
rant  -enlcor  moins ,  une  fimple  trille  très  rarement  - 

L^hiftoire  d'une  nation  ne  peut  jamais  être  écrite 
que  fort  tard  ;  on  commence  par  quelques  regîftres 
très  fommaires  ,  qui  font  confervés  autant  qu'ils  peu- 
vent rêtre  dans  un  temple  ou  dans  une  citadelle. 
Une  guerre  malheureufe  détruit  fou  vent  ces  annales , 
&  il  faut  recommencer  vingt'  fois,  comme  desiFcmr- 
mîs  dont  on  a  foulé  aux  pieds  l'habitation  ;  ce  n'èft 
qu'au  bout  de  plufieurs  fiécles  qu'une  hrftoîrd  uti 
peu  détailléepeutfuccédef  à  ces  regîftres  informée ', 
&  cette  première  Wftoîre  éft  toujours'  mêlée  '  if  un 
feux  merveilleux  ,  par  fequel'  on  veut  remplacer  la 
vérité  qui  manque.  Ainfi  les  Grecs  n'eurent  leur 
Hérodote  que  dans  la  quatre -vingtième  Olympiade  , 
plus  de  mille  ans  après  la^pr^micèe  époque  rappor- 
tée dans  les  marbrerde  Parc^  JFabius  Piàor ,  le  plus 
ancien  hiftoricn  des  Roiiiau^s  ,  n'écrivit  que  du  tems 
de  la  féconde  çuerre  contre  Carthage ,  environ  dn^ 
cent  quarante  ans  après  la^foAdadoA  de  Home.. 

'      N  îij 


li 


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Or  fi  ces  dcui  nations  ,  les  plus  fpîritucHes  de 
lâ  terre  ^  les  Grecs  &  les  Romains  nô$  maîtres ,  ont 
conimencc  fi  tard  leur  hiftoîre  ,  fi  nos  nations  fep^ 
tentrionales  n'ont  eu  aiictin  Kiftorien  avant  Grégoire  de 
Tours  ,  croira- 1- on  dé  bonne  foi  que  des  TartareS 
vagabonds  t|ui  dorment  îur  la  neige  ,  ou  dés  Tro- 
gloditês  qu!  fe  cachent  dans  des  cavernes  ,  ou  des 
Arabes  errans  &  voleurs  ,  ^uî  errent  dans  des  mon- 
tagnes de  fable  ,  aycnt  eu  des  fhucidides  &,  ides  Xi» 
fiQpbom  ?  peuvent-ils  fàvoît  quelque  chôfe  "de  leurs 
ancêtre»  ?  peuvent  «ils  acquérir  quelque  connaiflance 
Rivant  d'xivbir  eu  des  Villes  ,  avant  de  tes  avoir  ha- 
bi<(;é6s  ')  avant  d'y  avoir  appelle  toi^  lies  arts  dont  il) 
étai^t  privés  ? 

Si  lés  Samoyèd^s  ;  ouïes  Naiamôni^  «  ob  les  it- 
qûinfatix  ^  venaient  nous  donner  de^  annales  antidatées 
4é  fd^ïi£evrs  nédes  ,  remplies  des  pliiis  étonnans  fait^ 
d'atmes ,  &  d*one  fuite  continivelle  de  prodl^s  qui 
étonnent  la  nature  ,  né  fe  moqueraît-on  pas  de  ces 
paurres  fiiuvnges  ?  Et  G  quelques  perfonnes  amoui. 
retifes  du  merveilleux  ou  incéreflees  à  lé  faire  cirolre  , 
donnaient  h  torture  à  leur  efpfit  jpour  fendre  ces 
rt>tnfes  V rai femb labiés  ,  ne  fc  môquéiraft-6n  pas  de  leurs 
efforts  t  &  s1ls  j^ngn^ient  à  leur  abfurditc  llnfolen* 
ce,  d'i^iïetfber  du  mépris  pour  tes  favans  ,  &  la  cru- 
auté de  perfecuter  ceux  qui  douteraient,  ne  ifer^îent- 
îls  pas  ies  plus  c.^ccrijbtes  des  hommes? 'Q.u*un  Sîà- 
tUQîs  vienne  me  conter  les  métamorpliofes  de  Sam- 
îmnàcodom  ,  &  qu'')!  me  menace  de  me  brûler  fi 
je  lui  fais  des  cibjetftiônfi ,  comment  *doÎ6-j.e  en  ufer 
avec  ce  Siamois  ?  •   .' 


'  bès'hîftôrien^^offialhS  Viotfs  Ôonfeh't  à-la- Véffté ,  q\jè 
le  Dieu  Mart  fit  detfx  i  eWfain?  j  une  ^eftalè  ,  danis 
\m  -ftédé  où  ITtâlîe  h'av^aîl-pdirit  de  VéRi^  ;qti*uné 
^ôuve  nocrfrïc-ces  deix  erfftns^'au  -^liéîi  tîè  lèsT  déva- 
>er  ,  t(>mmé  ^noàs-I*aVpnV'déja  va  ;  t\Me  'VdJhr'^Sc 
4^/f/&toinbâttnrrtt^^r"Jes'RotiTaîfts-,  ^-^exà^kiï 


^iti^n     ■  "I  I     iiiiÉti  if 


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I 


Q.U.I   ONT  i,C^;|3rifc'HlSTO^RE,  J99 


fe  jetta  dans  un  gouffre ,  ,&rfqnt  k  gouffre  fe  referma  ; 
mais  Je  fénat  de  Rom^  ne  /condamna  jamais  à  la  mort 
ceux  qui  doutèrent  de  tous  ces  prodiges  :  il  fut  permis 
d'en  rire  dans  le  capitule. 

n  y-a  â0f}$  ThiAdii^l^sMjaaine.  des  ^v^n^meçs  très 
poOTibUS)  qm  font  très.pfeu  vraifemblables.  flufieu«s 
îavansihçmmes  ont  déjaréy^o^  en  doute Tavantune 
des  ims  qui  -fauvèrent  Kome ,  S^-  celle  de  Camilit^^qui 
détruifit  entièrement  T^arniée  dies  Gaulois.  I^a  vidoif^e 
it  Caille  brille  beai^i^p^  ,i  la' vérité;,  d^S'Jv^. 
,  Live  i  mais  Polybe  plus  ancien  que  Tite  -  Live  ,  & 
|jlus  homme  d'état  ,  dit  précifjunent  le  contraire  ; 
jl  affure  que  les  Gaulois  craignant  d'être  attaqu|é&.par 
les  Vënètes  y  partirent  de  Rome  chargés  de.buiin^  ^p^|s 
«voir  î;^t  la  pdix  s^vec  les  B^nûios.  ^  qui  croironl- 

inous  de  Titf^Livê  ou; de  Polybt  .''«au  moîns  noi^     |^ 
douterons.  r     -r.  v.  ,  .  A 

--■..•.-■■;  8 
Ne  douterons-iieiUS  j^  jeQÇoc  du  fupplice  de^  Ri-  K 
gulus  qu'on  fait  enfermer  dans  un  coffre  armé  eh  w 
dedans  de  pointes  de  fêr  ?  Ce  genre  de  mott  cil  sf- 
Xurément  unique-  Comment  ce  même  Pol^bt  pref- 
que  contempnrain  ^  Polybe  qui  était  fur  les  lieux  , 
qui  a  écrit  fi  fupérieueement  h  guerre  de  Home  & 
de  C£irthage,aurait-il  palVé  fous  filence  un  fiiit  aufli 
extraordinaire,  aufîl  important  ,  &  qui  auraic  (i  bien 
}ùilific  la  mapvaire  foi  dont  les  Romains  en  ufércjït 
avec  les  Carthaginois  ?  Comment  ce  peuple  auraît-il 
ofé  violer  fi  burbarement  le  droit  des  gens  avec  JÎé^- 
guiut  ^  dans  le  tems  que  les  Romains  avaient  entre 
leurs  mains  plufieurs  principaux  citoyens  de  Carthage 
fur  iefquBds^jk  uuTaieot^riervctogitf  ?    .  T 

•Enfin ^Ihoidr^deSiciie  rapports  dans  un  de  Tes  fra^ 

menSvique  ies-enfanî  deri?i^|nàrr^yant.fort  maltraité 

„     des  priCnniAérs  Carthii^hii>i&,  ir-fénatrom^n  les  répri* 

â    manda  y  &iBt>  valoir  le  difoit  des  gpens,  N'aurait^hpas 
permis  uisr  ejofte  véngeancie  j«pKcfil"s  de  JUgu^yû     :  i 
N   iiij  ^3 


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leur  père  aVaît  été  aïTaflîtié  I  Carthagé  ?  L'hîftoire 
du  fupplîce  de  Rigtdus  s'iétablît  avec  \t  tems ,  la  hai- 
ne contre  Carthagé- lui  donna  cours  ;  Horace  la  chan- 
ta, &  on  n'en  douta  plus.* 

Si  iioti  jefc'totié  le!  yeux  Tilr  lés  pfeiniei'S  ttmi  de 
'notre  hiftoîrc  de  France,  tout  en  cft  peut-être  aufii 
feux  qu'obfcur  &  dégoûtant  ;  du  moins  il  eft  bien 
difficile  de  croire  ravant\ire  de  Cbilderic  &  d'une  Ba- 
%mf  femme  d'un  Bazin  ,  &  d'un  capitaine  Romain 
^lu  roi  des  France  qui  n'avaient  point  encor  de  rois. 

'ièrégùire  de  Tours  cft  notre  Hérodote  -,  à  cela  ^rèô 
%Sxt  le  Tourangeau  eft  moins  amufant  ,  moins  élé- 
gant qifè  le  Gfcc.  Léi  rhoîn'és  qui  écirivîrent  après 
Grégoire  furent -ils  plus^  éclairés  &  plus  véridiques  ? 
^  prodiguèrent -ils  pas^  quelquefois  des  louanges  un 
jpeu  outrées  à  des  altafTins  qui  leur  avaient  donné 
des  terres  ?  Ne  chargèrent-ils  jamais  d'opprobres  des 
^princes  fages  qui  ne  leur  avaient' rien  donné? 

,  Je  faîs  bien  que  les  Plranciè  qui  envahirent  la  Gati*- 
!e  furent  plus  cruels  que  les  Lombards  qui  s'empa- 
Tèreire  de  ITtaîie,  &•  î^be  les  Vifîgû^hs  qui  régnèrent 
rn  Eft>agtie.  On  voit  autant  de  meurtres  ,  autant 
d'afT-ffmats  dans  les  annales  des  Clovh  ,  des  Tbier^ 
rzj,  des  CM/debern ,  des  Cbiip'erks 8c des ChtaireSiquû 
^ms  celles  des  rois  de  Juda  &  è'IfraaL  Rien  n'eft 
afTtnéraent  plu^?  fauvage  que  ces  tems  barbares  ;  ce- 
pendant ,  n^ell-il  pas  permis  de  déuter  du  fupplîce 
dé  Ik  rdne  Brunebiùa  ?   , 

Elle  était  àgée.d^  près-dp ^qùatre^vingtanis  jqôand 
elle  mourut  en  6i%  ou  6i^.  Fridegaire  qui  écrivait 
far  3a  fin  du  huitième  fiécié  ,  cent  cinquante  ans 
après  la  morf  de  Brtàtebaut  $  f  &  non  pas  dans  le 
feptiémé  fiécle  ^  comme  il  jeft  dKt  dans  Tikbrégé  chfo>> 
nojogiqut  pat  une  Suite  di'impreflion  )  Fridegaire  ^ 
'ài$^  s  nous  affure.  <$Be  Je  roi  Clptme  ,  f»inee  très 


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Q.UI  ONT  icïllt  l'histoire.   20I      « 

pieux  ,  très  craignant  DiBU ,  humain  »  patient  ,  dé- 
bonnaire )  fit  promener  la  riine  Brunebat^t  fur  un 
chameau  autour  de  fon  camp  ,  enfuite  la  fit  attacher 
par  les  cheveux  ,  par  un  bras  &  par  une  jambe  à 
la  queue  d'une  cavale  indomtée  ,  qui  la  traina  vi- 
vante fur  les  chemins  ,  lui  fracafTa  la  tête  fur  les  cail- 
loux ,  la  mit  en  pièces  ,  après  quoi  elle  fut  brûlée 
&  réduite  en  cendres.  Ce  chameau  ,  cette  cavale  in- 
domtée ,  une  reine  de  quatre-vingt  ans  attachée  par 
les  cheVeux  &  par  un  pied  à  la  queue  de  cette  ca- 
vale ,  ne  font  pas  des  chofés  bien  communes* 


tl  eft  peut-être  difficile  que  le  peu  de  cheveux  d'une 
femme  de  cet  âge  puilTent  tenir  à  une  queue  ,  & 

Ju'on  foit  lié  à  la  fois  à  cette  queue  par  l<qs  cheveux 
:  pair  un  pied.  Et  comment  eut-on  la  pieufe  atten- 
tion d'inhumer  Brunehaut  dans  un  tombeau  à  Au- 
tun  ,  après  l'avoir  brûlée  dans  un  camp  ?  Les  moi- 
nes Frédegaire  &  Aimoin  le  difent  ;  mais  ces  moi- 
nes font-ils  des  de  Tbéu  &  des  Mmnes  ?  . 

^  ïl  y  a  un  autre  tombeau  érigé  à  cette  reine  au  quln*» 
zîéme  fiécle  daiis  l'abbaye  de  St.  Martin  d'AutuQ 
qu'elle  avait  fondées  On  a  trouvé  dans  ce  fépulcre 
un  refte  d'éperon.  C'était ,  dit-on  ,  l'éperon  que  Toti 
mit  aux  flancs  de  la  cavale  indomtée.  C'eft  domma« 
ge  qu'on  n'y  ait  pas  trouvé  aufii  la  cerne  du  cha» 
meau  fur  lequel  on  avait  fait  monter  la  reine.  N'eft- 
il  pas  poûible  que  cet  éperon  y  ait  été  mis  par  inad- 
Vertence  ,  ou  plutôt  par  honneur?  Car  ,  au  quin- 
zième fiécle ,  un  éperon  doré  était  une  grande  mar- 
que d'honneur.  En  un  mot  ,  n'eft-il  pas  raifonna- 
ble  de  fufpendre  fon  jugement  fur  cette  étrange  aran-^ 
ture  il  mal  conilatée  ?  Il  eft  vrai  que  Pufqmer  dit  quie  lsi 
mort  de  BrwmbcaU  avmk  été  $r éclate  fa,r  la  Jibyilt.    . 

Tous  ces  fiécies  de  barbarie  ft)nt  des  -fiéclesd'hor- 
reurs  &  de  miracles.  Mais  Faudra^t-il  croire  tout  cet 
que  les  moines.Qnt.é:crit  ?  Us  it^ijaç^  pieÇqye  les  feuU     ^ 

^>^  iijii  i  I  wsÊmmu^^ '  M^i  i^S^ 


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■«feg«a** 


iiÉih. 


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a02  pRXf^BUfi  ^EVIPLBS  Q][JI  €NTiORIT,&a 

-■  ' 

^ui  fuflbit  lire  &  écfire  ,  lorfque  Cbarlemagfte  ne 
favait  pas  figner  fon  nont^  Ils  nous  ont  inftruit 
de  la  date  de  quelques  gtàiids  événemens.  Nous 
croyons  avec  eux  que  Charles  Martel  battit  les  Sar- 
razins  ;  mais  qb^il  en  ait  tué  trois  cent  foixante  mille 
dans  la  bataille  ,  en  vérité  c'eft  beaucoup. 

Ils  difent  que  Cltrois  ,  fécond  du  nom  ,  devint 
ftu  ;  la  chofe  n'cll  pas  impoflible  \  mais  que  Dieu 
arh  tffBigé  fon  cerveau  pour  le  punir  d'avoir  pris  un 
bras  de  8t,  Denis  dans  Téglife  de  ces  moines  pour  le 
mettre  dans  fon  oratoire  ,  cela  n'elt  pas  fi  vraifem^ 
ïlable. 

Sî  on  n^Vak  que  de  pareils  contes  à  retrancher 
de  rhîttoire  dfe  France  ,  ou  plutôt  deljhiftoire  des 
roh  francs  &  de  leurs  maires  »  on  pourrait  s'dffbr. 
cer  de  la  lire.  Mais  comment  fupporter  les  menfoin- 
ges  grôfGers  dont  die  eft  pleine?  Ony  affiége  conti- 
nuellement des  villes  &  des  fortereffes  qui  n'cxif- 
taient  pas.  Il  n'y  avait  par  -  delà  le  Rhin  que  des 
bourgades  fans  murs  ,  défendues  -par  des  pàlffTades 
de  pieux  ,  S:  par  des  fbïfés.  On  fart  ^ue  ce  n'eft 
5ue  Tous  Henri  fOifeleur  ,  vers  Tan  ^to  ,  que  la  Ger- 
manie eut  des  villes  mutées  &  fortifiées.  Enfin  ,  tous 
les  détails  de  ces  tems^Ià  font  autant  de  fables ,  & 
qui  pis  eft ,  de  fables  ennuyeufes* 

Des  tioisxATEURs  q.xji  ont  parlé  au 
NOM  Djss  Dieux. 

-  Tout  légîflateut  profene  qui  i6fe'ftîndïe  que  la  Di- 
vinité lui  avait  ëi^é  fes  loix  ,  éï^lt  vifibleroent 
un-blalphémateur,  &  un  traître  ;  un  bkfphématcur, 
puifqu'il  calomniait  les  Dieux  ;  un  traître,  puifqu'il 
aflerviffait  fa  patrie  k^  tes  propres  opinions.  11  y  a 
deux  fortes  de  loix  ,  les  unes  nalurôUes  ,  commu* 
nés  à  -tous  ,  &  utiles  -à  tous.    Tu  ne  jvolems  ni  ve 


mSMsam 


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Li(ofêLÂT£U1t5  QVt  09IT  P^MIÉ^^.  SOJ     « 

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titerOt  ton  pruchain  ;  fii  aitras  *im  foin  rt^éSneuk 
de  xfeux  qui  font  donné  le  fotrr  ^  qtn  ont  élevé  ton 
-enfance  ,•  tu  ne  ravirat  pas  la  Jenmre  èèe  ton  frire  $ 
ta  ne  mentiras  pasfottr  lui  nuire  j  fu  Taiikeras  dans 
fes  tefainspoter  mériter  V^en  itrt'fecouru  là  ton  fonr: 
voîlà  les  loix  que  fa  nature  a  promtilguéts  du  (tmd 
des  files  du  Japon  aux  rivages  de  nottie  Occident 
Ni  fhrpbée  ^  nî  Hermès  \  ni  Minos  ,  tri  lÀcurpie,^ 
ni  2^»ia ,  n'avaient  befbîn  (\ut  Jupiter  tînt  au  brrit 
du  tonnerre  annoncer  des  vérités  graréev  dans  tous 
les  cœurs. 

Si  je  m'étais  trouvé  vis-à-vis  de  quelgu'un  de  ces 
grands  charlatans  dans  la  place  publique  ,  je  lui  au- 
rais crié  ,  Arrête  ,  ne  compromets  point  ainfi  la  Di- 
vinité  ;  tu  veux  me  tromper  ,  fi  tu  la  &is  deféen* 
dre  pour  enfeigner  ce  que  nous  favoSs  tous  ;  tu  veut 
fans  doute  la  faire  fervir  à  quelqu'autre  ufage  :  tu 
veux  te  prévaloir  de  mon  confentement  à  des  véri- 
tés éternelles ,  pour  arracl^er  de  moi  mon  confente- 
ment à  ton  ufurpation  :  je  te  défère  au  peuple  com- 
me un  tyran  qui  bUifphèmew 

Lés  autt^s  loix  font  les  politiques  :  loix  purement 
civiles  ,  éternellement  arbitraires  ,  qui  tantôt  éta- 
blifTpnt  des  éphores  ,  tantôt  des  confuls  ,  des  co- 
mices par  centuries  ,  ou  des  comioes  par  tribus ,  un 
aréopage  ou  un  fénat ,  i'ariftocratie  ,  la  démocratie 
pu  la  monarchie.  Ce  ferait  bien  mal  connaître  le  cœur 
humain  ,  de  foupqonner  qu'il  foit  poflible  qu'un  lé>* 
giilateur  profane  eût  jamais  établi  une  feule  de  ces 
loix  politiques  au  nom  des  Dieux  ,  que  dan9  la  vue 
de  fon  intérêt.  On  ne  trompe  ainfi  les  hommes  que 
pour  fon>  profit. 

Mais  tous  les  légîflatenrs  profanes  ont- ils  été  des 
fripons ,  dignes  du  dernier  fupplîce  ?  Non  ;  de  même 
qu'aujourd'hui  dans  les  affemblées  des  magiftrats  ,  il 
fe  trouve  toujours  des  âmes  droites  &  élevées  qui  pro*- 


l 


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aC4    LÉQISLATEURS  QUI  ONT  PARLÉ  ,  &C 

pofent  des  chofes  utiles  à  la  fociécé ,  fans  fe  vanter 
qu'elles  lui  ont  été  révélées  ,  de  même  auffi  parmi  les 
légiflaceurs  il  s'en  eft  trouvé  plufieurs  qui  ont  inftitué 
des  loix  admirables ,  fans  les  attribuer  à  Jupiter  ou  à 
Minerve^  Tel  fut  le  fénat  romain  qui  donna  des  loix  à 
TËurope ,  à  la  petite  Afîe  &  à  l'Afrique ,  fans  les  trom- 
per ;  éc  tel  de  nos  jours  a  été  Pierre  le  grand ,  qui  eût 
pu  en  impofer  à  fes  fujets  plus  tellement  qu'/Tenn^x 
aux  Egyptiens ,  AUnos  aux  Cretois ,  &  Zamolxii  aux 
anciens  Scythes. 


11 


•  :2 


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mmtÊm^ 


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i. 


E    s    s    A    I 

SUR  LES  MOEURS  ET  VESPRIT 

DES   KATIONS  ,    ET  SUR  LES   PRINCIPAUX 
FAITS    DE  l'histoire  ,   DEPUIS   ChARLE- 

MAGïiE  jusQu'X  Louis  XIII. 


A  V  ANT-P  RO  P  O  S, 

1  i 

2  Qui  contient  le  flan  de  cet  ouvi^age ,  avec  le  précis    H 
'  I        de  ce  qu^  étaient  originairement  les  nations  occi-    \ 

dentales ,  Ç^  les  raifons  pour  lefquelles  on  com^ 
mençe  cet  ejfaipar  P  Orient. 

VOus  voulez  enfin  furmonter  le  dégoût  que  vous 
caufe  rhiftoire  moderne  ,  (a)  depuis  la  décadence 
de  Tempire  Romain  ,  âS:  prendre  une  idée  générale  des 
nations  qui  habitent  &  qui  défolent  la  terre.  Vous  ne 
cherchez  tlans  cette  immenfité  que  ce  qui  mérite  d'ê- 
tre connu  de  vous  ;  Tefprit ,  les  mœurs ,  lés  ufages 
des  nations  principales  ,  appuyés  des  /lits  qu'il  n'eft 
pas  permis  d'ignorer.  Le  but  de  ce  travail  n'ei);  pas  de 
favoir  en  quelle  année  un  prince  indigne  d'être  connu 
fuccéda  à  un  prince  barbare  chez  une  nation  groITière. 
Si  on  pouvait  avoir  le  malheur  de  mettre  dans  fa.tête 
la  fuite  chronologique  de  toutes  les  dynafties ,  on  ne 


(  fl  )  Cet  ouvrage  fut  corn-  I  Aucune  des  compilations  iinî- 
pofl  en  1740  pour  madame  du  I  verfelles  qu'on  a  vues  depuis , 
ChàteUt  ,  amie  de  Tantcur.   1  n*exiîlait  alors. 


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Z06         A  ¥  A  y  T  .  t  R  O  t  O    S. 

■  I.  -j.  Il» 
faurait  que  des^  mois.  Autant  qu-'M  faut  eomiàttre  les 
grandes  adions  des  fouverains  qui  ont  rendu  leurs 
peuples  meilleurs-  &  plus  keqreuoc  ,  aumnt  on  peut 
ignorer  le  vulgaire  des  rois ,  qui  ne  pourrait  que  char- 
ger la  mémoire.  De  quoi  vous  ferviraient  les  détails  de 
tant  de  petits  intérêts  qui  ne  fubfiftent  fâv^s  aiiîoor* 
(fhui ,  de  tant  de  familles  éteintes  qui  fe  (ont  difputé 
des  provinces  englouties  enfuite  dans  de  grand» royau- 
mes ?  Prefque  chaque  ville  a  aujoufd*hui  fon.  hiftoire 
vraie  ou  faulTe ,  plus  ample ,  plus  détaillée  que  celle 
d^ Alexandre.  Les  feufes  annales  d'un  ordre  monafH- 
que  contiennent  plus  de  volumes  que  celles  de  Tem- 
pire  Romain. 

Dans  tous  ces  recueils  immenfes  qu'on  ne  peut 
embraffer ,  il  fout  fe  borner  &  choifir.  C*efl:  un  vafte 
magafin ,  où  vous  prendrez  ce  qui  eft  à  votre  ufage. 

Î^  L'illuftre  Bojpuet ,  qui  dans  fon  difcours  fur  une     A 

partie  de  l'hîftoire  univerfelle  en  a  fuiû  le  véritable     V 
efprit ,  au  moins  dans  ce  qu'il  dit   de  l'empire  Ro-      | 
*      main  ,  s'eft  arrêté  à  Charlemagne.   C'eft  en  commen- 

Îant  à  cette  époque  que  votre  deflein  eft  de  vous 
aire  un  tableau  du  monde  ;  mais  il  faudra  fouvent 
remonter  à  des  tems  antérieurs.  Cet  éloquent  écrir 
vain  en  di&nt  un  mot  des  Arabes  qui  fondèrent 
un  fi  puiffant  empire  &  une  religion  fi  florifTante  , 
n'en  parle  que  comme  un  déluge  de  barbares.  Il 
parait  avoir  écrit  uniquement  pour  infinuef  que  tout 
a  été  fait  dans  le  monde  pour  la  nation  Juive ,  que 
fi  Dieu  donn^  l'empire  de  TAfie  aux  Bâbiloniens  , 
ce  fut  pour  punir  les  Juifs  ,  Ç\  Dieu  fit  régner  Cy- 
rus  ce  fut  pour  les  venger  ,  fi  Dieu  envoya  les  Ro- 
mains ce  fut  encore  pour  châtier  les  Juifs.  Cela  peut 
être.  Mais  les  grandeurs  de  Cyrus  &  des  Romains 
ont  encore  d'autres  caufes  ;  &  BoJJuet  même  ne  Içs 
9  pas  omifes  en  parlant  de  Tefprit  des  nations. 

Il  eût  été  à  fouhaîter  qu'il  n'eût  pas  oublié  entîc* 
j       rement  les  anciens  peuples  de  l'Orient ,  comme  les 


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||gii)*i  l'igapiii  tjf^jif 

A  T  A  «If  T  .  t  R  O  F  O  S.  207 


r 


Indiens  &  h$  Chinois  qui  ont  été  fi  confidërables  , 
avant  que  les  autres  nations  fuiTent  formées. 

Nourris  des  produéUons  de  leur  terre  9  vêtus  de 
leurs  étofiFes  ,  amufés  par  les  jeux  qu'ils  ont  in* 
ventes  ,  inftruits  même  par  leurs  anciennes  fables 
morales  ,  pourquoi  négligerions  •  nous  de  connaître 
Fefprit  de  ces  nations ,  chez  qui  les  commerqans  do 
notre  Europe  ont  voyagé  dès  qu^ils  ont  pu  trouver  uo 
chemin  jufqu'à  elles? 

En.  vous  inftruifant  en  phtlofophe  de  ce  qui  con* 
cerne  ce  globe ,  vous  portez  d'abord  votre  vue  fui 
POrient ,  berceau  de  tous  les  arts ,  &  qui  a  tout  donné 
à  rOccident. 

I^es  climats  orientaux  voiiins  du  midi  tiennent  tout 
de  la  nature  ,  &  nous  dans  notr^  Occident  fepten- 
trional  nous  devons  tout  au  tems  ,  au  commerce ,  à 
une  induftrie  tardive.  Des  forêts  y  des  pierres ,  dés 
fruits  fauvages ,  voilà  tout  ce  qu'a  produit  naturelle- 
ment l'ancien  pays  des  Celtes  ,  des  Allobroges  ,  des 
Pidtes  ,  des  Germains  ,  des  Sarmates ,  &  des  Scythes. 
On  dit  que  l'ille  de  Sicile  produit  d'elle  -  même  un 
peu  d'avoine  ;  mais  le  froment ,  le  ris ,  les  fruits  dé- 
licieux çroiffdient  vers  l'Euphrate  ,  à  la  Chine,  &  dans 
llnde.  Les  pays  fertiles  furent  les  premiers  peuplés  , 
les  premiers  policés.  Tout  le  Levant ,  depuis  la  Grèce 
jufqu'aux  extrémités  de  notre  hémifphère ,  fut  longtems 
célèbre  avant  que  nous  en  fuflions  afifez  pour  con^ 
naître  que  nous  étions  barbares.  Quand  on  veut 
favoir  quelque  chofe  des  Celtes  nos  ancêtres ,  il  faut 
avoir  recours  aux  Grecs  &  aux  Romains  ,  nations 
encor  très  poftérieures  aux  Afiatiques. 

Si , par  exemple,  des  Gaulois  voifins  des  Alpes  joints 
aux  habitans  de  ces  montagnes' ,  s'étant  établis  fur  les 
bords  de  l'Erîdan ,  vinrent  jufqu'à  Rome  trois  cent 
foixante  &  un  ans  après  fa  fondation ,  s'ils  affiégèrent 


: 


ii^âtf^^^ 


^Sïfr7< 


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aOg  AVANT-P.RO.POS. 


le  capitule»  ce  font  les  Romains  qui  nous  Pont  appris. 
Si  d'autres  Gaulois  environ  cent  ans  apcès  entrèrent 
dans  la  Theflalie ,  dans  la  Macédoine  y  &  paflerent 
fbr  le  rivage  du  Pont-Euxin,  ce  font  les  Grecs  qui 
nous  le  difent,  fans  nous  dire  quels  étaient  ces 
Gaulois ,  ni  quel  chemin  ils  prirent.  Il  ne  refte  chez 
nous  aucun  monument  de  ces  émigrations  qui  reflem- 
blent  à  celles  des  Tartares.  Elles  prouvent  feulement 
que  la  nation  était  très  nombreuse ,  mais  non  oivili* 
fée.  La  colonie  de  Grecs  qui  fonda  Marfeille  fix  cent 
ans  avant  notre  ère  vulgaire  ,  ne  put  polir  la  Gaule. 
La  langue  grecque  ne  s'étendit  pas  même  au-delà  dç 
fon  territoire* 

Gaulois ,  Allemands ,  Efpagnols, Bretons,  Sarmates, 
nous  ne  &vons  rien  de  nous  avant  dix  -huit  fiécies , 
finon  le  peu  que  nos  vainqueurs  ont  pu  nous  en  ap- 
prendre. Nous  n'avions  pas  même  de  fables  ;  nous 
n'avions  pas  ofé  imaginer  yne  origine.  Ces  vaines 
idées  que  tout  cet  Occident  fut  peuplé  par  Gemer  (h 
de  Jafhet  y  (ont  des  febles  orientales. 


Si  les  anciens  Tofcans  qui  enfeignèrent  les  premiers 
Romains,  {avaient  quelque  chofe  de  plus  que  les  autres 
peuples  occidentaux ,  c'eft  que  les  Grecs  avaient  en- 
voyé chez  eux  des  colonies  ;  ou  plutôt  c'eft  parce 
que  de  tout  tems  une  des  propriétés  de  cette  terre 
a  été  de  produire  des  hommes  de  génie ,  comme  le 
territoire  d'Athènes  était  plus  propre  aux  arts  que  ce* 
lui  de  Thèbes  &  de  Lacédémone.  Mais  quels  monu- 
mcns  avons  -  nous  de  l'ancienne  Tofcane  ?  Aucun, 
Nou8;ious  épuifons  en  vaines  conjecftqres  fuf  quel- 
ques infcriptions  inintelligibles  ,  que  les  injures  du 
téms  ont  épargnées  ,  &  qui  probablement  font  des 
premiers  fiécies  de  la  république  romaine.  Pour  les 
autres  nations  de  notre  Europe ,  il  ne  nous  relie  pas 
une  feule  infçrjption  d'ellçs  dans  leur  anciçn  lanr 
gage. 

L'Efpagne 

jyga'4^1      I  .p,  ii^aiMy»     iTiiS^ 


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à  V  X  »  ï  -p  il  a  f  ô' 


8. 


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I 


-  L'Efpagne  mariltme  fut  décoiiverjrc  par  les  Phéni, 

mains  y  trouvèrent  tour-à-tour  de  quoi  kf  enrichir 
dans  les  tréfdis  que  la  terre  produifart  alorjs.  Les  C^r7 
thaginois  y.  firent  valoir  des  naines  ,  n)ai$  mgins  ri, 
qhes  que  celles  du  Mexique  &  duTérop  ;  le  tems  les  a 
épuifées ,  comme  il  épuifera  celles  dû  aouvegu  monde, 
Pline  rapporte  que  tes  Romains  en  tirèrent  en  neuf 
ans  ,  huit  mille  marcs  d'or ,  &  environ  «vingt  ^quatre 
mille  d'argent  II  faut  avouer  que  ces  prétendus  def, 
eendans  de  Gowtfr. avaient  bien  mal- profité  des  pré-p 
fens  que  leur  faifak  la  terre  en  tout  genre  ,  puîfqu'il^' 
furent  fubjugués  par  les  Garthaginc^is  ,  par  les  Ro, 
mains  ;  par  les  Vandales ,  par  lés  Goths^  &  par  ïfg 
Arabe», 

Ce  que  nous  favons  des  Gaulbfîsl  par  Jules  Cifar 

&  par  les  autres  auteurs  Romains  ,  nous  donne  l'idée 

d'un  peuplé  qui  avait  befoin  d'être  foumis  par  utie 

nation 'éclairée.  Les  dialetftes  du  langage  celtique^ 

étaient  aifreufes.  L'empereur  Julien^ons  qui  ce  lan^ 

gage  fe  parlait  encore ,  dit  daas  {on  mifopogon  ^  qu'it 

reffemblait  au  croaffement  des  corbeaux.  Les  mœur^ 

du  tems  de  Céfitr  étaient  auffî  bar^res  que  le  langage. 

Les  druide$  ,  impofleuFS  gro{&r«  faits  pour  le  peuple 

qu'ils  gouvernaient  9  immolaient  des  vidimes  humai* 

nés  qiril*  brûlaient  dans  dç  grandes  &  hidetfTes  fta* 

tues  d'ofier;  Le^driiideiTes  plongeaient  des  couteaux 

dans  le  cœur  à^  priibnniers ,  &  jugeaient  de  ^avenir 

i  la  manière  dont  le  fang  coulait.  De  grandes  pierre^ 

un  peu  creufées  ^qii'on  a  trouvées  fur  les  confins  de 

la  Germanie^  &  de  la  Gaule  ,  vers  Strasboug,  font", 

dit-on  ,  les  autels  où  l'on  faii'ait  ces  focrifices.  Voila 

tous  les  monumens  de  l'ancienne  GaUle.  Les  habituns 

des  côtes  ûÎ^Ma  Bifc»3je  &  de  la  Gafcogn*  s'étaiient 

quelquefois  noUCns  de  chair  hum»ne.  11  feot  détourner 

les  yeux  de.fies  dems  ÛÉvage^  qui  fxm^  la  home  df 

lajiatuccu.  .      ."    .      '  i'.."'%il 

EJfaifur  les  mœurs  ,  &c.  Tom,  L        *  Q        ^  ^     -^ 


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7,10      AyAVT-Piioroa. 


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Comptons  parmi  les  folies  4e  l'efprît  humain ,  fi. 
dée  qu'on  a  eu  de  nos  jours  de  faire  defbendre  lea 
CeUes  des  Hébreux.  Vb  façrifiaient  des  hoçunes  ,  dit- 
on  ,  parce  que  Jepbté  avait  immolé  fa  fiUe.  Les  drui* 
des  étaient  v^tus  4ç  blanc  pour  imites  les  prêtres 
df;^  Jui&  ;  ils  avaient  comme  eux  un  grand  pontife. 
Leurs  druid^fles  font  des  images  de  la  ^ur  de  Moife 
&  de  JDébora.  Lç  pauvre  qu'on  nourriflait  k  Marfeiile, 
&  qu'on  immolait  couronné  de  4eurs  ,  &  chargé  de 
malédidipns  »  avait  pour  origine  le  ^oi<ff  imiffaire^ 
On  va  jufqu'à  trouver  de  la  reflemblance  entre  troi# 
eu  quatre  mots  celtiques  &  hébraïques  qu'on  prononce 
élément  mal  ;  &  on  en  conclut  que  les  Juifs ,  &  les 
nations  des  Celtes  font  la  même  famiUe^  C'eft  ainft 
au'on  infulte  à  la  raifon  dans  deshi^pi^ea  univer- 
ielles ,  &  qu'on  étouffe  fous  un  amas  de  conje<9:ures 
forcées  ,  le  peu  de  connailfance  que  noua  pourions 
avoir  de  l'antiquité. 

Xes  Qermain^  avaient  à'^peu-près  les  mèilies  mœurs 
^ue  le$  Çaulois  ,  lacrifiaient  comme  eux  des  viâii 
mes^  humaines  i  décidaient  comme  eux  leurs  petits 
di^érends  particuliers  par  le  duel  9  &  avaient  feule* 
ment  plus  de  gro(&éreté  &  moins  d'induftrie.  Qéf/v^ 
dans  fei  mémoires  dqus  apprend  que  leurs  magicien* 
nés  réglaient  toujours  parmi  eux  le  jour  du  combat* 
Il  nous  dit  que  quand  un  de  leurs  rois  »  Ârimfti^  amena 
cent  pille  de  (es  Germains  errans  pour  piller  les  Gau^ 
les  que  Céfair  voulait  affervir  plutèt  que  piller ,  il 
^voya  verf  ce  barbare  deux  olBoiers  Romains  pour 
entrer  en  cofiférençe  avec  lui  t  qu^AriindJic  les  fit 
charger  de  chaînes,  qu'ils  furent  deftinés  à  être  facri^ 
fiés  aux  Çieux  des  Germains,  &  qu'ils  allaient  l'étie 
{orfqu'il  le^  délivra  par  &  viâoire. 


Les  fiimilles  de  tous  ces  barbares  avaient  en  Ger. 
manie  pour  uniques  retraites  des  cabanes  ,  où  d'un 
l^téi^  père,  la  mèpe,l^  feauestles  frères,  les  en^ 
fans  couchaiettt  nuda  fur  la  paille,  &  de  l'antre  côté 


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ff»H  ■      "<!■  Il  IH»|^J 

lilaifMU:  l«urs  «pioaamc  4oflMfti««#«.  C«  fMfi  là  pourt 

maltrt»  49  PLo9if  *  T^i^e  UmP  |09  m»«r<{  des  Gett 
mains  i  aMJ«  $piM>f  it^s^f  ^^m^t^  «eÛei  des  iMft 
Vires  momé$  Pèt^  i  l'uo  *  XUmc  ignpment  C9 
qu'ils  louaient  »  &  ?0Qlaient  feulement  faire  laf^yff 
de  Rome.  |^e  même  Tacite^  ap  milieu  dç  fes  éloges , 
avoue  Of  qut  tout  Is  moiuie  ^ai(  ^  qiif  les  Germainf 
aimaienc  mieux  vivre  de  rasions,  que  du  cultiver  1^ 
terre  ;  tk  qiraprés  avoir  pi|le  l^c^  voifins ,  ils  relpyrt 
naient  ché|  eu¥  manger  &  dornûr.  Cependant  ,^oi| 
nit  peut  pa3  to^j^^^t  viirrç  de  b^iganda^.  Les  #mp«» 
rcurt  Romains  çon^nrent  on  fubjoguèrent  ees  fauf^r 
ges  >  ils  furent  forcés  «n  tt^yail  qi»'iis  ij^^dai^llf  9onpt 
mi^  un  walh^vf. 

Qlian4^  C^  paRf  m  AagUterns  i  Si  trouve  «cette 
iile  pks  (kpyagjS  f n^ore  que  h  Cqrmanie^  Les  babW 
tans  couvraient  à  pisint  kiur  nudité  dç  quelqujçs  ptaut^ 
de  loties.  LfS  femoMS  d'un  o^on  y  appartenaient  in»  ^ 
différemment  i  0hs  les  liovmM  du  même  <:aiiton^  |p 
lueurs  dimittres  étaient  des  oabanes  de  roTeaux  »  ((f 
leurs  ornçmeftS  des  figjMrioa  ^m  ks  hommes  &  les 
femmes  s'imprimaient  fur  h  peàU  Un  y  fk^t  de^ 
piquûres ,  en  y  verfant  le  fuç  des  herbes  ,  ainfi  au; 
\fi  pratiqvfkit  oiapt  htê  fi^fagef  de  f  An^iqiief 


Qwr  b  natoie  humid|n#  ai$  été  plongée  pendant 
une  loagne  ^te  de  fiédes  dans  cet  état  fi  appro^ 
ebant  ck  edui  d^  frotte ,  Se  infiirieur  à  plufieurs 
éganb  yc'eik  ce  qui  »*€&  qoe  trop  nai.  Lé  raifon  en 
eft  y  eonane  on  f  a  dte ,  qu'il  tfùfi  pas  dans  la  nature 
4i  rftamflM  de  di^rer  ce  qti^on  nt  cmmaiP  f^s*  Il  a 
£ri«  partout  am- animent  un  e^ace  de  tems  pro. 
digiBaK^meto  des  tiremftano.^  henieuTes ,  poi^r  quf 
l'kueme  s'ébWto  ao-deffe»  de  la  vie  animal^. 

Voas  a;yc^donfigiraa4*  raifon  derouloir  paffer  toutr 
d'un  -  oau»  a^ii^iipai  tl^  «W  4»  fiivilifte  1^  prêt 


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smtÈSi 


A  V  A  K   T  •  P  R  O  >  Ô  à 


1 


mîères.^  Il,  fe  peut  que  tengtcins  avant  les  empires  de 
h  Chine ,  &  des  Indes  ,  il  y  ait  eu  des  nations  inf- 
truites ,  polies ,  puiflantes  ,  Que  des  déluges  de  bar- 
bares auront  enîuîte  replongées^  dans  le  premier  état 
d'ignorance  &  de  groffiérçté  qu'on  appelle  l'état  de 
pure  nature, 

La  feule  prîfe  de  Conftantînople  a  fufB  pour  anéan- 
tir refprît  de  l'ancienne  Grèce.  Le  génie  des  Romains 
fut  détruit  par  les  Goths^  Les  côtes  de  l'Afrique' au* 
trefois  fi  floriflantes  ,  ne  font  prcfque  pltis  que  des 
repaires  de  brigands.  Des  cbangemens  encor  plus 
grands  ont  dû  arriver  dans  des  climats  moins  heu- 
reux. Les  caufes  phyfiques  ont  dâ  fe  joindre  aux  eau- 
fes  morales  ;  car  fi  l'Océan  n'a  pu  changer  entièrement 
fon  lit ,  du  moins  il  eft  confiant  qu'il  a  couvert  tour- 
à-tour  ,  &  abandonné  de  vaftes  terrains.  La  nature 
a  dâ  être  expofée  à  un  grand  nombre  de  fléaux  & 
de  viciffitudes.  Les  plus,  belles  terres  ,  les  plus  ferti- 
les de  l'Europe  occidentale  ,  toutes  les  campagnes 
baffes  arrofées  par  les  fleuves ,  ont  été  couvertes  des 
eaux  de  la  mer  pendant  une  prodigieufe  multitude  . 
dé  fiécles  :  c'eft  ce  que  vous  avez  déjà  vu  dans  la 
phïlofophie  de  l'hiftoîre. 

Nous  redirons  encor  qu'il  n'efl:  pas  fi  fik.  que  les 
montagnes  qui  traverfent  l'ancien  &  le  nouveau  mon- 
de, ayent  été  autrefois  des  plaines  couvertes  parles 
mers  ;  car  ,  i^.  plufieurs  de  ces  montagnes  fpnt  cli- 
vées de  quinze  mille  pieds  &  plus  au- deffus  de  l'O- 
céan. 2^.  S'il  eût  été  un  tems  o^  ces  montagnes 
n'cHifferit  pas  exifté  ^  d'où  feraient  partis  les  fleuves 
qui  font  fi  néceffaires  à  la  vie  des  animaux  ?  Ces 
montagnes  font  les  réfervoirs  des-^eaux,  elles  ont 
dans  les  deux  hémisphères  des-  directions  diverfes  ; 
ce  font ,  comme  dit  Platon ,  Içs  os  de  ce  grand  ani- 
mal appelle  la  terre.  Nous  voyons  que  les  moindres 
plantes  ont  une  ftrudture  invariable.  Comment  la 
terr^  feraiuelle  exceptée  de  la  loi  générale? 


ii 


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À  V  À  N.T-  P  R  O  F  0  8.  ftl3     ' 

3^.  Si  les  montagnes  étaient  fuppofccs  avoir  porté 
des  mers  ^  ce  ferait  une  contradidion  dans  Tordre 
de  la  nature  ,  une  violation  des  loix  de  la  gravîta* 
tion  &  de  l'hydroftatique.  4®.  Le  lit  de  l'Océan  eft 
I  creufé ,  &  dans  ce  creux  il  n'eft  point  de  chaînes  de 
montagnes  d'un  p61e  à  Tautre ,  ni  d'orient  en  occi- 
dent ^  comme  fur  la  terre  ;  il  ne  faut  donc  pas  con- 
ehire  que  tout  ce  globe  a  été  longtems  mer  9  parce 
que  plufîeurs  parties'  du  globe  l'ont  ét^.  Il  ne  faut 
pas  dire  que^  l'eau  a  couvert  les  Alpes  &  les  Cordi' 
/ierox ,  parce  qu'elle  a  couvert  la  partie  bafle  de  la 
Guule ,  de  la  Grèce  ,  dt  la  Germanie  ,  de  l'Afrique 
&  de  ilnde.  Il  ne  &ut  pas  affirmer  que  le  mont 
Taurus  à  été  navigable  9  parce  que  l'archipel  des 
Philippines  &  des  Moluques  a  été  un  continent.  Il 
y  a  grande  apparence  que  les  hautes  montagnes  ont 
été  toujours  à-peu-près  ce  qu'elles  font.  Dans  com« 
bien  de  livres  n'a-t-on  pas  dit  qu'on  a  trouvé  une 
'^ncre  de  vaiiTeau  fur  la  cime  des  montagnes  de  la 
SuifTe  !  Cela  eft  pourtant  aufli  faux  que  tous  les  oon* 
tes  qu'on  trouve  dans  ces  livres. 


N'admettons  en  phyfique  que  ce  qui  eft  prouvé, 
^  en  hiftoire  que  ce  qbi^eft  de  la  plus  graiîée  pro- 
babilité reconnue.  II  fe  peut  que  les  p^s  monta- 
gneux ayent  éprouvé  par  les  volcans  &  par  les  fe- 
<;ou(rés  de  la  terre,  autant  de  chan'gemeofs  que  les 
pays  plats.  Mais  partout  où  il  y  a  eu  qes  fources 
de  fleuves  il  y  a  eu  des  montagnes.  Mule  révolu- 
tions locales  ont  certainement  changé  une  partie  du 
globe  ,  dans  le  phyfique  &  dans  le  moral  ;  mais  nous 
ne  les  connaiflbns  pas  ;  &  les  hommes  fe  font  avifés 
fi  tard  d'écrire  l'hiftoire ,  que  le  genre  humain ,  tout 
ancien  qu'il  eft ,  parait  nouveau  pour  nous. 

D'ailleurs  ,  vous  commencez  vos  recherches  au 
tems  où  le  chaos  de  notre  Europe  commence  à  pren- 
dre  une  forme  après  la  chAte  de  l'empire  Romain. 
Parcourons  donc  enfemble  ce  globe.    Voyons  dans 


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it4      A  M 


A|rï«^>«fei. 


■MMWa 


ttid  état  il  Mi  aioti  ,  en  l'^m^M»!  df  II  même 
liuuitère  qu'il  p^knïi  av^^îr  éti  civiUfétf'<ift-à*dtf«, 
depuis  les  ptys  oritntaux  jufon'auiE  nô^g;  &  pof* 
ions  notrOf  premîirit  attention  (W  un  p«<ipl#  qui  atait 
Vtié  hiftoire  fuinie  dans  une  langue  déjà  tk%éc  ^  lûrt 
que  nous  n'arion^  pa«  eneor  Tuttg^  4e  TécrkUre^ 


De  la  CbiH$idêfm  aftùiquUi  ^  de  fv  firces^dltfif 
l9i»  ^de  J0S  ùfagts  &  di  fit  Jhùftces. 

L'Enipire  dé  la  CUne  dès^ori  iàsit  plus  vafte  que 
cdui  de  CbaprUmagne ,  furtout  en  y  comprenant 
la  Corée  &  le  Tuiiquin  ,  provinces  alors  tributaires 
des  Chinois  Environ  trente  degrés  en  longitude 
&  vii^*quatte  en  htitudé  i  focmenk  fon  étenduev 
Nous  avons  remarqué  que  le  coipa  de  œt  étal  fub- 
fifteavec  fplendeur  depuis  plus  de  qtiatre  mille  ans, 
ftos  que  les  lois ,  lesmcéurs ,  le  langage  «  la  manière 
niômi  de  s'iiabUlei  i  ajent  {buffeti  d'akératipii  (tt^ 

Sml  hiftetr«  incooteftabte  >  &  la  feule  qui  (bit  feiu 
iiée  fur  d«s  ob&rvatfoos  cékftes  ,  remonte  ,  par  la 
totuMMiologie  la  plus  fiire  ,  jurqu*&  une  é6Up&  obfec- 
We  deûv  sMlie  cent  doquante-^nq  ans  avant  noire 
ère  i^Qlgai^e  ^  &  vérifiée  par  les  mathématiciens  miit 
fioiwatres  ,  qui  éàvoyés  dans  les  derniers  fiédes  chez 
cette  nftioQ^  kieenmie  ,  l'ont  admirée  &  i'oni  in£. 
Iruite,  ^  Le  fèfie  Çtmfml  a  ^Mminé  une  luite  de  ireoai- 
liic  éclipfés  de  folell ,  rapportées  dans  les  livres  de 
Çonfùfiit  /  À  ii  fi'én  a  teouvé  qùé  deux  fiiufifs  & 
deuic  doi^teuÂs.  Les  donteufes  font  cotises  mii  on  eSat 
{but  arrivées  ,  ma^  qiri  n'ont  f^ii.  étrti  plHervées  du 
lieu  011  l'on  fhpp^  l^obw ^lisiir  %  &  c^  inilmi»e9oii- 


î  :    iteuo 


m>ÊtlfB 


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Db    la    ChiItb. 


4if 


ve  qa'alor^  les  ti&toMtneé  Chlnoif  tkknlsàeht  lés 
édipTàê  y  poifqu'ils  fe  trùmpèrenc  éwné  i€M  cActAi. 

Il  cft  vrai  qu'AlexMâre  avait  envoyé  de  f  abîfoWé 
en  Grèce  les  obfervations  dc^  Caldéens  ,  qui  remoir- 
taient  tin  peu  plus  haut  que  les  obfenracfons  dtf- 
noifes  ;  &  c'eft  fans  contredit  le  plus  beau  monU' 
tnent  de  Pantiquhé  :  mais  Ces  dpliémérides  de  Ba* 
bîlone  flf'étaient  point  liées  i  Thiftoire  der  ftits  :  les 
Chinois  au  Contraire  ont  joint  FhHtoire  du  del  à 
celte  de  la  terre ,  &  ont  ainfi  juiUfié  Tune  par  Fautre. 

Ceux  cent  trente  ans  au-defà  du  jour  de  Véclfpfe 
dont  on  a  parlé  ,  leur  chronologie  atteint  fans  in- 
terruption ,  &  par  des  témoignages  autentfqiies ,  juf« 
qu'à  Pempereur  Itiao  ,  qui  travailla  lui-même  à  ré- 
former  Tadronomie  ,  &  qui ,  dans  un  règne  d'envi- 
ton  qtiatre-vingt  ans  ,  chercha  à  rendre  les  hommes 
éclairés  &  heureux.  Son  nom  eft  encore  en  vénérai 
tion  à  la  Chine  y  comme  l'eft  en  Europe  celui  des 
Tiûus  y  des  Trajorts  ,  &  des  Antonhts.  S^9  fiit  piour 
fon  tems  un  mathémadcien  habile  ,  cela  feuf  nioif. 
tre  qu'il  était  né  che2  une  nadon  déjà  très  policée. 
On  ne  ydit  point  que  les  ancfetis  chefs  des  bourgat* 
des  germaines  ou  gauloifes  ayent  réformé  Taflrono- 
mit.  Clavù  n'avait  point  d'obfervatoiie. 

Avant  Jfirto^(flr>,  on  trouve  encor fix  roîis  fi»  pïéd^- 
cefTeurs;  màîs  fa  durée  de  leur  rè|he  eft  âidertal. 
ne.  Je  croisr  qu'on  ne  peut  ttîetix  fiire  Atm  te  fi- 
lence  de  la  chronologie  y  que  tfe  recourir  k  U,  règle 
de  Tftwtcft^  qui  ayant  compore  tint  annétft  commtf- 
ne  des  années  qu'ont  régné  Icfs  rois  de  diflTérens  pays , 
rédoit  chaque  règne  &  vfngfc^deux  ans  ou  environ. 
Suivant  ce  calcul ,  d'autant  plus  faUbnnaMIe  qu'A  eft 


formtli  ii*y  »4.tt^  *ts  eAtre  ce 
nom  de  Hto»^  &  Ut  Hiaoau^ 
Jeova  du  f  nfoiciens  &  dtu 


Esiftisds  l  otpeAdant  gar- 
ibm-Bo^  ie9fok€  qm  sis 
aoiade  Hia^ùujtova  vienne 
deJaCMne. 

O   iiij 


1 


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^lus  modéré  ,  ces  fix  rois  auront  régné  à-peu-prés 
cent  trente  ans  ;  ce  qui  eft  bien  plus  conforme  à  l'or- 
dre de  la  nature  ,  que  les  deux  cent  quarante  ans 
qu'on  cbnne  ,  par  exemples  aux  fept  rois  de  Ro- 
me ;  &  que  tant  d'autres  calculs ,  démentis  par  l'expé- 
rience de  tous  les  tems^ 

Le  premier  ie  ces  rois  ,  iidmmé  Pobi  ,  régnait 
donc  plus  de  vingt-cinq  fiécles  avant  l'ère  vulgaire , 
au  tems  que  les  Babiloniens  avaient  déjà  une  fuite 
d'obfervations  agronomiques  ;  &  dès-lors  la  Chine 
obéiitait  à  un  fouveraln.  Ses  quinze  royaumes  ,  réu- 
nis fous  un  feul  homme  ,  prouvent  que  longtems 
auparavant  cet  état  était  très  peuplé  ,  policé  ,  par- 
tagé en  beaucoup  de  fouverainetés  ;  car  jamais  un 
grand  état  ne  s'eft  formé  que  de  plufièurs  petits  ; 
c'eft  l'ouvrage  de  la  politique  ,  du  courage  ,  Se  fur- 
tout  du  tems.  U  n'y  a  pas  une  plus  grande  preuve 
d'antiquité; 

Il  e(t  rapporté  dans  les  cinq  ÎCîngs  ,  le  livre  de 
la  Chi'ie  le  plus  ancien  &  le  plus  autorîfé  ,  que  fous 
l'empereur  Yo  „  quatrième  fuccefleur  de  Fobi  ,  on 
obferva  une  çonjondtion  de  Saturne  ,  Jupiter ,  Mars^ 
Mercure  &  Vénus.  Nos  aflronomes  modernes  dîfpu- 
tent  entr'eux  fur  le  tems  de  cette  conjoiKflion  ,  & 
ne  devraient  pas  difputer.  Mais  quand  mënie  on  fe 
terait  trompé  à- la  Chine  dans  cette  obfervation  du 
ciel  ,  il  était  beau. même  de  fe  trompet.  Les  livres 
chinois  difent  expreffément  que  de  tems  iminémorîal 
on  fdvait  à  la  Chine  que  Vénus  &  Mercure  tournaient 
autour  du  foleil/  U  faudrait  renoncer  aux  plus  fim- 
ples  lumières  de  la  raifon  ,  pour  ne  pas  voir  que  de 
telles  connaiflances  fuppofaient  une  multitude  de  fié^ 
clés  antérieurs* 

-  Ce  qui  rend  furtout  câ  premiers  livres  refpcôa- 
bles  j  &  qui  leur  donne  une  fupérioritè  reconnue  fur 
tous  ceux  qui  rapportent  l'origine  des  autres  nations,    £ 

^v*».  .  ,1,  liai  !i.t  i  Ml t'fcSi 


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B  &     L  A     C  H  I  K  E4 


c'cft  qu*on  n'y  voit  aucun  prodige  ,  aucune  prédîc*. 
tion  ,  aucune  même  de  ces  fourberies  politiques  que 
nous  attribuons  aux  fondateurs  des  autres  états  ,  ex- 
cepté  peut-être  ce  qu'on  a  imputé  à  Fobi ,  d'avoir 
fait  accroire  qu'il  avait  vu  ïes  loix  écrites  fur  le  dos 
d'un  ferpent  ailé.  Cette  imputation  même  fait  Voir 
qu'on  connaiffaît  l'écriture  avant  Fobi.  Enfin ,  ce  n'eft 
pas  à  nous  ,  au  bout  de  notre  Occident ,  à  contefter 
les  ar<^hives  d'une  nation  qui  était  toute  policée, 
quand  nous  n'étions  que  des  fauvages. 

Un  tyran  nommé  Chi-Hoangti  ordonna  à  la  vérité 
qu^on  brûlât  tous  les  livres  ;  mais  cet  ordre  infenfé 
&  barbare  avertiflait  de  les  conferver  avec  foin  ,  & 
ils  reparurent  après  lui.  Qu'importe  après  tout  que  ces 
livres  renferment ,  ou  non ,  une  chronologie  toujours 
fùre  ?  Je  veux  que  nous  ne  fâchions  pas  en  quel 
tems  précifément  vécut  Cbarlemagne  :  dès  qu'il  cft 
certain  qu'il  a  fait  de  vaftes  Conquêtes  avec  de  gtan* 
des  armées  y.  îl  eft  clair  qu^il  eit  né  chez  une  nation 
nombreufe  ,  formée  en  corps  de  peuple  par  une  lon- 
gue fuite  de  lîéples.  Puis  donc  que  l'empereur  Hiao , 
qui  vivait  inconteftablement  plus  de  deux  mille  quatre 
cent  ans  avant  notre  ère  ,  conquit  tout,  le  pays  de  la 
Corée ,  il  eft  indubitable  que  fon  peuple  était  de  l'anti- 
quité la  plus  reculée.  De  plus  ,  les  Chinois  inventèrent 
un  cicle ,  un  coniput  qui  commence  deux  mille  fix  cent 
deux  ans  avant  le  nôtre.  Eft-ce  à  nous  à  leur  contef- 
ter une  chronologie  unanimemçnt  reque  chez  eux, 
à  nous  qui  avons  foixante  fyftêmes  différens  pour 
compter  les  tems  anciens  ,  &  qui  ainfi  n'en  avons 
pas  un? 

Répétons  que  les  hommes  ne  multiplient  pas  aufll  ai« 
tément  qu'on  le  penfe.  Le  tiers  des  enfans  eft  mort  au 
bout  de  dix  ans.  Les  calculateurs  de  la  propagation  de 
i'efpèce  humaine  ont  remarqué  qu'il  faut  des  circonftan- 
ces  favorables  pour  qu'une  nation  s'accroîfle  d'un  ving- 
tième au  bout  de  cent  années  ;  &  très  fouvent  il  ar«- 


1^ 


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D  B    i  A    C  K  t  V  t. 


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litre  <)«é  la  peuplade  âlmlntie  ati-l|eu  d'augmenter. 
Be  îkrzm  chrôtioiogiftes  ont  (ispputé  qrfme  icole  h* 
mille  après  le  déluge  ^  toàjours  occupée  i  peupler  » 
à  fes  etifatis  «'étant  occupés  de  même  ,  il  fe  trou* 
ya  en  deot  cent  cinquante  ans  beaucoup  plus  d'ka* 
faftans  que  n'en  contient  aujourd'hui  l'univers.  Il  s'en 
Amt  beaocoup  que  le  Taîtnud  &  les  Mille  &  une  nuit 
ayent  intenté  rien  de  plus  abfurde.  U  a  déjà  été  dit 
qroit  ne  (ait  point  ainii  des  enfans  à  coups  de 
plume.  Vovei:  nos  colonies  ,  voyez  ces  archipels 
immenfes  ae  TAfie  dont  il  ne  fort  perfonne  :  les  Mal* 
(fites  t  les  Philippines  ,  les  Moluques  ,  n'ont  pas 
le  nombre  d'habitans  néceffaire.  Tout  cela  èft  encor 
one  nouvelle  preuve  de  la  prodigieufe  antiquité  de 
b  population  de  la  Chine. 

CHe  était  au  tems  de  Cbarl&fptagfti  >  comme  long- 
tems  auparavant ,  plus  peuplée  encore  que  vafte.  Le 
dernier  dénombrement  dont  nous  avons  eonnaiflan- 
ce ,  hiî  feulement  dans  les  quinze  provinces  qui 
compofent  la  Chine  proprement  dite  ,  monte  ju(l 

Îu'à  près  de  foixante  millions  dliommes  capables 
*aller  à  h  guerre  ;  en  ne  comptant  ni  les  foldats 
vétérans ,  ni  les  vieillards  au^deflos  de  (ôixante  ans  » 
tA  la  jenneffe  au^deflbus  de  vingt  ans  ,  ni  les  man* 
darins  ,  ni  la  multitude  des  lettrés  ,  ni  les  bonzes  ; 
encore  moins  les  femmes  »  qui  font  partout  en  pa- 
reil nombre  que  les  hommes  ^  i  un  quinzième  oa 
feiziéme  près  ,  félon  lei  obfervations  de  ceux  qui 
ont  calculé  avec  le  plus  d'exaAitude  ce  qui  con- 
cerne le  genre-humain.  A  ce  compte  ,  il  parait  di& 
ficile  qu'il  y  ait  moins  de  cent  cinquante  miHiontf 
d'habitans  à  la  Chine  :  notre  Europe  n'en  a  pas  beau<*> 
coup  plus  de  cent  millions  ,  &  compter  vingt  miU 
Hons  en  France ,  vingt-demt  en  Allemagne  ,  quatre 
dans  h  Hongrie  ,  dix  dans  toute  ritdie  jufqu'eix 
Dalmatie ,  huit  d!ans  la  Grande-Bretagne  &  dans  l'If^ 

âhnde  ,  huit  dans  l^EQyagne  6t  le  Portugal ,  (fîx  ou    | 
douze  dans  h  Roilier  européane  ,  fix  dans  ia  Po»    i 


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D  k     L  A     C  H  I  ïf  bJ  9t^ 

lôgne  i  ailUnI  dtns  la  Turquie  (TEurope  ,  dans  h 
Grèc6  &  les  Htot ,  quatre  dan»  la  Suède ,  trois  dan^  It 
Norvège  &  le  B^emarck ,  près  de  quatre  dam  h 
lloliandf'ft  leè  fays*Baft  voUins. 

On  ne  doit  dôac  pas  être  foipria  »  fi  ies  Tilleadd^ 
noifes  font  immenfea  ;  fi  Pékm>  la  nouvelle  capital 
le  de  l'empire  ^  a  près  de  fix  de  nos  grandes  Ueuea 
de  circonférence  ^  âc  renferme  enviion  trots  itiiUians 
de  citoyens  :  fi  Nanquin  y  ^ancienne  nétropole  «  mk 
avait  autrefois  davantage  :  fi  une  fimple  bourgaée 
nomnèe  QuienAieng  ,  oà  l'os  iabriqve  la  potceb^ 
Âe  i  contient  environ  tin  million  d'habitans. 

te  iotimal  de  l^empire  CKiaois  ^  ioUraal  le  plot 
autentique  &  le  plus  utiH  qu'on  ait  dans  U  moadt , 
puifqu'il  contient  le  détait  de  tous  U»  befoins  pubtic&t 
des  reiToùrcfts  &  des  intérêt»  de  tous  IcK  ordres  de 
rétat  Ce  journal  ,  di»-je  ,  rapporte  que  Pan  de  na« 
tre  ère  1)2 ç  ^  la  femme  que  rempercur  T<McbiM 
déclara  impératrice  »  fit  à  cette  occafîon  ,  félon  un^ 
ancienne  coutume ,  des  Kbéralités  aux  pài^ez  fenv* 
mes  de  toute  la  CMne  «  qui  paf&ient  fiuxante  &  dit 
sins.  Le  ioùrnal  compte  danii  la  feule  province  de 
Kanton  quatre-vingt  dix-huà;  milk  deux  cent  vingt 
femmes  de  foixante  &  dix  ans  qui  reçurent  cea  pr^ 
fens  y  quarante  mille  huit  cent  quatre-vingt  &  treize 
qui  pafTaient  quatre-vingt  tins ,  &  trois  mille  quatre 
cent  cinquante-trois  qui  approchaient  de  cent  timéea. 
Combien  de  femmes  ne  reçurent  pas  ce  préfent  1  £n 
voilà  plbs  de  cent  quarante-deuK  mille  qui  le  lecu- 
rent  dans  une  (ëule  province.  Ce  nonahre  eft  de  celios 
qui  ne  font  plus  comptées  parmi  les  petfonnes  mtiles« 
Quelle  doit  donc  être  fa  population  de  Tétat?  &  fi 
cnacune  dédies  requt  la  valeur  de  dix  Kvres  dana 
toute  rétendue  de  Tempite  »  à  qmllea  ibmmcs  dut 
monter  cette  libéralité  t 


1 


les  fbreea  de^J'étarl  oonfifttnt ,  ftlon  les  rékrtlofts 
des  .hommes  leâ  plus  intelligens  qui  ayent  jattata 


ï 


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O  S     L  A     C  H  I  H  B. 


I 


voyagé  «  dans  une  milice  d'environ  huit  cent.  milU 
foldats  bien  entretenus  :  cinq  cent  fpixante  &  dix 
^itle  chevaux  font  nourris  ou  dans  les  écuries  ou 
dans  les  pâturages  de  renij^ereur  ,  pour  monter  le$ 
gens  de  guerre ,  pour  les  voyages  de  la  cour ,  &  pour 
les  couriers  publics.  Plufieurs  miiTionnaires  ,  que  Tem- 
pereur  Csing-bi  dans  ces  derniers  tems  approcha  de 
fa  perfonne  par  amour  pour  les  fciences  ,  rapportent 
qu'ils  Tont  fuivi  dans  ces  chafTes  magnifiques  vers 
la  grande  Tartarie  ,  où  cent  mille  cavaliers  &  foixante 
mille  hommes  de  pied  marchaient  en  ordre  de  ba- 
taille  :  c'eft  un  ufage  immémorial  dans  ces  climats. 

Les  villes  chinoifes  n'ont  jamais  eu  d'autres  forti- 
fications,que  celles  que  I^  bon  fens  infpiraità  tou- 
tes les  nnions  avant  l'ufage  de  rartillerîe  ;  un  fofle, 
un  rempirt,  une  forte  muraille  &  des  tours  ;  depuis 
même  que  les  Chinois  fe  fervent  de  canons  ,  ils  n'ont 
point  fuivi  le  modèle  de  nos  places  de  guerre  :  mais 
au-lieu  qu'ailleurs  o  i  fortifie  les  places  ,  les  Chinois 
ont  fortifié  leur  empire.  La  grande  muraille  qui  fé- 
paraît  &  défendait  la  Chine  des  Tart<ires ,  bâtie  cent 
trente-fept  ans  avant  notre  ère  ,  fubGfte  encore  dans 
un  contour  de  cinq  cent  lieues ,  s'élève  fur  des  mon- 
tagnes ,  defccnd  dans  des  précipices  y  ayant  prefque 
partout  vingt  de  nos  pieds  de  largeur ,  fur  plus  de 
trente  de  hauteur.  Monument  fupérieur  aux  pyra- 
mideis  d'Egypte  par  fon  utilité ,  comme  par  fon  im- 
menfité. 

•  Ce  rempart  n'a  pu  empêcher  les  Tartares  de  pro- 
fiter dans  la  fuite  des  tems  des  divifions  de  la  Chi- 
ne, &  de  la  fubjuguer  ;  mais  la  conftitution  dePétat 
n'en  a  été  ni  affaiblie  ni  changée.  Le  pays  des  con- 
quérans  eft  devenu  une  partie  de  l'état  conquis  ;  & 
les  Tartares  Mantchoux  ,  maîtres  de  la  Chine, 
n'ont  fait  autre  chofe  que  fe  fommettre  les  armes  à 
la  main  aux  loix  du  pays  ^  dont  ils  ont  envahi  le 
trône.  » 


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^  D  B    LA    Chine;  221    j| 

On  trouve  dans  le  troifiéme  livre  de  C^nfutzie  une. 
particularité  qui  fait  voir  combien  Tufage  des  cha^. 
riots  armés  éft  ancien.   De  foh  teras ,  les  vice^ois 
ou  gouverneurs  de  provii^ces  étaient  oblijgés  de  fouN^ 
nir  au  chef  de  Tétat  où  empereur  mille  chars  de. 
guerre  à  quatre,  chevaux  de  front ,  mille  qoadriges.^^ 
Homère   qui   fleurit   longtems  .  avant  le  philofbphe) 
Chinois  ,  ne  parle  jamais  que  de  chars  à  deux  ou* 
à  trois  chevaux.    Les   Chinois   avaient  fans  doute 
commencé 9  &  étaient  parvenus  à  fe  fervir  de. qua- 
driges.   Mais  ni  chez  les  anciens  Grecs ,  du  tems  de 
la  guerre  de  Troye  ^  ni  chez  les  Chinois  .».  on  m. 
yx)it  aucun  ufage  de  la  fimple  cavalerie.   Il  parait» 
pourtant  inconteftable  que  la  méthode  de  combat* 
tre  à  cheval ,  précéda  celle  des  chariots.   Il  efl;  mar- 
qué que  les  pharaons  d'Egypte  avaient  de  la  cava« 
lerie ,  mais  ils  fe  fervaient  au  (Il  de  chars  de  guerre. 
Cependant  il  eft  à  croire  que  dans  un  pays  fangeux,, 
comme  TEgypte ,  &.  entrecoupé  de  taàt  de  oanaiix ,     5 
le  nombre  dès  chevaux  fut  toujours  très.médiocce.;        »' 

Quant  aux  finances ,  le  revenu  ordinaire,  de  l'em-^ 
pereur  fe  monte  ,  félon  les  fupputations  les  plus  vraî- 
fémblables  ^  à  deuk  cent  millions  d'onces  d'argent. 
H  eft  à  remarquer  que- l'once  d'argent  ne  vaut  pas: 
cinq  livres  franqaifes  valeur  intrinsèque ,  comme  le: 
dit  l'hiftoirie  de  la  Chine  du.  jéfuite:  du  Halde g  car 
il  n'y  a  point  de  valeur  intrinfèque  numéraire  ;  mais 
à  prendre  le  marc  de  notre  argent  à  cinquante  (Je 
nos  livres  de  compte ,  cette  fomme  revient  à  douze 
cent  ciiiqiiante  militons  de  notr^e  monfl)oie*en  1740. 
Je  dis,  en  cç  tems ,  car  cette  valeur  arbitraire  n'a  que. 
trop  changé  parmi  nous,  &  changera  peutrétre  encore  ; 
c'eft  à  quoi  ne  prennent  pas  aflç?  garde  les  écrivains  y. 
plus  inflruits  d<çs:  litres  que  des  affc^res,  qui  évaluent 
fouvent  l'argent  étranger  d'une  (nanièrç  très  fautive. 


*  Ils  ont  eu  des  Inonnoies  d*or-&'d'érgeht  frappées 
au  marteau,  longtems. avant  que^Ueô  dariques  fuflene 


t^fte 


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1%%         Delà    Chine. 


fabriquées  en  Perfe.  L'empereur  Cang-bi  avait  rafl^tn- 
blé  une  fuite  de  trois  mille  de  ces  monnoiçs  ,  parmi 
lefqi^dies  il  y  en  avait  beaucoup  des  Indes  ;  autre 
preuve  de  Fancienneté  de$  arts  dans  TAGe.  IV^ais 
depuis  longtems  Por  n'eft  plus  unt  mefure  commune 
à  U  Chine ,  il  y  eft  marchandire  comme  en  HoUan- 
de  ;  l'arsent  n'y  rft  plus  monnoie  ;  le  poids  &  le  titre 
en  font  le  prix  :  on  n'y  frappe  plus  que  du  cuivre ,  qui 
feul  dans  ce  pays  a  une  valeur  arbitraire.  Le  gou« 
yemement  dans  des  tems  difficiles  a  payé  en  papier, 
comme  on  a  fai^  depuis  dans  plus  d'un  état  de  l'Eu* 
fope  ;  mais  jamais  la  Chine  n'a  eu  l'ofage  des  ban- 
ques  publiques ,  qui  augmentent  les  ridiefTes  d'i^ne 
iiadon,en  multipliant  fon  crédit, 


.  Ce  pays  &vorifé  de  la  nature  ,  polTède  prefque 
tous  les  fruits  tranfplantés  dans  notre  Europe ,  ât 
beaucoup  d'autres  qui  nous  manquent  Le  bled ,  le 
ris ,  la  vigne ,  les  légumes ,  les  arbres  de  toute  efpèqs 
y  couvrent  la  terre  ;  mais  les  peuples  n'ont  fait  du 
vin  que  dans  les  derniers  tems ,  fatisfàits  d'une  li- 
guei|ir  affez  forte  qu'ils  fiivent  tirer  du  ris. 

L'infeâe  préeieux  qui  produit  la  (oie ,  eft  origi- 
naire de  la  Chine  ;  c'eft  de -là  qu'il  pafla  en  Perfe 
afles  tard ,  avec  l'art  de  faire  des  étoffes  du  duvet 
qui  U»  couvre  ;  &  ces  étoiles  étaient  fi  rares  du 
tems  même  de  Juftime^ ,  que  la  foin  Ct  rendait  en 
Eurc^  au  poids  de  l'or. 

Le  papier  fin ,  ft  d'un  blane  éclatant ,  était  fobri* 
que  chez  les  Chinois  de  tems  immémorial  ;  on  en 
ftifait  avec  des  filets  de  bois  de  bambou  bouilU. 
On  ne  connait  patf  la  première  époque  de  la  porce* 
kine  &  de  ce  beau  vernis  qn'on  commence  à  imiter 
&  à  égaler  en  Europe. 

Us  favent  depuis  deux  ngtiUe  ans  fabriquer  le  verre, 
mais  moins  beau  A  moins  trapfparentque  le  nôtr^ 


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ttQVi^Mli 


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D  9     l*  A     C  H  I  y  £•  zti 


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L'imprim«ri«  fyt  iayentée  par  w%  dtfi9  Ip  méqi^ 
tems.  On  faU  qpe  cetta  imprimerie  «ft  une  gravprç 
^fiir  des  plaAch^ç  de  bois ,  teU<  %ut  GuHtnbjn-g  la  pra*» 
tiqua  U  premier  à  Mayenop  au  quinTl4me  ftéçlc.  yar« 
de  graver  les  caraétères  fur  le  boia  eft  plut  pe|^&* 
tienne  9  la  Chine  ;  nQtre  méthode  d'employer  les  oa^ 
ra<flères  mobiles  &  de  fonte ,  beaucoup  fupéricaire 
à  la  leur ,  n'a  jpoînt  encore  été  adoptée  par  eux  ;  tant 
ils  font  atcachés  &  toutes  leurs  anciennes  méthode» 

L'ufa^e  des  cloches  eft  chex  eux  de  lu  plue  haifte 
antiquité.  iNouf  n'en  ayons  eu  en  Fnncf  qu'au  fiiUé^ 
me  liécle  de  notre  ère.  Us  ont  cultivé  la  chymie  ) 
&  fans  devenir  jamais  bons  phyficiens  ,  ils  ont  in« 
venté  la  poudre  ;  mais  ils  ne  s'en  fervalent  que  dans 
des  fétcs ,  dans  Tart  des  feux  d'artifice  9  oà  ils  ont 
furpailife  les  autres  nations.    Ce  furent  les  Portugais 

2ui  dar^s  ces  derniers  &écles  leur  ont  enfèigné  Yvh 
ige  de:  l'artillerie  ;  &  ce  fotit  les  jéfultes  qui  leur 
ont  apfnris  à  fondre  le  canon.  Si  les  Chinois  ne  s'ap* 
pliquèrent  à  inventer  ces  inftrumens  deftruâears ,  il 
ne  faut  pas  en  louer  leur  verts  y  puif^ii'il^  n'en  ont 
pu  moins  fait  la  guerre. 

Ils  ne  pouflirent  Ipin  Pafkronenif e  qu'entant  qu^eUe 
eft  la  fcience  dtes  yeux  &  le  fruit  de  I9  patietx^e. 
Ils  obftrvèrent  le  ciel  aflid^ment  9  remarquèrent  tous 
ks|yhénomènes  ^  &  les  tranfmireni  à  \%  poiiérité.  Ils 
divifèrent ,  comme  nous ,  le  cours  du  foleil  en  trois 
cent  folxanle-cinq  parties  &  un  quart  Ils  connurent  » 
mais  confufément ,  la  préceffioii  des  équinpxes  $  des 
IbQUces.  Ce  qui  méritf  peut-ètrele  plus  d'sttention^ 
c*eft  que  de,  tems  {mmémorial  ils  partaient  le  mo^ 
en  iémaines  de  fept  jours,  (.es  Indtçns  en  u&ient 
ainfi  ;  la  Caldée  fe  conforma  à  cette  méthode  ,  qui 
pailk  dans  le  petit  pays  de  la  ^udéf  {  mais  ^le  né 
fut  point  adoptée  en  Gréée. 

On  montre  encore  les  jnfkrumens  dont  fe  fervft 
im  de  leurs  Ameux  afclonomes  mille  ans  avant  no- 


(wp— "«"•"•■•■wifcfcii 


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224 


dMf. 


D  E  'l'a    C'h'i  n  e. 


1 


trc  ère ,  dans  Une  Ville  qui  n'eft  que  du  troîfiéme 
ordre.  Nanquîn  \  l'ancienne  capitale  5  conferve  un 
globe  de  bronze  ,  qu«  trois  hommes  ne  peuvent  em- 
brafler  ,  porté  fur  un  cube  de  cuivre  qui  s^ouvre , 
&  (fens  lequel  on  fait  entrer  un  homme  pour  tour- 
ner ce  globe  ^  fur  lequel  font  tracés  les  méridiens 
&  les  parallèles. 

Pékîn  a  un  obfervatoire  »  rempli  d'aftrolabes  Se  de 
fphères  armillaires  ;  inftrumens  à  la  vérité  inférieurs 
âûX  nôtres  pour  Texaétitùde ,  mais  témoignages  célè- 
bres de  la  fiipériorité  des  Chinois  fur  les  autre?  peu- 
ples d'Afie, 

Jjà  bouflble  qu'ils  connaifTaient ,  ne  fervait  pas  à 
fon  véritable  ufage  de  guider  la  route  des . vaifleaux. 

iUs  ne  navigeaient  que  près  des  côtes.  FoiTefleurs 
d'une  terre  qui  fournit  tout ,  ils  n'avaient  pas  befoin 
d'aller  «  C9mme  nous,  au  bqut  du-monde*  La  bouf- 
fole ,  ainfi  que  la  poudre  à  tirer ,  était  pour  eux  une 
iioyple  curiolité ,  &  ils  n'en  étaieqt  pas  plus  4  plaindre. 

■  On  eft  étonné  que  ce  peuple  inventeur  n'ait  jamais 
percé  dans  la  géométrie  au-delà  dois  éléméns.  Il  eft 
certain  qu'ils  connaifTaient  ces  élément  plqfieurs  (ié- 
çIqs  avant  (\\x^EucUde  les  eût  rédigés  chez  les  Grecs 
^'Alexandrie.  L'empereur  Cang-hi  affura  de  nos  jours 
au  père  Parennin ,  l'un  des  plus  (kyans  &  des  plus 
fages  miffionnaires  qui  ayent  approché  de  qe  prince  , 
que  l'empereur  Tu  s'était  fervi  des  propriétés  du  trian- 
gle  rcdtangle  pour  lever  un  plan  géographique  d'une 
province ,  il  y  a  plus  de  trois  mille  ^Quf  ceot  .foixante 
années  ;  &  le  père  Parennin  lui  -  même  cite  un  livre 
écrit  onze  cent  ans  avant  notre  ère ,  dans  lequel  il 
eft  dit  que  la  fameufe  dé;nonftratipn  attribuée  en  Ocf 
çident  à  Pythaswe ,  était  depuis  longtems  au  rang 
des  théorèmes  les  plus  connus.  ^ 

r  On  demande  pourquoi  les  Chinois  ayant  «té  fi  loin 
jdans  des  tems  fi  reculés  ,  font  toujours  reftés  à  ce 

terme , 


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De    la    Chine.  s&zf  , 


terme ,  pourquoi  raftronomie  cft  chez  eux  fi  ancienne 
&  fi  bornée ,  pourquoi  dfin§  la  mufique  il;5  ignorent 
encore  les  demi -tons  ?  11  femble  que  la  nature  ait 
donné  à  cette  cfpèçe  d'hommes  fi  différente  de  la 
nôtre ,  des  organes  faits  pour  trouver  tout-d'un-coup 
tout  ce  qui  leur  était  nécefTaire ,  &  incapables  d'aller 
au-delà.  Nous  au  contraire ,  nous  avons  eu  des  oon- 
naiffances  très  tard ,  &  nous  avons  tout  perfedionnc 
'  rapidement.  Ce  qui  eft  moins  étonnant ,  c'eft  la.crédu' 
lité  avec  laquelle  ces  peuples  ont  toujours  joint  leurjB 
erreur^  de  l'aflrologie  judiciaire  aux  vraies  connaît 
fances  céleftes..  Cette  fuperAition  a  été  celle  de  tous 
les  hommes 
fommes  guéris  ; 
re- humain. 


5S  ;  &  il  n'y  a  pas  longtems  que  nous  m 
léris  ;  tant  l'erreur  femble  faite  pour  le  gen<« 


cultivés  fans  interruption  depuis  fi  longtems  à  la  Chi< 
ne ,  ont  cependant  fait  fi  peu  de  progrès ,  il  y  en  { 
peut-être  deux  raifons  :  l'une  eft  le  refpcdl  prodigieux 
que  ces  peuples  ont  pour  ce  qui  leur  a  été  tranfinis 
par  leurs  pères  p  &  qui  rend  parfait  à  leurs  yeux  tout 
ce  qui  eft  ancien  ;  l'autre  eft  la  nature  de  leur  lari-» 
gue ,  premier  principe  de  toutes  les  conhaiitances; 

L'art  de  faire  connaître  fes  idées  par  Récriture  ^ 
qui  devait  n'être  qu'une  méthode  très  fimple  ,  eft 
chez  eux  ce  qu'ils  ont  de  plus  difficile.  Chaque  mo|t 
a  des  caradtères  différens  :  un  favant  à  la  Chine  eft 
celui  qui  connaît  le  plus  de  ces  caradères  ;  quelques» 
uns  font  arrivés  à  la  vieilIeSe  avant  que  de  i^avoîV 
bien  écrire. 

■      ,  .  .'      .'  . .       .     .     '      -'  ,'  *  .  ' 

.Ce  qu'ils. ont  le  pju9  coftnû  ,  le  plus  cultivé  ,  le^ 
plus  perfcélionné ,  c'eft  la  morale  &'  les  loix.  Le  re^ 
pedt  des  enfans  pour  leurs  pères  eft  le  fondement  du 
gouvernement,  chinds..  L'autorité,  paternelle  n'y  eft 
jamais  affaiblie.:  Un .  fils  ne  peut  plaider  contre  fon 
père.qu'aveQ  le  confentemeqt  de  tous  )esparens,det' 
EJJaijur  Ut  mœurs ,  É?r.  Tom.  L  P^ 


Si  on  cherche  pourquoi  tant  d  arts  &  de  fciences^ 
cultivés  fans  interruption  depuis  fi  longtems  à  la  Chi-      1 
né ,  ont  cependant  fait  fi  peu  de  progrès ,  il  y  en  ai     S 
n«>iitAêtre  deuY  raifons  :  l'une  eft  le  refbedl:  nroHîpîeux         \ 


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Db    la    Chikb. 


amis^ ,  &  des  magiftrats.  Les  mandarins  lettrés  y  font 
regardés  comme  les  pères  des  Tilles  &  des  provinces , 
&  le  roi  comme  le  père  de  l'empire.  Cette  idée  y 
enracinée  dans  les  cœurs ,  forme  une  famille  de  cet  état 
immenfe. 

La  loi  fondamentale  étant  donc  que  Tempire  eft 
une  famille ,  on  y  a  regardé  plus  qu'ailleurs  le  bien 
public  comme  le  premier  devoir.  De -là  vient  l'atten- 
tion continuelle  de  l'empereur  &  des  tribunaux  à 
réparer  les  grands  chemins  ,  à  joindre  les  rivières  >  à 
creufer  des  canaux  ,  à  favorifer  la  culture  des  terres 
&  les  manufaftures* 

Nous  traiterons  dans  un  autre  chapitre  du  gouver- 
nement de  la  Chine.  Mais  vous  remarquerez  d'avance 
que  les  voyageurs ,  &  furtout  les  miffionnaires ,  ont 
cru  voir  partout  le  defpotifme.  On  juge  de  tout  par 
l'extérieur  ;  on  voit  des  hommes  qui  fe  profternent  ; 
&  dès -lors  I  on  les  prend  pour  des  efclaves.  Celui 
devant  qui  on  fe  proflierne ,  doit  être  maître  abfola 
de  la  vie  &  de  la  fortune  de  cent  millions  d*hom- 
mes ,  fa  feule  volonté  doit  fervir  de  loi.  Il  n'en  eft 
pourtant  pas  ainfi ,  &  c'eft  ce  que  nous  difcuterons. 
U  fuffit  de  dire  ici  que  dans  les  plus  anciens  tems 
de  la  monarchie ,  il  fut  permis  d'écrire  fur  une  Ion* 
gue  table  placée  dans  le  palais  ,  ce  qu'on  trouvait 
de  répréhenfible  dans  le  gouvernement  ;  que  cet  ufa- 
ge  fut  mis  en  vigueur  fous  le  règne  de  Venti ,  deux 
fiécles  avant  notre  ère  vulgaire,  &  que  dans  les  tems 
pàifibles  les  repréfentations  des  tribunaux  ont  toujours 
eu  force  de  loi.  Cette  obfervation  importante  détruit 
les  imputations  vagues  qu'on  trouve  dans  VEfprit  des 
hix  y  contre  ce  gouvernement  le  plus  ancien  qui  foit 
au  monde. 


Tous  les  vices  exiftent  à  la  Chine  comme  ailleurs , 
i  mais  certainement  plus  réprimés  par  le  frein  des  loix . 
j       parce  que  les  loix  font  toujours  uniformes.  Le  (avanc 


î 


: 


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S^  DelaChinb.  ^vj    i 

ftuteuf  des  mémoires  de  Tamiral  AnfoH  témoigne  un 
grand  mépris  pour  la  Chine ,  fur  ce  que  le  petit  peu. 
pie  de  Kanton  trompa  les  Anglais  autant  qu'il  le  put. 
jyiai^  doit -on  juger  du  gonvernement  d'une  grande 
nation  par  les  mœurs  de  la  populace  des  frontières  ? 
Et  qu'auraient  dit  de  nous  les  Chinois ,  s'ils  euffent 
fait  naufrage  fur  nos  côtes  maritimes  dans  le  tems  où 
les  loix  des  nations  d'Europe  confifquaient  les  effets 
naufragés ,  &  que  la  coutume  permettait  qu'on  égoi^ 
geât  les  propriétaires  ? 

Les  eérémonîes  cûfitinUetle^ ,  qiil  chti  les  Chinois 
gênent  la  fociété  ,  &  dont  l'amitié  feule  fe  défait 
dans  l'intérieur  des  maifbns  ^  ont  établi  dans  toute 
la  nation  une  retenue  ^  une  honnêteté  qui  donner 
à  la  feis  aux  m^urs  de  la  gfavité  &  de  la  douceu^^ 
Ces  qualités  s'étendent  jufqu'aux  derniers  du  peuple^ 
Des  mifTionnaires  racontent  que  fouVent  dans  les  mar^ 
chés  publics  ^  au  milieu  de  ces  embarras  &  de  ces 
confiifions  qui  excitent  dans  nos  contrées  des  cla<^ 
meurs  fi  barbares  &  des  emportemenS  fi  fréquens  & 
fi  odieux  ^  ils  ont  vu  les  payfans  fe  mettre  à  genouX 
les  uns  devant  les  autres  félon  la  coutume  du  payi,* 
fe  demander  pardon  de  l'embarras  dont  chacun  s'ac- 
oufait ,  s'aider  l'un  l'autre  ^  &  débatraSer  tout  avec 
tranquillités 

tJahô  les  autres  pays  les  Joîjf  ptfhiflent  \èi  crimes  y 
à  là  Chine ,  elles  font  plus  ;  elles  récompènfent  la 
vertu,  te  bruit  d'une  aétiori  génértrufe  &  rare  fe  ré- 
pand-il dans  ixnt  province,  te  mandarin  eft  obligé 
d'en  avertir  l'empereur  ;  &  l'empereur  envoyé  uncf 
marque  d'honneur  à  celui  qui  l'a  fi  bien  méritée.  Ûans 
nos  derniers  tems  ,  un  pauvre  payfan  nommé  Cbicou  i 
trouve  une  bourfe  Remplie  d'or  qu'im  voyageur  à  per^ 
due ,  il  la  tranfporte  jufqu'à  la  province  de  ce  voyÎH 
geur^  &  remet  la  bourie  au  magiftrat  du  canton  ^ 
fafis  vouloir  rien  pour  fe^  peines.  Le  làagiilrat ,  fcm^ 
peint  d'éttt  caffé^  étah  obligé  d^tix  avertir  le^ril^ii' 


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û^méiÊ^ 


228         De    la    Chine. 


nal  fupréme  de  Pékin; le  tribunal  obligé  d'tn  avertir 
l'empereur  ;  &  le  pauvre  payfan  fut  créé  mandarin  du 
cinquième  ordre  :  car  il  y  a  des  places  de  mandarins 
pour  les  payfans  qui  fe  diftinguent  par  la  morale  ,  com- 
me pour  ceux  qui  réufiifTent  le  mieux  dans  l'agricuK 
ture.  Il  faut  avouer  que  parmi  nous  on  n'aurait  diilin- 
gué  ce  payfan  qu'en  le  mettant  à  une  taille  plus  forte, 
parce  qu'on  aurait  jugé  qu'il  était  à  fon  aife.  Cette 
morale ,  cette  obéïfTance  aux  loix ,  jointe  à  l'adoration 
d'un  Etre  fupréme ,  forment  la  religion  de  la  Chine , 
celle  des  empereurs  &  des  lettrés.  L'empereur  eft  dé 
tertis  immémorial  le  premier  pontife  :  c'eft  lui  qui 
facrifie  au  Tien ,  au  Souverain  du  ciel  &  de  la  terre. 
Il  doit  être  le  premier  philofophe ,  le  premier  prédi- 
cateur de  l'empire  :  fes  édits  font  prefque  toujours  des 
inftruâions  &  des  leqons  de  morale. 


CHAPITRE   SECON». 

<De  la  relzgicn  de  la  Cbine^  Que  le  gouvememem  fiefi 
point  attee  ^ane  le  cbHjHanifme  n'y  a  point  ite  pri^ 
€bi  au  7e.  Jiiele^  De  quelques  feSes  itablies  dans 
U  pays. 

DAns  le  fiécle  pafle  nous  ne  connaiffions  pas  aflez 
h  Chine.  Voffùss  radmîrait  en  tout  avec  exagé- 
ration. Kenaudût  fon  rïval ,  &  Tennemi  des  gens  de 
lettres  ,  pouflait  la  contradidion  jufqu'à  feindre  de 
méprifer  les  Chinois,  &  jufqu'à  les  calomnier.  Tâchons 
d'éviter  ces  excès. 

Confutiie ,  qwe  nous  appelions  Confucïm ,  qui  vi vak 
il  y  a  deux  mille  trois  cent  ans  y  un  peu  avant  Py- 
tbagore  ,  rétablit  cette  religion  ,  laqueMe  confifte  à 
être  jufte.  Il  l'enfeigna ,  &  la  pratiqua  dans  la  gran-    « 
4eur  t  dan»  l'abaiflemenc ,  tantôt  premier  miniftre  d'un      [ 


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Religion  DE  LA  Chine.     229    \: 

roi  tributaire  de  l'empereur  ,  tantôt  exilé ,  fugitif  ft 
pauvre.  Il  eut  de  fon  vivant  cinq  mille  difciples  ;  & 
après  fa  mort  fes  difciples  furent  les  empereurs ,  le« 
Co/ao  ,  c'eft -à  -  dire ,  les  mandarins  ,  les  lettrés ,  Se 
tout  ce  qui  n'eft  pas  peuple.  Il  commence  par  dire 
dans  fon  livre ,  que  quiconque  eft  deftiné  à  gouver- 
ner  9  doit  reHifier  la  raifen  qu'il  a  reçue  du  ciel  canu 
me  on  ejfuie  un  miroir  tertti ,  qu'il  doit  aujjîfe  renoua 
veller  Joi-même  ,  pour  renouvelier  le  peuple  par  fon 
eoèemple.  Tout  tend  à  ce  but;  il  n'eft  point  prophète, 
il  ne  fe  dît  point  infpiré  :  il  ne  connait  d'injpiratioa 
que  l'attention  continuelle  à  réprimer  fes  paffiens  ;  il 
n'écrit  qu'en  fage.  Aufli  n'eft. il  regardé  par  les  Chi- 
nois que  comme  un  ikge*  Sa  morale  eft  aufli  pure , 
auili  févère  &  en  même  tems  aufli  humaine  que  celle 
à'Epmète.  Il  ne  dit  point,  ne  fais  pas  aux  autres  ce 

Ique  tu  ne  voudrais  pas  qu'on  te  fie  ;  mais  (  fais  au»  \ 
autres  ce, que  tu  veux  qu'on  te  fajfe.  11  recommande  i| 
le  pardon  des  injures ,  le  fou  venir  des  bienfaits ,  l'a-  v 
mitié ,  rhumilicé.  Ses  difciples  étaient  un  peuple  de 
frères.  Le  tems  le  plus  heureux  &  le  plus  refpeéU- 
ble  qui  f^t  jamais  fur  la  terre ,  fut  celui  ou  l'on  fuivit 
fes  loix. 

Sa  famille  fubfifte  encore  :  &  dans  un  pays  où  il  n'y  a 
d'autre  noblefle  que  celle  des  ferviçes  aâuels ,  elle  eft 
diftinguce  des  autres  familles  en  mémoire  de  fon  fonda- 
teur. Pour  lui ,  il  a  tous  les  honneurs ,  non  pas  les  hon- 
neurs divins  qu'on  ne  doit  à  aucun  homme ,  mais  ceux 
que  mérite  un  homme  qui  a  donné  de  la  Divinité  les 
idées  les  plus  faînes  que  puiiTe  former  l'efprit  humain 
fans  révélation.  C'eft  pourquoi  le  père  le  Comte  &  d'au- 
tres miffionnairçs  ont  écrit  que  les  Chinois  ont  connu  le 
z^af  DigU  ,  quand  les  autres  peuples  étaient  idolâtres  j 
6f  qu'ils  lui  ont  frcrifii  dans  le  plus  ancien  temple 
de  Punivers^ 


l 


Les  reproches  d'athéïfine  dont  on  charge  fi  libérale 
ment  dans  notre  Occident  quiconque  ne  penfe  pas  com 

P   iîj 

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■fflUt^rti    I       I   I   III        tjjÉtfgaiMgfea        III III   iili'/JfgjH' 

ajQ  R  E  L  I  G  I  O  N 

ni^  nous ,  ont  été  prodigués  aux  Chinok.  Il  faut  être 
auffi  inconfidérét  que  nous  le  fommes  dans  toutes 
tkds  difputes ,  pour  avoir  ofé  traiter  d'athée  un  gou- 
vernement dont  prefque  tous  les  édits  parlent  (a) 
4'H7t  ètrefuprime  pire  des  peuples ,  ricQmpenfaHt  6?  pu- 
nij/auf  avec  juJHce  ^  qui  a  mis  entre  Phomme  &  lui"^ 
$me  correfpoudance  de  prières  &  de  bienfaits  »  d^  faur 
ffs  ^  de  cbàtimens, 

.  Le  parti  oppofé  aux  jéfuites  a  toujours  prétendu 
ji|ue  1q  gouvernement  de  la  Chine  était  athée ,  parce 
que  les  jéfuites  en  étaient  favorifés.  Mais  il  faut  que 
eette  rage  de  parti  fe  taife  devant  le  teftament  de 
Vémpereur  Càngbi.    \jt  roicir 

*  Je  fuis  âgé  de  foi»ante  ^  dise  ans  ,  fen  ai  rigui 
fuixahte  6?  un  ,  je  dois  cette  faveur  à  la  proteSion 
du  ciel^  de  la  terre  ,  de  mes  ancêtres  ,  8?  an  DlEy     . 
de  toutes  les  récoltes  de  Pempire  ,  je  ne  puis  le^  ap»     M 
fribuer  à  ma  faible  vertu.  » 

Il  eft  vrai  que  leur  religion  n'admet  pgint  de  pei- 
n^s  &  de  récompeufes  éternelles  ;  &  c'eft  ce  qui  fait 
voir  cpipbien  cette  religion  eft  ancienne.  Le  Penta» 
tîeùque  ne  parle  point  de  l'autre  vie  dans  (es  loix. 
Les  faducéens  chez  les  Juifs  ne  la  crurent  jamais  ; 
êé  ce  dogme  n'a  été  heureufement  conftaté  dans  l'Oc- 
cident qpe  p^r  le  maître  de  la  vie  &  de  la  mort. 

On  a  cru  que  les  lettrés  Chinois  n'avaient  pas  unç 
idée  dîftinde  d'un  Dieu  immatériel  ;  mais  il  efl  in- 
jufte  d'inférer  de -là  qu'ils  font  athées.  Les  anciens 
Egyptiens  ,  ces  peuples  fi  religieux  ,  n'adoraient  pas 
Ips  &  OJtris  comme  de  purs  cfprits.  Tous  les  Dieux 
àç  l'antiiquité  étaient  adorés  fous  une  forme  humair 

(a)  Voyç^  redit  4e  Pemper.  |  dig^s  p?^r  le  jéfuitc  du  ffalde. 
renr  Y^ntchin  rapporté  dans  Voyez  auffi  le  poënte  4e  I'^t 
}çt lî^^oJrçs  de  U  Chine ,  ré,  |  pcrç|ir,^t^«/o?^. 


i^ijiii.111  Pu.iiu.  iiiiiii.  j.  .  ^^  yé^tKf0(3tgi9BP^BÊmtmm^^^ 


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D  B     LA     C  H 


— — «ï| 


ne  ;  &  ce  qui  montre  bien  à  quel  point  les  boou 
mes  font  injufles,  c'eft  qu'on  flétriflait  du  nom  d'à» 
thées  chez  les  Grecs  ceux  qui  n'admettaient  pas  cea 
Dieux  corporels ,  &  qui  adoraient  dans  la  Ditinité  une 
nature  inconnue ,  invifible  ,  inacce{Ii|ble  à  nos  fens. 

Le  tameux  archevêque  Navarette  dit  que  félon 
tous  les  interprètes  des  livres  facrés  de  la  Chine  , 
famé  efi  une  partie  a'érée ,  ignée ,  qui  enfefiparoftt  du 
corps  Je  réunit  à  la  ful^ance  du  ciel.  Ce  fentiment 
fe  trouve  le  même  que  celui  des  ftoïciens.  C'eft  ce 
que  Virgile  développe  admirablement  dans  fon  fixiéme 
livre  de  l'Enéïde.  Or  certainement  ni  le  Manuel  d'£- 
piSête  ,  ni  l'Enéide  ne  font  infeâés  de  l'atihéï&ne. 
Tous  les  premiers  pères  de  Téglife  ont  penfé  ainli. 
Nous  avons  calomnié  les  Chinois  ,  uniquement  parc^ 
que  leur  métaphyfique  n'eft  pas  la  nôtre.    Nous  au* 

8~  rions  dû  admirer  en  eux  deux  mérites  »  qui  condamnent 
à  la  fois  les  fuperftitions  des  payeos,^  les  moeurs 
des  chrétiens.  Jamais  la  religion  des  ^lettrés  ne  fnfjf 
deshonorée  par  des  fables ,  ni  fouillée"  par  des  que* 
relies  &  des  guerres  civiles* 

En  imputant  l'athéifme  au  gouvernement  de  ce 
vafte  empire ,  nous  avons  en  la  légèreté  dç  lui  at« 
tribuer  Tidolâtrie  par  une  accùfation  qui  fe  contredit 
ainfi  elle-même.  Le  grand  mal-entendu  fur  les  rites 
de  la  Chine  eft  venu  de  ce  que  nous  avons  jugé  de 
leurs  u&ges  par  les  nôtres  :  car  nous  portons  au  bout 
du  monde  les  préjugés  de  notre  efprit  contentieux, 
Une  génuflexion  ,  qui  n'eft  chez  eux  qu'une  rêvé- 
rence  ordinaire ,  nous  a  paru  un  aâe  d'adoration  : 
nous  avons  pris  une  table  pour  un  autel  :  c'eft  ainû 
que  nous  jugeons  de  tout.  Nous  verrons  en  fop  tems 
comment  nos  divifîons  &  nos  difputes  ont  fait  cha({er 
de  la  Chine  nés  miffionnaires. 

Quelque  temsi  avant  Cètfucius  ,  J^ittinar  avait  înr 
l  \    trodûit  une  (eAe  ,  qui  ^oit  aux  eljprits  malins  ,  aux 


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/T^^?T'  '  J .' .     ■  '.'  'Wf^^JUlfh^ 


•vrr 


Religion 


cnchantemens ,  aux  prcftîges.  Une  fedle  femblable  k 
celle  dEpicurè  fi|t  reçue  &  combattue  à  la  Chine 
cinq  cent  ans  avant  Jesus-Christ  :  mais  dans  le 
j^remiêr  fiécle  de  notre  ère  ,  ce  pays  fut  inondé  de 
la  fuperftîtion  des  bonzes.  Ils  apportèrent  des  Indes 
l'idole  de  Fo  ou  de  Foé^  adorée  fous  difFérens  noms 
par  fes  Japônois  &*  les  Tartares ,  prétendu  Dieu  def- 
cendu  fur  la  terre  ,  à  qui  on  rend  le  culte  le  plus 
rîdidûle  ,  &  par  conféquent  le  plus  fait  pour  le  vul- 
gaire» Gètt  religion  ,  née  dans  les  Indes  près  de 
inille  ans  avant  Jesus-Christ  ,  a  infedté  FAfie  orien- 
tale ;  c'eft  ce  Dieu  que  prêchent  les  Bonzes  à  la  Chi- 
ne ,  les  Tklapoim  à  Siam ,  les  Lamas  en  Tartarie. 
Ç'eft  en  fdn  nom  qu'ils  promettent  une  vie  éternelle, 
&  que  des  milliers  de  bonzes  ponfacrent  leurs  jours 
à  deis  exercices  de  pénitence  ,  qui  effrayent  la  na« 
tùre.  QuelqUes-uns  paffent  leur  vie  eiichainés  ;  d'au- 
Ires  portent  un 'carcan  de  fer ,  qui  plie  leur  corps 
eh  deux ,  &  tient  leur  front  toujour$  baiffé  à  terre. 
Leuf  fanatifrne  Té  fubdivHc  à  l'infini.  Ils  paffent  pour 
diaHer  dés  démons  \  pour  opérer  des  miracles  ;  ils 
yendent  au  peuple  la  rémîffion  des'péchés.  Cette 
fedte  féduit  quelquefois  des  mandarins  ;  &  par  une 
fetalité  ^^ùi  montra  que  la  même  fuperftîtion  eft  de 
tous  l'es  pays,  quelques  mandarins  fefpntftitlondro 
ch'b6n25es  par  piété.    ..     -  ^ 

Ce  font  eux  qui  dans  la  Tartarie  ont  à  leur  tête  le 
Da!at/ania\  idole  vivante  qu'on  adore,  &  c'eft-là 
p'eqt-être  }e  triomphe* 'de  la  fdperftition  humainç. 

Ce  Balailçtfna.,  fuccêfféur  &  vicaire  du  Dieu  fo  ^ 

Eaffe -pour  immortel.  Xes  prêtres  nourri ffênt  toujours 
n  jeune  X^wof  ;  défigné  Tucceffeur  fecret  du  fouve^ 
faîn  pontife',  qui  prend  fa  place  dès  que  celui-ci, 
gu'on  croit  immortel  ,  éft  mort.  Les  princes  JTarta» 
res  ne  lui  parlent  qu'à  genoux.  Il  décide  fouverai- 
ffemétK^  fôuV  les  points  de  Toi  fur  lefqueb  lés  Xo- 
fptw^iotii  divifésr  Edfin  ii  s'çfl  depuis  quelque  tema 


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mjs^f^  » 


mmamtlÈ^f^ 


DELA    Chine. 


233 


fait  fouveraifi  du  Thibet ,  à  Poccident  de  la  Chine. 
L'empereur  reqoi!  fes  ambaflkdeurs  ,  &  lui  envoyé 
des  préfens  confidérables» 

Ces  feétes  font  tolérées  à  la  Chine  pour  Tufage  du 
vulgaire  ,  comme  des  alimens  groffiers  faits  pour  le 
nourrir  ;  tandis  que  les  magiftrats  &  les  lettrés  ,  fé- 
parés  en  tout  du  peuple  ,  fe  nourriiTent  d'unç  fubf- 
tance  plus  pure  ,  il  femble  en  effet  que  la  populace 
ne  mérite  pas  une  religion  raifonnable.  Confucius 
gémidàit  pourtant  de  cette  foule  d'erreurs  :  il  y  avait 
beaucoup  d'idolâtres  de  fon  tems.  La  fe<fte  de  Lao* 
kiun  avait  déjà  introduit  les  fuperftitions  chez  le  peu- 
ple. Pourquoi  ,  dit-ii  dans  un  dç  fes  livres  ,  y  Or 
Uil  plui  de  crime  chez  la  populace  ignorante  quepar* 
mi  les  leppréf?  Ç*eji  que  le  peuple  eji  gouverné  far 
les  bon^^eSf 

Beaucoup  de  lettrés  font  à  la  vérité  tombés  dans 
le  matérialifme  ;  mais  leur  morale  n'en  a  point  été 
altérée.  Us  penfent  que  la  vertu  eft  ii  nécelTaire  aux 
hommes  ,  &  fi  aimable  par  elle-même  ,  qu'on  p'a  pas 
même  befoin  de  la  xo^naiiTance  d'un  DiEU  pour  la 
fuivre.  D'ailleurs  il  ne  faut  pas  croire  que  tous  Jes 
matérialiftes  Chinois  foietît  athées  ;  puifque  plufieuré 
pères  de  l'églife  croyaient  DjEU  &  les  anges  coi* 
portis* 

Nous  ne  favons  point  au  fond  ce  que  c'eft  que  la 
matière  ;  encor  moins  connaiiTons-nous  ce  qui  eft 
immatériel.  Les  Chinois  n'en  favent  pas  fur  cela  plus 
que  nous  ,  il  a  fuffi  aux  lettré^  d'adorer  un  litre 
fuprême ,  on  n'en  peut  douter. 

