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Full text of "Mémoires et correspondance politique et militaire du prince Eugène;"

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MÉMOIRES 



DU 



PRINCE EUGÈNE 









OUTRAGES DU MftlE AUTKUJt 

FOMAT IK-8*. 

Vémoiies bo Roi Jo»bph, 10 roi. 

Suite dis Mbeoiees du Roi Joseph, 5 tqK 

Album des Héwmres do Roi Joseph . 



VAUlt. — IIP. *l OS 1AOB ET COUP., RUE d'ERTUUTH, 1, 



I 
1 



MEMOIRES 

IT C0I1ESP0NBAHCI 

POLITIQUE ET MILITAIRE 



DU 



PRINCE EUGÈNE 



PUBLIÉS, ANNOTÉS ET MIS EN ORDRE 



PAR 

A. DU CASSE 

AOTEOIl DIS MÉMOIRES DO ROI JOSIPfl 



« Eng«>ne ne m'a jamais causé aucun chagrin* « 
Paroles U lUrotéo* à 8rt*e*BéU*+ 



TOME SIXIÈME 




PARIS 

MICHEL LÉVY FRÈRES, LIBRAIRES-ÉDITEURS 

S BIS, RUE YITIBHXB. 
1859 

Reproduction et traduction rèVenrces. 



mm 



THE N*:w YORK 

A8T0R, LENOX ANO 
TU.DLN FOUNaiATlONS, 



MÉMOIRES 

ET COMMPMDMCE 

POLITIQUE ET MILITAIRE 



DU 



PRINCE EUGÈNE 



LIVRE XV 

M l " <"»"•" *U 14 NOVEMBRE 480» 

§ ^Sf? I ' arm f e d ' Itol,e dans ,es P«w*w jours de ïuil- 

1 W af !! m ~. M TT^ T Schwalcha «- - «*«« de l'armée d'Haï e 
ft Wagram, es 5 et 6 juillet. _ Réflexions. _ L'Empereur place 
les Saxon, et les Wurtemburgeois sous les ordre, du jX£L$Z 

ptes par 1 armée d Italie après l'armistice de Znaïu,. - Résultais 
obtenus par cette armée pendant la campagne de 1809 

§ en^, q S7 énéra ' dU P n riDCe Eu ^WS 'abord a Ei- 
sensbdt p us à V.enne. - Occupations du vice-roi jusau'à la <™ 

part pour «nlje « l£Sî£. ^ «** ~ *" ^ 

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l'améLT r CCm6nt d ! JUi,,el ,8 ° 9 ' ,a P° sit »«n de 
ZZ : aUX ° rdreS d " ?ice - roi ** '« »i- 

M. 

1 



2 MÉMOIRES DU PRINCE EUGÈNE 

1° Le général Baraguey - d'Hilliers devant Pres- 
bourg, avec un corps de 5,000 fantassins, 8 bouches 
à feu, pour remplacer, devant celte ville, le maréchal 
Davout rappelé à la grande armée. Baraguey-d'Hil- 
liers disposait, en outre, d'un millier de chevaux 
alors à Bruck, sous le général Thiry ; il avait pour in- 
struction d'empêcher l'archiduc Jean de déboucher 
par Presbourg. Dans le cas où il serait forcé de se 
replier, il ne devait le faire que peu à peu, et en con- 
servant toujours ses communications avec Ehersdorf. 
La division Sévéroli et le 25 e de chasseurs furent mis 
sous ses ordres pour remplir ce but. 

2* La division Paclhod, détachée de l'aile gauche, 
à Enesé, ayant deux bataillons pour défendre la tête 
de pont deBabot, et se liant avec la division Sahuc, 
qui avait des partis sur toutes les routes du sud pour 
éclairer la contrée au-dessous de Raab et du Danube, 
et avertir de la marche de Chasteler. 

5° Le général Macdonald, en marche sur Papa et 
sur l'île de Lobau avec ses deux divisions et lesdra- 
gons de Pully. 

4° Le général Broussicr, en mouvement de Gratz 
sur l'île de Lobau, à marches forcées, devant être 
rendu sur le Danube le 5 au matin. 

5° Les autres corps de l'armée d'Italie, en marche 
(le 2 juillet), de Raab sur Schwachat, où tous de- 
vaient se trouver réunis le 4 au matin, même les di- 
visions Pacthod et Sahuc, qui avaient ordre de quitter 
le 2 leurs positions sur la Raab et sur la Marczal. 
. Dans le but de cacher le plus longtemps possible 
à l'ennemi la marche rétrograde et le mouvement 



LIV. XV. — isoo 3 

de concentration de son armée, le prince Eugène 
prescrivit à Montbrun de n'évacuer ses positions à 
l'extrême avant-garde que dans la nuit du 2 au 3; 
au général Grenier, de suivre la route qui l'éloignait 
un peu du Danube. 

Le 4, toutes les troupes du vice-roi, h l'exception 
de la division Sévéroli et le grand parc, étaient ren- 
dus à Schwachat*. 

En vertu des instructions qu'il reçut du major 
général, le prince Eugène Gt passer l'armée d'Italie 
dans l'île Lobau, dans la nuit du 4 au 5 juillet. Le 
5, au matin, elle franchit le dernier bras du Danube, 
pour suivre le mouvement du maréchal Davout, 
derrière lequel elle devait marcher en seconde ligne. 
Le 5, la grande armée, dans laquelle se trouvait 
alors enclavée l'armée d'Italie, s'avança sur deux 
ligues et dans l'ordre suivant, dans la plaine d'En- 
zersdorf : 

1° Première ligne : droite, corps de Davout; cen- 
tre, corps d'Oudinot; gauche, corps de Masséna; ce 
dernier s'appuyant au Danube. 

2° Deuxième ligne : droite, armée d'Italie, en ar- 
rière du corps de Davout ; Bernadotte (avec les Saxons) , 
à gauche derrière Masséna. 

Entre Bernadotte et le prince Eugène devait venir 
s'encadrer le corps de Dalmatie deMarmont, qui 



1 L'Empereur envoya à Raab, pour en prendre le commandement 
ainsi que le gouvernement de tonte la partie de la Hongrie conquise 
par le prince Eugène, le général de division Narbonne, dans lequel il 
avait la plus haute confiance. 



4 MÉMOIRES DU PRINCE EUGÈNE 

n'était pas encore arrivé; Marmont devait suivre les 
mouvements d'Oudinot. 

3° Troisième ligne : la garde impériale et une 
grande partie de la cavalerie formant la réserve. 

L'armée d'Italie conserva son ordre de bataille pri- 
mitif jtlsqu'à deux heures et demie ; mais alors Da- 
vout, s'étant porté vers la droite, et l'Empereur 
ayant prescrit à Oudinot d'appuyer également à 
droite, à Masséna de conserver toujours sa gauche au 
Danube, il se fit au centre de la première ligne de 
l'ordre de bataille un grand vide que le prince Eu- 
gène ainsi que Bernadolte furent chargés de combler. 

Ainsi, à la suite de ce mouvement, l'armée d'Ita- 
lie se trouva former le centre de toute l'armée fran- 
çaise et opposée au centre de l'armée autrichienne, 
établie sur les hauteurs qui couronnent le ruisseau 
du Russbach 1 , au-dessus des villages de Wagram, 
de Baumersdorf et Neusiedcl. 

Vers six heures du soir, l'armée française étant 
formée et en ligne, Napoléon envoya l'ordre au 
vice-roi d'attaquer la position des Autrichiens, au 
centre, en face de lui, tandis que Bernadotte et Ou- 
dinot l'attaqueraient par la gauche et par la droite. 
Le prince Eugène avait sous la main les divisions 
Lamarque, Seras, Durutte et Sahuc. Les divisions 
Paclhod et Broussier n'avaient point encore rejoint. 
Il fit sur-le-champ ses dispositions pour exécuter 
l'ordre qu'il venait de recevoir. 

1 Le Russbach est un ruisseau qui coule lentement dans un lit es- 
carpe, profond, large de douze pieds, et baigne les vil luges de Neusie- 
del, Baumersdorf et Wa grain. 



UV. XV. — 1809 5 

1° Macdonald dut franchir le ruisseau et marcher 
à l'ennemi avec la division Lamarque déployée. 

2° Grenier dut suivre le mouvement de Lamarque, 
avec trois des brigades de ses deux divisions en co- 
lonne; la quatrième restant en réserve au bord du 
ruisseau, avec le général Roussel. 

5° La division de cavalerie Sahuc dut appuyer par 
la droite cette marche offensive. 

4° Une grande partie de l'artillerie de la garde 
impériale fut placée entre Bcrnadotte et le vice-roi, 
pour seconder l'attaque par la gauche. 

Ces dispositions faites, le prince Eugène lance ses 
braves troupes. Le Russbach est franchi, malgré les 
difficultés qu'il présente, sous le feu le plus vif des 
Autrichiens; les divisions Lamarque, Seras, Durulte, 
gravissent la position, s'élancent sur la ligne ennemie, 
la rompent, l'enfoncent, mettent en déroute les corps 
qui la forment. Pendant que celte brillante affaire a 
lieu au centre, à droite Oudinot, à gauche les Saxons 
de Bernadotte, s'emparent du village de Baumers- 
dorf et des premières maisons de celui de Wagram. 

Tout allait bien, et l'armée d'Italie poursuivait les 
fuyards, lorsquel'archiduc Charles, voyant le danger 
qui le menace, concentre tout ce dont il peut dispo- 
ser, et, à la tête de ces masses, se porte au-devant 
des divisions du vice-roi, qu'il parvient à arrêter d'a- 
bord, à refouler bientôt après, en lui opposant des 
forces beaucoup trop considérables. En vain, la ca- 
valerie du général Sahuc fournit quelques charges 
vigoureuses et meurtrières, et pénètre jusque dans le 
camp autrichien, en vain le vice-roi essaye de tenir 



6 MÉMOIRES DU PRINCE EUGÈNE 

sur les hauteurs, le prince Charles, secondé par les 
renforts qui lui arrivent, par l'obscurité de la nuit, 
par une méprise fatale, le prince Charles, à la létc 
de ses troupes, donnant à tous l'exemple de l'intré- 
pidité en se faisant blesser à la léte de ses soldats, 
parvient à repousser l'attaque française, et force les 
divisions du vice-roi et les Saxons à repasser le Russ- 
bach. 

L'armée d'Italie se reforma auprès du ruisseau, 
ainsi que les corps de Bernadottcet d'Oudinot, rejelés 
avant elle des villages de Wagram et de Baumers- 
dorf 1 . 

Les divisions Paclhod etBroussier ne purent pren- 
dre part aux affaires du 5. La première ne passa le 
pont du Danube qu'à onze heures du soir ; elle rallia 
l'armée pendant la nuit. La seconde, arrêtée sur le 
dernier bras du Danube par les cuirassiers et l'artil- 
lerie, bivaqua dans File Lobau. Elle avait fait 50 
lieues en trois jours. Le 6 e de hussards ne fui pas 
présent non plus à ces combats; il avait été retenu h 
Neustadt pour y attendre un convoi considérable de 
munitions de guerre, et surveiller les routes de Hon- 
grie. La division Monlbrun était rentrée, dès le 4, 
au corps deDavout dont elle faisait partie; les dra- 
gons de Grouchy (deux divisions; avaient élé mis éga- 

1 Cet engagement meurtrier pour les Autrichiens coûta plusieurs 
officiers généraux et supérieurs mis hors de^ combat, dans l'armée d'I- 
talie. Le colonel lluin du 15* de ligne, l'adjudant commandant Ducom- 
met, furent tués. Les généraux^ Grenier, Seras, Sahuc, Vignollc. 
furent blessés ; ce dernier très-grièvement. Les colonels des 6* et 9" 
chasseurs furent mis hors de combat. Deux drapeaux furent enlevés à 
l'ennemi, mais on en perdit un. 



LIV. XV. — 180D 



lement à la disposition de Davout, pour lier les 
troupes marchant entre Enzersdorf et Pysdorf. En 
vain l'ennemi tenta de déboucher, il n'y put parvenir, 
et, le soir, après la prise de Pysdorf, Grouchy reçut 
Tordre de l'Empereur de manœuvrer à l'extrême 
droite de l'armée, de concert avec la division Mont- 
brun, pour occuper la nombreuse cavalerie autri- 
chienne, tandis que Davout s'emparait de Glinzen- 
dorf, à quelques pas de la ligne du Russbach. 

La nuit étant venue, les troupes du prince Eugène, 
morcelées comme nous venons de l'indiquer, bi va- 
quèrent dans les positions qu'elles occupaient, c'est* 
à-dire les divisions Lamarque (corps de Macdonald), 
Durutte et Seras (corps de Grenier), Sahuc, sur le 
Russbach, les divisions Grouchy et Pully (détachées 
au corps de Davout), au-dessous de Neusiedel. 

Le 6 juillet, à la pointe du jour, les Autrichiens, 
campés à demi-portée de canon de l'armée d'Italie, 
commencèrent le feu et firent éprouver quelque perle 
dans les rangs de l'armée d'Italie. Comme le prince 
avait reçu Tordre formel (ordre arrivé par un aide 
de camp de l'Empereur) de ne rien engager jusqu'à 
nouvelles instructions, comme il ne se souciait pas 
non plus de laisser ses braves soldats exposés inuti- 
lement aux projectiles de l'ennemi, il forma sa ligne 
un peu en arrière, et bientôt il eut la joie de se voir 
rejoint par les divisions Paclhod et Broussier. 

Napoléon cependant, se portant au corps de Da- 
vout, ne larda pas à faire attaquer l'extrême gauche 
du prince Charles. Ce dernier, dans le but de se pla- 
cer entre l'armée française et le Danube, et de s'em- 



8 MÉMOIRES DU PRINCE EUGÈNE 

parer des ponts, principale ligne de. retraite de 
Napoléon, avait concentré sur sa droite, du côté de 
Kagaran, une grande parue de ses forces. 

Le vice-roi s'aperçut de ce mouvement offensif de 
l'archiduc, et de ce qui allait se passer à la gauche 
de la ligne française. Il se hâta d'en prévenir l'Em- 
pereur l en lui envoyant un de ses aides de camp 1 . 
En effet, l'ennemi attaqua bientôt les corps de Ber- 
nadolte et de Masséna, avec une telle supériorité de 
forces, que les Saxons ne tardèrent pas à lâcher pied . 
Le flanc gauche de l'armée d'Italie se trouva ainsi à 
découvert ; il ne restait plus de ce côté que quelques 
régiments de cavalerie saxonne, qui continuèrent à 
manœuvrer avec une grande audace et une véritable 
habileté, malgré le feu violent auquel ces braves gens 
se trouvaient exposés, et malgré leurs nombreux ad- 
versaires. 

Voyant ledangerquimenaçaitses troupes, le prince 
Eugène fit faire un oblique à gauche au corps de 
Macdonald, de façon à présenter un front à l'ennemi 
qui s'avançait avec rapidité. En outre, le vice-roi 
prescrivit à une partie de son artillerie de se porter 
en avant des deux divisions de Macdonald, pour tâ- 
cher d'arrêter les mouvements des Autrichiens. 

Ces dispositions étaient à peine achevées, que 
l'Empereur arriva lui-même au centre de l'armée 

1 Cet aide de camp était le comte Tascher, alors chef d'escadron. 
L'Empereur, après ravoir écouté, répondit : « Tascher, va dire à Eu- 
gène qu'il ne s'inquiète pas de sa gauche, mais qu'il ait toujours les 
yeux sur la droite. C'est là, ajouta-t-il, en montrant Neusiedel, que 
doit se gagner la bataille.» 



LIV. XV- - 1809 9 

d'Italie. Il approuva les sages dispositions de son (ils 
adoplif, renforça les divisions Lamarquc et Brous- 
sier de la division Seras, et prescrivit h Macdonald 
un mouvement offensif sur Sussenbrunn, pour percer 
le centre des Autrichiens. 

Macdonald forma aussitôt celte fameuse colonne 
dont le mouvement contribua si puissamment "au 
gain de la bataille. Ses trois divisions, sur deux li- 
gnes, avec une réserve, ayant en avant d'elles l'ar- 
tillerie de la garde et celle des Bavarois, en arrière, 
une partie de la cavalerie de la garde impériale, 
s'avancent audacieusement dans la plaine, guidées 
par lui. En vain l'ennemi essaye d'arrêter cette masse 
couverte sur son front par une pluie de projectiles, 
il n'y peut parvenir. Tout vient se briser contre cette 
colonne infernale : infanterie et cavalerie, rien ne 
résiste, rien ne peut ralentir la marche victorieuse 
de Macdonald qui, cependant, jonche la terre, non- 
seulement des morts de l'ennemi, mais aussi des 
siens 1 . 

Le vice-roi avait reçu ordre de l'Empereur de 
rester en position avec les divisions Pacthod et Du- 
ru lie, d'observer les mouvements de Davout à droite, 
et ceux de Macdonald, et de se porter sur le plateau 
qu'il avait enlevé la veille, dès qu'il croirait pouvoir 
le faire avec chance de succès, sous la protection des 
deux attaques dont nous venons de parler. 

Davout ne tarda pas à s'emparer de Neusiedel, à 

1 On sait que les 100 bouches à feu qui précédaient cette colonne 
et garnissaient son front avaient été mises sous les ordres de Lauris- 
ton, un des aides de camp de l'Empereur. 



10 MÉMOIRES DU PRINCE EUGÈNE 

gravir les hauteurs qui s'élèvent en arrière de ce vil- 
lage, et à poursuivre l'ennemi en pleine retraite 
pour gagner le plateau du Russbach. Le général Ou- 
dinot commençait également à s'ébranler pour ap- 
puyer le mouvement offensif du duc d'Auerstaedt, 
lorsque le prince Eugène, voyant sur sa gauche la 
colonne Macdonald faisant rétrograder le centre de 
l'archiduc Charles, crut que le moment indiqué par 
l'Empereur était vânu. 11 prescrivit, en conséquence, 
à la division Pacthod de se porter droit sur le pla- 
teau, à la division Durulte de soutenir par la gauche 
la division Pacthod, en se tenant prête aussi à ren- 
forcer Macdonald. Le vice-roi, mettant ces braves 
troupes en marche, se porta lui-même sur le plateau 
et fit exécuter plusieurs belles charges par les gardes 
d'honneur et les dragons de la garde royale d'Italie. 

La division Pacthod enleva le village de Wagram, 
le dépassa et se porta sur Gerusdorf, en suivant l'en- 
nemi pas à pas. Elle opéra alors sa réunion avec les 
trois divisions de Macdonald et avec celle de Durutte, 
et les troupes, secondées par les Bavarois du général 
de Wrède, s'emparèrent du village de Sùssenbrunn. 

Le prince Eugène fit poursuivre les corps autri- 
chiens qui lui étaient opposés jusqu'aux villages de 
Gerusdorf et de Sedlersdorf. Arrivé là, la nuit étant 
venue, la canonnade cessa, et le vice-roi se rendit 
de sa personne à la tente de l'Empereur, qui lui fit 
de grands compliments sur sa conduite pendant celle 
belle journée. 

L'armée d'Italie fit 2,500 prisonniers, enleva 8 
pièces de canon à l'ennemi. Elle eut 350 officiers et 



LIV. XV - 1800 44 

6,000 sous-officiers et soldais hors de combat. Les 
colonels Thierry du 25 e d'infanterie légère et Gasset, 
du 9 e de ligne, furent tués. Les généraux Moreau et 
Garreau furent blessés. Le général Sorbier, comman- 
dant l'artillerie, se distingua d'une façon toute par- 
ticulière : il eut quatre chevaux tués sous lui pendant 
les journées du 5 et du 0. 

Le lendemain, 7 juillet, l'Empereur, traversant 
les bivacs de l'armée d'Italie, à huit heures du ma- 
tin, s'arrêta devant les divisions, et dit aux soldats : 
« Vous êtes de braves gens; vous vous êtes tous cou- 
verts de gloire. » 

N'est-il pas singulier, d'après cela, de ne pas trou- 
ver dans l'ouvrage de M. Thiers un seul mot* sur la 
conduite du prince Eugène à la bataille deWogram? 
Comme le dit, à propos de l'ouvragedugénéral Pelet, 
dans une notç que nous reproduisons plus bas, le 
général de Yaudoneourt, il semble que, du moment 
où Macdonald arrive, il ne doit plus être question du 
prince Eugène ni du reste de l'armée d'Italie 1 ; c'est 

1 Voici cette noie curieuse et très-vraie du général de Vaudon- 
eourl : 

« Quand même la part qu'a prise l'armée d'Italie n'appartiendrait pas 
a l'histoire du prince Eugène, l'auteur aurait été forcé de s'en occuper, 
ne fùttcc que pour rétablir la vérité blessée par des faits faux ou dé- 
naturés. Le général Pelet, qui n'était point a l'armée d'Italie, n'a pu 
écrire que sur des matériaux qui lui ont été fournis. Le prince Eugène 
était mort alors, et il n'est pas étonnant que bien des personnes aient 
cru pouvoir le dépouiller de ce qui lui appartenait, et se revêtir elles- 
mêmes de sa dépouille. C'est l'esprit du temps actuel. Mais le pre- 
mier devoir d'un écrivain militaire est de raisonner juste et de respec- 
ter les convenances. Dans l'ouvrage du général Pelet, dès l'instant où 
le général Macdonald se mit en mouvement, il n'est plus question que 
de lui ; les autres divisions de l'armée d'Italie, qui formaient la lieu- 



1*2 HÉMOIRES DU PRINCE EUGÈNE 

une singulière façon, à ootre avis, de rendre à cha- 
cun la justice historique qui lui est due. Le maré- 
chal Marmont, lui, dans ses Mémoire*, écrits avec une 
verve attrayante, mais avec un sentiment de jalousie 
qui perce à chaque ligne, se contente de critiquer. 
C'est toul simple, son corps d'armée n'a pas été en- 
gagé. Le duc de Raguse a du blâme pour tout le 
monde, excepté pour lui-même : ainsi, l'Empereur, 
le 5 au soir, suppose à tort que l'ennemi n'est pas 
formé et a le tort plus grand de faire attaquer le 
centre par Macdonald. Macdonald comprend le dan- 
ger, en prévient Eugène, qui n'ose le faire observer 
à Napoléon. Les généraux Wallcr et Nansouly, la ca- 
valerie de la garde, reçoivent une espèce de blâme 
détourné; puis il ajoute : « Assurément, la bataille 
a été gagnée, et l'ennemi ne l'a pas contesté. Nous 
l'avons forcé à se retirer; ses altaques.ont. été infruc- 
tueuses ; nous nous sommes emparés de tout le ter- 
rain sur lequel il a combattu. Ainsi, ce qui constitue 
une victoire, nous l'avons obtenu, et, cependant, 
chose bizarre! nous ri avons pas fait un prisonnier \ 

tenacce du général Grenier, ne sont plus appelées que les ailes de l'ar- 
mée de Macdonald : il n'est pas plus question du prince Eugène que 
s'il n'eût jamais été à l'armée. Qui était cependant le général en cbel? 
Sous les ordres de qui servait Macdonald? Veut-on faire croire, par 
une réticence peu décente, que Napoléon avait ôté le commandement 
à celui qui avait délivré l'Italie et détruit une armée autrichienne dans 
une campagne courte et brillante, pour le donner à son subordonné? 
Le général Pelet montre, dans son ouvrage, beaucoup d'aversion pour 
le prince Eugène ; mais, quand l'aversion ou l'affection étouffent la 
vérité, on écrit des pamphlets et non pas une histoire. 

1 L'armée d'Italie en fit 2,500, et M. Thiers donne le chiffre total 
de 12,000 (page 474). 



LIV. XV. - 1809 . 15 

excepte des blessés abandonnés sur le champ de ba- 
taille. Nous n'avions pris que sept canons à l'ennemi, 
pas un drapeau I et lui,' au contraire, battu, nous a 
pris neuf bouches à feu ! » L'armée d'Italie, seule, 
prit deux drapeaux et huit pièces de canon. — D'après 
Marmont encore, Wa grain fut une victoire sans ré- 
sultat. Et la paix de Vienne, et les 85 millions de 
contributions imposés à l'Autriche, et les provinces 
illyriennes, qu'il gouverna, lui Marmont! C'est une 
chose bizarre (selon l'expression du duc de Ra- 
gusc), de voir l'esprit de jalousie et de dénigre- 
ment emporter aussi loin un homme d'un mérite 
réel. Mais non, partout où cet homme n'est pas, . il 
ne peut admettre qu'on ait fait quelque chose de 
bien. Marmont est, sans contredit, l'homme des 
temps modernes le mieux partagé en amour-propre 
et en vanité. 

Le rôle des autres troupes de l'armée d'Italie avait 
été moins important; néanmoins toutes avaient été 
engagées, à l'exception d'une partie de la garde 
royale, restée en réserve avec la garde impé- 
riale. 

Les dragons de Grouchy, opérant avec la cavalerie 
de Montbrun sur Gleizendorf, forcèrent la cavalerie 
autrichienne à regagner la crête du plateau du Russ- 
bach. Ces trois divisions françaises furent de la plus 
grande utilité pour les mouvements, de Davout a 
l'extrême droite. Le général Grouchy dégagea la 
brigade Jacquinot, vivement ramenée par les Autri- 
chiens. Le 7 e de dragons et les dragons italiens de la 
reine Tirent une charge des plus brillantes. Ils tuè- 



14 MÉMOIRES DU PRINCE EUGÈNE 

rcnt ou prirent plus de 400 cuirassiers, dragons 
d'Orelli et hussards de Blankenstein. 

A la suite de la bataille de Wagram, les deux di- 
visions du corps de Macdonald reçurent ordre de se 
porter sur la route de Brunn. Elles s'avancèrent le 7 
par le plateau dit Rendez-vous, jusqu'à Stamersdorf. 
fies divisions Paclhod etDumtte chassèrent l'ennemi 
de Hagenbrunn et s'établirent sur ce point, ayant en 
arrière d'elles, à Rendez-vou*, le quartier général du 
vice-roi, et à Wolkersdorf la garde royale. 

La division de chasseurs aux ordres du général Gé- . 
rard, mise à la disposition du général Nansouty, 
forma l'avant-garde des troupes poursuivant l'ennemi 
sur la route de Bohême, vers Korncnburg. 

Les divisions Pully et Grouchy bivaquèrent à Wol- 
kersdorf. La division Sens fut dissoute; elle avait 
tellement souffert, que les régiments qui en faisaient 
partie furent versés dans les divisions Lamarque et 
Paclhod. 

L'armée d'Italie, qui, depuis trois grands mois, 
n'avait pas cessé d'être en opérations et presque tou- 
jours en marche, ne fut pas chargée par l'Empereur 
de poursuivre les débris des armées autrichiennes. 
Seuls, les dragons de Grouchy, maintenus à la dis- 
position de Davout, eurent à combattre de nouveau 
àNicolsburg et au passage de la Taya. 

Le 10 juillet, l'Empereur plaça sous les ordres du ' 
prince Eugène le corps des Saxons, commandé par . 
le général Reynier, et les Wurtemburgeois, com- 
mandés par Yandamme. Napoléon prescrivit au 
vice-roi de manœuvrer sur les deux rives du Da- 



LIV. XV. — 1803 10 

nube avec les troupes mises à sa disposition, pour 
poursuivre l'archiduc Jean sur la rive gauche du 
fleuve, tout en couvrant Vienne des corps de Giu- 
lay et de Chasteler, alors en force sur la rive droite 
et déjà à la hauteur de IN eu s lad l. 

Le prince posta le général Vandamme à Fischam- 
mer (rive droite),, pour observer les environs de 
Vienne et mettre celte ville à l'abri de toute insulte. 
Il fit passer Baraguey-d'Hilliers également sur la rive 
droite, avec la division Sévéroli, en face de Prcs- 
bourg, et il s'éleva avec ses autres troupes (les corps 
de Reynier, du maréchal Macdonald et de Grenier) 
vers le nord, sur la March, établissant son quartier 
général à Ober-Siebenbrunn. 

Macdonald, avec les divisions Broussier cl La- 
marque ( celte dernière ayant laissé 6 bataillons 
et C pièces à la tête de pont), vint camper sur 
la March. Les divisions Durutte, Paclhod et les 
Saxons prirent position à Uterlienbrunn. 

Le même jour, 10 juillet, le prince Eugène, avec 
toule la cavalerie qui lui restait, poussa une recon- 
naissance sur Marcheg. L'ennemi déploya quelques 
forces pour maintenir la tête de pont et fit un feu 
très-violent. Toutefois, le lendemain, celte position 
était évacuée, en sorte que le général Reynier, qui 
avait ordre de s'en emparer de vive force, y péné- 
tra sans coup férir. 

Pendant les trois jours qui précédèrent la publi- 
cation de l'armistice, les divisions de l'armée d'Ita- 
lie, aux ordres directs du vice-roi, ne firent aucun 
mouvement. 



16 MÉMOIRES DU PRINCE EUGÈNE 

Après la publication de cet armistice, les troupes 
du prince Eugène furent chargées de garder la Sly- 
rie, la Carniole, la Carinlhie, une partie de la Hon- 
grie et la ligne de la Raab, jusqu'au conQuent de la 
grande et de la petite Raab. 

Macdonald prit possession le 10 du château de 
Gratz. Le général Baraguey-d'IIilliers partit do Prcs- 
bourg avec la division italienne pour s'établir dans 
la Carniole et dans la Carinthie. Vers la fin d'octo- 
bre, il se rendit sur les frontières du Tyrol (après la 
paix de Vienne ou de Schœnbrunn), afin de faire 
évacuer la province par les troupes autrichiennes \ 

L'armée d'Italie, dans cette courte et glorieuse 
campagne commencée sous les fâcheux auspices de 
la défaite de Sacile, avait exécuté un grand nombre 
de passages de rivières de vive force, livré plusieurs 
combats, deux batailles rangées, pris d'assaut deux 
forts, détruit le corps d'armée de Jcllachich, fait 
prisonniers 56,700 hommes, dont 5 généraux, 4 
colonels, 6 lieutenant-colonels, 1 1 majors et 552 of- 
ficiers de différents grades. Elle s'était emparée de 
12 drapeaux, de 198 bouches à feu, dont H 7 de 
siège et 79 de campagne, de 93,000 boulets, de 
4,430 bombes, de 4,697 obus, de 44,408 fusils et 
de magasins considérables. 

1 Comme nous consacrons un livre spécial au précis de la cam- 
pagne du Tyrol, nous croyons inutile de parler ici des troupes aux or- 
dres du général Rusca. Nous ne donnerons pas non plus l'analyse des 
opérations contre les insurgés, depuis l'armistice jusqu'à la paix. Ou 
trouvera cet historique au livre suivant. 



LIV. XV. — 1809 17 



il 



Le prince Eugène établit le 7, ainsi que nous 
l'avons dit, son quartier général à Slammersdorf, 
et y resta jusqu'au 10, pour observer ce qui se 
passait aux environs de Vienne et dans la direction 
de Presbourg, pendant que l'armée d'Allemagne 
marchait à la poursuite de la grande armée autri- 
chienne. L'Empereur mit sous les ordres du vice-roi 
le corps du général Reynier et celui du général 
Vandamme. Il prescrivit au prince de manœuvrer 
avec ces forces sur les deux rives du Danube, de 
manière à garantir Yicnne des tentatives que pour- 
raient faire Giulay et Chasteler, qui s'étaient avan- 
cés jusqu'à Neustadt, tout en poursuivant l'archi- 
duc Jean, qui s'était établi sur la March, depuis 
Hochstelten jusqu'au confluent de cette rivière avec 
le Danube. 

Le vice-roi prescrivit, en conséquence de ces in- 
structions, au général Vandamme, de passer sur la 
rive droite du Danube et de couvrir Vienne contre 
toute insulte. Il laissa également sur la rive droite, 
en face de Presbourg, le général Baraguey-d'Hilliers 
avec la division Sévéroli, et se dirigea lui-même sur 
la March avec le général Reynier, le maréchal Mac- 
donald et les autres troupes de l'armée d'Italie. 
Le 10, dos neuf heures du matin, le prince poussa 
une reconnaissance sur Marcheg avec les chasseurs 
du général Gérard, les dragons du général Pully et la 
cavalerie saxonne. L'ennemi, qui occupait en force 

vi. 2 



18 ^ MÉMOIRES DU PRINCE EUGENE 

la léte de pont qu'il avait construite en avant de cette 
ville, fit un feu Irès-vif de tous ses ouvrages. Ce- 
pendant une au(re reconnaissance, exécutée le len- 
demain avec de l'infanterie et de la cavalerie, le dé- 
termina à abandonner entièrement ce poste. Le 
prince employa les deux jours suivants à établir ses 
troupes sur la droite de la March et à rétablir sur 
celte rivière, qu'il s'apprêtait à passer, les ponts dé- 
truits par les Autrichiens. Mais, le 14, l'armistice 
conclu le 12 à Znaïm vint permettre à l'armée d'Ita- 
lie de prendre un repos qui lui était bien nécessaire. 
Outre les succès qu'elle avait obtenus, l'armée du 
vice-roi avait encore acquis à l'estime générale un 
autre titre plus rare pour des soldats que celui qu'ils 
tiennent de leur bravoure : c'est celui que donne le 
maintien d'une exacte discipline, et celui-là, les 
troupes le devaient à la fermeté de leur jeune géné- 
ral en chef et à la modération dont il était lui-même 
le plus parfait modèle. Un bien petit nombre d'hom- 
mes dans les rangs subalternes, et quelques-uns seu- 
lement dans des rangs plus élevés, ne suivirent pas 
ce noble exemple; ils en furent punjs rigoureusement. 
Souffrant de tout le mal que la guerre entraîne 
nécessairement pour les pays qui en sont le théâtre, 
le vice-roi voulait du moins leur épargner celui plus 
insupportable encore qu'y ajoute trop souvent l'avi- 
v dité ou quelquefois môme l'insouciance. Pendant sa 
vie entière, il s'est montré constamment fidèle à ces 
sentiments d'humanité et de justice. Toutes les con- 
trées oit le sort des armes lui a fait déployer son au- 
torité lui rendent à cet égard une justice unanime, 



LIV. XV. - 1809 19 

et pendant le séjour qu'il fit à Vienne à l'époque 
du Congrès, après les désastres de l'Empire, il en 
recueillit des témoignages bien flatteurs dans les re- 
mercîmenls qui lui ont été adressés par plusieurs 
grands propriétaires des provinces où il avait été ap- 
pelé à commander en 1809. 

Aussitôt après la publication de l'armistice, le 
prince transféra son quartier général à Prcsbourg. 
11 prit toutes les dispositions nécessaires pour établir 
le mieux possible ses troupes sur la ligne et dans les 
pays qu'elles devaient occuper. 11 alla ensuite visiter 
le champ de bataille d'Àuslerlitz, puis il se rendit à 
Vienne, où, d'après les ordres de l'Empereur, il de- 
meura presque continuellement pendant l'armistice, 
quoique son quartier général eût été fixé à Eisenstadt. 
Les opérations incessantes de cette campagne si 
active, les fatigues, les soins si nombreux qui in- 
combent à un général en chef, la direction des trou- 
pes, les combats, sa correspondance active avec 
l'Empereur, tout cela n'avait pas seul occupé le jeune 
prince '. Il n'avait pas négligé un seul jour l'admi- 
nistration du royaume dont chaque victoire ('éloi- 
gnait davantage. Aussi la tranquillité publique n'a- 
vait-elle, pour ainsi dire, pas été altérée dans un 
État composé d'éléments peu homogènes, et dont 
l'amalgame était bien difficile à obtenir à travers des 

1 Ce fait résulte pour nous de la très- volumineuse et journalière 
correspondance de Caffarelli avec le prince Eugène, correspondance 
qui se trouve au Dépôt de la guerre, et que nous avons cru ne devoir 
qu'indiquer ici. Toutes les affaires étaient soumises au prince, qui dé- 
cidait ou prenait les ordres de l'Empereur, mais jamais rien ne languis- 
sait, tout était expédié comme si on était à Milan en pleine paix. 



20 llfiMOMES DU MINCE EUGÈNE 

secousses continuelles ébranlanl le système politique 
auquel ils se trouvaient successivement agrégés. La 
paix intérieure avait été maintenue, quoique l' occu- 
pation momentanée par l'ennemi d'une partie de 
l'ancien pays vénitien eût paru encourager quelques 
agitateurs et réveiller les espérances de plusieurs 
hommes qui regrettaient le passé, parce que les nou- 
velles institutions blessaient leurs intérêts de fortune 
ou de vanité. Les phases que le royaume d'Italie ve- 
nait de traverser avaient donné aux partisans de 
l'Empereur et roi l'occasion de prouver leurs senti- 
ments et de développer leurs talents, tandis que 
d'autres, en petit nombre, s'étaient montrés faibles, 
malintentionnés ou même ingrats. Le vice-roi dut en 
conséquence récompenser et punir. Il s'agissait aussi 
de réparer les dommages causés aux habitants et de 
solder les pertes qu'avait eues à subir l'administration 
pour le séjour de deux armées nombreuses sur une 
partie du territoire italien. Le prince profita du loi- 
sir que lui laissait la diminution de ses occupations 
militaires pour donner des soins particuliers à ces 
objets d'un grand intérêt pour le royaume d'Italie. 
Les punitions furent douces, les avertissements sé- 
vères et les récompenses honorables. Des mesures 
furent prescrites pour indemniser ceux qui avaient 
souffert, pour faire reconstruire tout ce que la guerre 
avait renversé, pour mettre le Trésor à même de 
subvenir à de nouvelles dépenses, si la campagne 
venait à se rouvrir, et pour faire continuer les tra- 
vaux des fortifications dans les places du royaume. 
En même temps, on mit dans le meilleur état pos- 



LIV. XV. - 1809 21 

sible toutes celles qui se trouvaient dans le pays en- 
nemi occupé par l'armée d'Italie. 

L'Empereur disposait aussi souvent des instants 
du vice- roi, soit en l'envoyant passer l'inspection de 
troupes, principalement de troupes de cavalerie^ soit 
en l'emmenant avec lui et en lui donnant des com- 
mandements dans les évolutions qu'il faisait exécu- 
ter. Pendant une grande manœuvre qui eut lieu près 
de Schœnbrunn, il lui fit commander toute la cava- 
lerie de la garde impériale. 

Cependant les négociations pour le rétablissement 
de la paix se suivaient, en apparence, près de Vienne, 
entre lé comte de Champagny et M. de Metternich, 
réunis pour en traiter; mais, en réalité, à Schœn- 
brunn même, entre Bubna et le prince Lichtenstein, 
d'une part, et de l'autre, l'Empereur lui-même. 
Elles se terminèrent par la paix de Vienne, qui fut 
signée le 14 octobre. Les négociations avaient été 
plusieurs fois sur le point d'être rompues, et le vice- 
roi, qui y restait toujours étranger, avait dû, à di- 
verses reprises, se tenir prêt à partir pour se. mettre 
à la tête de ses troupes. Les projets que l'Empereur 
avait manifestés sur le prince, dans le cas de la re- 
prise des hostilités, prouvent la confiance de Napo- 
léon dans les talents que son fils adoptif venait de 
déployer. En effet, en cas de guerre, le prince Eugène 
devait avoir le commandement de plusieurs corps et 
manœuvrer avec toutes ses troupes réunies sur la rive 
droite du Danube, tandis que l'Empereur aurait ma- 
nœuvré sur la rive gauche du même fleuve avec le 
reste de la grande armée. 



22 MÉMOIRES DU PRINCE EUGÈNE 

Il se passa alors un événement qu'à cette époque 
on chercha, mais inutilement, à tenir secret, car 
il ne put être dérobé à la connaissance du public,* 
, ayant eu lieu en présence de beaucoup des chefs de 
l'armée. C'est la tentative d'assassinat faite contre 
Napoléon pendant son séjour à Schœnbrunn, par un 
étudiant d'Iéna. Le vice-roi fut vivement affecté du 
danger qui avait menacé une existence aussi pré- 
cieuse, et pour laquelle lui-même eût donné la sienne. 
Le péri) étant passé, le prinee put au moins trouver 
une douce consolation dans les témoignages sponta- 
nés d'estime et de confiance qu'il obtint dans cette 
occasion de plusieurs des principaux personnages de 
l'armée auxquels cette tentative avait inspiré des 
alarmes, et qui avaient naturellement reporté leurs 
pensées avec effroi sur les suites incalculables qu'elle 
aurait eues si elle eût réussi. 

Le Tyrol, dont la pacification n'avait pas suivi 
l'armistice deZnaïm, préoccupai légalement le prince 
Eugène et assombrissait son propre horizon. Il ne 
se voyait pas sans chagrin obligé peut-être de se 
porter dans le pays insurgé au moment où la paix 
allait être signée, au moment où sa tendre affec- 
tion pour la princesse Auguste et pour ses enfants 
lui faisaient désirer son retour à Milan. Son union 
si heureuse avec une femme comme la princesse 
Auguste, femme accomplie, le bonheur de vivre 
avec elle et avec des enfanls qu'il adorait, avaient 
modifié ses idées de gloire. Il était encore le soldat 
ardent au combat, le général mettant toutes ses fa- 
cultés à servir son ancienne et sa nouvelle patrie; 



LIV. XV. — 1809 23 

mais la guerre comme celle du Tyrol contre des 
paysans égarés, souvent plus malheureux que cou- 
pables, ayant obéi en mainte occasion à la loi de la 
nécessité en prenant les armes plutôt qu'à leur con- 
viction, celte guerre cruelle contre des bandes in- 
surgées et non contre les troupes organisées d'une 
armée régulière ne lui convenait pas. Il ne se voyait 
pas avec plaisir sur le point d'être obligé de la faire. 
C'est qu'en effet il n'y avait là rien d'attrayant pour 
un homme qui venait de gagner deux belles vic- 
toires et de contribuer au gain de la plus grande ba- 
taille qui ait encore été livrée par des armées mo- 
dernes. 

C'est ainsi que le vice-roi passa à Yicnne le temps 
qui s'écoula entre l'armistice de Znaïm et la signa- 
ture -de la paix. 

Après la conclusion de ce grand acte politique, 
l'Empereur prit immédiatement le chemin de Paris, 
laissant au prince Eugène le soin de pacifier le Tyrol. 
Dans ce but, le vice-roi se rendit d'abord à Kla- 
genfurlh à la fin d'octobre. De ce point il dirigea 
sur les contrées encore en insurrection une partie 
des troupes de l'armée qui avait combattu avec lui 
à Wagram. 11 ne resta que deux jours à Klageù- 
furlh, et gagna Villach. 11 séjourna dans cette 
ville deux semaines. Les nouvelles que pendant 
ce séjour il reçut de l'intérieur du Tyrol lui ayant 
donné la conviction que le pays ne tarderait pas à 
être pacifié, et l'Empereur lui ayant écrit qu'il le 
verrait avec plaisir retourner à Milan , il partit le 
12 novembre pour se rendre auprès de la princesse 



94 MÉMOIRES DU PRINCE EUGÈNE 

Auguste et de ses enfants, bien éloigné de se douter 
à cette époque, ainsi que l'ont dit quelques histo- 
riens, du malheur qui allait frapper sa famille dans 
la personne de l'impératrice Joséphine sa mère. 

Nous terminerons le récit succinct que nous avons 
fait des événements qui, de juillet à novembre 1809, 
concernent le prince Eugène, en donnant quelques 
ordres du jour peu connus, ordres de la grande ar- 
mée dont plusieurs concernent particulièrement les 
trotipes du vice-roi. 

« Ordre du iQjuin 1809. — L'aile droite de l'ar- 
mée commandée par le vice-roi a célébré le 14 juin 
l'anniversaire de Marcngo par une victoire éclatante 
remportée sur les armées réunies de l'archiduc Jean 
et de l'archiduc palatin près la ville de Raab en 
Hongrie. Ces deux armées, qui occupaient la belle 
position près Raab, y ont été attaquées au pas de 
charge et mises en déroule. 

« L'ennemi a laissé en notre pouvoir 4 drapeaux, 
6 canons et 4,000 prisonniers, parmi lesquels se 
trouve un général-major. L'ennemi, après avoir 
abandonné le champ de bataille couvert de ses 
morts, s'est retiré dans le plus grand désordre sur 
Comorn, où il a été poursuivi l'epée dans les reins. 
Nous avons perdu 5 à 600 hommes, parmi lesquels 
nous avons à regretter le brave colonel Thierry du 
23 e d'infanterie légère. 

« À la suite de cette victoire, la ville de Raab a 
été investie, et on a commencé le bombardement. 

« Sa Majesté ordonne qu'une salve d'artillerie 
sera tirée des batteries de l'armée. » 



L1V. XV. — 1809 25 

« Ordre du 19 juin. — Le général de division 
Vignolle, sous-chef de l'état-major général, a été 
nommé chef d'élat-friajor général de l'armée aux 
ordres de Son Altesse Impériale le vice-roi d'Italie; 
il est remplacé près le major général par le général 
de division Mathieu Dumas. 

« Le général de brigade Lecamus est chargé en 
chef du détail des prisonniers de guerre, ayant sous 
ses ordres l'adjudant commandant Dentzel. 

« Le lieutenant de gendarmerie Saal est charge 
au quartier général de recevoir les déserteurs. 

« MM. les chefs d'état-major, indépendamment du 
compte qu'ils rendront au major général relative- 
ment aux prisonniers, préviendront en outre le gé- 
néral Lecamus de la marche des colonnes des prison- 
niers, et ils adresseront au lieutenant de gendarme- 
rie Saal les déserteurs. » 

« Ordre du 9 juillet. — La journée d'Entzersdorf 
et la bataille décisive de Wagram ont complété la 
grande opération préparée et commencée par les 
travaux et les combats qui ont précédé ces deux 
journées si glorieuses pour nos armes ; les ennemis 
y ont perdu plusieurs drapeaux et 60 pièces de ca- 
non; nous leur avons fait environ 25,000 prison- 
niers; le champ de bataille était couvert de leurs 
morts, et les villages que nous leur avons enlevés 
autour et au delà du champ de bataille sont remplis 
de leurs blessés. Sa Majesté témoigne sa satisfaction 
à l'armée. 

a Le corps de l'artillerie, par la vigueur de ses 
attaques, celui du génie, les pontonniers et les ma- 



26 MÉMOIRES DU PRINCE EUGÈNE 

rins, soit par la rapidité avec laquelle les différents 
ponts ont été jetés sous le feu de l'ennemi, soit par 
les travaux immenses qui, en peu de jours, ont élé 
exécutés pour assurer le passage sur les bras du Da- 
nube et sur les îles par des ponts de pilotis , des di- 
gues et des chaussées, ont puissamment contribué 
au succès des journées d'Entzcrsdorf et de Wagram. 
L'Empereur leur en témoigne en particulier sa sa- 
tisfaction. » 

« Ordre du 15 août. — Napoléon ,. empereur des 
Français, roi d'Italie, protecteur de la Confédération 
du Rhin, etc., etc., etc. 

« Voulant donner à notre grande artnée une 
preuve toute particulière de notre satisfaction, nous 
avons résolu de créer, comme nous créons par les 
présentes lettres patentes, un ordre qui portera le 
nom d'ordre des trois Toisons d'or. 

« L'ordre des trois Toisons d'or sera composé, au 
maximum, de cent grands chevaliers, de quatre cents 
commandeurs et de mille chevaliers. En aucun temps 
ce nombre ne pourra être dépassé. 

« Il ne sera fait aucune nomination en temps de 
paix jusqu'à ce que le nombre fixé par le présent 
article, soit pour les grands chevaliers, soit pour les 
commandeurs, soit pour les chevaliers, se trouve ré- 
duit à la moitié. 

« Les grands chevaliers seuls porteront la dé- 
coration de Tordre en sautoir; les commandeurs 
et les chevaliers la porteront à la boutonnière, 
les uns et les autres, conformément au modèle ci- 
joint. 



L1V. XV. — 1809 27 

« L'Empereur esl grand maître de Tordre des 
trois Toisons d'or. 

« Le Prince impérial seul a, de droit, la décora- 
tion de Tordre en naissant. 

« Les princes du sang ne peuvent la recevoir qu'a- 
près avoir fait une campagne de guerre, où avoir 
servi pendant deux ans, soit dans nos camps, soit 
dans nos garnisons. 

« Les grands dignitaires peuvent en cire décorés. 

ce Peuvent également être admis dans Tordre des 
trois Toisons d'or : 

« Nos ministres ayant département, lorsqu'ils ont 
le portefeuille pendant dix ans sans interruption ; 

a Nos ministres d'fitat, après vingt ans d'exercice, 
si pendant cet espace de temps ils ont été appelés 
au moins une fois chaque année au conseil privé; 

« Les présidents du Sénat, lorsqu'ils ont présidé le 
Sénat pendant trois années; 

« Les descendants directs des maréchaux qui ont 
commandé les corps de la grande armée dans ces 
dernières campagnes, lorsqu'ils auront atteint leur 
majorité et qu'ils se seront distingués dans la car- 
rière qu'ils auront embrassée. 

« Aucune autre personne que celles ci-dessus dési- 
gnées ne peut être admise dans Tordre des trois 
Toisons d'or, si elle n'a fait la guerre el reçu trois 
blessures dans des actions différentes. 

« Nous nous réservons toutefois d'admettre dans 
Tordre des trois Toisons d'or des militaires qui, 
n'ayant pas reçu trois blessures, se seraient distin- 
gués, soit en défendant leur aigle, soit en arrivant 



28 MÉMOIRES DU PRINCE EUGÈNE 

des premiers sur la brèche, soit en passant les pre- 
miers sur un pont, ou qui auraient fait toute autre 
action d'éclat constatée. 

« Pour être grand chevalier, il faut avoir com- 
mandé en chef, soit dans une bataille rangée, soit 
dans un siège, soit un corps d'armée dans une ar- 
mée impériale, dite grande armée. 

« Les aigles des régiments dont l'état est ci-joint, 
et qui ont assisté aux grandes batailles de la grande 
armée, seront décorées de l'ordre des trois Toisons 
d'or. 

« Chacun de ces régiments aura le droit, qui se 
transmettra jusqu'à la postérité la plus reculée, d'a- 
voir un capitaine, lieutenant ou sous-lieutenant, com- 
mandeur, et dans chacun de ses bataillons qui étaient 
à l'armée, un sous-officier ou soldat, chevalier. 

« La décoration de commandeur sera donnée à 
celui des capitaine, lieutenant ou sous-lieutenant, 
qui nous sera désigné comme le plus brave de tous 
les officiers desdits grades, dans le régiment. 

« La décoration de chevalier sera donnée au sous- 
officier ou soldat qui nous sera désigné comme le 
plus brave de tout le bataillon pour l'infanterie, ou 
de tout le régiment pour la cavalerie. 

a La nomination des commandeurs ou chevaliers 
des régiments sera faite par l'Empereur, sur la pré- 
sentation secrète qui sera adressée cachetée par le 
colonel, et, concurremment, par chacun des chefs de 
bataillon pour les régiments d'infanterie, au grand 
chancelier de Tordre. 

« La réunion générale des grands chevaliers aura 



LIV. XV. — 1809 29 

Heu, chaque année, le 15 août, jour où toutes les 
promotions de Tordre seront publiées. 

« Les commandeurs et chevaliers des régiments 
continueront leur avancement dans leur régiment el 
ne pourront plus le quitter, devant mourir sous les 
drapeaux. 

« La pension de commandeur des régiments sera 
de quatre mille francs, et celle des chevaliers des 
régiments de mille francs, à prendre sur les revenus 
de Tordre. 

« Nous nous réservons de pourvoir d'ici au 1 5 août 
prochain à Torganisalion de Tordre par des statuts 
particuliers » 

« Ordre du 26 août. — Plusieurs officiers et sol- 
dais qui arrivent h Tarmée ignorent les fonctions 
attribuées au corps de la gendarmerie, et le respect 
qu'on doit porter à ce corps de la force publique. 
MM. les chefs de corps feront connaître l'importance 
des fonctions de la gendarmerie; ils feront connaître 
que les officiers, sous-officiers el gendarmes sont 
constamment de service dans l'exercice de leurs fonc- 
tions, et qu'ils portent avec eux le respect que Ton 
doit à une sentinelle. » 

« Ordre du 1 4 octobre. — La paix a été signée 
aujourd'hui, 14 octobre, à neuf heures du matin, 
entre M. le comte de Champagny, ministre des rela- 
tions extérieures de Sa Majesté l'Empereur des Fran- 
çais, roi d'Italie, et M. le prince de Lichtcnstein, 
plénipotentiaire de Sa Majesté l'empereur d'Autriche. 

« MM. les maréchaux feront annoncer cette nou- 
vcllc par une salve d'artillerie. » 



CORRESPONDANCE 



RELATIVE AU LIVRE XV 



DU 1" JUILLET AU 14 NOVEMBRE 180». 



« Mon fils, je reçois vos trois lettres du 50, à Nap.àEug. 
midi : Chasteler fait le partisan, se dissémine en un 1 "i* nel 
grand nombre de colonnes et s'annonce partout. Je 
vois avec plaisir que, le 4, vous serez arrivé. Mar- 
mont et Broussier le seront aussi. Notre seule crainte 
est que l'ennemi ne tienne point. Je vous ai mandé 
hier que j'avais fait jeter l'ancien pont dans l'île. Au 
premier coup de canon, l'ennemi a disparu et s'est 
retiré dans ses redoutes d'Essling. Ce pont a été jeté 
à cinq heures du soir, et trois heures après l'en- 
nemi n'avait pas montré plus de 12,000 hommes 
d'infanterie et 3,000 hommes de cavalerie. 11 parait 
que c'est le corps d'Hiller. Des bruits disaient que le 
prince Charles s'était porté ailleurs. Probablement, 
ce matin, nous saurons à quoi nous en tenir. Pour 
Mellernich, les Autrichiens se moquent de nous; il 



52 MÉMOIRE DU PRIME EUGÈNE 

y a un moyen bien simple, c'est de le renvoyer a 
Vienne. Je suppose que vous l'aurez fait. En aban- 
donnant Raab, convenez d'un chiffre avec le général 
Narbonne, que vous remettrez à l'état-major ici. 
Je crois vous avoir mandé que le général Rusca ve- 
nait sur Bruck avec 3,000 hommes, et que j'avais 
ordonné qu'on ne communieât plus avec l'Italie que 
par des convois de 2 ou 5,000 hommes. Je vous 
avais mandé hier que les Polonais croyaient devoir 
être attaqués à Benberg; ils me mandent d'hier soir 
que l'ennemi a rétrogradé, et qu'il n'est môme plus 
à Gûnlz ni à Steinamangcr. Il est vjrai que Marmont 
a dû coucher le 29 à Gleisdorf, et le 30, probable- 
ment, entre Gleisdorf et Gûntz. 

« P. S. Avant de sortir de Raab, je vous recom- 
mande plusieurs choses : 1° de vous assurer qu'il y a 
tout ce qui est nécessaire pour tirer 6,000 coups de 
canon et 2,000 obus; 2° qu'il y a des vivres pour plu- 
sieurs mois; 3° qu'on a détruit tous les ouvrages de 
fortifications des' camps retranchés; 4° de le bien re- 
connaître, afin que, si vous deviez remarcher de 
Yienne sur Raab, et que l'ennemi occupât ce camp 
retranché, vous ayez des facilités pour manœu- 
vrer. » 

Eu ÏMb! ap (< Sire, j'ai l'honneur d'adresser à Votre Majeslé 

i "iioo, lel les deux rapports que j'ai reçus cette nuit : les rap- 

L mai? D s . ports sembleraient être à l'appui de l'idée dont Votre 

Majesté me fait part dans sa lettre du 30 au matin, 

que je reçois à l'instant. J'ai recommandé au général 

Montbrun d'être bien attentif, bien sur ses gardes, 



LIV. XV. — 1800 - COBHESPONDANCK 55 

el m'informant de tout ce qu'il verrait. Il y a deux 
heures qu'il m'a envoyé une lettre du général Davi- 
dowitz, qui annonçait l'arrivée de M. Dodun aux « • 
avant-postes pour dix heures du matin. J'ai cru bien 
faire, d'après cela, de faire partir M. de Metternich, 
d'autant plus qu'il ne pourra rien annoncer de nos 
mouvements rétrogrades, et qu'il ne pourra, au 
contraire, qu'annoncer la présence de notre armée 
à Raab. 

« Je questionnerai un seul instant M. Dodun, et,~ 
dans le cas où il me confirmerait la présence à Co- 
morn d'un aussi grand nombre de troupes que pa- 
raît le supposer le rapport des prisonniers, j'arrê- 
terais définitivement, jusqu'à de nouveaux ordres 
de Votre Majesté, un mouvement rétrograde. 

« J'ai cependant fait partir celle nuit le général 
Baraguey-d'Hilliers et la division Sévéroli, puisqu'il 
devait relever le 2, devant Presbourg, le maréchal 
Davout. Voici quelle sera, au soir, la position de 
mes troupes : les divisions Montbrun, dans la plaine 
^ entre Raab et Comorn; le général Macdonald et la 
division Pacthod, à Raab; le corps tlu général Gre- 
nier, à Àlasik; les dragons, à Hochtrass; la cava- 
lerie du général Saliuc à Raboth, couvrant et ' 
éclairant ma droite. J'informerai exactement Vo- 
tre Majesté de tout ce que j'apprendrai sur l'en- 
nemi. » 

« Sire, je reçois à l'instant la lettre de Votre Ma- &,« . à.vip. 
jeslé datée d'hier soir, 50 juiti . Je remercie beaucoup t* jïiîiet 
Sa Majesté de la bonlé qu'elle a de m'informer de «« »©ir. 

M, 3 



54 MÉMOIRES DU l'MNCR EUGÈNE 

son ponl jeté sur le Danube. J'attends avec impatience 
que Votre Majesté me mande si elle n'a point changé 
d'intention à l'égard de mon mouvement rétrograde ; 
si je n'ai point de nouvelles extraordinaires de l'en- 
nemi, et que Votre Majesté ne me donne point d'or- 
dres contraires, je continuerai demain mon mouve- 
ment ainsi qu'il a été commencé. J'ai été hier 
parfaitement éclairé, et rien n'annonce, jusqu'à ce 
moment, que Chasteler dût s'approcher de Comorn. 
"J'ai reçu ce matin des rapports de Wesprim, de Pa- 
lota, de Vasarhely et de Sarvar; ils sont datés d'hier, 
30, et hier, 50, il n'y avait pas d'ennemis à Sarvar 
ni à Wesprim ; on avait rencontré à Palota 60 dra- 
gons ennemis qui appartenaient, d'après le dire des 
paysans, à un corps de troupes qui esta Weissemburg. 
Ce corps est, assure-t-on, composé de quelques mil- 
liers d'hommes d'insurrection, ayant très-peu de 
troupes de ligne, A Vasarhely, on a eu connaissance 
que l'ennemi était en force aux environs, et le gé- 
néral n'a évacué, dans la nuit, que parce que l'en- 
nemi semblait manœuvrer sur ses flancs, partïculiè- . 
remenl vers son flanc droit, dans la direclion de 
Janoshaza : voilà l'état des choses dans cette partie. 
Du côté de Comorn, rien de nouveau, car Monlbrun 
ne m'a rien mandé; c'était à deux heures que devait 
se faire l'échange des ambassadeurs, ainsi tout aura 
dû êlçe calme dans cette partie. J'ai envoyé deux of- 
ficiers intelligents au général Monlbrun, qui ont 
ordre de bien observer les mouvements de l'ennemi, 
et il me tarde de voir M. Dodun poucle questionner 
sur ce qu'il a vu à Comorn; je calcule que l'ennemi- 



LIV. XV. - 1809 — CORRESPONDANCE 55 

lui aura montré beaucoup de monde, s'il n'a aucun 
projet offensif, et on aura caché même la garnison 
ordinaire, s'il a des projets sur nous. Enlin, le troi- 
sième point d'où j'attends des renseignements était 
du général Marulaz. Le général Lasalle m'a envoyé, 
ce matin, copie d'un rapport d'hier soir, qui annon- 
çait que l'ennemi était à Gûns. Votre Majesté aura 
sûrement des nouvelles positives d'Œdenburg, car 
j'ai peine à croire que 5,000 chevaux et autant d'in- 
fanterie soient venus s'enfourner là. J'ai cependant 
ordonné de suite les reconnaissances sur Csahany, 
je ne pourrai en recevoir que celte nuit. 

«J'ai l'honneur de joindre à la présente deux let- 
tres du ministre de la guerre de son royaume d'Italie, 
et une lettre de la princesse qui est touchée des mar- 
ques d'attention et de bonté que vient de lui donner 
Votre Majesté. » 

« Mon fils, je reçois vos deux lettres du 1 er juillet, Nft ^n^ à 
à une heure du matin. Les renseignements qu'on *$jj!? 1 
vous a donnés sont inexacts : l'armée du prince 
Charles est toute ici en bataille. J'espère que vous 
aurez commencé votre mouvement, et que vous se- 
rez ici le 4, car le 4 au soir je passe. Vous pourrez, 
selon les circonstances, laisser à Baraguey-d'Hillicrs 
plus ou moins de troupes. Dirigez le sieur Dodun par 
Ëbersdorf, dans l'Ile, afin qu'il me donne tons les 
renseignements qu'il aura ; je suppose que vous aurez 
fait culbuter cette" cavalerie qui aura débouché par 
Comorn, et préparé par là voti*e mouvement sur 
Vienne. 



5<* MÉMOIRES DU P1I1NGB EUGÈNE 

« P. S. Je suppose toujours que Raab a ses 0,000 
coups de canon, et que vous compléterez les car- 
touches à 500,000. » 

^'juHieiT (< S* re » j a * eu l'honneur de rendre compte hier à 
uûmaiia. Votre Majesté que le général Davidowitz, comman- 
dant à Comorn, avait annoncé l'échange des ambas- 
sadeurs pour hier, 1 er juillet. 

« M. de Metternich arriva à mes avant-postes à 
deux heures après-midi, et le général Montbrun en- 
voya de suite un officier à Comorn pour prévenir de 
l'arrivée de M. de Metternich. On garda cet officier 
plusieurs heures, et on ne le renvoya qu'à la nuit 
close, en prétextant Tordre et la dernière instruction 
du prince Jean qu'on attendait. Le général Montbrun 
m'a envoyé aussitôt un officier qui est arrivé auprès 
de moi ce matin. J'ai, de suite, ordonné au général 
Montbrun de faire partir sans délai pour Vienne 
M. de Metternich, si, deux heures après la réception 
de mes ordres, l'échange n'avait pas lieu. Je compte 
faire marcher M. de Metternich jour et nuit jusqu'à 
Vienne, et il est lui-même au désespoir de la conduite 
des siens. » 

ï"fçiVoï" (< ^ on *'' s » J e re 5°* s votre ' eltre du 2, avec celle 
: Vm l du général Montbrun; je vous attends de votre per- 
sonne, le 4 à midi, et votre corps avant onze heures 
du soir, vu que le 5, à deux heures du matin, j'at- 
taque. (De l'île Napoléon, o juin 1809, à trois heures 
après-midi.) 

« P. S. Le général Baraguey-d'Hilliers doit avoir 



MV. XV. — 1809 — CORRESPONDANCE * 57 

été renforcé de la brigade Thiry de 1,000 hommes, 
composée d'un régiment provisoire de chasseurs et 
d'un régiment de Wurtemberg, ce qui, avec un de 
vos régiments de chasseurs, le porte à 1 ,200 che- 
vaux. Vous êtes le maître de lui laisser \ ,000 hom- 
mes d'infanterie de plus. » 

« Ma chère Auguste ..,., je suis bien pressé, je ftffël 
suis arrivé ce matin de la Hongrie avec tout mon E^XYf, 
corps d'armée, et je crois que l'Empereur prépare ^wï? 
aux Autrichiens un tour de sa façon. Adieu, sois 
tranquille, je me porte bien. » 

« Mon fils, le maréchal duc de Rivoli s 1 est porté \ Na P' a Eu * 

' r A mon camp 

sur Kornenburg. On a entendu ici une canonnade im r£ :ial 
depuis six heures; j'en ignore l'issue. Faites-moi ^juîiïe^' 
connaître ce que vous en savez. Votre cavalerie lé* 
gère s'est mise à la poursuite de l'ennemi du côté de 
Hackereau. J'ai ordonné à Nansouly de l'appuyer, et 
j'ai ordonné à Marmont de pousser jusqu'à Niçois* 
burg. J'ai ordonné à Grouchy et à Pully de rester où 
ils sont et de vous envoyer leur situation. Vous au* 
rez reçu des renseignements, et vous pouvez savoir 
à présent où sont vos colonels et généraux. J'ai or- 
donné à l'intendant général de vous donner deux 
compagnies de transports. Voyez qu'on vous les en- 
voie dans la journée de demain, chargés de pain, 
afin de les garder. Tâchez d'envoyer quelqu'un en 
Italie pour donner des nouvelles de la bataille. J'ai 
ordonné que l'on écrive par la Bavière. Envoyez des 
patrouilles de cavalerie jusqu'à la March vers la 
Hongrie, afin de vous éclairer, » 



18W, 



i 



<i 



38 MÉMOIRES DU PRINCE EUGÈNE 

à E u! 8 vk5- a ^a v iC t oire est & nous, ma bonne Auguste; je 

Ku C !£nip m e porte fort bien, à la fatigue près; nous noussom- 

sSmemio?r e , mes battus quarante-huit heures de suite. L'armée d'I- 

iâw, et talie s'est couverte de gloire, le régiment de dragons 

delà reine s'est supérieurement conduit, etc., etc. » 

vaîkinsJ£?f c< M° n "' s > ' a division Pully vous rejoint. Le parc 
9 $oJ^ du duc d'Auerstaedt est à Neusiedei, et il était le 7 et 
le 8 inquiété par des patrouilles ennemies de cava- 
lerie. Envoyez-y un fort parti de cavalerie. » 

^Lbronn (< ^ lvc ^ ^ es * ^cux ' ieures après midi, et je reçois 
l \lw el à l'instant la nouvelle que l'ennemi a entièrement 
évacué la rive gauche de la Mardi. Toutes ses co- 
lonnes se sont dirigées sur Presbourg, sauf quelques 
régiments d'infanterie et de cavalerie qui ont pu re- 
monter la Mardi : je le fais suivre par un piquet. J'ai 
ordonné, en attendant les ordres de Votre Majesté, 
d'établir un pont de bateaux avec une tête de pont 
de bateaux à Schlassorf. J'ai prescrit qu'on établît un 
pont volant à Marcheg et qu'on s'occupât à répa- 
rer le pont d'Anger, dont une seule travée avait été 
détruite. On fera à ce dernier pont deux à trois re- 
doutes. 

« J'espère que, demain, ces différents passages se- 
ront préparés, et qu'il ne manquera plus que les 
ordres de Votre Majesté. Je n'ai pas encore les pon- 
tonniers, mais les sapeurs les remplaceront jusqu'à 
leur arrivée. » 

seibonhnjnn, « >ire, j ai I honneur de présenter a Votre Ma- 



LIV. XV. - 1801» - COIMIESPONDANCK o!» 

jesté les généraux de division Seras, Lamarque, ^{"j"'* 1 
Broussier et Fontanelli, pour la promotion de gratids 
officiers de la Légion d'honneur. Le général Seras a 
été blessé grièvement le 5 ; c'est de tous les officiers 
généraux celui dont j'ai été constamment le plus sa- - 
tisfait. Les généraux Lamarque et Broussier ont 
• bien conduit leur division et se sont distingués, le G, 
sous les ordres du maréchal Macdonald ; quant au 
général Fontanelli, j'en ai toujours été très-content : 
il s'est distingué pendant le temps qu'il a eu ma di- 
vision à commander. C'est un des officiers de l'ar- 
mée d'Italie qui donnent le plus d'espérances. Je 
recommande ces quatre généraux aux bontés de Vo- 
tre Majesté, ainsi que le général Grenier, qui a été 
blessé le 5. » 

« Me voici sur les bords de la March, ma très- Eugène 
chère Auguste, chargé d'une nouvelle expédition. c .,**?•• 

° ° m r Seihcnltrunn, 

J'ai sous mes ordres, avec ce qui reste (ici) de mon. **$#" 
armée, les Saxons et les Wurtcmburgeois. Je serai 
probablement sous deux jours à Presbourg. Ma santé 
est toujours bonne au milieu de tous mes travaux ; 
je crois qu'elle serait encore meilleure si je recevais 
des nouvelles de Milan. Voilà dix grands jours que 
je n'ai reçu un mot de toi; tu auras aussi été quel- 
que temps sans lettres de moi, mais j'ai pris le parti 
de l'écrire par Munich et la Suisse, et l'engage à foire 
faire cette roule à nos courriers. Maintenant que la 
grande bataille est passée, lu dois être très-tran- 
quille ; il est vrai que l'affaire dura deux jours de 
suite et a éh' extrêmement chaude; mais il esl im- 



40 MÉMOIRES DU PRINCE EUGÈNE 

possible qu'il y en ait deux comme cela dans une 
campagne. J'ai été là heureux comme je le suis tou- 
jours; pourtant, j'aurais cru mon bonheur épuisé 
par toute la félicité dont je jouis par toi et par mes 
enfants. Croirais-tu que le jour de la bataille il s'est 
tiré de part et d'autre i 50,000 coups de canon, dont 
50,000 sûrement ont été tirés contre mon corps d'ar- 
mée. Il paraît certain que Pons a été tué, Yaivassone 
a été blessé d'une balle à la cuisse, plusieurs autres 
ont eu des chevaux tués; mais cela ne compte pas. 
Les Autrichiens sont bien bas depuis la perte de cette 
bataille,. et je pense que la guerre ne peut plus du- 
rer longtemps, à moins d'événements qu'on ne peut 
prévoir. Ce sera un grand bonheur pour moi quand 
je pourrai te serrer dans mes bras, ainsi que mes 
petits enfants. » 

* a w Lmp s ' « Mon fils, je vous envoie copie de l'armistice que 
zntfm. j'ai conclu. Faites occuper la March et Presboursr. 

i:>juiirot un, > . ,, . e 

180». II faut me présenter un projet d organisation pour 
votre corps d'armée, de manière que les 3 e et 4 e ba- 
taillons qui appartiennent au corps de Marmont le 
rejoignent. La division Grouchy vous sera rendue. 
Je l'ai destinée à occuper OEdenburg, Gratz, Lay- 
bach, KlagenfurthelTriesle. Le général Mathieu Du- 
mas est commissaire pour l'armée. Vous chargerez 
le général Rusca de prendre possession du fort de 
Schasemburg. Vous pourrez envoyer le corps saxon 
sur Hackereau. Je serai demain de bonne heure à 
Vienne. Vous m'enverrez là vos rapports et je vous 
donnerai mes instructions. » 



L1V. XV. - 1809 — CORRESPONDANCE 41 

« Sire, j'ai reçu ce malin l'armistice dont le ma-jjjj^jj^ 
jor général m'a donné connaissance; j'en ai de suite "fi©!* 
envoyé copie aux avant-postes autrichiens, et j'ai 
donné les ordres pour que demain on entrât à Près* 
bourg. Tout mon corps d'armée était déjà sur la 
Mardi, mais j'étais de ma personne à Seibenbrunn, 
pour être plus à portée de recevoir les ordres de Vo- 
tre Majesté. Je porterai moi-même mon quartier gé- 
néral à Schloss ou Theben, où j'attendrai les ordres 
de Votre Majesté. Je la prie de vouloir bien ordon- 
ner qu'on m'envoie de suite, à Presbourg, des ba- 
teaux pour rétablir le pont, afin de pouvoir exécu- 
ter plus promptement, s'il y a lieu, les mouvements 
que Votre Majesté ordonnerait. J'adresse ci-joint à 
Votre Majesté le projet d'organisation de l'armée 
d'Italie à 5 divisions; il y aurait à rendre, pour le 
moment, au général Marmont 7 bataillons; mais 
Votre Majesté verra, dans la colonne d'observations, 
qu'il en existe encore qui appartiennent à son corps 
d'armée qui sont restés en arrière. » 

« Mon fils, je reçois votre lettre du 14, à midi. g^VSfi, 
Il faut assurer le passage de la March par un bon '"&»!'' 
pont. En attendant, restez avec vos 2 divisions jus- 
qu'à ce que Presbourg soit occupé. Envoyez au-de- 
vant du général Grouchy, pour qu'il vous re- 
joigne. » 

« Mon fils, Marbeuf m'apporte votre lettre du 15, ^gj^jj; 
à huit heures du soir. Baraguey-d'Hiiliers, à ce qu'il 1 * JjJ!* 1 
paraît, a pris possession de Preshonr». S'il ne l'avait 



*2 MÉMOIRES DU l'HINCK KUUÈNË 

pas encore fail, fiiites-lui passer le Danube sur-le- 
champ; 1 batiiillun suflit quant à présent pour oc- 
cuper Presbourg. J'approuve la formation de votre 
corps à 4 divisions. Vous pouvez envoyer Macdonald 
avec 2 divisions prendre possession de Gralz; je pense ■ 
que les autres devraient se tenir à Œdenburg, en oc- 
cupant la ligne de liaab a Œdenburg. Votre quar- 
tier général me paraît devoir être très- convenable- 
ment établi à Œdenburg. Vous serez là à portée de 
Presbourg et de Vienne, et.dans un pays où votre 
cavalerie pourra facilement se rétablir; c'est ce dont 
il faut s'occuper aujourd'hui avec activité. Le géné- 
ral Vandamme se porte sur Ncusladt, cl de là sur le 
Simmering avec ses troupes, afin do presser l'éva- 
cuation de Gralz. Il est arrivé au général Itusca un 
événement dont j'ignore les détails; il paraît qu'il 
s'est retiré du côté de Salzbourg. Je désire donc que 
Macdonald se rende avec 2 divisions à Neustadl, et 
de là sur Gralz. Les deux autres peuvent rester avec 
les Saxons sur la Mardi, pour occuper Presbourg, 
faire jeter un pont, et occuper Raab et toule la ligne. 
Vous pourrez porter votre quartier général à Œden- 
burg dans quelques jours. Je désire connaître le Heu 
où il faudra construire un pont sur la Mardi et quelle 
est la ligne de celle rivière. » 

u Je ne t'ai pas écrit depuis deux jours, ma très- 
dière Auguste, parce que j'ai eu beaucoup à travail- 
ler. A peine le courrier Kola élail-il parti, qu'il 
m'est arrivé la nouvelle de l'armistice d'un mois. 
conclu enlre les deux empereurs. Je pense que cela 



LIV. XV. — 1809 - CORRESPONDANCE 43 

doit mener à la paix, et je m'en réjouis du fond de 
mon cœur, puisque après cette époque je puis avoir 
l'espoir de revoir ma petite famille. J'ai vu que l'Em- 
pereur avait eu l'amabilité de t'envoyer un officier 
d'ordonnance. Nos communications vont être bien- 
tôt rouvertes par la route directe; j'en profiterai 
souvent, car je vois que nous allons rester quelque 
temps sans occupation. Je. suis icf dans un grand et 
beau château de l'empereur d'Autriche. 11 y aurait 
de quoi mourir d'ennui, s'il ne me rappelait pas un 
peu Monza. Il n'y a pas de parc, mais la façade res- 
semble beaucoup, du côté de Presbourg, à celle de 
Monza du côté du jardin, avant qu'on ne retirât la 
balustrade de pierre. » 

« Sire, j'ai l'honneur d'adresser à Votre Majesté ^fj^- 
la reconnaissance que j'ai faite de la Mardi, depuis ** fi». 1 " 1 
son embouchure jusqu'à Joczdorf; j'y joins égale- 
ment le l'apport du colonel Lebel. 

« Si Votre Majesté veut un pont avec une tète de 
pont, l'endroit le plus convenable, c'est sans contre- 
dit Schloss, car c'est la roule la plus directe de 
Tienne à Presbourg. Les chaussées sont déjà toutes 
établies, mais le pont aura environ 200 toises de 
long, et les ouvrages pour le couvrir devront avoir 
aussi un grand développement; mais peut-être une 
telle dépense serait-elle inutile sur la Mardi, vu qu'il 
existe un assez grand nombre de gués au-dessus de 
Marcheg; ces gués ne sont cependant pas pratica- 
bles pendant la crue des eaux. Si Votre Majesté veut 
seulement un pont de communication, parce qu'à 



U MÉMOIRES DU PRINCE EUGÈNE 

ce point la rivière n'a que 50 toises de largeur, et 
qu'enfin nous étions très à court de moyens. 

« J'ai reçu ce malin les ordres du major général 
sur la formation de l'armée, sur les mouvements à 
faire par le maréchal Macdonald pour y substituer 
une brigade de cavalerie légère. J'ai dû envoyer le 
général Baraguey-d'Hilliers avec la division Sévéroli, 
puisque c'était là son seul- commandement. Si Votre 
Majesté n'a rien de contraire, je lui confie le corn- 
mandement de la Carniole et de la Carinthie. 

« Si Votre Majesté approuvait le reste du place- 
ment des troupes tel que j'ai eu l'honneur de le lui 
proposer, je commencerais mon mouvement dès que 
le passage serait praticable à Presbourg. J'espère 
que demain il y aura déjà un pont volant, mais on 
ne pourra pas faire un pont de bateaux sans le se- 
cours de Vetre Majesté. » 

à *jg*n«_ « Me voici à Presbourg, ma chère Auguste. C'est 
PreTiSurp, une belle el g ran de v, l' e ^i a beaucoup souffert de 
16 iSn9. ,el ' a guerre, car il y a près de 200 maisons brûlées. Je 
m'occupe à faire établir un pont sur le Danube, et 
sous peu de jours nous passerons le fleuve pour 
prendre les cantonnements qui seront assignés à mon 
corps d'armée. Je sais déjà qu'une partie de mes 
troupes occupe Gratz et Klagenfurlh, mais je crois 
que j'aurai mon quartier général au centre, et ce 
sera probablement en Hongrie. Je pense que les 
affaires ne tarderont pas à se décider d'une manière 
ou de l'autre, et pendant ce temps je m'occuperai 
beaucoup des affaires d'Italie, de ma petite famille. 



LIV. XV. — isoy — COItRBSPONDANCE 4* 

qui me rend si heureux, el je me donnerai de temps 
en temps le plaisir de la chasse. Il y a dans tous ces 
pays-ci des chasses superbes. » 

« Mon (ils, le major général a dû vous envoyer des n»p- t eu*. 

. . . Schœnforunn , 

ordres de mouvement; ainsi, vous devriez «être ce i7 4 £!i! ,cl 
soir ou demain à Vienne; mais je désire qu'avant de 
revenir, vous visitiez tout le cours de la March jus- 
qu'à Nicolsburg. Vous êtes jeune, vous ne sauriez 
trop voir; on ne sait dans quelles circonstances on 
peut se trouver. Il est même bon que vous alliez 
jusqu'à Brunn et que vous visitiez la citadelle, la 
ville et Je champ de bataille d'Austerlilz; de Brunn, 
vous vous en reviendrez. Vous pourrez, dans un autre 
voyage, aller voir Znaïm, Krems et les débouchés de 
la Bohême. La communication avec l'Italie va être 
enfin rouverte. J'ai écrit souvent à la vice-reine ; je 
viens de lui envoyer encore un de mes officiers 
d'ordonnance. Vous devez avoir deux compagnies 
du 1 er bataillon provisoire, des équipages militaires 
du train, ce qui fait 72 voitures. Je désire bien que 
vous ayez les 4 compagnies complètes du 9 e bataillon, . 
ce qui ferait 144 voilures de plus. Faites venir les 
hommes du train que vous avez à Plaisance, et écri- 
vez à Gralz pour qu'on s'y procure des chevaux, des 
harnais, des voitures. 

« Sire, j'ai l'honneur de rendre compte à Votre Ma- Ku g. u top. 
jesté, qu'après l'arrivée des pontonniers ici el les ^SuS' 
recherches les plus scrupuleuses que j'ai ordonné que 
l'on lit, on est parvenu à trouver le nombre suffisant 



4<î MÉMOIRES DU PRINCE EUGÈNE 

de bateaux pour rétablissement du pont en face de 
Presbourg. Il ne manque pi us, pour la confection de ce 
pont, que25 ancres et25cordages. Je prie donc Votre 
Majesté de vouloir bien donner des ordres pour que 
ces objets nous soient envoyés d'Ébersdorf, et le pont 
aéra établi peu d'heures après. Je m'empresse d'en- 
voyer ce rapport à Votre Majesté, afln qu'elle ne se 
dessaisisse pas de bateaux, dans le cas où elle eût 
voulu nous en envoyer sur la première demande. » 

F.u g . à Nap. Sire, je reçois à l'instant, onze heures du matin, la 
,8 iilu9 lcl lettre que Votre Majesté m'a fait l'honneur de m'éenre 
à midi hî er au soir, 17. Je n'ai point encore reçu les corn-, 
munications de mouvement que Votre Majesté m'an- 
nonce, mais je présume les recevoir dans la journée. 
Je ferai de suite les dispositions en conséquence, et 
je partirai bientôt après pour la tournée que Votre 
Majesté désire que je fasse. Elle peut compter sur 
l'empressement que je mets à exécuter ses ordres, 
puisqu'ils doivent bientôt me ramener près de Votre 
Majesté'. 

« Je remercie de nouveau Votre Majesté des nouvel- 
les qu'elle veut bien faire passer à la vice-reine. Votre 
Majesté sait qu'elle n'a point affaire à des ingrats, et 
combien l'un et l'autre nous sommes reconnaissants 
de ses bontés. » 

à Ë to 8 v?<£- Bonjour, ma chère Auguste. Ma première pensée, 
Prêtre, ce malin comme "tous les joufs, est pour loi et mes 
8 iioo! jolis enfants. J'ai reçu hier la lettre du 7, qui est pas- 



du ™ïiû. sée par Strasbourg; mais toutes celles depuis Tascher 



LIV. XV. - !800 - CORRESPONDANCE 47 

ne me sont point parvenues. Que sont devenus Alle- 
magne, Fortis et les aulres courriers? Si, comme je 
le présume, tu les as expédiés, ils auront été pris, car 
je n'en ai aucune nouvelle. Celle que Taschcr m*a re- 
mise était du 25 juin. Du 25 au 7 juillet, je n'ai rien 
reçu; j'avoue que j'aurais désiré être expédié contre 
Giulay ou Chasleler; je te jure que je leur aurais Tait 
payer cher toutes nos inquiétudes; mais j'ai été appelé 
pour la grande bataille, et j'en suis bien aise mainte- 
tenant, car je crois qu'on n'en verra plus comme celle- 
là. Je sais que l'Empereur a eu l'aimable attention de 
t'annoncer l'armistice par un de ses écuyers; moi je 
ne l'ai su que trente-six heures après, et pendant ce 
.temps je me battais sur la March,de manière que les 
derniers coups de canon ont été pour moi. On parle 
beaucoup de paix, mais je ne sais rien de positif, puis- 
que je suis loin de' l'Empereur. » 

« Je pars demain de grand matin de Presbourg, è ^J^£L 
ma chère Auguste, et comme je serai deux ou (rois iy^i^, 
jours en tournée, je m'empresse de t'en prévenir; je 19 i»oS! tl 
vais visiter le champ de bataille d'Austerlitz et je 
profiterai de ce petitvoyage pour reconnaître le pays. 
Je serai dans trois jours de retour à Vienne, et de 
là j'irai à mon quartier général qui va ôtre fixé à 
Eisensladt près d'Œdenburg en Hongrie; toules mes 
troupes sont en mouvement pour prSndre leurs posi- 
tions de repos pendant le mois d'armistice. Presbourg 
est une assez jolie ville; on dit que la société y est 
fort aimable, mais je n'ai pas vu un chat et me suis 
même passablement ennuyé ces trois dernières soi* 



4* MÉMOIRES DU PI11NCE EUGÈNE 

réeâ. Hier soir, mardi, je pensais à nos petits jeux 
et je les regrettais fort. Croîs-tu que si j'avais osé, 
j'aurais fait une expédition avec mes messieurs. Il 
parait qu'à Eisensladl je serai fort bien ; on dit qu'il 
y a un parc superbe avec beaucoup de gibier; je vais 
chasser tous les matins, travailler après et penser à 
ma petite famille toute la journée. » 

Eugène « Me voici de retour de ma course, ma chère A u- 
4 reine?' guste, et je m'empresse de le donner de mes nouvelles, 
^juillet qui sont très-bonnes. Je suis venu passer trois ou 
quatre jours à Vienne pour voir l'Empereur, et je 
vais ensuite à mon quartier général de Hongrie. J'ai 
vu Louis (prince royal de Bavière) ce matin; il a 
beaucoup gagné depuis que je ne l'avais vu ; nous 
avons déjeuné ensemble chez l'Empereur; j'espère 
que nous nous verrons souvent pendant le -peu de 
jours que je resterai ici; tu t'imagines bien de qui 
nous avons parlé. Tu as été le sujet constant de nos 
entretiens, comme tu l'es toujours de mes pen- 
sées. La nouvelle des deux dents d'Eugénie m'a fait 
bien plaisir, tout nous fait présumer qu'elle fera aussi 
heureusementtoutes ses dents. Àllemagneesl venu me 
joindre à Brunn et m'a remis tous les courriers re- 
tardés à Udine. 11 y avait quatorze de tes lettres ! Tout 
- # ce que j'ai souffert à attendre a été bien compensé 
par le plaisir qffe j'ai eu de recevoir tant de bonnes 
et heureuses nouvelles de ma petite famille. Adieu, 
ma très-chère Auguste, j'espère que nous ne reste- 
rons plus absents aussi longtemps que nous l'avons 
déjà été. Je t'embrasse ainsi que mes deux petits 



LIV. XV. — 1809 — CORRESPONDANCE 49 

choux et vous aime de tout mon cœur. Ton fidèle 
époux et ami. Dis à M. de Brème que son fils va 
beaucoup mieux et que sous peu de jours il sera en 
état de faire le voyage de Milan; mes hommages aux 
dames de ta société. » 



« Mon fils, envoyez Tordre au général Baraguey- fap.»Eug. 
d'Hilliers de se rendre à Laybach et de prendre le î4 1 ^ ,el ' 
commandement de la Carniole, de PIstrie et de la 
province de Goritz, en prenant les mesures conve- 
nables pour faire évacuer l'Istrie par les Anglais, et 
faire occuper toutes les limites de l'armistice. Le 
général Rusca restera commandant de la province de 
Carinthie, et sera chargé de surveiller les mouve- 
ments du Tyrol. » 



« Je t'envoie Bataille avec cette lettre, ma bonne 
et très-chère Auguste. C'est sous peu ta fête, et j'es- 
père qu'elle arrivera juste au moment voulu. Je t'en- 
voie une bagatelle de Vienne, que j'ai trouvée jolie; 
je désire qu'elle te paraisse telle. Je ne te ferai pas, 
pour le 5 août, de nouvelles protestations de ten- 
dresse et d'attachement : ces sentiments sont les 
mêmes, et seront de tous les jours et de tous les 
temps. J'envoie des joujoux à mes petits anges; 
j'espère que Joséphine te fera son petit compliment 
et suis fâché de n'être pas là pour le lui apprendre. 
Je vois Louis tous les jours; je dîne même aujour- 
d'hui avec lui; je lui ai remis ce matin ta lettre et 
l'ai fort engagé à te répondre par Bataille; il me l'a 
promis. J'espère que la nouvelle de l'armistice aura 



Eugène 

a la vice 

reine. 

Vienne, 

20 juillet 

1809. 



VI. 



50 MÉMOIRES DU PRINCE EUGÈNE 

tranquillisé le royaume d'Italie; j'ai été bien peiné 
d'apprendre ces petites révoltes 1 . Nous nous apprê- 
tons à refaire la guerre, mais tout nous porte à croire 
que les choses s'arrangeront. J'ignore quand je pour- 
rai te revoir et te serrer dans mes bras; mais, tu 
sais, j'espère que ce moment, à quelle époque qu'il 
arrive, sera un grand bonheur pour moi. » 

i E ta 8 w£- <( J'adresse encore cette lettre par la Suisse, ma 

• 

v^Ïm, chère Auguste, mais ce sera la dernière, car je re- 
im H çois déjà des nouvelles de Villach et de Klagenfurlh, 
et l'armistice nettoie entièrement ces pays. Louis 
part aujourd'hui pour visiter nos derniers champs 
de bataille; il ira aussi à Austerlitz et à Raab. J'ai 
dîné hier avec Duroc et Bessières; il y avait cinq ans 
que nous n'avions pu réunir ce trio. Nous avons 
voulu ensuite nous promener en frac sur le rem- 
part, mais à peine sommes-nous arrivés qu'une 
grande foule nous a suivis, parce qu'on nous a re- 
connus; j'y avais déjà été les deux jours avant et j'a- 
vais joui du plus grand incognito; maintenant, tous 
les militaires qui nous saluaient nous ont démas- 
qués, et nous avons été pour nous venger entendre 
Topera italien : // ihatrimonio secreto. La musique 
en est toujours belle, mais les chanteurs ne sont pas 
bons. Je jouis toujours de la meilleure santé, et 
vais, sous bien peu de jours, rejoindre mon quar- 
tier général, qui n'est au reste qu'à douzelieues d'ici, 
a Je rouvre ma lettre pour te répondre sur la fête 

* Allusions à quelques (roubles dans les départements qui avoist- 
sinaient le Tyrol. 



LIV. XV. — 1809 — CORRESPONDANCE 5i 

de l'Empereur. Il faudra avoir un Te Deum dans la 
chapelle de la cour, grande audience après la messe, 
et, le soir, concert et grand cercle dans les grands 
appartements. » 

u Mon fils, vous devez avoir reçu 1,200,000^^,^; 
francs en billets de banque, de Vienne, pour payer l#,aoûl18W - 
deux ou trois mois de solde à votre corps d'armée. 
Faites-moi connaître si on les a payés. » 

« Mon fils, faites-moi connaître le lieu où sont sX&nbroM 
vos troupes, et envoyez-m'en l'état de situation au * ioût i8W - 
4" août. Je désire avoir de vous quatre rapports par 
jour : l'un de votre cavalerie légère de Raab; un de 
ce qui passe à Kormond ou à Gratz; un de Laybach, 
qui me fassent connaître le mouvement de l'ennemi 
et ce qu'il fait. » 



ne 
vice- 



« Ma bonne et très-chère Auguste, je renvoie en e^s* 

. à la vi 

Italie de Brème qui a besoin de repos pour se gué- ™|^ 
rir ; il m'a prié de lui donner une lettre pour toi, et* aoûl im 
' je le fais avec plaisir, puisque c'est une occasion de te 
parler de mes sentiments. - J'ai passé la journée 
d'hier à Schœnbrunn, ainsi que la soirée d'avant- 
hier. On y donnait une tragédie allemande qui nous a 
prodigieusement ennuyés. Fort heureusement qu'un 
joli petit ballet a terminé le spectacle. Ce soir je vais 
encore à Schœnbrunn, et l'on y donne un opéra italien 
de Weigl. L'Empereur est toujours bien aimable 
pour moi, et il m'a accordé un grand nombre de 
récompenses pour mon armée. On dit que lesplcni- 



52 MÉMOIRES DU PRINCE EUGÈNE 

potenliaires se verront demain ou après-demain, et 
on n'en sait pas davantage, ce que je sais bien, c'est 
que je t'aime de tout mon cœur. » 

Eugène « C'est aujourd'hui, le 3 août, le jour de ta fête, ma 

a la *ice- ,1,. . 

Y "«w. très-chère Auguste, et je pense avec regrets que je 
•oût ià». ne SU j S p as p r ès de toi pour te parler de mes senti- 
ments. Comme en ce moment tout ce qui est près 
de toi est heureux ! J'espère que Bataille aura eu 
l'esprit d'arriver aujourd'hui à Milan, tu me le réex- 
pédieras par la route d'Udine, parce qu'elle est sûre 
à présent. J'ai couché la nuit dernière àSchœnbrunn, 
car le spectacle a fini lard, et ce matin j'ai chassé 
avec le prince de Neufchâlel. Nous sommes rentrés 
pour la parade et pour déjeuner avec l'Empereur. 
Je suis revenu il y a peu d'heures de Schœnbruun, et 
je me suis baigné, car il fait une chaleur très-forte. 
Aubert vient de me dire que ton pied te faisait encore 
mal ; pourquoi ne me l'as-tu pas mandé? Si lu avais 
besoin d' Aubert, je t'en prie dis-le-moi, je te l'en- 
verrai bien vite. Adieu, ma bonne Auguste, j'aime à 
croire qu'au milieu des plaisirs du jour de ta fête, on 
aura un peu pensé à mes regrets. 

« Tu feras bien d'envoyer un écuyer avec une 
lettre pour l'Empereur; fais-le partir, le 10, de bonne 
heure, afin qu'il arrive, le 15 août, au matin à 
Schœnbrunn, pour la fête de Sa Majesté. » 

l'hâta- tt ^ e t'envoie encore un de mes courriers, ma 

vfeiSw, bonne Auguste, j'en profite pour l'expédition de 

e août la*. j )eauC0U p d'affaires d'Italie, j'espère que tout y est 



LIV. XV. — 1809 - CORRESPONDANCE 53 

tranquille en ce moment; les routes par Udine et 
Klagenfurth sont maintenant libres, et je te prie de 
donner les ordres au ministre des finances pour qu'on 
ne fasse pas passer les dépêches par la Suisse, mais 
bien par la route la plus directe. » 

4 

« Sire, Votre Majesté m'ordonne de lui envoyer Eug.àNap. 
l'état et remplacement de mon corps d'armée; j'ai ** »<>ôt \m 
l'honneur de le lui adresser. 

ce Votre Majesté désire également quatre rapports 
journaliers de Raab, Kormond, Gratz et Laybach, 
afin de connaître les mouvements de l'ennemi. J'ai 
l'honneur de prévenir Votre Majesté que j'ai fait par- 
tir des aides de camp pour ces divers points, afin 
d'avoir des renseignements précis ; il y en a un qui 
ira à Trieste, pour avoir des nouvelles de mer, et 
qui doit s'informer de ce qui se passe en Tyrol. J'ai, 

en outre, donné des ordres, dans le même sens, aux 

• 

différents généraux sur toute la ligne. J'espère, d'a- 
près ces mesures, être à même de pouvoir présenter 
à Votre Majesté un rapport résumé et journalier de 
Presbourg à Trieste. » 

« Mon fils, écrivez au général Lemarois et Caffa- Nap. à Eu g . 
rein par la première occasion que vous aurez de- 9ioûtiH». 
crire en Italie, pour qu'il ait à réunir tous les déta- 
chements de cavalerie appartenant aux différents 
régiments de l'armée, et à mettre tout cela en mar- 
che pour Vienne, que tous les jours je vous demande 
quand cette cavalerie arrive, et que je suis surtout 
mécontent qu'il ait retenu mes cuirassiers. » 



54 MÉMOIRES DU PRINCE EUGÈNE 

ft»p.àEiig. (( Mon fils, je donne ordre au roi de Naples de 

Schœnbrunn, * • * 

*eaoûtiK09. f a î re partir pour Bologne deux bataillons du 14* lé- 
ger, deux du 6* de ligne, deux du 101% un du régi- 
ment d'Isem bourg ou de celui de la Tour-d'Auver- 
gne, avec un escadron de cavalerie napolitain, ce 
qui fera 4,000 hommes que je mets sous les ordres 
du général Caffarelli, qui les portera partout où ils 
seraient nécessaires pour maintenir la tranquillité en 
Italie. Au moyen de celte disposition, le général Caf- 
farelli pourra diriger tous les détachements qui sont 
restés en Italie pour renforcer l'armée qui en a 
grand besoin. Envoyez-lui des ordres positifs par 
des officiers, car ces détachements éparpillés ne font 
rien en Italie, et achèvent de se perdre. » 

à&^Tct « Pino est rentré des prisons de Bohême, ma très- 
vËai c hère Auguste, tu pourras l'annoncera sa famille, 
WMûiita. j e voulais l'envoyer de suite à Milan, mais je préfère 
le laisser reposer deux ou trois jours, et je te l'en- 
verrai ensuite. Il pourra passer plusieurs semaines 
chez lui, d'autant plus que j'ai encore trois écuyers 
avec moi. Rien de nouveau ici, le moment de la fin 
de l'armistice approche, mais on ne croit pas à la 
guerre, quoique nous nous apprêtions toujours; la 
correspondance continue toujours entre les deux ca- 
binets. L'Empereur se porte bien, et travaille tou- 
jours beaucoup, suivant son habitude. Nous .nous pré- 
parons à fêter le 15 août; la garde donnera une belle 
fêle ce jour-là, et toute l'armée sera en gaieté. 