Croire  Dieu  &  les  efprits  corporels  t&  une  an- 
cienne erreur  métaphyfique  ;  mais  ne  croire  abfolu- 
ment  aucun  Dieq  ce  fer>ait  une  erreur  affreufe  en 
morale  ,  une  erreur  incompatible  avec  un  gouver- 
naient (âge.  C'eft  unp  contradiction  digne  de  nous 


9 


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wpw^i  Mrp'^-  ^^'.vm 

234  RBX.XGION  J§ 

de  s'éierer  ârec  fureur  ,  comme  on  a  fait  ,  contre 
B^fe  y  fur  ce  qu'il  croit  pofQbie  qlb'une  fociété  d'à- 
tbées  fubfifte  ;  &  de  crier  avec  la  même  violence 
que  te  plus  fage  empire  de  l'univers  eft  fondé  fur 
FitthéiTme. 

ht  père  Fouquet ,  jéfufte  «  qui  avait  paiTé  vingt* 
tànvi  ans  à  la  Chiné ,  &  qui  en  revint  ennemi  des  je- 
fbftes  ,  m^a  dit  ptufîeurs  fois  qu'il  y  avait  à  la  Chine 
très  peu  de  pktlofophes  athées.  11  en  eft  de  même 
parmi  nous,    r 


i 


On  prétend  que  vers  le  huitième  iiède  v  avant 
Obarkmagne  ,  la  religion  chrétienne  était  copilue  à 
la  Chine.  On  affure  que  nos  minfionnaircs  ont  trou- 
vé dans  ta  province  de  Kingt-ching  ou  Quen-ftr, 
une  infcriptron  en  caradtères  fyriaques  &  chinois.  Ce 
noniiment  ^  qu'on  voit  tout  au  long  dans  Kirker , 
attefte  qu'un  faint  homme  nommé  Olopûeft ,  conduit 
par  des  nuées  bleues  y  &  obfervant  la  règle  des  vents  > 
vînt  de  Tactn  à  la  Chine  l'an  1092  de  l'ère  des  Sé- 
IcDcides  ,  qui  répond  à  Tan  6'^6  de  Jesus-Christ; 
q«i'aoflf}.t6t  qu'il  fut  arrivé  au  fauxbourg  de  la  ville 
impériale ,  Tempereur  envoya  un  colao  au-devant  de 
lui  ^  &  lui  fit  bàtk  une  égtife  chrétienne. 

n  eft  évident  par  l'infcription  même  ,  que  c'eft 
une  de  ces  fraudes  pîeufes  qu'on  s|eft  toujours  trop 
aifément  permîfcs.  Le  fage  T^avarette  en  convient. 
Ce  pays  de  Tacin  ,  cette  ère  des  Si/eucides ,  ce  nom 
jrOiopûen  ,  qui  eft ,  dit-on  ,  chinois  ,  &  qui  reffem- 
He  i  un  ancien  nom  efpagnol  ,  ces  nuées  bleues  qui 
fervent  de  guides ,  cette  égtife  chrétienne  bâtie  tout- 
d'un-coup  a  Péjîin  pour  un  prêtre  de  Paleftinc  qui 
ne  pouvait  mettre  le  pied  à  la  Chine  fans  encourir 
b  peine  de  mort  ;  tout  cela  fait  voir  le  ridicule  de 
la  ïbppofition.  Ceux  qui  s'efforcent  de  la  foutenir^ 
ne  font  pas  réflexion  que  les  prêtres  dont  on  trou*. 
ve  les  noms  dans  ce  prétendu  monument  ,  étaieni 


*gtfjii'  I     liiaftii.  '     imffcTt' 


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D  E     L  A     C  H  I  N  E.  ^3f     1 

des  neftQricQs ,  &  qu'ainfi  ils  ne  combattent  que  pour 
des  hérétiques. 

Il  faut  mettre  cette  inrcription  trec  celle  de  Jfo* 
iabar  ,  où  il  eft  dit  que  Sf.  Thomas  arriva  dans  le 
pays  en  qualité  de  charpentier  avec  une  règle  &  un 
pieu  ,  &  qu'il  porta  feul  une  grolTe  poutre  pour  preu* 
ve  de  fa  miflion.  Il  y  t  tflez  de  vérités  hiftoriqocs 
(ans  y  mêler  ces  abfurdes  menfong es» 

11  eft  très  vrai  qu'au  tems  de  Cbarlemagne  la  re# 
ligien  chrétienne  (  ainfi  que  les  peuples  qui  la  pro- 
feflent)  avait  toujours  été  abfolument  inconnue  i 
la  Chine.  U  y  avait  des  Juifs  :  plufieurs  familles  de 
cette  nation  non  moins  errante  que  fuperftitieufe , 
s'y  étaient  établies  deux  fiécles  avant  notre  ère  vul- 
gaire  ;  elles  y  exerçaient  le  métier,  de  courtier  que 
Içs  Juifs  ont  fait  dans  prefque  tout  le  monde. 


Je  mç  réferve  à  jetter  les  yeux  fur  Siara  ,  fur  le 
Japon  ,  &  furtout  ce  qui  eft  fitué  vers  l'orient  &  le 
midi  ,  lorfque  je  ferai  parvenu  au  tems  où  TinduC 
trie  des  Européans  s'eft  ouvert  un  chemin  facile  à 
ces  extrémités  de  notre  hémifphère. 


CHAPITRE    TROISIÈME. 
Des  Indes, 

EN  fuivant  le  cours  apparent  du  foleil^ ,  je  trouve 
d'abord  l'Inde  ,  ou  Tlndouftan ,  contrée  auffi  vafte 
que  la  Chine  ,  &  plus  connue  par  les  denrées  pré-» 
eieufes  que  l'induftrie  des  négocians  en  a  tirées  dans 
tous  les  tems  ,  que  par  des  relations  exadtes.  Ce 
pays  eft  l'unique  dans  le  monde  qui  produife  ces  épi* 
cerip3 ,  dont  la  fobriété  de  fes  habitans  peut  fe  paffer , 


> 


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""  "^^.mn 


I 


Des    Indbs. 


9 


ft  qui  font  nécef&ires  à  la  voracité  des  peuples  fep- 
tentcionaux. 

Une  chaîne  de  montagnes  peu  interrompue ,  fem- 
ble  avoir  fixé  les  limites  de  l'Inde  entre  la  Chine, 
la  Tjfurie  &  la  Perfe  ;  le  refte  eft  entouré  de  mers. 
Llnde  en-deqà  du  Gange  fut  longtems  foumifc  aux 
Perfans  ;  &  voilà  pourquoi  Alexandre ,  vengeur  de  la 
Grèce  &  vainqueur  de  Darius  ,  poufla  fes  conquê- 
tes jufqu'dux  Indes  tributaires  de  fon  ennemi.  De- 
Eiris  Alexandre  ^  les  Indiens  avaient  vécu  dans  la 
oerté  &  dans  la  molkfle  qu'infpirent  la  chaleur  du 
climat  &  la  richetfe  de  la  terret 

Les  Grecs  y  voyageaient  avant  Alexandre  pour  y 
chercher  la  fcience.  C'eft-là  que  le  célèbre  Pi/pay 
écrivit  ,  il  y  a  deux  mille  trois  cent  années  ,  ces 
Fables  morales  ,  traduites  dans  prefque  toutes  les  lan- 
gues du  mondç.  Tout  a  été  traité  en  fables  &  en 
dicgorîes  chez  les  orientaux ,  &  particulièrement  chez 
les  Indiens.  Pytbagore ,  difçiple  des  gymnofophiftes  , 
ferait  lui  feul  une  preuve  inconteftablc  que  les  vé- 
Htables  fcrences  étaient  cultivées  dans  l'Inde.  Un  lé- 
giflateur  en  politique  &  en  géométrie  n*eût  pas  refté 
longtems  dans  une  école  où  l'on  n'aurait  enfeigné 
que  des  mots.  Il  eil  très  vraifemblable  même  que 
Pytbagore  apprît  chez  les  Indiens  les  propriétés  du 
triangle  redanglo ,  dont  on  lui  fait  honneur.  Ce  qui 
était  fi  connu  à  la  Chine  ,  pouvait  aifément  l'être  dans 
l'Inde.  On  a  écrit  longtems  après  lui  qu'il  avait  im- 
molé cent  bœufs  pour  cette  découverte.  Cette  dé- 
prnfe  eft  un  peu  forte  pour  un  philofophe  ;  il  eft 
digne  d'un  fage  de  remercier  d'une  penfée  heureufe 
l'Etre  dont  nous  vient  toute  penfée  ,  ainfi  que  le 
mouvement  &  la  vie.  Mais  il  eft  bien  plus  vraifem- 
blable que  Pytbagore  dut  ce  théorème  aux  gym- 
Dofophiftes  ,   qu'il    ne  l'eft  qu'il   ait  immolé   oent 


i 


^  I     Doiopniites  ,  qu  u   ne  l  eit  qu  u   att  immole   oenc      i 

2      iKBUfs.  * 


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Des    Indes.  ityj 


I 

i 


i 


Xongtems  avant  Pilpay  les  fages  de  l'Inde  avaient 
traité  la  morale  &  la  philofophie  en  fables  allégori- 
ques ,  en  paraboles.  Voulaient  -  ils  exprimet  l'équité 
d'un  de  leurs  rois  ;  ils  difaient  que  les  Dieux  qui  fri* 
Jtdent  aux  divers  ilémens^^  qui  font  en  difcorde  entre 
eux ,  avaient  pris-  ce  rôi  pour  leur  arbitre.  Leurs  an- 
ciennes traditions  rapportent  un  jugement  qui  eft  à- 
peu -près  le  même  que  celui  de  Salomon,  Ils  ont  une 
fable  qui  eft  précifément  la  même  que  celle  de  Jn- 
piter  &  à' Ampbitrion  i  mais  elle  eft  plus  ingémeofie. 
Un  fage  découvre  qui  des  deux  eft  le  Dieu ,  &  qui 
eft  l'homme.  Ces  traditioms  montrent  combien  ibat 
anciennes  les  paraboles  qui  font  enfans  des  Dieux  let 
hommes  extraordinaires.  Les  Grecs  dans  leur  mythe 
logie  n'ont  été  -que  des  difciples  de  l'Inde  &  de  l'E- 

Spte.   Toutes  ces  labiés  enveloppaient  autrefois  on 
18  philofophique  :  ce  fens  a  difparu^  &  les  &blet 
(ont  reftées.  / 

L'andquité  des  arts  dans  l'Inde  a  toujours  été  re- 
connue de  tous  les  autres  peuples.  Nous  avons  encore 
une  relation  de  deux  voyageurs  Arabes  ,  qui  allèrent 
aux  Indes  &  à  la  Chine  un  peu  après  le  règne  de 
Charlemagne  ^  ^  quatre  cent  ans  avant  le  célèbre 
Marco  Paolo.  Ces  Arabes  prétendent  av'oir  parlé  à 
l'empereur  de  la  Chine  qui  régnait  alors  ;  ils  rappor- 
tent  que  Pertipereur  leur  dit  qu'il  ne  comptait  que 
cinq  grands  rois  dans  le  monde ,  &  qu'il  mettait  de 
ce  nombre  ,  le  roi  des  ilipbans  'ç^  des  fndiens ,  fiv'our 
appelle  le  roi  de  la  fagejje  ,  parce  que  lafagejje  vient 
originairement  des  Indes. 

J'avoue  que  ces  deuîf  Arabes  orit  rempli  leurs  récîci 
de  fables  ^  comme  tous  les  écrivains  orientaux  ;  maii 
enfin  il  réfulte  que  les  Indiçns  paffaient  pour  lés  pre^ 
miers  inventeurs  des  arts  dansrtout  l^Orient ,  foit  que 
l'empereur  Chinois  ait  fait  cet  aveu  aux  deux  Arâbes, 
m     ibit  qu'ils  ayent  parlé  d'euit- mêmes. 

& 


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9k^S*^ 


2)8 


lÊtmÈtÈmmitaat 


II 


Des    Indes. 


3 


Il  eft  Indubitable  que  lei  filds  anciennes  thédgo- 
iiiet,  furent  inventées^hez  les  Indiens.  Ils  ont  deux 
livres  écrits ,  il  y  a  environ  cin<^  mille  ans  dans  leur 
ancienne  langue  fgcrée  ,  nommée  le  Hanfcrit  ou  le 
Sanfcrit.  De  ces  deux  livres,  le  bremier  eft  le  Sbajla^ 
jSc  le  fécond  le  Fidam.  Voici  le  oommenoement  du 
Sbajia. 

fy  L'Etemel  abforbé  dans  la  coiitemplation  de  fcm 
^  extftence ,  réfolut  dans  la  plénitude  des  tems ,  de 
„  former  des  êtres  participans  de  fon  eflence  &  de 
n  fa  béatitude. . .  Ces  êtres  n'étaient  pas  ;  il  youlot , 
^  &  ils  furent.  ^ 

On  voit  afle^  que  cet  etorde  véritablement  fubiU 
me  &  qui  fut  longtems  inconnu  aux  autres  nations, 
n'a  jamais  été  que  fdblement  imité  par  elles. 

Ces  êtres  nouveaux  furent  les  demi  -Dieux  ,  les 
efprics  eéleftes  adoptés  enfuite  par  les  Caldéens,& 
chez  les  Grecs  par  Platon.  Les  Juifts  les  admirent  quand 
lis  furent  captifs  à  Babilone.  Ce  fut  là  qu'ils  apprirent 
les  noms  que  les  Caldéens  avaient  donnés  aux  anges , 
ft  ces  noms  n'étaient  pas  ceux  des  Indiens.  Micbcûfl^ 
Gabriel^  Rafbàély  tfraJêl  même  font  des  mots  caldéens 
qui  ne  furent  jamais  connus  dans  Flnde. 

Ceft  dans  te  Sbafla  qu'on  trouve  rhiftoîVe  dé  la 
cbAte  de  oes  anges.  Voici  Comme  le  Sbafta  s'exprimer 


(  tf  )  Le  ferpent  dont  il  el! 
p9x\i  dans  la  Genêfe  devint  le 
principal  n^nvais  ange.  On 
lui  donna  tantôt  le  nom  de 
Satan  ^  qui  eft  un  mot  per- 
iân  ,  tantôt  celui  de  tucifir 
étoile  dn  matin  ,  parce  que  la 
valgate  tradnifit  le  mot  Hélti 
par  celui  de  LucifeTé  Xfai'e  ia« 


fullant  à  la  mort  d^'un  for  de 
Babilone,  lui  dit  par  une  figu- 
re de  réthorique  :  comment  «- 
tu  tombé  du  ciel ,  étoile  du  mâ- 
tin ,  Lucifer  ?  On  a  pris  ce 
nom  pour  celui  du  diaMe  & 
on  a  appitiqué  ce  palTage  à  la 
chute  des  anges.  C^eft  encor 
le  Smdesttni  dm  foifam  de 


m^ 


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VS»i^^ 


Des    Indes. 


239 


93  Depuis  la  création  des  Debtahg  (  c'eft-JUlire  dai 
))  anges  )  la  joie  &  l'harmonie  environnèrent  loi^ 
,5  cems  le  trône  de  rSternel.  Ce  bonheur  aurait  Ami 
9,  jufqu'à  la  fin  des  tems  ;  mais  Tenvie  entra  daos  le 
39  cœur  de  Moifaor  &  des  anges  fes  fuivans.  Ils  te* 
jy  jettèrent  le  pouvoir  de  perfeAibilité ,  dont  PEter* 
n  nel  les  avait  doués  dans  fa  bonté.  Ils  exercerait 
}9  le  pouvoir  dlmperfeâioiu  Ils  firent  le  mal  à  la 
,)  vue  de  TEcernel.  Les  anges  fidèles  furent  (aifis  de 
,)  triftefle.  La  douleur  fut  connue  pour  la  premt&ce 
„  fois.  " 

Enfuîte  la  rébellion  des  mauvaif  anges  eft  décrite. 
Les  crois  miniftres  de  DiEU  «  qui  font  pet^t^ûre  To- 
rigina.1  de  la  trinité  de  PUUou ,  précipitent  les  aiast- 
vais  anges  dans  Tabime.  A  la  fin  des  tems  DiBU  Icor 
fidt  grâce  &  les  envoyé  animer  les  corps  des  hommes. 

n  n*y  a  rien  dans  Tantiquité  de  fi  majeftueux  ft 
de  fi  philofophique.  Ces  myftères  des  bracmanet  pc»* 
cèrent  enfin  jufques  dans  la  Syrie.  II  falait  qu'ils  foC 
fent  bien  connus  ,  puifque  les  Juifs  en  entendireat  pa^ 
1er  do  tems  d'Hirode.  Ce  fut  alors  qu'on  forgea  fui- 
vant  ces  principes  indiens  le  faux  livre  à*Hinoc ,  dté 
par  l'apAtre  Jude^  dans  lequel  il  eft  dit  quelque  chofe 
de  la  châte  des  anges.  Cette  doArine  devint  depids 
le  fondement  de  la  religion  chrétienne. 

Les  efprits  ont  dégénéré  dans  PInde.  Probablement 
le  gouvernement  Tartare  les  a  hébétés  ,  comme  le 
gouvernement  Turc  a  déprimé  les  Grecs  &  abruti  Ict 


Milton»  Mais  ATtUon  eft  bien 
moins  raifonnable  que  le 
Sbafla  indien.  Le  Sbafta  ne 
poufîe  point  Textravagance 
jufqirà  foire  déclarer  la  guer- 
re à  Dieu  par  les  anges  fes 
créatures  &  à  rendre  queU 
que  tems  la  viébire  iadeeife. 


Cet  excès  était  râervé  à  Mi^ 
ton, 

NB,  ToDt  ce  meroeaueft 
tiré  prinipalement  de  Mr. 
Holvpeîl  qui  a  demeuré  treate 
ans  avec  les  brames  &  qui  en- 
tend très  bien  leur  uni 
iacrée. 


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240 


Des    Indes. 


î 


Egyptiens.  Les  fciences  ont  prefque  péri  de  même 
ehez  les  Perfes  par  les  révolutions  de  Tétat.  Nous 
avons  vu  quelles  fe  font  fixées  à  la  Chine  au  même 
point  de  médiocrité  où  elles  ont  été. ehez  nous  au 
moyen  âge ,  par  la  même  cauf(^  qui  agiflait  fur  nous  \ 
c'eft-à-dire ,  par  un  refpeék  fuperftitieux  pour  l'an- 
tiquité ,  &  par  les  réglçmens  mêmes  des  écoles.  Ainfi 
dans  tout  pays ,  Tefprit  humain  trouve  des  obftacles 
à  fes  progrès. 

Cependant)  jufqu'au  treizième  fiéclede  notre  ère, 
Tefprit  vraiment  philofophiquc  ne  périt  pas  abfolù- 
ment  dans  Tlnde.  Pacbimère ^A^n%  ce  treizième  fiécle, 
traduifît  quelques  écrits  d'un  brame  fon  contemporain. 
Voici  comme  ce  brame  Indien  s'explique  :  le  pai&ge 
mcrhe  attention. 

9,  J'ai  vu  toutes  les  fedes  s*accufer  réciproquement 

99  d'impofture  ;  j'ai  vu  tous  les  mages  difputer  avec 

.99  fureur  du  premier  principe ,  &  de  la  derniève  fin. 

59  Je  les  ai  tou$  interrogés  ,  &  je  n'ai  vu  dsins  tous 

99  ces  chefs  de  fa^ftions  qu'une  opiniâtreté  inflexible, 

99  un  mépris  fuperbe  pour  les  autres ,  une  haine  im- 

99  placable.  J'ai  donc  réfolu  de  n'en  croire  aucun. 

99  Ces  doâeurs  en  cherchant  h  vérité,  font  comme 

jy  une  femme   qui  veut  faire  entrer  foâ  amant  par 

99  une   porte   dérobée  ,  &    qui  ne  peut  trouver  la 

99  clef  de  la  porte.  Les  hommes  dans  leurs  vaines 

99  recherches  reifemblent  à  celui  qui  monte,  fur  un 

99  arbrç  où  il  y  a  un,  peu  de  miel ,  &  à  peine  en 

99  a*t-il  mangé  ,  que  les  ferjpens  qui  font  autour  de 

99  l'arbre,  le  dévorent. 


Telle  fut  la  manière  d'écrire  des  Indiens.  Leur  efprît 
jiaraît  eiicor  davantage  dans  les  jeux  de  leur  inven- 
tion.  Le  jeu  que  nous  appelions  des  échecs  par  cor- 
ruption ,  fut  inventé  par  tuX ,  &  nous  n'avons  rien 
^     qui  en  approche  :  il  eff  allégorîqqe  comme  leurs  Ja- 
S     Bïes  ;  c'clt  l'image  de  ht  guerre.  Les  noms  de  Sbak 

V  ^"^ 


I 


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fcfflU".  ,  I    II  III 


Des    Indes. 


241    «' 


1 


qui  veut  dire  Prince^  &  de  phu  qui  {igm6e  fo/dat ^ 
fe  font  cqnfervés  encordans  cette  partie  de  TÛrient 
Les  chiffres  dont  nous  nous  fervons ,  &  que  les  Ara* 
bes  ont  apporté  en  Europe  vers  le  tems  de  Charle* 
magne  ^  nous  viennent  de  l'Inde.  Les  anciennes  mé* 
dailles ,  dont  les  curieux  Chinois  font  tant  de  cas  ^ 
font  une  preuve  que  plufieurs  arts  furent  cultirés  aux 
Indes  avant  d'être  connus  des  Chinois» 

On  y  a  de  tems  immémorial  divifé  la  route  an-* 
nueile  du  foleil  en  douze  parties.  L'année  des  brac- 
mânes,  &  des  plus  anciens gymnofophiftes,  commença, 
toujours  quand  le  foleii  entrait  dans  la  conftellation 
qu'ils  nomment  Jfq/r^ram  &  qui  eft  pour  nous  le  bélier/ 
Leurs  femaines  furent  toujours  de  fept  jours  :  divifion 
que  les  Grecs  ne  connurent  jamais.  Leurs  jours  por<> 
tent  les  noms  des  fept  planètes.  Le  jour  du  foleil  eft 
appelle  chez  eux  Mitradinam  :  refte  à  lavoir  fi  ce  mot 
Mitra  ^  qui  chez  les  Perfes  fignifie  aufli  le  foleil ,  eft 
originairement  un  terme  de  la  langue  des  mages  1  ou 
de  celle  des  fages  de  l'Inde* 

Il  eft  bien  difficile  de  dire  laquelle  des  deux  nations 
ienfeigna  l'autre  ;  mais  s'il  s'agifTait  de  décider  entré 
les  Indes  &  l'Egypte ,  je  croirai  toujours  les  fdenCes 
bien  plus  anciennes  dans  les  Indes*  Ma  conjecture 
eft  fondée  fur  de  que  le  terrain  des  Indes  eft  bien 
plus  aifément  habitable  que  leterrain  voifin  du  Nil, 
dont  les  débordemenS  durent  longtems  rebutet  lei 
premiers  colons  avant  qu'ils  enflent  dompté  ce  fleuve 
en  creufant  des  canaux.  Le  fol  des  Indes  eft  d'aiU 
leurs  d'une  fertilité  bien  plus  variée  ,  &  qui  a  ûû 
exciter  davantage  la  curiofité  &  l'induftrie  humaine* 

Quelques -uns  ont  cru  la  race  des  hon^mes  origi- 
naire de  l'indouftan  ,  alléguant  que  l'animal  le  plus 
faible  devait  naitre  dans  le  climat  le  plus  doux  ,  & 
fur  une  terre  qui  produit  fans  culture  les  fruits  les 
plus  nourriflans  ,  les  plus  falutaires,  comme  les  daUes 

EJfaifur  les  mœurs ,  ^c.  Tom.  1.  Q. 


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f 


l 


242  Des    Ihdbs. 


&  ic8  COGM*  Ceux-ci  fortout  donnent  aifcment  à  l'hom. 
me  de  quoi  le  noarrir ,  lev  védr  &  le  loger.  Et  de  quoi 
d'ailleurs  a  befoin  un  habitant  de  cette  prerqu'ifle  ? 
Tout  ouTrier  y  travaille  prefque  nud  ,  deux  aunes 
d'étoile  tout  au  plus  fervent  à  couvrir  une  femme  qui 
n'a  point  de  luxe.  Les  enfans  reftent  entièrement 
nuds  du  moment  où  ils  font  nés  jufqu'à  la  puberté. 
Ces  matelas ,  ces  amas  de  plumes ,  ces  rideaux  à  dou- 
ble contour ,  qui  chez  nous  exigent  tant  de  frais  6c 
de  foins ,  feraient  une  incommodité  intolérable  pour 
ces  peuples  qui  ne  peuvent  dormir  qu'au  frais  fiir  la 
natte  la  phis  légère.  Nos  maifons  de  carnage ,  qu'on 
appelle  des  boucheries  ^  oiî  l'on  vend  Unt  de  cada* 
vres  po«r  nourrir  le  ntoe ,  mettraient  la  pefte  dai» 
le  climat  de  Ilnde  ;  il  ne  fkut  à  ces  nations  que  des 
nourritures  raftaichiiTantes  &  pures  ;  la  nature  leur 
a  prodigué  des  forêts  de  citronniers  ,  d'orangers ,  de 

Sfigoiera  ,  de  palmiers  ^  de  cocotiers ,  &  des  campa, 
gnes  couvertes  de  ris.  L'inumne  le  plus  robuile  peut  B 
ne  dépenfer  qu'un  on  deux  fous  par  jour  pour  fes 
alimens.  Nos  ouvriers  dépenfent  plus  en  on  jour 
qu'un  Malabare  en  un  mois.  Toutes  ces  confidérations 
£emble«t  fortifier  l'ancienne  opinion  que  le  genre- 
humain  eft  originahre  d'on  pays  où  la  nature  a  tout 
fiiit  pour  lui ,  &  ne  lui  a  kilTe  prefque  rien  è  fûre. 
Hais  cela  prouve  feulement  que  les  Indiens  font  indi- 
gènes ,  &  ne  prouve  point  du  tout  que  les  autres  ef- 
pèccs  d'hommes  viennent  de  ces  contrées.  .Les  blancs 
ft  les  nègres  ,  &  les  rouges  ^  &  les  Lappons ,  &  les 
Samoyèdes ,  &  les  Albinos  ne  viennent  certainement 
pas  du  même  fol.  La  différence  entre  toutes  ces  efpè- 
ces  efl  auffi  marquée  .'qu'entre  les  chevaux  &  les  cha- 
meaux  ;  il  n'y  a  donc  qu'un  brame  mal  inftroit  & 
entêté  ,  qui  puiffe  prétendre  que  tous  les  hommes 
defcendent  de  Tindien  Mim^  &  de  fa  femme. 


L'Inde  au  tems  de  Cbarfemagne  n'était  connue  que 
de  nom  ;  &  les  Indiens  ignoraient  qu'il  y  eût  un  Char* 
kmagne.  Les  Arabes  feuls  maîtres  du  commerce  ma- 


aiigai'Mii  ■  iiii  <qiw<wMMM»MMii^wpafcS>ii 


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Des    Indbs. 


243    |f 


ritime  fourniflaient  k  la  fois  les  denrées  des  Indes  à 
Confkntinople  &  aux  Francs.  Venife  les  allait  déjà 
chercher  dans  Alexandrie.  Le  débit  n'en  était  pas 
encor  confidérable  en  France  chez  les  particuliers  ; 
elles  fiirent  longtems  inconnues  en  Allemagne  ,  & 
dans  tout  le  Nord.  Les  Romains  avaient  fait  ce  com- 
merce eux-mêmes  dès  qu'ils  furent  les  maîtres  de 
l'Egypte.  AInG  les  peuples  occidentaux  ont  toujours 
porté  dans  Ilnde  leur  or  ft  leur  argent ,  &  ont  tou- 
jours enrichi  ce  pays  déjà  fi  riche  par  lui-même.  De- 
là vient  qu'on  ne  vit  jamais  les  peuples  de  l'Inde , 
non  plus  que  les  Chinois  &  les  Gan^arides ,  fortii; 
de  leurs  pays  pour  aller  exercer  le  brigandage  chez 
d'autres  nations ,  comme  les  Arabes  ,  foit  Juif^  ,  foit 
Sarrafins ,  les  Tartares  &  les  Romains  mêmes  ,  qui 
poftés  dans  le  plus  mauvais  pays  de  l'Italie  fubfiftè- 
rent  d'abord  de  la  guerre  >  &  fubfiftent  aujourd'hui  de 
la  religion. 

Il  eft  inconteftable  que  le  continent  de  l'Inde  a  été 
autrefois  beaucoup  plus  étendu  qu'il  ne  l'eft  aujour- 
d'hui. Ces  ifles ,  ces  immenfes  archipels  oui  Tavoifi- 
nent  à  l'orient  &  au  midi ,  tenaient  dans  les  tems  re- 
cules à  la  terre  ferme.  On  s'en  appcrqoît  encor  par 
1^  mer  même  qui  les  fépare  ;  fon  peu  de  profondeur , 
les  arbres  qui  croiflent  fur  fon  fond  «  femblables .  à 
ceux  des  ifles  ;  les  nouveaux  terrains  qu'elle  laiOe 
fouvent  à  découvert ,  tout  fait  voir  que  ce  continent 
a  été  inondé ,  &  il  a  dû  l'être  infbnfiblement  quand 
r  Océan ,  qui  gagne  toujours  d'un  côté  ce  qu'il  perd  de 
l'autre ,  s'eft  retiré  de  nos  terres  occidenules. 

L'Inde  dans  tous  les  tems  connus  commer(;ante  & 
înduftrieufe ,  avait  néçcflairement  une  grande  police  ; 
&  ce  peuple ,  chez  qui  Pytbagore  avait  voyagé  pour 
s'inftruire ,  devait  avoir  de  bonnes  loix  ,  (ans  lerquel- 
les  les  arts  ne  font  jamais  cultivés  ;  mais  les  hommes 
avec  des  loix  (âges  ont  toujours  eu  des  coutumes  in- 
d|     fenfées.  Celle  qui  fait  aux  femmes  un  point  d'hon- 

&  aij  ^ 


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^    244  D  E  iS    lyN  D  E  s. 

neur  &  de  religion  de  fe  brûler  fur  le  corps  de  leurs 
maris ,  fubOftait  dans  Tlndc  de  tems  immémorial.  Les 
philofophcs  Indiens  fe  jettaient  eux  *  mêmes  dans  un 
bûcher,  par  un  excès  de  fenatifme  &  de  vaine  gloi- 
re. Calan  ^  ou  Ccdanus  ^  qui  fe  briïla  dtv  ^nt  Alex  cm- 
dre  ,  n'avait  pas  le  premier  donné  cet  exemple  ;  cette 
abominable  dévotion  n'eft  pas  détruite  encore.  La 
[veuve  du  roi  deTanjour  fe  brûla  en  175  c  fur  le  buchcsr 
de  fon  époux.  Mr.  Dumas ,  Mr.  Dupieix  gouverneur 
de  Pondichéri ,  Tépoufc  de  Pamiral  RuJJel ,  ont  été 
témoins  de  pareils  facrifices  ;  c'eft  le  dernier  effort 
des  erreurs  qui  pervertîfTent  le  genre  -  humain.  Le 
*plus  auftère  des  derviches  n'eft  qu*un  lâche  en  cora- 
paraifon  d*unc  femme  du  Malabar.  Il  fembleraît  qu*u- 
ne  nation  chez  qui  les  philofophes ,  &  même  les  fem- 
mes, fe  dévouaient  ainfi  à  la  mort,  dût  être  une  na- 
tion guerrière  &  invincible  :  cependant  depuis  l'ancien 
Sézac^  quiconque  à  attaqué  l'Inde,  Ta  aifémçnt  vaincue* 

U  ferait  encor  difficile  de  concilier  les  idées  fu- 
blimes  que  les  brarhîns  coiifervent  de  l'Etue  fuprême 
avec  leurs  fuperftîtions  &  leur  mythologie  fabuleufe, 
fi  rhiftoire  ne  nous  montrait  pas  de  pareilles  contra- 
diâions  chez  les  Grecs  &  chez  les  Romains. 

Il  y  avait  des  chrétiens  fur  les  côtes  de  Malabar 
depuis  deux  cent  ans  ,  au  milieu  de  ces  nations  iiJo- 
lâtres.  Un  marchand  de  Syrie  nommé  Mar  Thomas^ 
s'étant  établi  fur  les  côtes  de  Malabar  avec  fa  famille , 
&  fes  fa(àeurs ,  au  fixiéme  fiécle  ,  y  laifla  fa  religion , 
qui  était  le  ncftorianifmc  ;  ces  fe^aires  orientaux  ,  s'é- 
tant multipliés  fe  nommèrent  les  chrétiens  de  St,  Tho- 
mas :  ils  vécurent  paifiblement  parmi  les  idolâtres.  Qui 
ne  veut  point  remuer  eft  rarement  perfécuté.  Ces  chré- 
tiens n'avaient  aucune  connaiflance  de  l'églife  latine. 

Ce  n'eft  pas  certainement  le  chriftîanifme  qui  fleu- 
rifTait  alors  dans  l'Inde  ,  c'eft  le  mahométifme.  Il 
s'y  était  introduit  par  les  conquêtes  des  califes ,  & 


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H(gTttii>  ■»FCmni  '^^ggjg 

D  E   s     I  K  D  E  s.  ^45      fl 

Aaron  al  Rachîld^  cet  illuftre  contemporain  de  Cbar^^ 
lemagne ,  dominateur  de  TAFrique  ,  de  la  Syrie ,  de 
la  Perfc  &  d'une  partie  de  l'Inde ,  envoya  des  mif- 
fionnaires  mufulmans  des  rives  du  Gange  aux  ides 
de  rOcéan  indien ,  &  jufques  chez  des  peuplades  de 
nègres.  ^  Depuis  ce  tems  il  y  «ut  beaucoup  de  mu- 
fulmans dans  rinde.  On  ne  dit  point  que  le  grand 
Aaron  convertit  à  fa  religion  les  Indiens  par  le  fer  Çl 
par  le  feu ,  comme  CbarUmagm  convertit  les  Saxons. 
On  ne  voit  pas  non  plus  que  les  Indiens  ayent  re- 
fufc  le  joug  &  la  loi  à' Aaron  al  Racbild  ..comme 
les  Saxons  refuférent  de  fe  foumettre  à  Charles. 

Les  Indiens  ont  toujours  été  aufli  mous  que  nos 
ftptentrionaux  étaient  agreftes.  La  molleffe  infpirée 
par  le  climat  ne  fe  corrige  jamais  ;  mais  la  dureté 
s'adoucit, 

• 

En  général  les  hommes  du  midi  oriental  ont  requ 
de  la  nature  des  mœurs  plus  douces  que  les  peuples 
de  notre  occident  ;  leur  climat  les  difpofe  à  TabUi- 
nence  des  liqueurs  fortes  &  de  la  chair  des  animaux  v 
nourritures  qui  aigriflent  le  fang ,  &  partent  fouvent 
à  la  férocité  ;  &  quoique  la  fuperftition  &  les  irrup- 
tions étrangères  ayent  corrompu  la  bonté  de  leur 
naturel ,  cependant  tous  les  voyageurs  conviennent 
que  le  caractère  de  ces  peuples  n'a  rien  de  cette 
inquiétude  ,  de  cette  pétulance  &  de  cette  dureté 
qu'on  a  eu  tant  de  peine  à  contenir  ohez  les  na« 
dons  du  nord. 

Le  phyfique  de  PInde  différant  en  tant  de  chofej 
du  nôtre ,  il  falait  bien  que  le  moral  différât  auifi. 
Leurs  vices  étaient  plus  doux  que  les  nôtres.  Ilscher^ 
chaient  en  vain  des  remèdes  aux  déréglemens  de 
leurs  mœurs ,  conime  nous  en  avons  cherché.  C'é- 
t  it  de  tems  immémorial  une  njiaxlme  chez  eux  & 
chez  les  Chinois ,  que  le  fage  viendrait  de  l'occident. 
jK  L'Europe  au  contraire  difait  que  le  fage  viendrait  ig 
&  Q.  iï  j  3 

WÇj^Uv  '    I  I'    •  H  wiiBii pt'O'at 


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î      046  DesIkdbs.  » 

de  l'orient  Toutes  les  nations  ont  toujours  eu  befoin 
d'un  fage. 


il 


CHAPITRE    QUATRIEME. 
t)es  bracmtamis  f  dp  Vidant ,  ^  de  CEzowrvidam. 

SI  llnde  de  ^ui  toute  la  terre  t  befoin  ,  &  qui 
feule  n*9  befoin  de  perfonne ,  doit  être  par  cela 
même  la  contrée  la  plus  anciennement  policée ,  elle 
doit  conféquemment  a^ir  eu  la  plus  ancienne  forme 
de  religion.  U  eft  très  vraifemblable  que  cette  re* 
ligion  fut  longtemé  celle  du  gouvernement  Chinois , 
&  qu'elle  ne  confiilait  que  dans  le  culte  pur  d'un 
Etre  fupréme  dégagé  de  toute  fupe^tion  &  de  tout 
Sinatifme.  * 

Les  premiers  braçmanes  avaient  fondé  cette-  reli- 

Î|ion  (impie ,  telle  qu'elle  fut  établie  à  la  Chine  par 
es  premiers  rois.  Ces  braçmanes  gouvernaient  l'Inde. 
Lorfque  les  chefs  paifibles  d'un  peuple  fpirîcuel  & 
doux  ,  font  à  la  tête  d'une  religion  ,  elle  doit  être 
fimple  &  raifonnable ,  parce  que  ces  chefis  n'ont  pas 
befoin  d'erreurs  pour  être  obeïs.  Il  ed  fi  naturel  de 
croire  un  Dieu  unique  ,  de  l'adorer  ,  &  de  fentir 
dans  le  fond  de  £bn  cœur  qu'il  faut  être  jufte ,  que 
quand  des  princes  annoncent  ces  vérités ,  la  foi  des 
peuples  court  au-devant  de  leurs  paroles.  U  faut  du 
teins  pour  établir  des  loix  arbitraires  ;  mais  il  n'en 
faut  point  pour  apprendre  aux  hommes  raffemblés  à 
croire  un  DiBU  ,  «  ï  écouter  la  voix  de  leur  pro- 
pre c^ur. 

Les  premiers  braçmanes  étant  donc  à  la  fois  rois 
(kl  pontifes ,  ne  pouvaient  guère  établir  la  religio-- 
«ttf  fur  la  raifon  univerfeUct    II  n'en  eft  paji 


igion     1  l' 


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I<fiii^'  ciiw        ■■M v^wam 

Des    BRACMÀifgs.      247 


î 


même  dans  les  pays  où  le  pontificat  n'eft  pas  uni  à 
la  royauté.  Alors  les  fondions  religieufes  qui  appar* 
tiennent  originairement  aux  pères  de  famille,  fof- 
ment  une  profeflion  féparée  ;  le^cuke  de  DiiU  dc« 
vient  un  métier  «  &  pour  faire  valoir  ce  métier  ,  il 
Biut  fouvent  des  prefiiges  ,  des  fourberies  &  des 
cruautés. 

La  religion  dégénéra  donc  chez  les  bcacfBtnes  dit 
qu'ils  ne  furent  plus  fouveraios* 

Longtems  avant  Alexanétn ^\t%  braemaiiis  ne  ré* 
gnaient  plus  damllnde;  mais  leur  tribu  qu'on  nomme 
Cafte ,  était  toujours  la  plus  confidérée  ,  comme  elle 
Teft  encore  aujourd'hui  ;  &  c'eft  dans  cette  même 
tribu  qu'on  trouvait  les  fages  vrais  ou  feux,  que  les 
Grecs  appellérent  gymnofophiftes.   Il  eft  difficile  de 

inier  qu'il  y  eât  parmi  eux  ,  dans  leur  décadence , 
cette  efpéce  de  vertu  qui  s'accorde  avec  les  illufions  A 
du 'fanatifme.  Us  reconnailTaient  toujours  un  Dieu  fi 
fupréme  à  travers  la  multitude  de  divinités  (iibalter»  K 
^  nés  que  la  fuperftition  populaire  adoptait  dans  tous 
les  pays  du  monde.  Strabon  dit  expreiTément ,  qu'au 
fond  les  bracmanes  n'adoraient  qu'un  feul  DiEU.  En 
cela  ils  étaient  femblables  à  Confucius ,  ï  Orphie ,  à 
Socrate^  à  Platon^  à  Marc-Aurile ,  à  EpiSète ,  à  tous 
les  fages ,  à  tous  les  hiérophantes  des  myftères.  Les 
&pt  années  de  noviciat  c^z  les  bracmanes ,  la  lot 
du  filence  pendant  ces  fept  années  ,  étaient  en  vi« 
gueur  du  tems  de  Strabon.  Le  célibat  pendant  ce 
tems  d'épreuve ,  l'abftinence  de  la  chair  des  animaux 
qui  fervent  Tiiomme ,  étaient  des  loix  qu'on  ne  tran& 
greifa  jamais  >  &  qui  fubfiftent  encor  chesi  les  brg« 
mts.  Ils  croyaient  un  Bisy  créateur ,  rémunérateur  & 
vengeur.  Us  croyaient  l'homme  déchu  &  dégénéré  »  & 
cette  idée  fe  trouve  che2  tous  les  anciens  peuples.  Aurea 
frima fataejlstca  eft  la  devife  de  toutes  les  nations, 

ApuUe  y  Qmute^Curçe ,  Clvnent  d'Alexandrie  «  Pbim 
ktflraSi ,  Porpbire ,  Paliadi ,  s'accordent  tous  dans  liBB' 


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ȍ* 


JjiéMm 


248     Des   bracmanes 


: 


éloges  qu'ils  donnent  à  la  frugalité  extrême  des  brac- 
Twanes ,  à  leur  vie  retirée  &  pénitente ,  à  leur  pau- 
vreté volontaire ,  à  leur  mépris  de  toutes  les  vani- 
tés du  monde.  Sù.^Ambroife  préfère  hautement  leurs 
tnoenrs  à  celles  des  chrétiens  de  fon  tems.  Peut-être 
eft-ce  une  de  ces  e^iagératîens  qu'on  fe  permet  quel- 
quefois ,  pour  faire  rougir  fes  concitoyens  de  leurs 
défordres  ;  on  loue  les  bracmanes  pour  corriger  les 
moines  :  &  fi  5"/.  Ambroife  avait  vécu  dans  l'Inde , 
il  aurait  probablemftit  loué  les  moines  pour  faire 
honte  aux  bracmanes.  Mais  enfin  il  réfuice  de  tant 
de  témoignages ,  que  ces  hommes  finguliers  étaieni^ 
en  réputation  de  faintcté  dans  toute  la  tçrre. 

Cette  connaifTance  d'pn  Dieu  unique  dont  tous 
les  philofophes  leur  favaient  tant  d«  gré ,  ils  la  con- 
fervent  encore  aujourd'hui  au  milieu  des  pagodes, 
&  de  toutes  les  extravagances  du  peuple.  Un  de  nos 
poètes  a  dit  dans  une  de  fes  épitres ,  où  le  faux  do- 
mine prefque  toujours  : 

li^nde  aujounrhui  voit  Tor^eilleu^  bracmsMie 
Déifier  «  brutalement  zélé , 
Le  diable  même  ea  bronze  cifelé. 

Certainement"  des  hommes  qui  ne  croyent  point 
au  dijble,  ne  peuvent  adorer  le  diable.  Ces  repro- 
ches abfurdes  font  intjolérables  :  on  n'a  jamais  adoré 
le  diable  en  aucun  pays  du  monde  :  les  manichéens 
n'ont  jamais  rendu  de  culte  au  mauvais  principe  : 
on  ne  lui  en  rendait  aucun  danS  la  religion  de  Zo^ 
roqfire.  Il  eft  tems  que  nous  quittions  l'indigne  ufage 
de  calomniçr  pûtes  les  feélçs ,  fi?  d'înfuUcr  toutes 
les  nations. 

Nous  avons ,  comme  vous  favex  ,  VSzourvedant , 
ancien  comment:  ire  compofé  par  Cbumontou  y  {ur  et 
Védam  ,  fur  ce  livre  frtcré  que  les  brames  préten- 
dent avoir  étç  donné  de  D  i  £  V  aux  hommes.    Ce 


#s^aç^5Çi=«s 


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l^mf  -^-inaiiMi  "fJgir 

'  DU  VÉDAM ,  ET  DE  l'EzOURVÉDAM.   249     |f 

commentaire  a  été  rédigé  par  un  brame  très  favant,. 
qui  a  rçndu  beaucoup  de  fervices  à  notre  compa* 
gnie  des  Indes  ;  &  il  Ta  traduit  lui-même  de  la  lan- 
gue facrée  en  français,  (a) 

Dans  cjttt  Ezourvédam ,  dans  ce  commentaire ,  Cbu" 
montou  combat  Fidolâtrie  ;  il  rapporte  les  propres 
paroles  du  Védam.  C*^  l'Btre  fuprime  qui  a  tout 
crié ,  le  fenJtbU  Ç«f  FinfeTiJible  s  U  y  a  eu  quatre  âges 
diffirens  ^  tout  périt  â  la  fin  de  chaque  âge  ,  tout  ejl 
fubmergç  ,  ^  le  déluge  ejl  un  paj/'age  d'un  âge  à 
l'autre ,  &ç. 

.  Lors  que  Dieu  exijiait  feul  ^  Êf  ^«#  ««/  autre  être 
n^exiJiaJt  avec  lui  ,  il  forma  le  dejfein  de  créer  le 
monde  ,•  il  créa  d'abord  le  tems ,  enfiàte  Peau  6f  la 
terre  :  6?  du  mêloJtge  de^  cinq  ilétnens  ,  à  f avoir ,  la 
terre  ,  l'eau  ,  le  feu ,  Pair  &f  la  lumière ,  il  en  forma 
les  differens  corps ,  éf  ht^r  donna  la  terre  pour  leur 
bafe.  Il  fit  ce  globe  que  nous  habitons  en  forme  ovale 
comme  un  œuf.  Au  milieu  de  la  terre  ejl  la  plus 
haute  de  toutes  les  montagnes  nommée  Mérou ,  (  c'ejl 
Plmmzûs,  )  Adîmo  ,  c^eji  le  nom  du  premier  homme 
forti  des  mains  d<i  DiEU.  Procriti  ejl  le  nom  defon 
époufe.  D'Adimo  naquit  Brama  ,  qui  fut  le  législateur 
des  nations  6f  l^  père  des  brames. 

Que  de  chofcs  curieufes  dans  ce  peu  de  paroles  ! 
on  y  appercjoif  d'abord  cette  grande  vérité  ,  que  DiBU 
^  eil  le  créateur  du  monde  ;  on  voit  enfuite  la  fourcc 
primitive  de  cette  ancienne  feble  des  quatre  tiges., 
d'or  ,  d'argent ,  d*airain  ,  &  de  fer.  Tou»  les  princi- 
pes  de  la  tbéologie  des  anciens  eft  renfermée  dans 
le  Védam.  On  y  voit  ce  déluge  de  Deucalion ,  qui 
ne  figure  autre  chofe  que  la  peine  extrême  qu'on  a 
éprouvée  dans  tous  les  tems  à  deiTecher  les  terres , 

C  a  )  Ce  mtiniifcrit  eft  à  la  bibliothèque  du  roi ,  où  chacun 
peut  le  confulter. 

y 


I 


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9     350      D  B  8     B  H  ▲  C  M  A  K  £  Si 


11 


i 


-«^ 


qoe  la  négligence  det  hommes  a  laiffé  longtema  inon- 
déet.  Toutes  les  citations  du  FislMn ,  dans  ce  ma- 
nufcrit ,  font  étonnantes  ;  on  y  trouve  exprefleraent 
ces  paroles  admirables  :  Dl£U  ne  cria  ituntdî  ievia^ 
il  ne  peut  en  être  tauteur.  DiEU  qm  eft  la  fagejft 
&  la  fainteii^  ne  cria  jamais  que  la  vertu. 

Voici  un  morceau  des  plus  finguliers  du  Védam. 
Le  premier  homme  itant  Jhrti  des  mains  de  DiBU  i 
kii  dit  i  II  y  aura  fur  la  terre  différentes  occupations^ 
tous  ne  feront  pas  propres  à  toutes  $  comment  les  dif 
tinguer  entr'eux  ?  DiEU  iui  répondit  ^  Ceuxquifont  nés 
avec  plus  £efprit  ^  de  goût  pour  la  vertu  que  les 
autres ,  feront  les  brames.  Ceux  qui  participent  le  plut 
du  Rofogoun  ,  ç*eji^à'dire  ,  de  Pambition\  feront  les 
guerriets  s  ceux  qui  participent  le  plus  du  Tomogun, 
c^eji-à-dire^  de  F  avarice  ^feront  les  marchands.  Ceux 
qui  participeront  du  Comogun ,  c'efl-à-dire ,  qui  feront  > 
robujles  '^  bornés  ^  feront  occupés  aux  œuvres  ferviles. 

On  reconnait  dans  ces  paroles  l'origine  véritable 
des  quatre  cailes  des  Indes  ,  ou  plutôt  les  quatre  con- 
ditions de  la  focîété  humaine.  En  effet  ,  fur  quoi 
peut  être  fondée  l'inégalité  de  ces  conditions ,  finoa 
fur  rinégalité  primitive  des  talens  ?  Le  Vidam  pour- 
fuît  &  dit  :  LEtre  fuprime  n'a  ni  corps  ni  figure  ^  & 
VEzourvédam  ajoute  :  Tous  ceux  qui  fui  donnent  des 
pieds  &  des  mains  font  des  infenfés.  Chumontou  dte 
enfuite  ces  paroles  du  Védam.  Dans  le  tenu  que 
Dieu  ^a  toutes  chofes  du  néant  ^  il  cria  fipariment 
UU  individu  de  chaque  efpèce ,  &  voulut  qt^il  portât 
dans  lui  fon  germe  ,  afin  qu'il  put  produire  ,•  il  efi  le 
principe  de  cbaqsu  chafe  :  lefoleil  n*eft  qu'un  corps  fans 
me  ^  fans  cmmaiffance ,  il  q/i  entre  les  mains  de  DlEO 
çomnte  une  chandelle  entre  les  mains  d'un  homme. 

Après  cela  l'auteor  du  commentaire  combattant  Yo- 
pinion  des  nouveaux  brames ,  qui  admettaient  plu- 


ilâflsw 


ilP 


mpiftSli 


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DU  VeDAM  et  de  ]L'EZ0URViDàM. 


•-mm 


fieurs  incaroations  dans  le  Dieu  Brama  &  dîna  le 
Dieu  Vitjnou ,  s'exprime  ainfi. 

Di'fmi  donc  ,  bomnu  étourdi  &  iitfenji^  qtitfi^t% 
que  ce  Kochiopo  ^  cette  Odité  »  qui  tu  dis  avoir  domU 
naijpmce  à  ton  DiEU  ?  ne  font -ils  pas  des  hommes 
comme  les  autres  ?  ^  ce  DiEU  atd  eji  fur  de  fa  ua^' 
ture  Çcf  éternel  de  fon  effence  ^Je  fer  ait  M  abaxjfijuf* 
qtàà  s^aniantir  dans  le  Jein  £une  femme  pour  fy  re» 
vêtir  d^une  figure  humaine  ?  ne  rougis-tu  pas  de  nous 
prifenter  ce  DiEU  en  pofiufe  de  fuppliant  devant  um 
de  fes  créatures  ?  as4u  perdu  rêjprit  ?  ou  es-tu  venu 
à  ce  point  if  impiété  de  ne  pas  rougir  de  faire  jouer  à 
FEtre  fuprime  le  perfomtage  de  fourbe  ëf  Âe  men* 
teur  ?  ....  Ceffe  de  tromper  les  hommes  ,  ce  n*ejl  qu^à 
cette  condition  que  je  continuerai  à  f  expliquer  le  Mé* 
dam  ;  car  Jî  tu  r^es  dans  les  minus  fentimens  ^tu  es  ^ 
incapable  de  t  entendre ,  S^  ce  ferait  le  projlituer  que  | 
de  te  Penfeigner.  \ 

Au  livre  )e.  de  ce  commentaire  ,  l'auteur  Cbu-^ 
montou  réfute  la  îAAt  que  les  nouveau  brames  in-» 
ventaient  ùst  une  incarnation  du  Dieu  Brama ,  qui 
&lon  eux  parut  dans  Plodc  fous  le  nom  de  Kopilo  ^ 
c'eft*à-dire»  de  pénitent  ;  ils  prétendaici^t  qu'il  avait 
voulu' naître  de  Débobuti  ,  fbnme  d'un  honume  àê 
bien  nommé  Xordomo. 

S^il  efi  vrai  ,  dit  le  commentateur  ,  que  Brama 
fint  né  fur  la  terre  ,  fourmoi  donc,  portait  •  il  h 
nom  d* Etemel?  celui  qui  ^  Jbmveraimmeta  heteremx , 
&  dans  qui  feul  eJi  notre  bonheur ,  aurait^il  voulu 
fe  foumettre  a  tout  ce  que  fouffire  un  enfant  ?  &ç. 

On  trouve  enfuite  une  defcripâon  de  Tenfer  toute 
iemblable  à  celle  que  les  Egyptiens  ft  les  Grecs  ont 
donnée  depuis  fous  le  nom  de  Tartare.  Que  faut* 
il  faire  ,  dit-on  ,  poser  éviter  ^ enfer  ?  Il  faut  aimer 
Dieu  ,  répond  le  commentateur  Çhumontou  :  il  faut 


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$    25Z      Des    bracmanes;  ^ 

/luVf  ce  qui  nout  ejt  ordoimi  par  le  Védara  ,  &  le 
faire  de  la  façon  dont  il  nous  le  prefcrit.  Il  y  a  , 
dit -il  ,  quatre  amours  de  DiEU.  Le  premier  eft  de 
l'aimer  pour  lui-même ,  y««x  intérêt  perJonneL  Le 
fécond  ,  de  I*aimer  par  intérêt.  Le  troîfieme ,  de  ne 
Taimer  que  dans  les  momens  ou  l*on  n'écoute  pas  fes  . 
pajpons.  Le  quatrième  ,  de  ne  Paimer  que  pour  ob^ 
tenir  P objet  de  ces  pajjîons  même^  :  &  ce  quatrième 
amour  ^en  mérite  pas  le  nom,  (£p) 

Tel  eft  le  précis  des  principales  fingularités  du  Vi- 
iaw,  livre  inconnu  jufqu'aujourd'huî  à  l'Europe  ,  & 
à  prefque  toute  TAfi.ç. 


\ 


% 


Les  brames  ont  dégénéré  de  piqs  on  plus.  Leur 
Cormovédam  ,  qui  eft  leur  rituel ,  eft  un  ramas  dç 
cérémonies  fuperftitieufes  ,  qui  font  rire  quiconque 
n'eft  pas  né  fur  les  bords  du  Gange  ou  de  Tlndus , 
ou  plutôt  quiconque  n'étant  pas  philofophe  s'étonne 
des  fottifes  des  autres  peuples  ,  &  ne  s'étonne  point 
de  celles  de  fon  pays. 

Le  détail  de  ces  minuties  eft  îmmenfe,  C'eft  un 
aflembldge  de  toutes  \t$  folies  que  1 1  vaine  étude  de 
Taftronomie  judiciaire  a  pu  infpirer  à  des  favans  in- 
génieux, /nais  extravagans  ou  fourbes.  Toute  la  vie 
d'un  brame  eft  confacrée  à  ces  cérémonies  fuperfti- 
tieufes. Il  y  en  a  pour  tous  les  jours  de  l'année. 
Il  femble  que  les  hommes  foient  devenus  faibles  & 
lâches  dans  l'Inde  à  mefure  qu'ils  ont  été  fubjugués. 
II  y  a  grande  apparence  qu'à  chaque  conquête  les 
fuperftitions  ,  &  les  pénitences  du  peuple  vaincu  ont 
redoublé.  Sé^^ac  ^  Madiès ,  les  Affyricns  ,  les  Perfes  , 
Alexandre ,  les  Arabes  ,  leS*Tartares  ,  &  de  nos  jours 
Sba-'Sadir  \i  en  venant  les  uns  après  les  autres  ra- 
vager ces  beau^  pays ,  ont  fait  un  peuple  pénitent 
d'un  peuple  qui  n'a  pas  fu  être  guerrier. 

O)  Le  âhafta  eft  beaucoup  plus  fublime.  Voyez  les 
Mélangea  4 


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4»yiiab^ni  'PiabSli 


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(    ''ff?j)l 


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DU  VÉDAM  ET  DE  L'EzOURYÉDAM.  .2^^     S 


Jamais  les  pagodes  n'ont  été  plus  riches  que  dans 
les  cems  d'humiliation  &  de  mifére  ;  toutes  ces  pa- 
godes ont  des  revenus  confidérables,  &  les  dévots  les 
enrichifTent  encor  de  leurs  offrandes^  Quand  un  raya 
pafTe  devant  une  pagode,  il  defcend  de  fon  cheval ,  de 
Ton  chameau  ,  ou  de  fon  éléphant  ,  ou  de  fon  pa- 
lanquin ,  &  marche  à  pied  jufqu'à  ce  qu'il  ait  pafle 
le  territoire  du  temple. 

Cet  ancien  commentaire  du  Vidam  dont  je  vien^ 
de  donner  ^extrait  ,  me  parait  écrit  a.vant  les  con- 
quêtes à* Alexandre  $  car  on  n'y  trouve  aucun  des 
noms  que  lès  vainqueurs  Grecs  impcfèrent  aux  fleu- 
ves ,  aux  villes  ,  aux  contrées.  L'I  ide  s'appelie  Zonu 
boudipo  s  le  mont  Immaiis  eft  Mérou  ,•  le  Gange  eft 
nommé  Zanoubù  Ces  anciens  noms  ne  font  »plus 
connus  que  des  favans  dans  la  langue  facrée. 

L'ancienne  pureté  de  la  religion  des  premiers  brac- 
manes  ne  fubfifte  plus  que  chez  quelques-uns  de 
leurs  phiiofophes  :  &  ceux-là  ne  fe  donnent  pas  la 
peine  d'iiiftruire  un  peuple  qui  ne  veut  pas  être  inf- 
truit ,  &  qui  ne  le  mérite  pas.  II  y  aurait  même  du 
rifque  à  vouloir  le  détromper  ;  les  brames  îgnorans 
fe  (buléveraîent  ;  les  femmes  attachées  à  leurs  pa- 
godes ,  à  leurs  petites  pratiques  fu perdît! eufes  crie- 
raient à  l'impiété.  Quiconque  veut  enfeigncr  la  raî- 
fon  à  fes  concitoyens ,  eft  perfécuté  ,  à  moins  qu'il 
ne  foit  le  plus  fort  ;  &  il  arrive  prefque  toujours 
que  le  plus  fort  redouble  les  chaînes  de  l'ignorance 
au  -  lieu  de  les  rompre. 

La  religion  mahométane  feule  a  fait  dans  l'Inde 
d'itnmenfcs  progrès ,  furtout  parmi  les  hommes  bien 
élevés  *,  parcp  que  c'eft  la  religion  du  prince  ,  & 
qu'elle  n'enfeigne  que  l'unité  de  Dieu  conformé- 
ment à  l'ancienne  dodrine  des  premiers  bracmanes. 
Le  chriftianifme  n'a  pas  eu  dans  l'Inde  le  même  fuc- 
cès,  malgré  l'évidence  &  lafainteté  de  fa  dodtrîne , 
&  malgré  les  grands  établiiTemens  des  Portugais ,  des 


'm^ 


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2^4      Ois     BRACMAlfES} 

Fnnqtts ,  des  Anghfo ,  des  Holkndite  ^  des  Daftûis.  C'eft 
méme^e  concours  de  cet  nations  fat  e  nui  au  pro^ 
grès  de  notre  culte;  Comme  elles  fe  kalSent  tou- 
tes ,  ft  que  plufieurs  d'entr'elles  ffoftt  fouvent  la 
Kerre  dans  ces  climats  ,  elles  y  ont  iàit  hair  ce  qu'et- 
t  eofeignent  Leurs  ufages  d'ailleurs  rérottent  les 
Indiens  ;  ils  font  feandalifés  de  nous  vok  boire  du 
idn  &  manger  des  viandes  qu'ils  abhorrent  La  con- 
formation de  nos  organes  qui  fait  que  nous  pronon- 
çons fi  mal  les  langues  de  TAfie^  eft  encor  un  obf- 
tacle  prefque  invincible  ;  mais  le  plus  grand  eft  la 
différence  des  opinions  qui  divifent  nos  mi(Gonnaires. 
Le  catholique  y  combat  l'anglican ,  qui  combat  le  lu- 
thérien combattu  par  le  calvinifte.  Ainfi  tous  contre 
tous  voulant  annoncer  chacun  la  vérité ,  &  accufant 
les  autres  de  menfonge ,  ils  étonnent  un  peuple  iimple 
ftpaifible,  qui  voit  accourir  chez  lui  des  extrémités 
occidentales  de  la  terre  des  hommes  ardens  polir  fe  dé- 
chirer mutuellement  fur  les  rives  du  Gange. 

Nous  avons  eu  dans  ces  climats  comme  ailleurs , 
des  mlOionnaires  refpeâables  par  leur  piété  »  &  aux- 
quels on  ne  peut  reprocher  que  d'avoir  exagéré  leurs 
travaux  &  leurs  triomphes.  Mais  tous  n'ont  pas  été 
des  hommes  vertueux  &  inftruits ,  envoyés  d'Europe 
pour  changer  la  croyance  de  l'Afie.  Le  célèbre  2/jV 
camp  ,  auteur  de  Thiftoire  de  la  miifion  de  Tranqoe- 
bar ,  avoue  ,  (c)  Que  les  Portugais  remfltrettt  Ujemi^ 
noire  de  Goa  de  maifai3eurs  amdanmis  au  bamtiffe^ 
ment  ,•  quHls  en  firent  des  ndJfionuaireS ,  6f  que  ces 
mijjiomioàres  ti oublièrent  pas  leur  frender  métier.  No- 
tre  religioil  a  fait  peu  de  progrès  fur  les  côtes  ,  & 
nul  dans  les  états  fournis  immédiatement  au  grand 
Mogol.  La  religion  de  Mahomet  &  celle  de* Brama 
partagent  encor  tout  ce  vafte  continent  II  ri'y  a  pas 
deux  fiécles  que  «nous  appellions  toutes  ces  nations 
la  f  agonit  »  tandis  que  les  Arabes  ,  les  Turcs  »  les 


3        (  c  )  Preoiicr  tome ,  page  aa  f  • 


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«fflW*""     "^ 


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DU  Vi^KM  ET  DE  L'EzOURVÉDAM.    2^5 

Indiens  ne  nous  conûaiffiUent  que  fooi  le  nom  d'ido* 
lâtres. 


CHAPITRE    CINaUIÉMEcv 

Di  lu  Perfi ,  AU  temt  de  Mahomet  le  prophète ,  6f  rfe 
l^mnciemte  religion  de  Zoroajhre. 

EN  tournant  vers  la  Perfc ,  on  y  trouTe ,  un  peu 
av^anc  le  tems  qui  me  fert  d'époque  ,  la  plus  gran* 
de  &  la  plus  prompte  révolution  que  nous  connais- 
Sons  fbr  la  terre. 

Une  nouvelle  dominatiorh,  une  religion  &  des  mœurs 
jufqu'alors  inconnues ,  avaient  changé  la  face  de  ces 
contrées  ;  &  ce  changement  s'étendait  déjà  fort  ayant 
en  Afie ,  en  Afrique  &  en  Europe. 

Pour  me  f  ire  une  idée  du  mahométirme  ,  qui  a 
donné  une  nouvelle  forme  à  tant  d'empires  ,  je  me 
rappellerai  d'abord  les  parties  du  monde  qui  lui  furent 
les  premières  fuumifes. 
• 

La  Perfe  avait  étendu  fa  domination  avant  Alexan* 
ire ,  de  TEgypte  à  la  Badriane ,  au  -  delà  du  pays  oè 
eft  aujourd'hui  Samarkande ,  &  de  la  Thrace  jufqu'an 
fleuve  de  l'Inde. 

Divifée  &  reflerrée  fous  les  Séleucîdcs ,  elle  avait 
repris  des  accroiffemens  fous  Arfacef  le  Parthîcn,  deux 
cent  cinquante  ans  avant  notre  ère.  Les  Arfacides  n'eu- 
rent ni  la  Syrie  ,  ni  les  contrées  qui  bordent  le  Pont- 
Euxin  :  mais  ils  difputèrent  avec  les  Romains  de  l'em- 
pire de  rOrient ,  &  leur  oppofèrent  toujours  des  bar- 
rières infurmontables. 

&  ^ 


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2S6         DelaPerse.  i 

Du  tems  d* Alexandre  Sévère ,  vers  l'an  226  de  notre 
ire ,  un  fimple  foldat  Ferfan  ,  qui  prît  le  nom  (ÏAr- 
taxare ,  enleva  ce  royaume  aux  Parthes ,  &  rétablit 
l'empire  des  Perfes ,  dont  l'étendue  ne  différait  guère 
alors  de  ce  qu'elle  eft  de  nos  jours. 

Vdus  ne  ya\x\t±  pas  exatnider  ici  qtiels  étaient  les 
premiers  Babiloniens  conquis  par  les  Perfes ,  ni  com- 
ment  ce  peuple  fe  vantait  de  quatre  cent  mille  ans 
d'obfervations  aftronomiques ,  dont  on  ne  put  retrou- 
ver qu'une  fuite  de  dix  -  neuf  cent  années  du  tems 
ai  Alexandre.  Vous  ne  voulez  pas  vous  écarter  de  votre 
fujèt  t>6uf  vovii  rap^ellef  l'idée  de  la  grandeur  de  Ba- 
bilone  ,  &  de  ces  monumens  plus  vantés  que^  folides 
dont  les  ruines  mêmes  font  détruites.  Si  quelque  tefte 
des  arts  afiatiques  mérite  un  peu  notre  curiofité ,  et 
font  les  ruines  de  Perfépolîs  décrites  dans  plufieurs 
lif fes ,  &  copiées  dans  plufieurs  eilampès.  Je  fais  quelle 
admiration  infpirent  ces  mafures  échappées  aux  flam- 
beaux dont  Alexandre  &  la  courtifanne  Tais  mirent 
Perfépolîs  en  cendre.  Mais  était-ce  un  chef-d'œu- 
vre de  l'art  qu'un  palais  bâti  au  pied  d'une  chaîne  de 
rochers  arides  ?  Les  colonnes  qui  font  cncor  debout, 
ne  font  affurément  ni  dans  de  belles  proportions ,  lïi 
d'un  deffein  élégant.  Les  chapiteaux  furchargés  d'oN 
nemens  grofliers  ont  prefque  autant  de  hauteur  que 
le  fuft  même  des  colonnes.  Toutes  les  figures  font 
aufli  lourdes  &  aufTi  féches  que  celles  dont  nos  égli- 
fcs  gothiques  font  encor  malheureufement  ornées.  Ce 
font  des  monumens  de  grandeur  ,  mais  non  pas  de 
goût  ;  &  tout  nous  confirme  que  ^\  on  s'arrêtait  à 
l'hiftoire  des  arts,  on  ne  trouver  lit  que  quatre  fiécles 
dans  les  annales  du  monde;  ceux  d  Alexandre yà^ Au- 
giifle ,  des  Midicis  &  de  Louis  XIF, 

Cependant  les  Perfans  furent  toujours  un  peuple 
ingénieux.  Lokman ,  qui  eft  le  même  qu'EJope  ,  était 

âné  à  Casbin.  Cette  tradition  eft  bien  plus  vraifembla-    | 
blc  que  celle  qui  Ijs  fait  originaire  d'Ethiopie ,  pays    I 
où   I 


^ 


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m  «^teattiriag  "^W^ 


D  B    X  A   '  P  B  R  S  B.  3^7 


9 


on  il  «Y  eut  jamais  de  pUlorophes.  Les  dogmes  de 
rancien  Zerit^  ,  appelle  Zwoc^t  par  les  Grecs , 
qui  ont  changé  tols  les.  non»  orientaux ,  fubfiftaient 
encore.  On  leur  donne  neuf  mille  ans  d'andquité  ; 
car  les  Perfans  ,  ainfi  que  les  Egyptiens ,  les  Indiens , 
les  ChiiÉoit,  reculent  Torii^e  du  monde  autant  que 
d'autres  la  rapprockent»  Un  (econd  Zoroaftre  fons 
Darius  fils  A'Èiftafpis  ,  n'avak  fait  que  perfeâionner 
cette  antique  religion.  C'eft  dans  ces  dogmes  qu'on 
troQiw ,  âiafi  que  dansd'InA  f  VfanmortaUté  de  l'ame , 
ft  une  autre  vie  heurqife  on  malheoreure.  C'eft-là 
qu'on  voit  exprelTément  un  enfer.  Zoroaftre.  dans  les 
écrits  rédigés  dans  le  Sadder.,  tlit  queDiBCJ  lui  fit 
voir  cet  enfer ,  &  les  peines  réfef vées  aux  méchans  ; 
il  y  voit  plufieurs  rois  ,  un  entr'autres  auquel  il  man- 
quait un  pied  ;  il  en  demande  à  DiEU  la  raifon.  DlS(j 
lui  répond  :  Ce  roi  pervers  n*à  fait  qiCune  aSitm  de 
bontienfavie.  Il  vit  en  alU^vt  à' ta  cbaffe  $m  drcma'  A 
daire  qui  était  lié  trop  loin  de  fan  àùge ,  t^  qt$i  voulant  ; 
y  manger  ^  ne  pouvait  y  atteindre.  Il  approcha  F  auge 
iun  coup  de  pied  ;  fai  mis  f  on  pied  dans  le  ciel ,  tout 
Je  refle  ^  ici.  Ce  trait .  peu  connu  fait  voir  l'elpéce 
de  philofopfaie  qui  régnait  dans  ces  tems  reculés ,  phi- 
lofophie  toàjours  allégorique  ,  *&  quelquefois  très  pro« 
fonde.  Nous  avons  rapporté  ailleurs  ce  trait  iingulier 
qu'on  ne  peut  trop  faire  connaître. 

Vonsfare^  que  les  Babiloniens  furent  les  priéniers 
après  les  Indiens  qui  admirent  des  êtres  mitovens  en- 
tre la  Divinité  &  l'homme.  Les  Juifs  ne  donnèrent  des 
noms  aux  anges  que  dans  le  tems  de  leur  captivité  à 
Babilone.  Le  nom  de  &i^aif.paraitpourla  première  fois 
dans  le  livre  dé  Job  $  ce  nom  eft  per&n ,  &  on  prétend 
que  Job  l'était.  Le  nom  de  RapbaJel  eft  employé  par 
l'auteur ,  quel  qu'ilfoit  >  dcTobie  ,  qui  était  captif  à  Ni- 
nive  ,  &  qui  écrivit  en  caldéen.  Le  nom  d' (/raif/ même 
était  caldéen  &  fignifiait  voyant  Dieu.  Ce  Sadder  eft  l'a- 
brégé  du  Zenda-Vefta  ou  dnZend  l'un  des  trois  plus 
M  anciens  livres  qui  Ibient  au  monde ,  comme  nous  I'up 
j^        EJfaifur  les  mœurs ,  6fr.  Tom.  L  R 


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r. 


^S^  Du     S  A  B  D  E  II. 


IFOQS  dit  dans  la  philbfdphie  de  Phiftoife ,  Vi  fat 
.d'introdudtion  à  cet  ouvrage.   Ce  mot  ZendU'Vefta 

fignifiait  chez  les  Càldéens  le  culte  du  feu  ^  le  Aiidir 

éft  divifé  en  cent  articles  que  leg  orientaux  appriiaient 
^porUs  ou  fuifances  :  il  eft  important  de  le^  Krè ,  fi 

Fou  veut  connattre  quelle  était  la  morale  de  cèsaa- 
.^ens  peuple^.  Notre  ignorante  a:éduKté  fe  figure  tôt- 
^jours  que  nous  zvons  tout  inventé ,  que-tout  eft  venu 
;des  Jutfe  &  de  nous  qui  avons:  fuocédé  aux  Juifs  ;  on  eft 

bien  détronlpé  quand  on  #uille<ua  |>eu  dans  l'antiquité. 

Yôici  quelques-unes  de.<:es  portes  qui  rervirentimOQs 
til-cr  d'erreur. 

1ère.  Porté. 

Le  décret  du  très  jùfté  Piï;tJ  éft  que  lés  homincs 
foibdt  jÛRés  par  le  biâi  &  le  mal  qu'ils  auront  fait 
Leurs  adions  feront  pelées  dans  les  balàînces  de  l^équi- 
èé:  Les  botis  habiteront  là  lumière.  La  toi  les  délivrera 
de  Satan. 

IL 

Sî  les  vertus  remportent  fur  les  péchés ,  je  ciel  eft 
toii  partage  :  fi  les  péchés  l'emportent ,  l'enfer  eft  ton 
châtiment.  . 


,  Cbû  donne  Taumàne  eit  véritablement  m  homme  ; 
c'euleplus  grand  méritedans  notre faiâte  religion» && 

V  L  ^      ^ 

•  Célèbre  quatrfe  fois  par  jour  Ife  foleil  ;  célébré  la  lune 
to  commencement  du  moi^.   ' 

"  NB.  11  ne  dit  point  ,  *Adore  comme  des  Dieux  k 
fqlcil  &  la  lune  ,  mais* célébré  le  foleil  8t  la  lune  com- 
me ouyrsfges  du  créateur.  Les  anciens  Pcrfes  «'^étaient 
î)ojntfçnicôles ,  maisdeircoles,  comme  le  prouve  invin- 
ciblement  Thiftorién  Bfe'b  tfelfgioh  dès  Perfes.  - 


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j 


D  y     S  A  D  D  1  K. 


VÎI. 


*r? 


Di ,  Abmmmar  A  ^iU/n  r«i£A ,  quand  quelqu'un 
éternue. 

VB.  On  ne  rapporte  cet  article  que  pour  fkirç  voir 
de  quelle  prodigieufe  antiquité  eft  l'ufage  de  faluer 


ceux  qui  éternuent. 


IX. 


-         27  £.  Vo^  le  décalogiif» 


R   ij 


Fui  furtout  le  péché  contre  nature  ,  il  n'y  c^  a 
point  de  plus  grand. 

VB.  Ce  précepte  fait  bien  voir  combien  Se»tu$ 
Empirzcus  fe  trompe  ,  quand  il  dit  que  cette  in&mie 
était  permiCe  par  iiM  loix  de  FcgrfiB. 

XI. 

Aye  foin  d'entretenir  le  feu  facrc ,  c'eft  Tame  du    ft 
monde  ,  &c.  ^ 


NB.  Ce  feu  façré  devint  ui)  des  rites  de  plufieur^ 
nations. 

XI  I. 

N'enfevelis  point  les  morts  dans  des  draps  neufs  Sec. 

JSfB.  Ce  précepte  prouve  combien  fe  font  trompés 
tous  les  auteurs  qui  ont  dit  que  les  Ferfes  n'enfevcr 
lifFdient  point  leurs  morts.  L'ufage  d'enterrer  ou  de 
brûler  les  cadavres ,  ou  de  les  expofer  à  l'air  fur  des 
collines, a  yarié  fouvent.  Les  rites  changent  chez  tous 
liss  peuples ,  la  morale  feule  ne  change  pas^ 

XIII 

Aime  ton  père  &  ta  mère  ,  fi  tu  veux  yiyre  à 
jamais.^ 


ii|^|iig^j 


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260  D  r     s  A  D  D  B  R. 


f 


xv. 

Qixclque  chofc  qu'on  te  pîcfcntc ,  béni«  DiEU. 

XIX. 

Marie  toi  dans  ta  jcuncffc;  ce  monde  n'cft  qn*iin 
paffagc  ;  îl  faut  que  ton  fils  te  fuivc,  &  que  la  chaîne 
des  élres  ne  foit  point  interrompue. 

XXX. 

n  cft  certain  que  Dieu  a  dit  à  Zwoajhe ,  Quand 
on  fera  dans  le  doute  fi  une  aftion  eft  bonne  ou  mau- 
Taife ,  qu'on  ne  la  feflfe  pas. 

VB.  Ceci  eft  un  peu  contre  la  doârine  des  opi- 
nions  probables. 

XXXIII. 

<îue  les.  grandes  libéralités  ne  foîent  répandues  que 
fur  les  plus  digues  ;  ce  qui  eft  confié  aux  indignes  eft 
perdu. 

XXXV. 

Mais  s'il  s'agit  du  néceffaire  ,  quand  tu  manges , 
donne  auffi  à  manger  aux  chiens. 

XL. 

Quiconque  exhorte  les  hommes  à  la  pénitence ,  doit 
être  fans  péché;  qu'il  ait  du  zèle,  &  que  ce  zèle  ne 
foit  point  trompeur  ;  qu'il  nç  mente  jamais;  que  ton 
caradtère  foit  bon  ,  fon  ame  fcnfible  a  l'amitie ,  fon 
cœur  &  fa  langue  toujours  d'intelligence  ;  qu'il  foit 
éloigné  de  toute  débauche,  de  toute  injuftice  ,  de 
tout  péché  ;  qu'il  foit  un  exemple  de  bonté ,  de  juf- 
tice  devant  le  peuple  de  Dieu. 


'NB.  Quel  exemple  pour  les  prêtres  de  tout  pays  ! 
&  remarquez  que  dans  toutes  les  religions  de  l'Orient 
le  peuple  eft  appelle  le  peuple  de  Dieu. 


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I 


XLI. 

.  Quand  les  Fervardagam  viendront ,  fai  les  repas 
d'expiation  &  de  bienveillance  ,  ceU  eft  agréable 
au  créateur. 

l^B.  Ce  précq>te  a  quelque  refliembknce  aVec  Ici 
Aga$et. 

LXVII. 

Ne  mens  jamais  ,  cela  eft  infâme  y  quand  même 
le  menfonge  ferait  utile. 

NB.  Cette  doftrîne  eft  bien  contraire  à  celle  du       ^ 
menfonge  officieux. 

LXIX. 

Point  de  familiarité  avec  les  courtifannes.  Ne  cher- 
che à  réduire  la  femme  de  perfonne. 

LXX. 

Qu'on  s'abftienne  de  tout  vol  ,  de  toute  rapine. 
LXXL 


i 


res 


Que  ta  main  ,  ta  langue  &i  ta  penfée  foient  pu- 
-^5  de  tout  péché.  Dans  tes  afflidions  offre  à  Dieu 
ta  patience  ;  dans  le  bonheur  rends -lui  des  a^ons 
de  grâce. 

XCI. 

Jour  &  nuit  penfe  à  faire  du  bien ,  la  vie  eft  courte. . 
Si  devant  fervir  aujourd'hui  ton  prochain  tu  attends 
à  demain  ,  fais  pénitence.   Célèbre  les  fjx  Gabam^ 
bars  ;  car  Dieu  a  créé  le  monde  en  lix  fois  dau^ 
l'efpace  d'une  année  ,'  &c.  D^ns  le  tems  des  fix  Gu" 
bambkrs  ne  rcfufe  perfonne.    Un  jour  le  grand  roi^ 
Oiemsbid  orionn^L  au  chef  dp  fes  cuilines  de  don-* 
ner  à  manger  à  tous  ceux  qui  fe  préfenteraient  ;  le 
mauvais  génie  ou  Satan  fe  préfenta  fous  la  forme  d'un 

^      .  R  iij  ^ 


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ili6i  O  #    S  A  D  D  I  K.  à 


s 


i 


1 


Voyageur  :  quand  il  eut  dloé  >  il  demanda  encor  à 
manger  ^  Giemsbid  ordonna  qu'on  lui  fervît  un  bœuf; 
Satan  ayant  matigé  \t  bofeuf  ^  Gifmsbii  lui  fit  rcrrir  des 
choraux  ;  SoMm  en  ëemanda  etiôor  d'autres.  Alors 
le  jufteDiEU  envoya  l'ange  Bebman^  qui  chaffa  le  dia- 
ble ;  mais  Taâian  de  Gienisbid  fut  agréable  à  DiEV. 

.  VB.  On  reconnaît  bit n  le  génie  oriental  dans  cette 
allégorie. 

Ce  font  li  les  principaux  dogmes  *des  anciens  Fef- 
fes.  Frefque  tous  font  conformes  à  la  religion  na- 
turelle de  tous  les  peuples  du  monde  ^  les  cérémo^ 
nies  font  partout  différentes  ;  la  vertu  eft  partout  la 
même  ;  c'-eft  qu'elle  vient  de  Dieu  ,  le  refte  eft  àtB 
hommes. 

Nous  remarquerons  feulement  qoe  les  Parfis  eurent 
toujours  un  batéme  ,  &  jamais  la  circoncifion.  Le 
batéme  eft  commun  à  toutes  les  anciennes  nations  de 
rOrient  ;  la  cîrconçîfion  des  Egyptiens; ,  des  Arabes 
&  dfes  Juife  ,  éft  Infiniment  poiiérieure  ;  car  rien 
n'eft  plus  naturel  que  tle  iè  laver  :  Il  a  falq  bien  des 
fiécles  ,  avant  d'imaginer  qu^une  opération  contre  la 
jiature  &  contre  la  pudeur  pût  plaire  i  TEtire  des 
écrés. 

Nous  paffons  tout  ce  qui  concerne  des  cérém(K> 
nies  inutiles  pour  nous  ^  ridicules  à  nos  yeux  ,  liées 
à  des  ufages  que  nous  ne  connaiiïbns  plus.  Nous  fup- 
prîmons  auffi  ëoutes  les  ampKfications  orîentaljps ,  & 
^ùtes  ces  figures  gî|;ftntel^ues  Incohérentes  &  fauffes , 
•fi  familières  i  totis  ces  peuples ,  che2  Içfqucls  il  n^y 
'a  peut-être  jànfeîs  ^eu  que  l'auteur  des  fkbles  attribuées 
"klEfife  y  qoi  âîtécHt  naturellement. 

'  Nous  favotïs  aRbz  tjue  le  ton  goftt  n*a  jamïiîs  été 
connu  dans  TOrîtent ,  pai'ce  xpxt  les  hontmcs  n*y  ayant 
jamais  vécu  tn  fociété  avec  les  femmes  >  A  ayant 


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«5*«^ 


riAa 


De    la    Pek$8. 


prefque  toujours  été  dans  la  retraite  -,  n'eurent  pas 
les  mêmes  occafions  de  fe  former  TefprH ,  q^u'Cûrent 
les  Grecs  &  les  Romains.  Qtcz  aux  Arabes  ,  aux  Pcr- 
fans  ,  aux  Juifs  le  foleil  &  la  Iwie  ^  les  montagnes 
&  les  vallées  ,  les  dragons  &  les  badlics  ,  il  né  leur 
refte  prefque  plut  de  po4ffie. 

Il  fuffit  de  favoîr  que  ces  préceptes  dé  Zoroaflre 
rapportés  dans  le  SacUrr  ,  font  de  Tanthiulté  la  plus 
haute  ^  qu^il  y  eft  parlé  de  rois  dont  Bfroje  lui-mê- 
me ne  fait  pas  mention. 

Noos  ne  favons  pas  quel  était  le  prcmîjer  Zoroaf» 
tre  ,  en  ^uel  tem?  il  vivait  ,  fi  c'eft  le  Br^fna  des 
Indiens  ,  &  V Abraham  des  JmJEs  :  mais  nous  favons 
à  n'en  pouvoir  douter  ,  que  fe  reHgion  ejnfeîgnaît 
la  vertu  ;-c^eftiebut  effenticl  de^toytcs  les  .relîjpbns  ; 
elles  ne  peuvent  jamais  en  avoir  eu  d'autre  ;  car  îF 
n'eft  pas  dans  la  nature  humaine  ,  quelque  abrutie 
qu'elle  puifTe  être  >  de  croire  d'abord  à  un  homme 
qui  viendrait  enfeigner  le  crime. 

Les  dogmes  du  Sadder  nous  prouvent  encor  ^uè' 
les  Perfes  n^étaient  point  idolâtres.   Notre  ignorant^ 


1 


mémcs  d'idolâtres.  Tous  nos  anciens  livres  italiens^> 
français ,  efpaçncrls ,  appellent  les  majibmétant  fflyjtns , 
&leur  enipire  hpaganie.  Nous  reffenAliôns  dans  ces 
tems-là  aux  Chinpis ,  qui  fecroyàîentiefeul  peuple  rai- 
fonnable ,  $c  qui  n'accordaient  pas  auX  autres  hommes  la 
figure  humaine.  La  raifon  eft  to]ijours  venue  t^rd  ;  c'eft. 
une  divinité  qui  n'eft  appafue  qu*à  peu  de  pçrfortncs. 

Les  Juifs  imputèrent  aux  chrétiens  des  repas  de 

TMeflê  /&  des  noces  6^:Ûedîpe  «  le^  fArêtiçttt  alix 

payèns  ;  toutes  les  iiades  f'ac0u(èpeat  jnutiiellf pieut 

des  plus  ^cand|  crimes  r-  YiÉàucas^  s'çft  «idotnnté.   i 

&  R  iiîj 


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La  dodtrine  des  deux  principes  eft  de  Zoroqjhe. 
Orofmade  ou  Oromaze  Tançien  des  jours  ,  &  Aru 
fnane  le  génie  des  ténèbres ,  font  l'origine  du  mani- 
chcïfme.  C'cft  VOpris  &  \z  Typhon  des  Egyptiens  } 
ç'eft  la  Pmdore  àts  Grecs  ,  c'eft  je  vain  effort  de 
tous  les  (âges  pour  expliquer  Torigine,  du  bien  &  du. 
maV  Cette  théologie  des  mages  fut  refpetftée  dans 
rOrient'  fous  tous  les  gourernemens  ;  èc  au  milieu 
de  toutes  les  révolutions  ,  l'ancienne  religion  s'était 
toujours  foutenue'en  Perfe.  Ni  les  Dieux  des  Grecs, 
ni  aautreS  divinités  n'avaient  prévalu. 

:  NousbirvoH  ou-  Cofroh  lé  grand  ,  fur  la  fin  du  li- 
xiéme  fiécle  ,  avait  étendu  fon  empire  dans  une  partie 
dé  l'Arabie  pétrée  ,  &  de  celle  Qu'on  nommait  heu- 
y:\xk*  Il  en  avait  cbaiTe  les  Abimns ,  demi-chrétiens 
qui  t'avaient  envahie.  II  profcrivit  ,  autant  qu'il  le 
put ,  te  chriftianifme  de  fes  propres  états  ,  forcé  à  il 
^  cette  fevérité  par  le  crime  d'un  fils  de  fa  femme ,  S 
qui  s^étant  fidt  chrétien,  {e  révolta  contre  Iui<  ■' 

Les  cnfans  du  grand  Nousbirvan  ,  indignes  d'uii 
tel  père  ,  défolaient  la  PerCe  par  des  guerres  civiles 
&  par  des  parricides.  Les  iuccefieurs  du  légillateur 
JuJiinUn  aviliffaient  le  nom  de  l'empire.  Maurice 
venait  d'être  détrôné  par,  les  armes  de  Pbocas  ,  & 
par  les  intrigues  du  patriarche  Cyriaque  &  de  quel- 

Îjues  évcqi^es  ,  que  Pbocâs  punit  enluitc  de  l'avoir 
ervi.  Le  fang  ae  Maurice  &  de  fes  cinq  fils  avait 
coulé  fous  la  main  du  bourreau  ;  &  le  pape  &re- 
goire  le  grand  y  çnntmi  des  patriarches  de  Conilan- 
tinople  ,  tâchait  d  attirer  je  tyran  Pbocas  dans  fon 
parti ,  en  li;i  prodiguant  des  louanges  ,  &  en  con- 
damnant la  ^én^oire  de  Maurice  ^  qu^il  avait  loué 
pendant  fa  Vie. 

L'empire  de  Rome  en  Occident  était  anéanti  ;  un 
déluge  de  barbares  ,  Goths  ,  Hérules  ,  Huns  ^  Van- 
P     dales  )  Francs ,  inondait  l'Europe  »  quand  Mahomet     ^ 


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De    la    Pèrbb. 


26% 


jettait  ,  dans  Ité  déferts  dé  l'Arabie ,  les  fondeinena 
de  la  religion  &  de  la  puiflanoe  mufulmane* 


I 


8 


CHAPITRE    SIXIÈME- 

be  t Arabie  ,  6?  de  Mahomet. 

DE  tons  les  légîflateurs  &  de  toiis  les  conquéralis , 
il  n'en  eft  aucun  dont  la  Vie  ait  été  écrite  avec 
plus  d'autenticité  &  dans  un  plus  grand  détail  par 
fe  contemporains  :  ôtez  de  cette  vie  les  (Prodiges 
dont  cette  partie  du  monde  fut  toujours  infatuée , 
le  refte  eft  d'une  vérité  reconnue.  Il  naquît  dans  la  ^ 
ville  de  Mecca ,  que  nous  nommons  la  Mecque  ,  l'art 
579  de  notre  ère  vulgaire  au  mois  d'Avril.  Son  père 
s'appellaît  Ahdala  ,  fa  mère  Emtna  :  il  n'eft  pas  doii* 
tcux  que  fa  famille  ne  fût  une  des  plus  confidétées 
de  la  première  tribu  ,  qui  était  celle  des  Coracites. 
Mais  la  généalogie  qui  le  fait  defcendre  è! Abraham 
en  droite  ligne  ,  eft  une  de  ces  febles  inventées  par 
ce  déiir  fi  naturel  d'en  iitopofer  aux  homitoes. 

Les  mœurs  &  les  fuperftitions  des  premiers  âges 
que  nous  connaiffons ,  s'étaient  confervées  dans  l'Ara- 
bie. On  le  voit  par  le  vœu  que  fit  fon  grand-père 
Abdala  Moutaleb  de  facrifier  un  de  fes  enfàns.  Une 
prétrefle  de  la  Mecque  lui  ordonna  de  racheter  ce 
fils  pour  quelques  chameaux ,  que  l'exagération  arabe 
fait  monter  au  nombre  de  cent.  Cette  prétrefle  était 
confacrée  au  culte  d'une  étoile  qu'on  croît  avoir  été 
celle  de  Sirius  ,•  car  chaque  tribu  avait  fon  étoile 
ou  fa  planète,  (a)  On  rendait  auflî  un  culte  à^  des 
génies ,  à  des  Dieux  mitoyens  ;  mais  on  reconnaiffait 

(  «  )  Voyez  le  Koran  &  la   r   avait  demenrc|vingt*ciiiq  ans 
préface  dn  Koran ,  écrite  par   I    eu  Arabie. 
je  favant  &  judicic ux  Sale  qui   I 


^Sft^s* 


'l^pilWyi 


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I 

- 


266  De    l'Arabib, 


yprr  ■  JimJgK&^^A  I  ■  i#^ 


un  DiBU  {upéneVLT  ;  &c'eft  en  quoi  prefijue  tous  les 
peuples  fe  font  accordés. 

AbdaJa  MouiaJeb  vécut  t  dit -on  «  cent  dix  ans; 
fon  petit-fils  Mahomet  porta  les  armes  dès  l'âge  de 
quatorze  ans  dans  une  guerre  fur  les  confins  de  la 
Syrie  ;  réduit  à  la  pauvreté  ,  un  de  fes  oncles  le 
donna  pour  fadteur  à  une  veuve  nommée  Cadisbi , 
qui  faifait  en  Syrie  un  négoce  confidérable  ;  il  avait 
alors  vingt-cinq  ans.  Cette  veuve  épouCi  bientôt  fon 
faâeur  ,  6^  Tonde  de  Mahomet  qui  fit  ce  mariage 
donna  douze  onces  d'or  à  fon  neveu  :  environ  neuf 
cent  francs  de  notre  monnoie  furent  tout  le  patri- 
moine de  celui  qui  devait  changer  la  ^e  de  la  plus 
grande  &  de  la  plus  belle  partie  du  monde.  Il 
vécut  obfcur  avec  fa  première  femme  Cadisbi  ,  juf- 
qu'à  rage  de  quarante  ans.  Il  ne  déploya  qu'à  cet 
igt  les  talens  qui  le  rendaient  fupérieur  à  fes  com- 
patriotes. Il  avait  une  éloquence  vive  &  forte  ,  dé* 
pouillée  d'art  &  de  méthode  ,  telle  qu'il  la  falait 
à  des  Arabes  ;  un  air  d'autorité  &  d'infinuation  ,  ani- 
mé par  des  yeux  perçans  &  par  une  phyfionomie  heu* 
reufe^  Tintrépîdité  A^Jlexandre^  fa  libéralité  ,  &la 
fobriété  dont  Alexandre  aurait  eu  befoin  pour  être  un 
grand-homme  en  tout. 

li'amour  ,  qu'^jn  tempérament  ardent  lui  rendait 
nécefTdire  ,  &  qui  lui  donna  tant  de  femmes  &  de 
concubines  ,  n'affaiblit  ni  fon  courage ,  ni  fon  appli- 
cation ,  ni  fa  funté.  C'eft  ainfi  qu'en  parlent  les  con* 
teiitporains  >  &  ce  portrait  eft  juftifié  par  fes  adions. 

Après  avoir  bien  connu  le  caradtère  de  fes  conci- 
toyens  ,  leur  ignorance  ,  leur  crédulité  &  leur  dif- 
pofition  à  Tentoufiafme ,  il  vit  qu'il  pouvait  s'ériger  * 
en  prophète.  Il  forma  le  deflein  d'abolir  dans  fa  pa- 
trie le  fabifme  ,  qui  confifte  dans  le  mélange  du  culte 
de  Dieu  &  de  celui  des  aftres  ,  le  judaïfme  détefté 
de  toutes  les  nations  ,  &  qui  prenait  une  grande  fu- 


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W^ti^ 


eta^ 


ET   DE    Mahomet.      i6f    \ 

périorité  dans  l'Aribie  ,  enfin  le  chrîftianifme  qu'il 
ne  connaiflaic  que  par  les  abus  de  plufieurt  feébet 
répandues  aptour  de  (on  pays  ;  il  prétendait  rétablir 
le  culte  flmple  d* Abraham  ou  Ibrahim  ,  dont  il  fe 
difait  defcendu'  y  6c  rappdler  les  hommes  à  l^unité 
d'un  Dieu  ,  dogme  qu'il  s'imaginait  être  défiguré 
Kdans  toutes  les  religions.  Ceft  en  effet  ce  qu'il  dé- 
clare expreflement  dans  le  troifiéme  Sura  ou  chapi- 
tre de  fon  Koran.  Dieu  conuaii  ,  ^  vous  ne  con* 
uaiffez  pas.  Abraham  nUtait  tu  juif  ni  chrétien  ,  mait 
il  &aif  de  ia  vraie  religion.  Son  cœur  était  réfigné  à 
Dieu  ;  il  9f était  foint  du  nombre  des  idolâtres. 

Il  eft  à  croire  que  Mahomet  comme  tous  lec  en-i 
toufiailes  ,  violemment  frappé  de  fes  idées  ,  les  dé- 
bita d'abord  de  bonne  foi  ,  les  fortifia  par  des  ré- 
reries  ,  fe  trompa  lui-même  en  tfx>mpant  les  autres, 
&  appuya  enfin  par  des  fi)urberies  néceflaires  une 
dodrine  qu'il  croyait  bonne.  Il  commença  par  fe 
faire  croire  dans  fa  maifon  ^  ce  qui  était  probable- 
ment le  plus  difficile  ;  fa  femme  &  le  jeune  Aly 
mari  de  fa  fille  Fatime  furent  fes  premiers  difciples. 
Ses  coflcitoycnfi  s'élevèrent  contre  lui  ;  il  devait  biea 
s'y  attendre  :  fa  réponfe  eux  menaces  des  Coradtes 
marque  à  la  fois  ùin  caradère  &  ta  manière  de  s'eic- 
primer  commune  de  (à  nation.  Qfumd  vous  viendriez 
à  moi  ,  dit41  ,  avec  le  fokii  à  la  droite  &  la  kme 
à  Ja  gauche  ,  je  ne  reculerai  pas  dans  ma  carrière. 

Il  n'avait  encor  que  feîïe  difciples  ,  en  comptant 
quatre  femmes  ,  quand  il  fut  obligé  de  les  faire  for- 
tîr  de  la  Mecque  ou  ils  étaient  perfécutés  ,  &  de  les 
envoyer  prêcher  fe  religion  en  Ethiopie  ;  pour  lui 
il  ofa  refter  à  la  Mecque  ,  où  îl  aflFfonta  fes  enne- 
mis ,  &  ft  fit  de  nouveaux  profélytcs  qu*il  envoya  encor 
en  Ethiopie  au  nombre  de  cent.  Ce  qui  affermît  le 
plu«  fa  réHgfîon  naîflGinte ,  ce  fiit  la  conveffion  è'Omeer 
qui  tavattlongternsperCcctité.  Omar  ,  qui  depuis  de- 
vint un  fi  grand  conquérant  ,  sTécrta  dans  une^flem- 


^^^êl¥^ 


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f  «« 


3 


D«    l'âràbi 


I 


bléc  nombrcure  ;  J^attejie  qt^ii  f^^  a  ^im  DiEU , 
qu'il  n'a  ni  compagnon  ,  ni  affocié  ,  ^  que  Mabo* 
met  eji fon  ferviteur  &  fin  fropbiteh 

Le  nombre  de  fes  ennemis  remportait  èncor  fur 
fes  partif^ns.  Ses  difciples  fe  répandirent  dans  Mé- 
dine  ;  ils  y  formèrent  une  fadion  conMérable.  Ma^ 
bomet  perfécuté  dans  la  Mecque,  &  conŒimné  à  mort , 
s'enfuit  à  Médine.  Cette  fuite  qu'on  nomme  Egire  , 
devint  Tépoque  de  fa  gloire  &  de  la  fondation  de  Ton 
tmpire.  Defligitif  il  devint  conquérant.  S'il  n'avait  pas 
été  perfécuté ,  il  n'aurait  peut-être  pas  réufli.  Réfugié  à 
Médine ,  il  y  perfuada  le  peuple  &  l'aflervit.  Il  battit 
d'abord  avec  cent  treize  hommes  les  Mecquois 
qui  étaient  venus  fondre  fur  lui  au  nombre  de  mille. 
Cette  viAoîre ,  qui  fut  un  miracle  aux  yeux  de  fes 
fedtateurs ,  les  perfuada  que  DtEU  combattait  pour 
eux  comme  eux  pour  lui»  Dès  la  première  viâoi- 
re ,  ils  efpérèrent  la  conquête  du  monde.  Mahomet 
prit  la  Mecque  ^  vit  fes  perfécuteurs  à  fes  pieds  , 
conquit  en  neuf  ans  ,  par  la  parole  &  par  les  ar- 
mes ,  toute  l'Arabie  s  psiys  aufli  grand  que  la  Ferfe , 
&  que  les  Perfes  ni  les  Romains  n'avaient  pu  con- 
quérir. Il  fe  trouvait  à  la  léte  de  quarante  mille 
hommes  tous  enyvrés  de  fon  entouGafme.  Dans  fes 
premiers  fuccès  ,  il  avait  écrit  au  roi  de  Perfe  Cof^ 
rois  fécond  s  à  l'empereur  Hiraclius ,  au  prince  des 
Coptes  gouverneur  d'Egypte ,  au  roi  des  Abiffins ,  à 
un  roi  nommé  Monàar  ,  qui  régnait  dans  une  pro- 
vince près  du  golphe  Ferfique. 

Il  ofa  leur  propofer  d'embraiTet  fa  religion  ;  &  ce 
qui  eft  étrange  ,  c'eft  que  de  tes  princes  il  y  en  eut 
deux  qui  fe  firent  mahométans  ;  ce  furent  le  roi  d'A- 
biflinie  &  ce  Mondar.  Cofrois  déchira  la  lettre  de 
Mahomet  avec  indignation.  Hiraclius  répondit  par 
des  préfens.  Le  prince  des  Coptes  lui  envoya  une 

.fille  qui  paiTait  pour  un  chef-  d'oeuvre  de  la  natu- 

.re ,  &  qu'on  appcllait  /«  belle  Marie, 


il 


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7  etd^Mahovst.     969    i 

Mabome$^  au  bout  de  neuf  ana  fe  croyaat  ailes 
fort  pour  étendre  fes  conquêtes  &  fa  i:eligion  chez 
les  Grecs  &  chez  les  Perfes  ^  conimeni;a  par  attaquer 
la  Syrie  foumife  alors  à  Hiraclius ,  &  lui  prit  quel- 
ques villes.  Cet  empereur ,  entêté  dç  difputes  mé* 
taphyfiques  de  religion  ,  &  qui  avait  pris  le  parti 
des  monothélites  ,  efluya  en  peu  de  tems  deux  pro- 
pofitions  .bien  iingulières  ;  Tune  de  la  part  de  Cof^ 
roès  fécond ,  qui  Pavait  lon^cems  vaincu ,  &  l'autre 
de  la  part  de  Mabonut.  Cojrois  voulait  (\\x* Hiraclius 
embraflât  la  religion  des  mages  ,  &  Mabonut  qu'il 
fe  fit  mufulman. 

Le  nouveau  prophète  donnait  le  choix  à  ceux  qu'il 
voulait  fubjuguer ,  d'embralTer  fa  fe<fte ,  ou  de  payer 
un  tribut.  Ce  tribut  était  réglé  par  l'Alcoran  à  treize 
drâgmes  d'argent  par  an  pour  chaque  chef  de  fa- 
\  mille.  Une  taxe  fi  modique  eft  une  preuve  que  les  é  ^ 
<  [  peuples  qu'il  fournit  étaient  pauvres.  Le  tribut  a  aug-  '  | 
mente  depuis.  De  tous  les  légiflateurs  qui  ont  fondé 
des  religions  ,  il  eft  le  feul  qui  ait  étendu  la  iienne 
par  les  Xïonquétes.  D'autres  peuples  ont  porté  leur 
culte  avec  le  fer  &  le  feu  chez  des  nations  étran- 
gères ;  mais  nul  fondateur  de  feéte  n'avait  été  con- 
quérant. Ce  privilège  unique  eft  aux  yeux  des  mu- 
fulmans  l'argument  le  plus  fort ,  que  la  Divinité  prit 
foin  elle-même  de  féconder  leur  prophète. 

Enfin  Mahomet^  maître  de  l'Arabie,  &  redouta- 
ble à  tous  fes  voifins ,  attaqué  d'une  maladie  mor- 
telle à  Médine  à  Page  de  foixante  &  trois  ans  & 
demi,  voulut  que  fes  derniers  momens  paruflenticeux 
d'un  héros  &  d'un  jufte  :  Que  celui  à  qui  fat  fait 
violence  ^  injuftice  faraiffe ,  s'écria- 1- il ,  &  je  Juif 
prêt  de  lui  faire  réparation.  Un  homipe  fe  leva ,  qui. 
lui  redemanda  quelque  argent  ;  Mahomet  le  lui  fit 
donner ,  &  expira  peu  de  tems  après  ,  regardé  comme 
gf  un  grand -homme  par  ceux  même  q^ui  lavaient  qi^'il  jr^ 
»  « 


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& 


% 


2yo  De    Ï-' Arabie, 

était  un  impofteur  »  Sç  tévéxé  comme  un  prophète 
pac  tout  le  relie. 

Ce  n*était  pas  fans  doute  un  ignorant ,  comme 
quelques-uns  l'ont  prétendu.  Il  falait  bien  même  qu'il 
filït  très  favant  pour  fa  nation  &  pour  fpn  tems  , 
puifqu'on  a  de  lui  quelques  aphorifmes  de  médeci- 
ne ,  6c  qu'il  réforma  le  calendrier  des  Arabes  comme 
Céfar  celui  des  Romains.  Il  fe  donne  k  la  vérité  4e 
titre  de  prophète  non  lettré  ;  mais  on  peut  favoir 
écrire  &  ne  pas  s'arroger  le  nom  de  fayant.  Il  était 
poëte  ;  la  plupart  des  derniers  verfets  de  fes  chapi- 
tres font  rimes  ;  le  refte  eft  en  profe  cadencée.  La 
poëGe  ne  fervit  pas  peu  à  rendre  fon  Alcoran  rcf- 

Eeétable.  Les  Arabes  faifaient  un  très  grand  cas  de 
i  poéfie  ,  &  lors  qu'il  y  avait  un  bon  poëte  dans  une 
tribu  ,  les  autres  tribus  envoyaient  une  ambalTade 
de  féUcitation  à  celle  qui  avait  produit  un  auteur 
qu'on  regardait  comme  infpiré ,  &  comme  utile.  On 
affichait  les  meilleures  poëfies  dans  le  temple  de  la 
Mecque  ;  &  quand  on  y  afHcha  le  fécond  chapitre 
de  Mahomet ,  qui  commence  ainfi  ,  //  ne  f^ut  point 
douter  ,  c^ejl  ici  la  fcience  des  jujies  ,  de  ceux  qui 
çroyent  au»  myjiires  ,  qui  prient  quand  il  le  faut , 
qui  donnent  avec  ginirqjiti ,  &c.  alors  le  premier  poëte 
de  la  Mecque  ,  nommé  Ahid  ,  déchira  fes  propres 
vers  affichés  au  temple ,  admira  Mohomet  &  fe  rangea 
fous  fa  loi.  (a)  Voilà  des  mœurs  ,  des  ufages  ,  des 
faits  fi  différens  de  tout  ce  qui  fe  pafTe  parmi  nous  , 
qu'ils  doivent  nous  montrer  combien  le  tableau  de  l'u- 
nivers eft  varié  ,  &  combien  nous  devons  être  en 
garde  contre  notre  habitude  de  juger  de  tout  par 
nos  ufages. 

Les  Arabes  contemporains  écrivirent  la  vie  de  Ma-^ 
homet  dans  le  plus  grand  détail.  Tout  y  reifent  la 
fimplîcité  barbare  des  tems  qu'on  nomme  héroïques. 

(  a  }  Life?  le  commencement  du  Kormi  il  eft  fublime. 


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.  Son  contrat  de  mariage  aveclk  pfuyiière  femme  CûâUié 

,  eft  exprimé  en  ces  mots  :  Aittnàu  que  Cadishé  ^ 

,am^M4rn^e  de  Mahomet  ,  &  Mahomet  fareUitmet^ 

,ampureux  d'elle.  On  voit  quels  repas  Qpprétaient  ^s 

femmes:  qn^ipprend  le  nom  de  fes  épées ,,  &  de  les 

chevaux.  On  peut  remarquer  fiirtout  dans  (on  peuple 

des  mœurs  conformes  à  ceUes  de»  anciens  Hébtetm , 

(je  ne  parle  ici  que  des  mesurs)  (a  même  ardeur  à 

courir  au  combat  au  nom  de4a  Siviaité  «  la  même  Jbif 

du  butin  t  Iç  même  partage  des  dépouilles:  v  &  ibilt  fe 

rapportant  à  cet  objet 

Mats. en  ne  confidécailt  idqiiè  lec  diafes  humaines, 
&  en  fin&nt  toujours  afaAràidU»n.  des  jogooiené  Se 
DiBU ,  &.  de  Tes  votes  îùconnués  ^  ^urquoi  Mnbbnièf 
&  fes  fm^ddOEeMt^^  <i^i  ootnmendèreht  kUrs  conquê- 
tes préciCement  comme  les  .Imfs  41  firent-^ib  de  fi  graâ. 
detoht)&fe,  &  les  Juifs  de. fi  pfetttJèsl  Ne  feratt^e  ^xiitit 
.parce  que  les  mufuhnans  euréht  it  plus  grand  fein 
de  foumettre  lés  vaincvs  à.  lomr.  rel^ion ,  tantôt ^r 
la  force ,  tantôt  par  la  perfuaGon  ?  Les  Hébreux  ou 
contraire  n'aiFocièrent  guères  les  étrangers  à  leur  culte. 
Les  aufiilonns  Acabes  incorpoIréDeiU  à  eta4e!iau!tres 
nations;  les  Hébreux  s'en  tinrisntitoâjoutsfépacés.  Il 
parait  en&n  que  les  Arabes  eureiit  ud.enioufiafitie 
plus  courageux  ,  une  politsqiieplosTgéiiéfeufe&pliis 
hardie.  Lepo^çHébi^  avaii  en  hoireilr  leseiltrbs 
notions,  ^  oaigoait  toujours  d^étve  «pffervi.  Le  peok 
pie  Arabe  au  contraire  voidut  attii et  tout  à  lui ,  #1: 
4k  crut  fait  pour  dominer. 


Si  ces  IGnaélites  reflemblaient  aux  Juifs  par  l'en- 
.toufiafme  ^  par  la  foif  du  piUage,  ils  étaient  ^bdi- 
gieufement  ûipérieurs  par  le  courage  ,  par  ta  gran- 
deur d'ame ,  par  la  magnanimité  :  leur  hiftoire  ,  xni 
vraie  ou  fabulcule  avant  Mahomet^  cft  remplie  d'exerti* 

Eles  d'amitié  tels  que  la  Grèce  en  inventa  dans  les  fa- 
les:  te  1NM&&  ^Orefie,  de    Thifei  &  de  Pirri^ 
tmi*  L%ift9it9  des  Bantydctdes  iiVft  qu'une  fmte  èo 


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272  Des  premiers  successeurs 


générofités  inouies  qui  aèrent  Tame.  Ces  traits  ctrac* 
térifent  une  nation.  On  ne  voit  au  contraire  dan9  ton- 
tM  les  annales  du  peuple  Hébreu  aucune  aftion  gé« 
néreufè.  Us  ne  connaiflfent  ni  rhofpitalité>nilalîbé« 
ralité ,  ni  la  clémence.  Leur  fouverain  bonheur  eft 
d'exercer  Tufitre  avec  les  étrangers  ;  &  cetefprit 
•  d*ofiire ,  principe  de  toute  lâcheté ,  eft  tellement  en- 
raciné dans  leurs  cœurs,  que  c'eft  Pobjet  continuel 
des  figures  qu'ils  employent  dans  refpèce  d'éloquence 
qui  leur  eft  propre.  Leur  gloire  eft  de  mettre  à  feu  & 
à  fang  les  petits  villages  dont  ils  peuvent  s'emparer.  Ils 
égorgent  les  vieillards  &  les  en&ns  ;  ils  ne  réfenrent 

Îne  les  filles  nubiles  ;  ils  aOaiCnent  leurs  maîtres  quand 
s  font  efclaves  ;  ils  ne  fiivent  jamais  pardonner  quand 
ils  font  vainqueurs;  ils  font  les  ennemis  du  genre-ho- 
main.  Nulle  politefle,  nulle  fcience,  nul  art  perfec- 
tionné dans  aucun  tems  chez  cette  nation  atroce.  JHaii 
dès  le  fécond  fiécle  de  l'égire ,  les  Arabes  deviennent 
les  précepteurs  de  l'Europe  dans  les  fciences  &  dans 
les  arts  ,  malgré  leur  loi  qui  femble  l'ennemie  des 
arts. 

La  dernière  volonté  At  Mahomet  ne  fut  point  exé- 
cutée. Il  avait  nommé  Aty  fon  gendre ,  époux  de  Fa- 
$ime ,  pour  l'héritier  de  fon  empire.  JVUis  l'ambition, 
qui  l'emporte  (br  le  fànatifme  même ,  engagea  les  chefs 
de  fon  armée  à  déclarer  calife ,  c'efli^-dlrc  vicaire  du 
prophète ,  le  vieux  Abubikn  fon  beau-père ,  dans  l'ef- 
^pérance  qu'ils  pouraient  bientôt  eux-mêmes  partager  la 
fucccffion.  Aly  refta  dans  l'Arabie ,  attendant  le  teffls 
de  (e  fignaler. 

Cette  divîfion  fut  la  première  fcmence  du  grand  fchif- 
me  qui  fépare  aujourd'hui  les  fedatcurs  A^Omar  & 
ceux  &Aiy  ,  les  Sunni  &  {les  Chias ,  les  Turcs  &  les 
Perlans  modernes. 

.    Abitbéker  raflcmbla  d'abord  en  un  corps  les  ftwl- 
,Ies  éparfcs  de  l'Alcoran.  On  lut  »  en  préfence  d« 


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DB    Mahomet.  273 

tous  les  chefs ,  les  chapitres  de  ce  lirfc  ,  écrits  les 
uns  fur  des  feuilles  de  palmier  ,  les  autres  fur  du 
parchemin  ,  &  on  établit  ainfi  fon  autenticitc  inva- 
riable. Le  refped:  fuperftitieux  pour  ce  livre  alla 
jufqu'àfeperfuader  que  Toriginal  avait  été  écrit  dans  le 
ciel.  Toute  la  queftion  fut  de  favoir  s'il  avait  été  écrit 
de  toute  éternité  ,  ou  feulement  au  tems  de  Maho- 
met.  Les  plus  dévots  fe  déclarèrent  pour  Téternité. 

Bientôt  Abubiker  mena  fes  mufulmans  en  Paleftîne , 
&  y  défit  le  frère  d*HéracIius.  Il  mourut  peu  après 
avec  la  réputation  du  plus  généreux  de  tous  les  hom- 
mes ^  n'ayant  jamais  pris  pour  lui  qu'environ  quarante 
fous  de  notre  monnoie  par  jour  de  tout  le  butin 
qu'on  partageait ,  &  ayant  fait  voir  combien  le  mé- 
pris des  petits  intérêts  peut  s'accorder  avec  l'ambi- 
tion que  les  grands  intérêts  infpirent. 

Mubiker  pafle  chez  les  Ofmanîis  pour  un  ^rand- 
homme  &  ^ur  un  mufulman  fidèle.  C'cft  un  des 
faints  del'Alcoran.  Les  Arabes  rapportent  fon  teftament 
conçu  en  ces  termes:  Au  nom  àeDiEU  tris  miJerU 
cordieux  ,  voici  le  teflament  rf'Abubéker ,  fait  dans  le 
tems  qu*il  eji  prêt  à  pajfer  de  ce  monde  à  t autre , 
Âans  le  tems  où  les  infidèles  croyent ,  où  les  impies  cef- 
fent  de  douter ,  &f  où  les  menteurs  difent  la  vérité. 
Ce  début  femble  être  d'un  homme  perfuadé.  Cepen- 
dant Abubéker ,  beau-père  de  Mahomet ,  avait  vu  ce 
prophète  de  bien  près.  Il  faut  qu'il  ait  été  trompé 
lui-même  par  le  prophète,  ou  qu'il  ait  été  le  com- 
plice d'une  impofture  illuftre  qu'il  regardait  comme 
néceffaire.  Sa  place  lui  ordonnait  d'en  împofer  aux 
hommes  pendant  fa  vie  &  à  fa  mort. 

^mar ,  élu  zçths  lui ,  fiït  un  des  plus  rapides  con- 
quérans  qui  ayent  défolé  la  terre.  Il  prend  d'abord 
Damas ,  célèbre  par  la  fertilité  de  fon  territoire,  par 
les  ouvrages  d'acier  les  meilleurs  de  l'univers ,  par 
ces  étoffes  de  foie  qui  portent  encore  fon  nom.   Il 

EJfaifur  les  mœurs ,  îic  Tom.  L  S 


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274  Des  Premiers  successeurs         )' 


chaffe  de  la  Syrie  &  de  la  Phénicie  les  Grecs  qu'on 
appellait  Romains.  Il  reçoit  à  compofirion ,  après  un 
long  fiége ,  la  ville  de  jéi'uralem  ,  prefque  toujours 
occupée  par  des  étrangers  ,  qui  fe  fuccédèrent  les 
uns  aux  autres  depuis  qye  David  Teut  enlevée  à  fes 
ancîerts  citoyens  :  6e  quî  mérite^  la  plus  grande  atten- 
tion ,  c'eft  qu'il  laîffa  aux  Juifs  &  aux  chrétiens , 
hàbicans  de  Jérufalem,  une  pleine  liberté  de  conf- 
cience. 

Dans  le  même  tems  les  lieutenatis^  éi'Omar  s'avan- 
çàient  en  Perfe*  Le  dernier  des  roîs  Perfans,  qae 
nous  appelions  Hormifdas  IV  ^  livre  bataille  aux  Ara- 
bes à  quelques  lieues  At  Madain  ,  devenue  la  capi- 
tale de  cet  empire.  Il  petd  h  bataille  &  la  vie.  Les 
Perfes  paffent  fous  la  doinînatîon  d^Ontar  plus  faci- 
lement qu'ils  n'avaient  fubi  le  joug  d'Alexandre. 

Alors  tomba  cette  ancienne  religion  des  mages , 
que  le  vainqueur  de  Darim  avait  refpeétée  ;  car  il 
ne  toucha  jamais  au  culte  des  peuples  vaincus. 

Les  mages  ,  adorateurs  d*un  feuî  Dieu,  ennemis 
de  tout  fimulacK  ,  révéraient  dans  le  feu  qui  donne 
la  vie  à  la  nature ,  l'emblème  de  la  Divinité,  lis  re- 
gardaient leur  relig^n  comme  la  plus  ancienne  & 
la  plus  pure.  La  conm^iffance  qu'ils  avaient  des  ma- 
thématiques ,  de  l'aftrortomie  &  de  rkiftoire,  augmen- 
tait leur  mépris  pour  leWs  vainqueurs  alors  îgnorans. 
Ils  ne  purent  abandonner  une  religion  confacrée  par 
tant  de  fiécles  pour  une  fede  ennemie  qui  venait  de 
naître.  La  plupart  fe  retirèrent  aux  extrémités  delà 
Perfe  &  de  PInde.  Ceft  là  qu'ils  vivedt  aujourd'hui 
fous  le  nom  de  Goures  ou  de  Guèbres  ,  de  Parfis , 
daignicoles  ^  nt  îe  mariant  qu'entr'eux  ,  entretenant 
le  feu  facré  ,  fidèles  à  ce  qu'ils  connaiflent  de  leur 
ancien  culte  ;  mais  ignorans ,  méprifés  ♦  & ,  à  leur  pau- 
vreté près  ,  femblables  aux  Juifs  fi  longtems  difper- 
fes  fans  s'allier  aux  autres  nations  ,  &  plus  encore 


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ÉÉÉÉMÉiÉiiiÉMii 


D  £    M  A  ir  6  M  e;  t. 


ii^xBa^iu»  >  gui  cte  fbot  étaBUi  9c  dtrpéifél  <fOè 
dans  rinde ,  &  en  Perfe/  Il  relia  un  grand  nombre' 
de  familles  Guèbres  ou  Ignicoles  k  Ifpahan ,  jufqja'aii 
tèftis  dt  Sbà-^Abbai  qui  les  banïift,  comme  Ifafielie 
chaffa  les  Juifs  d'Efpagnc.  Ks  né  forene  tolérés  dans 
lès  ftuxbourgs  de  cette  flllè  qiic  fôti^  fes  fuccefr 
fèurs.  Lés  tgnkoles  mai^dîflent  dô>uis  longéét^s  dansi 
leurs  prières  Aitxandré  &  Mabàmet.  Il  tft  à  cf oifè 
qu'ils  y  ont  joint  Sira^AbbaSi 

Tandis  qu'un  lidutéfnààt  d'C^ir  fubjugaeia  fefe, 
un  autre  cnlète  l'Egypte  eriticfe  aux  Romains  ,  & 
une  grande  partie  de  la  Lybîé,  C'cft  dans  cette  con- 
quête qu'eft  brûlée  la  femeufe  bibliothèque  d*Ale3fan^ 
drie,  monument  des  connailfarrcès  &  des  erreurs  des 
hommes  ,  commencée  paf^  Ptolaméè  Philadelpbe^  & 
augmentée  par  tant  de  rols.  Alors  îes  Sarrazins  ne 
YOuhîent  de  fciétice  que  f  Alcoran  j  maïs  ils  fâifaieDC 
déjà  voir  que  leur  génie  pourvoit'  s'étendre  à  tout 
L'éntreprîfe  de  renouveller  en  Egypte  Tancien  Canal 
treùfé  par  ïés  fois ,  &  rétabli  enuïite  par  Trajan ,  & 
cte  f^joindre  ainfi  le  Nîî  à  te  jaéi  Rouge  ,  eft  dïgnc 
AS  fiéclcs  les  plus  é<^airéfc  XJû  gouvérn^ïiir  d*E^ypte 
entreprend  ce^î'and  tiîavàîf  fous  le  califat  d'àmar  i 
&  en  vient  à  Botit.  Queftc  différence  entré  le  génie 
des  Arabes,  &  cèfciî'  des  furcs"  f  Ceux-cî  ont  laiffe 
périr  un  ouvrage  dwit  la  Cbhfervatîon  valait  mîeux 
que  la  conquête  d'une  grande  province. 

Les  aitiatWrs  Àé  Panfifcjufté ,  cétrf  qui  &  piaifeht  S 
comparer  les  génies^  d^s  natfobsl  ,  i^étront  avec  plaî- 
ft  combîen  les  moeurs ,  \ts  iifàgésr  db  tcms  de  Mabd- 
met  ^  A^Abubiker  ,  A*  Omar  reffertiblaîent  aui  moÈfurSr 
antiques  dont  Homère  a  été  lé  peindre  fidèle.  On  voit 
tes  chcfif  dciter  à  un  combat  {ftipAiët  !eis  cfteè  ttinef 
mis  ;  on  lesf  voit  y'aVancer  ïiors  déû  ran^  ^  comtonc- 
tre  aux  yeux  de^  dèu*  armées  fpedbatficéfe  imraobtlé|. 
Ih  s'kittttoi^ëni  l'un  l'autre  ,  îls^  fe  darlcrtt  i  i$  ^l 
^    bran^mil V  Û»  înfdqitréSné  D  r»v  ?ifsM  d^çri  veiA*  îtu* 


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['     27*  Des  .FREMISRS  SUCCESSEURS  é 

mains.  On  livra  plùfienrs  combats  fingulicrs  dans  ce 
genre ,  au  iiége  de  Damas. 

Il  eft  évident  que  les  combats  des  Amazones  dont 
parlent  Homire  &  Hérodote ,  ne  font  point  fondés  fur 
des  fables.  Les  femmes  de  la  tribu  à'Inùar  «  de  TA- 
rabie  heureufe  ,  étaient  guerrières ,  &  combattaient 
dans  les  armées  d'Abubeker  &  d*Oi^nar.  On  ne  doit 
pas  croire  qu^il  y  ait  jamais  eu  un  royaume  des  Ama- 
zones ,  où  les  femmes  vécufTent  fans  hommes.  Mais 
dans  les  tems  &  dans  les  pays  où  Ton  menait  une  vie 
agrelle  &  paftorale  ,  il  n'eft  pas  furprenant  que  des 
femmes  aufli  durement  élevées  que  les  hommes  ayent 
quelquefois  combattu  comme  eux.  On  voit  furtout 
au  fiége  de  Damas  une  de  ces  fenunes  de  la  tribu 
à^Imiar ,  venger  la  mort  de  fon  mari  tué  à  fes  côtés  , 
&  percer  d'un  coup  de  flèche  le  commandant  de  la 
ville.  Rien  ne  juftifie  plus^  YArioJie  &  le  TéiJJe  y  qui 
dans  leurs  poëmes  font  combattre  tant  d'héroïnes. 


il 


L'hiftoire  vous  en  préfentera  plus  d'une  dans  les 
tems  de  la  chevalerie.  Ces  ufages  toujours  très  rares 
paraifTent  aujourd'hui  incroyables ,  furcout  depuis  que 
l'artillerie  ne  laifle  plus  agir  la  valeur ,  l'adrefTe ,  l'a- 
gilité de  chaque  combattant  ,  &  où  les  armées  font 
devenues  des  efpèces  de  machines  régulières  qui  fe 
meuvent  comme  par  des  r efforts. 

Les  difcours  des  héros  Arabes  à  la  tête  des  armées, 
ou  dans  les  combats  fmguliers ,  ou  en  jurant  des  tré* 
yes ,  tiennent  tous  de  ce  naturel  qu'on  trouve  dans 
Homire  i  mais  ils  ont  incomparablement  plus  d'entou- 
fiafme  &  de  fublime. 

Vers  l'an  ii  de  l'égire ,  dans  une  bataille  entre  l'ar- 
mée d'HéracIius  &  celle  des  Sarrazins ,  le  général  ma- 
hométan  nommé  Dérar  cft  pris  ;  les  Arabes  en  font 
.épouvantés.  Kofi  un  de  leurs  capitaines  court  à  eux^ 
*     Qu'importe ,  leur  dit-iï ,  que  Dérar  foit  fris  ou  fnort  ? 

SÊJÇiffiv  ipi<l>»M»  f^t9^^ 


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:g»J*'  '^  ■*  !^'  '  ^**<»M! 


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DE    Mahomet.  977 

,    ,.     ^      -.-   ^ 

DiBU  efi  vivant  ff^vauî  regarde ,  com&4^rii  ;  it  km: 
fait  tourner  tête  &  remporte  la  vidtoire. 

Un  autre  s'ccrîe  ,  Voilà  le  ciel  ,  combattez  pour 
Dieu  ,  %f  il  ^ns  donnera  la  terre. 

lifi  général  Kaled  prend  dai^s  Damas  la  fille  d'ifr- 
radius ,  &  )a  renvoyé,  fans  rançon  ;  on  lui  demandtf 
pourquoi  il  en  ufe  ainii  ;  C'eA,  dit -il,  que  j'elpèr^ 
reprendra  j^ientôt  la  fil(e  ayec  le  père  dans  Çqnftan. 
tinople* .   ,.,  >  .,   .'( 

Quand  le  calife  Mohavici  prêt  d'expioier ,  Van  6a  ip 
régire  ,  fit  aiTurer  à  fon  fils-  YefudM  trône  des  cal^ 
fes ,  qui  jufqu'alors  était  éleétif ,  il  dit ,  Grand  DlBP:t 
Ji  j'ai  établi  mon  fifs  dans  le  califat^  parce  que  je  fm 
ai  cru  digne  ^  je  te  prie  d'affermir  mon  fils  fur  le  tréne  ^ 
mais  Jt  je  n'ai  agi  que  comme  pire  ^  je  te  prie  de  fen 
précipiter. 

Tout  ce  qifi  arrive  alors ,  caraâérife  un  peuple  fupé-i 
rieur.  Les  fuccès  de  ce  peuple,  conquérant  femblent 
dâs  encor  plus  à  Tentoufiafme  qui  l'anime  ,  qu'à  fes 
«ondudteurs  :  car  Omar  eft  aflaflinc  par  un  cfclave 
Feffe  l'an  $5)  de  notre  ère.  Otman  fon  fuccefl^ur 
l'eft  en  6«i%  dans  une  émeute.  Aly  ce  fameux  gendre 
de  Mahomet  n'eft  élu ,  &  ne  gouverne  qu'au  milieu 
des  troubles.  Il  meurt  aflaffine  afi  bout  de  cinq  ant 
comme  fes  prédéceiTeurs,  &  cependant  les  armes  mu<s 
fulmanes  font  toujours  heureufes.  Ce  calife  jffy ,  que 
les  Pesfans  révèrent  aujourd'hui ,  &  dont  ils  fiïfvent 
les  principes  en  oppofition  à  ceux  d' O/nar,  avait  tranf.^ 
ïéré  le  fiége  des  califes  de  la  ville  de  Médina  >  où  Jtfa^^ 
bomet  e(l  enfeyeli ,  dans  la  ville  de  Confia ,  fur  les» 
bords  de  PEuphrate  :  à  peine  en  refte-t-il  aujourd'hui 

ides  ruines.  C'eft  le  fort  de  Babilone ,  de  Sélcucie , 
&  de  toutes  les  anciennes  villes  de  U  Caldée  ,  qu4 
i^'étaioi;.  bàtiçs  que  dç  briques.  ^» 

s  iii         3 


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ivl)  q^^iftefi^  q<ie  1^.  fcmt  iu  peuple  v&csdbe  jxm  ^s 
mouvement  netf  ^fi^on^^,^  ^<»l|t  d«  Ivi^méo^j^^lV 

jdant  prè^  de  trois  fiécles  \  &  reflembla  en  cela 
^^^  séjuC'  d^  ^ncien^  Romains.  Ç'eft  çn  efFet  finis 
yalm^\^  moins  gi^erri^r  dçs  calUes^ que  fe  ^ônt  les 
plus  grandes  conquêtes.  Un  de  fes  généraux  étend 
fpn  .çmpjrf  jijfqq'à  ^^marl^aijde  en  J707.  l^n  çiuçrc  atça- 
qbê  ^nf  même  *  tems  Ténipirc  dès  -Grecs^vers  h.  mer 
!ît)îlre: Un  iàutrç  tri  *^liJ^^^t  d'Çgypte"  en  fifpagne, 
Ibwimfd  aîfément  tour- a -tour  par  les*  QlrtkàgHiôis , 
parties  llomains  y  parler  Goths  &  Vandales  ^'&  enfin 
par  cçs  Arabes  qu^on  honime  Maures,  Us  y  établi* 
rent  d'abord  le  royaume  de  Cordoue,  Le  fultan  d'E- 
£vpté  ifecbue  i  la  vérité  le  joug  âa  g^and*  daltfè  de 
Bàgdsrt: ,  &  Àêdérame  gouverneur  de  TSlpagne  con- 
^uîfetief^ortnaît  plus  le  fultan  d*Bgypte  :  cepeadfnt 
ftout  plie  encor  fous  Içs  arn^  mu&lmanes. 

'  Gt%  Aùdirame  y  ^ttit'fiU  du  cdlïh.  Hèsham  y  preni 
Ips  royaumes  de  Caftille ,  de  Navarre ,  de  Portugal , 
fi'Arragon.  Il  s'établit  en  Languedoc  ;  il  s'empare  de 
l4Çuiônne,&  du  è6itôu;&  fins  Cbartef  Murtei qui 
lui  èèa  là  yi^oire  &^  h  vie ,  la  ^nce  était  uàeprot 
fincc  nïahqmëtanei  r  .       .. 

hr-'   ..  -..  ■■]'.■     _  '     ■ 

Après  le  règne  de  dîK  -ntuf  oaHfes  di&  la  maîfon 
des  (h^miudes ,  commence  h  dynaftie  des  caUfes  Abat 
Mi^s  yetnVm  7^a  de  notre  ère,  Abmgia^  Aiman- 
^(fy,  ftcond  calife  Abafflàè  ,  fixa  le-fiége  de '6é  g^and 
f mpir<r  à  Bagdat  au  -dâtt  4e  I'«uphrat0  èaLfi%  la  Caf^ 
déei  Les  Tutç«  dîfoni  éu'îl  en  jettai  leô  fondemens. 
|Le8  Bék"fefts  affurcnt  qu*elle  ëtaie  très  ancienne,  ^ 
qVîhh^  fit  que  la  réjîâfrér.  C'eft  cette  ville  qu'on  apr. 
peUe  quelquefois  B^bJlofne  ,  k  qui  a  été  le  fii|et  ^i 
pnàf^  ^tm  ^titre'k  Perfe  ^  la  Tui^quif 

r  ta'  domination  dés  çàïifts  dura  flx  cent  eTn^^nte* 
éhiq  raasVdefpotfqùçs  iiàtî.s'  Ja  reK^on  v.dfthftiê  Sans 
je  couyernçm|nî  ^  il|- tf  ÔtafetaÉ-  poîtff  aî^iêsf  #fi  q«^ 


(nte*     I 
Sans     1 


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r 


tfMttMite 


-■••Ml 


DlMAHOMBTk  .  Vff 


1 


le  grand  LaÉM ,  mais  ifs  avakiit  unb  ttttorité  j^os 
réeUe  ;  &  dans*  ie»  tems  aéme  de  leur  décadence  p 
ils  furent  refpeâés  des  princes  ^ui  les  perfi^utront;: 
Tous  ces  foltans  Turcs  >  Arabes  ,  Tartares  »  re<{tirciit 
Finveftitttre  des  califes ,  avec  tden  moins  de  contefu 
tation ,  que  plufieurs  princes  cbrédens  ne  ïom  reqw 
des  papes.  On  né  baifaic  point  let  piedt  du  calife  ,mai9 
on  fe  proflernait  fur  le  fesil  de  Ibn  palais. 

Si  jamair  pufflance  a  menacé  toute  la  terre ,  c^efl! 
celle  de  ces  califes  ;  ear  ils  avaient  le  droit  du  trÂnte^ 
6c  de  l'autel ,  du  glaive  &  de  rentoufiafme.  Leurs  or- 
dres étaient  autant  d'oracles ,  ft  leurs  foldats  autant 
de  fanatiques. 

Dès  Tan  ^71  ils  afltégèrent  Conftantino^le  ,  qui 
devait  un  jour  devenir  mahométane  ;  les  diviiions  ^ 
g    ^efque  inévitables  parmi  tant  de  dtefs  audacieux^ 
I  ^     n'arrêtèrent  pas  leurs  conquêtes.  Bs  reflemblèrent  en- 
ce  point  auK anciens  Romains,  qui  parmi  leurs gufeiw. 
res  civiles  avaient  fubjugué  PAfie  mineure. 

A  mefure  que  les  mahométans  devinrent  puii&ns  ^ 
ils  fe  polirent  Ces  califes  ,  toujours  reconnus  pour 
fouverains  de  là  religion  »&  en  apparence  de  rcmpîire  > 
par  ceux  qui  ne  reçoivent  plus  leurs  ordres  de  fi  loin  ^' 
tranquilles  dans  leur  nouvelle  Babitone ,  y  fbnt  biaw 
tôt  renaître  les  arts.  Aaron  ai  Racbild ,  contemporain 
de  Qbmriemapte ,  plus  refôeâé  i)ûâ  fôs  prédéceŒnils , 
&  qui  fat  fe'feire  obéïr  jufqâ'en  Èij^jtne  &  anx  Iftdee  ; 
ranima  les  fciencet  ,  fie  fleurir  les  arti  agréaUesi  A 
utiles ,  attira  les  geni  de  lettres^  cdmpolk  des  vsrr^ 
&  fit  fuooéder  dans  fés  vaftoi  ctatë  là  politeflerà^kr 
barbarie.  Sow  lui  ks  Anbes^»  qtii  adoptaient  d^a  Je^ 
ohiSres'iiidiena  ^  les  f^^t^oftèfene  en  Eii^pe.  Nous  nr 
comiQnlet  en  AUentàgnt  &  ta  France  Ir  couia  desi 
y  I  a^es  «  quo  parle m&yM  de  ces  niéniies  Arab'es;  Lt>  i 
«  naar  feiU  d^^hMusri'  w^  eft  eonte  utk  témoignage.  a 
&  S  iiij  J| 


^: 


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i 


5^  Des  premiers  successeurs 


.  L'abnàfefte  de  Ptoiomét  fat  alors  tcadoit  du  grec 
çn  arabe  par  raftronome  Ben^HoTiàin:  Le  calife  AU 
mention  fiti  mefarer  géométriquement  un  degré  du 
méridien ,  pour  déterminer  la  grandeur  de  la'  terre  : 
opération  qui  n'a  été  faite  en  France  que  plus  de  neuf 
eentans  après  fous  Louir  XI  F.  Ce  même  aftrono- 
mQ.iieà^'ffonam  pppfla  fes  obfcrvations  affez  loin, 
reconnut  ou  que  Piolomée  avait  fité  la  plus  grande 
déclinai  Ton  du  foleil  trop  au  feptentrion  ,  ou  que  To- 
blit^ijiité  de  l'écliptique  avait  changé.  Il  vit  même  que 
la  péjriodç  die  trente -fix  mille  ans  qu'oq  ^vait  affi- 
gnçe  ay  niQpvetnent  prétendu  de?  étoiles  fixes  d'oct- 
^entpn  priant  ^  deyaiç  être  beaucoup  racçoiirciç, 

Li  chymie  &  la  médecine  étaient  cultivées  par  les 
Arabes.  La  chymie  ,  perféfttonnée  aujourd'hui  par 
nous ,  ne  nous  fut  connue  que  par  eux.  Nous  leur 
devons  de  nouveaux  remèdes ,  qu'on  nomme  les  mi^ 
notàtifï  ,  plus  doux  Se  plus  falutaires  que  ceux  qui 
étaient  auparavant  en  ufage  dans  Fécole  d'Hippocrate 
Se  de  Galien.  L'algèbre  fut  une  de  leurs  inventions. 
pe  terme  le  montre  encor  affez  ;  foit  qu'il  dérive  du 
mot  AlgLilhirixt.  ,  foit  plutôt  qu'il  porte  Ip  npn>  du 
fil?içiiK  Arabe  Geber.  qqi  jenfeîgnait  cet  art  danç  notre 
huitième  ilscle.  Enfin  ,  dès  le  fécond  fiécle  de  4/^a- 
Bùmet  ^  il  falut  que  les  chrétiens  d'pçcjdent;  s'inftriii^ 
ijjtçnt  chez  le§  n^iffvfln^an^/ 
n*-  ,     ■  ■      .  • 

r/XJne  preuve  infaillible. de  la  fupériorité  d'une  nation 
çlaws  les  arts  de  Teffrît,  c'eft  la  culture  perfeïftîonnée 
dé  la  pocfie.  Je  ne  parle  pas  de  cette  poëfie  enflée 
^Ifigatitefque ,  de-«'>ramas  de  licpx  commqns  infi- 
pidés  for  le  fpîcil ,  là^e  Scies  étoiles,  les  monta» 
gnès. iS:  les  mers  :> maisj de  ^ette-  poëûe  fage  &  hardie  , 
telle  qu-el|lé  fleurit  du  tems  ^^Augujie  ^  telle  qu'on 
l?a  vu  renaître  fous  Louis  JÇ/F.  Cette  poëfie  d'image 
&  de  %itiment  fut  canmfcè  du  tcmsd'-^^aro»  a/  Ra-. 
fM^,  ^h  voici  entr'autffcs  exemples  ua  qui  m'a  fra^: 


igKi  *■■"■'.  .!*  !'g=î9W*PiWiP!Wg 


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D   &     M  AH  O  M   £  T.  ait     H 

-    -     -  ■      -   -      -    -- 

pé  „  &  que  je  rapporte  îcî  parce  qu'il  eft  court.  II 
s'agic  de  la  célèbre  difgrace  de  Giafar  le  Barmécide. 

Mortel ,  faible  mortel ,  à  qui  le  fort  profpire 
Fait  goûter  de  fes  dons  les  charmes  dangereux , 
Connai  quelle  eft  des  rois  la  faveur  paflàgère , 
Contemple  Bam^icide^  &  tremble  d*étre  beurenx. 

Ce  dernier  vers  furtout  eft  traduit  mot  à  mot.  Rien 
ne  me  paraît  plus  beau  que  tremble  àHtre  heureux. 
La  langue  arabe  avait  l'avantage  d'être  perfectionnée 
depuis  longtems  ;  elle  était  fixée  avant  Mahomet ,  & 
ne  s'eft  point  altérée  depuis.  Aucun  des  jargons  qu'on, 
parlait  alors  en  Europe  ,  n'a  pas  feulement  laifle  la 
moindre  trace.  De  quelque  c6té  que  nous  nous  tour- 
ni©ns ,  il  faut  avouer  que  nous  n'cxiftons  que-d'hicr. 
Nous  allons  plus  loin  que  les  autres  peuples  en  plus 
d'un  genre;  &  c'eft  peut -être  parce  que  nous  fom- 
mes  venus  les  derniers. 


1 


CHAPITRE    SEPTIEME. 

Be  tAlcoran  Ç«f  de  la  loi  mufulmane.  Examen  Ji  la  reli^ 
gion  mufulmane  était  la  nouvelle ,  ^  Ji  elle  a  iti 
ferficutantç, 

LE  précédent  chapitre  a  pu  nous  donner  quelque 
conn^iflance  des  moeurs  de  Mahomet  &  de  fes 
Arabes ,  par  qui  une  grande  partie  de  la  terre  éprouva 
une  révolution  figrande  &  fi  prompte.  Il  faut  tracer 
à  préfent  une  peinture  fidelle  de  leur  religion.    . 

C'eft  un  préjugé  répandu  parmi  nous,  que  le  ma- 
hométifme  n'a  fait  de  Ç\  grands  progrès  que  parce  qu'il 
favorife  les  inclinations  voluptueufes'.  On  ne  fait  pas 
reflexion  que  toutes  les  anciennes  religions  de  l'O- 
rient ont  admUla  pluralité  des  femmes.  Mahomet  ré-' 


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S    %92  D  f   j}A  L  CORAN, 

cfmik  à  quatre  le  nombre  illimité  jnfqu'alors.  Il  eft 
die  que  JDavid  avait  dix -huit  femmes  ,  &  Salonrn 
trois  cent  avec  fept  cent  concubines.  Ces  rois  bu< 
raient  du  vin  avec  leurs  compagnes.  C*était  donc  la 
religion  juive  qui  était  voluptueule ,  &  celle  de  JI/a- 
iomet  était  févère, 

Ceft  un  grand  problème  parmi  les  politiques ,  fi 
la  polygamie  eft  utile  k  la  fodété  &  à  la  propagadon. 
yOrient  a  décidé  cette  queftion  dans  tous  les  fiécles, 
êk  la  sature  eft  d'accord  avec  les  peuples  orienuux» 
dans  prefque  toute  efpéce  animale,  chez  qui  plufieurs 
fèmeUef  n'ont  qu'un  mâle.  Le  tems  perdu  par  les 
groflefles,  par  les  couches ,  par  les  incommodités  no* 
tsrdks  auT  femmes ,  femble  exiger  que  ce  tems  foit  ré- 

Cé.  Les  femmes  dans  1er  climats  chauds  ceffent  4e 
me  heure  d'être  belles  &  fécondes.  Un  chef  defàmii- 
le,  qui  met  fa  gloire  &  fa  profpérité  dans  un  grand  nom- 
bred'enfiins ,  a  befoin  d'une  femme  qui  remplace  une 
époufe  inutile.  Les  loix  de  l'Occident  femblent  plos  fa- 
vorables aux  femmes ,  celles  de  l'Orient  aux  hommes* 
àrétat  ;  il  n'eft  point  d'objet  de  légîflation  qui  ne  poifTe 
être  un  fujet  de  dispute.  Ce  n'eft  pas  loi  la  place 
d'une  difTertation  ;  notre  objet  eft  de  peindre  les  nom* 
mes  plutôt  que  de  les  juger. 

On  déclame  tous  les  jours  contre  le  paradis  fenfoet 

de  Mahomet  f  mais  l'antiquité  n'en  avait  jamais  condu 

dtetre.  Hmmie  éprafa  Hebè  cbmt'  le;  ciel ,  peur  re« 

ceraptufe  de»  ptàties  qu'il  avait  éprouvées  (br  la  terre. 

Les  héros  buvaient  le  neékar  aveo  les  Dieux  ;  &  P^ 

que  l'homme  était  fuppofé  roCTufcitei  areo  tbs  fens  i 

il  était  naturel  de  fuppofer  àufS  quHI  gpàterait ,  io« 

dans  un  jardin ,  foit  dans  quelque  autre  globe  ,  les 

pjaifirs  propres  aux  fi^s  qui  doivent  jouïr,  puif^u»^. 

ffbfiftenfe,  Celte  créance  même  fat  celle  des  pères. 

d^  l'églif»  du  feçot)d  &  d«  ^oiGéme  fté<4e.  Ceft  œ^ 

qii*aftefte  précifément  S^.  Jn/ik^'  daw  la  feoond«  Vf: 

*    ti%i^Ç^  diUoguw  :  Jmffalm  v ^H'Jm. atc(mm 


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ET  PI  I.A  LOI  HUSULiaiNï.   }$$     K 

9  ênpbeJIii ,  ^Jir  tccepoir  kfjaâar ,  fui  jotàrouf  fntm 
dont  mlU  ont  di  tous  Ut  fla^firs  des  f$ns^ 

Ccot  auteurs  qoi  en  ont  copié  un ,  ont  écrit  qu0 
G^était  un  moine  neflorien  qui  ayak  com|iofé  FAlco* 
K^a.  Les  uns  ont  nommé  ce  moine  Sergius ,  les  au^ 
très  Bobeira.  Mais  H  eft^  évident  que  les  chapitres  de 
fAlconm  furent  écrits^  fuivant  roccurrence,  dans  les 
foyages  d^  Jftémnet ,  &  dans  fes  expéditions  miU« 
taires,  Avait -il  toujours  ce  moine  avec  lui  ?  On  g 
cru  encor  fur  un  paflage  équivoque  de  ce  livre ,  que 
jitaiQi^çt  a^  f^vait  ni  lire  vi  ecnrp..  Comment  un 
Ijoncjme  qui  syait  fait  le  comiîierc©  vjngt  années ,  un 
po^^,  un  npkéd^cin,  pn  légiflateur  aurait  -  il  ignorç 
«  9?«  les  jj^qipdfçs  enfons  (le  fa  tyibu  apprenaient  ? 

|>  Kor/nn  ,  Q.UÇ  je  nomme  ici  4koran ,  pour  me  B 
çpnforincr  à  lio^e  vicieux  ufige  /veut  dire,  k  livr^  A 
9»  la  ie^mf'^^Çe  n'çll  poinÉ^i|n  I^vré^hiftarique  jlanç.  ■ 
lequel  on  ait'^voulu  imiter  les  livres  des' Hébreux,^  K 
i^os  évangiles  ;  ce  n'eft  pas  non  plus  un  livre  pure-  ' 
mçnt  de  Joix  conxjpe  le  ï<,évi;tique  qu  le  Çeuteropo- 
içç ,  ni  un  reçpp,^  çlç  pfaqme?  &  dp  cantiques  ,  ni  unç 
vîfwn  prQphétigu^  &  ^Uçgodque  d^n$  le  goût  de.  l'A-r 
pocalypfe.  C'eft  ur^  tpêlangç  de  tpus  ces  divers  geivr 
\  les ,  un  aflçm|?îage  de  fermons  daqs  lefquels  on  trouva 
i  quelques  faits  lii^oriqucç ,  quelques  yi(ions  ,  des  révé« 
laçiqns ,  dçs  loix  religîepfes  §  civiles, 

^  Le  Koran  eft  devenu  le  code  de  la  juriforudeace  i 
ainfi  qye  la  loi  canonique  ,  chez  toutes  fes  nations 
mahométanes.  Tous  les  interprètes  de  ce  livre  con- 
tiennent que  fé  morate  eft  contenue  dans  ces  paroles  : 
Re^berçffez  qui  vous  chuffe  ,•  donnez  à  qui  vota  ote  ,• 
par  dormez  à  qui  vous  offeHfe  ,•  fiùtes  du  bien  à  tous  ,•  ne 
ç^niefltz  ppint  avec  les  i^orans^ 

n  a^it  dà  b^n  plutôt  re^ommajoder  de  ne  poi»l 
difpi^tçr  avec  les  fays^ns  ;  mais  dans  cette  partie  du 


vx    I  I 

^ 


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1 


284         D  B  l'A  l  c  o  it  a  k, 

monde  on  ne  fe  dootaît  pas  qu'il  y  eât  ailleurs  de 
la  fcience  &  des  lumières, 

Parmi  les  déclamations  incohérentes  dont  ce  livre 
eft  rempli  félon  le  goût  orienul ,  an  ne  laifle  pas  de 
trouver  des  morceaux  qui  peuvent  paraître  fublimes. 
Mahomet ,  par  exemple  ,  parlant  de  la  ceifation  da 
déluge,  s'exprime  ainfi  :  Dieu  dit  ^  Terre  ^  englotfti 
tes  eaux  :  Ciel ,  puife  les  ondes  que  tu  as  verfies  :  le  ciel 
6f  la  terre  obéirent. 

Sa  définition  de  D 1 1  u  eft  d'un  genre  plus  vérita- 
blement fublimc.  On  lui  demandait  quel  était  cet  Alla 
qu'il  annonçait;  Cejl  celui  ^  répondit -il  9  ^  ^l^ 
titre  defoi-nUme  ♦  g^  de  qui  les  autres  le  tiennent^  qtd 
n* engendre  point  &  qui  n^efi  point  engendré ,  &  aqui 
rien  n'eji  femblable  dans  toute  t étendue  des  êtres.  Cette 
fameufe  réponfe  confacrée  dans  tout  l'Orient,  fe  trouve 
prefque  mot  à  mot  dans  Tantépénultiéme  chapitre  dq 
Koran. 

H  çft  vrai  que  les  contradidions  ,  les  abfurdités, 
les  anachronifmes  font  répandus  en  foule  dans  ce  livre. 
On  y  voit  furtout  tinc  ignorance  profonde  de  la  phy- 
fiquc  la  plus  fimple  &  la  plus  connue.  C*eft-là  la  pierrede 
touche  des  livres  que  les  faufles  religions  prétendent 
écrits  par  la  Divinité  ;  car  Dieu  n'eft  ni  abfurdc ,  ni 
ignorant;  mais  le  peuple  qui  ne  voit  pas  ces  fautes, 
les  adore  ;  &  les  imans  employent  un  déluge  de  pato- 
les  pour  les  pallier. 

:  Les  commçntatoj^rs  du  Koran  diftinguent  toùjour* 
le  fens  pofitif  &  l'allégorique,  la  lettre  &  Tcfprit.  On 
reconnaît  le  génie  arabe  dans  les  commentaires  com- 
me dans  le  texte  ;  un  des  plus  autorifés  commeata- 
teurs  dît ,  que  le  Koran  porte  tantôt  une  face  d'bonh 
nte  ,  tantôt  une' face  de  bête  ,  pour  figriifier  rcfprît  » 
la  lettre. . 


^^psBs^BsaismagsiffiggggSi^ 


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lïf»^    ■  "«napi^i  '^^li^ 


f  E  X  D  B  L  A  L.OI  Mtf.SVLMâKE.  ^f 

Une  chofe  qui  peut  furprendre  bien  des  leâeurs , 
c*eft  qu'il  n'y  eut  rien  de  nouveau  dans  la  loi  de  J/a. 
bomef ,  linon  que  Mahomet  était  prophète  de  DlfiU^ 

En  premier  lieu  «  l'unité  d'un  Etre  fupréme  créa- 
teur &  confervateur  était  très  ancienne.  Les  peines 
&  les  récompenfes  dans  une  ^utre  vie  ,  la  croyance 
d'un  paradis  &  d'un  enfer  avaient  été  admifes  chez 
les  Chinois  ,  les  Indiens  ,  les  Perfes  ^  les  Egyptiens  , 
les  Grecs ,  les  Romains ,  &  enfuite  chez  les  Juift ,  & 
furtout  chez  les  chrétiens ,  dont  la  religion  con&cra 
cette  doétrine. 

L'Alcoran  reconnaît  des  anges  &  des  génies;  &  cette 
créance  vient  des  anciens  Perfes.  Celle  d'une  réfur- 
redion  & -d'un  jugement  dernier,  était  vifiblement 
puifée  dans  le  Talmud  &  dans  le  chriftianifme.  Lt% 
mille  ans  que  Di£U  employera ,  félon  Mahomet ,  à 
juger  les  hommes  ^  &  la  manière  dont  il  y  procé- 
dera )  font  des  acceflbires  qui  n'empêchent  pas  que  cette 
idée  ne  foit  entièrement  empruntée.'  Le  pont  aigu 
fur  lequel  les  reffufcités  palTeront ,  &  du  haut  dUf- 
quel  les  réprouvés  tomberont  en  enfer  ,  eft  tiré  de 
ûdoârine  allégorique  des  mages. 

C'eft  chez  ces  mêmes  mages ,  t'eft  dans  leur  Jan- 
nat  que  Mahomet  a  pris  l'idée  d'un  paradis  ,  d'un 
jardin ,  où  les  hommes  revivans  avec  tous  leurs  fens 
perfeAionnés ,  goûteront  par  ces  fens  mêmes  toutes 
les  voluptés  qui  leur  font  propres  ,  fans  quoi  ces 
fens  leur  feraient  inutiles.  C'eft  là  qu'il  a  puifé  l'i- 
dée de  fes  Hourzs  ,  de  ces  femmes  céleftes  qui  fe- 
ront le  partage  des  élus  ,  &  que  les  mages  appel- 
laîent  Hourani  ,  comme  on  le  voit  dans  le  Sadder. 
Il  n'exclut  point  les  femmes  de  fon  paradis  /comme 
oh  le  dit  fouvent  parmi  nous.  Ce  n'eft  qu'une  rail- 
lerie fans  fondement ,  telle  que  tous  les  peuples  en 
font  les  uns  des  autres.  Il  promet  des  jardins ,  c^eft 
le  nom  du  paradis  ;  mais-  il  promet  pour  fouveraine 


ï^as^i^ 


î 


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* 


im?iw        I  mÊÊmÊÊmmOÊÊmï r n [Il    '  •  I-  mn^ 

i^S  D  f     ft'  A  £  C  O  R  A  H  » 

ptimt. 

■  .  ' 

te  dogme  de  la  lirédeftitiaddn  abfolué  &  dé  la 
fkt^hté  qui  femble  aujourd'hui  oafaâéfifer  le  th^o- 
tûéMati  étak  f  opinion  de  toute  l'antiquité  ;  eHeh*eft 
JKTS  moins  claire  dani  Fltiaéte  que  dan^  fAIcoran. 

A  l*cgard  de^  ordonnadôei  légales  ,»  comme  U  âti 
efoncifion ,  les  ablutions ,  Us  prières  ,  le  pèlerinage  de 
k  Mecque ,  Mahomet  ne  fit  qtie  fe  cfonfornlcr  pon^ 
le  fonds  aux  ufages  requs*  La  circoncifion  était  prati- 
quée de  tems  immémorial  che^  les  Arabes  ,  chez  les 
tttcîens Égyptiens,  chez  les  peuples  de  la  Colchide  , 
ft  che2  les  Hcbreux;  Les  alaiftitlon»  futent  toujours 
recommandées  daiïti  TOrient  cùmme  un  fymbole  dé 
la  pureté  de  l'amer    ^ 

Point  dé  religion  fans  pr ièi'es  :  la  loi  que  Mab&i 
met  porta  de  prier  cinq  fois  pat  jour ,  était  gênan- 
te; &  cc^te  gêne  même  fut  refpedteHe.  Qui  aurait 
ofé  fc  plaindre  que  la  créature  foit  obligée  d'adorct 
cinq  fois  pat  jour  fôn  créateur  ? 

Qjiant  ati  pélériiiage  de  la  Mecque  ^  aux  cérémomes 
pratiquées  dans  le  Kaa&a^  ât  fur  la  piefre  noire  ,  peu 
de  perfonnes  ignorent  que  cettie  dévotion  étanhi  chère 
9ui^  Arabes  depuis  un  grand  nombre  de  ftécles.  Le 
KMtèa  paiTaic  pour  le  plus  ancien  temple  du  mon- 
de ;  &  quoiqu'on  y  vénérât  alors  trois  6ent  Idoles  « 
il  était  principalement  fandifié  par  la  pierre  noire , 
c^'on  dîfeît  être  U  tombeau  ôfîfmaifL  Loin  d'abolit 
ce  pâérinage  ,  Mahomet  pour  ft  concilier  les  Arï- 
tMfid ,  en  fit  un  précepte  pofttlf; 

Le  ieûne  était  établi  chez:  pinceurs  petiples  ^  |$a^ 
tabcidieccment  chcz^  les  Juîfr  &  chez  les  chrétfens. 
Mahomet  le  rendit  très  févère  ,  en  l'étendant  k  un 
mois  lunaise,pcadaat  lequd  il  n^cft  pas  permis df 


Kffl^t,yin ^^^^»^^p^a^i|i^^^^>^»  '       '^Hifti 


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'*  ^iTir  "" 


ET  DE  LA  LOI  MUSULMANE.     ^%^ 


boire  un  verre  d*eau ,  ni  de  fumer  avant  le  coucher 
du  foleil  ;  &  ce  mois  lunaîte  arrivant  fouvent  au 
plus  fort  de  Tété  ,  le  jeûne  devint  par  -  là  d*une  fi 
grande  rigueur ,  qu'on  a  été  obligé  d*y  apporter  des 
adouciflemens  ,  furtout  à  la  guerre. 

H  n'y  a  p©înt  de  religion  dans  laquelle  on  n'ait 
recommandé  l'aumône.  La  mahométane  eft  la  feule 
qui  en  ait  fait  un  précepte  légal  ,  pofitif ,  indifpen- 
fable.  L'Alcoran  ordonne  de  (lonner  deux  &  demi 
pour  cent  de  fon  revenu ,  foit  en  argent  ,  foit  en 
denrées. 

Dans  toutes  ces  ordonnances  pofitîvcs,  vous  ne  trou- 
vez rien  qui  ne  foit  confacré  par  les  ufages  les  plus 
antiques.  Parmi  les  préceptes  négatifs  ,  c*eft-à-  dire  , 
cêljx  qui  ordonnent  de  s'abftenir  ,  vous  ne  trouve- 
rez que  la  défenfe  générale  à  toute  une  nation 
de  boire  du  vin  ,  qui  foit  nouvelle  &  particulière 
au  mahométifme.  Cette  abflinence  dont  les  muful- 
mans  fe  plaignent  &  fe  difpenfent  fouvent  dans  les 
climats  froids ,  fut  ordonnée  dans  un  climat  brûlant , 
où  le  vin  altérait  trop  aifément  la  lànté  &  la  raifon. 
Mais  d'ailleurs  ,  il  n'était  pas  nouveau  que  des  hom- 
mes voués  au  fervice  de  la  Divinité  ,  le  fuflent  abf- 
tenus  de  cette  liqueur.  Plufieurs  collèges  de  prêtres 
en  Egypte ,  en  Syrie  ,  aux  Indes  ,  les  nazaréens ,  les 
récabites  chez  les  Juifs  s'étaient  impofé  cette  mor- 
tification, (a) 

Elle  ne  fut  point  révoltante  pour  les  Arabes  :  Mab^- 
met  ne  prévoyait  pas  qu'elle  deviendrait  un  jour  prêt 
que  infupportable  à  fes  mufulmans  dans  la  Thrace , 
la  Macédoine  ,  la  Bofnic-  &  la  Servie.  11  ne  favait 
^as  que  les  Arabes  viendraient  un  jour  jufqu'au  mi- 

(  a  )  Voyez  dans  les  Qutftions  fur  P Encyclopédie  l«s  articles 
Arot  &  MaroU 


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288       De    l'Alcqran, 

lieu  de  la  France ,  &  les  Turcs  mahométàns  devant 
les  baillons  de  Vienne. 

Il  en  eft  de  même  de  la  défenfe  de  manger  du  porc, 
du  fang  &  des  bétes  mortes  de  maladies  ;  ce  font 
des  préceptes  de  fanté  :  le  porc  furtout  eft  une  nour- 
riture très  dancereufe  dans  ces  climats  ,  aufli-bicn 
que  dans  la  Paleftine  ,  qui  en  eft  voifme.  Quand  le 
mahométifme  s'eft  étendu  dans  les  pays  plus  froids, 
Tabftinence  a  ceffé  d'être  raifonnable  ,  &  n*a  pasceBe 
de  fubfifter. 

La  prohibition  de  tous  les  jeux  de  hazard  eft  peut. 
être  la  feule  loi  dont  on  ne  puifle  trouver  d'exem- 
ple dans  aucune  religion.  Elle  reflemble  à  une  loi 
de  couvent  plutôt  qu'à  une  loi  générale  d'une  nation. 
Il  femble  que  Mahomet  n'ait  formé  un  peuple  qoe 
pour  prier  ,  pour  peupler  ,  &  pour  combattre. 

Toutes  ces  loix  ,  qui  à  la  polygamie  près ,  font 
fi  auftères  ,  &  fa  dodtrine  qui  eft  fi  fimple ,  attirèrent 
bientôt  à  fa  religion  le  refped:  &  la  confiance.  Le 
dogme  furtout  de  l'unité  d'un  Dieu  ,  préfenté  fans 
myftère  ,  &  proportionne  à  l'intelligence  humaine, 
rangea  fous  fa  loi  une  foule  de  nations;  &jufqu'àdes 
nègres  dans  l'Afrique ,  &  à  des  infulaires  dans  fOcéan 
indien. 

Cette  religion  s'appella  r/j/^miw ,  c'eft-à-dire, 
réfignation  à  la  volonté  de  Dieu  ;  &  cefeulmotde- 
^it  faire  beaucoup  de  profélytes.  Ce  ne  fut  point 
par  les  armes  que  Vhlamim  s'établit  dans  plus  de  la 
moitié  de  notre  hémifphère  ,  ce  fut  par  l'entoufiat 
me ,  par  la  perfuafion  ,  &  furtout  par  l'exemple  des 
vainqueurs  ,  qui  a  tant  de  force  fur  les  vaincus.  Maho- 
met dans  fes  premiers  combats  en  Arabie  contre  les 
ennemis  de  fon  impofture  ,  faifait  tuer  fans  miféri- 
corde  fes  compatriotes  rénîtens.  11  n'était  pas  alors 
affez  puifTant  pour  iaifler  vivre  ceux  qui  pouvaient 

détniire 


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ET  DE  LA  LOI  MUSULMANE.  2g9 


l 


détruire  fa  religion  naiflante.  Mais  fi.  tôt  qu'elle  fut 
affermie  dans  l'Arabie  par  la  prédication  &  par  le  fer , 
les  Arabes  franchiffant  les  limices  de  leur  pays  dont 
ils  n'étaient  point  fortis  jufqu'alors ,  ne  forcèrent  ja-. 
mais  les  étrangers  à  recevoir  la  religion  mufulmane. 
Ils  donnèrent  toujours  le  choix  aux  peuples  fubju- 
gués  d'être  mufulmans  ,  ou  de  payer  tribut.  Ils  vou^ 
latent  pilier ,  dominer  ,  faire  des  efciaves ,  mais  non 
pas  obliger  ces  efciaves  à  croire.  Q^and  ils  furent 
enfuite  dépoifedés  de  l'Afie  par  les  Turcs  &  par  les 
Tartares ,  ils  firent  des  profélytes  de  leurs  vainqueurs 
mêmes  ;  &  des  hordes  de  Tartares  devinrent  un  grand 
peuple  mufulman.  Bar-là  on  voit  en  effet  qu'ils  ont 
converti  plus  de  monde  qu'ils  n'en  ont  fubjugué. 

Le  peu  que  je  viens  de  dire  ,  dément  bien  tout 
ce  que  nos  hiiloriens  ,  nos  déclamateurs  &  nos  pré* 
jugés  nous  difent  î  mais  la  vérité  doit  les  combattret 

Bornons-nous  toujours  à  çé&c  vérité  hiftorîque  ;  le 
légillateur  des  mufulmans  ,  homme  puiffant  &  terri- 
ble ,  établit  fes  dogmes  par  fon  courage  &  par  fes 
armes  ;  cependant  ,  fa  religion  devint  indulgente  & 
tolérance.  L'iftftituteur  divin  du  chriflianifme  vivant 
dans  l'humilité  &  dans  la  paix  ,  prêcha  le  pardon  des 
outrages  ;  &  fa  fainte  &  douce  religion  eft  devenue 
par  nos  fureurs  la  plus  intolérante  de  toutes. 

Les  mahométans  ont  eu  comme  nous  des  fe^es  ^^ 
des  difputes  fcholaftiques  ;  il  n'eil  pas  vrai  qu'il  y  ait 
foixante  &  treize  fedtes  chez  eux  ,  c'eft  une  de  leurs 
rêveries.  Ils  ont  prétendu  que  les  mage^  çn  avaient 
foixante  &  dix  ,  les  Juifs  foixante  &  onze  ,  les  chré- 
tiens foixante  &  douze ,  &  que  les  qiyfulmans ,  comme 
plus  parfaits  ,  devaient  en  avoir  foixante  &  treize. 
Etrange  perfection  ,  &  bien  digne  des  fchplaftiques 
de  tous  les  pays  ! 

Les  diverfes  explications  de   PAlcoran  formèrent 
chez  eux  les  feétes  qu'ils  nommèrent  orthodoxes  «  & 
Effaifur  les  mœurs ,  ^c.  Tom.  L  T 

Win 


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I 


290     De    l'  a  l  c  o  r  a  n  ,  &;c« 

celles  qu'ils  nommèrent  hérétiques.  Les  o];thodoxe8 
font  les  fonnites  ,  c'efi-à-dire  les  traditioniftes ,  doc- 
teurs  attachés  à  la  tradition  la  plus  ancienne ,  laquelle 
fert  de  fupplément  à  TAlcoran.  Ils  font  divifés  en  qua- 
tre fe<fte$  ,  dont  Tune  domine  aujourd'hui  à  Confian- 
(Inople ,  une  autre  en  Afrique  9  une  troifîéme  en  Ara- 
bie ,  &  une  quatrième  en  Tartarie  &  aux  Indes  ;  elles 
font  regardées  comme  également  utiles  pour  le  ùkl 

Les  hérétiques  font  ceux  qui  nient  la  prédeftinatiqn 
abfolue ,  ou  qui  différent  des  fonnites  fur  quelques 
points  de  l'école.  Le  mahométifine  a  eu  fes  pélagiens, 
fes  fcotiftes  ,  fes  thomiftes,  fes  moliniftes ,  fes  jad& 
niftes.  Toutes  ces  fedes  n'ont  pas  produit  plus  de 
révolutions  que  parmi  nous.  Il  faut  pour  qu'une  fede 
fafle  naître  de  grands  troubles  ,  qu'elle  attaque  les 
fondemens  de  la  fede  dominante  ,  qu'elle  la  traite 
d'impie  ,  d'ennemie  de  Dieu  &  des  hommes  ,  qu'elle 
ait  un  étendart  que  les  efprits  les  plus  greffiers  puif- 
fcnt  appercevoir  fans  peine  ,  &  fous  lequel  les  peu* 
pies  puiffent  aifément  fe  rallier.  Telle  a  été  la  fede 
â'Jiy  ,  rivale  de  la  fede  d'Omar  ;  mais  ce  n'eft  que 
vers  le  feiziéme  fiécle  que  ce  grand  fdiifme  s'eft  éta- 
bli ;  &  la  politique  y  a  eu  beaucoup  plus  de  part  que 
la  religion. 


CHAPITRE    HUITIÈME. 

De  ritalie  6f  de  rigîife  ,  avant  ChARLEMAGNB. 
Comment  le  cbrijiianifme  s* était  établi.  Examen  fil 
a  Souffert  autant  de  ferfécutions  qtion  le  dit. 


Rien  n'eft  plus  digne  de  notre  curîofitc  que  la  ma- 
nière  dont  DiEU  voulut  que  l'églife  s'établit ,  en 
faifant  concourir  les  caufes  fécondes  à  fes  décrets  éter- 
nels- Laiflbfts  xefpeâueufement  ce  qui  eft  divin  à  cens 

Il  mm\  ml  -nttSil 


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iQ«Mlfai 


291     I  ! 


Vu  l'Italie  et  de  l^libu  ,  &c.   291 

qxA  «a  (ont  les  dép^fkMxou  ,  &  tttaehoni-noMs  uni* 
quemene  à  rhiftoriquc.  Des  cBfcipIfS  de  J^oif  s'éta* 
blKTçnt  d'abord  dans  Tirabie  VQifine  de  Jéroffalem  | 
tnaif  le9  difdples  du  Christ  s'étendent  partout  Les 
pbilofophes  platonîciciis  d'Alexandrie  ,  où  il  y  arait 
tant  d«  Juifs  >  fe  joignent  aux  premiers  chrétiens , 
qui  empruntent  des  expreflTions  de  leur  philofophie  , 
comiae  celle  du  LogQf ,  fans  emprunter  toutes  leurs 
idées.  U  y  arait  déjà  quelques  chrétiens  à  Rome  du 
tems  de  Néron  :  on  les  confondait  avec  les  Juifs , 
parce  qu'ils  étaient  leurs  compatriotes ,  parlant  la  mé» 
me  langue  ,  s'abftenant  comme  eux  des  alimens  dé» 
fendus  par  la  loi  mofaïque.  Piuûeurs  même  éuieot 
circoncis  ,  &  obCervaient  le  labbat.  Us  étaient  encor 
fi  obfcurs  ,  que  ni  l'hlilorlen  Jofepb  ,  ni  Philon  n'en 
parlent  dans  aucun  de  leurs  écrits.  Cependant  on 
voit  évidemment  que  ces  demi-juifs  ,  demi-chrétiens 
étaient  dés  le  commencement  partagés  en  pluGeurs 
feâes ,  ébioniics  ,  marcionites ,  oarpoor^tiens ,  valen* 
tiniens ,  caïnites.  Ceux  d'Alexandrie  étaient  fort  diiFé» 
rcns  de  ceux  de  Syrie  ,  les  Syriens  différaient  des 
Achaïens.  Chaque  parti  avait  Ton  évangile,  &  les  véri* 
tables  Juifs  étaient  les  ennemis  irréconciliables  de  tous 
ces  partis. 

Ces  Jxiïk  également  rigides  &  fripons  étalent  encor 
dans  Rome  au  nombre  de  quatre  mille.  U  y  en  avait 
eu  huit  mille  du  tems  A'^ugujie  /  mais  Tibère  en  (t 
pafler  la  moitié  en  Sardaigne  pour  peupler  cette  ifle, 
&  pour  délivrer  Rome  d'un  trop  grand  nombre  d'u- 
furiers.  Loin  de  les  gêner  dans  leur  culte  .on  les  laif- 
fait  jouïr  de  la  tolérance  ou'on  prodigu)Mt  dans  Ro- 
me à  toutes  les  religions.  On  leur  permettait  des  fy- 
nagogues  &  des  juges  de  leur  nation  ,  comme  ils  en 
ont  aujourd'hui  dans  Rome  chrétienne  ,  où  ils  font 
en  plus  grand  nombre.  On  les  regardait  du  même 
œil  que  nous  voyons  les  nègres  ,  comme  une  efpèce 
d'hommes  inférieure.  Ceux  qui  dans  les  colonies  jui** 
ves  n'avaient  pas  allez  de  talent  pour  s'appliquer  à 
L  '    T   ij 


^^iêtm 


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292  Christianisme  naissant,      f 


quelque  métier  utile  ,  &  qui  ne  pouvaient  coupef  du 
cuir  &  faire  des  fandales  ,  faifaient  des  fables.  Ils 
favaient  les  noms  des  anges  ,  de  ia  féconde  femme 
A' Adam  ,  &  de  fon  précepteur  ,  &  ils  vendaient  aux 
.  dames  Romaines  des  philtres  pour  fe  faire  aimer.  Leur 
haine  pour  les  chrétiens  ,  ou  gaUléens  ,  ou  naza« 
réens ,  comme  on  les  nommait  alors  ,  tenait  de  cette 
rage  dont  tous  les  fuperftitieux  font  animés  contre 
tous  ceux  qui  fe  féparent  de  leur  communion.  Ils 
accufèrent  les  Juifs  chrétiens  de  l'incendie  qui  con- 
fuma  une  partie  de  Rome  fous  Néron,  Il  était  aufli 
injufte  d'imputer  cet  accident  aux  chrétiens  qu'à  l'em- 
pereur. Ni  lui  ,  ni  les  chrétiens  ,  ni  les  Juifs  n'a- 
vaient aucun  intérêt  à  brûler  Rome  :  mais  il  falait 
appaifer  le  peuple  qui  fe  foulevait  contre  des  étran- 
gers également  haïs  des  Romains  &  des  Juifis.  On 
abandonna  quelques  infortunés  à  la  vengeance  publi- 
que. Il  femble  qu'on  n'aurait  pas  dû  compter  parmi 
les  perfécutions  faites  à  leur  foi ,  cette  violence  paf- 
fagère  ;  elle  n'avait  rien  de  commun  avec  leur  reli- 
gion qu'on  ne  connai0ait  pas  ,  &  que  les  Romains 
confondaient  avec  le  judaïfme  protégé  par  les  loii 
autant  que  méprifé. 


i 


i 


S'il  eft  vrai  qu'on  ait  trouvé  en  Efpagne  des  inf- 
criptions  où  2^éron  eft  remercié  (V avoir  aboli  dans 
la  province  une  fuperjlition  nouvelle  ,  l'antiquité  de 
ces  mbnumens  eft  plus  que  fufpedte.  S'ils  font  au- 
tentiqucs  ,  le  chrîftianifme  n'y  eft  pas  défigné  :  &  fi 
enfin  ces  monumcns  outrageans  regardent  les  chré- 
tiens ,  à  qui  peut-on  les  attribuer  qu'aux  Juifs  jaloux 
établis  en  Efpagne ,  qui  abhorraient  le  chrifiianifme 
comme  un  ennemi  né  dans  leur  fein  ? 

Nous  nous  garderons  bien  de  vouloir  percer  l'obf- 
curité  impénétrable  qui  couvre  le  berceau  de  l'églife 
naiflante ,  &  que  l'érudition  même  a  quelquefois  re- 
jdoublée. 


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^J^fte^iia 


^alBgas^ 


«^^« 
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Point    de    papbs.      293 

.Mais  ce  qui  eft  très  certain ,  c'eft  qu'il  n'y  a  que 
l'ignorance ,  le  fenatifme  ,  Pefclavage  des  écrivains 
copiftes  d'un  premier  impofteur  ,  qui  ayent  pu  comp- 
Hr  parmi  les  papes  ,  l'apôtre  Pierre  ,  Lin ,  Clet ,  & 
d'autres  dans  le  premier  fiécle. 

Il  n'y  eut  aucune  hiérarchie  pendant  près  de  cent 
ans  parmi  les  chrétiens.    Leurs  aflemblées  jçcrettes 
fe  gouvernaient  comme  celles  des  primitifs  ou  qua- 
kers d'aujourd'hui.  Ils  obfervaient  a  la  lettre  le  pré-^ 
cepte  de  leur  maitre  ,  les  princes  des  nations  dominent -^.^i 
il  n'en  fera  pas  ainfi  entre  vous  :  quiconque  voudra  être 
le  premier  fera  le  dernier^  Ln  hiérarchie  ne  put  fe  former 
que  quand  la  fociété  devint  nombreufe  ,  &  ce  ne  fut 
que  fous  Trajan  qu'il  y  eut  des  furveillans  epifcopoi, 
que  nous   avons  traduit  par  le   mot  à^évèque  ,  des 
presbiteroi ,  des  pijioi ,  des  énergumènes  ,  des  caté- 
chumènes. Il  n'eft  (^ueilion  du  tejme  pape  dans  au- 
cun des  auteurs  des  premiers  fiécles.    Ce  mot  grec 
était  inconnu  dans  le  petit  nombre  de  demi- juifs ,, 
qui  prenaient  à  Rome  le  nom  de  chrétiens. 


1 


ïlek  reconnu  par  tous  les  vrais  favans  que  Si' 
mon  Barjone ,  furnommé  Pierre  ,  n'alla  jamais  à  Ro- 
me. On  rit  aujourd'hui  de  la  preuve  que  des  idiots 
tirèrent  d'une  épitre  attribuée  à  cet  apôtre ,  né  en 
Galilée.  Il  dit  dans  cette  épitre  qu'il  eft  à  Babilone. 
Les  (euls  qui  parlent  de  fon  prétendu  martyre  ,  font 
des  faboliftes  décriés,  un  Hégejippe  ,  un  Marcel^  un 
-^M/ax  ,  copiés  depuis- par  Eufèbe.  Ils  content  que 
Simon  Barjone  &  un  autre  Simon ,  qu'ils  appellent  le 
milicien  ,  dîfputèrent  fous  Néron  à  qui  refTiifcite- 
raic  un  mort ,  &  à  qui  s'élèverait  le  plu$  haut  dans  ' 
l'air;  que  Simon  Barjone  fit  tomber  l'autre  Simon ^ 
fàvotide  Néron  ^  &  que  cet  empereur  irrité  fit  cru- 
cifier Barjone ,  lequel  par  humilité  voulut  être  cru* 
I  cifié  la  tête  en -bas.  Ces  inepties  font  aujourd'hui 
[     méprifées  de  tous  les  chrétiens  infixuits  ;  mais  depuis^ 


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] 


294     P  o 


IKTDB»APBS,  ¥ 

I   I  I    I  I  I       I  I w^mÊ^^^HU^^^ 

Cmjiantm  elles  furent  atttoriféet  jofqo'à  la  rensof- 
fance  des  lettres  &  du  bon  fens» 

Pour  prouver  que  Pierre  nt  mourut  point  i  Rome  j 
il  n'y  a  qu'à  obférver  que  la  première  bafilique  bâ- 
tie par  les  chrétiens  dans  cette  capitale ,  c'eft  eèlle 
de  St.  Jean  de  Latran}  c'eft  la  première  églife  latine; 
Tiiurait'.on  dédiée  à  Jean  »  fi  Pierre  avait  été  pape  ? 

La  lifte  frauduleu(b  des  prétendus  premiers  papet 
eft  tirée  d'un  livre  apocryphe  ,  intitulé  ie  ponHficai 
de  Damafe  5  qui  dit  en  pariant  de  Lin  ,  prétendu 
fùccefTeur  de  Pierre  ^  que  Lin  fut  pape  jufqu'à  la 
treizième  année  de  l'empereur  Néron.  Or  c*dl  pré- 
dfément  cette  année  i)  qu'on  fait  crucifier  Pierre. 
Il  y  aurait  donc  eu  deux  papes  à  la  fois. 

Enfin  ,  ce  qui  doit  trancher  toute  difficulté  aux      1 
yeux  de  tous  ItÉ  ohitétiens  ,  c'eft  que  ni  dans  les    S 
aétes  des  apAtres  »  ni  dans  les  épitres  de  Paul  9  il    * 
n'eft  pas  dit  un  feul  mot  d'un  voyage  de  Simon  Bar* 
jone  à  Rome.    Le  terme  de  fîége ,  de  pontificat ,  de 
papauté  attribué  à  Pierre ,  eft  d'un  ridicule  fenfiblc. 
Quel  fiége  qu'une  aflemblée  ineonnue  de  quelques 
pauvres  de  la  populace  juive  I 

C'eâ:  cependant  fur  cette  fiihle  que  la  puiiTance 
papale  eft  fondée  &  fe  foutient  encor  aujourd'hui 
après  toutes  Tes  pertes.  Qu'on  juge  après  cela  com- 
ment l'opinion  gouverne  lé  monde ,  &  comment  le 
menfbnge  fubjugue  l'ignorance. 

G'eft  ainfi  qu'autrefois  les  annaliftes  batbares  de 
l'Europe  comptaient  parmi  les  rois  de  France  un  Pba* 
ramond ,  &  fon  père  Marcomir ,  &  des  rois  d'Efpa- 
gne  ,  de  Suède ,  d'Ecofle  depuis  le  déluge.  U  &ut 
avouer  que  l'hiftoire  ainii  que  la  phyfique  n'a  com- 
mencé à  fe  débrouiller  que  fur  la  fin  du  (feiziéme 
T»     fiécle.  La  raifon  ne  fait  que  de  naître. 

& 


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m 


Christianisme  f£u  FERcéauti*    29f 

Ce  qui  eft  encor  certain  ,  c'eft  que  le  génie  du  fé'r 
nat  ne  fut  jamais  de  perfécuter  perfonne  pour  fa 
créance ,  que  jamais  aucun  empereur  ne  voulut  for- 
cer les  Juifis  à  changer  de  religion ,  ni  après  la  ré» 
volte  fous  yejpapen  ,  ni  après  celle  qui  éclata  fous 
Adrien.  On  infulta  toujours  à  leur  culte  ;  on  s'en 
moqua  ;  on  érigea  des  ftatues  dans  leur  temple  avânt 
fa  ruine  ^  mais  jamais  il  ne  vint  dans  l'idée  d'aucun 
Céfar  ,  ni  d'aucun  proconful ,  ni  du  fénat  Romain , 
d'empêcher  les  Juifs  de  croire  à  leur  loi.  Cette  feule 
raifon  fert  à  faire  voir  quelle  liberté  eut  le  chriftia- 
nifme  de  s'étendre  en  fecret ,  après  s'écre  formé  obf- 
curément  dans  le  fein  du  jud^dûne.  ' 

Aucun  des  Cifars  nMnquiéta  les  chrétiens  jufqu'à 
DomiHen.  Dion  Caffius  dit  qu'il  y  eut  fous  cet  em- 
pereur quelques  perfonnes  condamnées  comme  athées , 
&  comme  ânitant  les^  mœurs  des  Juifs.  Il  parait 
que  cette  vexation  fur  laquelle  on  a  d'ailleurs  fi  peu' 
de  lumières ,  ne  fut  ni  longue  «  ni  générale.  On  ne 
fait  précifément  ni  pourquoi  il  y  eut  quelques  chré- 
tiens bannis ,  ni  pourquoi  ils  furent  rappelles.  Com- 
meiit  croire  TertulHen ,  qui  fur  la  foi  di  Hégefîfft.  rap- 
porte férieufement ,  que  Domitim  interrogea  les  pe- 
tits-fUs  de  l'apôtre  ^.  Jude  de  la  race  de  David  ^ 
dont  il  redoutait  les  droits  au  trône  de  Judée ,  & 
que  les  voyant  pauvres  &  miférables ,  il  cefla  la  per- 
fécufion  ?  S'il  eût  été  poflible  qu'un  empereur  Ro^ 
main  craignit  des  prétendus  defcendans  de  David 
quand  Jérufalem  était  détruite ,  fa  politique  n'en  eût 
donc  vt^ulu  qu'aux  Juifs ,  &  non  aux  chrétiens.  Mais 
comment  imaginer  que  le  maître  de  la  terre  connue 
ait  eu  des  inquiétudes  fur  les  droits  de  deux  petits- 
fils  de  Su  Jude  au  royaume  de  la  Paleiline ,  &  les  ait  in« 
terrogés  ?  Voilà  malheureufement  comme  l'hiftoire  a 
été  écrite  par  tant  d'hommes  plus  pieux  qu'éclairés. 

2>ferva ,  Vefpaflen ,  Tite ,  Trajan  ,  Adrien ,  les  An* 
tfmins ,  ne  furent  point  perfécuteurs.   Trajan  qui  avait 

T  iiij  _^ 


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renouvelle  les  défenfes  portées  par  la  loi  des  doii7e 
tables  contre  les  aiTbciatîons  particulières  ,  écrit  à 
Pline  :  Il  ne  faut  faire  aucune  recherche  contre  les 
ehrêtienSé  Ces  mots  eflentiels  ,  il  ne  faut  faire  cm^ 
cune  recherche  ^  prouvent  qu'ils  purent  fe  cacher ,  fe 
maintenir  avec  prudence  ,  quoique  fouvent  l'envie 
des  prêtres  ,  &  la  haine  des  Juifs  les  traînât  aux  tri* 
bunaux  éS:  aux  fupplices.  Le  peuple  les  haïdait ,  & 
furtout  le  peuple  des  provinces,  toujours  plus  dur, 
plus  fuperftitieux  ,  &  plus  intolérant  que  celui  de  la 
capitale  :  il  excitait  les  magiftrats  contr'eux ,  il  criait 
qu'on  les  expofôt  aux  bêtes  dans  les  cirques.  Adrien 
non -feulement  défendit  à  Fondanm  ,  proconfui  de 
l'Afie  mineure  ,  de  les  perfécuter  ;  mais  fon  ordon- 
nance porte  ;7?o«  calomnie  les  chrétiens  ^  châtiez  fi- 
virement  le  calomniateur* 

C*eft  cette  juftice  A^ Adrien  qui  a  fait  fi  fauffement 
imaginer  qu'il  était  chrétien  lui-même.  Celui  qui 
éleva  un  temple  à  Antinous  ^  en  aurait-il  voulu  éle- 
ver à  Jesus-Christ  ? 

M'arc^Aurkle  ordonna  qu*on  ne  pourfuîvît  point  les 
chrétiens  pour  caufe  de  religion.  Caracalla ,  Héliogaba-^ 
le^  Alexandre^  Philippe^  (?«///>«,  les  protégèrent  ou  ver- 
tement. Us  eurent  donc  tout  le  tems  d'étendre  & 
de  fortifier  leur  églife  nailTante.  Us  tinrent  cinq  con- 
ciles dans  le  premier  fiécle  ,  feize  dans  le  fécond , 
&  trente^fix  dans  le  troifiéme.  Les  autels  étaient 
magnifiques  dès  le  tems  de  ce  troifiéme  fiécle.  L'hif- 
toire  eccléfiaftique  en  remarque  quelqueS'.uns  ornés 
de  colonnes  d^argent  qui  pefaient  enfemble  trois 
mille  marcSk  Les  calices  faits  fur  le  modèle  des  cou» 
pes  romaines,  6c  les  patènes ,  étaient  d'or  pur. 

Les  chrétiens  jouirent  d'une  fi  grande  liberté ,  mal- 
gré les  cris  &  les   perfécutions  de  leurs  ennemis , 
qu'ils  avaient  publiquement  dans  plufieurs  provinces , 
Jl     des  églifiîs  élevées  fur  les  débris  de  quelques  temples 

iiaai'ii.1.  .pMWi-n»  mi^M 


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*l«b. 


PEU      PERSE   CUTé.        297     il 


tombés  ou  ruinés.  Origène  &  5if.  Cyprien  l'avouent  ; 
&,  il  faut  bien  que  le  repos  de  Téglife  ait  été  long , 
puifque  ces  deux  gcands-hommes  reprochent  déjà  à 
leurs  contemporains  .le  luxe ,  la  moîlejfe  ,  Xhvarice , 
fuite  de  la  félicité  &  de  Tabondance.  ■  St.  Cyprien  fe 
plaint  expreflement  que  plufieurs  évéqoes  imitant 
mal  les  faints  exemples  qu'ils  avaient  fous  leurs  yeux , 
accumulaient  de  grandes  fommes  d'argent ,  s'enricbif» 
/aient  par  Pufure  ,  &  ravijfaient  des  terres  par  la 
fraude.  Ce  font  fes  propres  paroles:  elles  font  un  témoi- 
gnage évident  du  bonheur  tranquille  dont  on  jouïflait 
Sous  les  loix  romaines.  L'abus  d'une  chofe  en  démontre 
l'exiftence. 

Si  Dé  dus ,  Maxîtnin  ,  &  Dioclitien  pérfécutèrent 
les  chrétiens  ,  ce  fut  pour  des  raifons  d'état  :  Dicius , 
parce  qu'ils  tenaient  le  parti  de  la  maifon  de  Philippe 
foupt^nné  ,  quoiqu'à  tort ,  d'être  chrétien  lui-même  : 
Maximîn ,  parce  qif  ils  foutenaient  Gordien.  Ils  jouirent 
de  la  plus  grande  liberté  pendant  vingt  années  fous 
Dioclitien.  Non  -  feulement  ils  avaient  cette  liberté 
de  religion  que  le  gouvernement  Romain  accorda  de 
tout  tems  à  tous  les  peuples ,  fans  adopter  leurs  cul- 
tes ;  mais  ils  participaient  à  tous  les  droits  des  Ro- 
mains.  Plufieurs  chrétiens  étaient  gouverneurs  de  pro- 
vinces. Bufèbe  cite  deux  chrétiens ,  Dorothée  &  Gor-^ 
gonius ,  officiers  du  palais ,  à  qui  Dioclétien  prodiguait 
fa  faveur.  Enfin  il  avait  époufé  une  chrétienne.  Tout 
ce  que  nos  déclamateurs  écrivent  contre  'Dioclitien  , 
n'eft.donc  qu'une  calomnie  fondée  fur  l'ignorance. 
Loin  de  les  perfécuter ,  il  les  éleva  au  point  ^qu'il  ne 
fut  plus  en  fon  pouvoir  de  les  abattre. 

En  50 j  Cifar  Galirius  qui  les  haîflait ,  engage  Dio^ 
clitien  à  faire  démolir  l'églife  cathédrale  dé  Nicomé- 
'  die  élevée  vis^-vis  le  palais  de  Tempereur.  Un  chrê-  , 
tien,  plus  quindifcret  déchire  publiquement  Tédit  ; 
on  le  punit.  Le  feu  confume  quelques  jours  après 
une  partie  du  palais  de  Galirius  ,•  on  en  accufe  les 


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298     Vraies  et   fausses 

chrétiens  :  cependant  il  n'7  eut  point  de  peine  de 
mort  décernée  contr'eux.  L'édit  portait  qu'on  brl^ 
làt  leurs  temples  &  leurs  livres ,  qu'on  privât  leurs 
perfonnetf  de  tous  les  honneurs. 

Jamais  Dioclitien  n'avait  voulu  jufques^li  les  con- 
traindre en  matière  de  religion.  Il  avait  après  fa  vie- 
toire  fur  les  Perfes  donne  des  cdî^ts  contre  les  ma- 
nichéens  attachés  aux  intérêts  de  la  Ferfe  ,  &  fecrets 
ennemis  de  Tempire  Romain.  La  feule  raifon  d'état 
fiit  la  caufe  de  fes  édits.  S'ils  avaient  été  diâés  par 
le  zèle  de  la  religion ,  zèle  que  les  conquérans  ont« 
il  rarement ,  les  chrétiens  y  auraient  été  enveloppés. 
Us  ne  le  furent  pas  ;  ils  eurent  par  conféquent  viijgt 
années  entières  fous  Dioclitien  mimt  pour  s^affermir, 
&  ne  furent  maltraités  fous  lui  que  pendant  deux 
années  ;  encor  taSance ,  Eufibe ,  &  l'empereur  Cwfjf- 
tantin  lui  •  même  imputent  ces  violences  au  feul  Gaii- 
rius ,  &  non  à  Dioclitien,  Il  n'eft'pas  en  effet  vrai- 
femblable  qu'un  homnle  affez  philofophe  pour  renon- 
cer à  l'empire ,  l'ait  été  afle;^  peu  pour  être  un  per- 
fécuteur  fanatique. 

.  Dioeiitien  n'était  k  la  vérité  quHin  foldat  de  for. 
tune  ;  mais  c'eft  cela  même  qui  proifve  fon  extrême 
mérite.  On  ne  peut  juger  d'un  prince  que  par  fes 
exploits  &  par  fes  loix.  Ses  aâions  guerrières  furent 
grandes  &  fes  loix  juftes.  C'eft  k  lui  que  nous  devons 
la  loi  qui  annuUe  les  contrats  de  vente ,  dans  lefqoels 
il  y  a  léfion  d^)utre  moitié.  Il  dît  lui-même  que  Thu- 
manité  diâe  cette  loi ,  humanum  eft. 

Il  fut  le  père  des  pupilles  trop  négligés ,  il  voulut 
que  le»  capitaux  de  leurs  biens  portaiTent  intérêt 

^  C'eft  avec  autant  de  fâgefle  que  d'équité  qu'eii  pro- 
tégeant  les  mineurs ,  il  ne  voulut  pas  que  jamais  ces 
mineurs  puflcnt  abufer  de  cette  proteAion  »  en  trom- 
pant leurs  débiteurs.  Il  ordonna  qu'un  mineur  qm 


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PERSicUTIOVS. 


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aurait  ufé  de  fraude  ferait  déchu  du  bénéfice  de  la 
loi.  Il  réprima  les  délateurs  &  les  ufuriers.  Tel  eft 
l'homme  ^ue  l'ignorance  fe  repréfente  d'ordinaire  com^ 
me  un  ennemi  armé  fans  cefTe  contre  les  fidèles  ^  & 
fon  règne  comme  unt  St.  Barthflem  continuelle,  ou 
comme  la  perfécution  des  Albigeois.  C'eft  ce  qui  eft 
entièrement  contraire  à  la  vérité.  L'ère  des  martyrs 
qui  commence  à  l'avènement  de  Dioclitien ,  n'aunde 
donc  dû  être  datée  que  deux  ans  avant  fon  abdica- 
tion,  puifqu'il  ne  fit  aucun  martyr  pendant  vingt  ans.  ' 

C'eft  une  fable  bien  méprifiible ,  qu'il  ait  quitte  Tem-^ 
pire  de  regret  de  n'avoir  pu  abolir  le  chriftianiûtte. 
S'il  l'avait  tant  perfécuté  ,  il  aurait  au  contraire  con^ 
tinué  à  régner  pour  tâcher  de  le  détruire  ;  &  s'il  fut 
forcé  d'abdiquer ,  comme  on  l'a  dit  Çkta  preuve ,  il 
n'abdiqua  donc  pas  par  dépit  &  par  regret.  Le  vain 
plaifir  d'écrire  deschofes  extraordinaires,  &  de  groilir 
le  nombre  dès  martyrs ,  a  fait  ajouter  des  perfécutions 
faufles  &  incroyables  à  celles  qui  n'ont  été  que  trop 
réelles.  On  a  prétendu  que  du  tcms  de  DiociitîeH  en 
287  '  Maxintien^HercuIe  Céfar  envoya  au  martyre  ad^ 
milieu  des  Alpes  une  légion  entière  appellée  Tbibai* 
n€ ,  compoféede  fix  mille  fit  cent  hommes  ious  chrê- 
tiens ,  qui  tous  fe  laiiliàrent  maifacrer  fans  murmurer. 
Cette  hiftoire  fi  fameufe  ne  fut  éarite  que  près  de  deuX' 
cent  ans  après  par  l'abbé  Euchêr ,  qui  la  rapporte  fur 
des  ouï  "  dire.  Mais  comment  Maximien  ^  Utrculi  au. 
rait  -  il  •  comme  on  le  dit  ^  appelle  d'Orient  cette  lé- 
gion pdur  aller  appaifer  dans  les  Gaitles  une  fédition 
réprimée  depuis  une  année  entière?  Pourquoi  fe  ferait^ 
il  défait  de  fix  mille  fix  cent  bons  foldats  dont  il  avait 
befoin  pour  aller  réprimer  cette  fédition  ?  Comment 
tous  étaient 'ils  chrétiens  fans  exception  ?  Pourquoi 
lea  égorger  en  chemin  ?  Qui  les  aurait  maflacrés  dana 
une  gorge  étroite ,  entre  deux  montagnes  près  de  St. 
Maurice  en  Valais  ,  où  l'on  ne  peut  mettre ,  quat^re 
cent  hommes  en  ordre  de  bataille  ,  &  où  une  légion 
réfifterait  aifément  à  la  plus  grande  armée  ?  A  quel 


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Idâêm 


«5» 

3    300  Vraies  et  iausses  FSRsécvTioNs. 


*«!»ÎJi 


1 


I 


pjopos  cette  boucherie  dans  un  tems  où  Ton  ne  pcN 
fécutait  pas ,  dans  l'époque  de  la  plus  grande  tran* 
quillicé  de  réglife*)  tandis  que  fous  les  yeux  de  Lio^ 
clititn  même  ,  à  Nicomédie  vis  -  à  -  vis  foa  palais ,  les 
chrétiens  avaient  un  temple  fuperbe  ?  La  profonde 
faioù  ê?  la  liberté  entière  dont  nous  nous  jouijlons , 
dit  Eufèbe  ,  nous  fit  tomber  dans  le  relâchement.  Cette 
profonde  paix  ,  cette  entière  liberté  s'accorde-t-elle 
avec  le  maifacre  de  fix  mille  fix  cent  foldats  ?  Si  ce 
fait  incroyable  pouvait  être  vrai  >  (  a  )  Eufèbe  reût-il 

f^aflc  fous  filence  ?  Tant  de  vrais  martyrs  ont  fcellé 
'Evangile  de  leur  fang ,  qu'on  ne  doit  point  faire  par- 
tager leur  gloire  à  ceux  qui  n'ont  pas  partagé  leurs 
foulFrances.  Il  eft  certain  que  Dioclétien  les  deux  der- 
nières  années  de  fon  empire  ,  &  Galérius  quelques 
années  encor  après  ,  perfécutèrent  violemment  les 
chrétiens  de  TAfie  mineure  &  des  contrées  voifines. 
Mais  dans  les  Efpagnes ,  dans  les  Gaules ,  dans  l'An- 
gleterre, qui  étaient  alors  le  partage  de  Confiance 
Clore  ,  loin  d'être  pourfui vis  ,  ils  virent  leur  religion 
dominante ,  &  Eufèbe  dit  que  Maxence  élu  empereur 
à  Rome  en  306 ,  ne  perfécuta  perfonne. 

Ils  fervirent  utilement  Confiance  Clore  qui  les  pro- 
tegea ,  &  dont  la  concubine  Hélène  embraifa  publi- 
quement le  chriftianifme.  Ils  firent  donc  alors  un 
grand  parti  dans  l'état.  Leur  argent ,  &  leurs  armes 
contribuèrent  à  mettre  Conflantin  fur  le  trône.  C'eft 
ce  qui  le  rendit  bdieux  au  fénat ,  au  peuple  Romain  , 
aux  prétoriens ,  qui  tous  avaient  pris  le  parti  de  Ma>' 
xence  fon  concurrent  à  l'empire.  Nos  hiftoricns  ap- 
pellent Maxence ,  Tyran ,  parce  qu'il  fut  malheureux. 
Il  eft  pourtant  certain  qu'il  était  véritable  empereur, 
puifque  le  fénat ,  &  le  peuple  Romain  l'avaient  pro- 
clamé.       / 


(a)  Voyez  les  éclairciflTemens  fur  cette  hiftoire  générale. 


I 


^HïF^itt 


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^gtj^  II'  cw  ■"  '^fjfjim 

Fausses  LéoENDBs,&c.     301    il 


CHAPITRE    NEUVIÈME. 

j^  let  fauJTes  légendes  des  premiers  chrétiens  if  ont 
point,  nui  a  P et abiijf entent  de  la  religion  cbtîtienne. 

JEsus -Christ  avait  permis  que  les  faux  évangiles 
fe  mélaflent  aux  véritables  dés  le  commencement 
du  chriftianifme  ;  &  même  pour  mieux  exercer  la  foi 
des  fidèles  ,  les  évangiles  qu'on  appelle  aujourd'hui 
apocryphes  précédèrent  les  quatre  ouvrages  facrés  qui 
font  aujourd'hui  les  fondemens  de  notre  foi  ;  cela  eft 
fi  vrai  que  les  pères  des  premiers  fiécles ,  citent  pref- 
que  toujours  quelqu'un  de  ces  évangiles ,  qui  ne  fub-* 
fiilent  plus.  Ni  Barnabe ,  ni  Clément ,  ni  Ignace ,  enfin 
tous ,  jufqu'à  Jujiin  ne  citent  que  ces  apocryphes. 
Clément ,  par  exemple ,  dans  le  yill.  chap.  épit.  IL 
s'exprime  ainfi  :  Le  Seignetir  dit ,  dans/on  évangile  $ 
Jî  vous  ne  gardez  pas  le  petit  ,  ^ui  vous  confiera  le 
grand  ?  Or  ces  paroles  ne  font  ni  dans  Matthieu ,  ni 
dans  Marc ,  ni  dans  Luc ,  ni  dans  Jean.  Nous  avons 
vingt  exemples  de  pareilles  citations. 

Il  eft  bien  évident  que  dans  les  dix  ou  douze  fedes 
qui  partageaient  les  chrétiens  dès  le  premier  fiécle , 
un  parti  ne  fe  prévalait  pas  des  évangiles  de  fes  ad- 
verfaires  ,  à  moins  que  ce  ne  fut  pour  les  combattre  ; 
chacun  n'apportait  en  preuves  que  les  livres  de  fon 
partL  Comment  donc  les  pères  de  notre  véritable 
églife ,  ont -ils  pu  citer  les  évangiles  qui  ne  font  point 
canoniques  ?  il  faut  bien  que  ces  écrits  fuflent  regar- 
dés alors  comme  autentiques  &  comme  facrés. 

Ce  qui  paraîtrait  encore  plus  fingulier  fi  oh  ne  fa- 
vait  pas  de  quels  excès  la  nature  humaine  eft  capable , 
ce  ferait  que  dans  toutes  les  fedtes  chrétiennes  ré- 
prouvées par  notre  églife  dominante ,  ^  fe  fût  trouvé     Jî 
des  hommes,  qui  euifent  fouffert  la  perfécution  pour     % 


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ioz       Fausseslégendes  I 

leurs  évangiles  apocryphes.  Cela  ne  prouverait  que 
trop  que  le  faux  zèle  çft  martyr  de  l'erreur ,  ainli 
que  le  véritable  zèle  eft  martyr  de  la  vérité. 

On  ne  peut  dîflîmuler  les  fraudes  pieufes  »  que  mal- 
heureufement  les  premiers  chrétiens  de  toutes  les  fec- 
tes  employèrent  pour  foutenir  notre  religion  fainte, 
qui  n*avait  pas  befoin  de  cet  appui  honteux.  On  fup- 
pofa  une  lettre  de  Pilote  à  Tihêre  ,  dans  laquelle  Pi- 
la$e  dit  à  cet  empereur  : ,,  Le  Dieu  des  Juifs  leur 
)3  ayant  promis  de  leur  envoyer  fon  faint  du  haut  du 
^  ciel  ,,qui  ferait  leur  roi  à  bien  jufte  titre ,  &  ayant 
yy  promis  qu'il  naîtrait  d'une  vierge  ,  le  Dieu  àt^ 
yy  Juife  Ta  envoyé  en  effet ,  moi  étant  préfident  en 
yy  Judée. 


i 


On  fuppofa  un  prétendu  cdît  de  Tibère ,  qtaî  met- 
tait Je  s  u  s  au  rang  des  Dieux  ;  on  fuppofa  des  lettres 
de  Sinéque  à  Paul  »  &  de  Paul  à  Sénèque.  On  fup- 
pofa le  teftament  des  douze  patriarches  ^  qui  paffa 
très  longtems  pour  autentique  ,  &  qui  fut  même  tra- 
duit en  grec  par  St.  Jean  Cbr^ojiome.  On  fuppofa  le 
teftament  de  Moife ,  celui  à'Enoc ,  celui  de  Jofefb  : 
on  fuppofa  le  célèbre  livre  d'Emc  que  Ton  regarde 
comme  le  fondement  de  tout  le  chriftianifme  ;  pu'f- 
que  c'eft  dans  ce  feul  livre  qu'on  rapporte  Thiftoire 
de  la  révolte  dés  anges  précipités  dans  l'enfer,  &' 
changés  en  diables  pour  tenter  les  hommes.  Ce  livre 
fut  forgé  dès  le  tems  des  apôtres ,  &  avant  même 
qu'on  eût  les  épitres  de  St.  Jude  qui  cite  les  pro- 
phéties de  cet  Enocfeptiime  homme  après  Adam. 

On  fuppofa  une  lettre  de  Jesus  -  Christ  à  un  pré- 
tendu roi  d'Edeffe  »  dans  \p  tems  qu'EdefTc  n'avait 
point  de  roi  &  qu'elle  appartenait  aux  Romains  (a). 

(«)  On  domie  i  ce  pré-  I  EtAbgare  était  le  titre  des 
tendu  roi  le  nom  propre  d*Ab-  1  anciens  prince^  de  ce  petit 
gare.  Lcm  iléf^ar^^jESUS.  I  pays. 


«rflitf»^ 


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lÊÊÊM 


DES  PREMIERS  CHRETIENS.   303 


On  fuppofa  les  voyages  de  St.  Pierre ,  rapocalypfe 
de  St.  Pierre  ,  les  ades  de  St.  Pierre ,  les  adcs  de 
St.  Paul^  les  aâes  de  Pilote  f  on  falfifei  Phiftoire  de 
Flavien  Jofepb ,  &  on  fiit  aiTez  mai  avifé  pour  faire 
dire  à  ce  Juif  fi  zélé  pour  fa  religion  juive  que  Jisus 
était  le  Christ  ,  le  Meflie. 

On  écrivit  le  roman  de  la  querelle  de  St.  Pierre 
avec  Simon  le  magicien ,  d'un  mort ,  parent  de  Ifi» 
ron  ,  qu^ils  fe  chargèrent  de  relTufciter  ,  de  leur  corn- 
bat  dans  les  airs  ,  du  chien  de  Simon  qui  apportait 
des  lettres  à  St.  Pierre  ,  &  qui  rapportait  les  ré- 
ponfes. 

On  fuppofa  des  vers  des  fibylles  ,  qui  eurent  un 
cours  fi  prodigieux  qu'il  en  eft  encore  fait  mention 
dans  nos  hymnes  : 

Tejie  David  cumJtbyM. 

'  Enfin  on  fuppofa  un  nombre  prodigieux  de  martyrs 
que  l'on  confondit,  comme  nous  l'avons  déjà  dit,  avec 
les  véritables. 

Nous  avons  encore  les  ades  du  martyre  de  St.  An* 
dri  l'apôtre ,  qui  font  reconnus  pour  faux  par  les  plut 
pieux  &  les  plus  favans  critiques ,  de  même  que  les 
aâes  du  martyre  de  St.  Clément. 

EuJtBe  de  Céfarée  au  quatrième  fiécle  recueillit  une 
grande  partie  de  ces  légendes.  C'eft-là  qu'on  voit 
d'abord  le  martyre  de  St.  Jacques  frère  aîné  de  Jésus- 
Christ,  qu'on  prétend  avoir  été  un  bon  Juif,  & 
même  récabite ,  &  que  les  Juifs  de  Jérufalem  appeU 
laîent  Jacques  le  jujfe.  Il  paflait  les  journées  entières 
à  prier  dans  le  temple.  Il  n'était  donc  pas  de  la  reli- 
gion de  fon  frère.  Us  le  preCTèrcnt  de  déclarer  que 
fon  frère  était  un  impofleur  ,  mais  Jacques  leur  ré- 
[  pondit  :  fâchez  qu'il  eft  affis  à  h  droite  de  la  fou- 
S  ■  '      y 


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304      Fausses    légendes 


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Tcrainc  puîflince  de  Dieu  y  &  qu'il  doit  paraître  au 
milieu  des  nuées,  pour  juger  de -là  tout  l'univers. 

Enfuite  vient  un  Siméon^  coufîn  germain  de  Jesds^ 
Christ  ,  fils  d'un  nommé  Cléophas ,  &  d'une  Ma^ 
^rie ,  fœur  de  Marie  mère  de  Jésus.  On  le  fait  libé- 
ralemenc  évêque  de  Jérufalem.  On  fuppofe  qu'il  fut 
•déféré  aux  Romains  comme  defcendant  en  droite  ligne 
du  roi  David  ;  qu'il  avait  un  droit  évident  au  rovau- 
me  de  Jérufalem  aufli-bien  que  St,  Jude  $  que  Tra- 
jan ,  qui  craignait  extrêmement  la  race  de  David ,  ne 
fut  pas  fi  clément  envers  Siméon  ^  que  Domitien  Ta. 
vait  été  envers  les  petits- fils  de  Jude  ,  &  qu'il  ne 
manqua  pas  de  faire  crucifier  Siméon  de  peur  qu'il 
ne  lui  enlevât  la  Palelline.  Il  falait  que  ce  coufin-ger- 
main  de  Jésus  -  Christ  fût  bien  vieux  ,  puifqu'il 
vivait  fous  Trajan  dans  la  io7eme  année  de  notrç 
ère  vulgaire. 

On  fuppofa  une  longue  converfatîon  entre  Trajan 
&  St.  Ignace  à  Andoche.  Trajan  lui  dit:j^2£f  es-tu, 
efprit  impur ,  dimon  infernal  ?  Ignace  lui  répondit  ; 
Je  ne  m'appelle  poin^  efprit  impur.  Je  m'appelle  pork- 
JHeu.  Cette  converfatîon  eft  tout-à-&it  vraifem- 
blable. 

Vient  enfuite  une  Ste.  Sympborofe  avec  fes  fept  en- 
fans  qui  allèrent  voir  familièrement  l'empereur -<^^r/V», 
dans  le  tems  qu'il  bàtiflaic  fa  belle  maifon  de  campa- 
gne à  Tibur.  Adrien  ,  quoiqu'il  ne  perfécutàt  ja- 
mais perfonne  ,  fit  fendre  en  fa  préfence  le  cadet 
des  fept  frères  ,  de  la  tête  en  -  bas  ,  &  fit  tuer  les 
fix  autres  avec  la  mère  par  des  gg^res  difFérens  de 
mort ,  pour  avoir  plus  de  plaifir. 

Sti.  Félicité  &  fes  fept  enfans  ,  car  il  en  faut  tou- 
jours fept,  eft  interrogée  avec  eux,  jugée  &  con- 
damnée par  le  préfet  de  Rome  dans  le  champ  de 

Mars 


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DES   PHElilERS   CHKÈTÎEIÎS.    |Of 


Mars ,  oà  on  ne  jtigeaic  jamais  pcrfonne.  Le  préfet  ju- 
geait dant  le  précoif  e  ;  mais  on  n'y  regarda  pas  de  û 
ptè$* 

St,  Pofycxrpi  ^tant  condamhé  ai3  feu ,  on  entcnii 
une.yoix  du  del  ,  qui  lui  dit:  Courage ,  Po^ycarfe  y 
fois  ferme  i  &  aiaiTi-tôt  le»  flammes  du  bûcher  fedi* 
vifent  &  formem  un  beau  dais  fur  fa  tête  »  fant  Jt 
toucher. 


ttncabaretier  cttéÉien  nommé  $t.  Tbiodûie ,  fêri^ 


cîitien.    Ce  pré  ^  dit  k  légende  reçu  cil  lie  par  le  ré- 
vérend père  BoIIanJus  ,  étaii  d'un  verd  naijfant ,  re* 
levé  par  les  nuances  àwerfes  qui  formaient  les  divers 
coloris  des  fieurs-  Ah  /  k  beau  pré  ,  s'écria  le  St.  ca- 
baretier ,  pour  y  bâtir  une  cbapelit  /  Vota  avez  rai- 
foH ,  dit  k  cure  Fronton  ,  mais  il  me  faui  des  nli* 
!    qués.  Allez  ,  iiik%  ,  reprit  Théodore  ,  je  vous  en  four* 
tarai.   Il  fdvak  bien  ce  qui!  difidt,    H  y  ivaît  dans 
Ancyrc  fept  vierges  chêtîenncs  d^cnviron  foixante  &' 
I    douze  ans   chacune.    Elles  furent  condamnées  par' 
I    lé  gouverneur  à  titt  viofces  par  tous  les  jeunes  gêna 
I    de  la  ville ,  félon  les  loix  romaines  ;  car  ces  Icgen- 
I    des  fuppQfcnt  toujours  qu'on  f aï  fait  fouiFrir  cefti^-^ 
tflicè  à  toutes  les  fiUea  cKrétîênnes.  ^^J ^ 

Il  ne  fe  trouva  lieufeufeméoÉ  aucun  jetlnë  hommï 

qui  viïuïût  être  leur  exécuteur ,  îl  nV  eut  qu'un  jeU.ne 

yvrogne  ,  qui  e^it  ofTez  de  courage  pour  s' attaquer. 

d'abofd  à  Sîe,   Tèmtfe^  la  plus  jeune  de  tnotea  ^  qui 

cfcaît  dans  fa  foîxante  &  onzième  année-    Tèmfè  fe 

:,    jcijta  à   fes  pieds  ,  lui   montra  la  f  eau  fia  f  que  de  fis 

cwjfes  décharnées  i  Ëf  toutes  fis  rides  pleines  de  crap 

fi  i  t^€,  ,c^U  défartna  le  jeune,  hommii  ;  le  gôiîViMV, 

neuf  indtgné  ^ue  les  fept  vieijlfd  tfiiflenù  confervé  leué^ 

f    pucelage  ^  lefs.  ^t  fur  1^  champ  pçéfereffes  .de  Dîmé 

\       Effai/ur  In  rhœurs  ^  &€.  Tom-  h  V 


'    , 


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i&S    .  F  A  U  S.S^S    L  i;6.B.N  DES 


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Sciàc  Mfneru^^:^  &  «Iles  forent  obUgées.de  fervif 
tontes  i^uesiicxs  deux  déaefîes ,  dcttt  poprtantiâi  ïem- 
mes  n^approchaient  jamais  que  voilées  de  la  tétt.m 
pieds. 

'  ,Xe  cabarcjtîër  Tï^o^o^Hes  voyant  aînfi  tbutesnucS,' 
&  ne  pouvant  fouïfrir.  jCet  attentat  fait  ikur  pu- 
âeifr,  firîa  Dieu  avec' larmes  ,  qu'il:  eût  la  bonté  de 
les  faire  mourir  fur  le  champ  ;  aufii-tôt  le  gouver- 
neur les  fit  jett^er  ^diuis  le  lac  d'An^cyre  une  pierre jia 

'^ta  bîenhcttfeirfe^2î5^^^p^arûtla  niiîl''l^S.  Tïéo- 
rfbfî^  .5,  VÔU8 'dormeîz  V  woii  fils, lui  dit-çlfe,fanî 
55  paifer  à  noéS:  "Ne'  fouïFrez  pas  ,  .mon  cher  Tbio- 
,)  rfoife  ,  qiie  nos  corps*  fiaient' mangea  par  les  tnri- 
5i  tes.  **  Tbèodote  rêva  on  jour;  entier-  à"-tçtte  âp- 
p;tfîtîon.  '     •  -      ■  *.  -^^        ^  • 

*  tliWt  fùivatttcf;fl  alfà^u  lac  avct:  ijufïqifes-ijns 
de  Ç;  sgarqoftsT  'Une  himière^éclatadte' marchait  dé- 
tint eux,  ^cependant  la  nuit"êta]c  fbritVobfcçre.  Une 
ghiié  épouvantable  toihjja  ,  &  fit  enfler  (e*  ko.  Deux 
vieillards  dpHi  ?escieifeux  ,  ia  Varie  ^^  léf  bdits 
étaient  b  fanes  comme  de  ia  neige ,  lui  à^^arUrejit  alors , 
^  iui  dit  eut  :  Marchez  ^  He  craignez  Y^eH\  iihici  vn 
Jîan^eau  cilefle^  ^  vout  trouvereiè  auprès  an  lac  y 
un  cavalier  célejiè\  a^mi  de  ioutes'^  pièces  qiii  vôm 
conduira. 