« Adieu, ma bonne Auguste, lu connais mes senti- 
ments pour ma petite famille, crois bien à leur ten- 



Ll V. XV. — 1809 — CORRESPONDANCE 55 

dresse, à leur sincérité, à leur durée; adieu, je te 
couvre de baisers ainsi que mes deux petites mar- 
mottes. » 

« Mon fils, donnez ordre que le fort de Malbor- ËfiJJSfc, 
ghetto soit rasé, et que les canons, magasins qui s'y M aoûllW9 - 
trouvent, soient portés à Klagenfurh, pour en ar- 
mer et approvisionner cette place. » 



« Nous approchons du 15 août, époque où Ton à E iï 8 T*«- 
croyait que je serais à Milan, et cependant il n'est pas vienne, 
du tout question de ce voyage; il faut donc, ma bonne 
et très-chère Auguste, s'armer de patience... Bien de 
nouveau ici, spectacle à Schœnbrunn tous les deux 
jours. J'arrive de la parade et vais retourner pour le 
diner de Sa Majesté; je pense que de suite après la 
fête de l'Empereur je ferai ma grande tournée pour 
visiter toutes mes divisions. Je me rapprocherai de 
toi peut-être de cent lieues; et cependant je serai en- 
core très-loin. J'attends Bataille avec impatience, il 
saura mieux que tous ces benêts, qui arrivent, me 
donner des détails sur ma bien-aimée petite fa- 
mille. » 

« Bataille est arrivé ce matin, ma très-chère Au- Eugène 

1 4 la Tice- 

guste, et comme j'envoie Lacroix ce soir en Italie ^jjjj£ 
pour affaire de service, je lui donne cette lettre pour 12 aoûl 1 * w * 
toi. Je te remercie des petits portraits de nos deux 
enfants... Bien encore de nouveau ici; nous nous 
préparons au Te Deum pour après-demain. Tu avais 
une excellente idée d'envoyer Annon à l'Empereur, 



56 MÉMOIRES DU PRINCE EUGÈNE 

je n'y avais pas songé; c'eût été fort convenable, 
mais je ferai promptement repartir Clérici. Je n'ai 
pas eu le temps de causer beaucoup avec Bataille, 
car il n'y a que deux heures que je suis de retour de 
Schœnbrunn, et. j'ai travaillé jusqu'à ce moment. Je 
vais le faire appeler, etc., etc. » 

Rap. à Eug. « Mon fils, je vous envoie une lettre de Turenne; 

i3a"ût™909. donnez des ordres en conséquence. Il est fâcheux 
qu'on fasse déjà des pertes sur les approvisionne- 
ments. Est-ce que vous ne suivez pas en Italie la 
méthode que l'on suit en France, de charger les 
gardes -magasins d'entretenir les approvisionne- 
ments moyennant tant? » 

N. P . à Eug. « Mon (ils, faites-moi connaître les nouvelles que 

Schœnbrunn, # * 1 r* rv • »»i r • 

14 «oût 1809. vous avez du général Rusca. Depuis qu il esta Lientz, 
je n'en ai pas entendu parler. » 

Eugène <( Clérici est arrivé à Vienne dans la nuit du 14, 
à reiaT" et a remis le 15 au matin ta lettre à l'Empereur, 
i6aôût°i809. qui a été sensible à ton attention. La fête s'est bien 
passée hier avec le plus grand éclat et le plus grand 
ordre. Je t'assure que Pavie et Milan n'étaient pas 
plus brillantes que Vienne : Te Deum, parade, feu 
d'artifice superbe, illumination, et un concours de 
monde très-considérable. J'ai diné chez Sa Majesté, 
qui avait parcouru en calèche les camps de sa garde 
pendant le repas; après, elle a mis un frac gris et 
s'est promenée à pied dans Vienne; nous avons été 
reconnus par très-peu de personnes. On assure que 
M. de Champagny part aujourd'hui pour Altenburg, 



LIV. XV. - 1809 — CORRESPONDANCE 57 

afin d'y commencer les conférences. Si les Autri- 
chiens ne veulent pas faire la paix, ils sont bien 
fous. Hier l'Empereur a fait des promotions sans 
nombre; voilà les principales : 

« Le maréchal Masséna est nommé prince d'Ess- 
ling, avec 500,000 francs de rente; 

« Le prince de Naufchâlel est nommé prince de 
Wagram, avec une belle dotation. 

« Le maréchal Davout est nommé prince d'Eck- 
muhl, avec dotation. 

« Six grands cordons de la Légion d'honneur : 

« Macdonald, Àndreossi, Grenier, Clarke, Ber- 
trand et Gudin. 

« Trois grands cordons d'Italie : 

« Lauriston, Lariboisière et Sorbier. 

« Les maréchaux Macdonald, Oudinot, le général 
Clarke, sont nommés ducs. 

« Il y a une grande quantité de comtes et de barons. 

«Charpentier, Grenier, Seras, Broussier, La- 
marque, d'Anlhouard, de l'armée d'Italie, sont nom- 
més comtes. 

« Triaire, Delacroix et Bataille sont nommés ba- 
rons, et tous avec une dotation plus ou moins forte. 

« Enfin, j'espère que voilà beaucoup de contents \ 

1 Voici à propos des nominations qui suivirent l'armistice de Znaïm, 
une anecdote dont nous garantissons l'authenticité. L'Empereur an- 
nonça à Eugène qu'il venait de faire deux maréchaux, lui laissant les 
noms à deviner. Eugène nomma Grenier. — Bah! lui dit l'Empereur, 
toujours ton armée de Sambre et Meuse, j'ai nommé Marmont. — Je 
souhaite, reprit Eugène, que Votre Majesté n'ait jamais à se repentir 
de ce choix. L'Empereur mécontent lui tourna le dos et rentra dans 
son cabinet. Eugène, en sortant, trouva dans le salon de service le 



58 BIÉMU1RES DU PBINCE EUGÈNE 

« Clérici m'a remis la leltre; elle a un peu trou- 
blé ma joie, ma chère Auguste. J'y ai vu des idées 
tristes, et je te jure que tu ne devrais pas en avoir. 
Crois-moi, compte sur notre étoile, qui est heureuse, 
sur notre conscience, qui sera toujours pure, sur la 
justice de l'Empereur, et sur les liens d'attachement 
qui nous unissent.» 

àWSS- « Clérici n'a pu encore partir, ma très-chère Àu- 
vfeïni, g uste î l'Empereur a été très-occupé tous ces jours- 
,8toût1809, ci, et en grande partie c'était pour faire des heu^ 
reux et distribuer des grâces. Sa Majesté vient de 
donner à Tascher 40,000 livres de renies. J'ai reçu 
ta lettre au sujet de madame V... M... Elle a pris 
le seul et unique moyen pour que je lui pardonne : 
c'était de faire demander sa grâce. Il faut pourtant 
lui dire de ma part que je ne lui pardonne que sous 
la condition qu'elle se prononcera hautement à no- 
tre égard, c'est-à-dire que, si elle veut continuer à 
être reçue à la cour, elle doit être franchement des 
nôtres; si, au contraire, elle conserve encore quel- 
que espoir d'un autre côté, ce serait vil et bas à elle 
de venir nous faire sa cour. Quant à S... M c'est une 
autre affaire : c'est positivemement un coquin ou 
une bêle de la première espèce, puisqu'il a déjà cru 
voir retourner les Autrichiens gouverner l'Italie de 
nouveau. Je lui fais l'honneur de ne pas le croire 

général Savary, auquel il raconta la scène qui venait de su passer. 
Le mot du vice-roi n'a pu être ignoré longtemps du duc de Raguse. 
Ce mot et l'affaire des 350,000 francs pris dans les mines d'Ydria, on 
conviendra qu'il y a bien là de quoi expliquer les vengeances posthumes 
d'un homme comme Marmont. 



LIY. XV. - 1809 — CORRESPONDANCE 59 

une bête, par conséquent c'est un coquin, et, cer- 
tes, je lui revaudrai tout cela. 

« Il est bien essentiel, pour notre tranquillité à 
Tenir, ma chère amie, que nous ne confondions pas 
les bons et les mauvais. Ces dernières circonstances 
nous facilitent de connaître beaucoup de gens; il faut 
donc non pas les forcer à nous aimer, mais les obli- 
ger à être citoyens et a désirer le repos de leur pays. 
Je t'engage donc à bien t'informcr de la conduite po- 
litique des personnes de notre société pendant la 
dernière crise, et tu m'obligeras d'en garder n&te, 
en m'en écrivant pourtant un mot. Vaccari est un 
des hommes auxquels tu peux le plus le fier dans 
cette occasion; mais pourtant il faut en entendre 
plusieurs. Vaccari, Caffarelli, Prina Caprara, ma- 
dame de Litta, sont des personnes sur lesquelles on 
peut compter, n'ayant cependant pas l'air de faire 
des questions. » 

« Mon fils, faites partir un aide de camp qui se sid&farra, 
rendra à Raab, jusqu'à Kormond et Gralz; il pren- 
dra, s'il est nécessaire, un détachement de 50 hom- 
mes de cavalerie légère. Il vous écrira tous les soirs 
pour vous faire connaître ce qu'il y a de nouveau 
sur la ligne ennemie, et les mouvements que l'en- 
nemi ferait. Réitérez l'ordre que vos régiments de 
cavalerie légère achètent des chevaux en Hongrie, 
où il y en a beaucoup. Ils ont beaucoup d'hommes 
au dépôt de cavalerie, il faut qu'ils achètent des 
chevaux et les envoient au dépôt, où on les mon- 
tera. Envoyez l'ordre à Trieste qu'avant le 1" sep- 



60 MÉMOIRES DU PRINCE EUGÈNE 

tembre il y ait 2 millions de versés à la caisse, à 
compte des contributions. Écrivez aussi pour presser 
les mouvements à Laybach et à Klagenfurth, afin 
que la solde de votre corps d'armée soit payée au 
1 er septembre. Vous m'avez remis une reconnais- 
sance de la M arc h, mais vous n'y avez pas joint de 
mémoire; cependant c'est le mémoire qu'il est im- 
portant d'avoir. » 

sSmibrain c< ^ on **' s » donnez l'ordre qu'on arrête à Venise 
moût!**. j e nomm é Cassini ; qu'on saisisse ses papiers, et que 

le séquestre soit mis sur ses biens. Vous l'enverrez à 
Fenestrelle, où il sera détenu. C'est un intrigant qui 
abuse du titre de conseiller de l'empereur de Russie 
pour fomenter des troubles. » 

àWfcL « Bonjour, ma très-chère Auguste. Je prévois que 

v£Tnê\ Clérici ne pourra pas partir avant trois ou quatre 

» août la». j ours# jj egt d' une timidité extrême ; il a vu deux ou 

trois fois l'Empereur, et il n'a jamais osé lui deman- 
der ses ordres. Nous avons fait hier une belle chasse 
à Luxembourg; j'y ai tué pas mal de gibier. Je compte 
aller ce soir me promener au Gratir, et comme Du- 
roc ne peut venir avec moi, je prendrai Bataille. Tu 
es bien sûre que tu seras en grande partie le sujet 
de notre entretien. Ma sœur m'a écrit; elle avait en- 
fin reçu mes lettres et ne me gronde plus. Elle doit 
rester encore quelques jours aux eaux, qui lui fai- 
saient du bien, etc., etc. » 

à ia vice- « Je prends le parti, ma bonne Auguste, de t'ex- 



LIV. XV. — 1809 — CORRESPONDANCE 61 

pédier Clérici, car, comme l'Empereur est très-oc- ^a^AW 
cupé, il pourrait attendre longtemps, et je pense 
qu'il est nécessaire en Italie, tant pour faire le ser- 
vice auprès de toi que pour veiller aux écuries. Tu 
comprends que je n'ai pas cru devoir parler moi- 
même à l'Empereur de la mission de Clérici, car 
cela aurait eu l'air de demander une lettre à Sa Ma- 
jesté, et je sais qu'elle est très-occupée. Depuis trois 
jours l'Empereur se plaignait un peu de rhume de 
cerveau; pourtant ce matin il allait beaucoup mieux et 
est venu à la parade. Je renvoie Pino, il a besoin de se 
reposer, et d'ailleurs j'ai assez d'écuyers. Je n'ai rien 
de nouveau à l'apprendre : on parle beaucoup de 
paix dans la ville, et on dit qu'au quartier général 
de l'empereur d'Autriche on parle guerre... Mais je 
suppose qu'ils ne tiennent ce langage que pour Taire 
la paix la moins mauvaise possible, car enfin nous 
tenons la moitié de leur empire, et ils ne pourraient 
jamais par la force nous obliger à quitter la position 
que nous occupons. » 

« Je t'envoie, ma bonne Auguste, la nomination à E ^«jjJJ. 
de la Légion d'honneur pour l'écuyer Pino , j 'ai pensé v "^ 
qu'il lui serait plus agréable de la recevoir de toi. £6aoûl1809 - 
J'ai reçu ta lettre relative aux dames du palais, je 
garderai la note que tu m'envoies et j'en parlerai à 
l'Empereur; mais ce n'est pas le moment à présent, 
parce qu'il est très-occupé; en attendant, je t'engage à 
continuer le service avec tes dames actuelles, et pour 
le 4 e trimestre, qui l'embarrasse, tu pourrais fort bien 
n'en mettre que deux de service pour cette fois; savoir: 



62 MÉMOIRES DU PRINCE EUGÈNE 

madame Trolti et madame Mocenigo. Le 1 er trimes- 
tre 1810, ce serait mesdames Gambarana, Frinlzi 
et Gradinizo; si cette dernière ne se portait pas bien, 
on ferait venir madame Colini ou madame Gara vierni, 
mais mon intention est positivement d'ôter le trai- 
tement à toutes celles qui ne feraient pas leur service 
à moins de maladie ou de raisons recevables; ainsi 
ordonne de ma part et par écrit à l'intendant général 
de ne plus payer mesdames Kercolani et Colini, si tu 
leur fais écrire et que tu ne trouves pas bonnes leurs 
excuses. Quanta la démission, ce n'est pas aussi néces- 
saire, elles peuvent conserver leur litre comme sur- 
numéraires cl sans faire de service, mais alors il est 
juste de donner le payement h celles qui le fout... 
Maintenant il ne me reste plus, pour répondre à tous 
les articles de ta lettre, qu'à te faire une mauvaise 
querelle sur ce que tu me dis. Gomment, lorsque tu 
auras du chagrin, tu me le cacheras et le garderas 
pour toi? Tu me connais bien peu, ma chère Au- 
guste, et tu rendrais bien peu de justice à mes senti- 
ments pour toi si tu me taisais tes peines; tu ne peux 
les confier pourtant à personne qui y prenne plus de 
part; je t'ai dit, il est vrai, que tu m'avais affligé; 
mais je l'étais de te savoir inquiète, je l'étais de le 
voir des idées tristes devant les yeux, et jose dire des 
idées qu'il était inutile d'avoir. Oui, ma bonne Au- 
guste, tu m'affligeras toujours quand je te saurai 
préoccupée, agitée pour un avenir qui ne peut être 
qu'heureux, puisque les présages, depuis notre union, 
sont bien favorables ; mais ce qui m'affligerait par- 
dessus tout, ce serait sans contredit de perdre ta con- 



LIV. XV. - 1809 -CORRESPONDANCE 63 

fiance. Éloigne donc de tes pensées les idées tristes, 
parce que tu n'en mérites pas et que n'as de raison que 
pour en avoir d'agréables, et si tu as quelquefois du ' 
chagrin, c'est toujours au cœur de ton époux, de ton 
ami, qu'il faut en appeler; lui seul n'a d'autre inté- 
rêt que le tien, lui seul te dira la vérité, et plus que 
tout cela, lui seul t'est tendrement et entièrement 
attaché. Adieu, ma bonne amie, ne prends pas ceci 
pour une leçon, je te prie, je t'ai ouvert mon cœur, 
parce que tu y liras toujours et ma tendresse et mon 
inviolable attachement pour toi.,» 

« Mon fils, ie vous envoie une lettre de Turenne, feMEng. 
mon intention est de tenir à Trente 8,000 hommes. ^aoûtiax». 
La colonne qui vient de Naples pourra en faire une 
partie; elle est de 5 à 6,000 hommes; mais il fau- 
drait tirer d'Italie 4,000 hommes. Faites-moi con- 
naître quels sont les corps qui restent en Italie, 
qu'on pourra compléter de manière à former celte 
colonne. » 

« Sire, j'ai reçu hier la lettre de Votre Majesté par *«« oû * J^ 
laquelle elle me fait connaître son intention de tenir 
à Trente 8,000 hommes. 

c< D'après les ordres que Votre Majesté m'avait 
fait l'honneur de m'adresser précédemment, elle 
avait fixé à près de 4,000 hommes les troupes à en- 
voyer à Trente, et j'avais écrit, dans ce sens, au gé- 
néral Caffarelli, en l'autorisant à garder en Italie 
les 3 e et 4 e bataillons des 5 e et 81 e de ligne français, 
et le 1 er et 2* du 3 e italien, formant un total de 2,000 



64 MÉMOIRES DU PRINCE EUGÈNE 

et quelques cents hommes, ce qui vient à la colonne 
qui vient de Naples me paraissant présenter une 
force suffisante pour remplir les intentions de Votre 
Majesté et avoir quelques colonnes disponibles ; 
mais, actuellement que Votre Majesté veut tenir à 
Trente 8,000 hommes, il est nécessaire de laisser au 
général Caffarelli un plus grand nombre de troupes. 
J'ignore ce qui existe, en ce moment, dans les dé- 
pôts, car d'après les ordres donnés, tout a été mis en 
mouvement pour rejoindre l'armée. La tête des co- 
lonnes a dépassé Osopo, on a môme, par suite de 
ces dispositions, retiré les troupes qui étaient à 
Trente, et j'apprends par les rapports d'aujourd'hui 
que cette mesure a beaucoup alarmé. 

« J'écris au général Caffarelli pour lui faire con- 
naître lesnouvjeaux ordres de Votre Majesté, et je lui 
prescris d'organiser une compagnie dans chaque 
dépôt, et d'en former des bataillons provisoires, et, si 
cela ne suffit pas, je l'autorise à garder jusqu'à con- 
currence de 2,000 hommes sur les dernières trou- 
pes à faire partir d'Italie pour rejoindre l'armée. 

« Ainsi le général Caffarelli aurait donc : 

« 1° Ce qui vient de Naples, et dont j'ignore la 
force ; 2° les 5 e , 21 e français, 3 e italien, à peu près 
2,200 hommes; 3° une compagnie d'infanterie par 
dépôt; 4° enfin 2,000 hommes à peu près en demi- 
brigade provisoire ; plus 4 à 500 chevaux qu'il est 
autorisé à organiser dans le dépôt de cavalerie. 

a D'après les ordres de Votre Majesté, les 4 M ba- 
taillons, qui étaient dans leFrioul, se rendent à leurs 
dépôts. Si elle avait des conscrits à y diriger, ils se- 



LIV. XV. - 1809- CORRESPONDANCE 05 

raient bientôt formés dans ces cadres, ce qui augmen- 
terait la force des disponibles. » 

« Mon fils, donnez le commandement de Venise à ^ n brunn, 
Barbou ou à tout autre général, et envoyez le gêné- * août iHW ' 
rai Vial commander le Tvrol italien. Vous lui don- 
nerez l'ordre de se porter sur-le-champ à Vérone 
pour former ses troupes. Aussitôt qu'il aura réuni 
4,000 hommes, 6 pièces de canon et 500 hommes 
de cavalerie, il se portera sur Trente et occupera 
Trente et Rovéredo. La colonne qui vient de Naples, 
dont plusieurs bataillons doivent être près de Bologne, 
entre autres les deux bataillons du 14 e léger, sera 
en réserve et en seconde ligne à Vérone, de sorte 
que le général Vial pourra avoir sous ses ordres 7 à 
8,000 hommes pour protéger tout le Tyrol italien. 
Il faut aussi s'occuper des places fortes : Palma-Nova, 
Osopo, Legnago, Peschiera, Mantoue, la Bocca 
d'Anfo et Venise, ne peuvent rester sans troupe. 
Faites-moi un rapport là-dessus. » 

« Sire, je reçois la lettre de Votre Majesté, de ce Eu £ e ^ c ap# 
jour, par laquelle elle me charge de donner le com- 30août1803 
mandement de Venise au général Barbou, et d'en- 
voyer le général Vial commander le Tyrol italien. 

« J'ai l'honneur de faire observer à Votre Majesté 
que le général Barbou a ordre de se rendre près du 
major général et à sa disposition, en sorte qu'il est 
en ce moment en route. Quant au général Vial, ses 
lettres de service pour le gouvernement de Venise 
lui défendent expressément de sortir de la place qui 

M. 5 



C6 MÉMOIRES DU l'HlNCK EliGÊSE 

lui est confiée, sous quelque prétexte que ce soit, el 
sans un ordre signé de Votre Majesté ou du ministre 
de la guerre. Il est donc nécessaire que Votre Ma- 
jesté ait la bonté de me donner Tordre signé d'elle 
pour ce changement de destination. 

« Ainsi que j'en ai rendu compte à Votre Majesté, 
j'ai fait connaître ses intentions au général CaffarelIP 
pour porter à 8,000 hommes la division destinée à 
occuper Trente el Rovéredo, et proléger le Tyrol ita- 
lien. 11 y aura trois à quatre colonnes mobiles prêtes 
à se porter partout où il sera nécessaire, car les diffé- 
rents dépôts seront placés dans les places fortes pour 
y former garnison. 

« J'évalue que le général Caffarelli aura 20,000 
hommes présents sous les armes; 7 à 8,000 sont 
destinés pour le Tyrol, el en supposant 2,000 hom- 
mes pour les colonnes mobiles, il aura 10,000 hom- 
mes de dépôt d'infanterie el de cavalerie pour les 
garnisons, non compris ce qui est aux hôpitaux. » 

« Je ne puis rien préciser, pour le moment, sur 
la garnison des places, n'ayant que la situation du 
20 juillet, mais j'ai demandé au général Caffarelli 
une nouvelle situation, afin de pouvoir mctlrc sous 
les yeux de Votre Majesté la force el remplacement 
de ses troupes en Italie. 

i ugùue « Je le remercie mille fois, ma Irès-chere Auguste, 
reine, j'ai vu hier Ànnoni. Je rentrais ici à huit heures du 

4 f °nw! hrc so ' r > bien fatigua de la chaleur de la journée et des 
heures que j'avais passées, ne songeant pas du tout 
que j'avais déjà vingl-huit ans, el à peine descendu 



LIV. XV. - 180«j — COlUttSrONDANCE 07 

dans mon logement, on m'annonce Annoni. Juge de 
mon bonheur quand il m'a remis el la lettre et ton 
charmant cadeau; tu ne peux l'imaginer tout le plai- 
sir qu'il me Tait : l'idée est charmante, les portraits 
sont ressemblants, surtout celui de Joséphine; enfin, 
loul cela est admirable. J'emporterai toujours par- 
tout ce joli tableau, il me retracera, chaque fois que 
je le lixerai, le bonheur dont je jouis par ma petite 
famille. Je vais tout à l'heure monter à cheval, l'Em- 
pereur m'a chargé de passer encore quelques re- 
vues. J'envois Annoni à Vienne, où je serai ce soir 
tard, et je le garderai quelques jours pour pouvoir 
causer de toi tout à mon aise. 

« Bonjour, ma bonne amie, je n'ai pas de temps 
pour t'exprimer combien je suis touché de ton at- 
tention, et combien tu me rends heureux. Adieu, ma 
chère Auguste, tu mérites bien et tu possèdes bien 
toute la tendresse de ton fidèle époux el ami. » 

« Mon fils, il est nécessaire que voift fassiez partir N , ip . * tug . 
dans la nuit le général dWnthouard pour visiter les li^embre 
places de Gratz et de Laybach, le fort de 'Prieste et 18 °° 
celui de Jilagenfurth. H vous adressera un rapport 
détaillé sur chacune de ces places. Il verra par lui- 
même et recueillera tous les renseignements néces- 
saires pour satisfaire aux questions suivantes: Gratz 
esl-elle à l'abri d'un coup de main? Quel en est le 
commandant? Y a-t-il un commandant en second, 
et quel est-il? Quel est le commandant du génie? 
Quel est le commandant de l'artillerie? Combien y 
a-t-il de pièces en batterie? Quel est leur approvi- 



68 ' MÉMOIRES DU PRINCE EUGÈNE 

sionnemcnt? L'artillerie a-t-elle ses sacs à terre, ses 
gabions et saucissons d'approvisionnement? Il doit 
donner des ordres pour que sans délai on ramasse 
du bois, on fasse des gabions et on l'approvisionne 
pour soutenir lin siège. Quelle est la garnison néces- 
saire? Pour combien <lc temps a-t-on des vivres? Ces 
vivres sont-ils dans des magasins blindés ou non? 
S'ils ne sont pas dans des magasins à l'abri de la 
bombe, le général d'Anthouard doit ordonner qu'on 
fasse sur-le-champ les blindages nécessaires à Gratz. 
Il en causera avec le général Macdonald, qui prendra 
foutes les mesures nécessaires pour que cette cita- 
delle soit au 12 septembre mise en état de soutenir 
un siège. 

« II lui faut surtout un bon commandant; d'ail- 
leurs la garnison se trouvera augmentée de tous les 
écloppés et convalescents des corps. Lorsqu'il aura 
bien visité et assuré la défense de Gratz, et qu'il vous 
en aura rendu compte en détail, il fera la mémo 
opération à Lavbach, àTrieste et à Klagenfurlh. Cette 
dernière place doit être en bon état de défense, ap- 
provisionnée pour quatre ou cinq mois, car il faut 
songer que ces garnisons sont toujours plus considé- 
rables qu'on ne le croit, parce que les convalescents 
et les écloppés s'y jettent au dernier moment. En par- 
courant la ligne, le général d'Anthouard prendra des 
informations partout sur les positions qu'occupent 
l'ennemi, et vous enverra un rapport de tous les en- 
droits où il apprendra quelque chose. Quant au fort 
de Sachsenburg, je laisse le général Rusca maître 
de le démolir, en faisant transporter l'artillerie à 



LIV. XV. — 1809 — CORRESPONDANCE 09 

Klagenfurth. Le général d'Anthouard fera préparer 
à Klagenfurth beaucoup d'hôpitaux, afin que tous les 
hôpitaux de la ligne, depuis l'Italie jusqu'à Klagen- 
furth, et tous ceux depuis Œdenburg jusqu'à cette 
même ' ville , puissent venir se jeter, dans cette 
place. » , 

a Mon fils, vous trouverez ci-joint un état qu'on n;p- * Eu *- 

1 • J Schœnbrunn, 

m'a fait des troupes qui doivent arriver d'Italie. 7,e 1 B5? hw 
Faites-moi connaître les différences en plus et en . 

moins qu'il doit y avoir d'après les renseignements 
que vous avez, et les derniers ordres qui ont été 
donnés au général Caffarelli de garder du monde dans 
leTyrol. » 

« Je suis revenu cette nuit de passer des revues de Eugène 

* à la Tice- 

cavalerie, j'ai commandé hier trente escadrons de- Y ^JJ; 
vant l'Empereur, je me porte fort bien, et pense sou- ^fiw!** 
vent à toi, et ne te figure pas que ces revues veuil- 
lent dire quelque chose, tu dois savoir que les plus 
grands préparatifs de guerre ne sont souvent que les 
précurseurs de la paix. » 

« Mon (ils, donnez le commandement de la divi- Na P . àE Ug . 
sion de dragons du général Pully au général de bri- « septembre 
gade Broc. » 

« Mon fils, des bataillons des régiments de la Tour- K ap .àEug. 
d'Auvergne et d'Isembourg se rendent en Italie. Il est î* tapote 



nécessaire que ces bataillons restent à Bologne ou à 
Ferrare, et qu'ils soient employés à dissiper les ras- 



ipien 

m. 



70 MEMOIRES DU PRINCE EUGÈNE 

semblements dans celle partie de l'Italie; mais mon 
intention est qu'ils ne passent pas l'Adige pour se 
rapprocher deTAIlcmagne, parce qu'étant composés 
d'Allemands, ils déserteront tous. Tenez la main 
à cela. » 

fiïvi»- Annoni ie dira, j'espère, ma bonne Augusle, que 
v^iTnc, nous avons beaucoup parlé de loi, et que je pense 
"JJSST re sans cesse au bonheur de me retrouver dans tes bras; 
ce bonheur est remis, suivant les apparences, au mois 
prochain, car tout me fait présumer que tout ici sera 
terminé avant le 1" novembre. (Ceci pour toi seule.) 
Je pars encore après-demain matin pour Hollabrunn, 
où l'Empereur m'a chargé de revues de cavalerie; 
je ne serai absenl que deux jours. L'Empereur a aug- 
menté mon corps d'armée de 4 régiments de ca- 
valerie légère, faisant 5,000 chevaux ; cette divi- 
sion est superbe, et j'aurai de cette manière plus de 
0,000 hommes de cavalerie sous mes ordres. Adieu, 
ma bonne et tendre amie; nos préparatifs de guerre 
sont grands, et cependant tu peux en toute sûreté 
croire à une prochaine paix... Adieu, un souvenir 
aimable à les dames. » 

Fur. à Nap. « jjj re ;» a j Phonneur de rendre compte à Yolrc 

Vienne, ' * * 

20 'îfiiS? ,bre Majesté que, sur un précédent avis que je mesuis em- 
pressé de lui communiquer au sujet des bandes d'in- 
surgés dqMuzzurchlag, elle a bien voulu me donner 
ses ordres pour les faire dissiper. En conséquence, 
il a élé mis en mouvement une colonne de 600 hom- 
mes pour lYxéculion des ordres de Voire Majesté. 



LIV. XV. — 1800 - CORRESPONDANCE 71 

Je puis donc assurer à Votre Majesté qu'elle peut être 
tranquille sur ce point de la lellrc du général de bri- 
gade Roise qu'elle a bien voulu me rcnvpyer. » 

« Sire, j'ai écrit, il y a deux jours, au prince de n \M * a i*- 
Ncufchâlèl pour le prier de demander l'autorisation ,:i ^g;;j ,,,,,v 
à Voire Majesté déplacer une première ligne sur la 
Raab, la division de cavalerie du général Quesnet que 
Vôtre Majcslé veut bien mettre sous mes ordres. Au- 
jourd'hui que le général Pully vient de quitter sa di- 
vision de dragons pour se rendre en France, je re- 
nouvelle à Votre Majesté la demande de placer la 
cavalerie légère sur la llaab, et j'ai l'honneur de lui 
proposer de réunir les trois régiments du général 
Pully sous les ordres du général Grouchy, qui, de 
cette manière, aurait dans la division régiments de 
dragons. Je prie Votre Majesté de me faire con- 
naître si elle approuve ce changement. » 

« Jesuis revenu hier au soir fort lard, ma bonne Au- â r jJ| c JgJ!ÎL 
guste, cl repars après-demain matin pour Œdenbnrg. vienne, 
y a encore des pans a Vienne pour la paix ou ihi<>. 
la guerre; je persiste à croire à la première, parce que 
je sais que l'Empereur la désire. Ma santé est tou- 
jours bonne, grâce à mon mouvement perpétuel... 
J'ai à voir Lauriston; nous parlerons un peu de l'ila- 
lic et beaucoup de toi. » 

« Sire, j'ai l'honneur d'adresser à Votre Majesté Eug.aNap. 
deux rapports que j ai reçus, nier soir, de mon aide « *JK£ n,,,p 
de camp le général d'Anlhouard, sur les deux places 



72 MEMOIRES DU PiUNCE EUGÈNE 

de Gratz et de Laybach. J'écris au général Baraguey- 
d'Hilliers pour le presser de faire fournir les sacs à 
terre- qui pourraient manquer, ainsi que tous les 
objets d'hôpitaux. Quant à l'officier du génie, j'avais 
déjà ordonné qu'il en fût envoyé un provisoirement, 
et j'ai déjà prié le général Bertrand d'en diriger un à 
poste fixe pour chacun dés forts des places que Votre 
Majesté conserve. » 

Eu &ni? p ' <l ^ re > i a * 'donneur d'adresser à Votre Majesté 
17 *îSoH mbro mon rapport sur la 2* division de cuirassiers qu'elle a 
bien voulu me charger d'inspecter. Les revues que 
j'ai été à même de passer m'ont persuadé qu'il était 
instant que Votre Majesté mit un frein à la mauvaise 
administration des corps, particulièrement en ce qui 
concerne le soldat. Votre Majesté aura peine à croire 
que, dans des corps, on ait encore à payer la gratifi- 
cation que Votre Majesté avait accordée aux soldats en 
Pologne, et que, dans plusieurs , on dbit encore l'ar- 
gent que Votre Majesté avait accordé pour le jour de 
sa fête dernière. Celte administration peu paternelle, 
et ces vexations envers le soldat doivent lui ôter tout 
esprit militaire et le dégoûter du métier. L'intérêt 
seul de Votre Majesté m'oblige de mettre ces abus 
sous ses yeux, et, s'il m'était permis de lui en propo- 
ser le remède, ce serait de rendre les généraux de 
tout grade, et quels qu'ils fussent, responsables de 
l'exécution des règlements en faveur du soldat, sous 
peine de destitution. Ainsi le général doit obliger le 
colonel à payer la solde du soldat lorsque le corps l'a 
touchée; ainsi le général doit obliger le colonel à 



LIV. XV. — 1809 - CORRESPONDANCE 73 

donner une culotte au soldat, lorsqu'elle lui est due, 
et si, par des circonstances extraordinaires, le colo- 
nel ne pouvait exécuter les ordres du général pour ce 
qui concerne l'habillement, une lettre officielle de- 
vrait être écrite par le conseil d'administration au 
général, qui devrait avoir le droit de correspondre 
avec le ministre directeur pour s'assurer de la vérilé 
de l'impossibilité de fournir aux soldats ce que le 
règlement leur accorde; pour ne point multiplier la 
correspondance des généraux avec le minisire direc- 
teur, on pourrait la faire passer par les chefs d'état- 
major du corps d'armée. » 



vice- 



CC Je vais partir dans deux heures pour Œden- à E ^| 
burg, ma très-chère Auguste; l'Empereur ne re- v "^ 
vient que demain, et je serai de retour le 20. Je i8 s î8w mbre 
crois que la semaine prochaine l'Empereur viendra 
visiter mes troupes, et je veux faire en sorte qu'il 
soit content d'elles. Le temps refroidit prodigieuse- 
ment. J'espère cependant qu'avant le grand froid je 
serai à Milan; s'il en était autrement, il faudrait bien 
s'y résoudre; mais j'en parle gaiement, parce que je 
ne pense pas que les cartes se brouillent davantage. 
Les deux Empereurs, se sont écrit réciproquement 
ces jours derniers, et on assure que tous deux veu- 
lent la paix, et que les difficultés sur quelques arti- 
cles seront levées sous peu ; pourtant je ne veux 
pas trop tôt te donner la certitude de nous em- 
brasser, cela peut durer encore un mois comme 
deux; mais tu peux être parfaitement tranquille 
quant à la guerre; nous sommes actuellement beau- 



tl^ 



u mémoires du piuîsce euuene 

coup (rop forts, el l'Autriche csl dans un étal pi- 
toyable. Sa Majesté vient de prendre de nouvelles 
mesures contre le Tyrol; il paraît que les neiges 
vont en faire raison, paçcc qu'elles les obligeront 
à quitter leurs montagnes. Mes derniers r.ipporls 
m'annoncent qu'ils sont sans vivres, sans armes, sans 
munitions, et que la plus grande anarchie règne 
parmi eux. J'ai vu hier beaucoup de Bavarois qui 
reviennent du fond de la Hongrie, où ils avaient été 
emmenés prisonniers ; il* sont venus me voir, et il 
se trouvait parmi eux M...; il se porte bien, cl part 
demain pour Munich : tu peux le dire à sa sœur. Si 
lu passes quelques semaines à Monza, j'espère que (u 
feras venir quelques dames de ta société pour passer 
deux à trois jours; cela égayera, et d'ailleurs lu ap- 
prendras un peu à les connaître, ce qui est néces- 
saire, car enfin faut-il savoir avec qui l'on vil. 
Adieu, ma chère Auguste, je t'embrasse comme je 
t'aime, c'est-à-dire bien tendrement. 

à E iï g »i n cc- c< ^ a très-chère Auguste... J'ai fait ce malin la 
vtenni, p' l,s belle chasse que j'aie vue de ma vie : nous étions 
20 f îSu9? bPe six, dont Irois maladroits, et nous avons tué 54 fai- 
sans et 22 sangliers. Tour njon compte, j'ai tué 
23 faisans et 6 sangliers. J'ai été hier fort content 
de mes troupes... J'ai une foule de lellres à lire, et 
je n'en ai encore ouvert que deux ; lu te doutes bien 
lesquelles Adieu donc. » 

F,, \ p ^nm'! p ' « Sire, j'ai l'honneur d'exposer à Votre Majesté 
"^ïs^ m,iro que, pour IVxéculion des ordres qu'elle veut bien 



LIV. XV. — 1809 - CORRESPONDANCE 75 

me donner ou pour tout ce qui peut concerner la 
promptitude et Je bien de son service, je suis jour- 
. nettement obligé d'expédier des officiers ou des 
courriers, soit en Italie, soit dans les différentes pro- 
vinces occupées par les troupes de Votre Majesté et 
dont elle a bien voulu me confier le commande- 
ment. Il est encore d'autres objets de dépense, tels 
que agents, dépenses secrètes, etc. J'y ai fait face 
jusqu'à' ce moment au moyen de 100,000 florins 
que j'avais pris sur les premiers fonds accordés, à 
l'armée d'Italie. Aujourd'hui que je n'ai plus au- 
cuns fonds, je prie Votre Majesté de m'accorder une 
somme de 50,000 florins pour continuer à acquit- 
ter ces dépenses. » 

«Je n'ai pu t'écrire hier, ma chère Auguste, jMpno 

1 " a la vicr- 

comme j'en avais le projet, car nous sommes restés Y ™™ 
achevai presque toute la journée. L'Empereur a a *fg ) e ) n,l,rc 
fait manœuvrer sa garde, et il m'avait chargé de sa 
cavalerie. Nous avons fait pendant plusieurs heures 
une espèce de petite guerre. Le soir j'étais un peu 
fatigué, mais il n'y parait plus. Je n'ai rien de nou- - 
veau 5 t'apprendre; le. temps commence à se refroi- 
dir, et j'espère toujours que nous ne verrons pas la 
neige à Vienne. 

« J'ai reçu avant-hier une lettre de l'Impératrice; 
elle me dit l'avoir écrit la veille; elle paraît contente 
de sa santé, et ma sœur me mande aussi de Plom- 
bières que les eaux lui ont fait du bien. J'ai vu ce 
malin à la parade le jeune prince do Darmsladt, et je 
lui ai fait tes complimenîs: il m'a bien prié de le 



76 MÉMOIRES DU PRINCE EUGÈNE 

mettre $ tes pieds. Je crois t'avoir mandé que le 
jour de la fête de l'Empereur il a fait une chute de 
cheval qui Ta force de garder le lit une vingtaine 
de jours; mais il va fort bien actuellement... Adieu, 
ma bonne Auguste; pensons au plaisir de nous re- 
voir, cela console de l'absence, surtout quand on 
pense que ce plaisir ne peut plus être beaucoup re- 
tardé. » 

uï^iie- «Je* t'écris aujourd'hui de Schœnbrunn, ma 
schœnbîinn, bonne Auguste ; j'y suis venu de bonne heure, parce 
IKT 1 que après la parade l'Empereur a chassé, et ce soir 
il y aura théâtre. Sa Majesté se porte fort bien, et 
moi à merveille. Ces deux journées-ci ont été assez 
belles; on parle de quelques courses dans les envi- 
rons, et puis viendront les grands voyages qui rap- 
procheront l'Empereur de Paris et me ramèneront 
dans tes bras. Ce jour-là sera sûrement un des plus 
heureux de ma vie, car il est bien désiré. » 

sïhœnbronn, « Mon fils, donnez les ordres les plus précis par 
^'ÎSoS^ un officier de votre étal-major pour que 22,000 fu- 
sils, 1,000 sabres, 1,900 gibernes, etc., qui sont 
à Tri es te, soient sans délais évacués sur Palmanova. 
Sous sa responsabilité el sous celle du général Schilt, 
ces armes doivent être parties de Trieste avant le 5, 
et entrées à Palmanova avant le 10 octobre. » 

F " g i'e«ne? p ' « Sire, je reçois en ce moment l'estafette de Mi- 
26 X rabre lan du 22. Elle ne m'a point encore apporté de let- 
tres du ministre de la guerre. J'apprends pourtant 



LIV. XV. - 1809 — CORRESPONDAIS 77 

de Milan, Brescia, Bologne et Venise que ces diffé- 
rents pays jouissent d'une grande tranquillité. Le 
seul département du Bas-Pô continue à être infesté 
des bandes de mécontents qui exercent le brigan- 
dage dans la campagne, et qui inquiètent beaucoup 
les gens paisibles du département. 

« On a remarqué aussi quelque agitation dans les 
montagnes de Modène ainsi que dans celles d'Àscoli. 
Je joins à la présente un des derniers imprimés qui 
vient de paraître en Tyrol. Cet écrit fait assez con- 
naître l'espèce de gens qui est à la tête du pays. 

« Je m'empresse de te donner de bonnes nouvel- *"*$"£. 
les, ma chère Auguste. Trois généraux autrichiens vSi, 
sont arrivés hier à Schœnbrunn pour terminer enfin w ^SoT 1 " 
toute discussion. 

a Le prince Jean Lichtenstein est l'un des trois; 
c'est lui qui avait pris le commandement après la 
disgrâce du prince Charles. Il est certain que tout 
va s'arranger très-promptement. Je te répète ce que 
je t'avais déjà dit; le mois d'octobre ne se passera pas 
sans que j'aie le bonheur de t'embrasser. L'Empe- 
reur partira pour Paris dès que la paix sera signée, et 
j'espère bien que ce ne sera pas moi qui resterai ici 
pour l'exécution des articles. Si la saison n'est pas 
trop mauvaise, reste à Monza, parce que je serai bien 
aise d'y passer quelques jours. Je t'envoie par le 
courrier d'aujourd'hui des joujoux pour nos petits 
choux, embrasse-les toutes deux de la part de leur 
bon papa, et reçois l'assurance de ma vive ten- 
dresse. » 



78 MÉMOIRES DU IMUiNCE EUtiÈNE 

à E b K vi U cc- cc ^' en do n <> uveau depuis deux jours, ma très- 
v^ITdc, chère Auguste, l'Empereur continue ses conférences 
'" \m hn avec les généraux aulricliicns , et je continue à 
penser que cela finira bientôt. 

« Ensuite viendront les départs, et je me mettrai 
en route aussitôt que possible, car je mettrai malgré 
moi quelque temps en voyage. 11 faudra placer mes 
troupes dans les nouvelles positions, pourvoir pour 
le premier moment à l'administration d'un nouveau 
pays. Mais tu peux bien croire pourtant que, si jamais 
j'aurai pressé une besogne, ce sera celle-là. J'ai fait 
hier une chasse superbe de lièvres et de perdrix avec 
le prince de Neufchâtel à Luxembourg... Je con- 
serve toujours l'espérance que je ferai la Saint-Hu- 
bert à Monza. Je t'ai acheté des perles, aussi des 
joujoux grands et petits pour nous et nos enfants, 
et je compte encore te faire l'emplette d'un bon 
piano. 

« M'occuper de loi, c'est le délassement de toutes 
mes journées, comme l'aimer est le bonheur de 
toute ma vie. » 

• 

Eue. à Xiip. « Si r e j'ai l'honneur de mettre sous les veux de 

Vieillir. ' • J 

i ïw» l ! rB ^ alrc Majesté que, d'après son décret d'organisation 
des gardes d'honneur du royaume d Italie, il a été 
admis dans ce corps des jeunes gens qui, satisfaisant 
pleinement à toutes les conditions pour l'admission, 
étaient cependant portés sur la liste de conscription 
du Piémont. 11 arrive de là que, chaque année, il y a 
des réclamations pour un ou deux sujets qui sont re- 
demandés par leurs préfectures. D'après cet incon- 



LIV. XV. — 1800 - CORUESPONDANCE 



«i- 



7i> 



vénienl, il n'en est plus reçu ; mais il en existe, en 
ce moment, onze qui sont ici à l'armée, ayant fait 
la campagne, quelques-uns sont gradés dans le 
corps; il y en a qui ont jusqu'à trois ans de services, 
et le décret de Votre Majesté porte qu'au bout de 
deux ans ils auront rang de sous-lieutenant. Voire 
Majesté daignerait-elle les admettre comme sous- 
lieutenants dans l'armée française, ou permettre 
qu'ils continuent à servir sous les drapeaux de Votre 
Majesté dans son armée italienne? Je joins ici le 
contrôle nominatif de ces jeunes gens. » 



« Tout allait fort bien, on avait déjà même fait 
partir des détachements de la garde sur la roule de 
Munich ; mais je crois que les plénipotentiaires au- 
trichiens ont nouvellement mis de la mauvaise foi, et 
on a fait tout revenir. .Cependant ce soir on s'était 
rapproché, cl on assure de nouveau que la paix sera 
signée sous deux jours. Ainsi dans quarante-huit heu- 
res je pourrai te mander du positif, et probablement 
pourrai-jc déjà penser à mon départ. Je ne le parle pas 
de penser à toi, puisque cela est de tous les instants 
de ma vie. J'ai fait ces jours-ci quelques cmpleltes, 
chevaux, pianos, gravures, porcelaines, je le donne- 
rai de ces dernières, qui te feront bien plaisir. » 



Eugène 
à la ticc- 

reine. 

Vienne, 

G octobre 

1800. 



Eugvnc 

& lu vici» 

reine, 

Vicnn*», 



c< L'Empereur est de très-bonne humeur, ma chère 
Auguste, et tout donne à penser que sous très-peu de 
jours la paix sera signée; la cavalerie a déjà fait se- * Î55!»* 1 "* 
crclemcnt quelques mouvements vers la France, cela 
ne tardera pas à être reconnu. J'ai eu aujourd'hui 



9 



' KO MÉMOIRES DU PRINCE EUGÈNE 

beaucoup à travailler et ai encore pas mal de beso- 
' gne pour demain ; tout cela me fait plaisir, puisque 

cela accélère le moment de te rejoindre. 

« Adieu, ma tendre x\uguste, je t'embrasse ainsi 
que nos enfants. » 

h u â è y\ce- (< ■k comptais faire partir ce soir Fortis, ma bonne 
(?»» date.) Auguste, mais je n'ai pas encore fini le travail qu'il 
aà porter. L'Empereur m'a déjà signé une vinglaine 
de décrets; tu peux déjà faire tes compliments à 
Prina, Veneri, Bovera (ministres), Condalmer, ilssont 
nommés sénateurs. 

« Le sénateur de Brème est grand-cordon dllalie 
ainsi que le ministre du culte. Yaccari est ministre 
de l'intérieur; voilà mes premières nouvelles, quant 
à la paix, elle est toujours en bon train; mais ces Au- 
trichiens font chaque jour des nouvelles difficultés. 
On a donné cette nuit dans toute l'armée l'ordre de 
se préparer à rentrer en campagne; mais, entre nous 
soit dit, c'est pour leur faire peur et hâter la paix. 
Adieu. 

« Dis àMelzi, de ma part, que j'ai fait nommer 
Cléi ici comte; dis aussi à Annoni que Sa Majesté l'a 
nommé comte; Yaccari, Bentivoglio, Erba, Friulzi 
(le chambellan); Guerini (chambellan), Faznani, etc., 
sont comtes; Carsolti, Cicozna, Pino, Medici, Fos- 
sati, etc., sont barons. Demain j'enverrai tous les 
décrets. » 

Eu &nn N e?' c< Sire, je m'empresse de rendre compte à Votre Ma- 
9 Î509 bre jeslé que le général Peyri, après être entré à Trente de 



L1V. XV. — 1809 — CORRESPONDANCE 81 

vive force, le 29 septembre, s'est porté, avec 4,000 
hommes, sur le Lavis, où l'ennemi s'était réfugié en 
force avec 5 à 6,000 hommes. Le 2 octobre, le gé- 
néral a attaqué ces insurgés dans leur position, les en 
a débusqués, et les a mis dans une déroute complète. 
Plus de 200 ont élé tués, et 1 50 environ faits pri- 
sonniers; ils ont laissé, en outre, sur le champ de 
bataille, une grande quantité de fusils. Le général 
Peyri a repris, le lendemain, la position en deçà de 
Lavis, parce qu'il n'a point d'ordre d'avancer au delà; 
mais il a laissé des détachements de l'autre côté pour 
observer et garder les positions. Aussitôt que les dé- 
tails de cette affaire me seront parvenus, je m'em- 
presserai de les mettre sous les yeux de Votre 
Majesté. » 

« Je m'empresse d'annoncer à Votre Altesse que, e«^m 
sur les dernières nouvelles qui me sont parvenues «^fciiâtei, 
du débarquement en Istrie, par les Anglais, d'une 10 ^ bre 
cinquantaine de brigands, et de nouvelles fermenta- 
tions ayant éclaté dans ce département, j'ai écrit sur- 
k le-champ au général Baraguey-d'Hilliers pour lui 
ordonner d'y envoyer une colonne mobile de 5 à 
600 hommes, à la tête de laquelle il mettra un offi- 
cier intelligent. La garnison de Trieste pourra facile- 
ment fournir cette colonne, puisqu'elle est composée, 
en ce moment, du 3 e bataillon du 22" léger et des 
3 e et 4 e bataillons du 79 e de ligne. Je prie votre Altesse 
de vouloir bien en rendre compte à Sa Majesté et 
d'agréer, etc. » 

M. 6 



p 



82 MÉMOIRES DU PRINCE EUGÈNE 

Ei^.àNap. « Sire, la .position dans laquelle s'est trouvée en 

4i im bre ' la ^ e l ,arm ^ e de Voire Majesté lors de la déclaration 
de guerre par l'Autriche a obligé de prendre les 
mesures les plus promptes pour assurer les subsis- 
tances en tout genre, vu que les administrations de 
l'armée n'avaient aucuns moyens à cet égard. En 
conséquence les communes ont fourni, par réquisi- 
tion, sauf payement. Votre Majesté sera facilement con- 
vaincue que, vu la presse et vu l'ignorance des formes 
administratives de la part des communes, la livrai- 
son de ces denrées a eu lieu, peut-être même en sur- 
abondance ; les pièces à l'appui seront généralement 
irrégulières, c'est-à-dire dépourvues en partie des 
formes d'obligation. Il s'ensuivrait donc que, dans 
le travail de liquidation, on rejetterait les pièces in- 
complètes, et que les particuliers ou propriétaires des 
villes et des campagnes seraient ruinés. Pour remé- 
dier à ces inconvénients, pour assurer les intérêts du 
trésor impérial, mais cependant pour venir au secours 
des communes du royaume qui ont nourri l'armée, 
j'ai l'honneur de proposer à Votre Majesté le projet 
de décret ci-joint. Par ce décret, on stipulera ce qui 
peut être dû, en massé^pour les subsistances de l'ar- 
mée; le trésor impérial en tiendra' compte au gou- 
vernement italien, et celui-ci se chargera du travail 
de répartition aux communes, répartition qui peut 
alors être faite avec équité, quoique les documents 
régulateurs soient incomplets. J'aurai de plus l'hon- 
neur de faire observer à Votre Majfesté que c'est le 
seul moyen d'assurer aux communes le juste rem- 
boursement de leurs avances, et d'empêcher les 



LIV. XV. — 1809 — CORRESPONDANCE 85 

entrepreneurs et faiseurs d'affaires d'acheter les 
créances à vil prix et *de faire leur fortune au dé- 
triment des communes, qui, dans la crainte de ne 
rien avoir, et dans l'ignorance des formules admi- 
nistratives, abandonneront leurs droits à quelques 
intrigants. » 

«Je m'empresse de t' annoncer, ma bonne et très- Eugène 
chère Auguste, que la paix vient d'être signée il y a rçu*. 
deux heures; je l'en écrirai plus long par le premier u 4 ( £g bre 
courrier, car j'ai à écrire cette heureuse nouvelle 
dans beaucoup d'endroits. Tout à toi. » 

« Sire, j'ai l'honneur de soumettre à Votre Ma- Eug.àNip. 
jesté un état de proposition pour la Légion d'hon- « ^ rc 
neur et pour la Couronne de fer. J'avais eu l'espoir 
que Votre Majesté passerait en revue mon corps 
d'armée et qu'elle daignerait alors accorder ces fa- 
veurs, d'autant que la plus grande partie des décora- 
tions accordées n'existent plus dans les corps, beau- 
coup de militaires étant morts par suite de leurs 
blessures. J'aurai l'honneur de faire observer de 
plus à Votre Majesté que les demandes se bornent à 
deux par bataillon et par régiments de cavalerie, et 
quelques-unes pour l'état-major, ce qui, en totalité, 
n'équivaudra pas encore à ce que Votre Majesté a 
bien voulu accorder dans d'autres corps d'armée. 
Le 22 e léger et le 79 e de ligne, qui sont les seuls qui, 
par leur éloignement, n'aient pas eu part dans les fa- 
veurs de Votre Majesté, sont présentés pour cinq déco- 
rations par bataillon. » 



84 MÉMOIRES DU PRINCE EUGÈNE 

Eugène « Je t'ai annoncé hier la paix, ma très-chère Au- 

à la vice- r 

va»» g uste > lu dois déjà être débarrassée de toute nouvelle 
l5 iw5 br * inquiétude et j'espère que ta santé y gagnera. Tu n'as 
plus maintenant qu'à penser au bonheur de nous re- 
voir, et, s'il est retardé momentanément, il ne peut 
cependant plus être très-éloigné. J'ai reçu ce matin 
de nouvelles instructions de l'Empereur; il part de- 
main matin, mais il m'ordonne de rester à Vienne 
jusqu'après les ratiGcations, et il me charge de pas- 
ser la revue de plusieurs divisions; voilà donc un re- 
tard de quelques jours. Il y aura ensuite le Tyrol à 
pacifier, les nouveaux pays conquis à organiser, et Sa 
Majesté rhe charge encore de cela; mais je t'assure 
que je ferai vite; j'espère déjà que le 25 de ce mois 
je serai à Klagenfurth, et je serai obligé d'y rester 
quelques jours; au reste je t'informerai exactement 
de ma marche; j'éprouve déjà un grand plaisir à pen- 
ser que je vais me rapprocher de toi; j'ai écrit au 
ministre du culte pour faire chanter partout le Te 
Deum; tu feras bien d'en faire chanter un dans ta 
chapelle. Si le temps devenait trop mauvais et que 
tu ne puisses plus jouir de la campagne, je t'engage à 
rentrer à Milan, ici il fait déjà un froid de chien. Tu 
ne peux croire combien d'ordre j'ai à donner; pres- 
que toutes mes troupes se mettront en mouvement 
aussitôt la ratification arrivée. » 

Eugène a L'Empereur est parti hier soir, ma très-chère 

vfeiTne Auguste; je l'ai accompagné dans sa voilure jusqu'au 

16 i«». brc premier relais. Il a été fort aimable pour moi et m'a 

promis cle nous faire venir à Paris l'un des mois de 



LIV. *V. - 1809 — CORRESPONDANCE 85 

cet hiver. Il m'a dit de presser mon retour à Milan, 
et tu penses bien si je le ferai de bon cœur; mais j'ai 
une mission à remplir avant, et comme mes troupes 
ne peuvent se mettre en mouvement qu'après la 
ratification, je l'attends avec impatience; le prince 
de Lichtenstein doit, dit-on, revenir demain. 

« Nous avons aujourd'hui fait sauter les fortifica- 
tions de Vienne: c'était un spectacle superbe. .. Je 
compte être toujours à Milan vers le milieu de no- 
vembre; je prendrai, il est vrai, la route la plus lon- 
gue, mais je marcherai cependant toujours dans la 
direction de Milan. Adieu , ma bonne Auguste, je 
compte passer la journée de demain avec le prince 
de Neufchâtel; nous parlerons tous deux du désir que 
nous avons de rentrer dans nos ménages. 

« P. S. J'ai déjà commencé aujourd'hui à em- 
baller mes paperasses; tu auras reçu le décret qui 
nomme quatre dames du palais. L'Empereur n'a pas 
voulu accorder de démission et a voulu en avoir des 
pays au delà du Pô. » 

« J'ai commencé aujourd'hui mes revues, ma . E £**? e _ 
bonne Auguste, demain je fais le reste. On attend v ^ e 
cette nuit les ratifications, et le courrier du comte de l7 iwS. bre 
Bubna est déjà arrivé, aussi il ne me reste plus que 
me3 ordres à donner et à coïncider mon départ avec 
l'arrivée des troupes sur les nouvelles frontières. Quel 
bonheur de me rapprocher de toi, et quel plus grand 
quand je pourrai te serrer dans mes bras ! Adieu. » 

ce Sire, je reçois à l'instant divers rapports de eujc*n»i>. 



86 MÉMOIRES DU PRINCE EUGÈNE 

t0 1 < gg bre Trente; je m'empresse de mettre sous les yeux de 
Votre Majesté l'extrait de ces rapports, elle sera sans 
doute satisfaite des résultats obtenus. 

a Le 10 octobre, le général Peyri a fait attaquer 
les positions des insurgés sur trois points; ils s'é- 
taient approchés de Trente; partout ils ont été cul- 
butés, et ils ont repassé le Lavis en désordre, avec 
une perte d'environ 150 hommes et 28 prisonniers; 
notre perte est de 2 tués et 18 blessés. Ce coup de 
vigueur en a imposé à l'ennemi et a rassuré les ha- 
bitants : le résultat est d'occuper Monte di Vacca, 
Pergine et toutes les hauteurs de la rive gauche de 
l'Adige jusqu'au Lavis; les Tyroliens occupaient en- 
core la rive droite. 

« Le 12 octobre, on a rétabli le pont sur l'Adige ; 
les insurgés ont abandonné la position de Bocca di 
Vélo, et, de cette manière, la droite du fleuve, à la 
hauteur de Trente, est tout à fait libre. Les brigands 
paraissent vouloir se réunir à Mori. On combine, de 
Trente et de Vérone, une expédition sur ce point. 

« La route de Bassano est libre et éclairée par 
Pergine. Les insurgés étaient à Salerne, et le général 
Peyri était à Lavis. Le général Caffarelli était à Vé- 
rone avec le général Vial; la division est abondam- 
ment pourvue de vivres et de munitions. 

« Le 13 octobre, on a poussé des reconnaissances 
à deux lieues de Lavis; l'ennemi est à Salerno. Le 
général Vial est arrivé à Trente; ainsi le 13 du cou- 
rant on occupait les positions ordonnées par Votre 
M ajesté. Le général Peyri allait quitter Lavis pour se 
rendre à Bellune, à l'effet d'y prendre le comman- 



LIV. XV. - 180» - CORRESPONDANCE 87 

dément d'une colonne mobile; il est remplacé par le 
général Digonet. 

à Je dois faire connaître à Yotre Majesté la con- 
duite d'un curé, qui, le 13 octobre, a réuni les ha- 
bitants de son village, et a fait prisonniers 50 bri- 
gands, qu'il a consignés au commandant de Rovéredo. 
J'ai r honneur d'adresser à Votre Majesté la situation, 
au 14 octobre, de la division qui est dans le Tyrol. 
On attendait encore le 15 quatre compagnies du 81 e 
régiment : le reste des troupes était à Vérone, Bel- 
lune, etc. 

« Les ratifications de la paix viennent d'arriver; 
j'attends d'en recevoir l'avis officiel du major géné- 
ral pour m'entendre avec lui pour l'exécution des 
ordres renfermés dans les instructions que Voire 
Majesté a bien voulu me donner. » 

« La ratification est effectivement arrivée hier, Eugène 
ma tres-chère Auguste, et, un quart d heure après, «gjjj; 
j'ai expédié les ordres de mouvement d'une partie * i 1 ^ bw 
de mes troupes. Je pars après-demain matin pour au so,p * 
Klagenfurth par Gratz, et me rendrai peu après à 
Villach. L'Empereur m'a chargé de pacifier le Ty- 
rol, et j'espère que je m'en tirerai bien et prompte- 
ment... Adieu.» 

ce Sire, j'ai l'honneur de soumettre à Votre Ma- eu. à N«p. 
jesté un projet de décret pour la levée de la con- « oaobVe 
scription de 1810 dans les vingt-cinq départements 
composant son royaume d'Italie, compris l'Istrie et 
la Dalmatie. 



88 MÉMOIRES DU PRINCE EUGÈNE 

« J'ai porté le contingent à 12,000 hommes, 
comme pour l'année 1809, dont 6,000 pour l'armée 
active, et 6,000 pour la réserve. Aussitôt que Votre 
Majesté aura daigné me faire connaître ses inten- 
tions, je m'empresserai de donner les ordres de dé- 
tail pour en assurer la prompte exécution. » 

ikmUft, « Sire, je m'empresse d'annoncer à Votre Ma- 
octobre j esl £ fflon arr j v é e ce( ^ e nu j t j Klagenfurth ; demain 

je me rendrai à Villach. Les 2 divisions du maréchal 
Macdonald n'y arrivent qu'après-demain et jours 
suivants; mais, comme la division italienne est déjà 
partie à Villach et partie à Spital, je vais la réunir 
dans ce premier endroit, où j'irai la passer en revue. 
J'ai déjà envoyé au général Rusca une grande quan- 
tité de proclamations, et ce général me mande qu'il 
en espère un bon effet. 

« Les nouvelles du Tyrol sont de toutes parts as- 
sez satisfaisantes. Le général Drouet a fait attaquer 
Rattemberg par la division de Breda ; il a éprouvé 
peu de résistance, et je ne doute pas qu'il ne soit ar- 
rivé en ce moment à Inspruck. Je lui ai ordonné de 
ne pas dépasser cette ville jusqu'à ce qu'on soit en 
mesure sur les autres points, et je lui ai recom- 
mandé de s'occuper du désarmement de toute la 
ville de Lientz. 

« Le général Vial me mande, du 24, qu'il avait 
nettoyé les rives de l'Àdige jusqu'au delà de Trente, 
et que les brigands, au nombre de 5 à 6,000, occu- 
paient les hauteurs de la rive droite du Lavis. Ce 
général a reçu l'ordre de ne commencer son mouve- 



L1V. XV. — 1800 — CORRESPONDANCE 89 

vcment que le 1 er du mois, de manière à arriver à . 
Botzen lorsque ces colonnes-ci arriveront à Brixen. 

« Du côté de Lientz, les brigands sont un peu plus 
audacieux. Le 24, environ 3 ou 4,000 hommes 
s'approchèrent polir cerner le fort de Sachsenburg. 
Le colonel Moroni marcha de suite à eux avec ses 
bataillons dalmates; il les dispersa dans l'instant, 
après en avoir tué une cinquantaine et pris une pièce 
de 6. Il est passé hier à Villach un officier venant 
du quartier général du prince Jean, se rendant dans 
leTyrol avec des lettres ouvertes qui annonçaient aux 
insurgés tyroliens que la maison d'Autriche avait fait 
paix avec la France, que la plus parfaite harmonie 
allait régner entre ces deux puissances, et qu'on les 
en prévenait afin qu'ils eussent à rentrer dans l'or- 
dre. Le passe-port de cet officier avait été visé à 
Gralz par le maréchal Macdonald. Je ne pense pas, 
d'après cela, qu'ils persistent davantage à rester sous 
les armes. 

« Il paraît, d'après les rapports du général Bara- 
gdey-d'Hilliers, qu'un soulèvement général dans les 
provinces de Carniole et de Carinthie avait été fo- 
menté par la maison d'Autriche. Il a commencé sé- 
rieusement dans plusieurs communes de la Carniole, 
et, le même jour, dans dix communes différentes, 
nos postes ont été surpris et assassinés. Le général 
Baraguey-d'Hilliers y a fait marcher de suite le 1 er de 
ligne italien, et les exemples les plus sévères ont 
tout fait rentrer dans Tordre. Trois villages ont été 
livrés aux flammes; plusieurs habitants, pris les ar- 
mes à la main, fusillés sur-le-champ, et la maison 



90 MÉMOIRES DU PRINCE EUGÈNE 

d'un Anglais, établi là depuis plusieurs années, qui 
paraît avoir été le boute-feu de cette affaire, a été 
tellement saccagée, qu'il n'en est pas resté pierre 
sur pierre. » 

E«g*n« « Me voici arrivé à Klagenfurlh, ma chère Au- 
RiagMfSrth g uste î j'y reste encore jusqu'à demain, parce que 
^SSt* ' es troupes que je dois diriger vers le Tyrol n'arrivent 
au matin. q U ' a p r ès-demain à Villach. Je ne pense pas qu'il 
sera nécessaire que j'aille moi -même dans le Tyrol; 
car, quand la paix y sera bien connue, j'espère 
qu'ils se rendront à la raison et que nous n'aurons 
pas besoin de la force; dans tous les cas, la réussite 
est certaine. L'Empereur amis à ma disposition trois 
divisions de mon armée, la division qui est à Trente 
et les trois divisions bavaroises qui sont à Schles- 
bourg et qui ont déjà commencé leur mouvement 
suMnspruck. J'aime à croire que je ne ferai pas es- 
sai de toutes ces forces. Je ne suis plus qu'à deux 
journées de toi, ma bonne amie, et mon plus grand 
espoir est d'en être encore bien plus rapproché 
bientôt. Adieu. » 

à b^u!!» c< ^ e re 5°^ s * l'instant la lettre de Votre Altesse du 
m octobre 26, qui m'annonce la conclusion de la convention 
militaire; j'en recevrai probablement demain copie; 
mais, d'après ce que Votre Altesse m'en dit, mes 
troupes seront en mesure pour entrer à Fiume le 
14 novembre, car le 1 I e corps arrive à Laybach le 6. 
Gomme il n'est point encore nommé de commissaire 
de notre part pour la prise de possession de la Croa- 



1809. 



LIV. XV. — 1809 — CORKESPONDANCË 91 

lie, et que le maréchal Marmont est absent, je dési- 
rerais que Votre Altesse me fît connaître ses inten- 
tions à ce sujet. Ne pourrait-on pas charger le 
général Guilleminot 1 de cette commission, puis- 
qu'il a déjà celle de marquer les nouvelles limites? 
« Je pars aujourd'hui même pour Spital et Sach- 
senburg, où je compte passer en revue la division 
italienne et la mettre de suite en mouvement pour 
Lientz. » 

« Sire, ainsi que j'avais eu l'honneur de l'annoncer ^^p- 
à Votre Majesté, j'ai établi hier mon quartier gé- *$$?* 
néral à Villach. La division Barbou arrive ce soir 
ici, et dès demain les troupes se mettront en mar- 
che pour le Tyrol. J'ai formé une avant-garde de 
deux bataillons français de 60 chasseurs, 2 pièces 
d'artillerie, et je l'ai confiée au général Rusca. Je 
me suis occupé jusqu'à ce moment de la confection 
du biscuit et d'en réunir ici et à Spital. La compa- 
gnie des transports militaires qui était en réserve, 
et que j'ai fait partir d'Œdenburg, arrivera ici après- 
demain, et nous sera d'une grande utilité. Le géné- 
ral Rusca assure que les Tyroliens sont réellement 
dans l'intention de poser les armes. Je ne me fierai 
cependant à leurs protestations qu'autant qu'ils me 
prouveront, en m'apportant toutes leurs armes, 
qu'ils y mettent, cette fois, de la sincérité. 

« Suivant les intentions de Votre Majesté, je con- 
fierai le commandement du Tyrol, dans le cas où il 

1 Le général Guilleminot avait remplacé le général Vignolle, après 
h blessure de ce dernier h Wagram. 



92 MÉMOIRES DU PRINCE EUGÊKE 

se soumettrait, au général Baraguey-d'Hilliers jus- 
qu'à de nouveaux ordres de Votre Majesté. Je lais- 
serai les Bavarois commander à Inspruck et dans la 
vallée de l'Inn. 

« Le général Baraguey-d'Hilliers, qui comman- 
derait depuis le Brenner jusqu'à Rovéredo , aurait 
sous ses ordres trois divisions, y compris celle du 
général Vial, et je laisserai alors la division Brous- 
sier à Villach et Klagenfurlh, jusqu'à ce que les trou- 
pes qui sont en Hongrie se soient repliées sur l'Ita- 
lie. Le prince de Neufchâtel m'écrit, du 26, que la 
convention militaire a été enfin signée; il m'en an- 
nonce une copie, et me prévient, en attendant, que 
c'est le 14 novembre que les Autrichiens doivent 
nous remettre Fiume ; je serai parfaitement en me- 
sure de' ce côté, puisque le 11 9 corps arrive, les 5 et 
6, à La y ba ch ? et qu'ils pourront facilement, à petites 
marches, et avec ordre, occuper toute la Croatie, du 
14 au 20. Dans le cas où quelques troubles se ma- 
nifesteraient en Croatie, au moment de l'entrée de 
ces troupes, je compte faire soutenir le 1 I e corps par 
une des divisions du général Grenier qui, au mo- 
ment de l'évacuation de la Hongrie, doivent se porter 
à Gralz et Marburg. 

« M. Dauchy arrive à l'instant à Villach ; je vais 
le voir dans une heure, et m'occuper de l'exécution 
des ordres de Votre Majesté, en ce qui concerne l'ad- 
ministration financière des nouveaux pays. Je pren- 
drai même, pour la partie administrative et judi- 
ciaire, un arrêté provisoire qui confirme, pour le 
moment, l'organisation actuelle, afin que les cho- 



. MV. XV. - 180» — CORRESPONDANCE 93 

ses puissent marcher jusqu'à ce qu'il plaise à Voire 
Majesté de me faire connaître ses volontés sur l'or- 
ganisation de ce pays. » 

« Je compte partir cette nuit pour Spital, ma Eugène 
bonne Auguste, où je vais passer en revue la division ™™ h 
italienne. Je la mettrai en marche après pour le tt 1 ^ # bre 
Tyrol. Mes dernières nouvelles de ce pays sont assez 
satisfaisantes. Le 24, ils sont, il est vrai, venus encore 
attaquer mes premiers postes; mais ils ignoraient 
réellement encore la paix et ma proclamation. J'ai 
la certitude aujourd'hui qu'ils sont effrayés des suites 
que peut avoir pour eux leur obstination, et je pense 
qu'ils rentrent dans l'ordre. Les Bavarois marchent 
sur Inspruck, ils sont déjà, à Rothenbourg, et Louis 
(prince royal de Bavière) est avec sa division à Saint- 
Johenn. Si l'expédition a lieu, nous le verrions dans 
huit à dix jours sur le Brenner. Nos lettres ne met- 
tent plus que deux jours pour nous parvenir, je n'en 
mettrai que deux et demi pour te rejoindre, et es- 
père bientôt faire cet essai. Il vaut mieux que tu 
restes à m'attendre. Si je ne pouvais de quelque 
temps aller à Milan, je chercherai et t'indiquerai le 
moyen de nous voir. » 

« Au moment de partir pour Spital, je t'adresse, Eugène 
ma bonne amie, l'écuyer Allemagne; tu pourras lui Y [jj» n «- 
faire reprendre son service, car je n'ai plus besoin ^^^ 
de lui, Ciani et Bellisoni me suffisent. Je ne pourrai *■ imUo ' 
probablement t'écrire ni demain ni après-demain, 
parce que je vais passer mes revues et tout préparer 



94 MÉMOIRES DU PRINCE EUGÈNE- 

pour l'expédition du Tyrol, s'ils sont assez insensés 
pour persister dans leur rébellion. » 

Eo fp*aî i r P " « Sire, j'ai l'honneur de rendre compte à Votre 

30 oclobfê ir * » i ' î j • • • 

1809. Majesté que je suis venu passer en revue la division 
italienne, et visiter le fort de Sachsenburg. Demain 
cette division se. met en marche sur Grafenbourg. Je 
dois annoncer à Votre Majesté que plusieurs lettres 
ont déjà été écrites aux généraux Rusca et Baraguey- 
d'Hilliers par les habitants du Pusterthal, pour de- 
mander: 1° une trêve de quatorze jours à l'effet de 
pouvoir s'entendre ; 2° la permission d'envoyer des 
députés à mon quartier général pour implorer ma 
générosité. J'ai fait répondre par le général Bara- 
guey-d'Hilliers que je ne pouvais accorder de trêve 
à -des rebelles; que, quant aux députés, je les rece- 
vrais, mais seulement dans le cas où ils viendraient 
m'annoncer que leurs concitoyens sont rentrés dans 
le devoir, et m'apportent leurs armes. J'attends 
donc, demain matin, ces députés du Pusterthal, et 
je ne doute pas que cet exemple ne soit suivi par 
beaucoup d'autres vallées. Ce matin, la vallée de 
Mokhall, dans la haute Carinthie, qui ne fait pas par- 
tie, il est vrai, du Tyrol, mais qui avait pris les ar- 
mes à son exemple, est venue les déposer ici. 

a J'ai reçu la convention militaire que le prince 
de Neûfchâtel m'a envoyée; j'ai donné, en consé- 
quence, au maréchal Macdonald, pour ce qui le 
concerne, et je vais rédiger, pour la marche du 
11 corps, une instruction détaillée, en exécution de 
ladite convention. J'aurai un officier de mon état- 



LIV. XV. — 180» — CORRESPONDANCE 95 

major à Fiume, qui portera aux maréchaux Davoust 
et Macdonald l'occupation de cette place. » 

« Sire, ainsi que j'ai eu l'honneur d'en prévenir u foù£* m 
Votre Majesté, j'ai reçu aujourd'hui les députés de **$&!* 
l'arrondissement de Lientz ; ces gens ne sont pas 
faciles à persuader; ils se résumaient toujours à de- 
mander une trêve de quinze jours, afin d'obtenir la 
signature de l'empereur d'Autriche qui , les ayant 
portes à prendre les armes, doit les aider à sortir 
d'embarras lors de la paix. J'ai rejeté positivement 
leur demande, leur répétant, de vive voix, ce qui 
est dans ma proclamation, les engageant à mettre 
bas les armes, et à rentrer ainsi dans le devoir, à 
mériter par là la protection de Votre Majesté en s'en 
remettant à sa générosité. Je les ai prévenus que les 
ordres de Votre Majesté portaient d'occuper le Tyrol, 
que je ne pouvais pas retarder la marche des troupes, 
mais que j'avais ordonné à tous les généraux et chefs 
de colonnes de protéger les gens paisibles, de faire 
respecter les propriétés, et que je n'entrais pas en 
ennemi, à moins qu'eux-mêmes n'opposassent de l'a 
résistance; que, dans ce cas, ils attireraient sur leurs 
familles et leur pays tous les maux inévitables de la* 
guerre; les députés sentaient mes raisons, et quelques- 
uns en paraissaient frappés; ils m'ont ajouté qu'ils 
ne pouvaient parler que pour leur arrondissement, 
ignorant même si les autres vallées étaient prévenues, 
et qu'ils avaient au milieu d'eux des étrangers dont 
ils ne pouvaient répondre. Ces députés sont repartis 
pour Lientz, me promettant de rendre exactement à 



96 MÉMOIRES DU PRINCE EUGÈNE 

leurs concitoyens ce que je venais de leur dire. 
« Les troupes continuent toujours leur mouve- 
ment; la tête arrive aujourd'hui à Oberdanbourg, et 
demain à Lientz. Ce sera par notre entrée dans cette 
dernière ville que Ton pourra juger de la tournure 
que prendront les affaires. En attendant, je crois 
* pouvoir assurer à Votre Majesté que, tant d'après le 
bruit général que d'après ce qu'ont dit les députés, 
il ne sera pas possible de ramener les habitants du 
Tyrol tant qu'ils auront la crainte de devenir Bava- 
rois; ils disent ouvertement que ceux-ci les ont trom- 
pés, et qu'ils préfèrent périr jusqu'au dernier plutôt 
que de vivre sous leur domination. Votre Majesté ne 
m'ayant pas fait connaître ce qu'elle avait arrangea 
Munich avec le roi de Bavière à ce sujet, j'évite soi- 
gneusement tout ce qui peut y avoir rapport. Le gé- 
néral Drouet m'écrit de Hall qu'il a ses avant-postes 
à Inspruck, et il paraît que les insurgés se sont retirés 
sur les hauteurs près de la ville. Le général Drouet 
s'accorde à dire que les Bavarois éprouvent, plus 
qu'aucune autre troupe, une résistance opiniâtre de 
la part de ces fanatiques. » 

Eog*!» . « J'ai reçu hier, ,comme je revenais de Sachsen- 
si S Sl£bre kurg, l'officier de l'état-major de Votre Altesse, qui 
était porteur de la convention militaire. Je donne, 
en conséquence, aujourd'hui même, les ordres au 
général Macdonald pour mettre en mouvement, le 
20 novembre, les troupes qu'il a en Hongrie, pour 
occuper la nouvelle ligne; c'est-à-dire, sa gauche à 
Neustadt et sa droite en avant de Petau. Votre Altesse 



1809. 



LIV. XV. — 1809 - CORRESPONDANCE 97 

voudra bien alors prévenir le maréchal Davout que 
les troupes de l'armée d'Italie occuperont toujours 
Neustadt. 

« Je vais m'oôcuper de suite à rédiger l'instruc- 
tion pour la marche du corps qui doit prendre pos- 
session de la Croatie. Je ferai marcher, avec ce 
corps, un officier de mon état-major, qui recevra 
l'ordre de partir aussitôt après l'occupation de Fiume 
pour en prévenir MM. les maréchaux Davout et Mac- 
donald. 

« J'annonce avec plaisir à Votre Altesse que les 
affaires du Tyrol ont l'air de prendre une tournure 
favorable. Les habitants du Pusterthal doivent m'en- 
voyer des députés que j'attends d'un moment à 
l'autre. Je m'empresserai de lui faire connaître le 
résultat. » 

« Je m'empresse, monsieur le ministre comte ê *ËJgi n 
d'Hunebourg, de reprendre avec vous la correspon- de &££**' 
dance et les rapports qui n'avaient été rompus que iâ ' ÎSS™ 1 *" 
par la réunion de l'armée d'Italie avec la grande ar- 
mée. D'après les intentions de Sa Majesté, j'ai porté 
mon quartier général à Villach, pour de là être à 
même de diriger les mouvements rétrogrades des 
troupes, en vertu de la convention militaire; pour 
veiller à la prise de possession de la Croatie et du lit- 
toral ; pour procéder à l'organisation des nouvelles 
provinces; et enfin pour terminer les affaires du Ty- 
rol, soit avec des paroles de paix, soit par la force. 

« Le maréchal Macdonald, avec les deux divisions 
d'infanterie que commande le général Grenier, avec 

vi. 7 



98 MÉMOIRES DU PRINCE EUGÈNE 

les deux divisions de dragons et la 9* brigade de ca- 
valerie légère, est chargé de l'évacuation de la Hon- 
grie et de la Styrie, aux époques et de la manière 
déterminées par la convention militaire. 

« Le ll ê corps, composé des divisions Clauzel et 
Claparède et des 1 4 # , 1 9* et 25* de chasseurs à cheval , 
se dirige sur Laybach, où il arrive le 6 novembre, et 
est chargé de la prise de possession de Fiqme, du 
littoral et de la Croatie, en suivant exactement les 
marches prescrites par la convention militaire ; enfin, 
j'ai dirigé sur le Tyrol la division italienne et les 

2 divisions qui étaient à Gratz sous les ordres du gé- 
néral Macdonald, ainsi que la 10 e brigade de la cava- 
lerie légère. De cette manière j'agis contre le Tyrol 
par la vallée de la Drave avec les troupes ci-dessus et 
la garde royale; par la vallée de l'Adige avec les 
troupes aux ordres du général Vial, fortes de 5 à 
6,000 hommes; et par la vallée de l'Inn avec les 

3 divisions bavaroises commandées par le général 
Drouet, que Sa Majesté a bien voulu mettre sous mes 
prdres. 

« J'ai été visiter hier le fort de Sachsemburg et 
passer en revue les divisions Sévéroli et Seras, que 
j'ai mises sous les ordres du général Baraguey-d'Hil- 
liers (le général Seras ayant reçu un congé de conva- 
lescence, le général Barbou le remplace provisoire- 
ment). 

« J'ai reçu hier les députés du Pusterthal ; ils vou- 
laient absolument que je leur accordasse une trêve 
de quinze jours, afin d'avoir pendant ce temps la 
signature de l'empereur d'Autriche. Gomme vous 



UV. XV. - 1809 -CORRESPONDANCE 99 

pouvez le penser, j'ai rejeté de pareilles demandes. 
Je leur ai répété de vive voix ce que je leur avais 
écrit, que mes troupes respecteraient et les proprié- 
tés et les habitants paisibles, mais qu'elles traiteraient 
avec la dernière rigueur ceux qui ne profiteraient 
pas du pardon que leur accorde Sa Majesté l'Empe- 
reur et roi. 

« Mon avant-garde sera aujourd'hui à Oberden- 
burg, et demain à Lienz. Je ne pourrai savoir qu'a- 
près-demain si je devrai faire agir sérieusement les 
troupes que Sa Majesté a bien voulu mettre sous mes 
ordres. Je vous informerai exactement de la suite des 
opérations. » 

« Je suis revenu cette nuit du fort de Sachsem- à^ 8 ^- 
burg, ma très-chère Auguste ; je suis un peu fati- vmX, 
gué, et je ne puis pas t'écrire longuement, car j'ai uk»? 
beaucoup de travail ce matin : j'ai dans ce moment 
des ordres à donner depuis Raab jusqu'en Tyrol, et 
depuis Fiume jusqu'à Àncône : tu vois que voilà de ' 
la besogne. C'est énorme, ce qu'il y a de détails pour 
faire évacuer et retourner tant de monde ; et puis il 
y a aussi la prise de possession de la Croatie et l'ex- 
pédition du Tyrol : j'en ai par-dessus les oreilles. » 



a J'ai reçu cette nuit, ma chère Auguste, de bon- | E Û^S- 
nes nouvelles du Tyrol. Le général Baraguey-d'Hil- vmïSi, 
liers m'annonce qu'il espère entrer ce matin à Lienz * °î£S! bn ~ 
sans coup férir. Je m'empresse d'annoncer cette nou- 
velle à l'Empereur , afin de hâter le plus possible 
mon retour à Milan. Tu ne peux te figurer combien 






IOIBES DU PRIME BUCÊNE 
aussade et ennuyeux. J'ai travaillé hier 
se; j'ai passé une demi-heure de la soi- 
nessieurs, et ils bâillaient tous du plus 
ai fait une partie d'échecs avec Triaire, 
ouché à onze heures, très-im patienté 
lauvais temps, de mes occupations, et 
er si longtemps éloigné de toi. » 

l'honneur d'annoncer à Votre Ma- 
ie nos premières troupes à Liens. Il 
s le rapport du général Baraguey- 
les compagnies de Tyroliens armés 
mment retirées à l'approche de nos 
l'ont point encore consenti à déposer 
i recommandé au général Baraguey- 
ployer tous ses moyens pour parvenir 
. J'informe le général Vial de tout ce 
i, afin qu'il règle sa marche en con- 

îs qui s'étaient élevés en Carniole et 
presque totalement terminés. Une 
lilaire établie à Trieste vient de Taire 
des principaux chefs qui ont été arré- 
ivé parmi eux un émigré français au 
riche, qui paraissait soldé par l'An- 
>menter le trouble en Islrie. » 

sté a daigné conférer des titres et des 
généraux de son armée italienne. Je 
le réclamer ses bontés en faveur des 
rigade Viani , Bcrtolelti et Polfran- 



L1V. XV. - 1809 — COMIESPONDÀNCE 101 

ceschi, qui ont été omis sur la liste de présentation. 
Ces généraux ont toujours bien servi, et je crois 
pouvoir assurer à Votre Majesté qu'ils méritent 
d'être récompensés à l'égal des autres. » 

« Sire, j'ai l'honneur de prévenir Votre Majesté E ^Ji£S^* 
que, d'après les comptes que me rend le minisire 3 "?S8! bw 
de la guerre d'Italie, j'ai vu un déficit' de 800,000 
francs sur la marine de Venise pour solde arriérée ; 
j'ai vu en même temps que les travaux de construc- 
tion des vaisseaux et frégates ont été extrêmement 
ralentis. Le tout provient de ce qu'à l'ouverture de 
la campagne et. pendant la guerre il y avait peu de 
troupes à Venise, et l'on s'est occupé de la défense 
de cette ville en armant une foule de petits bâti- 
ments et embarcations dont on a hérissé les passes 
et les lagunes, ce qui a employé tous les ouvriers et 
marins, et a consommé les fonds de construction et 
de solde. Ces mesures étaient sans doute nécessaires 
pen.lant la campagne, mais actuellement que nous 
avons la paix, que les troupes sont rentrées, et sur- 
tout vu la saison, je viens d'ordonner le désarme- 
ment de toutes les pirogues et petites embarcations, 
qui vont rentrer à l'abri à l'arsenal ; les marins qui 
les montaient vont être employés à compléter les 
équipages des bâtiments français et italiens, et les 
travaux vont reprendre leur cours ordinaire. Je sai- 
sirai cette circonstance pour me permettre de faire 
observer à Votre Majesté qu'il serait nécessaire 
qu'elle daignât rapporter son décret de mise en état 
de siège des places de son royaume, surtout pour 
Venise et Mantoue. 



102 MÉMOIRES DU PRINCE EUGÈNE 

« Au reste, par tous les rapports que je reçois, je 
vois combien il est indispensable que j'aille moi- 
même remettre Tordre dans toutes les parties. » 

à feShter tt ^ e m'empresse d'annoncer à Votre Altesse que 
3 no^mb* l'avant-garde des troupes aux ordres du général Ba- 
1809< raguey-d'Qilliers est entrée hier matin à Lienz sans 
rencontrer aucun obstacle. Cependant les différentes 
compagnies d'insurgés qui se sont retirées dans les 
montagnes à l'approche de nos tfoupes n'ont point 
encore voulu déposer les armes. J'ai recommandé 
au général Baraguey-d'Hilliers d'employer tous ses 
moyens de persuasion avant d'en venir à employer 
la force. 

« Ce sera la dernière lettre que j'écrirai à Votre 
Altesse, puisque le dernier officier d'état-major venu 
de Vienne m'a assuré qu'elle partait le 4 ou le 5 pour 
Paris. Je souhaite à Votre Altesse un prompt et bon 
voyage; je lui demande la continuation de son 
amitié. » 

viiiach a S' re » J e m'empresse de rendre compte à Votre 
4n ïïïï! brfl Majesté que nos troupes sont arrivées hier à Sillian 
sans obstacle; elles entreront demain à Prunecken. 
Les habitants ont très-bien reçu nos troupes, et un 
grand nombre ont déjà déposé les armes. Ceux de la 
montagne rentrent dans leurs cabanes, et, comme 
je l'ai marqué à Votre Majesté, j'ai ordonné au gé- 
néral Baraguey-d'Hilliers et au général Vial d'orga- 
niser quelques colonnes mobiles pour éclairer leurs 
flancs et leurs derrières et pour les désarmer sans 
bruit. La colonne du général Rusca, qui a passé par 



LIV. XV. — 1809 — CORRESPONDANCE 103 

la vallée du Gail, avait tire quelques coups de fusil 
et allait engager une affaire au moment où un de 
mes officiers est arrivé pour lui renouveler mes in- 
structions d'employer les voies de persuasion. Les 
insurgés tenaient une position à Saint-Léonard, où 
il aurait fallu perdre une centaine d'hommes. Il en- 
voya vers eux pour leur dire qu'on ne voulait point 
la guerre, qu'on ne leur ferait rien s'ils rendraient 
chez eux et s'ils se tenaient tranquilles. Ils se sont 
dispersés à l'instant. Je fais partir la division Brous- 
sier pour occuper les positions de Lienz, Sachsenburg 
et Spital. » 

« Sire, j'ai l'honneur d'annoncer à Voire Majesté Eu ^£ c ^ 
que ses troupes sont entrées hier à Prunecken : elles 5 a ?^ re 
ont été partout bien reçues. Le général Baraguey- 
d'Hilliers me mande qu'une grande partie des habi- 
tants rentre dans ses foyers, et qu'une petite partie 
se replie en armes dans le foyer de l'insurrection, 
c'est-à-dire Brixen et Sterzing. 

« Le général Drouet a eu .des avantages assez im- 
portants sur les insurgés qui ont attaqué les Bava- 
rois, et ceux-ci ont repris de suite l'offensive et se 
sont emparés des hauteurs d'inspruck. Le. prince 
royal et le général Wrède étaient, dans cette affaire, 
à la tête des troupes. 

« Le général Vial me mandait, du 2, qu'afin d'as- 
surer sa marche sur Botzen, il ferait enlever la po- 
sition de Cimbra, si les insurgés continuaient à la 
tenir. Le 2 au soir même, il avait reçu d'eux un 
parlementaire qui lui annonçait, de la part de 6 à 



104 MÉMOIRES DU PRINCE EUGÈNE 

8,000 hommes qui étaient en face de lui, qu'ils dé- 
poseraient volontiers les armes s'il voulait leur per- 
mettre de ne plus retourner sous les lois de la Ba- 
vière, et s'il leur donnait l'assurance d'être Français 
ou Italiens : ce sont leurs propres termes. Comme 
le général Vial ne pouvait, bien entendu, entrer en 
semblable matière, il était en pourparlers pour tâ- 
cher 'de les persuader de déposer les armes. 

« Je dois avouer à Votre Majesté que cette expédi- 
tion du Tyrol me cause infiniment de tracas. Les Ba- 
varois (et particulièrement à Munich)~ont été offen- 
sés de ma proclamation ; le roi même m* en a écrit 1 . 
Je crois devoir mettre sous les yeux de Votre Majesté 
la réponse que j'ai faite au roi à ce sujet. Je n'ai dit 
dans ma proclamation que ce que Votre Majesté m'a- 
vait ordonné, dans mes instructions, de dire, c'est- 
à-dire que je désignerais des commissaires pour en- 
tendre leurs plaintes lorsqu'ils auront déposé les 
armes. Votre Majesté lèverait facilement toutes ces 
difficultés si elle décidait promptement la question 
du Tyrol par un arrangement quelconque avec le roi 
de Bavière, soit en faisant du Tyrol un État indépen- 
dant, spit en le partageant entre la Bavière et le 
royaume d'Italie. Mais ce que je puis certifier, c'est 
la répugnance invincible que j'ai remarquée dans 
tous contre la Bavière. 

<c Au moment où je terminais ma lettre, il est arrivé 
deux députes envoyés par Hoffer. Ils m'ont répété mol 
à mot ce que j'ai déjà eu l'honneur de marquer à Votre 

4 Voir au texte du livre suivant. 



LIV. XV. — 1809 - CORRESPONDANCE 105 

Majesté. Ils m'ont apporté une lettre signée de douze 
chefs que j'envoie en original à Votre Majesté, et qui 
confirme tout ce que j'ai eu l'honneur de lui dire. 

« Je renvoie, cette nuit même, les deux députés, 
qui ont absolument voulu rapporter un écrit de moi, 
et cet écrit ne renferme que l'ordre de déposer les 
armes et l'assurance qu'on ne fera aucun mal aux 
habitants qui rentreront paisiblement dans leurs 
foyers, et qu'à ce prix-là seul ils obtiendront la pro- 
tection de Votre Majesté. 

« J'ai également remis à ces deux députés une 
douzaine de passe-ports pour Hoffer et sa suite, qui 
paraît vouloir venir me trouver. Je prévois d'avance 
qu'ils demanderont à faire une députation à Votre 
Majesté. Je ne l'accorderai sûrement pas avant d'avoir 
reçu ses ordres, mais je la prie de nouveau et in- 
stamment de vouloir bien me donner ses ordres à ce 
sujet. » 

« C'est aujourd'hui la Saint-Hubert, ma très-chère i^jgjj. 
Auguste; il y a un an que nous passions ensemble vnadi, 
une charmante matinée à la villa Augusta. Ici non- 5n fjg£ bre 
seulement nous ne chassons pas de gibier aujour- 
d'hui, mais nous avons une peine infinie à chasser 
l'ennui qui nous talonne; je dis nous, car je vois tous 
ces messieurs bâiller matin et soir, et, si ce n'était 
mon travail de dix ou douze heures par jour, je ferais 
comme eux. 

« Je n'ai pas encore reçu ce matin mon courrier 
de Lienz : si les Tyroliens s'apaisent J'espère que je 
ne resterai pas longtemps ici. 



106 MEMOIRES DU PRINCE EUGÈNE 

« Tu es libre de rester à Ifonza ou à Milan, comme 
il te conviendra le mieux ; je t'engage pourtant à pro- 
fiter de la campagne, tant que la saison te le permet- 
tra, bien entendu que tu m'écriras lorsque tu pren- 
dras le parti de rentrer en ville ; tu peux écrire à ton 
cousin de venir vers la fin du mois. Il me tarde 
bien de l'embrasser, ainsi que nos deux petits choux; 
en attendant ce bonheur, je vous envoie pour tous 
. trois un million de baisers. » 

i% 8 tr£- a J' a * ea du chagrin cette nuit, ma bonne et chère 
vuuS, Auguste, et, tu sais que je n'ai rien de caché pour 
5 ™™£ bre to ^ — vo i c j j e f a jt . tu auras p eu t.être lu ma pro- 
clamation aux Tyroliens. J'ose direqu'elle était bonne, 
puisque j'en vois déjà les effets, et qu'à mesure que 
mes troupes avancent les habitants rentrent dans 
leurs foyers. Tu me connais assez pour savoir que 
dans cette proclamation je n'y ai mis que ce que j'a- 
vais Tordre d'y mettre. Il y a eu des phrases qui ont 
déplu au roi, et il m'a écrit la lettre dont je t'envoie 
copie ; j'étais très-peiné, et je lui ai répondu ce ma- 
tin la lettre dont je j oins aussi la copie : je m'en 
rapporte à ton jugement. Il est inutile que tu parles 
de cela à personne, mais j'avoue que j'ai été bien 
fâché que le roi rendît si peu de justice à mon ca- 
ractère. 

« 11 est trompé indignement, quand on lui dit 
qu'on lui ramènera ce pays par la force : il y perdrait 
ses plus braves soldats. Il a donc fallu employer la 
douceur, et je ne pense pas que la dignité d'un sou- 
verain soit offensée pour entendre et recueillir les 



LIV. XV. — 1809 — CORRESPONDANCE 107 

plaintes d'un peuple, après, toutefois (ainsi que je 
l'ai dit), que ce peuple est rentré dans Tordre, et a 
déposé les armes. Je maudis mille fois cette mission ! 
fl n'y a ni honneur ni gloire à réussir, et il n'y a que 
de la honte, si les affaires tournent mal. 

« Adieu, ma bonne Auguste; toi et mes enfants 
faites seuls ma consolation au monde. II y a un siè- 
cle que je n'ai écrit à l'Impératrice ni à ma sœur, 
mais je n'en ai pas en conscience le temps, donne- 
leur, je te prie, de mes nouvelles. » 

«Sire, j'ai eu l'honneur de présenter hier à Votre *%££* 
Majesté la letlçe en langue française que les envoyés n î58! ™ 
des chefs tyroliens m'avaient apportée. Us m'en 
avaient remis au même instant une autre, écrite en 
langue allemande, que je n'avais pu lire tout de suite. 
Celle-ci est du commandant en chef Hoiïer. Je l'ai 
fait traduire, et je m'empresse d'en mettre la traduc- 
tion sous les- yeux de Votre Majesté. » 

« Mon Ois, je reçois votre lettre du 30 octobre. Fonuioeî' 
Aussitôt que vos affaires du Tyrol seront finies, il me i novembre 
tarde d'apprendre que vous soyez arrivé à Milan. » 



«J'ai reçu cette nuit de bonnes nouvelles du Ty- à B u 8 vfc£- 
roi. Le désarmement s'opère avec assez de tranquil- vmTch, 

i • 9 ci i -îi i ' «©membre 

uté. Sur quelques points de la montagne nos sol- im 
dats ont été reçus avec des coups de fusil; mais, 
d'après mes ordres, ils n'ont point répondu, et ef- 
fectivement c'étaient des paysans ivres; déjà dans 
plusieurs villages les paysans ont d'eux-mêmes re- 
mis les armeç bavaroises. Tu vois qu'avec de la pa- 



108 MÉMOIRES DU PRINCE EUGÈNE 

tience el Je désir de réussir on peut venir à bout 
des plus mutins. Je t'assure que je préférerais une 
campagne active, à devoir recommencer une sem- 
blable besogne. Enfin, tout cela me fait grand plai- 
sir ; j'attends avec vive impatience des nouvelles de 
Sa Majesté. J'espère qu'elles me permettront de me 
réunir bientôt à ce que j'ai de plus cher au monde. 
Le 11 e corps d'armée que l'Empereur a mis sous 
mes ordres va se mettre en marche pour occuper 
Fiume et la Croatie. Si cela se passe tranquillement, 
je serai libre d'aller à Milan ; mais, s'il y avait le 
moindre trouble, je ne pourrais en conscience laisser 
mon armée éparse sur deux cents lieues de pays, et 
il faudrait, bon gré, mal gré, que je fusse là; au 
reste, tout ceci est une supposition qui, j'espère, 
n'arrivera pas. » 

Fomîine" « Mon fils, je reçois votre lettre du 31 octobre, 
s novembre où je vois que vos troupes auront été le 1 er novem- 
bre à Lienz, et j'attends de là des nouvelles sur la di- 
rection ultérieure des affaires du Tyrol. » „ 

* E i* g Tke- « Je t'envoie, ma bonne Auguste, une lettre que 
vSffiS. je viens de recevoir du roi; celle-là raccommode tout. 