^  J[Qfll.tÂt  l'ôtage  redoubla:  L#  cavdiérccâeffè  fe  pré- 
f<antft  tfvtc  nine  tance  énorme*  Ct  càiràRer-  kAt  le 
gtoriefi»  martyr  Sùzi^ndre  loi-méÉnè  /^*  qtri  DiBU 
s^ait  ordonné  ie  defcendre  du  (MÛit  mi  beau  die- 
yalpour  cpiîdufre  le  cabarcticr.  ïlpouffoivit  les  feotf- 
neltes  du  lac  la  lance  daris  les^  reins,  les  feâtinelles 
»Hm&}feDt.  '  Tbiodâte  trouva  le  lac  k  fec  ,  ce  qui 
était  l'effet  dela^hii»  ;'  on^ciripôfta'fcSTÛîpt  vle^ 
g«fry  &  les  garqoï»  tabare«Scr^lc«  'énierrtï^cjit*' 


,  vA 


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D  EB  ^  H  1  M  r  ETC  B  '  c  K«:i-,x  IS  ïî 'S.  3d7 

>  '  La  i^ade  ne  manque  |y?s  th  hippcsctec  ieucr  n>tas  n 
c'étaient  &e.  Técufe  ^'Sife.  Alexandre  y  Stt.  PJbamiy 
hérétiques^;  &  Ste.  Claudiw,:Stè.?£Mfhrqfi€  «  Stf.-Jian 
tr^ne ,  & 5^«-  /«/gre,  catholiques 7  .  r>  ^  ..  i 

Dès  qu'on  fut  dans  la  ville  d'Ancyre  que  ces  fept 
pifccellea.  jMr.ainftliiji^fy  mfpnrijitf ,  ftaiirt  ia  yijle  fut>  e^ 
alIarmes'S  en  combulHon,  commrvmrsie  croyez  biei). 
Le  gouverneur  fit  appliquer  Tbéodote  à  la  queftion. 
Voyez  ^4iifait  «tÙéodotevyexiiiliïoi^iEkQ^QlltlST 
confie  fes  fervitettrs  y  il  nie  donne  le  courage  defùuffrit 
la  qutfiiofty  &;  bientôt  jefen^i  imlè-.  11  le  &t  en  effets 
]^ais.il.avaif  promis  des  fp}iq«c?,açj.gurè  JtrDnion 
pour  mettre  dans  fa  chapeliç.i  4. ï'^'o^X»*^  ^*en  avait 
point.  Fronton  monta  fur  un  âne  pour  aller  cKer- 
chcr  fes  reliques  à  Ançyre  ,  &  diargea  fou  âne  dç 
quelques  bon teillçs  d'excellent  vîn ,  cax  il  s'agîlTaîtd'u^ 
çàbaTetier,  Il  reiicotitrii  fies  loldats  qu'il  Jic  botfC,liÇ5 
foltiats  lui  ractïntérenc  Je  m.irtjre  de  St.  TbiùÀàttl 
Us  gardaient  fon, corps,  quoîixu'îl  eût  été  rédàit  en' 
cendres*  lî  les  enyvra  fi  bieii  qa*il  eu£  le  tems  d*éii^ 
lever  le  corps.  Il  l'èfjfeveik  &  bâtk  fa  chapeïle.  ES 
Ifien  ,  lui  dit-St,  Théodote  ,  fmmi^s  vas  tim^  M^ 
que  tu  QMtmi  dts  rehquer.  .i      . 

\  Voilà  ce  que- Ic^  jt^fuîtes  BùlU}fduî  &  VapfêrQri 
rie  rougirent  pas  de  rapporter  dans  leur  hhtoiredes 
faints.    Voilà  ce  ^qti^un  ihoînè  nommé  Dom  Rmfémi 


a  Finfolente  imbëçrMné  d^lnfércf  dans  fes  adçs  fti< 


.^tarit 
âigdûtanbes 


.  dt '^nne 'Tpiwe  aotBétiqoe  i  ?[ 

toii^ai^^  trpoagçrJesiioixwiçsji 
&\queUe  fcblji|e|tlc,  s'imagiaei^ 
'4u\irt  lès  tramée'  rfujbiir^ 
3'ttiii^^^  ^-  ^'^>  ^       "  '-^^ 

.  _V    ij 

igiWi      r^-T      ifi^ 


Fuy>en-V«l»,  4dlii8  iiUid^aftt>i^ 
itàt  auRiisbltandèct'iiéysrvn 
aigris  ]4e  ipart)  cMouRç^pu-^ 

ion  ,  &^  la  vraj^Q  t)^tl,  Que^ 
ne  dit -il  anffî'^dféV^tifpué)?^ 


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:; 


308      F  A  U  s  s  JB  S  L  é  0  EN  D  B  Si,0&P. 

(bpt  œitt  années  ,  n'ont  pu  &îre.eort  à  noM  reU« 
giorr.  Elle  «ft  fana  doute  divine  ,  puifque  dix-fept 
fiédes  4e  friponnes. &  d'inilïçcillités  n'ont  pu  la  dé- 
truire ,  &  nous  révérons  d'autant  plu^  la  vérité  que 
nous  méprifons  le  menfonge. 


C  H  A  P  i  T  a  E    D  I  X  I  É  M  E. 

Suite  4â  ^itahHJJ'êment  du  cbri/lianifme.    Comment 
^  ÇbNîTAKTTlN  eu  fit  la  religion  dominante.   Dica-  ^ 
dencè  de  f  ancienne  Rome. 

LE  règne  de  Confiantin  eft  une  époque  glorieufe 
pour  la  religion  chrétienne  ,  qu'il  rendit  triom- 
phante. On  nWaît  pas  befoîn  (Ty  joihdfe  des  pro- 
dîgës ,  comme  l'apparition  du  Labarum  dans  les  nuées , 
fans  qu'on  dife  feulement  en  quel  pays  cet  étendart 
apparut  II  ne  falait  pas  écrire  que  tes  gardes*  du  £â- 
baruin  ne  pouvaient  jamais  ^tre  blefles.  Le  bouclier 
tombé  du  ciel  dans  l'ancienne  Rôîne  ;V Oriflamme  z^ 
porté k St,  Denis  par  un  ange,  toutes  ces  tmitatibn^ 
ùàylfaBadium  4e  Troye  ne  fervent  qu'à  donner  à  la 
yei^t^  l'air  de  la  fable.  De  favans  antiquaires  ont  fuffir 
^iO^ment  réfuté  ces  erreurs  que  la  philofophie  défa- 
▼Gue^  &.que  la  critique  flétruit.  Actachbns-nous  feule- 
ment a  voir  conunent  Rome  cetia  d'être  Rome. 

\  Pour  développer  Thiftoire  del'efjprit  humain  chez 
les  peuples  chrétiens  ,11  falut  remonter  jufqo'à  Conjian-^ 
tm,y&  roémerau-deli.  C^eft  une.  nuit  (jans  laquelle  il 
faut  allumer  tbi.méme  lie  f^mbeau  dont  on  a  befoln. 
Ori  devrait  attendre  de$  lumières:  d'un  homme  tel 
qu'Eufèùe  évéquc  de  Céfarée ,  confident  de  Confiant 

iiin^  ennemi  à* Athanafê  ^  homme  d'état ,  homme  de 
lettres  ,  qûrte  premier  jBfc  l'hiftçïre  ,de  l^egHfe. 

SKÇiàrw    ■  ■■  ■  I     II  ■i,|yiKa»gw=gg=gg«gg= 


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Ghkistiamisme;  CaKSTkvtr». 


Mais  qu'on  eft  étonné  quand  on  vaat  t'inftraire  dans 
les  écrits  de  cet  homme  d'état  père  de  Tbiftoire  ec-« 
cléfiaftiquei 

On  y  trouve  ,  à  propos  de  l'empereur  Conjlantîn  « 
que  9>  Dieu  a  mis  les  nombres  dans  fon  unité  ,  qu'il 
^  a  embelli  le  monde  par  le  nombre  de  deux  ,•&  que 
^  par  le  nombre  de  trois  il  le  compolk  de  madère  &  de 
yy  forme  ;  qn'enfuice  ayant  doublé  le  nombre  de  deux , 
yy  il  inventa  les  quatre  élémens  :  que  c'eft  une  cbôfe 
yy  merveilleofe  qu'en  faifant  l'addition  d'un ,  de  deux, 
yy  de  trois  &  de  quatre  on  trouve  le  nombre  de  dix  qui 
yy  cft  lafin ,  le  terme  &  la  perfeâipn  de  l'unité  ;  &  que 
yy  ce  nombre  dix  iî  parfait  multiplié  par  le  nombre  phis 
»  par&it  de  trois  qui  eft  l'image  fenfible  de  la  Divinité , 
93  il  en  réfulte  le  nombre  des  trente  jours  du  mois,  (a) 

C'eft  ce  même  Eufibe  qui  rapporte  la  lettre  dotit  nous 
avons  déjà  parlé ,  d'un  Abgare  roi  d'EdefTe  à  jESUS- 
Christ  ,  dans  laquelle  il  lui  offre  îà  petite  ville  qui  efi 
Hffezp-opret  &  la  réponfç  de  Jcsus- CHRIST  au  xçA 
Abgare. 

D  rapporte  d'après  TertulNen ,  que  fi-tôt  que  l'em- 
pereur Tijbère  eut  appris  par  Pilote  la  mort  de  JESUS- 
Christ,  T/£r^rf  ,  qui  chaiTait  les  Juifs  de  Rome, ne 
manqua  pas  de  propofer  au  fénat  d'admettre  au  nombre 
des  Dieux  de  l'empire ,  celui  qu'il  ne  pouvait  connaître 
encor  que  comme  un  homme  de  Judée ,  que  le  fénat 
n'en  voulut  rien  faire ,  Se  que  Tibire  en  fut  extrême- 
ment courroucé. 

B  rapporte  d'après  Ju/Hn  la  prétendlie  ilatue  éle- 
vée  à  ^m0n  le  magicien  g  il  prend  les  Juifi  théra- 
peutes pour  des  chrétiens. 

C'eft  lui  qui  fur  la  foi  d^HégeJippe ,  prétend  que 
les  petits -neveux  de  Jésus -Christ  par  fon  frère 

(a)  Bdltef  pan^l^de  C^ontôi,  chap.  IV&  V. 

V   iij 

ft^iw^-    ■  jjiiTJiHli 


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'»^nair'>< 


3fïi     Christianisme. 


vengeance ,  lors  même  que  leiir  triomphe  devait  leur 
hifpurer  l'cfprit  de  pafaf.  Ils  maffacrèrcnt  dans  la  Syrie 
&  dans  la  Paleftinc  tous  les  magiftrats  quî  avaient  (evi 
contr'cux  ;  ils  noyèrent  la  femmç  &la  fille  de  Maxinun , 
ils  firent  périr  dans  les  tourmens  fes  fils  &  fes  parens. 
Les  querelles  au  fujet  delà  Cmfubflantiabiiité dn  Verbe 
troublèrent  le  monde  &  l'enfanglantèrent.  Enfin ,  Âm, 
ntian  Marctliin  dît  que  îes  cbrttims  defon  temsfe  dé* 
cbittàtfit  tntr'eux  comme  des  bêtes  féroces.  Il  y  avait  de 
grandes  vertus  cçctAmmian  ne  remarque  pas  :  elles  font 
prefque  toujours  cachées ,  furtout  à  des  yeux  etoemi9  > 
&  les  vices  éclatent. 

UégHft  -ût  Rome  !ut  préftrvée  de  ces  crimes  &  de 
ces  rtialfattil-s  ;  elle  )ie  fut  d'abord  ni  puiiTante ,  ni  fouiU 
lée  ;  fcHe  refta  longteiHs  tranquille  &  fage  au  milieu  d'un 
fénat  &  d'un  peuple  qui  la  méprlfaient.  H  y  avait  dans 
cette  capitale  du  monde  connu  feptcent  temples  grands 
ou  petits  dédiés  aux  Dieux  majorum  &  minontm  gen^ 
tium.  Ils  fubfiftèrent  jufqu'à  Tbiochfe  ;  &  les  peuples 
de  la  campagne  perfiftèrent  longtems  après  lui  dans 
leur  ancien  culte.  C'eft  ce  qui  fit  donner  aux  fedlateurs 
de  rântiènne  reb'gîon  le  nom  de  Payens ,  Pagani ,  du 
nom  des  bourgades  appellées/^ogi,  dans  lefquellêson 
faiffa  fubfifter  rîdolâtrle  ,  jufqu'au  huitième  fiécle  ;  de 
fbrte  qufe  le  nom  de  payens  ne  ftgnifie  que  payfans , 
villageois. 

,  Onfaîtaflez  fur  quelle  Impofture  eft  fondée  la  do« 
nation  de  Conjlantin  (à)  s  mais  on  ne  fait  point  affez 
combien  cette  impofture  ^  été  longtems  accréditée. 
Ceux  qui  la  niaient,  fiarent  fduvent  punis  en  Italie  & 
ailleurs.  Qui  croirait  qu'en  14-78  il  y  eut  des  hommes 
brûlés  à  Strasbourg  pour  avoir  combattu  cette  erreur  ? 


4  )  Voyez  le  contenu  de 

^donation  pr^tendné  dans 

lliiftbîre  do  chrîftîanirme  pîâr 

JaaUé,  fiUe  coihinenco  pat 


ces  mots  :  ?/ous  avec  noifitra" 
fes.  Cet  un  monnment  eu* 
rîctix 


li 


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■«naii^nHqKSlIt 


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C09SVA.1ITIH. 


Confiantin  donna  en  efFet  «  nm  au  feul  ëvéque  de 
Rome  ,  mais  i  la  cathédrale  qui  était  l'églife  de  St. 
Jean ,  mille  marcs  d'or ,  &  trente  mille  d'argent ,  avec 
quatorze  miUe  ibus  de  rente ,  &  des  tenes  dans  la  Ca- 
labre.  Chaque  empereur  enfuite  augmenta  ce  pat;rip 
moine.  Les  évéques  de  Rome  en  ayaifsnt  befoin.  Les 
midtons  qu'ils  envoyèrent  bientôt  dans  l'Europe  payent 
ne  ,  les  évéques  chafTés  de  leurs  fiéges ,  auxquels  ib 
donnèrent  un  afyle  ,  les  pauvres  qu'ils  nourrirent ,  les 
mettaient  dans  la  néceffité  d'être  très  riches,  Le  crédit 
de  la  place  fupérieur  aux  richefles ,  fit  bientôt  du  pa£> 
teur  des  chrétiens  de  Rome ,  Thomme  le  plus  confidé- 
rable  de  l'Occident.  La  piété  avait  ^ûjours  accepté  ce 
minlfière  ;  l'ambition  le  brigua.  On  fe  difputa  la  chaire; 
S  y  eut  deux  antipapes  dès  le  milieu  du  quatrième 
fiécle ,  &  le  conful  Prétextai  idolâtre  difait  en  466 , 
Faites -moi  ivique  de  Rome ,  6? />  me  fais  chrétien. 

•  Cependant  cet  évêque  n'avait  d'autre  pouvoir  que 
^lui  que  peut  donner  la  vertu ,  le  orédit ,  ou  l'intrigue 
dans  des  circonftances  favorables.  Jamais  aucun  pafteur 
de  l'é^ife  n'eut  la  jurifdidion  contentieufe  ,  encor 
tooins  les  droits  régaliens.  Aucun  n'eut  ce  qu'on  appelle 
jus  terrendi  ,  ni  droit  de  territoire  ,  ni  droit  de  pro* 
noncer  djo ,  dico  ,  addic$.  Les  ^npereurs  relièrent  les 
juges  ii^rémes  de  tout ,  hors  du  dogme.  Ils  convoqué^ 
tent  les  conciles,  CoufiaseHn  à  Nicée  requt  &  jugea  les 
accufations  que  le»  évéques  portèrent  lés  uns  contre  les 
autres.  Le  titre  de  Souverain  Pontife  reita  même  atta- 
ché à  l'empire. 


CHAPITRE    ONZIÈME. 

Caufes  de  ia  cbàte  de  t  empire  Romain. 

SI  qudqu'un   avait  pu   raffermir  l'empire  ,  ou  du 
moins  retarder  fa  chute ,  c'était  l'empereur  J«//>». 
il  n'étKît  point  un  foldat  de  fortune  comme  les  Dioclé* 


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Causes  de  la   chute 


tiens  &  les  Tbiodofes.  Né  dans  la  pourpre,  ëlu  par  les 
armées ,  chéri  des  foldats ,  il  n'avait  point  de  faétions 
à  craindre  ;  on  le  regardait,  depuis  fes  vi<ftoircs  eiv  Aile- 
magne  ,  comme  le  plus  ffrand  capitaine  de  (on  fiécle. 
Nul  empereur  ne  fut  plus  équitable  &  ne  rendit  la 
juftice  plus  impartialement ,  non  pas  même  Marc- 
Aurèle.  Nul  philofpphc  fte  fut  plus  fobre  &  plus  con^ 
tinent.  Il  régnait  donc  par  les  loix  ,  par  la  valeur 
&  par  l'exemple.  Si  fa  carrière  eût  été  plus  longue ,  il 
eft  à  préfiimer  que  l'empire  eût  moins  chancelé  après 
fa  mort. 

Deux  fléaux  détruifirent  enfin  ce  grand  colofTe,  les 
barbares  &  les  difputes  de  religion. 

Quant  aux  barbares  ,  il  eft  aufli  difficile  de  fe  fairç 
une  idée  nette  de  leurs  incurfions  que  de  leur  origine. 
Procope ,  Jûrnandès  nous  ont  débité  des  fables  que 
tous  nos  auteurs  copient  Mais  le  moyen  de  croire  que 
des  Huns  venus  du  nord  de  la  Chine  ayent  pa(fé  les 
Palus  •  Méotides  à  gué  &  à  la  fuite  d'une  biche  ,  & 
qu'ils  ayent  cha(fé  devant  eux  comme  des  troupeaux 
de  moutons  des  nations  belliqueufes  ,  qui  habitaient 
les  pays  aujourd'hui  nommés  la  Crimée ,  une  partie 
de  la  Pologne ,  l'Ukraine ,  la  Moldavie  ,  la  Valachie. 
Ces  peuples  robuftes  &  guerriers  ,  tels  qu'ils  le  font 
encor  aujourd'hui ,  étaient  connus  dés  Romains  fous 
le  nom  général  de  Gotbs,  Comment  ces  Goths  s'çn- 
fiiirent-ils  fur  les  bords  du  Danube  dès  qu'ils  virent 
paraître  les  Huns  ?  Comment  demandèrent-ils  à  mains 
jointes  que  les  Romains  daignalTent  les  recevoir  ?  Et 
comment ,  dès  qu'ils  furent  pafles ,  ravagèrent-ils  tout 
jufqufaux  portes  de  Conftantinople  à  main  armée  ? 

Tout  cela  reflemble  à  des  contes  d'Hérodote  ,  & 
à  d'autr£S  contes  non  moins  vantés.  Il  eft  bien  plus 
vraifemblable  que  tous  ces  peuples  coururent  au  pil- 
lage les  uns  après  les  autres.   Les  Romains  avaient 


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v6lé  les  .nations  ;  les  Goths  &  les  fiuna.  'vinrent  to* 
1er  les  Romains. 

.'  Atais  pourquoi  les  Romains  ne  les  exterminèfent- 
ils  pas  comme  Marins  zvmt  exterminé  les  Cimbres?' 
C'eft  qu'il  ne  fc  troui^aît  point  de  Marna ,  c'eft  que 
les  mœurs  étaient  changées ,  c'eft  que  Tempire  était 
partagé  entre  les  ariens  &  les  athanafiens.  On  ne 
s'occupait  que  dé  deux  «objets  ,  les  canrfes  du  cirque 
&Lle$  trois  hypoflafes.  L'empire  Romain  avait  alors* 
plus  de  moines  que  de  {oldats ,  &  ces  moines  cou«» 
raient  ea  troupes  de  vtllc  en  ville  pour  foutenir  ov 
pour  détruire  la  confubftantialité  du  verbe.  U  y  en 
avait  foixante  &  dix  mille  en  Egypte, 


Le  chriftianifaie  ouvrait  le  ciel  ,  maïs  il  perdai£ 
l'empire  :  car  noivfeulemait  les  fedtes  nées  dmns  fou 
iein  fe  combattaient  avec  le  détire  des  qiierelies  théô^ 
logiques  ;  mais  toutes  combattaient  encore  Pancienne 
religion  de  l'empire  ;  reljgion  fauffe  s  religion  ridicule 
{ans  .doute  ,  mais  fous  laquelle  Rome  avait  marché 
de  vidtoire  en  vidoire  pendant  dix  fiécles. 

Les  defcendans  des  Scipiom  étant  deve[nus  des 
contre vcrfiftes  ,  les  évéchés  étant  plus  .brigués  que 
ne  l'avaient  été  les  couronnes  triomphales ,  la  cpn- 
fidération  perfonnelle  ayant  paffé  des  Hortenjhu  & 
des  CidroTts  aux  Cyrilies  ,  aux  Grégaires  y  aux  -^la- 
hrmfes ,  tout  fut  perdu  ;  &  fi  Hon  doit  s'étonner  de 
quelque  chofe ,  c'eft  que  l'empire  Romain  ait  fub-^ 
fifté  encor  un  peu  de  tem& 


Tbioàofe ,  qu'on  appelle  le  granà  Tbiodofe^ ,  "paya 
tan  tribut  au  fuperbe  Alarie  fous  le  nom  de  pehfion 
du  tiéfbr  impérial.  Alark  mit  Rome  à  contribution 
la  première  fois  qu'il  parut  devant  les  murs ,  ^  la 
féconde  il  la  mit  au  pillage.  Tel  était  alors  l'avilif- 
fement  de  l'empire ,  que  ce  goth  dédaigna  tl'étre  roi 
ùi  Rome^  iandk  que;  jle  niiférable  ismpereilc  iXkccu 

4.  iiiigfaSS 


w^iêfim 


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BBsasseasâË^tfjll 


yt6     Causes  db  la  chutb 

àtvxBmarim  tremblait  dans  Ravetme  oà  il  s'était 
réfbgié. 

Aiarîc  fe  dontfa  le  plaifir  de  créer  dans  Rome  un 
empereur  nommé  Attalt  qui  venait  recevoir  fes  or- 
dres  d  ins  fon  antîdiambre.  L'hiftoire  nous  a  con- 
fervé  deux  anecdotes  concernant  Hùnorius  qui  mon- 
trent bien  tout  l'excès  de  la  tuq>itude  de  ces  tenu. 
La  première ,  qu'une  des  caufes  du  mépris  où  Vxm* 
fims  était  tombé  ,  c'eft  qu'il  était  impuilTant;  la  fé- 
conde, c'eft  qu'on  propofa  à  cet  AttaU  empereur, 
valet  à^Alaric ,  de  châtrer  Howmus  pour  rendre  ibn 
ignominie  plus  complette. 

Après  Alaric  vint  Aniia  qui  ravageait  tout  de  la 
Chine  jusqu'à  la  Gaule.  II  éuit  ù  grand  &  les  em- 
poreors  Tbéodofey  &  ValetuMm  III  fi  petits,  que  h 
prînceffe  Honoriaf  fœur  de  Valentimen  III  ^  luipro* 
pofa  de  l'épourer*  Elle  lui  envoya  fon  anneau  pour 
gage  de  fa  Foi  ;  mais  avant  q^'elle  eût  réponfe  d^At- 
tiia  die  était  déjà  groflc  de  la  faqon  d'un  de  fet 
domeftiques. 

Lors  f^AttUa  eut  détruit  la  ville  d'Aquilée,  Uo* 
évèqoe  àt  Rome  vint  mettre  à  fes  pieds  tout  For 
qu'il  avait  pu  rccuetlltr  des  Romains  pouf  raditter 
du  pillage  les  environs  de  cette  ville ,  dans  laquelle 
Femperenr  Valextinien  III imt  càché.  L'accord  étant 
condo  ,  les  moines  ne  manquèrent  pa»  d'écrire  que 
le  pape  Léon  avait  fait  trembler  Attila  y  qu'il  était  venu 
â  ce  hun  avec  un  air  &  un  ton  de  maître ,  qu'il  était 
accompagné  de  St.  Pierre  &  de  St.  Paul  y  armés  tous 
deux  d'épées  flamboyantes  qui  étaient  vifiblemeat  les 
deux  glaives  de  Tévéque  de  Rome.  Cette  manière 
d'écrire  l'hiftoire  a  duré  chez  les  chrétiens  jufqtt'aa 
(eiziéme  fiécle  fans  interruptiont 

BtentAt  après  des  déhiges  -  de  barbares  inondèrent 
:    de  tous  oàtes  ce  qui  était  échappé  aux  mains  d'JPf^l^ 

Sa».. 


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Que  fiii£dent  cependant  les  empereurs  ?  Us  afiCeii- 
blaient  des  conciles.  C'était  tantôt  pour  rancienae 
querelle  des  partiÇins  à^Atbanafe  ,  tantôt  pour  ke 
donatîftes  ;  &  ces  difputes  agiuient^  rAfriooe  quand 
le  Vandale  Genferic  la  fubjugua.  C'était  ailleurs  pour 
les  argumens  de  V^orius  ,  &  d«  C^Ue ,  pour  Ict 
fubtilités  à*Euticbis ,  &  la  plupart  des  articles  de  foi 
fe  décidaient  quelquefois  à  grands  çoupsi  de  bAton» 
comme  it  arriva  fous  Tbiodofe  II  dans  un  condk 
convoqué  par  lui  à  Ephèfe  ,  concile  qu'on  appelle 
éncor  aujourd'hui  le  brigandage.  Enfin  pour  bien 
connaître  refpiit  de  ces  malheureux  tems ,  fouvenons* 
nous  qu'un  moine  ayant  été  rebuté  un  jour  par  nio^ 
dofe  II  qu'il  importunait ,  le  mbine  excommunia  l'em- 
pereur ,  &  que  ce  céfar  fut  obligé  de  fe  fSdre  relè^ 
ver  de  rexcommunication  par  le  patriarche  de  ConC 
^tantinople.  ^ 

Pendant,  ces  troubles  mêmes  les  Francs  envahît* 
faient  la  Gaule  ;  les  Vifigoths  s'emparaient  de  l'Efpa- 
gne;  les  Oftrogoths  fous  Tbiodofi  dominaient  en  fta- 
Oe,  bientôt  après i chafîés  par  les  Lombards.  L'em* 
pire  Romain  du  tems  de  Ciovis  n'exîiïate  plus  que 
dans  la  Grèce,  l'Afie  mineure  8l  dans  l'Egypte ,  tout 
le  refte  était  la  proie  des  barbares  j  Scythes  ,  Van- 
dales &  Francs  fe  firent  chrétiens  pour  mieux  gou* 
verner  les 'provinces  chrétiennes  affujetties  par  eux: 
car  il  ne  fetit  pas  croire  que  ces  barbares  fufTeût 
fans  politique ,  ils  en  avaient  beaucoup  ,  &  en  ce  point 
tous  les  hommes  font  à -peu- près  égaux,  Lintérét 
rendit  donc.chrêti'ens  ces  déprédateurs  ;  maîi  ils  n'en 
furent  q^e  plus  inhumains^  Le  jéfuîte  Dankl  ^  hiil 
torien  français  ,  qui  déguife  t^nt  de  chofes  ,  n'ofe  dif- 
fimuler  qpe  C/ow.fut  beaucoup  plus  fanguîrtaire^  & 
fe  fouilla  de  plus  grands  crimes  aprè<ï  fon  batéme  , 
que  tandis  qu'il  était  payen.  Et  ces  crimes  n'étaient 
pas  de  ces  forfaits  héroïques;  ^  qui  éblouïffent  l'imbé- 
cillité humaine  )  c'étaient  des  vols  &  des  parricidçs. 
Il  fuboi^  un  prince  de  polo^ne  .qu|  aflaf&na  fon 


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$l8  CÂUfc^<Dtt  LA  CMUTBBE  l'^MFIREs&C. 

«ère  ,  après 'qtïoî  il  fit  maflacrcr  lé  fils  ,  i&  tna  un 
roitelet  de  Cambrai  qui  lui  mottéraft  fes  tréfors.  Un 
CîtoYért  moins  coupable  eût  été  ttâiné  ao'foppHcc, 
èb  (Ji9vh  fonda  une  monarchie.  * 


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;  ;  c  H  A  p  r  t,R  Ê  D  ou  z  il  ^  e. 

^  &£//^  ^^  Al  décadence  de  r ancienne  Rome. 

QUarid  les  Goths  s'emparèrent  de' Rome  après  M 
Hernies  ,  quand  Ip  célèbre  Tbiodoric  non  moins 
pùifTant  que  f'ut  depuis  Cb'arîemagne  ,.  eut  établi  le 
fié§;é  de  Ton  empire  à  Ravenne  au  cômmeQcement 
de  notre  fixiéme  fiécle ,  fans  prendre  le  titre  d'em- 
pereur d'Occident  qu'il  eût  pu  s'arroger  i  il  cxercja 
fiir  les  Romains  precifément  h,  .même  autorité  que 
les  Cèfars  ,  confervant  le  fénat  ,  laiifrant  ftjbfifter  la 
liberté  de  religion  ,  foutaettant  également  aux  loix 
civiles ,  orthodoxes ,  àrichs ,  &  idolâtres  5  jpgeant  les 
Goths  par  les  Ipix  gothiques,  &  les Romlâlnsparles 
loiîC  romaines  ,  préfidant  par  fo  comniiflairc^  aux 
éledions  des  évéques' ,  défendant  la*  fimotiie ,  appai- 
fant  des  fchifmes.  t)eux  papes  fe  difputaient  la  chaire 
épîfcopale  j  il  nomma  le  i^3L^t  Sîmrttâuj(ue\&  et  pape 
Simmaque  étatitaçcufé  ,  il  le  fit  ' jujcr  |)àr' fes  î//^ 
DêminkL         ' \  ..\    ,  ,.'.:. 

^  Ataîaric  fon  petit-. fils  téda  les  éteôlons  des  pa- 
pes ,  &  de  tous  les  autres  métropolitains  de  feb  royau- 
me^, par  un  é^it  qUî  fuf  obfervé  ;  cdit  rédigé  par 
CaJJîodore  fon  jtiîAîftre ,  qui  depuis  fe  retira  au  Mont- 
CaflTm,  ^'embraffa  la  règte  de  St,  BenoH  ^lédit  au- 
qûelle  pape  Jecù^Uît  foumit  fans  difficulté. 

Qpand  Bfea^rr  vint  en- Italie  ,  &  qu'il  la  remit 
\  fous  le  pouvoir  Impérial .  on  fait  qfu'îl  exila  le  pap^ 
j  .     SiiveriuT ,  &  ^*^en  cela  H  népaffa  point  les  bornci 


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ntckStuat  deK  ù  m  e. 


àe  fea  autdritéV^fl  l^fra  céflc^  de  la  juftîcc.^  jKJ 
Iz2fazre  ,  &  enfuîte  ^ar/ïf  «yantWMrraché  Rome  itf 
joug  de  Goths ,  d'autrçs  barbares ,  Gépide^  ,  Erancs, 
Germains  1,  ihorifîèr^nt  Htalie.  -  Tout  Pempîrê  ^i- 
dental  était  dévafté  &  déchiré  par  des  fauvag^s.  tS 
Lombards  établirent  leur  dominadon  .dans  toûlsH^ 
talîe  citérieuffe:  -<^/f^ô«/«  fondateur  de -éetté^ôuvdl^ 
dynaftic,n'étaitqu^yn  brigand  barbare;  mtis  bien- 
tôt l€8  vainqueUfs  adoptèrent  les  mœurs  ,  h  p6\U 
teffe  ,  la  religion  des  vaincus,  C'cft  ce  qui  n' était 
pas  arrivé  aux  prenriers  Francs,  aux  Bourguignons, 
qui  portèrent  dahsies  €aules  leur  langage  grofTîer, 
éc  leurs  mteufs  «ncor  plus  agrdles,  La  nadon  Lôtn- 
baïde  était  d'ahdrd^compofée  de  payens  &  d'arien*. 
Leur  roi  Rotbàrit  publia  vers  l*an  640  un^édît  qui 
domina  la  lîbetté  de  profefTer  toutes  fortes  de  rcïi- 
gîons  ,  de  forte  qnll  y  avait^  dans  prefque  joutes  ks 
villes  d'Italie  un  évêque  catholique  ,  &  unf  cvéqué 
arien  ,  qui  laiflaient  vivre  pïuiiblement  les  peuples 
làoaimés  icfiylikret^'f  répandus  cncor  dans  les  villages. 

.  JLe  royaume  de^Lombardie  ^^étehdît'  depuis  le  Pîé-i 
mont  jufqu'a  Brindes  &  à  la  terre  d'Otrante  jil  rèni: 
fermait  Bénévent ,  Bari ,  Tarente  ;  mais  il  n'eut  ni  la 
Pbuille  ytkï^  Rt>me/liî^RàvenSe.  Ces-p^ys-  demeurè- 
rent annexés  au  "^faible  eftipire  dIOrîent.  L  eglîfe  to- 
inaîne  avait  doua  !*paffédelad(«tfinatîôfi  deë^Gotkr 
à  cdlc  des  Grecs.  Urî  Exarque  goivèMiait  Âo*ie  W 
nom  de  IfeàipcMUt^  mais  il  n^  reMâit  i^okit  dans  cette 
yiile  prefqu'atoandonnée  à  elle-rtiéinéa  Serf  fêjour  éttfi^ 
a  Ravenne  !,  tf  oà  $1  envoyait  fes' oi»dres:  ati  duc  lôtf 
préfet  de-  Rome  ,  S&  aux  fënatenrs'qu^on  apfpeltailj 
encor  PeV^/  ^îo»^n>^.>L'appaf€h<îè'^u  goureriieméirf 
municipal  fubfiftait  toujours  danc^-bétie  ancienne  eàS 
pitale  fi  déchue ,  &  les  ftntimens  républicains  n'y  fu- 
rent jamais  éteints.  :  Hs  fe  footcnaieur  î>ar  l'exetiiple 
de  Vcnife ,  république,  fondée  -d^bbfll  par  la  crairitè 
&4>ar  la  mifère,  &  bientôt  élevée  par  le  commerce 
&  par  le  courage.  Venife  étakdëj^  fi  ptfKftftte^i  ^^1  ^ 

*'<Sff wp  iwah  \ki 


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DiCADEKCI  is  EOME. 


îécablit  au  huitième  fiéde  racarv>^  SoUafiim  qd 
avait  été  chaflé  de  Ea?eime^ 

(^etle  était  îono  aux  feptiéme  ft  kuiticme  fiéclei 
la  ficuadon  de  Rome  ?  Celïi  d'une  ville  malheureufei 
mai  défendue  par  les  exarques ,  continuellement  ln^ 
oacée  par  les  Lombards ,  &  reconnaiilknt  toujours  les 
empereurs  pour  fesmaitres.  Le  orédh  des  papes  aog* 
mentait  dand  la  déroladon  de  la  villcé  Ils  en  étaient 
fouvent  les  confolafieurs  &  les  pères ,  mais  toujours 
fujets  :  ils  ne  pouvaient  être  confiicrés  ^u'dvec  la 
permil&on  exprefle  de  l'exarque.  Les  formules  par 
lefquelles  cette  permif&on  était  deinandée  &  accor- 
dée ,  fubfiftent  encore  (a)^  Le  (^ergé  romain  ixÂ^ 
vait  au  métropolitain  de  Ravenne ,  &  demandait  la 
proteâion  àmja.  Béatitude  auprès  du  gouverneur  ;  en* 
fuite  le  pajpe  envoyait  à  ce  métropolitain  Ci  profiet 
fiôn  de  foi. 

.  Le  roi  Lombard  AJhîpbt  s'empara  tnfin  de  tout 
Texarcat  de  Ravenne ,  en  75  z  ,  &  mit  fin  à  cette  yicc 
toyaoté  impériale  qui  avait  duré  cent  quatre-vingt- 
trois  ans. 

Comme  le  duché  de  Rome  dépendait  de  l'exarcat  ^t 
Ravenne ,  Aftolpbt  prétendit  avoir  Rome  par  le  droit 
de  fa  conquête.  Le  pape  Etiema  II  feui  défèofeur 
des  malheureux  Rom<iins ,  envoya  demander  do  fe^ 
cours  à  l'empereur  Confiantin  furnaamé  CsprsK^* 
Ce  mîférable  empereur  envoya  pour  tout  fecours  «n 
officier  du  palais  avec  une  lettre  pour  le  roi  Lon»; 
bard.  C'eft  cette  faiblefle  des  empereurs  Grecs  qui 
fut  l'origine  du  nouvel  empire  d'Occident ,  &  d*  ** 
grandeur  pontificale. 

Vous  ne  voyez  avant  ce  ttms  aucun  évéque  qo^ 
9it  afpîré  à  la  moindre  autorité  temporelle, au  moini' 

(a)  htmlt Diêrùm Ri 


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DicADrENÇR  ix^  JR.oj^E.      gai    .} 

dre  territoire.  Comment  l'auraient-îls  oïe  ?  leur  légîf- 
lateur  fut  un  pauvre  qui  catéchifa  des  pauvres.  Les 
fucceiTeurs  de  ces  premiers,  chrétiens  furent  pauvres. 
Le  clergé  ne  fit  on  corps  que  fbus'  Confiantîn  premier , 
mais  cet  empereur  ne  fouffrit  pas  qu'un  évéque  fût 
propriétaire  d'un  fcul  viHrfge*  Ce  ne  peut  être  que 
dans  des  tems  d'anarchie  que  les  papes  ayent  obtenu 
quelques  fejgneuries.  Ces  domaines  furent  d'abord  mé- 
diocres. Tout  s'agrandit  &  tout  tombe  avec  le  tems. 

Lorfqù'on  pafle  de  Phiftoîre  de  Tempirç  Romain  à 
celle  des  peuples  qui  l'ont  déchiré  dans  l'Occident , 
pn  reiTemble  à  un  voyageur ,  qui  ai^  fortir  d'une  ville 
fuperbe  fe  trouve  dans  des  déferts  couverts  de  ron- 
ces. Vingt  jargons  1)arbares  fuccèdent  i  cette  belle 
langue  latine ,  qu'on  parlait  du  fond  de  Tlllyrie  au 
mont  Atlas.  Au-lieu  de  ces  fages  loix  qui  gouvernaient 
la  moitié  de  notre  hémifphére  »  on  ne  trouvé  plus  que 
des  coutumes  fauvages.  Les  cirques ,  les  amphithéa- 
très  élevés  dans^  toutes  les  pravinces  font  changés  en 
mafures  couvertes  de  paille.  Ces  grands,  chemin^  ft 
beaux ,  il  folides ,  établis  du  pied  du  capitole  jufqu'au 
mont  Taurus ,  font  couverts  d'-eaux  croûpiffantes.  La 
même  révolution  fe  fait  dans  les  eCprits ,  &  Grégoire 
de  Tours  ,  le  moine  de  St.  Gai  Frédegaire,^  font  nos 
Poiybes  Se  nos  Tite-^Lives,  L'entendement  humain 
«'abrutit  dans  les  fuperftition^  les  plus  lâches  &  les 
plus  inlenfées.  Cçs  fuperftitions  font  portées  au  point 
que  des  moines  deviennent  feigneur«  &  princes.  Us 
ont  des  efclaves  ,  &  ces  efçlave^  n'ofent  pas  même 
fe  plaindre.  L'Europe  entière  croupit  dans  cet  avK* 
lifTement  jufqu'au  Teiziéme  fiéde  ,  &  n'en  fort  que 
par  des  convuUions  lïsrriblç^f 


EJfaifur  les  mœurs '^  ^c.  Tom.  L  X 

»9^ 


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IBâte 


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iZZ  U  s  U  R  P  A  T   I  O  N 


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CHAPITRE    TREIZIÈME. 

Origine  de  la  puijjance  des  papês.  DigreJJJm  fur  k 
facre  des  rois.  Lettre  de  St.  Pierre  à  Pépin ,  imrt 
de  France ,  devenu  roi*  Prétendues  donations  au  St 
Siège, 

IL  n'y  a  que  trois  manières  de  fubjuguer  les  hom- 
mes, celle  de  les  policer  en  leur  propofant  des  loix, 
Qclle  d'employer  la  religion  pour  appuyer  ces  loit , 
celle  eniirt  d'égorger  une  partie  d'une  nation  j)ôur 
jiotivemer  l'autre  ;  je  n'en  connais  pas  une  quatrième. 
Toutes  les  trois  demandent  des  circonftances  favo* 
râbles.  U  faut  remonter  à  l'antiquité  la  plus  reculée 
pour  trourer  des  exemples  de  la  première  ;  encor  font* 
ils  fufpeds.  Cbarlemagne^  Clovis^  Tkéodoric^  Albimin^ 
Alaric^  fè  fervirent  de  la  trôifiéme  ;  les  papes  em« 
iHoyèrent  la  féconde. 

Le  pape  n'avait  pas  otîjgînaîrèmeht  plus  de  droit 
for  Rome ,  que  St.  Aumftin  n'en  aurait  eu ,  par  exem- 
ple ,  à  là  fimverainete  dé  la  petite  Tille  d'Hippqnc. 
Quand  même  St.  Pierre  aurait  demeuré  à  Rome , 
comme  oh  Ta  dit  *  fur  ce  qu'uhé  de  lis  épîtres  ti 
datée  de  Babiloifc  ,  <juand  même  il  eût  été  évêqué 
At  Rome,  dans  un  tems  ou  il  n'y  avait  certainement 
aucun  fiége  particulier  ^  ce  féjour  dans  Rome  ne  pou- 
vait donner  le  trône  des  Vifars  ,•  &  nous  avons  vu 
que  les  év4qu^  de  Rome  he  fe  regardèrent  pendant 
fept  cent  ans  que  comme  des  fljjetSi 


Rome  tant  de  fois  faccagée  par  les  barbares ,  - 
donnée  des  enmereurs  ,  preflea  par  les  Lombards  ^ 
incapable  de  rétablir  l'ancienne  république ,  ne  pou- 
vait plus  prétendre  à  la  grandeur.  Il  lui  falait  du  re- 
pos :  elli;  l'aurait  goûté  fi  elle  avait  pu  dès -lors  être 


riiffiif 


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«Mfei 


ET    SACRE    DE     PePIN.       JZJ     |  f 

gouTcrnée  par  fati  évèque ,  coinme  le  {ment  depui» 
tant  de  villes  d'Allemagne  ;  &  Tanarchie  eût  au  moins 
produit  ce  bien.  Mais  il  n'était  pas  encor  reçu  dans 
ropinion  des  chrétiens ,  quhin  évèqne  pût  être  fou- 
veram ,  quoiqu'on  eût  dana  l'bîâoire  du  monde  tant 
d'exemples  de  l'union  do  facecdoce  &  de  l'empire 
dans  d'autres  rdigions. 


Le  pape  Grégoire  III  recourut  le  premier  à  la  pro- 
tection des  Francs  contre  les  Lombards ,  &  concre 
tes  empereurs.  Zacbarie  fon  fuccefTeur ,  animé  du 
même  efprit ,  reconnut  Pépin  y  ou  Pipi» ,  maire  du 
palais  )  ufurpateur  du  royaume  de  FraïKe ,  pour  roi 
légitime.  On  a  prétendu  que  Pépin ,  qui  n'était  que 
premier  miniilre,  fit  demander  d'abord  au  pape,  quel 
était  le  vrai  roi ,  ou  de  celui  qui  n'en  avak  que  lei 
droit  &  le  nom,  ou  de  celui  qui  en  avait  l'autorité 
êc  le  mérite  ?  &  que  le  pape  décida  que  le  miniftre 
devait  être  roi.  Il  n^a  jamais  été  prouvé  qu'on  ait 
joué  cette  comédie  ;  mais  ce  qui  cft  vrai  ,  c'eft  que 
le  pape  Eiiemte  III  appella  Pépin  à  fon  fecours  contre 
les  Lombards ,  qu'il  vint  en  France  fe  jetter  aux  pieds 
de  Pépin ,  &  enfuite  le  couronner  avec  des  cérémo- 
nies qu'on  appellait  Sacre.  C'était  une  imitation  d'un 
ancien  appareil  judaïque.  Samuel  avait  verfé  de  l'huile 
fur  la  tête  de  Soûl.  Les  rois  Lombards  fe  fàifaient  auHi 
facrer  ;  les  ducs  de  Bénévent  même  avaient  adopté 
cet  ufage.  On  employait  l'huile  dans  l'indallation  des 
évêques  ;  &  on  croyait  impr^ner  un  caradlére  de  fain- 
teté  au  diadème  ^  en  y  joignant  une  cérémonie  épif. 
copale.  Un  roi  Goth ,  nommé  Vantba  ,  fiit  facré  en 
Efpagne  avec  de  l'huile  bénite  en  674.  Mais  les  Ara- 
bes vainqueurs  firent  bientôt  oublier  cette  Cérémo* 
nie ,  que  les  Ëfpagnols  n'ont  pas  renouvellée. 

Pépin  ne  fut  donc  pas  le  premier  roi  facré  en  Eu- 
rope ,  comme  nous  l'écrivons  tous  les  jours.  Il  avait 
déjà  rcqu  rette  on^flion  de  l'Anglais  Boniface^  miflion^ 
naire  en  Allemagne,  &  évèqu^  de  Mayence,  qui  ayant 
tsr  X  ij 


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'"  na>  ■" 


3^    324     Sacre   de   Pépin. 


1 


voyagé  longtems  en  Lombardie^le  facrafuivantrufage 
de  ce  pays. 

Remarquez  attentivement  que  ce  Bomfaee  avait  été 
créé  évéque  de  Mayence  par  Carioman ,  frère  de  Tu- 
furpateur  Pépin ,  fans  aucun  concours  du  pape ,  fans 

Sue  la  cour  romaine  influât  alors  fur  la  nominatioa 
es  évéchés  dans  le  royaume  des  Francs.  Rien  ne 
vous  convaincra  plus  que  toutes  les  loix  civiles  & 
eccléfiailiques  font  didées  par  la  convenance  y  que  la 
force  les  maintient ,  que  la  faiblefle  les  détruit ,  & 
que  le  tems  les  change.  Les  évéques  de  Rome  pré- 
tendaient  une  t^utoricé  fuprême  ^  &  ne  l'avaient  pas. 
Les  papes  fous  le  joug  des  rois  Lombards  auraient 
laiffé  toute  la  puiifance  eccléfiaftique  en  France  au 
premier  Franc  qui  les  aurait  délivrés  do  joug  en  Italie. 

Le  pape  Etienne  avait  plus  befoin  de  Pépin ,  que 
Pépin  n'avait  befoin  de  lui  ;  il  y  parait  bien ,  puifque 
ce  fut  le  prêtre  qui  vint  implorer  la  protedion  du 

Î;uerrier.  Le  nouveau  roi  fit  renouveller  fon  facre  par 
'évéque  de  Rame  dans  Péglife  de  St.  Dpnis:cefait 
parait  fingulier  ;  on  ne  fe  fait  pas  couronner  deux 
fois,  quand  on  croit  la  première  cérémonie  fufiifante. 
Il  parait  donc  que  dans  l'opinion  des  peuples ,  un 
évéque  de  Rome  était  quelque  chofe  de  plus  {aintt 
de  plus  autorifé ,  qu'un  évéque  d'Allemagne  ;  que  les 
moines  de  St.  Denis  ,  chez  qui  fe  faifait  le  fécond 
facre ,  attachaient  plus  d'efficacité  à  l'huile  répandue 
fur  |a  tête  d'un  Franc,  par  un  évéque  Romain,  qu'à 
Fhuile rénandue  par  un  miflionnaire  de  Mayence, ,& 
que  le  fuccefTeur  de  St.  Pierre  avait  plus  droit  qu'un 
autre  de  légitimer  une  ufurpation. 

Pépin  fut  le  premier  roi  facré  en  France ,  &  non 
le  feul  qui  l'y  ait  été  par  un  pontife  de  Rome  :  car  In- 
nocent III  couronna  depuis ,  &  facra  Louis  le  jeune 
à  Rhcims.  Clovis  n'avait  été  ni  couronné ,  ni  facre  roi 
par  l'évéque  Rend,  Il  y  avait  longtems  qu'il  régnait 


m^ia^s^ 


■«Pr«â^^ 


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afeg^M'  "^i^Mi  \iwm 


1 


Sacre   d  s  s    r  o  i  s.      32^ 

quand  il  fut  batifé.  S'il  arait  reçu  Tondion  roysile , 
fes  fuccefTeurs  auraient  adopté  une  cérémonie  fi  folem- 
nelle ,  devenue  bientôt  néceflaire.  Aucun  ne  ftit  faccé 
jufqu'à  Pefin  »  qui  lequt  Tonâion  dans  Tabbaye  de 
Sl  Denis. 

Ce  ne  fut  que  trois  cent  ans  après  Clovis  que  l'ar- 
chevêque de  Rheims  Hmcmar  écrivit  qu'au  facre  de 
Clovis  Vin.  pigeon  avait  apporté  du  ciel  une  phiole 
qu'on  appelle  la  yà/»^^  ampoule.  Peut -être  crut -il 
fortifier  par  cette  fable  le  droit  de  facrer  les  rois  , 
que  ces  métropolitains  cpmmenqaient  alors  à  exercer. 
Ce  droit  ne  s'établit  qu'avec  le  tems  ,  comme  tous 
les  autres  ufages  :  &  ces  prélats  longtems  après  facrè- 
rent  les  rois  ^  depuis  Philippe  l  jufqu'à  Henri  IV ^ 
qui  fut  couronné  à  Chartres  ,  &  oint  de  Tampoule 
de  St,  Martin ,  parce  que  les  ligueurs  étaient  mai- 

8     très  de  l'ampoule  de  St.  Rémi.  J 

Il  eft  vrai  que  ces  cérémonies  n'ajoutent  rien  aux     i| 
droits  des  monarques ,  mais  elles  femblent  ajouter  à 
la  vénération  des  peuples. 

Il  n*eft  pas  douteux  que  cette  cérémonie  du  facre , 
auffi-  bien  que  l'ufage  d'élever  les  rois  Francs  ,  Goths 
&  Lombards  fur  un  bouclier ,  ne  vinffent  de  Conf- 
tantinople.  L'empereur  C«if^«ç«/?we  nous  apprend  lui- 
même  que  c'était  un  ufage  immémorial  d'élever  les  em- 
pereurs fur  un  bouclier  foutenu  par  les  grands  offi- 
ciers de  Pçmpîre  &  par  le  patriarche  ;  après  quoi 
l'empereur  montait  du  trône  au  pupitre  de  l'églife  , 
&  le  patriarche  faîfait  le  figne  de  la  croix  fur  fa  tête  , 
avec  un  plumaffeau  trempé  dahs  dç  l'huile  bénite; 
les  diacres  apportaient  la  couronne.  Le  principal  offi- 
cier ,  ou  le  prince  du  fong  impérial  le  plus  proche  , 
mettait  la  couronne  fur  la  tête  du  nouveau  céfar.  Le 
patriarche  &  le  peuple  criaient ,  //  en  eft  digne.  Mais 
au  facre  des  rois  d'Occident ,  l'évêque  dit  au  peuple  : 
Voulez-voïù  ce  roi  ?  Et  enfuite  le  roi  fait  ferment  au 

&    peuple  après  l'avoir  fait  aux  évêques. 
X   iîj  _ 


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Wfftti^ 


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^!2£     ORieiVE    DE  :LA  FULSSâVCB 

Xe  pape  EpUmte  ii«  s'en  tint  pas  avec  PtftM  à  cette 
-cérémonie;  il  défendit  aux  Français ,  fous  peine  d'ex- 
communication ,  de  fe  donner  jamais  des  rois  d'uae 
autre  jrace.  Tandis  que  cet,  éyéque ,  dhaiDé  de  fa  patrie , 
&  fuppliant  dans  une  terre  étrangère  ,  avait  le  cpu- 
rage  de  donner  des  loix  ,  fa  politique  prenait  une 
autorité  qui  aflurait  celle  de  Pépin  ,•  &  ce  prince  » 
^our  mieux  jouir  de  ce  qui  ne  lui  était  pas  dû ,  laifTait 
?iu  pape  des  droits  qui  ne  lui  appartenaient  pas. 

Hugues  Capet  en  France ,  &  Conrad  en  Allemagne , 
firent  voir  depuis  qu'une  telle  excommunication  n'eft 
pas  une  loi  fondamentale. 

Cependant  Popînion  qui  gouverne  le  monde ,  îm- 
prima  d*abord  dans  les  efprits  un  fi  grand  refped  pour 
la  cérémonie  faîte  par  le  pape  à  St.  Denis ,  qu'Eginbart 
fecrétaire  de  Cbarletnagne ,  dit  en  termes  exprès ,  que 
le  r^i  aUdiric  fia  Mpofé  fiar  ordre. du -pape  JEùienm. 

Tous  ces  événemens  ne  font  qu'un  ti(Tu  d'injuftice^ 
de  rapine  ,  de  fourberie.  Le  premier  des  domeftiques 
^un  roi  de  France  d^mlbittfonmattâ'e  Hildttic  III  ^ 
l'enfermait  dans  le  couvent  de  St.  Berdn  ,  tenait  en 
prifon  le  fils  de  fon  maître  dans  le  couvent  de  Fan- 
tenelle  en  Normandie  ;  un  pape  venait  de  Rome  con- 
-facrer  ce  brigandage. 

On  croirait  que  c'eft  une  contradiâion  que  ce  pape 
fikt  venu  en  France  fe  profterner  aux  pieds  de  Pepin,^ 
&  difpofer  enfuite  de  la  couronne  :  mais  non  ;  ces 
proftememens  n'étaient  regardés  alors  que  comme  le 
font  aujourd'hui  nos  révéri^ces.  C'était  l'ancien  ufage 
de  l'Orient.  On  faluait  les  évêques  à  genoux  ;  les  évé- 
ques  faluaient  de  même  leç  gouverneurs  de  leur»  diocè- 
fes.  Charles  fils  de  Pépin  aviiit  embraffé  les  pieds  du  pa- 
pe Etienne  à  St.  Maurice  en  Valais  :  Etienne  embralTa 
ceux  de  Pépin,  Tout  cela  était  (ans  conféquence.  Mais 
^     peu-à-peu  les  papes  attribuèrent  ajeux  feuk  cette  mai- 

&^  _ 


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que  de  rcfpcCt  On  prétend  que  le  pape  Adrien  /  fut  ce- 
lui qui  exigea  qu'on  ne  parût  jamais  devant  lui  fans  lui 
bai  fer  les  pieds.  Les  empereurs  &  les  roJs  fe  fou- 
rnirent depuis  comme  les  autres  à  cette  cérémonie, 
qui  rendait  la  rejigicm  lamâine  plus  vénér»ble  aux 
peuples. 

Oà^  nous  dît  que  Pépin  paffa  les  monts  en  754 , 

![ue  lé  Lombard  4^Qiibe  intimicjc  par  la  feule  pré- 
ence  du  Fra^ip  ,  céda  aufti-tôt;  au  pape  tout  Texaicat 
.de  Raverme,  que   P^jiw  repaffa  les  monts,  &  qu'à 
peine  s'en  fgt-il  retpurnc  ,  quf'JJIoIphi  au*  lieu  de 
donner  Ravenne  au  pape  ^  mît  le  fiége  devant  Rome. 
Xoutes  les  démarches  de  ces  tcnis-là  étaient  fi  kré- 
gulières  vS^'il  fe  ppurait  à  toute  force  que  Pépin  e^t 
donné  aux  papes  rexarcat  de  Ravenne  qui  ne  Ici  ap- 
partenj|it  point ,.&  qu'il  eût  même  fait  cette  dona- 
tion finguliére  du  bien  d'autrui  ^  fans  prendre  aucune 
mefure  pour  la  faire  exécuter.  Cependant  il  elt  bîe;i 
peu  vraifemblajl^le  qu'un  homme  tel  que  P^p^n  ^  q^ii 
avait  détrôné  fon^j'oi ,  n'ait  paffé  en  Italie  avec  ur^c 
armée  que  pour  y  aller  faire  des  prcfens.  Rien  n'eft 
^l^^s-  douteux  qqe  c^ite  donation  ^i^çef  <j^  tiu;t  de 
.livrées.  Le  bibliothéc^re  4ni^^fe^ç{^i  écrivait  cei^it 
'.quarante  ans  gpîè^,J'ie>xpéditiaft4^  Pwn ,  j^je.ftifp- 
,  mier  qui  parlç  de  ^e(te  dQn^tiqn.  Mille  a^^j^uisi  V^t 
,  citée  s  maîsJe?  mçill^s  ruWkifiesd'Alleiftagi^ç  iarçeft- 
tent  a^jourd^bgi 

Il  régnait  alors  danç  les  efprits  un  mélange  bizarre  de 
politique  &  de  fimplicité  ,  de  grotTiercté  &  d'^rtfficc' , 
.  qui  caradérife  bien  laidécadence  générale.  Eiïmiu  tei- 
gnit une  lettre  de  St,  Pierre  ,  adrefïée  du  ciel  à  Pépin  §c 
k  fes  enficins  ;  elle  mérite  d'être  rapportée  ;  la  voîci,  ; 
55  Pierre  appelle  apôtre  par  jEsys-CuRiST  fUs  4" 
Dieu  vivant,  &Ci. . .  Comme  par  moi  toute  Tcglife 
catholique  apoftolique  romaine  ,  mère  de  toutes  les 
autres  égltfes ,  eftïoiidée.fur  la  pîefrè ,  &  afin  qu'jfi- 
tienne  cvêque  de  cette  douce  égltfé  romaine  ,'& 

aa&ii'jjM.,     -P^iirj^iv  ..■■        .  mi 


3> 

35 
Î5 


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328  OrIGI'NE'DÊ  tA  PUt^SANCB 


5^  que  la  grâce  &  la  vertu  foîent  pleinement  accordées 
55  du  Seigneur  notre  Dieu  pour  arracher  l'églife  de 
,5  Dieu  des  mains  des  perfécuteurs.  A  vous  excellens 
„  Pepiît  •  Charles  ,  &  Carloman  trois  rois  ,  &  à  tous 
55  faints  évèques  &  abbés,  prêtres  &tndnes  ,  &  même 
55  aux  ducs  ,  aux  comtes ,  &  aux  peuples  ,  moi  Pierre 
55  apôtre  ,  &c. . .  je  vous  conjure ,  &  la  vierge  Marie 
,5  qui  vous  aura  obligation  ,  vous  avertit ,' ft  Vous 
55  commande ,  auflî  -bien  que  les  trônes ,  les  domina- 
„  tions. . .  Si  vous  ne  combattez  pour  moi ,  je  vous 
déclare  par  la  Ste.  Trinité  &  par  mon  apoftolat,  que 
vous  n'aurez  jamais  de  part  au  paradis.  ^^  (  a) 


5> 


Là  lettre  eut  Ton  effet.  Pepîn  pafla  les  Alpes  pour  la 
fecojide  fois.  Il  affiégea  PaVie ,  &  fit  encor  la  paix  avec 
4ftôiphe,  Mais  eft-il  probable  qu'il  ait  paffé  deux  fois 
les  monts  uniquement  pour  donner  des  viUes^iu  pape 
Etienne?  Pourquoi  ?t,  Pierre  dans  fa  lettre  ne  parle-t-il 
pas  d'un  fait  fi  important  ?  Pourquoi  ne  fe  plaint-il 
pas  à  Pépin  de  n'être  pas  en  poflefltan  de  l'exarcat  ? 
Pourquoi  nfc  ïe.  l'edemande-t-il  pas  expreflement  ? 

Tout  ce  qui  eft  vrai ,  c'eft  que  les  Fi^ncs  qui  avaient 
envahi  les  Gaules,  voulurent  toujours  fubjuguer  l'Ita- 
-  lie ,  objet  de  lia  cupidité  de  tou«  les  barbares  ;  non  que 
-Fltalie  foit  eri  effet  un  meilleur  pays  que  les  Gaules, 
-^ais^  alors  elle^tait  mieux  cultivée  ;  les  villes  bâties , 
accrues  &  embellies  par  les  Romain»,  fubfiftaient;  & 
la  réputation  de  l'Italie  tenta  toujours  un  peuple  pau- 
vre l  inquiet  &  gû'éi-fîer.  Si  Pépin  zvak  pu  prendre  la 
Lombardic  ^  comme  fit  Cbarlemagne ,  il  l'aurait  prife 
frins  doute  î  &  sll  conclut  un  traité  avec  AJiolpbe  ^ 
c'eft  qu'il  y  lut  obKgé.  Ufurpateur  de  la  France,  il 
n*y  était  pas  affermi.  Il  avait  à  combattre  des  docs  d*A- 
quitaine  ^  dé  Gafcbgne,  doutJes  droils  fur  ces  pays 
valoient  mieux  que  Éês  fiens  fur  la  France.  Comment 

tpi\jours^té  fourbes ,  &  qu*a. 
lors ,  ils  étaient  fourbes  & 
groffiers; 


(a)  QomvçL%v^  aoçorder  tant 

•  d'artifice  .&  taojt  de.bêtife! 

c*eft'que    lès    botnmes   ont 


I 


11 


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^  D  E  S      P  A  F  E  S.  329     *• 

donc  aurait-  il  donné  tant  de  terres  anx  papes ,  quand 
il  était  forcé  de  revenir  en  France  ,  pour  y  foutenir  fon 
ufurpation  ? 

Le  titre  primordial  de  cette  donation  n*a  jamais  pa- 
ru.  On  eft  donc  réduit  à  douter.  C*eft  le  parti  qu'il 
faut  prendre  fouvent  en  hiftoite  comme  en  phîlofo- 
phie.  Lé  St.  Siège  d'ailleurs  n'a  pas  befoin  de  ces 
titres  équivoques  ;  le  tems  lui  a  donné  des  droits 
aufli .  réels  fur  fes  états  ^  que  les  autres,  fouverains 
de  l'Europe  en  ont  fur  les  leurs.  Il  efl  certain  que 
les  pontifes  de  Rome  avaient  dès -lors  de  grands  pa- 
trimoines dans  plus  d'un  pays  ;  que  ces  patrimoinies 
étaient  refpedtés  »  qu'ils  étaient  exempts  de  tribut.  Ils 
en  aitaient  dans  les  Alpes  >  en  Tofcane ,  à  Spolette  « 
dans  les  Gaules  ^  en  Sicile,  &  jufques  dans  la  Cprfe  , 
avant  que  les  Arabes  fe  fuflent  rendus  maîtres  de  cette 
iile  au  huitième  fiécle.  Il  eft  à  croire  qu^  Pephi  fit 
augmenter  beaucoup  ce  patrimoine  dans  le  pays  de 
la  Romagne,&  qu'on  l'appella  le  patrimoine  de  l'exar- 
cat.  C'eft  i^obabiement  ce  mot  de  patrimoifte qui  iîit  la 
fource  de  la  méprife.  Les  auteurs  poftérieurs  fuppofé- 
rent  dans  des  tems  de  ténèbres  ,  que  les  papes  avaient 
régné  dans  tous  les  pays  où  >ls  avaient  feulement  pof- 
fédé  des  villes  &  des  territoires* 

'  Si  qbetque  pape  fur  la  fin  du  huitième  fiécle  pré- 
tendit être  au  rang  des  princes ,  il  parait  que  c'eft 
Adrien  I.  La  monnoîe  qui  fut  frappée  en  fon  nom  (  fi 
cette  monnoie  fut  en  effet  fabriquée  de  fon  tems  )  fait 
voir  qu'il, eut  les  droits  régaliens  ;  &  l'ufage  qu'il  in- 
troduifit  de  fe  faire  baifer  les  pieds ,  fortifie  encor 
cette  conjeélure.  Cependant  il  recoiinut  toujours  Tem- 
pereur  Grec  pour  fon  fouverain.  On  pouvait  très  bien 
rendre  à  ce  fouverain  éloigné  un  vain  hommage ,  & 
s'attribuer  une  indépendai^ce  réelle  appuiçe  de  Tauto- 
rite  du  miniltère  eccléfiafUque. 

Voyez  par  quels  degrés  la  puîîTance  pontificale  de 
Rome  s'eft  élevée.   Ce  font  d'abord  des  pauvres  qui     ^ 


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l  '    33P    Etat  pe  L'éausE  znf  Orient  , 


il 


inftruifent  des  pauvres  dans  les  (buterrftins  dt  Rome; 
ils  font  au  bout  de  deux  fiécles  ^  I4  tête  d'un  trou- 
peau confidérable.  Ils  font  riches  &  refpedés  fous 
Conjlantin  ;  ils  deviennent  patriarches  de  TOccident  ; 
ils  ont  d'immenfes  revenus  &  des  tecrejs  ;  enfin  ils 
deviennent  de  grands  ibuverains  ;  mais  c'rà  ainfi  que 
tout  8'eft  écarté  de  fon  origine.  Si  les  fondateurs  de 
Rome  ,  de  l'empire  des  Chinois  ,  de  celui  des  caH- 
fes  9  revenaient  au  monde  ,  ils  vemiient  fiir  leurs 
trônes  des  Goths  ,  des  Tartares  &  des  Turcs. 

Avant  d'examiner  comment  tout  changea  -en  Occi- 
dent par  la  tranflation  de  Tempire  ^  Il  âl  néceflàire 
de  vous  fàxït  une  idée  de  Péglife  de  rOrient  Les 
difputes  de  cette  églife  ne  fervirent  pas  peu  à  cette 
grande  révolution. 


CHAPITRE    dUATORZlÈME. 

E^at  de  féglife  en  Orient  avant  CHARLnfAAQïif..  Que- 
relle pour  les  images.  RémluUon  de  Rome  com- 
mencée. 

QUe  les  ufages  de  l'églife  grecque  &  de  1a  latine 
ayent  été  difFérens  comme  leurs  langues  ;  que 
la  liturgie ,  les  habillemens ,  les  ornemens ,  laforme  des 
temples,  celle  de  la  croix  n'ayent  pas  été  les  mêmes; 
que  les  Grecs  priaffent  debout ,  &  les  Latins  ji  genoux, 
ce  n'eft  pas  ce  que  j'examine.  Ces  différentes  cou- 
tumes ne  mirent  point  aux  prifes  l'Orient  &  l'Occi- 
dent ;  elles  fcrvaient  feulement  à  nourrir  l'averfion 
naturelle  des  nations  devenues  rivales.  Les  Grecs 
furtoutqui  n'ont  jamais  requ  le  batéme  que  par  im- 
merOon  ,  en  fe  plongeant  dans  les  cuves  ^  bap- 
tiftères  ,  haïffaient  les  Latins  ,  qui  en  feyeur  des 
chrétiens  fcptentrîonaux  introduifirent  le  hiatême  par 

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tg*."*'         iiBB8aaBHl>MaP*fa— —  ^I^^^Sfti 


AVAVT  Chaule  V  ào  N  e.    33< 

^^'^'mi^mmmmmmmmÊÊmitmmmÊmmmmmmmÊaÊammÊmmmÊmmmiÊÊÊmmmÊmmÊmmmmÊmmm 

afperfion.  Mm  ces  oppoûtian«  n'exeieèrent  avouii 

trouble. 

La  domination  temporelle  ,  cet  éternel  ibjct  de 
dîfcordc  dans  J*Occident  ,  ftit  Inconnue  aux  églifes 
d'Orient.  Les  évéqucs  fous  les  yeux  du  majtre  reftè- 
rent  fumets  ;  mais  d'autres  querelles  non  moins  fu- 
nettes  y  furent  excitées  par  ces  difputes  intermina- 
bles ,  nées  de  l'elprit  fophiftique  des  Grecs  §^  de 
leurs  difputes.  * 

La  (implicite  des  premiers  tems  difparut  fous  le 
mnd  nombre  de  queftions  que  forma  U  curiofit^ 
humaine  ;  car  le  fondateur  d^  la  religion  n'ayant  ja- 
mais rien  écrie ,  &  les  hommes  Toulant  tout  favoir , 
chaque  myftère  fit  naître  4ès  opinioo^  ,  &  Q^f^aquie 
opinion  coûta  du  fSuig, 

C'eft  une  chofe  très  remarquable ,  que  de  près  et 
quatre-vingt  fedtes  qui  avaient  déchiré  l'églîfe  depuis 
ia  naiffanoe ,  aucune  n'avait  eu  un  Romain  pour  au- 
teur, fi  on  excepte  NovuMaji  ,  qu'à  peine  encor  on 
t>6ut  -regarder  comme  un  hérétique.  Aucun  Romain 
dans  les  cinq  premiers  fiéçles  ne  fut  con>pté  ni 
jpaçmi  les  43 ères  de  régJîfe,  ni  parmi  les  hcréfiar- 
^ues.  Il  femble  qu'ils  ne  furent  que  prudens.  D-e 
tous  les  évéques  de  Rome  il  n*y  en  eut  qu'un  feul  qui 
favorifa  un  de  ces  fyftcmes  condamnés  par  i'églife  ; 
c'eft  le  papç  Houorius  L  0.n  Taccufe  encor  toos  les 
jours  d'avoir  été  monothélfte»  On  croit  par -là  flétrit 
fa  mémoire  ;  mais  fi  on  fe  donne  la  peine  de  lire  fa 
-fameufe  lettre  pa^orale  ,  (ians  laquelle  II  n'attribue 
qu'une  volonté  à.  Jes^s-Chb^ist  ,«ii>  verra  un  jioinnve 
très  fage.  Nous  confejf'ons  ,  dit-il ,  une  feule  volonté 
dans  JesuS-Christ.  Nous  ne  voyons  point  qne  Us  con- 
ciles ,  fit  récriture  nous  autorifent  à  penfer  autrement  : 
mais  de  favoir  Jt  â  caufedes  œuvres  de  divinité  Êf  ^^'^- 
manitéquifontenlui^  on, doit  entendre  une  opération 


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332  Etat  db  l'église  en  Orient,  &a 

OU  deux ,  c^êjl  ce  que  je  laiffe  aux  grammairiens ,  ^ 
ce  qui  n'importe  guères,    (a) 

Peut-être  n*y  a^-t-il  rien  de  plus  précieux  dans 
toutes  les  lettres  des  papes  que  ces  paroles.  Elles 
nous  convainquent  que  toutes  les  difputes  des  Grecs 
étaient  des  difputes  de  mots ,  &  qu'on  aurait  dû  af- 
foupir  ces  querelles  de  fophiiîes  dont  les  fuites  ont 
été  fi  funeiles.  Si  on  les  avait  abandonnées  aux  gram- 
mairiens ,  oomme  le  veut  ce  judicieux  pontife,  réglife 
eût  été  dans  une  paix  inaltérable.  Mais  voulut-pnfavoir 
$  le  fils  était  confubftantiel  au  père.,  ou.  feulement  dé 
même  nature,  ou  d'une  nature  inférieure  ?  Le  monde 
chrétien  fut  partagé  ;  la  moitié  perfécuta  l'autre, &  en 
fut  perfécutée.  Voulut-  on  favoir  fi  la  mère  de  Jesus- 
Christ  était  la  ftière  de  DiEu ,  ou  de  Jésus  ?  fi 
le  Christ  avait  deux  natures  &  deux  volontés  dans 
une  même  perfonne ,  ou  deux  perfonnes  &  une  vo- 
lonté ,  ou  une  volonté  &  une  perfonne  ?  Toutes  ces 
difputes  ,' nées  dans  Conftantinople ,  dans  Antioche, 
dans  Alexandrie  ,  excitèrent  des  féditions.  Un  parti 
anathématifait  l'autre  ;  la  fadion  dominante  condam- 
nait à  l'exil ,  à  la  prifon ,  à  la  mort ,  &  aux  peines 
éternelles  après  la  mort  l'autre  faétion ,  qui  fe  ven- 
geait à  fon  tour  par  les  mêmes  armes. 

De  pareils  troubles  n'avaient  point  été  connus  dans 
le  paganifme  ;  la  raifon  en  eft ,  que  les  payens  dans 
leurs  erreurs  groffières ,  n'avaient  point  de  dogmes , 
&  que  les  prêtres  des  idoles  ,  encore  moins  les  fe- 
cuHers  ,  ne  s'aiTemblèrent  jamais  juridiquement  pour 
difputer. 

Dans  le  huitième  fiécle  on  agita  dans  les  églifcs  d'O- 
rient s'il  felait  rendre  un  culte  aux  images.  La  w^ 


& 


(a)  En  effet  tontes  les 
miférables  querelles  des  théo- 
logiens n*ont  jamais  été  que 
des  difputes  de  grammaire , 
fondées  fur  des  équivoques, 


fur  des  queftions  abfordes 
inintelligibles  qu'on  a  mifes 
pendant  quinze  cent  ans  à  la 
place  de  la  vertu. 


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QyERELLBS  POUR  LES  IMAGES.        333      é 

de  Jfojfe  l'avait  cxpreffémcnt  défendu.  Cette  loi  n'a- 
vait jamais  été  révoquée  ;  &  les  preiqiers  chrétiens , 
pendant  plus  de  deux  cent  ans ,  n'avaient  même  ja- 
mais foufFert  d'images  dans  leurs  all'emblées. 

Peu  -  à  -  peu  la  contume  s'introduifit  partout 
d'avoir  chez  foi  des  crucifix.  Enfuite  on  eut  les 
portraits  vrais  ou  faux  des  martyrs  ou  des  con- 
feffeurs.  Il  n'y  avait  point  encore  d'autels  éri- 
gés pour  les  faints  ,  point  de  mefles  célébrées  en 
leur  nom.  Seulement ,  à  la  vue  d'un  crucifix  &  de 
l'image  d'un  homme  de  bien  ,  le  cœur  ^  qui  furtout 
dans  ces  climats  a  befoin  d'objets  fenfibles»  s'exci- 
tait à  la  piété. 


Cet  ufage  s'introduifit  dans  les  églifes.  Quelques 
évéques  ne  Padoptèrent  pas.  On  voit  qu'en  999  St. 
Epipbane  arracha  d'une  églife  de  Syrie  une  image 
devant  laquelle  on  priait  II  déclara  que  la  religion 
chrétienne  ne  permettait  pas  ce  culte  :'&  (a  févérité 
ne  caufa  point  de  fchiûne. 

Enfin  cette  pratiquepieufe  dégénéra  enabus,  comme 
toutes  les  chofes  humaines.  Le  peuple  ,  toujours 
groffier ,  ne  diilingua  point  DiEU  &  les  images.  Bien- 
tôt on  en  vint  jufqu'à  leur  attrribuer  des  vertus  & 
des  miracles.  Chaque  image  guériflait  une  maladie» 
On  les  mêla  même  aux  fortilèges  ,  qui  ont  prefque 
toujours  féduit  la  crédulité  du  vulgaire.  Je  dis  non- 
feulement  le  vulgaire  du  peuple ,  mais  celui  des  prin- 
ces ,  &  même  celui  des  favans. 

En  727  l'empereur  Léon  l'Ifaurien  voulut ,  à  la  per- 
fuafion  de  quelque  évéques ,  déraciner  l'abus  ;  mais , 
par  un  abus  peut -être  plus  grand  ^  il  fit  effacer  toutes 
les  peintures.  Il  abattit  les  flatues&  les  repréfentatior» 
^e  JesusXhrist  avec  celles  des  faints;  en  ôtant  ainfi 
tout-d'un-coup  aux  peuples  les  objets  de  leur  culte ,  il 


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334 


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les  révolta  ;  on  dérobéït  :  il  perfécata  ;  il  devint  ty- 
tan ,  parce  qu41  avait  été  imprudent. 

Il  eft  honteux  pour  notre  fiécle  qu'il  y  ait  encor  des 
compilateurs  qui  répètent  cette  ancienne  fable  ,  que 
deux  Juifs  avaient  prédit  Tempire  à  Léon  ,  &  qu'ils  | 
avaient  exigé  de  lui  qu'il  abolit  le  culte  des  images  ; 
comme  s*il  eût  importé  à  des  Juifs  que  leS^  chrétiens 
eufTentou  non  des  figures  dans  leurs  églifes.  Les  hit 
toriens  qui  croyent  qu'on  peutainfi  prédire  l'avenir, 
font  bien  indignes  d'écrire  ce  qui  s'eft  pafTé. 

Son  fils  ,  Conjiantîn  Copronyme  ,  fît  pafTer  en  loi 
civile  &  cccléfiaftique^  l'abolition  des  images.  Il  tint 
à  Conftantinople  un  concile  de  trois  cent  trente-huit 
évéques  ;  ils  profcri virent  d'une  commune  voix  ce 
culte  9  requ  dans  plufieurs  églifes ,  &  furtout  à  Rome. 

Cet  empereur  eût  voulu  abolir  auffi  aifément  les 
moines  ,  qu'il  avait  en  horreur  ,  &  qu'il  n'appellait 
que  les  abominables  ;  mais  il  ne  put  y  réuffir  :  ces 
moines,  déjà  fort  riches ,  défendirent  plus  habilement 
leurs  biens  que  les  images  de  leurs  faints. 

Les  papes  Grégoire  II  &  IIIy&  leurs  fucceffeurs, 
ennemis  fecrets  des  empereurs  ,  &  oppofés  cuver- 
tement  à  leur  dodlrine  ,  ne  lancèrent  pourtant  point 
ces  fortes  d'excommunications  ,  depuis  fi  fréquem- 
ment &  fi  légèrement  employées.  Mais  foît  que  ce 
vieux  refped  pour  les  fucceffeurs  des  Céfars  contint 
encore  les  métropolitains  de  Rome  ,  foit  plutôt  qu'ils 
viffent  combien  ces  excommunications  ,  ces  interdits, 
ces  difpenfes  du  ferment  de  fidélité  feraient  mépri- 
fées  dans  Conffeintinople  ,  où  l'églife  patrîarchale  s'é- 
galait  au  moins  à  oelie  de  Rome ,  les  papes  tinrent 
deux  conciles  en  728  ,  &  en  792  ,  où  l'on  décida 
que  tout  ennemi  des  images  ferait  excommunié ,  fans 
rien  de  plus  ,  &  fans  parler  de  l'empereur.  Ils  fon- 
gèrent  dès4brs  plus  à  négocier  qu'à  difputer.  Gré- 


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POUR    LES    IMAGES.  335 

goire  II  fe  rendit  maître  des  affaires  dans  Rome , 
pendant  que  le  peuple  foulevé  contre  les  empereurs 
ne  payait  plus  les  tributs.  Grégoire  III  fe  conduifit 
fuivant  les  mêmes  principes.  Quelques  auteurs  Grecs 
pofiérieurs  roulant  rendre  lés  papes  odieux  ,  ont  écrit 
que  Grégoire  II  excommunia  &  dépofa  l'empereur, 
éc  que  tout  le  peuple  Romain  reconnut  Grégoire  II 
pour  fon  fouveraîn.  Ces  Grecs  ne  fongeaient  pas  que 
les  papes  qu'ils  voulaient  faire  regarder  comme  des 
ufurpatèurs  ,  auraient  été  dès-lors  les  princes  les  plus 
légitimes.  Ils  auraient  tenu  leur  puiffance  des  fuifrages 
du  peuple  Romain  :  Ils  eulfent  été  fouverains  de  Rome 
à  plus  jufte  titre  que  beaucoup  d'empereurs.  Mais  il 
n'eft  ni  vraifemblable ,  ni  vrai ,  que  les  Romains  me- 
nacés par  Léon  l'Ifaurien ,  preffés  par  les  Lombards , 
euHent  élu  leur  évéque  pour  feul  maître ,  quand  ils 
avaient  befoin  de  guerriers.  Si  les  papes  avaient  eu 
dès-lors  un  *fi  beau  droit  au  rang  des  Céfars  ,  ils  n'au- 
raient pas  depuis  transféré  ce  droit  à  Cbarîemagne. 


CHAPITRE    aUINZIÉME. 

De  CharleMAGNE.  Son  ambition  ,  fa  politique.  Il 
dépouille  f es  neveux  de  leurs  états.  Opprejfion  6? 
converjîon  des  Saxons  ,  f^c, 

LE  royaume  de  Pépin  ,  ou  Pipin  ,  s'étendait  de  la 
Bavière  aux  Pyrénées  &  aux  Alpes.  Kurl  fon  fils, 
que  nous  refpedtons  fous  le  nom  de  Cfoarletnagne , 
recueillit  cette  fucceflîon  toute  entière  ;  car  un  de 
fcs  frères  était  mort  après  le  partage ,  &  l'autre  s'é- 
tait fait  moine  auparavant  au  monaftère  de  St.  Syl- 
veftre.  Une  cfpèce  de  piété  qui  fe  mêlait  à  la  bar- 
barîe  de  ces  tems,  enferma  plus  d'un  prince  dans  le 
cloître  ;  ftînfi  Racbis  ,  roi  des  Lombards  ,  un  Car^ 
iomaH  ,  frère  de  Pépin  ,  un  duc  d'Aquitaine ,  avaient 


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Charlemaons.  .  ! 


pris  rhabit  de  bénédidin.  II  n'y  avait  prefque  alors  que 
cet  ordre  dans  rOccident.  Les  couvcns  étaient  riches, 
puiflans  ,  refpeélés  ;  c'étaient  des  afyles  honorables 
pour  ceux  qui  cherchaient  une  vie  paifible.  Bientôt 
après  ces  afyles  furent  les  prifons  des  princes  dé- 
trônés. 

La  réputation  de  Cbarkmagne  eft  une  des  plus 
grandes  preuves  que  les  fuccès  juflifient  l'injuftice  & 
donnent  la  gloire.  Pépin  fon  père  avait  partagé  en 
mourant  fes  états  entre  fes  deux  enfi^ns  ,  Karlnm^ 
ou  Carloman ,  &  KarL  Une  aflcmblée  (blemneUe  de 
la  nation  avait  ratifié  le  teftament.  Carloman  vf^^ 
la  Provence  ,  le  Languedoc  ,  la  Bourgogne  ,  la  Suiffc 
&  l'Alface ,  &  quelques  pays  circonvoifins.  IM  ou 
Charles  jouïffait  de  tout  le  refte.  Les  deux  frères  fu- 
rent toujours  en  méfintelligence.  Carloman  mourut 
Sfubîtcment  ,  &  laifla  une  veuve  &  deux  enftns  en 
bas  âge.  Charles  s'empara  d'abord  de  leur  patrimoine. 
-  La  mère  fut  obligée  de  fuir  avec  fes  ehfans  chez  le 
roi  des  Lombards  Déjtdérius  ,  que  nous  nommons  Di" 
dier  ,  ennemi  naturel  de«  Francs  ;  ce  Didier  était 
beau-père  de  Charlemagne  ,  &  ne  l'en  haiffait  pas 
moins  ,  parce  qu'il  le  redoutait.  On  voit  évidemment 
que  Charlemagne  ne  refpedla  pas  plus  le  droit  natu- 
rel &  les  liens  du  fang  que  les  autres  conquérans. 

Pépin  fon  père  n'avait  pas  eu  à  beî^ucoup  près  le 
domaine  direâ  dé  tous  les  états  que  pofTéda  Cbar- 
lemagne,  L'Aquitaine  ,  la  Bavière  ,  la  Provence ,  h 
Bretagne ,  pays  nouvellement  conquis ,  rendaient  hom- 
mage &  payaient  tribut 

Deux  voifms  pouvaient  être  redoutables  à  ce  vaftc 
état  ,  les  Germains  feptentrionaux  &  les  Sarrazins. 
L'Angleterre  ,  conquifc  par  les  Anglo-Saxons ,  parta- 
gée en  fept  dominations  ,  toujours  en  guerre  avec 
â  l'Albanie  qu'on  nomme  Ecoffe  ,  &  avec  les  Danois , 
était  fans  politique  &  fans  puiffancc.    L'Italie,  feî- 


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||gttr>»  M^apii  iiifg^jl 

Charlemagne.        337 

ble  &  déchirée  ,  n'attendait  qu'un  nouveau  maitre 
qui  voulût  s'en  emparer. 

Les  Germains  feptentrionaux  étaient  alors  appelles 
Saxons.  '  On  connaiiTait  fous  ce  nom  tous  ces  peuples 
qui  habitaient  les  bords  du  Véfer  &  ceux  de  l'Elbe» 
de  Hambourg  à  la  Moravie  ,  &  du  bas-Rhin  à  la  mer 
Baltique.  Ils  étaient  payens ,  ainfi  que  tout  le  fep- 
tentrion.  Leurs  mœurs  &  leurs  loix  étaient  les  mê- 
mes que  du  tems  des  Romains.  Chaque  canton  fe 
gouvernait  en  république  ;  mais  ils  élifaient  un  chef 

i)our  la  guerre.  Leurs  loix  étaient  fimples  comme 
eurs  mœurs  )  leur  religion  groflîére  :  ils  facrifiaient , 
dans  les  grands  dangers  ,  des  hommes  à  la  Divinité  > 
ainfi  que  tant  d'autres  nations  ;  car  c'cft  le  cara(ftère 
des  barbares  ,  de  croire  la  Divinité  maifaifante  :  les 
hommes  font  Dieu  à  leur  image.  Les  Francs  quoi- 
que déjà  chrétiens  ,  eurent  fous  Tbiodebert  cette  fu- 
perftition  horrible  :  ils  immolèrent  des  viâimes  hu- 
maines en  Italie  ,  au  rapport  de  Procope  ,  &  vous 
n'Ignorez  pas  que  trop  de  nations  ,  ainfi  que  les  Juifs  ^ 
avaient  commis  ces  facriléges  par  piété.  D'ailleurs 
les  Saxons  avaient  confervé  les  anciennes  mœurs 
germaniques ,  leur  finiplicité  ,  leur  fuperftîtion  ,  leur 
pauvreté.  Quelques  cantons  avaient  futtout  gardé  Tef- 
prit  de  rapine  ,  &  tous  mettaient  dans  leur  liberté 
leur  bonheur  &  leur  gloire.  Ce  font  eux  qui  fous 
le  nom  de  Cattes  ,  de  Chéruskes  &  de  Bruyères , 
avaient  vaincu  Varus ,  &  que  Germanicus  avait  en- 
fuite  défaits. 


Une  partie  de  ces  peuples  vers  le  cinquième  fiécle , 
appetlée  par  les  Bretons  infulaires  contre  les  habitans 
de  l'Ecoffe,  fubjugua  la  Bretagne  qui  touche  à  l'Ecoffe , 
&  lui  donna  le  nom  d'Angleterre.  Ils  y  avaient  déjà 
pafle  au  troifiéme  fiécle  ;  &  au  tems  de  Conjlantin , 
les  côtes  de  cette  ifle  étaient  appellées  les  côtes  Saxo- 
niques. 

Ejfaifur  les  mœurs ,  &c.  Tom.  L  Y 

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33g        Charlemagnë^ 

Cbarlemagne ,  le  plus  ambitieux ,  le  pIUs  politique, 
&  le  plus  grand  guerrier  de  fon  fiécle  ,  fit  la  guerre 
aux  Saxons  trente  années  avant  de  les  aflujettir  plei- 
nement. Leur  pays  n'avait  point  encor  ce  qui  tente 
aujourd'hui  la  cupidité  des  Conquérans  :  les  riches 
mines  de  Goilar  &  de  Friedberg ,  dont  on  a  tiré  tant 
d'argent  ,  n'étaient  point  découvertes  ;  elles  ne  le 
furent  que  fous  Henri  foifeleur.  Point  de  richeffes 
a^amulées  par  une  longue  induftrie  »  nulle  ville  di- 
gne de  l'ambition  d'un  ufurpateur.  Il  ne  s'agilTait 
que  d'avoir  pour  éfclaves  des  millions  d'hommes 
qui  cultivaient  la  ttXtt  fous  un  climat  trille  ,  qui 
nourriraient  kurs  troupeaux  ^  &  qui  ne  voulaieot 
point  dé  maîtres. 

La  guerre  contre  les  Saxons  avait  commencé  pout 
un  tribut  de  trois  cent  chevaux ,  &  de  quelques  va- 
ches que  Pépin  avait  exigé  d'eux  >  &  cette  guerre 
dura  trente  années.  Quel  di^it  les  Francs  avaient- 
ils  fur  eux?  Le  même  droit  que  ces  Saxons  avaient 
eu  fur  l'Angleterre. 

Ils  étalent  mal  armes  ;  car  je  vois  dans  les  capi- 
tulaires  de  Cbarlemagne  une  défbnfe  rigoureufe  de 
vendre  des  cuirafles  aux  Saxons.  Cette  difierence 
des  armes  ,  jointe  à  la  difcîpline  ,  avait  rendu  les 
Romains  vainqueurs  de  tant  de  peuples  :  elle  fit  triom- 
pher enfin  Cbarlemagne. 

Le  général  de  la  plupart  de  ces  peuples  était  ce 
fameux  Vîtikind ,  dont  on  fait  aujourd'hui  defcendre 
les  principales  maifons  de  l'empire  :  homme  tel  qu'iir- 
mînius ,  mais  qui  eut  enfin  plus  de  faibleffe.  Charles 
prend  d'abord  la  fameufe  bourgade  d'Eresbourg  ;  car 
ce  lieu  ne  méritait  ni  le  nom  de  ville ,  ni  celui  de 
fortereffe.  Il  fait  égorger  les  habitans  ;  il  y  pille  & 
rafe  enfuite  le  principal  temple  du  pays ,  élevé  au- 
trefois au  Dieu  Tanfana^  principe  univerfel ,  fi  jamais 
ces  fauvages  ont  connu  un  principe  univerfel.  Q 

^'gfl-jiM     m«m\i^        jpif&St* 


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s  AX  ON  s  P  £«.  s  é  CUTi  s.       339     |f 

était  alors  dédié  au  Dieu  Irrmnfid  s  &it  que  ce  Dieu 
fût  celui  de  la  guerre  >  Vôtres  des  Grecs  ,  le  Mars 
des  Romains ,  foie  qu'il  eût  été  confacré  au  célèbre 
Hirmtm  Artmnitu  *  vainqueur  de  Varus  &  vengeur 
de  la  liberté  germanique* 

On  y  maflacra  les  prêtres  fur  les  débris  de  Tidole 
renverfée.  On  pénétra  jufqu'au  Véfeir  avec  l'armée  . 
viâorieufe.  Tous  ces  cantons  fe  fournirent.  Cbarlt" 
magne  voulut  les  lier  à  fon  joug  par  le  chriftianifme. 
Tandis  qu'il  court  ^  l'autre  bout  de  fes  états  à  d'au* 
très  conquêtes ,  il  leur  lai0e  des  miffionnaires  pour 
les  perfuad^r ,  &  des  foldats  pour  les  forcer.  Fre& 
que  tous  ceux  qui  habitaient  vers  le  Véfer ,  fe  trou* 
vèrent  en  un  an  chrétiens ,  mais  efclaves. 

Vitikind ,  retiré  chez  les  Danois ,  qui  tremblaient 
déjà  pour  leur  liberté  &  pour  leurs  Dieux  ,  revient 
au  bout  de  quelques  années*  Il  ranime  fes  compa* 
triotes  ,  il  les  raffemble.  Il  trouve  dans  Brème ,  ca« 
pitale  du  pays  qui  porte  ce  nom  ,  un  évéque  ,  une 
églife ,  &  fes  Saxons  défefpérés  y  qu'çn  traine  à  des 
autels  nouveaux.  Il  chafle  1  évéque  ^  qui  a  le  tems  de 
fuir  &  de  s'embarquer.  Il  détruit  le  chriftianifme ,  qu'on 
n'avait  embralTé  que  par  la  force.  Il  vient  jufqu'auprès 
du  Rhin  ,  fuivi  d'une  multitude  de  Germains,  U  bat 
les  lieutenans  de  Cbariemagnc, 

Ce  prince  accourt  :  il  défait  à  fon  tour  Vitikînd$ 
mais  il  traite  de  révolte  cec  effort  courageux  de  li- 
berté. U  demande  aux  Saxons  tremblans  qu'on  lui 
Livre  leur  général  ;  &  fur  la  nouvelle  qu'ils  l'ont  laiiTé 
retourner  en  Dannemarck  ,  il  fait  maffaçrer  quatre 
mille  cinq  cent  prifonniers  au  bord  de  la  petite  lu 
yière  d'Aire,  il  ces  prifonniers  avaient  été  des  fujets 
rebelles ,  un  tel  châtiment  aurait  été  une  févérité  hor-» 
rible  ;  mais  traiter  ainG  des  hommes  qui  combattaient 

&    pour  leur  liberté  &  pour  leurs  ioix  ,  c'eftPaélion  d'un 

ifgjiii      <pi<Hii "Il        iiiiftiTi' 


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jBtg^j"  "iin»M"  '"^^m 

340       Charlemagne.' 

brigand  ,  que  d'illufires  fûccès  &  des  qualités  bril- 
lantes ont  d'ailleurs  fait  grand-homme. 

.  Il  falut  encore  trois  vidtoires  avant  d'accabler  ces 
peuples  fous  le  joug.  Enfin  ,  le  fang  cimenta  le  chrifl 
tianifme  &  la  fervitudc.  Vitikind  lui-même  ,  lafTé  de 
fes  malheurs  ,  fut  obligé  de  recevoir  le  batême ,  & 
de  vivre  déformais  tributaire  de  fon  vainqueur. 

Charles  pour  mieux  s'affurer  du  pays  ,  tranfporta 
environ  dix  mille  familles  faxonnes  en  Flandre ,  en 
France  &  dans  Rome.  Il  établit  des  colonies  de 
Francs  dans  les  terres  des  vaincus.  On  ne  voit  de- 
puis lui  aucun  prince  en  Europe  qui  tranfporte  ainfi 
des  peuples  malgré  eux.  Vous  verrez  de  grandes 
émigrations  ,  mais  aucun  fouverain  qui  établilTe  ainfi 
des  colonies  fuivant  Tancienne  méthode  romaine  ; 
c^eft  la  preuve  de  la  politique  &  de  l'excès  du  de£^ 
potifme ,  de  contraindre  ainfi  les  hommes  à  quitter 
le  lieu  de  leur  nailTance.  Charles  joignit  à  cette  po- 
litique la  cruauté  de  faire  poignarder  par  des  efpions 
les  Saxons  qui  voulaient  retourner  à  leur  culte.  Sou- 
vent les  conquérans  'ne  font  cruels  que  dans  la  guer- 
re :  la  paix  amène  des  mœurs  &  des  loix  plus  dou- 
ces. Charlemagne  au  contraire  fit  des  loix  qui  te- 
naient de  Finhumanité  de  fes  conquêtes. 

Il  inftitua  une  jurifdidtion  plus  abominable  que 
TinquiCtion  ne  le  fut  depuis.  C'était  la  cour  Veî- 
mique ,  ou  la  cour  de  Veftphalie  dont  le  fiége  fub- 
fifia  longtems  dans  le  bourg  de  Dortmund.  Les  juges 
prononçaient  peine  de  mort  fur  des  délations  fecret- 
tes ,  fans  appeller  les  accufés.  On  dénont;ait  un  Saxon 
poffeffeur  de  quelques  beiliaux ,  de  n'avoir  pas  jeûné 
en  carême.  Les  juges  le  condamnaient ,  &  on  en- 
voyait des  aflaffins  qui  l'exécutaient  &  qui  faififlaient 
fes  vaches.  Cette  cour  étendit  bientôt  fon  pouvoir 
fur  toute  l'Allemagne  :  il  n'y  a  point  d'exemple  d'une 
^     telle  tyrannie ,  &  elle  était  exercée  fur  des  peuples     » 


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Charlemàone.        341    jp 

libres.  Et  Daniel  ne  die  pas  un  mot  de  cette  cour 
Veimique  !  65:  Véli  qui  a  écrit  fa  féche  hîltoîre  n'a 
pas  été  inftruit  de  c$  fait  fi  public  !  &  il  appelle  Char- 
lemagne  religieux  monarque  »  ornement  de  Thu- 
manité. 

Ayant  vu  comment  ce  conquérant  traita  les  Ger- 
mains, obfervons  comment  il  fe  conduifit  avec  les 
Arabes  d'Ëfpagne.  Il  arrivait  déjà  parmi  eux  ce  qu'on 
vit  bientôt  après  en  Allemagne  ,  en  France  &  en  Ita- 
lie. Les  gouverneurs  fe  rendaient  indépendans.  Les 
émirs  de  Barcelone  &  ceux  de  SarragofTe  s'étaient 
mis  fous  la  protection  de  Pépin.  L'émir  de  Sarra- 
gofle  ,  nommé  Ibnal  Arabi  ,  c'eft-à-dire ,  Ibnal  TA- 
rabe ,  en  778  vient  jufqu'à  Paderborn  prier  Cbarle- 
magne  de  le  fou  tenir  contre  fon  fouverain.  Le  prince 
Français  prit   le  parti  de  ce  mufulman  ;  mais  il  fe 

8  donna  bien  garde  de  lé  faire  chrétien.  D'autres  in-  J 
téréts  ,  d'autres  foins.  Il  s'allie  avec  des  Sarrazins  h 
contre  des  Sarrazins  ;  mais  après  quelques  avantages  ^ 
fur  les  frontières  d'Efpaene ,  fon  arrière-garde  eft  dé« 
faite  à  Roncevaux ,  vers  les  montagnes  des  Pyrénées, 
par  les  chrétiens  mêmes  de  ces  montagnes  ,  mêlés 
aux  mufulmans.  C'eft-là  que  périt  Roland  fon  neveu. 
Ce  malheur  eft  l'origine  de  ces  fables  qu'un  moine 
écrivit  au  onzième  fiécle,  fous  le  nom  de  l'archevê- 
que Turpin ,  &  qu'enfuite  l'imagination  de  VArioJie  a 
embellies.  On  ne  fait  point  en  quel  tems  Charles 
cffuya  cette  difgrace  ;  &  on  ne  voit  point  qu'il  ait 
tiré  vengeance  de  fa  défaite.  Content  d'afTurer  fes 
frontières  contre  des  ennemis  trop  aguerris,  iln'em- 
braife  que  ce  qu'il  peut  retenir ,  &  régie  fon  ambi- 
tion fur  les  conjondures  qui  la  favorifent. 


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Charlbmâgke 

mmamÊÊmmaÊÊi^mÊÊÊÊmmmÈÊmÊmmÊÊmÊmÊmÊÊÊÊKÊÊÊiÊmÊÊmmÊÊmmmmÊmÊÊam 
•^^ ■  -  -  -,  I       .1.1- 

CHAPITRE    SEIZIÈME. 
CharlemâgNB  empereur  d'Occident. 

C^Eft  à  Rome  &  à  Tempire  d'Occident  que  cette 
ambition  afpirait.  La  puilTance  des  rois  de  Loin- 
bai;die  était  le  feul  obftacle  ;  Téglife  de  Rome  ,  & 
toutes  les  églifes  fur  lefquelles  elle  influait  ;  les  moi- 
nes )  déjà  puiflans  ,  les  peuples ,  déjà  gouvernés  par 
eux  ,  tout  appellait  Cbartemagne  à  Tempire  de  Rome. 
Le  pape  Adrien^  né  Romain,  homme  d'un  génie  adroit 
&  ferme  ^  applanit  la  route.  D'abord  il  l'engage  à  ré- 
pudier la  fille  du  roi  Lombard  Didier ,  chez  qui  l'in- 
fortunée belle-fœut  de  Charles  s'était  réfugiée  avec 
fes  enfans. 

Les  mœurs  &  léâ  loiz  de  ce  tems-là  n'étaient  pas 
gênantes  ,  du  moins  pour  les  princeà.  Charles  avait 
époufé  cette  fille  du  roi  Lombafd  dans  le  tems  qu'il 
avait  déjà  ,  dit-on  ,  une  autre  femme.  II  n'était  pas 
rare  d'en  avoir  plufieurs  à  la  fois.  Grégoire  de  Toufs 
rapporte  que  les  rois  Contran  ,  Caribert  ,  Sigebert^ 
Cbilperic  avaient  plus  d^une  époufe.  Charles  répudie 
la  fille  dé  Didier  falls  aucune  raifon  ^  fans  aucune 
foriqalité. 

Le  toi  Lombard  qui  voit  6ette  union  fatale  du  roi 
&  du  pape  contre  lui  ,  prend  un  parti  courageux. 
Il  veut  furprendre  Rome  ,  &  s'aiTurer  de  la  perfonne 
du  pape  ;  mais  l'évéqùe  habile  fait  tourner  la  guerre 
en  négociation.  Charles  envoyé  des  ambafTadeurs  pour 
gagner  du  tems.  Il  rcdeittande  au  roi  de  Lombardie 
fa  belle-fœur  &fes  deux  neveut.  Non*feUlément />/- 
dier  refufe  ce  facrifice  ^  mais  il  veut  faire  facrer  rois 
ces  deux  enfans  ^  &  leur  faire  rendre  leur  héritage. 
Charlemagne  vient  de  Thionvillé  à  Genève ,  tient  dans 
^     Gernèvc  on  de  ces  parlemens  qui  en  tout  pays  fouf-    || 

tf giâ'j  h  I      II iii  m}M'  m     1 1  ■»!  ittS'* 


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S  M  p  ï  R  p  y  ^. 


34? 


crivirent  toujours  aux  volontés  d'un  conquérant  ha- 
bile. Il  pafTe  le  Mont-Cenis  ,  il  entre  dans  la  Lom- 
bardîe.  Didier  après  quelques  défaites  s'enferme  dans 
Pavie  fa  capitale  ;  Cbarlemagne  Vy  afliége  au  milieu 
de  l'byvcr.  La  ville  ,  réduite  à  Tcxtrémité ,  fe  rend 
après  un  fiége  de  fix  mois.  Ainfi  finit  ce  royaume  des 
Lombards  ,  qui  avaient  détruft  en  Italie  la  puiiTance 
Romaine  ,  &  qui  avaient  fubftitué  leurs  loix  à  celles 
des  empereurs.  Didier  ,  le  dernier  de  ces  rois ,  fot 
conduit  en  France  dans  le  monaftère  de  Corbie  ,  où 
il  vécut  &  mourut  captif  &  moine  ,  tandis  que  foa 
fils  allait  inutilement  demander  des  fecours  dans  Conf- 
tantlnople  à  ce  fantôme  d'empire  Romain  ,  détruit 
en  Occident  par  fes  ancêtres.  U  faut  remarquer  que 
Didier  ne  fut  pas  le  feul  fouvcrain  que  Cbarlemagne 
enferma  ;  il  traita  ainfi  un  duc  de  Bavière  &  fes 
enfans- 

La  belle-fœur  ,de  Charles  &  fes  deux  enfens  furent 
remis  entre  les  mains  du  vainqueur.  Les  hiftoriens  ne 
nous  apprennent  point  s'ils  furent  auffi  confinés  dans 
un  monaftère ,  ou  mis  à  mort. 


Cbarkmagne  n'ofait  pas  encor  fe  faire  fouveraîn 
de  Rome  ;  il  ne  prit  que  le  titre  de  roi  d'Italie  , 
tel  que  le  portaient  les  Lombards.  U  fe  fii  couronner 
comme  eux  dans  Pavie  d'une  couronne  de  fer  ,  qu'on 
garde  encore  dans  la  petite  viile  de  Mon^a.  La  jufticc 
s'adminiftrait  toujours  à  Rome  ,  au  nom  de  l'empe- 
reur Grec.  Les  papes  recevaient  de  lui  la  confirma- 
tion de  leur  élection.  C'était  l'ufagç  que  le  fénat  écri- 
vit à  l'empereur  ou  à  l'exarque  de  Ravenne  ,  quand 
il  y  en  avait  un  :  Notts  vous  fitffliçns  Xwàonner  la 
conjjscration  de  notre  fère  ê?  pafteur.  On  en  donnait 
part  au  métropolitain  de  Ravenne.  L'élu  était  obligé 
de  prononcer  deux  profcffions  de  foi.  U  y  a  loin  de' 
là  à  la  thiare  ;  mais  eft-il  quelque  grandeur  qui  n'ait 

^     eu  de  faibles  commencemens  ? 

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344  CHAIILEMA6NE 

^— ■MW^ta— ^fc— ■  ■  ■     —————— 

Cbarieniagne  prit  ^  ainfi  que  Pépin  ,  le  titre  de  Pa- 
trice ,  que  Thiodoric  &  Attila  avaient  auffi  daigné 
prendre  ;  ainfi  ce  nom  d'empereur  ,  qui  dans  fon  ori- 
gine  ne  défignait  qu'un  général  d'armée  ,  fignifiait  en- 
core  le  maître  de  l'Orient  &  de  l'Occident.  Tout  vain 
qu'il  était  ,  on  le  refpedait ,  on  craignait  de  l'ufur- 
per  ;  on  n'afFeétaît  que  celui  de  Patrice  ,  qui  autrefois 
voulait  dire  fénateur  romain. 

Les  papes ,  déjà  très  puiiTans  dans l'églife ,  très  grands 
feigneurs  à  Rome,  &  poiTefleurs  de plufieurs terres , 
n'avaient  dans  Rome  même  qu'une  autorité  précaire 
&  chancelante.  Le  ptréfet  ,  le  peuple  ,  le  fénat ,  dont 
l'ombre  fubfiftait ,  s'élevaient  fouvent  contr'eux.  Les 
inimitiés  des  familles  qui  prétendaient  au  pontificat , 
rempliflaient  Rome  de  confufion. 

Les  deux  neveux  A^  Adrien  conspirèrent  contre  Um 
III  fon  fuccefieur ,  élu  pape  félon  l'ufage  par  le  peu- 
ple &  le  clergé  romain.  Ils  l'accufent  de  beaucoup 
de  crimes  ;  ils  animent  les  Romains  contre  lui  :  on 
traîne  en  prifon  ,  on  accable  de  coups  à  Rome  celui 
qui  était  fi  refpedé  partout  ailleurs.  Il  s'évade  ,  il 
vient  fe  jetter  aux  genoux  du  patrice  Cbarlemagne 
à  Paderborn.  Ce  prince  qui  agiiTait  déjà  en  maitre 
abfolu  ,  le  renvoya  avec  une  efcorte  &  des  commif- 
fdires  jpour  le  juger.  Ils  avaient  ordre  de  le  trouver 
innocent.  Enfin  Cbariemagne  ^  maitre  de  l'Italie ,  com- 
me de  l'Allemagne  &  de  la  France  ,  juge  du  pape ,  ar- 
bitre  de  l'Europe  ,  vient  à  Rome  à  h  fin  de  Tan- 
née 799.  L'année  commentait  alors  à  Noël  chez  les 
Romains.  Léon  III  le  proclame  empereur  d'Occident 
pendant  la  meflTe  le  jour  de  Noèl  en  goo.  Le  peu-  * 
pie  joint  fes  acclamations  à  cette  cérémonie.  Cbar"' 
les  feint  d'être  étonné.  Et  notre  abbé  Vili  copiftc 
de  nos  légendaires  ,  dit  ,  ^ue  rien  ne  fut  égal  à  fa 
fttrprife.  Mais  la  vérité  eft  que  tout  était  concerté 
entre  lui  &  le  pape  ,  &  qu'il  avait  apporté  des  pré- 
fens  immenfes  qui  lui  affuraîent  le  fuffrage  de  l'évê- 


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EMPEREUR.  34^ 

que  &  des  premiers  de  Rome.  On  voit  par  des  char- 
tes accordées  aux  Romains  en  qualité  de  patrice, 
qu'il  avait  dcja  brigué  hautement  l'empire  ;  on  y  lit 
ces  propres  mots  ,  Nous  efpérons  que  notre  muniju 
cence  poura  nous  élever  à  la  dignité  impériale,  (a) 

Voilà  .donc  le  fils  d'un  domeftîque  ,  d'un  de  ces 
capitaines  Francs  que  Conjiantin  avait  condamnés  aux 
bêtes  ,  élevé  à  la  dignité  de  Conjiantin.  D'un  côté 
un  Franc  ,  de  l'autre  une  famille  Thrace  partagent 
l'empire  Romain.  Tel  eft  le  jeu  de  la  fortune. 