9 novembre «t m* * * •. i 11 i 

1809. Hofler m a écrit pour me demander de nouveau des 
passe-ports pour toutes ses troupes, afin que chacun 
puisse rentrer chez soi ; je les lui ai fait envoyer. 

« J'apprends à l'instant qu'on s'est battu du côté 
de Bolzen; mais c'est la colonne qui venait de Trente, 
et j'espère que cela n'aura pas de suites. J'ai été 
visiter hier les mines de plomb de Bleyberg ; j'ai 



L1V. XV. — 1809 — CORRESPONDANCE 109 

endosserhabit.de mineur, et ai tout vu dans le 
plus grand détail, c'est fort curieux. Il n'est pas pos- 
sible ni concevable que tu viennes me joindre, ma 
bonne amie, mais j'espère pourtant que le moment 
lant désiré de notre réunion ne tardera plus. » " 

« Je m'empresse de vous prévenir, monsieur le au E minïître 
ministre de la guerre, comte d'Hunebourg y que la^vaGr*" 
division du général Vial est entrée à Bolzen le 5 de îm. 
ce mois. Quelques partis d'insurgés ont cherché à 
arrêter sa marche, sous prétexte qu'ils attendaient 
les ordres de leurs chers pour être autorisés à dépo- 
ser les armes; mais ce général n'en a pas moins 
rempli son but. Sa division est donc entièrement 
réunie à Botzen et environs, sauf 1 ,200 hommes 
qu'il a laissés à Trente. II m'assure que tout le pays 
à sa droite est tranquille, et qu'aussitôt qu'il aura 
pu opérer le désarmement il s'occupera des vallées 
de sa gauche, la vallée dé Meran lui a déjà envoyé 
sa soumission. 

a De son côté, le général Baraguey-d'Hilliers est 
entré le 8 à Brixen. Cependant, pour y parvenir, il 
a dû faire enlever par un coup de main la Chiusa 
de Mulbach, défendue par 1,200 à 1,500 insurgés 
avec 5 pièces de canon. Celle affaire a coûté quel- 
ques braves, dont le général Baraguey-d'Hilliers me 
promet les noms, que je m'empresserai de vous 
transmettre avec le rapport du combat. Nos troupes 
se sont parfaitement conduites. Je ne pense pas que 
l'affaire ait des suites, puisque avec les positions 
qu'occupent les troupes en ce moment il serait dif- 



110 MÉMOIRES DU PRINCR EUGÈNE 

iicile aux partis d'insurgés de se réunir pour entre- 
prendre- quelque chose de sérieux. 

a Le général Drouet m'écrit, du 8, qu'il a porté 
son avant-garde un peu en avant sur Stenack, et que 
la division de Wrède sera, le 10, sur le Brenner. Il 
résulte de cet étal de choses que nos troupes sont 
maîtresses des principales vHles du Tyrol, et qu'au- 
jourd'hui même toutes nos divisions se communi- 
quent entre elles, et qu'il n'est pas présumable qu'il 
arrive de nouveaux événements. Les généraux s'oc- 
cupent en ce moment à faire battre le pays par des 
colonnes mobiles pour opérer le désarmement. Ces 
colonnes n'auront pas de repos que tout le pays ne 
soit tout à fait désarmé. Nous avons délivré, tant à 

* 

Brixen qu'à Botzen, un assez bon nombre de prison- 
niers français, bavarois, italiens et Saxons. » 

K " ? HitdhT C( Sire, je n'ai rien de nouveau à annoncer à Votre 
8 "fcwmiin Majesté. Les affaires du Tyrol continuent à se passer 
aussi bien qu'on peut le désirer avec de pareilles gens. 
« Le général Baraguey-d'Hilliers, dont les premiè- 
res troupes sont à Mulbach, a employé, d'après mes 
ordres, les journées des 6 et 7 au désarmement des 
principales vallées aboutissant à celle de la Drave : 
plusieurs de nos colonnes ont rencontré des bandes 
armées, qui, au lieu de vouloir rendre les armes, 
9 ont répondu par des coups de fusil. On est parvenu 
à en prendre quelques-uns, et tous étaient ivres, et 
la plupart étaient d'autres vallées éloignées. Presque 
généralement les habitants qui ont quelque chose 
rentrent ou sont rentrés chez eux ; mais nous aurons 



LIV. XV. —1809 - CORRESPONDANCE 111 

pendant longtemps quelques bandes de brigands, 
qui, ayant pris, pendant la rébellion, ce genre de vie,' 
le quitteront difficilement. Dans les différentes es- 
carmouches dont je viens de parler à Votre Majesté, 
nous avons eu un homme tué et 14 blessés du 1" de 
ligne italien, 3 blessés des Dalmates, et 7 du 53* ré- 
giment. • i 

« La troupe s'est conduite parfaitement bien dans 
tous les pays où elle a passé; et cela ne contribue pas 
peu à ramener les esprits. Je me féliciterai si, à 
forée de patience et de douceur, j'ai pu éviter une 
guerre dans on pays dont le peu que j'ai vu donne 
la certitude qu'elle eût été longue, meurtrière et 
difficile. » 

« Sire, j'ai l'honneur d'adresser à Votre Majesté eu*. 4%p. 
une lettre que son sénat d'Italie vient de m'envoyer, 9 novembre 
en mé priant de la transmettre à Votre Majesté. jo heures 

« Les nouvelles que j'ai reçues,. hier soir, du gé- 
néral Vial m'annoncent que le général Peyri, qui 
commande son avant-garde, a été obligé d'en venir 
aux mains pour entrer à Botsen. Les insurgés ont 
voulu lui en disputer l'entrée, mais ils ont été re- 
pousses de toutes parti. Cependant le général Peyri a 
eu une quarantaine d'hommes tués, et une soixan- 
taine de blessés. 

« Aujourd'hui je reçois la nouvelle que Hoffer a 
demandé au général Drouet des passe-ports pour faire 
rentrer chacun dans ses foyers, se soumettant à faire 
déposer à tous les armes, et à profiter de la généro- 
sité de Votre Majesté. 



112 MÊMOIBES DU PRINCE EUGÈNE 

« J'attends d'un moment à l'autre des nouvelles 
du général Baraguey-d'Hilliers , qui ne peuvent 
manquer d'être dans le sens de celles du général 
DroueL » 

El $iuch! P ' « Sire, j'ai l'honneur de rendre compte à Votre Ma- 
iro. je|té que ses troupes sont rentrées hier soir à Brixen. 
Elles ont dû cependant, pour y parvenir, enlever par 
uu coup de main la Chiusa, défendue par 1,000 ou 
* 4,500 insurgés avec 5 pièces de canon. Cette affaire 
nous a coûté quelques braves. Le général Baraguey- 
d'Hilliers me promet pour demain un rapport dé- 
taillé de l'affaire ; il m'annonce seulement que le gé- 
néral Rusca a été blessé légèrement d'une contusion, 
et les chefs de bataillon Vesprier, du 53 e , et Pé- 
- raidi r du 1 er léger italien, grièvement blessés. Notre 
artillerie de ligne s'est particulièrement distinguée : 
une seule pièce compte trois canonniers morts, et 
sept blessés. Les troupes paraissent s'être toutes bien 
conduites; le combat a duré deux heures. Je crains 
que cette affaire ne rallume le feu qui commençait à 
s'éteindre. J'espère cependant que, vu la position 
qu'occupent les troupes de Votre Majesté en ce mo- 
ment, il ne leur soit plus possible de rien entreprendre 
de sérieux. Le général Drouet m'écrit, du. 8, qu'il 
porte son avant- garde un peu en avant, sur Stenack, 
et que la division de Wrède sera, le 10, sur le Bren- 
ner. Le général Yial me mande, du 7, qu'il a réuni à 
Bol zen tout son corps, le 6, sauf 1 ,200 hommes qu'il 
a laissés à Trente ; il m'assure que tout le pays, à sa 
droite, était tranquille, et qu'aussitôt qu'il aurait pu 



•i 



L1V. XV. — 1*09 - CORRESPONDANCE iiS 

-en opérer le désarmement, îl s'occuperait des val- - 
lées de sa gauche. Il m'annonce même que la vallée 
-de Méran a déjà envoyé sa soumission* D'après les 
ordres que j'ai donnés, je dois penser que la com- 
munication aura été établie, hier, 9, entre le général 
fiaraguey d'Hillters et le général Vial. 

ce Aujourd'hui, 10, le général Baraguey d'Hillters 
aura pu porter une division à Sterling, pour établir 
la communication par le Brenner. Dans cette posi- 
tion, les différents généraux doivent organiser des 
«colonnes mobiles qui battront le pays jusqu'à ce que 
le désarmement soit général. » 

« Je dois prévenir Votre Majesté que cette opéra- 
tion entraînera des difficultés etdes longueurs, caries 
Tyroliens tiennent beaucoup à leurs carabines, et les 
cachent dans les montagnes. Je compte bien em- 
ployer la plus grande sévérité pour les obtenir; 
mais j'attends, pour cela, d'avoir déjà entre les 
mains toutes celles qu'ils voudront me livrer. On a 
délivré, tant à Bolzen qu'à Brixen, un certain nom- 
bre de permis français, italiens, bavarois et saxons. » 

« Il n'est pas nécessaire que tu m'envoies, ma bonne &>?*<><> 
Auguste, le grand écuyer, ni personne ; j'espère bien *fc* 
pouvoir me mettre en route sous peu de jours. J'ai 
reçu des nouvelles du Tyrol il y a un quart d'heure. 
Nos troupes ont dû se battre pour entrer à Brixen ; 
«Iles ont enlevé un fort et 5 canons, nous avons perdu 
quelques bons officiers. J'espère pourtant que cela 
n'aura pas de suite. Il serait bien désagréable de 
•devoir faire cette vilaine guerre. » 

▼i. 8 



10 novembre 
1800. 



H4 MÉMOIRES DU PRINCE EUGÈNE 

àuw- « Je fais partir Leroy pour Milan, ma chère Au* 
vHUdi, guste ; car, quand je me mettrai en route, j'espère 
nombre ^jj^ g ran( j i ra \ n ^ e i serais bien aise d'avoir un valet 

? h. du foir. '• , , . . 

de chambre en arrivant. 

« Je pense sérieusement à me mettre en route, et 
tu peux compter que je ferai tout mon possible pour 
arriver le 15, soit le matin, soit le soir. J'attends 
demain des nouvelles qui décideront la question. Si, 
enfin, je ne pouvais arriver pour ma fête, je t'engage 
très-fort à être gaie, et cela te sera facile, car je se* 
rai sûrement bien près de toi, et à l'instant de te ser- 
rer dans mes bras. » 

N Kouinë?* <( Mon fils J'approuve la lettre que vous avez écrite 
12 Membre au sieur Dauchy. 11 est cependant nécessaire que le 
sieur Dauchy écrive au ministre des finances, avec le- 
quel il doit correspondre. 11 est également néces- 
saire que vous rendiez compte au ministre des 
finances pour ce qui regarde l'administration des pro- 
vinces dillyrie. » 

Bu /iiiî!di! r ' « Sire , j'ai l'honneur de rendre compte à Votre 
***>? >rc Majesté que les affaires vont, de ces côtés-ci, aussi 
bien qu'il est possible de le désirer. 

« 1° Affaire du Tyrol : 

« Les dernières dépêches des généraux Baraguey 
d'Hilliers , Drouet et Via! sont très-satisfaisantes. 
Tous les habitants possédant quelque chose ren- 
trent chez eux. Chaque jour on reçoit des armes. 
11 n'existera plus, sous peu de jours, que quelques 
bandes de brigands armés dont la destruction sera 



LIV..XV. — 1809 - CORRESPONDANCE «5 

difficile, niais dont on va s'occuper sans relâche. 
J-ai cru devoir, à cet effet, prendre un décret un 
peu sévère, mais qui contribuera, je l'espère, au 
plus prompt désarmement : j'en joins ici la copie.' 

« 2° Affaires de Fi urne et de la Croatie : 

« Le i I e corps est arrivé lcsl* r , 5 et 6 àLaybàch. 
Je l'y ai laissé reposer trois jours, et la 1" division 
s'est mise en marche le 9, pour arriver à Fiume, le 
14 au matin (suivant la convention). 

« J'ai fait emmener au général Clausel de Lay- 
bach 8 pièces en fer de gros calibre, pour le pre- 
mier armement de Fiume et de Segna ; j'en enver- 
rai un plus grand nombre à mesure que les pièces 
de Raab et de Gralz arriveront. La 2 me division du 
41 e corps marchera sur Karlstadl, par Neudstadt 
a Motling, de manière à se lier toujours avec la pre- 
mière, et soutenir ses opérations. 

« Le général Guilleminot, nommé par le prince de 
Neufcbâtel commissaire pour recevoir les nouvelles 
cessions, est déjà arrivé à Fiume, ainsi que le géné- 
ral Bubna. Tous les rapports que je reçois de là don- 
nent à croire que les Autrichiens feront de bonne foi 
l'évacuation de ces provinces. Le pays paraît géné- 
ralement mécontent d'être cédé. J'ai envoyé deux 
aides de camp à Fiume : l'un partira sur-le-champ 
pour Vienne, et l'autre pour venir me trouver. 
« 5° Évacuation de la Hongrie : 
« Gomme elle dépend de la remise de Fiume, et 
qu'elle doit aller de concert avec l'évacuation de 
Vienne, le maréchal Macdonald, que Votre Majesté a 
spécialement chargé de cela, a reçu tousses ordres et 



116 MÉMOIRES M PRINCE EUGENE 

ses instructions. On évacue à force Raab; mais je 
crains que tous les biscuits ne puissent être évacués. 
11 faudrait 800 voitures seulement pour les appro- 
visionnements. 

« Enfin, dans la position actuelle, j'ai cru pouvoir 
aller passer quelques jours à Milan. Le service de 
Votre Majesté n'y marche pas aussi bien que je le 
voudrais. Il y a de nouveaux directeurs généraux, 
de nouveaux ministres, de nouveaux préfets; et il 
est nécessaire de mettre chacun à sa place. 

a D'ailleurs, je ne le cache pas à Votre Majesté, 
les affaires de finance de son royaume d'Italie ne 
sont point du tout en bon état. Des dépenses consi- 
dérables, ordinaires et extraordinaires, ont été faites, 
et les rentrées, non-seulement n'ont pas été celles 
qu'elles doivent être, mais le séjour momentané de 
l'ennemi et les troubles de quelques départements 
ont sensiblement diminué les recettes. 

« Depuis huit jours, de toutes paris, on crie argent, 
et le trésor m'assure qu'il est dans l'impossibilité de 
faire face à tous les besoins. J'attendrai à être in- 
formé exactement des détails pour faire un rapport 
spécial à Votre Majesté. 

« J'ai l'honneur de la prévenir que, la communi- 
cation par Botzen et Trente étant assurée et plus 
courte, j'ai fait porter le quartier général àGoritzia, 
car ce pays est sans aucune espèce de ressources, et 
je serai moi-même à Goritzia sous quinze jours, et 
plus tôt, si besoin est. » 

iu g v?cî- « Je monte en voiture à l'instant même, ma bonne 



LIV. XV. — 1809 - CORRESPONDANCE 111 

Auguste, pour me rendre près de toi ; je remets celte $££ 
lettre au courrier qui va commander mes chevaux. 1 * «S, 
Je t'assure que je le suivrai d'aussi près qu'il me sera aJriTatfi. 
possible ; tu peux t'en rapporter au grand désir que 
j'ai de t' embrasser. » 

« Monsieur le général Lauriston , je vous envoie J^ï^ 
la note du convoi qui n'a pu partir qu'hier. Cela ^ Tn U tSo9. 
n'empêchera pas qu'il voua arrivera demain 22. 
Ayez bien soin de ces munitions, car elles sont bien 
précieuses. Il me tarde d'apprendre que vous ayez 
fait l'impossible pour vous emparer deRaab, car j'ai 
besoin de savoir à quoi m'en tenir. J'ai aussi be- 
soin de vous avoir ici, pour commander l'immense 
artillerie y qui exige un officier d'une grande expé- 
rience, » etc. 

1 Bien que cette lettre, oubliée à sa date, ne se rapporte pas com- 
plètement à la rie militaire du prince Eugène, nous avons cru de?oir 
lui donner place ici, car elle nous semble aroir un véritable intérêt 
historique, puisqu'elle prouve que déjà, à la fin de juin 1809, l'Em- 
pereur était dans l'intention de faire agir son artillerie en grande 
masse a la bataille de Wagram. 



LIVRE XVI 



§ I. — Campagne du Tyrol , d'avril 1809 a février 1810. — Con- 
sidérations de nature a expliquer les causes qui portèrent les habi- 
tants du Tyrol a s'insurger. — Premier acte d'hostilité, le 10 avril, 
vers Brixen. — Le général Baraguey d*HUUers se porte sur Trente. 
Arrivée de la division Fontanelli, dans cette ville, le 16 avril. 
Position qu'elle occupe autour de cette place sur les deux rives de 
l'Adige. — Organisation d'un corps de 9 à 10 mille hommes char- 
gés de couvrir les débouchés du Tyrol. — Divisions Vial et Fonta- 
nelli. — Retraite de ces troupes sur Caliano, puis successivement 
sur Roveredo et sur Ala. — Rapport du colonel de Vaudoncourt sur 
la réorganisation de l'armée d'Italie. — La division Rusca, chargée 
seule de couvrir en Tyrol la gauche de l'armée du vice-roi. Marche 
de cette division, a partir du 2 mai, sur Ala, Trente, Primolano^ 
Bellune. — Combats de Capo di Monte et de Cadore, les 8 et 9 
mai. — Marche de la division sur le Tagliamento pour se rabattre 
sur Cividale au sud. Elle remonte vers le nord par Udine, Pleue 
et Spital, où elle prend position le 23 mai. — Attaque du 5 juin, 
de Chasteler sur Klagenfurth. — La division Rusca pendant le mois 
de juillet. — Le général Rusca fait occuper Sachsenburg à la fin 
de juillet. Sa marche sur Lienz le 2 août. — Combat de Lienz. 

— La division se replie, le 11, sur Klagenfurth, — Formation 
d'une division de 4,000 hommes, à Vérone, mise sous les ordres 
du général Peyri, en septembre. Elle occupe Rivoli, la Gorona ; sa 
marche sur Trente le 23 septembre ; réoccupation de la ville le 28. 

— Combat du 25 octobre autour de Lavis. — Le général Peyri, 
entouré par l'insurrection, se replie sur Trente le 6 octobre. — Ar- 
rivée du général Vial pour commander la division. — Composition 
et force de la division Vial à la fin d'octobre. — Affaires dans la 
vallée de la Drave. — Les insurgés bloquent le fort de Sachsen- 



120 MÉMOIRES DU PRINCE EUGÈNE 

burg (premiers jours d'octobre), -r- Combat* de Sachsenburg i ViU 
lach. — Proclamation du prince Eugène aux Tyroliens. — Lettre- 
du roi de BaTÎère au vice-roi. — Andréas Hofler, ses lettres et «es 
proclamations. — Mission du commandant Tascher de la Pagerie, 
aide de camp du prince Eugène dans le Tyrol. — Lettre du vice— 
roi à son beau-père. — Réponse du roi. 
§ II. — Position des troupes françaises dans le Tyrol au com- 
mencement de novembre 4807. — Opérations, marche et combats- 
de la colonne du général Peyri ; sa jonction avec le général Vial à» 
Bolzano (ou Botsen). — Opérations du corps bavarois depuis le mi- 
lieu d'octobre jusqu'à la fin de novembre. — Composition et em- 
placement des trois divisions bavaroises formant le corps du général 
Dreuet au il octobre 1809. — Opérations dans le nord du Tyrol. 
— Concentration autour d'Inspruck. — Soumission des divers bail— 
lages. — Opérations du général Baraguey d'Hilliers dans la vallée 
de la Drave. — Composition de son corps d'année, marche de* 
troupes sur Lienz, Prunecken et Mulbach. — Auaire de Nulbach* 
(le 8 novembre). — Les généraux Rusca, Sévéroli et Barbou re- 
çoivent Tordre (14 novembre) de diriger des colonnes mobiles sur 
divers points. — Attaque de Méran par les insurgés. — Retraite 
de la division Rusca sur Terlan et Bolzano. — Malheureuse affairt- 
de Saint-Léonard. — Belle défense du commandant Doreiile. — 
Position critique du général Baraguey d'Hilliers jusqu'au 22 no- 
vembre, manquant de vivres et de munitions. — Attaques des 20 
et 21 novembre par la division Rusca. — Sa marche en avant sur 
Méran. — Soumission des habitants du Wintschgau. — Révolte des- 
vallées de l'Eysach, le chef Kolb. — Force dont dispose à la fia 
de novembre le général Baraguey d'Hilliers. — Désarmement du 
Wintschgau et du Passeyer. — Réunion de la division Sévéroli » 
Bolzen. — Expédition du général Moreau sur Prunecken, où le gé- 
néral Almeyras est bloqué. — Opération entre Prunecken et Lienz. 
— * Du 15 décembre au milieu de janvier , marche des colonnes 
françaises pour le désarmement du pays. Les troupes se replient 
sur le Tyrol italien. — Prise de Hofler le 27 janvier. — Le Tyrol 
allemand remis, le 8 février, aux troupes bavaroises. — Fin de la 
campagne du Tyrol. 



tlV. XVI. - tiot- 12» 



I 



La campagne du Tyrol, pendant la plus grande 
partie de Tannée 1809 et pendant les premiers 
mois de 1810, étant peu connue» nous croyons ren- 
dre un véritable service à l'histoire en donnant un 
certain développement à l'aperçu qu'il nous a été 
possible de rédiger à l'aide des documents officiels 
mis entre nos mains, et par l'analyse de la corres- 
pondance du prince Eugène avec les généraux qui 
opérèrent sur cette partie du théâtre de la guerre. 
Afin de ne pas scinder le récit de cette campagne» 
et bien que nous ayons déjà indiqué très-sommaire- 
ment un petit nombre des faits principaux qui se 
sont produits d'avril à mai 1809, nous allons repren- 
dre les opérations à partir du commencement des 
hostilités. 

Le 10 avril 1809, ainsi qu'on se le rappelle» 
était le jour fixé pour l'invasion par les armées au* 
trichiennes des pays soumis à la France ou à ses al- 
liés. Ce même jour, et au moment où l'archiduc 
Jean dénonçait les hostilités dans le Frioul» le Tyrol» 
rÉvéché de Salzbourg, le cercle de Villach, dans la 
haute Garinthie étaient également foulés par les 
troupes de l'Autriche. Le général marquis de Chas- 
te 1er, auquel le décret rendu contre lui par Napoléon 
a donné une sorte de célébrité, avait été chargé du 
commandement du corps ennemi destiné à opérer 
en Tyrol. 



125 MÉMOIRES 1HJ MfNCfi EUGÈNE 

L'entrée dans le Tyrol du marquis de (lhasteler 
fut le signal de l'insurrection qui éclata dès ce mo- 
ment dans celte partie des États de la Bavière et du 
royaume d'Italie, insurrection, comme on le verra, 
qui se prolongea bien après la cessation de la guerre 
avec l'Autriche. 

Les causes de cette levée de boucliers chez des po- 
pulations religieuses, un peu fanatisées même, et fort 
dévouées à ses anciens maîtres, sont faciles à éta- 
blir. En premier lieu, il faut mettre la haine des Ty- 
roliens contre les Bavarois, haine qui se manifesta 
assez nettement par un mécontentement quasi uni* 
versel lors de la cession de la province du Tyrol a 
la Bavière. Or, comme tout déplaît dans un gouver- 
nement qui n'a pas les sympathies d'une nation, lé 
cabinet de Munich eut beau s'ingénier, en plusieurs 
circonstances, à faire ses efforts pour contenter les 
populations nouvellement soumises à ses lois, il n'y 
put parvenir. Ce qu'il fit lui fut toujours imputé 
à crime. La haine, sentiment qui porte h dénaturer 
toute chose ici-bas, faisait exagérer en mal ce qui 
pouvait paraître une atteinte aux anciens privilèges 
de ces peuples, et l'eflfet des mesures les plus sages, 
les plus simples , même les plus bienveillantes, 
était annihilé par des commentaires malveillants: 
Beaucoup d'employés du nouveau gouvernement, 
gens du pays, défavorables à la Bavière, soit par des 
critiques injustes d'actes qu'ils auraient dû défendre, 
soit par la façon dont ils faisaient exécuter les or- 
dres,, soit par défaut de capacité dans leurs fonctions, 
soit enfin par mauvais vouloir, contribuaient chaque 



LIV. XVL -* 1S09 125 

jour a augmenter les mécontentements d'un peuple 
déjà trop enclin à la malveillance. Les paysans, sur- 
excites par le cierge et par les propriétaires, affec- 
taient de considérer comme une domination étran- 
gère, antinationale» le gouvernement bavarois. Il eût 
donc fallu un grand calme de la part de ce dernier, une 
grande prudence dans les mesures h prendre, une 
grande sagacité dans les choix des fonctionnaires 
publics. C'est ce qui n'eut pas toujours lieu. Aussi 
il fut facile de prévoir les troubles qui ne tarde- 
raient pas à éclater, et qui devaient nécessairement 
faire explosion à la première levée de boucliers de 
l'Autriche. 

Le prince Eugène signala de bonne heure celle 
tendance fâcheuse du Tyrol à se révolter et à s'af- 
franchir de la Bavière. 

Tout cela cependant, on doit le reconnaître, n'au- 
rait peut-être engendré qu'un sourd mécontente- 
ment et une résistance passive qu'on fût parvenu à 
vaincre avec le temps et avec quelques mesures sages 
et efficaces, au besoin même énergiques, si, bien- 
tôt à ces motifs plus ou moins spécieux, il ne se fût 
joint une cause d'espérance pour les mécontents, un 
point d'appui pour les hommes qui voulaient pous- 
ser à la rébellion. Celte cause directe, efficace, qui 
détermina plus que tout le reste la levée de bou- 
cliers des paysans tyroliens, ce fut la conduite de 
l'Autriche, ses excitations, ses promesses, ses efforts 
pour soulever des populations détachées d'elle par 
l'effet des guerres précédentes et par suite des trai- 
tés conclus après ses défaites. 



124 MÉMOIRES OU PRINCE EUGÈNE 

Les mesures les plus adroites furent prises en-des- 
sous par le cabinet de Vienne, dans le but de détermi- 
ner une explosion, La partie du pays principalement 
qui s'éloignait des provinces d'Italie et s'étendait 
au Nord fut travaillée très -activement par des 
émissaires habiles et intéressés. On promit aux 
paysans des armes, de l'argent, un appui moral, 
un appui matériel, et enfin l'aide d'un corps d'armée 
qui fournirait un centre autour duquel pourraient 
se grouper toutes les forces vives de ces contrer s 
montagneuses et d'un difficile accès. Dès que le ca- 
binet de Vienne fut décidé à une nouvelle coalition 
contre la France, il songea à se servir du Tyrol 
comme diversion importante. Des agents furent 
jetés dans le pays pour préparer doucement les 
esprits en les aigrissant contre le gouvernement du 
roi de Bavière. À propos de la conscription, on excita 
le mécontentement des populations. Se gardant bien 
de faire observer ce que celte mesure avait de juste,, 
on la présenta comme une violation des droitsdu pays. 
Et cependant il était facile de se rendre compte que 
par cette mesure au contraire on obtenait un contin- 
gent moins fort que celui fourni jusqu'alors au gou- 
vernement sous les lois duquel leTyrol avait été rangé. 
On poussa ces fiers montagnards, esprits belliqueux,, 
à déclarer que la loi nouvelle était oppressive. Puis, 
tout bas, on fil observer aux Tyroliens qu'il fallait re- 
fuser l'obéissance, puis que le temps n'était pas bien 
éloigné où la guerre déclarée par l'Autriche à la 
France allait permettre aux fidèles habitants de 
prendre fait et cause pour un gouvernement qu'ils 



LIV. XVI. — 1S0* 1*5 

regrettaient avec de jus tes rai sons; on leur Ot observer 
que, service militaire pour service militaire, mieux 
valait encore être à celui de l'Autriche qu'à celui de 
la Bavière. Entre un gouvernement ennemi, aux lois 
duquel les chances mauvaises de la guerre les 
avaient contraints momentanément à se soumet* 
tre, et un gouvernement qui les aimait, les esti- 
mait, qu'ils chérissaient eux-mêmes, sous les lois 
duquel ils désiraient et pouvaient revenir, il ne 
devait pas y avoir, dans le choix, d'hésitation de 
leur part. 

Le clergé, en Tyrol, était à cette époque aussi 
favorable à la maison d'Autriche que contraire à 
celle des princes de Bavière. Or les ecclésiastiques, 
qui jouissent habituellement d'un certain prestige 
dans les pays de hautes montagnes dont les habitants 
semblent plus éloignés en quelque sorte des grands 
centres de population, les ecclésiastiques, dans le 
Tyrol allemand et italien, -étaient alors tout-puis- 
sants. Ils représentaient la cour de Munich comme 
une cour livrée à l'hérésie, n'ayant d'autre but que 
de s'associer à la France pour renverser le saint- 
père et détruire la religion. Quelques règlements 
particuliers, quelques suppressions défavorables, 
qui lésaient peut-être des intérêts privés, furent 
présentés aux Tyroliens comme de graves atteintes 
portées à la sainteté du culte. 

Ainsi donc la haine naturelle des habitants du 
Tyrol contre les Bavarois, leur désir de retourner 5 
l'Autriche, les excitations des agents de la cour de 
Vienne, les prédications fanatiques du clergé contre 



m MÉMOIRES M PIUNCE EUGÈNE 

les nouveaux maîtres, les sottises de fonctionnaires 
malveillants, hostiles,. inhabiles ou* gagnés à l'en- 
nemi, avaient merveilleusement disposé le pays à la 
révolte, lorsque le marqqis de Ghasteler envahit le 
côté de Villach au commencement d'avril 1809. 
Les vallées . de Nos (au nord-ouest de Trente et 
de Lavis) et du Pustcrthal s'étant fait remarquer 
dans les petites insurrections partielles relatives à la 
conscription, il fut facile à l'Autriche d'agir plus 
fortement de ce côté et de prévoir que là serait le 
véritable et premier foyer de la grande levée de bou- 
cliers. Ce fut donc vers ces points que le général de 
Chasteler eut ordre de se diriger. 

Vers le commencement d'avril, quelques batail- 
lons de marche et quelques escadrons formés de 
différents dépôts furent dirigés de l'Italie sur la 
grande armée française par le Tyrol. Deux de ces 
petites colonnes, destinées à être versées à leur 
arrivée dans les corps, se trouvaient aux environs de 
Brixen, le 10 avril, le jour même où Ton connut 
dans le. pays l'entrée à Lienz du marquis de Chas* 
teler, nouvelle qui fit éclater l'insurrection jusqu'a- 
lors comprimée. Les insurgés, trouvant une occasion 
de prouver leur zèle, s'empressèrent d'attaquer les 
deux petits corps français, et les coupèrent l'un de 
l'autre. Ce fut la première scène du drame qui se 
joua dans le Tyrol pendant près de dix mois. L'une 
des colonnes attaquées perdit beaucoup de monde et 
gagna avec peine Inspruck. L'autre, moins engagée 
dans le pays soulevé, se replia sans perte sur Trente. 

Trois jours après, et dès que les hostilités eurent 



LIV. XVI. - 1809 t%l 

été déclarées, le général Baraguey d'Hilliers, colonel 
généra] et chargé de commander l'aile gauche de 
r armée > d'Italie, arriva à Vérone pour rassembler 
ses troupes. Comme il avait mission de veiller 
sur le Tyrol, il s'empressa d'expédier Tordre à 
la division Fontanelli , encore au camp de Mon* 
techiaro, d'en partir pour se porter à marche for- 
cée sur Trente. Le général s'était rendu de sa per- 
sonne et sans attendre la division italienne dans 
cette ville pour y organiser la défense des débou- 
chés du Tyrol. Il trouva là les trois bataillons de la 
colonne coupée de Brixen établis en avant de la ville 
avec des avant-postes jusqu'à Gardolo. En même 
temps, n'ayant pas assez d'infanterie pour garder sa 
ligne par Civezzano, Levico et Pergine, il appela à 
lui et distribua sur ces divers points deux escadrons 
du 7° de dragons, alors à Roveredo. 

Le 16 avril, la division Fontanelli arriva à Trente. 
Il était temps, car l'insurrection grossissait, gagnant 
de toute part. Les troupes de cette division furent 
placées en avant de Trente, sur les deux rives de 
l'Adigc, la droite devant Lavis (sur le ruisseau du 
même nom), la gauche à Molven et Zambana, des 
montagnes à la rive droite du fleuve. Les trois batail- 
lons de marche et la cavalerie furent chargés de 
garder en seconde ligne Civezzano, Pergine et Le- 
vico. Ces troupes entrèrent dans la composition d'une 
division dont le général Vial vint prendre le com- 
mandement le 17. 

Il y eut vers Lavis quelques affaires d'avant-postes 
sans grande importance, Le pont sur le torrent fut 



128 MÉMOIRES DU PRINCE EUGENE 

brûlé par les troupes françaises, A la gauche, sur la 
rive droite de l'Adige, les choses prirent une tour- 
nure plus inquiétante. L* insurrection était devenue 
formidable. Elle se sentait soutenue par l'avant- 
garde du corps autrichien qui devait opérer en Tyrol; 
il fallut donc abandonner Molven elZambana. Le 19, 
après un combat des plus vifs, les troupes se re- 
plièrent du poste de Buco-di-Vela pour se retrancher 
à la tête du pont de Trente. 

Au même moment le général Baraguey d'Hilliers 
reçut de Bassano, par un officier d'ordonnance du 
général Grenier, et du vice-roi lui-même, en retraite 
sur l'Adige, après Sacile, l'avis du mouvement ré- 
trograde de l'armée d'Italie. Il se décida donc à se 
rapprocher de Vérone. 

Le 21 , Trente fut évacué, le pont brûlé, et les 
troupes se concentrèrent en avant de Galiano, un 
peu . au-dessus de Roveredo, à la hauteur de l'extré- 
mité du lac de Guarda. 

Napoléon blâma beaucoup ce mouvemejil rétro- 
grade prescrit par le prince Eugène. D'après lui, il 
n'y avait pas péril en la demeure, et les affaires du 
Tyrol n'étaient pas assez graves pour déterminer le 
vice-roi à se replier et appeler à lui les troupes de 
Baraguey d'Hilliers. Quoi qu'il en soit, le 22 avril, 
l'aile gauche de l'armée d'Italie couvrait Roveredo 
et les débouchés du Tyrol. Elle avait en ligne : 
1° la division Vial (sans généraux de brigade), for- 
mée des 3 bataillons de marche, de 3 bataillons 
du 112 e de ligne qui venait de rejoindre, de 2 esca- 
drons de divers corps de chasseurs et de 4 escadrons 



LIV. XVI. - 1809 1*9 

du 7° de dragons; total 6 bataillons et 6 escadrons ; 
2° la division italienne Fontanelli (généraux de bri- 
' gade Julhien etBertoletti), composée de 1 bataillon 
du 2 6 de ligne italien, de 3 du 3 e , 2 du 4 e , 2 du 1 er 
léger, et 2 du 2 e , du bataillon royal d'Istrie, de 2 es- 
cadrons de chasseurs du prince royal et de 10 bouches 
à feu de campagne, 11 bataillons, 2 escadrons. L'ef- 
fectif de ces troupes du général Baragucy-d'Hiiliers 
peut être évalué à 8,500 fantassins et 1,400 chevaux. 
Le séjour de ces deux faibles divisions à Caliano 
ne fut pas de longue durée. Rappelé sur Vérone pa r 
le vice-roi, le général Baraguey-d'Hilliers, qui en 
était venu à craindre de ne pouvoir opérer sa retraite 
par la rive gauche de l'Adige, résolut de faire jeter 
un pont un peu au-dessous de Roveredo, à Ravazzonc, 
afin de pouvoir opérer par les deux rives au besoin. 
L'adjudant commandant, Guillaume (plus tard géné- 
ral de Vaudoncourl), fut chargé de cette opération 
délicate, qu'il parvint à mener à bien en faisant une 
diversion par Mori, sur Riva et Arco, à l'extrémité 
du lac de Garda. 

Le 23 avril, le détachement de 1 ,200 hommes mis 
sous les ordres de l'adjudant commandant Guil- 
laume, attaqué à Caliano par la brigade autrichienne 
Fenner, avant-garde du marquis de Chasteler, et par 
2,000 paysans insurgés, repoussèrent avec un avan- 
tage marqué les tentatives de l'ennemi. Le combat 
dura toute la journée, et dans la nuit suivante le 
général Baraguey-d'Hilliers se concentra à Roveredo 
pour pouvoir être à même de se replier sur Vérone, 
où l'armée d'Italie devait se réunir. 

vi. 9 



130 MÉMOIRES DU PRINCE EUGÈNE 

Le 24 au matin, l'ennemi attaqua de nouveau à 
Roveredo et à Mori. Sur tous les points il fut non- 
seulement contenu, mais repoussé. Le 25, Baraguey- 
d'IIilliers voulant assurer la position de Rivoli, point 
sur lequel déjà il avait détaché deux bataillons 
du 2 e léger italien, se décida à laisser sur la rive 
droite l'adjudant commandant Guillaume avec ses 
deux bataillons du 4 e de ligne et 1 er léger italien, et 
une pièce de canon, tandis que lui ferait replier et 
descendre jusqu'à Cazano, entre Roveredo et Ala, 
le pont de Ravazzone, et tous les bacs sur le fleuve. 
Les troupes se mirent donc en marche sud Àla, à 
l'exception de l'arrière-garde du colonel Guillaume, 
laquelle resta en position le 26, pour soutenir la re- 
traite. L'ennemi essaya de le débusquer, mais il n'y 
put parvenir et le mouvement rétrograde fut poussé 
le 27 jusqu'à Dolce. 

Nous faisons suivre le récit de la première partie 
de celte campagne d'un rapport du colonel Guil- 
laume de Vaudoncourt, rapport qui nous a paru 
résumer parfaitement les opérations depuis l'ouver- 
ture des hostilités en Tyrol jusqu'à la reprise de 
l'offensive par l'armée d'Italie. 

« Dès le 1 d'avril, le corps d'armée autrichienne 
commandé par le général Chasteler, ayant pénétré 
dans le Tyrol, la division Fonlanelli, qui s'était ras- 
semblée à Montechiaro, reçut ordre de se porter à 
Trente, où elle arriva le 16. Cette division, composée 
de trois bataillons du 3* de ligne italien ; deux du 4 e ; 
deux du 1 èr léger; deux du 2* léger; le bataillon 
d'Islrie ; deux escadrons des chasseurs du prince 



LIV. XVI. — 1809 151 

royal, et deux compagnies d'artillerie servant 10 
bouches à feu, se réunit à Trente, avec trois batail- 
lons français de marche et environ 200 chasseurs 
qui, ayant été attaqués à Brixen, par l'avant-garde de 
Ghasteler, et coupés d'une première colonne à peu • 
près de même force, avaient été obligés de se replier 
sur Trente • 

« L'avant-garde ennemie, commandée par le géné- 
ral Fermer, s'était avancée jusque vers Salures et 
Saint-Michel, et l'insurrection ayant éclatée depuis 
Inspruck jusqu'aux vallées de Fiemme et di Sole; 
ce petit corps d'armée, qui formait l'aile gauche 
sous les ordres de Son Excellence le colonel général 
Baraguey-d'Hilliers, fut obligé de se concentrer au- 
tour de Trente, ayant ses avant-postes entre Gardolo 
et Lavis, sa gauche à Vezzano, et sa droite sur 
Pergine et Levico, où se trouvait le noyau de la di- 
vision du général Yial, alors composée de trois ba- 
taillons de marche, de 200 chasseurs à cheval et du 
7* de dragons, qui de Roveredo s'était portée h Le- 
vico. 

« Plusieurs combats nous ayant fait perdre les po- 
sitions de Vezzano et de Buco di Vélo, et les mou- 
vements de l'armée d'Italie obligeant l'aile gauche à 
se rapprocher de Vérone, le général Baraguey-d'Hil- 
liers songea à rétablir sa communication avec la 
droite de l'Àdige et le lac de Garda, qui était alors 
interceptée. Le 20, je fus donc détaché avec 150 
hommes du 4 e de ligne italien pour établir un pont - 
sur l'Adige à Ravazzone entre Roveredo et Mori. 

« Le même jour» le 1 12 f régiment, fort de 3 balail- 



132 MÉMOIRES DU PRINCE EUGÈNE 

Ions, rejoignit la division Vial, qui se réunissait à 
Galiano avec celle du général Fontanelli. Le 22, le 
pont, dont les matériaux avaient élé très-difficiles à 
réunir, se trouva prêt; mais l'ennemi, menaçant 
d'attaquer avec des forces supérieurs le détache- 
ment qui le défendait, le général Baraguey-d'Hilliers 
mil à ma disposition trois compagnies d'élite du 1 er 
léger, deux bataillons du 4 e de ligne, deux pièces 
de canon et autant de dragons du 7 e que je le croirais 
nécessaire. Ce jour-là, je me contentai de prendre 
position au pont. Le lendemain je pensai à faire une 
diversion qui attirât l'attention de l'ennemi sur 
la rive droite de l'Adige, et l'obligeât à retirer une 
partie des troupes qu'il avait portées sur le général 
Baraguey-d'Hilliers, et qui lui avait livré bataille à 
Galiano. Autorisé par ce général, je fis passer 
l'Adige au corps que je commandais ; les deux ba- 
taillons du 4 e avec une pièce de canon furent postés 
sur les hauteurs de Ravazzone, leur droite observant 
le chemin de Trente; le capitaine Garrara avec les 
150 hommes du 4 e furent envoyés à Nago avec ordre 
de recueillir des vivres à Drô et Arco, et tous les ba- 
teaux qui se trouvaient à Riva et Torbole ; moi-même 
je me portai à Mori avec les trois compagnies du 1 CT 
léger, deux de voltigeurs du 4% formant environ 250 
hommes, une pièce de canon et 30 dragons du 7*, 
qui, dans la journée, furent remplacés par deux es- 
cadrons du prince royal. 

« L'après-midi, je jetai en avant 30 chasseurs, or- 
donnant au lieutenant Bianchi, qui les commandait, 
de se porter à Nago, de maintenir la communication 



LIY. XVI. - 1809 153 

de Mori par des patrouilles, et de couvrir, en cas de 
besoin, la retraite du capitaine Garrara. Dans la nuit, 
je fus averti que l'ennemi se disposait à attaquer 
le poste de Nago; je me tins prêt à le soutenir, aus- 
sitôt que j'aurais eu avis que l'attaque était effectuée. 
Le 24 au matin, n'ayant eu aucune nouvelle, je me 
disposais à porter deux compagnies à Loppio, lors- 
que le bruit de la fusillade m'apprit que le poste de 
Nago était en pleine retraite et assez près de moi. 
Ce poste, comme je le vis un instant après, était atta- 
qué par environ 2,000 insurgés, soutenus par un 
bataillon de chasseurs tyroliens. 

« Je me débarrassai à l'instant des équipages qui 
avaient encombré la place de Mori, et je les fis filer 
lestement par la droite de l'Adige sur Avio et Rivoli. 

« Je jetai le chef de bataillon Maffei en avant avec 
trois de mes cinq compagnies légères, une pièce de 
canon et 30 chasseurs, et je chargeai l'adjudant- 
commandant Pajni, qui se trouvait alors à Mori, de 
faire avancer dé suite un bataillon du 4' de ligne. 
Le chef de bataillon Maffei fut obligé lui-même de 
se replier, et je vis les insurgés se porter à la Ma- 
donna del Monte, que son mouvement laissait à dé- 
couvert; ils en descendirent de suite pour se porter 
dans les jardins à ma droite, en prolongeant vers le 
pont de Molicco. 

« Avec le peu de troupes que j'avais, il m'était im- 
possible de couvrir le front du village, et je crai- 
gnais que la communication avec Ravazzone ne me 
fût coupée. Ne voyant pas arriver le bataillon du 4 # 
(j'appris après que l'adjudant-commandant Pajni 



134 MÉMOIRES DU PRINCE EUGÈNE 

avait repassé l'Adige, occupé de tout autre chose 
que de ma commission), et ne voulant pas compro- 
mettre l'artillerie et la cavalerie qui ne pouvait plus 
me servir , j'ordonnai au chef d'escadron Bucchia 
de me laisser trente hommes et de se porter avec la 
pièce de canon à côté du 4 e régiment, d'y attendre 
mes ordres, et surtout de m'envoyer un bataillon. 
Bucchia repassa également l'Adige et annonça aux 
généraux Baraguey - d'Hilliers et Fontanelli que 
j'étais entièrement enveloppé. 

« Cependant de mon côté je me décidai à évacuer 
la partie antérieure de Mori et à me retirer dans les 
faubourgs vers Ravazzone, où je pouvais tenir avec 
un peu de forces. J'ordonnai au capitaine Garrara 
de se porter à Molino, avec les trente chasseurs que 
j'avais, et au chef de bataillon Maffei de prendre 
poste avec ses trois compagnies au pont entre Mo- 
lino et Mori. Les deux compagnies qui me restaient 
avaient déjà été repoussées jusque sur la place. 
Lorsque je crus le mouvement de M. Maffei achevé, 
je commençai ma retraite sous un feu si violent, 
qu'il ne fallut pas moins que tous mes efforts réunis 
à ceux du capitaine Agazini du 4 e et Dcsimoni du 1 er 
et de l'adjudant Majorviani des chasseurs, qui était 
resté avec moi pour rallier les troupes débandées 
et leur faire prendre position près de la Municipa- 
lité, où je voulais attendre des renforts. J'y réussi 
enfin, et l'ennemi, continuant son mouvement sur 
ma droite, s'arrêta sur la place; la fusillade s'en- 
gagea alors en tête et sur les deux flancs. Sûr de ne 
pouvoir être forcé, j'envoyai encore une ordonnance 



LIV. XVI - 1809 135 

1 au major Péri commandant le 4* , pour hâter l'ar- 
rivée de son 5 e bataillon. 

« Peu après le général Julhien, que M. le général 
Baraguey-d'Hilliers, inquiété par les rapports de 
MM. Pajni et Bucchia, envoyait pour me soutenir, 
arriva avec une compagnie de voltigeurs et suivi de 
près par les deux bataillons du 4 e et par le chef de 
bataillon Maffei, à qui j'avais donné ordre de me 
rejoindre avec ses trois compagnies, aussitôt qu'il 
verrait le mouvement du 4\ Le général Julhien, en 
venant reconnaître un jardin où j'établissais la 
compagnie de voltigeurs qu'il m'amenait, fut blessé 
et se retira. La tête de la colonne du 4 e régiment 
me joignant en cet instant avec 30 chasseurs, je 
fis attaquer à la fois la place, les jardins et la Ma- 
donna del Monte. L'ennemi fut culbuté partout, laissa 
plus de cent morts sur le champ de bataille, et fut 
chassé à environ trois milles; on ne lui fit que trois 
prisonniers, chefs d'insurrection, que je fis fusiller 
sur-le-champ. Le soir je repris tous mes postes, ex- 
cep té Nago, trop éloigné pour le moment. Ma perte 
de la journée ne passa pas 10 morts et 20 blessés. 

« Le 25 au matin, le général commandant l'aile 
gauche, voulant achever le mouvement de retraite 
sur Vérone, se décida à faire descendre à Rivoli le 
pont de Kavazzone, que j'avais fait ponter par ba- 
teaux pour faciliter le reploiement. Je reçus ordre 
de rester 5 la rive droite avec deux bataillons du 4 e 
de ligne italien, trois compagnies du 1 er léger, 16 
chasseurs, une pièce de canon, faisant en tout 1 ,100 
hommes ; de replier ou détruire tous les ponts et 



136 MÉMOIRES DU PRINCE EUGÈNE 

bacs sur ma route ; de me battre partout où je pour- 
rais (c'est-à-dire partout où l'ennemi se présenterait); 
de couvrir la position de Rivoli et enfin de me reti- 
rer à Peschiera si j'y étais forcé. 

« Lorsque je vis le pont de Ravazzone replié et la 
division de la rive gauche en mouvement, je com- 
mençai le mien. Je ne pouvais pas prendre la route 
de Brentonico sans découvrir le flanc de la colonne 
de l'aile gauche. Ce motif me décida à suivre le bord 
de l'Adige par le pied du mont Crona ; mais, comme 
ce chemin offre, outre la difficulté de la montée, un 
défilé où le parti ennemi qui éUyt à Brentonico pou- 
vait m'arrêter court, j'y envoyai rapidement le chef 
de bataillon Maffei avec cinq compagnies légères, 
et je me mis en marche avec le reste de la colonne, 
obligé à chaque instant de frayer le chemin à l'ar- 
tillerie. L'ennemi, prévenu au mont Crona, ne se fit 
voir que de loin, et j'arrivai sans obstacles à Chiz- 
zola, où je pris position pour laisser à l'âile gauche 
le temps de me devancer. Le soir, je pris position au 
château qui domine le village, et ce dernier fut de 
suite occupé par l'ennemi. Je le fis attaquer vigou- 
reusement , pour lui faire perdre l'envie de me 
serrer de trop près, et il fut chassé encore jusqu'à 
un mille et demi, au pied du mont Crona. Vers 
minuit, je me remis en marche et j'arrivai à la 
pointe du jour à Pileanto, en face d'Àla, où je pris 
position, ma droite à l'Adige et ma gauche appuyée 
à la montagne très-escarpée. J'étais alors à la hau- 
teur des divisions de l'aile gauche. 

a Quelques heures après, une avant-garde d'insur- 



UV. XVI. - i809 157 

gésvint attaquer mes postes avancés; ils furent bientôt 
repoussés. Mais cette attaque, jointe aux rapports que 
j'avais reçus pendant la nuit, me fit prévoir que j'au- 
rais bientôt devant moi les troupes que je savais être 
arrivées à Mori, le soir précédent; je rapprochai 
donc mes avant-postes et me concentrai. En effet, 
vers les deux heures après-midi, une ligne d'avant- 
postes de troupes réglées fut établie en face de moi, 
et un nombre d'insurgés parut sur la montagne à 
ma gauche. Je fis alors mes dispositions d'attaque. 
Je plaçai en avant-garde deux compagnies de volti- 
geurs du 4 e et une du 1 er léger avec mes chasseurs 
à cheval, sous les ordres du chef de bataillon Maffei, 
et je les fis soutenir par une de grenadiers et une de 
fusiliers du 4\ Quatre compagnies du même régi- 
ment étaient en deuxième ligne avec le major Péri. 
Les deux compagnies, de carabiniers du 1 er léger 
furent placées à la gauche du village et à mi-côte, 
avec ordre de se tenir couvertes et de n'attaquer que 
lorsque j'en donnerais le signal. Deux compagnies de 
fusiliers et une de grenadiers du 4 e étaient en ré- 
serve à la tête du village, et une compagnie de fu- 
siliers couvrait mes derrières. Le terrain, assez res- 
serré en avant de Pilcanto , m'avait permis de me 
placer sur plusieurs lignes, sans cesser d'avoir mes 
flancs appuyés, le droit à l'Àdige, et le gauche à la 
montagne. Pendant ce temps, l'ennemi déploya ses 
forces, consistant en un bataillon de Hohenlohe-Bar- 
tenstein, un de chasseurs, 2 pièces de canon, un esca- 
dron de chevau-légers de Hohenzollen et environ 
2,000 insurgés. 11 engagea de suite la canonnade, à 



138 MÉMOIRES DU PRINCE EUGÈNE 

laquelle je répondis en faisant avancer la pièce que 
j'avais, el la faisant soutenir par deux compagnies 
de la réserve, dont je renforçai l'avant-gardc, qui 
avait été si vivement attaquée qu'elle fut obligée de 
prendre positioix un peu en arrière. L'effet de l'ar- 
tillerie, très-bien servie par un détachement de la 
% 6* compagnie italienne, fut d'obliger l'infanterie 
ennemie à reculer h son tour. Le combat se soutint 
avec un avantage à peu près égal sur le front et n 
ma droite, où mes 16 chasseurs, commandés par le 
lieutenant Scotti, suffirent pour contenir les chevau- 
légers ennemis. Mais à ma gauche, que j'avais re- 
fusée à dessein, les insurgés, longeant la montagne 
à mi-côte, vinrent s'établir au-dessus des premières 
maisons du village. Alors je résolus d'isoler les in- 
surgés et de les couper, en profilant de l'avantage du 
terrain qui les obligeait, en se retirant, à passer par 
le chemin par lequel ils étaient venus, vu que la 
montagne était trop escarpée pour la monter direc- 
tement. Je donnai donc le signal aux deux compagnies 
de carabiniers du 1 er léger de se lever de leur em- 
buscade et d'attaquer les insurgés; en même temps, 
j'ordonnai aux capitaines Sirin etCarrara,qui étaient 
en seconde ligne, de se porter rapidement à la gauche 
de la première, d'attaquer, la baïonnette au bout du 
fusil, le bataillon de Hohenlohe, qui appuyait à la 
montagne, de le culbuter et de prendre position une 
demi-portée de canon en arrière. Ce mouvement fut 
très-bien exécuté, le bataillon plia el s'enfuit. Pen- 
dant ce temps, le reste de la première ligne chargea 
les chasseurs el la cavalerie, et les mit également en 



LIV. XVI. - i809 139 

fuite. Les insurges, coupés de la ligne, attaqués rie 
front par les carabiniers, et en flanc par la compagnie 
de voltigeurs du capitaine Agazzini, furent mis en 
déroute et laissèrent plus de 200 morts. Leur épou- 
vante fut telle, qu'ils n'opposèrent presque pas de 
résistance, et nos soldats, plus lestes qu'eux, les 
atteignirent avec facilité. 

« Je fis cesser la poursuite à environ deux milles et 
revins prendre mes positions à Pilcanto. La perte des 
troupes de ligne ennemies fut d'environ 160 morts 
et 200 blessés ; on ne leur fit que 4 prisonniers. Nous 
n'avons eu que 2 morts et 18 blessés, parmi lesquels 
le capitaine Noè, du 4% qui le fut mortellement. 

« Le 27 au matin je me retirai, par Àvio, sur Bel- 
lune, où je pris position en attendant l'ennemi. Rien 
ne se fit voir de mon côté ; mais, à la gauche de 
l'Àdige, il se présenta une colonne dont le projet 
était de suivre les divisions de l'aile gauche qui 
avaient pris position à Dolce. Quelques coups de 
canon à mitraille la firent rétrograder. Le même 
soir je vins prendre position à Parazolo. 

ce Le 28 au matin je vins prendre position à Inca- 
nale, couvrant le pont qu'on construisait au pied de la 
montagne de Rivoli. Le soir je fus rappelé à Vérone 
pour être chef d'état-major de la nouvelle division 
qu'on formait pour le général Fonlanelli. » 

Cependant, le corps du Tyrol allait subir de 
grandes modifications. Le général Vial était rem- 
placé par le général Rusca, le vice-roi venait de 
donner à son armée, prête à reprendre l'offensive, 
une nouvelle organisation, arrêtée déjà en principe 



140 MÉMOIRES DU PRINCE EUGÈNE 

depuis le 22. Le 112* do ligne, les 2 6 et 3* de ligne 
italiens, avaient ordre de quitter leurs positions 
pour se rendre à la nouvelle division Fontanelli, qui 
se réunissait sous Vérone. Les chasseurs du prince 
royal avaient également Tordre de gagner Brescia, 
le 7" de dragons celui de rejoindre une division de 
dragons. 

A la fin du mois d'avril, au moment de la reprise 
de l'offensive par le prince Eugène, il restait donc 
vis-à-vis les débouchés duTyrol, en position devant 
Ghasteler, la division Rusca (général de brigade Ber- 
toletti), composée de 10 bataillons des 4 e italien, 
l"et 2* léger, royal d'Istrie, de marche (français), 
2 escadrons de chasseurs à cheval (français), et de 
10 bouches à feu. Total : 5,000 fantassins, 250 che- 
vaux. 

Mais, à celte époque, les choses étaient bien 
changées, les victoires de la grande armée, les 
dispositions du vice-roi pour se porter en avanl, ne 
donnaient plus aux opérations en Tyrol qu'une im- 
portance très-secondaire. La division Rusca avait, 
comme mission, plutôt de couvrir le flanc gauche de 
l'armée d'Italie que de guerroyer contre Chasteler 
et l'insurrection. En conséquence, cette division 
reçut, le 2 mai, l'ordre de se porter en avant pour 
gagner la vallée de la Brenta. 

Le prince Eugène résolut d'employer les forces 
du général Rusca à tenir éloignés de la gauche de 
l'armée d'Italie les troupes, peu à craindre, de Chas- 
teler et les paysans insurgés. Il était, en outre, dans 
sos intentions, dès qu'il aurait opéré lui-même sa 



LIV. XVI. — 1809 141 

jonction avec la grande armée, de placer la division 
Rusca vers Spital, face aux débouchés du Tyrol sur 
la Carinthie, pour empêcher Ghasteler do rejoindre 
l'archiduc Jean. 

C'est en effet ce qui eut lieu : 

La division Rusca attaquant, le 2 mai, les Autri- 
chiens et les insurgés à Àla, les repoussa, et féoccupa 
Trente deux jours après. On n'a pas oublié qu'à la 
reprise de l'offensive par le vice-roi le général 
Ghasteler avait rappelé à lui la majeure partie de ses 
troupes régulières et s'était porté sur le Brenner, et 
que, le 17 mai, il reçut Tordre d'abandonner entiè- 
rement le Tyrol pour rallier l'archiduc Jean. Le gé- 
néral Rusca n'avait donc plus en tête qu'un petit 
noyau de troupes réglées et des paysans insurgés, ce 
qui ne pouvait tenir contre ses bataillons. Cependant, 
le 4 juin, il eut un combat assez vif en avant de 
Trente. Il prit la roule de Bassano, le long de la 
vallée de la Brenta, gagna, le 5, Borgodi Valsugana, 
où il entra sans coup férir, et, le 6, Primolano. Le 8, 
il abandonna la vallée de la Brenta pour entrer dans 
celle delà Piave, l'armée d'Italie étant prête à opérer 
de vive force le passage de cette rivière. 

Le général Rusca, couvrant Bellune et la Piave, 
apprit, Je 7 mai, qu'un petit corps de 800 hommes 
de troupes de ligne autrichiennes et 1,500 paysans, 
sous le commandement d'un major, étaient des- 
cendus par le Yal de Cadore jusqu'à Capo di Ponte, 
à quelques pas au nord de Bellune. 11 détacha aussi- 
tôt contre ce parti ennemi le bataillon royal d'Is- 
tiie aux ordres du commandant Salvatori, et le fit 



14* MÉMOIRE ÎW PRINCE EUGÈNE 

soutenir par d'autres troupes. Les Autrichiens et Jes 
insurgés culbutés se rejetèrent sur Longaro. Le gé- 
néral lança de nouveau contre eux, le 9 mai, le 
même bataillon distrie qui les battit de nouveau, 
leur enleva leur position du pont de Perasolo, où ils 
s'étaient retranchés en avant de Cadore, et les força 
enfin, le 10, à battre en retraite. 

Passant d'une vallée dans une autre pour suivre 
toujours les mouvements de l'armée d'Italie, par la 
gauche, le général Rusca se porta, le 11 mai, sur 
Ampezzo, vers le Brenner. Là, il reçut des instruc- 
tions qui lui enjoignaient de se rabattre vers le sud, 
dépasser leTagliamento avec sa division à Valvasone 
et de se porter par Udine, Cividale, Plezzo et Tarvis, 
jusque sur Spital, débouché du Tyrol sur la Carinthie. 

La division Rusca, toujours couvrant la gauche et 
le centre du prince vice-roi, arriva le 25 mai à 
Spital, jetant le bataillon d'Istrie sur Sachsenburg 
pour observer cette forteresse et lui servir d'avant- 
garde. 

Le marquis de Chasteler, cependant, après avoir 
hésité longtemps à exécuter l'ordre de rejoindre l'ar- 
chiduc Jean, abandonnait un peu tard le Tyrol, sui- 
vant la vallée de la Drave. 

C'est alors que l'Empereur, qui ne connaissait 
pas encore bien la composition des troupes aux mains 
de Chasteler, se figurant que ce dernier n'avait avec 
lui que des insurgés et des landwhers, écrivit au 
prince Eugène pour lui dire que Rusca devait cul- 
buter ces mauvaises troupes. 

Le 50, sur l'avis de la retraite de Chasteler, Rusca 



L1V. XVI. — i809 143 

concentra sa division à Spital, le lendemain à Yillach, 
le 3 juin à Klagenfurth. Il craignait de n'avoir pas 
assez de force pour tenir télé à l'ennemi, beaucoup 
supérieur à lui, et il espérait barrer le passage à 
Klagenfurth ou peut-être recevoir à temps les ren- 
forts qu'il avait demandés, au corps de Dalmalie, à 
Marmont. 

Le 5,Chasteler, plus désireux de percer pour ral- 
lier l'archiduc Jean, avant l'arrivée de Marmont, que 
de batlre Rusca,' fit une démonstration sur Klagen- 
furth pour essayer de gagner la Drave, et de se mettre 
à couvert derrière cette ligne. 11 y parvint en effet, 
mais après avoir été culbuté, après avoir perdu 600 
hommes et avoir vu son corps diminué de toute 
une brigade d'arrière-garde, qui, coupée de lui, fut 
obligée de se replier précipitamment sur le Tyrol. 

Ainsi , tandis que Marmont marchait vers le nord 
pour gagner la Drave, que le prince Eugène descen- 
dait sur Œdenburg pour chercher ei suivre l'archi- 
duc Jean en Hongrie, que Giulay essayait de remonter 
jusqu'à Gratz,Chasleler, laissant forcément la brigade 
Smidt dans le Tyrol, où elle avait été repoussée après 
le combat du 5 juin, essayait de rejoindre son géné- 
ral en chef, sans pouvoir y parvenir, errant tantôt 
sur les bords de la Drave, tantôt vers ceux de la 
Raab, et ne pouvant percer nulle part les postes du 
vice -roi. 

À partir de ce moment, la guerre dans le Tyrol 
cessa pour ainsi dire jusqu'à la fin de juillet, du 
moins les opérations régulières. II n'y eut plus que 
des engagements avec des paysans insurgés. A celte 



U4 MÉMOIRES DO PRINCE EUGÈNE 

même époque (fin de juillet) le fort de Sachsenburg 
fut remis à nos troupes en vertu de la convention de 
Znaïm. Du côté de l'Italie, les frontières furent cou- 
vertes par quelques cordons de troupes. Les insurgés 
essayèrent quelques excursions insignifiantes. Vers 
la Carinlhie, et du côté de la Bavière, bien que sou- 
tenus par la brigade Smidt, ils furent tenus en 
échec par la division Husca, en sorte que leurs ex- 
péditions se bornèrent à quelques misérables escar- 
mouches. 

Le mois d'août se passa également sans fait bien 
saillant en Tyrol, si ce n'est une pointe de la division 
Rusca sur Lienz pour opérer le désarmement des 
vallées de la Dravc. La convention de Znaïm ne don- 
nait pas encore la paix, mais le traité de Schœnbrunn 
n'allait pas tarder à laisser les Tyroliens à la merci 
de la France et de la Bavière. Quoiqu'il en soit, et 
malgré tout le soin qu'on avait eu de publier partout 
les articles de la convention, les espérances d'une 
paix prochaine, les insurgés restaient en armes. Les 
communications avec le royaume d'Italie, interrom- 
pues quelque temps, avaient pu être dégagées; ce- 
pendant les choses étaient encore bien loin d'être 
terminées. 

Le 29 juillet, le général Rusca, toujours en posi- 
tion à Klagenfurth, ayant reçu le renfort de deux 
bataillons dalmates aux ordres du colonel Moroni, 
prescrivit à cet officier supérieur de se porter, avec 
ses troupes et un bataillon du 1 er de ligne italien, 
le 30, sur Spital, pour de là passer la Drave et rece- 
voir le fort de Sachsenburg qui devait être remis 



LIV. XVI. — 1809 145 

aux Français, Lui-même vint à Sachsenburg et y 
laissa le bataillon du 2 e léger italien. Il voulut alors 
tenter une petite expédition sur Lienz. On lui avait 
fait espérer que sa présence dans la haute Drave dé- 
ciderait les insurgés à déposer leurs armes et à se 
soumettre. Le 2 août, il vint prendre position à Ober 
Drainburg, à quelques lieues de Lienz. Le 3, effec- 
tivement, il reçut une dépulation de la ville qui lui 
déclara que les insurgés étaient prêts à se soumettre 
et que tout était tranquille. Le général crut pouvoir 
s'avancer vers la place; mais bientôt, remarquant sur 
la route et sur les hauteurs voisines un assez grand 
nombre de paysans armés, il comprit qu'il ne devait 
pas ajouter entièrement foi aux paroles de la dépu- 
lation. Il se tint donc sur ses gardes. Bien lui en prit, 
car, à quelque distance de Lienz, son avant-garde 
fut attaquée. Mais le combat ne fut pas bien long. 
Tandis que deux pièces de canon lançaient quelques 
projectiles sur les masses d'insurgés, que les com- 
pagnies d'élite du régiment dalmate couvraient les 
flancs de la troupe légère, le général s'avança avec le 
reste de la division déployée, repoussa les rebelles el 
pénétra dans la place. Il établit les Dalmates sur la 
route d'Inniching, en avant de Lienz, et resta sans 
être inquiété jusqu'au 8. Ce jour-là, les insurgés se 
portèrent avec des forces considérables sur le village 
deLeisach. Ils attaquèrent les avant-postes des Dal- 
mates. Le colonel Moroni, prenant la direction de 
son régiment, auquel s'étaient jointes quatre com- 
pagnies du 1 er de ligne italien, repoussa les paysans 
et les chassa jusqu'à Asling. 

vi. 10 



HG MÉMOIRES DU PRINCE EUGÈNE 

Toutefois, le général Rusca, craignant sans doute 
de se trouver entouré dans Lienz, et ne voyant pas 
possibilité d'arriver encore à une pacification dans 
les vallées de la haute Drave, crut inutile de rester 
plus longtemps dans cette position. Il abandonna 
donc la ville le 1 1 août et se replia sur Klagenfurt, 
occupant, par des détachements ou par des garni- 
sons, les points intermédiaires et les débouchés du 
Tyrol. 

Lorsque le gain de la bataille de Wagram et l'ar- 
mistice de Znaïm permirent à Napoléon et au prince 
Eugène de donner plus d'attention aux affaires du 
Tyrol, l'Empereur prescrivit le rassemblement à 
Vérone d'un corps de troupes, destiné à mettre le 
royaume d'Italie à l'abri des courses des Tyroliens, 
et bientôt après à attaquer et à soumettre les insurgés 
de ces montagnes. 

Ce corps de troupes resta en position entre Vérone 
et Dolce, jusqu'au 15 de septembre. A cette époque, 
le général de brigade Peyri vint en prendre le corn* 
mandement en vertu des ordres du général Caffa- 
relli, ministre de la guerre du royaume. Cette petite 
division était alors composée : d'un bataillon du 
14 e d'infanterie légère (français); d'un bataillon de 
la 15 e demi-brigade provisoire (français), occupant 
Rivoli, la Corona et Brenlino, entre l'Adige et le lac 
de Garda; d'un bataillon du 81° de ligne (fran- 
çais); d'un bataillon du 3 e de ligne (italien); de 
2 bataillons du 4 a de ligne (italien); d'un déta- 
chement du 7* de ligne (italien); d'un détachement 
du bataillon des chasseurs du prince royal; de 9 



L1V. XVL - 1809 U7 

bouches à feu, formant un ensemble de 4,000 
hommes. 

Le 23 septembre, le général Peyri reçut du gé- 
néral Caffarelli Tordre de marcher sur Trente. Il fit 
aussitôt ses dispositions d'attaque. Les deux posi- 
tions militaires importantes entre celles occupées 
par le général Peyri et Trente étaient : Ma, qui 
couvre la position de Saravalle et Roveredo, qui 
couvre celle de Caliano. Trente est aussi protégé par 
la Fersina, qui offre une bonne position militaire, 
et par Buco di Vêla, qui assure la communication 
avec Vezzano. Se basant sur ces considérations topo- 
graphiques, le général Peyri se décida à s'avancer 
sur Trente en trois colonnes. Une, par la rive droite 
de l'Adige, devait forcer successivement les positions 
de Pilcanto, Brentonico et Buco di Vêla; la seconde 
devait attaquer de front par la grande route; et la 
troisième à la droite, ayant tourné par les montagnes 
les positions d'Àla et de Roveredo, devait, en avant 
de Volano (un peu au-dessous de Caliano), opérer sa 
jonction avec celle du centre, et attaquer de concert 
avec elle le pont de Fersina. 

Le 25, le colonel Levic, avec la colonne de droite 
composée des 2 bataillons du 5 e de ligne italien, se 
dirigea parle sommet du contre-fort qui renferme le 
haut du Val Pantena, et gagna Podeslaria, situé au 
fond de cette vallée. Il y arriva très-tard, et s'y éla-^ 
blit. Dans la nuit du 25 au 26, la colonne de gauche, 
commandée par le colonel Gavolli, de la 15 e demi- 
brigade provisoire, et composée de ce corps et du 
bataillon du 14° léger, partit de Rivoli, la Gorona et 



148 MÉMOIRES DU PRINCE EUGÈNE 

Brentino en deux parties : la première se dirigeant 
le long de TAdige, par Belluno et Avio; la seconde, 
passant par la Ferra ra et (lampion, toutes deux ayant 
leur point de jonction à Pilcanto. La mission de la 
colonne de gauche était de tourner Avio et de couper 
la communication de ce poste avec Brentonico. Dans 
cette même nuit du 26, la colonne du centre, com- 
mandée par le chef de bataillon Parceval du 31 e , et 
composée, outre le bataillon de ce régiment, de ce- 
lui du 7 e italien, du détachement du 4 e , de la cava- 
lerie et de l'artillerie, marcha sur Ala. Le colonel 
Gavolti, ayant fait prévenir le général Peyri que l'en- 
nemi s'était retranché à Avio, en reçut Tordre d'at- 
taquer vigoureusement, de rejeter et de passer par 
les armes tout ce qui ferait résistance. Toutefois le 
général Peyri, dans le but de protéger cette opéra- 
lion, se porta rapidement de ce côte. Guidé par le 
feu des insurgés, il fit placer en silence, et sans être 
découvert par l'ennemi, un obusier et une pièce de 
5 en batterie sur les bords de TAdige, prenant en 
ilanc leur ligne de bataille et leurs retranchements. 
Un peu avant le jour, le colonel Gavolti commença 
son attaque, qui fut aussitôt soutenue par le feu des 
deux pièces du général Peyri. L'effet de celte artil- 
lerie, la surprise que causa aux insurgés une attaque 
à laquelle ils étaient loin de s'attendre, ne tardèrent 
pas à déterminer une fuite précipitée. Ils se sau- 
vèrent en désordre du côté de Pilcanto, abandonnant 
morls, blessés, armes et bagages. La colonne de 
gauche et celle du cenlre continuèrent leur mouve- 
ment. Celte dernière trouva, entre Vo et Struzina, 



L!V. XVI. - 1800 149 

une coupure qui barrait la route et qui était défen- 
due par un mur en pierres sèches. Cet obstacle ne 
relarda pas sa marche. Le colonel Lévié, cependant, 
s'était dirigé de Podestaria par le vallon qui des- 
cend de Campo-Brun pour tourner Ala. Arrivé dans 
cette ville, il y prit position à quatre heures du soir, 
nu moment où le colonel Gavolti, de son côté, arri- 
vait à Pilcante. Ce double mouvement permit à la 
colonne du centre d'arriver sans obstacle à Ala, où 
la division se trouva toute rassemblée. Le général 
Peyri fit désarmer aussitôt la ville, et réunir les bar- 
ques à la rive gauche. 

Le lendemain, 27 septembre, ayant laissé 140 
hommes du 7° de ligne en garnison à Ala, le général 
Peyri se remit en marche avec sa petite division. La 
colonne de gauche reçut Tordre de se fractionner de 
nouveau en deux parlies. L'une devait suivre les 
bords de l'Adige, et l'autre gagner Brentonico par 
les montagnes. Le point indiqué pour la réunion 
était Mori, d'où les deux bataillons devaient se porter 
à Isera, en face de Roveredo. La colonne de droite 
devait passer parle val Cipriano et le mont Zuna, 
afin de tourner Roveredo. La colonne du centre con- 
tinua son mouvement sur la grande route. En avant 
de Brentonico, le colonel Gavolti rencontra quelques 
postes des insurgés, qui se replièrent sur Brentonico, 
où l'ennemi s'était retranché. Le village fut attaqué 
et emporté à la baïonnette. Les insurgés y firent une 
assez grande perte, et leur chet resta parmi les 
morts. Le bataillon de droite de celte colonne, pro- 
tégé dans sa marche jusqu'en face de Sera va lie par 



150 MÉMOIRES DU PRINCE EUGÈNE 

la colonne du centre, n'éprouva aucune résistance. 
Les deux bataillons se réunirent à Mori et continuè- 
rent leur marche sur Isera, où ils prirent position à 
une heure après midi, en jetant un poste de 400 
hommes à Villa sur leur front. La colonne de droite 
ne rencontra sur sa roule d'autre obstacle que la 
difficulté d'un terrain détrempé par les pluies. Elle 
arriva à la même heure à Roveredo. Par ce double 
mouvement de droite et de gauche, la position de 
Seravalle se trouvant tournée, les insurgés aban- 
donnèrent le retranchement qu'ils y avaient construit. 
La colonne du centre n'éprouva, en conséquence, 
d'autre retard que celui d'une heure, qu'il fallut 
employer à rétablir la route coupée par l'ennemi 
en avant du retranchement. La division étant réunie 
à Roveredo, le général Peyri s'occupa aussitôt du 
désarmement de la ville, et fit descendre à Sacco, 
sur la rive gauche, toutes les barques trouvées de- 
puis Ala. 

Le 28, le général, ayant laissé une garnison de 
232 hommes à Roveredo, se remit en marche pour 
Trente. La colonne de gauche se fractionna une fois 
encore. Un bataillon devait, par les montagnes, se 
porter à Ruco di Yela et Vezzano, et s'emparer, par 
un coup de main, de ces deux postes. L'autre devait 
remonter l'Adige et se porter sur la tête du pont de 
Trente. La colonne de droite se mit en marche par la 
grande roule, suivie et appuyée par la colonne du 
centre. Les insurgés, concentrés en avant deTrente, 
ne pensèrent pas à se maintenir dans la position de 
Castel di Pietra, près Caliano, que les Autrichiens 



LIV. XVI. - 1809 151 

avaient défendu avec tant d'opiniâtreté en 1796. Ils 
ne tentèrent pas davantage de tenir à Matarello. Les 
deux colonnes arrivèrent donc sans obstacle jusque 
près de la Fersina, où les grenadiers du 5 e de ligne 
italien, qui formaient l'avant-garde, trouvèrent les 
insurgés opposant une résistance vigoureuse. Le 
général Peyri, s'y étant porté en personne, fit char- 
ger la l re colonne avec tant de vigueur, qu'on entra 
pêle-mêle avec les insurgés, dans la ville de Trente, 
dont les rues furent un instant jonchées de leurs 
morts. Cependant la colonne, chargée d'occuper le 
pont de Trente, occupait déjà ce débouché, en sorte 
que cette retraite fut coupée aux insurgés. Près de 
200 des leurs se noyèrent en voulant traverser l'A- 
dige. La cavalerie sabra les fuyards jusqu'au delà de 
la ville. On évalua leur perte à 800 morts et à 160 
prisonniers. Pendant que ceci avait lieu à droite et 
au centre, le bataillon chargé de s'emparer de Buco 
di Yela, à gauche, avait exécuté son opération, et 
s'était ensuite porté sur Vezzano, où les insurgés se 
défendirent jusque dans les maisons. Le village fut 
emporté, et il ne fut pas fait de quartier. Presque 
tous les défenseurs de ce village étaient des soldats 
autrichiens des régiments de Hohenlohe et de Lusi- 
gnan. 

Le général Peyri, voulant profiler de la terreur 
qu'il avait inspirée aux rebelles, envoya le 81 e ré- 
giment sur la droite, à Pergine, pour les en chasser 
et y prendre position. Le colonel Lévié, avec son ré- 
giment, un obusier et une pièce de 3, fut dirigé sur 
Gardolo. Il y attaqua les insurgés, et les chassa jus- 



1.V2 MÉMOIRES DU PRINCE EUGÈNE 

qu'à Lavis. Le général ne s'arrêta pas là, il fit em- 
porter les premières maisons de Lavis, et voulut 
tenter de passer le torrent; mais, le pont étant rompu 
et les eaux, grossies par des pluies, trop fortes pour 
être franchies à gué, sa tentative échoua. Toutefois 
elle lui donna la possibilité de reconnaître et d' éva- 
luer les forces de l'ennemi. Les insurgés, sur ce point, 
étaient réunis au nombre de plus de 5,000. Le gé- 
néral, d'après cela, crut prudent de suspendre l'at- 
taque de Lavis jusqu'à l'arrivée de quelques renforts 
qu'il attendait. Il se replia sur Trente, occupant ce- 
pendant Buco di Vêla, Santa-Croce, Gardolo, les 
hauteurs, et s'étendant à droite jusqu'à Pergine. 

Le général, ayant confié le commandement de la 
place de Trente au chef d'escadron Bignanie, profita 
du moment de repos qu'il était obligé d'accorder à 
ses troupes pour s'occuper de la réorganisation po- 
litique de la province. Le 30 septembre, il reçut un 
renfort de deux bataillons du 5 e de ligne français, et 
d'un détachement de la garde nationale de la Brenta, 
venant de Bassano; c'était environ 700 hommes. 
Celte colonne avait été inquiétée dans sa marche par 
les insurgés, en avant de Primolano, et aux envi- 
rons de Borgo di Val Sugana et de Scurelle ; mais, 
sans qu'on ail pu relarder sa marche. Le général 
plaça le 5 e régiment à Cagnola et réunit la garde 
nationale au 81 e . 

Le 2 octobre, il crut devoir profiter de ce renfort 
pour exécuter son projet de chasser l'ennemi de 
Lavis. En conséquence, ses dispositions furent im- 
médiatement faites. Laissant une partie du 14 e léger 



LIV. XVI. - 1809 \îu> 

à Buco di Vêla, il réunit le reste de ce régiment à 
la 15 e demi-brigade provisoire, aux deux bataillons 
du 5 a de ligne, et aux deux du 5 e italien, pour atta- 
quer de front la position de Lavis. Cette attaque 
devait se faire sous la protection de l'artillerie et la 
cavalerie. Le 81 e avait ordre de tenter le passage du 
Lavis au-dessous de Segonzano, et se porter sur Ccm- 
bra, pour attaquer *en flanc les rebelles en position 
à Lavis et leur couper la retraite sur San-Michele et 
Salurn. La position militaire de Lavis est le sommet 
d'un triangle rectangle dont les deux grands côtés 
sont formés par l'Adige et le Lavis et dont la petite 
base est comprise entre Graun et Salurn. Toutes les 
fois donc que l'ennemi qui la défend sera attaqué en 
force par Segonzano, il sera obligé d'abandonner le 
village de Lavis et même San Michèle pour se replier 
sur Salurn et Neumarkt. On peut considérer Cembra 
et Graun comme les clefs de la position. Les insur- 
gés, dans cette occasion, comprirent parfaitement 
l'importance des deux points de Graun et de Cembra, 
ainsi qu'on va le voir parle récit de l'affaire qui eut 
lieu le 2 octobre. 

Afin de donner le temps au 81 e de se rendre h 
Segonzano parle chemin difficile traversant les mon- 
tagnes qui dominent Caravaggio d'un côté et Rizo- 
laga de l'autre, le général Peyri résolut de n'attaquer 
que l'après-midi. A trois heures, les deux bataillons 
du 5 e italien, soutenus par cinq bouches à feu, abor- 
dèrent avec la plus grande vigueur le pont de Lavis, 
afin d'attirer l'attention de l'ennemi sur eux et de 
détourner ses forces principales des autres attaques, 



154 MÉMOIRES DU PRINCE EUGÈNE 

surtout de celle surCembra. Les insurgés, qui avaient 
palissade les bords du torrent des deux côtés du pont, 
se défendirent avec obstination, faisant un feu très- 
vif; mais, pendant ce temps, le 5 e régiment de ligne 
français, la 15 e demi-brigade provisoire et une partie 
du 14° léger avec deux pièces de canon, ainsi que la 
cavalerie, passaient le torrent à gué, au-dessous de 
Lavis, sous les ordres du major Bougault du 5 e de 
ligne (le colonel Gavolti faisait les fonctions de chef 
d'état-major}. Celle colonne ayani commencé à tour- 
ner le village et à attaquer à dos les insurgés, ces 
derniers prirent la fuite dans le plus grand désordre. 
C'était en grande partie des Allemands. Ils furent 
poursuivis par la cavalerie jusqu'au delà de San Mi- 
chèle ; ils eurent 400 morts et 50 prisonniers. Quel- 
ques grenadiers du 5 e régiment s'emparèrent d'une 
pièce de 4 en bronze, et tuèrent 20 hommes qui la 
défendaient. 

Pendant que ceci se passait à gauche, le chef de 
bataillon Perceval, avec le 81 e régiment et la garde 
nationale de la Brenta, arrivé à Segonzano, s'était 
porté au pont, qu'il trouva coupé. Des soldats de ce 
régiment, conduits par le capitaine de grenadiers 
Millier, se jetèrent résolument à l'eau pour forcer le 
passage; mais l'ennemi, qui connaissait toule l'im- 
portance de sa position, tint bon et en force sur ce 
point. Le torrent d'ailleurs était profond et rapide ; 
le chef de bataillon Perceval fut obligé de se replier 
après avoir éprouvé quelques pertes. La faiblesse de 
la division que commandait le général Peyri ne lui 
avait pas permis sans doute d'employer plus de 



LIV. XVI. - 1809 Vob 

troupes a celte diversion , car il est évident que les deux 
bataillons du commandant Perceval étaient trop fai- 
bles pour pouvoir espérer de forcer le passage du 
Lavis. 11 n'était guère probable, en outre, que les 
insurgés se laisseraient surprendre, étant très-exacte- 
ment avertis de tous les mouvements de leurs adver- 
saires. La nuit approchant, le chef de bataillon Per- 
ceval prit position à Sevignano, d f où l'ennemi se 
relira. Le lendemain il reçut ordre de se réunir à 
Lavis au 3* italien. 

Les journées du 3 et du 4 furent employées, à 
Trente, à Roveredo et à Ala, à rechercher et à arrêter 
un certain nombi'c de fauteurs de la rébellion, qui 
furent traduits à un conseil de guerre à Mantoue. Dans 
la nuit du 4 au 5, plusieurs compagnies allemandes 
descendirent de Bolzano et de Salurn, vinrent ren- 
forcer les insurgés, qui, le 5, à la pointe du jour, 
firent une attaque générale sur tous les postes, depuis 
Lavis jusqu'à Buco di Vêla. Malgré leur grande su- 
périorité numérique, ils furent partout repoussés 
avec perte. Des espions, envoyés à Bolzano, aver- 
tirent le général Peyri que le tocsin sonnait et que 
toutes les communes prenaient les armes, en jurant 
de se venger des journées du 28 septembre et .du 
2 octobre. En effet, les insurgés, qui dans la nuit du 
5 au 6 reçurent encore des renforts nouveaux, re- 
nouvelèrent leur attaque générale au nombre d'en- 
viron 20,000 et avec la dernière fureur, le 6 au 
matin. 

Le général Peyri, hors d'état de défendre avec 
succès des positions qui exigeaient beaucoup plus 



1i>6 MÉMOIRES DU PRINCE EUGÈNE 

de troupes qu'il n'en avait, et qui embrassaient une 
grande étendue de terrain, se décida à concentrer 
ses forces à Trente, pour garantir cette ville, mettre 
en sûreté l'artillerie, et conserver les communica- 
tions avec Vérone. La retraite s'exécuta en bon 
ordre, malgré les attaques réitérées et les efforts de 
l'ennemi. Les troupes liront bonne contenance et la 
perle fut presque nulle. Pour maintenir la commu- 
nication de Trente à Vérone le général plaça, le 6, 
les deux bataillons du 81 e au delà de la Fersina, et 
les deux du 5 e un peu plus loin, à Matarello. Grâce à 
cette mesure, la communication ne fut pas inter- 
rompue. Le môme jour, il reçut du ministre l'avis 
que le général Viol, nommé par l'Empereur au com- 
mandement de la division du Tyrol, allait arriver. 
Le 7, le 8 et le furent employés à pourvoir les 
magasins de Trente de vivres et de fourrages pour un 
mois, à fortifier le château et à établir des batteries 
pour la défense de la place. Cependant, le chef des 
insurgés, Eiscustellen , aubergiste de Budc, près 
Bolzano, fit sommer la ville le 7. Le général Peyiï ne 
répondit à cette sommation qu'en menaçant de faire 
fusiller le parlementaire s'il revenait. Le même'jour, 
le commandant de Roveredo prévint qu'un corps de 
chasseurs de Massony, descendu de Levico, occupait 
les hauteurs du côté de la Folgaria, et qu'un corps 
de 2,000 insurgés s'était établi à Pilcanto, en face 
d'Ala. Ce dernier rapport fut confirmé par le major 
en position à Matarello. Le 9, l'ennemi, qui avait 
détourné l'eau des moulins de Trente, fit une vive 
fusillade sur la ville, et, ayant établi une pièce de 2 



L1V. XVI. - 1808 M>1 

sur les hauteurs, il tira quelques coups de canon qui 
ne causèrent aucun dommage. Des bandes vinrent 
en même temps menacer le poste de Matarello. 
Les choses en étaient là lorsque, dans la nuit du 9 
au 10, deux bataillons du 1 er léger napolitain, com- 
mandés par le colonel Bay, et formant environ 
900 hommes, plus 2 escadrons du 1 er régiment de 
chasseurs à cheval de cette nation, fort d'environ 
500 chevaux, entrèrent dans la ville de Trente. 

Le général Peyri se crut en étal, avec ce renforl, 
de reprendre ses positions; en conséquence, le 10, 
dans l'après-midi, il fit sortir par la porte d'Aquila 
le chef de bataillon Eschenbronner avec 800 hommes 
choisis dans les compagnies d'élite. Cette colonne se 
subdivisa; la moitié se porta sur le couvent de cor- 
deliers situé à un mille de la place, s'en empara 
brusquement et chassa le posle occupant la coupure 
faite aux canaux des moulins. L'autre moitié s'éta- 
blit de vive force sur les hauteurs de Gazza qui do- 
minait le couvent. Cette brusque attaque ayant dé- 
concerté les insurgés, le général Peyri résolut de 
profiter de leur frayeur pour achever l'opération qu'il 
méditait. 11 sortit avec la totalité de ses troupes et 
attaqua l'ennemi sur toute sa ligne. Malgré l'énergie' 
de celte opération, la résistance dura près de deux 
heures ; mais, enfin, un bataillon napolitain, sorti 
de Trente du côté opposé, ayant tourné les rebelles 
et le général ayant fait battre la charge sur tous les 
points, ils furent culbutés et mis dans la déroule la 
plus complète. Le terrain resta couvert de leurs 
morts el de leurs blessés, et leurs magasins, établis 



158 MÉMOIRES DU PRINCE EUGÈNE 

à Martignano, où était leur quartier général, tom- 
bèrent entre les mains du général Peyri. Gardolo, 
Lavis et même Buco di Yela furent abandonnés par 
eux le H. Le 12, le général Peyri fit occuper les 
hauteurs de Cagnola, Martignano, Meano et celles 
appelées Monte délia Vacca. 

Le 13 au soir, le général Vial arriva à Trente, et 
le général Peyri lui remit le commandement, laissant 
avec le général Vial le général Digonet, pour aller 
lui-même, ainsi qu'il en avait l'ordre, se mettre à la 
tête des troupes rassemblées dans le département de 
la Piave. 11 partit donc pour Bellune, où il arriva le 
25 octobre. Au moment où le général Vial remplaça 
le général Peyri, la division de Trente était composée 
de la façon suivante : 2 bataillons du 14 e d'infan- 
terie légère français, 763 hommes (à Buco di Vêla) ; 
2 bataillons du 1 er napolitain, 1,005 hommes (à 
Monte délia Vacca, Meano, et Trente); 2 bataillons 
du 5 e de ligne français, 087 hommes (à Pergine et 
Civezzano) ; 1 bataillon du 81 e français, 699 hommes 
(à Martignano et Cagnola); 1 bataillon de la 15 e demi- 
brigade provisoire, 505 hommes (à Trente) ; 2 ba- 
taillons du 3 e de ligne italien, 720 hommes (à Gar- 
dolo); 1 balaillon du 7 e italien, 434 hommes (à 
Roveredo et Àla); 2 escadrons du 1 er de chasseurs à 
cheval napolitain, 289 hommes (à Pergine et Trente). 

En outre, à Trente : 41 hommes des chasseurs du 
prince royal, 78 hommes d'artillerie française et 
italienne, 77 hommes du train, 20 sapeurs; total, 
10 bataillons et 2 escadrons, ou 5,315 combattants; 
8 bouches à feu, dont 3 obusiers. Cette division 



LIV. XVI. - isoû 159 

■ 

reçut, peu de temps après et successivement, les 
renforts suivants : 2 bataillons du 101 e de ligne 
français, 982 hommes; 1 bataillon du 81', 542 
hommes ; 1 détachement du 4 e italien, 377 hommes, 
un détachement du 1 er français, 288 hommes; total, 
2,189 hommes. 

Se voyant à la tête d'une division nombreuse et 
assez bien organisée, le général Vial essaya, le 20, 
de reprendre l'offensive. Tandis qu'il lançait le gé- 
néral Digonet du côté de l'Adigc, lui-même empor- 
tait Lavis. Toutefois, apprenant que l'opération du 
général Digonet n'avait pas eu le succès qu'il en 
attendait, le général Vial revint à Trente le 22 oc- 
tobre, pçêt à faire une nouvelle tentative le 24. Il 
s'était déjà emparé du poste de Segonzano, lorsqu'un 
ordre du prince Eugène lui fît suspendre ses opéra- 
tions offensives. 11 se maintint donc à Trente et à la 
Valsugana. 

Tandis que les événements que nous venons de 
rapporter plus haut avaient lieu dans le Tyrol ita- 
lien, les insurgés essayaient un mouvement dans la 
vallée de la Drave, pour bloquer le fort de Sachsen- 
burg et s'en rendre maîtres. Le 4 octobre, le chef de 
bataillon Marin, du 2 e léger italien, qui, comme on 
l'a vu plus haut, avait été laissé à Sachsenburg avec 
son bataillon d'environ 500 hommes, reçut l'avis 
que les Tyroliens, qui jusqu'alors n'avaient pas dé- 
passé Lienz, s'avançaient par le Gai l -Thaï et le Moll- 
Thal. Il relira sur-le-champ les postes qu'il avait en 
observation dans différents villages et prévint le gé- 
néral Rusca, son chef, alors à Klagenfurt. Ce der- 



1G0 MÉMOIRES DU PIWISCË EUGÈNE 

nier connaissait déjà le mouvement des Tyroliens et 
leur projet de faire insurger la Carynthie. Il avait 
donné ordre au général Julliien de se rendre à Vil- 
lach, où se trouvait un bataillon de 500 hommes du 
1 er léger italien, de marcher sur Sachsenburg, le 
Taisant soutenir à Yillach par le bataillon d'Istrie. 
Le 5, les insurgés tentèrent d'enlever un poste de 
la garnison de Sachsenburg sur la route de Lienz ; 
mais ils ne purent y réussir. Le 6, le général Julhien 
ayant prévenu le chef de bataillon Marin de son ar- 
rivée prochaine, lui prescrivit de pousser une recon- 
naissance sur Greifenburg. Cette reconnaissance ren- 
contra l'ennemi à Steinfcld où il y eut un engagement 
insignifiant. Le soir, le général Julhien arriva à 
Sachsenburg avec le bataillon du 1 er léger, qu'il 
dirigea, le 8, sur Greifenburg. L'ennemi, attaqué et 
repoussé avec perte sur ce point, était parvenu à 
jeter sur les derrières du bataillon un parti assez 
fort pour inquiéter sa retraite, si le général Julhien 
ne l'eût fait débusquer par un détachement de la 
garnison de Sachsenburg. 

Le 9, le général Julhien revint à Villach avec la 
moitié du bataillon du 1 er léger, laissant l'autre moitié 
à Sachsenburg, sous les ordres du chef de bataillon 
Peraldi, afin de pousser des reconnaissances en avant 
et de tâcher d'éloigner les insurgés de Greifenburg. 

Le 10, une reconnaissance faite sur Steinfeld ap- 
prit que l'ennemi s'était retiré sur Ober-Drainburg; 
mais, pendant la nuit, un parti d'insurgés vint oc- 
cuper le pont de Moll, près de Sachsenburg. Lo 
chef de bataillon Levaldi s'y porta avec ses trois 



LIV. XVI. - 1809 161 

compagnies, par la grande,route, pendant que deux 
compagnies du 2 e léger débusquaient un corps en 
position sur les hauteurs qui se trouvent entre les 
deux rivières. Les troupes ayant opéré leur jonc- 
tion près du pont de Moll, on essaya de rejeter les 
bandes qui empêchaient de le rétablir ; mais 500 
insurgés occupaient un poste trop fortement re- 
tranché, pour qu'il fût possible de les en chasser 
sans s'exposer à une perte considérable. On y re- 
nonça. Pendant ce temps-là, un corps considérable 
de rebelles avait marché par Gemund sur Millstatt 
et jetait des postes jusqu'à Treffen, au nord de 
Villach. Ce mouvement obligea le général Julhien, 
revenu à Villach, à les faire attaquer. Ils furent 
repoussés avec perte. Le même jour, des bandes se 
firent voir à Spital et à Saint-Hermagor, au sud de 
Spital. 

Le 12, l'ennemi ayant disparu de Greifenburg, 
les chefs de bataillon Peraldi et Marin tentèrent en- 
core une fois de rétablir le pont de la Moll ; des 
partis d'insurgés étaient postés entre les deux ri- 
vières, ils furent battus, laissèrent du monde sur le 
terrain ; toutefois il ne fut pas possible de réparer 
le pont. Le soir du même jour, 12 octobre, le chef 
•tic bataillon Peraldi reçut ordre de partir de Sach- 
senburg avec ses compagnies pour se réunir au 
reste de troupe à Villach. La retraite fut exécutée par 
les hauteurs qui bordent la rive droite de la Drave, 
les insurgés rencontrés furent battus, ils perdirent 
même une pièce de canon et le commandant arriva 
en bon ordre le 13 à Paternion, où il trouva une 

VI. n 



t62 MÉMOIRES DU PRINCE EUGÈNE 

compagnie que le général Julhien avait envoyée à sa 
rencontre. Tandis que les trois compagnies du 1 er lé- 
ger quittaient Sachsenburg, un corps d'insurgés 
s'établissait à Greifenburg. Us ne tardèrent même 
pas à quitter ce poste pour occuper à Lind une posi- 
tion plus rapprochée du fort. Le blocus de Sachsen- 
burg se trouva ainsi resserré autant que possible par 
les rebelles. Ils s'enhardirent au point de tourner le 
major Barbieri, qui les observait avec un bataillon, 
et qui dut, à l'approche d'une bande nouvelle, forte 
de 1,500 hommes, regagner Yillach. 

A cette époque, le général Julhien, hors d'état, par 
suite du délabrement de sa santé, de continuer cette 
guerre, remit le commandement de sa brigade au 
colonel Moroni. Les insurgés, cependant, de plus 
en plus audacieux, après avoir sommé le fort de 
Sachsenburg, voulurent l'enlever d'assaut, cette 
tentative ne leur réussit pas. Ils furent repoussés, 
laissant 200 des leurs sur les glacis. 

Le 19 octobre, huit compagnies du régiment 
dalmate, aux ordres du colonel Moroni, fortes d'en- 
viron 800 hommes, partirent de Klagenfurt pour 
débloquer Sachsenburg, tandis que les insurgés 
essayaient de livrer un nouvel assaut à la télé du pont 
de la Drave, assaut qui échoua comme le précédent. 
Le 20, le colonel Moroni arriva à Paternion, où il 
fit sa jonction avec le bataillon du 1 er léger. Le pont 
étant de nouveau coupé, il fallut employer une par- 
tie de la nuit pour consolider le seul qui restât. Le 
21 , le colonel Moroni se mit en marche pour Spital ; 
les premiers tirailleurs des insurgés furent rcncon- 



LIV. XVI. - 1809 163 

très n Molzbuhel, mais leur force principale était 
en bataille sur les hauteurs qui dominent Spital. Le 
colonel les fit attaquer et les culbuta presque à la 
première charge; il continua ensuite sa marche 
sur Sachsenburg. ÀMoll-Bruck, il trouva encore les 
insurgés, qui firent une résistance opiniâtre, mais 
qui furent culbutés à la baïonnette. 

La colonne s'établit immédiatement au bord de la 
Moll, et obligea par son feu les Tyroliens à abandon- 
ner une position qu'ils avaient à la rive droite. Ils 
prirent la fuite en désordre dans toutes les direc- 
tions; mais il ne fut pas possible, faute de matériaux, 
de rétablir le pont de la Moll. La garnison de Sach- 
senburg, qui avait fait rétablir le pont de la Drave, 
opéra une sortie sur la route de Greifertburg, et 
ramena une pièce de canon abandonnée par l'en- 
nemi. Le colonel Moroni s'aboucha d'un bord de 
la rivière à l'autre avec le commandant du fort, et 
le même jour les insurgés qui le bloquaient, après 
avoir échoué dans une tentative sur l'ouvrage établi 
le long de la Drave, laissèrent voir de l'hésitation 
# et du découragement. Le colonel Moroni passa la 
nuit près du Moll-Brùck; mais l'ennemi, maître de 
Gemund, menaçait ses derrières. Ne pouvant se pro- 
curer des vivres et ayant rempli le but de sa mis- 
sion, qui était de débloquer Sachsenburg et de 
ravitailler ce fort, si cela était nécessaire, il pensa à 
se replier sur Spital. 

Toutefois, le 22, il crut devoir rester en posi- 
tion à Spital. Les insurgés reprirent alors leurs 
postes autour de Sachsenburg. Le 23 au matin, ils 



164 MÉMOIRES DO PRINCE EUUÊNE 

attaquèrent les avant-postes du colonel Moroni, et 
après deux heures d'un combat très-vif ils furent 
repoussés. 

Le 24, les insurgés, soutenus par deux pièces de 
canon, renouvelèrent leur attaque sur le3 hauteurs 
de Spilal. Le colonel Moroni y envoya de suite le 
chef de bataillon Peraldi, et se porta lui-même au 
delà du pont. Cependant, les insurgés opposant une 
résistance opiniâtre au chef de bataillon Pcraldi, 
le colonel revint à lui avec quelques troupes fraîches; 
le commandant fit battre la charge, et, unissant ses 
efforts à ceux des troupes que lui avait amené le co- 
lonel, il renversa les insurgés et leur prit un canon. 

Le 26, les quatre dernières compagnies du 2 e ba- 
taillon dalmate se réunirent à Spilal au reste du ré- 
giment. Les insurgés, revenus devant Sachsenbnrg, 
s'établirent à Feistritz. Le 27, un chef des insurgés, 
qui prenait le titre de baron de Lunsheim et de co- 
lonel autrichien, somma le fort. A cette nouvelle, le 
colonel Moroni se dirigea vers le pont MollBrûck, 
où il parut à midi, et, ayant fait établir un passage 
provisoire, il débarrassa le fort des malades et des 
blessés, et revint à Spilal. 

Cependant les choses allaient changer de face; 
la paix avec l'Autriche, signée depuis le 14 octobre 
à Vienne, laissait a l'Empereur toute latitude pour 
soumcltrc le Tyrol insurgé soit par la force des ar- 
mes, soit par la.persuasion. Le prince Eugène, qui 
estimait le peuple tyrolien, sa bravoure, ses bonnes 
qualités , qui plaignait ces populations fanatisées 
plutôt que coupables, penchait pour la clémence. 



LIY. XVI. — 1809 165 

Résolu à tout tenter pour arriver par la persua- 
tion à terminer une guerre qui pouvait être fatale 
aux troupes de son beau-père le roi de Bavière, il 
ordonna de suspendre les opérations offensives sur 
tous les points, et le 25 octobre il adressa de Vil- 
lach, son quartier général, la proclamation ci-des- 
sous, qu'il fit répandre à profusion dansleTyrol au- 
trichien et dans le Tyrol italien : 

« Tyroliens! La paix a été conclue entre Sa Ma- 
jesté l'Empereur des Français, roi d'Italie, protecteur 
de la confédération du Rhin, mon auguste père et 
souverain, et Sa Majesté l'Empereur d'Autriche. 

« La paix règne donc partout autour de vous; 
vous seuls ne jouissez pas de ses bienfaits. Égarés 
par des suggestions ennemies, vous recueillez au- 
jourd'hui les tristes fruits de votre rébellion. La 
terreur est dans vos cités, l'oisiveté et la misère dans 
vos campagnes, la discorde entre vous, le désordre 
partout. 

« Sa Majesté l'Empereur et Roi, touché de votre 
situation déplorable et des témoignages de repentir 
que plusieurs d'entre vous ont fait parvenir jusqu'à 
son trône, a expressément consenti, par le traité de 
paix, à vous pardonner vos égarements; je vous 
apporte la paix, je vous apporte votre pardon. 

<( Mais, je vous le déclare, votre pardon est à ce 
prix : que vous rentrerez vous-mômes dans l'ordre, 
et que vous déposerez volontairement vos armes, 
que je ne trouverai nulle part aucune résistance. 
Chargé du commandement en chef des armées qui 



168 MÉMOIRES DU PRINCE EUGÈNE 

vous entourent, je viens recevoir votre soumission 
ou vous l'imposer. 

« L'armée sera précédée par des commissaires 
que j'ai expressément chargés d'entendre vos 
plaintes, d'écouter les réclamations que vous aurez à 
faire. 

« Mais , ne l'oubliez pas, ces commissaires no 
sont autorisés à yous entendre que lorsque vous 
aurez mis bas les armes. 

« Tyroliens ! si vos plaintes et vos réclamations 
sont fondées, je vous le promets, justice vous sera 
rendue. » 

Cette belle et noble proclamation, entièrement 
conforme aux vues de l'Empereur, déplut en Ba- 
vière ainsi qu'on le verra plus loin. 

Tout en promettant aux insurgés justice et par- 
don, des corps nombreux pénétraient en Tyrol sur 
divers points. 

L'armée bavaroise aux ordres du général Drouel- 
d'Erlon, un corps de 26,000 hommes de l'armée 
d'Italie aux ordres du général Baragucy-d'Hilliers, 
le tout sous la direction supérieure du vice-roi, 
commencèrent dès celle époque leurs opérations 
offensives. 

Le général Rusca, qui réunit à Yillach la divi- 
sion italienne (6,000 hommes) du général Sé- 
véroli, dont ce dernier conserva le commande- 
ment, la division Broussier et celle de Lamarque 
dont le général Barbou prit le commandement, se 
rendirent sur ce même point de Villach, alors quar- 
tier général du prince Eugène. Le général Vial, ar- 



LIV. XVI. — 1809 167 

rêté à Trente, dut, avec 6,000 soldats, marcher 
sur Botzen, tandis que les trois divisions bavaroises 
agiraient parle Nord, vers Inspruck. 

Le vice -roi avait, de l'Empereur, la mission de 
charger le maréchal Macdonald de l'évacuation du 
territoire autrichien, et de porter lui-même son quai* 
tier général à Villach, pour diriger les colonnes 
destinées à opérer en Tyrol. Toutefois il devait en- 
tendre les réclamations des habitants et prendre des 
mesures pour les contenter, enfin employer la force si 
on voulait lui opposer de la résistance. Si le Tyrol 
paraissait disposé à la soumission, le prince pouvait 
charger le général Baraguey-d'Hilliersde l'expédition. 

On voit donc que le vice-roi suivait bien exacte- 
ment les instructions de l'Empereur. Cependant sa 
proclamation aux Tyroliens blessa la susceptibilité 
du roi Maximilien, car ce souverain écrivit à son 
gendre : 

ce Mon bien-aimé fils, on vient de me communi- 
quer la lettre que le chef des insurgés vous a écrite, 
et dans laquelle il demande que mes troupes se re- 
tirent du Tyrol et qu'elles puissent s'assembler à 
Inspruck sans être gênées par mes officiers civils. 
Vous devez sentir, mon cher fils, qu'en acquiesçant 
à cette demande vous avilissez ma souveraineté. Je 
ne vous cache pas que c'est une suite de votre pro- 
clamation, en déclarant que vous nommeriez des 
commissaires pour entendre leurs plaintes ; ce n'est 
pas le langage qu'il aurait fallu tenir à des sujets 
rebelles, aussi recommenceront-ils à la première 
occasion. 



1«8 MÉMOIRES DU PRINCE EUGÈNE 

« Je compte trop sur votre amitié et sur vos sen- 
timents, pour ne pas être persuadé que vous ne 
compromettrez ni mon autorité ni les droits que 
chaque souverain a sur ses sujets. C'est une infâme 
engeance capable de toutes les horreurs, témoin la 
trahison qu'ils ont commise, il y a quatre jours, et 
dont le général Drouet vous aura rendu compte. 
Encore une fois, mon bien cher enfant, je m'en rap- 
porte entièrement à votre amitié et à vos principes» 
de justice. » 

Pour bien faire comprendre les affaires du Tyrol 
à celte époque, il est nécessaire de remonter un peu 
plus haut, et de donner sommairement quelques 
aperçus sur la situation de ces contrées et sur les 
hommes qui étaient à la tête de l'insurrection. 

Les principaux chefs des insurgés étaient Hor- 
mayer et Andréas Hoffer. Le premier, tout dévoué à 
l'Autriche et voulant la réunion du Tyrol à cet em- 
pire, le second rêvant une indépendance et une patrie 
tyrolienne, tous deux prêts à tout plutôt qu'à laisser 
le pays revenir sous la direction de la Bavière. 

Après Znaïm, l'Autriche avait eu soin de faire sa* 
voir, par Hormayer et ses affidés, aux Tyroliens, 
qu'ils pouvaient continuer à se battre, que bientôt 
les hostilités recommenceraient, et que leur pays 
serait délivré des Bavarois. Des agents de l'Autriche, 
des ecclésiastiques dirigés par les cours de Vienne 
et de Rome, entretenaient donc les espérances, les 
illusions et aussi l'exaspération en Tyrol. En entrant 
dans ces contrées, les Autrichiens y avaient rétabli 
l'ancien système administratif, et, tant que leurs 



LIV. XVI. — 1809 160- 

troupes purent se maintenir au milieu des popula- 
tions, le comité organisé par Hormayer reçut de lui 
et des généraux Chasteler et Buol la direction à 
suivre. Mais lorsque l'évacuation dut avoir lieu par 
suile des conventions avec l'Autriche, Hormayer et 
tous les agents autrichiens qui s'étaient emparés des 
emplois se hâlèrent d'en sortir. Après leur départ, 
le pays, quelque temps livré, sans administrateurs, 
à une espèce d'état voisin de l'anarchie, finit par se 
livrer au second chef des insurgés, à Andréas Hofler, 
qui devint général en chef de l'armée, ou plutôt des- 
bandes tyroliennes» Guidé par deux moines, fana- 
tique lui-même, ce malheureux n'avait ni les talcnls- 
ni l'intelligence nécessaire pour tenir la haute posi- 
tion à laquelle l'appelaient les caprices d'une fortune 
aveugle et bizarre. Cependant il tenta d'organiser 
un certain ordre. Il établit à Inspruck une sorte de 
comité central dont l'autorité n'eut jamais grande 
puissance. Il décida la levée en masse, tandis que 
les nobles se tenaient à l'écart pour ne pas obéir à 
un homme qui avait été aubergiste. Le Tyrol aurait 
pu mettre sur pied 80,000 bons soldats, il ne mit 
que des insurgés, tantôt réunis en bandes, tantôt se 
dispersant au premier échec, bandes que le bruit du» 
tocsin rassemblait et que bien souvent le bruit du 
canon dispersait en les rendant à leurs âpres mon- 
tagnes. 

Les Tyroliens insurgés, pendant l'espace qui s'é- 
coula entre l'armistice de Znaïm et la paix de Schœn- 
brunn, n'avaient eu affaire qu'à des corps peu nom- 
breux, ceux du général Peyri, du général Vial, du 



170 MÉMOIRES DU PRINCE EUGÈNE 

général Rusca. Ils avaient donc pu, jusqu'à un cer- 
tain point, sans obtenir de succès importants, avoir 
quelques avantages dans quelques rencontres, inter- 
cepter des routes, briser des ponts, rompre des com- 
munications, délivrer des prisonniers autrichiens et 
les incorporer dans leurs rangs; mais tout cela de- 
vait disparaître le jour où des corps plus considé- 
rables aborderaient les montagnes. Ce jour était 
arrivé. Hoffer, resté seul chef des Tyroliens, le 
comprit-il, ou bien, touché par les promesses du 
vice-roi, voulut-il de bonne foi déposer les armes et 
aider à la pacification, ou bien encore voulut-il 
gagner du temps, c'est ce qu'il est assez difficile de 
décider. Mais, quel qu'ait été le motif en vertu du- 
quel il ait agi, soit parce qu'il comprit l'impossibilité 
de prolonger la lutte, soit parce qu'il fût heureux 
de faire profiler sa patrie des bonnes dispositions du 
vice-roi, soit parce qu'il ne se sentît pas assez fort et 
voulût gagner du temps pour mieux organiser un 
peu plus tard la révolte, toujours est-il qu'après 
avoir lu la proclamation du 25 octobre il entra en 
pourparler pour déposer les armes. 

Il adressa une première lettre au prince Eugène ; 
la voici : 

« Monseigneur, un courrier expédié par Son Al- 
tesse le prince Jean nous avait apporté les nouvelles 
que la paix avait été signée, le 14 octobre, entre 
Sa Majesté l'Empereur des Français et Sa Majesté 
l'Empereur d'Autriche. 

« Que Votre Altesse Impériale me permette de 
dire d'abord que, lorsque nous avons pris les armes, 



LIV. XVI. — 1809 171 

nous n'y avons pas été poussés par un désir aveugle 
de nous soustraire à l'autorité légitime. Les motifs 
qui nous ont portés à cet acte de 'désespoir sont, 
d'un côté, les injustices que nous avons éprouvées, 
l'abolition entière de nos privilèges et de nos statuts 
que des traités solennels nous avaient garantis jusqu'à 
ce jour, les traitements inhumains dont nous acca- 
blaient des étrangers qui méprisaient notre misère et 
négligeaient les intérêts de notre pays ; d'autre part, 
les promesses éblouissantes de la cour d'Autriche et 
l'espoir d'obtenir enfin la paix et la tranquillité de 
notre patrie. 

« Monseigneur, nous méprisons aujourd'hui les 
détours honteux qu'on a mis en usage pour livrer et 
abandonner un peuple brave et bon à toutes les 
horreurs d'une insurrection, et nous sommes pleine- 
ment, rassurés par la certitude que le sort du Tyrol 
dépend entièrement aujourd'hui de Sa Majesté l'Em- 
pereur des Français. 

« Votre Altesse Impériale a daigné, dans sa 
proclamation, nous assurer du pardon et de la grâce 
de Sa Majesté; elle fait plus, elle veut bien écouter 
avec clémence nos réclamations et nos vœux. Les 
Tyroliens trouvent dans ces assurances la preuve 
certaine que Sa Majesté sait apprécier le caractère 
franc et courageux d'une nation qui fut fidèle à 
l'honneur, et conserva de la modération, même au 
milieu de l'anarchie. 

« Les circonstances ont fait tomber dans mes 
mains le commandement en chef des Tyroliens, je 
ne m'en suis servi que pour le bien de mon pays. 



47* MÉMOIRES DU PRINCE EUGÈNE 

« Que Son Altesse Impériale daigne regarder 
. comme une preuve de cette vérité l'assurance que 
j'ai l'honneur de lui donner, que je n'emploie au- 
jourd'hui mon influence sur les peuples que pour 
leur faire déposer les armes et faire rentrer toutes 
choses dans Tordre et la tranquillité. 

« C'est pour atteindre ce but que j'ai fait parvenir 
à toutes les autorités la nouvelle de la conclusion 
de la paix, et que je leur ai annoncé que le bien de 
notre pays dépend désormais de la générosité et de 
la clémence d'un monarque qui sait apprécier mieux 
qu'un autre la force et la grandeur d'âme, puisqu'il 
est lui-même le grand et le fort du siècle. 

« J'ai aussi appelé auprès de moi des députés de 
toutes les autorités pour connaître par eux-mêmes 
le désir manifeslé par toute la nation de rentrer 
dans Tordre et la tranquillité, et pour les inviter à 
calmer les esprits. 

« Monseigneur, daignez ralentir pour quelques 
moments la marche des troupes françaises; veuillez 
éloigner les troupes bavaroises des confins septen- 
trionaux du Tyrol. Vous donnerez alors un peu de 
temps à ces peuples que des réflexions plus calmes 
suffisent pour ramener, et vous obtiendrez par la 
douceur le salut d'hommes qui se sont montrés 
grands et nobles au milieu même de leurs égare- 
ments. 

« Il ne faut ni temps ni peine pour faire insurger 
un peuple irrité par l'oppression ; mais il en faut 
beaucoup sans doute pour le calmer. Une faible 
étincelle suffit pour embraser une ville entière, et 



LIV. XVI. - 1809 175 

des milliers de bras suffisent à peine pour éteindre 
cet incendie. 

« Monseigneur, daignez accueillir la dernière 
prière que j'ose vous adresser, permettez qu'une dé- 
putation se présente devant vous pour recommander 
le peuple du Tyrol à votre clémence, et pour vous 
prier de leur accorder votre puissante protection et 
médiation auprès de Sa Majesté l'Empereur des 
Français. 

« Plein de confiance dans la générosité illimitée 
de Votre Altesse Impériale, j'ose espérer qu'elle 
écoutera favorablement mes humbles prières, les- 
quelles n'ont d'autre but que le bien de mon pays, et 
sont conformes à l'intention qu'a manifestée Votre 
Altesse Impériale dans la proclamation , de ra- 
mener par la douceur les peuples du Tyrol à l'ordre 
et à la tranquillité. 

« C'est dans cette consolante espérance que je 
mets aux pieds de Votre Altesse Impériale l'ex- 
pression de ma soumission. » 

Celte lettre fut bientôt suivie d'une autre dont 
voici le texte : 

« Monseigneur, le peuple tyrolien, confiant dans 
la bonté, dans la sagesse et dans la justice de Votre 
Altesse Impériale, remet, par notre organe, son sort 
entre vos mains. Il est prêt à déposer les armes, si, 
par ce moyen, il peut obtenir votre bienveillance 
et votre protection. Il a beaucoup a se plaindre de 
la cour d'Autriche, qui, par ses perfides insinua- 
tions, toutes récentes encore, l'a porté à l'insur- 
rection. 



174 MÉMOIRES DU PRINCE BUGÈNE 

« Chef d'une population naturellement guerrière, 
nous avons maintenu parmi elle une certaine disci- 
pline, un respect pour la religion et pour les per- 
sonnes que le sort des armes a mis en son pouvoir; 
mais, comme notre seul désir est d'empêcher l'effu- 
sion du sang et de mériter votre estime, nous nous 
rendrons tous auprès de Votre Altesse Impériale, 
aussitôt qu'elle aura eu la bonté de nous le per- 
mettre. 

a Le chef de bataillon Seveling, notre prisonnier 
et notre ami, nous assure de votre générosité et de 
votre indulgence. Nous brûlons d'aller déposer dans 
le sein de Votre Altesse Impériale les plaintes fon- 
dées du peuple que nous gouvernons, et nous sommes 
persuadé qu'elle voudra bien les'prendre en consi- 
dération. La stérilité des montagnes du Tyrol, le peu 
de commerce qu'il fait, ne lui permettent pas de 
payer les énormes contributions auxquelles il a été 
assujetti. Constant dans les principes de la religion 
chrétienne, le peuple désire qu'elle soit respectée* 
Ayant le bonheur de vivre contemporainement avec 
le plus grand homme qui ait existé, nous nous croi- 
rions coupables de nous opposer plus longtemps 
aux volontés du ciel qui l'a fait naître pour la régé- 
nération du monde. Le grand Napoléon et son digne 
fils Eugène Napoléon seront désormais les protec- 
teurs du peuple tyrolien. » 

Hoffer ne se contenta pas de ces deux lettres, et, 
pour prouver sa bonne foi, il adressa lui-même aux 
Tyroliens insurgés les proclamations ci-dessous : % 

« Tyroliens, mes chers frères, la paix entre Sa 



LIV. XVI. — 1809 175 

Majesté l'Empereur des Français et Roi d'Italie et 
l'Empereur d'Autriche a été conclue le 14 du mois 
dernier; nous en sommes informé à n'en pas douter. 
La magnanimité de Sa Majesté Napoléon nous a as- 
suré grâce et oubli du passé. J'ai convoqué tous les 
députés que j'ai pu des différents cercles, et j'ai 
envoyé, avec leur consentement, comme députés à 
Sa Majesté le Vice-Roi, à Viilach, le sieur Jean Danci 
de Schlanders, mon confident, et M. le major Sie- 
bercn de Untserlangkampfen, avec une lettre signép 
par tous les membres de la députation des cercles. 
Ces deux députés sont aujourd'hui de retour, munis 
d'une lettre autographe très-gracieuse de Sa Majesté 
le Vice-Roi d'Italie, que je crois être de mon devoir 
de vous communiquer. Ci-après, le contenu de la 
lettre de Son Altesse Impériale \ » 

Seconde proclamation d'Hoffer : 

« Nous ne pouvons faire la guerre à l'invincible 
Napoléon; entièrement abandonnés de l'Autriche, 
nous nous rendrions très-malheureux. Je ne peux 
donc commander plus longtemps, ni répondre des 
désastres et de l'inévitable désolation qui les suivrait* 
Les victoires et les revers des États sont l'effet de 
l'invariable volonté de la Providence divine; nous ne 
pouvons pas nous y opposer. Quel est le sage qui 
voulût essayer de nager contre le torrent? Veuillons 
donc, par la résignation à la volonté divine, nous 
rendre dignes de la protection du ciel, et, par un 
amour mutuel et la soumission demandée, de la 

1 Suivait la lettre du vice-roi, lettre qu'on trouve plus loin. 



176 MEMOIRES DU PRINCE EUGÈNE 

magnanimité de Napoléon, et de sa très-haute grâce. 
D'après les rapports bien sûrs, l'armée bavaroise a 
pénétré jusqu'à Steinach (dans Oberinlhal, je ne sais 
jusqu'où). L'armée française est arrivée par Botzen, 
jusqu'aux hauteurs de Ri tien, et trois divisions, par 
le Pusterthal, jusqu'au Klaûsl. Mon cœur est pénétré 
de douleur de devoir vous donner cet avis. Je me 
trouve cependant satisfait d'acquitter, par ce moyen, 
tin devoir auquel j'ai été invité par Sa Grâce l'évoque 
de Brixen, sur l'assurance du général Rusca, que 
les armées nous quitteraient aussitôt que nous nous 
serions rendus.» 

IJoffer ne se borna pas à ces démonstrations, il fit 
cpfaprendre qu'il serait heureux de se rendre de sa 
personne auprès du vice-roi, mais qu'il lui fallait 
pour cela un sauf-conduit. 

Le prince Eugène , fort désireux de terminer 
promptement et sans effusion de sang une guerre 
difficile et sans gloire, résolut d'envoyer auprès du 
chef tyrolien un de ses propres aides de camp. Il 
chargea de cette mission assez périlleuse et fort déli- 
cate le jeune chef d'escadron Tascher \ qui reçut 
l'ordre suivant : 

« Il est ordonné à mon aide de camp, chef d'esca- 

1 En quittant son fils adoptif, à Vienne, l' Empereur, qui, déjà peut- 
«Hre, songeait au divorce, avait recommande au prince Eugène de ne 
pas envoyer a Paris, Tascher (parent de l'Impératrice Joséphine). Le 
jeune Tascher, que des relations de famille appelaient en France, ayant 
sollicité du vice-roi la faveur de s'y rendre, ce dernier, ne se doutant 
alors encore, nullement du malheur qui menaçait sa mère, n'avait trouvé 
d'autre moyen de satisfaire le désir fort naturel de son aide de camp 
•que de Fenvoyer faire la campagne du Tyrol, afin d'avoir un prétexte 



LIV. XVI. - 1809 177 

dron Tascber de la Pagerie, de partir de suite pour 
se rendre auprès du général Baraguey-d'Hilliers ; il 
restera plusieurs jours auprès de ce général ; il pren- 
dra connaissance de l'esprit du pays, de tout ce qui 
s'y est passé depuis le principe de l'insurrection ; il 
cherchera à en connaître les motifs et se mettra enfin 
en mesure de pouvoir répondre à toutes les questions 
qui lui seraient faites sur ce pays. Dans le cas où le 
chef Hoffer viendrait avec plusieurs des principaux 
du pays en dépulation près de moi, il pourrait les 
amener à mon quartier général. » (Villach, ce 6 no- 
vembre 1809.) 

En conséquence de cet ordre, le commandant Tas- 
cher quitta, le 6 «novembre 1809, le quartier géné- 
ral de Villach, où venait de se rendre le capucin 
Arckinger, secrétaire de Hoffer, ainsi que deux au* 
très habitants du Tyrol, envoyés tous les trois en 
mission secrète par le chef des insurgés auprès du 
vice-roi. Il fut convenu que l'aide de camp du prince 
Eugène les attendrait à Prunecken, pour se concer- 
ter avec eux sur les mesures nécessaires à l'évasion 
de Hoffer alors, prétendaient ses émissaires, sous la 
surveillance du général Wolckmann. Il était décidé 
que Hoffer gagnerait d'abord le quartier général de 
Baraguey-d'Hilliers et ensuite celui du vice-roi. On 
devait indiquer, en cas de départ du prince pour 



plausible pour l'expédier ensuite a Napoléon. Aussi on peut remar- 
quer que, dans sa lettre du 15 novembre, le prince évite de nommer à 
l'Empereur l'aide de camp qu'il expédie en Tyrol. On verra plus loin 
comment Napoléon reçut le commandant Tascber au moment du 
divorce. 

vi. 42 



178 MÉMOIRES DU PRIlfCB EUGÈNE 

Milan, la direction à suivre afin de le rejoindre le 
plus tôt possible. 

En pénétrant dans le Tyrol, le commandant Tas- 
cher ne tarda pas à s'apercevoir que l' effervescence 
était loin d'être calmée parmi les paysans. A Lenz, 
qu'il traversa, la population était paisible. Un déta- 
chement français occupait la ville ; mais sur la mon- 
tagne, à droite et à gauche, dans la vallée même, 
l'insurrection grondait toujours. Les Tyroliens affir- 
maient que l'ordre du désarmement n'était pas en- 
core venu de l'Autriche. Le commandant Tascher 
gagna Prunecken , quartier général de Baraguey- 
d'Hilliers, lui confia la mission dont il était chargé et 
lui remit ses ordres, qui consistaient, s'il ne pouvait 
ramener Hoffer, à rester auprès du. général jusqu'à 
la jonction de son corps d'armée avec les Bavarois, 
commandés par le général Dro.uet. Ce dernier avait 
franchi le Brenner, et la jonction devait avoir lieu 
près de Mittenvald, point d'embranchement des routes 
de Brixen et de Lenz. 

Le 7 novembre, les trois émissaires de Hoffer pas* 
sèrent à Prunecken et eurent une entrevue avec le 
commandant, en présence du général Baraguey- 
d'IJilliers. On convint que, sur les neuf heures du 
soir, le commandant Tascher se rendrait dans une 
vallée voisine, près d'un petit village à droite de Pru- 
necken, et attendrait là la réponse de Hoffer. M. Tas- 
cher, seul avec un guide, s'arrêta en avant du vil- 
lage désigné. Après deux heures d'attente, il vit 
venir à lui le secrétaire de Hoffer seul. Le capucin 
Arckinger lui dit que son général était gardé à vue 



UV. XVI. — 1809 179 

par les ennemis les plus ardents des Français, que 
leurs projets avaient été éventés et qu'il n'y avait rien 
à faire. Étaitrce la vérité, Hoiïer agissait-il, en effet, 
sous une pression plus forte que ta sienne, ou bien 
avait-il renoncé à Caire sa soumission, ou. sa con- 
duite jusqu'alors avait-elle été dictée par Tunique 
désir de gagner du temps, c'est ce qu'il est difficile 
de dire; toujours est-il que le commandant Ta- 
scher, après la déclaration du capucin, crut prudent 
de se rendre immédiatement auprès du général Bara- 
guey-d'Hilliers, qui se mit en marche, pour aller au- 
devant des Bavarois . 

Après avoir assisté à plusieurs combats asseg vifs 
livrés aux insurgés du Tyrol, après avoir pris sur la 
situation de ces contrées des renseignements assez 
précis pour pouvoir rendre compte au prince et à 
l'Empereur de l'état des choses ; enfin,, après avoir 
vu opérer la jonction avec les Bavarois, à SJittenvald, 
le commandant Tascher prit congé du général Bar$- 
guey-d'Hilliers, sa mission étaitf accomplie, et il sui- 
vit la route qu'il avait tenue pour se rendre à Pru- 
necken, celle plus directe par Botzen et Trente étant 
occupée encore en ce moment par Jes insurgés. 
Le général Vial rétablit quelques jours plus tard, 
comme on le verra, cette communication* 

Arrivé à Villach, l'aide de camp du vice-roi, ne 
trouvant plus le prince dans cette ville, se rendit à 
Milan,. 

Avant de reprendre le récit des opérations mjli- 
ta ires, et pour ne plus l'interrQjnpre, nous relaterons 
ici ce qui a rapport au mécontentement témoigné 



ISO MÉMOIRES DU PRINCE EUGÈNE 

par le roi de Bavière à son gendre, et aussi ce qui 
concerne Hoffer. 

Après avoir reçu les envoyés du chef tyrolien, après 
avoir expédié auprès de lui son aide de camp Tascher, 
le vice-roi, persuadé que le Tyrol n'attendait qu'une 
assurance de pardon pour déposer les armes, suivit 
les instructions de l'Empereur, et fit répandre la dé- 
cision suivante, datée de Villach le 12 novem- 
bre 1809: 

« Vu les actes de soumission qui nous ont été pré- 
sentés par les députés des Tyroliens et de leurs ci- 
devant chefs et commandants ; 

« Vu également les rapports qui nous ont été 
transmis par tous les généraux commandant les trou- 
pes de Sa Majesté qui occupent en ce moment le 
Tyrol; 

« Considérant qu'il résulte des actes et rapports 
ci-dessus indiqués, que, sur tous les points, les Ty- 
roliens, pénétrés de leurs véritables intérêts et du 
sentiment de leurs devoirs, se sont empressés de se 
rendre dignes du pardon que Sa Majesté l'Empereur 
et Roi a daigné leur promettre par le traité de Vienne, 
et ont, en effet, déposé les armes; 

« Considérant néanmoins que, s'il reste encore 
sur quelques points de petits rassemblements armés, 
ces rassemblements sont composés de brigands étran- 
gers aux Tyroliens, qui n'avaient pris parti au milieu 
d'eux qu'à la faveur des troubles de l'insurrection, 
et dont les Tyroliens eux-mêmes sollicitent aujour- 
d'hui avec instances le prompt désarmement et la 
prompte expulsion ; 



liv. xvi. — 1809 m 

« Avons ordonné et ordonnons * 

« Article 1 er . Les généraux commandant les trou- 
pes qui sont dans le Tyrol prendront, dès aujour- 
d'hui, sous leur protection spéciale les personnes et 
propriétés des Tyroliens, et particulièrement de leurs 
chefs et commandants qui ont donné l'exemple de la 
soumission à Sa Majesté l'Empereur et Roi, et qui 
y sont demeurés fidèles ; 

« Art. 2. Tout individu qui, cinq jours après la 
publication du présent ordre, serait trouvé dans le 
Tyrol les armes à la main sera arrêté et fusillé; 

« Art. 3. Sera également arrêté et fusillé tout in- 
dividu qui, après la publication du présent ordre, 
serait convaincu d'avoir caché ses armes, après les 
avoir portées contre les troupes de Sa Majesté Impé- 
riale et Royale. 

« Art. 4. Le général chef d'état-major et les gé- 
néraux commandant les divers corps de troupes qui 
sont dans le Tyrol sont chargés de l'exécution du 
présent ordre, qui sera publié et affiché dans toutes 
les communes du Tyrol. » 

Après ce qui venait de se passer, après la pre- 
mière proclamation de Hoffer, enfin, après la mis- 
sion du capucin Àrckinger, le vice-roi devait croire 
à la soumission prochaine et générale du Tyrol, et il 
se rendit à Milan , suivant les instructions que lui avait 
données l'Empereur. Son étonneraient ne fut donc 
pas médiocre lorsqu'il apprit que Hoffer, encouragé 
par un petit succès remporté à Saint-Leonbard, ve- 
nait de publier la proclamation suivante, pour enga- 
ger les Tyroliens à reprendre les armes : 



483 MÉMOIRES DU PRINCK EUGÈNE 

« Mes très-chers frères ! Voici un nouvel exemple 
de l'assistance divine : nous sommes à présent dans le 
Passeyer, où nous pouvons aisément atteindre l'en- 
nemi qui e$t ea déroute. Nous avons près de 1,000 
hommes prisonniers ; ainsi vous voyez, mes très- 
chers frères, que Dieu nous a choisis pour son peuple 
chéri et nous engage à battre une nation étrangère, 
la plus forte qui existe sur .la terre. Nom nous bat- 
trons comme les anciens chevaliers, et Dieu et notre 
sainte Vierge nous donneront leur bénédiction ; et 
après la guerre nous espérons vivre tranquilles et 
non délaissés de l'empereur d'Autriche qui, à n'en 
pas douter, redeviendra maître de notre pays ; sur- 
tout ne perdez pas courage : des troupes de la Caryn- 
thie viennent à notre secours. » (Passeyer, le 22 no- 
vembre 1809.) 

Un autre chef, nommé Zingerlé, publia sous la 
même date, de Méran, Tordre suivant, ouvert, afin 
que chaque commune ou comité pût en prendre com- 
munication, et qui devait être colporté par Mais, Haf- 
lingen, Véran, Mœllen, Fias, Àfingen et Waugen 
(dans le Sarenthal, vallée au nord de Bolzano), et de 
là plus loin, si le besoin était : 

« D'après la nouvelle qui vient d'arriver au com- 
mandant supérieur André Hoffer, de Passeyer, il as- 
sure que deux députés de Pusterthal lui apportent la 
nouvelle certaine que les troupes autrichiennes sont 
à Sachsenburg ; qu'en conséquence l'Autriche renaît 
et que nos peines n'auront point été infructueuses. 
M. le commandant supérieur annonce en outre que 
les actions qui ont eu lieu à Brixen et dans le Pas- 



LIV. XVI. — 1809 485 

seyer sont stfr le point de terminer, et que la vic- 
toire nous est assurée» 

« Il requiert tous nos environs à reprendre les 
armes; nul habitant n'est exempt de marcher, afin 
que tous les postes soient de suite occupés et qu'on 
combatte avec dévouement. Dieu est avec nous. 

« P« S. Le porteur de la présente assure qu'il a 
rencontré un autre député du Pusterthal avec une 
dépêche pour M. le commandant supérieur, annon- 
çant que., les Autrichiens vont entrer dans le Pus- 
terthal. » 

On voit jusqu'à quel point les chefs tyroliens pous- 
saient l'effronterie pour propager des nouvelles ab- 
surdes et tromper les habitants. Quoi qu'il en soit, à 
la suite de ces proclamations, l'insurrection se ral- 
luma sur presque tous les points du Tyrol. Elle 
coûta la vie à André Hofler. 

La lettre: du roi de Bavière avait profondément 
affecté le prince Eugène ; il se hâta d'en envoyer co- 
pie à L'Empereur, à la princesse Auguste, et il ré- 
pondit au roi : 

« Mon bon père, je reçois à l'instant même 
votre lettre. du 1 er novembre, et je m'empresse 
d'y répondre. Je n'ai pas reçu la lettre des insurgés 
qui me demandent à retirer les troupes bavaroises 
du Tyrol l , et Votre Majesté peut bien penser que 
j'aurais jeté au feu de pareils écrite. J'ai reçu les dé- 
putés du Pusterthal; ils m'ont demandé un armistice, 

« Cette demande, ainsi qu'on le verra plus loin, avait été faite par 
Hoffer au général D rouet, vers le milieu de novembre, sans doute 
dans le but de gagner du temps. On ratait rejetée. 



m MÉMOIRES DU PRINCE EUGÈNE 

et je leur ai répondu qu'on n'accordait pas d'armis- 
tice à des rebelles; que j'étais chargé de les faire 
rentrer dans l'ordre de gré ou de force, et que je 
leur conseillais, pour leur propre intérêt, de pren- 
dre leur parti. Votre Majesté paraît se plaindre du 
dernier sens de ma proclamation ; j'ai l'honneur de 
la prévenir que je n'ai fait qu'exécuter les ordres 
de l'Empereur. Je dois même dire avec franchise 
que j'aurais pris sur moi d'annoncer à des peuples 
rebelles qu'on écouterait leurs plaintes etqu'on leur 
rendrait justice. Il ne pouvait entrer dans ma tête de 
manquer à la dignité d'un trône auquel je tiens par* 
tant de sentiments et dont la gloire me sera toujours 
aussi chère que la mienne; mais j'ai pensé que l'es- 
sentiel, dans une expédition du genre de celle-ci, était 
de réussir et d'épargner autant que possible l'effu- 
sion du sang. Or mon but a été de les engager à 
rentrer chez eux, à se laisser désarmer ; mais il fal- 
lait bien pour cela leur montrer une lueur d'espé- 
rance, et c'est cette lueur d'espérance que j'ai voulu 
donner en leur disant qu'on écoulerait leurs plain- 
tes et leur rendrait justice. On ne s'engage à rien 
de positif d'avance, et cependant il est bien dans le 
cœur de Votre Majesté de rendre justice à tous ses 
peuples. Oui sait si la vérité est parvenue à son 
trône à l'égard des Tyroliens? Peut-être quelques 
agents infidèles auront traité ces peuples comme, il 
n'était pas dans le cœur de Votre Majesté qu'ils le 
fussent ; la souveraineté n'est pas avilie quand on 
écoute les plaintes des peuples. Ces peuples, il est 
vrai, étaient armés hier; mais aujourd'hui ils sont 



LIV. XVI. — 1809 185 

désarmés et demandent pardon de leur erreur en 
même temps qu'ils réclament justice, c'est le sens 
de ma proclamation. Je prie Votre Majesté de m'ex- 
cuser si je m'échauffe sur cette matière; mais je 
tiens infiniment à ce qu'elle connaisse bien les sen- 
timents qui m'animent et les intentions que j'ai 
eues dans toute cette affaire. Au reste, j'ai assez vu 
de ce pays et de ses habitants pour certifier qu'on 
n'obtiendra rien d'eux par la force. C'est une guerre 
où nous perdrons une grande quantité de braves, qui 
se terminera sans doute à notre avantage, mais qui 
offrirait pour résultat un pays en cendres et malheu- 
reux pour des siècles. Mes troupes sont entrées hier 
à Prunecken. Voilà cinq jours de marche dans le 
Tyrol, et Ton n'a pas tiré un seul coup de fusil. Tous 
les habitants sont rentrés chez eux, et déjà un bon 
nombre a déposé les armes. Sans doute ils ont fait 
mille questions sur leur sort futur ; mais on leur a 
constamment répondu qu'on ne pouvait traiter cette 
matière qu'autant qu'ils auraient d'abord fait acte de 
soumission et jusqu'à ce que le désarmement géné- 
ral ait prouvé leur repentir et leur bonne foi. Voilà 
le point où nous en sommes. Je regrette infiniment 
que la lettre que j'écrivis à Votre Majesté, dès mon 
arrivée à Villach, ait été prise avec l'officier qui la 
portait. Votre Majesté y aurait déjà conçu et le aevoir 
qui m'était imposé et la pureté de mes intentions et 
la sincérité de mon attachement à sa personne. » 

Le roi de Bavière répondit à cette lettre si franche 
et si noble du prince Eugène, le 9 novembre i 809 : 

« Mon bien-aimé fils, le prince de Hohenzollern 



486 MÉMOIRES DU PRINCE EUGÈNE 

m'a remis hier votre lettre. J'étais trop sûr de votre 
amitié pour moi, mon cher ami, pour douter un 
instant que vous n'agissiez pas d'après les ordres aussi 
de l'Empereur. Mes affaires sont ai bonnes mains, 
je vous les abandonne entièrement. Le général de 
Wrede vient de m'envoyer la eopie de quatre ordres 
de Hoffer, dont il tient les originaux, et qui sont 
datés du 1 er novembre» Ce sont tout uniment des 
appels à des communautés pour se lever en masse 
et prendre les armes contre nous. Je vous demande 
si ce gueux-là est dans le cas de l'armistice? Vous 
ignorez peut-être que le courrier que l'archiduc Jean 
a envoyé en Tyrol est un nommé baron de Lichten- 
thurn, Tyrolien, et dont la famille, existant dans ce 
pays, est autrichienne dans l'âme. Je suis sûr qu'il 
était porteur d'instructions secrètes verbales. Aussi 
je parie nia tête que, si l'Empereur retire vos troupes 
avant que tout ne soit désarmé et les retranchements 
détruits, qu'ils recommenceront leur ancien train et 
que j'aurai la guerre civile; en un mot, que le Tyrol 
sera une Vendée. Ne croyez pas que je veuille justi- 
fier la conduite de beaucoup de mes employés civils; 
non, je vous' le jure ; mais je connais trop le système 
autrichien et le caractère faux et abominable des Ty- 
roliens, pour ne pas prévoir les suites les plus fâ- 
cheuses de tout ceci. 

- « Adieu, mon bien cher ami, je vous embrasse et 
vous aime tendrement. Votre fidèle père et meilleur 
ami. 

« Ma femme vous embrasse. » 



MV. XVI. — 1809 487 



II 



On a vu qu'immédiatement après l'armistice de 
Znaïm des mesures avaient été prises pour terminer 
par la persuasion ou par la force des armes la 
guerre du Tyrol. 

Lorsque la paix de Schœnbrunn laissa à l'Empe- 
reur la faculté de disposer d'une partie de ses forces 
et des troupes bavaroises, la campagne fut poussée 
avec une activité nouvelle* 

Au moment où le prince Eugène, encore indécis 
de savoir s'il se mettrait lui-même à la tête des forces 
dont il avait la haute direction, arrivait à Villach, 
l'ordre fut donné partout d'arrêter l'effusion du sang, 
pour voir si les Tyroliens viendraient à composition. 

Onélaitalorsaucommencementdenovembrel809. 
À cette époque, voici quel était l'emplacement des 
troupes prêtes à opérer contre les insurgés à peu 
près réduits à leurs propres forces : •. 

1* La division Vial à Trente et autour de cette 
ville ; 

2° Les troupes du général Baraguey-d'Hilliers, 
dans la vallée de la Drave, en marche pour rallier 
les Bavarois du général d'Erlon ; 

3° La brigade Bertoletti, détachée du corps de 
Baraguey-d'Hilliers, à Spital ; 

4° Le général Peyri, avec 900 hommes, en 
marche de Bellune sur Bolzano, pour grossir la 
division Vial qui avait ordre d'opérer son mouve- 



188 MÉMOIRES DU PRINCE EUGÈNE 

ment vers ce point. Le général Peyri devait servir 
d'intermédiaire et donner la main d'un côté au gé- 
néral Baraguey-d'Hilliers, de l'autre au général Vial, 
plusieurs des divisions de l'armée s'avançant sur 
Brixen par la vallée de la Drave. 

Cette diversion, en appelant l'attention des insur- 
gés sur Bolzano, avait aussi pour but de dégager le 
général Vial. 

Le général Peyri réunit, le i er novembre, àAgordo, 
ses troupes, auxquelles il permit à un détachement 
de gardes de finances de se joindre, et annonça qu'il 
allait marcher à Pieve di Primiero, dans la vallée de 
Cismon, vers le sud-ouest. Au lieu de cela, le 2 au 
matin, il partit d'Agordo et se dirigea, au nord, sur 
Caprile, conûn du royaume d'Italie, où il arriva de 
bonne heure, n'ayant pu obtenir aucun renseigne- 
ment sur le Tyrol allemand dont les insurgés défen- 
daient la sortie à qui que ce fût. Il continua sa 
marche en prenant les plus grandes précautions. 
Arrivé aux frontières, il trouva un corps d'insurgés 
commandé par un certain Francesco del Ponte, et 
en position sur des hauteurs. Une partie des Tyro- 
liens fit aussitôt rouler des quartiers de rochers sur 
la colonne, tandis que d'autres l'assaillaient à coups 
de fusil. Le général Peyri ayant fait occuper les hau- 
teurs voisines qui dominaient, les Tyroliens ne tar- 
dèrent pas à être débusqués et dispersés. Après ce 
petit combat, le général continua sa marche. Épou- 
vantés par le mauvais succès de l'affaire qui venait 
d'avoir lieu, un petit corps ennemi de 160 hommes 
offrit à Buchenstein de déposer les armes, sous la 



LIV. XY1. — 1809 189 

seule condition que le village ne serait point pillé, 
ni aucun des habitants molesté. Cette condition 
acceptée, la colonne prit possession de Buchenstein 
et des hauteurs voisines ; mais, malgré toutes les 
précautions que prit le général pour empêcher les 
troupes de commettre aucun désordre, et pour in- 
spirer ainsi toute confiance aux habitants, ceux-ci ne 
rentrèrent pas dans leurs habitations. Les prêtres, 
entièrement dévoués à Hofler, parvenaient à entre- 
tenir l'insurrection. Le général Peyri, craignant 
quelque trahison, retint le chef des insurgés de la 
commune et le força à lui servir de guide. Le len- 
demain, 3, de grand matin, la colonne se mit en 
marche en se dirigeant vers Àrabla. Elle fut quel- 
quefois inquiétée dans sa marche, mais sans éprou- 
ver de pertes. Après avoir franchi la montagne de 
Gampolongo, elle descendit à Gorfana, où le général 
Peyri fit faire halte à la troupe. Là il apprit que les 
insurgés des vallées voisines, en grand nombre, s'é- 
taient réunis à Golfosco où ils l'attendaient pour 
l'empêcher de pénétrer dans le val Gardena par où 
elle devait nécessairement passer, soit pour arriver à 
Clausen, soit pour gagner Bolzano. La situation 
du général Peyri devenait dangereuse. Cependant, 
comme le moindre retard pouvait accroître les dif- 
ficultés, il se décida à brusquer l'attaque. Il frac- 
tionna ses troupes en trois colonnes ; la première 
devait aborder l'ennemi par la gauche, et la seconde 
se porter sur ses derrières, tandis que le corps prin- 
cipal agirait de front et par la droite. Toutefois, 
comme le mouvement devait être combiné, et que 



190 MÉMOIRES DU PRINCE EUGÈNE 

les deux premiers détachements avaient un grand 
détour à faire, le général Peyri Ait obligé de gagner 
du temps afin d'amuser l'ennemi; il engagea un 
prêtre qui retournait dans son village à se pré- 
senter aux insurgés en qualité de parlementaire et à 
leur remettre la proclamation du prince Eugène 
relative à l'amnistie. L'arrivée de ce parlementaire 
et la proclamation excitèrent des discussions parmi 
les Tyroliens. Leur chef, aubergiste de Saint-Ulrich , 
qui parlait français, demanda une entrevue. Elle lui 
fut accordée. Il proposa au général Peyri de se rendre 
avec toute sa colonne ; mais, pendant que le général 
le retenait, discutant cette proposition, les deux dé- 
tachements arrivèrent assez près des insurgés pour 
pouvoir commencer l'attaque. Alors le général Peyri 
renvoya le parlementaire et se porta rapidement en 
avant. Ce mouvement imprévu, et l'occupation des 
hauteurs sur lesquelles les détachements étaient ar- 
rivés épouvantèrent tellement les paysans, privés de 
chef, qu'ils prirent la fuite et ouvrirent le pasaage 
aux troupes. La colonne put gagner, successivement 
et sans obstacle, San ta-M aria, Santa-Christiana et 
Saint-Ulrich. A ce dernier point, le général Peyri 
accorda un peu de repos à ses troupes. Il leur dit 
même, croyant pouvoir le faire, qu'on y passerait 
la nuit, et que le lendemain on se rendrait à Clausen» 
Le soldat, extrêmement fatigué, aurait eu besoin 
d'un plus long repos que celui qu'il venait de prendre; 
mais le général Peyri, réfléchissant que les masses 
auxquelles il avait eu affaire, bien que dispersées, 
n'étaient pas détruites, et que le tocsin, qui sonnait 



LIY. XVI. - 1809 191 

dans tous les villages, allait soulever la population 
entière contre lui, se décida à continuer son mouve- 
ment à Tëntrée de la nuit. Le bruit répandu qu'il se 
rendait à Clausen facilita sa marche par des chemins 
difficiles au travers de hautes et épaisses brous- 
sailles.. A plusieurs reprises, il se trouva si près 
des insurgés, que le feu de leurs bivacs éclairait 
ses soldats. 11 réussit à surprendre et à enlever, sans 
bruit, plusieurs patrouilles qui parcouraient lei che- 
mins avec des flambeaux, et il arriva ainsi à Bruck, 
village situé au-dessous de Clausen, presque à l'em- 
bouchure du Greduer. Ignorant les obstacles que 
pouvait présenter cette petite rivière, et ne connais- 
sant les forces des rebelles que par leurs nombreux 
bivacs, le général Peyri résolut d'attendre le jour 
pour tenter le passage. D'ailleurs sa troupe, -exté- 
nuée de fatigue par une marche de vingt et une 
heures, sans prendre de nourriture, avait besoin 
d'un peu de repos pour ne pas succomber. Le 4, au 
point du jour, le général, ne pouvant plus dérober 
sa marche à l'ennemi, descendit rapidement dans le 
village afin de prévenir son attaque. Les insurgés, 
protégés par le feu de ceux des leurs qu'ils avaient 
postés sur les hauteurs voisines dominant lé village, 
firent une résistance opiniâtre ; mais enfin', chargés, 
à la baïonnette, ils cédèrent le passage. On ne les 
poursuivit pas, attendu qu'ils avaient coupé le pont 1 
sur le Greduer et que le feu très*violent de ceux qui 
étaient embusqués sur l'autre rive empêehait d'ap- 
procher de la rivière» Heureusement ils deman- 
dèrent à parlementer, ce qui fut accepté, ainsi que la 



193 MÉMOIRES DU PRINCE EUGÈNE 

proposition de leur chef pour se readre auprès du 
général Peyri. Us Crent jeter quelques planches sur 
le pont, et un détachement de paysans armés "passa 
le ruisseau. Les députés sommèrent le général de 
poser les armes, et leur détachement se jeta sur un 
piquet avancé pour le désarmer. Aussitôt la charge 
est battue, les troupes se précipitent avec une telle 
ardeur, que les Tyroliens n'ont pas le temps de re- 
tirer les planches jetées sur le pont ni de couper 
celui de l'Eysach conduisant à Goliman. 

La colonne perdit ses équipages entre les deux 
ponts, et cette circonstance retarda la poursuite de 
l'ennemi et dégagea un peu la queue qui était serrée 
de très- près. Ce combat fui sanglant pour les in- 
surgés qui laissèrent sur le terrain beaucoup des 
leurs. 

Le général Peyri ne jugea pas à propos de prendre 
position à Goliman, alors en état d'insurrection ainsi 
que les villages voisins. Malgré les dangers et les 
obstacles qui lui restaient à surmonter, il se décida 
à se rendre à Bolzano, où ses ordres lui prescrivaient 
d'arriver le même jour, et où il espérait trouver la 
division Vial. Les insurgés étaient en grand nombre 
sur les hauteurs à droite et à gauche, et, comme la 
colonne était trop faible pour pouvoir penser à les 
déloger, il fallut marcher sous le feu continuel qu'ils 
faisaient des montagnes de Rilten, et au milieu des 
pierres et des morceaux de rochers que roulaient 
les femmes et les enfants, couronnant les montagnes 
qui dominent la grande route. 

A Cardaun, le feu des insurgés se ralentit, et à 



liv. xvi. - 1809 m 

Kentich il cessa tout à fait. Le général Peyri, après 
avoir fait occuper les hauteurs de Santa-Maddalena, 
entra, sans obstacle, dans Bolzano 1 , à deux heures 
après midi. Il fut bien reçu par les habitants qui 
s'empressèrent de fournir aux besoins de ses tfoupes; 
mais il eût désiré trouver la division Vial, d'autant 
plus que les soldats manquaient de munitions. Réduit 
à défendre une ville ouverte, le général Peyri établit 
des postes, et fit fortement barricader toutes les ave- 
nues. Puis il dépécha un émissaire au général Vial 
pour le prévenir de son arrivée à Bolzano et de la 
situation dans laquelle il se trouvait. Le soir, les 
insurgés forcèrent le poste qui était sur les hauteurs 
de Santa-Maddalena à se replier sur la ville. Pendant 
la nuit, les Tyroliens furent renforcés par les masses 
qui avaient quitté les bords du Lavis, et pour échap- 
per au général Vial, et par la crainte d'être pris 
à dos par les troupes du général Peyri. Le 5 au 
matin, les paysans, en très-grand nopibre, descendus 
des hauteurs de Santa-Maddalena, tentèrent de sur- 
prendre la ville; mais leur projet fut déjoué, et ils 
furent repousses avec perte. Dans la journée, ils 
renouvelèrent leur attaque avec fureur sur tous les 
points, et furent également refoulés à coups de 
baïonnettes, car les troupes n'avaient plus de car- 
touches. 

La marche difficile et les combats livrés par cette 
petite colonne du général Peyri étaient des opéra- 
tions très-glorieuses. 

1 Bolzano ou fiotzen. 



194 MÉMOIRES DU PRINCE EUGÈNE 

Vial, en apprenant l'arrivée des troupes à Bolzano, 
ordonna au général Digonel de partir immédiate- 
ment avec la cavalerie de sa division et deux cais- 
sons d'infanterie altelés de chevaux de poste pour 
se rendre dans cette ville, où ce renfort arriva le 5 r 
au soir, fort à propos pour rassurer les troupes et 
les habitants, et pour en imposer aux insurgés qui 
espéraient enlever la ville de vive force la nuit sui- 
vante. Le 14 e léger et le 101 e de ligne, qu'il avait 
mis en mouvement comme les moins fatigués, pé- 
nétrèrent également à fiolzano dans la nuit. Le 6, 
le général, avec le 1" léger napolitain, 5 e et 81 e de 
ligne français et l'artillerie, y arriva lui-même, 
dans la journée ; puis successivement le 3* et le 7 e 
de ligne italiens. Les insurgés occupaient encore les 
hauteurs qui couronnent la ville» Vial résolut de les 
chasser de celle de Loreto, à la gauche de l'Ëysach, 
d'où ils faisaient une vive fusillade sur le pont. Le 
1 er léger napolitain remonta cette rivière afin de 
tourner la position par la gauche, tandis que le 
5 e régiment tentait l'attaque de front et que le 3* ita- 
lien prenait par la droite. Les paysans ne tinrent 
pas, et, après avoir tué ou blessé quelques hommes 
à coups de pierres, ils prirent la fuite. Le 14 e léger 
occupa Loreto ; le 5 e et le V italiens et la colonne 
du général Peyri restèrent à Bolzano. Le reste des 
troupes fut porté en avant de la ville. 

Le 7, on devait attaquer les insurgés sur tout le 
front de la ligne ; mais quelques piquets envoyés la 
nuit précédente les avaient tellement inquiétés, qu'ils 
s'étaient retirés avec précipitation. Alors le général 



LIV. XVÏ. — 1800 195 

Vial fit prendre position à sa division entre l'Eysach 
et Tàdige; la l re brigade, commandée parle géné- 
ral Digonet et composée du 14* léger français, du 
i" léger napolitain, du 84* et du 101 e d'infanterie 
de ligne français, appuya sa droite à l'Eysach, et sa 
gauche à la Palser; le 14 e léger resta à Loreto; la 
2* brigade, commandée par le général Peyri et com- 
posée du 5* et du 7 e régiment italiens et de la colonne 
mobile, se lia par sa droite à la gauche de la 1", 
détendant jusqu'à FÀdige. La 5* resta à Bolzano 
avec la cavalerie et les 6 bouches à feu de la di- 
vision. 

Les habitants des diverses communes et surtout 
de Méran envoyèrent des députés pour faire leur 
soumission, il leur fut répondu qu'elle ne serait 
agréée que quand ils auraient rendu les prisonniers 
de guerre français, italiens ou bavarois, et leurs ar- 
mes. On désarma la ville ainsi que les villages voi- 
sins. Le même jour, un bataillon du 101 e régiment 
d'infanterie de ligne fut détaché pour tourner une 
montagne voisine, et en expulser les insurgés. II de- 
vait être de retour dans la journée. Ce bataillon 
s'égara, rencontra l'ennemi, perdit du temps à 
parlementer et fut obligé de passer la nuit dans une 
mauvaise position. Le lendemain, il se trouvait enve- 
loppé; mais les troupes que le général Digonet avait 
envoyées pour en avoir des nouvelles, ayant entendu 
la fusillade au point du jour, le dégagèrent. De Bal- 
zano, diverses colonnes mobiles furent jetées dans 
plusieurs directions pour hâter le désarmement. La 
droite du général Digonet détacha un bataillon sur 



190 MÉMOIRES DU PRINCE EUGÈINB 

la route de Brixen, afin d'avoir des nouvelles du gé- 
néral Baraguoy-d'Hilliers; le 8 et le 9, les colonnes 
mobiles continuèrent à parcourir le pays. 

Environ 130 prisonniers français, italiens, bava- 
rois ou saxons avaient été délivrés à Bolzano ; beau- 
coup d'autres furent rendus. L'administration muni- 
cipale de Bolzano fut organisée; les communes 
envoyèrent de tous côtés leurs soumissions et les ha- 
bitants rentrèrent dans leurs foyers, en sorte que 
bientôt, dans ce district, les gens sans aveu, les bri- 
gands reconnus ou les déserteurs, restèrent seuls les 
armes à la main. 

Le 10, le général Digonet fit marcher par la rive 
droite de l'Eysach le 1 er léger napolitain, qui se porta 
le lendemain à Colman par la rive droite de cette ri- 
vière, le 81 e de ligne, qui se porta à Lcngrustein. 
Le but de ce mouvement était d'avoir des nouvelles 
du général Baraguey-d'Hilliers, dont on apprit offi- 
ciellement dans la journée l'entrée à Brixen, ainsi que 
celle d'officiers autrichiens, porteurs de la procla- 
mation de Hoffer aux Tyroliens, pour les engager à 
poser les armes. Ce chef avait déjà envoyé deux fois 
des parlementaires au général Vial pour traiter de sa 
soumission et devait se rendre le 12 novembre à Bol- 
zano. 

Tandis que ceci se passait dans le Tyrol méridional, 
l'expédition, confiée par le prince Eugène au général 
Baraguey-d'Hilliers, était en marche dans les vallons 
de la Drave, et son avant-garde était même arrivée, 
le 1 1 , à Bolzano. En outre, les troupes du roi de Ba- 
vière, occupant le pays de Salzbourg, recevaient l'or- 



LIV. XVI. — 1809 197 

dre de pénétrer dans leTyrol et d'attaquer les insur- 
gés dans la vallée de l'Inn. Cette opération devait 
faciliter l'expédition du général Baraguey-d'Hilliers, 
dont la marche se trouvait flanquée jusqu'à la hau- 
teur de Prunecken. Ainsi, d'une part, le corps d'ar- 
mée détaché de l'ancienne armée d'Italie du prince 
Eugène occuperait Bolzano, Brixen, Méran, Prunec- 
ken, Sterzing ; d'une autre, la division Vial tiendrait 
leTrentin, et les troupes bavaroises opéreraient par 
les deux rives de l'Inn, jusqu'à l'Engadine et au mont 
Brenner. Le Tyrol se trouverait donc cerné de façon 
que l'insurrection ne pût agir longtemps sans être 
étouffée, ou au moins hors d'état de rien tenter de 
sérieux. C'est, en effet, ce qui arriva. Il y eut des 
rassemblements partiels, des attroupements assez 
considérables; il se livra des combats, dans quelques- 
uns desquels même les insurgés obtinrent des avan- 
tages; mais, dès l'instant que les deux corps d'armée, 
sous les ordres directs du prince Eugène, occupèrent 
les positions que nous venons d'indiquer, les troupes 
insurrectionnelles du Tyrol cessèrent dé faire un en- 
semble de corps, et il n'y eut plus entre elles de 
liaison. 

Nous devons maintenant revenir au milieu du 
mois d'octobre pour indiquer les opérations du 
corps bavarois, puis nous donnerons celles du gé- 
néral Baraguey-d'Hilliers. 

Le 16 octobre, le corps d'armée bavarois aux 
ordres du général Drouet d'Erlon occupait les posi- 
tions suivantes : 

i n division (prince de Bavière); 2 bataillons d'in- 



f 

/ 



1Î8 MÉMOIRES DU PRINCE KUUK.XK 

fanlerie, 1 régiment de cavalerie el o pièces de ca- 
non en avant de Uallcm, sur la Salza, au-dessus de 
Salzburg; 2 bataillons a Bergtesgaden, o bataillons, 

1 régiment de cavalerie, et 6 pièces de canon à 
Reichenhall, sur la Salza. 

2 e division (lieutenant général, baron de Wrede); 
7 bataillons, 1 régiment de cavalerie et 22 pièces de 
canon réunis aux environs de Traunstcin, à l'ouest 
de Salzburg. 

5 e division (général de Deroy); 8 bataillons, 

2 régiments de cavalerie et 18 pièces de canon. 

Cette division, qui avait gardé les débouchés duTyrol • 

depuis le commencement de l'insurrection, avait 
ordre de se réunir sur l'Inn, entre Ku es te in et Ho- ■ 

semhcim. * 

Le général Drouct, ayant reçu Tordre d'attaquer 
les insurgés qui menaçaient Salzburg, prescrivit à la 
2 e division de partir, le 17, pour se rendre ù Saint- 
Joham, au haut de la vallée de l'Aich. La 5 e division 
eut ordre de prendre position, le 18, sur l' Action* 
bach, en arrière de Voergl, la droite appuyée à l'Inn. 
La 1" division, fractionnée en plusieurs colonnes, 
devait tourner la position des insurgés dans la vallée 
de laSaal, où ils avaient un camp prèsd'Unken, 
leurs avant-postes en face de Reichenhall. Le 16, la 
colonne de droite de cette division, qui devait tra- 
verser les montagnes escarpées situées à la gauche de 
la Saal, se mit en marche, en se dirigeant sur Weis- 
senbach, à l'ouest de Reichenhall, où elle prit posi- 
tion, le 17, de grand malin. Toutes les colonnes se 
mirent en marche. Le point de réunion était der- 



LIV. XVI. — 1809 199 

rière Mcleck et Unker. Elles avaient pour guide les 
habitants de Reichenhall. 

Le mouvement fut si bien conduit que les troupes 
arrivèrent en même temps entre Meleck et Unken ; 
les positions des insurgés turent tournées, on prit 
leurs canons, leurs munitions et environ 600 pri- 
sonniers. Ils eurent en outre 200 à 300 morts. 

Aussitôt que la jonction fut faite, on détacha une 
partie de cavalerie et deux compagnie d'infanterie 
sur Lovers afin d'empêcher la destruction du pont de 
la Kimpah. Les insurgés coupés à Lovers furent sur- 
pris; on en tua beaucoup, Ton fit environ 60 pri- 
sonniers, et on les poursuivit jusqu'à Luftenstein, 
qui fut occupé; la l re division vint prendre position 
à Lovers. La 2* division, qui avait passé par les 
chemins très-difficiles, ne peut prendre position 
qu'à Yœssen, en avant de Marquartstcin (vallée de 
l'Aich). 

Le 18, les deux bataillons de la 1" division qui 
occupaient Bcrghtcsgaden, eurent ordre de se diri- 
ger sur Weissenbach, dans la vallée de la Saal. Pour 
seconder ce mouvement, on envoya de Lovers le gé- 
néral Rechbcrg avec deux bataillons et deux pièces 
de canon. La jonction se fit dans l'après-midi, au 
village de Weissenbach, après un engagement assez 
vif. La colonne en avant de Hallem, 2 bataillons, 
1 régiment de cavalerie et 5 pièces de canon, 
eurent ordre de se porter à Golling, dans la vallée de 
la Salza, afin d'observer le poste de Luegpass et les 
débouchés occupés par les insurgés. La 2 e division 
arriva à Saint-Joham, dans la vallée de l'Aich, et 



\ 



200 MÉMOIRES DU PRINCE EUGÈNE 

aussitôt les communications furent ouvertes avec la 
1" division et avec la 3 e qui, le même jour, arriva à 
la position qui lui avait été indiquée en arrière de 
Voergl . 

lie 19, les habitants des vallées de la haute Salza 
et de la Muhr, voyant les rebelles expulsés de la val- 
lée de Saal, envoyèrent des députés offrir leur sou- 
mission pour assurer le désarmement de ces dis- 
tricts. Les troupes qui étaient dans la vallée de la 
Saal eurent ordre de se porter en avant jusqu'à Sal- 
felden, afin de prendre en même temps à dos les in- 
surgés postés à Lueg-Pass. Le 20, une brigade de la 
1" division vint prendre position à Saint-Joham, et 
occupa Kizbuhel. L'autre brigade avait deux batail- 
lons à Golling et trois dans le Puitzgau à Salfelden. 
Ces cinq bataillons avaient ordre de faire leur jonc- 
tion par Daxembach, dans la vallée de la Salza. La 
2 e division partit de Saint-Joham et vint prendre po- 
sition surl'Inn à Kundt, entre Yoergl et Rattenberg, 
la 3 e division resta en arrière de Yoergl- On prit 
dans toutes les communes occupées par l'armée, des 
otages qui furent envoyés à Kufstein. 

Le 21 , la 2 e et la 3 a division marchèrent sur Rat- 
temberg, occupé par environ 3,000 insurgés qui se 
retirèrent à l'approche des troupes bavaroises, et 
coupèrent les ponts derrière eux. La 2 e division se 
porta au pont du Ziller, près du village de Strass, et 
l'ayant fait réparer elle prit position. La 3 e division 
se plaça en arrière de Rattenberg. Les retranche- 
ments élevés par l'ennemi entre Yoergl et Ratten- 
berg, et au pont de Ziller, furent détruits. On soc- 



LIV. XVI. — 1809 204 

cupa alors du désarmement du Zillerthal, ainsi que 
de celui des baillages de Rattenberg et de Kufstein. 
Les troupes qui étaient à Golling firent également 
leur jonction avec celles du Puizgau, et les insurgés 
de ces vallées se soumirent. Le désarmement fut 
opéré, des otages exigés, et les ponts sur l'Inn ré- 
tablis. 

Le 22 et 23, les 2 e et 3 e divisions restèrent en po- 
sition. 

La brigade de la 1" division, qui occupait Saint- 
Joham et Kizbahel, vint, le 23, prendre position à 
Kundl. 

Le 24, cette même brigade et la 2' division se 
portèrent à Hall; on ne rencontra que de très-petits 
postes d'insurgés, une brigade de la 3 e division oc- 
cupa Rattenberg. La seconde brigade fut répartie 
ainsi qu'il suit : 1 bataillon, 1 escadron et 3 pièces 
de canon à Schwatz, 1 bataillon à Yeerberg; 2 ba- 
taillons, 1 escadron et 3 pièces de canon sur les 
hauteurs du pont de Wolderc ou Venaper. 

Cependant ces premières opérations firent crain- 
dre aux insurgés que le corps d'armée bavarois, en 
faisant un mouvement par la gauche, ne vînt occu- 
per Maitray et Steinach, et les couper du corps qu'ils 
avaient à Lienz et devant Trente. Ils songèrent donc 
d'abord à couvrir ces positions en abandonnant Hall 
et Inspruck. Afin d'attirer l'attention du général 
Drouel sur ces deux villes, et de lui ôler l'idée d'un 
mouvement général sur Sterzing, ils continuèrent à 
occuper la rive gauche de l'Inn jusqu'en faoe d'in- 
spruck ; menaçant ainsi les communications directes 



302 MÉMOIRES DU PRINCE EUGÈNE 

du général Drouct avec la Bavière. Leurs forces prin- 
cipales étaient concentrées dans leurs retranche- 
ments, sur la montagne, sur là roule de Brixen. Us 
avaient une réserve à Steinach. Le 25, une forle re- 
connaissance fut poussée sur Inspruck ; les insurgés 
avaient détruit le pont de Mûhlu sur l'Inn. Ce pont 
fut promplement rétabli, la ville fut occupée, et 
l'ennemi se retira dans ses retranchements de la 
montagne. La position fut reconnue, mais on se con- 
tenta de placer à l'entrée de la ville, du côté de Hall, 
une forle avant-garde qui devait défendre et ga- 
ranlir le pont. Le même jour, un officier d'ordon- 
nance du prince Eugène apporta au général Drouet 
la nouvelle de la marche des troupes, qui entraient 
par la vallée de la Drave et le Pusterthal. Plusieurs 
exemplaires des ordres et des proclamations du vice- 
roi furent de suite envoyés àHoffer, qui était alors a 
Steinach. On lui signifiait de faire connaître ses in- 
tentions dans les quarante-huit heures. 

Le 26, la brigade de la Indivision qui était restée 
dans le Puizgau rejoignit le corps d'année. Elle se 
réunit à la division, à Hall. Le même jour, le poste de 
Scharnitz fut enlevé par le colonel Oberndorf. Pen- 
dant les journées du 26, 27 et 28, il y eut des enga- 
gements continuels avec la ligne des postes des 
insurgés, qui s'étendaient des hauteurs en face 
d'Inspruck, jusqu'en avant de Veerberg. 

Le 29, Hoffer annonça au général Drouet qu'un 
courrier de l'archiduc Jean avait apporté aux Tyro- 
liens l'assurance que la paix avait été conclue le 14. 
Il demanda en même temps une suspension d'armes 



LIV. XVI. — 1800 203 

de quinze jours, sons la condition que les troupes 
bavaroises se retireraient en arrière deKufstein. Il 
sollicita aussi des sauf-conduits pour envoyer des 
députés au prince Eugène; ceci témoignait d'une 
sorte de mauvaise foi de Hoffcr, car, la proclamation 
du vice-roi ayant été signifiée aux troupes qu'il avait 
en avant de Licnz, il lui ela.it plus facile d'envoyer 
par là des députés au quartier général, à Villach. 
Son but, en sollicitant des sauf-conduits du général 
Drouet, semblait donc être de gagner du temps. Le 
général refusa la suspension d'armes, mais accorda 
les passe-ports pour les députés, décidé à occuper 
jusqu'à leur retour Inspruck. 

Le 50, l'avant-gardc du corps à Inspruck fut vi- 
vement attaquée, mais inutilement. Toutefois, des 
émissaires des insurgés ayant été arrêtés, colpor- 
tant l'ordre aux habitants d'Inspruck de reprendre 
les armes, le général Drouet se décida à les prévenir 
immédiatement. 

Le i er novembre la 2 e division fut chargée d'atta- 
quer la position de la montagne défendue par environ 
8,000 paysans fortement retranchés. Après un feu 
d'artillerie bien soutenu, l'infanterie emporta d'as- 
saut le retranchement, les insurgés furent disper- 
sés ayant perdu beaucoup de monde. On leur prit 
8 pièces de canon et toutes leurs munitions. 

Tandis que la 2 e division attaquait le retranche- 
ment de la montagne, le général Raglowich avec 
2 bataillons, 2 escadrons et 6 pièces d'artillerie de la 
1" division, empêchait les insurgés devant Hall de 
se porter au secours des leurs; mais, en même 



904 MÉMOIRES DU PRINCE EUGÈNE 

temps, les insurgés à la gauche de l'fnn, voulant 
faire une diversion favorable à ceux de la mon- 
tagne, attaquèrent Inspruck par les hauteurs de 
Hœltingen. Le général Rechberg, qui y fuf envoyé 
avec une brigade de la 1" division, 2 escadrons 
et 3 pièces de canon, repoussa cette attaque et chassa 
les insurgés des hauteurs. Le soir, le général Drouet 
ût venir à Hall le général de Deroy avec 3 batail- 
lons; Volders fut occupé par 1 bataillon, 1 esca- 
dron et 3 pièces; Weerberg par 1 escadron et 
3 pièces ; Rattenberg et le Zillerbruck par 2 batail- 
lons, 1 escadron et 4 pièces; de la cavalerie fut 
envoyée par le Zillerlhal pour tâcher de communi- 
quer avec les troupes du général Baraguey-d'Hil- 
liers; de cette manière la communication avec Kuf- 
slein se trouvait couverte; celle par Radstadt (dans 
le pays de Salzburg) Tétait par de l'infanterie et par 
deux escadrons de cavalerie. 

La 2 e brigade fut placée à Zirl pour assurer la 
communication avec Scharnitz, une avant-garde oc- 
cupa Schonberg et les hauteurs environnantes sur la 
route de Brixen ; les villages d'Altrans, d'Àmpas, de 
Will, et les hauteurs voisines qui étaient encore aux 
mains des insurgés furent balayées, et une avant- 
garde fut poussée jusqu'à Patsch et Mûhlthal, à la 
hauteur de Schonberg. 

A la suite de ces diverses opérations on envoya des 
troupes dans la haute vallée de l'Inn, et les baillages ' 
qui se trouvent de ce côté donnèrent des otages et 
firent leur soumission. Des troupes furent placées 
entre Unter-Miemingen et Imst pour observer la 



LIV. XVI. — 1809 205 

vallée d'Oez, vallée d'autant plus intéressante, qu'elle 
pouvait être utile aux insurgés pour faire une di- 
version dans la vallée du hautlnn. Deux ponts placés 
au bas de celte vallée ouvrent la communication avec 
Imst. Le chemin remonte la vallée par Umhausen, 
Ober-Lengenfcld, Sœlden, et conduit au col de Pas- 
seyer-Àlpen, d'où Ton communique avec le Passeyer- 
Thal, Meran et Stertzing. De Sœlden, deux autres 
chemins peut-être un peu difficiles pendant l'hiver 
conduisent par Pillberg et Fender dans le Wintsch- 
gau, au-dessus de Meran. 

Le 4, la position du corps d'armée bavarois était 
la su hante : la 1" division dans la plaine d'In- 
spruck, occupant les hauteurs et ayant ses avant- 
postes à Schonberg et Muhlthal, sur la route de 
Brixen; la 2 e division, ayant une brigade à Zirl, com- 
muniquant par sa droite avec Scharnitz, occupé par 
les volontaires du comte d'Oberndorf; l'autre brigade 
s'étendant sur l'Inn jusqu'à Landeck; la 3 e division 
(quartier général à Hall) sur la rive droite de l'Inn, 
depuis Wolders jusqu'à Rattenberg. 

Hoffer fit prévenir ce jour-là le général Drouet 
qu'il avait ordonné à ses postes de mettre bas les 
armes. Le 5 et le G il n'y eut aucun mouvement. 

Le 7, l'avant-gnrde de la 2* division, qui avait 
échangé ses positions avec la 1", s'étant portée à 
Steinach sur la route de Brixen, eut à en chasser 
1,500 insurgés qui, loin de poser les armes, ainsi 
que l'avait annoncé Hoffer, se défendirent de posi- 
tion en position. En même temps, un rassemble- 
ment de paysans reparut dans le haut du Ziller-Thal. 



206 MÉMOIRES OU PRLNCE EUGÈNE 

Le général Minucci, qui venait joindre le corps d'ar- 
mée avec trois bataillons, un régiment de cavalerie 
et de l'artillerie, y fut envoyé; il les battit et les dis- 
persa. 

Le 10, l'avant-garde de la 2* division occupa le 
village de Brenner sur la route deSterzing, et fit ré- 
parer tous les ponts qui avaient été coupés. En consé- 
quence de ce mouvement, la communication fut 
ouverte, le 11, avec les troupes que le général Bara- 
gucy-d'Hilliers avait envoyées à Sterzing. Celles qui 
étaient à Imst furent attaquées deux fois dans la jour- 
née par les insurgés du haut Inn : ces attaques furent 
repoussées; mais, comme il paraissait que la vallée 
d'Ocz et le haut Inn du côlé de Landeck ne voulaient 
pas se soumettre, toute la division eut ordre de s'y 
porter. 

Le 14, toute la première division était à Imst. Des 
colonnes s'avancèrent par OErzell et Wens, pour se 
porter sur Kiem et tourner la position des insurgés; 
ceux-ci, probablement instruits du mouvement, se 
dispersèrent; le lendemain le baillagc de Landeck se 
soumit et fut occupé. 11 en fut de même les jours 
suivants pour les vallées d'Ocz et d'Œrzell, où Ton prit 
les mesures les plus promptes pour le désarmement. 

Les insurgés occupaient toujours en force le poste 
de Funstermanz sur l'inn, aux confins de l'Enga- 
dinc; ce poste leur était de la plus grande nécessité 
pour couvrir la vallée du haut Àdige qu'ils tenaient 
encore, et pour empêcher qu'on ne prît à dos les 
troupes qu'ils y avaient. Cependant l'insurrection ne 
tarda pas recommencer dans plusieurs petites vallées 



LiV. XVI. - 1809 307 

secondaires de l'Inn, en face de Landeck. Les rassem- 
blements reparaissaient sur les hauteurs de la rive 
gauche de cette rivière. On dut y renvoyer des trou- 
pes de la 1" division. 

Le 25, on arrêta des émissaires dos insurgés col* 
portant les ordres |>our une attaque générale. Bientôt 
des partisans du gouvernement bavarois dévoilèrent 
le projet des insurgés qui était de surprendre les 
troupes dans la nuit du 27, et de s'en défaire d'un 
seul coup. En effet, il y eut des rassemblements ; 
mais les précautions étaient prises, ils furent dis- 
persés, et l'ordre rétabli. 

Présumant que des troupes du corps d'armée du 
général Baraguey-d'Hilliers avaient pénétré dans le 
Winschgau, qui venait de faire sa soumission, des 
partis furent envoyés, le 28, sur Nauders, pour com- 
muniquer avec elle. Depuis cette époque la partie du 
Tyrol occupée par les troupes bavaroises resta tran- 
quille cl soumise. 

Hoffer n'avait jamais été reconnu par un acte pu- 
blic et solennel chef suprême de la nation; cepen- 
dant il avait acquis tant d'influence, que le Tyrol en- 
tier prenait les armes à sa voix, et qu'il était bientôt 
parvenu à dominer tous les autres chefs. Habituelle- 
ment il marchait avec 8 à 10,000 hommes, divisés 
par compagnies de 100 à 150 insurgés; mais, quand 
il avait quelque expédition à faire, il en rassemblait 
20 à 30,000 qu'il licenciait ensuite. Il parait certain 
que ce chef de bande avait songé à profiter de son 
ascendant sur le Tyrol allemand pour organiser le 
pays d'une manière à peu près régulière, puisque > 



308 MÉMOIRES DU PRINCE EUGÈNE 

ainsi que nous le disions plus haut, il avait constitué 
à Inspruck une espèce de gouvernement ou comité 
central composé en grande partie d'employés du 
gouvernement bavarois. Cette dernière circonstance 
prouve que le gouvernement du roi Maximilien avait 
été trompé par la plupart de ses employés en Tyrol. 
L'insurrection, au surplus, n'avait pas eu le même 
caractère parlout. Dans le Tyrol allemand elle était gé- 
nérale ; les habitants de toute classe et de tout âge 
s'y étaient portés avec enthousiasme et fanatisme. Le 
Tyrol italien, au contraire, plus civilisé, y prit une 
part moins active, surtout dans la position moins 
voisine du territoire allemand. Dans la partie ita- 
lienne aucune famille considérable par sa position 
ne s'en mêla, et il ne fut jamais possible d'y organi- 
ser une levée en masse comme dans le nord du pays. 
Les forces des insurgés du Tyrol italien consistaient 
en quelques compagnies composées de gens sans 
aveu et commandées en partie par des étrangers 
comme Garbino, marchand de Vienne, qui avait été 
obligé de s'enfuir pour un assassinat; Dalpoute de 
firescia, accusé d'avoir fabriqué des fausses lettres de 
change. Il s'y joignit bon nombre de brigands et de 
déserteurs; aussi les compagnies du Tyrol italien 
commirent-elles plus de crimes et de désordre que 
les compagnies allemandes. 

Cependant, le 28 octobre, le général Baraguey-. 
d'Hilliers reçut Tordre d'entrer en Tyrol par le val- 
lon de la Drave, avec un corps composé ainsi qu'il 
suit : 

Division Séveroli, 1" brigade, général Bertoletti, 



LIV. XVI. - 1809 309 

h Spital et Sachsenburg; 1 er léger italien, i ba- 
taillon, 656 hommes; 2 e léger, 1 bataillon, 603; 
régiment dalmate, 2 bataillons, 730; artillerie, 
60; chasseurs royaux, 25; pièces de canon, 2; 
2 e brigade, colonel Rossi, à Villach; 1 er de ligne 
italien, 3 bataillons, 1,580 hommes; 4 # de ligne, 
1 bataillon, 430; artillerie du 1 er , 62; chasseurs 
royaux, 2 escadrons, 120; chasseurs de Prince- 
Royal, 60; 5" compagnie d'artillerie à pied ita- 
lienne, 60; bouches à feu, 4; tolal 4,386. 

Division Rarbou, 1" brigade, général Moreau, 
près de Villach ; 15* de ligne français, 3 bataillons, 
2,128 hommes; 2 e léger français, 3 bataillons, 
1,771; artillerie régimentaire 124; pièces de ca- 
non, 4; 2 9 brigade, général Huard, près de Klagen- 
furt; 35 e de ligne, 2 bataillons, 1,233 hommes; 
53* de ligne, 3 bataillons, 1,851; artillerie, 156; 
4 e compagnie du 2* régiment d'artillerie à pied, 69; 
bouches h feu, 4; 8 e régiment de chasseurs à che- 
val, 650. Total 7,962; total général, 12,348. 

La division Rroussier, qui devait également faire 
l'expédition, s'assemblait dans les environs de Kla- 
genfurt. Elle était composée ainsi qu'il suit : géné- 
raux de brigade Garreau et Teste, 9 e de ligne fran- 
çais, 3 bataillons; 84* de ligne français, 3 bataillons; 
92* de ligne français, 3 bataillons; artillerie, bouches 
à feu, cavalerie'. 

Le 29 octobre, les deux divisions Sévéroli et Rar- 
bou commencèrent leur mouvement; la brigade Rer- 
toletti détacha le régiment dalmate h Gemund avec 
60 chasseurs à cheval; le reste de la brigade se réu- 



ÎIO MÉMOIRES DU PRINCE EUGÈNE 

nit à Sachsenburg; la brigade Rossi, qui, le 28, 
s'était avancée de Villach à Paternion, se porta, 
le 29, à Spital avec le quartier général de la division 
Sévéroli. La division Barbou se porta à Villach, où 
elle s'établit; le 8* de chasseurs fut placé au nord 
de Villach, l'état-major du général Baraguey-d'Hil- 
liers à Spital. Le 30, un bataillon du régiment dal- 
mate fut envoyé avec un détachement de 25 chas- 
seurs à cheval du 8* régiment, à Gemund, sur la 
route de Salzburg , pour entrer en communication 
avec les troupes bavaroises, qui, après avoir soumis 
Tévêché de Salzburg, avaient des postes à Saint-Mi- 
chel dans la vallée de la Muhr ; le 8 e régiment de 
chasseurs à cheval détacha 200 hommes à la division 
Barbou, et 50 hommes à Paternion pour la corres- 
pondance ; les divisions Sévéroli et Barbou restè- 
rent en position. 

Le 31, la brigade Bertoletti se porta de Sach- 
senburg à Greiffenburg; la brigade Bossi de Spital 
à Sachsenburg ; la brigade Moreau de Villach à Spi- 
tal; le 3 e régiment avec le général Huard, de Villach 
à Paternion; le détachement du 8 e de chasseurs avec 
le quartier général de la division, de Spital à Sach- 
senburg; la division Barbou avait détaché de Villach 
le 53 e régiment avec 2 pièces de 3 et 50 chasseurs 
pour former Tavant-garde. Cette colonne devait être 
le 3 novembre à Sillian; la brigade Moreau déta- 
cha 240 hommes du 3* régiment d'infanterie de 
ligne pour flanquer la division dans la vallée de la 
Moll. Ce fut à ce moment que les chefs des insurgés 
demandèrent à envoyer des députés au prince Eu- 



LIV. XVI. — 1809 2H 

gène. On accorda des passe-ports à six d'entre eux, 
qui le même jour se présentèrent au vice-roi à Spital; 
ils en reçurent des promesses consolantes et garan- 
tirent de leur côlé la soumission du pays de Lienz. 

Le 1 èr novembre, la brigade Bertoletti se porta de 
Greiflenburg à Ober-Drauburg ; la brigade Rossi et 
l'état-major italien, de Sachsenburg à Greiflenburg ; 
la brigade Moreau avec le général Barbou, de Spital 
à Sachsenburg; le 35 e régiment avec le général 
Huard de Paternion, à Spital ; l'état-major, à Greif- 
fenburg. Tout paraissant tranquille dans le pays, le 
régiment dalmate quitta Gemund, pour se rendre à 
Sachsenburg. Le 92 e régiment se mit en marche de 
Klagenfbrt, pour se rendre à Spital , où il arriva le 3. 

Le 2 novembre, la brigade Bertoletti marcha sur 
Lienz ; la brigade Rossi suivit son mouvement. La 
divison Sévéroli se trouva toute dans cette ville, 
à l'exception d'un régiment, qui prit position à 
Ober-Drauburg. La brigade Moreau avec le général 
Barbou vint de Sachsenburg à Ober-Drauburg; 
le 35 e régiment avec le général Huard, de Spital à 
Greiflenburg ; le quartier général de la division s'é- 
tablit à Lienz ; le 8 e de chasseurs fut chargé des postes 
de correspondance à Villach. Paternion, Spital, 
Sachsenburg, Greiffenburg, Ober-Drauburg et Lienz 
ayant été occupées sans résistance, on établit le même 
jour un bataillon à Ober-Lienz et un à Leisach, sur 
la route en avant de la ville. Le général Rusca avec 
son avant-garde, arrivé à Manterdt, avait été obligé, 
par le mauvais état des chemins, de renvoyer son 
artillerie et ses bagages sur Ober-Drauburg. Il se 



212 MÉMOIRES DU PRINCE EUGÈNE 

rendit le 2 à Luckan, d'où il continua sa marche 
sur Sillian. 

Le 5, la brigade Bertoletti se porta de Lienz à Pau- 
hendorf, en arrière de Sillian, où arriva également 
le général Rusca ; la brigade Rossi avec l'artillerie 
et la cavalerie de la division, de Lienz à Reid et Mit- 
tehvaldt; le régiment dalmate, de Obcr-Drauburg à 
Opfalterbach, entre les deux brigades ; la brigade Mo- 
reau avec le général Barbou, d'Ober Drauburg à Àl- 
leng en avant de Lienz; le 35* régiment avec le général 
Huard et deux pièces de canon, de Greifïenburg à 
Lienz. Le quartier général fut établi à Mittelwaldt. 

Le 4, le général Rusca avec son avant-garde s'a- 
vança sur Prunecken. On reconnut que l'insurrec- 
tion était en armes dans la vallée; le gros des ras- 
semblements occupait Windisch-Malray. Le général 
se porta, dès le lendemain , de Niederasen sur 
Kiens. Il eut sur ce point un petit engagement, à la 
suite duquel il pénétra dans Prunecken. 

Le chef de bataillon Barbieri, du 1 er régiment, at- 
taqué à Gais par les insurgés, se replia sur Prunec- 
ken. Le colonel Rossi reçut Tordre de se porter à 
son secours avec un autre bataillon de son régiment, 
et l'ennemi, qui s'était emparé de Àufhosen, au nord 
de Prunecken, en fut chassé. 

Le 6, le général Rusca poussa des reconnaissances 
sur Unterwints, vers Mûhlbach, dans la vallée de la 
Drave ; le général Bertoletti au sud de Prunecken. 
On envoya des détachements sur plusieurs points 
pour annoncer la paix, publier la proclamation du 
prince Eugène et obtenir le désarmement. 



LIV. XVI. - 1809 2I3 

Un de cas détachements, aux ordres du colonel 
Rossi, ayant reçu l'ordre de se rendre à Tau fers, au 
nord de Prunecken, se trouva à Gais en face des in- 
surgés qui avaient coupé le pont et s'étaient mis en 
défense. La rivière fut passée à gué et l'ennemi 
poussé jusqu'à Unteinheim, où il se retrancha. Là, 
il voulut parlementer et proposer qu'on différât l'oc- 
cupation de leur pays. Pour toute réponse, les volti- 
geurs tournèrent les retranchements, et les insurgés, 
culbutés avec perte, furent poursuivis jusqu'à Tau- 
fers. Environ 500 hommes se renfermèrent dans le 
vieux château de Taufers, déclarant qu'ils se défen- 
draient jusqu'à la mort, et menaçant le colonel Rossi 
d'une attaque générale des habitants des trois val- 
lées de Taufers, de Rauten et de Mflhlwald. Le tocsin 
sonnait dans tous les villages ; mais, pendant la nuit, 
le château ayant été investi, les 500 insurgés per- 
dirent courage. Néanmoins, ils trouvèrent au point 
du jour le moyen de s'échapper. La vallée se sou- 
mit, rendit ses armes et environ 700 prisonniers, 
parmi lesquels beaucoup de Ravarois et de Saxons. 
Le 7, dans la journée, le 1" régiment de ligne ita- 
lien se réunit à Gais. 

Pendant ce temps, les insurgés qui avaient fortifié 
la gorge de Mfihlbach (Mûhlbach Clausel), s'y prépa- 
raient à une vigoureuse résistance. Quoique attaqués 
de front par les deux divisions du général Raraguey- 
d'Hilliers et en flanc par le corps bavarois qui s'était 
avaticé jusqu'à Steinach, ils avaient encore l'espoir 
de résister au Rrenner, et de repousser l'attaque sur 
Mûhlbach. Ils songeaient même, en faisant reprendre 



214 MÉMOIRES DU PRINCE EUGÈNE 

les armes aux habitants du Puslerthal et du vallon de 
la haute Drave, à faire une diversion sur les derrières 
de Tannée française. C'est ce qui semble résulter 
d'un ordre du 6 novembre, adressé par le comité 
de l'insurrection aux peuples des vallées de la haute 
Drave et de POber-Pusterthal et daté de Milterolang 
(entre Niéteradorf et Prunecken). Cet ordre annon- 
çait que les compagnies de l'Adige et de l'Eisach ve- 
naient au secours de celles qui défendaient Mûhlbach , 
et demandait que les juridictions de Ober- Puslerthal, 
dont les chefs n'avaient point de nouvelles, fissent 
une diversion sur les derrières des troupes françaises. 
On enjoignait en outre aux compagnies de décla- 
rer s'ils voulaient ou non avoir part à l'insurrection ; 
et, dans le premier cas, de pousser des troupes sur 
Luckan, dans le vallon delà Gail, et vers Hochkreutz- 
berger, au midi de Lienz; d'occuper la gorge de 
Lienz(Lienzes Clausel), en avant de Leisach. Si la gorge 
de Mûhlbach est forcée, était-il dit dans cet ordre, 
le commandant en chef qui se trouve à Sterzing est 
pris par derrière et tout est perdu. Une autre pièce 
sans signature, datée d'Eheuburg (à gauche de la 
Rienz, en face de Kiens), le 6, et adressée au comité 
d'Asling et à Michel Pusching, prescrivait aux habi- 
tants d'Asling de prendre les armes, et annonçait 
qu'en vertu des instructions venues de Clausen, il 
était enjoint de fa ire* résistance. Un troisième ordre 
enfin, signé Pierre Kemmotcn, daté dUnterwints et 
adressé à Michel Pusching, disait que les fortifica- 
tions de la gorge de Mûhlbach étaient achevées, et 
engageait les peuples des juridictions voisines à 



LIT. XVI. - 1809 215 

prendre les armes. Il résultait clairement de ces 
pièces interceptées, que la soumission du Pus ter thaï, 
du vallon de la haute Drave et des vallées adjacen- 
tes, n'avait été rien moins que sincère, et que les ha- 
bitants n'avaient pas, à beaucoup près, livré toutes 
leurs armes. 

Le projet de faire une diversion sur les derrières 
du corps du général Baraguey-d'Hilliers aurait pu 
avoir des conséquences favorables aux insurgés, s'il 
eût été exécuté en grande force, mais trop de motifs 
tendaient à le rendre illusoire. D'abord, le manque 
d'ensemble dans les opérations et dont ces ordres 
même étaient une preuve. En effet, les insurgés re- 
connaissaient bien, en quelque sorte, un chef supé- 
rieur dans la personne de Hoffer, mais chaque chef 
particulier ou comité d'une juridiction donnait des 
ordres en son propre nom. Le premier qui se croyait 
menacé appelait des voisins à son secours, et cette 
espèce d'anarchie devait immanquablement nuire à 
l'ensemble de la défense. En second lieu, le corps du 
général Baraguey d'Hilliers occupait tout le pays, de- 
puis Prunecken jusqu'à Lienz, assez en force sur 
chaque point pour ne pas craindre d'être culbuté 
nulle part. Enfin, les insurgés, menacés par trois di- 
visions bavaroises réunies à Inspruck et qui avaient 
leur avant-garde à Steinach, et par la division Yial, 
qui était à Bolzano depuis le 6 au matin, étaient con- 
traints à diviser leurs forces. Le nœud de la question 
se trouvait donc dans le triangle de Prunecken, Stei- 
nach et Bolzano. 