On  a  écrit,  on  écrit  encore,  que  C&ar/pJ  avant  même 
d'être  empereur  ,  avait  confirmé  la  donation  de  l'cxar- 
cat  de  Ravenne  ,  qu'il  y  avait  ajouté  la  Corfe  ,  la 
Sardaigne  ,  la  Ligurie  ,  Parme  ,  Mantouë  ,  les  du- 
chés de  Spolette  &  de  Bénévent ,  la  Sicile  ,  Venife , 
&  qu'il  dépofa  l'ade  de  cette  donation  fur  le  tom-  A 
beau  dans  lequel  on  prétend  que  repofent  les  cen-  B 
dres  de  St.  Pierre  &  St.  PauL  » 

On  pourait  mettre  cette  donation  à  côté  de  celle 
de  Conjiaiitin.  {b)  On  ne  voit  point  que  jamais  les 
papes  ayent  pofledé  aucun  de  ces  pays  jufqu'au  tems 
d'Innocent  IIL  S'ils  avaient  eu  l'exarcat ,  ils  auraient 
été  fouvcrains  de  Ravenne  &  de  Rome  }  mais  dans 
le  teftament  de  Cbarlemagne  qu'Eginbart  nous  a  con. 
fervé  ,  ce  monarque  nomme  à  la  tête  des  villes  mé- 
tropolitaines qui  lui  appartiennent, Rome  &  Raven- 
ne ,  auxquelles  il  fait  des  préfens.  Il  ne  put  donner 
ni  la  Sicile  ,  ni  la  Corfe  ,  ni  la  Sardaigne  qu'il  ne 
poffédait  pas  ,  ni  le  duché  de  Bénévent  ,  dont  il 
avait  à  peine  la  fouveraineté  ,  encore  moins  Venife 
qui  ne  le  reconnaiflait  pas  pour  empereur.  Le  duc 
de  Venife  reconnaiflait  alors  pour  la  forme  l'empe- 
reur d'Orient ,  65:  en  recevait  le  titre  i*Hippatos.  Les 
lettres  du  pape  Adrien  parlent  des  patrimoines  de 


Voyez  l'annalifte  rerum  italiarum  tom.  IL 
Voyez  les  écUirciflTemeos. 


f^M  '  m  mJL^^4m^  «*F 


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*  34«f 


Chârlemaone 


^ 


Spolette  ^  &  de  Bénévent  ;  mais  ces  patrimoines  ne 
fe  peuvent  entendre  que  des  domaines  que  les  papes 
poiTédaient  dans  ces  deux  duchés.  Grégoire  VII  lui- 
même  avoue  dans  (es  lettres  que  Cbarlemagne  don- 
nait  douze  cent  livres  de  penfion  au  St.  Siège.  Il  n*eft 
gucfcs  vraifcmbiable  qu'il  eût  donné  un  tel  fccours 
a  celui  qui  aurait  polTédé  tant  de  belles  provinces. 
Le  St  Siège  n'eut  Bénévent  que  longtems  après ,  par 
la  conceffion  très  équivoque  qu'on  croît  que  l'cmp^ 
reur  Henri lenoir  lui  en  fit  vers  l'an  1047.  Cette  concef- 
fion fe  réduifit  à  la  ville  ,  &  ne  s'étendit  point  jut 
qu'au  duché.  Il  ne  fut  point  quellion  de  confirmer 
le  don  de  Cbarlemagne. 


Ce  qu'on  peut  recueillir  de  plus  probable  au  mi- 
lieu de  tant  de  doutes  ,  c'eft  que  du  tems  de  Cbar- 
lemagne ,  les  papes  obtinrent  en  propriété  une  par- 
tie  de  la  marche  d'Ancone ,  ootrç  les  villes ,  les  châ- 
teaux &  les  bourgs  qu'ils  avaient  dans  les  autres  pays. 
Voici  fur  quoi  je  pourais,  me  fonder.  Lorfque  l'em- 
pire d'Occident  ferenouvella  dans  la  famille  des  Otborts 
au  dixième  fiécle,  Otbon  JJ/affigna  particulièrement 
au  St.  Siège  la  marche  d'Ancone ,  en  confirmant  tou- 
tes les  concédions  faites  à  cette  églife  :  on  prétend 
que  l'adte  eft  faux.  Il  parait  donc  que  Cbarlemam 
avait  donné  cette  marche  ,  &  que  les  troubles  iur- 
venus  depuis  en  Italie  avaient  empêché  les  papes  d'en 
jouir.  Nous  verrons  qu'ils  perdirent  enfuite  le  do- 
maine utile  de  ce  petit  pays  fous  l'empire  de  la  mai- 
fon  de  Suabe.  Nous  les  verrons  tantôt  grands  ter- 
riens ,  tantôt  dépouillés  prelque  de  tout  ,  comme 
plufieurs  autres  fouverains.  Qu'il  nous  fuffife  de 
{avoir  qu'ils  pofTèdent  aujourd'hui  la  fbuveraineté  re- 
connue <i*un  paya  de  cent  quatre-vingt  grands  milles 
d'Italie  en  longueur ,  des  portes  de  Mantouë  aux  con- 
fins de  TAbbruzze  le  long  de  la  mer  Adriatique ,  & 
qu'ils  en  ont  plus  de  cent  milles  en  largeur  ,  depuis 
Civita-Vecchia  jufqu'au  rivage  d'Ancone  d'une  mer  a 


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EMPEREUR. 


l'autre*   Il  a  falu  négocier  toujours  ,  &  fou  vent  corn* 
battre  pour  s'alTurer  cette  domination. 

T^andis  que  Cbarltmagne  devenait  empereur  d'Oc^ 
cident ,  régnait  en  Orient  cette  impératrice  Irèm ,  &« 
meufe  par  (on  courage  &  par  fes  crimes ,  qui  avait  fîdt 
mourir  Ton  fils  unique,  après  lui  avoir  arraché  les  yeux. 
Elle  eut  voulli  perdre  Cbarlemagne  $  mais  trop  fiiible 
pour  lui  faire  la  guerre,  elle  voulut ,  dit-on ,  l'époufer , 
&  réunir  les  deux  empires.  Ce  mariage  eft  une  idée 
chimérique.  Une  révolution  chafle  Irène  d'un  trône 
qui  lui  avait  tant  coûté.  Charles  n^eut  donc  que  l'em- 
pire d'Occident.  Il  ne  poiTéda  prefque  rien  dans  lea 
Efpagnes  ;  car  il  ne  faut  pas  compter  pour  domaine  le 
vain  hommage  de  quelques  Sarrazins^  Il  n'avait  rien 
fur  les  côtes  d'Afrique.  Tout  le  reile  était  fous  fa  do- 
mination. 

S'il  eût  fait  de  Rbme  fa  capitale ,  fi  fes  fucceffeurs  y 
euffent  fixé  leur  principal  féjour ,  &  furtout  fi  l'ulage 
de  partager  fes  états  à  fes  enfans  n'eût  point  prévalu 
chez  les  barbares  ,  il  eft  vraifemblàble  qu'on  eût  vu 
renaître  l'empire  Romain.  Tout  concourut  depuis  à 
démembrer  ce  vafte  corps ,  que  la  valeur  &  la  fortune 
de  Cbarlemagne  avaient  formé  ;  mais  rien  n'y  contri« 
bua  plus  que  fes  defcendans. 

il  n'avait  point  de  capitale  :  feulement  Aix-la-Cha- 
pelle était  le  féjour  qui  lui  plaifait  le  plus.  Ce  fut  là 
qu'il  donna  des  audiences ,  avec  le  fafte  le  plus  impo- 
fant ,  aux  ambaifadeurs  des  califes ,  &  à  cetixde  Conf- 
tantinople»  D'ailleurs ,  il  était  toujours  en  guerre  ou 
en  voyage ,  ainfi  que  vécut  Charles  -  Quint  longtemt 
après  lui.  Il  partagea  fes  états ,  &  même  de  (bn  vivant, 
.  comme  tous  les  rois  de  ce  tèms-li. 

Mais  enfin,  quahd  de  fes  fils  qu'il  avait  défignés  pour 
régner  ,  il  ne  refta  plus  que  ce  Louis  ,  fi  connu  fous  le 
nom  de  Diùwmaire  ,  auquel  il  avait  déjà  donné  le 
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Charlemagme 


royaume  d'Aquitaine ,  il  Taffocia  à  rempîrc  dans  Aix- 
la-Chapelle,  &  lui  commanda  de  prendre  lui-même 
fur  l'autel  la  couronne  impériale  ,  pour  faire  voir  au 
monde  que  cette  couronne  n'était  due  qu'à  la  râleur 
du  père  &  au  mérite  du  fils ,  &  comme  s'il  eût  prelTend 
qu'un  jour  les  miniftres  de  l'autel  voudraient  difpofer 
de  ce  diadème. 

Il  avait  raifon  de  déclarer  fon  fils  empereur  de  fon 
.Vivant  ;  car  cette  dignité ,  acquife  par  la  fortune  de 
Cbarlemagne  ,  n'était  point  affurée  au  fils  par  le  droit 
.d'héritage  ;  mais  en  laiffant  l'empire  à  Louis  ^&  en 
donnant  l'Iulie  à  Bernard  fils  de  fon  fils  Pépin ,  ne 
déchirait,  il  pas  lui-même  cet  empire  ,  qu'il  voulait 
conferver  à  fa  poftérité  ?  N'était-ce  pas  armer  néceffai- 
rcment  fes  fuccefleurs  les  uns  contre  les  autres  ?  Etait- 
il  à  préfumer  que  le  neveu  roi  d'Italie  obéirait  à  fon 
oncle  empereur ,  ou  que  l'empereur  voudrait  bien 
n'être  pas  le  maître  en  Italie  ? 

Cbarlemagne  mourut  eh  8149  avec  la  réputation 
d'un  empereur  auflTi  heureux  qu'Âugtifle ,  auffi  guerrier 
qu'Adrien ,  mais  non  tel  que  les  Trajans  &  les  Anto- 
nins ,  auxquels  nul  fouverain  n'a  été  comparable. 

Il  y  avait  alors  en  Orient  un  prince  qui  l'égalait  en 
gloire  comme  en  puifTance  ;  c'était  le  célèbre  calife 
Aaron  ai  Racbild ,  qui  le  furpafla  beaucoup  en  juiUce, 
en  fcicnce  ,  en  humanité. 

~  J'ofe  prefque  ajouter  à  ces  deux  hommes  illuftres  le 
pape  Adrien ,  qui  dans  un  rang  moins  élevé ,  dans  une 
fortune  prefque  privée  ,  &  avec  des  vertus  moins  hé- 
roïques ,  montra  une  prudence  à  laquelle  fes  fuccef- 
feurs  ont  dû  leur  agrandiflement. 

La  curiofité  des  hommes  ,  qui  pénètre  dans  la  vie 
privée  des  princes  ,  a  voulu  favoir  jufqu'au  détail  de 
la  vie  de  Cbarlemagne ,  &  au  fecret  de  fes  plaifirs.  On 


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EMPEREUR. 


a  écrit  qu'il  avait  poufTé  l'amour  des  femmes  jufqu'à 
jouir  de  fes  propres  filles.  On  en  a  dit  auta&t  d'^ic 
gujie  s  mais  qu'importe  au  genre-humain  le  détail  de 
ces  faibleffes ,  qui  n'ont  influé  en  rien  fur  les  affaires 
publiques  ?  L'églife  a  mis  au  nombre  des  faints  cet 
homme  qui  répandit  tant  de  fang,  qui  dépouilla  fes  ne* 
veux  t  &  qui  futfoupqonné  d'inccfte. 

J'envifage  fon  règne  par  un  endroit  plus  digne  de 
l'attention  d'un  citoyen.  Les  pays  qui  compofent  au- 
jourd'hui la  France  &  l'Allemagne  jufqu'au  Rhin ,  fu- 
rent tranquilles  pendant  près  de  cinquante  ans ,  & 
l'Italie  pendant  treize  ,  depuis  fon  avènement  à  l'em- 
pire. Point  de  révolution ,  point  de  calamité  pendant 
ce  demi-fiécle ,  qui  par-là  eft  unique.  Un  bonheur  fi 
long  ne  fuffit  pas  pourtant  pour  rendre  aux  hommes 
la  politefle  &  les  arts.  La  rouille  de  la  barbarie  était 
trop  forte ,  &  les  à^es  fui  vans  l'épaiflirent  encore. 


CHAPITRE    DIX-SEPTIÉME. 

Mœurs  ,  gouvernement  8?  ufages  vers  le  tems  de 
Charlemagnb. 

JE  m'arrête  à  cette  célèbre  époque  pour  confidéret 
les  ufages  ,  les  loix ,  la  religion ,  les  mœurs  qui  ré- 
gnaient alors.  Les  Francs  avaient  toujours  été  des  bar- 
bares ,  &*  le  furent  encore  après  Cburîemagne,  Remar- 
quons attentivement  que  Charlemagne  paraiflait  ne  fe 
point  regarder  comme  un  Franc.  La  race  de  Clovis  & 
de  fes  compagnons  Francs  fut  toujours  diftinde  des 
Gaulois.  L'Allemand  Pépin  &  Cari  fon  fils  ,  furent  dif- 
tin<^  des  Francs.  Vous  en  trouverez  la  preuve  dans 
le  capitulaire  de  Cari  ou  Charlemagne ,  concernant  fes 
métairies  ,  article  4.  Si  les  Francs  commettent  quelque 
délit  dans  nos  pojfejjtons ,  qt^ils  Joient  jugés  fuivant  leur 
loi.  U  femble  par  cet  ordre  que  les  Francs  alors  n'é- 


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}5o  Mœurs  et  usages  vers  le  tbms 

talent  p«s  regardés  comme  la  nation  de  CbMema^, 
A  Rome  la  race  cartovingienne  paifa  toijours  pour  al. 
lemande.  Le  pape  Adrien  IV ^  dans  fa  lettre  aux  ar- 
chevéqucs  de  Mayence,  de  Cologoe  &  de  Trêves, 
s'exprime  en  ces  termes  remarquables,  L'empire  fut 
ttansféri  des  Grecs  aux  Allemands ,  leur  renne  fut  em- 
pereur  qt^Ufrès  avoir  été  couronmpar  le  pape,,.,  tout 
ce  que  ^empereur  pojfède  il  le  tient  de  nous.  Et  corme 
ZâCHARIE  donna  ^empire  Grec  aux  Allemands ,  nom 
pouvons  donner  celui  des  Allemands  aux  Grecs, 

Cependant  en  France  le  nom  de  Franc  prévalut 
toujours.  La  race  de  Charlemagne  fut  fouvent  appellée 
Fronça  dans  Rome  même  &  à  Conftantinople.  La  cour 
grecque  défignait  même  du  tems  des  Otbons  les  em- 
pereurs d'Occident  par  le  nom  d'ufurpateurs  Francs, 
barbares  Francs  ;  elle  affedait  pour  ces  Francs  un  mé- 
pris qu'elle  n'avait  pas. 

Le  règne  feul  de  Charlemagne  eut  une  lueur  de 
politefle  qui  fut  probablement  le  fruit  du  voyage  de 
Rome ,  ou  plutôt  de  fbn  génie. 


^  Ses  prédéceflcurs  ne  furent  illuftrcs  que  par  des 
déprédations.  Us  détruifirent  des  villes  ,  &  n'en  fon- 
dèrent aucune.  Les  Gaulois  avaient  été  heureux  d'être 
vaincus  par  les  Romains.  Marfeille,  Arles,  Aututr, 
Lyon,  Trêves  étaient  des  viUesfloriffaotcs  qui  jouif- 
(aient  paifiblement  de  leurs  loix  munic^>al& ,  fubor- 
données  aux  (âges  loix  romaines.  Un  grand  commerce 
les  animait.  On  voit  par  une  lettre  d'un  prooooful  à 
Tbiodofe  ^  qu'il  y  avait  dans  Autun  vingt -cîùq  vûÀWt 
chefs  ^e  famille; mais  dès  que  les  Bourguignons, les 
Goths ,  les  Francs  arrivent  dans  la  Gaule ,  on  ne  voit 
plus  de  grandes  villes  peuplées.  Les  cirques, les  am- 
phithéâtres conilruits  par  les  Romains  jufqu'au  bord 
du  Rhin ,  font  démolis  ou  négligés.  Si  la  criminelle 
^     &  malbeureufe  reine  Brunebauf  conferve  quelques 


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deCharlbmagne.       3fi    je 


lieues  de  ces  grands  chemins  qu'on  n'imita  jamais , 
on  en  eft  encor  étonné. 

Qui  empêchait  ces  nouveaux  venus  de  bâtir  des 
édifices  réguliers  fur  des  modèles  romains  ?  Ils  avaient 
la  pierre  «le marbre ,  &  de  plus  beaux  bois  que  nous. 
Les  laines  fines  couvraient  les  troupeaux  anglais  &  ef- 
pagnois  comme  aujourd'hui.  Cependant ,  les  beaux 
draps  ne  fe  fabriquaient  qu'en  Italie.  Pourquoi  le  refte 
de  l'Europe  nefaifait-il  venir  aucune  des  denrées, de 
l'Afie  ?  Pourquoi  toutes  les  commodités  qui  adoucifTent 
l'amertume  de  la  vie ,  étaient -elles  inconnues  ,  finon 
parce  que  les  fauvages  qui  paffèrent  le  Rhin ,  rendi- 
rent les  autres  peuples  fauvages  ?  Qu'on  en  juge  par 
ces  loix  faliques  ,  ripuiires ,  bourguignonnes  que  Char* 
lemagne  lui-même  confirma  ,  ne  pouvant  les  abroger. 
La  pauvreté  &  la  rapacité  avaient  évalué  à  prix  d'ar- 
gent la  vie  des  hommes ,  la  mutilation  des  membres , 
le  viol,  l'incefte ,  l'empoifonnement.  Quiconque  avait 
quatre  cent  fous,  c'eft-à-dire, quatre  cent  écus  du  tems 
à  donner,  pouvait  tuer  impunément  un  évêque.  Il  en 
coûtait  deux  cent  fous  pour  la  vie  d'un  prêtre ,  autant 
pour  le  viol ,  autant  pour  avoir  empoifonné  avec  des 
herbes.  Une  forcière  qui  avait  mangé  de  la  chair  hu« 
maine  ,  en  était  quitte  p3ur  deux  cent  fous  \  &  cela 
prouve  qu'alors  les  forcières  ne  fe  trouvaient  pas  feu- 
lement dans  la  lie  du  peuple ,  comme  dans  nos  der- 
niers fiécles  ,  mais  que  ces  horreurs  extravagantes 
étaient  pratiquées  chez  les  riches.  Les  combats  &  les 
épreuve^  décidaient ,  comme  nous  le  verrons ,  de  la 
pofleffion  d'un  héritage  ,  de  la  validité  d'un  teftament. 
La  jurifprudence  était  celle  de  la  férocité  &  de  la  fu* 
perftitîon. 


Qu'on  juge  des  mœurs  des  peuples  par  celles  des 
princes.  Nous  ne  voyons  aucune  adion  magnanime. 
La  religion  chrétienne  qui  devait  humanîfer  les  hom- 
mes ,  n'empêche  point  le  roi  Clavis  de  faire  affaffiner 
les  petits  Régas  fes  voifint  &  fes  parens.  Les  deux 


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i    3Î2    Mœurs  et  usages  vers  le  tems 

enfans  de  Clàdomir  font  maffacrés  dans  Paris  en  ç;; 
par  un  Childebert ,  &  un  Clôt  aire  fes  oncles ,  qu*on 
appelle  rois  de  France  ;  &  Clodoaid  le  frère  de  ces 
innocens  égorgés  ,  e(t  invoqué  fous  le  nom  de  Sl 
Clùud ,  parce  qu'on  Ta  fait  moine.  Un  jeune  barbare, 
nomme  Cbram^  fait  la  guerre  à  Clotaire  fon  père, 
lièga  d'une  partie  de  la  Gaule.  Le  père  fait  brûler  fon 
fils  avec  tous  fes  amis  prifonniers  en  599. 

Sous  un  Chilperic y  roi  de  Soîflbns  en  5 62, les fu- 
jets  efclaves  défertcnt  ce  prétendu  royaume ,  laffés  de 
la  tyrannie  de  leur  maître ,  qui  prenait  leur  pain  &  leur 
vin  ,  ne  pouvant  prendre  l'argent  qu'ils  n'avaient  pas. 
Mn  Sigehert^  un  autre  fô/7/>fr/c  font  affaffinés.  Brîtne- 
haut ^  d'arienne  devenue  catholique,  eft  accufécde 
tnille  meurtres  ;  &  un  Clotaire  II  non  moins  barbare 
qu'elle  ,  la  fait  traîner  ,  dit-on  ,  à  la  queue  d'un  cheval 
dans  fon  camp ,  &  la  fait  mourir  par  ce  nouveau  genre 
de  fuppHce  en  616.  Si  cette  avanture  n'eft  pas  vraie, 
il  eft  du  moins  prouvé  qu'elle  a  été  crue  comme  une 
chofe  ordinaire ,  &  cette  opinion  même  attefte  la  bar- 
barie  du  tems.  Il  ne  refte  de  monumens  de  ces  âges 
affreux  que  des  fondations  de  monaftères  ,  &  un  con- 
fus fouvenir  de  mifère  &  de  brigandages.  Figurez-vous 
des  déferts  où  les  loups  ,  les  tigres  &  les  renards  égor- 
gent un  bétail  épars  &  timide  ;  c'eft  le  portrait  de  l'Eu- 
rope  pendant  tant  de  fiécles. 

Il  ne  faut  pas  croire  que  les  empereurs  reconnuffent 
pour  rois  ces  chefs  fauvages  ^ai  dominaient  en  Bour- 
gogne ,  à  Soiffons ,  à  Paris ,  à  Metz ,  à  Orléans.  Jamais 
ils  ne  leur  donnèrent  le  titre  de  Bajtlees.  Us  ne  le  don- 
nèrent pas  même  à  Dagobert  II  qui  réunifiait  fous  fon 
pouvoir  toute  la  France  occidentale  jufqu'auprès  du 
Véfer.  Les  hiftcilens  parlent  beaucoup  de  la  magniii- 
cence  de  ce  Dagobert  ^  &  ils  citent  en  preuve  l'orfèvre 
St.  Ehy  4  qui  arriva ,  dit-on ,  à  la  cour  avec  une  cein- 
ture garnie  de  pierreries ,  c'eii-à-dire,  qu'il  vendait  des 
•|.     pierreries  ,  &  qu'il  les  portait  à  (a  ceinture.  On  parle 

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DE     ChâRLEMâGNË. 


des  édifices  magnifiques  qu'il  fit  conftruire.  Où  font- 
ils  ?  La  vieille  églife  de  St,  Paul  n'eft  qu'un  petit  mo- 
nument gothique.  Ce  qu'on  connaît  de  JÛagobertf  c'eft 
qu'il  avait  à  la  fois  trois  époùfes  ,  qu'il  ailemblait  des 
conciles ,  &  qu'il  tyrannifait  fon  pays. 

Sous  lui ,  un  marchand  de  Sens  nommé  Samon ,  va 
trafiquer  en  Germanie.  Il  pafTe  jufques  chez  les  Slaves , 
barbares  qui  dominaient  vers  la  Pologne  &  la  Bohême. 
Ces  autres  fauvages  font  fi  étonnés  de  voir  un  homme 
qui  a  fait  tant  de  chemin  pour  leur  apporter  les  chofes 
dont  ils  manquent  ,  qu'ils  le  font  roi.  Ce  Samon 
fit  9  dit- on ,  la  guerre  à  Dagobert  $  &  fi  le  roi  des 
Francs  eut  trois  ^mmes  ^  le  nouveau  toi  Slavon  en  eut 
quinze. 

C'eft  fous  ce  Dagobert  que  commence  Pautorîté  des 
maires  du  palais.  Après  lui  viennent  les  rois  fainéans , 
la  confufion ,  le  defpotifme  de  ces  maires.  C'eft  du  tems  S 
de  ces  maires ,  au  commencement  du  huitième  fiécle,  1  ^ 
que  les  Arabes  vainqueurs  de  l'Efpagne ,  pénètrent  juf- 
qu'à  Touloufe,  prennent  la  Guyenne  ,  ravagent  tout 
jufqu'à  la  Loire  ,  &  font  prêts  d'enlever  les  Gaules  entiè- 
res aux  Francs  qui  les  avaient  enlevées  aux  Romams. 
Jugez  en  quel  état  devaient  être  alors  les  peuples , 
î'églife  ,  &  les  loix. 

Les  évéques  n'eurent  aucune  part  au  gouvernement 
jufqu'à  Pépin  ou  Pipin ,  père  de  Charles  Martel^  & 
grand  -  père  de  l'autre  Pépin  qui  fe  fit  roi.  Les  évêques 
n'afliftaient  point  aux  affemblées  de  la  nation  Franque. 
Us  étaient  tous  ou  Gaulois  ou  Italiens ,  peuples  regar* 
dés  comme  ferfs.  En  vain  l'évéque  Rémi ,  qui  batifa 
Clovis ,  avait  écrit  à  ce  roi  Sicambre  cette  fameuft 
lettre  où  l'on  trouve  ces  mots  :  Gardez-vous  bien  fur- 
tout  de  prendre  la  priféance  fur  les  ivîques  ;  prenez 
leurs  confeils  f  tant  que  vous  ferez  en  intelligence  avec 
eux ,  votre  adminijlrationferà  facile.  Ni  Clovis  ni  fes 
fuccefieurs  ne  firent  du  clergé  un  ordre  de  l'état.  Le 

Effaifur  les  mœurs ,  ^c.  Tom.  L  Z  ^ 


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JS4       Suite   dbs   usages 


gouvernement  ne  fut  que  militaîrc.  On  ne  peut  le 
mieux  comparer  qu'à  celui  d'Alger  &  de  Tunis  ,  gou- 
vernés par  un  chef  &  une  milice.  Seulement  les  rois 
confultaient  quelquefois  les  évéques  quand  ils  avaient 
befoin  d'eux. 

Mais  quand  les  majordAmes ,  ou  maires  de  cette 
milice ,  ufurpèrent  infenfiblement  le  pouvoir ,  ils  vou- 
lurent cimenter  leur  autorité  par  le  crédit  des  pré- 
lats &  des  abbés ,  en  les  appeliant  aux  aiTemblées  du 
champ  de  Mai. 

Ce  fut ,  félon  les  annales  de  Metz  ,  en  692  que  le 
maire  Pépin  I  du  nom  procura  cette  prérogative  au 
clergé  ;  époque  bien  négligée  par  la  plupart  des  hîf- 
toriens  ,  mais  époque  très  confidérable ,  &  premier 
fondement  du  pouvoir  temporel  des  évéques  &  des 
abbés  en  France  &  en  Allemagne. 


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CHAPITRE    DIX-HUITIÉME. 

Suite  des  ufnges  du  tems  de  Charlemagne  ,  &  avanù 
lui.  S'il  itidi  deffotique.^  Êf  le  royaume  héréditaire. 

ON  demande  fi  Charlemagne ,  fes  prédécefTeurs  & 
fes  fucceffeurs  étaient  despotiques  ,  &  fi  leur 
royaume  était  héréditaire  par  le  droit  de  ces  tems- 
là  ?  Il  eft  certain  que  par  le  fait  Charlemagne  était 
defpotique ,  &  que  par  conféquent  fon  royaume  fut 
héréditaire  ,  puifqu'il  déclare  fon  fils  empereur  en 
plein  parlement.  Le  droit  eft  un  peu  plus  incertain 
que  le  fait  ;  voici  fur  quoi  tous  les  droits  étaient 
alors  fondés. 

Les  habitans  du  Nord  &  de  la  Germanie  étaient 
nk     originairement  des  peuples  chafleurs  ;  &  les  Gaulois,     ^ 

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pu  TEMS  DB  ChARLEMAOKE.    3^^ 

fournis  par  les  Romains ,  étaient  agriculteurs,  ou  bour. 
geoîè.  Des  peuples  chafleurs  ,  toûjfurs  armés,  doi* 
vent  néceffairement  fubjuguer  dçs  laboureurs  &  des 
pafteurs ,  occupés  toute  Pannée  de  leurs  travaux  coo« 
tinuek  &  pénibles ,  &  encor  plus  aifément  des  bour? 
gcois  paifibles  dgms  leurs  foyers.  Ainfi  les  Tartares 
ont  aflerri  TAfie  ;  aîM  les  Gotbs  font  venus  à  Rome. 
Toutes  les  hordes  de  Tartares  &  de  Goths ,  de  Huns, 
de  Vandales  &  de  Francs  ,  avaient  des  chefs.  Ces 
chefs  d'émigrans  étaient  élus  à  la  pluralité  des  voix', 
^  cela  ne  pouvait  être  autrement  ;  car  quel  droit 
pourrait  avoir  un  voleur  de  commander  à  fes  cama^ 
rades  ?  Un  brigand  habile  ,  hardi  >  &  furtout  heureux, 
dut  à  la  longue  acquérir  beaucoup  d'empire  fur  des 
brigands  Subordonnés  ,  moins  habiles ,  moins  hardis , 
^  moins  houreux  que  lui.  Ils  avaient  tous  égale^ 
ment  part  au  butin  ;  &  c'eft  la  loi  la  plps  inviolable 
de  tous  les  premiers  peuples  conquérans.  Si  on  avait 
befoin  de  preuves  pour  faire  connaître  cette  première 
loi  des  barbares ,  on  la  trouverait  aifément  dans  }'e, 
xemple  de  ce  guerrier  Franc ,  qui  ne  voulut  jamais 

Sermcttre  que  Clovis  ôtât  du  butin  général  un  vafe 
e  l'églife  de  Rheims ,  &  qui  fendit  le  vâfe  it  coup^ 
de  hache  y  fans  que  le  chef  ofât  l'çn  empêcher, 

Clovh  devint  dcfpotîque  à  mefurc  qu'il  devînt  puit 
fant;  c'eft  la  marche  de  la  nature  humaine.  Il  en  fut 
ainfi  de  Cbarletnagne  ,•  il  était  fils  d'un  ufurpateur.  Lç 
fils  du  roi  légitime  était  rafé  &  condamné  à  dire  fon  bré* 
viaire  dans  un  couvent  de  Normandie.  li  était  donc 
obligé  à  de  très  grands  ménagemens  devant  une  nation 
de  guerriers  affemblée  en  parlement.  Nous  vous  averfifi 
fins ,  ditril  dans  un  de  fes  capitulaircs ,  qt^en  confia 
dfration  de  notre  bwniliti  &  de  notre  obéijfance  à 
vos  cmfeilf  que  nous  vous  rendons  far  la  crainte  de  . 
Dieu  ,  vous  nous  conserviez  tbonneur  que  DiEU  nous 
a  accordé ,  comme  vos  ancêtres  fonf  fait  à  l^ égard  df 
nos  oMcêtreTp 
î  r  V  Z  ij  ,§ 


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355       Suite  des    usages 

Ses  ancêtres  fe  réduiraient  à  fpn  père ,  qui  avait 
envahi  le  royaume  ;  lui-même  avait  ufurpé  le  partage 
de  fon  frère  ,  &  avait  dépoiyHé  fes  neveu??*  Il  flat- 
tait les  feigneuirs  en  parlement  :  mais  le  parlement 
diffous  ,  malheur  à  quiconque  eût  bravé  fes  volontés* 

Q^uant  à  la  fueceffion  ,  il  eft  naturel  qu'un  chef  de 
conqùérans  les  ait  engagés  à  élire  fon  fils  pour  fon  fuo 
çeffeur*  Cette  coutume  d'élire  ,  devenue  avec  le  tem« 
plus  légale  &  plus  confacrée  ,  fe  maintient  jufqu'à  nos 
jouts  dans  Tempire  d'Allemagne.  L'éleétion  était  fi 
bien  regardée  comme  un  droit  du  peuple  conqué- 
rant ,  que  iorfque  Pépin  ufurpa  le  royaume  des  Francs 
fur  le  roi  dont  il  était  le  domeflique  ,  le  pape  Etienne^ 
avec  lequel  cet  ufurpateur  était  d'accord ,  pronon(;a 
une  excommunication  contre  ceux  qui  ^liraient  pour 
roi  un  autre  qu'un  defcendant  de  la  t^lqç  de  Pef  in ^ 
cette  excommunication  était  à  la  vérité  un  grand 
exemple  de  fuperftition  »  Comme  Pentreprife  de  Pépin 
était  un  exemple  d'audace.  Mais  cette  fuperftition 
piême  eft  une  preuve  du  droit  d'élire  j  elle  iFait  voir 
èncor  que  la  nation  con(^uérante  élifait  parmi  les  def- 
cendans  d'un  chef  celui  qui  lui  plaifait  davantage* 
Le  pape  ne  dit  pas ,  Vous  élirez  les  premiers  liés  de 
la  m  ai  fon  de  Pépin ,  mais ,  Vous  ne  choifirez  point 
ailleurs  que  dans  fa  maifon. 

Charlemagne  dit  dans  un  capitulaire  :  Si  de  twt 
des  trois  princes  mes  enfans  il  naît  un  fils ,  tel  qfif 
la  nation  le  veuille  pour  fuctéder  à  fon  pire ,  nous 
Voulons  que  fes  oncks  y  conftntent.  Il  eft  évident 
par  ce  titre  &  par  pluGeurs  autres  ^  que  la  nation  des 
Francs  eut,  du  moins  en  apparence  jle  droit  de  Té* 
ledtion.  Cet  ufagé  a  été  d'abord  celui  de  tous  les 
peuples  )  dans  toutes  les  religions ,  &  dans  tous  \cê 
pays.  On  le  voit  s'établir  chez  les  Juifs  ^  chez  les 
autres  afiatiques  ,  chez  les  Romains  ;  les  premiers 
fucceffeurs  de  Mahomet  font  élus  ;  les  foudans  d'E'  » 
gypte ,  les  premiers  miramolins  ne  régnent  que  par    j  | 


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^  DU  TEMS   DB  ChARLSMAONB.    357     Jf 

ce  droit  ;  &  ce  n'eft  qu'avec  le  tems  qu'un  ëtat  de- 
vient  purement  héréditaire.  Le  courage  ,  l'habileté 
&  U  befoin  font  toutes  les  loix. 


CHAPITRE    PIX-NEUVIEME. 

Suite  des  ufiiges  du  tems  de  Charlemaqke.    Com- 
merce ^finances  ^fciences, 

CHarles  Martel ,  ufurpateuT  &  foutien  du  pouvoir 
fupréme  dans  une  grande  monarchie ,  vainqueur 
des  conquérans  Arabes  qu'il  repoufla  jufqu'en  Gaf- 
cognç ,  n'eft  cependant  appelle  que  fous-roitelet ,  fub- 
regulus ,  par  le  pape  Grégoire  II  qui  implore  ft  pro- 
te(ftion  contre  les  rois  Lombards.  Il  fe  dirpofe  à  aller 
{jecourir  Péglife  romaine  ;  mais  il  pille  en  attendant 
les  églifes  des  Francs ,  il  donne  les  biens  des  cou- 
vens  à  fes  capitaines  ,  il  tient  fonroi  Tbierri  en  cap- 
tivité. Pépin  fils  de  Charles  Martel  ^  de  fubregulus 
fe  fait  roi ,  &  reprend  l'ufage  des  parlemens  Francs. 
11  a  toujours  des  troupes  aguerries  fous  le  drapeau  ; 
&  ç'cft  à  cet  établiffement  que  Cbarlemagne  doit  tou, 
tes  fes  conquêtes.  Ces  troupes  fe  levaient  par  des 
ducs  gouverneurs  des  provinces  ,  comme  elles  fe  lè^ 
vent  aujourd'hui  chez  les  Turcs  par  les  béglierbeys. 
Ces  ducs  avaient  été  inftitués  en  Italie  par  Ifioclé- 
tien.  Les  comtes,  dont  l'origine  me  parait  du  tems 
de  Tbéqdofe ,  commandaient  fous  les  ducs ,  &  affem- 
blaient  les  troupes  chacun  dans  fon  canton.  Les  mé- 
tairies ,  les  bourgs  ,  les  villages  fourniffaient  un  nom- 
bre de  foldats  proportionné  9  leurs  forces.  Douze 
métairies  donnaient  un  cavalier  armé  d'un  cafque  & 
d'une  cuiraffe  ;  les  autres  foldats  n'en  portaient  point: 
mais  tous  avaient  le  bouclier  quarre  long ,  la  hache 
d'armes,  le  iavelot  &  l'épée.  Ceux  qui  fe  fervàient 
de  flèches  ,  étaient  obligés  d'en  avoir  au  moins  douze 
Er  Z  tij  ^ 

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5î8       LOiXETtSAGES 

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dans  leur  carquois.  La  province  qui  fournlITait  la 
milice ,  lui  diftribuait  du  bled  &  les  provifîons  né- 
cedaircs  pour  fix  mois  :  le  roi  en  fourniflait  pour  le 
refte  de  la  campagne.  On  faifait  la  revue  au  premier 
de  Mars  ou  au  premier  de  Mai.  C'eft  d'ordinaire  dans 
ces  tems  qu'on  tenait  les  parlemens. 

t)ans  les  Tiéges  ,  on  employait  le  bélier ,  la  balifte, 
la  tortue  9  &  la  plupart  des  machines  des  Romains. 
Les  fcigneu^s  nommés  Barônt ,  Leuder ,  Ricbeomes  4 
compofalent  avec  leurs  fui  vans  le  peu  de  cavalerie 

Su^on  voyait  alors  dans  les  armées.    Les  mufulmans 
'Afrique  &  d^Ëfpagms  avaient  plus  de  cavaliers. 


Charles  avait  des  forces  naVales,  c*eft-à-dirc,  dé 
grands  bateaux  aux  embouchures  de  toutes  les  gran- 
des rivières  de  fon  empire  ;  avant  lui  on  ne  les  con- 
haiflait  pas  chez  les  barbares  ;  après  lui  on  les  ignora 
iôngcems.  Par  ce  moyen  &  par  fa  police  guerrière  « 
il  arrêta  ces  in<>ndations  des  peuples  du  Nord  :  il  les 
Contint  dans  leurs  climats  glacés  ;  mais  (bus  (es  fai- 
bles defcendans  ils  fe  répandirent  dans  l'Europe. 

tes  afihaifes  générales  fe  réglaient  dans  des  affenl^ 
Iblées  qui  repréfentaient  la  nation.  Sous  lui  fes  park- 
mens  n'avaient  d'autre  volonté  que  celle  d'un  maître 
qui  favait  commander  i&  perftiadef. 
'      n 

Il  ^t  éeurîr  le  commercé ,  parôc  qu*il  était  le  mai- 
tre  des  mers  \  a(infi  leiu  marchands  des  c6tes  de  Tôt 
cane  &  ceux  de  Marfeille  allaient  trafiquer  à  Conftan* 
Hnople  chez  les  chrétiens  ,  &  au  port  d'Alexandrie 
chez  les  mufulmans  ^  qui  les  recevaient ,  Se  dont  ils 
tiraient  les  richeffes  de  l'Afie. 

Venife  &  Gènes  ,  fi  .pulflantès  depuis  par  le  négo» 
tQi  n'attiraient  pas  encore  à  elles  les  richeffes  des^ 
hâtions  ;  mais  Venife  commençait  à  s'enrichir  &  à  s'a*> 
grandir».  Rom^^^  Ravenne  )  Milan  i  Lyon  ,  Arles, 

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DU   TEMS   DE   ChARLEMAGNE.    3^^ 

Tours  ,  avaient  beaucoup  de  manufadturcs  d'étoflFe« 
de  laine.  On  damafquinait  le  fer  à  l'exemple  de  l'Afie: 
on  febrîquaît  le  verre  ;  mais  les  étoffes  de  foie  n'é- 
taient tilTues  dans  aucune  ville  de  l'empire  d'Occident. 

Les  Vénitiens  commençaient  à  les  tirer  de  Conftan- 
tinople  ;  mais  ce  ne  fut  que  près  de  quatre  cent  ans 
après  Cbar/emagTte  que  les  princes  Normands  établi- 
rent  à  Palerme  une  manufacture  de  foie.  Le  linge 
était  peu  commun.  Sf,  Bonifaçe  dans  une  lettre  à  ua 
évéque  d'Allemagne  ,  lui  mande  qu*il  lui  envoyé  du 
drap  à  longs  poils  pour  fe  laver  les  pieds.  Probable- 
ment ce  manque  de  linge  était  la  caufe  de  toutes  ces 
maladies  de  la  peau  ,  connues  fous  le  nom  de  lipre^ 
fi  générales  alors  ;  car  les  hôpitaux  nommés  U^roferies 
étaient  déjà  très  nombreux. 

La  monnoie  avait  à  «peu -près  la  même  valeur  que 
délie  de  l'empire  Romain  depuis  Conflaiitm.  Le  fou 
d'or  était  le  Jolidtmt  romanum.  Ce  fou  d'or  équiva- 
lait à  quarante  deniers  d'argent.  Ces  deniers  ,  tantôt 
plus  forts ,  tantôt  plus  faibles  ,  pelaient ,  l'un  portant 
l'autre ,  trente  grains. 

Le  fou  d'or  vaudrait  aujourd'hui  en  1740  environ 
quinze  francs  ,  le  denier  d'argent  trente  fous  de 
compte. 

Il  faut  toujours  ,  en  lifant  les  hiftoires ,  fe  relTou- 
venir  qu'outre  ces  monnoics  réelles  d*or  65:  d'argent , 
on  fe  fervait  dans  le  calcul  d'une  autre  dénomina- 
tion. On  s^cxprimaif  (bu vent  en  monnoie  de  oompte  , 
cionnoic  fiAicc  ,  qui  n'était  ,  coQime  aujourd'hui  , 
qu'une  manière  de  compter. 


.  Les  Afiatiques  &le8  Grecs  comptaient  par  mines 
&par  talens,  les  Romains  par  gi'ànds  fefterces ,  (ans 
qu'il  y  eût  aucune  monnoie  qui  valût  un  graiid  fef- 
terce  ou  un  talent. 

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360       L  O  ï  X     B   T     U  8  A  Q  E   s 


La  livre  numéraire  du  tems  de  Charlemagn^  ,  était 
réputée  le  poids  d'une  livre  d'argent  de  douze  onces. 
Cette  liyre  fc  divifait  numéricjucment ,  en  vingt  par- 
ties. Il  y  avait  à  la  vérité  des  fous  d'argent  fembla- 
bles  à  nos  écus ,  dont  chacun  pefait  la  20e ,  22e  on 
24e  partie  d'une  livre  de  douze  onces  :  &  ce  fou  fc 
divifait ,  comme  le  nôtre  ,  en  douze  deniers.  Mais 
Cbarlemagne  ayant  ordonné  que  le  fou  d'argent  ferait 
précifément  la  20e  partie  de  douze  onces  ,  on  s'ac- 
coutuma à  regarder  dans  les  comptes  numéraires  vingt 
fous  comme  une  Uvre^ 


Pendant  deux  fiécles  les  monnoîes  reftcrcnt  fur  le 
pied  où  Cbarlemagne  les  avait  mifes  ;  mais  petit  à 

Î)etît  les  rois ,  dans  leurs  befoins ,  tantôt  chargèrent 
es  fous  d'alliage ,  tantôt  en  diminuèrent  le  poids  ;  de 
forte  que,  par  un  changement  qui  eft  peut-être  la 
honte  des  gouvernemens  de  l'Europe  ,  ce  fou  ,  qui 
était  autrefois  ce  Qu'eft  à -peu -près  un  écu  d'argent, 
n'eft  plus  qu'une  légère  pièce  de  cuivre  avec  un  ne 
d'argent  tout  au  plus  ;  &  la  livre ,  qui  était  le  figne  repré^ 
fentatif  de  douze  ônçes  d'argent ,  n'eft  plus  en  France 
que  le  figne  repréfentatîf  de  vingt  de  nos  fous  de 
cuivre.  Le  denier ,  qui  était  la  deux  cent  vingt-qua- 
trième partie  d'une  livre  d'argent ,  n'eft  plus  que  le 
tiers  de  cette  vile  monnoie  qu'on  app.çlle  un  Uard. 
Suppofé  donc  qu^une  ville  de  France  dût  à  une  autre 
cent  vingt  fous  ou  foHdes  de  rente ,  elle  s'acquitte- 
rgit  aujourd'hui  de  fa  dette  en  payant  ce  ^uc  nous 
appelions  MU  éçu  de  fix  franco. 

la  livre  de  compte  des  Anglais ,  celte  des  HoUan- 
dais  ,  ont  moins  variée  Une  livre  fterling  d'Angle- 
terre vaut  environ  vingt- deux  francs  de  France,  & 
une  livre  de  compte  hollandaîfe  vaut  environ  douze 
ffancs  de  France  ;  ainfi  les  Hollandais  fe  font  écar- 
tés moins  que  les  Franc^ais  dç  U  loi  primitive ,  &  les 
Anglais  encore  moins, 


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dutemsdeChaklbmagke.  i6i 

Toutes  les  fois  donc  que  Thiftoire  nous  parle  de 
mpnnoîe  fous  le  nom  de  livres  ,  nous  n'avons  qu'à 
examiner  ce  que  valait  la  livre  au  tems  &  dans  le 
pays  dont  on  parle  ,  &  la  comparer  à  la  valeur  de  la 
nôtre.  Nous  devons  avoir  la  même  attention  en  lifont 
l'hiftoire  grecque  Se  romaine.  C'pft ,  par  exemple ,  un 
très  grand  embarras  pour  le  ledeur ,  d'être  obligé  de 
réformer  toujours  les  comptes  qui  fe  trouvent  dans 
rhîftoiife  ancienne  d'un  célèbre  profefleur  de  l'uni- 
vcrfité  de  Paris ,  dans  l'hiftoire  eccléfiaftique  de  Fleu- 
ri,  &  dans  tant  d'autres  auteurs  utiles.  Quand  ils 
veulent  exprimer  en  monnoie  de  France  les  talens , 
les  mines  ,  les  fefterces ,  ils  fe  fervent  toujours  de 
l'évaluation  que  quelques  favans  ont  faite  avant  la  mort 
du  grand  Çolbert,  Mais  le  marc  de  huit  onces ,  qui 
valait  vingt-fix  francs  &  dix:  fou$  dans  les  premiers 
tems  du  miniilère  de  Colbert ,  vaut  depuis  longtems 
quarante-neuf  livres  dix  fols  :  ce  qui  fait  une  diSé^ 
rence  de  près  de  la  moitié.  Cette  différence  qui  a  été 
quelquefois  beaucoup  plus  grande ,  pourra  augmenter  ou 
çtrç  rédyite.  II  faut  fonger  à  ces  variations  ;  fans  quoi  on 
aurait  une  idée  très  faufle  des  forces  des  anciens  états, 
de  leur  commerce  ,  de  la  p<iye  de  leurs  foldats ,  &  de 
toute  leur  économie. 

Il  paraît  qu'il  y  avait  alors  huit  fois  moins  d'efpè- 
ces  circulantes  en  Italie  &  vçrs  les  bords  du  Rhin  y 
qu'il  ne  s'en  trouve  aujourd'hui.  On  n'en  peut  guè- 
res  juger  que  par  le  prix  des  denrées  néceffaires  à 
la  vie  ;  &  je  trouve  la  valeur  de  ces  denrées  ,  du 
tems  de  Cbarlemagne ,  huit  fois  moins  chère  qu'elle 
ne  l'eft  de  nos  jours.  Vingt -quatre  livres  de  pain 
blanc  valaient  un  denier  d'argent ,  par  les  capitulai- 
res.  Ce  denier  était  la  quarantième  partie  d'un  fou 
d'or ,  qui  valait  environ  quinze  à  feize  livres  de 
notre  monnoie  d'aujourd'hui.  Ainfi  la  livre  de  pain 
revenait  à  un  liard  &  quelque  chofe  ,  ce  qui 
eft  en  effçt  I4  huitiémç  partie  de  notre  prix  ordi- 
naire, 


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353      Lois   et   usages 


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Dans  les  pays  feptentrionaux  l'argent  était  beau- 
coup plus  rare  :  le  prix  d'un  bœuf  y  fut  fixé ,  par 
exemple^  à  un  fou  d'or.  Nous  verrons  dans  la  fuite 
comment  le  commerce  &  les  richefles  fe  font  éten- 
dues de  proche  en  proche. . 

Les  fciences  &  les  beaux  arts  ne  pouvaient  avoir 
^ue  des  commenoemens  bien  faibles  dans  ces  vaftes 
pays  tout  fauvages  encore.  Eginbart  fecrétaire  de 
Cèmr/emagne  nous  apprend  ,  que  ce  conquérant  ne 
favait  pas  figner  fon  nom.  Cependant  il  conçut  par 
la  force  de  fon  génie  combien  les  belles-lettres  étaient 
néceflaires.  Il  fit  venir  de  Rome  des  maîtres  de  granit 
maire  &  d'arithmétique.  Les  ruines  de  Rome  four- 
niflent  tout  à  l'Occident  qui  n'eft  pas  encor  formé. 
Alcuin  cet  Anglais  alors  éimetix ,  &  Pierre  de  Pife 
qui  enfeignt  un  peu  de  grammaire  à  Cbarlemagne  » 
iraient  tous  deux  étudié  à  Rome. 

Ily  arait  des  chantres  dans  les  églifes  de  France; 
&  ce  qui  cft  à  remarquer  ,  c'eft  qu'ils  s'appellaient 
Chantres  Geaiiois.  La  race  des  conquérans  Francs  n'a- 
vait oukivé  aucun  art.  Ces  Gaulois  prétendaient , 
comme  aujourd'hui ,  difputer  du  chant  avec  les  Ro- 
mains. La  mufiq^ue  grégorienne  ,  qu'on  attribue  à 
8t.  Grégoire  furnommé  le  g;rani^  n'était  pas  fans  mé- 
rite ,  %i  avait  quelque  dignité  dans  fa  fimplicité.  Les 
chantres  Gaulois  ,  qui  n'avaient  point  l'ufage  des  an- 
ciennes notes  alphabétiques  ,  avaient  corrompu  ce . 
chant ,  A  prétendaient  l'avoir  embelli.  Cbarlemagne 
dans  un  de  fes  voyages  en  Italie  les  obligea  de  fe 
conformer  à  la  mufique  de  leurs  maîtres.  Le  pape 
Adrien  leur  donna  des  livres  de  chant  notés  ;  &  deux 
mufidens  Italiens  furent  établis  pour  enfcîgner  la 
note  alphabétique ,  l'un  dans  Metz ,  l'autre  dans  Soif- 
fons.  Bfalut  encor  envoyer  des  orgues  de  Rome. 

H  n'y  avait  point  d'horloge  fonnantc  dans  les  vil- 
les de  îbn  empire ,  &  il  n'y  en  eut  que  vers  lé  trei- 


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btJTEMs  DE  Charlemagke.  3^3 

2iëine  fiécle.  De  là  vient  Pancienne  coutume  qui  fe 
conferve  encor  en  Allemagne ,  en  Flandre  ,  en  An- 
gleterre ,  d'entretenir  des  hommes  qui  avertiflent  de 
Theure  pendant  la  nuit.  Le  préfent  que  le  calife 
Aaron  al  Racbild  fit  à  Cbariemagne  d'une  horloge 
Tonnante  ^  fut  regardé  comme  une  merveille.  A  Yé* 
gard  des  fciences  de  l'efprît  ,  de  la  faine  philofo- 
phie ,  de  la  phyOque ,  de  Taftronomie ,  des  principes 
de  la  médecine ,  comment  auraient-elles  pu  être  con* 
nues  ?  Elles  ne  viennetit  que  de  naître  parmi  nous* 

'On  comptait  encor  par  nuits  ,  &  de  là  vient  qtfen 
Angleterre  on  dit  encor ^^  ««/Vx,  pour  {ignifierune 
(tsmaine ,  êc  quatorze  nuits  pour  deux  femaines.  La 
langue  romance  commen(;ait  à  fe  former  du  mélange 
du  latin  avec  le  tudefque.  Ce  langage  eft  l'origine 
du  français  ,  de  l'efpagnol ,  &  de  l'italien.  Il  dura 
jufqu'au  tems  de  Frédéric  II,  &  on  le  parle  encor 
dans  quelques  villages  des  Grifons ,  &  vers  la  SuifTe. 

Les  vètemens,  qui  ont  toujours  changé  tn  Occi- 
dent depuis  la  ruine  de  l'empire  Romain  ,  étaient 
courts ,  excepté  aux  jours  de  cérémonie ,  où  la  faye 
était  couverte  d'un  manteau  fouvent  doublé  de  pel- 
leterie. On  tirait  comme  aujourd'hui  ces  fourrures 
du  Nord ,  &  furtout  de  la  Ruffie.  La  chauiTure  des 
Romains  s'e'tait  confervée.  On  remarque  que  Char" 
îemagne  fe  couvrait  les  jambes  de  bandes  entrelafTées 
en  forme  de  brodequins  ,  comme  en  ufent  encor  les 
montagnards  d'Ecofle  ,  feul  peuple  chez  qui  l'habil- 
lement guerrier  des  Romains  s'eft  canfervé. 


CHAPITRE    VINGTIÈME. 
De  la.  religion  du  tems  de  CftARLEM AGNE. 

SI  nous  tournons  à  préfent  les  yeux  fur  les  biens 
que  fit  la  religion ,  fur  les  maux  que  les  hommes 

s'attirèrent  quand  ils  en  firent  un  inftrument  de  leurs 

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S'      3^4        D  fi     LÀ     RELIQI   ON 

paffioQS ,  fur  les  ufages  confacrés ,  fur  les  abus  dtati 
ufages  ;  la  querelle  des  Iconociajies  &  des  Iconolatres 
cft  d^abord  ce  qui  préfente  le  plus  grand  objet 


L'impératrice  Irène  ,  tutrice  de  fon  malheureux 
fils  Conjiantin  Porpbirogénèùe  ^  pour  fe  frayer. le  ch^ 
min  à  Templre  ,  flatte  le  peuple  &  les  moines ,  à  qai 
le  culte  des  images  ,  profcrit  par  tant  d'empereurs  de- 
puis Léon  PIfaurien  ,  plaifait  encore.  Elle  y  était 
elle-même  attachée  ,  parce  que  fon  mari  les  avait 
eues  en  horreur.  On  avait  perfuadé  à  Irène  que  pour 
gouverner  fon  époux  il  fiilaît  mettre  fous  le  chevet 
de  fon  lit  les  images  de  certaines  faintes.  La  aédu- 
lité  entre  même  dans  les  efprits  politiques.  Lempe- 
reur  fon  mari  avait  puni  les  auteurs  de  cette  fuperfti- 
tion.  Irène ^  après  la  mort  de  fon  mari,  donne  ua 
libre  cours  à  fon  goût  &  à  fon  ambition.  Voilà  ce 
qui  aifemble  en  786  le  fécond  concile  de  Nicéet 
feptiéme  concile  œcuménique  ,  commencé  d'abord  à 
Conftantinople.  Elle  fait  élire  pour  patriarche  un  laïc, 
fecrécairç  d*état ,  nommé  Tarai  fe.  Il  y  avait  eu  au- 
trefois quelques  exemples  de  féculiers  élevés  ainfi  à 
révéché ,  fans  palTer  par  les  autres  grades  \  mais  alors 
cette  coutume  ne  fubfiftait  plue. 

Ce  patriarche  ouvrit  le  concile.  La  Qondultc  du 
pape  Adrien  eft  très  remarquable.  Il  n'anathématifc 
pas  ce  fecrétaire  d'état  ûul  fç  fait  patriarche  ;  il  pro* 
tefte  feulement  avec  modeftie  dans  fes  lettres  à  /W« 
contre  le  titre  de  patriarche  unlverfel  ;  mais  il  infifte 
qu'on  lui  rende  les  patrimoines  de  la  Sicile.  1}  ^ 
demande  hautement  ce  peu  de  bien  ,  tandis  qu'il  ar- 
rachait ,  ainfi  que  fes  predéceffeurs ,  le  domaine  utile 
de  tant  de  belles  terres  qu'il  affure  avoir  été  données 
par  Pépin  &  par  Cbariemagne.  Cependant  le  concile 
oecuménique  de  Nicée ,  auqiiel  prépdent  les  légats 
du  pape  &  ce  miniftre  patriarche  1  rétabDt  Iç  ^^^ 
des  Images, 


f^^Or^ 


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DU  TEMS  IXE  Ch  ARL^EM  AQNE.   36^     * 

C'eft  uAe  chofe  avouée  de  tous  les  fages  critiques) 
que  les  pères  de  ce  concile ,  qui  étaient  au  nombre 
de  trois  cent  cinquante ,  y  rapportèrent  beaucoup  de 
pièces  évidemment  fauftes  ;  beaucoup  de  miracles , 
dont  le  récit  (candaii ferait  dans  nos  jours  ;  beaucoup 
de  livres  apocryphes.  Ces  pièces  fauffes  ne  firent 
point  de  tort  aux  vraies ,  fur  lefqueiles  on  décida. 

Mais  quand  il  falut  &ire  recevoir  ce  concile  par 
Cbarlemagne  &  par  les  églifes  de  France ,  quel  fut 
l'embarras  du  Pape  ?  Charlei  s'était  déclaré  haute- 
ment contre  lès  images.  Il  venait  de  faire  écrire  les 
livres  qu'on  nomme  Carolins ,  dans  lefquels  ce  culte 
eft  anatnématifè.  Ces  livres  font  écrits  dans  un  latin 
affez  pur  ;  ils  font  voir  que  Cbarlemagne  avait  réuffi 
à  faire  revivre  les  lettres  ;  mais  ils  font  voir  auffi 
qu'il  n'y  a  jamais  eU  dé  difpute  théologique  fans  in- 
Vecftives.  Le  titre  même  eft  une  injure.  Au  nom  de 
notre  "Seigneur  Êf  Sauveur  ItSUS-Cn^lST! ,  commence 
le  livre  de  rUluJlriJfime  ^  excellentijjîme  Charles  &q. 
contre  le  fynode  impertinent  Ê?  arrogant ,  tenu  en 
Grèce  pour  adorer  des  images.  Le  livre  était  attribue 
^ar  le  titre  aii  roi  Charlet ,  comme  on  mel  fou3  le 
nom  des  rois  les  édits  qu'ils  n'ont  point  rédigés  : 
il  eft  certain  que  tous  les  peuples  des  foyaumes  dé 
Cbarlemagne  regardaient  lés  Grecs  colmtâe  dés  ido- 
làtreô. 

-  Ce  prince  en  794  aifembla  un  concile  4  Francfort , 
auquel  il  préfida  félon  l'ufage  des  empereurs  &  des 
rois  :  concile  compofé  de  trois  cent  évéques  ou  abbés 
tant  d'Italie  que  de  France  ,  ^ui  rejetteront  d'un  con* 
fentement  unanime  le  fervice  (fervkium)  &  l'adora*. 
tion  des  images.  Ce  mot  équivoque  d'adoration  était  la 
{burce  de  tous  ces  différends  ;  car  fi  les  hommes  dé- 
finiflaient  les  mots  dont  ils  te  fervent ,  il  y  aurait  moins 
de  difputes  ;  &  plus  d'un  royaume  a  été  bouleverfé 
pour  un  mal-entenduk 


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a^     ^66         De     LARBLIQI09 

41     , .^ 

Tandis  que  le  pape  Adrien  envoyait  et)  France  les 
aAes  du  fécond  concile  de  Nicée,  il  reçoit  les  livres 
Carolins ,  oppofés  à  ce  concile  ;  &  on  le  preffeacnom 
de  Charles  de  déclarer  hérétiques  Tempereur  de  Conf. 
-  tantinople  &  {a  mère.  On  voit  afTez  par  cette  coodoite 
de  Charles  ,^  qu'il  voulait  fe  faire  un  nouveau  droit  de 
rhéréfîe  prétendue  de  l'empereur ,  pour  lui  enleTei 
Rome  fous  couleur  de  juftice. 

Le  pape ,  partagé  entre  le  concile  de  Nicéc  qn'J 
adoptait  ,  &  Cbarlemagne  qu'il  ménageait,  prit, me 
femble,  un  tempérament  politique ,  qui  devrait  fcrvir 
d'exemple  dans  toutes  ces  malheureufes  difputes  qui 
ont  toujours  divifé  les  chrétiens.  Il  explique  les  livres 
Carolins  d'une  manière  favorable  au  concile  de  Nicée, 
&  par-là  réfute  le  roi  fans  lui  déplaire  ;  il  permet  qu'on 
ne  rende  point  de  culte  aux  images  ;  ce  qui  était  très 
raifonnable  chez  les  Germains ,  à  peine  fortis  de  Tido- 
latrie ,  &  chez  les  francs  encor  groffiers ,  qui  n'avaient 
nifculpteurs  ni  peintres.  Il  exhorte  enmêmetemsa 
ne  point  brifer  ces  mêmes  images.  Ainfi  il  fatisfait 
tout  le  monde ,  &  laifle  au  tems  à  confirmer  ou  à  abo. 
lîr  un  culte  encor  douteux.  Attentif  à  ménager  les 
hommes  &  à  faire  fervir  la  religion  à  fes  intérêts ,  il 
écrit  à  Cbarlemagne  :  53  Je  ne  peux  déclarer  Irine  & 
„  fon  fils  hérétiques ,  après  le  concile  de  Nicée;  mais 
))  je  tes  déclarerai  tels  s'ils  ne  me  rendent  les  biens 
,,  de  Sicile.  " 

On  voit  la  même  politique  intéreflec  de  ce  pape 
dans  une  di{pute  encor  plus  délicate ,  &  qui  feule  eût 
fbfii  en  d'autres  tems  pour  allumer  des  guerres  civiles. 
On  avait  voulu  favoir  fi  le  St.  Effrit  procède  du  ?ht 
&  du  Fils ,  ou  du  Père  feulement. 

On  avait  d'abord  dans  rOricnt  ajouté  au  premier 
concile  de  Nicée  qu'il  procédait  du  Père  ,•  enfuitccn 
Efpagne ,  &  puis  en  France  ,  &  en  Allemagne-,  on 
ajouta  qu'il  procédait  du  Père  &  du  fils  :  c'était  la 

Mfari.,.  »wi<My II.  ntîtî 


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««*»* 


DU  TfiMS  DE  GhARLEMAONE.   3^7 

croyance  de  prefque  tout  l'empire  de  Charles.  Ces 
mots  du  fymbole  attribué  aux  apôtres ,  qui  ex  pâtre 
fiîioque  procedit  ,  étaient  facrés  pour  les  Français  ; 
mais  ces  mêmes  mots  n'avaient  jamais  été  adoptés  à 
Rome.  On  prefle ,  de  la  part  de  Cbarlemagne ,  le  pape 
de  fe  déclarer.  Cette  matière  éclaircie  avec  le  tems  par 
•  les  lumières  de  Téglife ,  femblait  alors  très  obfoure.  On 
citait  des  paiTages  des  pères ,  &  furtout  celui  de  St,  Gré- 
goire  de  Nice ,  où  il  eft  dit  ^qu'une  perfonne  eji  caufe , 
If?  t  autre  vient  de  caufe  ;  r  une  fort  immédiatement  de  la 
première ,  t autre  en  fort  par  le  moyen  du  Fils  ,•  par 
lequel  moyen  le  Fils  fe  réferve  la  propriété  d'unique , 
fans  exclure  FEfpritfaint  de  la  relation  du  Père, 

Ces  autorités  ne  parurent  pas  alors  afiez  claires. 
Adrien  I  ne  décida  rien  :  il  favait  qu'on  pouvait  être 
chrétien  fans  pénétrer  dans  la  profondeur  de  tous  les 
myftères.  Il  répond  qu'il  ne  condamne  point  le  fenti- 
ment  du  roi ,  mais  ne  change  rien  au  fymbole  de  Ro- 
me. Il  appaife  la  difpute  en  ne  la  jugeant  pas ,  &  en 
laiflant  à  chacun  fes  ufages.  Il  traite  ,  en  un  mot,  les 
affaires  fpirituelles  en  prince  ;  &  trop  de  princes  les 
ont  traitées  en  évéques. 

Dès -lors  la  politique  profonde  des  papes  établiiTait 
peu-à-peu  leur  puiifance.  On  fait  bientôt  après  un 
recueil  de  faux  aétes  connus  aujourd'hui  fous  le  nom 
de  fauffes  décrétales.  C'eft ,  dit-on ,  un  Efpagnol  nom- 
mé ifidore  Mercator  ,  ou  Pifcator  ,  ou  Peccator  ,  qui 
les  digère.  Ce  font  les  évéques  Allemands,  dont  la 
bonne  foi  fut  trompée^  qui  les  répandent  &  les  font 
valoir.  On  prétend  avoir  aujourd'hui  des  preuves  în- 
conteftables  qu'elles  furent  compofées  par  un  Algeram 
abbé  de  Senones ,  évéque  de  Metz  ;  elles  font  en  ma- 
nufcrit  dans  la  bibliothèque  du  Vatican.  Mais  qu'im- 
porte leur  auteur  ?  Dans  ces  fauffes  décrétales  on 
fuppofe  d'anciens  canons  ,  qui  ordonnent  qu'on  ne 
tiendra  jamais  un  feul  concile  provincial  fans  la  per- 
miffion  du  pape  ,  &  que  toutes  les  caufes  ecciéfiafti- 


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qiies  reflbrtiront  à  lui.  On  y  fait  parler  Tes  fuccêfTeurS 
immédiats  des  apôtres  ;  on  leur  fuppofe  des  écrits. 
Il  eft  vrai  que  tout  étant  de  ce  mauvais  ftile  du  huitième 
fiécl6 ,  tout  étant  pleiii  de  fautes  contre  l'hiftoire  &  h 
géographie ,  l'artifice  était  grolTier  ;  mais  c'était  des 
hommes  groffiers  qu'on  trompait.  On  avait  forgé  dès 
la  naiflknce  du  chriftianifme ,  comme  on  l'a  déjà  dit, 
de  faux  é^fangiles ,  les  ve)rs  fibyllins ,  les  livres  ^'Her- 
mas ,  les  conftifutions  apojlàliques  ;  &  mille  autres 
écrits  que  la  faine  critique  a  réprouvés.  Il  eft  trifte  ()ué 
pour  enféigner  la  vérité  on  iait  fi  fôUvent  tihplo^é  d^ 
ades  àt  JEaufTaire. 

Ces  fauflfes  décrétâtes  ont  abufé  les  hommes  pen- 
dant huit  fiécles  ;  &  enfin ,  quand  l'erreur  a  été  r&* 
connue ,  les  ufages  établis  par  elle  ont  fubfiAé  dails 
une  partie  de  Péglife  :  l'antiquité  leur  a  tenu  lieu 
(Tautenticité. 

Dès  ces  t«ms  les  évéques  d'Occident  étaient  des 
feigneurs  temporels ,  &  polTédaient  plufieurs  terres  en 
fief;  mais  aucun  n'était  fouverain  indépendant  L^ 
rois  de  France  nommaient  fouvent  aux  evéchés;plus 
hardis  en  cela  &  plus  politiques  que  les  empereurs  des 
Grecs  ,  &  les  rois  de  Lombardie ,  qui  fè  contentaient 
d'interpofer  leur  autorité  dans  les  éleâions. 

Les  premières  églifes  chrétiennes  s'étaient  gouver- 
nées en  républiques  fur  Iç  modèle  des  fynagogues. 
Ceux  qui  préfidaient  à  ces  aifemblées ,  avaient  pris 
infenfiblement  le  titre  d'évêque ,  d'un  mot  grec ,  dont 
les  Grecs  appellaient  les  gouverneneurs  de  leurs  colo- 
nies. Les  anciens  de  ces  affemblées  fe  nommaient 
prêtres ,  qui  fignifie  en  grec  vieillard, 

Cbarlemagne  dans  fa  vieillefle  accorda  aux  évê- 
ques  un  droit  dont  fon  propre  fils  devint  la  vidtime. 
Ils  firent  accroire  à  ce  prince  que  dans  le  code  ré- 
digé fous  Tbéodofe ,  une  loi  portait  que  fi  de  deux 

féculiers 


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Mp»iW    I  '  1  <ail  ji. 


DUTBMS.DSC;H;AI|L£liA9l9E.   |^ 


feculiers  en  procès ,  l'un  prenait  un  évéque  pour  juge  | 
Tautre  était  obligé  de  fe  (oumettre  à  ce  jugeinent  fa  as 
en  pouvoir  appellcr.  Cette  loi ,  qui  jamais  n'avîiît  cte 
exécutée,  pafie  chez  tous  les  critiques  pour  fupppfcç, 
C*eft  la  dernière  du  code  Théodofien  ;  elle  eft  fans  dite  ^ 
fans  nom  de  confuls.  Elle  a  excite  une  guene  en  île 
fourde  entre  les  tribunaux  de  la  juftîce  &  les  niinîf- 
tres  du  fan(ftuaire  ;  mais  comme  en  ce  ccms  -  là  tout 
ce  qui  n'était  pas  clergé  j  était  en  Occident  d'une  igno* 
ranCc  profonde ,  il  faut  s'étonner  qu'on  n'ait  pas  donné 
encore  plus  d'empire  à  ceux  qui  feuls  étant  un  peu  inf- 
truits  y  lemblaient  feuls  mériter  de  juger  les  hommes^ 

Ainfi  que  les  évêques  difputaient  l'autorité  aux  féc!i<i 
liers ,  les  moines  commençaient  à  la  difputer  aux  évé* 
ques^quîpourtant  étaient  leurs  maîtres  par  les  canons. 
Cesmoines  étaient  déjà  trop  riches  pour  obéir.  Cette 
célèbre  formule  4e  Marcnlfe  était  déjà  bien  fouvent 
mîfe  en  ufage  :  Moi ,  pot&  k  repos  de  mon  amt ,  Sf 
four  rCître  pas  placé  après  nia  mort  parmi  les  boucs  j 
je  donne  à  tei monajière  ,  ^C,  On  crut  dès  le  |î)re-» 
mier  fiécle  de  TégHfe  que  Ife  rtionde  allait  fifiir^  dti 
fe  fondait  fur  un  paflage  àe  Si.  Luc,  qui  mét^dé^ 
paroles  dans  la  bouche  de  Jesus-Christ.  ,3  II  y  ïiurà 
n  des  fignes  dans  le  foleil  ,  dans  la  lune  &  dans  les 
^  étoiles  ;  les  natiohs  feront  cowfternées  \  k'  nttt  & 
33  les  fleuves  ferotit  un  grand  brbit;  les  hommes féchéf 
y^  ront  deftayeor  dansTaitente  de  la  révolutiofi  dd 
33  l'univers  ,  les  puiffances  des-icieu:^  feront  ébeaiN 
33  lées ,  &  alors  ils  verront  le  iils  de  l'homme  venant 
3>  dans  une  nuée  avec  une  grande  puîtTance  &  une 
yy  graiide  majefté.  Lorfqae  vous  verrez  arriver  ces 
33  chofes  3  lâchez  que  le  royaume  de  DxEt|  eft  pro* 
j3  chë.  Je.  vous  dis  en  vérité  ,  en  vérité',  que  cette 
)3i  génération  ne'fihira  point  fans  que  céi,chûfes  fuien^t 
j>  accomplies.  /"-  [ 

.  Pluficurs'  J)érfonrtages  pîetjjè  ayant  tbiijoiit^S  pfU  -â 
la  lettre  cette  prédîâiôn  non  accomplie  ,  cfn  aétâfi 
^      •  EJfaifiij/'Us  mœurr  ,  &cr^^.^  '-  --  Aa 


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I  (     J7O        D  E     t  A     RELIGION 

datent  raccomplifTement  :  ils  penfaient  que  l'univers 
allait  être  détruit ,  &  voyaient  clairement  le  lugemeat 
dernier ,  où  Jésus  -  Christ  devait  venir  dans  Iw 
nuées.  On  fe  fondait  aufli  fur  Tépitre  de  St,  Paul  à 
ceiîx  de  ThefTalonique  ,  qui  dit  :  Nous  qtd  finîmes 
iwdns  nous  ferons  emportés  dans  Pair ,  au-devant  de 

JËstJS.  De -là  toutes  ces  fuppofitions  de  tantdepro* 
igek  âpperqus  dans  les  airs.  Chaque  génération  croyait 
ftre  telle  qui  devait  voir  la  fin  du  monde,  &  cette 
opinion  fe  fortifiant  dans  les  fiécles  fuivans,  on  donnait 
fés  terres  aux  moines ,  comme  fi  elles  euffent  du  être 
préfervées  dans  la  conflagration  générale.  Beaucoup 
de  chartes  de  donation  commencent  par  ces  mots , 
Adventante  mundi  vefpero. 

iDes  abbés  bénédidtins ,  longtems  avant  Cbarlema»^ 
gne ,  étaient  affez  puiffans  pour  fe  révolter.  Un  abbé 
d^  Fontenelle  avait  ofé  fe  mettre  à  la  tête  d'un  parti 
contre  Charles  Martel  j  &  affembler  des  troupes.  Le 
hérps  fit  trancher  la  tête  au  religieux,;  exécution  qui 
ne  contribue  pas  peu  k  toutes  ces  révélations  que 
tant  de  moines  eurent  depuis  de  la  damnation  de 
Charles  Martel. 

Avant  ce  tems ,  on  voit  un  abbé  de  St;  Rémi  de 
Rheirhs ,  &  Pévéque  de  cette  ville ,  fufoiter  une  guerre 
civile  contre  C^V^^^^  au  fixiéme^iîécie  :  crime  qui 
«(^appartient  qu^aux  hommes  puiffatïs. 

Lei  cvéques  &  les  abbés  avaient  beaucoup  d'et 
clafvès.  Oh  repi'oche  à  Fabbé  Alcuin  d'en  avoir  eu 
Jufqu'à  vftigt  mille.  Ce  nombre  n'eft  pas  incroyable: 
Âlcùin  poffédkît  plufiturs  abbayes  ,  dont  les  terrei 
Jjouvaient  être  habitées  par  vingt  mîHc  hommes.  Cei 
efclaves ,  connus  fous  le  nom  de  ferfs  \  ne  pouvaîcflt 
fe  marier  ni  changer  de  demeure  fans  ]a  permiffio» 
àe  ^r^bbf  Ds  étaient  obligé?  de  marcher  cinquante 
lieues  avea  leurs  dhia^rettes ,  quand  il  l'ordonnait  Us 


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11  û'éuit  p9s  permk  4c  ie  dire^sra  &ns;r4tfî^i 
4e  porter  la  ton&re  fans  a|>partenk  9  w  eVyêqm^.Q^ 
tels  clercs  &'appdTaknt>fc'f^i&a/ûf,  On  les  p»Qiff^itc(«|i- 
me  va^ond^.  On  ignojak  c§t  ii^  aujourd'fajairfi 
l  tommun  ,  qui  n'eft  ni  fecuïier  ni  cccléfiaftigujp.  %t 
%  K^  ii         ' 


DU  TEMS   Ï>K  ChAHLEMAONE.   371 


travaMaieat  pour  lui  trois  jours  deJa  femaio«  ,,&  iP 
partageait  tous  les  fruits  de  la  terre.     '   '  /  ;. 

On  nt  pouvait  à  la  vérité  tcprocher  à  ces  bçné- 
dî^ins.  de  violer  par  leur<s  ricbefles  ,.leur  vœj[x  (^ 
pauvreté  ;  cat  ils  ne  &nt  point  expreilçmenc  ce  y.œ^  ; 
ils  ne  s'engagent ,  quand  Us  font  requs  dans  Tordre , 
qu*à  obéir  à  leur  ahbé.  On  leur  dO|t;uia  mqne  fop- 
Vent  des  ter]:es  incultes  ,  au'^  défricîiècent  d^  Je^çs 
mains  ,  &  qu'ils  firent  eofulte  cul^ver  par  d^s  ferfs. 
Ils  formèrent  des  bourgades ,  des  petites  villes  niême 
autour  de  leurs  monaUère^.  Ils  itu^iereirt  ^  ils  firent 
les  feuls  qui  conîervèrent  les  livres  en  les  copiant  ; 
&  'Cniin  dans  ce»  tems  barbares  où  les  peuplas  ét;^«nt 
fi  mîférables ,  c'était  une  grande  confolatîon  de  trou^ 
Ver  dans  les  cloîtres  une  retraite  affurée  contre  la 
tyrannie.  '   "    ^    .      ■     i   "  j 

fen  f'rancc  &  en  Allemagne  plus  (Pun  évêque  allait 
ftU  combat  avec  fes  ferfs.  Ci6flr/f»?flg»e  dans  une  .lettre 
à  Frajiade  une  de  fés  femmes ,  lili  parle  d'iin  évêqlie 
qui  a  vaillamment  combattu  auprès  de  lui ,  dans  tine 
bataille  contre  les  Avares  ,  peuples  defcendus  des  Scy* 
thés  ^  qui  habitaient  vers  le  pays  qu*on  nomme  i 
préfent  TAutriche.  Je  voîjs  de  Ton  tems  quatoryc  ma- 
iiaftèr es  qui  :doi vent  fournir  des  foldats.  Pour  peu 
qu'un  abbé  ftt  guerrier  ,  rien  ne  l'empêchait  de  les 
conduire  luî.-n;iémc>  Il  eft  %'rai  qu'en  So 3  un  parle- 
ment fe  plaignît  à  Cbarfemagm  du  trop  grand  nom- 
bre de  prêtres  qu'on  avait  tue  à  la  guerre..  lî  fut 
défendu  alors  ^rtiaîs  înutilement  ,  mxK  mtniftrcs  de 
l'autel  d'aîler  aux  combats. 


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I 


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H 


3^2        I3b    la    RELIÔIOÏI,&a 

tîlirc  d'aBbc,'qui  fignific  père,  n'appartenait  qu'wk 
chefs  des  monaftères. 

t^  abbés  avaient  dèè-lor^  le  bàtoii  paftoral  que 
ftortaîent  lés  évéques  ,  &  qui  avait  été  autrefois  la 
marque  dé  la  dignité  pontificale  à^ni  Rome  payènné. 
Telle  était  la  puiiTance  dé  ces  abbés  fur  les  moines , 
Qu'ils  coiidamnaient  quelquefois  aux  peines  afBictives 
les  plus  cruelles.  Ils  pHrènt  le  barbaie  ufage  des  em- 
t)ereur8  Grecs  ,  de  faiae  brûler  les  yeux  ;  &  il  falut 
qu'un  condile  leur  défendît  cet  attentat  ,  qu'ils  com- 
mençaient à  regarder  comme  un  droit. 

■  ■    ■  i'        '  ■         '     '     , 

.  ^,  ,# 

'    ^CHAPITRE   VINGT. ÙNlÊMi 
^  ;     •  Stiite  des  riUs  religieux  du  tems  de  Charlemagke. 

LA  meife  était  différente  cle  ce  qu'elle  cft. aujour- 
d'hui ,  &  plus  encore  de  ce  qu'elle  était  dans  lès 
premier!!  tems.  Elle  fut  d*abord  une  cène,  un  fcftin 
nocturne  ;  enfuitç  la  majefté  du  culte  augmentant 
avec  le  nombre  dès. fidèles ,  cette  aflemblée  de  nuit 
fe  changea  en  une  affen^blée  du  matin  :  la  méfie  de- 
vint k-peiuprès  ce  qu'pft  la  grand'meflc  aujourd'hui. 
Il  nV  eut  jufqu'au  cinquième  fiéclè  qu'une  méfie 
commune  ^'^x^^  chaque  églife.  Le  nom  AtSynaxe  qu'elle 
a  chez  les  Grecs ,  &  qui  fignifie  ajfeniblée  i  les  formu- 
les qui  fubfiftent  &  qui  s'adreflenti  cette  aflemblée, 
tout  fait  voir  que  les  méfies  privées  durent  être  loû^- 
lems  înconnbes.  Ce  facrièce ,  cette  affemBléc  ,  cette 
commune  prière  avait  le  nom  de  MiJJa  chez  les  La- 
fins  y  parce  que  félon  quelques  ^iinf  On  renvoyait ,  miu 
'Mantur^lts  t^éhiténs  qui  ne  communiaient  pas;  & 
tfelô^  d'autres ,  parce  que  la  communion  était  en- 
VbVéé  i  miffa  trnt ,  à  ceux  qui  ne  pou^ent  Veriîr  à 


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lâH 


RjTBS    RELIGIEUX,  &a 


373    I 


11  femble  qifon  devrait  favoir  la  date  prédfe  des 
établiiTemens  de  nos  rites  ;  mais  aucune  n'eft  connue. 
On  ne  fait  en  quel  tems  commencja  la  mefTe  telle  qu'on 
la  dit  aujourd'hui  ;  on  ignore  l'origine  précife  du  ba* 
téme  par.  afperfion ,  delà  confeffion  auriculaire,  de 
la  communion  avec  du  pain  azime  ,  &  fans  vin  ;  on 
,  ne  fait  qui  donna  le  premier  le  nom  de  facrement 
au  mariage,  à  la  confirmation,  àl'ondion  qu'on  ad- 
miniftre  aux  malades. 

Quand  le  nombre  des  prêtres  fut  augmenté  ,  on 
fut  obligé  de  dire  des  melTes  particulières.  Les  hommes 
puifFans  eurent  des  aumôniers  ;  Agobard  évêque  de 
Lyon  s'en  plaint  au  neuvième  fiécle.  Denis  le  petit 
dans  fon  recueil  des  canons  ,  &  beaucoup  d'au- 
tres ,  confirment  que  tous  les  fidèles  communiaient  à 
la  mefTe  publique.  Ils  apportaient  de  fon  tems  le  pain 
&  le  vin  que  le  prêtre  confacrait  ;  chacun  recevais 
le  pain  dans  fes  mains.  Ce  pain  était  fermenté  com- 
me le  pain  ordinaire  ;  il  y  avait  très  peu  d'églifes 
où  le  pain  fans  levain  fût  en  ufage  ;  on  donnait  ce 
pain  aux  enfans  comme  aux  adultes.  La  communion 
fous  les  deux  efpèces  était  un  ufage  univerfel  fous 
Cbarlemagne  i  il  fe  conferva  toujours  chez  les  Grecs , 
&  dura  chez  les  Latins  jufqu'au  douzième  iiécle.  On 
voit  même  que  dans  le  treizième  il  était  encor  prati- 
que  quelquefois.  L'auteur  de  la  relation  de  la  viâoire 
que  remporta  Charles  d'Anjou  fur  Mainfroi  en  1264  , 
rapporte  que  fes  chevaliers  commun^tent  avec  le 
pain  &  le  vin  avant  la  bat^lle.  L'ufage  de  tremper 
le  pain  dans  le  vin  s'était  établi  avant  Cbarlemagne: 
celui  de  fucer  le  vin  avec  un  chalumeau  ou  un  fci- 
phon  de  métal ,  né  s'introdurfit  qu'environ  deux  cenf 
ans  après ,  &  fut  bientôt  aboli.  Tous  ces  rites ,  toutes 
ces  pratiques  changèrent  félon  la  conjondure  des 
tems ,  &  lelon  la  prudence  des  pafteurs ,  ou  félon,  le 
caprice ,  comme  tout  change. 

.  L'églife  latine  était  la  feule  qui  priât  dans  une  lan- 

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I 


§f    374       Rites  keligibux 

gué  étrangère  inconnue  au  peuple.  Les  inondations 
des  barbares  qui  avaient  introduit  dans  l'Euro;pe  leurs 
idiomes ,  en  étalent  caufe.  Les  Latins  étaient  encor 
les  feuls  qui  conféraiTent  le  batéme  par  la  feule  afper- 
fion  ;  indulgence  très  naturelle  pour  des  enfahs  nés 
dans  les  climats  rigoureux  du  feptentrion ,  &  conye*> 
nance  décente  dans  le  climat  chaud  d'Italie.  Les  céré* 
monies  du  batéma  des  adultes  ,*  &  de  celui  qu'on  don- 
nait aux  enfans ,  n'étaient  pas  les  mêmes.  Cette' diffé- 
rence était  indiquée  par  la  nature. 

La  confeQion  auriculaire  s'était  introduite ,  dit -on  ^ 
dès  le  fixiéme  fiécle.  Les  évêques  exigèrent  d'abord 
que  les  chanoines  fe  confeiTaiTent  à  eux  deux  fois 
l'année ,  par  les  canons  du  concile  d'Attigny  en  ytf  ^  , 
'&  c'eil  la  première  fois  qu'elle  fut  commandée  expref- 
fément.  Les  abbés  fournirent  leurs  moines  à  ce  joug  , 

§&  les  féouliers  peu-à^peu  le  portèrent.  La  oo^feffion  ^ 
publique  ne  fut  jamais  en  ufage  dans  l'Occident  ;  car  B 
lorfque  les  barbares  embrafTèrent  le  chriftianifme ,  les 
abus  &  les  fcandales  qu'elle  entraînait  après  éHt ,  l'a- 
Hraient  abolie  en  Orient ,  fous  le  patriarche  NeSaire , 
è  la  fin  du  quatrième  iiécle  ;  mais  fouvent  les  pécheurs 
publics  fiifaient  des  pénitences  publiques  dans  les 
eglifes  d'Occident ,  furtout  en  Efpagne  ,  où  l'invaGon 
des  Sarrazins  redoublait  la  ferveur  des  chrétiens  hu- 
miliés. Je  ne  vois  aucune  trace  jufqu'au  douzième 
fiéde  de  la  formule  de  la  confeflion ,  ni  des  oonfef- 
fiohtiux  établie  dans  leséglifes ,  nfde  la  nécefTité  préala^^ 
ble  de  fe  Qonfefler  immédiatement  avant  la  communion. 

Vôu^  obferverez  que  ta  confeflion  auriculaire  n'é- 
tait point  recjue  aux  hûiriéme  &  neuvième  fiécles  dans 
lès  pays  au  -  delà  de  la  Loire ,  dans  le  Languedoc , 
âkns  les  Alpes.  Alctdn  s'en  plaint  dans  fes  lettres. 
Les  peuples  de  ces  contrées  femblent  avoir  eu  tou- 
jours quelques  difpofidons  à  s'en  tenir  aux  ufages  de  la 
primitive  églife  ,&  à  rejetter  les  dogmes  &  les  coutumes 
quç  l'églife  plps  étendve  jugea  convenable  d'adopter. 


'fitfywi*"      * m 


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MiMflMta 


OU  XEMS   DE  CHARIiftSIAOKB.  3?f 


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•  Aux  huitième  &  néuYiéïkie  fié^let  il  y  avait  trotf 

carêmes .  "      "  " 

grecque 

tcms  de w.^o^,.^,  ^„. 

ne  font  biea  connus  qu'après  le  troiûéme  (  a  )i  concile 
de  Latran  en  lai^  ,  impoférenc  la  néceŒité  de  faire 
une  ibis  l'année  ce  qui  femblait  auparavant  plus  ar^ 
bitraire. 

Au  tems  de  Cbarkmagm  il  y  avait  des  confeiTeurt 
dans  les  armées.  Charles  en  avidt  un  pour  lui  en  titre 
d'office  ;  il  s'appellait  raidon  ^  '^  était  abbé  d'Angt 
près  de  Confiance.. 

.U  était  permis  de  fe  confefler  à  un  laïque ,  &  même 
à  une  femme  en  cas  de  néceflité  (b).  Cette  permiffion 
dura  très  longtem&  C^ft  pourquoi  Jointnlie  dit  qu'il 
confeffa  en  A^ique  un  chevalier ,  &  qu'il  lui  donna  l'ab- 
folution  félon  le  pouvoir  qu'il  en  avait.  Cen^fflfat 
tota-à-fait  ftnfacrement ,  dit  St.  Thomas,  mais  (f^ 
comme  facremenf. 

On  peut  regarder  la  confeffion  comme  le  plus  grand 
frein  des  crimes  fecrets.  Les  fages  de  l'antiquité  avaient 
embraifé  l'ombre  de  cette  pratique  falutaire.  On  s'était 
confeiTé  dans  les  expiations  chez  les  Egyptiens ,  & 
chez  les  Grecs ,  &  dans  prefque  toutes  les  célébrations 
de  leurs  myftères.  Marc  -  Aurê/e  en  s'afTociant  auK 
myftères  de  Ciris  Eieti/tne ,  fe  confe(&  à  Vbiérof  bouse. 

Cet  ufage  fi  Taintement  établi  chez  les  chrétiens , 
fut  malheureufement  depuis  l'occafion  de  quelques 
funeftes  abus.  La  faiblefle  du  fexe  rendit  quelquefois 
les  femmes  plus  dépendantes  de  leurs  confefTeurs  que 
de  lèurfr'épouY.  Prefque  tobs  ceux  qui  confeiorèrent  les 
reines  9  fe  fervirent  de  cçt  èmpbefeçret  &  facrépour 


(a  )  (ifit  âVnit^M  noament  le  qnatritoe. 


Voy<t  1m  MtàniSkmp», 


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'      |7«     -1    R  I  T  *  ^    R  E  L  I  G  I  E  U  X: 


entrer 'dans  les  alSàkeé  d'état.  Lorfqu^nceligieiix  do- 
mina fur  h  çonfdencc  d'un  fouverain  ,  tous  £esJcon^ 
feèce^  s'en  prévalurent ,  &  plufieurs  employèrent  le 
JBfédit  du  confefleur  i^ur  fe  venger  de  leurs  ennemis. 
£nfin;,  il  .arriva  que  dans  les  divifioos  entre  les  empe<* 
leurs  &  les  papes  ^  dans  les  fadions  des  villes  ,  led 
{u^rôs  ne  donnaient  pas  l'abfolution  à  ceux  qui  n'e* 
taient  pas  de  leur  parti.  C'eft  ce  qu'on  a  vu  ca France 
du  tems  du  roi  Henri  IV.  Prefque  tous  les  confeiTeurs 
rcfuTaiejnt  d'abfoudre  les  fu}ets  qui  reconnaiilaient  leur 
foi.  La  facilité  de  féduire  les  jeunes  perfonnes  ,  &  de 
If  s  ))Qrter  au  crime  dans  le  tribunal  même  de  la  péni- 
tence ,  fut  encor  un  écueil  très  dangereux.  Telle  eit  la 
déplorable  condition  des  hommes ,  que  les;remèdes  les 
f>lil^  divins  ont  été  toprn^^n  poifon^ 


I 


L  JLatdîgîon  chrétienne  ne  s'étaitpoint  encor  étendue 
-an  Nord  plus  loin  qjue  les. conquêtes  de  Çbarlemagnt. 
La  Scandinavie  ,  le  Dnnnemarok ,  qu'on  app^Haic  le 
fardes  Normand^.,  avaient  un  culte  que  nous  appelions 
ridiculcrpent  idolâtrie.  La  religion  des  idolâtres  ferait 
celle  qui  attribuerait  la  puiffance  divine  à  des  figures , 
à(de^  images  ;  ce  n'était  pas  t^elle  des  Scandioftvfis  ;  ils 
«'avaient  ni  peintre  ni  fculpceur.  Us  adoraient  Qdi^t  > 
&  ils  fc  figuraient  qu'après  leur  mort  le  bonheur  de 
l^Homme  çonfiftait  à  boire  dans  la  falle  d'Orfm  de  U 
hièrc  dans  le  crâne  de  fes  ennemis.  On  a  encore  de 
Jeurs*  anciennes  chanfons  traduites  ,  qui  expriment 
.cette  jdé.e.  Il  y  avait Jongtenis  que  hs  peuples  da 
Nord  croyaient  une  autre  vie.  Les  druides  avaient 
,enfeigné  aux  Celtes  quHls^renaîtraient  pour' combattre , 
&  l^spr/êtres  de  la  Scand/navie  perfuadaient  auj^ honw 
|nç§  qu'ils  bqiraiçnt  .4e  Ja  bière  après  leur  mou,    . 

La  Pologne  n'était  pi  moins  barbare  »  ni  tçpins 

4lï«ffièr/ç.î  Ces  IVlofcovites ,  auffi  fa^vageis-quélerefte 

de  la  grande  Tartarie  ,  en    (avaient  à  peine  affez 

pour  être  payeq^;:-4nais  tous.ces.Reup)d«  yi^ieçfcen 

paix  dans  leur  ignorance,;, 3vei^î<çipf\^'4tri?  inçoç^gsà 


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i|,<»^-l  >W>i'i-  MlH^g 

i  DU  TEMs  0*  Charlemagne.  87t    \' 

jani —    '  ■  ■  * 

Charlemagne ,  qui  vendait  fi  chef  la  connaiflance  du 
chriftîanifmc  ! 

Les  Anglais  commenqaîent  à  recevoir  la  religion 
chrétienne»  Elle  y  av^ît  été  apportée  peu  auparavant 
par  Confiance  C/are ,  protedeur  fecret  de  cette  religion 
alors  perfécutée.  EJlc  n'y  domina  point  ;  l'ancien  culte 
•du  pays  eut  le  deffus  encore  longtems.  Quelques  mif- 
fionnàires  des  Gaules  cultivèrent  grofTicremcnt  un  peth 
nombre  de  ces  infulaires.  Le  fameux  Péiage  ^  trop  zélé 
4^fejifeur  de  la  nature  humaine  ,  était  né  en  Angle- 
terre ;  mais  il  n'y  fut  point  élevé  ,  &  il  faut  le  compter 
parmi  les  Romains. 

L'Irlande  qu'on  appellait  Ecqffe ,  &  l'Ecoffe  connujB 
-alors  fous  le  nom  fX'Albame^  ou  du  pays  des  PiSes^ 
avait  rec^n  aufli  quelques'  femences  du  chriftîanifme , 
étouffées  toujours  par  l'ancien  culte ,  qui  dominait.  Le 
moine  Oùlomban ,  né  en  Irlande  ,  était  du  fixiéme  lié* 
de  ;  mrâfs  îF paraît  par  fa  retraite  en  France  ,  &  par  les 
monaftères  qu'il  fonda  en  Bourgogne ,  qu'il  y  avait  peu 
à  faire  &  beaucoup  à  craindre  pour  ceux  qui  cher- 
jzhsÀtnt  en  Irlande  &  en  Angleterre  de  ces  établiffe- 
mens  riches  &  tranquilles  ,  qu'on  trouvait  ailleurs  à 
l'abri  de  la  religion. 

Après  une  extinction  prefque  totale  du  chriftîa- 
nifme Jans  l'Angleterre  ,  PEcofle  &  l'Irlande ,  la  ten- 
4refle  conjugale  l'y  fit  renaître.  Etbelbort  y  un  ^cs 
Tojs  barbares  Anglo-Saxons  de  TEptarchie  d'Angle- 
-terre, qui  avait  fon  petit  royaume  dans  la  province 
de  Kent ,  où  eft  Cantorbéri ,  voulut  s'allier  avec  ua 
roi  de  France.  Il  époufa  la  fille  de  Cbildebert  roi 
de  Paris.  Cette  princeflc  chrétienne  ,  qui  pafTa  la 
mef  iM^ec  un  évéque  de  Soiflbns ,  difpofa  fon  mari  à 
recevoir  le  batéme  ,  comme  Clotilde  avait  foumis 
Clovis,  Le  pape  Grégoire  le  grand  envoya  Augujlin , 
que  les  Anglais  nomment  Auflin  y  avec  d'autres  moi- 
^     nés  Romains  en  598.   Ils  firent  peu  de  converfions  ; 

^SP(i0y[\\  '    '  I  iippiiiBftiii^t Il  ■     ipjj'tâ^ 


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ÉÉk 


378    Rites  R.E  L  I  o  I  EU  x,^. 


car  il  faut  au  moins  entendre  ta  langue  du  pays, 
potir  en  changer  la  religion  ;  mais ,  favorîfés  par  la 
reine ,  ils  bâtirent  un  monaftère. 

Ce  fut  proprement  la  reine. qui  convertit  le  petit 
tfPfiumt  de  Cantorbéri.  Ses  fujets  barbares  ,  qui  n'a^ 
raiqnt  point  d'opinions ,  fuivirent  aifément  l'exem- 
ple de  leurs  fouverains.  Cet  AnguJHn  n'eut  pas  de 
fieine  à  fe  faire  déclarer  primat  par  Grégoire  le  grand. 
1  eût  voulu  même  Tétre  des  Gaules  ;  mais  Grégoire 
hiî  écrivit  qu'il  ne  pouvait  lui  donner  de  jurifdic- 
tion  que  fur  TAngleterre.  Il  fut  donc  premier  ar- 
chevêque de  Cantorbéri ,  premier  primat  de  PAogle^ 
terre.  Il  donna  à  Tun  de  fes  moines  le  titre  d'évê- 
Qse  de  Londres  ,  à  l'autre  celui  de  Rochefter.  On 
ne  peut  mieux  comparer  ces  évéques^  qu'à  ceux  d'Ao. 
tiocbe  &  deBabilone,  qu'on  appelle  évéques  in  par-- 
tibus  infidelium.  Mais  avec  le  tems  ,  la  hiérarchie 
d'Angleterre  fe  forma.  Les  monailères  furtout  étaient 
très  riches  au  huitième  &  au  neuvième  fîécle.  Ils 
mettaient  au  catalogue  des  faines  tous  les  grands  fèi- 
gneurs  qui  leur  avaient  donné  des  terres  ;  d'où  vient 
que  l'on  trouve  parmi  leurs  ûints  dc^ipe  tems -Ht  > 
fept  rois  j  fept  reines  ,  huit  princes  ,  ferze  princefles. 
Leurs  chroniques  difent  que  dix  rois  &  onze  reines 
finirent  leurs  jours  dans  des  ck)itres.  Il  efl  croya- 
ble que  ces  dix  rois  &  ces  onze  reines  fe  firent  feu- 
lement revêtir  à  leur  mort  d'habits  religieux  ,  &  peut- 
être  porter ,  k  leurs  dernières  maladies ,  dans  des  coo- 
vens ,  comme  on  en  a  ufé  en  Efpagne  :  mais  non  pas 
qu''en  effet  Us  ayent  en  fanté  renoncé  aux  .a£Eaire8 
puUiques  ,  pour  vivre  en  cénobites. 


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Suite  dis  usages,  &a 


CHAPITRE    VINGT.ÛEUXLÉJXLE. 

Sttite  des  ufagts  du  tenu  de  CharlemagkEw    De  Im 
jujiice  y  des  loix.   Coutumes JinguUires.    Efreuves» 


D 


^Es  comtes  nommés  par  le  roi  rendaient  fommai. 
rement  la  juftice.  Ils  avaient  leurs  diftriâs  affi- 
gnés.  Us  devaient  être  inftruits  des  loix  ,  qui  n'é» 
talent  ni  fi  difficiles  ni  fi  nombreufes  que  les  nôtres. 
La  procédure  était  fimple  :  chacun  plaidait  fa  caufe 
en  France  &  en  Allemagne.  Rome  feule ,  &  ce  qui 
en  dépendait ,  avait  encore  retenu  beaucoup  de  loix 
&  de  formalités  de  l'empire  Romain.  Les  loix  lom* 
bardes  avaient  lieu  dans  le  refte  de  l'Italie  dtérieure. 

Chaque  comte  avait  fous  lui  un  lieutenant ,  nom- 
mé Viguier ,  fept  afTefleurs ,  Scabini ,  &  un  greffier, 
Notarius.  Les  comtes  publiaient  dans  leur  jurifdic- 
tion  Tordre  des  marches  pour  la  guerre ,  enrôlaient 
les  foldats  fous  des  centeniers ,  les  menaient  aux  ren- 
dez-vous ,  &  laifiaient  alors  leurs  lieutenans  faire  les 
fondions  de  juge. 

Les  rois  envoyaient  des  commiflaires  avec  lettres 
exprefles  ,  MiJJt  Dominici ,  qui  examinaient  la  con- 
duite des  comtes.  Ni  ces  commiflaires  ,  ni  ces  com- 
tes ne  condamnaient  prefque  jamais  à  la  mort ,  ni  à. 
aucun  fupplice  ;  car  fi  on  en  excepte  la  Saxe  ,  oà 
Charlemagne  fit  des  loix  de  fang  ,  prefque  tous  les 
délits  fe  rachetaient  dans  lé  refte  de  fon  empire.  Le 
feul  crime  de  rébellion  était  puni  de  mort ,  &  les 
rois  s*en  réfervaient  le  jugement.  La  loi  falique^ 
celle  des  Lombards  ,  celle  dès  ripuaires  ,  avaient  éva- 
lué i  prix  d'argent  la  plupart  des  autres  attentats, 
ainfi  que  nous  l'avons  vu. 

Leur  jurifprudence  ,  qui  parait  humaine ,  était  peut- 
être  en  effet  plus  cruelle  que  la  nôtre.   Elle  laifiait 


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OÊÊÈk 


2$0        SUITB  D.ES.USAGE  S,&C. 

la  liberté  de  mal  faire  à  qujconque  pouvait  la  p^yer. 
La  plus  douce  loi  efl  celle  qui  mettant  le  frein  le 
plus  terrible  à  l'iniquité  ,  prévient  ainfi  le  plus  de 
crimes  ;  mais  on  ne  connaifTait  pas  encbr  la  queflion  » 
la  tOTture ,  ufage  dangereux  qui ,  comme  on  fait ,  ne 
fert  que  trop  fouvent  à  perdce  l'innocent ,  &  à  faa- 
yer  le  coupable. 

Les  loîx  falîqucs  furent  remifes  en  vigueur  pat 
Cbarlemagne,  Parmi  ces  loix  faliques  ,  il  s'en  trouve 
une  qui  marque  bien  expreffément  dans  quel  mépris 
étaient  tombés  les  Romains  chez  les  peuples  barba- 
ref.  Le  Franc  qui  avait  tué  un  citoyen  Romain ,  ne 
payait  que  mille  cinquante  deniers  ;&  le  Romainr 
payait  pour  le  fang  d'un  Franc  deux  mille  cinq  cent 
deniers. 

Dans  les  caufes  criminelles  indécifeS  ,  on  fe  pur- 
geait par  ferment.  Il  falait  non-feulement  que  la  par-: 
tie  accufée  jurât ,  mais  elle^  était  obligée  de  produire 
Dti  certain  nombre  de  témoins  qui  juraient  avec  t\\e>. 
Quand  les  deux  parties  oppofaîent  ferment  à  fer- 
ment ,  on  permettait  quelquefois  le  combat  ;  tantôt  à 
fer  émoulu ,  tantôt  à  outrance. 

(a)  Ces  combats  étaient  appelles ,  ïe  jugement  de 
Dieu  ;  c'efl  aufli  le  nom  qu'on  donnait  à  une  des 

£Ius  déplorables  folies  de  ce  gouvernement  barbare. 
es  accufés  étaient  fournis  à  l'épreuve  de  l'eau  froi- 
de ,  de  l'eau  bouillante  ou  du  fer  ardent.  Le  célè- 
bre .E?/>»w^  Baluze  a  raffemblé  toutes  les  anciennes 
cérémonies  de  ces  épreuves.  Elles  commençaient  par 
la  mefle  ;  on  y  communiait  l'accufé.  On  bénifîàit 
Téau  froide  ,  on  l'exorcifait.  Enfuite  l'accufé  était 
jette,  garrotté  ,  dans  l'eau.  S'il  tombait  au  fond  ,  il 
était  réputé  innocent.  S'il  furnageait ,  il  était  jugé 
coupable.    Mr.  de  Fleuri  dans  fon  bijioirè  eccié/ta/H- 


C  f>}  V/^^z  If  chapitre  dçs  dnds. 


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Epreuves  par  le  ppu. 


me  dit  que  c'était  une  manière  fûre  de  fie  trouver  per« 
fonne  criminel.  J'ofe  croire  que  c'était  une  manière 
de  faire  périr  beaucoup  d'innocens.  Il  y  a  bien  des 
gens  qui  ont  la  poitrine  aflez  large  &  les  poumons 
aiièz  légers  ,  pour  ne  point  enfoncer ,  lorfqu'une  greffe 
corde  qpî  les  lie  par  pluCeurs  tours  ,  fait  avec  leur 
corps  un  volume  moins  pefant  qu*une  pareille  quantité 
d'eau.  Cette  malheureufe  coutume  ,  profcrite  depuis 
dans  les  grandes  villes  ,  s'eft  confervée  jufqu'à  nos 
jours  dans  beaucoup  de  provinces.  On  y  a  très  fou- 
vent  affujetti ,  même  par  fentence  de  juge ,  ceux  qu'ojçi 
fkifait  paffer  pour  forciers  ;  car  rien  ne  dure  fi  long- 
tems  que  la  fuperftidon  :  &  il  en  a  coûté  la  vie  à  plus 
d'un  malheureux. 

Le  jugéméiit  de  Dieu  par  l'eau  chaude  s'exécutait 
en  faifant  plonger  le  bras  nud  de  Taccufé  dans  une 
cuve  d'eau  bouillante.  Il  falait  prendre  au  fond  de  la 
cuve  un  anneau  béni.  Le  juge  ,  en  préfence  des  prê- 
tres &  du  peufJe  ,  enfermait  dans  un  fac  le  bras  du 
patient ,  fcèllait  le  faç  de  fon  cachet  ;  &  fi  trois  jours 
après  il  ne  palraiffait  fur  le  bras  aucune  marque  de  brû- 
lure ^l'innocencb  était  reconnue. 

ïôus  les  hiftoriens  rapportent  Texanple  de  la  reine 
Teutberge ,  bru  de  l'empereur  Lotbaire  petit  -  fils  de 
Vharlemagné  ,  àccufée  d'avoir  commis  un  incefte 
avec  fon  frère  moine  &  fous  -  diacre.  Elle  nomma 
tin  champion  qui  fe  foumit  pour  elle  à  l'épreuve  de 
l'eau  bouillante  ,  en  préfence  d'une  cour  nombreufe. 
Il  prit  l'anneau  béni  fans  fe  brûler»  Il  ef^  certain  qu'on 
&  des  fecrets  .jpour  foutenir  Tadion  d'un  petit  feu 
fans  péril  pendant  quelques  fécondes.  J'en  ai  vu  des 
exemples.  Ces  fecrets  étaient  alors  d'autant  plus  com- 
muns qu'ils  étaient  plus  néceffaires.  Mais  il  n'en  ejl 
point  pour  nous  rendre  abfoluinent  impaffibles.  U  y 
a  grande  apparence  que  dans  ces  étranges  jugemens 
on  fallait  fubic  l'épreuve  d^une  manière  plus  ou  moins 


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§ga     Epreuves  fAR  le  feu. 

rigoureufe  feton   qo^on   voulait  condamner  ou  A^ 
foudre. 

CétW  épreuve  de  Teau  bouillante  était  dcftînét 
particulièrement  à  la  convidtion  de  l'adultère.  Ces 
coutumes  font  plus  anciennes  ,  &  fe  font  étendues 
plus  loin  qu'on  ne  penfe. 

tes  favans  n^orent  pas  qu'en  Sicile ,  dans  le  tem- 
ple des  Dieux  Miques ,  on  écrivait  fon  ferment  qu'on 
jcttait  dans  un  bamn  d'eau,  &  que  fi  le  ferment  fur- 
nageait ,  l'accufé  était  abfous.  Le  temple  de  Trezène 
était  fameux  par  de  pareilles  épreuves.  On  trouve 
encor  au  bout  de  TOrient  dans  le  Malabar  &  dans 
le  Japon  des  ufages  femblables  >  fondés  for  la  fim* 
pHcité  des  premiers  tems  ,  &  for  la  fuperftîtion  corn* 
mune  à  toutes  les  nations.  Ces  épreuvec  étaient  ao^ 
trefois  fi  autorifëes  en  Phépîcîe ,  qu'on  voit  dans  le 
Pentateuque  ,  que  lorfque  les  Juifs  «rrcrent  dans  b 
défert ,  ils  fatfaaent  boire  d'une  eau  mêlée  avec  de 
la  cendre  à  leurs  femmes  foupçonnées  d'adultère.  L^ 
coupables  ne  manquaient  pas  ,  Ëms  doute  ,  d'en  cre- 
ver ,  mais  les  femmes  fidelles  à  leurs  maris  buvîdent 
inipunément.  Il  efi;  dit  dans  l'évan^le  de  St  Jac^es 
que  le  grand  -  prêtre  ayant  Eût  boire  de  cette  e;«i 
à  Marie  &  à  Jofeph  „  les  deux  épou3^  fc  récond* 
rltèrent. 

La  troifiéme  épreuve  était  cdle  xl'ime  barre  de  fia 
ardent,  qu'il  falait  porter  dans  la  main  Tefpace  de  neuf 
J>as.  Il  était  plus  difficile  de  tromper  dans  cette  épreu- 
ve  que  dans  les  autres  ;  auflî  je  ne  vois  perfonne  qui 
s'y  foit  foumis  dans  ces  fiéclcs  groifiers.  On  veut  fa- 
vôir  qui  de  l'égUre  grecque  ou  de  la  latine  établit 
ces  ufages  la  première.  On  voit  des  exemples  de  ces 
épreuves  à  Conftantînople  jnCpi'au  treizième  fiécle  ; 
&  Pacbimèfi  dit  qu'il  en  a  été  témoin..;  U  eft  vraifém- 


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blable  que  les  Grecs  eommoniquérenc  aux  Latins  ces 
fuperftitions  orientales. 