Le 7, la brigade Rossi, réunie ai Gais, y resta en 



i!6 MÉMOIRES DU PRINCE EUGÈNE 

position. La brigade Berlolelli, à Saint-Lorenzin et 
r avant-garde du général Rusca, à Kiens. La brigade 
Moreau se porta à Prunccken; la brigade Huard, 
partie le 6 de Lienz, vint occuper Percha ; le régi- 
ment dalmale réuni à Niderasen se porta également à 
Prunecken ; le 92*, parti le i" novembre de Klagen- 
furt, sous les ordres du général Garreau, arriva à 
Lienz les 6 et 7. Deux bataillons de ce régiment 
restèrent à Lienz et un fut placé à Sillian. Le même 
jour, les trois bataillons du 84 e régiment débouchè- 
rent à Spilal, et, le lendemain, un bataillon fut en- 
voyé à Sachsenburg. Le 8, le général Baraguey-d'Hil- 
liers, qui avait concentré ses deux divisions aux 
environs de Prunccken, se mit en marche pour atta- 
quer la gorge de Muhlbach l . A la tête de la colonne 
marchait l'avant-garde, commandée par le général 
Rusca et composée du 53 e d'infanterie de ligne avec 
ses deux canons et un obusier du parc. Celle avant- 
garde était soutenue par les bataillons des \ " et 2 # lé- 
ger et du 4 e de ligne italien, aux ordres du général 
Bertoletti, les deux pièces du 1 er régiment d'infan- 
terie de ligne italien et les deux des Dalmales. ta gé- 
néral Sévéroli suivait avec le régiment de Dalmales 
et le parc de sa division, tandis que le 1 er régiment 
de ligne italien, passant par Pfalzen et Terenten, 
couvrait le liane droit de la colonne jusqu'à Unter- 
wints, où il devait la rejoindre. Le général Barbou 
venait avec la brigade Moreau et le parc à la suite de 

1 On se rappelle que la mission du commandant Tascher auprès de 
Hofler venait d'échouer. 



L1V. XYI. — 1609 217 

la division Sévéroli. Le général Huard avec le 
55 e régiment resla à Prunecken. La marche des 
troupes fut inquiétée par les paysans postés sur les 
hauteurs voisines delà route, sans être retardée, jus- 
qu'à 500 toises au delà d'Unterwints, où l'avant- 
garde, ayant trouvé la route coupée par des abatis, 
fut assaillie par une vive fusillade des tirailleurs des 
insurgés, embusqués sur les berges rapides des mon- 
tagnes de droite- et de gauche. Toutefois, le chemin 
fut ouvert de vive force et la colonne continua sa 
marche jusqu'à une portée de carabine de la Chiusa, 
où deux coups de canon et une décharge générale 
de la mousqueterie des remparts prouvèrent le ries- 
sein de l'ennemi de s'y défendre. La Chiusa de Mûhl- 
bach, située dans un endroit très-resserré du vallon 
de la Rient/,, était appuyée d'un coté au lit de cette 
rivière rapide et inguéable, et de l'autre à des ro- 
chers à pic; Le passage était fermé par un ancien 
mur, encore très-épais, lié par quatre tours héris- 
sées de meurtrières et d'embrasures. L'enceinte était 
couverte par un fossé profond. Dans la direction de 
la route se trouvait une grande porlc très-épaisse 
avec un pont sur le fossé. Ce pont était couvert par 
un tambour en palissades, et le fossé était palissade 
•depuis la montagne jusqu'à la rivière. Bref, cette po- 
sition offrait un obstacle des plus sérieux. 

Le 53 e régiment fut placé dans un bois, à la droite 
de la roule et à 200 toises de la Chiusa; la brigade 
Bertolclli se forma par échelons en arrière ; et les 
sapeurs débarrassèrent la route des abatis qui l'ob- 
struaient, afin de mettre en batterie 4 pièces de 3 et 



218 MÉMOIRES DU PRINCE EUGÈNE 

2 obusiers sur une éminence qui avait un pe« de 
commandement sur le fort. Pendant ce temps, le 
2 e régiment d'infanterie de ligne italien rétrogradait 
sur Unterwits, où il devait passer la Rientz sur un 
pont, et venir prendre position sur les hauteurs de 
la gauche de cette rivière, en face et en arrière de la 
Ghiusa; deux compagnies de voltigeurs du 53* ré- 
giment gravissaient les rochers de la droite, pour 
tourner le fort et une batterie de deux pièces que 
les insurgés avaient de ce côté. Au bout d'une heure, 
l'artillerie réussit par son feu à mettre le désordre 
dans le fort ; et les tirailleurs du 2 e léger parurent 
sur la hauteur à la gauche de la Rientz. Alors, une 
forte colonne des insurgés fut aperçue sur la roule, 
en désordre en arrière du fort. Le général Rusca, 
qui venait d'être blessé, ordonna aux deux bataillons 
du 53 e régiment de s'élever sur son flanc droit, afin 
de tourner la Chiusa, et le général Bcrtoletti reçut 
Tordre de jeter de suite quelques compagnies à sa 
gauche le long de la rivière, pour profiter de la ter- 
reur répandue parmi les insurgés, et pour tâcher, à 
la faveur d'un mur, de pénétrer dans le fossé. Il de- 
vait alors former en colonne le reste du i ,r léger et 
le bataillon du 4 e de ligne italien, pour enlever à la 
baïonnette le tambour en palissade qui couvrait la 
porte. Ce mouvement fut exécuté avec vigueur, et, 
malgré la mitraille de trois pièces de canon placées 
dans les tours du fort, et une fusillade meurtrière, 
les palissades furent emportées. Mais l'ennemi avait 
coupé le pont et barricadé la porte avec des poutres 
et des pierres de taille. On ne put l'enfoncer. Cepen- 



LIV. XVI. —1809 219 

dant les voltigeurs du 53 e régiment avaient, malgré 
une grêle de pierres, gagné la mi-côte des montagnes 
de droite et descendaient sur les derrières de l'en- 
nemi, et le bataillon du 1 er léger avait enlevé les 
deux canons placés également à la droite. Les insur- 
gés abandonnent alors leurs pièces; ils fuient à 
toutes jambes partie vers Sterzing, dont ils brûlent 
le pont, partie vers Clausen, en traversant Brixen. 
Les voltigeurs du 53 e régiment ayant ouvert la 
porte, cinq bataillons passèrent sur les travées du 
pont détruit et poursuivirent l'ennemi, le général 
Rusca, en remontant l'Eisach et le général Berto- 
letti, en descendant la Rientz, tous deux sans obsta. 
cle 7 mais sans succès, n'ayant pu atteindre les 
fuyards. Le pont fut réparé vers deux heures après- 
midi, et le reste des troupes y passa avant la fin du 
jour. Le bataillon du 2 e léger italien, qui avait pris 
deux pièces de canon, rejoignit sa division. Le géné- 
ral Rusca ayant trouvé le pont de Sterzing brûlé, 
vint prendre position sur la route d'Inspruck; la 
division Sévéroli bivaqua en avant de Brixen; la 
division Barbou occupa par un régiment de la bri- 
gade Moreau (es hauteurs entre Mûhlbach et l'Eisach 
et par l'autre régiment, Mûhlbach, la vallée de Wale 
(Waller Thall) et la Chiusa. La brigade Huard resta à 
Prunecken pour le désarmement ; les Dalmates, à 
Unterwints. La perte des insurgés, quoique très-con- 
sidérable, ne put être évaluée, attendu qu'ils enlevè- 
rent leurs morts et leurs blessés. Les troupes fran- 
çaises eurent 18 officiers blessés, 51 soldats tués et 
116 blessés. Parmi les blessés se trouvaient le général 



220 MÉMOIRES DU PRINCE EUGÈNE 

Rusca et le lieu tenant Mathieu» du régiment dalmate, 
qui remplissait auprès de lui les fonctions d'officier 
d'ordonnance, les chefs de bataillon Peraldi, du 
1" léger, et Veissières, du 53* régiment, et M. Vas- 
sal! , aide de camp du général Bertoletti 1 . 

Le 9, la brigade Bertoletti fut portée sur Glausen 
pour entrer en communication avec le général Vial, 
qui était à Bolzano ; le général Rusca marcha au sud 
sur Brixen. On reconnut que les insurgés dans leur 
retraite avaient brûlé les ponts sur l'Eisach, au nord 
de Lienz. Le général Garreau, voulant réduire les 
habitants de Windisch-Matray, et des communes 
environnantes, en armes depuis le 4, détacha de 
Lienz 300 hommes du 92 9 régiment, sous les ordres 
du chef de batataillon Gougeon. Cette colonne vint, 
le 9, prendre position à San Johann im Wald, dans 
la vallée d'Us. Le commandant ayant appris que les 
insurgés étaient retranchés à Unter-Peischlach, et 
ayant ordre d'employer d'abord la voie de la dou- 
ceur, leur fil connaître la proclamation du prince 
Eugène. L'approche de ce détachement décida les 
insurgés à se retirer, et il ne resta plus que quelques 
hommes sans aveu qui se réunirent à 600 rebelles 
du pays de Salzburg, sous les ordres d'un aubergiste 
de Windisch-Matray. Le chef de bataillon Gougeon, 

1 (Test à la suite de ce brillant coup de main que flotter publia, de 
Sterzing, la fameuse proclamation par laquelle il engageait les Tyro- 
liens à déposer les armes. Cette proclamation n'eut d'autre résultat 
que de faire cacher les armes dans les bailliages occupés par les 
troupes françaises. Le reste du Tyrol resta en insurrection. Uofler 
lui-même ne tarda pas à violer sa parole et à exciter les peuples a 
une nouvelle levée de boucliers. 



LIV. XVI. - «09 SSf 

dès qu'il fut instruit de ce fait, se porta en face 
d'Unter-Peischlach, et fit inviter le chef des rebelles, 
nommé Waler, à une entrevue. Waler répondit : 

« J'ai reçu votre lettre à une heure et demie, où 
vous m'invilez de m'aboucher avec vous. II me fait 
plaisir d'avoir l'honneur de vous parler; si vous le 
désirez je me présenterai avec six hommes armés, et 
l'abouchement se fera chez le paysan, à Rehervurg. 
Je désirerais, comme on le donne par écrit à votre 
général, de donner les positions des gorges et des 
vallées, ainsi que voire général les a déjà dans les 
mains; au reste, je ne suis que pour délivrer les 
vallées, et non pour être préposé à une armée ré- 
glée, je vous salue. » 

L'entrevue eut lieu, mais sans effets; Waler s'ob- 
stinait à vouloir commencer les hostilités le lende- 
main si les troupes ne se reliraient pas. Le chef de 
bataillon Gougeon le voyant ivre, l'engagea à revenir 
le lendemain matin dans son bivac; il fit prévenir le 
général Garreau, qui lui répondit de gagner du temps 
jusqu'à l'arrivée d'un renfort, et ordonna en même 
temps à 200 hommes du bataillon qui était à Sillian 
de partir, le 10, en se dirigeant par Hopfgarten, 
afin d'attaquer en flanc la position des rebelles. 

Le 10, Waler revint trouver le chef de bataillon 
Gougeon, mais ne voulut d'abord entendre aucune 
proposition, prétendant que les troupes françaises 
étaient enveloppées et ne pouvaient échapper. Le 
commandant prolongea l'entretien jusqu'à l'arrivée 
du général Garreau, qui se présenta tout à coup avec 
200 hommes. La vue du général et le mépris qu'il 



2Î2 MÉMOIRES DU PRINCE EUGÈNE 

fit des paroles de Waler réduisirent ce dernier à 
demander qae le pardon accordé par Sa Majesté aux 
Tyroliens s'étendît aux siens. Le général lui en donna 
l'assurance, et tout rentra dans l'ordre; le chef de 
bataillon Gougeon prit possession des retranche- 
ments d'Dnter-Peischlach qui, par des parapets en 
terre ou en pierre sèche et des abatis, fermaient 
la vallée de Windisch-Matray et de Hopfgarten. Le 
même jour, le général Bertoletti, qui s'était porté sur 
Bolzano, opéra sa jonction avec le général Vial. Un 
bataillon du 1 er de ligne avait remplacé sa brigade à 
Clausen. 

Le 1 1 , il n'y eut aucun mouvement. La jonction 
avec l'armée bavaroise se fit en avant de Mittelwaldt, 
entre Brixen etSterzing, dans la vallée de l'IIs. Gar- 
reau ayant fait rentrer à Lienz les 200 hommes qu'il 
avait amenés, et à Sillian ceux qui en étaient partis, 
laissa à Unter-Peischlach le chef de bataillon Gou- 
geon, qui poussa des partis de 60 hommes sur Vir- 
gen, Windisch-Matray et Hopfgarten; ces détache- 
ments furent bien accueillis, mais le désarmement 
fut illusoire. On ne put recueillir qu'environ 100 fu- • 
sils. Le 13, le chef de bataillon Gougeon rentra à 
Lienz. 

Le 21, l'avant-garde fut dissoute; le 53 e avec ses 
pièces et quelques chasseurs se rendit en face de 
Sterzing; le général Huard quitta Purnecken, avec le 
35 e régiment, pour se rendre à Sterzing; la brigade 
Moreau se rendit de Spencer et Mûhlbach à Brixen, 
en laissant un bataillon à Unterwints; le parc, le 
quartier général de la division Barbou ; la brigade 



LIY. XVI. - 1809 223 

Berlolelti, en marche pour revenir à Clausen, reçut 
ordre de retourner à Bolzano ; le 1 er de ligne italien 
avec l'état-major de la division Sévéroli se rendit à 
Clausen; le régiment dalmate avec ses pièces à Brixen . 
D'après un ordre du prince Eugène, le général de 
division Vial devait partir de Bolzano pour se rendre 
à Trente, où il avait à prendre le commandement 
du Tyrol italien, laissant à Bolzano le 1 er régiment 
léger napolitain; le 81 e de ligue français; le 14* lé- 
ger, idem; le 5 e de ligne, idem; le 1" régiment de 
chasseurs napolitain, et ce qui se trouverait de la co- 
lonne mobile de la Piave, dissoute, une pièce de 3 et 

1 obusier. En conséquence de ses dispositions, la 
division Vial partit composée ainsi qu'il suit : 

Général de brigade Digonet, 101 e régiment d'in- 
fanterie de ligne français, 2 bataillons; général de 
brigade italien Peyri, 3 e régiment de ligne italien, 

2 bataillon; 7° idem; 1 bataillon, 15 e demi-brigade 
provisoire, 1 bataillon (à Trente); 1 er de ligne fran- 
çais, 1 bataillon; 4 e de ligne italien, 1 bataillon 
(à Roveredo); chasseurs du Prince-Royal, détache- 
ment (à Trente); artillerie 6 bouches à feu. 

Les troupes que le général Vial avait laissées à 
Bolzano, à l'exception du 14 e léger français qui était 
encore à Neumarckt, partirent le même jour pour se 
rendre à Méran, où elles composèrent l'avant-garde 
sous les ordres du général Rusca. Le même ordre 
du prince Eugène, qui s'occupait du placement des 
trois divisions, prescrivait au général Baraguey- 
d'Hilliers d'établir son quartier général à Bolzano, 
où il réunirait la division italienne, et ferait déta- 



224 MÉMOIRES DU PRINCE EUGÈNE 

cher de chaque division des colonnes mobiles pour 
opérer le désarmement en employant d'abord les 
voies de douceur. Un autre ordre de même date 
donnait au général de brigade Àlmeyras le comman- 
dement delà division du général Broussier, malade. 
Celle division, qui passait également sous les ordre» 
du général fiaraguey-d'Hilliers, était composée ainsi 
qu'il suit : général de brigade Teste, à Spilal; 
9' de ligne, 5 bataillons, 1 à Villach, 2 à Klagcn- 
furt; 84 e idem, 3 bataillons, 1 à Sachsenburg, 4 à 
Spilal, 1 à Gemund; 92 e de ligne, 5 bataillons, 2 à 
Iiienz, quartier général, 1 à Sillian. 

Le 15, la division Sévéroli fut réunie à Bolzano, 
ayant le régiment dalmate à Clausen, où il arriva le 
même jour. Le général Vial, en route pour se rendre 
à Trente, fit passer l'Adige à Saint - Florian aux 
101 e régiment français et 7* de ligne italien; des 
colonnes mobiles aux ordres des généraux Digonet 
et Peyri devaient se porter dans les communes de 
l'évêché de Trente, pour y opérer le désarmement. 

Quoique le Tyrol fût en apparence tranquille, l'in- 
surrection fermentait toujours dans le haut des val- 
lées, surtout dans celles de Windisch-Matray, de 
Passeyer et le Winlschgau. Nulle part les armes 
n'avaient été livrées fidèlement, et le peu qu'on en 
avait recueilli, la plupart vieilles et hors de service, 
ne l'avait été que grâce à la présence des troupes 
envoyées sur les lieux. Le manque de vivres se fai- 
sait sentir, et les Tyroliens souffraient avec impa- 
tience la présence des troupes françaises. Ce senti* 
ment est clairement exprimé dans une remontrance 



, LIV. XVI. — 1809 225 

de la ville et bailliage de Lienz, adressée à Villach au 
prince Eugène, en date du 10 novembre; dans cette 
lettre, après des plaintes générales sur la présence 
des troupes, on demande que les passages ne soient 
pas si fréquents, et que le nombre des cantonne- 
ments soit diminué. 

Le vice-roi, en considération de l'acte de soumis- 
sion présenté par les députés envoyés par HofTer ; en 
raison des premiers rapports des généraux; des bon- 
lies intentions que manifestait la saine partie des 
habitants du Tyrol; et, dans la persuasion que les 
rassemblements qui pouvaient encore exister n'é- 
taient composée que de brigands étrangers au pays, 
ainsi que le déclaraient les habitants qui. deman- 
daient leur désarmement et leur expulsion, avait 
pris l'arrêté dont nous avons parlé plus haut. Ce- 
pendant, dès cette époque, Hoffer essayait de pousser 
le Tyrol dans les hasards d'une nouvelle insurrection 
générale à la tête de laquelle il se mit. 

Le 14 novembre, le général Baraguey d'Hilliers 
adressa aux généraux de division Rusca, Sévéroli et 
Barbou les ordres relatifs à la distribution et à la mar- 
che des colonnes mobiles prescrites par le général 
en chef. En conséquence, le général Barbou devait 
faire partir de Sterzing, où il avait envoyé le gé- 
néral Huard, deux colonnes. Le général Rusca de- 
vait faire partir de Méran, le 17, deux autres colon- 
nes; Tune de 400 hommes devait remonter par 
Saint-Pangraz, l'autre de 800 hommes devait, par 
Saint-Martin et Saint-Léonhard , remonter à Moos 
dans le Passeyer. Le général Sévéroli devait envoyer, 

TI. 15 



226 MÉMOIRES DU PRINCE EUGÈNE 

le 15, le 1 er léger italien à Calteru, d'où ce régiment 
devait détacher quatre compagnies dans la vallée 
d'Obernousberg; le 35* régiment à Prunecken était 
occupé du désarmement de ce côté; le général Vial 
était chargé de balayer les vallées du Tyrol italien. 

Comme les insurgés occupaient encore la hauteur 
au-dessous de Méran, le général Rusca les fit chasser 
par un bataillon du 81 e régiment. Le chef de ba- 
taillon qui le commandait, s'étant porté sur le Pas- 
seyer, y fui si vivement attaqué, qu'il fallut envoyer 
deu\ bataillons pour protéger sa retraite. 

Le 15, le général Baraguey d'Hilliers reçut l'avis 
d'un rassemblement assez considérable d'insurgés 
dans le Passeyer; 14 compagnies, formant environ 
1,500 hommes, s'étaient réunies dans cette contrée. 
11 crut, en conséquence de ce fait, devoir changer 
quelques-unes de ses dispositions. Un bataillon du 
13 e régiment d'infanterie eut ordre de se rendre, le 
16, de Brixen à Sterzing, d'où il devait partir le 17 
pour suivre à deux heures de distance et appuyer la 
colonne dirigée sur Saint-Léonhard. Le général Rusca 
eut ordre de faire appuyer la colonne de 800 hommes, 
qu'il envoyait dans le Passeyer, par celle de 400 qui 
devait d'abord se rendre dans le Viterthal. 

Le colonel du 35 6 régiment français détacha de 
Prunecken 300 hommes qui devaient remonter jus- 
qu'à Saint-Léonhard. 

Le général Baraguey d'Hilliers fut encore informé, 
le 15 au soir, que les insurgés du Passeyer et du 
Winlschgau menaçaient Méran. Il fit partir, à minuit, 
de Bolzano, les bataillons du 2 e léger et du 4 e de 



L1V. XVI. - 1809 S27 

ligne italien sous les ordres du général Berlolelti, 
pour soutenir le général Rusca. Ces deux bataillons 
arrivèrent à Méran le 16 au matin. Un bataillon du 
1 er léger, qui avait été envoyé à Calteru, eut ordre 
de prendre position au pont de Sigmundskron. Le 
même jour, vers dix heures du matin, le général 
Rusca avait fait partir de Méran le colonel Boy, com- 
mandant le 1" régiment léger napolitain avec un 
bataillon de son régiment, deux du 5* et un détache- 
ment du 81 e français, en tout 4,200 hommes, pour 
exécuter l'opération prescrite par le général Bara- 
guey d'Hilliers dans le Passeyer. Malheureusement 
ces dispositions manquaient d'ensemble. Le général 
Baraguey d'Hilliers, averti de la présence de 1,500 
insurgés au moins dans le Passeyer, et craignant 
que les deux colonnes, Tune de 500 hommes, par- 
tant de Sterzing, et l'autre de 800, partant de Méran, 
ne fussent pas suffisantes, résolut de faire appuyer 
la première par un bataillon, et la seconde par une 
colonne de 400 hommes. Ces quatre colonnes, dont 
deux devaient descendre le Passeyer depuis Walten 
jusqu'à Saint-Martin, et deux le remonter par Sainl- 
Marlin jusqu'à Moos, se croisant à Saint-Léonhard , il 
se trouvait dans le Passeyer des forces capables d'im- 
poser aux insurgés, et en état de disperser leurs ras- 
semblements. Le général voulait que, ces colonnes, 
arrivant successivement le même jour et à peu d'in- 
tervalle l'une de l'autre, l'ennemi fût effrayé par 
l'idée qu'on prononçait contre lui un mouvement 
général. L'événement fut loin de justifier les prévi- 
sions de Baraguey d'Hilliers. Soit fatalité, soit inad- 



2*8 MÉMOIRES DU PRINCE EUGÈNE 

vertance dans, la manière dont furent donnés ou in- 
terprétés les ordres, il y eut une erreur de date qui 
donna lieu à une affaire des plus fâcheuses, par suite 
de laquelle une des colonnes fut compromise* Cette 
colonne, au lieu de pénétrer dans le Passeyer le 
même jour que les autres, ne parut que vingt-quatre 
heures plus tard \ 

Ainsi que nous l'avons dit, le colonel Boy, après 
avoir formé une réserve composée des grenadiers et 
des voltigeurs du 5 e , et d'un détachement du 81 e , en 
tout 350 hommes, sous les ordres 4u major Bou- 
gault, du 5 e , sortit de Méran, le 16 au matin, pour 
marcher vers le nord sur le Passeyer. Il ne tarda pas 
à apercevoir les insurgés qui se dirigeaient en force 
sur le pont de Méran. Il aperçut en outre sur le pla- 
teau de Tyrol, sur sa gauche, une masse ennemie 
qui venait de chasser de cette position un bataillon 
napolitain. Le colonel Boy, laissant sa réserve au 
château situé sur la route, se porta vers le plateau à 

1 Une lettre du général Baraguey cTHilliers au général Barbou, en 
date du 15 novembre, lui prescrit de faire arriver le 16, a Sterzing» 
un bataillon de la garnison de Brixen, lequel bataillon devait, le 17, 
suivre le mouvement de la colonne de 500 hommes dirigée sur Saint- 
Léonhard. Une lettre du même jour, au général Rusca, lui prescrit 
d'employer comme réserve, h la suite de la colonne de 800 hommes 
qu'il devait diriger sur Saint-Léonhard, celle de 400 hommes destinée 
pour la vallée de Velten, et le prévient qu'une colonne doit partir de 
Stcrzing le 16 pour venir à la rencontre des deut autres. Si les deux 
colonnes étaient effectivement parties de Sterziug le 16, il est pro- 
bable qu'elles auraient fait diversion au mouvement des insurgés sur 
Méran, et que le général Rusca, dégagé, aurait pu les appuyer. Au 
lieu de cela, se trouvant seules dans le Passeyer depuis le 17, elles 
succombèrent le 22 sous les efforts réunis des insurgés qui avaient 
contraint le général Rusca à abandonner Méran. 



LIV. XVI. - ISO» S» 

la tête de sa colonne bientôt assaillie par les insurgés. 
Le général Rusca, de son côté, était sorti de Méran 
avec le reste des troupes de sa division, afin d'atta- 
quer l'ennemi à Steinach et de le jeter dans le Wint- 
schgau. Il ne put vaincre la résistance des Tyroliens 
qu'avec beaucoup de peine. Il parvint cependant à 
les culbuter, tandis que le colonel Boy chassait les 
autres de Tyrol. Vers le soir, le général Rusca rentra 
en ville; le colonel resta aux prises avec l'ennemi 
du côté de Tyrol. Le major Bougault, voyant son chef 
engagé Fortement et comprenant la nécessité d'oc- 
cuper de nouveau le plateau de Tyrol, y dirigea un 
détachement du 81* régiment soutenu par une com- 
pagnie de grenadiers. Ce détachement, réuni aux 
Napolitains, réussit à chasser les insurgés jusque 
dans les montagnes; mais il ne put parvenir à leur 
couper la communication avec Steinach. Pendant 
que ceci se passait au nord de Méran, l'ennemi fai- 
sait une tentative pour passer le pont de Marlingen 
et pour attaquer la ville de ce côté ; mais le générai 
Bertoletti, qui était resté à Méran, s'y porta avec ses 
troupes, et, après un combat de deux heures, les 
insurgés furent mis en déroute. Peu après l'ennemi, 
descendu par le nord-est, parut près du pont, sur le 
Passeyer ; le général Bertoletti se porta à sa ren- 
contre avec «a brigade, et, l'ayant battu vigoureuse- 
ment, le contint jusqu'à la nuit. Cependant, l'ennemi 
recevant des renforts et faisant plier la gauche du 
colonel Boy, le major y envoya encore une compagnie 
de grenadiers qui rétablit les affaires et coupa la 
communication des rebelles avec Steinach. Le 5* ré- 



350 MÉMOIRES DU PRINCE EUGÈNE 

giment avait battu les insurgés et les avait chassés 
jusqu'au delà d'un ravin près de Tyrol; ses tirailleurs 
les empêchaient de traverser le Passeyer. Le colonel 
Boy, convaincu qu'il ne pouvait pas se maintenir 
dans sa position y n'attendait que la nuit close pour 
se concentrer sur le plateau. Malheureusement, ce 
mouvement dut se faire plus tôt. Les Napolitains, 
manquant de cartouches, lâchèrent pied, et furent 
poussés si vivement par les insurgés, que le major 
ne put les arrêter qu'en les faisant appuyer par les 
quatre compagnies de voltigeurs. La position du 
plateau fut conservée; mais le 5 e régiment, qui se 
trouvait découvert sur sa gauche, souffrit beaucoup, 
et à la nuit il fut obligé également de se replier sur 
le plateau. Le major fut alors contraint de se couvrir 
par deux compagnies. Le colonel Boy, tombé ma- 
lade, laissa le commandement au major, qui se hâta 
d'envoyer deux officiers, l'un après l'autre, rendre 
compte au général Busca de l'état des choses et le 
prévenir que les Napolitains et le 81 e manquaient de 
munitions, et que le 5* en avait très-peu. La pre- 
mière réponse du général Rusca fut qu'il fallait se 
servir de la baïonnette, la seconde un ordre de se 
retirer. D'après cela, la colonne du colonel Boy, sous 
le commandement du major Bougault, rentra dans- 
Héran à onze heures du soir. Le général Rusca, 
croyant alors les insurgés établis sur les hauteurs en 
arrière de lui et en grand nombre, à en juger par 
leurs feux, présuma que leur intention était de lui 
couper la communication avec Balzano. N'ayant pas 
de munitions, il ne pouvait songer à renouveler son 



L1V. XVI. — 1809 251 

attaque le lendemain; il craignait d'ailleurs avec 
raison que celles qu'il avait envoyé chercher à Bol- 
zano par un délachemeut de chasseurs à cheval ne 
lui arrivassent pas ; ces motifs le déterminèrent à 
profiter de la nuit pour se replier. Sa retraite fut 
inquiétée par un feu très-vif qui cependant lui fit 
perdre très-peu de monde. Laissant à Vilpian un 
poste qui fut aussitôt attaqué et culbuté, le général 
Rusca , avec sa division , vient prendre position à 
Terlan, le 17 novembre au matin. 

Le même jour, ayant appris par un aubergiste 
que les insurgés marchaient par les montagnes sur 
Bolzano, et ne se croyant pas en sûreté à Terlan, il se 
replia sur Cries, où il prit position, couvrant ainsi 
Bolzano. Il avait perdu 295 hommes tués, blessés ou 
faits prisonniers. 

Cependant, le 17 au matin, le chef de bataillon 
Klippfel, du 55* régiment, quitta Sterzing avec 500 
hommes pour se rendre dans le Passeyer; le 1" ba- 
taillon du 13 e régiment partit deux heures après sous 
les ordres du chef de bataillon Doreille (qui, comme 
le plus ancien, commandait toute l'expédition) pour 
appuyer la première colonne. À deux heures de 
Sterzing, près d'un petit village, la première co- 
lonne fut attaquée par 300 paysans qui furent presque 
aussitôt culbutés et se jetèrent dans la vallée de 
Sterzing. Après ce petit combat, la colonne, éclairée 
à droite et à gauche, parvint sans obstacle au som- 
met du contrefort que renferme le Passeyerthal, et 
de là jusqu'à Walten, village situé au fond de la 
vallée et au pied de la montagne. Un sentier très- 



239 MÉMOIRES DU PRINCE EUGÈNE 

étroit et très-difficile obligea les soldats h marcher 
un à un ; le bataillon du 53 f régiment arriva à Wal- 
ten à l'entrée delà nuit, et le bataillon du 13 e deux 
heures plus tard ; le village était entièrement aban- 
donné. Le chef de bataillon Doreille lit prendre po- 
sition à sa colonne, plaçant le 53 e à la télé du village 
et le 13 e en arrière. Le 18, au matin, le bataillon du 
53 e se remit en marche pour Saint-Léonhard par un 

sentier très-difficile, et resserré enlre des rochers 

i 

couverts de neige sur la droite, et un torrent es- 
carpé qui porte ses eaux dans le Passcyer sur la 
gauche. Ce bataillon, qui avait ordre de pousser 
jusqu'à Saint-Martin pendant que le 13 e tiendrait le 
village de Saint-Léonhard, arriva à un quart de lieue 
de ce dernier village sans rencontrer d'obstacle, ayant 
sa droite flanquée par un détachement d'un officier 
et 40 hommes, qui s'était jeté dans le bois de sapins 
sur le penchant de la montagne. Arrivé là, on ren- 
contra un abatis qu'il fallut déblayer; ce fut un 
premier retard. Le bataillon du 13* partit de Walten 
deux heures plus tard, après y avoir laissé pour 
garder le défilé une compagnie dont le chef devait 
avertir le commandant de tout ce qui se passerait et 
attendre le retour des colonnes. Après une heure de 
marche, ce bataillon atteignit la gauche du 53 e . Le 
déblayement des abatis fut achevé par les sapeurs, 
et les colonnes réunies se mirent en marche de nou- 
veau. La tête du 53 e étant arrivée à Saint-Léonhard, 
et la gauche du 13 e étant engagée dans les abatis, 
ce dernier bataillon fut vivement attaqué à coups de 
fusil et à coups de pierres; les 40 hommes du 53* 



LIV. XVI. — 1809 235 

qui flanquaient la tête de colonne furent pris ou tués; 
200 hommes du 13% qui en faisaient l'arrière-garde 
et flanquaient la droite, furent culbutés sur la colonne 
qui entrait à Saint-Léonhard , et n'eurent que le temps 
de se mettre en bataille à l'entrée du village, pour 
arrêter les paysans forcenés dont quelques-uns vin. 
rent mourir sur la baïonnette. Aussitôt, un corps 
d'environ 400 insurgés barra le sentier *par lequel 
les colonnes étaient venues. Le commandant Doreille 
crut qu'en se portant au-devant de la colonne de 
1,200 hommes qui devait venir de Méran il se dé- 
gagerait. Il ordonna au 53 e de pousser vers Saint- 
Martin, de culbuter tous les obstacles, tandis qu'il 
répartit le 13 e dans les maisons du village pour 
éloigner l'ennemi par son feu. Cette disposition n'eut 
et ne devait avoir aucun succès. Le chemin s'élar- 
gissant un peu au-dessous de Saint-Léonhard, il valait 
mieux réunir les deux bataillons pour se faire jour; 
mais ce mouvement se fût trouvé encore inutile par 
suite de la retraite du général Rusca sur Bolzano et, 
parce que la majeure partie des insurgés avaient 
abandonné la poursuite de la division à Terlan pour 
remonter au nord dans le Passeyer, en sorte que les 
deux colonnes engagées à Saint-Léonhard eurent bien- 
tôt sur les bras des masses énormes. Après avoir fait 
beaucoup de mal à l'ennemi, le commandant Do- 
reille fut contraint de rentrer dans le village de 
Saint-Léonhard le soir vers dix heures. La nuit du 18 
au 19 les insurgés reçurent encore des renforts; les 
abatis furent augmentés sur la route de Walten, et 
des postes placés sur les rochers environnants, d'où 



234 MÉMOIRES DU PRINCE EUGÈNE 

ils roulaient des quartiers de rocs sur lout ce qui 
paraissait. Le 19, 1a compagnie restée à Walten fut 
attaquée et faite prisonnière, et le même jour le 
commandant Doreille fut sommé de se rendre. Non- 
seulement il refusa, mais il fit une tentative pour 
regagner Sterzing; il ne put réussir. Les voltigeurs 
formant l'avanl-garde firent d'inutiles efforts; on les 
repoussa dans le village. Un détachement d'un offi- 
cier et 30 hommes, qui avait attaqué sur un autre 
point, fut pris. Le soir, tous les conduits qui por- 
taient de l'eau à Saint-Léon hard furent coupés, les 
postes des insurgés avancés, 2 petites pièces de canon 
placées en batterie devant le cimetière où étaient 
retranchés les grenadiers. Le 20, au matin, le com- 
mandant Doreille fut encore sommé et ne répondit à 
la sommation qu'en ordonnant une attaque générale. 
Elle réussit d'un côté, et les insurgés furent dispersés; 
mais, de l'autre, on perdit quelques maisons du 
village qu'il fallut faire reprendre par les grenadiers 
du 53 e . Le 21, vers midi, on tenta une nouvelle 
attaque aussi infructueuse que les précédentes. Deux 
émissaires que le commandant Doreille avait expé- 
diés au général Huard furent arrêtés par les insurgés 
et fusillés. Le 22, la matinée fui tranquille. Le soldat, 
depuis trois jours sans pain, sans eau, sans vivres 
d'aucune espèce, attendait des secours avec impa- 
tience; les munitions commençaient à manquer; 
les blessés imploraient assistance ; lout à coup le 
feu prit à une maison avancée ; les soldats qui l'oc- 
cupaient s'en échappèrent avec peine sous les coups 
de fusil de l'ennemi. Au même instant, les insurgés 



LIV. XVI — 1809 255 

s'élancèrent de toutes parts avec la dernière fureur, 
et forcèrent l'entrée du village. Malgré la fusillade 
qui les criblait, ils allaient commencer le carnage, 
quand un prêtre, un de leurs chefs les plus puissants 
(le P. Joachim, ami de Ho (Ter), les arrête, les éloigne, 
et demande à parler au commandant. 11 annonce au 
commandant que, s'il tarde à se rendre, il est perdu, 
parce qu'il ne peut plus retenir ses gens. Cet officier 
supérieur refusait, lorsque le prêtre lui lit remarquer 
que déjà les paysans avaient violé ses ordres. Le 
commandant Doreille ne peut que l'engager à em- 
pêcher le massacre des soldats. Bientôt les deux ba- 
taillons furent désarmés et dépouillés. On les réunit 
aux autres prisonniers des mêmes colonnes, et on 
les envoya à Mo os, où ils arrivèrent le 24. 

Dans la journée du 17, le général Baraguey 
d'Hilliers avait prévenu le général Barbou de la re- 
traite de la division Rusca sur Terlan et Cries, le 
chargeant d'avertir le général Huard de se tenir sur 
ses gardes, parce qu'il était à craindre que l'ennemi 
ne se portât sur les deux bataillons qui avaient été 
envoyés à Saint-Léonhard , mais il n'était déjà plus 
temps. 

Le général Baraguey d'Hilliers, manquant de vivres 
et .surtout de munitions, ne put faire faire aucun 
mouvement offensif pour reprendre Méran. Ce ne 
fut que le 22 qu'il reçut enfin des cartouches et du 
biscuit. Cependant, pour ne pas se laisser resserrer 
tout-à-fait dans Bolzano, Baraguey d'Hilliers pres- 
crivit au général Rusca de reprendre la position de 
Terlan avec son avant-garde et la brigade du général 



S36 MÉMOIRES DU PRINCE EUGÈNE 

Bertoletti. Ce mouvement fut exécuté ; les Dalmates 
eurent ordre de se porter de Glausen à Cries, et 
furent relevés dans le premier poste par un bataillon 
du 29* régiment venu de Brixen. 

Le 19, les insurgés occupèrent Jenesien dans la 
vallée de Tolfers, et se jetèrent par Cries sur Botzen; 
ils furent repoussés. Le 22, le général Baragucy 
d'Hilliers ayant été ravitaillé, se détermina à nettoyer 
le Passeyer et le Wintschgau. Il le pouvait d'autant 
mieux, que la division Broussier, commandée par le 
général Àlmeyras, venait de commencer son mou- 
vement sur Prunecken. Déjà trois bataillons se trou- 
vaient avec le général lui-même dans cette ville, 
ayant relevé le général Barbou qui s'était porté avec 
cinq bataillons de la brigade Moran sur Sterzing, 
tandis que le reste de cette brigade se dirigeait sur 
Brixen. Ainsi, de toute part, les troupes françaises 
resserraient l'un des principaux foyers d'insurrection. 

L'attaque générale étant décidée, le général Huard * 
{qui remplaçait le général Rusca blessé, et parti pour 
Milan) quitta Terlan, le 23, avec l'avant-garde ; 
protégé sur son flanc droit par le général Bertoletti 
et trois bataillons, suivi par le général Sévéroli et 
trois bataillons, flanqué lui-même sur sa gauche par 
deux autres bataillons. Tandis que cette forte colonne 
marchait vers le nord, le général Barbou avec cinq 
bataillons descendait sur Saint-Léonhard, où avait 
eu lieu la triste, mais glorieuse affaire du comman- 
dant Doreille. En même temps, les Bavarois, qui 
occupaient Landeck, firent une démonstration sur 
Fiustcrmûntz, Ces dispositions déterminèrent les in- 



L IV. XVI. - 1809 237 

surgés à abandonner sans combat Méran, qui fut 
réoccupé de suite par les troupes françaises venant 
du nord et du sud. 

Le jour suivant, 24 novembre, ce déploiement 
de forces fit réfléchir les Tyroliens du Winlschgau 
et du Passeyer, car ils envoyèrent des députés au gé- 
néral fiaraguey d'Hilliers pour traiter de la soumis- 
sion du pays. Le général leur accorda jusqu'au 
2 décembre pour déposer les armes. Ses- trois divi- 
sions occupèrent Méran. 

Pendant que ceci se passait du côté du Wingtsch- 
gau, la révolte reprenait dans la vallée de l'Eysach. 
Les insurgés se jetaient sur Clausen, et une de leurs 
bandes, sous le nommé Kplb, un de leurs chefs les 
plus hardis, bloquait Brixen. Cette nouvelle rébel- 
lion, suite des prédications fanatiques et des pro- 
clamations de Hoffer, étant venue à éclater au mo- 
ment où les compagnies d'élite du 55° remonlaient 
sur Slerzing, elles furent obligées de s'ouvrir pas- 
sage à Clausen. 

À cette nouvelle, le général Baraguey d'Hilliers 
envoya le général Sévéroli et trois bataillons à Brixen, 
puis, voulant en finir avec le Passeyer et Winlschgau 
avant de s'occuper sérieusement de la vallée d'Ey- 
sach, il concentra toutes ses forces à Méran. 

Baraguey d'Hilliers à celte époque (fin novembre) 
disposait de 55 bataillons répartis de la manière 
suivante : 1 7 à Méran sous les généraux Barbou et 
Sévéroli, 2 à Bolzen (colonel Moroni), 2 à Slerzing 
(colonel du 55 e de ligne), 5 à Brixen (général Mo- 
rau), 2 à Prunecken (général Àlmeyras), 2 à Lienz 



23S ' MEMOIRES DU PRINCE EUGÈNE 

(général Teste) et 3 à Sachsenburg et à Vlilach (colo- 
nel Vautré). La division Vial était occupée, dans le 
Tyrol méridional, au désarmement. Là, les choses 
se passèrent plus tranquillement, les habitants ayant 
reçu l'espoir de la réunion de ces contrées au royaume 
d'Italie. 

La malheureuse retraite du général Rusca sur 
Méran et la fatale affaire de Saint-Léonhard avaient 
naturellement rendu une grande confiance aux in- 
surgés. Leurs chefs répandaient de nouveau le bruit 
de secours qu'ils allaient recevoir de l'Autriche. Des 
bruits ridicules étaient jetés en pâture aux esprits 
simples et crédules des habitants du Tyrol allemand 
qui détestaient la Bavière, en sorte que de toute part 
renaissait l'insurrection. Après la vallée d'Eysach, ce 
fut, le 50 novembre, le tour de la vallée d'Antholz, 
au nord-est de Prunecken, puis celle de Taunfers. Le 
comité tyrolien étendit ses moyens d'action jusque 
dans la vallée de la haute Drave, vers Lienz. 

De ce côté, les insurgés essayèrent de couper par 
Issingen, un bataillon détaché à Uter-Wintel , en 
avant de Prunecken. Le général Àlmeyras se replia 
avec ses troupes sur ce point. Enfin, le 2 décembre, 
ils s'enhardirent au point de se jeter au nombre de 
6,000 sur Prunecken, dont ils emportèrent les pre- 
mières maisons du faubourg, tandis que Kolb ten- 
tait d'enlever d'assaut Brixen. Sur tous ces points les 
bandes indisciplinées échouèrent. 

Enfin, le désarmement ayant pu être opéré sans 
beaucoup de difficulté dans le Wintschgau et le Pas- 
seyer, le général Baraguey d'Hilliers put réunir la 



LIV. XVI. - 1809 259 

division Sévéroli à Botzen. Cette division emporta 
Clausenle 5, et arriva le 6 sur Brixen. Dans le nord, 
du côté de Lienz, le général Teste avec deux batail- 
lons de renfort du 9 e de ligne, battit les Tyroliens à 
Amblach, sans pouvoir toutefois rouvrir la commu- 
nication avec Prunecken. 

Les insurgés, battus par Sévéroli à Brixen, se reje- 
tèrent sur Prunecken, où le chef Kolb les rallia. Le 
général Moreau reçut alors Tordre de se porter sur 
ce point important, tandis que la division Sévéroli 
opérerait le désarmement du district de Brixen. Le 
général Moreau, indécis, ou n'agissant pas avec assez 
de fermeté, échoua; mais, ayant eu des instructions 
précises et sévères, il dut se porter sur Prunecken. 

Devant cette ville, le chef de rebelles Kolb, pré- 
voyant une défaite pour sa troupe, tenta une der- 
nière sommation dans laquelle il exagéra au général 
Almeyras les succès obtenus par les insurgés. Il lui 
annonça la révolte de la Carniole, la déroute des 
armées en Carynthie, de celles du général Baraguey 
d'Hilliers poursuivies par Hofîer; enfin, il finissait 
par déclarer que le Tyrol entier était en armes et ne 
voulait pas se séparer de la maison d'Autriche, et 
que lui, Kolb, serait obligé de passer la garnison au 
(il de Tépée si le général Almeyras refusait de se 
rendre. Cette sommation n'obtint pas plus de ré- 
ponse que les précédentes. 

Slerzing n'avait pas été inquiété pendant tous ces 
mouvements à cause du voisinage d'une division 
bavaroise qui avait ordre d'y porter secours au 
premier avis. 



240 MÉMOIRES DU PRINCE EUGÈNE 

À Lienz, le général Teste, voulant, par un coup 
hardi, en imposer à la tête de la colonne des in- 
surgés du Windisch-Metray, qui s'était avancée jus- 
qu'à Ainelh, forma le projet de les surprendre dans 
ce poste. En conséquence, dès le 7 au soir, un ba- 
taillon du 9* régiment eut ordre de partir de Lienz 
de manière à arriver à Àneth, le 8, à trois heures du 
matin, d'attaquer le village et tous les postes qui le 
couvraient à la baïonnette, de passer au fil de l'épce 
ceux qui seraient trouvés les armes à la main, et 
d'arrêter, pour servir d'otage, les hommes désarmés. 
La difficulté du chemin fît que ce bataillon n'arriva 
qu'à six heures du matin ; l'éveil était donné, le 
tocsin sonnait de toutes parts, et les hauteurs envi- 
ronnantes se couvrant d'insurgés, le bataillon dut se 
retirer après avoir tué plus de 60 hommes à l'en- 
nemi dans les différentes affaires qui eurent lieu 
devant Lienz; on prit aux insurgés deux petites 
pièces . 

Revenons au général Almcyras, bloqué à Pru- 
necken par Kolb. 

Le 9, le général Sévéroli, avec le 1 er de ligne 
italien, étant arrivé à Biïxen, le général Moreau 
reçut ordre de partir avec le 55 e régiment et deux 
bataillons du 92 e pour se rendre à Prunecken et de 
rouvrir à tout prix la communication. Le mouve- 
ment s'exécuta sans aucun obstacle ; les insurgés se 
retirèrent à la nouvelle de la marche des troupes. 
Tout resta tranquille devant Lienz. Le général Bara- 
guey d'Hilliers, d'après les ordres du prince Eugène, 
nomma dans les deux cercles de l'Adigc et de l'Ey- 



LIV. XVI. — i«0« 241 

sach des commissions administratives en remplace- 
ment des administrations bavaroises. 

Le 10, le général Teste poussa de Lienz une forte 
reconnaissance sur la Chiusa, en avant de l'Eysach ; 
il y eut un engagement assez vif qui coûta aux in- 
surgés un bon nombre de morts, parmi lesquels un 
de leurs chefs. 

Le 11, le général Almeyras partit de Prunecken 
avec deux bataillons, dont un du 84 e pour couvrir la 
communication avec Lienz ; il arriva à Innichiag 
sans obstacle. Le même jour, les insurgés évacuèrent 
la Chiuza de Lienz ; il ne resta plus sous les armes 
que ceux de Windisch-Matray ; les autres se hâtèrent 
de faire leur soumission au général Teste, offrant de 
fournir des vivres, de livrer leurs armes et de donner 
des otages. Le général, ayant appris l'arrivée du gé- 
néral Almeyras, fit partir, dans la nuit, un bataillon 
pour aller au-devant de lui. Le 12, le général Al- 
meyras entra à Lienz avec le bataillon qui avait été 
au-devant- de lui et qui le rencontra à Sillian. Les 
deux bataillons du 92 e restèrent à Sillian, où le co- 
lonel Nagle s'occupa du désarmement avec tant de 
vigueur, que, le 16, il avait déjà obtenu la restitu- 
tion de 80 fusils pris aux voltigeurs du 84" régiment, 
et de beaucoup d'effets, et la remise de plus de 500 
armes à feu. Le même jour, le général Teste se porta 
à Aineth avec 2 bataillons et 2 pièces de canon. 

La brigade Bertoletti, qui était à Glausen, fut re- 
jointe par le bataillon du 4° régiment italien qui était 
à Bolzano. 

Le 13, au matin, la vallée d' Aineth se soumit et 



242 MÉMOIRES DU PRINCE EUGÈNE 

livra son chef; les insurgés salzbourgeois se reti- 
rèrent sur Windisch-Matray. Le même jour, le gé- 
néral Broussier revint à la tête de sa division et 
prescrivit les mesures les plus rigoureuses pour opérer 
l'entier désarmement des vallées, tandis que le gé- 
néral de division Barbou partait de Saint-Léonard 
avec le 13 e et le 29% et venait prendre position à 
Méran et Tyrol. 

Dès cette époque le Tyrol se trouva à peu près 
pacifié. Aucun mouvement général d'insurrection 
ne s'y manifesta plus; le désarmement fut poussé 
avec vigueur, et surtout dans le Pusterthal qui avait 
pris une part si active dans la dernière insurrection. 

Du 13 au 21 décembre il n'y eut d'autre mouve- 
ment de troupes dans le Tyrol allemand que la ren- 
trée du 5 e de ligne italien de Méran à Bolzano, et la 
formation, le 18, à Lienz, d'un bataillon d'élite 
composé d'une compagnie de grenadiers et une de 
voltigeurs de chaque régiment de la division Brous- 
sier; le 19, la marche du bataillon du 14* léger 
français de Cries à Sarenthal, et, le 21, la réunion à 
Mûlhbach des deux bataillons du régiment dalmate. 
Le Winstgau et le Yaltenthal étaient soumis, et il n'y 
avait plus dans le Passeyer d'autre opération à tenter 
que de s'emparer de la personne de Hoffer. Ce chef 
influent, pour lequel les ordres de l'Empereur étaient 
de la dernière sévérité, s'était réfugié sur les cimes 
du Brenner, entre le Passeyer et la vallée d'Ocz, 
occupée par les troupes bavaroises. 

Le 24, le général Broussier, qui, dès le 21, avait, 
par une proclamation, annoncé aux habitants de 



LIV. XVI. — 1809 243 

Windisch-Matray son arrivée avec de la troupe, et 
leur avait enjoint la soumission et la remise de leurs 
armes, partit de Lienz avec deux bataillons du 9 e ré- 
giment, deux du 84 e régiment, et toulc son artillerie, 
pour se rendre à Windisch-Matray, où il arriva le 
même jour malgré la difficulté du chemin. Sur-le- 
champ il fit appeler quatre notables de chaque com- 
mune de l'arrondissement; deux furent renvoyés 
pour retirer les armes, les deux autres furent gardés 
comme otages. Le 26, le général détacha un bataillon 
du 84 e à Wirgen, où le désarmement ne se faisait 
pas assez vite ; le 27, ce bataillon fut relevé par un 
du 9 e régiment, qui rentra le 28. Le 1 er bataillon du 
92 e se rendit, avec le général Teste, dans la vallée de 
Kalz, et, le 29, le général Broussier porta le 1 er ba- 
taillon du 92 e régiment sur le même point, le 3* ba- 
taillon du même régiment à Saint- Vital, et le 1 er du 
92 e à Hopfgarten; le 50, toute l'expédition rentra à 
Lienz; le 51 , le 92 e se réunit à Sillian ; les 9 e et 84 e 
régiments restèrent à Lienz. Pendant l'expédition, 
plusieurs chefs d'insurrection, parmi lesquels celui 
d'Àincth, deux de Windisch-Matray et un de Virgen, 
furent fusillés. 

Dans le Tyrol méridional tout était depuis long- 
temps fort tranquille; aussi crut-on pouvoir dis- 
soudre la 15 e demi-brigade provisoire et faire rentrer 
à leurs corps les détachements qui la composaient. 
Sept bouches à feu de la division Yial furent ren- 
voyées à Vérone. 

Dans la partie du Tyrol occupée par les divisions 
Barboii et Sévéroli, tout resta également dans la plus 



244 MÉMOIRES DU PRINCE EUGÈNE 

grande tranquillité ; le désarmement continuait tou- 
jours. Plusieurs chefs, arrêtés sur l'indication de 
papiers pris à Kolb, furent jugés et fusillés. Le 
général Baraguey d'IIilliers, ayant l'avis que le prince 
Eugène avait ordonné à deux bataillons de la divi- 
sion Durutte, qui était à Villach, d'occuper Lienzet 
Saehsenburg, fit ses dispositions pour porter succes- 
sivement la division Broussier à Prunecken, Brixen 
et Sterzing, et la division Barbou à Glausen, Bolzano 
et Méran, laissant à Lienz le général Teste avec un 
bataillon, jusqu'à l'arrivée des troupes du général 
Durutte. Le bataillon du 4 e de ligne italien, qui était 
dans la division Sévéroli, fut dirigé sur Trente. 

Le 1 er janvier, la division Broussier commença ce 
mouvement, qui fut exécuté en peu de temps, et en 
trois colonnes : 

La première colonne, sous le colonel Vautré, se 
rendit à Assling; la deuxième, avec le colonel Nayle, 
en avant de Lienz, vers Saint- Léonard ; la troisième, 
avec le général Àlmeyras, de Sillian à Wilgarten. 
Une quatrième colonne, composée du bataillon d'élite 
et du 2 e bataillon du 84 e avec le reste de l'artillerie 
de montagne, partit de Lienz, sous les ordres d'un 
chef de bataillon, pour se rendre à Toblnch. 

Chacune de ces colonnes devait fouiller les mai- 
sons situées sur les montagnes qui bordent la route; 
la plus sévère discipline était recommandée. Elles 
avaient chacune 10,000 cartouches en réserre. 

Le général Teste resta à Lienz avec un bataillon et 
quelques détachements. Le général Broussier porta 
son quartier général à Toblach. 



L!V. XVI. — 1809 845 

Le 3, les 1" et 5 e bataillons du 84* régiment so 
rendirent à Prunecken, et le 2 e à Nieterndorf; le 
même jour, le nommé Nicolas Hamoss, de Sillian, 
chef principal de ces vallées, fut arrêté à Maria- 
schul, au-dessus de Vilgraten , et envoyé à Toblach 
pour y être jugé. La commune de Sillian livra tous 
les autres chefs au général Almeyras ; le curé de 
Lienz* celui de Virgen et son vicaire avaient été arrê- 
tés et étaient soumis au jugement d'une commission 
militaire. L'évêque de Klagenfurth les réclama au 
général Broussier par une lettre insolente qui lui 
obtint une réponse analogue. Le 1 er fut condamné à 
cinq ans de réclusion, et les deux autres fusillés, ils 
avaient été aussi réclamés par une lettre de l'évêque 
de Brixen au général Broussier, et leur pardon imploré 
par une supplique des habitants de Lienz au prince 
Eugène; mais ils étaient trop coupables pour que le 
vice-roi pût faire grâce. La sentence fut exécutée. 

Le général Broussier continuait à s'occuper du 
désarmement de l'Ober-Gaithal et de la vallée de 
Cortina dont il avait mandé les députés. 

Le 4, le général Teste avec le 2* bataillon du 
9 e et les 15 hommes par compagnie, restés à Lienz, 
en partit pour se rendre à Sillian, et une compagnie 
fut placée au château; le général Broussier porla son 
quartier général à Nieterndorf. 

Le général Moreau partit de Prunecken avec le 
55 e régiment pour se rendre à Brixen ; le 4" batail- 
lon dalmate se rendit de Saint-Laurenzen à Mûlbach, 
et le 2 e de Mûlbach à Glausen ; ce régiment continua 
sa marche pour gagner Trente, où il arriva le 8 et 



240 MÉMOIRES DU PRINCE EUGÈNE 

le 9, il fut envoyé de suite dans le val Sugana, où il 
occupa Pergine el Borgo. 

Du 5 au 10 inclus, le général Broussier continua 
le désarmement, établissant, le 7, son quartier gé- 
néral à Prunecken, dont la division se rapprochait 
successivement. En conséquence, le 1 er bataillon du 
9 e régiment se porta, le 6, d'Inniching à Toblach, et 
de là avec le quartier général à Prunecken; il em- 
ploya les journées, des 8, 9 et 10 h parcourir la val- 
lée de l'Eysach entre Brixen et Sterzing, et celle de 
Drasferg-Leigraben et Taufers; les deux autres ba- 
taillons de ce régiment se réunirent au général Teste 
à Silliau ; le 84 e porta, le 6, son 2 e bataillon à Nie- 
der-Rasen, le 8 à Dietenheim, el le 9 à Taufers, où 
il fut rejoint par le 3 e bataillon; le 92 e se porta le 5 
à Toblach, et le 10 à Prunecken, d'où le 1 er bataillon, 
avec le colonel Nagle, se rendit dans le Fauferethal. 

Le général Barbou conserva sa position de Méran, 
éclairant toujours le Passeyer; le général Moreau 
resta à Brixen avec le 55% ayant le 53 e à Merzing; la 
division Sévéroli commença son mouvement pour se 
rendre dans le Tyrol méridional, où tout continuait 
à être tranquille. 

La division Broussier, marchant ainsi de l'ouest à 
Test, puis du nord au sud, tendait à se rapprocher 
du Tyrol méridional vers lequel toutes les troupes du 
général Baraguey d'Hilliers se repliaient pour ren- 
trer dans le royaume d'Italie, opérant successive- 
ment et commune par commune le désarmement des 
Tyroliens qui s'étaient insurgés. 

Vers le 26 décembre, il ne restait plus de Sterzing 



LIV. XVI. — 180» 247 

à Brixen, et à Prunecken, que la division Broussier; 
la division Barbou était à Méran, à Bolzano et à 
Clausel ; la division Vial dans le Tyrol italien depuis 
longtemps, en sorte que les troupes du corps du gé-" 
néral Baraguey d'Hilliers occupaient enfin les posi- 
tions indiquées, dès le milieu de novembre, par le 
vice-roi, positions que la deuxième levée de boucliers 
des Tyroliens avait empêché de prendre à cette 
époque. 

Enfin, le 27 janvier, le fameux Hoffer fut pris sur 
le sommet du Brenner, au fond de la vallée de Pas- 
seyer, par un détachement composé de cinq compa- 
gnies d'élite, des 13 e et 29 e régiments, sous les or- 
dres du chef de bataillon Luntier. Il fut envoyé à 
Trente. 

Le prince Eugène désirait lui sauver la vie; on 
engagea ce chef; dont le nom avait acquis une cer- 
taine célébrité, à désavouer ses secondes proclama- 
tions; mais, se posant en martyr, il refusa d'avoir 
recours à ce moyen qu'il regardait comme indigne 
de lui. Napoléon envoya à son fils adoptif alors au- 
près de lui, à Paris, l'ordre formel de faire juger et 
fusiller Hoffer, 

En effet, ce malheureux, transféré à Mantoue, paya 
de sa tête son manque de foi. 

Le 8 février, un ordre du vice-roi, en date du 
31 janvier, prescrivit au général Baraguey d'Hilliers 
de remettre aux troupes bavaroises le Tyrol alle- 
mand. 

Ainsi fut terminée cette campagne, suite de pe- 
tits combats de troupes régulières luttant contre des 



S4S MÉMOIRES DU P1INCB EUGÈNE 

paysans însugés, mais ayant moins à redouter l'en- 
nemi, quelque brave et fanatisé qu'il fût, que les ob- 
stacles d'un pays aussi propre à la défense que dif- 
ficile à parcourir et à soumettre. Des cours d'eau 
torrentueux et encaissés , des positions militaires 
pouvant être défendues jusqu'à la dernière extré- 
mité, des montagnes arides, des gorges profondes 
et dangereuses pour passages; pour routes, des sen- 
tiers à travers des rocs escarpés : telles étaient en réa- 
lité les difficultés que présentait cette lutte, offrant 
peu de gloire, autant de dangers et plus de misère 
que les grandes guerres contre les armées de l'Au- 
triche. 



CORRESPONDANCE 



RELATIVE AU LIVRE XVI 



DU 15 NOVEMBRE 1809 AU 13 FÉVRIER 1810. 



«Sire, j'ai l'honneur de rendre compte à Votre Eo | àN »p- 
Majesté, que je suis arrivé hier soir à Milan. J'ai 15 ™™* hn 
passé la journée d'aujourd'hui en réceptions, et de- 
main je reprends le cours ordinaire de mon travail. 

« J'ai reçu, ce malin, une lettre du général Ba- 
raguey d'Hilliers, en date du 12. Il m'annonçait que 
ses troupes arrivaient, le même jour, à Sterzing, 
et qu'il venait de recevoir une estafette du général 
Drouet, laquelle était partie d'Inspruck, et avait 
trouvé la route parfaitement tranquille. Ainsi, la 
grande communication de Munich à Milan, par le 
Tyrol, est rouverte. L'article des subsistances paraît 
seul inquiéter le général Baraguey d'Hilliers. J'ai 
donc cru convenable, indépendamment de plusieurs 
centaines de mille de rations de biscuit que j'avais 
envoyées de Vérone et de Villach, d'ordonner un en- 



25fl MÉMOIRES DU PRINCE EUGÈNE 

voi de 10,000 quintaux de grains qui pari iront de 
Mantoue. J'espère que Votre Majesté approuvera cette 
mesure. 

« Le fameux Hoffer a dissous entièrement sa troupe 
et a fait une grande proclamation pour les engager 
à rentrer dans l'ordre et à rester tranquilles. Il est 
parti de Sterzing lui-même le 10, et on croit qu'il 
s'est dirigé vers les Grisons. Il reste encore cepen- 
dant quelques bandes particulières d'insurgés ayant 
un chef connu, et composées, en grande partie, de 
déserteurs et de gens sans aveu. Pour les extirper 
entièrement, il faudra du temps, de la patience et 
de l'adresse. 

« J'aurai l'honneur d'envoyer à Votre Majesté les 
premières nouvelles que je recevrai de ce pays-là 
par un de mes aides de camp que j'y ai envoyé exprès 
pour prendre connaissance de l'état du pays, de l'es- 
prit de ses habitants, et enfin pour se mettre en état 
de répondre à toutes les questions de Votre Majesté 
à ce sujet. » 

Eu fc£n, ap * (< Sire, je m'empresse de rendre compte à Votre 
*7 n^ mbre Majesté que ses troupes sont entrées, le 14, à Fiume. 
Tout se passe avec le plus grand ordre pour la re- 
mise du pays que l'Autriche doit céder. Mon aide de 
camp, le général d'Ànthouard, est parti de Fiume 
quelques heures après l'entrée de nos troupes, avec 
des lettres du commandant nommé par le prince de 
Neufchâtel pour porter celte nouvelle aux maréchaux 
Macdonald et Davout. 

« La marine autrichienne devait, d'après les or- 



LIV. XVI. — 1809 - CORRESPONDANCE 251 

drcs de ses supérieurs, rentrer à Fiume. Mais les 
Anglais, suivant leur habitude, se sont emparés de 
deux bricks et de deux canonnières. On croit que 
ces deux dernières sont parvenues à se sauver pen- 
dant la nuit. Le général autrichien a vivement ré- 
clamé sur cette conduite et avait déjà défendu, avant 
l'arrivée de mes troupes, toute communication avec 
les Anglais. Il paraît que la croisière anglaise dans 
l'Adriatique est composée de la frégate YAmphyon, 
de 44 canons, d'une corvette de 32 canons, de 
2 bricks de 18 canons, de 2 bâtiments siciliens de 
iO canons chacun, et enfin de la frégate espagnole, 
la Paix, de 36 canons. 

« Les affaires du Tyrol continuent à se tranquilli- 
ser. Il se tire bien encore quelques coups de fusil 
dans les vallées, mais cela ne paraît pas être d'une 
conséquence majeure. 

ce J'ai reçu, ce matin et cette nuit, deux officiers 
venus en ligne droi te d'Inspruck, sans empêchement. 
Le général Drouet me mandait, sous la date du 14, 
qu'il allait former ses colonnes mobiles pour opérer 
le désarmement dans les hautes vallées de Hnn, et 
que, d'après mes ordres, il s'entendrait avec le gé- 
néral Baraguey d'Hilliers pour agir de concert dans 
le mouvement de leurs colonnes mobiles. » 

ce Sire, aussitôt mon arrivée à Mifan, je me suis &ig.àNap. 
fait rendre compte de l'état des services de l'admi- h norembre 

1909 

nistration de l'armée française dans l'intérieur du 
royaume, et je m'empresse de faire connaître à Vo- 
tre Majesté les objets qui réclament son attention. Il 



252 MÉMOIRES DU PRINCE EUGÈNE 

lie faudrait pas moins de 1,500,000 fr. pour aligner 
les dépenses du service des hôpitaux au 1 er décembre 
prochain. Il est dû plus de 500,000 francs à l'entre* 
preneur général : les hospices civils du royaume 
d'Italie sont en avance de près de 600,000 francs, et, 
dans Timpossibililé où ils se trouvent de continuer 
à faire des avances, ils sont au moment d'être forcés 
à refuser les malades et les blessés auxquels ils ne 
pourraient rien fournir. La solde de tous les em- 
ployés et les dépenses de toute nature sont arriérées 
pour des sommes considérables, et il est impossible 
au Trésor italien de venir au secours de la caisse mi- 
litaire française. 

« Je suis sûr que Votre Majesté ne verra pas sans 
peine l'état d'abandon et de misère dans lequel se 
trouve ce service si intéressant, et qu'elle daignera 
donner des ordres pour qu'il ne reste pas plus long* 
temps en souffrance. 

« Le service des fourrages n'est point assuré. On 
n'a trouvé des entrepreneurs que pour quelques dé- 
partements; dans d'aiftres on serait obligé de s'a- 
dresser, pour le service, aux communes qui ne 
pourraient le soutenir, le ministre directeur n'ayant 
encore adopté aucun mode positif et assuré dans les 
payements; il voudrait que le royaume d'Italie s'en 
chargeât, mais cela est impossible; il n'a pas le 
moyen de faire des avances, desquelles, d'ailleurs, il 
ne serait pas remboursé, ou léserait trop lard. » 

£ug kihn?' « Sire, Votre Majesté a daigné, par son décret du 
18 nombre jg octo bre, me confier l'expédition du Tyrol. En 



LIV. XVI. — 1809 - CORRESPONDANCE 253 

conséquence, je me suis rendu à Vilkich, où je suis 
arrivé le 28. Déjà la division Sévéroli avait été diri- 
gée sur Spital et Sachsenburg, où je la passai en 
revue. Le lendemain elle continua sa route vers Lienz 
etPrunecken, tandis que le général Rusca marchait 
avec le 53 e d'infanterie de ligne par la vallée du Gail 
et avait ordre de faire sa jonction avec la division Sé- 
véroli. À une journée derrière cette division, mar- 
chait celle du général Barbou, que je fis suivre en- 
suite par celle du général Broussier. J'avais donné 
le commandement de toutes ces forces au général 
Baraguey d'Hilliers. J'avais fait précéder ces troupes 
par une proclamation tendant à calmer et à éclairer 
les esprits agités, et par des copies du traité de paix. 
Pendant mon séjour à Spital, je reçus une dépula- 
tion du Pusterthal qui m'annonçait non-seulement 
pour cette vallée, mais pour le Tyrol tout entier, des 
dispositions à profiter des bontés de Votre Majesté. 
Aussi ces troupes s'avancèrenl-clles dans la vallée 
du Pusterthal sans rencontrer aucun obstacle. Par- 
tout elles étaient bien accueillies par les habitants 
demeurés paisibles, et la plupart de ceux qui avaient 
pris les armes se séparaient pour rentrer dans 
leurs foyers, ou, du moins, se retiraient devant nos 
troupes sans commettre aucune hostilité, et l'on opé- 
rait à mesure le désarmement du pays que nous 
occupions. Le général Baraguey d'Hilliers serait sans 
doute ainsi arrivé à Brixen, et aurait opéré sa jonc- 
tion avec les troupes bavaroises sur le Brenner, si le 
général Busca qui, depuis qu'il avait rejoint le gé- 
néral Baraguey d'Hilliers à Sillian, avait formé l'a- 



*5i MÉMOIRES DU PRINCE EUGÈNE 

vant-garde, n'eût, par trop d'ardeur et de précipita- 
tion, attaqué les insurgés à la position de Mûlbacli 
qu'ils tenaient encore, et qu'ils auraient sans doute 
abandonnée si on leur en eût donné le temps, et 
qu'on eût voulu employer avec eux les moyens de 
persuasion. 11 en a coûté une centaine d'hommes, la 
majeure partie hors de combat, pour les déloger de 
celte formidable position. Nos troupes sont ensuite 
entrées à Brixen, et, dès le 12, la libre circulation 
parle Brenncr était rétablie. 

« Le générai Vial qui, sans obstacle, par la vallée 
de Trente et de Bolzen, était arrivé dans cette der- 
nière ville et y avait trouvé le général Peyri qui y 
était déjà depuis deux jours, et qui, ayant dû traver- 
ser les montagnes au nord-ouest de la Piave, où 
les Tyroliens ignoraient encore la paix et les inten- 
tions de Votre Majesté à leur égard, avait été in- 
quiété dans sa marche, et n'ayant que 1,100 hom- 
mes, avait eu quelque peine à se maintenir à Botzen 
où les insurgés l'avaient poursuivi cL attaqué. Tout 
se dissipa à l'arrivée des troupes du général Vial, 
et ce général reçut à Bolzen une députalion de Mé- 
ran qui lui annonçait que, déjà des idées de sou- 
mission avaient germé dans cette contrée où ia ré-* 
volte avait été la plus furieuse et la plus âpre, et 
où les esprits avaient été le plus exaspérés. 

« J'ai déjà eu l'honneur de rendre compte à Vo- 
tre Majesté de rengagement que le général Drouet a 
été obligé d'avoir avec les insurgés, le 1 er octobre, 
près d'Inspruck. Depuis, il n'a plus éprouvé de ré- 
sistance sérieuse, et notre jonction effectuée sur le 



LIV. XVI. - 1809 — CORRESPONDANCE 255 

Brenner, qu'il eût été aisé de rendre difficile, s'est 
opérée sans aucun obstacle. 

« On a trouvé partout l'esprit des villes bon. Les 
habitants des campagnes, plus ignorants et plus en- 
têtés, n'ont pas encore tous abjuré leurs erreurs; 
mais cependant on croit pouvoir assurer que, 
parmi les hommes qui restent encore armés, il n'y 
a que des gens sans asile, des déserteurs de tous les 
pays, et des étrangers sans aveu : le désarmement 
ne se fait que lentement. Les Tyroliens sont, de tout 
temps, très-attachés à leurs armes. Ils montrent de 
toute part la haine la plus animée contre le gouver- 
nement bavarois et le plus vif enthousiasme pour 
Votre Majesté de laquelle seule ils disent attendre 
leur bonheur. 

« Les troupes sous les ordres du généra] Baraguey 
d'Hilliers sont maintenant disposées de la manière 
suivante : 

« Le général Vial à Trente avec moitié de sa di- 
vision, et le général Rusca, avec l'autre moitié, s'est 
dirigé vers Méran et le haut Adige. 

« La division Sévéroli est à Botzen, où se trouve 
aussi le général Baraguey d'Hilliers, et la division 
Barbou occupe Brixen, Sterzing et le Brenner. 

« Celle du général Broussier est à Prunecken, Lienz 
et Sachsenburg. Les troupes bavaroises, sous les or- 
dres du général Drouel, sont à Inspruck, sur le 
Brenner, et ont remonté la vallée de l'Inn jusque 
versTardeck. 

« Il est à présumer que, dans cette situation de 
nos troupes, si bientôt le désarmement n'est pas 



250 HÉMOIRES DU PRINCE EUGÈNE 

opéré, du moins il sera très- a van ce, et qu'il ne pourra 
plus se former de réunion d'insurgés qui puisse 
donner de véritables inquiétudes. 

« Mon aide de camp, qui aura l'honneur de pré- 
senter cette lettre à Votre Majesté, pourra lui donner 
tous les renseignements qu'elle désirera sur ce pays* 
Il a passé plusieurs jours dans le Tyrol, et se trouve à 
même de répondre à toutes les questions que Votre 
Majesté pourrait lui adresser à cet égard. » 

Eog. au doc T . ! , 

de Feitrc. « Je m empresse de vous rendre compte, mon- 
i8 novembre sieur le duc de Feltre, des dernières nouvelles que 
j'ai reçues du Tyrol. Le général Baraguey d'Hilliers 
occupe Méran et les positions au-dessus de cette 
ville avec une partie des divisions Barbou et Sévé- 
roli. Il a renfermé les rebelles dans le Wunschgau, 
et se prépare à les y poursuivre, s'ils ne s'empres- 
sent à mettre bas les armes. Il n'a rencontré jus- 
qu'à présent aucun obstacle sérieux dans cette ex- 
pédition, et le général Barbou, qui a traversé le 
Passeyer, pour venir le rejoindre à Méran, a trouvé 
cette vallée tranquille, mais déserte. lU'y était passé, 
deux jours avant, un événement bien fâcheux dont 
je dois vous informer. 

« Un bataillon du 15 e d'infanterie de ligne et un 
détachement du 53 e , chacun d'environ 500 hommes^ 
avaient été envoyés en colonnes mobiles dans celte 
vallée; ils y ont été entourés, et se sont rendus pri- 
sonniers. Je ne connais pas encore les détails de 
cette affaire affligeante, mais j'ai ordonné la réunion 
d'une commission d'enquête pour informer sur la 



L1V. XVI. - 1809 — CORRESPONDANCE 2&7 

conduite des chefs et des officiers, et mon intention 
est que ceux qui n'auront pas fait leur devoir soient 
punis suivant toute la rigueur des lois. Du reste, le 
Tyrol est paisible, et j'espère avant peu que les der- 
nières étincelles de cet incendie seront étouffées 
dans le Winslchgau. » 

« Sire, je viens de recevoir des lettres du général ^'fjjj^' 
Baraguey-d'Hilliers, en date des 16 et 17 de ce mois. 49 n 1 ^; ;,,re 
Il parait qu'un assez fort rassemblement de rebelles 
s'était formé dans Iç Winstchgau et le Passeyer. Le 
général Rusca, qui s'était porté à Méran et avait 
commencé le désarmement de ces vallées, a éprouvé 
de la résistance. Il a dû venir reprendre une posi- 
tion en arrière, et se rapprocher de Botzen. J'ai or- 
donné au général Baraguey-d'Hilliers de renforcer 
le général Rusca, et d'écraser promptement ces der- 
niers efforts de la rébellion. Votre Majesté n'ignore 
pas que ces contrées étaient celles où les esprits 
étaient le plus exaspérés. Si les choses y devenaient 
inquiétantes, je me rendrais sur-le-champ à Trente 
pour tout voir moi-même, et porter un prompt re- 
mède au mal. Je crains que, dans cette affaire, il 
n'y ait de la faute du général Rusca, qui déjà s'est 
montré, dans cette expédition, trop ardent et même 
inconsidéré. Au reste, il paraît que c'est sur les 
points où il a été inquiété que se sont rassemblées 
les dernières hordes de rebelles, car je reçois une 
lettre du général Drouet, en date du 16, par laquelle 
il m'apprend que ses troupes ont remonté la vallée 
de Tlnn, et sont rentrées à Fandeck, sans avoir 

vi. 17 



258 MÉMOIRES DU PRINCE EUGÈNE 

éprouvé d'obstacles. Cette lettre contenant quelques 
renseignements sur 1 les désirs et les espérances des 
Tyroliens, j'ai l'honneur d'en adresser la copie à 
Votre Majesté. » 

Nap i ; arif" g ' « Mon fils, dirigez sur Avignon, pour être en- 

20 novembre » i i< t» • a i 1 a 

la», voyées de la sur Perpignan, toutes les troupes napo- 
litaines qui seraient dans le royaume ou du côté du 
Tyrol.» 

Eu fein ap * (< ^' rC) i' Hl ' , h° nneur d'adresser à Votre Majesté 
20 i809 mbre léta* de situation de son armée d'Italie, au 15 no- 
vembre courant ; Voire Majesté est priée de remar- 
quer que si le total est aussi considérable, c'est que 
le corps bavarois s'y trouve compris. 

« Je demande à Votre Majesté la permission de 
commencer à faire rentrer quelques bataillons dans 
le royaume, tant pour achever d'en assurer la tran- 
quillité que pour l'exécution de la conscription, qui 
sera bientôt publiée. » 

Na taris, ug ' « Mon fils, je reçois votre lettre du 15 novembre; 

24 n iSo9? brc je vois avec plaisir que vous soyez arrivé à Milan. 
Vous avez fait un ouvrage sur votre campagne d'Ita- 
lie, je vous prie de me l'envoyer 1 . J'ai trouvé ici 
mes affaires de finances bien dérangées. L'expédition 
des Anglais me coûte 50 millions. Les nouvelles le- 
vées et les immenses armements que je fais pour 
l'Espagne continuent de me ruiner. Vous comprenez 

* Voir plus loin la réponse du prince. 



L1V. XVI. — 1809 - CORRESPONDANCE 259 

donc que je ne puis alléger en rien le fardeau de 
mon royaume d'Italie. Je vous envoie ma décision 
mise en marge de votre rapport sur les provinces- 
illyriennes. » 

« Sire, j'ai l'honneur de rendre compte à Voire- Eug ïn»p. 
Majesté que je viens de recevoir une lettre du général m novembi* 
Baraguey-d'Hilliers, écrite de Bolzen, en date du 20. 
Il m'informe que la tranquillité règne toujours dans 
le Tyrol, excepté dans les vallées du Winsclhgau et 
duPasseyer, au-dessus de Méran, où, comme j'ai eu 
l'honneur de le mander à Votre Majesté, existent 
encore des rassemblements de rebelles. On prétend 
qu'ils sont composés de douze à quatorze compagnies 
de déserteurs, montant chacune à 150 hommes en- 
viron, auxquels s'est jointe une partie de la popula- 
tion de ces montagnes. Ils s'étaient approchés assez 
près de nos postes pour que le général Baraguey- 
d'HilIiers ait fait des dispositions pour les surpren- 
dre et les entourer ; mais, avertis à temps, ils se sont 
enfuis et ont disparu partout devant nos têtes de co- 
lonnes. Le général Baraguey-d'Hilliers n'attend, pour 
les poursuivre et les détruire, que l'arrivée des bis- 
cuits, qui sont déjà parvenus à Trente, mais ne Té- 
taient pas encore à Botzen. On répand le bruit que 
Hofier s'est remis à la tête de ces derniers restes de 
révoltés, et on fait courir des proclamations sous 
son nom ; mais j'ai bien de la peine à croire que cela 
soit vrai ; cela me parait, du moins, bien incompa- 
tible avec les démarches qu'il avait faites, et, s'il se 
trouvait encore au milieu de ces rebelles, il serait 



260 MÉMOIRES DU PRINCE EUGÈNE 

possible qu'il eût été arrêté par eux dans ses projets 
de retraite, et forcé de prêter encore son nom à leurs 
projets. » 

Xa p;ui? ug ' « Mon fils, le brigandage continue en Italie, je 
r> 7w° hn suppose que vous prenez des mesures efficaces pour 
le faire disparaître. » 

iup à xap. (i Sire, j'ai l'honneur de rendre compte à Votre 
r ' n S mhrc Majesté que le cadre du 3 e bataillon du 2 e régiment 
d'infanterie de ligne italien, embarqué sur la goélette 
le Bravo, a été pris, dans sa traversée de Corfou, par 
les Anglais. Ce détachement était composé de 2 ca- 
pitaines, 2 lieutenants, 14 sergents, 37 caporaux et 
' tambours; lolal, 55 hommes. 

« J'ai reçu aujourd'hui des nouvelles du général 
Baraguey-d'Hilliers, à la date du 21, qui ne présente 
rien de nouveau dans la situation du Tyrol. Il m'an- 
nonçait le commencement de ses opérations dans le 
Passeyer, les biscuits lui étant arrivés. 

« Le général Vial me mande que quelque mécon- 
tentement s'est manifesté dans plusieurs vallées qui 
l'environnent, parce qu'un commissaire bavarois, 
qui s'était réfugié, dans le temps, à Vérone, et qui 
était rentré avec son emploi, s'était déjà permis de 
faire une proclamation dans le cercle de l' Adige pour 
ordonner le prompt payement de toutes les contri- 
butions arriérées. J'ai écrit au général Baraguey- 
d'Hilliers et au général Vial, en les engageant à sus- 
pendre au moins jusqu'à parfaite tranquillité, et 
jusqu'à nouvel ordre de Votre Majesté, toute réinté- 



LlV. XVI. — 1809 - CORRESPONDANCE 261 

gration des autorités qui pourrait rallumer l'insur- 
rection. » 



« Sire, j'ai l'honneur d'adresser à Votre Majesté Eo fc*£ a P- 
la situation de son armée italienne, à l'époque du ** ^jg" bre 
1 er novembre. Elle voudra bien remarquer que l'ef- 
fectif est déjà de près de 48,000 hommes, et qu'avec 
la conscription de 1810, que je compte lui propo- 
ser de lever comme à l'ordinaire pour le 1" janvier, 
son armée italienne sera de 55,000 hommes, c'est- 
à-dire des corps presque tous au complet; et en y 
ajoutant les troupes de la marine, les forces réunies 
de terre et de mer du royaume de Votre Majesté 
approchent très-près de 60,000 hommes. » 

«Sire, j'ai l'honneurd'informer Votre Majesté que, ^{^Jf 8 ** 
suivant ce que me mande le général Guilleminot, les • *$$£*"* 
douze bataillons de guerre et les cinq bataillons de ré- 
serve des six régiments croates cédés à la France se- 
ront tous rentrés dans leurs districts respectifs d'ici au 
27 de ce mois. Les bataillons de guerre de ces régi- 
ments rentrent désarmés : l'empereur d'Autriche a ■ 
fait donner cinq florins à chaque soldat. On a repris 
au bataillon de réserve les fusils de calibre tirés des 
arsenaux autrichiens. Ces régiments et la population 
du pays ont conservé leurs autres armes, telles que ca- 
rabines, pistolets, sabres, cela suffira pour la défense 
de la frontière turque. Un objet important et qui mérite 
l'a Mention de Votre Majesté, c'est la subsistance de 
ces régiments et de ces pays : les deux districts du 
Bannat sont les seuls qui puissent se passer de se- 



262 MÉMOIRES OU PRINCE EUGÈNE 

cours, et les quatre de Huin, d'Ogulin, d'Ollofschatz 
et de Liezca ne fournissent pas, à beaucoup près, ce 
qui est nécessaire à leur nourriture. J'ai cru devoir 
ordonner provisoirement à 11. l'intendant général 
Dauchy de s'occuper de cet objet, et de faire fournir 
à ces pays les secours en subsistances que la maison 
d'Autriche leur faisait fournir habituellement, et 
ayant égard, de plus, au nombre de troupes que 
nous y conserverons. » 

Cu fcun* ap ' « Sire, j'ai l'honneur de rendre compte à Votre 
46 "SeS™ 1 ** Majesté que je reçois, à l'instant, une lettre du 
général Baragucy- d'Hilliers, datée de Méran, le 
25 novembre, par laquelle il m'annonce qu ? en exé- 
cution du projet de mouvement dont il m'avait fait 
part, par sa lettre de la veille, il s'est porté ledit 
jour, 23, sur Méran, où il est entré sans éprouver 
d'autre résistance que quelques coups de fusil. Il y 
.attendait, le 24, le général Barbou, qui venait par 
Saint- Léonhard, et, pour faciliter la marche de ce 
général, il envoyait à sa rencontre une forte recon- 
naissance. » 

ïu fc££ ,p ' « Sire, j'ai l'honneur de rendre compte à Votre 
27 i8oa nbr6 Majesté que la Hongrie a été entièrement évacuée, 
Je 20, et les troupes occupent la nouvelle ligne de 
«démarcation, la gauche à Neustadt, tenant la fron- 
tière de Styrie, et la droite à la Save. Il y a eu un 
petit malentendu qui n'a eu d'autre effet que de pro- 
duire un léger encombrement de troupes. Le traité 
de paix stipule que, le 20, la Hongrie serait évacuée. 



UV. XVI. — 1809 — CORRESPONDANCE 263 

La convention militaire dit que, le 20, on éva- 
cuerait les places, cantonnements, etc., en se reti- 
rant à journées d'étapes. J'avais donné au maréchal 
Macdonald les ordres en conséquence de la convention 
militaire ; mais le maréchal prince d'Eckmûhl et le 
général Mathieu-Dumas ont adressé officiellement au 
maréchal Macdonald une explication, portant qu'il 
fallait suivre le traité de paix à la lettre, quoique la 
convention soit postérieure, et avoir évacue la Hon- 
grie le 20. Le temps pressait, et les troupes, au lieu 
de se retirer successivement, ont marché en masse. 
Les fortifications de Raab ont sauté, avant l'évacua* 
tion, malgré les remontrances d'un commissaire 
autrichien envoyé au général Narbonne pour y met- 
tre opposition. Un autre commissaire avait été en- 
voyé pour le même objet au maréchal Macdonald 
pour le fort de Gratz, qui ne devait sauter que quel- 
ques jours avant l'évacuation; mais, pour terminer 
toute discussion, le maréchal a commencé à frire 
sauter le fort le 15 et jours suivants; tout doit être 
fini en ce moment. La convention militaire ne par- 
lant pas de l'évacuation de la Slyrie, je prie Votre 
Majesté d'avoir la bonté de me donner ses ordres 
d'avance, afin que je puisse faire parvenir les ordres 
de mouvement, et prévenir tous les doutes qui pour- 
raient s'élever sur cet objet pour la marche des 
troupes; car il y a loin de Neustadt à Villach, et il 
faut commencer le mouvement d'avance, si, à jour 
fixe, tout doit être évacué. » 

« Sire, j'ai eu l'honneur de rendre compte hier e«j • * *m>» 



264 MÉMOIRES DU PRINCE EUGÈNE 

r ' iî.ïS! Éb,€ ^ Votre Majesté de l'arrivée du général Baraguey- 
d'Hilliers à Méran. J'apprends aujourd'hui par une 
lettre de lui, datée de Méran, le 24 du courant, que, 
le jour même, il avait été rejoint par la colonne du 
général Barbou, qui était partie de Sterzing le 25, 
et avait traversé le Passeyer. Cette colonne n'a ren- 
contré aucun obstacle dans sa marche ; mais par- 
tout elle a trouvé les habitations désertes et vides de 
bestiaux. Le Pustersthal est également tranquille, et 
il paraît que tous les révoltés se sont rejetés dans le 
Winstchgau. Le général Baraguey-d'Hilliers les y 
tient enfermés par la position qu'il occupe, et le gé- 
néral Drouet, auquel j'ai donné ordre de s'entendre 
avec lui pour cette opération, doit les avoir enfer- 
més, de son côté, en poussant ses troupes jusqu'à 
Martinsbruck. Tout le reste du Tyrol est parfaitement 
tranquille ; mais c'est avec douleur que je dois ren- 
dre comptée Votre Majesté d'un accident dont m'in- 
forme la lettre du général Baraguey-d'Hilliers. Un 
détachement du 53 e et un bataillon du 13", forts 
chacun de 500 hommes environ, étaient partis de 
Sterzing, le 17, pour aller jusqu'à Saint-Léonbard, 
en colonne mobile, et opérer le désarmement du 
Passeyer. Il paraît qu'ils se sont laissé surprendre 
et entourer dans le village, et se sont rendus pri- 
sonniers. On ignore encore les détails de cette af- 
faire affligeante, et j'ai cru devoir ordonner au gé- 
néral Baraguey-d'Hilliers de former une commission 
d'enquête pour rechercher la conduite du com- 
mandant et des officiers de ces détachements, et 
faire juger et punir, suivant toute la rigueur des 



LIV. XVI. — 1809 — CORRESPONDANCE 265 

lois, tous ceux qui n'auront pas fait leur devoir. 
D'après les instructions qui avaient été données à ces 
colonnes, et leur nombre, ce malheur est totale- 
ment inconcevable. 

Le prêtre et le major tyroliens, qui étaient venus 
près de moi comme envoyés de Hoffer, sont venus, 
pour sauver leur vie, se jeter entre les bras du gé- 
néral Barbou ; les révoltés voulaient les fusiller. Ils 
ont rapporté que Hoffer est en fuite et sa troupe dis- 
persée. II n'y a plus de réunis que les déserteurs et 
les compagnies de Winslchgau, et encore ceux-ci 
n'ont-ils montré aucune animosité contre les Fran- 
çais, car le général Baraguey-d'Hilliers a retrouvé, à 
Mer an, de nos blessés auxquels il n'avait été fait au- 
cun mal. Il paraît que la prolongation de la rébellion 
doit s'attribuer, en grande partie, aux mesures, peut- 
être prématurées, qu'a prise Sa Majesté le roi de Ba- 
vière pour remettre l'administration du Tyrol entre 
les mains de ses employés. Il a, par un décret du 12, 
nommé commissaire extraordinaire dans tout le Ty- 
rol un comte de Thurkeim , homme peu estimé 
dans ce pays, et la teneur même du décret qui le 
nomme a quelque chose de propre à jeter encore 
quelque ombrage dans les esprits. J'apprends à l'in- 
stant que ce commissaire général se rend auprès de 
moi. J'aurai soin de l'y retenir, jusqu'à ce que j'aie 
reçu des ordres de Voire Majesté sur les destins du 
Tyrol. » 

« Sire, Votre Majesté me fait l'honneur de me Eu fr H â * a P- 
dire, par sa lettre du 22 courant, que les affaires de * 7 'Jgg 1 " 1 ™ 



266 MÉMOIRES DU PRINCE EUGÈNE 

ses finances ne lui permettront pas d'alléger en rien 
le trésor de son royaume d'Italie. J'ai pris connais- 
sance, depuis mon arrivée, de toutes les affaires de 
finances et du trésor, et je puis certifier ù Votre Ma- 
jesté que, si les comptes que les ministres m'ont 
mis sous les yeux sont réels, la différence entre les 
rentrées et la dépense sera tout au plus d'une couple 
de millions; mais je dois dire à Votre Majesté que, 
par le désordre qui règne dans les comptes de l'ad- 
ministration du département de la guerre, il m'a été 
de toute impossibilité de savoir précisément ce que 
ce ministère doit. Les dépenses ont été tellement 
exagérées ou faussement présentées, que j'ai dû en 
rejeter un grand nombre. 

« J'aurai l'honneur d'adresser sous peu de jours 
à Votre Majesté les comptes terminés de 1808, un 
aperçu de ceux de 1809, et le projet de loi des 
finances pour l'année 1810. Je chargerai le ministre 
des finances Prina de porter ce travail à Voire Ma- 
jesté. Je ne retarde son départ que dcquelquesjours, 
afin de faire discuter dans la section des finances au 
conseil d'Etat le projet de loi présenté par le minis- 
tre. J'espère que Votre Majesté voudra bien approu- 
ver le motif de ce léger retard. » 

Eu friian, ap " ci Sire, j'ai reçu la lettre dont Votre Majesté 

i8w m re m'a honoré, du 22 courant, et dans laquelle elle 

m'ordonne de lui envoyer un ouvrage sur la 

dernière campagne d'Italie \ J'ai l'honneur de 

lui rendre compte que je n'ai écrit ni permis à 

1 La relation d'après laquelle nous avons écrit la campagne (la 



L1V. XVI. - 1800 - CORRESPONDANCE 267 

personne d'écrire dans celte dernière campagne. 
Un Français établi à Milan, ou par un zèle malen- 
tendu, ou par fausse spéculation, a publié un ou- 
vrage portant, il est vrai, le litre de Campagne du 
prince Eugène en 1809; mais cet ouvrage avait été 
fait sans mon aveu : il contenait beaucoup de faus- 
setés, et, par-dessus, beaucoup d'inconvenances. J'ai 
écrit, de Vienne (où Ton m'avait adressé un exem- 
plaire), à la police de Milan de faire arrêter tout ce 
qui existerait de celte brochure, et de la faire brûler. 
J'ai même ordonné qu'il fût écrit en conséquence à 
Paris, parce que j'avais appris que cinquante exem- 
plaires y avaient été envoyés; voici l'exacte exposi- 
tion des faits. Je prie Votre Majesté de croire que je 
ne me permettrai jamais d'écrire et surtout de pu- 
blier rien qui pût me concerner. Ma personne est en- 
tièrement au service de Votre Majesté, mes actions 
ne sont que l'exécution de ses ordres, et, l'une 
comme les autres, lui appartiennent exclusive- 
ment. » 

« Sire, jai l'honneur de soumettre à Votre Majesté Eug.a Na P . 
un projet de décret pour la levée de la conscription w ******* 
de 1810 dans les vingt-cinq départements compo- 
sant son royaume d'Italie (compris l'Istrie el la Dal- 
malie). 

a J'ai porté le contingent à 12,000 hommes, 

l'armée d'Italie eu 1809, relation dictée en partie par le prince Eu- 
gène, et rédigée sur les documents officiels, fut rédigée beaucoup plus 
tard et resta inédite dans les cartons du vice-roi et de son chef d'état- 
major le général Vignolle. Le général de Vaudoncourt en eut aussi 
connaissance. 



268 MÉMOIRES DU PRINCE EUGÈNE 

comme pour Tannée 1809, dont 6,000 hommes 
pour l'armée active, et 6,000 hommes pour la ré- 
serve. Aussitôt que Votre Majesté aura daigné me 
faire connaître ses intentions, je m'empresserai de 
donner les ordres de détail pour en assurer la 
prompte exécution. » 

Eu 5iiî n r ! ap ' ° Sire, j'ai l'honneur d'adresser à Votre Majesté 
30 n mT hre un projet de décret portant amnistie pour tous les 
déserteurs et conscrits réfraclaires de son royaume 
d'Italie. Je pense que, dans les circonstances actuel- 
les, cette mesure contribuera beaucoup à pacifier 
les esprits et à ramener des montagnes du Tyrol et 
des autres points les déserteurs qui s'y sont réfu- 
giés et qui ne demandent aujourd'hui qu'à rentrer 
dans leur patrie. » 

Eu fûit£ ap ' c< Sire, j'ai l'honneur de rendre compte à Votre 
30 i809 ibrc Majesté qu'une frégate anglaise est entrée, le 22 de 
ce mois, dans le golfe de Tri este, et qu'elle a détaché 
deux embarcations qui se sont approchées de la 
ville, sur laquelle elles ont jeté des fusées incen- 
diaires. Plusieurs sont tombées près des vaisseaux 
russes, et d'autres dans la ville même, où elles n'ont 
causé aucun dommage. Le général commandant 
supérieur a, de suite, pris les mesures nécessaires 
pour éloigner ces embarcations et empêcher que de 
nouvelles ne s'approchassent. On a également pfacé 
les vaisseaux russes plus dans l'intérieur de la rade. 
« Le 23, la frégate n'était plus en vue. » 



LIV. XVI. — 1809 — CORRESPONDANCE 269 

« Sire, je m'empresse d'avoir l'honneur de trans- Ett | , l JJ a * 
mettre à Votre Majesté les nouvelles du Tyrol que je ^ «JJ lbr8 
reçois à l'instant du général Baraguey-d'Hilliers, à 
la date du 27 courant. La vallée du Winstchgau a 
envoyé au général une députation de tontes les com- 
munes jusqu'à Schtande inclusivement. Elle était 
conduite par le prêtre Damy, qui parait servir avec 
zèle la pacification. 11 arrive à chaque instant au quar- 
tier général des troupes bavaroises et saxonnes qui 
étaient prisonnières. On lui promet, pour le 25, les 
prisonniers français des 53 e et 13 e , faits, le 22, à 
Saint-Léonhard. Le 24, les municipalités et les curés 
doivent se réunir chez le général Baraguey-d'Hilliers 
dans les mêmes intentions pacifiques. 

« André Hoffer, lui-même, paraît avoir fait de- 
mander indirectement un sauf-conduit pour se rendre 
auprès du général Baraguey-d'Hilliers, qui s'est prêté 
à le lui accorder, regardant celte démarche comme 
de la plus haute importance pour l'entière pacifi- 
cation.» 

« Sire, j'ai l'honneur de rendre compte à Votre Ma- u ânan, ar " 

1" décembre 

jesté que le général Baraguey-d'Hilliers m'annonce, **° y 
par sa lettre du 28 novembre, que le désarmement 
de rUltenthal a été effectué dans les journées des 26 
et 27. Tous les esprits lui paraissent portés à la paix, 
et les paysans ont promis eux-mêmes de livrer une 
cinquantaine de misérables, qui, seuls, à l'approche 
de nos troupes, se sont réfugiés dans les neiges pour 
. éviter le châtiment de leurs crimes antérieurs. Nos 
soldats ont été accueillis cordialement, et les prêtres 



270 MÉMOIRES DU PRINCE EUGÈNE 

se sonl bien montrés. Le général se loue particuliè- 
rement du P. Richler. 

« II ajoute qu'il croit pouvoir avancer aussi que 
le Winstchgau est totalement soumis et pacifié. Tous 
nos prisonniers de Saint-Léonhard, avec leurs offi- 
ciers, ainsi qu'un grand nombre de Bavarois et de 
Saxons, et autres soldats tant de la Confédération du 
Rhin que des corps français de l'armée d'Allemagne 
et d'Italie, arrivaient le jour même, et devaient 
arriver le lendemain. Ce général dirige les prison- 
niers sur Botzen pour être à portée de les faire ren- 
trer dans leurs corps respectifs, soit en Allemagne, 
soit en Italie. 

« Enfin, il me marque que, le 27, des députés 
du Passeyer sont venus le trouver a Méran et qu'il 
leur a fait connaître mes volontés pour la remise 
des armes et autres effets pris aux soldats français et 
italiens. 

« Les routes continuent à être libres depuis qu'on 
en a chassé une vingtaine de brigands qui défen- 
daient les montagnes. » 

E de rSire nc <( ^ e m'empresse de vous informer, monsieur le 

La soiT*" duc ^e Feltre, des dernières nouvelles que je reçois 

17 décembre du Tyrol p en( i ant que j e général Baraguey-d'Hilliers 

était occupé à pacifier et désarmer le Passeyer, le 
Winstchgau et l'Ultenlhal, quelques bandes de bri- 
gands avaient interrompu la communication entre 
Botzen et Brixen, et entre Brixen, Pruneckenet Lîenz. 
Aussitôt que ces trois vallées rebelles ont été sou- 
mises, ce général a donné des ordres pour faire 



LIV. XVI. — 1809 — CORRESPONDANCE 271 

disperser les rassemblements que leur exemple avait 
suscités de nouveau. 

« La roule de Botzen à Brixen est maintenant par- 
faitement libre ; les brigands qui ont essayé de résis- 
ter ont été tués ou pris et fusillés ensuite; les mai- 
sons desquelles on avait tiré sur nos troupes ont 
été livrées aux flammes, et ces exemples sévères 
paraissent avoir produit un bon effet sur ces peuples 
ignorants et orgueilleux. Le Pusterthall va, sans 
doute, élre aussi bientôt rendu à la tranquillité, et 
il y a d'autant plus lieu d'espérer que le Tyrol tout 
entier sera bientôt paisible, que le désarmement s'o- 
père avec plus de succès et remet entre nos mains 
un très-grand nombre d'armes. Le Tyrol italien et la 
vallée de l'Inn sont parfaitement tranquilles. 

« Le général gouverneur de Zara me rend compte 
que les Autrichiens évacuent la Dalmatie et que tous 
les habitants que leur présence et leurs insinuations 
auraient soulevés sont rentrés dans le devoir. Il 
demande si, la tranquillité étant parfaitement réta- 
blie dans ce pays, les mesures qu'il avait prises 
après l'avoir déclaré en état de siège, aussitôt qu'il 
avait eu connaissance de la paix, doivent encore être 
continuées. Je vous prie de demander à Sa Majesté 
une décision à cet égard . 

« Je vous informe, monsieur le duc deFeltre, que, &v- »■ duc 
pendant que les communications se sont trouvées ^ ^mbre 
interrompues entre le Tyrol méridional et le Pus- 1809 * 
terthall, un mouvement général a eu lieu dans cette 
dernière vallée et dans toutes les vallées incidentes, 



272 MÉMOIRES DU PRINCE EUGÈNE 

et, le 30 novembre, à la même heure, tous les can- 
tonnements et postes de correspondance établis entre 
Brixen et Lienz ont élé enveloppes et attaqués. Nous 
avons perdu dans cette occasion quelques hommes 
du 6 e régiment de hussards, et une compagnie tout 
entière de voltigeurs du 84 e , qui ont été faits prison- 
niers. La tranquillité s'est depuis entièrement réta- 
blie dans cette contrée. Dans les endroits où on a pu 
joindre les rebelles, ils ont été attaqués vivement, 
et on leur a tué plusieurs centaines d'hommes; lés 
autres se sont dispersés, et sont rentrés chez eux ; 
mais on a fait des exemples sur plusieurs des princi- 
paux chefs, et cette sévérité a produit les plus heu- 
reux résultats, car le désarmement s'effeclue avec 
bien plus de facilité et de fruit, et maintenant nous 
avons un assez grand nombre de fusils et de cara- 
bines entre nos mains pour qu'on puisse croire n'a- 
voir plus rien à craindre. 

a Le Tyrol méridional continue à être tranquille; 
rien n'interrompt plus les communications d'aucun 
côté, et le général Drouet me mande que tout est 
paisible dans le pays où il commande, et que le 
désarmement lui a déjà produit plus de 9,000 fusils 
ou carabines. 

E "ê" Feur!?" c< J e m'empresse de vous informer, monsieur le 
^décembre duc de Fcltre, que tous les rapports que je reçois du 
im ' Tyrol confirment les espérances que l'on avait con- 
çues du rétablissement de la tranquillité dans tout 
ce pays. Une seule vallée du Pusterlhall, qui se 
croyait à l'abri derrière ses remparts de neige et de 



LIV. XVI. — 1809 — CORRESPONDAMiE 275 

glace, avait paru vouloir rester encore en insurrec- 
tion : c'est celle de Windisch-Matray ; mais ses habi- 
tants viennent de promettre au général Broussier de 
lui apporter leurs armes, el t s'ils ne tiennent pas 
leur promesse, ce général est prêt à les en punir et 
à les détruire entièrement. 

« A l'époque à laquelle une compagnie de volti- 
geurs a été prise à Nitendorf, un bataillon du même 
régiment, le 84* de ligne, a été attaqué à Saint- 
Ilhoir par des forces très- supérieures; il a fait 
sa retraite sur Lienz avec beaucoup de peine, et 
même en perdant une centaine d'hommes, tués, 
blessés ou faits prisonniers, mais avec beaucoup 
d'habileté et de courage. Je regrette de ne pouvoir 
en dire autant de la conduite qu'a tenue à Brixen le 

général X ; il paraît qu'il a montré une grande 

faiblesse. Le général Baraguey-d'Hilliers se plaint de 
lui, et assure que son âge et ses infirmités le mettent 
hors d'état de continuer à servir avec activité. » 

« Mon fils, donnez ordre que 5,000 hommes des ^;^ L n a * 
dépôts italiens se rendent en Catalogne pour com- ** i8œ mbre 
pléter les corps de divisions Pino et Lecchi. » 

« Sire, le ministre Aldini me fait connaître que Eu fcîii^ p " 
l'intention de Votre Majesté était que l'Istrie et la 4 }8io. er 
Dalmatie ne fassent plus partie de son royaume 
d'Italie. Votre Majesté a déjà compris la Dalmatie 
dans les provinces Illyriennes ; mais l'Istrie ex-véni- 
tienne en avait été exceptée. Je me permettrai, au 
sujet de celte dernière province, d'observer à Votre 
Majesté qu'elle forme un département organisé à 

M. 18 



274 MÉMOIRES DU PRINCE EUGÈNE 

l'instar des autres départements du royaume, et que 
cette organisation a eu lieu dès la réunion au 
royaume des pays ex-vénitiens. En second lieu, le 
royaume tire de l'Istrie ia plus grande partie du sel 
pour la consommation ; 3° la marine du royaume 
tire de l'Istrie (de la forêt de Montoue) tous les bois 
nécessaires aux constructions. Cette forêt a de tout 
temps été conservée et administrée avec le plus grand 
soin, car, sans les ressources qu'elle présente, il 
deviendrait impossible de construire à Venise. Je 
pourrai même citer à Votre Majesté que, les Autri- 
chiens ayant négligé celte forêt la dernière année 
qu'ils en ont eu la possession, on s'est trouvé à 
Venise dans le plus grand embarras, et il a fallu la 
surveillance la plus sévère pour préparer et fournir 
ensuite à l'arsenal les moyens d'exécuter les travaux 
qui ont eu lieu ces trois dernières années. 

« Je prie Votre Majesté de me donner ses ordres 
pour la communication à faire au Sénat d'Italie, soit 
que la Dalmatie demeure seule réunie, soit que l'Is- 
trie le soit également. » 



Eus. au duc 



*& ■ fSw. * « J'ai reçu, monsieur le duc de Feltre, votre lettre 

«janvier du 10 courant (3 e division, bureau du mouvement). 

Je m'empresse de vous donner connaissance des 

ordres que j'ai donnés pour l'exécution des intentions 

de l'Empereur. 

« Tous les régiments français qui étaient en Alle- 
magne rentrent en Italie, excepté trois bataillons 
que je laisse momentanément dans le cercle de Vil- 
lach, mais qui rentreront aussitôt qu'il sera possible. 



L1V. XVI. — 1809 — CORRESPONDANCE 275 

Chaque régiment d'infanterie et de cavalerie est placé 
dans une bonne garnison ; on établit l'état d'empla- 
cement de l'armée d'après ces dispositions, et j'es- 
père pouvoir vous l'envoyer sous peu. 

« Je ne puis, pour le moment, retirer les troupes 
françaises du Tyrol, leur présence est nécessaire pour 
consolider la tranquillité; mais, aussitôt qu'il sera 
possible, je les ferai rentrer en Italie et je ne lais- 
serai en Tyrol que les troupes italiennes. 

x « Le régiment d'Isembourg est à Rome; j'y en- 
voie également le régiment de Latour d'Auvergne 
pour y être à la disposition de Sa Majesté le roi de 
Naples, que je préviens de ce mouvement. 

« Quant à l'artillerie, je fais rentrer à Palma- 
Nova le matériel qui était attaché à la cavalerie, et 
celui de la division d'infanterie qui reste cantonné 
dans le Frioul. Le matériel des autres divisions d'in- 
fanterie et du grand parc rentre à Vérone et Man- 
toue. Le personnel de la division cantonné dans le 
Frioul reste, pour ce premier moment, à Palma- 
Nova, et tout le reste du personnel français rentre à 
Vérone, où est l'établissement de l'artillerie. 

Le personnel italien retourne à Pavie. Le général 
Sorbier, commandant l'artillerie de l'armée, s'occupe 
particulièrement de l'exécution de cet ordre ; il me 
remettra incessamment un état détaillé de cet empla- 
cement, que je vous adresserai. » 

« Sire, d'après la présentation que j'ai eu l'hon* euj.*n*p. 
neur de faire à Votre Majesté de quelques personnes, janvier 
pour être décorées de l'ordre de la Couronne de fer, 



276 MÉMOIRES DU PRINCE EUGENE 

elle a désiré connaître s'il y avait encore des places 

vacantes de commandeur. 

« Il existe une soixantaine de places vacantes. Je 
ne présente que six sujets, mais je supplierai Votre 
Majesté de me permettre d'en choisir une douzaine 
parmi les chevaliers, pour être présentés à sa nomi- 
nation comme commandeurs. Quant au nombre des 
chevaliers, il sera complet si Voire Majesté daigne 
approuver ces nominations. » 

Ed fcri?''' « Sire, la situation dans laquelle se trouvent deux 
"/hoT régiments italiens à l'armée d'Espagne m'engage à 
prier Votre Majesté d'autoriser leur retour dans son 
royaume. 

« L'un est le régiment de cavalerie chasseurs 
prince-royal. Ce régiment, créé et formé en Espagne 
avec un escadron de chacun des deux régiments de 
dragons et un du régiment de chasseurs royal-italien, 
a fait toutes les guerres depuis deux ans, a éprouvé 
des perles considérables, et se trouve réduit à une 
centaine de chevaux. Les hommes qui existent en 
Espagne sont un noyau précieux pour le dépôt des 
conscrits qui est en Italie; ils deviennent indispen- 
sables pour former les cadres des compagnies. Il faut 
les habiller, armer, équiper uniformément. En les 
enir, Votre Majesté créerait pour ainsi 
giment qui, sous peu de temps, serait à 
présenter un- boa service et un corps 

îxièmc régiment est le 5" de ligne. Ce ré- 
rti d'Italie à la fin de 1807, a fait toute la 



LIV. XVI. - 1809 — CORRESPONDANCE 277 

guerre d'Espagne. Il est réduit aux cadres de 3 ba- 
taillons. Il a perdu non-seulement par la guerre, 
mais encore plus par les évacuations d'hôpitaux. Ce 
corps a besoin d'un peu de repos pour se reformer 
et être mis en activité. Dans le cas, cependant, où 
Votre Majesté ne consentirait pas à le faire revenir 
jusqu'en Italie, je la prierai d'indiquer une garnison 
telle qu'Avignon ou Aix, où ce régiment pourrait se 
refaire, réunir tous ses hôpitaux et convalescents 
égarés, et se trouver enfin dans le cas d'entrer de 
nouveau en campagne. » 

« Mon fils, je vous avais mandé de faire venir ^Ç^J »- 
Hoffer à Paris ; mais, puisqu'il est à Mantoue, en- 1 \g l v £ eP 
voyez l'ordre de former sur-le-champ une commis- 
sion militaire pour le juger et le faire fusiller à l'en- 
droit où votre ordre arrivera. Que tout cela soit 
l'affaire de vingt-quatre heures. » 



« Mon fils, aussitôt que vous serez arrivé à Milan, Na {J^ a *' 
faites-vous rendre compte de ce qui concerne les 45 iîSof er 
marchandises séquestrées que j'ai fait transporter de 
Venise à Milan, et faites-les vendre sans délai. » 



LIVRE XVII 



DE NOVEMBRE 1809 AU 15 OCTOBRE 1810. 



§ I. — Le prince Eugène, de retour à Milan (14 novembre 1809), s'oc- 
cupe de l'administration intérieure du royaume. — Modifications 
ministérielles. — Départ du vice-roi pour Paris (commencement de 
décembre). — Le divorce. — Mission du commandant Tascher. — 
Anecdotes relatives au divorce. — Entrevue de l'Empereur avec l'im- 
pératrice Joséphine en présence du prince Eugène. — Soirée du 
15 décembre aux Tuileries. — Eugène au Sénat, 16 décembre. — 
Correspondance entre le vice roi et la princesse Auguste. — Règle- 
ment des affaires d'intérêt pour l'impératrice et le prince Eugène. 
— Duché de Francfort. — Affaire du domaine de Navarre. — 
Projets de Napoléon pour régler les intérêt? d'Eugène. 

§ II. — Retour d'Eugène à Milan (18 février 1810). — L'Istrie et la 
Dalmatie enlevées au royaume d'Italie. — Réunion du haut Adige 
à ce royaume. — Départ du prince Eugène et de la princesse Au- 
guste pour Paris (12 mars 1810). — Ils reviennent à Milan en 
juillet. — Voyage du vice-rot a Venise en septembre 1810. 



I 



Le prince Eugène, ainsi que nous l'avons dit, 
revint à Milan le 14 novembre 1809. Il s'occupa 
immédiatement de donner tous ses soins à l'admi- 
nistration intérieure du royaume d'Italie. Il fit pro- 



280 MÉMOIRES DU PRINCE EUGÈNE 

muiguer le décret royal qui fixait les attributions du 
Sénat. Ce corps devint le premier de l'État, par 
suite des prérogatives qui lui furent accordées. 

On se rappelle que le corps législatif ayant vive- 
ment mécontenté et blessé l'Empereur en essayant, 
dès 1805, une opposition maladroite lors du vote de 
la loi des finances, Napoléon avait à cette époque 
écrit à son fils adoptif pour lui dire que tant qu'il 
régnerait sur le royaume d'Italie il ne réunirait pas 
le corps législatifs 

Le Sénat fut en quelque sorte mis en son lieu et 
place. Il fut chargé de l'examen des comptes des 
ministres, de faire connaître au souverain les be- 
soins et les vœux de la nation, de juger les questions 
d'inconstitutionnalité qui viendraient à se produire 
dans les actes des collèges électoraux. 

Le vice-roi opéra aussi quelques modifications 
assez importantes dans le ministère du royaume 
d'Italie. 

Le premier ministre de l'Intérieur avait été M. Fé- 
lici, remplacé bientôt après par M. le comte de 
Brème, nommé à la suite de la mission délicate qu'il 
avait remplie à l'armée du maréchal Masséna en 
1805. M. de Brème, d'un caractère un peu faible, 
n'avait pas l'énergie nécessaire pour remplir des 
fonctions pour lesquelles il fallait une grande vi- 
gueur. Tout était à créer, à organiser, et l'on ne 
crée pas, l'on n'organise pas sans avoir à lutter 
contre des oppositions souvent systématiques, sans 
avoir à briser des volontés qu'on doit soumettre à 
la sienne. Il eut pour successeur le conseiller d'État 



LIV. XVII. - 1809 281 

Vaccari, homme d'une grande énergie, travailleur 
infatigable, zélé et intègre, et qui rendit en peu de 
temps les meilleurs services au royaume d'Italie. Le 
sénateur Guicciardi, directeur général de la police, 
créature de Melzi, fut remplacé par le conseiller 
d'Étal Mosca. Guicciardi remplissait souvent les fonc- 
tions délicates de son ministère en employant des 
formes irritantes qui faisaient des ennemis au gou- 
vernement. Le conseiller Mosca mit plus de réserve, 
d'intelligence et en même temps plus de surveillance 
dans l'accomplissement de ses importants devoirs. 
Il comprit que la police doit être la- gardienne des 
mœurs, la protectrice des citoyens paisibles, la sen- 
tinelle du pouvoir, la terreur des conspirateurs et 
des gens malintentionnés. 

Le canon de la ville de Milan avait appris aux 
habitants de la capitale du royaume d'Italie le retour 
dans leurs murs du jeune prince dont ils aimaient 
le caractère loyal, dont ils appréciaient la bonté, les 
vertus et les talents. Grande fut la joie parmi eux 
lorsque cette bonne nouvelle fut. connue de tout le 
monde. La ville, par l'organe de son conseil muni- 
cipal, se hâta d'offrir au prince et à la princesse 
Auguste des fêtes votées par acclamation pour célé- 
brer l'heureux événement de la paix et le retour du 
"vice-roi. Un bal au théâtre de la S cala, un bal public 
dans les jardins de Porte Riconasanza, furent dé- 
cidés pour le 2 décembre. En outre, le jour suivant, 
5 décembre, un Te Deum devait être chanté, à midi, 
dans la cathédrale, et soixante jeunes filles, choi- 
sies de préférence parmi les sœurs ou les filles de 



282 MÉMOIRES DU PRINCE EUGÈNE 

militaires ayant fait la dernière campagne d'Alle- 
magne, devaient être dotées. 

Ces fêtes allaient être remplacées pour le vice-roi 
par un événement bien triste pour son cœur filial. 
Napoléon avait résolu le divorce avec l'Impératrice 
Joséphine, et le prince fut appelé à Paris par la lettre 
suivante de l'Empereur, lettre datée du 26 novembre: 

« Mon lils, je désire, si aucun empêchement ma- 
jeur ne vous en empêche, que vous parliez de Milan 
de manière à arriver à Paris le 5 ou le 6 décembre. 
Venez seul avec trois voitures et quatre ou cinq per- 
sonnes de votre service d'honneur. Passez par Fon- 
tainebleau. Ceci est en supposant que des événements 
majeurs ne vous empêchent pas de partir. » 

Quelques auteurs ont prétendu que le vice-roi 
avait eu connaissance des projets de l'Empereur dès 
la fin de la campagne d'Allemagne, à Vienne; mais 
les documents qu'on trouvera à la correspondance 
prouvent d'une manière irrécusable qu'il était loin 
de s'attendre à une pareille nouvelle 1 . 

Le prince quitta donc Milan, pour se rendre à 
Paris, sans assister aux fêtes préparées pour son 
retour. Il fut remplacé par la vice-reine, qui, elle 
aussi, ignorait encore à ce moment le coup fatal 
prêt à atteindre sa nouvelle famille. 

Eugène avait été précédé à Paris par un de ses 
aides de camp, le commandant Tascher de la Pa- 
gerie, qu'il avait chargé, ainsi que nous l'avons dit, 

1 Tout ce qui a rapport au divorce est résumé, du reste, arec une 
vérité et un talent admirables, dans V Histoire du Consulat et de 
PEmpire de M. Thiers. 



L1V. XVII. — 1809 * 283 

d'une mission en Tyrol pour avoir le prétexte de 
l'envoyer en France. Le voyage de ce jeune officier 
donna lieu à une circonstance que nous allons ra- 
conter ici, car elle permet d'apprécier certains faits 
historiques relatifs au divorce, et de tirer certaines 
inductions, entre autres celle que ni le prince 
Eugène ni la princesse Auguste ne connaissaient 
les projets de Napoléon lors du départ du prince et 
jusqu'à son arrivée à Fontainebleau , et que Napoléon 
craignait sans doute d'être deviné s'il avait auprès 
de lui des gens dévoués, à l'impératrice Joséphine, 
comme l'était naturellement son parent Tascher. 

Après avoir reçu de son aide de camp le rapport 
sur la situation du Tyrol, le prince Eugène, désireux, 
ainsi qu'il l'avait promis au jeune Tascher, de lui 
procurer l'occasion de se rendre auprès de sa fa- 
mille, l'autorisa à aller donner de vive voix à l'Em- 
pereur des explications sur l'état des choses dans le 
pays insurgé qu'il avait parcouru. 

Le commandant Tascher partit donc pour Paris à 
la fin de novembre, aussi ignorant de la raison qui 
faisait désirer à l'Empereur de ne pas le voir auprès 
de sa cousine l'impératrice Joséphine que le prince 
Eugène l'était lui-même de ce qui se tramait contre 
sa mère \ 

1 Une circonstance assez singulière aurait peut-ôtre pu donner quel- 
ques soupçons au commandant Tascher; il se la rappela plus tard» 
mais il était alors trop jeune pour y faire grande attention. Après l'ar- 
mistice de Znaïm, Tascher logeait au palais du duc Albert de Saxe 
Teschen à Vienne . Il s'était lié avec un M. de Landriani et avec le 
feld-maréchal Manfrédini, tous deux amis du prince Albert. En pre- 
nant congé de ces messieurs et après les plus tendres adieux : « Que 



m MÉMOIRES DU PRINCE EUGÈNE 

En débarquant à Paris, l'aide de camp crut de 
son devoir de se rendre immédiatement aux Tuile- 
ries. 11 était huit heures et demie du matin. Il se fit 
annoncer à l'Empereur comme envoyé en mission 
par le prince vice-roi. Napoléon le fit entrer sur-le- 
champ dans son cabinet. La figure du souverain était 
pâle, soucieuse, et n'exprimait nullement la bonté 
dont Tascher avait été si souvent l'objet. xVpostro- 
phant brusquement le jeune officier : a Est-ce pour 
m 'espionner, lui dit-il, qu'Eugène t'envoie? » 

Grande fut la stupéfaction de l'aide de camp, nulle- 
ment au fait de la situation à l'égard de l'Impératrice, 
lorsqu'il entendit ces paroles, prononcées d'un tonde 
reproche, sortir de la bouche de l'Empereur. Atterré 
et ne comprenant rien à ce que voulait lui dire Napo- 
léon, il eut cependant assez de force et de présence 
d'esprit pour lui répondre qu'il avait trop d'estime 
à l'égard du prince Eugène pour penser que le vice-roi 
pût vouloir lui faire faire le métier d'espion, et que, 
quant à lui, il était avant tout homme d'honneur et de 
reconnaissance; que, du reste, il venait duTyrol dans 
le but de rendre compte de sa mission. «As-tu vu (a 
cousine? demanda alors l'Empereur. — Non, Sire, 
reprit Tascher, je descends de ma chaise de poste, 
qui m'attend encore dans la cour des Tuileries, 
et je n'ai vu personne. » Ces mots parurent pro- 
duire sur l'Empereur une sorte d'impression, car 
il reprit son calme et adressa au commandant une 

sait-on, lui dit Tun d'eux, peut-être verrez- vous à PjHs nos archiducs 
plutôt que vous ne pensez. Peut-être, la paix faite, verrez-vous d'au- 
tres alliances qui en seront le résultat. 



L1V. XVII. — 180» 2&5 

foule de questions sur ce qui s'était passé en Tyrol, 
sur ce qu'il avait vu et fait dans ce pays ; il prit 
ensuite le rapport rédigé d'avance par Tascher, et, 
après une demi-heure d'entretien, il lui montra 
tout à coup une petite porte donnant sur un esca- 
lier dérobé ethii dit : « Descends chez ta cousine. » 
De plus en plus étonné, Tascher se hâta de faire ce 
qu'on lui ordonnait, et l'escalier le mena du cabinet 
de l'Empereur dans l'appartement de l'impéra- 
trice Joséphine. 

Le bruit de ses pas avertit l'Impératrice, qui crut 
à une visite de Napoléon. Elle vint au-devant de son 
jeune parent, et, l'ayant reconnu, elle se jeta dans ses 
bras en fondant en larmes et lui dit les paroles sui- 
vantes, qui donnèrent enfin à Tascher le mot de toute 
cette énigme : « Il m'abandonne, il veut le divorce, 
où est Eugène? quand arrive-t-il? — Je l'ignore, 
madame, répondit Tascher, commençant à se rendre 
compte des premières paroles et de la colère de 
Napoléon en le voyant, je l'ignore; toutefois, lorsque 
j'ai quitté Milan, il y a peu de jours, le prince ne 
m'a nullement paru inquiet de l'avenir de Votre 
Majeslé. Il ne m'a pas parlé de son arrivée pro- 
chaine, et, si telle eût été alors son intention, il est 
à présumer qu'il me l'eût fait connaître. Sa sécurité, 
je puis vous le garantir, était parfaite. » 

Tascher s'entretint alors longuement avec l'Impé- 
ratrice. Il lui raconta la scène dont, bien innocem- 
ment, il venait d'être l'objet de la part de l'Empe- 
reur. Joséphine pleurait, sanglotait, « Àh ! disait- 
elle, si au moins c'était pour son bonheur ! Va de 



286 MÉMOIRES VU PRINCE EUGÈNE 

suite chez Hortense, qui esl inquiète de son frère. » 
Entendant du bruit dans la chambre voisine, Tas- 
cher pensa que l'Empereur venait, et il se relira. 
C'était Napoléon, en effet, qui entrait chez l'Impéra- 
trice, dont les sanglots continuèrent. Tascher se 
rendit auprès de la reine Hortense, et là il apprit 
que le vice-roi, mandé par l'Empereur, était parti 
de Milan, qu'il était en route et attendu sous peu à 
Paris. Quelques jours plus lard, en effet, la Reine 
fît venir Tascher et lui dit qu'elle allait au-devant 
de son frère, pour le metlre bien au courant de 
la situation, avant qu'il vit l'Empereur. La Reine 
devait prendre la route directe de Lyon, elle prescri- 
vit à l'aide de camp de suivre la route d'Orléans, 
Candis que M. de Lavallette prendrait une troisième 
direction. De celle façon, elle était sûre que l'un 
des trois rencontrerait le prince et qu'on aurait le 
temps de le prévenir *. 

Le prince partit de Milan le 1" décembre. Le 3, 
à quatre heures après midi, il écrivit de l'hospice du 
Mont-Cenis à la princesse Auguste la lellre suivante : 
\< Me voici arrivé à l'hospice du Mont-Cenis, ma 
très-chère Auguste, et, comme mes voilures sont en- 
core en arrière, je vais manger un morceau, et je me 
rappelle en attendant à ton souvenir. La montagne 
a été très- mauvaise tous ces jours-ci, la Reine de 



1 On comprend que nous tenons tous ces détails de M. le général 
comte Tascher de la Pagerie lui-même. Il a bien voulu rédiger une 
note à ce sujet et nous assurer plusieurs fois que toutes ces scènes, 
toutes ces paroles, étaient présentes à sa mémoire comme si elles 
avaient eu lieu la veille. 



LIV. XVII. — 4809 287 

Naples est restée trois jours pour In passer 1 . Moi, 
j'arriverai ce soir à Lanslcbqurg, mais je crains que 
mes Toitures n'y arrivent que tard cette nuit, de 
sorte que je perdrai au moins douze heures en plus 
de mon calcul. 

(( Nous nous portons bien, Caprara, Battaglia et 
moi. Je ne sais rien des autres, puisque leur voilure 
est aussi en arrière. » 

Le prince arriva à Fontainebleau le 6 décembre, 
et à Paris le 7 au matin. Il s'empressa d'écrire à sa 
femme : 

« Je suis arrivé ici ce matin, ma très-chère Au- 
guste. Ma sœur est venue au-devant de moi jusques 
au delà de Fontainebleau, et, comme je serais arrivé 
cette nuit (à Paris) j'ai préféré coucher dans ce der- 
nier endroit; j'ai été bien heureux de retrouver ma 
bonne sœur ! 

« Je n'ai pu te dire, mon amie, avant mon départ 
les raisons de mon voyage, parce que je les ignorais 

moi-même Il est indispensable pour le repos de 

l'Empereur que tout se termine convenablement. Tu 
me connais assez pour savoir dans quelle position 
je me trouve. La chose qui me soutient le plus en 
cette circonstance, c'est l'idée que je possède ton 
cœur et que tes sentiments pour moi sont comme 
ton âme, au-dessus de tous les événements. J'ai vu 
ce soir aux Tuileries le roi de Saxe; nous avons 
beaucoup parlé de toi ensemble. J'irai faire demain 
toutes mes visites d'étiquette; je ne sais pas en con- 
science à quelle heure cela sera fini. 

* La Reine arriva à Paris au commencement de décembre. 



288 MÉMOIRES DU PRINCE EUGÈNE 

« Adieu, ma bonne amie, je t'aime et t'aimerai 
toute ma vie, ainsi que nos deux chers enfants. Je 
serai de retour à Milan beaucoup plus tôt que je 
ne me Tétais imaginé. » 

Le vice-roi descendit à l'hôtel de Marbœuf, qui 
appartenait au roi Joseph, son propre hôtel étant 
alors occupé par un autre des frères de l'Empereur. 
Il se rendit chez Napoléon, puis chez l'Impératrice, 
avec laquelle son entrevue fut des plus douloureuses. 
Le prince, comprenant tout ce que la séparation 
avait de pénible, et cependant combien il importait 
pour la tranquillité future et même pour la santé 
de son excellente mère d'abréger autant que possible 
les choses, résolut de demander à Napoléon, pour 
Joséphine, une entrevue dans laquelle les deux 
époux auraient en sa présence une explication posi- 
tive, loyale, catégorique. 

L'Empereur y consentit. Le soir même l'entre- 
vue eut lieu. Napoléon présenta le divorce comme 
une nécessité politique, indispensable à la stabilité 
et même à la tranquillité de l'Empire. Joséphine ré- 
ponditque, puisqu'il y allait du bonheur de la France, 
cette considération devant l'emporter sur toute autre» 
elle était prête à se sacrifier pour son pays. Puis, 
les yeux remplis de larmes, elle s'écria : « Une 
fois séparés, mes enfants seront oubliés. Faites 
Eugène roi d'Italie, ma tendresse maternelle sera 
tranquille et votre politique sera applaudie, j'ose le 
croire, par toutes les puissances étrangères. » Le- 
prince vice-roi, en entendant cette espèce de prière 
adressée par sa mère à l'Empereur, prit la parole 



LIV. XVII. -1809 289 

avec vivacité pour demander qu'il ne fût pas ques- 
tion de lui. dans toute celle affaire. — Votre fils, 
ajouta-t-il, ne voudrait pas d'une couronne qui se- 
rait le prix de voire séparation. — Si vous souscri- 
ves aux volontés de l'Empereur, c'est à vous seule 
qu'il doit penser. » Napoléon dit alors : « Je recon- 
nais le cœur d'Eugène ; il a raison de s'en rapporter 
à ma tendresse. » 

La vice-reine, en apprenant par les lettres de son 
mari la fatale nouvelle du divorce, écrivit au prince 
Eugène le 13 décembre : 

« Je ne sais pas ce que je t'ai écrit hier & , mon 
tendre et bien-aimé époux ; la nouvelle du divorce 
m'a accablée ; ma douleur est d'autant plus forte, 
puisque c'est pour toi que je souffre ; je me repré- 
sente ta triste position, et, quoique bien loin, je vois 
la joie imprimée sur les visages de ceux qui nous 
font tant de mal. Mais on ne peut pas te faire celui 
qu'on voudrait, puisqu'on ne peut pas t'ôter une ré- 
putation sans tache et une conscience sans reproche. 
Tu n'as point mérité ces malheurs, je dis ces, car 
je suppose qu'on nous en préparc encore d'autres ; 
je suis préparée -a tout ; je ne regretterai rien si ta 
tendresse me reste; au contraire, je serai heureuse 
de pouvoir te prouver que je ne t'aime que pour toi. 
Effacés de la liste tles Grands, on nous inscrira sur 
celle des heureux, cela ne vaut-il pas mieux? Je 
n'écris pas à ta pauvre mère, que lui dirais-je? As- 
sure-la de mon respect et de ma tendresse. Tu me 



1 Cette lettre du 1 2 ne nous a pas été envoyée. 



290 MÉMOIRES DU PIUNCK EUGÈNE 

dis que ton retour sera prochain, ces paroles m'ont 
soulagée dans ma tristesse, et je l'attends avec impa- 
tience. Ne crois pas que je me laisse abattre; non, 
mon Eugène, mon courage égale le lien, et je veux 
te prouver que je suis digne d'être ta femme. Adieu, 
cher ami, continue-moi ta tendresse et crois à celle 
que je t'ai vouée jusqu'au dernier moment de ma 
vie. » 

Grâce a cette entrevue décisive demandée par le 
prince Eugène et dans laquelle la séparation fut con- 
venue d'un accord commun entre Napoléon et José- 
phine, la dissolution des liens qui unissaient les deux 
souverains prenant les formes plus décentes d'un 
consentement mutuel, le prince Eugène, archichan- 
celier d'État de l'Empire, crut pouvoir remplir le 
pénible devoir que lui imposait celte charge, sans 
manquer au respect, à l'affection filiale qu'il devait 
à sa mère. 

Le 15 décembre fut le jour fixé par l'Empereur 
pour l'accomplissement du sacrifice imposé à José- 
phine au nom de la France. A neuf heures du soir, le 
prince* archichancelier Gambacérès duc de Parme, 
assisté du ministre d'Etat et de la famille impériale 
comte Regnault de Sainl-Jean-d'Angely, se rendit 
dans la salle du trône. Bientôt après ils furent intro- 
duits tous les deux dans le grand cabinet de l'Empe- 
reur, où se trouvaient Napoléon, Joséphine, le roi 
Louis, le roi Jérôme, le roi Murât, les reines d'Es- 
pagne,, de Naples, de Hollande, de Westphalie, Ma- 
dame mère, la princesse Pauline et le prince Eugène. 

L'Empereur, adressant alors la parole à Camba- 



LIV. XVII. ~ 180* »t 

cérès, lui dit : a La politique de ma monarchie, 
l'intérêt et le besoin de mes peuples, qui ont con* 
stamment guidé toutes mes actions, veulent qu'après 
moi je laisse à des enfants, héritiers de mon amour 
pour mes peuples, ce trône où la Providence m'a 
placé. Cependant, depuis plusieurs années J'ai perdu 
l'espérance d'avoir des enfants de mon mariage 
avec ma bien-aimée épouse l'Impératrice Joséphine; 
c'est ce qui me porte à sacrifier les plus douces affec- 
tions de mon cœur, à n'écouter que le bien de l'État, 
et à vouloir la dissolution de notre mariage.,... J'ai 
le besoin d'ajouter que loin d'avoir jamais eu i me 
plaindre, je n'ai au contraire qu'à me louer de l'atta- 
chement et de la tendresse de ma bien-aimée épouse. 
Elle a embelli quinze ans de ma vie; le souvenir en 
restera toujours gravé dans mon cœur. Elle a été cou- 
ronné de ma main ; je veux qu'elle conserve le rang 
et le titre d'Impératrice, mais surtout qu'elle ne 
doute jamais de mes sentiments et qu'elle me tienne 
toujours pour son meilleur et son plus cher ami. » 

Après le discours de Napoléon, Joséphine prit à 
son tour la parole pour lire l'acte formel de sépara- 
tion. La tendre affection, l'exemple de ses enfants 
avaient paru lui rendre un peu de courage. Elle 
voulut s'efforcer de se montrer calme: elle voulut en 
ce moment solennel surmonter les émotions bien 
naturelles qui faisaient battre son cœur. Elle lut un 
discours que le Moniteur reproduisit en entier le 
surlendemain, discours qu'elle fut forcée d'inter- 
rompre à plusieurs reprises. 

Le samedi 16 décembre 1809, à onze heures du 



292 MÉMOIRES DU PRINCE EUGÈNE 

malin, les membres du Sénat se réunirent en grand 
costume dans leur palais en vertu d'ui^ordre de con- 
vocation de l'Empereur. Le prince archichancelier 
de l'Empire désigné pour présider, ayant été reçu avec 
les honneurs d'usage, la séance fut ouverte, en pré* 
sence des rois de Westphalie, de Naples et du vice-roi 
d'Italie. Le prince Eugène, qui pour la première fois 
prenait place au milieu des sénateurs, ayant été admis 
à prêter le serment entre les mains de l'archichance- 
lier, prononça le discours suivant : « Depuis que les 
bontés de S. M. l'Empereur et Roi m'ont appelé à 
compter parmi vous, des témoignages de sa con- 
fiance m'ont tenu continuellement éloigné de Paris, 
et c'est pour la première fois, aujourd'hui, que j'ai 
le bonheur de paraître dans votre sein. Je suis heu- 
reux de pouvoir vous dire qu'au milieu des bienfaits 
dont Sa Majesté n'a cessé de me combler, j'ai été 
particulièrement sensible à l'honneur qui m'était 
accordé de faire partie du premier corps de l'Em- 
pire - h agréez,» etc. 

Après la prestation du serment du vice-roi, et la 
réponse du président, les orateurs du Conseil d'État 
comte Regnault deSaint-Jean-d'Angely et Defermon, 
ministres d'État, furent introduits, et le président 
du Sénat annonça le projet du.divQrce de l'Empe- 
reur qui allait être soumis à l'assemblée. « La noble 
et touchante adhésion de Sa Majesté l'Impératrice, 
dit en terminant l'archichancelier, est un témoi- 
gnage glorieux de son affection désintéressée pour 
l'Empereur, et lui assure des droits éternels à la re- 
connaissance de la nation. » 



LIV. XVII. - 1809 393 

Le comte Regnault soumit ensuite le projet de 
sénatus-consulte portant dissolution du mariage con- 
tracté entre l'Empereur Napoléon et l'Impératrice 
Joséphine, puis il ajouta, en parlant des deux époux : 
« Leurs cœurs se sont entendus, pour faire au plus 
grand des intérêts le plus noble des sacrifices; ils 
se sont entendus, pour faire parler à la» politique et 
au sentiment le langage le plus vrai, le plus persua- 
sif, le plus fait pour convaincre et pour émouvoir... 
C'est désormais au peuple français à se faire en- 
tendre. Sa mémoire est fidèle comme son cœur. 11 
réunira dans sa pensée reconnaissante les espé- 
rances de l'avenir et les souvenirs du passé, et ja- 
mais monarques n'auront recueilli plus de respect, 
d'admiration, de gratitude et d'amour que Napoléon 
immolant la plus sainte de ses affections au besoin 
de ses sujets, que Joséphine immolant sa tendresse 
pour le meilleur des époux, par dévouement pour 
le meilleur des rois, par attachement pour le meil- 
leur des peuples. Acceptez, messieurs, au nom de la 
France attendrie, aux yeux de l'Europe étonnée, ce 
sacrifice, le plus grand qui ait été fait sur la 
terre,» etc., etc. 

Après ces discours un peu ampoulés, tels qu'on 
les faisait volontiers sous le premier Empire, le 
prince Eugène, à son tour, prit la parole et dit : 

a Vous venez d'entendre la lecture du projet de 
sénatus-consulte soumis à votre délibération. Je crois 
devoir, dans cette circonstance, manifester les sen- 
timents dont ma famille est animée. 

« Ma mère, ma sœur et moi, nous devons tout à 



294 MÉMOIRES DU PRINCE EUGÈNE 

l'Empereur. Il a été pour nous un véritable père; il 
trouvera en nous, dans tous les temps, des enfants 
dévoués et des sujets soumis. 

ce II importe au bonheur de la France que le 
fondateur de celte quatrième dynastie vieillisse en- 
vironné d'une descendance directe qui soit notre 
garantie à tous, comme le gage de la gloire de la 
patrie. 

« Lorsque ma mère fut couronnée par toute la 
nation parles mains de son auguste époux, elle con- 
tracta l'obligation de sacrifier toutes ses affections 
aux intérêts de la France. Elle a rempli avec cou- 
rage, noblesse et dignité ce premier des devoirs. 
Son âme a été souvent attendrie en voyant en bulle 
à de pénibles combats le cœur d'un homme accou- 
tumé à maîtriser la fortune, et à marcher toujours 
d'un pas ferme à l'accomplissement de ses grands 
desseins. Les larmes qu'a coûté cette résolution à 
l'Empereur suflisent à la gloire de ma mère. Dans 
la situation où elle va se trouver, elle ne sera pas 
étrangère par ses vœux et par ses sentiments aux 
nouvelles prospérités qui nous attendent, et ce sera 
avec une satisfaction mêlée d'orgueil qu'elle verra 
tonl ce que ses sacrifices auront produit d'heureux 
pour sa patrie et pour son Empereur. » 

Le projet, renvoyé à une commission spéciale qui 
fit son rapport dans la même séance, fut adopté, 
ainsi que cela devait être, et converti immédiate- 
ment en sénatus-consulte, ainsi qu'il suit : 

Art. 1 er . Le mariage contracté entre l'Empereur 
Napoléon et l'Impératrice Joséphine est dissous. 



LIY. XVII. - 4809 295 

Art. 2. L'Impératrice Joséphine conservera les 
lilre et rang d'Impératrice-Reine couronnée. 

Art. 5. Son douaire est fixé à une rente annuelle 
de 2,000,000 de francs sur le trésor de l'État. 

4 

Art. 4. Toutes les dispositions qui pourront être 
prises par l'Empereur, en faveur de l'Impératrice 
Joséphine, sur les fonds de la liste civile, seront 
obligatoires pour ses successeurs. 

Art. 5. Le présent sénatus-consulte sera transmis 
par un message à Sa Majesté l'Impéralri ce-Reine. 

Le jour même de cette séance au sénat, 16 dé- 
cembre, le prince Eugène écrivit à la vice-reine : 

« Il ne m'a pas été possible de t' écrire hier, ma 
bonne Auguste, parce que je suis resté chez 1 Impé- 
ratrice jusqu'à minuit. — Enfin, celle séparation de 
l'Empereur et de ma mère, dont on entretenait le 
public depuis si longtemps, est terminée depuis hier 
soir ! Il y a eu aux Tuileries une assemblée de fa- 
mille, L'Empereur y a exposé les raisons qui exi- 
geaient qu'il se séparât de son épouse, et qui com- 
mandaient ce sa cri lice; l'Impératrice a répondu avec 
noblesse et dignité, et non sans la plus touchante 
sensibilité. L'archichancelier a dressé procès-verbal 
de la séance, et nous avons tous signé. Après cela, il 
y eut un conseil privé où on lut le projet du sénatus- 
consulte. Ce matin je me suis rendu à la séance du 
sénat, où, suivant les désirs de l'Empereur, j'ai 
exprimé les sentiments dont ma famille était animée 
dans cette circonstance. Tout s'est passé avec calme, 
et l'Impératrice a déployé le plus grand courage et la 
plus grande résignation. Demain ou après-demain 



296 MÉMOIRES bU PRINCE EUGÈNE 

on publiera dans les journaux toutes les pièces el tu 
les y verras. L'Empereur va à Tri a non, l'Impératrice 
à la Malmaison, et je pars à l'instant pour l'y rejoin- 
dre. Adieu, ma très-chère Auguste, je t'aime, ainsi 
que nos deux enfants, au-dessus de toute expression. 

« Le Roi et la Reine de Bavière arrivent jeudi 
prochain. Ils doivent loger dans l'hôtel que j'occupe 
en ce moment, et moi je viens prendre un petit 
appartement aux Tuileries. Je crois que je passerai 
encore quelques jours avec Leurs Majestés. 

« L'Impératrice et ma sœur t'embrassent. » 

Tiindis qu'Eugène écrivait de Paris, à la vice- 
reine, la lettre ci-dessus, celle noble femme lui 
écrivait au même instant, le même jour, 16 dé* 
cembre, de Milan, la belle lettre suivante : 

« Je suis résignée à tout et me soumets à la vo- 
lonté de Dieu ; la grandeur d'âme pourra étonner 
beaucoup de monde, mais pas ta femme, qui t'en 
aime, s'il est possible, encore davantage, J<5 te prou- 
verai, mon cher Eugène, que je n'ai pas moins de 
courage et de force d'âme que loi, quoique j'étais 
éloignée de m'ai tendre à des événements aussi tristes, 
surtout dans ce moment-ci. Tes petiles se portent 
bien ; Dieu sait quel avenir les attend ! 

a Adieu, le meilleur des époux, sois persuadé que 
mon unique désir est de faire ce que lu peux sou- 
haiter, et de te donner des preuves de ma tendresse 
qui ne finira qu'avec la vie de ta fidèle épouse. » 

Ainsi qu'il l'avait écrit à la vice-reine, Eugène 
n'avait pas voulu quitter sa mère après l'acte dou- 
loureux auquel Joséphine, Horlensc et lui s'étaient 



LIV. XVII. -1809 297 

• 

prêtés avec tant de courage, d'abnégation et de 
grandeur d'âme. Il écrivit de là, le 17 décembre, à 
la princesse Auguste, la lettre qu'on va lire et qui 
peint toute la beauté d'âme, la noblesse de carac- 
tère et de sentiments du jeune prince : 

« Nous voici à Malmaison depuis hier soir, ma 
très-chère Auguste. Si le temps avait été plus beau, 
nous aurions pu passer une journée moins triste ; 
mais il n'a pas cessé de pleuvoir*. L'Impératrice se 
porte bien. Sa douleur a été assez vive ce matin en 
revoyant les lieux qu'elle avait habités si longtemps 
avec l'Empereur; mais son courage a repris le 
dessus, et elle est résignée à sa nouvelle position. 
Moi, je crois fermement qu'elle sera plus heureuse 
et plus tranquille. Nous avons eu ce matin quelques 
visites. On ne parle, nous dit-on, à Paris, que de 
notre courage et de la résignation de l'Impératrice. 
Ils seraient bien sols ceux qui pourraient croire que 
j'ai regretté quelque faveur ou quelque élévation. 
J'espère qu'à la manière dont j'ai pris la chose je 
convaincrai les plus incrédules que je suis au-dessus 
de tout cela. Je ne te cacherai pas que je n'ai eu 
qu'une seule inquiétude, c'était de penser que cet 
événement pourrait te faire de la peine. J'ai cepen- 
dant été tant de fois à même d'apprécier ton excel- 
lent caractère, que j'aime à penser que lu seras la 
première de mon avis. Tu as dû voir toutes les 
pièces de cette affaire dans le Moniteur de ce matin ; 
j'espère que je serai bientôt à Milan, et là tu me 
diras franchement ta façon de penser. » 

Il nous reste à parler maintenant de la manière 



• 



298 MÉMOIRES DU PRINCE EUGÈNE 

dont furent réglées par l'Empereur les affaires d'in- 
térêt de l'Impératrice et celles de son fils le prince 
Eugène. 

Lorsque le divorce eut été décidé, et que les détails 
relatifs à ce projet commencèrent à être connus, 
l'attention publique fut vivement occupée de tout ce 
qui avait rapport à cet événement. 

Il faut relire les publications officielles et autres 
de ce temps pour comprendre combien Napoléon 
mettait d'importance à cette détermination, et à ce 
que l'opinion publique fût pénétrée du dévouement 
si remarquable avec lequel l'Impératrice Joséphine 
avait acquiescé à cette séparation. Les éloges les 
plus grands, et, il faut le reconnaître, les mieux 
mérités, étaient donnés à la compagne si affectionnée 
de l'Empereur, qui sacrifiait ainsi son bonheur à 
celui de son époux, à l'intérêt de la France entière. 

Dans les entretiens qui eurent lieu alors entre les 
deux époux, Napoléon dit à Joséphine qu'il lui don- 
nerait le domaine de Navarre, érigé en duché, à titre 
de dotation, pour en jouir, elle, sa vie durant, et 
après elle la . descendance de son fils, le prince 
Eugène. 

Lors du nouveau mariage de Napoléon, l'Impéra- 
trice Joséphine se rendit donc au château de Navarre» 

Jusqu'au moment où devaient être réglés les ar- 
rangements relatifs à la dotation, on remit 5 l'Im- 
pératrice Joséphine une somme mensuelle équiva- 
lente à ce qu'étaient les produits de ce domaine. 

Navarre dépendait du domaine de l'État. Il fui 
acquis par le domaine extraordinaire, et concédé par 



LIV. XVII. —1809 299- 

celui-ci à l'Impératrice. Ces formalités entraînèrent 
des délais. 

Quand vint le moment de régler les formalités 
relatives à cette dotation et d'en passer les actes, il 
se trouva que l'Empereur Napoléon donnait h l'Im- 
pératrice Joséphine, savoir : 

1* Le château, le jardin et le parc de Navarre, 
érigé en duché, pour en jouir, à titre de dotation, 
sa vie durant, et après elle passer, au même litre, à 
celui des princes qu'elle aurait désigné dans la des- 
cendance masculine, directe, naturelle et légitime 
du prince Eugène. 

2° Une assignation annuelle de 600,000 fr. à 
prendre sur les produfts des biens dépendant du 
domaine de Navarre, pour en jouir, elle, sa vie 
durant, sans transmission. 

Les agents chargés des affaires de l'Impératrice 
firent des représentations sur ces dispositions, qui 
n'étaient pas d'accord avec les promesses faites par 
Napoléon. 

On se borna à répondre que la dotation avait été 
ainsi réglée par l'Empereur, et il fallut l'accepter. 

L'Impératrice Joséphine fut investie de cette dota- 
tion par lettres patentes des 9 avril et 29 juin 1810. 

Elle décéda le 29 mai 1814 sans avoir désigné le- 
prince qui devait lui succéder dans la possession de- 
cette dotation, par la raison qu'à cette époque le 
prince Eugène n'avait qu'un fils, le prince Auguste- 
Charles-Eugène-Napoléon . 

L'administration de la maison ducale fil les dé- 
marches nécessaires auprès du gouvernement royal,. 



3C0 MÉMOIRES DU PRINCE EUGÈNE 

et le prince Auguste fut mis, sans difficultés, en pos- 
session de la dotation ; le brevet en fut inscrit plus 
tard sur les registres du sceau, le 8 février 1828. 

La transmission fut accordée sur la dotation, se 
composant, comme on vient de le voir, du château, 
du jardin et du parc de Navarre. 

Le château était en médiocre état de conserva- 
tion. Il exigeait des dépenses pour réparations, en- 
tretien et le payement des contributions. 

Le jardin nécessitait des dépenses d'entretien et le 
payement des contributions. 

Le parc se composait de quelques fermes louées 
environ 50,000 fr. 

Les dépenses et les frais d'administration du tout 
s'élevaient à environ la moitié de ce produit. 

Ainsi, ce fut un revenu d'environ 15,000 fr. que 
l'Empereur Napoléon accorda par le fait à la des- 
cendance de rimpératrice Joséphine. 

Ici, il convient de placer quelques réflexions qui 
pourront donner la clef de certains événements pos- 
térieurs depuis l'époque du divorce jusqu'à l'issue 
de l'affaire de la dotation. 

Lors du consulat, et plus tard*, lors de l'établisse- 
ment de l'Empire, il y avait au faîte des pouvoirs 
deux familles, celle de l'Empereur et celle de l'Im- 
pératrice. 

L'union intime et cordiale de Napoléon et de José- 
phine, leur égale affection pour les enfants de celte 
dernière, la loyauté et le dévouement sans bornes 
du prince Eugène, empêchaient encore toute diver- 
gence de se produire entre les deux familles. 



LIV. XVII. — 1800 501 

Mais en 1809 et depuis, lorsque la grande et 
sérieuse affaire du divorce eut eu lieu, il en résulta 
de notables changements dans les sentiments respec- 
tifs des membres de la famille Bonaparte et des 
membres de la famille Beaubarnais. 

Après les événements de 1814 et de 1815, la 
situation des deux familles prit un caractère dif- 
férent. 

La position que le prince Eugène se trouva occu- 
per alors et depuis, due à la loyatué.de son caractère 
et à la conduite qu'il avait constamment tenue, lui 
valut les sympathies universelles. 

Il eut six enfanls ; il les plaça tous sur des trônes 
ou à côté de trônes. 

Cette situation et l'estime générale qui fut accor- 
dée à la famille du prince Eugène sont de toute 
évidence. 

Cela exposé, revenons à la suite de l'affaire de la 
dotation de Navarre. 

Le peu d'importance du revenu de celte dotation 
porta l'administration de la maison ducale de Leuch- 
tenberg, en l'année 1855, à demander au gouverne- 
ment l'autorisation de vendre ces biens, formant la 
dotation, pour convertir le produit en rentes sur le 
grand-livre. 

Cette autorisation fut accordée par ordonnance 
royale du 6 février 1854. 

Les biens furent adjugés, à la préfecture d'Évreux, 
le 24 mai 1854, pour la somme de 1,578,000 francs. 

Ce prix, successivement versé par l'acquéreur à la 
Caisse des dépôts et consignations, fut employé par 



$03 MÉMOIRES bV PRINCE EUGÈNE 

cette caisse en achats de renies 5 pour 100, en 22 
inscriptions successives, dont le total s'éleva à 
62,890 francs. 

Aux termes des lois et règlements relatifs aux 
dotations, et pour former le fonds d'accroissement, 
il fut déduitde cette rente totale celle de 6,282 francs, 
destinée à être successivement accumulée pour aug- 
mentation de la dotation. 

Celte dotation se trouva donc composée alors 
d'une rente de 56,608 francs en 5 pour 100. 

Le prince Auguste, duc de Leuchtenberg, décéda 
le 28 mars 1835. 

La transmission de la dotation à son frère puîné 
fut demandée, et le prince Maximilien-Eugène-Jo- 
seph, duc de Leuchtenberg, fut reconnu habile à 
recueillir la dotation du domaine de Navarre ou les 
rentes sur l'État acquises en remplacement du prix 
des domaines par une décision du ministre des 
finances du 8 septembre 1 835. 

En 1852, la rente de 56,608 francs affectée à la 
dotation du majorai de Navarre reçut un accroisse* 
ment de 6,282 francs par suite du doublement de 
la retenue de 10 pour 100 opérée sur l'inscription 
primitive depuis l'achat des rentes; mais le décret 
du 14 mars 1852 ayant déterminé la conversion de 
la rente 5 pour 100 en rente 4 et demi pour 100, 
cette inscription de 62,890 francs 5 pour 100 fut 
échangée contre une autre inscription de 56,601 fr. 
4 et demi pour 100. 

Ainsi, la mesure financière de la conversion de la 
rente 5 pour 100 en rente 4 et demi pour 100, 



L1V. XVII. - 1800 305 

prise à cette époque, fit disparaître et emporta les 
économies des dix-huit années faites sur les revenus 
du majorât, soit une somme d'environ 120,000 fr. 

Le prince Maxim i lien -Eugène -Joseph, duc de 
Leuchtenb&rg, décéda le 4 novembre 1852. 

La demande de transmission de la dotation au 
nom de son fils aine, le prince Nicolas-Maximilia- 
nowisch, duc de Leuchlcnberg, fut faite le 18 fé- 
vrier 1858. 

Des démarches furent faites auprès de l'adminis- 
tration générale de l'enregistrement et des do- 
maines pour obtenir cette transmission. 

Il fut îépondu que cette affaire était fort grave, 
que la difficulté principale reposait sur la perle de 
la nationalité, et que l'affaire était soumise aux 
avocats du ministère des finances. 

Enfin, le 9 août 1858, le ministre des finances 
rendit une décision d'après laquelle le prince Ni- 
colas Maximilianowisch et ses frères puinés étaient 
déclarés inhabiles à recueillir le majorât dont la 
transmission était demandée. 

Le motif donné à l'appui de cette décision est que 
ce prince et ses frères étant membres de la famille 
impériale régnant en Russie, et aptes à succéder au 
trône, ils ne pouvaient pas remplir les conditions 
imposées aux titulaires des majorais et notamment 
celle de prêter serment de fidélité à l'Empereur des 
Français. 

Ainsi disparut des mains des descendants du prince 
Eugène le domaine donné par l'Empereur à l'Impé- 
ratrice Joséphine, lors du divorce, en 1809. 



504 MÉMOIRES DU PRINCE EUGÈNE 

Le prince Eugène, ainsi qu'on le verra à la fin de 
ces Mémoires et par sa correspondance avec l'Em- 
pereur de Russie, ne fut pas beaucoup plus favorisé 
et plus heureux que sa mère, pour tout ce qui tou- 
chait aux intérêts de fortune. 

Dépossédé, pour ainsi dire, dès l'époque du di- 
vorce, de l'espoir de régner par la suite en Italie, il 
eut en compensation la survivance du grand-duché 
de Francfort, dont il ne jouit jamais. 

Peu de jours après la fameuse séance où la disso- 
lution du mariage de Napoléon avec sa mère avait 
été décidée et reconnue officiellement, le prince 
Eugène reçut de l'Empereur la lettre ci-dessous : 
« Mon fils, je vous envoie une note sur ce qui 
vous confcerne; faites-moi connaître votre opinion : 
« Avant de donner une principauté au prince 
Eugène, il faut que son sort soit fixé en Italie et 
qu'il y jouisse d'un apanage d'un million de 
rentes qu'on pourrait composer de celle manière : 
500,000 francs en domaines, avec la propriété 
de la villa Bonaparte, avec les dépendances de 
l'ameublement existant ; 500,000 francs en terres, 
en choisissant de bonnes campagnes et de bonnes 
fermes. Le prince Eugène posséderait cet apanage 
sa vie durant; le douaire de la princesse sa 
femme y serait assis, le tout selon les lois qui 
régissent les apanages des princes français. Comme 
il faut prévoir le cas extraordinaire et inattendu 
où l'Italie manquerait à la France, on propose de 
constituer en France, en faveur du vice- roi, une 
principauté comme celle de Wagram, qui serait 



J 



LIV. XVII, — ifi09 305 

« appelée principauté de Raab, et d'y assigner pour 
« maison celle du vice-roi à Paris. Il ne sera pas 
« difficile de trouver, avec le temps, une belle terre, 
a À cette principauté seraient attachés 10,000,000 
« de capital, formant 500,000 francs de rente; ces 
« 10,000,000 se composeront de 2,000,000 en 
« Saxe et 2,000,000 sur le territoire de Dantzig, de 

« 2,000,000 

« Les 300,000 francs que ces 6,000,000 reh- 
(c draient, chaque année, seraient employés en 
« achats en France. Il y serait joint 2;000,000 sur 
« le canal du Midi, et 2,000,000 sur l'emprunt de 
« la ville de Paris, produisant 200,000 francs de 
« rente, ce qui compléterait les 500,000 francs. 
« Le vice- roi jouirait donc, dès à présent, de 
« 1,500,000 francs de rente; mais, comme il n'en 
« a pas besoin, on les emploierait ou en rentes sur 
« le grand-livre de France, ou en achats de terres 
ce qui seraient jointes au domaine privé du vice-roi, 
« destiné à fournir la dot de ses filles, en six ans; 
« ces 1 ,500,000 francs seraient portés à 9,000,000, 
« et, avec les intérêts des intérêts, à plus de 10 mil- 
« lions, ce qui ferait 2,000,000 de rente. Pour la 
« sanction de ces dispositions, il faut 1° un décret 
« royal et une communication au sénat du royaume 
« d'Italie ; 2° une lettre patente et un message au 
« sénat de France. Comme tout porte à penser que 
« le vice-roi gardera encore vingt ans la vice- 
« royauté d'Italie, il placera, en France, 30,000,000, 
« et, avec les intérêts des intérêts, 40,000,000, ce 
« qui lui ferait de 3 à 4,000,000 de rente. » 

vi. 20 



I 

J 



306 MÉMOIRES DU PRINCE EUGÈNE 



JI 



Le prince Eugène revint à Milan le 18 février. U 
s'occupa immédiatement de plusieurs mesures ad- 
ministratives fort importantes. La nouvelle de la no- 
mination du vice-roi comme grand-duc héréditaire 
du duché de Francfort avait été reçue avec déplaisir 
dans le royaume d'Italie. Le prince et sa femme 
étaient non-seulement aimés de ceux qui ne tenaient 
pas pour le pprti de l'Autriche, mais, en outre, ils 
étaient l'un et l'autre estimés de tout le monde sans 
exception. On s'était habitué, en Italie, à considérer 
Eugène comme le futur roi d'un pays où la princesse 
Auguste et lui avaient déjà fait un bien immense. 
L'idée qu'un autre, peut-être, serait un jour appelé à 
occuper un trône sur lequel personne ne pouvait 
être mieux placé qu'un homme dont les talents et 
les qualités étaient hautement appréciés, jetait dans 
les esprits une vague tristesse et de fâcheux pres- 
sentiments pour l'avenir. 

Eugène, sans se laisser abattre par le coup qui 
venait de frapper sa famille, sans montrer le 
moindre regret sur la position brillante qui échap- 
pait évidemment à sa famille et à lui, par suite du 
divorce de sa mère, oubliant ce qu'il pouvait avoir à 
reprocher en quelque sorte à l'Empereur, pour ne 
se souvenir que des bienfaits qu'il avait reçus de son 
père adoptif, mit de nouveau le zèle le plus louable 



L1V. XVII. — 1809 307 

à bien servir Napoléon et à utiliser ses talents pour 
l'Italie. 

Vers la fin de 1809, l'Islrie et la Dalmalie furent 
ôtées au royaume pour être réunies aux pro- 
vinces Illyriennes, dont le gouvernement fut confié 
au maréchal duc de Raguse, qui rendit là d'im- 
menses services, non-seulement à la France, mais 
au pays lui-même, en prenant des mesures frap- 
pées au coin de la sagesse. Bientôt après, et par 
suite de négociations avec la Bavière, le royaume 
d'Italie reçut une province du Tyrol qui prit le nom 
de département du Haut-Âdige et dont la capitale fut 
Trente. Le royaume fut alors définitivement con- 
stitué à vingt-quatre départements ayant une popu- 
lation de 6,461 ,800 habitants. 

Vers la même époque aussi eurent Heu les chan- 
gements suivants dans l'administration intérieure du 
pays. Le général Caffarelli, ministre de la guerre, 
fut rappelé par Napoléon; le ministre du Trésor, 
Yeneti, homme intègre et zélé, mais que son grand 
âge obligeait à la retraite, fut remplacé par le séna- 
teur Birago. 

Le décret en vertu duquel Rome et ses provinces 
étaient réunies à l'Empire français fut publié dans 
le royaume. 

Le prince communiqua au sénat d'Italie le mariage 
de Napoléon avec l'archiduchesse Marie -Louise. 
En exécution des ordres formels de l'Empereur, 
il engagea les Italiens de marque à se rendre à Paris 
pour les fêtes, et lui-même se prépara, ainsi que 
la princesse Auguste, à assister à cette cérémonie 



308 MÉMOIRES DU PRINCE EUGÈNE 

bien triste pour leurs cœurs. Le mariage était fixé 
au 29 mars. Le vice-roi reçut une lettre, du 26 fé- 
vrier, par laquelle Napoléon l'engageait à se rendre, 
ainsi que la princesse, à Paris pour cette époque. 

Eugène voulut profiter de cette occasion pour 
faire visiter une partie de la France à sa jeune 
• femme. Les enfants furent laissés aux soins éclairés 
de la baronne de Wurmb, à ceux de la comtesse de 
Sandizel, et le prince et sa femme, cette dernière 
accompagnée de la duchesse de Litla et de deux 
dames du palais, se mirent en route le 12 mars. 

Arrivés à Paris, le 20, le vice-roi et la vice-reine 
descendirent au palais de l'Elysée. La princesse Au- 
guste ne tarda pas à quitter cette résidence prin- 
cière pour s'établir à Malmaison dans un apparte- 
ment contigu à celui de l'Impératrice Joséphine. 

Pendant le séjour d'Eugène à l'Elysée, au dire du 
baron d'Arnay, auquel nous laissons toute la respon- 
sabilité du fait, attendu que nous n'avons pas trouvé 
trace de ce projet ni dans la correspondance, ni 
dans les documents entre nos mains, l'Empereur eut 
la pensée de mettre sur la le te du vice-roi d'Italie la 
couronne de Suède, donnée, peu de temps après, à 
Bernadotte par les Suédois. Le prince, auquel avait 
été envoyé un de ses meilleurs et plus fidèles amis, 
Duroc, pour lui faire cette offre de la part de Napo- 
léon, refusa à deux reprises différentes. Tel est, du 
moins, ce que M. d'Arnay, secrétaire intime du vice- 
roi, affirme dans ses notices historiques sur le prince 
Eugène. 

Le prince et sa femme assistèrent à toutes les ce- 



LIV. XVII. — 1809 309 

rémonies du mariage et aussi au bal, si fatalement 
célèbre, du prince de Scbwartzenberg. La princesse 
Auguste, alors dans un commencement de gros- 
sesse, ne connut le danger que plus tard, son mari 
ayant pu lui faire quitter les» salons du bal dès le 
commencement de l'incendie. 

Les deux époux reprirent, en juillet, le chemin 
de Milan. Ils s'acheminèrent vers l'Italie par la su- 
perbe route du Simplon, L'Impératrice Joséphine 
était, depuis quelques jours^déjà, aux eaux d'Aix, en 
Savoie, pour sa santé. Le prince Eugène fut seul 
voir sa mère, les faligues et même les dangers qui 
pouvaient résulter d'un voyage par la traverse pour 
se rendre dans ces montagnes ayant fait renoncer le 
vice-roi à amener avec lui la princesse Auguste dans 
l'état où elle se trouvait. L'Impératrice voulut abso- 
lument embrasser la. femme de son fils. Elle vint 
elle-même la voir. 

Les princes descendirent ensuite des Alpes et se 
rendirent directement à la résidence de Blonza. De 
retour dans la capitale du royaume, le vice-roi se 
remit de nouveau aux travaux administratifs. 

A partir de celte époque, une correspondance 
active commence entre lui et l'Empereur, corres- 
pondance des plus instructives et toute relative h des 
mesures, soit d'intérêt politique intérieur pour le 
royaume d'Italie, soit d'intérêt extérieur. 

Ainsi l'Empereur ordonne l'établissement d'une 
banque d'escompte à Milan ; le prince active les tra- 
vaux d'achèvement de la cathédrale. Des mesures 
sont prescrites pour la défense des côtes de l'Adria- 



310 MÉMOIRES DU PRINCE EUGÈNE 

tique, pour les fortifications et améliorations à faire 
à An cône, à Venise, et pour une foule d'autres af- 
faires d'intérêts généraux et particuliers. 

Au commencement de septembre, le vice-roi se 
rendit à Venise pour y presser les travaux et pour 
passer l'inspection des troupes. Il ne lui fut pas dif- 
ficile de constater, dès cette époque, un certain 
degré d'inquiétude sourde. On commençait à soup- 
çonner, chez l'Empereur, l'intention de réunir le 
royaume d'Italie à l'Empire français. L'élévation 
du prince à l'hérédité du grand-duché de Franc- 
fort était interprétée naturellement comme un signe 
fâcheux pour l'indépendance du royaume d'Italie. 



CORRESPONDANCE 



RELATIVE AU LIVRE XVII 



MB 1808 AU 20 NOVEMBRE 1810. 



« Je n'ai qu'un petit mot à l'écrire aujourd'hui, Eugène 
ma bonne et très-chère Auguste, l'Empereur m'a ^gjjjk 
désigné pour aller jusqu'à Meaux au-devant du roi * D ^ rabrc 
de Bavière. Je suis bien aise que ce soit moi de pré- 
férence à tout autre. Je pars demain matin et je 
ne reviendrai qu'après-demain; ainsi il sera pos- 
sible que je reste deux jours sans t'écrira; cela ne 
m'empêchera pas de penser à toi. Adieu, je t'aime 
et t'embrasse tendrement, ainsi que nos deux petits 
anges. » 



« J'ai vu le roi de Bavière, ma très-chère Auguste, Eugène 
ainsi que la reine, et j'ai passé toute la soirée d'au- "<<*. 



Paria. 



jourd'hui avec eux. J'ai remis ta lettre au roi, qui** d 1 |jg nbrc 
doit, demain, me remettre une réponse pour toi» 



312 MÉMOIRES DU PRINCE EUGENE 

Nous avons beaucoup cause des circonstances pré- 
sentes, et il espère qu'elles ne changeront rien aux 
sentiments de Y Empereur pour nous. Que le ciel 
l'entende ! J'espère que vers le V r janvier je pourrai 
me remettre en voyage pour te rejoindre bien vite. 
Je ne puis plus être parfaitement heureux qu'auprès 
de toi . » 



àïnœ- c< ^ a c hère Auguste, l'Empereur est venu avant- 
MaimïSôn, hier voir l'Impératrice. Hier elle a été à Trianon 
*3 domine p()ur j e voir> et e jj e y a élé relenue à dîner. L'Empe- 
reur a été très-bon et très-aimable pour elle, et elle 
m'a paru en être beaucoup mieux. Tout me porte à 
penser que l'Impératrice sera plus heureuse dans sa 
nouvelle position, et nous tous aussi. Tu peux me 
croire, parce que je vois la chose en parfaite tran- 
quilité. J'espère que la santé n'a point souffert de 
toutes ces nouvelles circonstances ; je te conjure de 
ne point t'en affecter. Il n'y a rien à regretter, et 
nous serons toujours heureux, parce que nous nous 
aimerons toujours. » 

à u g vk£- a ^ a chère Auguste, tu es bien bonne et bien ai- 

luu^ôn, mable avec les charmantes lettres que tu m'écris : 

28 décembre j e m ^ $ ^ m fteuree/x que lu aies approuvé ma con* 

duite dans cette circonstance; et moi aussi je suis 

fier d'être ton époux, et je t'aimerais cent fois plus 

encore s'il m'était possible de t'aimer davantage. » 

Eugène « Ma chère Auguste, lundi, ce sera le premier jour 

à la vice- , . • . . , . • 

reine. d e i' a n, on fera des visites et des compliments; moi, 

julmaisou, 7 * 



LIV. XVII. — isio - CORRESPONDANCE 543 

je tâcherai d'éviter tout cet ennui en reslant à la » ?*£ mbro 

w 18UB. 

campagne. Je crois que l'Impératrice y séjournera 
encore toute la première semaine de janvier. Elle 
désire que je reste avec elle les deux ou trois pre- 
miers jours de son arrivée à Paris, et puis ensuite 
je reprends le chemin de mes pénates; tu compren- 
dras tbut le bonheur que j'éprouverai de me retrou- 
ver dans tes bras. » 

« Ma chère Auguste, hier j'avais été à Saint-Ger- ^JJ 8 ^ 
main voir l'ancienne pension où j'ai été élevé, et j'ai Maison, 
revu avec bien du plaisir ces lieux-là. Je suis bien 3 i8"o. er 
inquiet de ta santé, ma bonne amie, j'espère que tu 
en as bien soin ; mais je te conjure de ne point t'at- 
trister du tout, car tu n'en as aucune raison, vu que 
nous sommes tous ici fort tranquilles et plus heureux 
qu'avant. » 

« Ma chère Auguste, l'Impératrice a été souffrante Eugène 
ces deux jours-ci, et je retourne à l'instant à Mal- «*■•• 
maison. Je reviens demain à Paris pour le travail *]$$" 
avec l'Empereur. Plût au ciel que ce soit le dernier 
et que je puisse promptement me mettre en route ! » 

« Ma chère Auguste, l'Empereur va déterminer Eugène 
notre sort. 11 paraît que nous aurons un qrand-du- M mue. 

* * 9 Malmaison, 

ché en Allemagne et une très-belle ville pour prin- *"$£" 
cipale résidence. Tu seras donc un jour au milieu de 
ta famille avec un époux qui t'adore et dont tu fais 
le bonheur; je ne puis, quant à moi, désirer davan- 
tage, je te conterai tout cela. » 



514 MÉMOIRES DU PRINCE EUGÈNE 

kutiti». a M a chère Auguste, j'ai obtenu de l'Empereur 
™ r "' que nous irons, cet été, passer une douzaine de 
1810." jours à Munich, lorsque ton frère Louis se ma- 
riera ; je suis enchanté de cette nouvelle, et j'es- 
père qu'elle te fera plaisir. .. Je t'écris de l'Elysée, où 
je suis venu loger ce matin et où l'Impératrice 
viendra demain, » 

àï^cîL « Ma chère Auguste, l'Impératrice est arrivée 
paris', avant-hier soir à Paris, et l'Empereur est venu la 
1810. voir le même soir» J'ai entièrement terminé ses 
affaires, les nôtres vont être signées sous très-peu 
de jours, et comme, selon toute apparence, celles 
de ma sœur ne s'arrangeront pas comme elle le dé- 
sirait, rien ne m'empêchera plus de me mettre en 
route pour te joindre, c'est-à-dire, faire ce qui 
peut être le plus agréable à mon cœur. » . 

U HfDBHM « Fénaroli est revenu celte nuit, le roi de Naples a 

Augu»le # ' i 

'■HÊn" 6, pris une autre route, malgré qu'il s'était annoncé... 

7 iiïoî er H saura, j'espère, que tout a été préparé pour le 
recevoir en roi. Je me flatte, mon ami, que tu ne 
suivras pas son exemple et que tu prendras la route 
la plus courte pour venir ici. Tu dois, d'ailleurs, sa- 
voir le plaisir que ton arrivée me fera et à tout le 
royaume, dont l'inquiétude croissait à mesure que ton 
absence se prolongeait. Aussi me suis-je bien gardée 
de parler du grand-duché, l'alarme serait générale. 
On nous a bien prouvé, dans celle dernière circon- 
stance, combien on nous aimait. L'Empereur ne 
peut pas en être fâché, car nous n'intriguons pas 



UV. XV CI. — 1810 - CORRESPONDANCE 315 

pour cela, et notre façon de penser a toujours été 
et sera toujours la même. Je ne crois pas, à le dire 
la vérité, à ce sort qu'on doit nous faire, mais notre 
bonne conscience doit nous dédommager d'un oubli 
qui serait sans cela bien pénible, et qui ne t'afflige- 
rait qu'à cause de moi, je le sais; mais ne me con- 
nais-tu donc pas, mon tendre époux, et ne sais-tu 
donc pas qu'avec toi et mes enfants je serai toujours 
heureuse? Je suis jeune, mais les événements m'ont 
appris à apprécier les grandeurs comme elles doi- 
vent l'être; ainsi ne te tourmente pas à cause de moi, 
et pense seulement au bonheur que je vais bientôt 
éprouver en l'embrassant, et en te disant de vive voix 
que je n'aime rien dans ce monde comme mon Eu- 
gène; ce sentiment durera au moins aussi long- 
temps que la vie. » 

« Ma chère Auguste, je viens de chez la reine de Eugène 
Bavière, elle part demain et moi après-demain gjjg- 
dans la nuit, malgré les pleurs de ma sœur et de 

l'Impératrice Le mariage de l'Empereur est 

enfin décidé, il épouse la princesse d'Autriche, et 
le contrat en a été signé hier. On ne publiera 
pourtant cette nouvelle que lorsque le traité passé 
à cet égard aura été ratifié par la cour de Vienne 1 .» 

1 Voici à propos du choix d'une archiduchesse d'Autriche une anec- 
dote qui n'est pas sans intérêt. Après le divorce de Napoléon, chacun 
voulut lui trouver une femme. Dans les salons diplomatiques, dans 
les cours étrangères, l'attention était en éveil sur cette grave affaire. 
On parla d'abord d'une princesse de Saxe, mais elle n'était ni assez 



9 février 
1810. 



516 MÉMOIRES DU PRINCE EUGÈNE 

Eu fcu* p " a Sire, j'ai l'honneur d'informer Votre Majesté 
18 iSio ner que je suis arrivé ce matin à Milan, et je m'empresse 
de lui exprimer ma reconnaissance de tous les té- 
moignages de bonté dont elle a bien voulu m'hono- 
rer pendant mon séjour à Paris. Votre Majesté n'a 
pas besoin sans doute que je lui renouvelle l'assu- 
rance de mon dévouement pour Son Auguste per- 
sonne. J'ose espérer que mes sentiments lui sont 
assez connus, mais c'est pour moi un bonheur de 
lui en offrir l'hommage, et je serai toujours bien 
heureux de penser que Votre Majesté daignera agréer 
avec bonté le zèle que je ne cesserai de mettre à la 
servir et à lui donner des preuves de mon inalté- 
rable dévouement et de ma respectueuse reconnais- 
sance. » 

Eu feun K " p " a Sire, j'ai l'honneur de rendre compte à Votre 
21 1 ^ er Majesté que j'ai reçu la lettre qu'EUe m'a fait l'hon- 
neur de m'écrire du 15 février, relativement aux 
marchandises séquestrées à Triesle qui sont en dépôt 

jeune ni assez jolie : ce n'était pas ce que désirait l'Empereur. Il fut 
question d'une princesse russe, niais ou disait l'impératrice mère op- 
posée a cette union. Cependant ce mariage avait des chances de réussir, 
sans le prince de Scbwartzenberg, qui brusqua la solution en donnant 
le consentement de l'Autriche. Voici du moins ce qui semble résulter 
du fait suivant : 

Un matin, le prince de Scbwartzenberg arrive tout ému chez la 
princesse de L...., avec laquelle il était fort lié, et se jetant sur un 
canapé : « Je viens, dit le prince, de passer mon Rubicon. J'ai accorde 
la main de l'archiduchesse Marie-Louise à l'Empereur. Je serai peut- 
être désavoué; mais, informé que CzeraischefT arrivait avec le consen- 
tement de la Russie, je l'ai devancé et j'ai donné l'archiduchesse à 
Napoléon. Dans quelques jours, je serai au pinacle ou j'irai planter 
mes choux dans mes terres. » 



LIV. XVII. — 1810 — CORRESPONDANCE 317 

à Venise. D'après ses intentions, j'ai pris aujourd'hui 
même le décret pour ordonner la vente de ces objets 
en en versant le produit dans le trésor pour être à 
la disposition de Votre Majesté. J'aurai l'honneur de 
lui rendre compte chaque mois de la rentrée des 
fonds. 

«Je ne dois pas laircàVotre Majesté que cette vente 
va entraîner la perte d'un grand nombre de négo- 
ciants. Presque les deux tiers de ces marchandises 
appartiennent aux sujets de Votre Majesté, c'est-à- 
dire aux négociants de Venise, de Livourne, de 
Gènes. » 

« Mon fils, le 7 février, un contrat de maringe Na ï'aîi S ^ ug ' 
entre moi et l'archiduchesse Marie-Louise, fille de C i8io? cr 
l'empereur d'Autriche, a été signé à Paris. J'apprends 
au moment même que les ratifications ont été échan- 
gées à Vienne le 46. Je ne perds pas un moment à 
vous en faire part. » 

« Mon fils, je suis mécontent de mes douanes d'I- Kap r,îis f ug ' 
lalie. Il y a un décret qui admet les marchandises U mt T 
coloniales dans les ports du royaume, sans être ac- 
compagnées d'un certificat d'origine. Révoquez sur- 
le-champ ce décret, et prenez des mesures pour en 
arrêter les effets. Donnez des ordres positifs que tous 
les bâtiments américains qui viendraient dans mes 
ports ou qui s'y trouveraient soient séquestrés et les 
marchandises qu'ils portent confisquées. Lorsque je 
prive la Hollande de son indépendance, parce qu'elle 
viole les lois du blocus, je ne dois point tolérer cet 
abus dans mon royaume d'Italie. 



318 MÉMOIRES DU P1UNCE EUGÈNE 

« Prenez toutes les mesures nécessaires* pour l'exé- 
cution du présent ordre el tenez-y la main. Ne faites 
aucun changement aux douanes sans ma participa* 
lion, el que le minisire des finances ne fasse rien 
sans un décret de moi . » 

^aîu"*' c< Mon fils, ayant résolu de célébrer mon mariage 
*i8io. ,er avec l'archiduchesse Marie-Louise d'Autriche , le 
29 mars, à Paris, je désire que vous y convoquiez 
pour cette époque, les grands officiers, officiers et 
dames de ma maison d'Italie, en ne laissant pour 
faire le service auprès de vous et de la vice-reine que 
ce qui sera nécessaire. » 

N "parif! ,g ' <c Mon fils, l'empereur d'Autriche ayant accédé à 
K i8ia er la demande que je lui ai faite de la main de sa fille 
l'archiduchesse Marie-Louise, dont j'avais reconnu le 
mérite et les brillantes qualités, j'ai résolu de fixer 
la célébration de mon mariage à Paris, au 29 mars ; 
j'ai envoyé le prince de Neufchâlcl pour assister 
comme témoin au mariage, qui se fera le 6 mars à 
Vienne par procuration, de manière que l'impéra- 
trice pourra arriver le 23àCompiègne, où je compte 
la recevoir. Dans cette importante circonstance, j'ai 
résolu de réunir près de moi les princes et princesses 
de ma famille, je vous en donne avis par cette lettre, 
désirant qu'aucun empêchement légitime ne s'op- 
pose à ce que vous soyez à Paris pour le 20 mars. » 

N,p p a Hs Ug * « Mon fils, vous trouverez dans le Moniteur mon 
isio." r message au Sénat, pour lui faire part de mon ma- 



LIV. XVII. - 1810 — CORRESPONDANCE 519 

ri âge. Faites un message pour en instruire le Sénat 
italien. » 

« Mon Gis, je vous prie d'activer la vente des mar- ^îi^ 08, 
chandises coloniales qui sont à Venise, montant à 5 m,rs i810, 
5 ou 6,000 colis, je n'admets aucune réclamation, 
je les ai prises en^pays ennemi ; faites-moi connaître 
où en est la contribution deTrieste, écrivez-en à mon 
intendant. Le reste des marchandises doit être mis 
en séquestre à Trieste, à moins qu'on n'ait fait un ar- ' 
rangement que j'avais autorisé. » 

« Mon fils, je reçois votre lettre du 28 février, Na Ç a * i J ug ' 
j'approuve votre message ai Sénat italien, vous en- 6mar * 1810, 
verrez le journal italien où il sera imprimé à Aldini, 
qui le fera traduire et mettre dans le Moniteur. J'ai 
signé mon traité avec la Bavière, j'ai ordonné au duc 
de Cadore de vous l'envoyer. Présentez- moi les do- 
cuments pour servir à la remise de la partie du Tyrol 
qui nous échoit. Je suppose que mes peuples d'I- 
talie verront avec plaisir la réunion de Trente. Je 
vous ai écrit pour que vous fassiez part au Sénat ita- 
lien de mon mariage avec l'archiduchesse Marie- 
Louise. Aussitôt que vous aurez reçu le traité avec la 
Bavière, vous pouvez le communiquer au Sénat et 
le faire mettre ensuite dans les journaux italiens. » 

« Mon fils, je vous prie de me faire un rapport sur ^aris, 08 ' 
les vaisseaux russes qui ont été cédés à ma marine 6 mar8 i810 ' 
italienne, soit à Venise, soit à Trieste, et sur ce qu'on 
peut en faire. » 



320 MtMOIBBS DU PRINCE EUGÈNE 

? \b£ 9 ' « Sire, j'ai reçu la lettre que Votre Majesté m'a fait 
6 ma» 1810. i'h m, eur je m 'écrire pour m'annoncer la ratifica- 
tion de son mariage, et pour me donner l'autorisa- 
tion de me rendre à Paris. 

« Votre Majesté peut bien penser que je profiterai 
avec plaisir de la permission qu'Elle veut bien me 
donner, et que je ne laisserai jamais échapper une 
occasion de me rapprocher d'Elle, afin de pouvoir 
lui renouveler de vive voix l'assurance des senli- 
• ments qui sont profondément gravés dans mon 
cœur. » 

iup. * Eo g . « Mon fils, j'ai lu avec attention l'état de la ma- 

Paris, m ' * 

8 man i8to. r j ne italienne que vous m'avez envoyé, j'en sens da- 
vantage l'importance d'avoir un nombre de bâtiments 
qui empêchent l'ennemi de bloquer le golfe avec une 
ou deux frégates. 

«J'attendrai votre rapport pour savoir si les vais- 
seaux de ligne pourront sortir. Je vois que lé Rivoli 
et le Reginatore ne sont pas loin d'être achevés. Il 
faut terminer promptement la Favorite; une fois ces 
deux frégates terminées, on pourra les armer avec 
les équipages français des trois bricks qui sont k Ve- 
nise; on pourrait y joindre la frégate russe qui est à 
Trieste, ce qui ferait une division de trois frégates 
qui pourrait se rendre à Ancône, s'y réunir à la fré- 
gate et aux bricks qui s'y trouvent et former une di- 
vision capable de se maintenir maîtresse du golfe, ou 
qui obligerait l'ennemi à y tenir des vaisseaux, de 
guerre. Je dis Ancône et non Venise } parce que An- 
cône a cet avantage que n'offre point Venise, qu'on 



LIVT XVII. - 1810 - CORRESPONDANCE 521 

peul y entrer et en sortir par tous les vents ; en gé- 
néral , vous avez suffisamment d'équipages ; mais je 
vois à Venise des canonnières qui y sont inutiles et 
qu'on pourrait toujours réarmer à tout événement. 
Il faut mieux avoir des bricks qui peuvent sortir et 
éclairer sans cesse le golfe. » 

« Mon fils, je vous envoie un rapport sur Àncône ; ^p,^ 08 
je désire que vous fassiez de nouveau agiter la 8 maf * 18t0 
question de savoir : 1° si Ton ne pourrait pas, dans 
l'état actuel des choses, y désarmer deux ou trois 
vaisseaux en les rapprochant du môle ; 2° ce qu'il 
convient de faire pour améliorer le port; 5° s'il y a 
quelques points extérieurs à armer pour empêcher 
l'ennemi d'approcher. Je vous envoie aussi un rap- 
port sur Venise. Faîtes-moi un rapport général qui 
me fasse connaître, 1° quand les frégates pourront 
sortir de ce port; 2° quand le Rivoli sera mis à 
l'eau, et quand, avec des chameaux, on pourra le 
faire sortir pour se rendre à Àncône ou à Trieste, 
y achever un armement, et, de là, menacer les An- 
glais ; 5° ce que sont les bâtiments que les Russes 
nous ont cédés et ce qu'il en faut faire. En faisant 
venir à Venise les deux frégates russes de Trieste et 
en armant les bâtiments et frégates que nous avons 
à Venise, il devrait être possible d'empêcher les 
Anglais de bloquer tout le golfe avec une seule 
frégate. » 

« Sire, j'ai l'honneur d'adresser à Votre Majesté Eug.àNap. 
la situation de son armée d'Italie à l'époque du ° n * ar » 181 °- 
1 er mars 1810. 

M. 21 



322 MÉMOIRES DU PRINCE EUGÈNE 

« Les situations sont présentées par divisions mili- 
taires ; mais, en même temps, j'ai fait à la suite la 
récapitulation des troupes que Ton pourrait consi- 
dérer comme actives. Je désire que Votre Majesté 
approuve cette forme de situation. 

« Je n'ai pas encore reçu de nouvelles du mouve- 
ment des troupes que le général Marmont doit ren- 
voyer d'Illyric. » 

Eug.àNap. a Sire, j'ai lu avec la plus vive émotion le mes- 

1 °tm* s sa £ e ^ e ^ olre Majesté au Sénat, et les lettres patentes 
qui me confirment l'hérédité du grand-duché de 
Francfort 1 . 
« Je suis reconnaissant, sans doute, du sort que 

1 (Moniteur du 4 mars 1810). Le message contenait ces mots : 
« Nous ayons en même temps voulu ne laisser aucune- incertitude sur 

• le sort de ses peuples, et nous avons, en conséquence, cédé a notre 
« cher fils le prince Eugène-Napoléon tous nos droits sur le grand- 
« duché de Francfort. Nous l'avons appelé à posséder héréditairement 
t cet État après le décès du prince primat, et conformément à ce qui 
« est établi dans les lettres d'investiture dont nous chargeons notre 
« cousin le prince archichancelier de vous donner connaissance. 

« // est doux pour notre cœur de saisir cette occasion de donner 
« un nouveau témoignage de notre estime et de notre tendre amitié à 
« un jeune prince dont nous avons dirjgé les premiers pas dans la 
« carrière du gouvernement et des armes ; qui, au milieu de tant de 

• circonstances, ne nous a jamais donné aucun motif du moindre 
•f mécontentement, et nous a, au contraire, secondé avec une pru- 

« dence au-dessus de ce qu'on pouvait attendre de son âge, et, dans 
« ces derniers temps, il a montré, à la tète de nos armées, autant de 
« bravoure que de connaissances de l'art de la guerre. 11 convenait de 
« le fixer d'une manière stable dans le haut rang où nous l'avons 
« placé. 

« Élevé au grand-duché de Francfort, nos peuples d'Italie ne seront 
« pas pour cela privés de ses soins et de son administration; notre con- 
« fiance en lui sera constamment comme les sentiments qu'il nous 
« porte. » 



LIV. XVII. —1810 - CORRESPONDANCE 323 

Votre Majesté a bien voulu faire à moi et à mes 
enfants ; mais je le suis mille fois plus encore des 
expressions dont vous avez daigné, Sire, accom- 
pagner ce nouvel acte de la bonté paternelle dont 
vous m'avez déjà donné tant de preuves. 

« Je sens, cependant, Sire, que je ne mérite pas 
tout le bien que Votre Majesté a la bonté de dire de 
moi, mais je vis avec l'espoir de le mériter un jour. 
Je sens qu'on risque rarement de vous mal servir, 
quand on vous sert avec son cœur, et le mien est 
bien à vous par tous les sentiments. Il sera tel jus- 
qu'au dernier moment de ma vie. » 

« Sire, j'ai l'honneur de rendre compte à Votre c«*.. 4 ^«p- 
Majesté que le colonel R.... f commandant le l ir ré- l9 ™" lf * 
giment d'infanterie de ligne italien, a été dénoncé 
au ministre de la guerre, par l'inspection aux revues, 
pour mauvaise administration. J'ai fait venir ce co- 
lonel à Milan. Le ministre de la guerre l'a entendu 
et a examiné, dans le plus grand détail, tous les faits 
à sa charge. Il en résulte que cet oflicier ne peut 
diriger l'administration d'un corps, et, déplus, qu'il 
a malversé en ordonnant des retenues sur ce qui 
revient au soldat, pour en former une masse d'éco- 
nomie, en faisant fournir aux soldats des chemises 
et autres objets de mauvaise qualité, en les taxant 
au delà de la valeur au profit de l'économie; que 
cette même masse d'économie a été encore augmen- 
tée au détriment de la masse générale, et, en ré- 
sultat, que les comptes de cette masse d'économie 
n'ont pu être rendus. 



324 MÉMOIRES DU PRINCE EUGÈNE 

« Ce colonel n'a pu tenir celle conduite sans aller 
contre toutes les lois et les règlements, ce qui ne 
permet pas de lui confier plus longtemps la direction 
en chef d'un régiment. Je dois observer à Votre 
Majesté que c'est un bon soldat, et qu'il a bien fait 
les deux campagnes de Dalmatie et d'Allemagne. 
C'est en considération de ses services que je me 
permets de proposer à Votre Majesté de lui ôlcr le 
commandement du 1" régiment, mais de le placer 
comme colonel en second dans un des régiments qui 
sont en Espagne, par exemple dans le 4* de ligne, . 
sous le colonel Renard, bon chef sous tous les 
rapports. 

« J'ai l'honneur de proposer à Sa Majesté, pour 
commander le 1 er de ligue, le major Arèse, de sa 
garde royale. C'est un officier distingué. » 

Kug.àNop. « Sire, j'ai l'honneur de mettre sous les yeux de 

l'a ris 

*9 j™™ Votre Majesté Tétai de situation de son armée et de 

1S1U. ... 

sa marine italienne, au 15 mars 1810. 

« D'après ce que Votre Majesté m'avait ordonné, 
j'ai donné tous les ordres nécessaires pour que le 
vaisseau le Rivoli fût promptement mis à l'eau et 
armé, et pour l'armement et le passage à Àncône 
des frégates la Favorite et la Bcllone, en faisant 
monter la première par les équipages des bricks 
français, et la seconde par un équipage italien, et 
j'ai l'honneur de rendre compte à Votre Majesté de 
l'époque à laquelle ses volontés, sur ces divers ob- 
jets, pourront être exécutées, et des motifs qui en 
retardent l'exécution. 



LIV. XVII. — isio - CORRESPONDANCE 325 

« Pour que le Rivoli puisse être mis à l'eau, il 
faut faire l'avant-cale, creuser la darse en avant de 
l'avant- cale jusqu'à la profondeur de 23 pieds, et 
démolir le toit du hangar sous lequel est construit 
ce vaisseau. Ces opérations exigeront deux mois de. 
temps, et la formation des grillages et de l'appareil 
de la mise à l'eau, qui ne peut se faire que lorsque 
l'avant-cale sera terminée, exigera encore au moins 
un mois. Ce ne sera donc que vers la fin de juin que 
le Rivoli pourra être mis à l'eau. 

« Le reste des travaux pour l'armement et le grée- 
ment de ce vaisseau, et la nécessité d'attendre les 
grandes eaux pour le faire sortir de l'arsenal dans le 
canal Saint-Marc et le conduire à Malamoco, ne 
permettront pas qu'il y soit rendu avant le mois de 
décembre, et, dans le même mois, il pourra se 
rendre à Àncône. 

« La frégate la Favorite ne saurait être rendue à 
Malamoco avant le milieu de juin, mais la Bellone 
pourra y être conduite vers la fin de mai. 

a L'artillerie de ces deux bâtiments est prête, il 
ne reste qu'à la placer. La mâture est aussi presque 
entièrement terminée, mais la charpente n'est point 
finie. Il manque des cordages pour une partie du 
gréement, des toiles pour les emménagements et les 
bastingages, et du bois pour les poulies. Il faudra 
acheter la plus grande partie de ces objets, ainsi que 
les futailles. 

« Votre Majesté daignera sans doute observer 
que les dépenses pour l'armement non prévu si 
promptement de ces trois gros bâtiments nécessite- 



32<'> MÉMOIRES DU PMNCK EUGÈNE 

ront une augmentation du budget de la marine de 
cette année. Elle est d'autant plus indispensable, que 
je n'ai pas diminué les dépenses d'un autre côté, et 
que le royaume d'Italie a encore une trentaine de 
petits bâtiments en mer, tant à Corfou qu'en Dal- 
matie, dont aucun, malgré les ordres que j'ai don- 
nés, n'est encore rentré à Venise. » 

* a, p a à ris U8 c< ^ on ^ S » J a PP ren( Js que le cardinal Oppizzoni 
s av.ii i8io. ne s ' es i p as ren d u à mon mariage; il le devait, en 

sa triple qualité de cardinal, de sénateur et d'évêque 
d'une de mes principales villes. Vous l'enverrez sur- 
le-champ chercher, et vous lui ferez connaître qu'il 
ait à donner, avant ce soir, sa démission d'arche- 
vêque de Bologne. Vous lui témoignerez toute mon 
indignation de son infâme conduite, lui qui est tout 
couvert de mes bienfaits, que j'ai fait cardinal, ar- 
chevêque et sénateur, que j'ai protégé et dont j'ai 
couvert les honteuses débauches en intervenant de 
mon autorité et en interrompant le cours de la jus- 
tice criminelle à Bologne. Vous aurez soin d'en- 
voyer, par l'estafette de ce soir, sa démission, et de 
veiller à ce que le chapitre nomme sur-le-champ 
des vicaires qui soient convenables. Vous ne man- 
querez pas de lui faire sentir qu'il ne s'agit pas 
d'hésiter, et qu'il ne voudrait pas être archevêque 
malgré moi, après le manquement dont il s'est 
rendu coupable. » 

Eng.àNap. « Sire, j'ai l'honneur d'adresser à Votre Majesté 

Compiognr, 7 * • 

i*avriii8u». ] e rapport qu'elle m'a demandé sur la situation des 



LIV. XVII. - 1810 - CORRESPONDANCE 527 

1 7 bâtiments russes qui ont été cédés à Votre Ma- 
jesté et qui existent dans les ports de Venise, de 
Tri es te, et aux bouches du Gattaro. Votre Majesté y 
verra que trois seulement de ces bâtiments seraient 
susceptibles d'être armés; mais cela ne serait d'au- 
cun avantage, et les dépenses qu'il faudrait faire 
seront bien plus utilement employées à l'armement 
des bâtiments en construction dans le port de Ve- 
nise. La frégate la Leskoï, qui est à Triesle, serait 
peut-être le seul de ces bâtiments, cédés à Votre 
Majesté, duquel on pourrait tirer quelque parti en 
l'armant, et Yotre Majesté pourrait ordonner qu'il 
fût remis en état et armé pour le compte des pro- 
vinces lilyriennes. Il paraît que tous les autres bâti- 
ments doivent être démolis et vendus, et, si Votre 
Majesté s'y décide, il serait urgent qu'elle en or- 
donnât la prompte démolition, pour éviter les frais 
d'entretien et de garde, qui sont considérables. 