A  l'égard  des  loix  civiles  »  voici  ce.  qui  me  parait 
de  plus  remarquable.  Un  homme  qui  n'avait  point 
d'enfans ,  pouvait  en  adopter.  Les  époux  pouvaient 
fe  répudier  en  juftice;  &  après  le  divorce  il  leur  était 
permis  de  pafler  à  d'autres  noces.  Nous  avons  dans 
Marcuîfe  le  détail  de  ces  loix. 


Mais  ce  qui  paraîtra  peut  -  être  plus  étonnant  ,  & 
ce  qui  n'en  efl  pas  moins  vrai  »  c'eft  qu'au  livre  deu- 
xième de  ces  formules  de  Marcuîfe ,  on  trouve  que 
rien  n'était  plus  permis  ni  plus  commun  que  de  déro- 
ger à  cette  fameufe  loi  falique ,  par  laquelle  les  filles 
n'héritaient  pas.  On  amenait  fa  fille  devant  le  comte  ou 
le  commiflTaire  ,  &  on  difait  :  »  Ma  chère  fille  ,  un 
„  ufage  ancien  &  impie  ôte  parmi  nous  toute  por- 
„)  tîon  paternelle  aux  filles  ;  mais  ayant  confidéré  cette 
„  impiété  ,  j'ai  vu  que ,  comme  vous  m'avez  été  don- 
,,  nés  tous  de  DiEU  également  ,  je  dois  vous  aimer 
53  de  même  ;  ainfi ,  ma  chère  fille ,  je  veux  que  vous 
„  héritiez  par  portion  égale  avec  vos  frères  dans  tou- 
tes mes  terres  ,  &c.  '* 


» 


On  ne  cbnnaiffaît  point  chez  les  Francs ,  qui  vivaient 
fuivant  la  loi  falique  &  ripnaire ,  cette  diftindtion  de 
nobles  &  de  roturiers  ,  de  nobles  de  nom  &  d'ar- 
mes )  &  de  nobles  ab  avo ,  ou  gens  vivant  noblement. 
Il  n'y  avait  aue  deux  ordres  de  citoyens ,  les  libres 
&  les  ferfs,  a-peu-près  comme  aujourd'hui  dans  les 
empires  mahométans  &  à  la  Chine.  Le  terme  nàbiHs 
n'en  employé  qu'une  feule  fois  dans  les  capitulaires 
au  livre  cinquième  ,  pour  fignifier  les  officiers ,  les 
comtes ,  les  centeniers. 

Toutes  les  villes  d'Italie  &  de  France  étaient  gou- 
vernées félon  leur  droit  municipal.  Les  trâ)uts  qa'el 
les  payaient  au  fouveràtn ,  conûftaient  en  fodorum 


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f^ratam ,  manfionaticum ,  fouragcs,  vîvrcs ,  meubles  de 
féjour.  Les  empereurs  &  les  rois  entretinrent  longums 
leurs  cours  avec  leurs  domaines ,  &  ces  droits  payés 
en  nature  quand  ils  voyageaient.  Il  nous  refte  un  capi- 
tulaire  de  Charlemagne  concernant  fes  métairies.  Il 
entre  dans  le  plus  grand  détail.  Il  ordonne  qu'on  lui 
rende  un  compte  exadt  de  fes  troupeaux%  Un  des 
grands  biens  de  la  campagne  confiflait  en  abeilles. 
Enfin  les  plus  grandes  chofes ,  &  les  pltrs  petites  de 

5e  tems-la  nous  font  voir  des  loix ,  des  mœurs,  & 
es  ufages  dont  à  peine  11  refte  des  traces. 

CHAPITRE  VINGT-TROISIÉME. 

Louis  le  faible  ,  ou  le  débonnaire  ,  dépofé  par  fei  m- 
,    fans  &  par  des  prélats, 

L'Hiftoire  des  grands  événemens  de  ce  monde  n'eft 
guères  que  l'hiftoire  des  crimes.  Il  n'eft  point  de 
fiécle  que  l'ambition  des  féculiers  &  des  eccléfiafti- 
ques  n'ait  rempli  d'horreurs. 

A  p.eine  Charlemagne  eft-il  au  tombeau  ,  qu^une 
guerre  civile  défoie  (a  fomlUe  &  l'empire. 


Les  archevêques  de  Milan  &'de  Crémone  allument 
les  premiers  feux.  Leur  prétexte  eft  que  Bernard  y  roi 
d'Italie,  eft  le  chef  de  la  maifon  Carlovin^enne ,  le 
fils  de  l'ainé  de  Charlemagne.  On  voit  allez  la  véri- 
table raifon  'dans  cette  fureur  de  remuer  ,  &  dans 
cette  frénéfie  d'ambition ,  qui  s'autofife  toujours  des 
loix  mêmes  faites  pour  la  réprimer.  Un  évéque  d'Or- 
léans entre  dans  leurs  intrigues  ;  l'oncle  &  le  neveu 
lèvent  des  armées.  On  eft  prêt  d'en  venir  aux  mains  à 
Châldns  fur  Saône  ;  mais  le  parti  de  ^empereur  gagne 
par  argent  &  par  promefles  la  moitié  de  l'armée  d'Ita- 
»   ,He.'  On  négocie  >  c'eft-à-dire  »  on  veut  tromper.'  Le 


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toi  eiï  ailbz  imprudent  pour  veiiiV  dans  le  camp  dt( 
fpn  onde.  Lom^ ,  qu'on  a  nommé  le  dééonuairf ,  parce 
qu'il  était  fà'Me ,  &  qui  fut  cruel,  par  faiblelTe  ,  fait 
crever  les  yeux  à  fon  neveu  ,  qur  lui  demandait  grâce 
à  genoux/  Le  malheureux , roi  m^urt  dans  Içs  tour* 
inens  du  corps  &  de  refprit,  trois  jours  après  cettQ 
exécution  cruelle.  Il  fut  enterré  à  Milan ,  &  on  grava 
fur  fon  tombeau  :  Ci  gift  Bernard  de  fuinte  mémoire,' 
Il  femble  que  le  nom  de  fai^^  en  ce  tems  ^  là  ne  fut 
qu'un  titre  honorifique.  Alors  IfOuis  fait  tonçlre  & 
enfermer  dans  un  mdnaftère  trois  de  fes  &éres ,  dans 
la  crainte  qp'un  jour  le  fang  de  Cbarlemagne ,  trop 
refpedté  en  eux ,  ne  fufcîtât  dés  guerres.  Ce  ne  fut, 
pas  tout.  L'empereur  feit  arrêter  tous  les  partîfans  île 
Bernard  ^'CiMt  ce  roi  avait  rtommés  fous  Pefpoir  dé 
ft  grâce.  Ils  éprouvent  le  même  fup^lice  que  fc  roi, 
Les  eccléfiaftiques  font  exceiptés  delà  fentence.  Ott 
les  épargne  ,<ùx  qui  étaient  lés  auteurs  de  la  guerre, 
La  depolitîon  ou  l'exit  font  leur  feul  chAtiment.  Louis 
ménageait  l'églife  ;  &  Téglife  lui' fit  bientôt  ftntir 
qu'il  e^t  dû  être  mxAni  cruel  &  plus  ferme, 

•  Dés  l'an  817  Xoii/x  avait  fuivî  le  mauvais  exemple 
de  fon  père  ,  en  donnant  des  royaumes  à  -fes  enfans  ; 
&  n'ayant  ni  le  courage  d'efprît  de  fon  père ,  ni  Tau» 
torîté  que  ce  courage  donne,  il  sCexpofait  à  l'ingra- 
titude. Oncle  barbare  â;  frère  trop,  dur ,  il  fut  un 
pèr«  trop  facik.  

Ayant  aflbcié  à  l'empire  fon  fils  aîné <X(tfÂa/r^.,  don.^ 
né  rAouitâine  au  fécond  nommé  Pépin ,  la  Bavière  à 
ioirir.fôn  troifiéme  fils ,:  il  lui  r^a4t  un  jeune  enfknt 
d'une  nouvelle  frmme.  C'efft  ce  CharJes  le  chauve  <^ 
qui  fut  depuis  empereur.  Il  voulut  après  le  partage  * 
ne  pas  luiTer.  fans  états  cet  çn&ni'  d'un?  f^mme  qu'il 
aimait»    :  >• 

Une  des  fourcels  dû  mafliçur  de  Louis  le  faibk  1  Sç 
de  tant  dé  défâftres  plus  grands  qui  depuis  ont  affligé 
Effaifur  les  mœurs ,  6f  c.  Tôni.  I.  B  b 


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PEurope ,  fut  cet  abiis  ()a{  commençait  &  m|tre  4  d'ac 
corder  de  U  paiflance  dans  le  monde  à  ceux  qui  ont 
renoncé  au  monde. 

Vola  y  abbé  de  Coîbie»  fon  pirent  psr  bàtardife, 
commença  oette  fcène  mémorable.  C'était  un  hom- 
me furieux  par  zèle  ou  par  efprit  de  fâdtion ,  on  par 
tous  les  deux  enfemble,  Se  l'un  de  ces  chefs  départi 
qu'on  à  tu  fi  fouvent  faire  le  mal  en  prêchant  la 
Ycrcu ,  &  troubler  tout  par  l'eTprit  de  la  règle. 

Dans  un  parlement,  tenu  en  829  à  Aix-kt-Cha' 
pelle ,  parlement  où  étaient  entrés  les  abbes ,  parce 
<}u'ils  étaient  feigneurs  de  grandes  terres,  ce  Vak 
reproche  publiquement  i  l'empereur  tous  lesdéfor- 
dres  de  l'état  :  „  C'eft  vous  »  lui  dit^jl ,  qui  en  êtes 
,,  coupable.  ^  Il  parle  enfuite  en  particulier  à  cha- 
que membre  du  parlement  avec  plus  de  fédltion.  Il 
ofe  accufer  l'impératrice  Judith  d'adultère.  Il  veut 
prévenir  &  empêcher  les  dons  que  l'empereur  veut 
faire  à  ce  fils  qu'il  a  eu  de  l'impératrice.  Il  dés- 
honore &  trouble  la  AmiUe  royale  »  &  par  coDféqaeat 
l'état ,  fous  prétexte  du  bien  de  l'état  même. 

Enfin  l'empereur  krité  renvoyé  VaJa  dans  fon  mo- 
naftère ,  dont  il  n'e4t  jamab dûfortii;  I)  fe  refont ,  pour 
fatisfaire  fa  femme  ,  à  donner  à  fon  HiM  une  petke 
partie  de  L'Allemagne  vers  le  Rhin ,  le  pays  des  Suifles 
&  la  Franche  -Cooité. 

Si  dans  l'Europe  tes  lotx  avaient  été  fondées  fur 
la  puififance  paternelle ,  fi  les  efprtts  euflisnt  été  pêne- 
tfés  de  ia  néceffité  dn  refpeét  filial  comme  do  pre- 
mier de  tous  les  devoirs ,  ainfi  que  je  l'ai  ttmvy^t 
de  la  Chine;  les  trois  enfans  de  Fempereur ,  qui  avaient 
reçu  de  lui  des  couronnes  »  ne^e  feraient  j^int  ré- 
voltés contre  leur  père  qui  donnait  un  héritage  a 
un  enftnt  du  fécond  lit. 


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D'abord  ils  fe  plaignifent  i  auffi>  t6t  l'abbé  de  Cor. 
bie  Éc  jOHiC  à  Tabbé  de  Se»  Denis ,  plus  faâieu^  encor , 
&  qui  ayant  le^  abbayes  de  St.  Médard  ,  de  Soiâbns 
&  de  St  Germaîn-deS'Prés ,  pouvait  lever  des  trou*» 
pes ,  &  en  leva  enfuite.  Les  évéques  de  Vienne ,  de 
Lyon ,  d'Amiens,  unis  à  ces  moines ,  pouflent  les  pnnf 
ces  k  la  guerre  civile ,  en  déclarant  rebelles  à  Di^y  , 
&  à  réglife ,  ociix  qui  ne  feront  pas  de  Içur  parti,  Un 
vain  le  Sébortnaire  ^  uu  Aieu  d^aHembler  des  armées , 
convoque  quatre  conciles  y  dans  lefquels  on  fait  de 
bonnes  &  d'inudies  loix.  Ses  trois  &Is  prennent  le^ 
armes.  C'eft ,  ie  crois ,  Ja  première  fois  qu'on  a  vu 
trois  enfans  foulevés  enfemble  contre  leyr  père.  L'em-» 
pereur  ^yne  à  la  fin.  On  voit  deux  csmps  remplis 
d'évéquw,  d'abbés  &  de  moines.  Mais  du  côté  des 
princes  cft  le  pape  Griffât e  J F  dont  le  nom  donne 
un  grand  poids  à  leur  parti.  C'était  déjà  rintérêc  des 
papes  d'abaiffer  les  empereurs.  Déjà  Etienne  ^  prédé, 
cefleur  de  Ôr^o/re ,  s^était  inftallé  dans  la  chaire  pon* 
tificale  fans  l'agrément  de  louis  te  délmmiaire.  BrouîU 
kr  le  père  avec  les  enfans  »  fembhit  le  moyen  de 
s'agrandir  fur^  leurs  ruines*  Le  pape  Grégoire  vient 
donc  en  France ,  &  menace  Tempereur  de  i*excom* 
Biutder.,  Cette  cérémonie  d'excommunication  n'em^ 
portait  pas  encor  l'idée  qu'on  voulut  Jui  attacber 
depuis.  On  n'ofait  pas  prétendre  qu'un  excommunié 
dût  être  privé  de  Tes  biens  par. la  feu(e  excommunir 
cation.  M^s  on  croyait  rendre  un  homme  exécrable , 
ft  rompre  par  ce^  glaive  tovs  ks  liens  qui  peuvent 
attacher  les  hommes  i  lui^  . 

Les  évéques  du  parti  de  l'empereur  fe  fervent  d^ 
leur  droit  >  &  font  dire  eourageu&ment  au  pape  :  5% 

RXCOMMUlfICÂTURUÇ  VENIET  ,  EXCOMMUKXCA» 
TUS  ABIBIT  ?  S'il.  viffi(  fxmr  excommunier ,  il  retour^ 
nera  e»contm9iWf  Itéi-mim^.  Us  lui  écrivent  avec  fer« 
meté  ,  en  le  traitant  à  la  vérité  de  pa{^  ,  mais  cq 
Il  même  tems  de  frère.  Grégoire ,  plus  lier  encore ,  leur 
31  tS^d^  :  »  Le  téanç  4e  f r^&  ftat  trop  Pégalité  i  t^ezr 
&  ,  '         jb^j 

ggglUm  un  il  Hpai  ^      nii 


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iiyi>M  .imai!  ipi  nrj^ 


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38S  LOUISLE    FAIBLE 

iy  vous-en  à  celui  de  pape  ;  reconnaiflez  ma  fapério' 
iy  rite  :  fâchez  que  Tautorité  de  ma  chaire  eft  au-deflus 
^y  de  celle  du  trône  de  Louùi  ^^  Enfin  il  élude  dans 
cette  lettre  le  ferment  qu'il  a  fait  à  l'empereur. 

La  guerre  tourne  en  négociation.  Le  pontife  fç  rend 
arbitre.  11  va  trouver  l'empereur  dans  fon  camp.  Il 
Y  a  le  même  avantage  que  Louis  avait  eu  autrefois 
fur  Bernard.  Il  féduit  fes  troupes  ,  ou  il  fouffre  qu'el- 
les foient  ftiduites.  D  trompe  Louis ,  ou  il  eft  trompé 
lui-même  par  les  rebelles  au  nom  defquels  il  porte 
h  parole,  A  peine  le  pape  eft -il  fortî  du  camp,  que 
ta  nuit  même  la  moitié  des  troupes  impériales  pafle 
du  côté  de  Lotbaire  fon  fils.  Cette  défertî«i  arriva 
près  de  Bâle ,  fur  les  confins  de  l'Alface  ;  &ia  plaine 
où  le  pape  avait  négocié  ,  s'appelle  encore  le  cbamt 
du  nunfouge.  Nom  qui  pourait  être  commun  à  plu- 
fieurs  lieux  où  l!on  a  négocié.  Alors  le  monarque 
malheureux  fc  rend  prifonnier  à  fes  fils  rebelles ,  avec 
fa  femme  Judith ,  objet  de  leur  haine.  Il  leur  livre 
fon  fils  Charles^  âgé  de  dix  ans,  prétexte  innocent 
de  ta  guerre.  Dans  des  tems  plus  barbares,  comme 
fous  Ciovu  &  Tes  enfàns ,  ou  dans  des  pays  tels  que 
Confiantinopk  ,  je  ne  ferais  point  furpris  qu'on 
eût  fait  périr  Judith  &  fon  fils  ,  &  même  Tempereur. 
Les  vainqueurs  fe  contentèrent  de  faire  rafer  Tim- 
pératrîce ,  de  la  mettre  en  prîfon  en  Lombardie ,  dé 
renfermer  le  jeune  Charles  dans  le  couvent  de  Prum, 
au  mlHeu  de  la  fbrét  des  Ardennes ,  &  de  détrôner  leur 
père.  Il  me  femble  ,  qu'en  lifant  le  défaftre  de  ce 
père  trop,  bon ,  pn  reffent  au  moins  une  fatisfàâipn 
fqcrette ,  quand  on  voit  que  fes  fil$  ne  furent  guèfes 
moins  ingrats  envers  cet  abbé  Vola ,  le  premier  aU' 
teur  de  ces  troubles ,  &  envers  le  pape  qui  les  avait 
ti  bien  foutenus.  Le  pontiftt  retourna  à  Rome ,  mé- 
prifé  des  Vainqueurs  ,  &  Vola  fe  renferma  dans  un 
monaftère  en  Italie. 


Lothaire^  d'autant i)lus  coupable  qfu'il  était  aflbcié  ; 


SB*** 


& 


EN    léNITB  NC  E. 


389     ^' 


à  l'empire,  traîne  fori  père  prifomiier  à  C6inpiégn& 
Il  y  avait  alors  un  abus  funeftè  introduit  dans  Té- 
glife ,  i)ui  défendait  de  porter  les  armes ,  &  d'exeroer 
les  fondions  civiles  pendant  le  tçms  de  la  pénitence 
publique.  Ces  pénitences  étaient  rares ,  &  ne  tom- 
baient guères  que  fur  quelques  malheureux  de  la  lie 
du  peuple.  On  réfolut  de  faire  fubir  à  l'empereur  ce 
fupplice,  infamant  ,  fous  le  voile  d'une  humiliatioiv 
chrétienne  &  volontaire ,  &  de  lui  impofer  une  péni- 
tence perpétuelle^  qui  le  dégraderait  pour  toujours. 

Louis  eft  intimidé  :  il  a  la  lâcheté  de  condefcendre 
à  cette  propofition ,  qu'on  a  la  hardiefle  de  lui  faire. 
■Un  archevêque  de  Rheims ,  nommé  Ebèon^  tiré  de 
•la  condition  fervile  malgré  les  loix ,  élevé  à  cette 
dignité  p^r  Louis  même,  dépofe  ainfi  fon  fouverain 
&  fon  bienfaiteur.  On  fait  comparaître  le  fouverain  , 
entouré  de  trente  évéques ,  de  chanoines ,  de  moines , 
dans  Péglife  de  Notre-Dame  de  SoiiTons.  Son  fils 
Lotbaire  préfent,  y  jouît  de  Thumiliation  de  fon  père. 
On  fait  étendre  un  cilice  Rêvant  l'autel.  L'archevê- 
que ordonne  à  l'empereur  d'ôter  fon  baudrier  ,  fon 
épée ,  fon  habit  ,  &  dé  fe  profterner  fur  ce  cilice. 
Louis  ^  le  vifage  contre  terre,  demande  lui-même  la 
pénitence  publique ,  qu'il  ne  méritait  que  trop  en  s'y 
Toumettant.  L'archevêque  le  force  de  lire  à  haute 
voix  un  écrit,  dans  lequel  il  s'accufe  de  facrilège  & 
d'homicide.  Le  malheureux  lit  pofémcnt  k  lifte  de 
fes  crimes ,  parmi  lefquels  il  eil  fpécifié  qu'il  avait 
fait  marcher  fes  troupes  en  carême  ,  &  indiqué  un 
parlement  un  jeudi  faint.  On  drefTe  un  procès  verbal 
de  toute  cette  aétion  :  monument  encorfubl] fiant  d'în- 
folence  &  de  baffeffe.  Dans  ce  procès  verbal  on  ne 
daigne  pas  feulement  nommer  Louis  du  nom  d'em- 
pereur :  il, y  eft  appelle  DOMINUS  LUDOVICUS  /  nobU 
bomme ,  vénérable  bomme. 

On  tâche  toujours  d'appuyer  par  des  exemples  les 
entpeprifes^  extraordinaires.  Cette  pénitence  de  Zoi^fx     ig 

Bb   iij  ^ 

^igaa'jii  mm»im^  ■iH'A^Sa^ 


: 


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1 


IB  t  Bi 


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ait  aittontôe  par  le  ionTetrir  dHiiî  cérhriii  toi  Vifigodi 
nommé  Vumba ,  qui  Fegnait  en  Efpagne  ta  6%i.  Ç'cft 
iè  même  qui  avait  été  oint  à  {bu  couronnement  II 
devint  imbécille  &  ibtimis  à  la  pénitence  publi- 
que dans  un  eondle  de  Tolède.  Il  s'était  mis  danft 
^n  doltre.  Son  foccefleur  Hervique  avait  recon^ 
nti  qu'il  tenait  fa  Couronne  des  évé^es.  Ce  fait  était 
cité ,  comme  fi  un  exemple  pouvait  juftifier  un  atten- 
tat. On  alléguait  encore  la  pénitence  de  l'empereut 
Tbéodàfe  /  mais  elle  fut  bien  différente.  Il  avait  fait 
maflacrer  quinze  mille  citoyens  à  TheiTalonique,  non 
pas  dans  un  mouvement  de  colère ,  comme  on  lé  dit 
tous  les  jours  très  fauffement  dans  de  vains  i^négy-* 
Tiques ,  majs  après  une  longue  délAéradon.  Ce  crime 
réfléchi ,  pouvait  attirer  fur  lui  la  vengeance  des  peu» 
pies ,  qui  ne  l'avaient  pas  élu  pour  en  être  égorgés. 
^.  Ambroife  fit  une  très  belle  aâion  en  lui  refofant 
l'entrée  de  l'éJB;liCe ,  &  Tbéedûfe  en  fit  une  très  ùge 
d'appaifer  un  peu  la  haine  de  l'empire ,  en  s^abftenant 
d'entrer  dans  Téglife  pendant  l^uît  mois  ;  fiiible  & 
miCerable  fatkfiiraoa  pour  le  for&it  le  plus  horrible  ^ 
àioiït  jamais  un  fouvetain  fe  fisit  {biiillé* 

touh  fut  enfermé  un  an  dans  une  cellule  du  cou* 
Vent  de  St.  Médard  de  Soîflbns ,  vêtu  d^  fac  de  péni- 
ttnt ,  fans  domeftiqties ,  fans  confoiation  ,  mort  pour 
le  refte  du  monde.  S'il  n^avait  eu  qu^un  fils ,  il  était 
perdu  pour  toujours  ;  mais  fes  trois  enfaûs  dilputant 
Tes  dépouilles ,  lent  défunion  rendit  au  père  fa  liberté 
^  fa  couronne. 


transféré  à  St.  Deais ,  deux  de  fes  àis ,  Louis  & 
J^fiff» ,  vinrent  le  rétablir ,  &  remettre  entre  fes  bras 
fa  ftmmçA  {onBsChmnkf.  X'aiTemblée  de  Saiflons 
eft  anathématiféé  par  une.  autre  à  Ti^ipnVJUe;  mais 
il  n'en  coûta  à  l'archevêque  de  Rheims  que  la  perte 
de  fonfiége  ;  âncor  lut- il  jugé  &  dépoli  dans  U 
facriiftie  :  remperéur  l'avait  été  en  pubUc  m%  pi0ds 


m^n 


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LOV  I  s    Iil    r  A  t  IXE». 


391 


de  PaoteL   Qpdques  évéqœs  rarent  àipolét  voffu 
L^mpereor  ne  put  ou  n'ofa  les  punir  davantage» 

Bientôt  après  un  de  ces  mêmes  enfans  qui  l'avaient 
rétabli ,  Lmis  de  S^viêre ,  fe  ;^volte  encore.  Le  mal* 
heureux  père  mourut  de  chagrin  dana  une  tente  au- 
près de  Mavence ,  en  difant  :  Je  f  ordonne  à  Louis , 
fnais  qvtil  facbt  quil  nid  dxmni  la,  mort» 

Il  confirma ,  dit-oA ,  folemnellement  par  fon  tefta- 
men(  la  donaiioo  de  Pefin  &  de  Cbm-iemague  k  Vé* 
glifo  de  Rome. 

Les  mêmes  doutes  s'éUvent  fur  cette  confirmation , 
que  fur  les  dons  qu'elle  ratifie.  Il  eft  difficile  de  croire 
que  Cbariemague  &  (on  fils  ayent  donné  aux  papes  ^ 
Venife  >  la  Sicile ,  la  Sardaigne  t  &  la  Corfe ,  ^ys  fur  ' 
lefquelt  ib  n'avaient  tout  au  plus  que  la  prétention 
difputée  du  domaine  fupréme.  £t  dans  quet  tems 
Louis  eût*.il  donné  la  Sicile  qui  appartenait  aux  em» 
pereurs  Grecs ,  &  qui  éuit  infeftée  par  les  defcentes 
continuelles  des  Arabes  ? 


î 


i 


CHAPITRE  VINGt-aUATRIÉME. 

Etat  de  PEurope  après  la  mort  de  LotïK  ie  dêbow- 
noire  y  ou  le  faible.  V Allemagne  pour  té&jours  Jef  a- 
rie  de^T empire  Franc  ou  Frangais. 

Après  la  mort  du  fils  de  Cbartemagne,  fon  em- 
pire éprouva  ce  qui  était  arrivé  à  celui  A^Alexan' 
are  y  &  que  nous  verrons  bientôt  être  la  deftînée  de 
celui  des  califes.  Fondé  avec  précipitation,  il  s'écroula 
de  même  :  les  guerres  inteftines  le  divifèrent. 

Il  n'eft  pas  furpr^ant  que  des  princes  qui  avaient 
détrôné  4ettr  pèw,ib  foJent  voiriu  exterminer  l'un 


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§ 


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$92  Etat  d£  l'Euhope  après  la  koRT 

■  ■    '  I   "  ,  K  i     II 

Tautre;  G'éUit  à.  qui  dépouillerait  foh  ftère/  Lotbairt 
empereur  ^  roulait  tout.  Charles  le  chauve  ^  roi  At 
France ,  &  Louis ,  roi  de  Bavière  ,  s'uniitent  contre 
lui.  Un  fils  de  Pépin ,  ce  roi  d'Aqditâine  iits  du  Débon- 
naire^ &  devenu  roi  apfès  la  mort  de  foft  pcre,  fé 
joink  à  Lotbâtire.  Ils  défolent  Tcmpire  ;  ils  l'épuifent 
de  foldats.  Enfin ,  deux  rois  éontre*  deux  rois  ^  dont 
trois  font  frères ,  Se  dont  l'autre  cft  leur  neveu ,  fe 
livrent  une  bataille  à  Fontenai  dans  TAuxerrois  ,'  dont 
l'horreur  eft  di^ne  des  guerres  civile».  Plufîeurs  au- 
teurs aflurent  qu'il  y  périt  cent  mille  hommes.  Il  eft 
vrai  que  ces  auteurs  ne  font  pas  contemporains  «  & 
que  du  moins  il  eft  permis  de  douter  que  tant  de 
fang  ait  été  répandu^  L'empereur  Lotbaire  fut  vaincu. 
Cette  bataille  ,  comme  tant  d'autres ,  ne  décida  de 
rieui  II  faut  obferver  feulement  que  les  évéques  qui 
avaient  combattu  dans- l'armée  de  CbarUs  &  de  Louis ^ 
firent  jeûner  leurs  troupes  &  prier  D  I  E  U  pour  les 
morts t&  qu'il  eût  été  plus  chrétien  de  ne  les  point 
tuer  que  de  prier  pour  eux.  Lotbaire  donna  alors  au  ' 
monde  l'exemple  d'une  politique  toute-  contraire  à 
celle  de  Cbarlemagne* 


I 


'Le  vainqueur  AtS  Saxons  *  les  avait  âffojettîs  au 
chriftianifme  comme  à  un  frein  néceflaire.  Quelques 
révoltes .  &  de  fréquens  retours  i  leur  culte ,  avaipnt 
hiarqué  leur  horreur  pour  une  religion  qu'ils  regar- 
.dàient  comme  leur  châtiment.  Lotbaire ,  pour  fe  les 
jBttacher ,  leur  donne  une  liberté  entière  de  confcience. 
La  ihoitié  du  pays  redevint  idolâtre  >  mais  fidelle  à 
fon  roi.  Cette  conduite  &  celle  de  Cbarlemagne  (on 
grand-père ,  firent  voir  aux  hommes  combien  diver- 
sement les  princes  plient  la  religion  à  leurs  intérêts. 
Ces  intérêts  font  toujours  la  deftinée  de  la  terre. 
tJn  Franc ,  un  Salîen  avait  fondé  le  royaume  de  Fran- 
ce ;  un  fi  Is  du  maire ,  ou  majordAme  Pépin  ^  avait  fondé 
rctnpire  Franc.  Trois  frères  le  divifent  à  jamais.  Ces 
trois  enfans  dénaturés ,  Lotbai^ ,  Loms  de  Bavière 
&  Charles  le  chauve  \  après  av(m  verfé  taot  de  fang 


^flaSTii  wiaafciiii 


e  lang    || 


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iÇSKitfiBpfieMHMpai 

DB  L.QUIS  LE;  DÉBONNAIRE.   39} 

à  Fontehai  ^  défflcmbfent  enfiil  Feitapire  de  Char  le* 
magne  par  la  fameufe  paix  de  Verdun»  Cbaries  11^ 
.futnàmmé  le  chauve^  eut  la  France  ;  Lotbaire  Tltalie, 
la  Provence  ,  le  Oauphiné  ,.Ie  Languedoc  »  la  SuilTe, 
la  Lorraine ,  TAlface ,  la  Flandre  ;  Louis  de  Bavière  , 
ou  ie  Germanique ,  eut  TAUemagne. 

C'eft  àcetteëpoque  que  les  favans  dans  PhUlolre, 
commencent  à  donner  le  nom  de  Français  aux  Francs; 
c'eft  alors  que  TAllemagne  a  fes  loix  particulières  ; 
c'eft  l'origine  de  fon  droit  puMic ,  &  en  même  tems 
l'origine  de  la  haine  entre  les  Français  &  les  Alle*- 
mands.  Chacun  des  trois  frères  fut  troublé  dans  (pn 
partage  »  par  des  querelles  ecclèfiaftiques ,  autant  que 
par  les  divîfions  qui  arrivent  toujours  entre  des  en« 
nemis  qui  ont  fait  la  paix  malgré  eux. 

C*eft  au  milieu  de  ces  difcordes  que  Cbariet  ie 
vbauve ,  premier  roi  de  la  feule  France ,  &  ipuis  h 
Germanique  premier  roi  de  la  feule  Allemagne^  af- 
femblèrent  un  concile  à  Aix-la-Chapelle  contre  £o- 
tbaire\  &  ce  Lotbahre^&lt  premier  empereur  Franc 
privé  de  l'Allemagne  &  de  la  France. 

Les  prélats  d'un  comi^un  accord ,  déclarèrent  Zo- 
tbaire  ài^AiM  de  fon  droit  à  la  couronne ,  &.fes  fu« 
jets  déliés  du  ferment  de,  fidélité  :  Promettez-vous  de 
mieux  gouverner  que  /m  ?  difent^ils  aux  deux  frères 
Charles  &  Louis  :  Nous  le  promettons  ,  répondirent 
les  deux  rois  :  Et  nous ,  dit  l'évéque  qui  préfîdait  » 
nous  vous  permettons  par  F  autorité  divine ,  ç^f  nous 
vous  commandons  de  régner  à  fa  place.  Ceconunan* 
dément  ridicule  n'eut  alors  aucune  fuite. 

En  voyant  les  évéques  .donner  atnfi  les  couronnes» 
on  fe  tromperait  fi  on  croyait  qu'ils  fuflent  alors  tels 
que  des  électeurs  de  l'empire.  Ils  étalent  puifTans  à 
la  vérité  ,  mais  aucun  n'était  fouveratn.  L'autorité 
de  leur  caraékère  &.le  refpe<^  des  peuples  étaient 


S^Ofm^ 


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I9t4  Etat  de  l'Europe  avrés  la  mort 


•1 


des  inftnnncni  dont  les  rois  fe  fermaient  à  leur  gré. 
II  y  ivaic  dans  ces  eecléfiafUqoes  bien  plus  de  fai- 
bieite  que  de  grandeur  ,  k  décider  ainti  du  droit  deS' 
fois  foivant  les  ordres  du  plus  fort. 

On  ne  doit  pas  être  furpris,  que  quelques  années 
après  un  archevêque  de  Sens ,  avec  vingt  autres  évé- 
ques ,  ait  ofé  dans  des  tonjonâures  pareilles  ,  dé* 
pofer  Charles  h  chauve  ,^  toi  de  France»  Cet  attentat 
fut  commit  pour  olalre  à  ÎA>uis  de  Bavière.  Ces  ino* 
narques ,  aulli  médians  rois  que  frères  dénaturés ,  ne 
pouvant  fe  faire  périr  Tun  1  autre,  fe  Biifaient  ana« 
thematifer  tour-à-tour.  Mais  ce  qui  furprend  ,  c>ft 
l'aveu  que  fait  Charles  le  chauve  dans  un  écrit  qu'il 
daigna  publier  contre  Parchevéque  de  Sens  :  Au  mins 
cet  archevêque,  ne  devait  pas  me  dépofer  avant  (pu 
feuffe  comparu  devant  les  iviques  qui  m^ avaient  facrt 
rois  il/alait  qu* auparavant feuffe  jubi  leur  jugemtmi^ 
ayant  toujours  été  prêt  à  me  foumettre  à  leurs  corrH» 
fions  paternelles  &  à  leur  châtiment.  La  race  de 
Charlemagne ,  réduite  à  parler  ainfi ,  marchait  Yilibl^ 
ment  à  fa  ruine. 

Je  reviens  à  Lotbaire ,  qui  avait  toujours  un  grand 
parti  en  Germanie ,  &  qui  était  maître  paifible  en 
Italie.  Il  paife  les  Alpes  ,  fait  couronner  fou  fils 
Louis  9  qui  vient  juger  dans  Rome  le  pape  Serons 
IL  Le  pontife  comparait  >  répond  juridiquement  aux 
accufations  d*un  évéque  de  Metz ,  fe  juftifie ,  &  prête 
enfuîce  ferment  de  fidélité  à  ce  même  Lotbaire  dépofe 
par  fes  évéques.  Lotbaire  même  fit  cette  célèbre  &  inu- 
tile ordonnance,  que  pour  éviter  les  féditions  tropftc- 
cjuentes ,  le  pape  ne  fera  plus  élu  par  le  peuple  y  &  que 
Ton  avertira  Tempereur  de  la  vacance  du  St.  Siège. 

On  s'étonne  de  voir  l'empereur  tantôt  fi  humble» 
&  tantêt  fi  fier  ;  mais  il  avait  une  armée  auprès  de 
Ifome  quand  le  pape  lui  jura  obéiflance  9  ^  "*^  J 


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DS  LOVIS  X.B  D^BONSTÂtRe.   39IÇ 

"•"— ^ — '-^ '         '         '       .1.     ■.   .     .      ......  ...  .      . 

avait  ppintl  Aix>»la«ChsipeU«  quand  les  évéques  I9 
détrônèrent 

Leur  fentence  ne  fat  qu'un  fcandale  de  p1u8  ajouté 
aux  défolations  de  l'Europe.  Les  provinces  depuis 
les  Alpes  au  Rbln  ne  Taraient  plus  à  qui  elles  de- 
vaient obéïr.  Les  villes  changeaient  chaque  jour  de 
tyrans  ^  les  campagnes  étaient  ravagées  tour^-touf  paAr 
différons  partis.  Qn  n'entendait  parler  que  de  com- 
bats ;  &  dans  ces  combats  il  y  avait  toàjours  des 
moines ,  des  abbés  ,  des  évéques  qui  périflTaient  les 
armes  à  la  main.  Hugues  un  des  fils  de  Cbarltnta^ 
gne  y  forcé  jadis  à  être  moine ,  devenu  depuis  abbé 
(  de  St.  Quentin  ,  fut  tué  devant  Touloufe  avec  f'abbé 
de  Ferrière  :  deux  évéques  y  fureçt  faits  prifonniers. 

Cet  incendie  s'arrêta  un  moment  ^  pouf  recommen» 

cer  avec  fureur.    Les  trois  frères  ,  Lotbaircy  Cbéign^  '. 

les  &  Louis  y  firent  de  nouveaux  partages  ,  qui  ne  S 

furent  que  de  nouveaux  fujets  de  divifions  &  de  guerre  «  ^ 

L'empereur  Lotbaire ,  après  avoir  bouleverfé  1*E»- 
rope  fans  fuccès  &  fans  gloire  ,  fe  fentanc  alE^ibli , 
vint  fe  faire  moine  dans  l'abbaye  de  Prum.  Il  ne 
vécut  dans  le  froc  que  fix  jours  ^  &  mourut  imbéciile 
après  avoir  régné  en  tyran* 

À  la  mort  de  ce  troifiéme  empereur  d'Occident ,  |l 
s^éleva  de  nouveaux  royaumes  en  Europe  ,  comme 
des  monceaux  de  terre  après  les  fiscouiles  d'un  grand 
tremblements 


tïn  autre  Lotbaire  ,  fils  de  cet  cmperçût ,  donna 
le  nom  de  Lotbarmge  à  une  affez  grandç  étendue 
de  pays  ,  nommé  depuis  par  contradion  Lorraine , 
entre  le  Rhin  ,  l'Efcaut ,  la  Mcufe  &  la  mer.  Le  Bra- 
bant  fut  appelle  la  bajft  Lorraine  ,•  le  relie  fut  connu 

Jfous  le  nom  de  îa,beuite%  Aujourd'hui  dç  cette  haute 
iforraine  il  ne  tefte  qtfune  petite  province  de  ce 

^^AW wU)U*'Ha     I  ' 'ij,fj»i&'i>i 


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il 


396  Etat  db  l'Europe  APaàs  la  mqat 

nom  »  enfgloutie  depuiâ  peu  dans  le  royaome  de 
France. 

Un  fécond  fils  de  l'empereur  Latbaire  ,  nommé 
Charles ,  eut  la  Savoie ,  le  Dauphiné  ,  une  partie  du 
Lyonnois  ,  de  la  Provence  &  du  Languedoc.  Cet  état 
compofa  le  royaume  d'Arles ,  du  nom  dei^a  capitale^ 
ville  autrefois  opulente  &  embellie  par  les  Romains , 
mais  alors  petite ,  pauvre ,  ainfi  que  toutes  les  villes 
en-de<;à  des  Alpes. 

Un  barbare  ,  qu'on  nomme  Saîomon ,  fe  fit  bientôt 
après  roi  de  la  Bretagne  ,  dont  une  partie  était  encor 
payenne  ;  mais  tous  ces  royaumes  tombèrent  prefque 
aufli  promptement  qu'ils  furent  élevés.  .  . 

Le  fantôme  d'empire  Romain  fubfiftait  Lotds ,  fé- 
cond fils  de  Lotbaire ,  qui  avait  eu  en  partage  une 
partie  de  l'Italie  ,  fut  proclamé  empereur  par  Févc- 
que  de  Rome  Sergms  11^  en  8SS*  ^  ne  réfidait  point 
à  Rome  ;  il  ne  poffédait  pas  la  neuvième  partie  de 
l'empire  dé  Cbarlemagne ,  &  n'avait  en  ItaÛe  qu'une 
autorité  conteftée  par  les  papes  &  par  les  ducs  de 
Bénévent  »  qui  pofledaient  dors  un  état  con&dérable. 

Après  fa  mort ,  arrivée  en  875  ,  fi  la  loi  fallque  avait 
été  en  vigueur  dans  la  maifon  de  Cbarlemagne  ,  c'é- 
tait* à  l'ainé  de  la  maifon  qu'appartenait  l'empire. 
Louis  de  Germanie  aine  de  la  maifon  de  Cbarlema- 
gne ^  devait  fuccéder  à  fun  neveu  mort  faas  enBms; 
mais  des  troupes  &  de  l'argent  4rent  les  droits  de 
Cbarles  le  cbauve.  Il  ferma  les  paiTages  des  Alpes  à 
fon  frère,  &  fe  hàu  d'aller -à  Rome  avec  quelques 
troupes.  Reginus ,  les  annales  de  Metz  &  de  Fulde , 
aflTurent  qu'il  acheta  l'empire  du  pape  Jea»  VIIL  Le 
pape  non-feulement  fe  fit  payer,  mais  profitant  de 
la  conjonâure ,  il  donna  l'empire  en  fou  verain ,  & 
Cbarles  le  reçut  en  vaflal ,  proteftant  qu'il  le  tenait 
du  pape  ,  ainfi  qu'il   avait  protellé  auparavant  en 


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DE  Louis  le  débonkâire.  397   1  ! 


France  en  8S9)  qu'il  deviit  fubir  le  jugement  des 
évéques  ,  laiiTant  toujours  avilir  fa  dignité  pour  en 
jouir. 

Sous  lui  l'empire  Romain  était  donc  eomporé  de  la 
France  &  de  iltalie.  On  dit  qu'il  mourut  empoifonné 
par  ion  médecin ,  un  Juif  nommé  Si.décias  ;  mais  per- 
fpnne  n'a  jamais  dit  par  quelle  raifon  ce  médecin 
commit  ce  crime.  Que  pouvait-il  gagner  en  empoifon-' 
nant  fon  maître  ?  Auprès  de  qui  eût-il  trouvé  une  plus 
belle  fortune^  Aucun  auteur  ne  parle  du  Tupplice  de 
ce  médecin.  Il  faut  donc  douter  de  Tempoifonnement, 
&  faire  réflexipn  feulement  que  l'Europe  chrétienne 
était  fi  ignorante  ,  que  les  rois  étaient  obligés  de 
chercher  pour  leurs  médecins  des  Juifs  &  des  Arabes. 

On  voulait  toujours  faifir  cette  ombre  d'empire  Ro- 
main ;  &  Louis  le  bègue  ,  roi  de  France ,  iils  de  Char- 
les le  chauve ,  le  difputait  aux  autres  defcendans  de 
Chcarlemagne  i  c'était  toujours  au  pape  qu'on  le  de- 
mandait. Un  duc  de  Spolette ,  un  marquis  de  Tof- 
cane ,  inveftis  de  ces  états  par  Charles  le  chauve ,  fe 
iàifîrent  du  pape  Jean  VIII  ^  &  pillèrent  une  partie  de 
Rome  ,  pour  le  forcer ,  difaient-ils ,  à  donner  l'empire 
au  roi  de  Bavière ,  Carloman ,  l'ainé  de  la  race  de  Char- 
lemagne.  Non -feulement  le  pape  J^po//  F/// était  ainfi 
perfécuté  dans  Rome  par  des  Italiens  5  mais  il  venait 
en  877  de  payer  vingt -cinq  mille  livres  pefant  d'ar- 
gent aux  mahométans  ,  pofTeiTeurs  de  la  Sicile  &  da 
Garillan  ;  c'était  l'argent  dont  Charles  le  chauve  avait 
acheté  Pemprre.  Il  paifa  bientôt  ,des  mains  du  pape 
en  celles  des  Sarrazins  ;  &  le  pape  même  s'obligea 
par  un  traité  autentique ,  à  leur  en  payer  autant  tous 
les  ans. 

Cependant  ce  pontife  ,  tributaire  des  mufulmans  & 
prifonnier  dans  Rome  ,  s'échappe ,  s'embarque ,  pafle 
en  France.  Il  vient  facrer  empereur  Louis  le  bègue 
dans  la  ville  deTroycs ,  à  l'exemple  de  Léon  III ,  d'v^r 


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39g     ]STATDBL'ETJB.OPB,&a 


I     àrim  Se  d'EiieH?9e  III  j^erfécutés  chez  eux  >  &  don<> 
nant  ailleurs  des.CQuronnes. 

Sous  Cbarlês  le  gros ,  empereur  &  roî  de  France ,  la 
d^oladon  de  rSurûpê  redoubla.  Plus  le  fang  de  C64r. 
Umagm  s'éloignait  de  fa  fource  ,  &  plus  il  dégénérait' 
Charles  le  gros  fut  déclaré  incapable  de  régner ,  par 
une  afTemblée  de  feigneurs  Français  â:  Allemands  ^ 
qui  le  dépofcrent  auprès  de  Mayent:e  dans  une  diète 
convoquée  par  lui-même.  Ce  ne  font  point  loi  dçs  évè- 
ques ,  qui  en  fervant  It  paffion  d'un  prince ,  femblent 
difpofer  d'une  couronne  ;  ce  furent  les  principaux  fei- 
gneurs ,  qui  crurent  avoir  le  droit  de  nommer  celai  qui 
devait  les  gouverner ,  &  combattre  à  leur  tête.  On 
dit  que  le  cerveau  de  Charles  le  gros  était  afiFÎEiibli*  11  le 
fut  toujours  fans  douce ,  puifqu'il  fe  mit  au  point  d'ê- 
tre détrôné  fans  réfiftançe  ,  de  perdre  à  la  fois  l'Alle- 
magne i  la  France  &  Tltalie ,  &  de  Vavoir  enfin  pour 
fubfiftance  que  la  charité  de  Tarchevéque  de  Mayence, 
qui  daigna  le  nourrir.  Il  parait  bien  qu'alors  l'ordre  de 
la  fuccefficm  était  compté  pour  rien  ,  puifqu'^^nvoid^ , 
bâtard  de  Carloma» ,  £ls  de  Louis  le  bègue ,  fut  déclaré 
empereur ,  &  qu'Eudes  ou  Odon ,  comte  de  Paris ,  fut 
roi  de  France.  Il  n'y  avait  alors  ni  droit  de  nailTance  ^ 
ni  droit  d'éleétion  reconnu.  L'Europe  était  un  chaos 
dans  lequel  le  plus  fort  s'élevait  fur  les  ruines  du  plus 
fkible  «  pour  être  enfuite  précipité  par  d'autres.  Toute 
cette  hiiloire  n*eft  que  celle  de  quelques  capitaine» 
J^rbares  qui  difputaient  avec  des  évêques  la  domina- 
tion  fur  des  ferf^  imbéciiles.  U  manquait  atix  homme» 
deux  choffss  nécelTaires  pour  fe  fouftraire  à  tant  d'hor- 
reurs ,  la  raifoa  &  le  courage. 


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D   B  s    N  O  R  M  A  N  fi  fi,  &6.      3^     S 


CHAPITRE  VINGT-CINQ.UIÉME. 
Des  Normands  vers  U  nemviimijiicle, 

TOut  ëunt  divifô  ,  tout  était  malheureux  &  fiible. 
Cette  confî/fion  ouvrit  un  ptlTage  t^ix  peuples  de 
k  Scandinavie  &  aux  habicanf  des  bords  de  la  mer  BaU 
tique.  Ces  fauvages ,  trop  nombreux ,  n'ayant  à  culti^ 
ver  que  des  terres  ingratet ,  manquans  de  manufaétu* 
res  ,  &  privés  des  arts ,  ne  cherchaient  qu'à  fe  répan^ 
dre  loin  de  leur  pati^ie»  Le  brigandage  &  la  piraterie 
leur  étaient  li^eflaires)  comme  U  carnage  aux  bétet 
féroces.  En  Allemagne  on  les  appellait  Normandie 
tommes  du  Vor.d ,  lans  diilinétion ,  comme  nous  difons 
encore  9Ti  général  les  corfaires  de  Barbarie,  Dès  le 

Suatriénne  fiecle  ilsfe  mêlèrent  aux  âûts  des  autres  bar^ 
ares  ,  gui  portèrent  la  défolation  jufqu'à  Rome  à  en 
Afrique.  On  a  vu  que  rcfferrés  fous  Cbarlemagne ,  ils 
Craignirent  Tefclavage.  Dès  le  tems  de  Louis  le  dibofu 
heure  ils  commencèrent  leurs  courfes.  Les  forêts  dont 
Ces  pays  étaient  hérilTés ,  leur  fourniraient  aflez  de 
bois  pour  conilruire  leurs  barques  à  deux  voiles  &  à 
rames.  Environ  cent  hommes  tenaient  dans  ces  bâd- 
mens  ,  avec  leurs  provifious  de  bière  y  de  bifcuit  de 
mer ,  de  fromage ,  &  de  viande  ftimée.  Ils  côtoyaient 
Its  terres ,  defcendaient  où  ils  ne  trouvaient  point  de 
réfiftance ,  <&  retournaient  chez  eux  avec  leur  butin  ^ 
qu'ils  partageaient  enfuite  félon  les  loix  du  brigan. 
dage  ,  ainfi  qu'il  fe  pratique  en  Barbarie.  Dc^  l'an  S41 
ils  entrèrent  en  France  par  rtmbouchure  de  la  rivière 
de  Seine  ,  &  mirent  la  ville  de  Rouen  au  pilhge.  Une 
autre  flotte  entra  par  la  Loire ,  &  dévafta  tout  jufqu'en 
iTouraine.  Ils  emmenaient  en  efclavage  les  hommes  ; 
ils  partageaient  entr'eux  les  femmes  6^  les  filles  ,  pre- 
nant jufqu'aux  enfàns  pour  les  élever  dans  leur  métier 
de  pirates.  Les  befliaux ,  les  meubles ,  tout  était  em- 
porté. Hâ  vendaleût  ^quelquefois  fur  ufie  côte  ce  qu'ils 


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avaient  pillé  fur  une  autres  Leurs  premiers  gains  exci- 
tèrent la  cupidité  de  leurs  compatriotes  indigens.  Les 
habitans  des  côtes  germaniques  &  gauloifes  fe  joigni- 
rent à  eux ,  ainfi  que  tant  de  renégats  de  Provence  & 
de  Sicile  ont  fervi  fur  les  vaHTeaux  d'Alger.    . 

En  844  ils  couvrirent  la  mer  de  vaiiTeaux.  On  let 
vit  defcendre  prefqu'à  laibis  en  Angleterre ,  en  France 
&  en  Ëfpagne.  H  faut  que  le  gouvernement  des^Fran-» 
(^ais  &  des  Anglais  fût  moins  bon  que  celui  des  mat 
homécans  ,  qui  régnaient,  en  Efpagne  ',  car  il  n'y  eut 
nulle  mefure  prife  par  les  Français  ni  par  les  Anglais, 
pour  empêcher  ces  irruptions  i  mais  en  Efpagne  les 
Arabes  gardèrent  leurs  qkes,  &  repoufîçr^ât  enfia 
les  pirates,  .  , 

,  En  84c  les  Normands  pillèrent  Hambourg ,  &  péné» 
trèrent  avant  dans  TAllemagne.  Ce  n'était  plus  alors 
un  ramas  de  corfaires  fana  ordre  :  c'était  une  flotte 
de  fix  cent  bateaux  ,  qui  portait  une  armée  formi- 
dable. Un  roi  de  Dannemarck ,  nommé  £r/V,  était  ï 
leur  tête.  Il  gagna  deux  batailles  avant  de  fe  rem- 
barquer. Ce  roi  des  pirates  ,' après  être  retourné  chez 
lui  avec  les  dépouilles  allemandes  ,  envoyé  çn  France 
un  des  chefs  des  corfaires ,  à  qui  les  hiftoires  donnent 
le  nom  de  Régnier.  Jl  remonte  la  Seine  avec  cent 
vingt  voiles,  n  n'y  a  point  d'apparçnce  que  ces  cent 
vingt  voiles  portaffent  dix  mille  hommes.  Cependant, 
avec  un  nombre  probablement  inférieur,  ilpîlle  Rouen 
une  féconde  fois  ,  &  vient  jufqu'à  Paris,  Dans  de 
pareilles  invafions ,  quai\i  la  faiblefle  du  gouverne- 
ment n'a  pourvu  à  rien ,  la  terreur  du  peuple  aug- 
mente le  péril ,  &  le  plus  grand  nombrç  fuît  devant 
le  plus  petit.  Les  Parificns ,  qui  fe  défendirent  dans 
d'autres  tems  avec  tant  de  courage  ,  abandonnèrent 
alors  leur  ville  ;  &  les  Normands  n'y  trouvèrent  que  des 
ipaifons  de  bois ,  qu'ils  brûlèrent;  ]Lç. malheureux  roi, 
Charles  le  chauve  ,  retranché  à  St.  Denis  avec  peu  de 
troupes,,  au-lieu  de  ^'oppofer  à  ces  barbares ,  acheta 

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YBRS  LE  VBUTléME  SIÉOLE.  4OI 

de  quatprze  mille  marcs  d'argent  la  retraite  qu'ils 
daignèrent  faire.  Il  e^  croyable  que  ces  marcs  étaient 
ce  qu'on  a  appelle  longtems  des  marqyes ,  marcas ,  qui 
valaient  environ  un  de  nos  demi-écus.  On  eft  indi- 
gné quand  on  lit  dans  nos  auteurs  que  plufieurs  de 
ces  {barbares  furent  punis  de  mort  Gubite  pour  avoir 
pillé  réglife  de  St.  Germain  -  des  -  Prés.  Ni  les  peu? 
pies ,  n^i  leurs  faints  ne  fe  défendirent  ;  mais  les  vaincus 
fe  donnent  toujours  la  honceufe  confolation  de  fuppo- 
fer  des  miracjies  opérés  contre  lieurs  vainquçurs, 


Charles  le  chauve ,  en  achetant  ainfî  la  paiK ,  ne 
faifait  que  donner  à  ces  pirates  de  nouveaux  moyens 
de  faire  la  guerre ,  &  s'ôter  celui  de  la  foutenir.  Le? 
NoriTiands  fe  fervirent  de  cet  argent  pour  aller  affiégep 
Bordeaux ,  qu'ils  pillèrent  Four  comble  d'hutiifliation 
&  d'horreur,  un  defcendant  de  Charlentagne ^  Pépin ^ 
roi  d'Aquitaine ,  n'ayant  pu  leur  réfifter ,  s'unit  avec 
eux  ;  &  alors  la  France  vers  Tan  BsS  fut  entièrement 
ravagée.  Les  Normands  ^  fortifiés  de  tout  ce  qui  fe 
joignait  à  eux ,  défolèrent  longtems  l'Allemagne  ,  h 
Flandre,  TAngleterre.  Nous  avons  vu  depuis  peu  des 
armées  de  cent  mille  hommes  pouvoir  k  peine  prendre 
deux  villes  après  des  victoires  fignalées  ;  tant  l'art 
de  fortifier  les  places  &  de  préparer  de^  reiTources  a 
jçté  perfectionné  ;  mais  alors  diss  barbares ,  combattant 
d'autres  barbares  d^unis ,  ne  trouvaient  ,  après  le 
premier  fuccès,  prelque  rien  qui  arrêtât  leurs  cour- 
fes.  Vaincus  quelquefpis  ,  ils  reparai ffaient  avec  de 
nojjveljes  forces, 

»;; 
Godefroy ,  prince  de  Dantiemarcic ,  à  qui  Charlsf  k 
gros  céda  enfin  une  partie  de  la  Hollande  en  88^  '1 
pénètre  de  h  Hollande  en  Flandre  ;  fes  Normand? 
paffeht  de  la  Somme  ^  TOife  fans  réfiftance ,  pren- 
nent &  brûlent  Fontoife ,  &  arrivent  par  eaii  &  par 
terre  devant  Paris, 


^        Efaîfur  les  mœurs  ^  ^c.  Tom.  I, 


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402 


Des    Noumands 


Les  Parifiens  ,  qui  s'attendaient  alors  à  l'irruption 
des  barbares  ,  n'abandonnèrent  point  la  ville ,  com- 
me autrefois.  Le  comte  de  Paris,  Odon  ou  Eudes  y 
que  fa  valeur  éleva  depuis  fur  le  trône  de  France, 
mit  dans  la  ville  un  ordre  qui  anima  les  courages, 
&  qui  leur  tint  lieu  de  tours  &  de  remparts. 

Sigefroy ,  chef  des  Normands ,  prefla  le  fiége  avec 
une  fureur  opiniâtre',  mais  non  deftituée  d'art.  Les 
Normands  fe  fervirent  du  bélier  pour  battre  les  murs. 
Cette  invention  eft  prefque  auffi  ancienne  que  celle 
des  murailles  ;  car  les  hommes  font  aufli  induftneux 
pour  détruire  que  pour,  édifier.  Je  ne  m'écarterai  ici 
qu'un  moment  de  mon  fujet  pour  obferver  que  le  che- 
val de  Troye  n'était  précifémcnt  que  la  même  ma- 
chine >  laquelle  on  armait  d'une  tête  de  cheval  de 
métal,  comme  on  y  mit  depuis  une  tête  de  bélier, 
&  c'eft  ce  que  Paufanias  nous  apprend  dans  fa  def- 
crîption  de  la  Grèce.  Ils  firent  brèche  ,  &  donnè- 
îrent  trois  affaûts.  Les  Parifiens  les  foutinrent  avec 
un  courage  Inébranlable.  Us  avaient  à  leur  tête  non- 
feulement  le  comte  Eudes  ,  mais  encor  leur  évéque 
Goslin ,  qui  chaque  jour  ,  après  avoir  donné  la  béné- 
didîon  à  fon  peuple  ,  fc  mettait  fur  la  brèche  ,  le 
cafque  en  tête  ,  un  carquois  fur  le  dos ,  &  une  hache 
à  fa  ceinture  ;  &  ayant  planté  la  croix  fur  le  rem- 
part ,  combattait  à  fa  vue.  Il  parait  que  cet  évéque 
avait  dans  la  ville  autant  d'autorité  pour  le  moins 
*^que  le  comte  Eudes ,  puifque  ce  fut  à  lui  que  Sige- 
fi^oy  s'était  d'abord  adrefle ,  pour  entrer  par  fa  per- 
mifTion  dans  Paris.  Ce  prélat  mourut  de  fes  fatigues 
au  milieu  du  fiége ,  laiflant  une  mémoire  refpedtable 
iS:  chère  ;  car  s'il  arma  des  mains  qjuie  la  religion  ré- 
servait feulement  au  miniitère  de  l'autel ,  il  les  arma 
fbur  cet  autel  même  &  pour  fes  citoyens  ,  dans  la 
«aufç  la  plus  juilq ,  &  pour  la  défeufe  la  plus  nécef- 
faire^  première  loi  natureUe,  qui  eft  toujours  au-deffus 
des  loix  de  convention.  Ses  confrères  ne  s'étaient 
armés  que  dans  des  guerres  civiles  &  contre  des  chré- 


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VERS  LE  NEUVIÈME   SiéCLE.  403      il 

tiens.  Peut-étse  fi  Tapothéofe  eft  doe  à  quelques  hom* 
mes ,  eût -il  mieux  valu  mettre  dans  le  ciel  ce  prélat 
qui  combattit  &  mourut  pour  fon  pays  ,  que  tant 
d'hommes  obfcurs ,  dont  la  vertu ,  s'ils  en  on(  eu , 
à  été  pour  le  moins  inutile  au  monde. 

Les  Normands  tinrent  la  ville  alliégée  une  année 
&  demie  :  les  parifiens  éprouvèrent  toutes  les  horreurs 
qu'entraînent  dans  un  long  ficge  la  famine  &  la  copta- 
gion  qui  en  font  les  fuites ,  &  ne  furent  point  ébran* 
lés.  Au  bout  de  ce  tems ,  l'empereur  Charles  le  gros, 
roi  de  France  «  parut  enfin  à  leur  fecours  fur  le  mont 
de  Mars  ,  qu'on  appelle  aujourd'hui  Montmartre  1 
mais  il  n'ofa  pas  attaquer  les  Normands:  il  ne  vint 
que  pour  acheter  ençor  une  trêve  honteufe.  Ces  bar- 
bares quittèrent  Paris  pour  aller  afliéger  Sens  &  piller 
la  Bourgogne ,  tandis  que  Charles  alla  dans  Mayence 
aflembler  ce  parlement  qui  lui  ôta  un  trône  dont  il 
était  fi  indigne. 

Les  Normands  continuèrent  leurs  dévaftations  ;  mais 
quoiqu'ennemis  du  nom  chrétien ,  il  ne  leur  vint  ja- 
mais en  penfée  de  forcer  perfonne  à  renoncer  au  chrit 
tianifme.  Us  étaient  à -peu -près  tels  que  les  Francs, 
les  Goths ,  les  ATains  ,  les  Huns  ,  les  Hérules  ,  qui  » 
en  cherchant  au  cinquième  fiécle  de  nouvelles  ter» 
res  ,  loin  d'impofer  une  religion  aux  Romains  ,  s'ac* 
commodèrent  aifément  de  la  leur  ;  ainfi  les  Turcs  en 
pillant  l'empire  des  califes ,  fe  font  fournis  à  la  rcU. 
gion  mahométanç.  ^ 

Enfin  Rohn  ou  Raoul  ^  le  plus  îlluftre  de  çeç.  tri- 
gands  du  Nord ,  après,  avoir  été  ch^fle  du  Dannc-^ 
marck ,  ayant  ràffcmblé  en  Scandinavie  tous  ceqx  qui 
voulurent  s'attacher  à  fa  fortune ,  tenta  de.  nouvelles 
avanture8,&  fonda  l'efpérance  de  fa  grandeur  fu^la 
faibleffe  de  l'Europe.  Il  aborda  rAnglçte.rre  ♦^  ^^^^? 
compatriotes  étaient  déjà  établis  ;  mais  après  deux 
victoires  inutiles ,  il  tourAà  du  côté  dé  la  France,  que 

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404       DesNormands  f 

d'autres  Normands  favaient  ruiner  ,  ipais  qu'ils  ne 
favaient  pas  affervir. 

Roion  fut  le  feul  de  ces  barbares  qui  ceffa  d'en 
mériter  le  nom  ,  en  cherchant  un  établiffement  fixe. 
Maître  de  Rouen  fan«  peine ,  au  -lieu  de  la  détruire, 
il  en  fit  relever  les  murailles  &  les  tours.  Rouen  d^ 
vînt  fa  place  d'armes;  de -là  il  volait  tantôt  en  An- 
gleterre ,  tantàt  en  Frafnce  ,  faîfant  la  guerre  avec 
poMtique ,  comme  avec  fureur.  La  France  était  expi- 
rante ,fous  le  règne  de  Charles  lejîmpîe ,  roi  de  nom , 
&  dont  la  monarchie  était  encor  plus  démembrée  par 
les  ducs ,  par  les  comtes  &  par  les  barons  fes  fujets, 
que  par  les  Normands.  Charles  le  gros  n'avait  donne 
'<)ue  de  l'or  aux  barbares  :  Charles  le  Jîmfle  offrit  à 
kohn  fa  fille  &  des  provinces. 


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Raoul  demanda  d'abord  la  Normandie  ;  &  on  fiit 
trop  heureux  de  la  lui  céder.  Il  demanda  enfuite  la  6r& 
tagne  ;  on  difputa  ;  mais  il  falut  la  céder  encor  avec 
des  claufes  que  le  plus  fort  explic^ue  toujours  à  fon 
avantage.  Ainfi  la  Bretagne  ,  qui  était  tout-à-rhetire 
un  royaume  ,  devint  un  fief  de  la  Neuftrie  ;  &  la 
Neuftric  ,  qu'on  s^accoutuma  bientôt  à  nommer  Nor- 
mandie du  nom  de  fes  ufurpateûrs ,  fut  un  état  féparé, 
dont  les  ducs  rendaient  un  vain  hommage  à  la  coq- 
tonne  de  France» 

L'archevêque  de  Rouen  lut  perfuader  à  Roîon  de 
*fe  faire  chrétien.  Ce  prince  embrafla  volontiers  une 
religion  qui  afFermilTaift  (k  puiflance. 

Les  véritables  cpnquérans  font  ceux  qui  favent  faire 
des  loix.  Leur  puiflance  eft  ftable  ;  les  autres  font 
des  torrens  qui  paflent.  Rolon  paifible  ,  fut  le  fcul 
légiflateur  de  fon  tems  dans  le  continent  chrétien. 
On  fait  avec  quelle  inflexibilité  il  rendit  la  juftice. 
Il  abolit  le  vol  chez  les  Danois  ,  qui  n'avaient  juf- 
ques-là  vécu  que  dé  rapine.  Longtems  après  lui ,  fon 


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fe  VERS  LE  NEUVIEME  SIÉ  CL  E.   40Ç 

nom  prononcé ,  était  un  ordre  aux  officiers  de  juftice 
d'accourir  pour  réprimer  la  violence  ;  &  de  -  là  eft 
venu  cet  ufage  de  la  clameur  de  Haro ,  fi  connue 
en  Normandie.  Le  fang  des  Danois  &  des  Francs 
mêlés  enfemble  ,  produifit  enfuite  dans  œ  pays  ces 
héros  qu'on  verra  conquérir  TAngleterre  ,  Naples 
&  Sicile. 


CHAPITRE   VINGT-SIXIÉME. 

De  f  Angleterre  vers  le  neuvième  Jtécie,   A  L  F  RC  D 
ie  grand, 

LEs  Anglais ,  ce  peuple  devenu  puiffant ,  célèbre 
par  le  commerce  &  par  la  guerre ,  gouverné  par 
l'amour  de  fes  propres  loix ,  &  d«  la  vraie  liberté  qui 
confifte  à  n'obéir  qu'aux  loix ,  n'étaient  rien  alors  de 
ce  qu'ils  font  aujourd'hui. 

,ïls  n^étaicnt  échappés  du  joug  des  Romains  que 
pour  tomber  fous  celui  de  ces  Saxons  ,  qui ,  ayant 
conquis  l'Angleterre  vers  le  fixiéme  fiécle  ,  furent 
conquis  au  huitième  ptit  Cbarlemagne  dans  leur  pro- 
pre pays  natal.  Ces  ufurpatcurs  partagèrent  TAngle- 
terrc  en  fept  petits  cantons  malheureux ,  qu'on  ap- 
pella  royaumes.  Ces  fept  provinces  s'étaient  enfin 
réunies  fous  le  roi  Egbert  de  la  race  Saxonne ,  lorf- 
•que  les  Normands  vinrent  ravager  l'Angleterre ,  auffi- 
bien  que  la  France.  On  prétend  qu'en  8Sî^  î^s 'emoni. 
tètent  la  Tamife  avec  trois  cent  voiles.  Les  Anglais 
ne  fe  défendirent  guères  mieux  qu«  les  Francs.  Ils 
payèrent,  comme'  eux  ,  leurfe  vainqueurs.  Un  roi ,  nom- 
mé Etbeibert ^{umt  le  malheureux  exemple  de  Cbar- 
les  le  chauve.  Il  donna  de  l'argent  ;  la  même  faute  eut 
la  même  punition.  Les  pirates  fe  fervirént  de  cet  ar- 
gentpour  mieux  fubjugner  le  pays.  Ils  conquircatia 

Ce    iij  ^ 


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4o6    De    l'Am&leterKb         $ 

'■■    '■'■'■■I   I  III  ■    I     I  I  ■— il— ^— ifcr 

moitié  de  l'Angleterre.  U  falait  que  les  Anglais,  nés 
courageux  ,  &  défendus  par  leur  fituatiort  ,  cuffent 
dans  leur  gouvernement  des  vices  bien  eflentiels , 
puifqu'ils  furent  toujours  a(tujettis  par  des  peuples 
qui  ne  dejraient  pas  aborder  impunément  chez  eux. 
Ce  qu'on  raconte  des  horribles  dévaflations  qui  défo- 
lèrênt  cette  ifle  ,  furpaffe  encore  ce  qu'on  vient  de 
voir  en  France.  Il  y  a  des  tems  où  la  terre  entière 
n'eft  qu'un  théâtre  de  carnage ,  &  ces  tems  font  trop 
fréquenSi 

Le  ledteuf  refpire  enfin  un^  peu  ,  lorfque  dans  ces 
horreurs  il  voit  s'élever  quelque  grand -homme  qui 
tire  fa  patrie  de  la  fervitude,  &  qui  la  gouverne  en 
bon  roi»  , 

Je  ne  fais  s'il  y  a  jaihais  eu  fur  la  terre  un  homme 
plus  *digne  des  refpeds  de  la  poftérité  qu'Alfred  le 
grand  ,  qui  rendit  ces  fervices  à  fa  patrie ,  fappofé 
que  toilt  ce  qu'on  raconte  de  lui  foit  véritable* 

Il  fuccédait  à  fon  {rhre  Etbélred  I  qui  ne  luîlaifla 
qu'un  droit  contefté  fur  l'Angleterre ,  partagée  plus 
que  jamais  en  fouverainetés ,  dont  plufieurs  étaient 
pofledéés  par  les  Danois.  De  nouveaux  pirates  ve- 
naient encor ,  prefque  chaque  année  ^  difputer  aux  pre- 
miers ufurpateurs  le  peu  de  dépouilles  qui  pouvaient 
reften 

Alfred  y  n*ayant  poUr  loi  qu'une  province  de  roHefti 
fut  vaincu  d'abord  en  bataille  rangée  par  ces  barba- 
res ,  &  abandonné  de  tout  le  monde.  Il  ne  fe  r& 
tira  point  à  Rome  dans  le  collège  anglais  ,  comme 
Btitred  fon  oncle ,  devenu  roi  d'une  p^stite  province, 
&  chafle  par  les  Danois  ;  mais  feul  &  fans  fecours, 
il  voulut  périr  oU  venger  fa  patrie.  Il  fe  cacha  fix 
mois  chcî  un  berger  dans  une  chaumière  environnée 
de  marais.  Le  feul  comte  de  Div(m ,  qui  défendait 
™  eiicor.un  feiblc  château,  favait  fon  fecrct.  Enfin, ce  ^ 
&  « 


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VERS  LE  NEUVIÈME   SlÉCLE.   407      |f 

coftite  ayant  raflemblé  des  troupes ,  &  gagné  quelque 
avantage , -^//rf4 ,  couvert  des  haillons  d*un  berger, 
ofa  fe  rendre  dans  le  camp  des  Danois  ,  en  jouant 
de  la  harpe:  voyant  ainfi  par  fes  yeux  la  fituation 
du  camp  &  fes  défauts  ,  inftruit  d'une  fête  que  les 
barbares  devaient  célébrer  ,  il  court  au  comte  de 
Dévon  qui  avait  des  milices  prêtes  ;  il  revient  aux 
Danois^  avec  une  petite  troupe ,  mais  déterminée  :  il 
les  furprend ,  &  remporte  une  vicftoire  complette.  La 
difcorde  divifait  alors  les  Danois.  Alfred  fut  négo-* 
cier  comme  combattre  ;  &  ,  ce  qui  eft  étrange  >  les 
Anglais  &  les  Danois  le  reconnurent  unanimement 
pour  roi.  Il  n'y  avait  plus  à  réduire  que  Londres; 
il  la  prit ,  la  fortifia ,  Tembellit ,  équipa  des  flottes , 
contint  les  Danois  d'Angleterre,  s'oppofa  aux  defcentes 
des  autres  ,  &  s'appliqua  enfuite ,  pendant  douze  an. 
nées  d'une  poffeffion  paifible  ,  à  policer  fa  patrie.  Ses 
loix  furent  douces ,  mais  févérement  exécutées,  C'eft 
lui  qui  fonda  les  jurés ,  qui  partagea  l'Angleterre  en 
shires  ou  comtés  ,  &  qui  le  premier  encouragea  fes 
fujets  à  commercer.  Il  prêta  des  vaifleaux  &  de  l'ar- 
gent à  des  hommes  entreprenans  &  fages ,  qui  allèrent 
jufqu'à  Alexandrie  ;  &  de  là ,  paflant  l'ifthme  de  Suez , 
trafiquèrent  dans  la  mer  de  Perfe.  Il  inftitua  des 
milices  ;  il  établit  divers  confeils  ,  mit  partout  la  rè* 
gle  &  la  paix  qui  en  eft  la  fuite. 

Qui  croirait  même  que  cet  Alfred  ^  dans  des  terne 
d'une  ignorance  générale  ,  ofa  envoyer  un  vaiffeau 
pour  tenter  de  trouver  un  pafTage  aux  Indes  parle 
nord  de  l'Europe  &  de  l'Afie  ?  On  a  la  relation  de 
ce  voyage  écrite  en  anglo-faxon  &  traduite  en  latin 
à  Coppenhague  ,  à  la  prière  du  comte  de  Plelo^  am*. 
bafladeur  de  Louis  XV,  Alfred  eft  le  premier  au- 
teur de  ces  tentatives  hardies  que  les  Anglais ,  les 
Hollandais  &  les  Ruffes  ont  faites  dans  nos  derniers 
tems.  On  voit  par-là  combien  ce  prince  était  aw* 
delfus  de  fon  fiécie. 

&  *^^   '"^  _ 


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lliS^ii*"'    -T  'r    I liai' > 


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408    Dé  l'A  II  6l  e  t  b  rr  E,&é. 

■'      I   ■■  I    ■        ■    I  II  1 

Il  n'eft  point  de  véritablement  grand-homtac ,  qui 
n'ait  on  bon  cfprit.  Alfred  jetta  les  fondement  de 
Tacadémle  d'Oxford.  11  fit  venir  des  livres  de  Rome. 
L'Angleterre  toute  barbare' ,  n'en  avait  prefque  point. 
Il  fë  plaignait  qu'il  n'y  eût  pas  àlor*  un  prêtre  An- 
glais qui  fût  le  latin.  Pour  lui ,  il  le  favait.  Il  était 
rtiéme  aflei  bon  géomètre  pour  ce  tcms4à.  U  poffé- 
dait  Thiftoire.  On  dit  même  qu'il  faifatt  des  vers  en 
àngloi^faxoii;  Lés  niomens  qu'il  ne  donnait  pas  aax 
foins  dé  l'état  \  il  les  donnait  à  l'étude;  \iiit  fagé 
ÔBConomîé  le  mit  en  état  d'être  libéral.  On  voit  qu'il 
rebâtit  plufîeurs  églifes  ,  mais  aùciin  monaftére.  11 
penfait  fans  doute  qub  dans  un  état  défolé  qu'il  fà- 
hit  repcuf)ler ,  il  t^t  mal  fervi  fa  i^atrie  ,  en  favori- 
fant  trop  ces  familles  immenfes  fans  père  &  fans  en^ 
fans  ,  qui  fe  perpétuent  aux  dépens  de  la  natioft  : 
au(n  iie  fut*il  pas  au  nombre  des  faints  ;  itlais  l'hif- 
toire ,  qui  d'ailleurs  ne  liti  re])roche  ni  défaut  ni  fai- 
bleflfe.le  met  au  premier  rang  des  héros  titiles  au 
l^enre-numain ,  qui  fans  ces  hommes  extraordinaires, 
eût  toujours  été  femblable  aux  bétes  farouches; 


CHAPITRE    VINGT-SEPTIÉME. 

Ve  FEJ^agne  ^  det  ffiuftitmans  Mauret ,  oM  btdtiimé 

6?  neuvième  Jtitlesi 

Vous  avez  Vu  des  états  bien  malheureux  &  bien 
mal  gouvernés  ;  mais  l'Efpagne  ,  dont  il  faut  tra- 
cbr  le  tableau  ,  fut  plongée  Ipngtems  dans  un  état 
plus  déplorable»  '  Les  barbares  dont  l'Europe  fut  inon- 
dée nrï  commencement  do  cinquième  fiécle  ^  raVagè^ 
rent  l'Efpagne  comité  les  autres  pays  ;  poui^qdoi  l'Ef» 
pagne  qui  s'était  fi  bien  défendue  contre  les  Romains, 
«éda-t-elle  tout-d'un-cpup  aux  barbares  i  C'eft  qu'elle 
était  corapolée  de  patriotes  iorfque  les  Romains  l'at- 
taquèrent (mais  fous  le  joug  des  Romains  ^  elle  né 


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• 


De  l'Espa6Nb  et  des  musulmans  *  &a  409    If 

fut  plus  compoféé  quç  d'efclaves ,  maltraités  par  des 
maîtres  amollis  ;  elle  fut  dono  tout*d'un-coup  la  proie 
^es  Suéves  ,  des  Alains ,  des  Vandales  )  aux  Vandales 
fuccédèrent  les  Vifigoths ,  qui  commencèrent  à  s'é- 
tablir dans  l'Aquitaine  ,  &  dans  la  Catalogne  ;  tandis 
que  les  Oftrogoths  décruifaient  le  (iége  de  l'empire 
Romain  en  Italie.  Ces  Oftrogotbs  &  cfes  Viiigoths 
étaient  ,  comme  on  fait ,  chrétiens  ;  non  pas  de  la 
communion  romaine ,  non  pas  de  la  communion  des 
empereurs  d'Orient  qui  régnaient  alors  ,  mais  de  celle 
q[ui  avait  été  longtems  reque  de  Péglife  grcfcque  «  & 
qui  croyait  au  Christ  fans  le  croire  égal. à  Dieu. 
Les  Efpagnols ,  au  contraire ,  étaient  attachés  au  rite  ro<« 
main  ;  ainfi  les  vainqueurs  étaient  d'une  religion ,  &  les 
vaincus  d'une  autre ,  ce  qui  appefantiflait  encor  l'efclii- 
vage.  Les  diocèfes  étaient  partagés  en  évéques  ariens , 
6i:en  évéques  athanafiens,  cqmme  en  Italie;  partage, 
qui  augmentait  encor  les  malheurs  publics.  /Les  rois 
Vifigoths  voulurent  faire  en  Efpagne  ,  ce  que  fit, 
Comme  nous  l'avons  vu ,  le  roi  Lombard  Lotbaris  en 
Italie ,  &  ce  qu'avait  fait  ConftoHtin  à  fon  avènement 
à  l'empire  ;  c'était  de  réunir  par  la  liberté  de  conf- 
cience  les  peuples  divifés  par  les  dogmes. 
( 
Le  foi  Vifîçoth  Lêuvigilde  prétendît  réunir  cent 
qui  croyaient  à  la  confubftantiabilité ,  &  ceux  qui  n'y 
croyaient  pas.  Son  fils  Herminigilde  fe  révolta  con- 
tre lui  ;  il  y  avait  encor  alors  un  roitelet  Suève ,  qui 
pofTédait  la  Galice ,  &  quelques  places  aux  environs* 
Le  fils  rebelle  fe  ligua  avec  ce  Suève ,  &  fit  long- 
tems la  guerre  à  fon  père  ;  enfin ,  n'ayant  jamais  voulu 
fe  foumettre  ,  il  fut  vaincu  ,  pris  dans  Cordoue  ,  & 
tué  par  un  ofiicier  du  roi.  L'églife  romaine  en  a 
fait  un  faint ,  ne  confidérant  en  lui  que  la  religion 
fômaîne ,  qui  fut  le  prétexte  de  (a  révolte. 

Cette  mémorable  avantufe  arriva  en  ^84  »  &  jene 
la  rapporte  que  comme  un  des  exemples  de  l'état 
funcfte  où  l'Efpagne  était  réduite* 

t'gtfj  iii'i  1^1  <6> \u  Jt&^ 


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410  Dk  (.'Espagne  kt  des  musulmans 

«    ! 

Ce  royaume  des  Vifigoths  n'était  point  hérédi* 
taire  ;  tes  évéques  qui  eurent  d'abord  en  Efpagne  U 
même  autorite  qu'ils  acquirent  en  France  du  tems  des 
Carlovingiens  ,  faifaient  &  défaifaient  les  rois  ,  avec 
les  principaux  feig'neurs.  Ce  fut  une  nouvelle  fource 
de  troubles  continuels  ;  par  exemple ,  ih  élurent  le 
bâtard  Liuva^zu  mépris  de  fes  frères  légitimes  ;& 
ce  Liuva  ayant  été  aiTafliné  par  un  capitaine  Goth 
nommé  Vitteric ,  ils  élurent  ce  Vitteric  fans  difficulté. 

Un  de  leurs  meilleurs  rois  nommé  Vamba  ,  dont 
fM>us  avons  déjà  parlé ,  étant  tombé  malade ,  fut  revéta 
d^un  fac  de  pénitent  ,  &.  fe  fournit  à  la  pénitence 
publique ,  qui  devait ,  dit- on ,  le  guérir  ;  il  guérit  en 
effet  ;  mais  en  qualité  de  pénitent  ,  on  lui  déclara 
qu'il  n'était  pas  capable  des  fondions  delà  royauté, 
èi  il  fut  mis  fept  jours  dans  un  monaftère.  Cet  exem* 
pie  fut  cité  en  France ,  à  la  dépofition  de  Lom  It 
ftdbie. 

Ce  n^ctait  pas  ainfi  que  fe  laiffaient  traiter  tes  pre- 
miers conquérans  Goths  ,  qui  fubjuguèrent  les  Ef[»- 
gnes  ;  ils  fondèrent  un  empire  qui  s'étendit  de  la 
Provence  &  du  Languedoc  à  Ceuta  &  à  Tanger  en 
Afrique  ;  mais  cet  empire  fi  mal  gouverné  ,  périt  bien- 
tôt. Il  y  eut  tant  de  rebellions  en  Efpagne ,  qu'en- 
fin  le  roi  Vitiza,  défarma  une  partie  des  fujets ,  &  fit 
abattre  tes  murailles  de  plufieurs  villes.  Par  cette  con- 
duite ,  il  forçait  à  l'obéiiTanée ,  mais  il  fe  privait  lui- 
même  de  fecaurs  &  de  retraites.  Pour  mettre  le  cler- 
gé dans  fon  parti  ,  il  rendit  dans  une  affemblée  de 
h  nation  un  edit ,  par  lequel  il  était  permis  aux  évé- 
çucs  &  aux  prêtres  de  fe  marier. 

Rodrigue^  dont  il  avait  aiTaffinc  le  père ,  l'aflaflina  à 
fon  tour,  &  fut  encor  plus  méchant  que  lui.  Il  ne  faut 
pas  chercher  ailleurs  la  caufe  de  la  fupériorité  des 
mqfulmans  en  Efpagne.  Je  ne  fais  s'il  eft  bien  vrai  que 
Rodrigue  eût  violé  Florinde  ,^  nommée  la  Cava  ou  la   & 

ygtfi   •  Il  mjb  !■■  ■"  il    ii'i      '  nH»^* 


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AUX  HUITIÈME  ET  T^EUVIÉME  SiéCLES.  4II      Û 

Méchante^  fille  malheureufemenc  célèbre  du  comtf 
Julien  :  &  û  ce  fut  pour  venger  fon  honneur  que  ce 
comte  appella  les  Maures.  Peut-être  Tavanture  de  la 
Cava  eft  copiée  en  partie  fur  celle  de  Lucrèce  ^  &  ni 
Tune  ni  l'autre  ne  parait  appuyée  fur  des  monumens 
bien  autentiques.  Il  paraît  que  pour  appeller  les  Afri- 
cains ,  on  n'avait  pas  befoin  du  prétexte  d'un  viol , 
qui  eft  d'ordinaire  aufTi  difficile  à  prouver  qu'à  faire. 
Déjà  fous  le  roi  Vamba  ,  le  comte  Hervig^  depuis  roi , 
avait  fait  venir  une  armée  de  Maures.  Opas ,  arche- 
vêque de  Seville  ,  qui  fut  le  principal  inftrument  de  la 
grande  révolution  ,  avait  des  intérêts  plus  chers  à 
fou  tenir  que  la  pudeur  d'une  fille.  Cet  évéque  ,  fils  de 
l'ufurpateur  Vitzza  détrôné  &  afiafliné  par  l'ufurpateur 
Rodrigue  ,  fut  celui  dont  l'ambition  fit  venir  les  Mau- 
res pour  la  féconde  fois.  Le  comte  Julien ,  gendre  de 
Vitiza ,  trouvait  dans  cette  feule  alliance  allez  de  rai- 
fons  pour  fe  foulever  contre  le  tyran»  Un  autre  évêque 
nommé  Torizo  ,  entre  dans  la  confpiration  à^Opas  & 
du  comte.  Y  a-t-il  apparence  que  deux  évéques  fe 
fuifent  ligués  ainfi  avec  les  ennemis  du  nom  chrétien , 
s'il  ne  s'était  agi  que  d'une  fille  ? 

Les  mahométans  étaient  maîtres  ,  comme  ils  le  font 
encore ,  de  toute  cette  partie  de  l'Afrique  qui  avait 
appartenu  aux  Romains.  Us  venaient  d'y  jetter  les 
premiers  fondemens  de  la  ville  de  Maroc ,  près  .dif 
mont  Atlas.  Le  calife  Valid  Aintanzor  ,  maître  dç 
cette  belle  partie  de  la  terre ,  réfidaît  à  Damas  en  Syrie. 
Son  vice^roi  Muzza^  qui  gouvernait  l'Afrique ,  fit 
par  un  die  fes  lieutenans  la  conquête  de  toute  l'Ef-: 
pagne.  Il  y  envoya  d'abord  fon  général  Tarifa  qui 
gagna  en  714  cette  célèbre  bataille  xians  les  plaines 
de  Xérès  ,  où  Rodrigue  perdit  la  vie.  On  prétend  que 
les  Sarrazins  ne  tinrent  pas  leurs  promeffes  à  Julien , 
dont  ils  fe  défiaient  fans  doute.  L'archevêque  Ô^^ix  fut 
plus  fatisfait  d'eux.  Il  prêta  ferment  de  fidélité  aux 
mahométans  ,  &  conferva  fous  eux  beaucoup  d'auto- 


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m^^N'^  I        ">  imi  "^  ï   ifir'JJI 

m    4ï*  De  l'Espagne  Et  des  musulmans 

rite  for  les  églifes  chrétiennes  ,  que  les  vaînqneun 
toléraient. 

Pour  le  roi  Rodrigue ,  it  fut  fi  ped  regretté ,  que  fa 
veuve  Egiione  époufa  publiquement  le  jeune  Abdalh^ 
fih  du  conquérant  Muzza  ,  dont  les  armes  avaient 
fait  périr  fon  mari ,  &  réduit  en  fervitude  fon  pays  &  (a 
religion. 

Lès  vaînoucUrs  n'abufèrent  point  du  fuôcès  de  leurs 
armes  ;  ils  laiiTérent  aux  vaincus  leurs  biens ,  leurs 
loi^,  leur  culte,  fatisfaits  d'un  tribut  &  de  Thonneur de 
Commander.  Non-feulement  la  veuve  du  roi  Rodripu 
époufa  le  jeune  Abdalis ,  mais  à  fon  exemple  le  fanj 
des  Maures  &  des  Efpagnols  fe  mêla  fou  vent.  Les  Ei- 
pagnols  fi  fcrupuleufement  attachés  depuis  à  leur  reli^ 
gion ,  la  quittèrent  en  affcz  grand  nombre ,  pour  qtfon 
kut  donnât  alors  le  nom  de  Mo/arabes  ,  qui  fignifiait, 
dit -^  on ,  moitié  Arabes ,  au -lieu  de  Celui  de  Vifigoès 
que  portait  auparavant  leur  royaume.  Ce  nom  de  Hio- 
farabes  n'était  point  outrageant  »  puifque  les  Arabes 
étaient  les  plus  démens  de  tous  les  conquéransdela 
terre ,  &  qu'ils  apportèrent  en  Efpagne  de  nouvelles 
fciences  &  de  nouveaux  arts. 

L'Êfpagrtè  avait  été  foumîfe  en  quatorze  mois  à 
|*empire  des  califes ,  à  la  réferve  des  cavernes  &  des 
rochers  de  TAdurie.  Le  GotK,  Pilage  Teudomer,  parent 
du  dernier  toi  Rodrigue ,  caché  dans  ces  retraites ,  y 
Çonfèrva  fa  liberté.  Je  ne  fais  comment  on  a  pu  donner 
ie  nom  de  roi  à  ce  prince ,  qui  en  était  peut-être  digne, 
inalà  dont  toute  la  royauté  fe  borna  à  n*étre  point 
captif.  Les  hiftoriens  Efpagnols  ,  &  ceux  qui  les  ont 
fuîvîs  ,  lui  font  remporter  de  grandes  vidoires ,  ima- 
ginent des  miracles  en  fa  faveur,  lui  établirent  une 
Cour,lui  donnent  fon  6\sFaDiIia&  fon  gendre  jl/pbdnfi 
pour  fuccefTeurs  tranquilles  dans  ce  prétendu  royaonic. 
Mais  comnrent  dans  ce  tems-là  même  les  mahométans , 
qui  fous  Abdirame ,  vers  Tan  7)4  fubjiiguèrent  la  moi- 

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AUX  HUITIÈME  ET  NEUYliMB  SIECLES.  413 

tié  de  la  France ,  auraient-fls  laHTé  fubfifter  derrière 
les  Pyrénées  ce  royaume  des  Afturîes  ?  C'était  beau- 
coup  pour  les  chrétiens  de  pouvoir  fe  réfugier  dans  ces 
montagnes  &  d'y  vivre  de  leurs  courfes ,  en  payant 
tribut  aux  mahométans.  Ce  ne  fut  que  vers  Tan  759 , 
que  les  chrétiens  commencèrent  à  tenir  tête  à  leurs 
vainqueurs ,  affaiblis  par  les  viétoires  de  Charles  Mat* 
^f/&  par  leurs  divifions  ;  mais  eux-mêmes ,  plus  divifés 
entr'eux  que  les  mahométans  ,  retombèrent  bientôt 
fous  le  joug.  Mauregat ,  à  qui  il  a  plû  aux  hiftoriens  de 
donner  le  titre  de  roi  y  eut  la  permiffion  de  gouverner 
les  Afturies  &  quelques  terres  voifines ,  en  rendant  hom- 
mage &  en  payant  tribut.  I)  fe  fournit  furcout  à  fournir 
cent  belles  filles  tous  les  ans  pour  le  ferrail  d'Abdirame. 
Ce  fut  longtems  la  coutume  des  Arabes ,  d'exiger  de 
pareils  tributs ,  &  aujourd'hui  les  caravanes  ,  dans  les 
préfens  qu'ils  JFont  aux  Arabes  du  défert,  offrent  tou- 
jours des  filles  nubiles. 


On  donne  pour  fucceffcur  à  ce  Mauregat  un  diacre 
nommé  Vérimon^  chef  de  ces  montagnards  réfugiés, 
fàifant  le  même  hommage  &  payant  le  même  nombre 
de  filles  qu'il  était  obligé  de  fournir  fouvcnt.  Eft  -»ce  là 
un  royaume ,  &  font-ce  là  des  rois  ? 

Après  la  mort  de  cet  Abdèrame ,  les  émirs  des  pro.. 
vinces  d'Efpagne  voulurent  être  indépendans.  On  à 
vu  dans  l'drticle  de  Cbarlemagne  ^  qu'un  d'eux ,  nommé 
Ibna  V  eut  l'imprudence  d*appeller  ce  conquérant  à  fon 
fbcours.  S'il  y  avait  eu  alors  un  véritable  royaume  chrê<« 
tien  en  Efpagne  ,  Charles  n'eût -il  pas  protégé  ce 
royaume  par  fes  armes ,  plutôt  que  de  fe  joindre  à 
des  mahométans  ?  Il  prit  cet  émir  fous  fa  proteâioa , 
&  fe  fit  rendre  hommage  des  terres  qui  font  entre  TE* 
bre  &  les  Pyrénées,  que  les  mufulmans  gardèrent.  On 
voit  en  794  le  Maure  Abutar  rendre  hommage  à  Louis 
le  débonnaire ,  qui  gouvernait  l'Aquitaine  fous  fon  père  % 
avec  le  titre  de  roi.  S 


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9^  414  De  l'Espagne  et  des  musulmans 


6 


Quelques  tems  après  ,  les  divîfions  augmentèrent 
chez  les  Maures  d'Efpagne.  Leconfeilde  Louis  le  de- 
bonnaire  en  profita  ;  fes  troupes  afliégèrent  deux  ans 
Barcelone  ,  &  Louis  y  entra  en  triomphe  en  796.  Voilà 
le  commencement  de  la  décadence  des  Maures.  Ces 
vainqueurs  n'étaient  plus  foutenus  par  les  Africains  & 
par  les  califes  dont  ils  avait  fecoué  le  joug.  Les  fuccef- 
feurs  à'Abdérame ,  ayant  établi  le  fiége  de  leur  royaume 
à  Cordoue ,  éuient  mal  obéis  des  gouverneurs  des  au- 
tres provinces. 

Aipbùnfe ,  de  la  race  de  Pilage ,  commença ,  dans  ces 
Gonjondtures  heureufes  r  à  rendre  confidérables  les 
chrétiens  Efpagnols  retirés  dans  les  Afturies.  Il  refufa 
le  tribut  ordinaire  à  des  maîtres  contre  lefquels  il  poU^ 
vait  combattre  ;  de  après  quelques  vidoires ,  il  fe  vit 
maitre  paifible  des  Afturies  &  de  Léon  au  commeO' 
cément  du  neuvième  fiécie.  '  ^     . 

C'cft  par  lui  qu'il  faut  commencer  de  retrouver  en 
Êfpagne  des  rois  chrétiens.  Cet  Alpbonfe  était  artifi- 
cieux &  cruel.  On  l'appelle  h  cbajie ,  parce  qu'il  fut  le 
premier  qui  refufa  les  cent  filles  aux  Maures.  On  ne 
longe  pas  qu'il  ne  foutînt  point  la  guerre  pour  avoir 
refufé  ce  tribut ,  tnais  que  voulant  fe  fouftraire  à 
la  domination  des  Maures  ,  &  ne  plus  être  tribu- 
taire  ,  il  Mait  bieii  qu'il  reful^t  led  èent  filles  ainfi  que 
le  refte. 

Les  fuccès  A*Aïpbonfe  ,  malgré  beaucoup  de  tra- 
verfes ,  enhardirent  les  chrétiens  de  Navarre  à  fe  don- 
lier  un  roi.  Les  Arragonois  levèrent  Tétendart  fous  un 
comte  :  ainfi  fur  la  fin  de  Loms  le  débonnaire ,  ni  les 
Maures ,  ni  les  Frant;aîs  n'eurent  plus  rien  dans  ces 
contrées  ftériles  ;  mais  le  reftc  de  l'Efpagne  obéïffait 


ï 


gleterre. 


m^iêfm^ 


m/m 


^'fffim 


II 


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AUX  HUITléke  ET  NEUVIEME  SIÈCLES.  4If 

On  ne  doit  point  être  furpris  que  les  Efpagnols  des 
Afturies ,  de  Léon  ,  d'Arragon ,  ayent  été  alors  des 
barbares.  La  guerre  qui  avait  fuccédé  à  la  fervi- 
tude,  ne  les  avait  pas  polis.  Us  étaient  dans  une  fi 
profonde  ignorance  ,  qu'un  Alpht^nfe ,  roi  de  Léon  & 
Ats  Afturies ,  farnommé  le  grand  ,  fut  obligé  de  livrer 
l'éducation  de  fon  fils  à  des  précepteurs  mahométans. 

Je  ne  ccfle  d'être  étonné  ,  qaand  je  vois  quels  titres 
•les  hiftoriens  prodiguent  aux  rois.  Cet  Ahbonje  qu'ils 
appellent  Jt  grand ,  fit  crever  les  yeux  a  fcs  quatre 
frères  ;  fa  vie  n'eft  qu'un  tiffu  de  cruautés  &  de  per- 
fidies. Ce  roi  finit  par  faire  révolter  contre  lui  fes  fujets , 
&  fut  obligé  de  céder  fon  petit  royaume  à  fon  fils  Don 
Garde  VdXi  ^10. 

Ce  titre  de  Bon  était  un  ïibrégé  de  Dominus ,  titre 
qui  parut  trop  ambitieux  à  rempereury^«^«//f ,  parce 
qu'il  fi^nifiait  Maître ,  &  que  depuis  on  donna  aux 
bénédidtins  ,  &  aux  feigneurs  Efpagnols  ,  &  enfin  aux 
rois  de  ce  pays.  Les  feigneurs  de  fief  commencèrent 
alors  à  prendre  le  titre  de  ricb  -  borner ,  ricor  bom- 
bref  i  riche  fignifiait  poflefTeur  de  terres  ;  cir  dans 
ces  tems-là  il  n'y  avait  point  parmi  les  chrétiens 
d'Efpagne  d'autres  richeflcs.  La  grandeffe  n'était  point 
encor  connue.  Le  titre  de  grand  ne  fut  en  ufage  que 
trois  ftéclcs  après  ,  fous  Aîpbonfe  lefage  ,  dixième  du 
nom ,  roi  de  Caftille  dans  le  tems  que  l'Efpagnc  com- 
mençait à  devenir  floriffante. 


^ 


CHAPITRE  VINGT-HUITIÈME. 

Puijfance  des  mufulmans  en  Afie  êf  en  Europe  aun 
buitiime  ^  neuvième  Jîicles,  V Italie  attaquitfar 
eux.  Conduite  magnanime  du  pape  LÉON  IV. 

LEs  mahométans  qui  perdaient  cette  partie  de  TEf- 
pagne  qui  confine  à  la  France ,  s'étendaient  par- 
tout  ailleurs.  Si  j'envifage  leur  religion  ,  je  la  vois 


it^ga^'i'i  '  .hKUfciiM»  ^¥^i)^^ 


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'  ^    4itf     L  E    P  A  p  B    L  i  o  N    IV  f 

«mbraflee  dans  Tlnde  Se  fur  les  côtes  orientales  de 
l'Afrique ,  où  ils  trafiquaient.  Si  je  regarde  leurs  coo- 
quêtes  ,  d'abord  le  calife  Aaron  al  Racbild ,  ou  k 
fage  y  impofe  un  tribut  de  foixante  &  dix  mille  écus 
d'or  par  an  à  Timpcratrice  Irine,  L'empereur  Nici- 
fbore  ayant  enfuite  refufé  de  payer  le  tribut,  Acarm 
prend  l'ifle  de  Chypic  ,  &  vient  ravager  la  Grèce, 
Almamon  fon  petit -fils ,  prince  d'ailleurs  fi  recom- 
mandable  par  fon  amour  pour  les  fciences  &  par  fon 
favoir ,  s'empare  par  fes  iieutenans  de  l'ifle  de  Crète 
en  %t6.  Les  mufulmans  bâtirent  Candie  »  qu'ils  oot 
reprife  de  nos  jours, 

£n  828  les  mêmes  Africain»  qui  avaient  fubjugué 
l'Efpagne  &  fait  des  incorfions  en  Sicile ,  reviennent 
encore  défoltr  cette  ifle  fertile  ,  encouragés  par  un 
Sicilien  nommé  Euphemius ,  qui  ayant ,  à  l'exemple 
de  fon  empereur  Michel^  époufé  une  reUgieufe,  poor- 
fuîvi  par  les  loix  que  l'empereur  s'était  rendues  favo- 
rables ,  fit  à -peu -près  en  Sicile  ce  que  le  çom^e  Juâm 
avait  &it  en  ECpagne. 

Ni  les  empereurs  Grecs  ,  ni  ceux  d'Occident ,  ne 

fmrent  alors  chaffer  de  Sicile  les  mufulmans  :  tant 
'Orient  &  l'Occident  étaient  mal  gouvernés.  Ces  con- 
quérans  allaient  fe  rendre  maîtres  de  l'Italie  ,  s'ils 
avaient  été  unis  ;  mais  leurs  fautes  fauvèrent  Rome, 
comme  celles  des  Carthaginois  la  fauvèrent  autrefois. 
Us  partent  de  Sicile  en  846  avec  une  flotte  nombreu- 
£e.  Us  entrent  par  l'embouchure  du  Tibre  :  &'ne  trou- 
vant qu'un  pays  prefque  défert ,  ils  vont  affiéger  Ro- 
me, Us  prirent  les  dehors  ,  &  ayant  pillé  la  riche 
ëglife  de  St.  Pierre  hors  des  murs ,  ils  levèrent  I? 
ficge  pour  aller  combattre  une  armée  de  Français  qui 
venait  fecourir  Rome  fous  un  général  de  l'empereur 
Lotbaire.  L'armée  franqaife  fut  battue ,  mais  la  ville 
rafraîchie  fut  manquée  ;  &  cette  expédition  ,  qui  d^ 
Jl  vait  être  une  conquête ,  ne  devint ,  par  leur  méfia- 
3 ,  telligênce ,  qu'une  incurûon  de  barbares.  Jls  revinrent 
1^  bientôt  ^ 

iJfglIW  II        é^^m3Êk%^i  ilfftP 


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Éifti 


SAUVE     K.OMS. 


417  » 


ly 


bientôt  après  avec  une  armée  formidable,  qui -fem^' 
blaic  devoir  détruire  Tltalie  &  faire  une  bourgade  ma^ 
hométane  de  la  capitale  du  chriftianifme.  Le  pape 
LéoH^F  prenant  dèns  ce  danger  une  autorité  que  les 
généraux  de  l'empereur  Lotbaire  femblaient  abandom 
ner ,  fe  montra  digne ,  en  défendant  Rome ,  d'y  com, 
mander  en  fouverain.  Il  avait  employé  les  richefleç 
de  réglife  à  réparer  les  murailles ,  à  élever  des  tours , 
à  t^ndr^  des  chaînes  fbr  le  Tibre.  Il  arma  les  mili* 
ces  à  fes  dépens ,  engagea  les  habitans  de  Naples  & 
de  Gayette  à  venir  défendre  les  côtes  &  le  port  d'Of-» 
rie  ,  fans  manquer  à  la  fage  précaution  dé  prendre 
d'eux  des  otages  ,  fâchant  bien  que  ceux  qui  fbnfc 
aflez  puiiTans  pour  nous  fecourir  ,  le  font  affez  pour  ^ 
nous  nuire.  Il  viOta  lui-même  tous  les  poftes ,  & 
requt  les  Sarrazins  à  leur  defcente ,  non  pas  en  équi*. 
page  de  guerrier ,  ainfi  qu'en  avait  ufé  Gostiu  évêque 
de  Paris  dans  une  occafion  encore  plus  prenante  , 
mais  comme  un  pontife  qui  exhortait  un  peuple  chr& 
tien ,  &  comme  un  roi  qui  veillait  à  la  fureté  de  fes 
fujets.  Il  était  né  Romain,  te  courage  des  prçmia^ 
âges  de  la  république  revivait  en  lui  dans  un  tems 
de  lâcheté  &  de  corruption  ,  tel  qu'un  des  beaux  mor 
numens  de  l'ancienne  Rome  au'on  trouve  quelqueffois 
dans  les  ruinies  de  la  nouvelle.  Son  courage  &  fes 
foins  furent  fécondés.  On  recjut  les  Sarrâzins  coura* 
geufement  à  leur  defcente  ;  &  la  tempéfe  ayant  difllpé 
la  moitié  de  leurs  vaifleaux ,  une  partie  de  ces  con« 
quérans ,  échappés  au  naufrage  ^  fut  mife  à  la  chaîne. 
Le  pape  rendit  fa  viétoire  utile,  en  faifant  travailler 
aux  fortifîçatipns  de  Rome  &  à  (es  çpibellifTemens  1^ 
mêmes  mains  qui  devaient  les  détruira.  Les  mahov 
métans  reftèrent  cependant  maîtres  du  Garillan  entre 
Capoue  &  Gayette ,  mais  plutôt  comme  une  colonie 
de  corfairçs  indépsndans>  que  comme  des  conquér^n^ 
difciplinést 

Je  vois- donc  au  neuvième  fiécle  les  mufvlman$ 
redoutables  à  la  fois  â  Romç  &  à  Conf^a^ntinpj^le  9 
EJfaifur  tes  mœurs,  &ù.Tom.t  Dd    ^ 


ÏÏ^m 


9 


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4it    Le  papb  LioN  IV  sauvb  Rome. 


mûtxtê  de  la  Pcrfc  ,  de  h  Syrie ,  de  TArabie  ,  de 
toutes  les  côtes  d'Afrique  jufqu'au  mont  Atlas ,  des 
trois  quarts  de  PEfpagne.  Mais  ces  conquérans  ne  for. 
ment  pas  uoe  nation ,  comme  les  Romains ,  qui  éten- 
dus prefiiu'aiitant  qu'eux  ,  n'avaient  fait  qu'un  feul 
peuple. 

Sous  le  fameux  calife  Almamon  ,  vers  Tan  giç , 
un  peu  après  la  mort  de  Cbarlemagne,  l'Egypte  était 
indépendante,  &  le  Grand -Caire  fut  la  réfidençc  d'un 
autre  calife.  Le  prince  de  la  Mauritanie  Tangîtanc, 
fous  le  titre  de  Mirantolm  ,  était  maître  abfolu  de 
l'empire  de  Maroc.  La  Nubie  &  la  Lybie  obéiffaient  t 
un  autre  calife.  Les  Abdirames ,  qui  avaient  fonde 
le  royaume  de  Cordoue,  ne  purent  empéchct  d  au- 
tres mahométans  de  fonder  celui  de  Tolède.  Toutes 
ces  nouvelles  dynafties  révéraient  dans  le  calife  le 
fucceflfcur  de  leur  prophète.  Ainfi  que  les  chrétiens 
allaient  en  foule  en  pèlerinage  à  Rome ,  les  «nahome- 
tans  de  toutes  les  parties  du  monde  allaient  à  la  Me^ 
que ,  gouvernée  par  un  shérif  que  nommait  le  calife  ;  & 
c'était  principalement  par  ce  pélérlriage  que  le  ca- 
lifc,  maître  de  la  Mecque ,  était  vénérable  à  tous  les 
princes  de  fa  croyance.  Mais  ces  princes ,  diftingant 
la  religion  de  leurs  intérêts ,  dépouillaient  le  califB  en 
lui  rendant  hommage* 


Nom 

itantii 
rcux 
'racfn 

Wttêffm 


CHAPITRE  VINGT-NEUVIÉME. 

De  r  empire  de  Conjlantineple  ^  aux  huitième  S?  tff^ 
viime  jiicles. 

TAndis  que  Teropire  de  Cbarîemagne  fe  démem- 
brait ,  que  les  inondations  des  Sarrazîns  &  d« 
Normands  défolaient  l'Occident ,  l'empire  de  Conl- 
tantinople  fubfiftait  comme  un,  grand  arbre ,  vjgoo- 
rcux  encore ,  mais  déjà  vieux ,  dépouillé  de  quelques 
'racines ,  &  affailB  de  tous  côtés  par  la  tempête.  Ut  _ 


BOBai 


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l(S<>tfij 


«MOli 


-*«»«r 


» 


De  i;'BZ«ri«.s  6R^C)&e^      419 

çmpire  n'avait,  plus  mn^n  A^riqve;  ta  Syriç  &  ihi^) 
partie  de  PAfie  mineure  liit  étsiient  enlevée».  It  défi^iH 
daic  contre  les  mufuImantTes  Pondères  veri  i'orienf 
dé  la  mer  Noire  ]  &  tantôt  vaincu ,  tantôt  vain<)ueyr  , 
it  aurait  pu  ap  iiKsint.  fe  fortifier  centraux  par  cet 
ufage  continuel  de  la  guerre.  TUm  du  côté  du  Danqbedl^ 
ve,rs  le  bord  oc<?identat  de  la  mer  Noire ,  d'autres  cnn&r 
mis  la  ravageaient.  Une  nation  de  Sicfthes ,  nommée 
les  Ab^res  ou  Avares  „  les  9ii%arçs  ,  aqtr^  Scy? 
thés ,  dont  la  Btilgarie  tîenf  fbn  nom  «  dcTolaient  tou9i 
ces  beaux  climats  de  la  Romani^ ,  oè  Adrien  &  Trth 
jetn  avalent  conftruit  de  F  beHes  villes ,  &  ces  grands; 
ciiemins  dçTqueJs  U  nç  ft4>fifte'f  Igs  ^||e  ^uçlquç» 
chauffées, 

Les  Abaras  furtout ,  r^pitndtrs  dans  la  Hongrie  ^ 
dans  l'Autriche ,  fe  jett^afent  tantôt  fur  l'empiré  d'Of 
rient ,  tantôt  fur  celui  de  Cbarlemagnfif  AinQ  des  fron« 
tiéres  de  la  P^feà  celles  d^h  France,  la  terre  éta}^ 
en  proie  k  dçs  inçyrfionf  greft^uç  continuelles^ 

Si  \t%  frontières  de  Petfj^ire  GrcQ  étaient  toôjouft 
refferrées  &  toàJQyrs  défolées,,  la  capitale  était  le 
théâtre  des  révolutions  &  dc«  crime^.  Un  mélange 
dç  Taitifice  des  Grecs  &  de  I4  férocité  des  Thraces , 
formait  le  cara^rç  qut  régnait  à  la  copr*  En  effet  » 

3uel  fpeAacle  nous  préfentç  Çonllantînoplef  Maurice 
t  fçs  cinq  enfant  maflaçrés  :  Pbocar  aflaffiné  pour 
prix. de  fes  meurtres  &  de  fes  înccftes  :  Confiantin 
empolfonné  par  r impératrice  JUwrtine ,  à  qui  on  arra, 
che  la  langue ,  tmàis  qu'on  coupe  le  nez  à  Minif 
ciéonaf  fhn  fits:  Confions  qui  fait  égorger  fon  frère; 
Cqnfians  affommé  dans  un  bain  par  fes  domeftiques  : 
Conjiantin  Pogonate  qui  ftit  crever  les  yeux  à  fe§  deux 
frères  :  Juftinien  II  fpn  fils  prêt  à  fairp  è  Çonftanti» 
nople  ce  que  Tbiodpfe  fit  à  T^^^^loniquc  ,  furpris , 
mutilé  &  enchaîné  par  Léonce  ^^\^  moment  q^ill  allait 
fejre  égorger  les  prin^cipaux  citoyens  :  Lionçe  bîeritôt 
traité  bi^m^me  comme  il  avait  traite  Jujimm  Hi 

Od  ij  1 


11 


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^     4?aO     D  B     l'  E  M  P  I  R  E     G  R  E    C  * 

oe  Juflinien  rétabli ,  faifant  couler  fous  fes  yeux  dans 
la  place  publique  le  fang  de  fes  ennemis ,  éc  périSant 
onfin  fous  la  main  d'un  bourreau  :  Philippe  Bardanès 
détrôné  &  condamné  à  perdre  les  yeux  :  Léon  Plfm- 
rien  &  ConJiaiUiif  Coproninte  morts  à  la  vérité  dans 
leur  lit ,  mais  après  un  règne  fanguinâire^aulfi  mal- 
heureux pour  le  prince  que  pour  les  fujets  :  l'im- 
pératrice Irène ^\h  première  femme  qui  moQta  furie 
trône  des  Céfars ,  &  la*  première  qui  fit  périr  fon  fils 
pour  régner  :  Nicépbore  fon  fuccefleur ,  détefté  de  fes 
fujets  ,  pris  par  les  Bulgares  ,  décollé  ,  fervant  de4)â- 
ture  aux  bétes ,  tandis  que^ibn  crâne  fert  de  coupe 
4  fon  vainqueur  :  enfin  Michel  Curopalate  ,  contem- 
porain de  Cbarlemàgne ,  confiné  dans  un  cloître ,  & 
mourant  ainfi  moins  cruellement ,  mais  plus  honteu- 
fement  que  fes  pcédéçeifeurs.  C'eft  ainfi  que  Teropire 
eft  gouverné  pendant  trois  cei^t  ans.  Quelle  bidoire 
de  brigands  obfcurs  punis  en  place  publique  pour  leurs,, 
crimes, eft  plus  horrible  &  plus  dégoûtante? 

Cependant  il  faut  pourfuivre  :  il  faut  voir  au  neu- 
yiéme  fiecle  Léon  f  Arménien^  brave  guerrier ,  mais 
ennemi  des  images  ,  aflaffiné  à  la  meffe  dans  le  cems 
qu*il  chantait  une  antienne  :  fes  aflauins  s'applaudif- 
fant  d'avoir  tué  un  hérétique  ,  vont  tirer  de  prifon 
un  officier  ,  nommé  Michel  le  bi^ue  ^  condamné  à  la 
mort  par  le  fénat,  &  qui  au -lieu  d'être  exécuté,  reçut 
la  pourpre  impériale.  Ce  fut  lui  qui^  étant  amoureux 
d'une  religieufe  »  fe  fit  prier  par  le  fénat  de  Tépoufer , 
iàns  qu'aucun  évéque  ofât  être  d'un  fentiment  con- 
traire. Ce  fàît«eft  d'étant  plus  digne  d'attention ,  que 
prefqu'en  mé.i^e  t^ms  on  voit  Eupbemins  en  Sicile, 
pourfuivi  crimînelkmçnt  pour  un  femblable  mariage; 
&  quelque  tçiRS  après,  on  condamne  à  Ûonftantinople 
le  mariage  très  légitime  de  l'empereur  Léott  le  philo- 
fppbe.  Où  eft.  donc  le  pays  où  l'on  trouve  alors  des 
loix  &  des  moçurs?  Ce  n'eft  pas  dans  notre  Occident 

.  Cette  ancienne  querelle  des  images  troublait  toû* 


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imfu  Ml    I  ^•=^mittemi!i 


AUX  HUITIÈME  ET  NEUYléMEf.Slici^ES.  4::^ 


jours  Tempire.  La  cour  était  tantôt fitférabie,  tantôt 
contraire  i  leur  culte  ,  fdon  qu'elle  jvoyait  •pencher 
refprit  du  plus  grand  nombre.  Michel  le  bègue  com- 
mença par  les  confacrer,  &  finit  par  les  abattre. 

Son  fucceflfeur  Théophile  ^  qui  régna  environ  douze 
ans ,  depuis  629  jufqu'à  '842  «  feldé^lufa  contre  ce 
culte  :  on  a  écrit  qu'il  ne  croyait  piôlnt  la  réfurrec- 
tion  ,  qu'il  niait  l'exiftence  des  démons ,  &x)u'il  n'ad- 
mettait pas  Jésus  -  Christ  jpour  Dieu.  Il  fe  peut 
&ire  qu'un  empereur  penflt  ainfi  ;mais  faut-il  croire, 
je  ne  dis  pas  fur  les  princes  feulement ,  mais  fur  les 
particuliers ,  des  ennemis  qui  fans  prouver  aucun 
fait ,  décrient  la  jeligion  &  les  mœurs  des  hommes 
qui  n'ont  pas  penfé  cjjmme  eux  ?  , 

Ce  Théophile ,  fils  de  Michel  le  hègue ,  fut  prefque 
le  feul  empereur  qui  eût  fuccédé  paifiblement  à  fon  A 
père  depuis  deux  fiécles.  Sous  lui  les  adorateurs  des  \ 
images  furent  plus  perfécutés  que  jamais.  On  connaît 
aifément  par  ces  longues  perfécutions ,  que  tous  les 
'citoyens* étaient  diviles. 

Il  eft  remarquable ,  que. deux  femmes  ayent  rétabli 
.les  images.  L'une  eft  l'impératrice  Irène ,  veuve  de 
Lion  IFi  8c  l'autne  l'impératrice  Tbéodora  ^  veuve 
de  Théophile. 

Tbéodora ,  '  maîtreffe  de  rêmpîre  d'Orient  fous  le 
jeune  Michel  fon  fils ,  perfécuta  à  fbn  tour  les  enne- 
mis des  images.  Elle  porta  fon  «zèle,  ou  fa  poKti» 
que ,  plus Jpin.  Il.y  avait  encor  dans  l'Afie  mineure 
un  grand  nombre  de  manichéens. qui  vivaient  paifi- 
blés  ,  parce  que  la  fureur  d'entoufiafme  ,  qui  n'eft 
guère^  que  dans  les  feâes  naiffantei,  était  paiTée.  Ils 
étaient  riches  par  le,  commerce.  Soit  ..qu'on  çn  vou»- 
lût  à  leurs  opiniona  ou  à  leurs  l)iens,  on  fit  contr'eux 
des  édits  févères  ,  qui  furent  exécutés  avec  cruauté. 
ar  La  perfécution  leur  rendit  leur  premier  fanatifme.  On 
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^    Dl  t's  k  1 1  t  c  -Q  t.  z  0 

itn  et  petit  4m  imUlitt  IsAs  ^es  fii|1pBo69.  Lb  fcfte 
^dUpélé  fe  véfolta*  B  ta  pafla  clés  de  garante 
ikâlle  cher  les  nHofolmtns  ;  ft  dtt  maakhéetis ,  aup»- 
hivant  fi  Utoquilles  ^  devinrent  des  ennemis  ittécom 
eiliables  ^  qui  joints  mx  Sarrazins  ravagèrent  PAfie 
«Bîn^ttre  înTqii^an  partes  de  U  ville  ti^>ériale ,  dé- 
|>eDplée  par  ha^  .p^e  honnie  «a  84t ,  *  deveaoi 
ta  objet  et  pitié.  :  .' 

La  i^efte  pt^tementéké , eft  une  mésiétt  pité^ 
Ênliére  aux  peuples^  dé  MUHque  »  cosme  la  petitt 
vérole.  C*eft  de  ces  ptys  qu'elle  vient  toâjoors  ptt 
des  TaiffeauK  marchands.  Elle  monderait  l'Europe  Âm 
les  fiiges  précautions  qu'on  prend  daoÉ  im»  ports^  à 
probablement  l'inattention  du  goutemementki&to^ 
trer  la  conugion  dans  la  ville  impériale. 

Cette  même  inattention  éxpoCi  TttApirt  I  tin  atitre 
fiéau.  Les  Rufles  s'embarquèrent  vers  le  port  qu'on 
nomme  aujourd'hui  Azoph  fur  la  mer  Noire,  ft  vin- 
rent nnrager  tous  les  rivages  du  Font  •  Ëtixîn.  Leà 
Arabes  d'un  autre  côté  pouffèrent  encor  leurs  con- 
quêtes par-delà  l'Arménie,  &  dans  PAfie  mmemt. 
xnfin  MicM  h  jeune ,  après  un  règne  cruel  ft  in- 
ïbttuné ,  fut  alfafliné  par  Ètifile.  qu*tt  avait  thré  de 
la  plus  bafi^  conditim  pont  Taffocfer  à  IVmpire. 

L^admfaiIftMtoii  et  É^  nt  tfot  p^tèret  plu«  keo- 
tenfe.  Ceft  fout  An  règne  qu'eft  ^époque  du  graoè 
fchifme  qvi  divila  l'églife  grecque  de  la  latine.  Cdt 
cet  aflafTm  qu'ion  regarda  oomme  juftei  quand  U& 
dépofér  le  |>atliaich«  notUù% 

Les  malheim  de  iW^e  me  ittMt  tt%  li>eattcoii( 
réparés  fous  Um  ,  qu'on  appella  h  fbiiùfopbii  non 
qu'il  ftt  un  AntMhts^sn  Marc^Amrih ,  un  JuHeus 
m  Aaron  ûl  Racbitd ,  Un  Alfred^  mais  parce  qu'il 
était  favantv  U  paile  pour  avdir  le  premier  ouvert  un 


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AUX  ittJiTiéME  ïT  :Kcuyiétfs  ïiécLes.  421    S 

chemin  aox  Turcs  ,  qui  fi  longtems  q^ès  ont  prit 

Conliantinople. 

Les  Turcs  qui  Combattirent  depuis  les  Sarracint ,  & 
qui  mêlés  à  eux ,  furent  leur  foutien  &  1«8  deilruo 
teurs  de  l'empire  Grec ,  avaient- ils  Myà  enroyé  def 
colonies  dans  ces  contrées  voifines  du  Danul>e  ?  Ott 
n'a  guères  d'hiftoires  véritables  de  ces  ém^cations  des 
bariïares. 


n  n'y  a  que  trop  d'apparence  que  les  hommes  ont 
«infi  vécu  longtems.  A  peine  un  pays  était  un  peu 
cultivé  9  qu'il  était  envahi  par  une  nation  affamée , 
cfaa£Eée  à  fon  tour  par  une  autre.  Les  Gaulois  n^étaient- 
•fls  pas  defcendus  en  Italie  ?  n'avaient  -  ils  pj»  couru 
ijurques  dans  TAfie  mineure  ?  Vingt  peuples  de  Ig 
^aade  Tartarie  n'ont -ils  pas  dierché  de  nouvelle^ 
terres  ?  Les  SuHfes  n'avaient -ils  pas  mis  le  feu  à  kmn 
bourgades  ,  pour  aller  fe  tranfplanter  en  Languedoc , 
i|ttand  Véfttr  les  contraignit  de  retourner  labourer  leurs 
terres  f^  qu'étaient  Pbaratnond  &  Clovif  finon  4^ 
barbares  tranfplantés  ^  qui  ne  trouvèrent  point  de 
Céjkr  ? 


Malgré  tant  de  déraftres  ,  Conftantinople  fut  en- 
cor  longtems  la  ville  chrédenne  la  plus  opulente, 
la  plus  peuplée  ,  la  plus  recommandable  par  les 
arts.  Sa  fituation  fede  ,  par  laquelle  elle  domine.^ur 
deux  mers  ,  la  rendait  nécelTairement  commerçante. 
La  pefte  de  842  «  toute  deftcuâive  qu'elle  avuit  été , 
ne  fut  qu'un  fléau  paflager.  Les  villes  de  commerce, 
&  où  la  cour,  réfide ,  fe  repeuplent  toi^jours  par  Taf- 
iluence  des  voifins.  Les  arts  méchaniques^  les  beauX- 
arts  mêmes  ne  périment  point  dans  une  vafte  capitale 
qui  eft  le  féjour  des  ridies. 

Toutes  ces  révolutions  fubites  éa  palais ,  les  otî- 
mes  de  tant  d'empereurs  égorgés  le3  uns  par  les  au- 
\  très ,  font  des  orages  qui  ne  tombent  guères  fer  des 
0r  Dd  iiij 


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424    Db  l'empiiL£  G,r.bc,&c; 

hommes  cachas ,  qui  cultiTent  ,ea  paix  des  profélfiodi 
qu'4;)n  n'envie  point. 

tes  richélTes  n'étaient  point  içuiCétt  :  on  dit  qil*en 
9^7  Tbéoiora  mère  de  Michel^  en  fe  démettant  mal- 
gré elle  de  la  régence  ,  &  traitée  i-peu^près  par  fonfils 
comme  Marie  de  Midicis  le  fut  de  nos  jours  par 
Louis  XlJIf  fit  voir  à  l'empereur  qu'il  y  avait  dans 
le  tréfor  cent  neuf  mille  livres  pefant  d'or ,  &  tioii 
cent  mille  livres  d'argent 

tin  gouvernement  fage  (Pouvait  donc  encot  Main- 
tenir l'empire  dans  fa  puiflance.  Il  était  reflerré ,  vm 
non  tout  -  à  ^iait  démembré  ;  changeant  d'empereurs , 
mais  toujours  uni  fous  celui  qui  fe  revêtait  de  la  pour- 
pre ;  enfiin  plus  riche  ,  plus  plein  de  relTources ,  plus 
puiHant  que  celui  d'Allemagne.  Cependant  il  n'eft 
•plus ,  Se  l'empire  d'Allemagne  fubfifte  encore. 

r 

•  Les  horribles  révolutions  qu'on  vient  de  voir 
effrayent  &  dégoûtent;  cependant  il  faut  ionrenir 
-que  depuis  Co^^aji//»  furnommé  /r  gro»^ ,  l'empire 
de  Cot)ftantinople  n'avait  guère  été  autrement  gou- 
verné ;  &  fi  vous  en  exceptez  Juiien ,  &  deux  ou  trois 
autres ,  quel  empereur  ne  fouilla  pas  le  trône  d'abo- 
minations &  de  crimes  ? 


CrtÀPltRË    tRÉNtlÉMÊ. 

,ï)e  fîtalie ,  des  papes ^  du  divorte  de  LoTHAlRE  m 
^     de  Lorraine ,  6f  des  autres  affaires  de  t*églife  aux 
huitième  ^  neiwieme  JiicîeH 

.:1p  Our  ne  pas  perdre  le  fil  qui  Jie  tant  d^évcneraens, 
,  A  fouvenons  -  nous  avec  quelle  prudence  les  papes 
.  ÎTc  conduifirent  fous  Fefin  &  fous  Cbarlema^ne  j  copi- 


m^m  *        I        mmjikjii 


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^        De  l'Ijalib,  des  papes,  &c-  42f 


me  ils  aflbupirent  habilement  les  querelles  de  reli- 
gion ,&  comme  chacun  d'eux  établit  fourdement  les 
fondemens  de  la  grandeur  pontificale. 

Leur  pouvoir  était  déjà  très  grand  »  puifque  Gri* 
goire  IK  rebâtit  le  pbrt  d'Oftie ,  &  que  Léon  IV  for- 
tifia Rome  à  fes  dépens.  Mais  tous  les  papes  ne  pou- 
vaient être  de  grands  -  hommes  ,  &  toutes  les  con- 
jonâures  ne  pouvaient  leur  être  favorables.  Chaque 
vacance  de  fiege  caufait  les  mêmes  troubles  que  ré« 
le<fUon  d'un  roi  en  produit  en  Pologne.  Le  pape  élu 
avait  à  ménager  à  la  fois  le  fénat  Komain ,  le  peuple 
&  l'empereur.  La  nobleffe  Romaine  avait  grande  part 
au  gouvernement  ;  elle  éUfait  ak)rs  deux  confuts  tous 
les  ans^  Elle  créait  un  préfet ,  qui  était  une  efpèce 
de  tribun  du  peuple.  Il  y  avait  un  tribunal  de  douze 
fénateurs  ;  &  c'était  ces  fénateurs  qui  nommaient  les 
principaux  officiers  du  duché  de  Rome.  Ce  gouverne- 
ment municipal  avait  tantôt  plus,  tantôt  moins  d'auto- 
rité. Les  papes  avaient  à  Rome  plutôt  un  grand  crédit 
qu'une  puiffance  légiflative. 

S'ils  n'étaient  pas  fouveraîns  de  Rome ,  ils  ne  per- 
daient aucune  occafion  d'agir  en  fouverains  de  l'églife 
d'Occident.  Les  évéques  fe  conRituaient  juges  des 
rois ,  &  les  papes  juges  des  évêques.  Tant  de  con^ 
flic'ts  d'autorité ,  ce  mélange  de  religion ,  de  fuperfti- 
tion  ,de  faibleffe,  de  méchanceté  dans  toutes  les  cours, 
rinfuffifance  des  Ibix ,  tout  cela  ne  peut  être  mieux 
connu  que  par  l'avanture  du  mariage  &  du  divorce 
de  Loibaire  roi  de  Lorraine  ,  neveu  de  CbwrUs  le 
i:baHve* 

Cbarjentc^ne  zv^it  répudié  une  de  fes  femmes,  & 
en  avait  époufp  une  autre ,  non-feulement  avec  l'ap- 
pj-obation  du  pape  Ethrmè  ^  mais  fur  fes  preffantes 
follicitations.  Les  rqis  Francs ,  Gontrun  ,  Caribert , 
Sigebert ,  Cbilperic  ,  Dagobert ,  avaient  eu  plufieurs 
femmes  à  la  fois  fans  qu'on  eût  murmuré  ;  .&  fi  c'était 


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4i6     DBL'iTàLIB)  DBS  >APE8, 


À      l 


un  fcaadaie ,  il  était  ftns  trouble,  le  tems  change 
tout.  LêPbMtre  marié  a?ec  Teutberge ,  fille  d'on  duc 
de  la  Bourgogne  Transjurane  ,  prétend  la  répudier 
pour  un  incefte  avec  fon  ftère ,  dont  elle  eft  accufée , 
&  époufer  (a  maitreire  Vahrade.  Toute  la  fuite  de 
œtte  avantsre  eft  d'une  fingularité  nouvelle.  D'a- 
bord la  reine  Teutberge  fe  juftifie  par  Tépreuve  de 
Teao  bouillante.  Son  avocat  plonge  la  main  dans  un 
vafe  9  au  fond  duquel  il  ramaffe  impunément  un  an* 
neau  béni.  Le  roi  fe  plaint  qu'on  a  employé  la  four- 
berie dans  cette  épreuve.  Il  eft  bien  fur  que  fi  elle 
fot  faite  9  Tavocat  de  la  reine  était  inftruit  du  fecret 
de  préparer  la  peau  à  foutenir  Taftion  de  l^eau  bonil- 
lante ,  fecret  qui  conGfte ,  dit- on ,  à  le  frotter  long- 
tems  d'efprit  de  vitriol  &  d'alun  avec  du  jus  d'oi- 
gnon. Aucune  académie  des  fciences  n'a  de  nos  jours 
tenté  de  connaître  fur  ces  épreuves  ce  que  Aventles 
charlatans» 

Le  fuccès  de  cette  épreuve  paflTait  pcrar  uft  mira* 
cle  ,  pour  le  jugement  de  Dieu  même  ;  &  cependant 
Teutberge ,  que  le  ciel  juftifie ,  avoue  à  pluGeurs  évé- 
ques ,  en  préfence  de  fon  confeflfeur ,  qu'elle  eft  cou- 
pable. Il  n'y  a  guéres  d'apparence  qu'un  roi  qui 
voulait  fe  féparer  de  fa  femme  fur  une  imputation 
d'adultère ,  eut  imaginé  de  l'accufer  d'un  incefte  avec 
fon  frère ,  fi  le  fait  n'avait  pas  été  public.  On  ne  va 
pas  fuppofer  un  crime  fi  recherché ,  fi  rare ,  fi  diffi- 
cile à  prouver  :  il  fout  d'ailleurs  que  dans  ces  tems- 
là  ce  qu'on  appelle  aujourd'hui  honneur ,  ne  fiftt  point 
du  tout  connu.  Le  roi  ft  la  reine  fe  couvrent  tous 
deux  de  honte ,  l'un  par  fon  accufadon ,  l'autre  par 
fon  aveu.  Deux  conciles  nationaux  font  aifemblés , 
qui  permettent  le  divorce. 

Le  pape  Nicolas  1  cafle  les  deux  conciles.  Il  dé- 

f»ofe  Gontier  archevêque  de  Cologne ,  qui  avait^  éti 
e  plus  ardent  dans  l'affaire  du  divorce.  GmOifr  écrit 
auffi-tôt  à  toutes  les  églifes  :  ^  Quoique  le  foigneor 


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DVDiYORCB.  427 


î 


S)  Kcolàt ,  qû^on  nomme  pape  ^  &  ^  (è  Compte  pape 
13  &  empereur  ^  nous  aie  excommuniés,  noas  avons  r&> 
s9  Cfté  à  fa  foKe.  ^^  Enfuitedans  fon  écrie ^s'adreflantao 
pape  même  1 1»  Nous  ne  tecevons  point ,  dtt-U  ^  v^cro 
«5  maudite  fentence  :  nous  It  méptifons  ;  nous  rovn 
j^  rejettons  vous-même  de  notre  oommonkm,  nous 
»  contentant  de  celle  des  êvtques  aci  fipires  que 
a>  VOUS  taiftik^ ,  &o» 

tJn  ifrèré  de  IVrchevéque  de  Cologne  |Mta  Ini-mé^ 
me  cette  proteftation  à  Rome ,  &  la  mit  i'épée  à  la 
miain  fur  te  tombeau  oà  les  Komains  prétendent  que 
repdfent  les  cendres  de  St.  Pierre.  Mais  bientôt  après 
l'état  poliiiqde  des  dlBaires  ayant  changé ,  oe  même 
arckevéque  changea  auffi.  Il  vint  au  mont  Caffin  fe 
jetter  aex  gencfox  du  pape  Attrim  II  fucceifeur  de 
Nico/as.  ),  Je  déclare  ,  dit-il ,  devant  DiEU  &  devant 
yy  fes  falnts ,  à  vous  «  monfeigoeur  Adrien ,  fouverain 
»  pontife  ,  aux  évéques  qui  vous  font  fournis  ,  &  à 
^  toute  raflfemblée ,  que  je  fupporte  humblement  la 
))  fentence  de  dépofition  donnée  canoniquement  con^ 
yy  tre  moi  par  le  pape  Nicoldr ,  &c.  ^^  On'fent  com- 
bien un  exemple  de  cette  efpèce  afFermilTait  la  ûipé- 
riorité  de  féglife  romaine ,  &  les  conjoaétures  rcA* 
daient  ces  exemptes  fréquens» 

Ce  même  ¥iûoka  t  extcimmtime  la  feçcmde  &m- 
me  de  Lothaire ,  &  ordorme  i  ce  ^jJiriace  de  repren- 
dre la  première.  Toute  l'Eurofiie  prend  part  à  ces 
événemens.  L'empereur  Louis  il  frère  de  Cbwries  k 
cbativi ,  &  onde  de  Loibmre^t^  flédare  d'abord  vio- 
lemment pour  fon  neveu  contre  le  pi^e.  Cet  em- 
4)èreur  qui  réfidait  alors  en  Italie ,  laenaoe  Ni^as  Is 
il  y  a  du  fang  répandu  ,  &  l'ItaUe  eft  en  aHarmcs. 
On  négocie ,  on  cabale  de  tous  côtés.  Teutherge  va 
plaider  à  Rome  ;  Valrade  fa  rivale  entreprend  le  voya- 
ge ,  &  n'ofe  Tachever.  Lotbaire  excommunié  s*y  tranf- 
porte ,  &  va  demander  pardon  à  Adrien  fucccfleur  de 
Nicolas  >  dan«  la  crainte  où  il  -eft  que  fott  oncle  ie 

U^w        H  II  ■ail II nffa 

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428 


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De    L  o  t»H  a  I  r  b. 


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chauve  armé  contre  lui  au  nom  de  Téglife ,  ne  s'em- 
pare de  fon  royaume  de  Lorraine.  Adrien  II  en  lui 
donnant  la  communion  dans  Rome ,  lui  fait  jarç 
qu'il  n'a  point  ufé  des  droits  du  mariage  avec  Val- 
rade  ,  depuis  l'ordre  que  le  pape  Nicolas  lui  ayaic 
donné  de  s'en  abftenir.  Lotbaire  fait  ferment ,  corn. 
munie,  &  meurt  quelque  tems. après.  Tous  ieshifto» 
riens  ne  manquent  pas  de  dire  qu'il  eft  mort  en  pu- 
nition de  fon  parjure  ,  &  que  les  domeftfques  qui 
ont  ]uié  aveclui ,  font  morts  dans  l'année. 

Le  droit  qu'exercèrent  en  cette  occafion  Wicoîasl 
&  Adrien  It  y  était  fondé  fur  les  fauflfes  décréules 
déjà  regardées  comme  un  codé  univerfei.  Le  con- 
trat civil  qui  unit  deu;c  époux ,  étant  devenu  un  (k- 
crement ,  était  fournis  au  jugement  de  l'églife. 

Cette  avanture  eft  le  premier  fcandale  touchant 
le  mariage  cfes  têtes  couronnées  en  Occident  On  a 
vu  depuis  les  rois  de  France  Kohert ,  Pbilipte  /» 
Philippe- Augujie  excommuniés  par  les  papes  pour  des 
caufes  à-peu-près  femblables ,  ou  même  pour  des  ma- 
riages contradtés  entre  parens  très  éloignés.  Les  c?ç- 
ques  nationaux  prétendirent  longtems  devoir  être  les 
juges  de  ces  caufes.  Les  pontifes  de  Rome  les  évo- 
quèrent toujours  à  eux.' 

On  n'examine  point -ici  fi  cette  nouvelle  jurifpni- 
dence  eft  utile  ou  dangereufe  ;  on  n'écrit  ni  comme 
jurifconfulte ,  ni  comme  controverfifte  :  mais  toutes 
les  provinces  chrétiennes  ont  été  troublées  par  ces 
fcandales.  Les  anciens  Romains ,  &  les  peuple»orien- 
tatfx  furent  plus  heureux  en  ce  point.  Les  droits  des 
pères  de  famille ,  le  fecrct  de  leur  lit  n'y  furent  ja- 
mais en  proie  à  la  curiofité  publique.  On  ne  con- 
nait  point  chez  eux  de  pareils  procès  au  fujet  d'un 
mariage  ou  d'un  divorce. 

Ce  defcendant  de  Charîemc^ne  fut  le  premier  qui 
alla  plai4er  à  trois  cent  lieues  de  chez  iuî  devant  on 


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DV   DIVOKCB  DE  LOTHAIRE.   429 


juge  étranger  ,  pour  favoir  quelle  femme  il  devait 
aimer.  Les  peuples  furent  fur  le  point  d'être  les 
viiftimes  de  ce  différend.  Louis  le  débonnaire  avait 
été  le  premier  exemple  du  pouvofîr  des  évêques  fur 
les  empereurs.  Lotbaire  de  Lorraine  fut  l'époque  du 
pouvoir  des  papes  fur  les  évéques.  Il  réfultc  de 
toute  rhiftoire  de  ces  tems-là ,  que  la  focîété  avait 
peu  de  règles  certaine»  chez  les  nations  occîdenta- 
les  >  que  les  états  avaient  peu  de  loix  ,  &  que  l'é- 
glife  voulait  leur  en  donner, - 


CHAPITRE    TRENTE-UNIÈME.     ' 

...  • 

i    Le  Pbotdus ,  6f  dufcbifme  entre  t  Orient  6f  P  Occident. 

LA  pkis  grande  affaire  que  l'^glife  eut  alors  ,*  &  S 
qui  en  eft  encore  une  très  importante  aujour*  ' 
d'hui ,  fut  l'origine  de  la  féparation  totale  des  Grecs 
&  des  Latins.  La  chaire  patriarchale  de  Conftanti- 
nople  étant  ,  airifi  que  lê  trône  ,  l'objet  de  l'ambi* 
tîon ,  était  fujette  aux  mêmes  révolutions.  L'empe- 
reur -AfzVi'f/  /// mécontent  du  patriarche  Ignace^ 
l'obligea  «à  figner  lui*méme  fa  dépofition  ,  &  mit  à,  fa 
place  Pbotius  ,  eunuque  du  palais  ,  homme  d'une 
grande  qualité  »  d'un  vafte  génie  ,  &  d'une  fcience 
univerfelle.  U  était  erand*écuyer,&  miniftre  d'état. 
Les  évêques  ,  pour  1  ordonner  patriarche  ,  le  firent 
paflTer  en  iix  jours  par  tou«  ie^  degrés»  Le  premier 
jour  on  U  fit  moine  ,  parce  qpe  les  moines  épient 
alors  regardés  comme  faifant  partie  de  la  hiérarchie, 
Le  fécond  jour  il  fut  le<fteur,  le  troifiéme  fous -dia- 
cre ^  puis  diaci^  «  prêtre ,  &  enfia  patri^^hç ,  le  jour 
de  Noël  erigçg. 


Le  pape  'Nicolas  prit  le  parti.  à'Jgnace ,  &  excmn- 
ixah  Pbçtiut.  Il  lui  reprochait  furtout  d'avoir  patf^    ^ 


munia 


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«i^ 


I  !   430  Di  Photut»  it  ev  schisme 


de  Htzt  de  laïc  à  celui  d'évéque  avec  tant  de  n* 
pidité  ;  mais  Pbotius  répondait  avec  raifon  que  St. 
jimbraife  ,  gouverneur  de  Mtbn  ,  &  i  peine  chrétien , 
avait  joint  la  dignité  d*évéque  à  celle  de  gouverne^ 

Elus  rapidement  ençor.  Photiut  excommunia  donc 
t  pape  à  fon  tour ,  &  le  déclara  dépofé.  Il  prît  le 
titre  de  patriarche  œcuménique ,  &  accufa  hautement 
d'héréfîe  les  évéq^es  d'Occident  de  la  communion 
du  pape.  Le  plus  gr^d  reproche  qu'il  leur  fàiûit, 
roulait  fur  la  proceflfion  du  Père  &  du  Fik.  JDfi 
bommts ,  dit-il  dans  une  de  fes  lettres  ^fortis  des  ti* 
nitris  de  tOccidenà ,  mettomt  corromfu  far  leur  igno- 
rance. Le  comble  de  leur  impiiti  ^  Rajouter  de  non* 
velles,  paroles  au  façri  Jymbole  autoxifi  par  totu  les 
conciles  ,  en  dijani  que  le  St.  Bfprit  ne  procède  pas 
du  Pire  feulement ,  trttiis  encor  4k  Fils  yCf  qtd  ^  re-^ 
umçer  au  çbrffliamfmep 

On  voît  par  ce  paflage  &  par  beaucoup  d^utres , 
quelle  fupériorité  les  Grecs  affedbdent  en  tout  fur 
les  Latins,  Ils  prétendaient  que  Téglife  romaine  de- 
vait  tout  à  la  grecque ,  jufqu'aux  noms  des  ufàges, 
des  cérémonies  ,  des  myftéres  ,  des  dignités.  Batime^ 
éucbarijhe ,  liturgie ,  diocèfe ,  paroi ffe ,  ivêque ,  ftitre , 
diacre ,  moine ,  ïglife  ,  tout  eft  grec.  Ils  regardaient 
les  Latins  comme  des  difciples  ignorans  ,  révoltés 
contre  leurs  mitres ,  dont  ils  ne  (avaient  pas  mémo 
la  langue.  Ils  nous  accufaient  d'ignorer  le  catéchif- 
me ,  enfin  de  n'itre  pas  chrétiens, 

Les  autres  fujets  d*anathême  étaient ,  que  les  La-. 
tins  fe  fervaîent  alors  communément  de  pain  non* 
levé  pour  Teuchariftie ,  mangeaient  des  œuft  &  du 
fromage  en  carême ,  &  que  leurs  prêtres  ne  fe  fei^ 
faient  point  rafer  la  barbe.  Etranges  raifons  pour 
brouiller  l'Occident  avec  TOrient  ! 

Maïs  quiconque  eft  jufte  avouera  que  Pbotius  était 
non -feulement  le  plus  favant  homm^  de  Péglife» 


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•   431    f 


EKTRE  l'Orient  et  l'Occidbkt 


Biais  un  grand  évéque.  Il  fe  conduifit  comme  St. 
Ambroife ,  quand  BapU  aflaffin  de  l'empereur  Michel 
fe  préienta  dans  Téglife  de  Sophie  :  Vous  ifes  indim 
gne  cCafpvcber  desjaints  myflères ,  lui  dit-il  à  haute 
voïx^  vous  qui  avez  les  mains  enpor  fùtfillies  dujhtg 
Ae  votre  bienfaHleur.  Pbotius  ne  trouva  pas  un  Tbéo^ 
dofe  dans  B^ifile.  Ce  tyran  fie  une  chofe  jufte  par 
vengeance.  Il  rétablit  Ignace  dans  le  fiége  patriar- 
chal ,  &  chafla  Pbotius,  Rome  profita  de  cette  con- 
jondure  pour  faire  aflemblcr  à  Conftantinople  le  hui* 
tiéme  concile  œcuménique ,  compofé  de  trois  cent 
évéques.  Les  légats  du  pape  préfidèrent ,  mais  ils  ne 
favaient  pas  le  grec ,  &  parmi  les  autres  évéques  très 
peu  favaiept  le  latin.  Pbotius  y  fut  univeitcllcmcnt 
condamné  comme  intrus  ,  &  fournis  &  la  pénitence 
publique.  On  figna  pour  les  cinq  patriarches  avant 
de  figner  pour  le  uape  ;  ce  qui  eft  fort  extraordinaire  ; 
car  puifque  les  légats  eurent  la  première  place  ,  ils 
devaient  figner  les  premiers.  Mais  çn  tout  cela  les 
queftions  qui  partageaient  TOr ient  &  l'Occident  , 
ne  furent  point  agitées  ;  on  ne  voulait  que  dépofer 
Pbotius. 

Quelque  tems  après^ ,  le  vrai  patriarche ,  Ignace , 
étant  mort ,  Pbotius  eut  Tadreflc  de  fe  faire  rétablir 

Îar  l'empereur  Bajîle.  Le  pape  Jean  VIII  \e  retjut 
fa  communion  ,  le  reconnut ,  lui  écrivit  ;  &  malgré 
ce  huitième  condle  œcuménique ,  qui  avait  *anathé<» 
ttiatîfé  ce  patriarche ,  le  pape  envoya  fes  légats  à  un 
autre  concile  à  Conftantinople ,  dans  lequel  Pbotius 
fîit  reconnu  innocent  par  quatre  cent  évéques  ,  dpnt 
trois  cent  l'avaient  auparavant  condamné.  Les  légats 
de  ce  même  fiége  de  Rome ,  qui  l'avaient  anathéma* 
tifé ,  fervirent  eux-mêmes  à  cafler  le  huitième  con- 
cile œcuménique. 

Combien  tout  change  chez  les  hommes  !  combien 
ce  qui  était  feux ,  devient  vrai  félon  les  tems  !  Les 
légats  de  Jean  VIB  s'ét^rient  en  plein  concile  ;  Si 


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§r    432  De  PhOTIVS  ET  DU  SCHISMB 


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queîqu^un  ne  reconnaît  pas  Pbotius ,  que  fon  pwrtagî 
joit  avec  Judas,  Le  concile  s'écrie  ,  Longues  amùtt 
au  patriarche  Pbotius ,  8f  au  putriarcbe  de  Bonn 
Jean. 

Enfin  à  la  fuîte  des  aâes  dp  concile  on' voit  une 
lettre  du  pape  à  ce  favant  patriarche ,  dans  laquelle 
il  lui  dit  ;  Nous  penfons  comme  vous  ;  nous  tenons  pur 
tranfgre£eurs  de  la  parole  de  DiBU,  nous  rangeons 
avec  Judas ,  ceux  qui  ont  ajouté  au  fymbole ,  que  le 
St,  Efprit  procède  du  Père  gf  du  Fils  j  mais  nous 
croyons  quHl  faut  ufer  de  douceur  avec  eux ,  6?  ^^ 
exhorter  à  renoncer  à  ce  blafphême. 

Il  eft  donc  cUir  que  réglife  romaine  &  la  grecque 
penfaient  alors  cliSeremment  de  ce  qu'on  penle  au- 
jourd'hui. L'églife  romaine  adopta  depuis  la  procef- 
fion  du  Père  &  du  Fils  ;  &  il  arriva  même  qu'en 
s 274  l'empereur  des  Grecs,  Michel  Paléologue  ^'m- 
plorant  contre  les  Turcs  une  nouvelle  croifade ,  en. 
voya  au  fécond  concile  de  Lyon  ,  Ton  patriarche  & 
fon  chancelier  ,  qui  chantèrent  avec  le  concile  en 
latin  ,  qui  ex  pâtre  filioque  procedit.  Mais  l'églife 
grecque  retourna  encore  à  iba  opinion  <,.&  femblala 
quitter  encor  dans  la  réunion  paflagère  qui  fe  fit 
avec  Eugène  IF.  Qpe  les  hommes  apprennent  delà 
à  fe  tolérer  les  uns'  les  autres.  Voilà  des  variations 
&  des  difputes  fur  un  point  fondamental ,  qui  n'ont 
ni  excité  de  troubles ,  ni  rempli  les  prifons ,  ni  allu* 
mé  les  bûchers. 

On  a  blâmé  les  déférences  du  pape  Jean  Vlllfont 
le  patriarche  Pbotius  ^  on  n'a  pas  aflez  fongé  que 
ce  pontife  avait  alors  befoin  de  l'empereur  Bajile. 
Un  roî  de  Bulgarie  ,  nommé  Bogoris  ,  gagné  par  l'ha- 
bileté de  fa  femt^e  qui  était  chrétienne ,  s'était  con* 
verti ,  àPej^emplede  C/ow  &  du  roi  Egbert.  tti'a- 
giflait*  de  favoiç  de.  quel  patnarchat  cette  nouvelle 
province  chrétienne  dépendrait,    Coaftantfnople  & 

Rome 


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ENTWt  l'OrieiTt  et  l'Occidewt.  433 


Rome  fe  la  dlfputaient.  La'  décifion  dépendait  de 
Tempereur  Bqfî/e.  Voilà  eti  partie  le  fujet  des  com- 
plaifances  qu'eut  Tévéquc  de  Rome  pour  celui  de 
Conftantinople. 

Il  ne  faut  pas  oublier  que  dan v  ce  concile ,  ainfi 
que  dans  le  précédent ,  il  y  eut  des  Cardinaux.  Oa 
nommait  ainfi  des  prêtres  &  des  diacres  qui  ferraient 
de  confeils  aux  métropolitains.  Il  y  en  avait  à  Rome 
comme  dans  d'autres  églifes.  Us  étaient  déjà  diflin- 
.  gués  :  mais  ils  fignaient  après  les  évéques  &  les  abbcs. 

Le  pape  donna  par  fes  lettres  &  par  fes  légats  le 
titre  de  vœre  fainteté  au  patriarche  Pbotius.  Les 
autres  patriarches  font  aufli  appelles  papes  dans  ce 
concile.  C'eft  un  nom  grec  ,  commun  à  tous  les  prê- 
tres, &  qui  peu -à- peu  eft  devenu  le  titre  diftinâif 
du  métropolitain  dç  Rome» 

Il  paraît  que  Jean  VIII  fe  conduifaît  avec  pru- 
dence ;  car  fes  fuccefleurs  s'étanjt  brouillés  avec  l'em- 
pire Grec  ,  &  ayant  adopté  le  huitième  concile  œcu- 
ménique de  8^9  &  rejette  l'autre  qui  abfolvait  Pbo* 
tins  ,  la  paix  établie  par  Jean  VIll  fut  alors  rom^ 
pue.  Pbotius  éclata  contre  l'églife  romaine  ,  la  traita 
d'hérétfique  au  fujet  de  cet  article  du  filioque  proce^ 
dit ,  des  oeufs  en  carême ,  de  l'euchariftie  ^ite  avec 
du  pain  fans  levain  ,  &  de  plufieurs  autres  ufages. 
Mais  le  grand  point  de  la  divifion  était  la  primatie. 
Pbotius  &  fes  fucceffeurs  voulaient  être  les  premiers 
évéques  du  chriftianifme  ,  &  ne  pouvaient  foufFrir 
que  Vévêque  de  Romç  ,  d'une  ville  qu'ils  regardaient 
alors  convtie  barbare ,  féparée  de  l'empire  par  (à  rê- 
bellion  ,  &  en  proie  à  qui  voudrait  s'en  emparer, 
jouit  de  la  préféance  fur  l'évéque  de  la-  ville  impé- 
riale. Le  patriarche  de  Conftantinople  avait  alors  dans 
fon  diftriét  toutes  les  églifes  de  la  Sicile  &  de  la 
Fouille  ;  &  le  St.  Siège  en  paflant  fous  une  domina- 
tion étranjgète  ,  avait  perdu  à  la  fois  dan^  ce?  pro- 

Ejfaifur  les  mœurs  ,  èf  c*  Tom.  I.  E  e 


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ST    4H  Dk  PHOtlUSlT  DU  SCHIf  AE  f 


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Tinoès  (on  patrintoiné  &  Tes  droits  de  métropohuàa. 
L'églife  grecque  méprifait  réglîfe  romaine.  Les  fcien"» 
ces  flmfTjîenc  à  Conftahtinofyle  ,  mais  à  Rome  tout 
tombait  jufqu'à  la  langue  latine  ;  &  qiioK)u'on  y  fât 
plus  inftruit  que  dans  tout  le  refte  de  TOccident ,  ce 
peu  de  fcience  (é  reflbitait  dé  ces  tems  maHiéiiretix. 
Les  Grecs  fc  tengcaîent  bien  de  la  fiipérioritc  qe< 
les  Romains  avaient  t\xé  for  eux  depuis  le  tems  dtf 
Lucrèce  &  de  Cicerm  jofqu'à  Corneille  Tacite,  Ils  fit 
parlaient  des  Romains  qu'arec  ironie.  L'évéquc  Luiu 
frixnd  y  enfoyé  depuis  enambaflade  à  Conftantinople 
par  les  Otbons  y  rapporte  que  les  Grecs  n'appellaient 
3t.  Grég(dri  k  grand  ,  ^ue  Grigairf  diaiogue  ,  parce 
a^^cn  effet  fes  éialogues  font  d^un  homme  trop  6m* 
^e.  Le  etms  a  taut  changé.  Les  papes  font  deve^ 
-fins  ût  grands  fouTeraîns ,  Rome  le  centre  de  la  po^ 
lltefTé  &  d^i  arts  ,  Péglife  latine  favante  ;  &  le  pa* 
triarche  de  Conflantinople  n'eft  plus  qu'on  cfclave^ 
évéque  d'un  peuple  efclave. 

Photint ,  qtti  eut  dans  fa  vie  plus  de  revers  que  de 
gloire ,  fut  dépofë  par  des  intrigues  de  cour  ^  &  moa^ 
mt  malhigureux  ;  mais  fes  fucceffeors ,  attKfaés  à  fès 
prétentions ,  les  fontinrent  avec  vigueur. 

Le  pape  Jean  Vtll  mourut  encor  plus  malhevren- 
femènt.  Les  annales  de  Fttidê  difeiit  qu'M  fîit  a(fa& 
fihé  à  coups  de  marteau.  Les  tems  faivans  noi»  fe^ 
rortt  voir  le  fiége  p(»AtificaI  fouirent  en£uiglsmtc ,  & 
Rome  toujours  un  grand  objet  pour  les  nation»,  mais 
toujours  à  plaindre. 

Le  dogme  ne  troubla  pokit  encor  Pcglife  d'Occi- 
dent ;  à  peine  a<t-on  confervé  la  mémoire  d'une  pe» 
tite  dif^ute  excitée  en  8r4  P«r  un  bénédiâm  nommé 
Jean  Godefca/d  fur  la  prédeftînadon  &  fur  hi  grace: 
l'événement  fit  voir  combien  il  eft  dangereux  de  traî* 
ter  ces  matières ,  &  furtout  de  difputer  contre  un  wi- 
veriàire  puiflant   Ce  moine  prenant  à  ta  lettre  pin* 

tÇtMki^    I"   '  yi^naa^meg— Il  II    '     mmSSt 


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BMTRB  li'OKIBNT  BT  fc'OceiBENr.  435 

fleurs  Éxpceffioas  dé  Sf.  Paul  Se  de  £r,  Augnftin^ 
enfeignait  la  prédeftination  abfoiiie  &  éternelle  du 
petit  nombre  des  élus  &  du  grand  nombre  des  fé* 
pl-ourés.  L'drehëvé^ue  de  Hiieims  ^  Httiçmur  ^  homme 
Tiolenk  dans  les  aflalfesf  eadéfiaiUques  comane  dan% 
les  dViles ,  lui  dtfe,  qt^il  était  fridejHni  à  être  cQdû 
damm  &  à  être  f^ttu  £n  effet  il  le  fit  anathéma* 
ttfer  dans  UH  petit  eoAcile  en  850.  On  Texpofa  tout 
Bud  en  préfence  de  Temperf ur  Charles  le  chauve ,  & 
il  fut  fouetté  depuia  lea  épaules  jufqu'aux  jambes  par 
ies  flMines. 

Cette  difjpute  impertinente  dans  laquelle  les  deux 
partis  ont  également  tort ,  ne  s'eft  que  trop  renou* 
f  ellée.  Tous  Terrez  chez  les  Hollandais  un  fynodv  de 
Dordrecht ,  compofé  des  partîfans  de  l'opinion  de  Go. 
defcaid  ,  faire^pis  que  fouetter  les  fe(ftateurs  d'Jfinfmar. 
Vous  verrez  au  contraire  eh  France  lès  jéfuites  du  parti 
i*Hincmar  pourfuivre  autant  qu'ils  le  pourront  les 
janfénifies  attachés  aux  dogmes  de  Godefcafd  >•  &  ces 
querelles  qui  font  la  hohté  âcs  nations  policées ,  ne 
finiront  que  quand  il  y  aurii  plus  de  philofophes  quç 
de  dodteurs. 

Je  çe^  ferai,  aucune  mention  d^une  {bliè  épidémie 
eue ,  qui  faifit  le  pciiple  de  Dijon  en  844  i  Tocca- 
uon  d'pn  $L  Sinise  ,  qui  donnait  y  difaic-on ,  des 
convuUiôns  à  ceux  qui  priaient  fur  fon  tombeau  i 
je  ne  parlei'ais  pas  ,  dis-je ,  de  cette  fuperftîtion  pppu. 
laire,  fi  elle  île  s^étaic  renouvellée  de  nos  jours  aveq 
fureur  dans  ies  circonliances  toutes  pareilles.  Les 
méihès  folies  femblent  deiUnées  à  reparaître  ^e.^ms; 
en-tems  fur  la  fcéne  du  monde  ;  mais,  aqiC  le;  bon^ 
fetls  eft  1<  même  dans  tous  les  tenis  :  &  oii  n'a.rien 
dît  de  fi'  fage  fur  les  miracles  modernes  opérés  a^ 
tombeau  de  je  ne  fais  quel  diacre  de  Paris,  que  ce 
que  dit  en  ^44  un  évê^ue  ià  Lyoh  fur  ceuS.  deDi- 
jOnt)»  Voilà  m  étsange  faint ,  qui  eftfopie  oeux  qut 
»  ont  iecdUra  à  lui  :  M  me  femblet  que  les  mirackl 


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£fi6^  Disputes  ïl^  Oc ciBBK T. 

,j  devraictit  étr€  faks  potir  guérir  les  maladies ,  & 
,5  non  pour  en  donner.  ^^ 

Ces  minuties  ne  troublaient  point  la  paix  en  Occi- 
dent ,  &  les  querelles  théologiques  y  étaient  alors 
comptées  pour  rien  ,  parce  qu'on  ne  pcnfait  qu*à  s'a- 
grandir*  Elles  avaient  plus  de  poids  en  Orient ,  parce 
que  les  prélats  n'y  ayant  jamais  eu  de  puiflance  tem- 
porelle ,  oh^chaient  à  fe  faire  valoir  par  les  guerres 
de  plume.  11  y  a  encor  une  autre  caufc  de  la  paix 
théologique  en  Occident  ,  c'eft  l'ignorance  qui  au 
moins  produifit  ce  bien  parmi  les  maux  infinis  dont 
^le  était  caufc.  = 


CHAPITRE    TRENTE-DEUXIÈME. 

Erat  de  T empire  d*  Occident  ,  â  la  fin  du  neuvième 
Jîicle.  - 

L ^Empire  d'Occident  né  fubfiftà  plus  que  de  nom. 
'  Arnould ,  Arnolfe  ou  Arnold ,  bâtard  de  turhman., 
fe  rendit  maitre  de  TAIIemagne  ;  mais.  Tltalie  étsdt 
pirtagée  entre  deux  feîgneurs  ,  tous  deux  du  fang 
de  ^Itrariemagfie  par  les  femmes  ;  Tun  était  an  duc 
de  Spolette ,  nomme  Gui  ,•  l'autre  Bérenger  ,  duc  de 
trîoul  :  tous  deux  inveftîs  de  ces  duchés  par  Charles 
te  chauve ,  tous  deux  prétendans  à  Tempire  aufli-bîen 
qu^âu  ï'byàume  de  France.  Arnould ,  eu  qualité  d'an, 
pereur ,  regardait  aufli  la  Ffî^hce  comme  iuî  appar- 
tenant de  droit  :  tandis  que  la  France ,  détachée  de 
î^empïre  ,  était  part  gée  entie  Charles  le  fintple  t|uî 
la  perdait,  &  fe  roi  Eudes ^  grand-oncle  de  Hugues 
Ûapet ,  qui  Pufurpaît. 

Un  Bozon^  roi  d'Arles,  drfputait  encor  Tempire* 
Le  pape  JonMo/*^,  évéque  peu  accrédité  de  I»  mal- 
heureufe  Rome ,  ne  pouvait  que  donner  l'onAioii  fa^     ; 


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1 


^       Etat  de  l'empire  d'Occidekt  ,  Ad  437    * 

crée  aa  plos  fort.  Il  i^onronna  ce  Gui  de  Spoiette^ 
L'année  d'après  il  couronna  Birenger  vaîiiqueiir  ;  & 
il  fut  forcé  de  facrer  enfin  cet  Arnould  qui  vint  aflié* 
ger  Rome  &  la  prit  d'aflaut.  Le  ferment  équivoque  « 
que  requt  Arnould ,  des  Romains ,  prouve  que  déjà 
les  papes  prétendaient  à  la  fouver<iineté  -  de  Rome. 
Tel  était  ce  ferment  :  ^  Je  jure  par  les  (aints  my&è« 
yy  res  ,  que  fauf  mon  honneur ,  ma  loi  &,  ma  fidélité 
,9  à  monfeigneur  Formqfe  pape ,  je  ferai  fidèle  à  l'^m- 
„  pereur  Arnould.  " 

Les  papes  étaient  alors  en  quelque  (brte  femUablea 
aux  califes  de  Bagdat,  qui  révérés  dans  tous  les  états 
Inufulmans  comme  lèS'Chef;i  de  \%  religion  ,  n'avaient 
plus  guères  d'autre  droit  que  celui  de  donofer  Its*  kh 
veftitures  des  royaumes  à  ceux  qui  les  demand^ierrt 
les  armes  k  la  main  ;  mais  il  y  avait  entre  ces  Qallfts  & 
ces  papes  cette  difFérence  >  que  les  califes  étaient 
tombés  du  premier  trône  de  la  terre»  &  que  les  papes 
s'élevaient  infonfiWement*  '  v  .    : 

Il  nV  3^ait  réellement. plus  d'empire,  ni  de  droil 
ni  de  fait.  Les  Romains ,  qui  s'étaient  donnéâ  à  Char* 
lemagne  par  acclamation ,  ne  voulaient  plus  recon* 
naître  des  bifiards ,  des  étrangers  ,  à  peine  maitces 
d'une  partie  de  la  Germanie* 

'  Le  peuple  Romain  dahs'fon  abaiiTement,  dans  foU 
mélange  avec  tant  d'étrangers,  confervait  encér  ,'Coni« 
me  anjourd'hoi  ,  cette  fierté  feàrette  que  donne-  la 
grandei(r  i^aflee»  Il  trouvait  infupportable  quel  des 
Bruges  v^ef  Cattçs ,  des  Marcomans ,  fc  diflent  let 
fucceifeurs  des  Céfars ,  &  que  les  rives  do  l(ein  &  la 
forêt  Hercinie  fiiflent  le  centre  de  l'empire  de  Tipus 
&  de  TraJMtM 

On  fréfbiffait  à  Rome  d^ndîgnation  ,  à  on  rtait'en 
même  tems  de  pitié,  lorfqu'on  apprenait  qu'après  la 
mort  d' Arnould ,  fpti  fils  Hiiudovic ,  que  nous  appel* 

Ee  iij 


^ .     I 


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498   ETA.Ï  BB  t^liflEE  O'ÛCCIDBHT^  &C. 

^^t^i^m      '        ^  I       f      r  II 

pelions  £o«7>  ,  aiAit  été  cUâfité  empereur  des  Ro« 
mains  à  t'ige  de  trois  ou  quatre  ans ,  dans  un  villags 
bafbare  ,  nomm^  Fourkem  ,  paf  quelques  leuds  as 
évAques  Germains.  Cet  enfiint  ae  tm  jamais  compté 
p^tmi  les  emj^trtors  ;  mais  on  le  regat dait  dans  PAile* 
magntf  eomme  celui  qui  défiait  fueoéder  à  Cbopfîtm^ 

ffie  ft  aux  Céjkrs.  C'était  en  irflet  un  étrange  empire 
:6main  qtie  6e  gouTtHiement  qui  n^amis  alors  ni  lei 
pays^  trmé  feUfcin  t^  la  Afei^ ,  nî  la  France ,  ni  1« 
Bourgogne,  ni  rSfpagne,  ni  rien  enia  dans  l'Iulict 
&  pas  même  une  maifoù  dans  Kome  qu'on  pût  (Ure 
ippkiiléiiïf  à  Péoq^eawr. 

t)tt  Utr»  de  ee  jto»i!^  ^  demie?  prinoe  Allemand 
c^  ftng  de  Okariiftuigfte  fêf  bàtardife,  mort  en  912, 
l^Altemagne  fet  ce  qu^étaît  la  Ftance  ,  une  concréi 
tënftéf  pnr  tes  ([oèrres  civiles  de  étrangères  ,  fooi 
ton  pritiee  élu  en  tumulte  êc  mal  obéï. 

Tout  eil  révolution  dans  tes  goifvememens  :  s'en 
eft  une  frappante  que  de  voir  une  partie  de  ces  Saxons 
fittVagSM  ^  traités  par  Ohàrimm^  comme  les  Ilotes 
par  les  liieédémoniens  ,  dfnt^r  eu  prendre  au  bout 
dt  cent  douiKe  «nr  eettv  même  dignité ,  qui  n'était 
pH»^  dans  la  jmaifoA  4a  leur  ^nqaeur^  0$bm^  doo 
de  Saxe,  après  la  mort  de  iaids^  met,  dît*qn,  par 
fon  crédit  la  couronne  d'Allemagne  fur  la  tête  de 
iSônmà  duo  ^  Francboief  &'«|fa'és  la  mârt  de  (km^y 
k  fils. -du  duo  Otktm  de  Siie  ,  Hmri:  e^^ehWi  eft 
élu.  Toos  eeqx  qui  trient  .^eta  pri^iees  hérécKlairta 
esi  Garpiasiie,  jaiiHs  auja'évéqves  ^faHJUen^  ci«  é(s^ 
thûiB  ^Al  y.  àppeilaieut  alofe  les  pritûiifMJj^  ekoyoifl 
dès:''boiuiaéëf. 


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r--/'ipM»ii  'ff4  y  ,  ff^'uMjtyiiiiii^  amn  u  ^  ^i^pumij^^i  ,t^ 


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DtS  FIITS  BTDB  L'iMPIKf.  499 


CHAPITRE   TRENTE.TROÏSIÉMB. 

Des  fiefs  6f  iie  f  empire.    . 

T  A  force  qui  a  tout  fdît  dans  cc*!nondc  ,  avajt 
JLi  donné  l'Italie ,  &  les  Gaules  aux  Romaine.  Les 
barbares  pfurpèrent  leurs  conquêtes.  Le  père  de  Cfy(ir^ 
iemagne  u£mp^  les  Gaules  furies  rois  Francs.  Les 
gouverneurs  fous  la  race  (le  Çbarlemagne  ufprpèt^nt 
tout  ce  qu'ils  purent.  Les  rojs  Lombards  avaient  ééjt 
'Établi  des  fieft  en  Italie.'  Ce  fut  le  modèle  fqr  lequel  ft 
réglèrent  les  ducs  &  les  comtes  dès  le  teàis  dje  Cbturles 
ie  cbawtff.  Peu -à -peu  leurs  gojnremèmçns  devinrent 
des  patrimoines.  |.es  évéqufes  de  phifieurs  grands  lîé^ 
ges  ,  déjà  puîflans  paj'.lcur  dignité,  n'avSicht  plut 
qu'un  pas  à  faire  pour  être  princes  :  ^  ce  paç  fut  i 
bientôt  f^it  De -là  vient  la  puiffancc  ftcdière  des  B 
èvêqucs  de  Mayence ,  dç  Cologne,  de  Ttàycs  ,  de.  ^ 
Vunzbourg,  &  de  tant  d'autres  en  AHçmagnc  &  eh 
Trance.^  Les  archevêques^  dç^Rhcims  ^  de  Lyon ,-  de 
Beàuvaiç,  de  L^ngres  ,  de  Laon  ,  s'attribuèrent  les 
droits  régaliens.  Cette  puiffandé  des  feçcléfiaftiqués 
ne  dura  pas  en  France  :  m^îs  en:  Allemagne  elle  eft 
affermi^  pour  longtems.  Enfin  les  moines  eux-mêmes 
devinrent  princes ,  les  abbéà  de  Fulde ,  de  St.  Gai , 
de  Kenjpten  ,  de  Corbic ,  &o.  étaient  de  petits  rofe 
dan^  les  pays-oFù  quatre^ingt  ans  auparavant  ils  défri» 
fshtîent  de  kurs  mains  quelques  terres  que  des  pro« 
IH^étaires  charitables  leur  avaient  données.  Tous  cmz 
fergneurs ,  ducs ,  eemites ,  marquis  ,  évites  ,  abbés  > 
rendaient  hommage  au  fouverain.  On  a  longtems  cher- 
ché i^orfgiTiè  do  ttf  ffouvf mtjnent  fédd^b  U  eft  à 
croire  :^u*H  ft'ta  a  point  d'aijttne  ^jue  t^andennt  cou- 
"tom«  de  tcmtes  W  nations  ,  d'iïtipofer  on  hommage 
"&  un  trlhi/t  au  plus  feible.  On  fait  (pi'enfuîte  les  em- 
pereurs Rômafn^  dévinèiPent  des  terres  à  perpétuiié  à 
H  de  certaines  condiiloAt.  On  en  treuvedes^exempiks  - 
&  Ec   iîij  1 

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440  DïS   FI  Ers   ET    DE  l'empire. 

dans  les  vrts  à'Alcxvndre  Sévère  &  de  Probus.  Les 
Lombards  forent  les  premiers  qui  érigèrent  des  du- 
chcsircleians  en  fief  dé  leur  royaume.  SpoJette  & 
Bénévent  furent  iTous  les  rois  Lombards  des  duchés 
héréditaires. 

Avant  CbarUmagne  i  Tajjllon  polTédalt  le  duché  de 
Bavière  à.  condition  d*un  hommage  ;  &  ce  duché  eâc 
appartenu  à  fcs  defcendans^  fi  Charkmagne ,  ayant 
vaipcu  ce  prince',  n'eut  dépouillé  le  père  &  les  enÉios. 

Bientôt  point  de  villes  libres  en  Allemagne ,  ainfi 
point  de  commerce  ,  poiDt  de  grandes  richelTes.  Les 
villes  ^u-^ielà  du  Rbm  n'avaient  pas  même  de  mu- 
railles^ Cet  état ^.  qui  pouvait  être  fi  puifTant,  était 
jdevepu  fi^ faible  par  le  r^ombre  &  la  diviûon  de&s 
piaicres ,  ^ue  l'empereur  Cornai  fut  obligé  de  pro- 
{peUre  un  tribut  annuel  apx  Hongrois ,  Huns  ou  Pan- 
noni^s ,  f^hiea  contenus  par  CbarJemagnt ,  &  fournis 
depuis  p^  les  empereurs  de  la  maifon  à'Au^icht, 
Hais  alors  ils  femblaient  être  ce  qu'ils  avaient  été 
îpus  Aitiia.  Ils  ravageaient  l'Allemagne ,  les  Pondères 
de  la  France.  lU  defcendaient  en  Italie  par  le  Tyrol , 
après  avoir  pillé  la  Bavière ,  &  revenaient  enfnite  avec 
>|çs  dépouilles  de,  tant  dc^nations. 

^  :  G'eft  au  rçgiiç  de  Henri  PoifeUur  que  fe  débrouilla 
;UU;  peu  Ije  chaos  ;dje,  l'Aiienmgne,  Ses  limites  étaient 
-alors  le  fleuve  ,^c  l'Odef ,  la-Bobéme,  la  Moravie, 
.te.Hongi-ie,  Içs. rivages  du  Rhin,  de  rEfciut ,  de  la 
.MofellQ^  de  la  JVlcuft ,  foyers  Iç  feptentrion  la  Pomé- 
r^oie  ^  le  Hplfieio  étaiei?t  &s  barrières. 

;  Il  Ê4Ut  que  Henri  N{feîatr  fût  un  des  rois  ^es  plus 
dignes  de  réj^ner^  Sou«  lui  les;  feigneurs  de  rAllc- 
ma^ne  fi  divifôs  ,  font  réunis.  Le  premier  fruit  de 
cette  réunion. eft  l'afiïan.Qhîffement  du  tribut  qu'on 
/payait  aux  Hopgrois,  &  une gfaode  viAoire remportée 
iur  .cette  n&tii^n  «erriUe^  Il  jgt  ^nfourçrrde  murailles 


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Des  FIEFS   ET   DE   t'EMPIKE.  441     ijf 


la  plupart  des  villes  d'Allèniagne.  Il  inftitua  des  mili- 
,ces.  On  lui  attribua  même  Tinvention  de  quelques 
jeux  militaires  qui  donnaient  quelques  idées  des  tour- 
nois. Enfin  l'Allemagne  relpirait,  mais  il  ne  parait  p^« 
qu'elle  prétendit  être  Tempire  Romain.  L'archevêque 
de  Mayence  avait  facré  Henri  roifeieur.  Aucun  légat 
du  pape ,  aucun  envoyé  des  Romains  n'y  avait  afSfté. 
L'Allemagne  fembla  pendant  tout  ce  règne  oubliet 
l'Italie.  .  . 

*  Il  n'en  fut  pas  ainfi  fous  Otbon  7e  grofrd^qne  les 
princes  Allemands ,  les  évéques  &  les  abbés  élurent 
unanimement  après  la  mort  de  Henri  fon  père.  L'hé- 
ritier reconnu  d'un  prince  puifTant ,  qui  a  fondé  ou 
rétabli  un  état  ,  eft  toujours  plus  puiflant  que  fon 
père ,  s'il  ne  manque  pas  de  courage  ;  car  il  entre 
Jdans  une  carrière  déjà  ouverte  :  il  commence  o  fon 
prédécefTeur  .a  fini.  Ainfi  Alexandre  avait  été  plut 
loin  que  Philippe  fon  père  ,  Cbariemagne  plus  loin 
que  Pépin  ,  &  Ofbon  le  grand  pafla  de  beaucoup 
Henri  Poifeleur. 


CHAPITRE  TRENTE-aUATRlÉME. 

D' O  T  H  0  M  k  grand ,  au  dixième  Jiicle. 

OTbon  qui  rétablit  une  partie  de  l'empire  de  Cbar^ 
lemagne^  étendit  comme  lui  la  religion  chrétienne 
en  Germanie  par  des  -vicftoires.  Il  força  les  Danois 
les  armes. à  la  main  à  payer  tribut ,  &  à  recevoir  le 
batéme  qui  leur  avait  été  prêché  un  fiécle  aufara* 
vant ,  &  qui  était  prefqu'entîérement  aboli. 

Ces  Danois  ou  Normands  qui  avaient  conquis  la 
Neuftrie  &  l'Angleterre  ,  ravagé  la  Fran.ce  &  l'Aile^ 
magne  V  requirent  dés  loixd' O/i&oi/»  U  établit  des  évé- 


17 


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qoet  tB  Djuincmarck\,  i^i  fimnt  alors  fournit  à  Piff^ 
çhf  rêqiie  ic  Haaibovrg  nictropolitain  des  églifci  bar* 
bftTM  f  fendes  depuk  peu  dans  le  HoHtein ,  dam  k 
Siîrde^  (bioi  le  Dannemarek.  Tout  ce  ohriftiamfine 
eoofifiii^  à  ^ins  k  figi»e  de  la  craiK.  Il  (bomit  la 
BÎ^nM  après  une  guerre  opiniâtre.  C^eft  depuis  lui 
Qiic  |g  Bohime,  &  même  le  Daqnemarelc,  furent  répo- 
n9  pro vifiçttB  de  ranpîre  ;  jwda  les  Daiioit  iècooèrant 
bientôt  le  joug. 

Oflwn  s'était  ainfi  rendu  niomme  le  pins  confidé- 
laMc  de  TOccidcnr;  &  t'arbitre  des  princes.  Son  an* 
tortté  àttit  fi  grande ,  6c  l'état  de  la  France  fi  déplo- 
tablfi  ftbrs  »  que  iCooiif  4'^9Mirem^  fils  de  C&or/fi  /« 
,^/>jr  t  de(ce»dant*4e  dutritmagne  ,  ^cait  venu  «a 
f48à  un  CDudliP  d^éréques  que  tenait  (Mofi  prèsdt 
Jttiyifaoe;ee  roc  de  France  dit  ces  propircs  nets  ré- 
iBgf  s  ^n0  les  aâes.  ^  J*«i  été  reconnu  roi ,  &  faai, 
I»  «ar  les  foArages  de  tpus  lef  firi^ncvrs  y  &  de  toott 
ip  unMctb  deFrpnce.  Huguei  toutefois  m'a  chaffé, 
)5  m'a  pris  frauduleufement ,  &  m'a  retenu  prifonnicr 
„  un  an  entier ,  &  je  n'ai  pu  obtenir  ma  liberté  qu'en 
,5  lui  iaiflant  la  Tille  dç  LaoA  qui  reftalt  leule  i  la 
„  reine  Gerberge ,  pour  y  tenir  fa  cour  avec  mes  fer* 
))  yiiews#  Slon  prétend  que  y^yt  cpnwni^  qudqjM 
„  crfme  qui  méritit  un  tel  traitement ,  je  foi^prét 
55  à  m'en  purger  au  jugement  d'un  concile ,  &  fni- 
55  vani  l'ordre  du  coi  O^bm ,  ou  par  le  combat  fin- 
55  gulier.  ^^ 

Co  difeoure  {«portant  prouve  à  b  fois  bien  des 
dbpfei  ;  ks  prétentions  des  empereurs  dp  ju^er  les  roit, 
h  r^tiTaoce  i!QHïon^  la  finblefle  de  la  F4M0s,u 
MVAttflue  des  (mmbats  fip^liers ,  &  enfin  ruHage  qni 
s'établiflait  do  doooeflea^ooavroniies^nosiçarie  droit 
du  fang ,  mais  par  les  fufFrages  des  feigneurs ,  ufage 
UW^  «f>r^  d^i  0u  FcafDCO. 

- ,  X4  iuix  1«  paumr  A'OtbêH  Ig  stmii  ,  qaaivl  ^ 


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AU    DIX  li  JUt    SiéCLE.       44) 


qwi  tQûjQurs  fi^ftieu^ç  §:  fiiiblf ^ ,  ne  pQuviû«9t  ni  ©Wïf 
à  Jfçurs  comp»trio^9 ,  ni  être  libres ,  ni  fe  dé&ndf« 
4  Ja  fais  çpn^re  les  Sarrazina  &  les  ^Hongroi*  t  im% 
lej9  inçurfions  infeit^ient  ençor  leur  payf • 

L'Iulîe ,  qui  ànm  fes  ruines  était  toujours  la  p\nn 
riche  &  la  plua  floriffante  contrée  de  rOocident,  était 
déchirée  (ans  cefTe  par  des  tyrans.  Mais  Rome  dam 
ces  divifions  donnait  encer  le  mouvement  auK  autiei 
villes  d'Italie.  Qu'on  fonge  à  ce  qu'était  Paris  dans 
le  tems  de  la  Fronde  «  &  plus  f nc^i  fous  CJf^/et  fin- 
Smféy&  è  Qe  qu'était  torfdr^s  foii«  riijfortiiné  Ckar^ 
h9  /^  ou  dans  les  guerres  ciyiles  des  Xv^çk  &  dei 
Lanpuftre ,  on  aura  quelque  idée  de  l'état  de  Rome  an 
dixième  fiéçlet  Le  ehaire  ppntificjil^  é^t  opprima , 
deshonorée  6ç  fanglenta.  L'éleôiçin  ^e^  p^pe^  fe  fei- 
fait  d'une  manière  dont  on  n'a  guères  d'exemples ,  ni 
HVaiit,  ni  (après. 


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CHAPITRE  TRiENT,B.CINQ.UlâME. 

De  la  fofaaai  cm  dixième  Jtiek^  avant  ffi'OTNOll  h 
grand  fe  rendît  maitre  de  Rame. 

L'Es  fçandale^  &  les  troubles  inteftinç  qvi  affligé* 
rent  Rçme  &,  fon  ég^fe  au  dii^iémc  fiédç ,  *  qui 
continuèrent  longtcms  îiprè^ ,  n'étaient  arrivé*  ni  fovi 
les  empereurs  Grecs  &  Latins ,  ni  fous  les  rois  Gotha, 
ni  fou^  Les  roii  Lombarde  ^  n^  feus  Ck^ietmipt^'-lls 
font  vifiUement  la  fuite  de  l'ans^rchie  {  âc  çotte  gneiv 
cHie  eut  fa  fourçe  dans  ce  que  les  ptupies  avaient  ^t 
pour  la  prévenir ,  dans  la  politique  jqu  ils  a? aîwt  eue 
d'appeller  les  Francs  en  Italie.  S'ik  avaient  en  effet 
poffédé  tentes  les  tcires  qu^on  prétend  qu«  CA^/f- 
ntagne  leur  dc^na^  ib)  auieieet  éfé  plus  grands  four 
verains  qu'ils  ne  le  font  aujourd'hui  I/ordtft  ^  U 


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444      De    la    ?  k  v  k  v  t  i 


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tègle  euCTent  été  dans  les  élections ,  &  dans  le  gou^ 
verhement ,  comme  on  les  y  voit.  Mais  on  leur  dit 
puta  tout  ce  qu'ils  voulurent  avoir:  i'Iulle  fut  toô- 
jours  l'objet  de  l'ambition  des  étrangers  :  le  fort  de 
Rome  fut  toujours  incertain.  11  ne  l^aut  jamais  per- 
dre de  vue  que  )e  grand  but  des  Romains  était  de 
rétablir  l'ancienne  republique ,  que  des  tyrans  s'éle- 
vaient dans  ritdli^  &  d.ns  Rvime ,  que  les  éleétioas 
des^évéques  ne  fure  t  prefque  jamais  libres,  &  que 
tout  était  abandonné  aux  fuétions. 

Le  pape  Formofe ,  fils  du  prêtre  Leott ,  étant  évé- 
que  de  Porto,  avait  été  à  la  tête  d'une  faâion  con-. 
tre  Jean  VllI^  &  deux  fois  excommunié  par  ce  pape; 
mais  ces  excommunications,  qui  furent  bientôt  après 
fi  terribles  aux  têtes  couronnées,  le  furent  fi  peu  pour 
Formofe  ,  qu'il  fe  fit  élire  pape  en  890. 

Etienne  VI  ou  F/Zauffi  fils  de  prêtre  ,  fucceflcur 
de  Formofe^  homme  qui  joignit  l'efprit  du  fanatifoie 
à  celui  de  la  f  tdion ,  ayant  toujours  été  l'ennemi  de 
/br»îq/>,  fit  exhumer  fon  corps  qui  était  embaumé, 
&  l-ayant  revêtu  des  habits  pontificaux ,  lé  fit  corn- 
paraître  dans  un  concile  affemblé  pour  juger  fa  mé- 
moire. On  donna  au  m  irt  un  avocat  ;  on  lui  fit  fon 
procès  en  forme  ;  le  cadavre  fut  déclaré  coupable  d'a- 
voir changé  d'évêché ,  &  d'avoir  quitté  celui  de  Porto 
pour  celui  de  Rome  ;  Â  pour  réparation  de  ce  crime , 
on  lui  trancha  la  tête  par  la  m  in  du  bourreau;  on  lui 
coupa  trois  doigts  ;  &  on  le  jetta  dans  le  Tibre. 

Le  pape  Etienne  VI  fe  rendît  fi  odieux  par  cette 
farce  auffi  horrible  que  folle ,  que  les  amis  de  For- 
'mofe  ayant  foulevé  les  citoyens  ,  le  chargèrent  de 
Fers ,  &  rétranglêrcnt  en  prîfon. 

-  La  fadion  ennemie  de  cet  Etienne  fit  repécher  le 
corps  de  Formofe ,  &  le  fit  enterrer  pontificalemeat 
une  féconde  fois.  '     *  « 


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AVâiffT  Othon  le  grand.   445 

.  Cette  querelle  échaufiait  lersefprits.  Sergius  ///qui 
rempIifTait  Rome  de  fes  brigues  pour  fe  faire  pape^ 
fut  exilé  par  fon  rival  Jean  IX ,  ami  de  Formofe  ; 
mais  reconnu  pape  après  la  mort  de  Jean  IX\  il 
condamna  Fonwq/>  encore.  Dans  ces  troubles,  Tbiit^ 
dora  mère  de  Maarozie ,  qu'elle  maria  depuis  au  mar- 
quis de  Tofcanelie,  &  d'une  autre  27>A)^)ora  ,  toutes 
trois  célèbres  par  leurs  galanteries,  avait  à  Rome  la 
principale  autorité. '&r^/«/  n'avait  été  élu  que  par 
les  intrigues  de  Tbiodora  la  mère.  11  eut,  étant  pape, 
un  fils  de  -^aro;j/V  ,  qu'il  éleva  publiquement- dans 
fon  palais.  Il  ne  parait  pas  qu'il  fUc  haï  des  Romains , 
qui  naturellement  voluptueux  ,  fuivaient  fes  exemples 
plus  qu'ils  ne  les  blâmaient. 

Après  fa  mort,  les  deux  fœurs  Marozie  &  Tbio^ 
ifora. procurèrent  la  chaire  de  Rome  à  un  de  leurs 
fayoris ,  nommé  Landon;  mais  ce  Landon  étant  mort, 
la  jeune  Tbéodora  fit  élire  pape  fon  amant  Jean  X,  ' 
évêque  de  Bologne ,  puis  de  Ravenne ,  &  enfin  de 
Rome.  On  ne  lui  reprocha  point ,  commt  à  Fonnbfe , 
d'avoir  changé  d'évêché.  Ces  papes ,  condamnés  par 
la  poflérité  comme  évéques  peu  religieux,  n'étaient 
|>oint  d'indignes  princes*  il  s'en  faut  beaucoup.  Ce 
Jean  X^  que  l'amour  fît  pape  ,  était  un  homme 
de  génie  &  de  courage  ;  il  fit  ce  que  tous  les 
papes  fes  prédécefleurs  n'avaient  pu  faire  ;  il  chàiTa 
les  Sarrazins  de  cette  partie  de  Tltalie ,  nommée  le 
Gariîlan. 

Pour  rcuflîr  dans  cette  expédition ,  il  eut  TadrefTe 
d'obtenir  d es. troupes  , de  l'empereur  de  Conftantino^ 
pie  ,  quoique  cet  empereur  eût  à  fe  plaindre  autart 
des  Romains  rebelles  que  des  S.^rr^zins.  Il  fit  armer 
le  comte  de  Capoue.  H  obtint  des  milices .  de  Tof* 
cane,  &  marcha  lui-même  à  la  tété  de  cette  armée, 
menant  avec  lui  unj'eune  fils  de  J/araaiV  &  du  mar- 
l     qtiis  AdeîbeYt,  Ayant  ckafle  les  mahométaos  du  voi^ 


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44(      D  B    L  A    P  A  ]?  à  u:  T  i 

finagé  d«  R6610  )  il  vot3laU  &u(Q  délivrer  lltadie  des 
AUemands  âe  dot  «uttes  éttatigets. 

L'Ifialic  «tait  envahie  preff^u'à  la  fois  par  les  Bénn^ 

ri ,  par  Un  roi  de  Bourgogne  1  par  un  roi  d'Arles, 
les  empéoha  tous  de  dominer  dans  Rome.  Mais 
AU  bout  de  quelques  années  Guido  1  frère  utérin  de 
Jlt^p  roi  d'Arles  ,  tyran  de  Tltalie  «  ayant  épouCé 
Jlar^iie  «  toute -pUi  flan  te  à  tloHie^  Cette  même  Ma- 
TQMît  oonfpira  oohtre  le  pape  fi  longieids  amant  de  £t 
fœttr.  Il  fut  (brpris  «  mil  ^Uh  fers  ,  &  étouffé  enue 
deux  matelas. 

Marozie  ,  maitreffe  de  Rome  9  fit  élire  pape  un 
nommé  Léon ,  qu'elle  fit  mourir  en  prifon  au  bout 
de  quelques  mois.  Enfuite ,  ayant;  donné  le  iiége  de 
Rome  à  un  homme  obfcuf ,  qid  ne  vécut  que  deux 
ans ,  elle  mit  enfin  for  la  ôhaire  pontificale  Jean  XI 
Ton  propre  fits ,  qu'elle  avait  eu  de  fbn  àduhère  avec 
Sttgjtm  m. 

Jé4m  XI  n'avait  que  vingt -quatre  ans  quand  (a 
mère  te  fit  pape  ;  elle  ne  loi  conféra  cette  dignité 
qu'à  condition  qu'il  s'en  tien(batt  uniquement  aux 
fonctions  d'étéqud ,  &  qii'il  ne  ferait  que  le  chapelain 
de  (a  mère. 

On  prétend  que  Jïafoiié  erapoîfonna  alors  fon  mari 
Cuido ,  marquis  de,  Tofcàmlk,  Ce  qui  eft  vrai ,  c'eft 
qu'elle  époufa  le  frère  de  fon  mari  ,  Hugo  ,  roi  de 
Lombardie,  &lemiren  poflcflion  de  Rome,  fc  flat- 
tant d'être  avec  lui  impératrice  ;  mais  un  fils  du  pre- 
mier lit  de  Marozie  fe  ihit  afors  a  la  tête  dés  Ro- 
mairts  conti*e  fa  mère  ,  chaflfa  Hugo  de  Rotnè ,  ren- 
ferma Marozie  8c  le  pape  fon  fils  dans  le  môle  ^A^ 
drien ,  qu'on  app^illc  aujourd'hui  le  château  St.  Ange. 
On  prétend  que  Jean  XI  y  mourut  empoifonné. 

Urt  £^em&  Vin  ,  Allemand  dé  naiffance  ^  élu 
tn  9}$#^ftlf  par>  cette  haifiMcd  ieple  fi  odieux  aux 

S^igjiiii  m«K>ii  «iPtiLSl 


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kVkHiT  Otbou  le  okavd.  447    : 


Romains  ,.  4ue  dans  une  dâuion  U  peuple  M  balafra 
le  vifage  au  point  qu'il  ne  put  jamais  depuis  paraître 
en  pubËC. 

.  Qtf^lqve  lem^  après  un  pttit-filft  de  Mâfotiê ,  nom- 
mé OSavien.Sporco ,  fut  élu  pape  àl'àge  de  dix-huit  ans 
paf  le  crédit  de  &  Bimitle.  Il  prk  It  nom  ikJecinXIith 
mémoire  de  Jean  XI  ion  oncle*  Ceft  le  premier  papt 
qui  ait  changé  fon  nom  à  &n  avénemem  atr  pontiflcatf. 
U  n'était  point  dans  les  ordres  qoand  fir  fumHIe  Itf  it 
ponti^.  Cet  QSmPttn  Spareo  était  patrrce  de  Rome  ^ 
|t  ayant  la  mémd  digitké  ()u'ava)t  eu  Cbûtriemagnt  i 
il  réwiiffait  par  le  fiége  pontifical  les  droits  des  rfeUt? 
puilTinces ,  &  le  pouvoir  le  phw  légitln>e.  Mafîs  H 
était  jeune ,  livré  à  la  débauche ,  &  n'était  pas  d'âil- 
Uvrs  un  puifTant  prince. 

On  s'étonne  que  {bos  taflt  de  papets  (S  (bandaient 
&  fi  peu  puîffans  *,  l'eglife  romaine  ne  perdit  ni  ttt 
prérogatives  ,  ni  fes  ptétertions  :  mais  alors  prefqui! 
toutes  les  autres  églifes  étaient  ainfi  gouvernées.  L< 
dei'ge  dltalie  pouv<:it  méprifer  de  tels  papet^  mais 
il  refpeéUit  ta  pupauté ,  d'autant  plus  qu'il  y  arfpfrait  : 
enfin  «  dans  l'opinion  des  hMames  la  plate  étaïc  fa- 
crée  y  quand  la;perfonne  éti^  oékufo. 

Peadafnt  que  Rome  &  l^églitb  étaient  aMi  déchi- 
rées ,  Bérenger  qu'on  appelle  k  jemte ,  dHputait  Vi* 
talie  à  Htigues  d'Arles.  Les  ItaMens  ,  comme  le  dît 
LuHprand  contemporain  ,  voûtaient  toAjotkrs  avofr 
deux  maîtres  pour  n'en  avoir  réellement  aucun  :  Suffis 
&  malheureufe  politique  ^  qui  tes  faifeit  changer  dé 
tyrans  &  de  malheurs.  Tel  étale  Pétat  déplorable  de 
ce  beau  pays ,  \tt(^*Otbon  U  gi^and  y  ftit  appelTé  par 
les  plaintes  de  prefque  toutes  les  villes ,  &  même  pai^ 
ce  jeune  pape  Jean  XII ^  réduit  à  feire  venir  les  Alle- 
mands qu'il  ne  pouvait  fouffrir. 


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44S.     Suite  de  l'empire  d'Oxhok 


^ 


CHAPITRE  TRENTE-SIXIÈME. 
Suite  dt  fnnfiri  ^'OthON  ^  ^  de  r  état  de  Htalie. 

OTbon  entra  en  Italie  ,  &  il  s*y  conduifit  comme 
Cbarlemagne*  Il  vainquit  Bérettger ,  qui  en  affec- 
tait la  (buveraineté.  Il  fe  fit  facrcr  &  couronner  em- 
pereur des  Romains  par  les  mains  du  pape ,  prit  le 
nom  de  Céfar  &  d*jiugujie ,  &  obligea  le  pape  à  lui 
(aire  ferment  de  fidélité  fur  le  tombeau ,  dans  lequel 
on  dît  que  repoft  le  corps  de  St.  Pierre.  On  drefTa 
un  inftrument  autentique  de  cet  ade.  Le  clergé  6c 
la  noblefle  Romaine  fe  foumettent  à  ne  jamais  élire 
de  pape  qu'en  préfence  des  commiffaires  de  l'empe- 
reur. Dans  cet  adte  ,  Otbon  confirme  les  donations 
de  Pépin  ^  de  Cbarlemagne  ^  de  Louis  le  débonnaire  ^ 
fans  fpécifier  quelles  font  ces  donations  fi  conteftées  ; 
99  fauf  en  tout  notre  puiiTance ,  dit  -  il ,  &  celle  de 
9^  notre  fils  &  de  nos  defcendans.  ^^  Cetiriftrument, 
écrit  en  lettres  d'or ,  foufcrit  par  fept  évéques  d'Aile^ 
maj^ne  ,  cinq  comtes,  deux  abbés  &  plufîeurs  prélats 
Italiens ,  eft  gardé  encor  au  château  St  Ange ,  à  ce 
que  dit  Baronius.  La  date  eft  du  i}  Février  962^ 


£ 


Mais  comment  l'empereur  Otbon  'pouvait«-il  donner 
►ar  cet  adfce ,  confirmatif  de  celui  de  Cbarlemagne  ^ 
a  ville  même  de  Rome ,  que  jamais  Cbarlemagne  ne 
lonna  ?  Comment  Douvatt^il  faire  nréfent  du  duché 


donna  ?  Comment  pQuvait^il  faire  préfent  du  duché 
de  Bénévent  qu'il  ne  pofledait  pas ,  &  qui  apparte- 
nait encor  à  fes  ducs  ?  Comment  aurait- il  donné  la 
porfe  &  la  Sicile  que  les  Sarrazins  occupaient?  Ou 
Otbon  fut  trompé ,  ou  cet  acte  eft  faux ,  il  en  faut 
convenir, 

*    On  dit  ,  &  Mènerai  le  dit  après  d'autres  ,  que 

iLotbaire  roi  de  France ,  &  Hugues  Capet  depuis  roi , 
«(liftèrent  à  ce  couronnement.   Les  rois  de  France 
étaient 


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ET  DE  L'jÉTAT  DE  L'ItALIB.  44?     W 

étaient  ea effet  alors fi  faibles,  qo'ih* pouvaient  fiervir 
d'ornement  au  facre  d'un  empereur  ;  mais  le  nom  de 
Lotbaire  &  de  Hugues  Captt  ne  fe>  trouve  pas  dans  les 
iigoatures  vraies  ou  faulTes  de  cet  aéte,    ; 

Quoi  qu'il  en  foit ,  l'imprudence  de  Jean  XII  d'à. 
voir  appelle  les  Allemands  à'Rome>  fut  la  (burce  de 
toutes  les  calamités  dont  Rome  ^ritalie  furent  affiif 
gées  pendant  tant  de  fiécles. 

Le  pape  s'étant  ainfi  donné  un  maître  ,  quand  il 
ne  voulait  qu'un  protedeur ,  lui  fut  bientôt  infidèle. 
11  fe  ligua  contre  l'empereur  avec  Bérenger  même, 
réfugié  chez  des  mahométans  qui  venaient  de  fe  can^ 
tonner  fur  les  côtes  de  Provence.  Il  fit  venir  le  fils 
de  Bérenger  à  Rome ,  tandis  qu'O^bon  était  à  PaviOb 
Il  envoya  chez  les  Hongrois  ,  pour  les  foUiçiter  à 
rentrer  en  Allemagne  ;  mais  il  n'était  pas  afTez  puîjÇi 
faut  pour  foutenir  cette  a^op  hardie ,  ^  l'empereur 
l'était  afftz  pour  le  punir. 

Olhon  revînt  donc  de  Pavîe  à  Rome  ,  &  s'étant 

affuré  de  la  ville ,  il  tînt  un  concile,  dans  lequel  il 

fit  juridiquement  le  procès  au  pape.  On  affembla  léz 

feîgneurs  Allemands  &  Romains  ,  quarante  évêquM , 

'dix-fept  cardinaux   dans   l'égliffc  de  St  Pierre;  & 

là  en  préfence  de  tout  le  peuple  ,  on  accufa  le  Se. 

Père  d'avoir  jouï  de  plufieurs  femmes ,  à  furtout  d'une 

nommée  Etîennette^  concubine  de  Ton  pcrc,  tjui  étaît 

morte  en  couche.  Les  autres  chefs  d*accufadon  étaient  » 

d'avoir  faif^  évèque  de  Todî  un  enfant  de  dix  ans  , 

d'avoir  vendu  les  ordinations  &  les  bénéBces  ,  d'avoir 

fait  crever  les  yeux  à  fon  parrain  i  d*avoir  châtré  un 

cardinal,  &  enfuite  de  l'avoir  fait  mourir;  enfin  de 

^ ne  pas  croire  fen  Jesvs-Christ  ,  &  d'avoir  invoqué 

*ïe  diable  :  deil^  chofes'  qui  femblent  fe  contrctïîre, 

''On  mêlait  donc ,  comme  il  arrive  prefque  toujours*, 

de  faufles  accufations  à  de  véritables  ;  mais  on  n^ 

.      Effai  furies  mœurs,  &c.-T^m,t  /  Jf    - 


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it     4Ç0  O  T  H  D  K     F  H  B  M  I  B  11 


1 


parla  point  du  tout  de  là  feule  raifon  pour  hqudie 
lè  concHe  était  aflembic.  L'empereur  craignait  Ëms 
doute  de  réveiller  cette  révolte  &  cette  confpiradon 
dans  laquelle  les.  mccufatèurs  mêmes  du  pape  avaient 
trempé.  Ce  jeune  pontife  ,  qui  avait  alors  vingt-fept 
«ns  ,'  jpafrut  cfépofé  -pouf  fes  indeftes  &  fés  fcandales, 
&  le  fut  en  effet  ^,  pour  avoir  voulu  ,  ainfi  que  toi» 
là  Rjomaîns  ,  détruire  la  puiiTance  allemande  dans 
Rome. 

.  Otbpu  ne  put  fe  rendre  lâaitre  de  fa  perfoniie;  ' 
ou  s'H  le  put>  il  fit  une  faute  en  le  laifTant  libre.  A 
peine  avait -il  fait  élire  le  pape  Léon  Vïll  qui ,  fi 
non  -en  croit  le  difcours  à* Arnaud  évéque  d'Orléans^, 
n^étifit  ni  eccléfiafttque ,  ni  même  chrétien  :  à  peine 
en  avait-il  reçu  l'hjOmmâge ,  &  avait^il  quitta  Rome, 
^ont  probablement  il  ne  devait  pa&  s'écarter  ,  que 
Jion  X'It  eut  le  coinrage  de  faire  foule  ver  les  Ro- 
tnains  :  &  oppofant  alors  concile  à  concile ,  on  dépoia 
Lion  FI  IL  On  ordonna  que  jamais  f  inférieur  ne 
f  aurai f  ôter  le  rang  à  fon  fupérieur. 

te  pape ,  par  cette  déçifion,  n'entendait  pas  feule- 
ment que  jamais  |es  évêques  &  les  cardinaux  ne  pou- 
raient  dépofer  le  pape;  mais  on  dçfignait  auffi  Tem- 
;|^reur  ,  que  les  çvcques  de  Rome  regardaient  tou- 
jours comme  un  féculier  ^  qui  devait  à  réglife  l'hom- 
mage &  les  ferméns  qu'il  exigeait  d'elle.  Le  cardinal 
nommç  Jean ,  qui  avait  écrit  &  lu  les  accufations 
contre  le  pape^  eut  la  main  droite  coupée.  On  ana. 
cba  la  langue,  im  coupa  le  nez  &  deux  doigts  à 
celui  qui  avait  ferVî  de  greffier  au  concile  de  dépo-  • 
fition.  / 

Au  refte ,  dans  tous  ces  conciles ,  où  préfidaient  la 
faétion  &  la  vengeance,  on  citait  toujours Pévaogile 
&  les  pères ,  on  implorait  les  lumières  du  St.  Efprit , 
f      on  parlait  en  fon  nom,  on  fàifait  même  des  réglemens    I 
t&    utiles  i&  qui  lirait  ces  aâe9  fans  coxm4tre  l'hiftoire»   i 


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ctoirak  litc  les  É^s  des  (kiots;  SijESUS^CHRisir 
(était  aioÉs  re^^sno  au  monde ,  qu'ai|rait-11  dit  en  voyani; 
tant  d1)ypoçnfie  »  &  (ant  d's|boaixna(ion9  dans  fpà 
f?^life?  -     ■  ^     .  .    .     '  ^ 

'  Tout  cela  fe  felfiilt  prefque  fotis  l«  yen»  de  l'eah» 
pereur  ;  &  qui  fait  jufqu'oii'le'  courage  &  le  refleh- 
timçnt  du  jeune  pontifç ,  le  tpul^ycrpe^t.^çs  Romainç 
en  fa  faveur,  la.  haine  de3  antres  ^ille$  d- Italie  contre 
les  Allemands  ,  euflent4)u .porter  cette  révolution? 
Mais  le  pape  Jetm  JÇÙfut  âffaflîHé  iroî^  tûpU  âpréf , 
entre  les  bra$  d'uni^  femme  mariée ,  par  les  mains  du 
mari  qui  vengeait  fa  hmife.  l\  moUrut  de  ies  bléifdîe? 
au  bout  de  huit  jours.  On  a  écrit  que  ne  croya^ 
pas  à  la  religion  dont  îi  était  porrtifé  ,'il  ne  vouli|Ç 
pas  recçvpir  i?n  ipourai^t  1^  viat^wp.'    ^  ^     -         :.1 

Ce  pape ,  ou  plutôt  ce  pàti^ce ,  avait  feeiremcnt  îmî- 
nié  les  Romains ,  qu'ils  oférent ,  même  après  fa  mort"! 
foutenirun  fiége,  &nefe  rpndîreht  qu'à'rextrémitél 
Otbon^  deux  fois  vainqueur  dé  Rome  ,  fût  le  maîfftf 
de  l'Italie  çpmmç  de  1-iiilemâgne.  '■'■■     'i; 

Le  pape  Zeo»,  créé  par  lui ,  le  fénat ,  les  prîrtcU 
paux  du  peuple,  le  çler^jçé  dtf  Rome,  folemnellemertt 
affemjjlés  dans  St.  Jean  de  Latran  ,  conErmèrent  à 
Fempereur  le  droit  de  fe  choifir  un  fucccfTeur  au  royaui* 
me  d'Italie  ,  d- établir  le  pape  ,  &  de  donner  riaveltiT 
ture  aux  éyêqlres.  Après  tant  de  traités  8c  de  fermens 
formés  par  la  crainte  ,  W  fuîait  des  empereurs  ^u% 
àemeurafïÇTit  à'  Rome  pour  les  Mit  obferyefv    ',     -- 

A  peine  Penipereur  Otbon  était  retourfié  en  A'l«f 
piagne,  tjue  les  Romains  voulurent  j:tfe  libres.  41^ 
mirent  en  prîfbn  leur  nouveau  çape^^cVéature  de  rerà'- 
J)ereur.  Le  préfet  de  Rbn;^  ;  les:.tri6i|n^  »  le  fénat 
Voulurent  faire  reviv^re  les 'anciennes  loïx-;  mais  çô 
qiM  dans  un  tems  eft  une  envepçife.  de  Jiéros ,  de;. 
Vient  dans  d^autres  uhe  iéyolt?e'4cfé^ftïtûx.  ÇfAo» 

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442  Des  empbeeuks  Othoh  H  et  ni  > 

revole  en  Italie  «  £dt  pendre  une  ^rtie  do  (enat:* 
d^le  préfet  de  Rome ,  qui  avait  voulu  être  un  Bmius  y 
rat  fouetté  dans  les  carrefours,  promené  nud  fur  un 
âne,  &  jette  dans  un  cachot ,  où  il  mourut  de  &lm.  ^ 


CHAPITRE  TRENTE-SEPTIÉME. 
Def  mfereurs  OtKOK  II  ^  III  ,  6f  de  Rom 

TEl  fut  à -peu -pris  Peut  de  Rome  fous  Ofbon  k 
grande  OtbonJI  &  Otbon  lit  Les  AllcmaTids 
tenaient  les  Romains  fubjugués ,  &  les  Romains  bri- 
{aient  leurs  fers  dés  qu'ils  Tç  pouvaient 

'  Un  pape  élu  par  l'ordre  de  l'empereur ,  ou  notnmc 

Esc  lui ,  devenait  Tobjet  de  l'exécration  des  Romains, 
'idée  de  rétablir  h  république ,  vivait  toujours  dans 
leurs  cœurs  ;  mais  cette  noble  ambition  ne  produifait 
que  des  mifères  humiliantes  &  aSreufes. 

.  Ophon  II  marche  à  Rome  comme  fon  père.  Qud 
gouvernement  !  quel,  empire  !  &  quel  pontificat  !  Un 
conful  nommé  Crefcentius  ^  iîls  du  pape  Jean  X^  & 
de  la  fameufe  Marozie  ^  prenant  avec  ce  titre  de 
oonful  h  haine  de  la  royauté  ,  foulev^  Rome  contre 
Otbon  IL  II  fit  mourir  en  prifon  Benoif  VI  ^  créature 
de  l'empereur;  &  l'autorîté  d' 0/i&o«,  quoîqu'éloiçnc, 
ayant  dans  ces  troubles  donné  avant  fon  arrivée  la 
chaire  romaine  au  chancelier  de /l'empire  en  Italie, 
qui  fut  pape  fous  Ip  nom  de  Jean  XXV  r  ce  malheu- 
feux  cape  fut  une  nouvelle  vîdtîme  que  le  parti  Ro^ 
inain  immola.  Le  pape  Boniface  Vit  créature  du  con- 
ful Crefcentîut  ^  déjà  fouille  du  fang  de  flen'oip  F/, 
fit  encore  périr  Jean  XIV.  Les  tcms  de  Caiîguîa , 
de  'Néron  ^  de  Vitetlius  ,  ne  produîfirent  nî  des  in- 
fortunes plus  déplorables,  ni  de  plus  grandes  barbsr 

mmmi    I         il wmw      1    ,    iiiiiSi 


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Ve!$MÊÊaÊÊÊÊÊmÊmÊÊBamÊàÈÈimâfaiei 


B  T     D  B     K  O  JÉL  B. 


ries  ;  mais  les  attentats  &  les  malheurs  de  ces  papes 
font  ofifcurs  comme  eux.  Ces  ttagédiesy&ngtantes  fe 
jouaient  fur  le  théâtre  de  Rome ,  mais  f^tit  &  ruiné  ; 
&  celtes  4es  Cèfarî  avaient  pour  théâtre  le  monde 
connu. 

Cependant ,  Oiboft  tî  arrive  à  Rome  en  981.   Les 
papes  aucrefbis  avaient  fait  venir  les  Francs^xn  Italie, 
&  s'étaient  fouftraits  à  Tautorilé  des  empereurs  d'O- 
rient  Que  font-ils  maintenant  ?  Ils  eflayent  de  re- 
tourner  en  apparence  à  leurs  anciens    maîtres  ;  & 
ayant  imprudemment  appelle  les  empereurs  Saxons  « 
ils  veulent  les  chaflTer.  Ce  même  Bvniface  VII  était 
allé  à  Cooftantînople  preffer  les  empereurs  Bafilt  Se 
'  Conftafitin  de  venir  rétablir  le  trône  des  Céfarr.   llo- 
me  ne  favaît  ni  ce  qu'elle  était ,  ni  à  qui  elle  était. 
Le  conful  Crefcenttus  &  le  fénat  voulaient  rétablir 
"la  république.    Le  pape  ne  voulait  en  effet  ni  répu- 
blique ,  ni  maître.    Otbon  II  voulait  régner.   11  entre 
'donc  dans  Rome;  il  y  invite  à  dîner  lés  principaux 
'fénateurs  ,  &  les  partifans  du  conful  :  &  fi  Ton  en 
•  croit  Geofroy  de  Viterbe ,  il  les  fait  tous  égorger  au 
^milieu  d'un  repas.   Voilà  le  pape  délivré  par  fon  en^ 
nemi  des  fénateurs  républicains.   Mais  il  faut  fe  dé- 
livrer de  ce  tyran.   Ce  n'eft  pas  aflez  des  troupes  de 
l'empereur  d*Orient,  qui  viennent  dans  la  Fouille, 
le  pape  y  joint  les  Sarrazins.   Si  le  maifacre  des 
fénateurs  dans  ce  repas  fanglant  rapporté  par  6eo- 
froy  eft  véritable  ,  il  valtiit  mieux  fans  doute  avoir 
les  mahométans  pour  proteAeurs ,  que  ce  Saxon  fan- 
-guinairô  pour  maître.   U  eil  vaincu  par  les  Grecs; 
il  l'eft  par  les  mufulmans  ;  il  tombe  captif  entre  leui^ 
mains ,  mais  il  leur  échappe;  &  profitant  de  la  divi- 
(ion  de  fes  ennemis ,  il  rentre  encox  dans  Rome,  où 
Û  meurt  ea  ^8j* 

Après  fa  m<wt  le  conful  Crefitntîus  maintînt  quel- 
ifùt  eems  I  ombre  de  la  république  Romaine.   U  ch^fla     ^ 
»tiu  fiége  pontifical  Grigoirt  V  neveu  de  l'empcreui:    ^  » 

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«SS*ÎI|| 


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S     4f4    ÛËë  SMEÈRÈUK5  OxdOK  Il^ET  lit  »  | 

Ùfbon  III.  Mais  eoM  Rome  fiit  encore  affiégée  & 
prifti  Crefcejitiui  v  attiré  hors  du  château  St  Ange 
fur  refpérance  d'un  accommodement  &  fur  la  foi  é^ 
fermens  de  Tempereiir  ,  eut  la.  tête  tranchée.  Son 
corps  fut  pendu  par  les  pieds  :  &  le  nouveau  pape^ 
élu  par  les  Romains  fous  le  nom  de  Jean  XV ^  eut 
les  yeux  crevés  &  le  net  coupé.  On  le  jetta  en  cet 
état  du  haut  du  château  St.  Ange  dans  la  place. 

Lés  Romains  renouvellèrént  alors  à  Otbm  lîllts 
ferment  faits  à  0$bo»  I&  i  CbarUmagiu  $  &  il  afls- 

f|na  aux  papes  les  terres  de  la  marche  d'Ancone  poui 
butenir  leur  dignité. 

Après  les  trois  Othom ,  Ce  combat  de  la  domina- 
iion  allemande  &  de  la  liberté  italique  refta  long- 
tems  dans  les  mêmes  termes.  Sous  les  empereurs  Jfeuri 
II  di  Bavière ,  &,  Conrad  II  le  faliquf  t  dès  qu'un  em^ 
pereut  était  occupé  en  Allemagne  ,  il  s'élevait  un 
parti  en  Italie.  Henri  II  y  vint ,  comme  les  Otbons^ 
difliper  des  fa Aions ,  confirmer  aux  papes  les  dona- 
tions des  empereurs ,  &  recevoir  les  mêmes  homma- 
ges. Cependant  la  papauté  était  à  l'encan  j  ainC  ^ue 
prefque  tous  les  auttes  évéchés. 

Benoit  Vllt,  Jean  XIX,  l^ackctérènt  publique- 
ment Tun  après  l'autre  :  ils  étaient  frères  de  la  mai- 
foit  des  marquis  de  Tofcanelle  ,  toujours  puiflante  à 
Rome  depuis  le  tems  des  Marozie  &  des  Tbiodoroé 

Après  leur  mort  s  pout  perpétuer  le  pontificat  dans 
leur  maifon ,  on  acheta  encore  les  fuffrages  pour  un 
enfant  de  douze  ans.  C'ét»t  Benoit  IX  qui, eut  l'é- 
ttréché  de  Rome  de  la  même  hianière  qu'on  voit  en- 
tore  aujourd'hui  tant  de  familles  acheter  >  mais  en 
iecret ,  des  béhéficés  pour  dés  enfans. 

Ce  défordire  n'eut  point  de  bornés,  on  vît  fous 
le.  pontificat  de  œ  Benoit  IX  deux  autres  papes  élus 


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ggtH'  Miaulai       L.     i  ^wM^a 

fe  ;  E  T     D  E     R  O  M  B.  45$        \ 

k  prix  d'argent  )  &  trois  p^^s  i^na>  Rome  g'excomf 
munier  réciproquement  ;  mais  par ,  une  conciliation 
hcureqfc  ,  qui,  (étouffa  une  guerre  civile  ,  ces  trois 
papes  s'accordèreftt  à  partager  les  revenus  dol^eglife, 
i&  à  vivre  en  paix  chacun  avec  fa  maitrefle. 

Ce  triumvirat  pacifique  &  finguliet  ne  dura  qu^at»- 
tant  qu'ib  eurent  de  l'argent  ;  &,  enfin  ,  quand  ils 
n'en  eurent  plus  ,  chacun  vendit  fa  part  de  la  papauté 
au  diacre  Gratien  ,  homme  de  qualité  ,  fort  riche. 
Mais  comme  le  jeune  Benoit  IX  avait  été  ilu  long- 
tems  avant  les  deux  autres,  on  lui  laifla  par: un  ao- 
cord  fplemnel  la  joulffance  du  tribut  que  l'Angleterre 
payait  alors  à  Rome  ,  qu'on  appellait  le  dénier  de 
St.  Pierre ,  à  quoi  un  roi  Danois  d'Angleterre  ,  nom- 
mé Eteholft  ^  Edeholf  ^  ou  Etbeîulfe  ^  s'était  fournis 
en  8Ç2. 

Ce  Gratien  qui  prit  le  nom  de  Grégoire  TI,  jouit-     » 
fait  pailiblemeitt  du   pontificat  ,  lorfqoe  l'enipereur     1 
Henri  III  fils  de  Conrad  II  le  faiique ,  vint  à  Rome. 

Jamais  empereur  n'y  exerça  plus  d'autorité.  Il 
txila  Qrégoire  VI  ^  &  iromma  pape  Suidger  toïi  chan- 
celier ,  évéque  de  Bamt)erg ,  fans  qu'on  ofat  murmurer. 

Après  kl  mort  de  cet  Allemand  >  qui  parmi  les  pg- 
pes  eft  appelle  Clément  //, l'empereur, qui  était  en 
Allemagne ,  y  créa  pape  un  Bavarois  nommé  Popon  : 
c'eft  Damafe  II  qui  avec  le  brevet  de  Tempereiir 
alla  fe  faire  reconnaître  i  Rome.  Il  fut  intronifé 
malgré  ce  Benoit  IX  qui  voulait  encor  rentrer  dai^s 
la  chaire  pontificale  après  l'avoir  vendue. 