« Je crois devoir demander à Votre Majesté de 
céder à la marine italienne ceux de ces bâtiments 
qui se trouvent dans le port de Venise. Ce que l'on 
pourrait en retirer servirait à couvrir le trésor du 
royaume d'Italie des avances qu'il a faites au gou- 
vernement russe. » 

« Mon (ils, j'approuve la nomination que vous Nap.âEug. 
avez faite de d'Anlhouard et d'Àlberli, comme com- *o awii W 
missaires, pour la fixation des limites avec la Bavière. 
Suivez vivement cet important objet, et faites les 
actes nécessaires pour la réunion du Tyrol italien, 
et pour son organisation à l'instar des autres pro- 



328 MÉMOIRES DU PRINCE EUGÈNE 

vinces du royaume, sous le rapport de la justice, des 
finances, des impositions, de la guerre, etc. Je ne 
pense plus à celte affaire, et je m'en repose entière- 
ment sur vous. » 

Eug.à \ap. a Sire, un décret de Votre Majesté au commence- 
19 ami feui. ment de celte année ordonne que l'artillerie fran- 
çaise qui existe dans son royaume d'Italie soit ac- 
quise par ce royaume. Des commissaires français et 
italiens ont élé nommés pour l'estimation de tous ces 
objets, et, en attendant, Votre Majesté a déjà ordonné 
que 100,000 francs par mois seront payés par le 
trésor italien au trésor de l'empire à compte sur la 
* somme à laquelle se montera le prix de cette acqui- 
sition, et que cette somme sera acquittée en totalité 
en trois années. 

«Je prends la liberté d'observer respectueusement 
à Voire Majesté que son royaume d'Italie a fourni, ou 
d'après ses ordres, ou sur des demandes très-pres- 
santes du maréchal duc de Raguse, une grande quan- 
tité d'objets d'artillerie qui lui appartenaient, tant 
aux provinces lllyriennes qu'à Corfou : Votre Majesté 
trouvera juste, sans doute, que ces effets lui soient 
remboursés. J'ai l'honneur de mettre sous ses yeux 
un tableau succinct de toutes ces fournitures avec leur 
estimation. Toula les pièces à l'appui ont élé en- 
voyées au ministre du trésor de l'empire. Le total de 
l'estimation se monte à la somme de 1,381,827 fr. 
82 cent. 

« J'oserai proposer à Votre Majesté comme le 
moyen le plus simple de rembourser le trésor italien 



L1V. XVII. — 1810 — CORRESPONDANCE 339 

de cette somme, qu'Elle veuille bien ordonner qu'elle 
soit imputée à compte de celle que le royaume se 
trouvera devoir à la France, pour prix de l'artillerie 
cédée. Si Votre Majesté daigne approuver cette pro- 
position, il me restera à lui demander la grâce de 
faire répartir d'une manière convenable la somme 
avancée par le trésor italien entre les divers payements 
au moyen desquels le prix total de l'artillerie acquise 
par l'Italie doit être payé à la France. » 

« Mon fils, je vous envoie copie de ma lettre au *»p. * &»g. 

. Compiegne, 

ministre de la marine sur les armements de FÀdria- *° ,vril 18t0 - 
tique, il est nécessaire d'armer fortement la côte 
d'Ancône. 

« Copie. — Monsieur le comte Decrès, j'ai reçu votre 
rapport sur les forces françaises que j'ai dans l'Adria- 
tique, je m'arrête définitivement au parti suivant. Il 
sera pris sur les trois bricks que j'ai à Venise la 
partie d'équipages nécessaire pour armer la Favo- 
rite, que ma marine italienne remettra à ma marine 
française, en tenant pour cet objet un compte dou- 
ble. Vous pourrez donner en échange les bricks 
qu'on ne pourra pas armer; la frégate la Cosona est 
déjà armée et montée par les Italiens. La frégate la 
Bellone le sera incessamment; les 3 frégates se ren- 
dront à Ancône aussitôt que possible; ce qui, joint à 
VUranie, à la Caroline et aux 3 bricks qui sont dans 
ce port, fera une division de 5 frégates et de plusieurs 
bricks. Vous me proposerez un officier intelligent 
pour commander sous les ordres du vice-roi cette 
division, qui aura ordre de tenir la mer et de ne 



350 MÉMOIRES DU PRINCE EUGÈNE 

pas se laisser bloquer par des forces inférieures. 

« Au mois de décembre, le Rivoli pourra être mis 
à l'eau, et alors ces 5 frégates pourront recevoir 
Tordre de protéger l'entrée en mer du Rivoli, et de 
rosier auprès de lui pendant les trois ou quatre jours 
que durera son armement. Le Rivoli sera monté par 
l'équipage de YUranie, qui, marchant avec les 4 fré- 
gates qui iront à Ancône, viendra eh sûreté jusqu'à 
Venise, où elle entrera pour se désarmer. Le Régi- 
natore, autre vaisseau de 74, monté par les Italiens, 
viendra également à Ancône, ce qui donne l'espoir 
d'avoir dans ce port, en 1 81 1 , 2 vaisseaux, 4 frégates 
et 3 ou 4 bricks. Cette force obligera les Anglais à 
tenir trois vaisseaux pour bloquer ce port; je donne 
Tordre qu'une quinzaine de mortiers et une soixan- 
taine do pièces de gros calibre soient mis en batterie 
à Ancône du côté de la mer. Donnez des ordres 
pour qu'on fasse connaître par un rapport s'il y a 
quelque chose à craindre des brûlots et s'il y a lieu 
à établir des chaînes qui ferment hermétiquement le 
port. 

« Témoignez mon mécontentement au comman- 
dant de YUranie de s'être laissé approcher par une 
frégate, sans sortir pour la chasser, quoiqu'il y eût 
3 bricks sous ses ordres. Quant aux bâtiments qui 
sont à Trieste, on mettra à la disposition du duc de 
Ragusc, pour être armée par la marine illyriennc, 
la frégate qui est susceptible d'être armée, et on dé- 
pècera les autres bâtiments, en les mettant sur esti- 
mation à la disposition de la marine italienne pour 
être transportés à Venise, en se servant des canons, 



LIV. XVII. - 1810 — CORRESPONDANCE 351 

des mâtures et de tout ce qu'on pourra utiliser. » 

« Sire, j'arrive de Navarre et j'apprends que Votre ^J^' 
Majesté part deCompiègne pour une absence de quel- î5aTriM810 - 
ques jours» J'ai l'honneur d'adresser à Votre Majesté 
la lettre dont l'Impératrice Joséphine m'a chargé 
ainsi qu'une que le roi d'Espagne lui écrit et qu'elle 
m'avait chargé de communiquer à Votre Majesté. Je 
dois dire à Votre Majesté que j'ai trouvé ma mère 
assez bien portante et très-raisonnable sur tous les 
points de conversation que j'ai eus avec elle. 

« l°Elle ne tient point positivement aux eaux d'Aix- 
la-Chapelle. C'est Corvisart lui-même qui les a or- 
données; et, comme le séjour de l'Impératrice José- 
phine dans cette partie de votre Empire pourrait 
n'être pas convenable ni à Votre Majesté ni à elle, si 
vous deviez voyager de ces côtés, ma mère désire sa- 
voir les intentions de Votre Majesté à cet égard. Si 
Votre Majesté a la bonté de me les faire connaître, je 
causerai avec Corvisart, pour faire ordonner d'autres 
eaux également bonnes. 

« 2° L'Impératrice Joséphine a formé à peu près les 
projets suivants, si Votre Majesté n'y trouve rien de 
contraire, savoir : de se rendre à la (in de mai aux 
eaux qui lui seront ordonnées, en s'arrêtant quel- 
ques jours à Malmaison; passer trois mois aux eaux, 
parcourir après le midi de la France, profiter de la 
saison d'automne pour voir, avec la permission de 
Votre Majesté, en voyageant incognito, Rome, Flo- 
rence et Naples, et passer l'hiver prochain à Milan, 



332 MÉMOIRES DU PRINCE EUGÈNE 

de manière à rentrer à Malmaison, et Navarre au 
printemps de 1811. 

a 3° Pendant cette absence, ma mère projette de 
faire à Navarre les constructions et réparations né- 
cessaires pour s'y former un établissement réel. Elle 
aura besoin, à cet effet, de recourir encore aux 
bontés de Votre Majesté, pour lui faire quelques 
avances, et elle doit l'en entretenir dans la lettre ci- 
jointe. 

« 4° Enfin l'Impératrice Joséphine, en me char- 
geant de mettre aux pieds de Votre Majesté l' hom- 
mage de tous ses sentiments, m'a recommandé de 
prier Yotre Majesté de vouloir bien mettre le comble 
à vos bontés en prenant une décision pour le ma- 
riage des jeunes Tascher, ses cousins, savoir : l'ainé 
avec une parente du roi Joseph, et le second avec la 
princesse delà Leyen. 

« Si Votre Majesté n'a pas d'ordre contraire à me 
donner, je compte retourner pour quelques jours à 
Navarre, dès que la princesse Auguste sera un peu 
moins souffrante. » 

cîEip'ièSi' a ^ on fi' s > i e re Ç°* s vo * re lettre du 25 avril à mi- 



nlil 



26 avril 1810. 



nuit, avec une lettre de l'Impératrice. Vous trouverez 
ci-joinl ma réponse. Voyez Cnmbacérès pour le ma- 
riage de Tascher, je désire qu'il se fasse le plus tôt 
possible, je tiendrai tout ce que j'avais promis. Je 
suis bien aise que l'Impératrice soit contente de Na- 
varre. Je donne ordre qu'on lui avance 300,000 francs 
que je lui dois pour 1810 et 300,000 francs que je 
lui dois pour 4811, elle n'aura plus qu'à attendre 



LIV. XVII. — 1810 — COURESPONDANCK 333 

les deux millions du trésor public; je ne m'oppose 
pas 5 ce que, si les 100,000 francs que j'ai donnés 
pour continuer les travaux de la Malmaison ne sont 
pas employés, on suspende ces travaux et on les em- 
ploie à Navarre. Ce sera à peu près le million que 
demande l'Impératrice; j'approuve beaucoup son 
projet de faire toutes ses dépenses à Navarre. Elle est 
maîtresse d'aller aux eaux qu'elle voudra choisir, et 
même de revenir à Paris après la saison des eaux. 
Comme je pars demain pour Anvers, je vois moins 
d'inconvénients à ce qu'elle aille aux eaux d'Aix-la- 
Chapelle; le seul peut-être que j'y trouverais, c'est 
qu'elle retournât dans des lieux où j'ai été avec elle : 
je préférerais qu'elle allât prendre d'autres eaux où 
elle a été sans moi, comme celles de Plombières, 
de Vichy, de Bourbonne et d'Aix en Provence, etc. ; 
mais, si celles d'Aix-la-Chapelle sont cependant les 
euux qui lui conviennent le mieux, je n'y mets au- 
cune opposition; ce que je désire par-dessus tout, 
c'est qu'elle se tranquillise et qu'elle ne se laisse pas 
monter la tête par des bavardages de Paris. » 

«Mon fils, je désirerais que vous vinssiez à Anvers £"p* * e ««- 

' * * Compièjjne, 

de votre personne, pour voir l'escadre et ses loca- 26aviili81 °- 
lités, qu'il est bon à votre âge de connaître. Je ne sais 
pas si vous avez vu Boulogne depuis que j'y ai fait 
construire une flottille. Je compte être à Anvers le 
1 er mai. Tachez d'y être du 3 au 4. Cependant, comme 
ce voyage n'est que pour votre instruction, faites la- 
dessus ce qu'il vous conviendra. » 



554 MÉMOIRES DU PRINCE EUGÈNE 

Na JFnvcr" g ' cc M° n ^ s » ^ a * tes P art î r po° r Corfou une compa- 
ti mai îsio. gnie d'artillerie italienne, forte de 120 hommes, et 

27 hommes de plus pour compléter la compagnie 

qui est dans cette ile; ces 147 hommes se dirigeront 

sur Olranle pour passer à Corfou aussitôt que faire 

se pourra. » 

iscîgipiSm (< M° n û' s î je me décide à créer une banque d'es- 
» mai 1810. com pt e à Milan, à Pinstar de la Banque de France, 
sous le titre de Banque italienne. Écrivez à Àldini 
qu'il se concerte avec Molien et qu'il me présente un 
projet de décret rédigé sur les bases de celui qui 
institue la Banque de France. » 

i^gôpzoom; « Mon fils, comme il est de notoriété publique 
9 mai 1810. q ue ] es Anglais font payer 25 pour 100 aux bâtiments 
ottomans, pour leur permettre de naviguer, j'ai fait 
mettre le séquestre sur lous les bâtiments de cette 
nation dans mes ports de France. Ordonnez la même 
chose en Italie, en leur faisant connaître la raison 
de cette mesure. » 

Nap.àEug. « Mon fils, je vous envoie une lettre du ministre 

Saint-Cloud, i ii 

i4 mai 1810. <j e s cultes. Il me semble que vous êtes plus a portée 
de savoir ce que pense cet Àntonelli. Faites-le son- 
der, et, s'il croit qu'il est du devoir du pape de re- 
noncer à toute idée de temporel, d'aplanir les 
difficultés qui* existent sur les affaires de Rome, c'est- 
à-dire d'instituer mes évoques, etc., de faire le pape 
tranquillement, sans vouloir faire le César; si, dis-je, 
ce cardinal est assez sensé et vraiment assez reli- 



LIV. XVII. — 1840 - CORRESPONDANCE 535 

gieux pour, penser ainsi, on peut l'engager à écrire 
au pape, car les malheurs de l'Église sont évidents, 
et même l'autoriser à se rendre auprès de lui pour 
lui servir de conseil . » 

« J'ai reçu, monsieur le duc de Fellre, votre lettre ^yS»! 8 
du 17 mai, par laquelle vous m'annoncez les difle- lo'iSî'iSïè. 
rentes insultes qui ont eu lieu sur les côtes de l'Adria- 
tique de la part des Anglais. Je m'empresse de vous 
annoncer que déjà, depuis quinze jours, j'avais or- 
donné au général Menou, gouverneur de Venise et 
commandant la 6 e division militaire, de me faire 
un rapport sur l'état des batteries des côtes sous ses 
ordres avec injonction de me proposer une augmen- 
tation d'armement sur les points qu'il reconnaîtrait 
nécessaire. J'attends encore ce rapport; mais, d'après 
les dernières nouvelles qui me sont parvenues, j'ai 
ordonné la sortie de Venise d'une flottille pour pro- 
téger nos côtes contre les bâtiments ennemis. » 

« D'après votre dépêche du 10 de ce mois, mon- E 2£y™ r d c uc 
sieur le duc de Feltre, les dispositions ont été près- ^^îgîi). 
cri les et toutes les mesures prises pour la présente 
exécution des ordres de Sa Majesté, relatifs à la réu- 
nion, à Perruggia, d'une colonne de troupes fran- 
çaises, infanterie, cavalerie et artillerie, sous le com- 
mandement du général de brigade Paslol, et pour 
celle à.Ancône d'une colonne de troupes italiennes de 
3,000 hommes et 600 chevaux 1 . 

1 La concentration de ces troupes avait pour but de fournir au géné- 
ral Miollis, commandant à Rome, une force d'environ 13,000 hom- 
mes, capable d'exécuter plus facilement les ordres do l'Empereur rc- 



356 MÉMOIRES DU PRINCE EUGÈNE 

« Je vous adresse ci-joint un tableau -de mouve- 
ment qui vous fera connaître la marche des troupes 
destinées à former ces deux colonnes, ainsi que l'é- 
poque de l'arrivée à leur destination. H en a été 
donné avis au général Miollis.» 

Eu $aîb tp * a ^ re > ^°* re Majesté aura sans doute appris la 
« mai 1810. p r j se j u f or j Hostalrich, dont la division italienne 
était particulièrement chargée. Je profite de celte oc- 
casion pour mettre sous les yeux de Votre Majesté le 
nom des officiers ou soldats qui se sont particulière- 
ment distingués en Espagne depuis plusieurs années, 
en la priant de vouloir bien leur donner un témoi- 
gnage de sa satisfaction, soit par un grade, soit par 
une décoration. 

« Je profite aussi de celle circonstance pour de- 
mander à Votre Majesté le grade de général de divi- 
sion pour le général Daura. » 

s«hi p t- ft cuni% ct ^ on ^ S > en son 8 eant à ' a situation de l'Italie, 
\i juin 1810. j a pj ace j e Palma-Nova acquiert plus d'importance 

que jamais, puisque en cas de guerre cet immense 
fliatériel que j'ai en Illyrie, ou tombera dans les 
mains de l'ennemi, ou n'aura que Pal ma Nova pour 
se réfugier. J'ai donc décidé, par un décret que je viens 
de prendre, d'affecter aux fortifications de cette place 
1,800,000 francs cette année et 1,800,000 francs 
l'année prochaine. Comme on ne devait y dépenser 

4 

lalifs aux mesures administratives à prendre dans les départements 
du Tibre et du Trasimène, départements nouvellement réunis à la 
France, et où Napoléon voulait qu'on agit avec vigueur. 



L!V. XVII. - 1810 - CORRESPONDANCE 337 

que 500,000 francs, il s'ensuil que les précautions 
ne sont pas prises pour cet accroissement de travaux. 
Vous n'avez point de temps à perdre pour faire lever 
la quantité de maçons et pour prendre toutes les me- 
sures nécessaires pour donner la plus grande activité 
aux travaux. On fera huit casernes à la gorge des 
bastions, ce qui donnera huit magasins au rez-de- 
chaussée pour renfermer les vivres de la place et 
ceux qu'y déposerait l'armée, et au premier étage 
de quoi loger plus de 2,400 hommes à l'abri de la 
bombe. Donnez sans délai des ordres à l'officier su- 
périeur qui commande le génie en Italie. Voyez 
Chasseloup pour mettre tous ces projets en règle et 
pour que je n'aie qu'à signer. Portez-moi tout cela 
dimanche prochain. Donnez ordre que les fortifica- 
tions que les Autrichiens avaient faites soient démo- 
lies, puisqu'elles étaient dirigées contre nous. Faites- 
moi un rapport sur le fort de Sachscnburg et sur les 
fortifications que vous ne devriez point détruire. » 

« Sire, je prends la liberté de recommander aux e« ? . à s*. 
bontés de Votre Majesté le général d'Anthouard, «È'Hio. 
qu'elle a bien voulu me donner, il y a près de six 
ans, pour mon aide de camp. Cet officier est géné- 
ral de brigade depuis quatre ans et demi. Il a fait 
dans ce grade la campagne de Pologne et la der- 
mère d'Allemagne, pendant laquelle il a été blessé 
Votre Majesté lui a témoigné, en cette circonstance, 
sa satisfaction, en lui faisant partager les litres et 
dotations qu'elle a bien voulu accorder à ses ar- 
mées, mais j'ose demander à Votre Majesté pour 

22 



358 MEMOIRES DU PKINCE EUGÈNE 

cet officier général le grade de général de division. 
Ce que je puis assurer à Votre Majesté, c est son atta- 
tachement à Votre Majesté et son dévouement pour 
son service. » 

Ba *Piri« ?lap ' c< ^ re > ^ olre Majesté ayant bien voulu m'autori- 
14 iUin 18l °- ser à lui représenter la position de deux de ses gêné* 
raux de l'armée d'Italie, je m'empresse de satisfaire 
à ses ordres. 

« Ces deux officiers généraux sont : 1 ° le général 
Chasseloup, Votre Majesté peut mieux que personne 
rendre justice h son zèle et à ses talents. Depuis 
longtemps il n'a pas reçu de témoignage public de 
satisfaction de Votre Majesté, et la place où il aspire 
est celle de sénateur et de grand officier de la 
Légion d'honneur. C'est le seul de vos anciens géné- 
raux qui n'ait point ce grade dans la Légion d'hon- 
neur, et je prie Votre Majesté de vouloir bien le lui 
accorder. 

a Le second est le général Baraguey-d'Hilliers. 
Lorsque Votre Majesté m'a fait l'honneur de me par- 
ler de cet officier général, elle a paru disposée à 
faire quelque chose en sa faveur. Il désire ardem- 
ment de recevoir un témoignage quelconque de sa- 
tisfaction de Votre Majesté, et je pense qu'elle peut 
lui accorder ou une augmentation de dotation, ou 
un ordre étranger. » 

E \^ p ' « Sire, j'ai l'honneur de rendre compte à Votre 
* juin i8!o. Ma j esté que , e généra i Barbou ëcrit d'Ancône, à la 

date du 13 juin, que depuis le 10 «au soir une divi- 



i 



LIV. XVII. — 1810 — CORRESPONDANCE 339 

sion anglaise, composée de 2 vaisseaux, 3 frégates 
et un brick, était en présence; mais qu'elle s'était 
bornée jusqu'alors à une reconnaissance faite par 
une frégate pour s'assurer sans doute des forces 
navales qui existent à Ancône. On lui a tiré quelques 
coups de canon; mais il paraît qu'elle était hors de 
portée : du moins aucun boulet n'a pu l'atteindre. 
« D'après ce qu'on a pu découvrir, il ne paraîtrait 
pas qu'il y ait des bombardes parmi ces bâtiments, 
ni des troupes de débarquement. » 

« Sire, Votre Majesté m'a fait l'honneur plusieurs B *fiJ* ip " 
fois de me parler du peu de travail que les ingé- î5 juin i8l ° 
nieurs géographes Taisaient en Italie, et Votre Ma- 
jesté m'a toujours demandé s'ils n'avaient pas seu- 
lement fait une carte du royaume. J'avais répondu 
à Votre Majesté que, soit les circonstances de la 
guerre, soit les ordres de Paris d'envoyer les ingé- 
nieurs géographes enDalmatie, en Albanie, etc., les 
avaient jusqu'à ce jour distraits de celte même 
carte d'Italie, que j'étais moi-même jaloux de voir 
terminer. Les travaux de cette campagne étant ce- 
pendant commencés depuis le mois de mars, vont 
présenter pour résultat celte année les États ex-véni- 
tiens, totalement achevés, c'est-à-dire tout le pays 
entre l'Adige cl llsonzo. 

« Mais j'apprends à l'instant que de nouveaux 
ordres venus de Paris ordonnaient à tous les ingé- 
nieurs géographes, employés entre l'Adige et l'I- 
sonzo, de se rendre sur-le-champ en Istrie. Voilà donc 
une campagne perdue pour notre carte de l'Italie, 



340 MÉMOIRES DU PRINCE EUGÈNE 

et je crains bien que Voire Majesté n'ait pas même 
en 1810 une carte de l'Islrie, car les opérations 
seules de là triangulation vont prendre presque 
toute la fin de cette campagne. 

« Comme je n'ai aucun ordre à donner aux in- 
génieurs géographes, je ne puis empêcher ces dépla- 
cements perpétuels, mais j'ai cru devoir en infor- 
mer Votre Majesté en la priant de n'en être point 
étonnée. » 

Eu î»afLs ap * « Sire, Votre Majesté m'a fait l'honneur de me 
28 ju.n i8io. renv0 y er j e décret que j'avais eu l'honneur de lui 

proposer pour la distribution des dotations en Ty- 
rol, en m'annonçant que ces propositions étaient 
trop considérables , qu'elle ne voulait accorder 
qu'une partie des 200,000 francs et en réordon- 
nant de lui représenter cet objet. J'ai donc l'hon- 
neur, en remettant le même décret sous les yeux de 
Votre Majesté, de lui représenter le même état au- 
quel j'ai joint des astérisques pour ceux qui, je crois, 
méritent d'abord les bienfaits de Votre Majesté. 
Comme ils sont tous militaires, les services de cha- 
cun d'eux sont connus de Votre Majesté. La plupart 
ont fait toutes les campagnes et ont servi Votre Ma- 
jesté avec tout le zèle qui était en leur pouvoir. » 

Âîni "nïïfd, « Mon fils, je vous prie de me faire connaître 
** juin îsio. combien il y a de diocèses, de chapitres et d'abbayes, 
dans les trois nouveaux départements romains réu- 
nis, et combien, tant évéques que chanoines, ont 
prêté ou refusé de prêter serment, afin que je prenne 
un parti définitif. » 



j 



LÏV. XV1Ï. - 1810 — CORRESPONDANCE 341 

« Mon fils, je reçois votre lettre du 4 juillet, je vois n»p- * ?«*• 

„ ,J * J ,J Rambouillet, 

qu il y a d archevêques, 1 7 évêchés et une abbaye •jjy/Jf 1 
dans les trois nouveaux départements. Il faut d'a- 
bord me présenterun projet de décret pour supprimer 
l'abbaye et demander le serment des 3 archevêques et 
des 1 7 évêques. Vous lâcherez qu'il y en ait 3 ou 4 qui 
le prêtent. Les sièges de ceux qui ne le prêteront 
pas seront réunis, comme je l'ai fait dans les deux 
départements de Rome et deTrasimènc. Le ministre 
des cultes vous envoie une copie de mes actes rela- 
tivement à ces deux départements, afin que tout soit 
fait sur le même pied. Mais il ne faut pas perdre un 
moment, ces mesures sont urgentes, car, sous un 
mois ou deux, je (inirai par arranger les affaires 
du pape, et il faut que ces choses-là soient finies 
avant cette époque. » 

« Sire, j'ai l'honneur d'informer Votre Majesté, "pjjjj 1 * p * 
que j'apprends à l'instant par mes dépêches de 8 i j g 1 , " et 
Milan, que les embarcations armées de 2 frégates 
anglaises ont surpris et enlevé le poste qui était à 
Grado, composé d'un détachement de 30 hommes 
d'infanterie et de 10 gardes de finances. Quelques- 
uns de ces derniers, qui se sont échappés, sont ve- 
nus apporter celte nouvelle à Udine. 

« Le général Huard, qui commande le départe- 
ment du Passeriano, allait s'y porter de suite avec 
le monde nécessaire pour les en chasser. » 

« Mon fils, vous recevrez deux décrets, l'un qui Nap.àEu*. 

. . . ' * Rambouillet, 

ordonne qu'il soit mis à Venise 3 vaisseaux, pour 9 $|{} el 



342 MÉMOIRES DU PRINCE EÙUÊNE 

le compte de la France, lesquels, joints aux 5 qui 
sont nctuellement en construction, feront 6 vais- 
seaux; l'autre qui ordonne la mise en construction, 
dans le même port, de 2 autres vaisseaux, pour le 
compte du royaume d'Italie, ce qui fera 4 vaisseaux 
italiens et 6 vaisseaux français. Prenez toutes les 
mesures pour que les 5 vaisseaux qui sont actuelle- 
ment sur les chantiers soient entièrement termi- 
nés en 4811 et pour que les 5 vaisseaux qui vont 
être mis en construction soient poussés de manière 
à être lancés en 1812; faites les dispositions néces- 
saires pour atteindre ce but. Prenez un parti sur les 
vaisseaux russes que j'ai h Tri es te. Sachez ce qu'a 
fait le duc de Raguse, si l'on démolit les vaisseaux 
qui ne peuvent plus servir, et si les débris en sont 
envoyés à l'arsenal de Venise ; enfin quel parti on 
doit prendre pour le vaisseau turc. » 

E Gpnèw! P ' <( Sire, je m'empresse d'adresser à Votre Majesté 
9 i&a a l'extrait des rapports que je reçois sur la suite de 
l'affaire deGrado. Les Anglais se sont rembarques et 
se sont éloignés de la côte. 

c< Aussitôt mon arrivée a Milan, j'enverrai un 
officier parcourir toute la cote, pour s'assurer que 
tous les ports sont en état de faire une meilleure 
résistance, en cas de nouvelle attaque. » 

»iire ^rai «Le 15 juin, une frégate bloquait le port de 

de la marine D«; n/ i;oî 
de Venise MinOlSl. 

"vSKT' « Le 25 juin, 1 vaisseau, 2 frégates et I brick 
*i8Ï© el étaient devant Goro. 



LIV. XVII. - 1810 — CORRESPONDANCE 545 

« Le 29 juin, 5 frégates ennemies débarquèrent 
500 hommes qui s'emparèrent de Grado, en firent 
la garnison prisonnière (elle était composée de 50 
hommes), ainsi que 50 autres soldats qui étaient 
accourus de Marano à son secours, incendièrent les 
archives de la commune et du bureau sanitaire, et 
se rembarquèrent ensuite, le même jour, après avoir 
mis le feu à quelques-uns des bâtiments qui se trou- 
vaient dans le port et en avoir fait sortir les autres. 
Les Anglais ont eu, dans celle affaire, 15 Sommes 
tués et 5 blessés; la garnison, 2 hommes tués seu- 
lement. » 

« Mon fils, ayez bien soin de déplacer celles de iSmbouTu^t 
mes troupes qui seraient dans des pays malsains, et 10 i J 8io! el 
de les faire remonter du côté des montagnes. En 
Italie, cela produit une différence immense dans la 
santé des troupes. » 

« Mon fils, j'ai donné ordre au ministre du trésor aSS^nnS", 
public de vous payer les 757,000 francs qui vous sont ^"a* 
dus par la marine de France. Voici le calcul que fait 
la marine de France au 1 er juin : il y avait de fait, 
sur le chantier de Venise, 28 vingt-qnatrièmes 
de vaisseaux, valant 1,587,800 francs; la marine 
française vous a livré 422 bouches à feu > évaluées 
650,000 francs; reste donc à vous rembourser 
757,700 francs. On estime que vous ferez, dans le 
courant de l'année, 26 vingt-quatrièmes valant 
945,000 francs. Faites mettre en construction les 
trois vaisseaux français, selon mon dernier décret, 



541 MÉMOIRES DU PRINCE EUGENE 

et pressez- en les travaux, les payements vous en 
seront faits régulièrement en septembre, octobre, 
novembre et décembre, à raison de 189,000 francs 
par mois, pour les 9 vingl-qàatrièmesquc vous aurez 
faits à la fin de Tannée. » 

Nap.&Eug. « Mon fils, ce qui vient d'arriver à Grado fait 

Rambouillet, ■ ^ 

i5 ifio el sent * r ' a nécessité de protéger efficacement le cabo- 
tage de Venise à Tri este. Il paraît que Menou est 
tombé dans une parfaite déconsidération à Venise. 
Donnez-lui Tordre de se rendre à Paris. J'ai accordé 
une gratification de 50,000 francs, pour payer ses 
dettes, par Ifcs mains de mon consul Vigoureux. 
Faites-lui donner, sur le trésor d'Italie, une somme 
de 50,000 francs, afin que toutes ses dettes soient 
soldées. » 

Eu Sin», ap ' a Sire, j'ai 5 rendre compte à Votre Majesté que 
18 i j 8Îo a je suis arrivé hier soir à Monza avec la vice-reine. 
J'ai reçu, en route, trois lettres de Votre Majesté 
contenant des ordres dont je vais m'occuper sur-le- 
champ. 

a 1° Celle qui concerne les évêchés des trois dé- 
partements. J'aurai l'honneur d'en soumettre, sous 
peu de jours, le projet de décret à Votre Majesté. 

« 2° Celle qui ordonne des augmentations de 
constructions de la marine à Venise. Je donne au- 
jourd'hui même les ordres nécessaires, et je re- 
mercie Votre Majesté d'avoir inséré dans son der- 
nier décret un article qui oblige le ministre de 
France à rembourser, par douzièmes, les avances 






LIV. XVII. - 1810 — CORRESPONDANCE 345 

que vient de faire la marine italienne, seul moyen, 
en effet, d'arriver au but que se propose Votre Ma- 
jesté. 

« 3° Celle qui m'enjoint d'établir les régiments 
français dans les meilleures garnisons, et, à cet 
effet, je crois avoir d'avance rempli les intentions de 
Votre Majesté, puisque les régiments français oc- 
cupent, à la droite du Pô, les garnisons de Rimini à 
Reggio, et, à la gauche, de Rassano à Rergame. » . 

a Sire, j'ai eu l'honneur de rendre compte à ^fc*»* 9 ' 
Votre Majesté que les travaux construits par les Au- 18 iiïô! et 
trichiens, sur la frontière de son royaume d'Italie, 
avaient été tous détruits pendant la dernière cam- 
pagne, à l'exception du château de Laybach. 

« J'annonçais aussi un rapport particulier sur le 
fort de Sachsenburg. Aujourd'hui j'ai l'honneur 
d'adresser, à ce sujet, à Votre Majesté un mémoire 
du maréchal duc de Ragusc, qui est d'avis de raser 
les ouvrages existants. » 

« Mon fils, je viens de prendre un décret pour que gj£ *| u *j 
le curement du port d'Ancône soit continué avec la 19 ^ tel 
même activité qui y a été mise jusqu'à présent, 
moyennant une modique dépense de 240,000 francs; 
vous avez déjà obtenu pour résultat que 4 vaisseaux 
et 6 frégates puissent y mouiller, je désire que le 
creusement soit continué jusqu'à ce que le port 
puisse contenir 9 vaisseaux et 6 frégates ; je suppose 
que celte dépense, pour les derniers mois de 1810, 
et pour Tannée 1811, n'ira pas à 200,000 fr.incs; 



346 MÉMOIRES DU IMIINCK EL'tiE.XE 

ce ne sera donc guère plus de 10 à 12,000 francs» 
par mois, c'est une véritable bagatelle. Faites-moi 
connaître si on ne peut pas pousser cet ouvrage plus 
loin! Dans mon décret, considérant que l'ouverture 
du port est de 400 toises, et que le mouillage se 
trouve par là exposé aux vents de l'ouest, j'ordonne 
que la digue recevra un prolongement de 150 toises. 
On m'avait supposé que cette dépense coûterait 
1 ,800,000 francs, ce qui m'avait effrayé ; mais cette 
dépense n'était si considérable que parce qu'on vou- 
lait conserver une risberme intérieure dans tout le 
prolongement de la digue ; j'ai renoncé h cette ris- 
berme, et, pur là, j'obtiens une économie de plus 
de 1,000,000. 

« On me fait espérer qu'avec 600,000 francs je 
ferai cette jetée, et qu'alors le port sera calme à tous 
vents, ce qui sera un extrême avantage; 60,000 francs 
à 50,000 francs par mois, c'est la dépense d'une 
année, et comme il suffit que l'ouvrage soit fini au 
1 er janvier 1812, cela fait dix-huit mois ou 100,000 
francs pour trois mois. 

« Je désire donc qu'il soit fait sur le budget un 
fonds de 100,000 francs par trois mois, ce qui aug- 
mentera le budget de 1810 de 200,000 francs, et 
celui de 1811 de 400,000 francs. Ordonnez que le» 
fonds soient faits exactement, afin qu'on puisse 
pousser avec activité les travaux de cette digue. Il est 
d'un avantage si immense pour mon royaume d'Italie 
d'être maître de l'Adriatique, qu'il n'y a rien à 
épargner pour cela. Or, avec quatre à cinq vais- 
seaux, on y parviendra ; jamais les Anglais ne pour- 



L1V. XVII. — 1810 — CORRESPONDANCE 547 

ront tenir des forces égales dans cette mer, pour le 
seul objet de bloquer le commerce, quand, d'ail- 
leurs, la réunion de la Hollande et les armements 
considérables que je fais dans tous mes ports les 
mettent dans la nécessité de bloquer tant de points. 
Vous avez dû recevoir le décret par lequel je vous 
charge de mettre sur le chantier trois autres vais- 
seaux nu compte de la France, ce qui, avec les deux 
du royaume d'Italie, et les deux que je désire qu'on 
mette en construction pour le compte de l'Italie, for- 
mera dix vaisseaux à Venise. Je pense que le budget 
de la marine italienne, pour 1811, sera fait de ma- 
nière à avoir, à la fin de l'an 1812, cinq vaisseaux 
de guerre italiens. Quant au Rivoli, j'attache une 
certaine importance à avoir ce vaisseau à Ancône, et 
il me paraît difficile qu'on ne puisse pas le mettre 
à l'eau à Tété de la Saint-Martin, ou après les tem- 
pêtes de Noël ; mais il faudrait que cette opération 
pût se faire avec une telle rapidité, que ce vaisseau 
ne fût pas obligé de rester plus de quarante-huit 
heures en rade. Alors, quelque vent qu'il fît, il irait, 
soit à Ancône, soit à Trieste, soit à Pola, et partout 
il achèverait son armement. Je suppose que vous 
prenez des mesures pour que le duc de Raguse arme 
les batteries de Pola. *> 

« Sire, Votre Majesté a daigné me dire que bientôt Eu §ônz»* p " 
elle s'occuperait de fixer le sort du Valais, et j'ose 1<J t$o el 
espérer qu'elle me permettra de lui soumettre quel- 
ques observations sur les frontières de ce pays avec 
le royaume d'Italie, vers la route que je viens de 
parcourir. 



548 MÉMOIRES DU PRINCE EUGÈNE 

« À partir du sommet du Simplon, jusqu'à la 
douane du royaume, on trouve, dans un espace de 
deux lieues environ, deux ou trois ramas de maisons 
qui méritent à peine le nom de village et qui font 
encore partie du Valais. Il me paraîtrait convenable, 
tant pour les douanes et pour l'arrangement des 
postes que pour la sûreté de la route, que ce ter- 
rain, qui est entièrement sur les versants vers l'Ita- 
lie, fût cédé au royaume, qui, d'ailleurs, n'y trou- 
verait qu'un surcroît de dépenses. La limite des deux 
Ëtats serait alors reportée sur le sommet même du 
Simplon, au point de la séparation des eaux et en 
deçà de l'hospice, suivant ce qu'ordonnera Votre 
Majesté. 

ce Je ne prendrai pas la liberté d'entretenir en ce 
moment Votre Majesté des limites de son royaume 
avec les provinces Illyriennes ; mais si elle s'occupait 
de quelque arrangement définitif relativement à ce 
pays, je la prierais de se rappeler que cette frontière 
aurait grand besoin de rectification. » 

K,, Mon^ p c< Sire, j'ai l'honneur de prier Votre Majesté de 
v \hw. c1 vouloir bien faire ordonner par son ministre de la 
guerre de l'Empire que les deux régiments de cava- 
lerie italiens qui sont en Catalogne soient réduits 
à deux escadrons au lieu de trois. Le cadre du 3 e es- 
cadron, ainsi que l'un des deux chefs d'escadron, 
devront rejoindre leur dépôt en Italie. Je demanderai 
également à Votre Majesté de vouloir bien ordonner 
que le 5 e régiment de ligne italien, qui se trouve 
aussi en Catalogne, soit réduit de trois bataillons à 



L1V. XVII. - i«*o - CORRESPONDANCE 54î) 

deux, et que le cadre du 5* bataillon soit renvoyé au 
dépôt. 

« Les dernières situalions que j'ai reçues de la 
division italienne, en Espagne, m'autorisent à faire 
ces demandes à Votre Majesté pour le bien de ces 
corps. » 

« Sire, j'ai reçu les ordres de Votre Majesté, du Eu flô*£ ap - 
15 juillet, sur le général Menou. Je vais lui donner ^Vsïo* 
Tordre de se rendre à Paris. Comme il est important 
de ne point laisser vacant le gouvernement de Ve- 
nise, je prierai Votre Majesté de vouloir bien y 
nommer le général Pino. Sa santé va beaucoup 
mieux dans ce moment, et il est disponible, à l'ex- 
ception pour l'exercice du cheval, qu'il n'est pas en 
état de faire. 

a Aussitôt ma rentrée à Milan, j'ai pris des me- 
sures pour la sûreté du littoral du royaume. On va 
construire, à cet effet, sur tous les points qui peuvent 
servir de refuge aux bâtiments, des batteries fer- 
mées, armées de pièces en fer de 24 ou de 18. 

« Les canonniers garde-côtes vont être organisés, 
et j'espère que, sous peu de temps, nos plus petits 
ports seront à l'abri d'insultes. 

« Je remercie de nouveau Votre Majesté d'avoir 
bien voulu s'occuper du remboursement de ce que 
devait la marine française à la marine italienne. Je 
vais faire le même compte dans le bureau de la ma- 
rine de Milan, et je puis d'avance assurer à Votre 
Majesté qu'il se trouvera sûrement une différence 
avec celui dont elle a bien voulu me faire part ; car, 



350 MÉMOIRES DU PRINCE EUGÈNE 

le ministre de la marine de France, en déduisant des 
sommes qu'il nous doit, tout le prix de l'artillerie 
qu'il nous a envoyée, a oublié qu'une partie de cette 
artillerie devait servir aux vaisseaux français. J'a- 
dresserai à Votre Majesté le compte que je fais dres- 
ser, dès qu'il sera terminé. » 

^n P t- à cfoud «'Mon fils, je reçois votre lettre relative à quel- 
24 ifio. tel 9 ues vill&ges du Valais, qu'il vous parait utile de 
réunir à mon royaume d'Italie; je ne vois pas de 
difficultés à cela; mais j'aurais voulu que vous me 
parlassiez du Valais, vous ne m'en dites rien, et 
que vous me fissiez connaître de quelle manière il 
vous a paru que marchait le pays. » 

; N hu ci Eu S' «Mon fils, donnez ordre que les pères Piétro, 
^JSo* Léonardi de Vérone, et Pacifique Paccetti, chefs de 
mission à Venise, soient sur-le-champ arrêtés, et 
prenez les mesures les plus efficaces pour comprimer 
les dispositions malveillantes que montrent partout 
les moines. Mon intention n'est pas de me laisser 
insulter par cetle vermine. » 



cug.iKap. « Sire, Votre Majesté m'a fait l'honneur de me 

^itïo 1 * consu l ter sur ' es aperçus que lui soumet le mi- 
nistre directeur pour le service des fourrages en 
Italie. Le marché dont il est question dans ce rap- 
port me paraît on ne peut plus avantageux. C'est 
le plus modique prix qu'il est possible d'espérer, 
et il est de fait que le gouvernement italien, qui a 
l'usage d'être assez exact dans ses payements, paye 



LIV. XVII. — 1810 — CORIIESPONDÀNCE 55t 

la ration de fourrage i franc 35 centimes à la gauche 
<le l'Adige et 1 franc 47 centimes à la droite de ce 
fleuve. Quant à la clause que le fournisseur met au 
remboursement de ce qui lui est dû, et d'êlre payé 
à Milan, je ne pense pas qu'elle puisse empêcher 
Votre Majesté d'accepter ses offres, car la liquida- 
tion de sa créance aurait été sûrement faite, et il 
•est juste de le payer. Je ne vois aucun inconvénient 
-à le faire payer sur le subside. J* entends cependant 
«que les payements à Milan veulent dire : dans les 
différents points du royaume, car ce serait une perte, . 
et j'opinerais pour que la clause dît : dans le royaume 
et sur le subside. Je ne parle pas des cautions que 
l'entrepreneur ne peut se refuser de fournir, car, 
«quoiqu'il n'en soit pas question dans le rapport du 
ministre directeur, je pense que dans les contrats 
Votre Majesté exigera de l'entrepreneur une caution 
bien solide, et acceptée par l'ordonnateur en chef de 
l'armée. » 

« Sire, j f ai l'honneur de mettre sous les yeux de Eug.*Nap. 
Votre Majesté des certificats qui m'ont été présentés **$$ el 
par le général de division comte Vignolle. Il résulte 
•de ces certificats que la blessure qu'il a reçue à la 
bataille de Wagram )'a privé pour jamais de l'usage 
•de son œil droit et a très-affaibli son œil gauche. Ce 
général, qui a plus de trente ans effectifs de service 
et de quarante-sept années d'âge, se sent dans l'im- 
possibilité de servir désormais avec une activité égale 
à son zèle, et il m'a prié d'implorer en sa faveur les 
bontés de Votre Majesté. 



352 MÉMOIRES DU PRINCE EUGÈNE 

« J'ose croire qu'elle me pardonnera d'appeler 
en celte occasion sur ce général cette augu&tc bien- 
veillance dont il paraît bien digne. » 

tu fcîfc! ap " « Sire, j'ai reçu avant-hier matin les ordres de 
^iKn!* 1 Votre Majesté relativement aux travaux dti port d'An- 
cône, et à l'activité qu'elle recommande dans les 
constructions des bâtiments à Venise.- 

« Quant au port d'Ancône, les ordres de Votre 
Majesté seront exécutés avec d'aulant plus de facili- 
tés, qu'il y a pour ce travail 400,000 francs de desti- 
nés dans le budget de celte année. Le curage se con- 
tinue toujours ; des pierres sont déjà préparées au 
mont Pisaro où l'on va les chercher, et nous n'atten- 
drons plus que les plans que Votre Majesté nous pro- 
met, pour commencer des celte année la jetée» 
J'observe cependant que, si les plans tardaient à 
arriver, les coups de vent de Té<|uinoxe et les mau- 
vais temps de l'automne nous obligeraient de re- 
mettre à Tannée prochaine ; mais le temps ne se- 
rait pas entièrement perdu, parce qu'on préparerait 
un plus grand nombre de malériaux. Je dois obser- 
ver à Votre Majesté, qu'autant il est possible de fixer 
400,000 francs par an pour le travail d'Ancône, au- 
tant il nous sera difficile de trouver pour Tannée 
prochaine 7 à 800,000 francs, à cause des grandes 
dépenses où vont nous entraîner les travaux de Ve- 
nise. Quant au Bivoli, il sera terminé tel que je l'ai 
promis à Votre Majesté et prêt à être lancé dans le 
commencement de septembre; mais j'ai demandé un 
rapport détaillé au commissaire général de la ma- 



^ 



LIV. XVU. — 1810 — CORRESPONDANCE 353 

rine, sur la possibilité de faire passer ce vaisseau à 
Malamoco, de lui faire franchir la passe pour le 
conduire en rade, et enfin de lui faire regagner un 
des ports de Triestc, Pola ou Ancône. Votre Majesté 
recevra très-incessamment ce rapport, que j'attends 
moi-même avec impatience, et qui fixera enfin les 
idées de Votre Majesté sur ce qu'elle peut espérer 
de ses vaisseaux à Venise. La plus grande activité 
règne dans tous les travaux de Venise, et je compte 
y aller moi-même après le 15 août. 

«Le capitaine de vaisseau français Dubourdieu nous 
est arrivé de Toulon. Il nous sera fort utile pour 
l'instruction de nos marins, pour l'ensemble à don- 
ner à toute notre marine, et enfin pour les efforts 
qu'il faudra faire lors delà sortie du vaisseau. 

oc Je vais adresser au ministre de la marine nos 
comptes avec lui. Le résultat présente un crédit de 
notre marine de 1,848,000 francs, sur lesquels 
nous avons reçu un payement soit : en mandats 
496,000 francs. .lia dette de la marine impériale 
envers nous est donc encore de 1,552,000 francs, 
sans compter tous les 24' de vaisseau qui seront 
faits d'ici au 1 er janvier 1811. Je prie Votre Majesté 
de donner ses ordres à son ministre pour que les 
fonds nous soient faits exactement, sans quoi, mal- 
gré tout notre zèle et notre bonne volonté, les tra- 
vaux ne pourraient conserver toute leur activité. » 

« Sire, le roi de Naples a demandé à Votre Ma- Eo fcJJ"'- 
jesté de lui céder les communes d'Ancarno et Mol- 5 août i810, 
tignano situées dans le district d'Ascoli, département 

vi. 23 



554 MÉMOIRES DU PRINCE EUGÈNE 

du Tronto, et sur la rive droite de ce fleuve. Votre 
Majesté me fait écrire par son ministre secrétaire 
d'État, M. Aldini, de nommer des commissaires pour 
prendre tous les renseignements possibles sur cet 
objet, traiter avec la cour de Naples des compensa- 
tions qu'elle pourrait offrir, en cas de cession de 
territoire demandé par elle. 

« Je viens de recevoir le rapport des commis- 
saires nommés à cet effet, et je m'empresse de le 
mettre sous les yeux de Votre Majesté, avec une carte 
représentant le territoire dont il s'agit. Le motif du 
gouvernement napolitain était la rectification de ses 
limites, et plus de facilité dans l'arrangement de 
ses douanes. Votre Majesté verra par le rapport que 
j'ai rhonneirr de lui soumettre, et par la carte qui y 
est jointe, que la cession des deux pays demandés 
ne conduirait point à ce but, à moins qu'elle n'en- 
traînât celles de plusieurs autres communes et même 
celle de la rive droite entièredu Tronto, sur laquelle 
se trouve la ville d'Ascoli, dont la population est 
de 10,000 âmes. 

« La cession, d'ailleurs, de ces deux seules com- 
munes, si peu avantageuse pour le gouvernement 
napolitain, aurait de graves inconvénients pour te 
district d'Ascoli, pour cette ville même où habitent 
la plus grande partie des propriétaires de ces deux 
communes. D'ailleurs, elle interromprait la com- 
munication avec Àscoli et le petit fort, duquel on 
a tiré parti dans toutes les guerres, surtout pour 
arrêter les excursions des brigands révoltés dans les 
Abruzzes. Les commissaires ajoutent aussi que cette 



L 



LÏV. XVII. — 1810 — CORRESPONDANCE 355 

cession mécontenterait infiniment une population 
d'environ 2,000 âmes, qui émettent le vœu le plus 
prononcé de continuer à faire partie du royaume. 
Us assurent en même temps que la cour de Naples 
ne peut offrir aucune compensation territoriale pro- 
portionnée et convenable, et ne paraît pas d'ailleurs 
dans cette intention; et pour le mode de compen- 
sation auquel elle paraît disposée, c'est d'accorder 
au royaume annuellement une certaine quantité do 
sel. Le commissaire italien a cru, dans son rapport, 
devoir parler des vexations pour lesquelles la corn* 
munication directe d'Ancarno et de Moltignano par 
la route dite délia Copa, devenant de jour en jour 
plus difficile, depuis que les douanes napolitaines 
se sont crues en devoir de pousser leur surveil- 
lance jusque sur cette route. 

« Votre Majesté remarquera sans doute aussi que 
la fin de ce rapport contient quelques observations 
sur l'irrégularité des frontières de votre royaume 
d'Italie, sur ce même point, avec le royaume de 
Naples. Il résulte de ces réflexions que les fron- 
tières du royaume d'Italie devraient être reculées • 
jusqu'au Salinello, et que presque tous les endroits 
compris entre ce fleuve et la limite actuelle n'ont 
été détachés du territoire d'Ascoli que par des 
usurpations lentes et successives, fruit de la fai- 
blesse et de la condescendance du gouvernement 
pontifical. » 

« Mon fils, je m'occupe d'un grand objet relatif ^Jkîwn * 
à la navigation et au commerce. Je vous prie de 6 aoûl i810. 



556 MÉMOIRES hV PRINCE EUGÈNE 

m'envoyer le tarif des douanes du royaume d'Italie, 
tel qu'il est aujourd'hui en activité; je désire désor- 
mais qu'aucuii changement n'y soit fait, que par 
un décret de moi. Je vous ai fait envoyer un décret 
qui prohibe l'entrée des soies d'Italie pour toute 
autre destination que Lyon: vous recevrez un décret 
que je viens de prendre pour régler les droits d'en* 
trée de plusieurs espèces de denrées coloniales. De 
quelque manière que ces denrées arrivent, elles 
doivent payer les droits, mais bien entendu qu'elles 
ne doivent point arriver au détriment du blocus; 
vous recevrez également le décret général que j'ai 
pris sur la navigation : ces deux décrets sont exécu- 
toires pour le royaume d'Italie. Ils sont secrets et 
doivent rester dans votre main ; vous ne devez don- 
ner d'ordres, en conséquence de ces décrets, que 
par des lettres ministérielles. Il est nécessaire que 
vous fassiez classer, comme cela se pratique en 
France, les bâtiments de la marine italienne. Les 
commissaires français de la marine de Venise doi- 
vent connaître cette méthode. Vous sentez que, 
-puisque je m'occupe de denrées coloniales, je m'oc- 
cupe des moyens de les Caire venir ; je vais vous en- 
voyer deux espèces de licences pour Venise et An- 
cône, Tune est licence ordinaire. Il sera permis aux 
bâtiments munis de ces licences d'exporter des blés, 
des fromages et autres objets du cru du pays, même 
à Malte, en Angleterre, en Sicile, en Turquie et par- 
tout; en échange, ils pourront importer des bois de 
teinture et les objets nécessaires aux consomma- 
tions du royaume d'Italie. Ces licences les mettent à 



LIV. XVII. - iSiO — CORRESPONDANCE 357 

l'abri des formalités exigées par les lois du blocus ; 
ils pourront importer des cotons du Levant, mais il 
faudra bien vérifier s'ils sont du Levant et non cotons 
coloniaux. 

«Je désire que vous m'envoyiez deux Italiens, bien 
au faitdu commerce des manufaclures,qui connaissent 
bien le genre de production dont le royaume est en- 
combré; s'il y a des fromages, des blés plus qu'il ne 
faut pour le bien du pays; ce que payent les marchan- 
dises à l'entrée et à la sortie; ce qui s'oppose à l'impor- 
tation, et quels sont les objets d'importation dont l'Ita- 
lie a besoin; si l'on a l'habitude d'importer des cotons 
dans le royaume d'Italie. Il faudra que les personnes 
que vous m'enverrez apportent avec eux la balance 
du commerce depuis plusieurs années et connais* 
sent la valeur des objets qu'on jroporte et qu'on ex- 
porte. Envoyez-moi l'état des bâtiments entrés dans 
Tannée à Venise, à Ancône et dans les autres ports, 
avec désignation de leur chargement, et des notes 
qui fassent connaître de quelles nations ils étaient ; 
mon intention est de prendre des mesures pour que 
le commerce soit fait par les nationaux eux-mêmes. 
Faites-moi connaître quels sont les prix des indigos, 
du café, du sucre, en distinguant les différentes es- 
pèces de sucres, des thés, du coton du Levant, du 
Brésil et de l'Amérique. Le résultat des mesures que 
je veux prendre sera un bénéfice pour le royaume 
de 20 à 25 millions qui seront employés tout entiers 
au rétablissement de la marine de Venise. » 

« Mon fils, j'ai reçu voire lettre du 5 août; j'ai lu l rïïii 11 " 

10 août 1810. 



.V»8 MÉMOIRES DU PRINCE EUGÈNE 

avec attention le rapport des commissaires sur les 
deux villages d'Ascoli, dont la cession est demandée 
-par le roi de Naples; je trouve que vos réflexions 
sont très-justes, et que si, pour rectifier les limites 
de Naples, il /fallait céder ces deux communes, cela 
donnerait lieu à de graves inconvénients, sans au- 
cune compensation; je vais faire répondre sur cette 
affaire, par mon chargé d'affaires à Naples; je ne 
-fleux pas qu'il y ait de douanes sur ces deux points de 
communications et je n'admets aucun changement 
dans la frontière d'Àscoli; s'il y avait un change- 
ment, ce serait pour donner au royaume d'Italie la 
Salinello pour limite. Vous ferez finir les inquiétudes 
qu'on paraît avoir à Àscoli et dans ces deux villages, 
en y faisant connaître que j'ai pris en considération 
leurs intérêts, et qu'ils ne seront jamais réunis au 
royaume de Naples. » 

Eug. 5Na P . « Sire, Votre Majesté m'a fait l'honneur de me 
to août îèio. consulter sur le rapport de M. le comte de Monles- 
quiou qui concerne le sieur Nillot. 

« Il est très-vrai que j'ai été présent au différend 
qui a eu lieu entre l'Impératrice Joséphine et le sieur 
Nillot pour l'affaire de, . . . 

« Les experts ont été consultés; les livres du sieur 
Nillot et d'anciens étals m'ont convaincu que les ré- 
clamations de l'Impératrice Joséphine n'étaient point 
fondées et que les comptes du sieur Nillot étaient 
très-clairs et très-exacts* 

« Je certifie donc à Votre Majesté qu'à ma 
connaissance ledit individu n'a rien fait qui 



LIV. XVII. — 1810 — CORRESPONDANCE 550 

puisse le priver de la confiance de Votre Majesté. » 

• * • 

« Sire, Votre Majesté avait remarqué avec mécon- Eu fo* z ^ p - 
tentement, dans son palais royal de Milan, le pas- 13 août 181 °- 
sage étroit qui conduit de la salle n° 5 à celle n° 4 de 
ses grands appartements, et avait témoigné le désir 
que cette disposition fût changée. La guerre et les 
autres circonstances qui m'ont depuis longtemps 
presque toujours tenu éloigné de Milan ont retardé 
l'accomplissement de ce désir de Votre Majesté, mais 
ne me l'ont point fait oublier ; et maintenant, dans 
l'espoir que votre royaume d'Italie pourra être bien- 
tôt honoré de votre présence, je me suis occupé des 
moyens de changer ce qui avait semblé vous dé- 
plaire. 

« J'ai l'honneur d'adresser à Votre Majesté un plan 
de son palais et de lui proposer la destruction du 
cabinet qui rétrécit en. cet endroit la communica- 
tion. Tout ce qui serait à détruire est tracé en jaune 
et en augmenterait de tout cet espace la salle n° 3, 
qui alors pourrait offrir à Votre Majesté un salon de 
réception plus vaste que tous les autres de son grand 
appartement. On prendrait alors l'espace pour l'es- 
calier et la retraite nécessaires çn cet endroit aux 
dépens de la salle du conseil, qu'il serait aisé de pla- 
cer partout ailleurs,, et Vôtre Majesté aurait ainsi un 
appartement complet de six salons se suivant par- 
faitement. Le devis de ces changements s'élève à la 
somme de 1 10,000 livres italiennes, et si Votre Ma- 
jesté approuve ces dépenses, comme l'espoir delà voir 
bientôt à Milan obligerait à commencer sur-le-champ 



560 MÉMOIRES DU PRINCE EUGÈNE 

les travaux, que ces dépenses ne sont point prévues 
par le budget de 1810, je supplierai Votre Majesté 
de vouloir bien assigner les fonds nécessaires pour y 
subvenir. » 

m 

En fcL?* p ' « Sire, Votre Majesté me fit l'honneur, lors de 
' mon départ de Paris, de me dire qu'elle accorderait 
volontiers une indemnité à ceux des officiers de sa 
maison d'Italie qui ont fait le voyage de Paris, et 
que les dépenses qu'ils ont été obligés de faire ont 
pu gêner. 

a J'ai l'honneur d'en joindre ici l'état, en priant 
Votre Majesté de vouloir bien approuver que les fonds 
en soient pris sur les fonds restant libres de 1809, 
du trésor de sa couronne. » 

Ë&i-oSSi, « Mon fils, je vois qu'il y a à Àncône onze bâti- 
u août i8io. ments ( j u Levant, Envoyez à Àldini les pièces et pa- 
piers de ces bâtiments, afin qu'après en avoir pris 
connaissance je puisse décider s'ils sont sujets ou 
non à être confisqués. Il faut envoyer les papiers de 
bord, et ceux qui font connaître l'endroit d'où vient 
ïe bâtiment, celui où il a été chargé, et celui où il 
s'est fait assurer. » 

Eu fioî£? p ' c< Sire, j'ai reçu avant-hier la lettre de Votre Ma- 
14 août 1810, jesté du 6 courant. J'ai attendu pour y répondre de 

pouvoir satisfaire à une partie des demandes qu'elle 

contenait. 

« Aussitôt .que j'aurai reçu les décrets que Votre 

Majesté veut bien m'annoncer, l'un sur la naviga- 



LIV. XVII. - 1810 — CORRESPONDANCE 861 

tion et l'autre sur les droits d'entrée que doivent 
payer les denrées coloniales, j'attendrai en même 
temps les licences de deux espèces qu'elle m'a fait 
l'honneur de m'annoncer. J'ai ordonné provisoire- 
ment au ministre de la marine de s'occuper sans dé- 
lai de la classification des bâtiments de la marine 
italienne, en suivant à cet égard la méthode qui se 
pratique en France. 

« J'adresse ci-joint à Votre Majesté le tarif général 
des douanes du royaume d'Italie. J'ai eu soin de 
faire porter en marge les modifications survenues 
depuis la mise en activité de ce tarif. Je joins éga- 
lement les prix courants de la place de Milan, mais, 
comme les mesures ne sont pas les mêmes qu'en 
France, j'ordonne au ministre de l'intérieur de me 
présenter un tableau des prix de Milan, Ancône et 
Venise, en les réduisant au poids de marc et à la 
livre italienne. Je vais mettre en route sous peu de 
jours les deux Italiens que Votre Majesté m'a de- 
mandés, bien au fait des productions du royaume, 
de son commerce cl de tous les règlements de 
douanes. Ils seront porteurs de tous les rensei- 
gnements que Votre Majesté pourra désirer à cet 
égard. 

« Par le courrier de demain, Votre Majesté rece- 
vra un état des bâtiments entrés cette année dans les 
différents ports du royaume, ainsi qu'elle a bien 
voulu me le demander. 

« Enfin il ne me reste plus qu'à entretenir Votre 
Majesté du dernier décret qu'il lui a plu de prendre 
sur la sortie des soies de son royaume d^lalic. 



362 



MEMOIRES DU PRINCK EUGÈNE 



« Déjà, avant d'avoir reçu le décret, le besoin des 
manufactures du royaume joint au besoin de re- 
monter les revenus du trésor, m'avaient porté, après 
avoir discuté l'affaire au conseil des ministres, à 
augmenter de beaucoup les droits de sortie des 
soies. «Ty étais d'autant plus porté, que le ministre 
Marescalchi m'envoyait la copie d'une lettre du mi- 
nistre dç l'intérieur de l'empire, qui au nom dé 
Votre Majesté réclamait qu'il fût pris des mesures à 
cet égard. 

« Le tableau ci-après fera connaître à Votre Ma- 
jesté l'augmentation que nous avons cru nécessaire 
d'imposer aux droits d'exportation, et je la prie de 
vouloir bien la sanctionner de son approbation. 



• • 

INDICATION DES ARTICLES 


D»01T D*KSFOBTAT10S 

DU TARIF. 


! 

DROIT D'e&PORTTATIOK I 
FUR PAR .DÉCHET 
Dr VICE-ROI, 
DU 2 AOUT 1810. 


l'OtD* M MILAN. 

Soies grises pour chaque livre. . 


r, c 

» 77 
j» 29 
» 20 
» " 2 


F. C. 

2 » 

. » 60 

» 30 

» 5 





« Je dois pourtant observer à Votre Majesté que 
l'exécution de l'article de son décret qui ne veut point 
que cette augmentation de tarif ait lieu du côté de 
la France va occasionner une perte bien grande et un 
mécontentement général dans son royaume d'Italie. 
Le prix de 48 millions de soies qui s'exportaient de 



L1V. XVII. — 1810 — CORRESPONDANCE 5d5 

votre royaume d'Italie, Sire, sera donc fixé par le 
commerce de Lyon et à fca merci, car Votre Majesté, 
en ôtant la concurrence au commerce des autres 
pays v fait, il est vrai, un avantage au commerce 
français, mais elle consomme en même temps la 
ruine totale de ce genre d'industrie, seule ressource 
qui pourrait, soutenir la passivité qu'éprouve le 
royaume d'Italie de tous les autres côtés. J'ose dire 
plys : Votre Majesté a dicté un traité de commerce 
avantageux à la France et nuisible au royaume d'I- 
talie. Ce serait une injustice pour vos sujets italiens 
que d'aller au delà de ce même traité. Je prie donc 
en grâce Votre Majesté de vouloir bien permettre; 
au moins, que les soies portées dans ce tarira 2 francs 
par quintal, pour la sortie sur tous les pays étran- 
gers, soient réduites à \ franc 50 centimes pour la sor- 
tie du côté de l'empire français. Je ne puis pas croire 
que Votre Majesté ne veuille pas se rendre à la jus- 
tice de cette cause, et je la prie cependant de croire 
qu'en attendant sa décision, son décret a été sur-le- 
champ exécuté. » 

« Sire, j'ai l'honneur d'adresser à Votre Majesté Eug.iNao. 
un rapport du sénateur comte Testi, relativement aux 
opérations des commissaires de Votre Majesté char- 
gés de la fixation des nouvelles limites des posses- 
sions de Votre Majesté dans le Tyrol. Votre Majesté 
sait déjà que tous les arrangements sont convenus 
et que Ton est occupé depuis longtemps à placer les 
bornes. Un seul objet, pour ainsi dire étranger au 
Tyrol même, est encore un motif de discussion entre 



564 MÉMOIRES DU PRINCE BUGÈRK 

tes commissaires de Voire Majesté et ceux du roi de 
Bavière. C'est le district de Windischnaterg el de 
Rasferenger. Les commissaires italiens prétendent 
que ce petit pays qui faisait partie du Salzbourgeois, 
mais qui était enclavé dans la partie du Tyrol réunie 
aux provinces Illyriennes, sans que sa population 

même soit comptée dans celle 

du décret du 28 février de Votre Majesté dans le Ty- 
rol. Les commissaires bavarois soutiennent le con- 
traire. Il y a tout lieu de croire que la convenance 
locale est ^ seule ce qui a entraîné les commissaires 
italiens à cette discussion, d'autant plus qu'il n'au- 
rait pas été possible d'offrir dans le reste du Tyrol 
réuni au royaume là. moindre compensation conve- 
nable pour ce petit territoire. Mais je ne puis m'em- 
pécher, en rappelant l'attention de Votre Majesté vers 
Je Tyrol , de lui observer que la seule limite mili- 
taire 5 établir entre les possessions de Votre Majesté 
vers ce côté et celles de la Bavière est la limite 
tracée par la nature même sur le sommet des mon- 
tagnes où se séparent les eaux de la mer Noire et 
celles de l'Adriatique. Alors une borne placée sur la 
grande route suffirait pour déterminer les limites 
des deux puissances. Votre Majesté trouvera sur la 
carte ci-jointe les limites frontières tracées, et une 
note sur la population h réunir. Votre Majesté sen- 
tira bien que je ne proposerai la réunion de cette 
nouvelle portion du Tyrol qu'autant qu'elle voudra 
bien donner à la Bavière des compensations con- 
venables. » 



LIV. XVIf. — 1810 - CORRESPONDANCE 565 

« Sire, je m'empresse d'avoir l'honneur d 9 adres- *%££**' 
ser à Yotre Majesté l'état sommaire du nombre et i7 90ùl i8t0 " 
de l'espèce de bâtiments de différents pavillons qui 
sont entrés dans les ports du royaume depuis le 
i "janvier 1810 jusqu'au 1 er juillelde la mômeannée. • 
J'y ai fait joindre; la désignation des marchandises 
dont ils étaient chargés et la valeur approximative 
des chargements. Je prie cependant Votre Majesté 
d'observer que ce sont les premiers états de cette 
façon que l'on exige, et qu'il y a tout lieu de croire 
qu'il y aura eu des doubles emplois, c'est-à-dire qu'un 
bâtiment parti de Trieste pour An cône aura été porté 
dans plusieurs ports où il aura pu être forcé de sé- 
journer. » 

■ «Sire, Votre Majesté m'a fait l'honneur de me eumn« p . 

, , ••il Mon», 

renvoyer des notes de son ministre de la manne et *" «<> ûl mo. 
des colonies sur ce que ladite marine impériale 
peut devoir à la marine italienne pour 1810. Elle 
m'a ordonné de lui faire connaître si ces calculs 
étaient exacts. J'ai fait faire le même travail dans les 
bureaux du ministre du royaume, et il ne s'est 
trouve de différence que 14,000 francs en moins. 
En conséquence, je prie Votre Majesté de vouloir 

bien cette dépense. , 

« Je profite de cette circonstance pour adresser de 
nouveau à Votre Majesté l'état du crédit de la ma- 
rine italienne envers la marine française. Votre 
Majesté verra sans doute avec surprise que sur les 
exercices antérieurs à 1810 et le 1 er semestre de 
l'année courante le trésor italien est en avance de 



360 MÉMOIRES DU PRINCE EUGENE 

i, 700,000 fr. C'est ce retard continuel que nous 
éprouvons clans les remboursements, qui nous em- 
pêche, Sire, et de mettre toute l'activité qui serait 
nécessaire et toute l'exactitude que nous désirerions, 
et qui est si nécessaire pour être bien servis. 

« Je prie Votre Majesté de vouloir bien renouve- 
ler ses ordres à cet égard, et faire les fonds néces- 
saires à son ministre de la marine de l'Empire. » 

Eu Mniw ap ' « Sire, j'ai l'honneur d'adresser à Votre Majesté 
i9 août i io. un rfl pp 0r i j e son ministre de la guerre du royaume, 

contenant quelques réflexions de l'ingénieur chargé 
des travaux du port d'Ancône, sur les derniers 
ordres de Votre Majesté. 

a L'ingénieur pense que la jetée d'Ouest aura des 
' avantages bien supérieurs en la faisant avec ris- 
berme. Il assure également que cette jetée de 
l'ouest de 150 toises ne suffira pas pour mettre à 
l'abri des gros vents d'ouest et à l'abri des brûlots 
les vaisseaux et frégates que Votre Majesté aurait 
dans ce port, car le mouillage de ces vaisseaux est 
le long du môle. Il propose une seconde jetée, et 
comme il plaira sans doute à Votre Majesté de con- 
sulter sur ces idées les sieurs Ganzin et Prony, ayant 
sous les yeux les premiers profils et travaux, je la 
prie seulement de vouloir bien se borner pour 
l'instant à me dire si elle permet que la jetée de 
l'ouest soit faite avec risberme. En attendant la 
réponse de Votre Majesté que je sollicite, j'ordonne 
qu'on ne perde pas de temps à rassembler les ma- 
tières. » 



LIV. XVII. - ifijo — «URUESPOÎWÀNCE SÔT, 

«Sire, j'ai l'honneur de rendre compte à Votre Eu 5ônM* p * 
Majesté que, suivant ses ordres, je prends la liberté l9aoûll81 °- 
d'envoyer près d'elle les sénateurs Lamberlinghi et 
Bologno, tous deux parfaitement au fait du com- 
merce de son royaume avec les autres pays, con- 
naissant également ses productions, le genre dea 
objets dont l'importation lui est. nécessaire, et 
versés dans le système des douanes. Je leur ai or- 
donné de prendre dans les ministères de l'intérieur 
et des finances tous les états et renseignements qui 
pourraient aider leur mission. 

« J'ai r honneur d'observer à Votre Majesté que 
j'ai cru devoir adjoindre à ces deux sénateurs deux 
négociants, un de Milan et l'autre de Venise, afin do 
tes aider et de les fortifier dans les différentes de- 
mandes que Votre Majesté pourrait leur adresser et 
qui pourraient être des localités. Ces deux négo- 
ciants seront prêts à être présentés à Votre Ma- 
jesté, si elle jugeait devoir leur faire cet honneur. 
J*ai lieu d'espérer que cette dépulation remplira le 
but que Votre Majesté s'est proposé en l'appelant 
auprès d'elle. » 

« Mon fils, je mets 50,000 francs à votre dispo- ^i-^Si, 
sition sur le trésor de la couronne; vous les dislri- B août i810, 
buerez entre les dames qui ont fait le dernier voyage 
de Paris. Quant aux hommes, je trouve qu'il serait 
abusif de leur donner quelque chose. » 

« Mon fils, je reçois votre lettre du 14 août. Les Nap. àEug. 

. i,r i- ii Sainl-Cloud, 

soies du royaume d Italie vont toutes en Angleterre » août isio. 



568 MÉMOIRES DU MINCE EUGÈNE 

puisqu'on ne fabrique pas les soies en Allemagne. 
Il est donc (oui simple que je veuille les détourner 
de celle roule au profil de mes manufactures de 
France, sans cela mes fabriques de soies, qui sont 
une principale ressource du commerce de France, 
éprouveraient des pertes considérables; je ne sau- 
rais approuver les observations que vous faites. 
Mon principe est la France avant tout. Vous ne devez 
jamais perdre de vue que, si le commerce anglais 
triomphe sur mer, c'est parce que les Anglais y sont 
les plus forts; il est donc convenable, puisque I<t 
France est la plus forte sur terre, qu'elle y fasse 
aussi triompher son commerce, sans quoi, tout est 
perdu. Ne vaut-il pas mieux pour l'Italie de venir air 
secours de la France dans une circonstance impor- 
tante comme celle-ci, que de se voir couverte de 
douanes, car ce serait mal voir que de ne pas recon- 
naître que l'Italie n'est indépendante que par la 
France; que cette indépendance est le prix de son» 
sang, de ses victoires, et que l'Italie ne doit pas en 
abuser; qu'il serait surtout fort déraisonnable d'aller 
calculer si la France obtient ou non quelques avan- 
tages commerciaux. Le Piémont et le Parmesan ont 
aussi de la soie. J'en ai cependant défendu de 
même l'exportation pour toute autre destination que 
la France. Quelle différence doit-il y avoir entre le 
royaume d'Italie et le Piémont? S'il devait y en 
avoir, ce serait en faveur du Piémont. Les Vénitiens 
ont combattu la France, les Piémontais l'ont aidée; 
ils étaient parvenus à former un parti contre leur 
roi ; mais laissons tous ces faits. J'entends mieux 



LIV. XVII. — t»lO — CORRESPONDANCE 569 

que personne la politique de l'Italie. Il faut que 
l'Itqlie ne fasse pas de calculs séparés de la prospé- 
rité de la France; elle doit confondre ses intérêts 
dans les siens; il faut surtout qu'elle se garde bien 
de donner à la France un intérêt à la réunion ; car 
si la France y avait intérêt, qui pourrait l'empê- 
cher? Prenez donc aussi pour devise : La France 
avant tout. Si je perdais une grande bataille, un 
million, deux millions d'hommes de ma vieille 
France accourraient sous mes drapeaux; toutes les 
bourses m'y seraient ouvertes, et mon royaume d'I- 
talie lâcherait pied ; je trouve donc singulier qu'on 
ait quelque répugnance à venir au secours des ma- 
nufactures françaises, dans une mesure qui a aussi 
pour but de faire tort aux Anglais. Il y a beaucoup de 
soie dans les trois Légations, il y en a bcauconp dans 
le Novarais; par quels faits le royaume d'Italie a-t-il 
mérité ces accroissements de 700,000 et de 
400,000 âmes? et comment ces réunions peuvent- 
elfes tourner contre mes intentions? Au lieu de la 
moitié du droit, les marchandises françaises ne 
devraient rien payer à leur entrée en Italie. J'ai 
chargé Àldini de prendre tous les renseignements 
relatifs à l'acte de commerce et à la qualification 
des bâtiments maritimes; je l'ai aussi chargé de me 
faire un prompt rapport sur ce qui est relatif aux 
licences. » 

« Mon fils, je reçois votre lettre du 20; vous avez fu P . àEug. 
eu tort de prendre votre décision du 26 juillet, qui «îUusîo! 
libère les bâtiments ottomans. Le ministre des fl- 

vi. 24 



570 MÉM01RE8 DU PRINCE EUGÈNE 

nances ne vous disait pas que vous y étiez autorisé, 
il vous faisait connaître les renseignements qu'il 
fallait prendre. Mais ces renseignements ne se com- 
posent pas des seules déclarations des individus. Je 
me suis réservé exclusivement la connaissance de 
cette affaire. Aucun bâtiment ottoman ne peut être 
libéré sans un décret de moi ; il faut que les douanes 
d'Italie soient mises sur le pied de celles de France, 
sans cela, je ne vous cache pas que je réunirai 
le royaume d'Italie. La seule considération des 
douanes m'a obligé à réunir la Hollande. Si donc 
mes vœux n'étaient pas remplis, je n'aurais d'autre 
moyen que de couvrir l'Italie de mes douanes. Par 
exemple, l'Italie est inondée de marchandises 
suisses : les toiles peintes et les cotonnades viennent 
toutes de Suisse, tandis que la France est encom- 
brée de ces étoffes. Mon intention est que les toiles 
peintes, etc., d'Allemagne ni de Suisse, ne soient 
point admises en Italie, et ne puissent venir que de 
France. Faites-moi un rapport là-dessus. » 

Fami^toud, «Mon (ils, le 1 7 août, on ne connaissait pas 

«6 août 1810. * à * , j * • • • i j 

encore a An cône votre décision qui ordonne de res- 
saisir les bâtiments ottomans, et de les remettre 
sous le séquestre, laquelle décision vous me dites 
avoir expédié; le 2 août d'autres bâtiments ottomans 
étaient arrivés. Que tous restent sous le séquestre; 
je me réserve seul le droit de statuer sur leur libé- 
ration par la connaissance que j'aurai de leurs 
papiers. » 



L1V. XVII. — 1810 - CORRESPONDANCE 37! 

«Le Prince Vice-Roi a l'honneur de rendre jj£i «lo 
compte à Sa Majesté qu'hier soir, un peu avant la talp^t» 
nuit, on a signalé une frégate et une corvette an- à pSIT 
glaises en face des bouches de la Pi ave, où elles ont 
été jointes par un corsaire sicilien. 

« Ce malin la frégate était dans la même position 
et le corsaire à 25 milles au large. 

c< Les trois frégates françaises et italiennes et 
deux bricks italiens seront prêts dans dix jours à se 

rendre à leur destination. » 

» 

« Sire, j'ai l'honneur d'adresser à Votre Majesté ^J^f* 
un rapport sur Pal m a-No va. J'ai parcouru la Piave * i0ûl 18i0 - 
avec attention, et j'ai trouvé les travaux en grande 
activité. Cent tailleurs de pierres et cinq cents 
terrassiers viennent d'être pris en augmentation, et 
malgré tout cela je crains bien qu'on ne puisse pas 
dépenser dans cette année tous les fonds qu'elle a 
accordés. Mais, d'après les mesures qui sont prises, 
l'hiver sera avantageusement employé à la prépara- 
tion d'une grande quantité de matériaux qui ser- 
viront et à consommer les fonds de 1811 et ceux 
qui pourraient rester de 1810. 

« J'ai mis en marge dans mon rapport, pour 
plus de clarté, l'ordre de travaux arrêté par Votre 
Majesté. » 

« Sire, Votre Majesté ayant daigné nommer séna- Euc.àNtp. 
teur et son chambellan le capitaine Martinengo, qui 31 ^ùuW 
commandait la compagnie des gardes d'honneur de 
Brescia , le commandement de celte compagnie se 
trouve vacant. 



572 MÉMOIRES DU PRINCE EUGÈNE 

« J'ai l'honneur de présenter à Votre Majesté pour 
remplir celte place H. Dricci, major du régiment 
de chasseurs royal-italien. Ce militaire est de Bres- 
cta, il est bien né, il a de la fortune, une bonne 
conduite morale et militaire, il a fait plusieurs cam- 
pagnes dans les différents grades par lesquels il a 
passé, entre autres celle de Prusse de 1807 el celle 
d'Allemagne en 1809. Tout me porte à croire qu'il 
est digne des bontés de Votre Majesté. J'ai l'hon- 
neur de soumettre à Votre Majesté le projet de dé- 
cret de nomination. » 

sïmt-u^d, « Mon fils , aussitôt qu'on a connu à Gênes mon 
oi août îMo. <j era i er kpjf sur i es denrées coloniales, les négociants 

de ce pays ont envoyé toutes leurs marchandises en 
Italie. Mais si tous avez mis à exécution mon décret 
quand vous l'avez reçu , vous leur aurez fait payer 
les mêmes droits dans mon royaume d'Italie. Ainsi 
il n'y aura eu à cela aucun mal ; on dit que la récolte 
en Italie est mauvaise, veillez à ce qu'on n'exporte 
pas trop de blé , et à ce qu'on ne nous mette pas 
dans l'embarras. » 



E "f JbJ p " « Sire, j'ai l'honneur de rendre compte à Votre 
« septembre Majesté que depuis mon arrivée à Venise j'ai déjà 

inspecté et les travaux de fortifications et ceux de la 

marine ordonnes par Votre Majesté. 



ForMca- « {° j' a i été satisfait de Malghera. Les mouve- 
menls de terre sont très-avancés et on va s'occuper 
des moyens à prendre pour fonder la caserne défen- 



LIV. XVII. — 1810 - CORItESPONDÀNCE 373 

sive. On va faire également la lunette de droite, qui 
doit retenir leurs eaux pour l'inondation de toute la 
partie droite du port. 

a Le fort de Brondolo est très-peu avancé; un seul 
des quatre fronts sera terminé cette année. L'année 
prochaine on en fera deux autres, et il ne restera 
pour Tannée 1812 que la gorge et les établissements 
de l'intérieur. Les travaux de la Ganavella qui lie le 
système de Venise avec l'Àdige sont fort avancés, et 
les mouvements de terre seront presque totalement 
achevés cette année. Quant au fort de Saint-Érasme, 
le général Ghasseloup tient toujours à occuper l'île 
entière au lieu de se contenter d'améliorer la tête 
de pont actuelle du lazaret, comme il avait été 
proposé à Votre Majesté. Le général Chasseloup doit 
faire incessamment un rapport sur cette partie. 

« Quoiqu'il y ait beaucoup d'activité dans l'arsenal d6 JS 
de Venise et dans les travaux hydrauliques, je n'ai 
pourtant pas eu lieu d'être satisfait des résultats. 
D'abord les bois courbes et ceux nécessaires aux 
quilles des nouveaux vaisseaux n'existent point en- 
core dans l'arsenal de Venise. On les attend de l'Is- 
trie ainsi que les bois de bordage pour avancer 
fortement les vaisseaux actuellement sur le chantier. 
Je me suis fait rendre compte des raisons qui pou- 
vaient causer une telle disette de bois, et les voici : 



« 1° La guerre dernière, qui a interrompu 
grande partie des équipages ; 

« 2* Les croisières ennemies, qui nous ont pi 



une 



574 MÉMOIRES DU PRINCE EUGÈNE 

brûlé Tannée dernière et cette année vingUfeux à 
vingt-cinq barques chargées de très-beaux bois; 

« 3° Une assez grande quantité de bois arrivé en 
Istrie au point de débarquement et brûlé sur les 
lieux mêmes par les Anglais, la côte d'Istrie étant 
restée quinze mois sans défense; 

« 4* Enfin le d en û ment de fonds dans lequel se 
trouve en ce moment la marine royale. 

« Voici à peu près les comptes de la marine. 
« Elle est créancière de la marine française de 
1,700,000 francs. Elle aurait déjà suspendu ses 
travaux, si le ministre n'était venu à son secours en 
prenant sur les autres services pour lui avancer 
7 à 800,000 francs. 

« Votre Majesté voit, par ce court exposé, com- 
bien il est urgent que la marine française rembourse 
à la marine italienne toutes ses avances, car elle 
est arrivée au point où il n'est plus possible d'en 
faire. 

« N'ayant pourtant point oublié les ordres de 
Votre Majesté pour les nouveaux vaisseaux à con- 
struire, on s'occupe de leur exécution, et, quoique 
quelques pièces principales manquent, le décret qui 
fixe la quantité des 24" pour cette année n'en sera 
pas moins exécuté, parce qu'on va travailler sur 
d'autres bois qui existent dans l'arsenal. Ainsi, quoi- 
que le vaisseau ne soit pas réellement sur le chan- 
tier, on n'en préparera pas moins plusieurs de ses 
pièces. 

« J'ai l'honneur de rendre compte à Votre Ma- 
jesté que le vaisseau le Rivoli sera lancé demain. II 



LIV. XVII. — 1810 — CORRESPONDANCE $75 

n'était pas possible de retarder cette opération : 
1° à cause des pleines eaux qui existent en ce mo- 
ment et qui sont nécessaires ; 2° à eause d'un double 
travail du creusement de la darse, lequel creuse- 
ment vient d'être fait, et il aurait fallu le refaire 
encore dans une couple de mois, puisque les coups de 
vent de l'équinoxe amènent toujours des sables et 
des encombrements; 3° enfin pour économiser une 
avant-cale qu'il faudra faire de moins, puisque cette 
même avant-cale servira pour un des vaisseaux qu'on 
va construire, et que chaque avant-cale est un objet 
de 150,000 francs. 

« On va faire deux avant-cales cette année, l'une 
pour le vaisseau français le Mont* Saint-Bernard f 
l'autre pour le vaisseau italien le Régénérateur, de 
manière que ces deux vaisseaux peuvent être lancés 
Tété prochain, si Votre Majesté l'ordonne, surtout 
si les opérations qu'il y aura à faire pour la mise à 
l'eau et la sortie du Rivoli réussissent, 

« Les travaux hydrauliques avancent, mais pas 
comme les projets de MM. Proni et Sganzin l'a- 
vaient annoncé. La nouvelle passe de l'arsenal, qui 
avait été supposée ne devoir coûter que 100,000 
francs, en coûtera 264,000, et sera finie cette an- 
née. Les machines à creuser, qui devraient enlever 
douze toises cubes de boue par jour, ont trouvé à une 
certaine profondeur une dureté de terrain qui n'a- 
vait point été prévue. Par exemple, malgré toute 
l'activité possible, quatre de ces machines qui tra- 
vaillent en face de la sortie de l'arsenal n'enlèvent 
chacune que quatre à cinq toises cubes : les six qui 



376 MÉMOIRES DU PRINCE EUGÈNE 

travaillent à Saint-Clément et à Santo-Spirito en- 
lèvent de dix à douze chacune , et les trois que Ton 
finit en ce moment à l'arsenal, et qui seront à la fin 
de ce mois en activité aux Àlberoni, n'enlèveront que 
quatre à cinq chacune, d'après les expériences faites 
sur ce point. 

« Ces difficultés imprévues avaient donc déjà fait 
remettre par les ingénieurs au mois de juin pro- 
chain la sortie du vaisseau le Rivoli, mais par les 
nouveaux efforts que Ton va faire et le zèle que cha- 
cun y mettra, je crois que Votre Majesté peut comp- 
ter, pour la sortie de ce vaisseau, sur l'époque du 
mois de mars, ce qui ne retardera que de deux mois 
l'époque primitivement fixée. L'artillerie et les af- 
fûts du vaisseau le Rivoli sont prêts, le goudron et 
les ancres sont dans l'arsenal. La plus grande par- 
tie du doublage existe en magasin; les mais seront 
prêts. Il ne reste plus que le gréement, qui est un 
objet assez considérable, pour lequel il n'existait 
rien dans l'arsenal. Le fournisseur de chanvre ne 
voulait plus rien fournir à cause des sommes qu'on 
lui doit. J'ai pu parvenir hier à faire un nouveau 
marché pour 200,000 francs. Mais, je le répèle à 
Votre Majesté, il est bien urgent qu'elle. . . . 

« Je n'ai pas encore reçu un mot du ministre de la 
marine à cet égard. Je tiendrai Votre Majesté exacte- 
ment informée de l'état des travaux de chaque mois, 
et je la prie de ne pas douter de tout le zèle que j'y 
mettrai et que j'y ferai mettre à toutes les personnes 
qui en sont chargées. » 



LIV. XVII. — 1810 — CORRESPONDANCE 377 

a Mon fils, je reçois votre lettre du 28. août ; une aïSSt-tSSSà. 
polacre ottomane est ai rivée à Ancône; retenez-la et 4 M j k 8 l ^| bra 
ne la laissez point partir. Envoyez-moi l'interroga- 
toire, les papiers de bord, les renseignements qui 
me fassent connaître si elle a été assurée, ses certi- 
ficats d'origine. Transmettez-les à Àldini, je les ferai 
examiner au conseil de commerce; vous n'avez pas 
en Italie les moyens de juger ces affaires ; nous les 
avons ici, par l'espionnage dans le Levant. Je suis 
toujours fâché que vous ayez laissé partir les bâti- 
ments ottomans; une partie de ces bâtiments ve- 
nait de Malte. » 

«Sire, Votre Majesté m'a fait l'honneur de me &^n«p- 
renvoyer le 22 du mois dernier un rapport du 4 ■{Bf* 1 * 
comte de Gessac, relatif à l'hôpital militaire de 
San Benedetlo, et elle a daigné me demander mon 
opinion sur cet objet. Le ministre de Votre Majesté 
lui propose de faire supporter au gouvernement 
italien la moitié des dépenses faites pour construc- 
tions et réparations à cet hôpital, et je crois devoir 
saisir cette occasion de faire connaître à Votre 
Majesté mon opinion générale sur les hôpitaux 
militaires en Italie. 

« J'ai été longtemps en correspondance avec le 
comte de Cessac, et, à cet égard, il aurait voulu que 
le gouvernement italien se chargeât définitivement 
de tous les hôpitaux militaires dans le royaume, et 
celte mesure m'a toujours paru ne pouvoir entrer 
dans les intentions de Votre Majesté, car l'acquisi- 
tion de tout le matériel de ces hôpitaux, qui appar- 



m MÉMOIRES DU PRINCE EUGÈNE 

tient à la France, serait une dépense Irès-considé- 
rable pour le trésor italien, même quand les 
payements ne se feraient qu'en différents termes, 
et d'ailleurs cela nécessiterait une grande augmen- 
tation dans le personnel de l'administration de la 
guerre du royaume. Votre Majesté ne veut point 
sans doute que ce personnel soit porté au delà de ce 
qu'exige le personnel même de son armée italienne. 
Voici, d'après l'état actuel de cette armée, ce que 
j'avais cru convenable. 

« Jusqu'à présent, le royaume n'a eu que deux 
hôpitaux militaires, ceux de Milan et de Venise, et 
afin de mettre à la charge du trésor d'Italie tout ce 
qu'il pouvait supporter de dépenses pour cette 
partie, j'ai proposé à M. le comte de Gessac d'en 
établir encore deux autres de même grandeur, 
l'un à Manloue, l'autre à Àncônc. Ces quatre hôpi- 
taux, d'environ 800 lits chacun, suffiraient pour 
les besoins de l'armée italienne, et je crois que ce 
sont les seuls dont l'entretien et l'administration 
doivent appartenir au royaume. Quant au service de 
l'armée française, il est bien entendu que l'on con- 
tinuerait à admettre, comme on l'a fait jusqu'à 
présent, les malades dans les hôpitaux civils et mi- 
litaires du royaume, et du reste les garnisons fran- 
çaises étant fixées dans les endroits les plus sains, il 
serait suffisant que l'administration française eût 
quatre hôpitaux, quf seraient placés à Bologne, 
Brescia, Vicence et Udine. 

« Si Votre Majesté daigne approuver ces idées, je 
la supplie de donner les ordres nécessaires pour 



LIV. XVII. — tsio — CORRESPONDANCE 579 

r 

leur exécution, el d'après l'opinion générale que 
j'ai l'honneur de lui soumettre en ce moment, elle 
verra aisément que, suivant mon avis, l'hôpital San 
Benedello ne doit point regarder le royaume d'Ita- 
lie. » 

« Mon Gis, je reçois votre lellre du 30 août, et je fiv- *j?«g ; 
lis avec grand intérêt les détails que vous me donnez 6 ••fjîo 1,rc 
sur Palma-Nova. Yous savez l'importance que j'at- 
tache à finir cette place, mais sans pour cela faire de 
dépenses inutiles. Recommandez bien que la ma- 
çonnerie soit bonne. Je n'approuve pas ce que vous 
me dites qu'on ne plante pas d'arbres, qu'on n'en 
plantera que l'année prochaine; je désire, au con- 
traire, que dans le courant de novembre prochain 
vous fassiez employer les 60,000 francs que j'ai 
accordés pour des plantations d'arbres; faites-en 
planter de tous côtés autour de la place d'armes, 
sur les remparts, môme hors de la ville, pourvu que 
ce soit à la distance de 200 ou 300 toises, on aura 
alors le temps de les couper. Le bois est si néces- 
saire pour l'approvisionnement des places, que j'at- 
tache la plus grande importance aux plantations. 
Prenez des mesures pour qu'à Mantoue on plante 
aussi 200,000 à 300,000 pieds d'arbres, au plus 
tard dans le courant de novembre. Faites-en mettre 
dans les marais, dans les camps retranchés du T, 
tout cela doit être couvert d'arbres. » 

«Mon fils, l'Italie est menacée d'une grande R«MEug. 

° Saint -Cloud, 

pénurie de blé, tant le Piémont et Gênes que la 9 "j^ 1 ™ 



380 MÉMOIRES DU PRINCE EUGÈNE 

Toscane; j'ai déjà défendu l'exportation des grains 
dans ces provinces. Prenez les mesures efficaces 
pour en empêcher la sortie, soit par la frontière du 
Tyrol, «oit par la mer. » 

El 3©w£ p ' « Sire, j'ai l'honneur d'adresser à Votre Majesté 

10 "ïfâh deux lettres en original de l'archevêque de Viterhe, 

actuellement nonce à Vienne. Il prescrit à son 
vicaire de prêter et de faire prêter à ses curés le 
serment indiqué par le pape, et il désapprouve la 
conduite des chanoines qui y ont substitué une 
autre formule. » 

sïni *ckSfd a ^ on ^' s ' i' a * ^fi ^ es ra PP orts de Corfou 

11 s îSîo lbl * 9 u,une partie des 5,000 quintaux de blé et des 

80,000 rations de biscuits étaient arrivés; faites- 
moi connaître ce que vous savez là-dessus. » 

î^iwîeïïFre a ^* Te > ^ olre Majesté m'a ordonné de lui faire un 
** i0 - rapport sur l'introduction qui a eu lieu dans son 
royaume d'Italie des colonnades, des toiles peintes 
de Suisse et d'Allemagne, Je me suis empressé de 
prendre tous les renseignements nécessaires pour 
me mettre à même de remplir les ordres de Votre 
Majesté à cet égard, et j'ai l'honneur de lui sou- 
mettre en même temps un projet de décret sur cet 
objet, avec toutes les réflexions qui m'ont paru 
devoir le motiver. Je puis assurer à Votre Majesté 
que ce rapport est basé sur des faits et sur des vé- 
rités reconnues, et je la supplie en conséquence 
de vouloir bien lui accorder l'attention que réclame 



LIV. XVII. - 1810 - CORRESPONDANCE 381 

l'exactitude de son exposé. Je commencerai par rap- 
peler à Votre Majesté les lois et les décrets relatifs à 
cet objet qui existent actuellement dans le royaume. 

I 9 L'introduction dans le royaume des velours de 
coton, des draps et étoffes de laine, de coton et de 
poil, ou mélangés de ces différentes matières, de 
toutes sortes de piqués, de basins, de nankins et de 
mousselines, de rubans, de voiles et crêpes, et de 
toutes les marchandises de coton manufacturés, soit 
en toiles blanches, soit en toiles colorées, provenant 
de tout autre pays que de la France est prohibée 
depuis plusieurs années. (Décrets de Votre Majesté 
du 10 juin 1806, art. 11, et du 28 décembre 1807.) 

2° Il y a une exception pour les rubans de 111 de 
coton et de laine, et pour les toiles de coton teintes 
ou peintes, provenant des fabriques du grand-duché 
de Berg. (Décret de Votre Majesté du 12 jan- 
vier 1807.) 

3° Il y a une autre exception pour les marchan- 
dises provenant des fabriques du royaume de 
Bavière, en vertu de l'article 18 du traité de com- 
merce du 2 janvier 1808, approuvé par Sa Ma* 
jesté, le 1 7 juillet de la même année. Les troubles de 
1809 ont empêché l'exécution de ce traité, et la 
Bavière demande actuellement qu'il soit exécuté. 

« 4° Les bas et bonnets de coton et de laine, les 
toiles teintes et peintes provenant de la Suisse et de 
l'Allemagne sont admises pourvu qu'elles soient 
accompagnées de certiGcats de fabrique. (Décret cité 
ci-dessus du 10 juin 1806, art. 3.) 

« Votre Majesté voit d'après cet exposé, que 



382 MÉMOIRES DO PRINCE EUGÈNE 

parmi les marchandises dont il est question, les 
unes (celles portées au n° i) sont prohibées, sauf 
les exceptions en faveur du grand-duché de Bcrg et 
de la Bavière, et les autres (celles relatées au n* 4) 
sont permises. 