^  Ce  Bavarois  étant  mort  vlngt^trois  jours  après  fon 
intronifation ,  l'empereur  donna  la  papauté  à  fon  cou- 
fin  Brunon  de  la  maifon'  de  Lorraine  ,  ^u'il  tj»ns- 
fcra  de  Tévêché  de  Toul  à  celui  de  Rome  par  une 
autorité  abfeluc«  Si  <^te  autorité  des  empeieurs  m, 
|y  Ff  iiij  JSt 

aflSiTjii  immamm  uftS» 


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4Çtf  Des  empereurs  Othon  II  et  m, 

avait  duré ,  les  papes  n'eulTent  été  que  leurs  chape, 
lains  )  &  ritalie  eût  été  efclave. 

Ce  l)Qntife  prit  le  nom  de  Lion  IX  ;  on  J'a  mis 
au  rang  des  faints.  Nous  le  verrons  à  la  tête  d'une 
armée  combattre  les  princes  Normands  fondateurs  du 
royaume  dis  Naples ,  &  tomber  captif  entre  leurs  mains. 

Si  les  empereurs  euITent  pu  demeurer  à  Rome ,  on 
voit  par  la  faiblefTe  des  Romains  >  par  les  divifiops 
de  l'Italie  ,  &  par  la  puiflance  de  l'iÛlemagne ,  qu'ils 
euiTent  été  toujours  les  fouverains  des  papes  ,  & 
qu'en  effi^t  il  y  aurait  eu  un  empire  Romain.  Mais 
ces  rois  éleâifs  d'Allemagne  ne  pouvaient  fe  fixer 
à  Rome  loin  des  princes  Allemands  trop  redoutables  à 
Jenrs  maîtres^  Les  voiiins  étaient  toujours  prêts  d'en- 
vahir les  frontières.  11  falait  combattre  tantôt  le^ 
Danois  ,  tantôt  les  Polonais  &  les  Hongrois.  C'eft 
ce  contrepoids  qui  (au va  quelque  tems  l'Italie  d'un 
joug  contre  lequel  elle  fe  ferait  en  vain  débattue. 

Jamais  Rome  &  l'églîfe  latine  ne  furent  plus  mé- 
prifées  à  Conftantinople  que  dans  ces  tems  malheu- 
reux. Luitprand  l'ambafTadeur  di'Otbon  I  auprès  de 
l'empereur  Nicipbore  Pbocàs ,  nous  apprend  que  les 
habîtans  de  Rome  n'étaient  point  appelles  Romains, 
Inaîs  Lombards  ,  dans  la  ville  impériale.  Les  évé^ 
ques  de  Rome  n'y  étaient  regardés  que  comme  des 
brigands  fchifmatiquèS.  Le  féjour  de  St.  Pierre  à 
Rome  était  confidéré  comme  une  fable  abfurde  fon- 
dée  uniquement  fur  ce  que  St*  Pierre  avait  dit  dans 
une  de  fes  épitres  y  qu'il  était  à  Babilone ,  &  qu'on 
s'était  avifé  de  prétendre  que  Babibne  iignifiait  Ro- 
me :  on  ne  faifait  guères  plus  de  cas  à  Conftantinople 
«des  empereurs  Saxons  i  qu'on  traitait  de  barbares. 

Cependant  la  cour  de  Conftantinople  ne  valait  pas 
mieux  que  celle  des  empereurs  Germaniques.   Mais 
•il  y  avait  dans  ^empire  Gr^c  plus  de  commerce 


Mais    I 


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B  T    DE    Rom  e. 


41^7 


d'iAdlidrie  ,  de  richelTes  /que  dans  l'empire  Latin  ! 
tout  était  déchu  dans  l'Europe  occidentale ,  deptiis 
lès  terts  brillans  de  Cbarîemagnel  La  férocité  &  la 
débauche ,  l'anarchie  &  la  pauvreté  étaient  dans  tous 
les  états.  Jamais  l'ignorance  ne  fut  plus  uhiyerfelle. 
Il  ne  (e  éifait  pourtant  pas  plus  de  miracles  que 
dans  d'autres  tems  ;  il  y  en  a  eu  dans  chaque  fiécle, 
&  ce  n'eft  guères  que  depuis  Tétabliffement  des  aca^ 
démies  des  foiences  dans  l  Europe  ,  qu'on  ne  voit  plus 
ait  miracles  chez  les  nations  éclairées  ;  &  que  fi  Ton 
en  voit ,  la  faine  phyfique  les  réduit  bientôt  à  leur 
valeur. 


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L^ 


CHAPITRE  TRENTE-HUITIÉME. 

De  la  France ,  vers  le  tems  de  HUGUES  Capkt. 

PEndant  t|ue  l'Allemagne  commençait  à  prendre  ainfi 
une.  nouvdle  forme  d'adminiftration ,  &  que  Rome 
&  l'Italie  n'en  avaient  aucune  »  la  France  devenait , 
comme  l'AUemagne  ,  un  gouvernement  entièrement 
féodal. 

Ce  royaume  s^étendait  des  environs  de  TEfcaut  & 
de  la  Meufe  jufqu^à  la  mer  Britannique ,  &  des  Py- 
rénées au  Rhône,  C^était  alors  fes  bornes  ;  car  quoi- 
que tant  d^hiftoriens  prétendent  que  ce  grand  fief 
de  la  France  allait  par-delà  lesPyrénéès  jufqu'à  TEbre, 
il  ne  parait  point  du  tout  que  les  ECpagnols  de  ces  pro- 
vinces entre  TEbre  &  les  Pyrénées  fuÏTent  fournis  au 
faible  gouvernement  de  France  en  combattant  contre 
les  mahomctans. 

La  France ,  dans  laquelle  ni  la  Provence  ni  le  Dau* 
phiné  n'étaient  compris ,  était  un  aîTez  grand  royau- 
me ;  mais  il  s'en  falait  beaucoup  que  lé  roi  de  France 
fût  un  grand  fouverain.  Louis ,  ie  dernier  des  deC 
ccndans  de  Cbarlemagne  ^n^avàit  ptos  pour  tout  do- 


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4^8       De    h  k    Franc  E» 


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maine  que  les  villes  de  Laoïi  &  de  Soiflbns ,  &  qoel- 
<^ies  terres  qu'on  lui  conteftait.  L^hotnniage  renda 
par  la  Normandie  ne  fervait  qu'à  donner  au  roi  im 
valTal  qui  aurait  pu  foudoyer  fon  maître.  Chaque  pro- 
Tjuice  avait  ou  &s  comtes  ou  fes  ducs  héréditaires  ; 
celui  qui  n'avait  pu  fe  (aifir  que  de  deux  ou  trois 
bourgades  ^  rendait  hommage  aux  ufurpateurs  d'une 
province  ;  &  qui  n'avait  qu'un  château  ,  relevait  de 
celui  qui  avait  ufurpé  une  ville.  De  tout  cela  s'était 
fait  cet  aflbmblage  monftrueux  de  membres  qui  ne 
formaient  point  un  corps. 

Le  tems  &  la  nécéffité  établirent  que  les  feignears 
des  grands  fiefs  marcheraient  avec  des  troupes  as 
fecours  du  roi.  Tel  feigneur  devait  quarante  jours 
de  fervice ,  tel  autre  vingt -cinq.  Les  iM^rière-vaT- 
{aux  marchaient  aux  ordres  dé  leurs  feigneurs  im- 
médiats. Mais  fi  tous  ces  feigneurs  particuliers  fer* 
valent  l'état  quelques  jours  ,  ils  fe  faifaient  la  guerre 
entr'eux  prefque  toute  Tannée.  En  vain  les  conciles, 
qui  dans  ces  tems  de  crimes  ordonnnèrent  fûuveot 
des  chofes  juftes ,  avaient  réglé  qu'on  ne  fe  battrait 
point  depuis  le  jeudi  jufqu'au  point  du  jour  du  lua* 
di ,  &  dans  les  tems  de  Pâques  &  dans  d'autres  (blein- 
nités  ;  ces  réglemens  n'étant  point  appuyés  d'une  juf- 
tîce  coërcitive ,  étaient  fans  vigueur.  Chaque  château 
étarit  la  capitale  d'un  petit  état  de  brigands  ;  chaque 
monaftère  était  en  armes  :  leurs  avocats ,  qu'on  ap- 
pellait  avoyers  ,  inititués  dans  les  premiers  tems  pour 
préfenter  leurs  requêtes  au  prince  &  ménager  leurs 
affaires ,  étaient  les  généraux  de  leurs  troupes  :  les 
moifTons  étaient  ou  brûlées  ,  ou  coupées  avant  le 
tems,  ou  défendues  l'épée  à  la  main;  les  villes  pref- 
que réduites  en  folitude  ,  &  les  oampagnes  dépeo* 
plées  par  de  longues  famines. 

Il  femble  que  ce  royaume,  fans  chef,  fans  police, 
{ans  ordre ,  dût  être  la  proie  de  l'étranger  ;  mais  une 
anarchie  prefque  femblable  dians  tous  les  royaumes, 


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VERS  LB  TEMS  DE  HuGUES  CaPET*    4^9 

fit  fa  fùvtti  ;  &  quand  fous  les  Oibôns  l'Allemagne 
fut  plus  à  craindre  i  les  guerres  inteftines  l'occu* 
pèrent 

C'eft  de  ces  tems  barbares  que  nous  tenons  Pufage 
de  rendre  hommage  pour  ui>e  maîfon  &  pour  un  boyrg 
au  (eigneur  d'un  autre  village.  Un  praticien ,  un  mar- 
xhanaqui  fe trouve  pofleiTeur  d'un  ancien  fief,  reqoit 
foi  &  hommage  d'un  autre  bourgeois  ou  d'un  pair 
du  royaume  qui  aura  acheté  un  arrière -fief  dans 
fa  mouvance.  Les  loix  de  fiefs  ne  fub&ftent  plus  ;  mais 
ces  vieilles  coutumes  de  mouvances ,  d'hommages , 
de  redevances  fubfiftent  encore  :  dans  la  plupart  des 
tribunaux  on  admet  cette  maxime.  Nulle  terre  fans 
Seigneur  :  comme  fi  ce  n'était  pas  affez  d'appartenir  à 
la  patrie. 

Quand  la  France  ^  lltalie  &  l'Allemagne  furent 
aînfi  partagées  fous  un  nombre  innombrable  de  petits 
tyrans  ,  les  armées ,  dont  la  principale  force  avait 
été  Tinfanterie  fous  Cbarlemagne ,  ainfi  que  fous  les 
Romains  i,  ne  furent  plus  que  de  la  cavalerie.  On  ne 
connut  plus  que  les  gendarmées  \  les  gens  de  pied 
n'avaient  pas  ce  nom ,  parce  qu'en  comparaifon  des 
hommes  de  cheval  ils  n'étaient  point  armés. 

Les  moindres  pofTcffeurs  de  châtellenîes  ne  fc  met* 
taient  en  campagne  qu'avec  le  plus  de  chevaux  qu'ils 
pouvaient;  &  le  fafte  confiftait  alors  à^mener  avec 
foi  des  écuyers  ,  qu'on  appella  vaslets ,  du  mot  vaf- 
falet  ,  petit  vaffal.  L'honneur  étant  donc  mis  à  ne 
combattre  qu'à  cheval ,  on  prît  l'habitude  de  porter 
une  armure  complette  de  fer  ,  qui  eût  accablé  un 
homme  à  pied  de  fon  poids.  Les  brafTars ,  les  cuiflars 
furent  une  partie  de  l'habillement.  On  prétend  que 
Cbarlemagne  en  avait  eu  ;  mais  ce  fut  vers  l'an  looô 
.que  l'ufage  en  fut  commun. 

Quiconque  était  tiche ,  devint  prefqu'invulnérable 
^'^•a^^^ ^w^JRtoMit iits3^ 


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à  la  guerre  ;  8c  c'était  aloft  qu'on  fe  fervît  plus  que 
.jamais  de  maflues ,  pour  affommcf  ces  chevaliers  que 
les  pointes  ne  pouvaient  percer.  Le  plus  grand  coca, 
merce  alors  fut  en  cuiiaflcs ,  en  boucUcrs, en  cafqoei 
ornes  déplumes. 

Les  payfans  qu^on  traînait  à  la  guerre ,  (culs  cxpofc! 
&  mepnfcs,  fervaient  de  pionniers  plutôt  que  de  com- 
battons. Les  chevaux  ,  plus  eftimés  qu'eux ,  furent 
bardes  defer ,  leur  tête  fut  armée  de  chtmfrcins. 

[  On  ne  connut  guère  alors  de  loîx  que  celles  que 
Jesj>lus  puiflans  firent  pour  le  fervice  des  ficft.  Tous 
les  autres  objets  de  la  juftîcc  diftributive  furent  aban- 
donnes au  caprice  des  maitres^'hôtel ,  prévôt! ,  bailliSi 
nommes  par  les  poffefleurs  des  terres. 

tes  fénats  de  ces  villes ,  qui  fous  Cbarkma^  * 
fous  les  Romains  avaient  jouï  du  gouvernement  mn- 
mcipal ,  furent  abolis  prcfque  partout  Le  mt)t  de 
^euhr^  Seigneur ,  aflFedé  longtems  à  ce«  principaux 
?V^^^^  villes ,  ne  fut  plus  donné  qu'aux  pof- 
Tcfleurs  des  ficft. 

Le  terme  de  pair  commençait  alors  à  s*întroduîrc 
datîs  la  langue  gêtUo-tudcfque,  qu'on  parlait  en  France. 
On  fait  qu  il  venait  du  mot  latin  par^  qui  fignific  ig^ 
on  coTïfrên  On  ne  s'en  était  fervi  que  dans  ce  fcns 
fous  la  première  &  la  féconde  race  des  rois  de  France. 
Les  enfens  de  Louis  le  débonnaire  s^zppellèrent  Para 
dans  une  de  leurs  entrevues ,  Tan  8^i  »  &  longtems 
auparavant  Dagobert  donne  le  nom  de  Pairs  a  àes 
mornes.  Godegrand,  évéque  de  Metz,  du  tems  de 
Càc&hmapne,  appelle  Pairs  des  évêques  &  des  abbcs, 
ainfi  que  le  marque  le  favant  Du  Congé.  Les  vaffaox 
d  un  même  fcîgneur  s'accoutumèrent  donc  à  s'appd- 
1er  Pairs.  ^^ 


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VERS  LE  TEM8  DE  HUGUES  CAtET.  45l. 


Alfred  le  grand  avait  établi  en  Angleterre  les  jurés  : 
c'était  des  pairs  dans  chaque  profeffion.  Un  homme 
dans  une  ca^fe  criminelle  choifiiTaic  douze  hommes 
de  fa  profeflbn  pour  être  juges.  Quelques  TafTaux  en 
Jrance  en  ufèrent  ainfi  ;  mais  le  nombre  des  pairs 
n'était  pas  pour  cela  déterminé  à  douze.  Il  y  en  avait 
dans  chaque  fief  autant  que  de  barons  ,  qui  relevaient 
du  même  feigneur ,  &  qui  étaient  pairs  entr'cux,  mais 
non  pairs  de  leur  feigneur  féodal. 

Les  princes  qui  rendaient  un  hommage  immédiat 
à  la  couronne  ,  tels  que  les  ducs  de  Guiennc ,  do 
Normandie,  de  Bourgogne ,  les  comtes  de  Flandres, 
de  Touloufe  ,  étaient  donc  en  effet  des  pairs  de 
France. 

Hugues  Cafet  n'était  p^s  le  moins  puiflant  H  poffé- 
dait  depuis  longtems  le  duché  de  France ,  qui  s'éten- 
dait jufqu'en  Touraine.  II  était  comte  de  Paris.  Dé 
vaftes  domaines  en  Picardie  &  en  Champagne  lui  don« 
naient  encor  une  grande  autorité  dans  ces  provinces. 
Son  frère  avait  ce  qui  compofe  aujourd'hui  le  duché 
de  Bourgogne.  Son  grand-père  Robert  &  fon  grand- 
oncle  Eudes  ou  Odon^  avaient  tous  deux  porté  la 
couronne  du  tems  de  Charles  lejîmple.  Hugues  fun 

Îère ,  furnommé  Tabbé ,  à  caufe  des  abbayes  de  St. 
lenis ,  de  St.  Martin  de  Tours ,  de  St.  Germain^ 
des-trés ,  &  de  tant  d'autres  qu'il  poffédait ,  avait 
ébranlé  &  gouverné  la  France.  Ainfi  l'on  peut  dire 

Î|ue  depuis  l'année  910  où  le  roi  Eudes  commenqa 
on  règne ,  fa  maifon  a  gouverné  prefque  fans  inter- 
ruption  ;  ^  que  fi  on  excepte  Hugues  l'abbé ,  qui  ne 
voulut  t)as  prendre  la  couronne  royale ,  elle  Totme 
une  fuite  de  fopverains  de  plus  de  huit  cei^t  cinquante 
ans  :  filiation  unique  parmi  4cs  rbis. 

On  fait  comment  Hugues  (ktpet  9  duc  de  Fi«nc^-, 
comte  de  Paris ,  enleva  la  couronne  au  duc  Charités 
onçic  au  dernier  roi  Lwis  F.  Si  les  fuffrages  eu^eçif 


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^    462     Delà   Frakce,&c. 

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été  libres ,  le  fang  de  Cbarlemagne  reTpcdé  ,  &  le 
droit  de  fucceffion  aufli  facré  qu'aujourd'hui ,  Charles 
aurait  été  roi  de  France.  Ce  ne  fut  point  un  parle- 
ment de  la  nation  qui  le  priva  du  droit  de  fes  an- 
cêtres ,  comme  Pont  dit  tant  d'hiftoriens  ,  ce  ïut  ce 
3'ui  ^it  &  défait  les  rois»  Ja  force  aidée  de  la  pru- 
ence. 

Tandis  que  Louis  ce  dernier  roi  du  fkng  Carlovm^ 

g'fff ,  était  prêt  à  finir,  à  l'âge  de  vingt -trois  ans^ 
vie  obfcure  par  une  maladie  de  langueur ,  Hugues 
Cafet  aflemblait  déjà  Tes  forces;  &  loin  de  recourir 
à  l'autorité  d'un  parlement ,  il  fut  difllper  avec  fei 
troupes  un  parlement  qui  fe  tenait  à  Conipiégne  pour 
afTurer  la  fucceffion  à  Charles,  La  lettre  de  Gerbert 
depuis  archevêque  de  Rheims  &  pape  fous  le  nom  de 
JSyheJlre  II ^  déterrée  par  Duchèfne\  en  eft  un  témoi- 
gnage autentîque. 

Charles  duc  de  Brabant  &  de  Hainaut ,  états  qui 
comportent  la  baffe  Lorraine  ,  fuccomba  fous  un 
rival  plus  puiffant  &  plus  heureux  que  lui  ;  trahi 
par  Tevêque  de  Laon ,  furpris  &  livré  à  Mugues  Capes , 
Il  mourut  captif  dans  la  tour  d'Orléans  ;  &  deux  en- 
fans  mâles  qui  ne  fmrent  le  venger  V  mais  dont  Tun 
eut  <:ette  bsrfle  Lorraine,  furent  les  derniers  princes 
de  la  poftérité  mafcultne  de  Charlemag^e^  Hugues 
Capes  i  devenu  roi  de  fes  pairs ,  n'en  eut  pas  u]>j)1ms 
grand  domaine. 


CHAPITRE  TRENTE-NBUVIÉ ME, 

Efo/  de  la  France  au»,4ixiime  ^onzième  Jiècles.  Ex^ 
çommunicaSion  du  roi  RoBERT. 


JLi^bfcurs  ilepiiis  Charles  le  gros  jufqu'i  Pbiiifpe  I 
Jl     arrière-petit-fils  de  HugUes  Capet ,  près  de  deux  cent 


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||gt."!l       ,     'T         '1!  €W KW^ 

E  T  A  t  D  B    L  il.    F  R  A  M  C  E,  &C.  4^3     C 

cinquante  années.  Nous  verrons  fi  les  croi&dés,  qui 
flgnaièrent  le  règne  de  PMipp^  /  à  la  fin  du  oriziéme 
fiécle ,  rendirent  la  France  plus  floriflanea  Jttais  dsos 
l'eQ>ace  de  tems  dont  je  parle  ^  tout  ne  fpt  que  con*  , 
fufion ,  tyrannie ,  barbarie  &  pauvreté.  Chaque  fei* 
gneur  un  peu  confidérable ,  faibit  battre  monnoie> 
'mais  c'était  à  qui  l'altérerait.  Les  belles  manufaâures 
étaient  en  Grèce  &  en  Italie.  Les  FranCfais  ne  pon<» 
vaient  les  imiter  dans  les  villes  fans  privilèges  ,  & 
da^s  un  pays  fans  union. 

De  tous  les  événemens  de  ce  rems ,  le  pins  digne 
de  l'attention  d'un  citoyen  ,  eft  Texcommunioation 
du  roi  Robert.  Il  avait  époufé  Bertbe  fa  coufine  au 
quatrième  degré  ;  mariage  en  foi  légitime ,  &  de  plus 
néceflaire  au  bien  de  Pétat.  Nous  avons  vu  de  nbs 
jours  des  particuliers  époufer  leurs  nièces ,  &  acbe-^ 
ter  du  prix  ordinaire  les  difpenfes  à  Rome ,  comme 
fi  BAme  avait  des  droits  fur  des  mariais  qui  fe  fontià 
Paris.  Le  roi  de  France  n'éprouva  pas  jutant  d'in- 
dulgence. L'égHfe  romaine ,  dans  l'aviliftement  &  les 
fcandales  ou  elle  était  plongée ,  ofa  impofer  au  rèi 
une  pénitence  de  fept  ans,  lui  ordonna  de  quitter 
fa  femme ,  l'excommunia  en  cas  de  refus.  Le  pape 
interdit  tous  les  évéques  qui  avaient  afliité  à  ce  ma- 
riage ,  &  leur  ordonna  de  venir  à  Kome  lui  deman- 
der pardon.  Tant  d'infolence  parait  incroyable  ;  mais 
l'ignorante  fuperftition  de  ces  tems  peut  l'avoir  fouf- 
ferte,&  la  politique  peut  l'avoir  c^ufée.  Grégoire  V 
qui  fulmina  cette  excommunication /était  Allemand» 
&  gouverné  par  Herbert ,  ci  '-*  devant  ^archevêque  de  \ 
,  Rheims  ,  devenu^  ennemi  de  la  maifgn  de  France. 
L'empereur  Otbon  IJI  peu  ami  de  Robert ,  aflifla 
lui-même  au  c6tK:ite  où  l'excommunication  fîit  pro- 
noncée. Tout  cela  fait  croire  que  la  raifon  d^tat  eût 

autant  de  part  à  cet  attentat  que  le  fanàdfmîe. 

•       *  r  •  j 

Les  hiftorîens  diîent  que  attte  eîccômmunîcatîdn    r 
fit  en  France  tant  d'efitt  ,  que  tous  les  xotfrdfaHs 


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r 


a^dfe. 


4 


il 


i 


4^4        ETATDBLAFllAlfCB 

do  roi  &  fes  propres  domeftiques  l'abandonnèrent, 
&  qu'il  ne  lai  refta  que  deux  ferviteurs ,  qui  jettaicnt 
an  feu  le  refte  de  fes  repas  ,  ayant  horreor  de  ce 
qu'avait  touché  un  excommunié.  Quelque  dégradée 
que  fût  abrs  la  raifon  humaine ,  il  n'y  a  pas  d'appa- 
rence que  rabfurdité  pût  aHer  fi  loin.  Le  premier 
auteur  qui  rapporte  cet  excès  de  l'abrutiAfement  de 
la  cour  de  France ,  éft  te  cardinal  Pierre  Damien , 
qui  n'écririt  que  foixante-cinq  ans  aptes.  Il  rapporte 
qu'en  punition  de  cet  incefte  prétendu ,  la  reine  ac- 
coucha d'un  monftre  ;  mais  il  n'y  eut  rien  de  monf- 
trueux  dans  toute  cette  affaire ,  que  l'audace  du  pape , 
&'la  faibleffe.  du  roi  qui  fe  fépara  de  fa  femme. 

Les  excommunications ,  les  interdits  font  des  fou- 
dres qui  n'embrafent  un  état  que  quand  ils  trouvent 
des  matières  combuftibles.  Il  n'y  en  avait  point  alors; 
mais  peut  -  être  Robert  craignait  «  il  qu'il  ne  s'en 
formât. 

La  condefcendance  du  roi  Robert  enhardît  tefle- 
ment  les  papes ,  que  fon  petit-filç  Philippe  I  fut  tu 
communié  ^omme  lui.  D'abord  le  fameux  Grégoire  Vil 
le  menaqa  de  le  déporer  en  xo7s  s'il  né  fe  juftifîaitde 
l'accufation  de  fimonie  devant  fes  nonces.  Un  autre 
-  pape  l'excommunia  eiî  effet  Philippe  s'était  dégoûté 
de  fa  femme ,  &  était  amoureux  de  Éertrade ,  époufe 
du  comte  à* Anjou.  Il  fe  fervit  du  miniftère  it$  ioix 
pour  caffer  fon  mariage  ,  fous  prétexte  de  parenté: 
&  Eertrade  fa  maitrefle  fit  caffer  le  fien  avec  le  comte 
HAf^ou ,  fous  le  même  prétexte. 

Le  roi  &  fa  maitreffe  furent  enfuite  mariés  folen- 
nellement  par  les  mains  d'un  évéque  de  Bayeux.  Ik 
liaient  condami^ables  ;  mais  ils  avaient  au  moins 
rendu  ce  refpeifil:  aux  Ioix ,  de  fe  feryîr  d'elles  pour 
couvrir  leurs  fautes.  'Quoi  qu'il  en  foit ,  un  pape  avait 
.excommunié  Robert ,  pour  avoir  époufé  &  pareote , 
i  &  un  autre  pape  excpmmunia  Philippe  pour  av(^r 

quitte 


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AUX  DIXléJKE'ET  ONZléMETSléCLES. 


4«f     t 


Quitté  fa  parente.  Ce  qu'il  y  a  de^{>lo«  fingulièr  ^  c^eft 
q};^' Urbain  II  qui  pronomja  cette  fentencc  ,  la  pro* 
nonqa  dai^  Içs.  propres  états  du  roi^  à  £lerinont  en 
Auvergne ,  où  il  venait  chercher  Un  afyle  ,  &  dan« 
ce  même  concile  oô  noujî  vçrrons  qu'il  prççh^  \% 
çroifade, 

Cependant ,  il  ne  parait  point  t^Mt  Philippe  evcooir 
munie  ait  été  en.horreur  à  &s  fujets  ; Veft  une  rallbn 
de  plus  pour  douter  de*  œt  abandon  généiral  où  V911 
dit  que  1^  |0i  fybprp  avaiç  4^  rédqitv 

'  Ce  qu'il  y  eut  d'afTez  remarquable ,  c'eft  le  mârlagf^ 
du  roi  Hemri^hxe  de  Fbilifp9  \  avec  atie  princeflede 
Ruflie  I  fille  d'on  duc  nommé  JarusHai.  On  ne  fait  Q 
cette  Ruffie  était  la  Ruflie  noire,  la. blanche  ,  au  1^ 
rouge.  Cette  princ^fle  était  relie  née  idplitre  ;  oi| 
chrétienne,  ou  grecque?  Cfaangea>4C4«lle  de  rdigion 
pour  épeufer  un  roi  de  France  ?  Comment  dans  ipi| 
tems  ou  la  communication  entre  let  états  de  l'Ëuropf 
était  fi  rare ,  un  roi  de  F'rdbce::catwii  cbnnaiflancQ 
d'une  piinceffe  du  pays  des  mdens  Scythes  $  Qui 
piropofacet  étrange  marjagetjL'biikjre  de  ces  (ço^f; 
cbfcurs  ne  fàdsfait  à  aucune  dç  cçs  ^ueftions, 

H  eft  à  erdre  que  le  roii^des  Ftanqa^  Henri  Jfra^ 
chercha  cecte  idliance ,  afin  de  ne  pas  s^expoftr.  i 
des  querellps  ecdiéfiafiiques.  Dè>  toutes  les  fupérâi^ 
tions  de  ces  tems-là,  ce  n'était  pas  la  moins  nuifi/ 
ble  au  bientdes  états ,  qaexetle  de  ne  poiuioix  lépoii^ 
fer  fa  parente  au  feptiéme  degré.  Frefque  tpus  lef 
fouveratùsde  l'Europe  étaient  psrrent  d^  Menri,  Qjloi 
qu'il  en  fok^  j^i^Mf  fille  d'un  JAteislau^  duc  inconn» 
d'une Ruffiebra  ignorée,  fût  jreinâ  de  FraQcf.ij&  i)t 
cft  à  remarquer  jqu'après  la  Mtt.de  iprl  mari,  eU4 
nfeut  p0iQtiIlaj:Qgence,ft;  n'^précepdit  point.,  («ei 
loix  ouihgeiil  rielon  les  te«ii.:<6t  rut  le^comtedhf 
Flandiieviin'déa  vi^ffauK  du  roysbime!»  q)ii  en  fatré:^ 
gent.  La  Jteiee.ye^Te  fe  reiwir»  .^.jjn  çpmfç  dQl 
P        ÊJftiifuT ifî nfmrs ,  6Pc.  Tom,  I,  Pc 


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^   4<d    Et  AT  BZ  Lk  Vkak^m  ! 

En  général ,  fi  on  ooopare  ces  .fiécles  ao  nAtr^t 
fis  yaraillcnt  renfançe  ^o  jjcnre  biunaih  ,  'd^ns  tout 
ce  qui  regarde  le  souVemement ,  h  religion  ,Ic  com^ 
mcrce ,  les  arts  »  les  droits  des  citoyens. 

Ceft  fiirtout  ira  (peAade  étrange  qne  i'ai^USb- 
aient  9  le  fcandale  de  Rome ,  &  ùl  puiflance  d'opi* 
nion  fubfiftant  dans  lésants  au  milieu  de  (an  ,9i^ù 
fement,  cette  foule  de  papes  créés  par  les  empereurs  « 
Kefidavage  de  otf  ^^nt^ ,  lear  polUrAir  immeofe  ç^ 
w'ils  £>nit  malties  ,&  l'exçeflif  abus  4e  pe  fK»i>yoîr. 
Sjyh^^II^  /Gerbnî ,  qe  iàVaot  du  àbifim^  ^çcle , 
qui  .pa(Iii  jpour  on  ^nagiden  ,  putcc  qu'jua  hx^  lui 
avait  enfeigné  ^arithmétique ,  &  quelques  élé^eiis  d^ 
féofnétrie  •  ce  précqpiteur  à^fHbm  Ift  diafle  de  foa 
archeréche  de  Rheinis  du  tems  du  roi  Bfibert  «  nomn^ 


pape  par  rempereur  Mkn  Ulcùnkir»  jeacor  la  ré- 
putation d'un  nomaeioleti^9  A  d'un  p^pe  fkgp-  €e- 
peiîdillit,  vpid  ce  que  rapjporCe  h  dirôdiquc  d'4^ 
'«  C&i^Moâ,Mi[a>fitqpipoxaia&ffmato^ 


Un  fdgneur  de  France  Gt^y^  vicomte  de  Limoges, 
dispute  qùêlqii^  droits '4è  i^abbaye  ile  finSnti^ç  à 
an  Ûrimoàd  évoque  (Fângouléme  ;  l*éf  ^flue  Texcm- 
mnnie,;1e  vicomte iiâthiettterifièqiieen|)rifi»i.  Cas 
violences  nci^roiniQs  hsdcfiA  <tcès  comautnes  daiU 
tonkf  l'£usQpr,  oA  la  ^ideaoe  toaait  liai  ds  loi. 

I^  refpeapour  Ron^bitait  alors  fi  grarid  dana  ceu 
te  anarchie  uaivérfcUé,  que  Févéque  ibiâ  defapri* 
m  ,  (ft  k  Vicomte  de  Limogef  aBèrent  tons  deaz 
de  li'nince  à  Rome  plaider  leur  caufe  de?aitt  le  pape 
fyà>ejhf  ti  eh  plein  epînfiftoire.  Le  cnuaU^on  t  <^ 
fctaidur  fut  oMlamaé  à  être  tiré  è  quatre  «dievaoz; 
ftlaftntenoedkt  été  exécutée, ^il  ne  Sfe  tàt^ndé. 
Vtt(é$  manh'pm  ce  i^(«ae|r ,  ta  fidftne  empî^ 


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Îiord3  9  Al  foqmilGon  poyr  Rome  ,  U  f^ntpncp  au(Q 
àrbarç  ^M'^fuiriiiç  du  çonfiftoifc ,  |cîgoçp|  yarfaitpr 

Au  r^ ,  le  roi  ie$  fixais  ^^pi  |  ^Iç  4c  Aï/iiprf  ^ 
IM  P4ri/ip;»«|||l9  ^ç  #^^>  >^c  îtfi;^t  coQQus  par  aucuo 
éy4liemF>^^  m(^9pr^|f }  m^  ip  leur  tqos ,  leur$  yfff, 

Noffs  fitlipi»  ypir  ^A9iip^$  f^4w^  a?anturierf  df 
Il  provifipf  d^  Jjforip^t^di^  9  fa^  bi^ ,  fans  terres  p 
$  pnefqu^  âni  I^ÛâM ,  fon^ér^t  la  monarchie  dp^ 
dieju^  Si!?iîp?  1  «u>  ^fp»M  f¥J  «n  fi  grand  fu^et  ip 
^ifcprdc  ^ntrç  l^  fi^purfuji  df  Ifi  dynaftie  de  Suabf 
-*  leij  papj^ ,  fçitrj?  l^s  i^^ifcn^  4'AnjoM  *  d'Af ragpp., 
«WUre.  ç.e}te  4-A»triçb|5  $  4^  ?r»l»çe, 

QUand  (^fimiptu  pfîf  1$  îipm  d^empereur  ^  ce 
pom  pp^i  donna  gue  pg  que  fes  armes  pou, 
vaîent  lui  auurer.  Il  fe  prétf^f^^l^  dumm^ceur  fu? 
prjime  dy  duché  de  Qénéyent  ,  qui  c^tnpor^^ic  alors 
UX^  graodjpp^tie  ^  i^t%t^  WPIIM  aujourd'hui  Tous 
\ç  nowi  f^q  rû^4uai«  dp  STapJgs.  l^s  ducp  de  BérçT 
jy^nj  a  pli^ç  Jieureuy  flWf  lç.8  fpiiJ  Lwiihîirds  ,  lui  refif- 
t^ren^  âiofi  qp'i  fc?  ruejppj(ïiç^;[$,  f.9  pouillc ,  la  Ça- 
'JabriB  ,  )[è  Siçflf  pifçnt  cri  pfôîe  aias  incurfion*  dçç 
.^rabcç.  Lp^  f mpereurç  prcçg  ^  t^t' 'S  ^e  dîfputaîpm 
en  vaîp  la  fq^yçraippjiç  jjç  fé^  Pays/  fluficurs  feU 
gpcprç  paVriç^^^^  ^a|^aî|^^ept;,l|fa^e|3|puilles  ay«$ 


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46^    Conquête  des  £)Eux.SiciLEr 

jpartenaient ,  ni  s'ils  étaient  de  la  communion  romain 
ne«  ou  de  la  grecque ,  ou  mahométans.  L'empereur 
Otbon  I  exerqa  foii  autorité  dans  ces  pays  en  qua- 
lité du  plus  fort.  U  érigea  Capoue  en  principautés 
j^i&o»J/. moins  heureux,  fut  battu  par  le^  Grqcs, 
ft'par  les  Arabes  réunis  contre  lui.  Les  empereurs 
dfOrient  reftèrent  alors  en  pofTeflion  de  la  Pou9le& 
de  la  Calabre  qu'ils  gouvernaient  par  un  Catapan. 
Des  feigneurs  avaient  ufurpé  Salerne.  Ceux  qui  pof- 
fédaient  Bénévent  $  Capoue ,  envahiilkienç  ce  qu'ils 
pouvaient  des  terres  du  Catapan;  &  le  Catapan  les 
dépouillait  à  fon  tour.  Naples  &  Gayette  étaient  de 
'  petites  républiques  comme  Sienne  &  Luqueâ  :  Perprit 
de  l'ancienne  Grèce  femblait  s'être  réfugié  dans  ces 
deux  petits  territoires.  U  y  avait  de  la  grandeur  k 
vouloir  être  libres ,  tandis  que  tous  le^  peuples' d'a- 
lentour étaient  des  efclaves^qui  changeaient  de^inai- 
I  .  très.  Les  mahoinétans  cantonnés  dans  pIuGeurschà- 
a  teaux ,  pillaient  également  les  Grecs  &  les  Latins  :  les 
■  églifes  des  provinces  du  Catapan  étaient  foumifesau 
métrc^olitain  |^e  Cpnftantinople  »  les  apbes  à  celui  de 
Rome.  Les  mœurs  (ereflentaient  iu  mélange  de  tant  de 
peuples ,  de  tant  de  gouveriijemens  $  dp^reljgions.  L'ef- 
prit  naturel 'dés  hà&itans  ne  jettâit  aucune  étincelle. 
On  ne  reconnaifTait  plus  le  pays  qui  avait  produit 
Horace  &  Cic^ron ,  &  qui  devait  fairp  n^trç  le  Taffe* 
"Voilà  dans  quelle'  filuation  était  cet t'^ftrtile  contrée 
^zuH  dixième  &  pnziétne  fiéçles  >  de  Gajrçtte  &  du 
Garillan  jufqu'à  Ôt'raàte,  •" 

Le  goût  des  pèlerinages  ^  des  avantures  de  ch^ 
"Ivalçrie  régnait  alors.  Les  tems  d'anarchie  frnt  ceux 
*quî  produîfent  l'excès  de  l*héroïfme  ;  fon  effor  cft 
^plus  retenu'  dans  les  gouvememens  réglés..  Cinquante 

on  fqixante  Français  étant  partis  ^n  98 j  des  côtes 
\dë  Normandie  pout  aller  à  Jerufalem ,  paflcrent  à  lent 
'retour  fur  la  mer  de. Naples,  &  arrivèrent  dans  Sa- 

lerne  ,  dans  le  tems  que  cette  ville  affiégé*  pat  les 
'  mabométans^  vpnàit  de  fk  rodieter  i  prix  d*argcnt 


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BAR  QB»  OBNTILSHOMMSS  NqrMANQS.  4H 

Ils  trourent  les  Salertins  occupés  à  raiTembler  le  prix 
de  leur  rançon  ,.&  les  yamqueprs  livrés  dans  leuf 
ca^p  à.  la  fecurité  d'une  joie  brutale  &  de  la  dé* 
bauche.  Cette  ]^orgnée  d'étrangers  reproche  aux  af- 
fiégés  la  lâclîeté  de  leur  foumHIlon  ,  &  dans  Tinf- 
tant  marchant  avec  audace  au  milieu  de  la  nuit , 
fuivis  de  quelques  Çalertins  qui  ofent  les  imiter  »  ils 
fondent  dans  le  camp  des  Sarrazins  ,  les  étonnent , 
les  mettent  ,en  fuite ,  les  forcent  de  remonter  en  dé- 
fordre  fur  leurs  vaifleaux  ,  &  non-feuiement  fauvent 
les  tréfors  de  Salerne  ,  mais  ils  y  ajoutent  les  dé- 
pouilles des  ennemis. 

Le  prince  de  Salerne  étonné ,  veut  les  combler  de 
pr .éfens  ,  .&  eft  encor  plus  étonné  qu*ils  les  refufent; 
ils  font  traité^  longt^s  à  Salerne  comme  des  héros 
libérateurs  le  méritaient  On  leur  fait  promettre  de 
revenir.  L'honneur  attaché  à  un  événement  fi  fur- 
prenafat  ,  ënf âge  bientôt  d^autres  Normands  à  pafler 
à  Salerne  &  à  Bénévent.  Les  Normands  reprennent 
l'habitude  de  leurs  pères  ,  de  traverfer  les  mers  pour 
combattre.  Us  fervent  tafttftt  l'empereur  Grec ,  tantôt 
les  princes  du  pays ,  tantôt  les  papes.  Il  ne  leur  im- 
porte pour  qui  ils  fe  fignalent  ,  pourvu  qu'ils  recueil- 
lent le  fruit  de  leurs  travaux.  Il  s'était  élevé  un  duc 
à  Naples  ,  qui  avait  aiïeryi  la  république  naiflante. 
Ce  duc  de  Naples  eft  trop  heureux  de  faire  al- 
liance avec  ce  petit  nombre  dt  Normands ,  qui  le 
fecourent  contre  un  duc  de  Bénévent.  Us  fondent 
la  ville  d'Averfa  entre  ces  deux  territoires  vers 
l'an  lo^o.  C'eft  la  première  fouveraineté  acquife.  par 
leur  valeur. 


Bientôt  après  arrivent  trois  fils  de  Tancride  de  Han- 
Uville^  du  territoire  de  Coutance ,  Guillaume  furnom- 
mé  fier-à^ras ,  Drogon  &  Humfroi.  ?Rien  ne^  reflem- 
ble  plus  aux  tems  fabuleux.  Ces  trois  frères  avec  les 
Normands  d'Avêrfe ,  acciompagnent  le  Catapan  dans 
J:  la  Sicile  ;  Qidllaumi  fier ->  à -bras  tue  le  général 
&  Gg  iij  •  J 


^ 


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: 


47e      COKQSft'^E  BtS  D£tJi-SlËI»S 


-iXIft. 


rrra 


Arabe  ^  ddnné  aok  Grecs  U  viiSbtfe  ;  ft  fa  Sîclte  tf irit 
retourner  arux  Greàs  ,  â'ib  h'airaient  J)at  été  ingrate. 
Mais  le  Gatapan  Craignit  ces  Français  tfli  1er  défena 
daiént  ;  Il  léoir  fit  des  iiljtiftiêes  ^  &  H  s^atttra  lait 
Vengeance,  tls  tourrtisnt  leurs  armes  ct>ntré  loL  Troiâ 
à  quatre  cent  Normands  f*em{Kirent  de  prt^fdoe  toute 
la  Pôuille.  Le  fait  ^aradt  incroyable  ;  malt  les  «vanw 
toners  do  pays  fe  joignaient  i  eox ,  A  d^irenaiènt 
de  bons  foldacs  foiis  de  tels  ttlalt^es  ;  let  Calabrois 
()ui  cherchaient  la  fortune  pat  Ib  courace  devenaient 
gâtant  de  Normands.  GuillaMun^  fier^a-ètoî  fe  fait 
lui-même  comté  de  la Pouille ^ fans  confoteerni  eiAL 
^ereur,  ni  pape^  hi  feîgneurs  yoifins.  U  ne  confult^ 
que  fes  foldats ,  Comme  ont  £rft  tous  les  premiers 
to'ii  de  tous  les  pays.  Ghaqbe  capitaine  Normand  evt 
une  ville  oU  un  village  i^ottt  foti  pait^ti 

Fiet'à'hras  étant  mort ,  (on  frère  DroÊon  eft  élu 
Souverain  delà  PouilIé.  AldrU  Robert  tkiijcard  Se  fes 
deux  jeunes  frères  quittent  éncor  Couuuicé  pour  avoir 
part  à  tant  de  fortune.  Le  vieux  TaMcridec&  étonné 
de  fe  voir  père  d'une  race  de  conquérans*  Lé  nom 
des  Normands  Eiifait  trembler  tous  les  voiflns  de  ta 
Fouille  «  &  mêmes  les  papes.  Robert  Gnifcard  &  tek 
frères ,  fuivis  a'une  foule  de  leurs  compatriotes ,  vont 
pur  petites  troupes  ea  pèlerinage  à  Rome.  Ib  marchent 
inconnus  le  bourdon  à  la  main  v&  arrivent  enfin  dans 
la  Fouille. 


.t^empéreùr  Étftri  til  adEel  fort  aibrs^  pdût  régnèl 
dans  Rome  ,  ne  le  fut  pas  aflez  pour  s'oppofer  d'a^ 
bord  à  ces  conquérans.  U  leur  donna  folemnellement 
l'inveftitore  de  ce  qu'ils  avaitent  envahi.  Ils  poftédaient 
alors  la  Fouille  entière  ^  le  comté  d'Averfe  5  la  moitié 
du  BèoéVôiitin; 

^  Voiïà  donc  cette  maifon  deVenàé  bientôt  après  mal- 
ton  royale  ^  fendatrioe  des  royaumes  d«  Naplet  &  de 


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PAR  DES  GENTII'SHOMltfES  NORMANDS.  47 1 

Sicile  ,  feudataîre  'de  Pcmpîre,    Comnlcnt  ç'eft-îl  pu 
faire  que  cette  portion  de  l'empire  en  ait  été  fi  -tôt 
détachée,  &  foit  devenue  un  fief  de  réyêché  de  Ro- 
me, dans  le  tems  que  les  papçs  ne  pofiedaient  pref- 
que  poii]it  de  terrain  ,  qu'ils  n'étaient  point  msdtres 
à  Roqie  ,  qu'on  ne  les  reçonnaiflait  p^s  même  dans 
la  marche  d'Ancone  qu'0/Ào»/egra»^  leur  avait,  dit? 
on  ,  donnée  ?  Ce^  événement  eft  prefque  aiiffi  éton-r 
nant  que  les  conquêtes  des  gçnjdlshommes  Normands. 
Voici  Texplication  de  cette  énigme.    Le  pape  Liwt 
IX  voulut  avoir  Iii  ville  de  Bénévent  qui  appartenait 
aux  princes  de  la  race  des  rois  Lombards  depoiTédéç 
par  Cbariemagne.  L'empereur  Henri  III  lui  donna  en 
effet  cette  ville,  qui  n'était  point  à  lui,  en  échange  du 
fief  de  Bamberg  en  Allemagne.  Les  fouverains  pon- 
tifes font  maîtres  aujourd'fiui  de  Bénévent  en  vertu 
I      de  cette  donation,  (a)  Les  nouveaux  princes  Normandç 
I      étaient  des  voifins  dangereux.  Il  n'y  a  point  de  con- 
g  I     quêtes  fans  de  très  grandes  injuilices  :  ils  en  commets 
f     talent ,  &  l'empereur  aurait  voulu  avoir  des  vafTauif 
moins  redoutables.  Léon  IX  après  les  avoir  excom? 
munies  ,  (e  mit  en  tête  de  les  ^ller  combattre  aveo 
une  arniée   d'Allemands  que  Henri  ///lui  fournit 
L'hiftoire  ne  dit  point  comment  les  dépouilles   de- 
vaient être  partagées.  Elle  dit  fculemeht  que  l'arn^ëe 
était  nombreufe  ,  que  le  pape  y  joignit  des  troupes 
italiennes  qui  s'enrôlèrent   comme  pour  une  guerre 
fainte ,  &  que  parmi  les  capitaines  il  y  eut  beaucoup 
tfévêques.  Les  Normands  qui  avaient  toujours  vaincu 
en  petit  nombre ,  étaient  quatre  fois  moins  forts  que 
le  pape  :  mais  ils  étaient  accoutumés  à  combattre. 
Robert  Guifcard  ,  fon  frère  Humfroi ,  le  comte  d'A- 
verfc  Richard^  chacune  la  tête  d'une  troupe  aguer- 
rie ,  taillèrent  en  pièces  Tarmée  allemande  ,  &  firent 
diQ)araitre  l'italienne.  Le  pape  s'enfuît  à.  Civitade 
dans  la   Capitanate   près    du    champ   de    bataille  ; 
les  Normands  le  fuivent ,  le  prennent  ,  l'emmènent 

(a)  Le  roi  de  Naplcs  y  eft  rentré  entras. 
^  G^  iiij 


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472      CONQPÊTE  DES  DeUX  -  S1CILE& 

prifonnier  dans  cette  même  ville   de  Bénévent  qtd 
était  le  premier  fujet  de  cette  entreprife. 

On  a  fait  un  faint  de  ce  pape  Léon  IX.  Apparem- 
ment qu'il  fit  pénitence  d'avoir  fait  inutilement  ré- 
pandre tant  de  fang  ,  &  d'avoir  mené  tant  d'ecdé- 
fiaftiques  à  la  guerre.  Il  eft  fur  qu'il  s'en  repentit  « 
furtout  quand  il  vit  avec  auel  refped  le  traitèrent 
{es  vainqueurs ,  &  avec  quelle  inflexibilité  ils  le  gar- 
dèrent prifonnier  une  année  entière.  Ils  rendirent 
Bénévent  aux  princes  Lombards ,  &  ce  ne  fut  qu'a- 
près TextinAion  de  cette  maifon  que  les  papos  eurent 
enfin  la  ville. 

On  conçoit  aifément  que  les  princes  Normands 
étaient  plus  piqués  contre  l'empereur  qui  avait  fourni 
une  armée  redoutable ,  que  contre  le  pape  qui  Tavait 
commandée.  Il  falait  s'affranchir  pour  jamais  des  pré- 
tentions ou  des  droits  de  deux  empires  entre  lefquels 
ils  fe  trouvaient.  Us  continuent  leurs  conquêtes  ;  ils 
s'emparent  de  la  Calabre  &  de  Capoue  pendant  la 
minorité  de  Henri  IV  ,  &  tandis  que  le  gouverne- 
ment des  Grecs  eft  plus  faible  qu'une  minorité. 

C'étaient  les  cnfans  de  Tancrède  de  HautevWe  qui 
conquéraient  la  Calabre  ;  c'étaient  les  defcendans  des 
premiers  libérateurs  qui  conquéraient  Capoue.  Ces 
deux  dynaflies  viâorieufes  n'eurent  point  de  ces  que^ 
relies  qui  divifent  fi  fouvent  les  vainqueurs  &  qui  les 
affaibliflent.  L'utilité  de  Tbiftoire  demande  ici  que  je 
m'arrête  un  moment ,  pour  obfervcr  que  RJcbard  di^A^ 
verfe  qui  fubjugua  Capoue ,  fe  fit  couronner  avec  les 
mêmes  cérémonies  du  facre  ■&  de  l'huile  fainte  qu'on 
avait  employées  pour  Tufurpateur  Pépin  pète  de  Cèar^ 
lémagne.  Les  ducs  de  Bénévent  s'étaient  toujours  fait 
fdçrer  ainfi.  Les  fucceffeurs  de  Richard  en  ufèrent  de 
même.  Rien  ne  fait  mieux  voir  que  chacun  établit 
les  ufages  à  fon  choix. 


^^^^^ 


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^  \     PAR  DES  OENTIL8H0MMB&  Normands.  473  ^ 

iîp^fr^  Gmfiard  duc  de  la  Poufflc  *  de  la  Cala" 
bre  ,  Richard  comte  d'Avcrfe  &  de  Capoue ,  tous 
deux  par  le  droit  de  Tépce ,  tous  deux  voulant  être 
indépendans  des  empereurs  ,  mirent  en  ufage  pour 
leurs  (ouverainetés  une  précaution  que  beaucoup  de 
particuliers  prenaient  dans  ces  tems  de  troubles  & 
de  rapines  j)our  leurs  biens  de  patrimoine  :  on  les 
donnait  à  Téglife  fous  le  nom  d'offrande  ,  d'obIa$a , 
&  on  en  jouiflait  moyennant  une  légère  redevance. 
C'était  la  reiTourcç  des  faibles  dans  les  gouverhemens 
orageux  de  l'Italie.  Les  Normands  quoiqi/è  puiiTans, 
l'employèrent  comme  une  fauve-garde  contre  des  em- 
pereurs qui  pouvaient  devenir  plus  puiflans.  Robert 
Guifçard  &  Richard  de  Capoue  excommuniés  par  le 
pape  Lion  IX  ^  Pavaient  tenu  en  captivité.  Ces  mê- 
mes vainqueurs  excommuniés  par  Nicolas  11 ,  lui  ren* 
dirent  hommage. 


Robert  Guifçard  &  le  comte  de  Capoue  mirent  donc 
fous  la  proteddon  de  l'églife  entre  ks  mains  de  Nicolas 
11^  non -feulement  tout  ce  qu'ils  avaient  pris  ,  mais 
tout  ce  qu'ils  pouraient  prendre.  Le  duc  Robert  fit 
hommage  de  la  Sicile  même  qu'il  n'avait  point  en-» 
core.  Il  fe  déclara  feudtataire  du  St.  Siège  pour  tous 
fes  états  ,  promit  une  redevance-  de  douze  deniers 
par  chaque  charrue ,  ce  qui  était  beaucoup.  Cet  hom- 
mage  était  un  ade  de  piété  politique  qui  pouvait  être 
regardé  comme  le  denier  de  St.  Pierre  que  payait 
l'Angleterre  au  St.  Siège ,  comme  les  deux  livres  d'or 
que  lui  donnèrent  les  premiers  rois  de  Portugal ,  enfin 
comme  la  foumifllon  volontaire  de  tant  de  royaumes 
àréglife. 

Mais  félon  toutes  les  loix  dp  droit  féodal  établies 
en  Europe ,  ces  princes  va0kux  de  l'empire  ne  pou- 
vaient choifir  un  autre  fuzerain.  Ils  dey-enaient  cou- 
pables de  félo^e  envers  l'empereur  ^  ils  le  mettaient 
en  droit  de  confifquçr  leurs  états.  Les  querelles  qui 
furvinrcnt  entt^  le  facerdoce  &  l'empire  ,  &  encor 


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474    CoMQjjètB  ois  Dbux-Sicilbs. 


t 


i 


tins  les  propres  forces^  des  princes  Normands ,  n^dffmt 
les  empereurs  hors  d'état  d'exercer  lei^s  droits.  Ces 
conquerans  en  fe  faifant  yafTaux  des  papes  devinrent 
les  proteâenrs  &  fouvent  Içs  maîtres  de  leurs  no^yeau^ç 
fiizerains.  Le  duc  Bobert  ayant  reçu  un  étendart  du 
pape  ,  &  devenu  capitaine  de  Té^fe  de  fon  ennemi 
quil  était ,  pafle  en  Sicile  avec  fon  frère  Moger  :  ils  font 
la  conquête  de  cette  ifle  fur  les  Grecs  &  fur  les  Arabes 
qui  la  partageaient  sdors.  Les  mahométans  &  les  Grecs 
&  Ibumirent  à  condition  qu^  confefversdent  le^rs  reU. 
gions  &  leurs  ufiiges. 

n  falait  achever  la  conquête  de  tout  ce  qui  compofb 
aujourd'hui  le  royaume  de  Naples.  U  reftait  encor  des 
princes  de  Salerne,  defcendans  de  ceux  qui  avaient  les 
premiers  attiré  les  Normands  dans  ces  pays.  Les  Nor- 
mandç  enfin  les  chafférent  ;  le  duc  Robert  lem  prit  Sa- 
lerne :  ils  fe  réfugièrent  dans  la  campagne  de  Rome 
fous  la  protedion  de  Grégoire  VII,  de  ce  même  pape  ; 
qui  faifait  trembler  les  empereurs.  Robert ,  ce  vaiTal  & 
ce  défenfeur  de  Téglifc  ,  les  y  pourfuit  Grégoire  VU 
ne  manque  pas  de  Texcommunier ,  &  le  fruit  de  Te^- 
communication  eft  la  conquête  de  tout  le  Bénéventin 
que  fait  Robert  après  la  mort  du  dernier  duc  de  Béné- 
vent  de  la  race  lombarde. 

Grégoire  Fil,  que  nous  verrons  fi  fier  &fi  terrible 
avec  les  empereurs  &les  rois,  n'a  plus  que  des  complai- 
fances  pour  Texcommumé  Robert.  Il  lui  donne  Tablb- 
ludon ,  Se  en  reçoit  la  ville  de  Bénévent ,  qui  depuis  ce 
tems-là  eft  toujours  demeurée  ai^  St  Siège. 

Bientôt  après  éclatent  les  grandes  querelles  dont 
nous  parlerons  entre  l'empereur  Hem-i  IF  Se  ce  mê- 
me Grégoire  FIL  Henri  s'était  rendu  maître  de  Rome 
Se  affiégeait  le  pape  dans  ce  château  qé'on  a  depuis 
appelle  le  c  âteau  St.  Ange.  Robert  accourt  alors  de 
la  Dalmatie  où  il  fàifait  des  conquêtes  nouvelles , 
délivre  le  pape  malgré  les  Allemand^  &  les  Romain^     «^ 


sçê»R^ 


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ièxMs  centre  ki  y  À  rend  midtilp  de  &  |â«rfbftné  ft 
remmène  i  Saleràe ,  oi  ce  pàper  i^fii  Mpeuii  taM  d0 
rois  mourut  le  captif  ft  le  protège  d*un  gentUkGtBuae 
Vùtïtt&tiûh 

repréfentent  des  chevaliers  errans  devenus  de  grandi 
Souverains  par  leure  exiptoits  ft  entrans  daor  Itf  miltî 
des  empereurs.  G'eft.  prédféfflent  oe  qui  arriva  à  Xùbifi 
tlmfcard  ,  &  ce  que  nous  verrons  plus  d'une  fbif 
a»  tems  ctes  cirdiades^  Rotert  maria  la  fille'  à  €%n|C 
tixrtHn  fils  de  remf^eur  de  CoiâUntti^ople  JSicitl 
Ducas.  Ce  maiiage  ne  fut  pas  heureux.  Il  eutlMe»(l6€ 
lia  fille  ft  feii  «endre  à  veiiger ,  ^rtfolut  dHUlef  dé. 
iFÀner  ('empereur  «^Orient  apre^  avoir  bomilié^  celui 
d'Oecidenli. 


ta  emir  dé  Cetitoiiitutôt^te  Hètik  ^n  eAntMid 
bfage.  Michel  Ducat  fut  chafle  du  trAhe  par  'SképÈotè 
jTuirnbmmé  Botoniate,  ConftanttM  gendre  de  RobtrP  fat 
iètft  ewnôèuei  dkr  eidht  Ai^t  CmMêke  y  ipH  ettt  de- 
fmi»  tattt  à  ft  phAidrè  dei  oi^Mk,  winta  ftif  le  ttintf; 
lC(^ir^  pi^datté  ctfs  révotutibni  $'à^^ïtef^  défà  pir  la 
ÎMûiiOt.px  to  Hiacédeliir,  <(  pimaft  k  tehrëur  juT^ 

3tfk  ConOafSiAioore.  B^éimoM  fou  IU>d^  prenter 
i« ,  ii  fiîmettx  dans:  lee  ci(e!fi!des  ^  raccMipsqmA  à 
aeti»  eotfqu4«t  Htm  empire,  titoifo^  vc^yeM  par44  dôilf^ 
Mefi  uifej»^  CMM^  em  laifb»  de  drdftdre^  tes  er^ 
fife  )  ptdfiiûe  B¥Ummtê  itùiam^u  par  voiMr  Ifdé^ 
ertoei» 

ta  mort  de  SohrB  dans  l'ifle  de  Corfoû  Mt  ISn  à 
tiis'entepfifeb.  £a  pHnœfle  ^âtiof  €ùmMi»è  fill^  de 
i^emperaiir  JMwfii  vlaqfueHe  écriât  i^ie  partie4e^i6tt6 
idftoire ,  ne  tt^de  Mùèert  que  comme  on  brigand, 
&  s^indigne  quil  alv  ey  Pa^dace  de  marier  fk  fitle 
«1  fib  d'un  empereim  £lle  devait  fonger  que  I1ii& 
.    i^oitt  mêine  éêf  l^M^  kn  feuraiffiat  des  exemptes 

WÇtiÊi <il  WiHi 


; 


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47^  Suite  de  la  conquêtb  db  Sicile. 

de  fortunes  plus  confidérables  »  &  que  tout  cède  dan 
k  monde  à  la  force  &  à  la  putflance. 


CHAPiTH*  (IttARÀNTE.UNIÉMÏ. 

De  la  Sitih  en  partftuHer ,  6f  du  droii  dî  ïi^atm 
•    '^     dont  cette  aie. 

T  'Idée  de  conquérir  Pempîl-e  de  Conftantinople 
JLi  s'évanouît  avec  la  vie  de  Robert  $  maïs  les  cti- 
blïlPemenit  de  fa  famille  s'affermirent  en  Italie.  Le 
comte  Roger  Ton- frère  refh'  maître  de  la  Sicile.  Le 
duc  Roger  fon  fil«  demeura  pofTefTeur  de  prefque  tout 
les  pays  qui  ont  le  nom  de  royaume  de  Naples.  Bofté« 
niond  fon  autre  fils  alla  depuis  conquérir  Andodie , 
après  avoir  inutilement  tenté  de  partager  les  étaU  ila 
duc  Roger  fon  &cre. 

. ,  Pourquoi  qî  l^  comte  Aoger  (ouverain  de  Sicile^ 
ni  ion  neveu  Jïoftfr  duc  de  la  Fouille  ,  ne  prirent-iit 
point  dès- lors  le  tikre  de  rois  ^  U  faut  du  tons^ 
tout.  Roger  <jttifcmrd  te  premier  conquérant  avait  été 
jn.vefti  comme  duc  par  le  pape .  Nicolas  tl.  Kofff 
fon  firèrc  avait  itàïti^tîà  p^t  Robert  Gmfcatitn 
qualité  de  comte  de  Sicile.  Toutes  ces  cérémonies  ne 
donnaient  que  des  noms  &  n*aioutaient  rien  an  ^o- 
VQîr.  Mai9  ge^comte  de  Sioile  eut  m. droit  qai.s'eA 
confervé  toujours  ,  &  qu'ajucun  roi  de  l'Europe  n*a 
eu  :  il  devint  un  fécond  pape  dans  fon  ifle» 

'  .  Les  papes  s^étaient  mis  en  po(tc(&ùn  d^en^over  dam 
toute  la  chrétienté  des  légats  qu'on  nootmait  alatere% 
qui  exerçaient  une  jurifdiâiQn.  fut. toutes  les^égUfeS) 
en  exigeaient  de»  décimes ,  donnaient  les  l}énéfi<^» 
exerçaient  &  étendaient  le  potuvoir,  ppnUfical  aotaot 
j  ^     <que  les  C(HÛoi|âurcs  &.  le«  intérêts.  4<l^  fois  le  pe^ 


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m  LÉGATrOlJ  DAlïS^C^TTE  tSLÉ.  477 

•mcttaîent.  Le  temporel  prcfque  toujours  mêlé  âufpî- 
rituel  leur  était  fournis  ;  ils  attiraient  à  leur  tribûnd 
les  caufcs  civiles.  Four  peu  ^ue  le  ftcré  s'y  joignit 
au  pro&ne ,  mariages  y  tefiamens  ,  promeiTes  par  fer^ 
ment ,  tout  était  de  leur  teiTgrt.  C'étaient  ûes  pr<^ 
confuls  que  Tempereur  eccléfiaâiqve  éks  chrétiens 
déléguait  dan9  tout  TOccident.  C'eft  par-là  que  Ro- 
me toujours  faible ,  toujours  dans  Tanarchie ,  efclavè 
quelquefois  des  Allemands  ,  &  en  proie  à  tous  les 
fléaux ,  continua  d'être  la  maitrefle  des  nations.  C'eft 
-par-là  que  l*hïffoîre  de  chaque"  peuple  eft  toujours 
rhiftoire  de  Rome. 


Urbain  ÏI  envoya  un  légat  cii  Sicile  dès  que  le 
comte  Roget  eut  enlevé  cette  ifle  aux  mahométans 
êc  aux  Grecs,  &  que  réglife  latine  y  fut  établie.  C'é- 
tait de  touis  les  pays  celui  qui  femblait  en  eiFet  avoir 
le  plus  de  befoin:d'un  légat  i  pour  y  régler  la  hié- 
rarchie ,  chez  un  peuple  dont  la  moitié  était  muful^ 
mane  ,  &  dont  l'autre  était  de  la  communion  grec- 
que;- Cependant  ce  fut  le  feul  pays  où  la  légation 
fut  profcrite  pour  toujours.  Le  comte  Roger  bien- 
faicfteur  de  l'églife  latine ,  à  ïaqueile  il  rendait^  la*  Su 
cile ,  ne  put  fouiFrir  qu'on  envoyât  un  roi  fous  le  nom 
de  légat  dans  le  pays  de  (k  conquête* 


I 


Le  pape  Urbain  uniquement  occupé  des  croifa^ 
des ,  &  voulant  ménager  une  famille  4e  héros  fi  a^ 
ceflaire  à  cette  grande  entreprife ,  accorda  la  dernière 
année  de  Ca  vie  en  1098.  une  bulle  au  comte  Roger ^ 
nar  laquelle  il  révoqua  fon  légat ,  &  créa  Roger  & 
■Ç8  fqcceffcurs  légats  nés  du  St.  Siège  en  Sicile ,  leur 
^attribuant  tous  les  droits  &  toute  l'autorité  de  çettb 
dignité  qui  était  à  la  fois  fpîrituelle  &  temporelle. 
C'eft-là  ce  fameux  droit  qu'on  appelle  la  monarcbit 
de  5jf«7f ,  c'eft-à-dire,le  droit  attaché  à  cette  mo- 
narchie ,  droit  que  depuis  les  papes  ont  voulu  anéaiir 
ût  &  que  les  rpîs.  de  Sicile  ont  maintenu.  Si  cette 
prétogative  eft  încompatible  avec  là  hiérarchie  chrê- 


«I  -     prero 


î 


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47l   SviTft  PS  Là.  CONq.ViT| 

liffinf ,  il  eft  éddient  qu^UrMM  no  pot  p^  la  don» 
pgi  ;  Q  ç'eft  un  objet  de  difdpline  quf  U  religûm 
H)»  répi9uve  pas  ,  U  çft  aufli  évid^i  que  chaqvç 
îpjravme  çft  en  drpit  de  fe  T^ttribuçr.  Ce  prifflig^ 
j|)i  fonds  n'eft  qae  le  droi(  dç  Çoi^timin  ft  de  to«i 
Ifs  empereors  djp  BréQder  à  toute  U  police  de  lemi 
jB(at&  ;  cependant  il  tt?j  9  eu  danf  tonte  TEurope  a- 
tholi^ttç  qii'pn  gentîlhoipiiie  Norn^and  qui  ait  ft  ft 
donaf:r  cf  tce  prérogative  %m  portes  d^  Home- 

Le  fils  de  ee  comte  fêgir  recueillit  tout  lliéritig» 
de  là  mairon  Normande  ;  il  fe  fit  couronner  &(ka« 
foi  de  Sicile  &  de  la  Fouille.  Naples  qui  ëtai(  alon 
gne  petite  ville ,  n'^it  poiqt  encor  km  &  ne  pou* 
vait  donner  |e  npm  au  royaume,  ^e  s'était  to^ 
Jours,  mainrenue  en  république  fous  |i9  duc  qoi  ri^ 
bvait  des  empereurs  d«  Conftantinople  ;  &  ç<;  4«€ 
avait  jofqu'alprs  échappé  par  dçs  f%mn$  k  l'a9#|oo 
4e  la  famille  çonqua^ter 


Ce  premier  roi  Roger  fit  hommage  an  St.  ^ 
n  y  avait  alors  deux  papes  :  l'un  le  fils  d'vo  jinf 
nommé  Lion  ,  qui  s'appellait  Anaclet  ,  ft  que  it. 
Bernard  appelle  Judaicam  foboiem ,  race  hébraïqae; 
l'autre  s'appellait  Iitnocent  IL  Le  roi  Roger  reconnot 
Anaclet^  parce  que  Tempereur  Zo/i&afre //  reconoaifi 
fait  Innocent  s  $  ce  fiJI  à  cet  Anwlet  qu'il  r^ndjf  b^ 
yain  honupiage. 

Les  empereurs  ne  pouvaient  r^ardjsr  les  oonqo^ 
xaos  Normands  que  comme  des  uiurpateurs,  Aoffi  Si. 
Bernard  qui  entrait  dans  toutes  les  af&îrjcs  des  papes 
&  des  rois  ,  écrivait  contre  Roger  aufli-bien  que  con- 
tre ce  fils  d'un  Juif  oui  s'était  fait  élirç  papç  à  prit 
d'argent  JJttH ,  dît-il ,  a  ufurpi  Iq,  chaire  de  St.  PïVT' 
te ,  PoMtre  ^  tffurfi  la  Sicile ,  c'eji  q  Pifar  i  les  fumr. 
Il  était  donc  évident  alors  que  la  Qi^çraine^é  du  pap^ 
fur  ces  imx  provinces  ^  n'était  qu'une  u^ipation^ 


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Le  roi  J{of  rr  fbuUaait  Jbmlff  »  qui  ftic  toAjourt 
reconnu  dans  Rome,  lot  bain  prend  cette  occaGon 
pour  çnlerer  aux  Norn^uidf  leurs  cooquéces.  Il  mar* 
che  ?er^  la  Foi^e  nvpQ  le  pape  Jtmoçtm  IL  II  pa* 
rait  bien  que  ces  Normands  avaient  eu  raifon  de  ne 
pas  vouloir  dépendre  des  empereur!  y  &  de  mettre 
entre  Tempire  &  Naples  une  barrière.  Roger  ï  peine 
roi  fut  fur  le  poii^t  dç  tout  perdre.  11  aQiegefût 
Naples  quand  l'empereur  s^avance  contre  lui.  Il  perd 
des  batailles  ;  il  perd  prefque  Routes  (es  province; 
dans  le  continent    htnoanP  H  l'excommunie  &  le 

Sourfuit.  S$.  Bernard  était  avec  l'empereur  &  le  pape. 
I  voulut  en  vain  ménager  un  accommodement.  Ro* 
ger  vaincu  fe  retire  en  Sicile.  L'empereur  meurt. 
Tout  change  alors.  Le  roi  Roger  &  Ton  fils  repren. 
nent  leurs  provinces.  Le  pape  Innocent  II  reconnii 
enfin  dans  Rome  ,  ligué  avec  les  princes  à  qui  £o* 
tbaire  avait  donné  ces  provinces ,  ennemi  implacable 
du  roi ,  mardie  comme  Léon  IX  à  la  tête  d'une  ar- 
mée. 11  eft  vaincu  &  pris  comme  lui.  Que  peut-il 
faire  alors?  U  fait  comme fes  prédéceifeurs  :  il  donne 
des  abfolulions  &  des  inveftitures ,  &  il  fe  fait  des 
proteâeur;  contre  Tempire ,  de  cette  même  maifon 
Normande  contre  laquelle  il  avait  appelle  J'empire 
à  fon  fecours. 

Bientôt  sq^rés  le  roi  fubjugue  Naples  ,  ft  le  peu 
qui  reftut  encor  pour  arrondir  fon  royaun^e  de  Gavet* 
te  jufqu'à  Brindes  :  la  mpnarchie  fe  forme  telle  qu^elle 
eft  aujourd'hui.  Naples  devient  la  capitale  tranquille 
dû  royaume  ,  &  les  arts  commencent  i^  renaitfe  un 
peu  êan»  cei  belles  provinces. 

Après  avoir  vi^  comçient  des  gentilshommes  de 
Coutance  fondèrent  le  royaume  de  Naplès  ^  'd,e  Si- 
cUe  f  *A  faut  voir  comment  un  duc  dç  Norrnandfe 
pair  de  France  conquit  PAnglcterre;  CTeftunc  çnôfe 
bien  firappantie  que  toutes  ces  invafions ,  toutes  ces 
émijsrations ,  qdl  continuèrent  depuis  la  fin  du  qûa« 


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HlS^tMfeegBgsMagaaa— rfilMflU  ^'   'i   i  gaeapgggaAIyg 


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1 


I 


48d      Coi^QJ^TB    DE  L'ANOLEnUM 

triéme  fiédé  jurqv'au  commencement  du  quatorzié* 
me ,  &  qui  finirent  par  les  croifades.  '  Toutes  les  na- 
tions  de  l'Europe  ont  été  mêlées ,  &  il  n'y  en  a  eo 
prefque  aucune  qui  n'ait  eu  fes  ufurpateurs. 


CHAPITRE  aUARANTE-DEUXIÉME. 

Conquise  de  t  Angleterre  far  GUILLAUME  dm  k 
Tfornumàie. 

TAndis  ^ue  les  enfans  de  Tancride  de  Hataevilli 
fondaient  fi  loin  des  royaumes  ^  les  ducs  de  leoi 
oadon  en  acquéraient  un  qui  eft  devenu  plus  coo^ 
fidérable  que  les  deux  Siciles.  La  nation  Britahm- 
que  était,  malgré. fa  fierté  ,  deftinée  à  fe  voir  tou- 
jours gouvernée  par  des  étrangers  ;  après  la  mort 
d* Alfred  y  arrivée  en  900 ,  l'An^eterre  retomba  dans 
la  confuGon  &  la  barbarie.  Les  anciens  Angto-Saxons 
fes  premiers  vainqueurs  «  &  les  Danois  fes  ufurpateors 
nouveaux  ,  s'en  difputaient  toujours  la  poflefGon; 
&  de  nouveaux  pirates.  Danois  venaient  encor  fou- 
vent  partager  les  dépouilles.  Ces  pirates  continuaient 
d'être  fi  terribles ,  &  les  Anglais  fi  faibles ,  que  vers 
L'année  1000  on  ne  put  fe  racheter  d^ux  qu'en  payant 
quarante-huit  mille  livres  fterling.  On  impofa ,  pour 
lever  cette  fomme ,  une  taxe  q^ii  dura  depuis  alTez 
longtems  en  Angleterre  ,  ainfi  que  la  plupart  des  au* 
très  taxes,  qp'on  coritinue  toujours  xle  lever  après 
le  befoin.  Ce  tribut  humi^ai^  fvt  fippçllç  argçat. 
danois ,  Dawtgeit, 

Canut  roi  de  Dannemarck  ,  qu'on'  a  nommé  It 
grande  &  qui  n'a  fait  que  de  grandes  cruautés, r^ 
mit  fous  fa  domina^on  en  1017  le  Dannemarck  & 
l'Angleterre.  Les  naturels  Anglais  furent  traités  alors 
comme  dl!s  elblaves.  Les  auteurs  de  çe^tem;6,9y9ueot 
*  '  "    '  .  '    "      qyg 


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PAR  GviLLAViMiB  DUC  &E  Normandie.  48  !>    |f 


I 


que  quand  ài^Rnglais  rencontrait  un  Danois,  il  &• 
lait  qu'il' s'arrêtât  jufqu'à  ce  que  le  Danois  eût  pàlTé. 

La  'race  de  Caimû  ayant  manqué  en  1041 ,  les  ëtatsf 
du  royaume  ,  reprenant  leur  liberté  ,  déférèrent  la 
couronne  à  Edouard  ^  un  âèfcèndant  des  anciens  An'^ 
glor  Saxons  ,  q^*on  appelte  A?  fcdnf  &  ie  cotifeDeur. 
Une  çles  grandes  fautes ,  ou  un  des  grands  malheurs 
de  ce.  rbi ,  fut  de  n'avoir  point  d'enfans  de  fa  fem- 
me Editbe';  fille  du  plus  puiflant  feigneor  du  royaume. 
Il  hàïflàit  fe  femme ,  ainiî  que  fa  propre  mère  ,  pour 
des  râîforts'^d'étatf'&  les  fitéfoighél:  l'urte  &  l'autre. 
L^  ftéfîlité  'de  fori  mariage  fer  vit  11^  fa  canonifation. 
On  prétendit  qu'il  aviait  feft  vœu^'^chaftetc  :  vœu 
téméraire  dans  irn  mari ,  &  ^al$fur4èHdans  un  roi  qui 
avait jbefbin  d'hérîtîersl  "Gé  vœuv^'il  fut  réel  i  pré- 
para  iie  «ouVeaiiît'-fers  à  TAngktfcrre» 

'  Au  refté  lesThoînésbnt  écrit  que  tet  Edouard  fut 
le  prerkier  roi  dé  l'Europe^  qûî/citt-îe  don  de"  guérir 
ïeS  écroùy Fc5.  H .  avait  ^eja^'Tert^u' la  vue  à  (bpt  bu 
hdit  aveugles  pî  qûanfd  uile  paUVre'  femme  attaquée 
d'une  htftjicur  froide  fc  préfenta  devant  lui  ;  ît  là 
giiéritrîflcdminçnt  en  fàîfant  le'fijjne  de  la  croix  r 
&4â  rcîntîtt  fécoftide  de  îlérile  qu'elle  était  aupara- 
vant.,  tfi»  rois  d'Angleterre  ^fe  fo^nt  attribués  depuis 
4è  prîyilè^é,  non  pas  de rendate  les  ftériles  fécondes r 
non  pa^dë  ^eérir  les  aveugles  î,  Mais  de  toucher  les 
éri'ouçll^;  qiriltf  né  gucriffaièhr  i)a8: 


l 


'S.  £ô/i/j*en  France  ,  coniine  fuzerain  des  rois  d'An- 
gleterre ,  toucha  les  écrguéîes  ,  &  fcs  fûcceflbXjrs 
jbyiVent'  d'e  dette  prérog;ative.  étdilaume  III  h,  né- 
gligea en  Ang!e,tçrre  ;  &  art  terris  viendra  que  la  raî- 
foii  qui  coiiirrence'à  f4Jre  quelques  progrès  en  Fran- 
ce t  ahûîiri  cette  coutume.  -      *  i'  > 

VoU»  vri^eii'upi(youTS^  <esjufiigefe  &  lea:i»x?u;s  de 
lees  tëfiife4à  alsffiihiineiii  dsffic&ôai  des  ii<6trj^.    Guil^ 
EJ/aifur  les  mœurs ,  &c.  Tom.  I.  H  h  ^ 

^ti    ~ni«m       tfi  éOà  u       ■    fpiii&U 


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9 


Àurme  duc  dt  NtfiNmAHri  m  ^mvff^  VAa^kmt^ 
loin  d'avoir  tuctui  drcHt  Oir  ^^  royaume ,  ne»  a?4ti 
pas  même  fur  la  Normandie ,  fi  la  naiffancc  donnait 
ks  dwits.  Son  f èr#  li^  4uQ  Mob^  ,^qul  »C  «^é^^it 
ÎKDftis  marié,  l'avait  ^u  ^  U,  Slle  d'vn  p^ticir  d« 
Iilaift  >  que  l'hiftoiie  i^pp«;lk  -ff^wricuC  ^  Wme  qMi& 
gnifiait  &  fignifi^  «ncqs.  anjowd'lwi  «i  apgliM  Wi 
M^ém  ou  /ewviy»  tuhHqm^  l!^%%  i^  coocnbiMi 
pmnift  dans  ^v^  XQnmt  *  daps  1^  ^  d<»  luift, 
m  Wiait  pa»  *Wi  b  *WITÇJ1^  loi  B  éiiW  autp^ïft  p« 
k  covt4M»e.  Oftip^iifeft  fc  peu  ^.éue  nji  jj'oncpi. 
saîb  utiio»  ^  quft  foi^^nfi  Gn^li^wpe.  ^  wiwt, 
fifMk  ^  l^iil^Kd  QuHiflfiÇ^^.  \\  ^  îcfté,  une  lettrf  df 
horau  aomtt  JiÉ^n  d^  Jk^taga? ,  ims  laqvdM  a  S^ 
gM  aio&.  iea'bitai:49  héfit^H^nt  ^¥ept;  C4(  (iaa< 
to«4  lea  paya  où  le;$  hovmw  ti'étaîenii  pas  gouvenici 
par  des  loix  fixc^  ,  j^irfslM|U|B^ifc«oc(mi>u^,^y  çftdM; 

fque  la  volonté  d'un  prince  puifTant  était  le  (eulcode. 
GnîUtmw  fui  déclaré  ^  piar  foiv  pcrc.*^  pat  ka  cWs. 
beikierdq  duc;|ié^'^  it.  iîç  maintint  dOuite  pa^foa 
liaibileté  &  par  fa^.valew'ç,  contre  tçps  eaux  cjui  to 
éiTputèrent  fon  dom^ini^.  U  régnait  pà|£oIiemeot  eQ 
IHoimandie .,  &  (a  ^l'^^igne  lut  renoaJTt  Bofinaett. 
%^{^v^'Sdo^wri  k  roM^effemr  étant  wort  ,0  jwétww 
a».  r<^QUi9e  d'Angleçerrf ,,  Je  d^oii^  d^  Ju^ceflioi^  n^ 
pftraHfei»  9!^  ékMi  da^ç  ai»cun  q^at  4<5  VEuropfi» 
^  coi)iona«  d'Alkvi^snf  it9^t  éle(^ve  ;j?£^gn(i 
f Mit  paitag^fl,  eiUW  J«l  fiMtiqi^  fls,  ],f^  wp&ta^ 
La  Lombardie  ch9i>f  0^1  chaque  jp|i%  dç  /n^tre.  m 
race  Carhvingieune ,  détrônée  eh  France  ;  faifait  voir 
09  quç  p#wt  É  fwc*  contre  le  droU;  dMi:fîiM^ .  -^^f^f^ 
^  amfejfmr  o'avait  point  jw'idu  trÔMrA^^'tre  m 
t^^fi,  tiatdd  û^flcur  i;Ùmçri  n^etak  poînlOB 
fa  «acr  i  mais  il  a,y^it^I«  pl^j;  i^ico^i^ûabledçiiotts  W 
d«Pitf  ï.ie^  fuffr^gff.  <iie  tpiûr  b  i^on^  |  ÇMhm. 
le  bâtard  n'avait  pour  fui  4>l.le  dj^oit^'éle^ioQf  ^ 
celui  d'héritage ,  ni  même  aucun  parti  en  Angleterre* 
tf  pr^endii  que  étw.vir  voj9g&  qu'Srit^avtirefois 
dans  cone iAc ,  la  tfAEdxmaràwùà  fik  taft  ftvcaf 


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tkK  GtfiLtAtmit  Dtft;  ot  NokJVXMiiiE.  4Sa 

— ,  ■  ,  ^  ,   ■     ■  ■  ^ 

un  tefbmcfit  ^e  perfotint  ne  vk  jamais.  U  difatt 
encor  qu'autrefois  il  avait  délivré  de  prifon  Harold  ^ 
&  qn'HaroIi  lui  avak  cédé  {es  dréits  fur  l' Angleterre. 
Il  appuya  fes  fiiibtes  railbns  d'une  forte  armée. 

Les  barons  de  Normandie  ,  aflemblés  en  forme 
d'états  ,  refuférent  de  Targenc  i  leur  duc  paur  cette 
expédition  :  pa^ce  qae,  i%  ne  réuiliffaic  pas ,  la.jyfoN 
mandieen  refterait  appauvi4e,  A  qu'un  heureux  fuc^ 
ces  la  rendrait  province  d'AngleteiPre  ;  mais  plufieucs 
Normands  bazardèrent  leur  fortune  avec  leur  duc* 
Un  feul  feigneur  nommé  Fiz  -  Otbbem ,  équipa  qua- 
rante vaîfleaut  à  fes  dépens.  Le  cemte de  Flandre, 
1>eau-père  du  duc  Otdlltapm ,  le  fiecourut  de  quelque 
argent  Le  pape  AUxtmdrt  Iltmtz  dans  fet  intérêts.  Il 
excommunia  tdus  oeuK  qoi  s'oppofocaient  aui^efleinfl 
dç  CMQmme.  C'était  fe  jouer  de  ia  religion;  maia 
les  peuples  étaient  aceomuttiés  i  ces  profanations^  & 
les  princes  en  |»refitaient^  Guiiimmie  partit  de, St. 
Valeri  ayçc  )ime  flotte  nombreufie  ;  on  ne  fait  txnxi^ 
1)ien  il  avait  de  vaifleaw ,  ni  de  foldats.  II  aborda 
foi*  les  cA^es  de  Suflex  :  &<  bientôt  apcès  fe  donna 
dans  cette  province  la  fomeofé  bataiiie  de  Haffii^g^» 
9ui  décida  finile  du  jbrtde  f  An^teterre.  Les  ancien- 
nes chroniques  noi^s  appremienc  qii^au  premier  raïag 
de  Parmée  Normande  ^  un  Àqayet  uomnié  Tsdlkfex^^ 
monté  fur  un  cheval  armé  ,  chanta  la  chanfon  de 
Éùfétugâj  qui  fiit  &  longtems^dait  j^  jftfducbe  des  Bran. 

Îiis ,  'fana  qv^i^en  foie  r^  lemMsdre  fir^gment.  Ce 
\Ullèfii^  après  «v«iremonné>la  iâi^nfon  que  les  fol* 
data  tépéuknt^ &  jctta  ir^reiaiief  pafmi  le^  Aillais,, 
éc  filé  tué.  Le  rcri  Ibtrgld  Ai  le  duc  ile  Notrrn^Adie 
^tièreiir  latin  ohe^^awc^  &  icembajrtirent  ipi«;4;  ia 
%atallte  dura  fix  Iheuret.  La  gèoéaijwe;:^  à  cbeval  > 
qui  ceeimen^  à  fkire  aSkues  totute  la  force  de&  ar* 
mées  i  ne  parait  pas  avoir  été  eraployi^e'  da4^  cette 
journée;  Les  troupes  de  phct  et  d'autre  éiajeat  coi^- 
pofées  4e  ftntaffins.  HanM  &  deuir  d^  fes  frères 
7  ftfrene  tfués;  Le  vaiiiqbeur  a^'a|it>i^c^  de  tP9« 
S  Hh   ij 


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4S4     CoNiQuèrJE  i>iji/AWij;/gn»9S 


dres^  portant  tievimt  loi  one.  b^nni^re  bénke  que  le 
piipe  lui  avait  envoyée.  Cette  bannièri^  fut  Tétendart 
auquel  tous  les  évéques/e  ralli^;^t  en  fa  faveur.  Ils 
vi' rcnt  aux  poctos  êrtclcm^gi&f^P  liOn^res  lui  offrir 
la  couronne ,  qu'on  ne  pouvait  refufer  au  vainqueur. 

.  Quelques  autres,  appellent,  cç^  couronnement  uae 
-éledion  libre  v  ttn  aâje.  d'^ptorité  du  parlement  d'An- 
gleterre. C'eft.précifémfa^/rautorité  ^es  efclaves  faîu 
à  la  guerre ,  qui  accoid^ieiit  à  leurs  maîtres  le  droit 
de  ks.fuitigcr. 

'  Gfàllaume  nyant  j;equ  u^  bannière  du  papej)our 
ctxtt  expédition ,  Jkil  envoya  en  récompenfe  Tetcn- 
'dart  du  roi  Haràid  tué  dans  la  bataiUç  ^  &  une  petite 
«partie^  ipetit.tséfor.qUe  pouvait  avo^:  alors  un  ro} 
Anglais.  C'était  uapré&nt  opniîdérable  pour  ce  pape 
Alexandre  II qruidifputait encor fq^^fiége a Honarius 
JJ,)&  qui. fur  la  fin  d^ine  longtieguçrre  civile  dans 
Rome  ,  était  .réduit  à  Tindigence^  !^qft  un  barbare 
'fils  d'une  proftituée^  meurtrier  d'un  roi  légitime ,  par- 
.'tage  les  dépouilles  de  cft^rpi  avec- ufi, autre  barbare; 
.  car  6tez  les  noms  de  duo  de  Nof  mendie  ^  de  roi  d'An- 
gleterre &  de  pape,  tout  fe  réduit  à  ration  d'an  vû- 
.  leur  Normand ,  &  d'un  receleur  Lam)3|ard  :  &  c'èft  au 
r  fonds  à  quai  toute  ttfur|>atioo  (e  réduit^ 

<^m4îaKmi  fut  gouTerner!  commis  îL  fut  conquérir. 
"Pluficflfs  révolte»  étouffées  ♦-des  irruptîôos  des  Danois 
k^eridttts  inutiles ,  des  loix  rigoureufcs  durement  exé- 
cutées ,  fignalèrerit  fon  ifèghe.  Andeos  Bretons, Dar 
'noîs  ,  Anglo ^Saxons,  toua.&rent  confondus  dans  k 
^rnême  efckvage.  Le»  Normands  qui 'avaient  eu  paît 
'  à  fa  vîtfloîre ,  partagèrent  par  fcs  bienfaits  les  terres 
des  vaincus^  De -là  toutes  ces  iàmiKes  Normandes, 
dont  les  defcendans  ,  ou  du  moins. les  noms ,  fubfif- 
tent  cncor  en  Angleterre.  U  fit  faire  un  .dénombrement 
'ex«<5t  de  tous  les  biens  àei  fdiets  de, quelque  natur^e 
qti'ils  fuffent.  On  prétendfqu'il  en  pro&ii;pour  fe  &ire 


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ST     pA^  Guillaume  Dtjfc  DE  ^Normandie.  48Ç 


qi  Angleterre  un  revenu  de  quatre  cent  mille  livres 
fterling  ,  environ  oent  vingt  millions  de  France.  D  eft 
évident  qu'en  cela  les  hiiloriens  fe  font  trompés.  L'état 
<d' Angleterre  d'aujourd'hui  ,  qui  comprend  TËcofle  & 
^Irlande  ,  n'a  pas  un  plus  gros  revenu ,  fi  vous  en  dé- 
duifez  ce  qu'on  paye  pour  les  anciennes  dettes  du  gou» 
vernement.  Ce  qui  eft  fur ,  c'eft  que  Guillaume  abolit 
toutes  les  loix  diï  pays  ,  pour  y  introduire  celles  de 
NormancUe.  Il  ordonna  qu'on  plaidât  en  normand  ;  & 
depuis  lui ,  tous  les  ades  furent  expédiés  en  cette  lan- 
gue jufqu'à  Edouard  IIL  U  voulut  que  k  langue  des 
vainqueurs  fèt  la  feule  du  pays.  Des  écoles  de  la  lan- 
gue normande  furent  établies  dans  toutes  les  viUe8&  les 
bourgades.  Cette  langue  était  le  français  mêlé  d'un  peu 
de  danois  :  idiome  barbare ,  qui  n'avait  aucun  avan. 
tage  fur  celui  qu'on  parlait  en  Angleterre.  On  prétend 
qu'il  traitait  non  -  feulement  la  nation  vaincue  avec  du^ 
reté,mais  qu'il  afïedait  encor  des  caprices  tyrannt- 
ques.  On  en  donne  pour  exemple  la  ioi  du  couvre-feu  ^ 
par  laquelle  il  falait ,  au  fon  de  la  cloche ,  éteindre  le 
feu  dans  chaque  maifon  à  huit  heures  du  foir.  Mai? 
cette  loi,  bien  loin  d'être  tyrannique ,  n'eft  qu'une  an- 
cienne police  établie  prefque  dans  toutes  les  villes  du 
nord  ;  elle  s'en  longtems  confervée  dans  les  cloitrea. 
Les  maifons  étaient  bâties  de  bois  ^  &  la  crainte  cfai  feu 
était  un  objet  des  plus  importaits  delà  police  générale. 


1 


6 


On  lui  reproche  encor  d'avoir  détruit  tous  les  villa- 
ges qui  fe  trouvaient  dans  un  circuit  de  quinze  lieues , 
i)our  en  faire  une  forêt ,  dans  laquelle  il  pût  goûter 
e  plalfir  de  la  chafle.  Une  telle  aAion  eft  trop  infen- 
{ée  pour  être  yraifemblable.  Les  hiftoriens  ne  font  pas 
attention  qu'il  faut  au  moins  vingt  années  pour  qu'un 
nouveau  plant  d'arbres  devienne  une  forêt  propre  à 
la  chaiTe.  On  lui  fait  femer  cette  forêt  en  logo.  Il  avait 
alors  foixante-trois  ans.  Quelle  apparence  y  a-t-il  qu'un 
homme  raifonnable  aie  à  cet  âge  détruit  des  villages,, 
pour  femer  quinze  Ueues  en  bois ,  dans  l'efpérance  d'y 
chaifer  un  jour  ? 

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tistaiittitalia 


éàSi 


4iS  COKtlVitB  DE  L'AKGLBtCR&S 

■  —  ^-  \ 

Le  cônqaénni  de  rAngleterrè  fut  h  terreur  du  rjn 
BeFirance  Pbilipftl^  qui  Toulut  abaifler  trop  tard  un 
Vaflal  fi  puifiant ,  &  qui  &  jettà  fur  le  Maine ,  dq>en- 
dant  alors  de  la  Normandie*  Guillaume  repafla  la  mèr, 
Reprit  le  Maine  4  &  contraignit  le  roi  de  France  i  de- 
mander la  paix« 

teâ  pt^tentioni  de  la  cour  de  Rom^  n'édaterenf 
jamais  plus  finguliérement  qu'avec  ce  prince.  Le  pape 
Qrigoire  VU  prit  le  tems  qu'il  fidfait  la  guerre  à  la 
France  5  poyr  demander  qu'il  lui  rendit  hommage  du 
Royaume  d'Angleterre.  Cet  hommage  était  fondé  fur 
tet  ancien  denier  de  St.  Pierre ,  que  TAngleterré  payait 
à  réglifé  de  Rome  :  il  revenait  à  environ  vingt  tous  de 
hotre  monnoie  par  chaque  maifon  ;  offrande  regardée 
bn  Ai^Letèrre  comme  une  forte  aumône ,  &  à  Rome 
•bomme  un  tribut  GnUlaumele  conquéroftt  6t  dkc  au 

Î"  apé  ,  qu'il  pourait  bien  continuer  TaumÔne  ;  mais  aç- 
eu  de  faire  hommage,  il  fitdéfenfe  en  Angleterre  de 
teconnaitre  d'autre  pape  que  celui  qu^  approuverait 
Lapropofition  de  Grégoire  Vil  devint  par-là  ridicule  i 
force  d'être  audackufe.  Ceft  ce  même  pape  qti  boule- 
terfait  l'Europe  pour  élever  le  facerdoce  au^effiis  de 
rempire  ;  mais  avant  de  parler  de  cette  querelle  mémo^ 
tablé  ,  jft  des  crôi&des  qui  prirent  nai£Ginoe  dans  ces 
téxns ,  il  faut  voir  en  peu  de  mots  en  quel  état  étaient 
les  autres  pays  deTEuropei 

Fin  du  iomè  p^emie^. 


mk 


Éfri-in^ri'-t  rn 


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^r    (487    y   ^  l! 


T  A  B  LE 

DES    CHAPITRES 

contenus  dans  ce  volume. 


Si 

il  * 


La  philosophijs  db l'histoire. 

IntroduclioTu  .  •.,  •        .  Pag.  i. 

D^s  diffUr^Mtes  racu  sCbûmmefw  «         4* 

l)e  r antiquité  des  nattons.  ,  .  7* 

De  la  connaijfance  de  Pâme.         .  .  9. 

De  la  religion  des  premiers  hommes,         .         11. 

Des  ufngjBs  ^  des  féktiment  communs  à  pr^J^ta  ro«- 
tes  les  nations  anciennes»         .  .  17. 

Des  Sauvages^  .......         21. 

De  P Amérique,       .  •     .        ^  *         «9. 

De  la  théocratie,         •  .  *  jt. 

.    DfX  Caldéens,^       ,  .  ,  .         34, 

Des  Babiloniens  dep^na  Pfrf^s,     .        •        '40. 

DèlaS^ie^        »  •  «  »        4^. 

.    Dex  Phéniciens  ,•  g^  iie  Sanchonîaton.       .  47. 

Des  Scythes  êf  dex  Gomérites.        .  •         52. 

Z)f  fArMt,         %  .  .  .  Ç4. 

De  Bram ,  Abram ,  Abraham.        •  »       ,    S  8* 

DeVInde*         •  •  •  .61. 

JPf  /a  Qhinf,         .  •  •  .69. 

Hh   iîîj 
UpiMiaiWJ    II I  I  ilrrfl^^ 


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488  '    T  A.  B  L  )b 


9 


ï>e  PEgypte.  *  *  .  Pag.  7c. 

De  la  langue  des  Bgyf  tiens  ,  ^  de  leurs  JynUfof es.  79. 
De  leurs  monuHiens,         .  •  •  82. 

Df  /f«fX  rites ,  ?«?  ^fe  7a  circoncipon,        ,  84« 

2)e  /^«r  J  njyflhres%    -  - .  '  .     •      •  .       S7« 

Des  Grecs ,  //?  /^/irx  anciens  déluges ,  4f  /^«rx  alpha- 

bets ,  Êf  rf^  leur  génie,        .  .  .         88- 

Des  législateurs  Grecs  ,  de  Minos  ,  /f  Orphée  ,  de 

f  immortalité  de  Pâme.        .       ^  .  .         9). 

Desfeéfes  des  Grecs,  .  .  .  96. 

D^  ZaleoCus  Ê?  ie  quelques  autres  législateurs,    9g. 
D^Bacchus.  .  .  .  .         100. 

Des  métamorpbofes  cbeH  les  Grecs  ,  récueillies  par 
Jl  Ovide.  é  .  •  •  it>4.     1 

V         De  r  idolâtrie*        .  .  .  .  loç.     • 

i!)^x  oracles.        •  .  •  %  109. 

Desjibyl/es  cbez  les  Grecs ,  ^  rfe  /mî'  influence  fur 

les  autres  nations,        v  •  .  ii;. 

Des  miracles.        .      ■       .      •       .  ,         119. 

Des  temples.-        •     •       •  .  .  124. 

De  la  magie,      •  .  ^  •  .  129. 

Des  viSimes  humaines.         .  ■       ,  •  132. 

J>ex  myftèr^s  de  Cérés  Eleufine.  .  i)^* 

'  Des  Juifs  ,  01»  tesns  ôà  ils    commencèrent  à  être 

connus.         »  «.  •*  •  14.1. 

JD^x  Jtdfs  en  Egypte^        .  •  .        14J. 

De  Moïfc  confidéri  Jîmplemeni  comme  chef  éCune 

nation.         .  «  .  •  14.4. 

Des  Juifs  après  Moïfc ,  jufqu'à  Saùl.        .         '*^*      n 
^         Des  Juifs  depuis  Sàtii,  •     .  •  .         '^î*      S 

ttiSiflrj^i  il      I    I    I  II ,p,tKani  I  II      ^1  ifcft^Bi 


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DES    Qhafitrbs.     48a 

.-  i),es  pophites  Juifs.,        .   •       ..      .  .'  Pag.  «59; 

_    Dfs.priireî  d€t  Juifs*  ,  •    ^     ..        i>5. 

.    jCfïr  Jôfçph ,  bijloriendes  Juifs.  ^       .  .         168. 

.   l)*iiH  minpmge  de  at  biftorien ,  conc^tcnant:  hlemn* 

-    .  drc  @^  ks  Juifs.        ..  ^         .  ^        .         172. 

.    Ses  préjugés  populaires  auxquels  lef  écrivains Jeuris 

"',  ofiS  daigné  fe  conformer  par  condejijgndqnce,  17  f« 

Ifes  anges  y  des  génies ,  des  diables ,  chez  let  anciennes 

\  nations  6f  cbéz  les  Juifs.         .  ,  1 78. 

Si  les  Jmfs'Ont  enfeigné  les  autres  nations ,  ou  fils 

-,  ont  été  enfeigni  par  elles.        .  ;        .  186. 

Des  Romains.  Commencemens  de  leiir  efhpire  ^  d^ 

leur  religion:  leur  tolérance.         »  .        189. 

Quejiionsfur  leurs  conquîtes ,  &kur  décadence.  192. 

.    Des  premiers  peuples  qui  écrivirent  tbijioire ,  êf  des 

fables  des  premiers  bijioriens.        .\       .        196. 

Des  législateurs  qui  ont  parlé  au  nom  des  Dieux.  202. 

Avant-propos,  Qui  contient  le  plan  de  cet  au* 
vrage^  avec  le  précis  de  ce  qu'étaient  originaire'^ 
ment  les  nations  occidentales.^  €s?  les  raifonspour 
lef quelles  on  commence  cet  EJfai  par  l^  Orient.  2oç. 

C  H  A  P.  I.  D^  la  Chine  y  de  fon  antiquité ,  defes  forces  , 
de  fes  loix  ,  de  fes  ufages  &  defesfcien» 
ces.         .  .  ...      W4. 

C  H.  IL  De  la  religion  de  la  Chine.  Que  le  gouverne* 
ment  n'eji  point  athée  ,•  que  le  cbrijiianifme 
n'y  apoif^  été  prêché  aufeptiémejtécle.  De 
.     quelqfiesfeSes  établies  dans  le  pays.    228.     Ji 

&:^  * 


1 


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"  m  II  iwai 

4^  T  &  a  L  È 


en â  ^.  I II.  Des  Indes.  .  Pig.  Ms* 

en.     I  Vv     De/  bracnumsi  du  Viiam  ^féitStm. 

vidant*  *  %  •       1^6. 

0  fBifi^&^e  PasuimniteUgtoMàtlo^ 

•^►rfftf*         .  .  .        15c. 

et*    VL     De ^^r4«i^, ^  iTeMaliMMt    ,   26^. 

CH.  TIL  X)ir  PAl^tm  &  dit  ia  ki  mnjMlmàM. 
Eotammji  lAfftigtmiftmfuimtmkià 
mtmUé  j  y  J!  4lli  ^  i$i  ferficu- 
faute.        .  •         '  •        2ih 

Ch.  TIIL  Dé  PbàHê^  diNgl^  .mfomCBùXi' 
MAGKS.  Cùmmmt  h  thrifHof^  ii- 

nHitablKSMmM''i^^f9té^^''^^ 
defttficMtiùm  qu'mie^^t.     .    B90. 

Cft»  IX.  QuelesfimjjhH^ndesdiesftemiirscbfi' 
Htm  n'ont  foint  nui  à  tittàHJfmtnt 
de  la  religion  chrétienne.      .       301. 

CtêL.  X.  Suite  de  tkabFiJpement  du  chrifiitxmfint 
Cofnment Co^^Thi^rDSi  tnfit  hrê- 
gion  dominante.  Décadence  dt  tm^ 
cterme  Rome.  .  .        jog. 

Ch.     XI.     Caufes  de  la  chiite  de  r  empire  Romairu)^* 

GS.  XÎL  Suiie  de  la  décadence  de  Paucietmt  i»- 
me.       \         .  .        .     P^ 

en.  XIII.  Origine  de  la  puiffance  dei papes.  Digref- 

Jtonjkr  le  Jaùtè  des  ràis.  Lettré  de  St 

fkxtt  à  PïPlW  ,  maire  de  France ,  *• 

♦entt  roi.  Priteuduet  donations  au  St. 

Siège.        .  .  .        P2 


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>  y  ^Sir^i^jr»  ■    m 


DES    Chapitres.      491 

CànV.XlY.Batdé  tiglife  en  Orient  avant  Gmarle- 
MAGNÈ.  Querelle  pour  les  images,  Ré^ 
volution  de  Rome  commencée,  Pag.  ))o. 

Cé.  X  V.  De  CHARIEMAGiîE.  Son  anAition^fafo- 
iitique.  Il  dépouille  fes  neveux  de  leurs 
états,  Oppreffton  &  converjton  des  Sa- 
*ô»/ ,  Êf  r.        .  ;         .         5  î  <i 

Ch.   JtVI.  Cn  k  KL  E  M  AbVE  empereur  d'Occident, 

Î45^- 

Cit.  XVII;  Mœurs  ,  gouvernement  &  ufages  vers  le 
tems  de  CharLEMAG^E.        .         ^49- 

Cn.  XVIIL  Suite  des  ufages  du  tems   de  C  H  A  R I E- 

M  AO  N  È ,  6f  ttoant  lui.  S'il  était  dejpo^ 

^  tique  ^^  k  royaume  héréditaire,    554. 

Gd.  XIX.  Su^te  des  stages  du  tems  de  Charie- 
MAGNE.  Commerce  ,  finances  ,  fcien» 
cet.        .  .  .         .       -35^. 

CH.   XX.  De  lareligiondti  tems  de  CRAEtEMAG'SE. 

.  .  3^?. 

Câ.  XXI.  Suite  des  rites  religieux  du  tems  de  Char« 
•   LEMAGNE.  .  .  .  i^2. 

GA.  XXII.  Suite  4es  ufages  du  tems  de  CharIE- 
MAGNE.  De  la  juftice ,  des  loix.  Coutu* 
mes  Jîngttliires.  Epreuves.        .        ^79. 

Ch.  XXIII.  LôUM  lé  fàibte ,  ou  le  débonnaire,  ^^q/if 
par  fes  enfans-^  par  des  prélats.  Î84. 

Cfl.  XXIV.  Mt<a  de  FEurope  après  la  mort  de  LoDIS 
le  débonnaire  ou  le  faible.  VAlletnagne 
pour  toujours  fiparée  de  l* empire  Franc 
ou  Français.  .  .  J91. 


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Chap.  XXV.  Des  Normands  vers  te  ueuvihnejticie' 

Pag.  599- 
Çh.  XXVI.  De  r Angleterre  vers  le  neuvième  jUcle. 

Alfred  le  grand.       .        ,       40c. 
Ch.  XXyih  De  fEfpagne&desmufuimans  Maures^ 

aux  huitième  &  neuvième  Jîicles.  408. 
Ch.  XXVni.  Pmjfançe  des  mufulmans  en  4fif  &eH 

Europe ,  aux  bidtième  8f  muniènufii» 

des.  V  Italie  attaquée  par  eux.  Cofidtà' 

te  magnanime  du  pape  LéoN  IV.  41  s* 
Ch»  XXIX.  De  t empire  de  Conjiantinopîe \  aux  bm^ 

tième  &  neuvième Jtèçles,       .      4i8« 

Ch.    XXX.   De  ntalie  s  des  papes  ^  du  divorce  àe\jQ^ 

:  THAI&E  roi  de  Lorraine ,  ^  des  au* 

très  affaires  de  fèglife ,  aux  bsntiime 

f^  neuvième  Jtècles.  .   .         .      424. 
Ch.   XXXI.    peVhot\us,&  du  fcbifme  entrer  Orient 

^r  Occident.        .        ...    429* 
Ch.  XXXII.  Etat  de  Pempire  i  Occident ,  à  lafin  du 

neuvième  Jlécle.        •  .        4j6. 

Ch.  XXXIII.  Dts  fiefs  6f  de  f empire.      .         .      4?9. 
Çh.  XîpClV.  D'Othon  le  grai^di,  au  dixième  Jîècle. 

;  .    .    ;  .  441. 

Ch.  XXXV.  Delapapasité  au  dixième  Jtècle  ^  avant 

;ii'Othon  le  grand  yï  rendit  maître 

de  Rome.        .  .  .         44). 

Ch.  XXXVI.  Suite  de  Pempire  ^Othon  ,  &  de  fi. 

tôt  de  rUfidie.         .  .         448. 

Ch.  XXXVII.  Des  empereurs  Othon  H  Êf  III ,  6f  ^ 

Rome.         .  •  .         452. 


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DES    Chapitres.      493    s 


Chap.  XXXVni.  De  la  France ,  vers  le  tems  de  Hu- 
GUES  Capet.      .        Pag.  457. 

Ch.  XXXIX.  Etat  de  la  France  aux  dixième  ^ 
onzième Jticles.  Excommunication 
du  roi  Robert.  .  462. 
XL.  Conquête  de  Naples  &  Sicile  par  des 

gentilshommes  Normands.  467. 
XLI.  Le  la  Sicile  en  particulier  ,  6?  du 
droit  de  légation  dans  cette  isle, 
...  .         •        47^* 

Ch.  XL  il  Conquête  de  î Angleterre  par  GUIL- 
LAUME duc  de  Normandie.   4Sa 


Ch. 


Ch. 


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E  R  RATA 


POUR    LE    PREMIER    VOLUME 

D  X 
L^ESSAI   SUR    LES    M(KURS. 

Page  281.  ligne  20.  était  la  notmile.  lifet  :  était  nou« 
velle. 

pag.  282.  Ug.  ?.  *yMJ  cent  avec  fept  cent  concubines, 
lifez  :  fept  cent  avec  trois  cent  concubines. 

pag.  927.  lig.  26.  meilleurs  rublicijies.  lifez:  meilleurs 
publiciftes. 

pag.  41  d.  lig.  ^-fage.  lifez  :  juftc.    • 
pag.  484.  lig.  6.  Quelques  autres,  lifez  :  Quelques  au- 
teurs. 


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