« Malgré la plus grande vigilance prouvée par un 
grand nombre de saisies et de procès importants, 
une quantité considérable de marchandises de la 
première espèce a pénétré dans le royaume, en 
partie par contrebande, et en partie par la fraude 
des fabricants français. La contrebande se faisait : 
i° par le Tyrol, en débouchant dans les départe- 
ments des anciens États vénitiens; 2° par le canton 
suisse du Tésin, avec les départements du Laris, du 
Serio, de l'Olona et de PAgogna ; 3* par le moyen 
du transit. La réunion du Tyrol italien au royaume 
rendra plus difficile la contrebande vers celte partie; 
mais celle qui a lieu par le canton du Tésin ne 
pourra s'éviter à cause de la nature des frontières 
de ce côté. On peut regarder comme cessée la con- 
trebande par le transit, depuis que la Toscane et les 
États romains d'un côté, et Triesle et les provinces 
illyriennes de l'autre, sont sous le régime fran- 
çais. 

ce Mais la fraude des fabricants français rendra 
inutiles toutes les précautions. H est de toute noto- 
riété que les fabricants français prêtent leur nom et 
procurent dès certificats de fabrique aux marchan- 
dises suisses, qui de là passent comme françaises 
dans le royaume, et y jouissent de plus de la dimi- 
nution de moitié du prix d'entrée accordé aux mar- 



LIV. XVII. — 1810 — CORRESPONDANCE 385 

chandises françaises par le traité de commerce. 

ce Un fait important, et qu'il est juste de faire 
connaître à Votre Majesté, c'est que les marchan- 
dises de coton et de laine, surtout celles des qualités 
communes de Suisse et d'Allemagne, coûtent infini- 
ment moins que les marchandises françaises de la 
même qualité. 

« De là la contrebande, malgré le prix d'assu- 
rance à un intérêt évident, et le consommateur (sur- 
tout la basse classe du peuple) y trouve un avantage 
sensible dans la différence du prix. 

« J'ajouterai encore un fait de la plus grande 
importance pour le royaume de Votre Majesté : c'est 
que les cotons filés et les toiles écrues de fil de 
coton de Suisse ne peuvent être prohibés sans voir 
ruiner et se fermer toutes les manufactures de mar- 
chandises de coton du royaume, qui donnent du 
travail et des moyens de subsistance à un grand 
nombre d'ouvriers. Enfin, Votre Majesté ne voudra 
sans doute pas perdre de vue la situation de Bolzen* 
Si cette ville cesse d'être ouverte au transit des mar- 
chandises de Suisse et d'Allemagne, ses foires et son 
commerce, et avec celui-ci une grande partie de la 
subsistance du Tyrol italien tout entier, seront per- 
dus pour toujours. La Bavière établira des foires à 
Meran et à Hall, comme déjà le bruit s'en est ré- 
pandu ; le royaume perdra un grand nombre de ca- 
pitalistes et de capitaux, et le commerce entre l'Al- 
lemagne, l'Italie et le Levant prendra une autre 
direction. Dans une combinaison aussi difficile de 
rapports et d'intérêts, j'oserai croire qu'une forte 



U4 MÉMOIRES DO PRINCE EUGÈNE 

augmentation des droits d'entrée serait plus conve- 
nable pour le service de Votre Majesté qu'une prohi- 
bition absolue, et cette augmentation se combinant 
avec des obstacles et des châtiments pour empêcher 
les fabricants français de prêter leur nom à des mar- 
chandises étrangères, et avec d'autres précautions 
ordonnées aux douanes, pourrait peut-être produire 
le grand avantage de ne point détruire les manu- 
factures du royaume, de donner une préférence ab- 
solue aux marchandises françaises sur les marchan- 
dises étrangères, de soutenir les foires, le commerce 
de Botzen et du haut Adige, et enfin de diminuer la 
contrebande. 

« C'est sur ces considérations qu'est basé le pro- 
jet de décret que j'ai l'honneur de soumettre à 
Votre Majesté. » 

Eo fc»n" p * « Sire, Votre Majesté a dû observer que sa garde 
"Sio? re royale est peu nombreuse, et que le moindre événe- 
ment de guerre la réduit à très-peu d'hommes pré- 
sents. Cependant l'armée italienne peut à peine en- 
tretenir le complet du régiment d'infanterie de ligne, 
et le recrutement pour la garde d'honneur et les 
vélitès enlèvent la crème de la conscription annuelle; 
en sorte que les régiments se soutiennent à peine, 
ne recevant pas d'hommes susceptibles d'avancer et 
de présenter des ressources pour des sous-officiers. 
« Pour remédier à ces deux inconvénients, j'ai 
l'honneur de proposer à Votre Majesté la création 
d'un régiment de tirailleurs de la garde. Les hommes 
pour ce corps seront pris dans la conscription ; ils 



L1V. XVII. - 1810 - CORRESPONDANCE 385 

ne coûtent pas plus pour la solde et l'entretien que 
les troupes de la ligne; leur récompense sera de 
passer dans le régiment de ligne de la garde, ou 
d'être promus caporaux ou sergents dans l'armée, 
où ils porteront l'instruction et la (enue de la garde, 
et surtout le bon esprit qui anime ces corps d'élite. 
« Ce régiment sera de deux bataillons. Un des 
deux pourra être organisé cette année sur la réserve 
de la conscription, et le scond le serait- l'année pro- 
chaine- 
ce J'ai l'honneur de lui soumettre ci-joint le pro- 
jet de décret. » 

« Sire, Votre Majesté m'a fait l'honneur de me K %^ 9 ' 
dire plusieurs fois que la cavalerie de son armée l s - *tS t oT brc 
italienne n'était pas assez nombreuse, et a paru 
désirer de la voir augmentée. Le moment me parait 
favorable pour remplir les intentions de Votre Ma- 
jesté, et je me permets de lui soumettre un projet 
de décret pour la création d'un nouveau régiment 
de cavalerie. Le noyau de ce régiment peut s'orga- 
niser dès ce moment au moyen de 300 à 400 hommes 
à prendre sur la réserve de 1810, et les officiers et 
sous-officiers seront choisis dans la garde et les 
corps de cavalerie italiens qui sont dans ce moment 
dans le royaume. On achèvera de compléter ce régi- 
ment sur la conscription de 1811. Sa Majesté a ob- 
servé que la cavalerie légère convenait mieux dans 
le royaume que la grosse cavalerie, soit pour le ser- 
vice, soit pour la taille des hommes et des chevaux. 

« Mon projet serait, si Votre Majesté l'approuve, 

vi. 25 



586 MÉMOIRES DU PRINCE EUGÈNE 

de ne mettre dans ce corps que des hommes de taille 
de chasseurs et de le remonter dans le pays, de leur 
doriner un uniforme extrêmement simple, et un 
armement et équipement très-légers. L'instruction 
serait surtout dirigée pour former des éclaireurs, et 
suivant que Votre Majesté en avait eu l'idée, qu'elle 
m'a fait l'honneur de me communiquer il y a trois 
ans, ce régiment bi vaquerait pendant une partie 
de l'année, et les chevaux seraient en pâture dans 
les plaines du Frioul. Je propose de donner à ce ré- 
giment le nom de chevau-légcrs, pour le distinguer 
des corps existants et par rapport au service auquel 
il sera destiné. » 

E, MiîwJ p " tt Sire, j'ai l'honneur de rendre compte à Votre 
17 5 Î8io mbrc Majesté que plusieurs Piémontais avaient été re- 
çus dans le corps de ses gardes d'honneur d'Italie, 
parce qu'ils ont satisfait aux conditions du décret 
d'organisation , puisqu'ils ont des biens dans le 
royaume et qu'ils sont parents de fonctionnaires 
publics. 

« Votre Majesté m'ayant fait connaître que son 
intention était qu'aucun Piémontais ne soit plus 
admis, j'ai suivi ses ordres; mais il s'en trouve 
encore treize dont plusieurs ont déjà trois ans et 
demi de service. Les plus jeunes ont deux ans. Ils 
tmt tous fait la campagne de 1809. Ces jeunes gens 
sont dans ce moment appelés dans leurs départe- 
ments pour la conscription ; on les signale même 
comme réfractaires. Votre Majesté jugera qu'ils ne 
peuvent ôlre censés de cette classe, puisqu'ils n'a- 



LIV. XVI!. — 1810 — CORRESPONDANCE 587 

vaient pas attendu l'Age de vingt ans pour se ranger 
sous les drapeaux. D'un autre coté, il serait bien dur 
pour eux d'être obligés à recommencer le métier 
de soldat après trois ans de service et une campagne 
dans ses gardes, où quelques-uns même sont gradés. 
Votre Majesté leur accordant le rang de sous-lieute- 
nants après deux ans de service, Votre Majesté me 
permellra-t-elle de réclamer ses bontés en faveur 
de ces jeunes gens, qui ont donné jusqu'à ce moment 
toutes les preuves qui étaient en leur pouvoir de leur 
attachement à sa personne? Daignerait elle les ad- 
mettre daife l'armée avec le grade de sous-lieute- 
nants? 

« J'ai l'honneur de joindre ici l'étal nominatif de 
ces treize gardes. » 

« Mon fils, il V a à l'île d'Elbe un sixième régi- n^mf»*- 

7 . J . . ° Saint- Cloud, 

ment d'infanterie italien : ce régiment est inutile là: 18 s îj,% mbl « 
il faudrait le faire revenir en Italie. » 

« Mon fils, vous m'avez envoyé un plan sur Ancone vî"îi * c £3l 
qui n'a pas le sens commun; l'ingénieur qui Ta fait ,8 ^ , ,<£ lhrc 
n'est pas un homme d'assez de mérite pour faire des 
plans. Faites exécuter celui que je vous ai envoyé, et 
tenez-vous-en là. Ce que propose l'ingénieur d' An- 
cône ne se ferait pas pour 50 millions. » 

« Mon fils, j'estime que l'armée italienne doit N ?P .àK.i g . 
être organisée de manière à présenter une force de ttîmicmiU 
27,000 hommes d'infanterie de ligne présents sous 
les armes, et de 3,000 hommes de la garde : total 



588 MÉMOIRES DU PRINCE EUGÈNE 

50,000 hommes d'infanterie, et de 5,000 hommes 
de cavalerie. Son artillerie doit être composée, pour 
l'infanterie, de 20 pièces de 5, à raison de 2 par ré- 
giment, et de 10 pièces de 5 pour la garde, à raison 
de 2 par bataillon ; ce qui fait 50 pièces de 5 pour 
l'artillerie des régiments; de 12 obusiers de 6 pou- 
ces ; de 24 pièces de 6 ; de 4 obusiers et de 8 piè- 
ces de 12 pour la réserve; de 4 obusiers et de 
8 pièces de 6 pour les deux divisions de cavalerie; 
de 4 obusiers, de 4 pièces de 6 et de 4 pièces de 1 2 
pour la réserve de la garde. — L'artillerie de l'ar- 
mée italienne doit donc être organisée de manière 
à avoir : 20 pièces de 5 ; 20 obusiers ; 52 pièces 
de 6 et 8 pièces de 12. Tolal : 80 pièces de canon 
pour l'armée de ligne, et, pour la garde, 10 pièces 
de 5, 4 pièces de 6, 4 pièces de 12 et 4 obusiers ; 
ce qui fait plus de 100 pièces et 500 caissons, com- 
pris ceux de cartouches d'infanterie ; ce qui suppose 
2,500 chevaux d'artillerie. » 

• 
sïmuaowi u ^ on f s » i e rc S°î s 1° compte que vous me rendez 
1U s ÏSio mbre d es travaux de Porlo-Legnano et de Mantoue ; faites 
chercher dans le Tyrol une position qui puisse con- 
venir pour intercepter la principale route venant du 
Typjl allemand et protéger le Tren lin et le royaume 
d'Italie. » 

tonï-Vtoïi <c ^ on ^ S ' J e re 5°* s vos l ellres du 15. Je vois que 
19 s Î8io? lbre I e8 ^ régiments de cavalerie italienne ont chacun à 
peu près 700 chevaux, hormis le régiment du Prince- 
Royal qui n'en a que 400. Il faudrait renforcer ce 



L1V. XVII. - 1810 - CORRESPONDANCE 589 

régiment ;" je pense qu'il est inutile d'avoir des 
chevau-légers, mais qu'il vaut mieux former doux 
régiments de chasseurs. 

«J'ai pris un décret en conséquence, qu'Àldini vous 
enverra. Je vois qu'il manque 12', 000 hommes à 
l'armée italienne pour être au complet. Je vois que 
vous n'avez que 1,200 hommes en congé; faîtes-moi 
connaître s'il y aurait de l'inconvénient à accorder 
un plus grand nombre de congés cet hiver; vous 
pourriez en donner au mois de décembre à la moitié 
des officiers, au tiers des sous-officiers, et au cin- 
quième des soldats : ce serait une grande économie. 
Us iraient chez eux et reviendraient au mois de juin 
pour les manœuvres. Vous avez en Italie présents 
31 bataillons ; je ne compte pas les 5" bataillons. 
Que coûterait- il d'établir auprès de Brescia un camp 
de 10 bataillons au mois d'octobre, et un autre de 10 
bataillons au mois de novembre? Vous y réuniriez 
les généraux de division et de brigade et autres of- 
ficiers, et l'armée italienne se formerait là aux ma- 
nœuvres; vous pourriez réunir également 10 esca- 
drons de cavalerie; vous auriez soin qu'il y ait le 
plus d'officiers et de sous-officiers possible à ces ma- 
nœuvres. Par ce moyen, l'armée italienne aurait eu 
un bon exercice ; et, à la fin de décembre, vous! fe- 
riez délivrer les congés. Il faut connaître, avant de 
donner aucun ordre là-dessus, combien cela coûte- 
rait, et en quel état sont les camps d'Osopo. Je vois 
que le 6 e régiment de ligne italien est un régiment 
bien négligé : il faudrait le faire rentrer, et, si Ton 
a besoin en Italie de se défaire de quelques mauvais 



S90 B1ÉM0IRES DU PRINCE EUGÈNE 

sujets, il vaudrait mieux en formera l'île d'Elbe un 
bataillon colonial. » 

j-îïïï.'cSS, « Mon fils, je reçois votre lettre du 15, par la- 
19 *ep'« ">»»" q U elle vous me demandez si l'entrée des marchandi- 
ses spécifiées dans le décret du 5 août sera permise 
sans certificat d'origine, sous quelque pavillon 
qu'elles arrivent, à l'exception du pavillon ennemi. 
Voici ma réponse : il n'y a plus de pavillons neutres, 
puisque tous payent une contribution aux Anglais 
pour avoir la liberté de naviguer, et, par cette sou- 
mission aux Anglais, sont dénationalisés, en vertu de 
mon décret. de Milan. Ainsi, aucune denrée coloniale 
quelconque ne peut arriver dans les ports de ma do- 
mination, même avec des certificats d'origine, qui 
ne servent de rien. Le sucre, le café, le coton des 
colonies ne peuvent entrer par mer dans mes ports, 
même sous pavillon français. Cependant, lorsque le 
sucre, le café, le colon sont le produit de prises faites 
par des corsaires italiens ou français, alors seulement 
ils peuvent être admis ; lorsqu'ils sont le résultat des 
confiscations de marchandises saisies dans les ports 
de Triesle ou de Venise, ils peuvent également être 
admis. C'est pour ces deux cas seulement que j'ai 
pris le décret qui hausse le tarif de ces marchandises. 
Vous demandez comment le royaume d'Italie s'ap- 
provisionnera de coton, de café et de sucre; je vous 
répondrai que, quant au sucre, il y en a pour plu- 
sieurs années en Italie, puisque c'est l'Italie qui en 
fournit à la Bavière et à la Suisse, et que d'ailleurs 
la consommation en diminuera tous les jours. Que, 



LIV. XVII. — 1810 - CORRESPONDANCE 391 

quant au café, il en vient assez du Levant ; que, 
pour du coton, l'Italie en a peu besoin, et que d'ail- 
leurs les colons de Rome, de Naples, et ceux qu'on 
cultivera dans la Romagne, suffiront à la consom- 
mation. Mais, indépendamment du sucre, du café, 
du coton, direz-vous, il y a d'autres marchandises 
nécessaires au royaume d'Italie, telles que les bois 
de teinture, la cochenille, l'indigo, le cacao, la 
soude, la potasse ; or, pour ces objets, j'ai accordé 
des licences aux ports d'Ancône et de Venise ; mais, 
pour des navires italiens, faits avec des bois du pays, 
montés par des équipages composés de deux tiers 
d'Italiens et chargés pour le compte de sujets ita- 
liens. Les bâtiments étant porteurs d'une licence ont 
le privilège d'importer dans mes ports d'Italie des 
denrées coloniales, et d'en exporter une quantité 
équivalente de denrées du pays. Je viens d'accorder 
des licences en vertu desquelles des bâtiments otto- 
mans peuvent venir dans mes ports de Livourne, de 
Marseille, de Gênes, importer des marchandises du 
Levant. Je vais vous en envoyer pour Venise et An- 
cône; ils pourront y apporter des cotons du Levant, 
du café moka et autres denrées du Levant. — Quant 
aux sucres, cafés et cotons d'Amérique, j'ai accordé 
des permis à v certain nombre de bâtiments améri- 
cains, et j'ai pris des précautions spéciales pour 
m'assurer qu'ils n'apportent que des produits d'A- 
mérique, telles que des lettres en chiffres de mes 
consuls, etc., etc. Quand cette opération sera plus 
avancée, j'en accorderai aux négociants de Venise et 
d'Ancône, au moyen desquelles ils pourront corres- 



592 MÉMOIRES DU PRINCE EUGÈiNE 

pondjc avec les négociants américains. — Il n'y a 
plus d'accès aujourd'hui dans mes ports d'Italie que 
pour le pavillon français, napolitain et ottoman. 
Quand je dis le pavillon, j'entends le bâtiment et 
son équipage. Aujourd'hui, le pavillon français par* 
court les mers d'Angleterre ; il va jusqu'à Londres, 
mais il se masque. Sous ce déguisement, l'Angle- 
terre le reçoit, et je lui fais la loi par le besoin pres- 
sant qu'elle a de communiquer. — Les bâtiments 
français venant des ports de l'Illyrie ne peuvent ve- 
nir dans les ports d'Italie que par le cabotage, c'est- 
à-dire en évitant les croisières anglaises. — Les bâ- 
timents napolitains n'y peuvent venir également que 
par le cabotage, c'est-à-dire sans avoir communiqué 
avec les Anglais. Le cabotage de Naples et de l'Illy- 
rie ne comporte ni mouvement de coton colonial ni 
mouvement de sucre, de café, ou autres denrées 
des colonies. — Toutes les fois qu'il en apporte, on 
doit les mettre en entrepôt et me consulter. Les bâ- 
timents ne peuvent sortir pour la grande navigation 
qu'avec des licences, parce qu'ils ne peuvent faire 
la grande navigation sans être visités par les Anglais 
et sans avoir une licence anglaise ; dès ce moment, 
ils ont besoin de la mienne. 

« Tout bâtiment ottoman arrivant sans licence doit 
être séquestré, et il doit m'en être rendu compte. Au- 
cun bâtiment français venant de Marseille, de Li- 
vourne, de Gênes, ou autre port de France, ne peut 
venir dans les ports d'Italie sans licence, puisqu'il 
ne peut naviguer qu'avec la permission des Anglais 
et sans avoir été visité par eux. — Aucun bâtiment 



LIV. XVII. — isio — CORRESPONDANCE 393 

américain ne peut venir dans mes ports d'Italie, 
s'il n'a une licence de moi. Ainsi, hormis le cabo- 
tage d'IUyrie et de Naples, lequel ne doit jamais por- 
ter ni sucre, ni café, ni colon des colonies, ni aucune 
espèce de denrée coloniale, mais seulement des 
denrées du cru de ces pays, tous les bâtiments doi- 
vent être séquestrés à leur arrivée dans mes ports, 
s'ils n'ont une licence de moi. Ici il faut vous redire 
ce que vous aurez déjà compris, savoir ce que c'est 
qu'une licence. 

« Une licence est une permission accordée à un bâ- 
timent qui remplit les conditions exigées par ladite 
licence d'importer et d'exporter telle espèce de 
marchandises spécifiées dans celte licence. — Pour 
ces bâtiments, les décrets de Berlin et de Milan sont 
nuls et non avenus. 

«Pour bien comprendre cette matière, il faut avoir 
sous les yeux mes décrets de Berlin et de Milan. 
Vous voyez qu'au moyen de ces deux décrets et des 
arrêts du conseil anglais, il ne peut plus exister de 
neutres, et que l'Angleterre n'en souffre aucun s'il 
ne lui paye un Iribut, comme mes décrets les déna- 
tionalise s'ils s'y soumettent. — Mes licences sont 
un privilège tacite de s'affranchir de mes décrets, 
en se conformant aux règles prescrites par lesdites 
licences. Le besoin de naviguer des Anglais est tel, 
qu'ils sont obligés d'adhérer à tout ce que je fais, 
et qu'ils donnent des licences à ceux qui ont les mien- 
nes. L'effet en est tel, que, depuis ces licences, il n'y 
a point d'exemple, hormis les Ottomans, qu'ils aient 
fuit payer personne sur l'Océan. 



:m mémoires du prince eugène 

« Je crois que nia réponse satisfera à voire demande 
et vous donnera des lumières suffisantes sur ce sys- 
tème si compliqué, dont je retire les plus heureux 
résultais par l'occupation d'une immense étendue 
de côtes du Mecklenbourg, des villes hanséatiques, et 
des principaux ports d'Allemagne. L'Angleterre est 
réellement aux abois, et moi, je me dégorge des 
marchandises dont l'exportation m'est nécessaire, 
et je me procure des denrées coloniales à leurs dé- 
pens. Les Anglais laissent naviguer dans la Tamise 
les bâtiments français qui seulement se masquent 
sous pavillon américain, ou prussien, ou autre; 
moi, je ne donne des licences qu'à des bâtiments 
français construits en France, ou devenus ïrançais, 
provenant de prises, par un acte appelé naturalisa- 
tion, qui est une espèce de baptême que reçoivent 
ces bâtiments, et dont le patron et les deux tiers de 
l'équipage sont Français. » 

c ?eure d de c c< Monsieur le duc de Cadore, la situation topo- 
wmSre graphique des districts de Windisch-Matray et de 
(, oxténe a ur« s Jefferegen, qui appartenaient autrefois à l'évêché de 
envoy&pr Salzbourg, quoique enclavés dans le Tvrol, est telle 

ordre île S. M. ° ^ /* . . . J 

a s.a. i. le que je ne conçois pas qu on ait pu un instant mettre 

prince vice- . • i i i ^ 

sï?Dt d -cfou C d en " oule rç ue ces enclaves ne dussent pas suivre le 
21 8 i6io? brc sorl ^ es allées du Tyrol dans lesquelles ils sont pla- 
cés. Est-ce dans le pays de Salzbourg? Je n'ai jamais 
voulu céder des portions de territoire qui en sont 
séparées par la nature. J'approuve le travail de limi- 
tation en conséquence duquel les districts de Win- 
disch-Matray et de Jefferegen resteront réunis à la 



LIV. XVII. — t*!0 - CORRESPONDANCE 595 

portion du Tyrol cédée à mes provinces Illyriennes. 
Le pelil excédant de population qui se trouve en ma 
faveur est trop peu de chose pour qu'il en soit da- 
vantage question. 

a Ecrivez à M. de Narbonnc que mon intention 
n'est pas d'accorder des indemnités pour ces deux 
districts, dont je n'avais pas abandonné la posses- 
sion. » 

« Mon Gis , je reçois votre lettre du 20 , je vous ^fj^ *- 
prie de porter la plus grande attention à l'exécution ** fgjjj l,hre 
de mon décret sur l'exportation des blés. Vous n'avez 
pas assez d' expérience sur cette matière. Ce n'est pas 
en France qu'a été le blé qui est sorti du royaume 
d'Italie, mais à Malte, à Cadix et encore en Sicile. 
Mais le fait est que Rome, Gênes, Florence et le Pié- 
mont ont le plus grand besoin de blé. Vous recevrez 
un décret que j'ai pris pour exempter de tout droit 
l'exportation des blés d'Italie en France. Les fermiers 
du royaume d'Italie pourront exporter leur blé en 
Piémqnl et en France. Comme j'ai prohibé la sortie 
des ports de France, il n'y a rien a craindre, mais si 
la sortie des blés sur Turin, Gènes et Rome devenait 
trop considérable, vous auriez soin de m'en prévenir 
et je l'arrêterais. La question des blés est la plus im- 
portante et la plus délicate pour les souverains. Les 
propriétaires ne sont jamais d'accord avec le peuple. 
Le premier devoir du souverain dans cette question 
est de pencher pour le peuple, sans écouler les so- 
phismes des propriétaires. » 



596 MÉMOIRES DU PRINCE EUGÈNE 

ED âii? p * (< Sire, j'ai déjà eu l'honneur de parler à Votre 
** ^îSîo™*™^ Majesté des dernières inondations du Pô. Je me fais 
un devoir de lui transmettre les détails que je reçois 
en ce moment. 

ce Dans le déparlement du Mincio, la crue des 
eaux a été prodigieuse et a surpassé celle dqg 
années 1801 et 1807. Dans la seule nuit du 16, les 
eaux se sont élevées de douze pieds environ. 

« Une digue ayant été rompue entre Sustinentc et 
Libiola, les eaux, qui se sont alors répandues dans 
les départements de l'Àdigc et du Bas-Pô, ont sub- 
mergé, dans le premier de ces départements, une 
étendue de terrain de 90 milles carrés. 

« Une digue a aussi été rompue dans le lac de 
Mantoue. Cette digue fait partie des fortifications de 
la place; par suite de cette rupture Pajolo, Miylia- 
retto et le T ont été inondés. 

« Cependant les secours ont été portés à temps au 
palais et il n'y a véritablement que les jardins qui 
aient souffert. 

« Dans le district de Pavie, les eaux se sont éle- 
vées de 5 mètres au-dessus de leur niveau ordinaire; 
elles ont rompu les digues du pas Sicco-Mario, près 
Pavie; elles ont inondé une grande partie du terri- 
toire et dévasté les campagnes. 

« Plusieurs communes du district de Pavie , et 
même le bourg du Tésin, hors des portes de Pavie, 
sont sous les eaux. 

« Tous les premiers ordres nécessaires pour ar- 
rêter les ravages autant que possible et porter les 
secours les plus urgents ont été donnés, mais je 



LIV. XVII. — 1810 - CORRESPONDANCE 597 

n'en ai pas moins cru qu'il était de mon devoir de 
porter à la connaissance de Votre Majesté les tristes 
nouvelles que j'avais reçues. » 

• 

« Sire, Votre Majesté m'a fait l'honneur de me Eu fcj[£ op - 
marquer qu'elle voit par la situation de sou armée * ^Jîo?*"* 
italienne qu'il existe à l'île d'Elbe un 6 e régiment 
d'infanterie qui doit y être inutile, et qu'il faut faire 
rentrer dans l'intérieur. 

« J'ai l'honneur d'observer à Votre Majesté que les 
trois premiers bataillons étaient à l'armée d'Espagne. 
Le cadre du 5" vient seulement de rentrer et a été 
réformé; ainsi il n'y a à l'île d'Elbe que les 3% 4 e et 
5 e bataillons. J'observe de plus à Votre Majesté que 
ce 6 e régiment a été formé dans son principe par les 
mauvais sujets de tous les corps et par des hommes 
dangereux à la société. Depuis 1805, je n'y ai mis 
que des conscrits réfracta ires et quelques déserteurs. 
Ce régiment étant à l'île d'Elbe est surveillé et con- 
tenu, mais il serait dangereux de le faire rentrer 
dans l'intérieur, et la désertion, en l'épuisant, inon- 
derait le pays de mauvais sujets. Nous en avons eu 
l'exemple dernièrement lorsque le ministre duc de 
Feltre a fait traverser le royaume à un bataillon fort 
de 800 hommes pour se rendre à l'armée d'Espagne. 
11 n'en est pas arrivé 400 à Alexandrie. Cependant 
les hommes qui composent ce régiment étant con- 
duits et employés au loin y rendent un bon service : 
On le voit par les deux bataillons de guerre qui sont 
à la division en Espagne. 

« Sv Votre Majesté croit qu'il y a trop de troupes à 



398 MÉMOIRES DU PRINCE EUGÈNE 

l'île d'Elbe, elle peut en tirer facilement pour l'Es- 
pagne. Le 3 e bataillon a 800 hommes bien habillés 
et bien équipés. Je la prierai alors de donner des 
ordres au ministre de la guerre de l'Empire, mais 
avec l'attention de faire partir ce bataillon par mer 
avec obligation de ne prendre terre, au plus tôt, 
qu'à Gênes et même à Nice, s'il est possible, afin 
de passer le plus loin possible des terres de son 
royaume. » 

Eug. & iup. « Sire, Votre Majesté m'a fait l'honneur, dans sa 
«6 icpiembre ] e tt re d u jo (j e réordonner de faire reconnaître 

1810. ' 

dans la vallée de l'Àdigc une position convenable h 
occuper, pour fermer les communications du Tyrol 
allemand avec l'Italie. Votre Majesté voudra bien se 
rappeler qu'elle a prescrit au général Chasseloup 
de reconnaître lui-même le terrain. Cet officier gé- 
néral vient de faire le tour des places fortes d'Italie, 
pour y activer les travaux ordonnés par Votre Ma- 
jesté, et il allait se rendre dans le Tyrol, quand des 
ordres positifs lui ont enjoint de partir pour la Spe- 
zia, où il parait que son séjour sera de quelque du- 
rée. Si cela est, comme il me l'annonce, la saison 
des neiges le forcera à remettre au printemps pro- 
chain la reconnaissance, mais je viens de lui écrire 
d'y envoyer un officier intelligent et expérimenté. » 

K |M.^- « Mon fils, je vous envoie un rapport sur les 

«7 Mpu^bre com P les de la marine de France avec le royaume 

" 10 - d'Italie; j'attendrai, pour prendre une décision, que 

vous me renvoyiez celle pièce avec vos observations; 



L1V. XVII. — 1809 399 

je vous envoie également ma note sur l'artillerie, 
pour avoir voire opinion. » 

a Mon fils, vous verrez par la copie que je vous *y*ÎJi£' 
envoie de ma lettre au ministre de la guerre la 27 sombre 
mauvaise conduite du 28 e régiment de dragons. Je 
vous prie de me faire connaître le nom de l'officier 
qui s* est permis de faire ainsi le mauvais plaisant. 

« Copie. Monsieur le duc de Feltre, donnez ordre 
qu'on mette aux arrêts pour un mois l'officier du dé- 
pôt du 28 e régiment de dragons, qui a reçu ordre de 
fournir 100 homnios au régiment de marche de dra- 
gons de l'armée de Catalogne , et qui a présidé à la 
composition de ce détachement. Ce polisson (car je ne 
puis me servir d'un autre terme) a envoyé un déta- 
chement en si mauvais état, que le prince Borghèse a 
cru devoir avec raison le renvoyer. On l'a composé 
d'hommes aux hôpitaux et proposés pour la réforme, 
on a retiré les bons chevaux pour en donner de mau- 
vais, et notamment un cheval de caisson aveugle, et 
deux chevaux de trompette, l'un boiteux, l'aulre 
aveugle. On a ôté aux dragons leurs habits, leurs cu- 
lottes, leurs boites, etc., pour leur donner des effets 
de rebut; on leur a donné des pistolets sans chierïr 
ou sans bassinets; les selles, housses, manteaux, por- 
temanteaux, tout a été changé el remplacé par des 
effets hors de service. Faites-moi connaître l'officier 
qui s'est permis une pareille plaisanterie, et faites 
recomposer sur-le champ ce détachement d'hommes 
bien portants et en état de faire la guerre, bien 
montés et bien équipés. » 



giem 
10. 



400 MÉMOIRES DU HUN CE EUGÈNE 

^oMiahi"?* c< ^on fi' s » J a * ' u avec ' e P' us ? ranc ' intérêt votre 
«7 septembre rapport du 1 i septembre sur l'introduction des mar- 
chandises étrangères dans mon royaume d'Italie, et 
le projet de décret qui y élait joint. Ce projet est sus- 
ceptible de beaucoup de discussions, je ne pourrai 
donc y statuer que dans 8 à 10 jours. En attendant 
voici ce que mon intention est que vous fassiez : 
1° Faire venir en entrepôt réel dans les douanes, soit 
de Vérone, soit de Milan, soit des autres frontières, 
toutes les marchandises de coton et denrées qui 
viennent d'Allemagne, soit qu'on les dise marchan- 
dises françaises, soit qu'on les dise marchandises du 
grand-duché de fierg. Vous les laisserez dans cet 
entrepôt réel jusqu'à ce qu'on ait pu vérifier si elles 
sont véritablement marchandises françaises ou mar- 
chandises du grand-duché de Berg, et par là on por- 
tera un coup sensible aux manufactures suisses; 
2° ne plus admettre aux droits modifiés pour les 
marchandises françaises que dans un ou deux bu- 
reaux de douane, sur la frontière de France, tels que 
le bureau de Verceil et celui vis-à-vis Pavie sur le 
Pô. Quant aux marchandises de Bavière, il me 
semble que je n'ai pas ratifié le traité de commerce. 
Ainsi vous ne laisserez entrer dans mon royaume 
d'Italie aucune denrée ni étoffes étrangères que par 
les deux bureaux de Verceil et du Pô, vis-à-vis Pavie, 
et vous mettrez en entrepôt réel tout ce qui arrivera 
par l'Allemagne, car je crois que dans le décret que 
je vous enverrai d'ici à 8 jours, je rapporterai tout 
ce qui est relatif à la Bavière et au grand-duché de 
Berg, etquc je n'accorderai l'entréedans mon royaume 



LIV. XVII. - 1810 - CORRESPONDANCE 40! 

d'Italie que par les deux bureaux de douane le plus 
voisins de la France, où la surveillance sera sévère- 
ment exercée pour qu'il n'y ait plus d'abus. On sera 
certain que les marchandises sont françaises, d'abord 
parce qu'elles viendront de France, ensuite parce 
que je n'accorderai ce privilège qu'à un petit nombre 
de fabricants dont je serai sûr, et que des borde- 
reaux bien en règle constateront la quantité et l'ori- 
gine des marchandises qu'il leur sera permis 
d'exporter. » 

a Mon Dis, je vous envoie un projet de décret 'jjg^JJ' 
qu'on m'a présenté pour établir les licences en Italie , 7 J^JJJj^ 
d'une manière conforme à ce qui se fait en France. 181 °- 
Je vous ai déjà expliqué dans une longue lettre le 
système des licences, faites-moi connaître si celles 
que l'on me propose satisferont aux besoins de mon 
royaume. » 

» 

ce Mon fils, vous trouverez ci-joint un projet de n «p- M m «- 
décret qu'Àldi ni me présente pour acheter sa terre;. «^JS;^ 
je n'ai guère besoin de faire cette acquisition. Je lui 
ai déjà prêté 500,000 francs, il m'en demande en- 
core autant. Faites-moi 1 connaître s'il y a sûreté, 
s'il y a des créanciers, si le bien est grevé d'hypo- 
thèques et enfin les mesures à prendre pour tout 
cela. » 

« Sire, Votre Majesté m'a fait l'honneur de me e™. a Na P . 
communiquer le rapport de son ministre de la ma- *i md&i* 
rine sur ce qui avait eu lieu à Venise à l'égard de 

vi- 26 



402 MÉMOIRES DU PRINCE EUGÈNE 

48 marins illyriens. Je vais avoir l'honneur d'expli- 
quer à Voire Majesté ce qui s'est passé à ce sujet. 

«J'ai reçu trois ordres de Votre Majesté par le canal 
du ministre de la marine. 

« Le 1 er portait que la marine italienne devait laisser 
à la marine illyrienne l'un des vaisseaux russes qui 
étaient à Tries te, s'il était reconnu que ce vaisseau 
pût être réparé; mais que, dans tous les cas, la frégate 
La4e$-Roi devait être remise à la marine illyrienne 
pour être armée par elle, et que la volonté de Votre 
Majesté était qu'on laissât même le transport le 
Diomède, si la marine illyrienne pouvait l'armer en 
sus de la frégate. 

«Ce premier ordre, Sire, a été exécuté, et, quoique 
Votre Majesté ait affecté à la marine italienne, pour 
le remboursement de ses avances aux Russes, les bâ- 
ments russes qui se trouvaient à Trieste et h Venise, 
j'ai fait exécuter Tordre ci-dessus, et non-seulement 
le maréchal duc de Raguse a conservé la frégate La- 
lc$-Boi et le transport le Diomède, mais encore il a 
. pris toute la grosse artillerie des autres vaisseaux qui 
a pu lui convenir pour l'armement de ses côtes et 
pour les canonnières qu'il a le projet de construire. 

« Le deuxième ordre, C'était la communication 
d'un décret de Votre Majesté qui ordonnait au royaume 
d'Italie de céder à la marine française la frégate neuve 
la Favorite et de recevoir en échange les 3 bricks 
français qui se trouvaient à celte époque à Venise. 

« Cet ordre, Sire, a été exécuté dans le courant du 
mois de juillet. Les équipages des 3 bricks français 
ont monté la frégate française et les équipages ita- 



LIV. XVfl. — mo - CORRESPONDANCE 405 

liens ont monté sur-le-champ 2 des 3 bricks : le 5* 
est 1 au moment d'être également armé. 

«c Le troisième ordre enfin, en date du mois d'août, 
portait qu'un des 3 bricks français serait mis à la dis- 
position du maréchal duc de Raguse; j'ai dû sur cola 
répondre au ministre de la marine que, les 3 bricks 
français étant devenus italiens par décret de Votre 
Majesté, je ne pouvais donner ce brick au maréchal 
duc de Raguse qu'autant qu'il m'aurait tenu compte 
du tiers de la frégate la Favorite, puisque je l'avais 
reçue moi-même pour celte valeur, ou bien enfin 
sur son estimation, s'il le préférait. 

a Pendant ce temps, le maréchal duc de Raguse en- 
voya à Venise 4 officier et 48 matelots pour prendre 
le brick que le ministre de France lui avait annoncé 
être mis à sa disposition. Je me trouvais alors à Ve- 
nise, et je fis à l'officier envoyé par le maréchal la 
même réponse qu'au ministre. Il manquait sur la 
frégate française la Favorite une centaine d'hommes 
à cause de 14 ou 15 hommes nouvellement désertés; 
je fis fournir à cette frégate les 40 marins illyriens 
qui venaient d'arriver à Venise, et je fis compléter 
l'équipage par 50 soldats de garnison dont celle fré- 
gate avait besoin; parle relour de l'officier j'en écri- 
rai au maréchal duc de Raguse. 

« Jai cité à Votre Majesté les faits, el j'ai pensé 
qu'ils suffiraient pour répondre au rapport de votre 
ministre de la marine, » 

« Mon fils, je vous prie de voir auprê3 de quelque n« p . \ Eug. 
maison de commerce d'Àncône ou de Venise si l'on um«T 



404 MEMOIRES DU PRINCE EUGÈNE 

* *S|SoL ,bre pourrait faire le traité suivant avec elle: 20,000 quin- 
taux de blé seront fournis par vous à ces négociants, 
qui les feront passer à Corfou, sur bâtiments otto- 
mans ou tous autres à leurs risques et périls, et vous 
leur payerez un droit de passage proportionné à ces 
risques. Je suppose que le prix ordinaire du passage 
est d'un franc par quintal; vous pourrez le doubler, 
le tripler, même le quadrupler. Au bout d'un temps 
déterminé cette maison devrait vous présenter le 
reçu du général commandant à Corfou, ou vous payer 
l'équivalent de' votre blé. Rendez-moi un compte là- 
dessus. » 

Eu &Îm* p ' a ^ re » J a * l'honneur d'adresser à Votre Majfslé 
30 t î§iô mbra l'état des bâtiments de différentes nations qui sont 
entrés dans les ports du royaume pendant le courant 
du mois d'août. J'ai fait ajouter la valeur approxi- 
mative de leurs chargements. Votre Majesté voudra 
bien observer que les mêmes bâtiments auront sou- 
vent été portés sur différents états, parce qu'ils sont 
tous de petit cabotage et qu'il est difficile qu'un petit 
bâtiment vienne d'Àncône jusqu'à Venise sans entrer 
dans les divers ports qui sont le long de ce littoral. » 

Eu fcÎM ap " c< ^ re ' J a * re S u avant *hier l a dépêche télégra- 
30 ISio 1 !*™ phique de Votre Majesté, par laquelle elle me faisait 
l'honneur de me demander : 

<c 1° S'il est vrai que l'ennemi ait évacué la mer 
Adriatique ; 

« 2° Si l'on peut armer le vaisseau le Rivoli cette 
année ; 



LIV. XVII. - 1810 — CORRESPONDANCE 405 

« 3° Si les frégates armées doivent se rendre à 
Ancône. 

« Voici les réponses à chacune de ces questions : 

« 1° Les Anglais n'ont point totalement évacué 
l'Adriatique, puisque, par le relevé des rapports de 
mer que j'ai adressés à Votre Majesté il y a peu de 
jours, elle aura vu que, vers le milieu du mois cou- 
rant, trois frégates anglaises avaient été aperçues dans 
leQuarmers, et peu de jours après signalées par le Mont 
d'Àncône, mais à une très-grande distance de terre. 
Aussi ai-je eu l'honneur de faire observer à Votre 
Majesté que depuis nos derniers armements on avait 
déjà obtenu un grand point, celui d'obliger les An- 
glais à concentrer leurs frégates et de s'abstenir de 
croiser au fond du golfe ; car depuis longtemps on 
n'en a point aperçu de Venise et des environs, et la 
voile signalée hier frégate par Venise, comme elle 
était très au large, pourrait bien n'être qu'un bâti- 
ment à trois mâts sorti de Trieste. 

« 2° J'ai eu l'honneur, pendant mon séjour à Ve- 
nise, de faire à Votre Majesté un rapport concernant 
le Rivoli, et je lui rendis compte du lancé de ce 
vaisseau, des difficultés qui étaient survenues pour 
le creusement des eaux, à cause de la dureté du ter- 
rain ; de sorte que le canal qui conduit à Malamocio 
ne pourra avoir la profondeur d'eau nécessaire pour 
le passage du vaisseau désarmé qu'au mois de mars 
prochain. Les fonds ne manquent point à ce travail, 
qui est en grande activité, et j'espère que rien n'em- 
pêchera ce résultat. Ce ne sera donc que deux mois 
de retard, puisque le vaisseau avait été promis pri- 



406 MEMOIRES DU PRINCE EUGÈNE 

mitivement pour le l tr janvier. On s'occupe, pendant 
ce temps, de compléter toutes les parties d'armement 
et gréement nécessaires au vaisseau. 

« 3° Les frégates de Chioggia, ainsi que j'en ai 
rendu compte à Votre Majesté par ma dépêche télé- 
graphique! sont, depuis le 24, complètement prêtes 
à mettre à la voile. Elles n'attendent que le. vent 
favorable pour sortir; et peut-être avant que cette 
lettre ne parvienne à Votre Majesté aura- 1- elle reçu 
une dépêche télégraphique qui lui apprendra leur 
départ de Chioggia. Ainsi, avant le 15 octobre, 
Votre Majesté peut compter avoir à Âncdne 5 fré- 
gates, dont 3 de 44 et 2 de 34, et 3 bricks de 18 
à 20 canons. 

« Les ordres sont donnés au commandant de cette 
division pour ne se laisser jamais bloquer par des 
forces inférieures, et pour sortir toutes les fois 
que le temps sera favorable. 

« Ensuite, dans le courant de janvier, il sera 
donné l'ordre à ces cinq frégates de faire une sortie 
pour venir jusqu'à la hauteur de Venise, afin d'y 
faire rentrer la frégate YUranie, puisque son équi- 
page est destiné à monter le Rivoli. Les quatre autres 
* frégates pourront retourner à An cône, ou gagner 
Pola, jusqu'à ce que le Rivoli soit entièrement prêt, 
et elles feront alors une seconde sortie pour venir à 
Venise chercher le Rivoli. 

« Croyant ainsi remplir les intentions de Votre 
Majesté, j'ai l'honneur, » etc. 

Vomainc?' « Mon fils, je reçois voire lettre du 26 septembre : 



LIV. XVII. - 1810 - CORRESPONDANCE 407 

le 6 régiment s'est comporté très-mal en Catalogne ; tJJSJiJre 
une partie a déserté : il n'y a besoin de brigands ni 18i0 ' 
en Italie ni en France, et c'est un mauvais parti 
que de mettre de mauvais sujets dans les troupes qui 
composent l'armée; c'est là la méthode des Napoli- 
tains et des pays qui n'ont pas d'armée. — A l'île 
d'Elbe, ce régiment ne rendrait aucun service. Mon 
intention est qu'on forme de nouveau le 6* de ligne, 
et que de tout ce qui est à l'île d'Elbe on forme 
un seul bataillon sous le titre de bataillon colo- 
nial. Ce bataillon sera c!e quatre compagnies et de 
600 hommes ; vous y mettrez les plus mauvais sujets 
qui sont dans ces bataillons ; mais désormais vous 
n'y enverrez plus que des conscrits réfractaires. Le 
reste du bataillon du 6* de ligne, composé des 
meilleurs sujets, rentrera en Italie. Vous donnerez 
à ce régiment un dépôt ; vous le formerez comme les 
autres régiments; il se recrutera comme les autres 
par la conscription, et par conséquent ne sera plus 
composé que de bons sujets. — Pour avoir le cadre du 
nouveau bataillon sans faire de nouvelles dépenses, 
vous supprimerez le cadre du 5° bataillon du 6* de 
ligne, sauf à le reformer une autre année, s'il est 
nécessaire. — Je désire que tous les régiments de 
mon armée soient bons et bien composés. » 

« Mon (ils, je désire que vous m'envoyiez exacte- Kap à F 
ment, deux fois par mois, l'état de situation de la 'fiJl*" 
marine du royaume d'Italie, ainsi que celui de la *uia r€ 
marine française qui est à Venise. — Vous verrez que 
j'ai pourvu à l'armement du Rivoli. Je ne sais pas si 



408 MÉMOIRES DU PRINCE EUGÈNE 

mon décret relatif aux huit vaisseaux qui doivent être 
sur les chantiers à Venise est en exécution. Le pro- 
duit de l'extraordinaire des douanes provenant du 
tarif sur les denrées coloniales, mon intention est de 
l'appliquer au service de la marine. Comme je sup- 
pose que ce tarif donnera de 5 à 6 millions (pour 
1810 et 1811), cette augmentation ne laissera pas 
que de donner une grande activité aux travaux. Je 
désire aussi donner une partie de ces fonds aux ports 
d'Ancône et de Venise, afin d'y faciliter la sortie des 
vaisseaux. Aussitôt que vous m'aurez fait connaître 
la répartition de ces fonds entre la marine et ces 
ports, je l'arrête rai, et vous ordonnerez qu'on re- 
double d'activité pour tous les travaux. » 

%tp. i Eog. « Mon fils, je reçois votre lettre du 26 septembre 

Fontaine- . %■••!• w\ • i 

bieau, relativement a la manne italienne. Puisque les ma- 

3 octobre . * 

i8io. telots illyriens ont été mis sur la frégate française, il 
n'y a rien à dire : je suppose que vous» avez répondu 
cela au duc de Raguse. Je désire que vous lui cédiez 
un brick ; nous en avons trop à Venise, et il sera plus 
utile sur les côtes d'Hlyrie. Vous ouvrirez un compte 
avec les provinces illyriennes, parce que ce brick 
doit être payé au royaume d'Italie. Vous enverrez le 
meilleur des trois. Écrivez dans ce sens au duc de 
Raguse; il est bon qu'il ait une frégate et un brick, 
et, si même il vous demandait un second brick, je 
vous autorise à le lui céder également. — Les trois 
vaisseaux russes qui sont à Trieste étant absolument 
hors de service, il est urgent de les dépecer pour en 
retirer les mâts, les bois et tout ce qui pourrait être 



LIV. XVII. — 1810 - COItRESPONDANCB 409 

utile ; une partie des bois pourra .être employée dans 
les chantiers de Venise, une autre pourra être trans- 
portée àPalma-Nova, une place ayant toujours besoin 
de bois. — Faites faire l'inventaire de l'artillerie cédée 
au royaume d'Italie; enfin que tout se fasse bien en 
règle. Le port de Pola a été mis en bon état; ce qui 
est utile pour toute la Oalmalie et l'Adriatique. Je 
donne Tordre à mon ministre de la marine de former 
l'équipage du Rivoli, en le composant de matelots 
illyriens. — Quand la frégate YUrania sera de retour 
à Venise, on pourra l'armer avec une partie des ma* 
telots illyriens retirés du Rivoli, et augmenter à 
bord de ce vaisseau le nombre des Français. » 

« Mon (ils, je reçois votre lettre du .2 7 septembre. n* p . i Eug. 
Mon décret du 5 août doit être étendu à tout ce qui se j*»"' 

S oclobra 

trouve dans les entrepôts de Milan , Pavie, Venise, etc . , **io. 
et en général à tous les entrepôts du royaume. Vous 
prendrez sur-le-champ un décret qui applique le 
tarif du 5 août à toutes les denrées coloniales, 
tant celles déposées dans les entrepôts que celles 
qui sont dans les magasins des négociants. Vous 
comprendrez facilement la raison de cette mesure. 
Le peuple payant ce tarif, il faut aussi que les parti- 
culiers le payent, sans quoi certains individus au- 
raient tout le bénéfice. Cependant il ne faut pas 
vexer les citoyens ; il suffira de l'exercer sur les ma- 
gasins qui existent dans les villes de quelque im- 
portance ; le droit pourra être acquitté en lettres de 
change à 2 et 6 mois de date. Ces mesures doivent 
rendre des sommes considérables; faites-en tenir un 



4M MÉMOIRES DU PRIÏ1CK EUGÈNE 

compte séparé sous le titre d'extraordinaire de$ doua- 
ne*. 

« Vous me ferez connaître combien cet extraordi- 
naire aura rapporté, mon intention étant de régler 
l'emploi de ces fonds par un budget particulier et 
de les appliquer au service de la marine et k l'amé* 
lioralion des ports du royaume. Vous aurez reçu le 
décret qui impose un droit de 30 sous sur les soies, 
à la sortie du royaume d'Italie; mais, du côté de la 
France, elles peuvent sortir et venir jusqu'à Lyon sans 
rien payer. J'ai autorisé la sortie, par les douanes, 
de France, des soies de France qui sont d'une qua- 
lité supérieure, moyennant un droit de 30 sous, et 
de celles d'Italie moyennant un droit de 20 sous.* 
Ainsi les soies. d'Italie peuvent Tenir à Lyon sans 
rien payer ; elles peuvent de Lyon gagner le Rhin ; 
et, en passant ce fleuve, elles ne payent que 20 sous. 
Les soies du royaume d'Italie, exportées par Botzen 
et les frontières d'Autriche, payent 30 sous, et le- 
délour par Lyon ne coûtant pas plus de 3 sous, il 
s'ensuit qu'il y aura 7 sous de bénéfice à les faire 
passer par Lyon, en sorte que cette ville deviendra 
le centre du commerce des soies, ce qui sera utile à 
tout le monde. — J'ai accordé l'importation des dif- 
férents outils de Brescia, des laines de Rome, des 
draps de Bologne, etc. Enfin toutes les demandes 
des négociants italiens ont été accordées. J'ai chargé 
uno commission de faire un tarif qui réglera et aug- 
mentera les droits des douanes d'Italie. Vous ob- 
serverez que les cotons de Naples et du Levant en 
transit dans mon royaume d'Italie pour venir en 



LIV. XVII. — isio — CORRESPONDANCE 411 

France ne doivent pas payer le droit du tarif, puis- 
qu'ils doivent l'acquitter lors de leur consommation 
en France; mais il Tant bien s'assurer que ces co- 
tons ne restent pas dans le royaume. » 

« Sire, je dois rectifier différentes erreurs qui ^A*^ 
ont eu lieu dans les derniers rapports télégraphi- ^io"* 
ques que j'ai faits à Votre Majesté. Plusieurs mala- 
dies dans les employés et quelques dérangements 
dans les télégraphes de la ligne de Venise, ainsi que 
le temps brumeux qui a régné pendant quelques jours, 
sont les causes de ces erreurs. Effectivement, plu* 
sieurs dépêches ont été confondues ensemble; ainsi 
il n'est pas vrai que 3 frégates anglaises soient ve- 
nues le 29 au soir devant Ghioggia ; je rétablis donc 
par le rapport suivant les faits dans leur exacti- 
tude. 

ce Plusieurs barques arrivées à Venise avaient dé* 
posé que l'ennemi était en force dans les parages de 
Tlstrie ; une de ces barques a été prise par une fré- 
gate anglaise en face de Parenzo, et ne s'est sauvée 
à Venise que par la hardiesse des 3 marins qui la 
montaient, qui ont jeté à fond de cale et amené à 
Venise les 5 Anglais qu'on avait mis à bord. Toutes 
les dépositions s'accordaient donc à annoncer que 
3 frégates croisaient en Italie, et que plus loin, aa 
large, on avait aperçu deux autres voiles. Le 29 
au soir, les signaux de Venise annonçaient aux bou- 
ches du Tagliamento 2 frégates anglaises. Le vent 
étant bien frais et favorable pour sortir de Chioggia, 
le capitaine Dubourdieu mit à la voile et sortit dans 



412 MÉMOIRES DU PRINCE EUGÈNE 

la nuit du 29 au 30. Le 30, nos frégates étaient à 
20 milles en mer, et l'ennemi était toujours sur les 
côtes du Frioul. Hier, 1 er octobre, notre division 
' avait continué sa route et était hors de vue, toujours 
avec vent favorable, quoiqu'il ait diminué, et on si- 
gnalait toujours, hier, 2 frégates en face des bou- 
ches de la Piave. Il y a donc tout lieu d'espérer que 
la division des frégates de Votre Majesté sera arrivée 
heureusement à sa destination ; et elle comprendra 
facilement que, si j'ai pu l'induire en erreur sur la 
position de l'ennemi par les dépêches télégraphiques, 
c'est que ces mêmes dépêches m'annonçaient 3 fré- 

» 

gâtes ennemies sur l'Islrie , et le lendemain 3 fré- 
gates devant Ghioggia , sans m'avoir expliqué d'abord 
que ces dernières étaient les nôtres. 

« Je m'empresserai de faire connaître à Votre Ma- 
jesté tous les changements qui pourront survenir 
dans la position de l'ennemi. » 

En fc£* ap ' tt S' re > Votre Majesté m'a fait l'honneur de me 
* îttoT renvoyer le rapport de son ministre de la guerre sur 
la remise de l'artillerie française au royaume d'Italie, 
en me demandant mes observations. 

c< L'estimation a été faite par un commissaire fran- 
çais nommé par le ministre duc de Fellre, conjoin- 
tement avec un commissaire italien. Le colonel Car- 
mejeanne, commissaire français, est assez connu de 
Votre Majesté pour être convaincue que l'opération a 
été faite en règle. Je me bornerai à une seule observa- 
tion, qui porte sur la base qui paraît avoir été adop- 
tée pour l'estimation : c'est que, pour les matières 



. LIV. XVII. - 1810 - CORRESPONDANCE 415 

premières, on a suivi les prix courants du royaume; 
par exemple, le bronze hors de service n'est porté 
qu'à 1 franc la livre, parce que le cuivre neuf ne 
coûte en Italie que 1 fr. à 1 fr. 10 cent., tandis que 
le duc de Feltre l'estime à 1 fr. 50 cent. Il doit 
donc y avoir également une différence dans les ob- 
jets confectionnés. La poudre n'est portée qu'à 1 fr. 
32 cent., parce que c'est le prix d'Italie. Elle ne 
coûte pas davantage, quoiqu'en France elle soit éva- 
luée à 1 fr. 75 cent. Le seul article qui paraîtrait 
mériter observation serait . les bouches à feu en fer 
coulé de service, qui sont portées au même prix 
que les projectiles, et qui devraient avoir une valeur 
plus forte. Du reste, cet article est peu considérable, 
vu qu'il y a très-peu de pièces de cette classe. » 

« Sire, Votre Majesté m'a donné connaissance Boc.tfep. 
d'une lettre qu'elle a écrite au duc de Feltre sur le «octobre 

* 1810. 

dénûment du détachement du 28 e de dragons, qu'on . 
avait été obligé de renvoyer de Turin. J'ai été d'au- 
tant plus étonné de cet événement, que je savais que 
le général Boise avait passé la revue de ce détache* 
ment avant son départ, ainsi que le sous-inspecteur 
aux revues. J'ai voulu me convaincre de la vérité, et 
j'ai fait passer ce détachement par Milan à son re- 
tour de Turin. Je l'ai passé moi-même en revue, 
ce matin, dans le plus grand détail. Je dois à la vé- 
rité de déclarer que ce détachement, en hommes et 
chevaux, est en état d'entrer en campagne. Cela est 
tellement vrai, Sire, que les mêmes hommes et les 
mêmes chevaux repartiront après quelques jours de 



IU MÉMOIRES DU PRINCE EUGÈ!U: 

séjour à Milan, pendant lequel je ferai remplacer 
tous les objets qui pourraient mériter la censure. 
Plus des deux tiers de ce détachement ont 5, 4 et 5 
ans de service. Les habits surtout qu'ils ont sur le 
corps sont en bon état et ne peuvent être remplacés, 
puisqu'ils ont été distribués en même temps qu'à 
tout le régiment, en septembre de Tannée der- 
nière. Il n'y a eu qu'un seul échange d'habits, et 
c'est celui d'un trompette qui, d'après son propre 
aveu, ne pouvant plus sonner, est passé dragon dans 
' une compagnie il y a 2 mois, et il a bien fallu lui 
donner un habit de dragon en échange de son habit 
de trompette. 

« L'article où il y a le plus à redire est celui des 
culottes de peau. Un grand tiers et presque moitié 
ont 16 et 18 mois de durée, et par conséquent de- 
vraient être remplacées depuis 4 à 5 mois; mais il 
est de fait que le 28 e de dragons se trouve, comme 
tous les régiments de l'armée, dans une situation 
très-critique sous le rapport des finances. 

« Chaque régiment de votre armée d'Italie, Sire, 
réclame de 150 à 180,000 francs. Cette dernière 
somme est due au 28 e de dragons, qui n'a pas un 
sou en caisse : tout l'argent de la masse de linge et 
chaussure a été employé au retour de la campagne. 
Le ministre directeur n'a fait aucun fonds pour les 
remplacements de 1809, 40,000 francs en florins 
que Votre Majesté leur a fait verser en Hongrie; mais 
cet argent a presque entièrement passé en achats de 
caissons et harnais dont les corps ont été obligés de 
se pourvoir pendant l'armistice, ce qui a monté 



LIY. XVII. - isio - CORRESPONDANCE 415 

à près de 23,000 francs pour chaque corps. H n'est 
donc pas étonnant que le corps à qui il est tant dû, 
que le corps qui attend journellement ses remplace- 
ments de 1809 et de 1810, et qui n'a pas d'argent 
en caisse, il n'est pas étonnant, dis-je f que ce corps 
n'ait pu faire les remplacements, pour lesquels il 
n'a reçu aucuns moyens, et qui n'a pas la faculté 
de se les procurer. 

« La seule chose qui dépendait du colonel, et sur 
laquelle il est coupable, c'est d'avoir mis ce détache- 
ment en roule avec son seul surtout, sans son grand 
uniforme. Il apporte pour raison que ce surcroît de 
charge, dans la dernière campagne, a blessé et mis 
hors de service près de 200 chevaux du régiment, 
et que les généraux ont plusieurs fois été tentés de 
laisser cet habit sur les derrières. En résumé, voici 
les ordres que j'ai donnés : 

« 1° Les grands uniformes de tout ce détachement 
seront envoyés de suite à Milan ; 

ce 2° On fournira une trentaine de culottes neuves 
et une dizaine de paires de bottes aux dépens du ré- 
giment; on en retiendra la valeur au corps quand 
le ministre directeur aura fait les fond? qui sont 
dus; 

« 3° On remplacera 3 chevaux blessés et 20 hom- 
mes tombés malades depuis le départ de Reggio ; et, 
comme Votre Majesté vient d'ordonner nouvellement 
que les escadrons de guerre du 29 e de dragons, qui 
sont sous les ordres du général Miollis, fourniraient 
le détachement de 100 hommes que le dépôt n'a 
pu fournir, je réunirai le détachement du 28 e à ce- 



Kap. I Eug. 
Fontaine- 
bleau, 
A octobre 
1810. 



416 MÉMOIRES DU PRINCE EUGÈNE 

lui du 29* au passage de ee dernier à Plaisance, el 
je les mettrai en route pour leur destination \ » 

« Mon fils, j'ai signe le décret qui forme un régi- 
ment de conscrits de la garde royale. Quand ces jeu- 
nes gens seront formés et auront quelque expérience, 
on pourra leur donner, s'ils le méritent, le nom de 
tirailleurs. Il serait bien nécessaire, ayant d'en ve- 
nir là, que les corps de la légion fussent un peu 
complétés. » 

ce Mon fils, je vous avais demandé de faire régler 
les matricules de vos poids et mesures sur les poids 
et mesures de France. — La monnaie est déjà mise 
sur le système français. Il faut en faire de même 
pour les poids et mesures. Faites-moi connaître quel 
système on suit aujourd'hui. » 

« Mon fils, le prix du blé dans les différentes par^ 
4 b c!?obre ties du royaume offre de grandes différences dans 
un pays où les transports sont si faciles. Je ne con- 
çois pas comment une différence du double peut 
exister entre un point et un autre : en prohibant la 



Nap. i Eug. 
Foulaine- 

bleta, 
4 octobre 

1810. 



fUp. I Eug. 
Fontune- 



1810. 



1 Les détails contenus dans cette lettre peuvent paraître fastidieux, 
mais ils nous ont paru prouver deux choses : 1* l'esprit de justice du 
prince Eugène, le soin qu'il mettait dans les plus grandes comme dans 
les plus petites affaires, et la tendance de Napoléon à laisser souvent 
manquer d argent les corps de troupes placés hors de son action di- 
recte. L'Empereur, en Italie comme en Espagne, retardait le paye* 
ment des sommes dues aux- masses d'habillement, de harnachement, 
dans l'espoir de forcer les corps à pourvoir eux-mêmes à ces fourni- 
tures indispensables. 



LIV. XVI!. — 1810 — CORRESPOiNDANCE 417 

sortie des blés par mon décret, j'avais entendu dé- 
fendre également les blés de Turquie. Le pain est 
extrêmement cher à Turin, à Florence, et dans toute 
l'Italie française. On a tellement besoin de blé, qu'on 
vient en acheter jusqu'à Paris. Tenez donc la main 
à la prohibition, et faites tout ce qui est possible 
pour que le surplus de la consommation du royaume 
d'Italie se dirige sur l'Italie française. » 

« Mon fils, faites-moi un rapport sur le transit ^îg^jjj* 
dans le royaume d'Italie. Mon intention est de n'ac- ^"ilr 
corder aucun transit, ni pour la Suisse, ni pour le i810 ' 
Valais, ni pour la Bavière. Tout ce qui part de ces 
points doit avoir payé les droits et être un commerce 
ordinaire, mais non de transit. Quant aux marchan- 
dises coloniales, je vous ai envoyé l'ordre de les 
saisir partout où elles se trouvent : dès lors il n'y a 
lieu à aucun transit que les marchandises n'aient 
payé les droits. » 

« Sire, j'ai l'honneur de rendre compte à Votre e "J é ^ b p- 
Majesté que, d'après la déposition des quatre prison- A Jg l °^° 
niers anglais, la dernière position de l'ennemi était 
la suivante : Entre Lissa et l'Jstrie, il y a les frégates 

Y 4 clive et VAmphyon, ainsi que la corvette 

Devant Gorfou, il y a deux vaisseaux de 74, les fré- 
gates YUnité et la Belle-Poule, une petite corvette et 
un brick. Ils ont assuré qu'il n'y avait pas d'autres 
forces anglaises dans l'Adriatique, en ne comptant 
point huit ou dix corsaires maltais et siciliens, de 4 
jusqu'à 14 canons. L'entrepôt de toutes leurs prises 

ti. 27 



418 MÉMOIRES DU PRINCE EUGÈNE 

et le point de réunion de ces bâtiments est File de 
Lissa. Si Votre Majesté daigne jeter un coup d'oeil 
sur la carte de l'Adriatique, elle verra que d'Ancône 
il est extrêmement facile de se rendre à Lissa, sur- 
tout lorsque le mont d'Ancône n'a rien signalé à 50 
ou 60 milles en mer. De l'aveu de ces prisonniers, 
les Anglais ont constamment laissé une frégate ou 
une corvette à Lissa pour garder leurs prises. Au- 
jourd'hui que les frégates de Votre Majesté sont 
réunies à An cône, je serais tenté de croire qu'il faut 
profiter de ce premier moment pour faire quelques 
prises aux Anglais, et en quarante-huit heures de 
temps la division sortie d'Ancône pourrait être de 
retour, après avoir détruit et brûlé tout ce qu'ils 
auront pu de rétablissement de l'ennemi à Lissa. 
Déjà, à Venise, le capitaine de vaisseau Dubourdieu 
m'avait parlé de cette expédition comme d'une chose 
facile, surtout certaine dans le premier moment de 
sa réunion, où trois frégates ne peuvent se mesurer 
avec sa division. Je prie Votre Majesté de vouloir bien 
me dire si elle approuve ce projet. Bien entendu 
cependant qu'il ne serait jamais exécuté qu'à coup 
sûr, c'est-à-dire autant qu'aucune force supérieure 
ennemie ne se présenterait devant cette division. » 



Eug. a Nap 



fcian, ' « Sire, j'ai reçu les ordres de Votre Majesté, rela- 



4 octobre 



isio. tifs aux grains qu'elle désire qui soient envoyés de 
Venise et d'Ancône à Corfou. Comptant dans quel- 
ques jours aller foire une tournée dans celte partie, 
je verrai moi-même la maison de commerce avec 
laquelle il sera possible de faire le contrat, tel qu'elle 



LIV. XVII. — 1810 - CORRESPONDANCE 419 

le désire ; j'aurai l'honneur d'informer Votre Ma- 
jesté du résultat de ma démarche. » 

« Mon fils, je reçois l'état des bâtiments arrivés x fJi£Jî!2f" 
dans les ports du royaume pendant le mois d'août ; ^SS^n 
mais je ne vois pas de quels endroits ils viennent. » 18W * 

a Mon fils, le ministre de la guerre vous envoie nj?-*e^- 
l'ordre de faire compléter le bataillon du 2* léger ila- g'jjjjj; 
lien qui est à Corfou, en hommes et en officiers, jus- 181 °- 
qu'à concurrence de 840 hommes présents sous les 
armes. Il vous envoie également l'ordre de compléter 
à 140 hommes présents les compagnies d'artillerie 
et de sapeurs que vous avez dans cette île. Faites 
partir ces renforts d'Olrantc, avec de bons outils et 
tout ce qui sera nécessaire, à Corfou, afin qu'ils s' em- 
barquent à la première circonstance favorable. Si les 
Anglais étaient un jour maîtres de Corfou, l'Adria- 
tique serait perdue pour toujours. Il faut donc em- 
ployer Thiver à approvisionner cette île. Faites-moi 
connaître comment vous pourriez y faire passer 
60 milliers de poudre et quelques objets d'artille- 
rie. Je désire que vous preniez des mesures pour y 
envoyer d'Ancône 10,000 quintaux métriques de 
blé, et 2,000 quintaux de riz. Je pense que cela doit 
être hasardé en plusieurs convois. Faites numéroter 
les bâtiments, et compter ce que chacun portera, 
afin de savoir ce qui arrivera à Corfou. Comme j'ai 
donné des ordres au ministre de l'administration de 
la guerre, il vous écrira pour cela. » 



420 MÉMOIRES DU PRINCE EUGÈNE 

*Fonu£e-' (< Mon ^ ! ' s > J e re Ç°i s votre ' eUre du 30 septembre. 

6 Mtoto* J° vo * 8 P ar cette lettre que le Rivoli ne pourra sortir 
18i0, qu'au mois de mars. Je désirerais que Ton pût mettre 
à l'eau, en février, le Mont-Saint-Bernard et le Rc- 
generatore, et qu'on forçât de moyens pour avoir 
l'artillerie et tout ce qui est nécessaire pour armer 
ces trois bâtiments, de sorte qu'ils pussent sortir le 
même jour, à la fin de mars ou avril, sous la protec- 
tion des cinq frégates, et être armés en quatre ou 
cinq jours, de manière à avoir, à cette époque, trois 
vaisseaux, soit à Pola, soit à Àncône. Il me semble 
qu'il n'y a aucune difficulté pour mettre les trois fré- 
gates à l'eau, ni pour l'artillerie, ni pour les équi- 
pages, puisqu'au besoin on désarmerait quelques- 
uns des bâtiments actuels. Répondez-moi sur ce 
point, qui est très-important. — Je ne vois pas que 
vous ayez encore fait mettre sur les chantiers les 
trois vaisseaux dont j'ai ordonné la construction. Il 
n'y a plus aucune frégate sur le chantier ; je pense 
qu'il faudrait y en mettre une. Je désirerais que les 
frégates la Bel lotie et la Caroline pussent être armées 
de caronades de 56, au lieu de pièces de 12. Pour- 
quoi avez-vous fait des frégates si petites? Est-ce 
qu'elles peuvent entrer tout armées à Venise? Ré- 
pondez-moi sur ces questions. » 

Map. * Eu g . « Mon fils, je yous ai écrit de donner deux bricks 

FooUine- " 

e^Tobrc au ^ liC ^ e R a £ use > sur estimation. Je désire que 

i8io. vous mettiez de plus à sa disposition la corvette russe 

le Tcrgoy, et le brick YAlexander, s'il est en bon 

état. Si les officiers qu'envoie le duc de Raguse pour 



L1V. XVII. — 1810 — COItRESPONDANCE 421 

recevoir ces bâtiments le trouvent bon, vous pouvez 
leur faire remettre aussi la frégate russe Y Astrale. 
Je désire également que vous teniez trois bricks prêts 
à être envoyés à Gorfou. Vous avez à Venise le Léoben, 
VÉrtdan, la Charlotte, le Mameluk, le Lépante; 
je voudrais envoyer trois de ces cinq bâtiments. Il 
faudrait aussi envoyer trois demi-galères chebecks, 
et autres petits bâtiments qui peuvent entrer dans le 
port de Gorfou. Aussitôt que vous m'aurez fait con- 
naître les bâtiments que vous aurez désignés et ce 
qu'ils peuvent porter, je vous enverrai l'ordre de les 
faire partir pour Gorfou, chargés de munitions de 
guerre. Il y aura aussi à Gorfou, avec les sept bâti- 
ments de la marine italienne que j'y ai, treize bâti- 
ments, indépendamment de deux grosses frégates 
françaises. » 

« Mon fils, faites occuper, par une division de N J^f a f n ^* 
5 à 6,000 Italiens, cavalerie, artillerie, infanterie, i%5$ n 
et par un bon détachement de douanes et de gendar- 181 °* 
merie, tous les cantons suisses italiens. — Vous ferez 
sur-le-champ mettre le séquestre sur les marchan- 
dises coloniales, et en général sur toutes celles dé- 
fendues en Italie, qui sont là pour être introduites 
en contrebande. Faites faire cette opération simulta- 
nément. D'après ce que j'apprends, elle doit rendre 
plusieurs millions. Placez ensuite des cantonnements 
dans ces pays, et une ligne extraordinaire dédouanes 
aux débouchés des montagnes. Faites connaître par 
le chargé d'affaires italien en Suisse que cette 
mesure est nécessitée par la contrebande qui se fait 



422 MÉMOIRES DU PRINCE EUGÈNE 

clans ces cantons, el que celte occupation durera 
jusqu'à la paix avec l'Angleterre ; que c'est un des 
moyens hostiles contre l'Angleterre que j'emploie 
dans le Mecklenbourg et dans les ports de l'Alle- 
magne ; que cela n'attentera pas à la véritable neu- 
tralité de la Suisse ; mais que le placement des 
douanes au débouché des montagnes est devenu in- 
dispensable. Vous ferez arrêter tous les mauvais 
sujets bannis du royaume d'Italie et les Anglais qui 
se trouvent dans ce pays. Prescrivez des mesures pour 
que cette opération se fasse à la fois et avec intelli- 
gence. 11 devient indispensable d'occuper ces cantons, 
ctrélablissementd'unelignededouanesaux sommités 
des gorges sera la première opération. Je n'entre pas 
dans les détails de l'exécution. Il faut que les généraux 
que vous enverrez ne fassent pas de proclamations et 
ne fassent point de sottises. Vous leur prescrirez de 
confisquer toutes les marchandises anglaises. Les 
marchandises coloniales seront soumises- aux droits. 
Je ne veux point m' adresser directement à la Suisse. 
Il n'y a pas de mal que ce soit une querelle de vous à la 
Suisse ; après on aura recours à moi ; ce qui amor- 
tira le coup : mais il faut que cela paraisse venir de 
vous. Vous écrirez dans ce sens aux deux chargés 
d'affaires d'Italie et de France, et vous direz que la 
nécessité a forcé le gouvernement à cette mesure. 
Du reste, vous laisserez à ces cantons leur constitu- 
tion, leur manière de faire, et vous ne leur imposerez 
aucune nouvelle contribution. Les troupes seront 
nourries par vous; vous ne mettrez point de Français 
dans ces colonnes. On m'assure qu'à la douaffe, du 



LIV. XVII. — 1810 - CORRESPONDANCE 425 

côté du Valais, il y a une grande quantité de mar- 
chandises anglaises. Faites faire la même opération 
dans le haut Valais. » 

ce Sire, j'ai reçu les ordres de Votre Majesté du Eu 5 il ^ n Nap ' 
2 octobre, qui m'ordonnent de lui proposer la répar- 8 jgj} ir » 
tition, en faveur de la marine et des ports, du revenu 
extraordinaire des douanes de 1810 et 1811. 

« Je vais demander au ministre des finances de 
me fournir, par aperçu, l'état dudit revenu, et j'aurai 
Thonneur d'en proposer la distribution à Votre Ma- 
jesté. 

« Votre Majesté me demande, par la même lettre, 
si son décret relatif à la mise en chantier de nou- 
veaux vaisseaux a reçu son exécution. J'ai eu l'hon- 
neur de lui faire un rapport de Venise, dans lequel 
se trouvent les raisons très-détai liées qui ont retardé 
la mise sur le chantier desdits vaisseaux, et je la 
prie de vouloir bien se le faire représenter. 

« En résumé, les bois manquent dans l'arsenal, 
parce que la circonstance de la guerre et les prises 
assez nombreuses qu'ont faites les corsaires ennemis, 
cette année, ont empêché l'arrivage des bois à grosses 
dimensions, et ce ne sera que cet hiver qu'on rece- 
vra de l'Istrie les bois pour les quilles de ces vais- 
seaux; mais, comme j'ai déjà eu l'honneur de le 
dire à Votre Majesté, quoique les vaisseaux ne soient 
point sur le chantier, les vingt-quatrièmes ordonnés 
par son décret n'en avanceront pas moins, parce 
qu'on travaille les bois de moindre dimension qui 
existent dans l'arsenal. 



421 MÉMOIRES DU PRINCE EUGÈNE 

« Je profite de celte circonstance pour renouveler 
à Votre Majesté la prière de faire payer plus exacte* 
ment les avances que fait la marine italienne à la 
marine impériale. Malgré les ordres qu'elle m'a 
annoncé avoir donnés, et son décret qui ordonnait 
ail ministre de la marine de France de payer chaque 
mois les travaux qui s'exécutent à Venise pour la 
France, malgré ce décret, dis-jc, la marine italienne 
n'en est pas moins en avance de 1,700,000 francs. 
Nous n'avons pas encore touché un sou pour l'an- 
née 1810, et presque rien pour les exercices anté- 
rieurs. Nous avons, il est vrai, depuis un mois, 
l'annonce de près de 800,000 francs; mais c'est une 
simple lettre d'avis, et le payeur n'a reçu aucun 
ordre de payement. Votre Majesté pourrait faire 
terminer toutes ces réclamations, en voulant bien 
décréter que la somme de ce qui serait fixée par la 
marine de France pour la dépense de chaque mois 
serait retenue sur le subside mensuel, comme cela 
est en usage pour le payeur. Il n'existerait plus alors 
aucune raison pour ralentir les travaux, puisque la 
marine italienne aurait tous ses fonds libres à dé- 
penser pour elle-même et ne serait plus contrainte 
à des avances qui sont au-dessus de ses forces. » 

^fcifiaiuë?' (< ^ on û' s > i c re Ç°^ s vos litres du 3. J'ai signé 
oodohre un décret relatif à différentes dispositions de douane 
pour mon royaume d'Italie. Envoyez-moi l'état des 
marchandises venant d'Allemagne, existant aux en- 
trepôts réels, selon la lettre que je vous ai écrite. 
J'ordonne qu'on envoie à l'Académie de Brescia et à 



1810. 



LIV. XVII. - mo - CORRESPONDANCE 455 

la bibliothèque du Cabinet des monnaies et médailles 
d'flalie une collection complète de toutes les gra- 
vures que j'ai dans mes bibliothèques, et dans la- 
quelle se trouve l'Iconographie de Visconti. » 

« Mon fils, je vous renvoie un état que je n'en- n*p. i Eu g . 

• . * * Fonlai Dé- 

tends pas. — Faites-le refaire en kilogrammes et Ai h ^ 

selon les mesures françaises, comme je vous l'ai 1810 - 

déjà mandé. — Je ne connais pas ce que c'est 

qu'un quintal, etc., etc. Adoptez donc une forme 

fixe. » 

« Mon fils, je vous ai répondu par le télégraphe ^^JS]* 
sur l'expédition projetée de Lissa. Je suppose que is^uVe 
vous avez réuni à Àncône les frégates la Favorite, la i81 °" 
Couronne, VUranie, la Bellone, la Caroline , et les 
bricks le Mercure, Yléna, la Princesse- Auguste et 
la Charlotte; ce qui fait neuf bâtiments. Nul doute 
que ces bâtiments doivent pouvoir attaquer non pas 
seulement trois, mais même quatre frégates an- 
glaises; mais pour cela il faut qu'ils soient bien 
montés. — Je pense que vous devez composer votre 
expédition de 60 hommes d'élite d'infanterie par 
frégate, de 25 hommes par brick; ce qui fait 
400 hommes, qui, joints à 400 hommes de gar- 
nison, mettraient dans les mains du commandant de 
cette expédition 800 hommes à débarquer. Gomme 
le capitaine Dubourdieu est entreprenant et ambi- 
tieux, il ne faut pas l'éperonner ; il faut lui laisser 
la bride sur le cou. — Je suppose qu'il a déjà fait des 
sorties avec ses frégates. Ne serait-il pas convenable 



426 MÉMOIRES DU PRINCE EUGÈNE 

qu'évitant les croisières anglaises il se rendit à Ra- 
guse et s'essayât d'abord à des croisières sur des 
points où les Anglais ne sont pas? Mais on ne peut 
mieux faire que de donner carte blanche au capi- 
taine, qui, connaissant ses équipages et le degré de 
confiance qu'il doit avoir en eux, a la conscience de 
ce qu'il peut. » 

k»p. & Bug. « Mon fils, actuellement que nous avons 5 frétâtes 

Foutaine- ' # * « 

tt'ÎXre * Ancône, je ne puis trop vous recommander de 
i8io. porter une grande attention aux batteries. Il faut 
surtout avoir beaucoup de mortiers à plaque, qui 
portent les bombes à 2,000 toises, beaucoup de 
pièôes de 56, enfin avoir un bon armement. Je dé* 
sire que vous fassiez faire des fusées à la congrève 
portant à 1,700 toises. Je donne ordre au ministre 
de la guerre de vous en envoyer le procédé. Des bom- 
bardes s'avançant contre les croisières ennemies 
pourront avec ces fusées mettre le feu aux vaisseaux. 
Envoyez d'Ànlhouard passer 15 jours à Ancône pour 
mettre les batteries en état, pourvoir à ce qu'il y ait 
des bombes et des obus; que chaque mortier ait deux 
plate-formes, afin que, lorsqu'une est enfoncée, on 
puisse transporter le mortier sur l'autre; enfin qu'il* 
y ait des batteries dans l'île. Faites installer 2 bom- 
bardes à Venise. Ces bombardes pourront porter 
2 mortiers, elles se placeront à l'entrée du port, et 
tireront des bombes pour défendre le port. Une divi- 
sion de chaloupes canonnières sera également néces- 
saire. Faites-moi connaître combien il y en a, et s* 
elles sont en état. Une douzaine de chaloupes canon- 



LIV. XVII. — 1810 — CORRESPONDANCE 487 

nières pourrait y rester sans équipages, puisque les 
frégates et les bricks pourraient les fournir, mais ces . 
chaloupes canonnières sortiraient et échangeraient 
des boulets. » 

a Sire, Votre Majesté me demande par sa lettre du Bug. à Na P . 
6 octobre si le Mont-Saint-Bernard et le Régénéra- **$$** 
leur peuvent être lancés au mois de mars prochain 
en même temps que le Rivoli. J'ai déjà eu l'hon- 
neur de rendre compte à Votre Majesté que pour le 
mois de mars le Rivoli sera prêt, c'est-à-dire que 
l'ingénieur qui a fait creuser les canaux espère, si les 
gros temps ne le contrarient point, avoir assez creusé 
pour celte époque, pour que le vaisseau puisse se 
rendre à Malamoco. Quant au Mont-Saint-Bernard 
el au Régénérateur, en faisant tous les efforts pos- 
sibles, le Mont-Saint-Bernard pourrait être lancé 
vers la fin d'avril, et le Régénérateur vers le mois de 
juin, car les avant-cales de ces deux vaisseaux ne 
seront terminées qu'à cette époque. Ainsi, si les tra- 
vaux ne sont contrariés par aucune circonstance 
extraordinaire et surtout si l'argent ne manque pas, 
les 3 vaisseaux pourront réellement, dans le courant 
de l'année , c'est-à-dire vers juillet et août, sortir de 
Malamoco pour gagner Ancone ou Pola ; mais, je le 
répèle à Votre Majesté, il est bien instant que la ma- 
rine soit couverte de ses avances, car les matériaux 
ont manqué et les travaux de construction n'ont pas 
eu toute l'activité désirable par le manque de fonds» 
Voilà l'année 1810 bientôt écoulée et elle se sera 
passée en écriture entre les deux ministres. La ma- 



428 MÉMOIRES DU PRINCE KUCKNK 

rine italienne est en avance de 1 ,700,000 francs pour 
la marine française sur les fonds qui étaient destinés 
à ce service ; et, à compte de ces fonds, le trésor ita- 
lien a secouru la marine de 5 à 600,000 francs, c'est 
tout ce qu'il a pu faire h cause de ses avances sur 
tous les autres services. H est très-vrai que les deux 
ministres sont en discussion sur une somme de 
100,000 francs; mais est-ce une raison pour laisser 
en retard tout ce qui est bien reconnu ? 

« Enfin, Votre Majesté me demande pourquoi on a 
fait des frégates aussi petites que la Bellone et la Caro- 
line, et s'il est vrai qu'elles peuvent entrer à Venise 
tout armées. Ces deux frégates, Sire, n'ont été con- 
struites que dans cette intention, parce qu'elles 
étaient destinées à rester toutes deux à Venise, pour 
empêcher une frégate anglaise de venir bloquer ce 
port. Une nouvelle frégate italienne de 44 canons va 
être mise sur les chantiers. On m'a proposé d'en 
mettre une seconde sur chantier qui serait de 
44 bouches à feu, et qui pourrait sortir tout armée 
par Malamoco. La batterie basse serait de caronades 
de 36 et ses gaillards en caronades de 24. Elle serait 
de force à se mesurer avec une frégate de premier rang 
et aurait l'avantage d'être faite en très-peu de temps, 
parce qu'on peut, y employer des bois de démolition 
existant à l'arsenal et n'étant bons qu'à cela. Ces 
2 frégates pourraient être prêtes dans le courant de 
l'année 1811, et je prie Votre Majesté de me donner 
ses ordres par rapport à la seconde. 

« Votre Majesté m'ordonne de mettre à la dispo- 
sition du maréchal duc de Raguse la frégate, la cor- 



L1V. XVII. — 1810 - CORRESPONDANCE 429 

vctle et un brick russes, dans le cas où les officiers 
qu'il enverrait trouveraient ces bâtiments bons. 
J'exécuterai cet ordre; mais je suis porté à croire 
qu'il en coûtera plus en réparations qu'à faire du 
neuf, ce sont de vieux bâtiments et de mauvaise con- 
struction. » 

« Mon fils, vous trouverez ci joint une lettre du ^Eifij" 
ministre comte Mollien, sur la difficulté de faire ar- le^obre 
river des fonds à Corfou. Ne serait-il pas possible de 181<u 
trouver chez des négociants de Yenise ou d'Àncône 
des traites sur Corfou? Ces villes ont des relations de 
commerce avec les îles Ioniennes. Je vous prie d'en- 
voyer à Brindisi 2 ou 3 courriers ou bâtiments que 
vous jugerez le plus propres 5 faire ce service, pour 
aider aux transports sur Corfou. Yenise offre plus de 
facilités que N a pi es. Consultez les marins même et 
voyez si l'on ne pourrait pas envoyer à Brindisi de 
plus forts bâtiments que des courriers, tels que des 
chebecks, demi-chebecks, ou autres petits bâtiments 
armés. Je me repose sur vous pour cela. Tout ce qui 
regarde Corfou est de la dernière importance, car 
certainement les Anglais assiégeront Corfou l'année 
prochaine. » 

a Sire, j'ai l'honneur de rendre compte à Votre Eu &a£ p " 
Majesté que depuis mon arrivée ici j'ai passé en revue "iSJo!" 6 
les troupes de la garnison, visité les travaux de marine 
ainsi que les travaux du port, aujourd'hui je compte 
visiter les fortifications. Le.temps ayant été constam- 
ment contraire, la division n'a pu mettre à la voile, 



452 MÉMOIRES DU PRINCE EUGÈNE 

de 1811. Le total s'élève à 12,000 hommes, non 
compris les 1,400 qui appartiennent à la conscrip- 
tion maritime. Cette levée serait partagée en classes. 
La moitié, ou l'actif, devrait se rendre, dans le cou- 
rant de janvier, dans les cadres de l'armée. La 
deuxième moitié, x)u réserve, serait disponible en 
cas de besoin. » 

B 4nc*M, p ' « Sire, j'ai l'honneur d'adresser à Votre Majesté 
*°i8io! )re deux tableaux, l'un indiquant le nombre des conscrits 
réfractaires de ces quatre dernières années, se mon- 
tant à 22,227 hommes; l'autre indiquant les déser- 
teurs, dans le même temps, et porté à 17,750 : to- 
tal 39,977 hommes. Ce résultat est affligeant. L'on 
emploie tous les moyens pour l'empêcher ou y re- 
médier. On espère chaque année y réussir, et ce- 
pendant on ne peut en venir à bout. La faute en est 
peut-être aux autorités civiles, que l'on pourrait 
accuser d'indolence à cet égard. En général, l'admi- 
nistration du royaume est encore bien arriérée de 
celle de l'empire. Cependant, on arrête journelle- 
ment de ces déserteurs. La totalité se monle à plu- 
sieurs milliers par an. On est peiné d'être obligé de 
porter une condamnation aux fers envers une qua- 
rantaine de mille individus. J'avais cru, pour le 
meilleur service de Votre Majesté, devoir chercher 
à tirer parti de ces hommes, qui ne sont pas de mau- 
vais sujets dangereux à la société, mais qui ne sont 
qu'égarés soit par les idées superstitieuses ou par la 
peur, et je les envoyais 4 l'île d'Elbe. Actuellement 
que Votre Majesté a décrété un seul bataillon colonial 



LIV. XVII. - itio - CORRESPONDANCE 435 

dans cette île, j'en retire le 6 e de ligne, qui se re- 
crutera par la conscription : mais je suis obligé de 
supplier Votre Majesté de m'autoriser à former un 
corps sous le nom qu'il plaira à Votre Majesté, ou 
sous le 8 e régiment, qui serait employé en Dalmalie, 
à Cattaro, ou à Raguse. Ce corps ne serait pas à 
charge à l'armée d'il ly rie, puisqu'il serait composé 
d'hommes fermes, et les conscrits réfractaires se- 
raient dirigés par convois sur ce régiment. 

« Étant dépaysés, ils seraient soumis. Se trouvant 
dans un pays étranger et séparés par la mer, ils ne 
pourraient déserter, et, au bout de dix-huit mois, ils 
auraient pris l'esprit militaire; car j'ai fait une ob- 
servation sur tous les Italiens : tous les recrues, 
généralement, redoutent le militaire ; il leur faut 
quinze à dix-huit mois pour s'habituer à la vie du 
soldat. C'est pendant ce premier temps seul que la 
désertion a lieu ; mais, passé cette époque, ils sont 
attachés h leur état, et l'on peut les laisser libres; ils 
ne désertent plus. Je supplie Votre Majesté de me 
faire connaître ses intentions, en lui répétant qu'il 
ne s'agit pas de mettre des brigands sous ses dra- 
peaux ; au contraire on les livre aux tribunaux : mais 
il est question de ce pays neuf, de tirer parti d'une 
population considérable et que de vieilles habitudes 
égarent. Dans le cas cependant où Voire Majesté se 
refuserait à l'organisation d'un nouveau corps, je la 
prierais de consentir à ce que le 6 e régiment passât 
à Raguse ou à Cattaro. » 

FIN DU SIXIÈME TOME. 
?i. 28 



TABLE DES MATIERES 



LIVRE XV 

DE 1" JUILLET AU 14 KOYEMBBE 1809. 

§ I. — Position de Farinée d'Italie dans les premiers jours de juil- 
let 1809. — Mouvement sur Schwalchat. — Rôle de l'année d'Italie 
a Wagram, les 5 et 6 juillet. — Réflexions. — L'Empereur place 
les Saxons et les Wurtemburgeois sous les ordres du prince Eugène. 
— Le vice-roi, envoyé en Moravie, est chargé de couvrir Vienne 
(10 juillet). — Reconnaissance sur Marcheg. — Positions occu- 
pées par l'armée d'Italie après l'armistice de Zuaùn. — Résultats 
obtenus par cette armée pendant la campagne de 1809. . . 1 

§ H. — Le quartier général du prince Eugène transporté d'abord à Si- 
• senstadt, puis a Vienne. — Occupations du vice-roi jusqu'à la con- 
clusion de la paix. — U se rend à KUgenfurth, puis à Villach, à la 
fin d'octobre l809 v et y établit son quartier général. — Son dé- 
part pour Milan, le 12 octobre 1809 17 

Correspondance relative au Livre XV 31 



LIVRE XVI 

m 14 hovbube 1809 ad 15 rivaiEA 1810. 

§ I. — Campagne du Tyrol , d'avril 1809 à février 1810. — Con- 
sidérations de nature à expliquer les causes qui portèrent les babi- 
tauts du Tyrol a s'insurger. — Premier acte d'hostilité, le 10 avril, 
vers Rrixen. — Le général Baraguey d'Hilliers se porte sur Trente. 
Arrivée de la division Fontanelli, dans cette ville, le 16 avril. 



43G TABLE DES MATIERES. 

Position qu'elle occupe autour de cette place sur les deux rivas de 
l'Adige. — Organisation d'un corps de 9 a 40 mille hommes char- 
gés de coun-ir les débouchés du Tyrol. — Divisions Vial et Foota- 
nelli. — Retraite de ces troupes sur Caliano, puis successivement 
sur Roveredo et sur Ala. — Rapport du colonel de Vaudoncourt sur 
la réorganisation de Tannée d'Italie. — La division Rusca, chargée 
seule de couvrir en Tyrol la gauche de l'armée du vice-roi. Marche 
de cette division, à partir du 2 mai, sur Ala, Trente, Priraokno, 
Bellune. — Combats de Gapo di Monte et de Cadore, les 8 et 9 
mai. — Marche de la division sur le Tagliamento pour se rabattre 
sur Cividale au sud. Elle remonte vers le nord par Udine, Piesze 
et Spital, où elle prend position le 23 mai. — Attaque du 5 juin, 
de Chasteler sur Klagenfurth. — La division Rusca pendant le mois 
de juillet. — Le général Rusca fait occuper Sachsenburg à la lin 
de juillet. Sa marche sur Liens le 2 août. — Combat de Liens. 

— La division se replie, le 11, sur Klagenfurth. — Formation 
d'une division de 4,000 hommes, a Vérone, mise sous les ordres 
du général Peyri, en septembre. Elle occupe Rivoli, la<€orona ; sa 
marche sur Trente le 23 septembre ; réoccupation de la ville le 28. 

— Combat du 25 octobre autour de Lavis. — Le général Peyri, 
entouré par l'insurrection, se replie sur Trente le 6 octobre. — Ar- 
rivée du général Vial pour commander la division. — Composition 
et force de la division Vial à la fin d'octobre. - Affaires dans la 
vallée de la Drave. — Les insurgés bloquent le fort de Sachsen- 
burg (premiers jours d'octobre). — Combats de Sachsenburg à Vil- 
lach. — Proclamation du prince Eugène aux Tyroliens. — Lettre 
du roi de Bavière au vice-roi. — Andréas Hoffer, ses lettres et ses 
proclamations. — Mission du commandant Tasclier de la Pagerie, 
aide de camp du prince Eugène dans le Tyrol. — Lettre du vice- 
roi à son beau-père. — Réponse du roi. . . .„ 121 

§ II. — Position des troupes françaises dans le Tyrol au com- 
mencement de novembre 1807. — Opérations, marche et combats 
de la colonne du général Peyri ; sa jonction avec le général Vial à 
Bolzano (ou Botxen). — Opérations du corps bavarois depuis le mi- 
lieu d'octobre jusqu'à la fin de novembre. — Composition et em- 
placement des trois divisions bavaroises formant le corps du général 
Drouet au 11 octobre 1809. — Opérations dans le nord du Tyrol. 

— Concentration autour d'Inspruck. — Soumission des divers hal- 
lages. — Opérations du général Baraguey d' Milliers dans la vallée 
de la Drave. — Composition de son corps d'armée, marche des 
troupes sur Liera, Prunecken et Mulbach. — Affaire de Mulbach 
(le 8 novembre). — Les. généraux Rusca, Sévéroli et Barbou re- 
çoivent l'ordre (14 novembre) de diriger des colonnes mobiles sur 
divers points. — Attaque de Méran par les insurgés. — Retraite 
de la division Rusca sur Terlan et Bolzano. — Malheureuse affaire 



TABLE DES MATIÈRES 457 

de Saint-Léonard. — Belle défense du commandant Doreille. — 
Position critique du général Baraguey d'flilliers jusqu'au 22 no» 
vembre, manquant de vivres et de munitions. — Attaques des 20 
et 21 novembre par la division Rusca. — Sa marche en avant sur 
Méran. — Soumission des habitants du Wintschgau. — Révolte des 
vallées de l'Eysach, le chef Kolb. — Force dont dispose à la fin 
de novembre le général Barague y d'Hilliers. — Désarmement du 
Wintschgan et du Passeyer. — Réunion de la division Sévéroli 5 
Bolzen. — Expédition du général Moreau sur Prunecken, où le gé- 
néral Almeyras est bloqué. — Opération entre Prunecken et Lieu. 
— Du 15 décembre au milieu de janvier, marche des colonnes 
françaises pour le désarmement du pays. Les troupes se replient 
sur le Tyrol italien. — Prise de Hoiïer le 27 janvier. — Le Tyrol 
allemand remis, le 8 février, aux troupes bavaroises. — Fin de la 

campagne du Tyrol 187 

Correspondance relative au livre XVI 249- 



LIVRE XVII 

DE NOVEMBRE 1809 A OCTOBRE 1810. 

§ I. — Le prince Eugène, de retour a Milan (14 novembre 1809), s'oc- 
cupe de l'administration intérieure du royaume. — Modifications 
ministérielles. — Départ du vice-roi pour Paris (commencement de 
décembre). — Le divorce. — Mission du commandant Tascber. — 
Anecdotes relatives au divorce.— Entrevue de l'Empereur avec l'im- 
pératrice Joséphine en présence du prince Eugène. — Soirée du. 
15 décembre aux Tuileries. — Eugène au Sénat, 16 décembre. — 
Correspondance entre le vice-roi et la princesse Auguste. — Règle- 
ment des affaires d'intérêt pour l'impératrice et le prince Eugène. 
— Duché de Francfort. — Affaire du domaine de Navarre. — 
Projets de Napoléon pour régler les intérêts d'Eugène. . • . 279* 

§ II. — Retour d'Eugène à Milan (18 février 1810). — L'Istrie et la 
Dalmatie enlevées au royaume d'Italie. — Réunion du haut Adige 
à ce royaume. — Départ du prince Eugène et de la princesse Au- 
guste pour Paris' (12 mars 1810). — Us reviennent à Milan en 
juillet. — Voyage du vice-roi a Venise en septembre 1810. . 306 

Correspondance relative au livre XVII 511 



FIN" DE LA TABLE DF.S MATIÈRES. 



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