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MÉMOIRES
DU
PRINCE EUGÈNE
OUTRAGES DU MftlE AUTKUJt
FOMAT IK-8*.
Vémoiies bo Roi Jo»bph, 10 roi.
Suite dis Mbeoiees du Roi Joseph, 5 tqK
Album des Héwmres do Roi Joseph .
VAUlt. — IIP. *l OS 1AOB ET COUP., RUE d'ERTUUTH, 1,
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1
MEMOIRES
IT C0I1ESP0NBAHCI
POLITIQUE ET MILITAIRE
DU
PRINCE EUGÈNE
PUBLIÉS, ANNOTÉS ET MIS EN ORDRE
PAR
A. DU CASSE
AOTEOIl DIS MÉMOIRES DO ROI JOSIPfl
« Eng«>ne ne m'a jamais causé aucun chagrin* «
Paroles U lUrotéo* à 8rt*e*BéU*+
TOME SIXIÈME
PARIS
MICHEL LÉVY FRÈRES, LIBRAIRES-ÉDITEURS
S BIS, RUE YITIBHXB.
1859
Reproduction et traduction rèVenrces.
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THE N*:w YORK
A8T0R, LENOX ANO
TU.DLN FOUNaiATlONS,
MÉMOIRES
ET COMMPMDMCE
POLITIQUE ET MILITAIRE
DU
PRINCE EUGÈNE
LIVRE XV
M l " <"»"•" *U 14 NOVEMBRE 480»
§ ^Sf? I ' arm f e d ' Itol,e dans ,es P«w*w jours de ïuil-
1 W af !! m ~. M TT^ T Schwalcha «- - «*«« de l'armée d'Haï e
ft Wagram, es 5 et 6 juillet. _ Réflexions. _ L'Empereur place
les Saxon, et les Wurtemburgeois sous les ordre, du jX£L$Z
ptes par 1 armée d Italie après l'armistice de Znaïu,. - Résultais
obtenus par cette armée pendant la campagne de 1809
§ en^, q S7 énéra ' dU P n riDCe Eu ^WS 'abord a Ei-
sensbdt p us à V.enne. - Occupations du vice-roi jusau'à la <™
part pour «nlje « l£Sî£. ^ «** ~ *" ^
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l'améLT r CCm6nt d ! JUi,,el ,8 ° 9 ' ,a P° sit »«n de
ZZ : aUX ° rdreS d " ?ice - roi ** '« »i-
M.
1
2 MÉMOIRES DU PRINCE EUGÈNE
1° Le général Baraguey - d'Hilliers devant Pres-
bourg, avec un corps de 5,000 fantassins, 8 bouches
à feu, pour remplacer, devant celte ville, le maréchal
Davout rappelé à la grande armée. Baraguey-d'Hil-
liers disposait, en outre, d'un millier de chevaux
alors à Bruck, sous le général Thiry ; il avait pour in-
struction d'empêcher l'archiduc Jean de déboucher
par Presbourg. Dans le cas où il serait forcé de se
replier, il ne devait le faire que peu à peu, et en con-
servant toujours ses communications avec Ehersdorf.
La division Sévéroli et le 25 e de chasseurs furent mis
sous ses ordres pour remplir ce but.
2* La division Paclhod, détachée de l'aile gauche,
à Enesé, ayant deux bataillons pour défendre la tête
de pont deBabot, et se liant avec la division Sahuc,
qui avait des partis sur toutes les routes du sud pour
éclairer la contrée au-dessous de Raab et du Danube,
et avertir de la marche de Chasteler.
5° Le général Macdonald, en marche sur Papa et
sur l'île de Lobau avec ses deux divisions et lesdra-
gons de Pully.
4° Le général Broussicr, en mouvement de Gratz
sur l'île de Lobau, à marches forcées, devant être
rendu sur le Danube le 5 au matin.
5° Les autres corps de l'armée d'Italie, en marche
(le 2 juillet), de Raab sur Schwachat, où tous de-
vaient se trouver réunis le 4 au matin, même les di-
visions Pacthod et Sahuc, qui avaient ordre de quitter
le 2 leurs positions sur la Raab et sur la Marczal.
. Dans le but de cacher le plus longtemps possible
à l'ennemi la marche rétrograde et le mouvement
LIV. XV. — isoo 3
de concentration de son armée, le prince Eugène
prescrivit à Montbrun de n'évacuer ses positions à
l'extrême avant-garde que dans la nuit du 2 au 3;
au général Grenier, de suivre la route qui l'éloignait
un peu du Danube.
Le 4, toutes les troupes du vice-roi, h l'exception
de la division Sévéroli et le grand parc, étaient ren-
dus à Schwachat*.
En vertu des instructions qu'il reçut du major
général, le prince Eugène Gt passer l'armée d'Italie
dans l'île Lobau, dans la nuit du 4 au 5 juillet. Le
5, au matin, elle franchit le dernier bras du Danube,
pour suivre le mouvement du maréchal Davout,
derrière lequel elle devait marcher en seconde ligne.
Le 5, la grande armée, dans laquelle se trouvait
alors enclavée l'armée d'Italie, s'avança sur deux
ligues et dans l'ordre suivant, dans la plaine d'En-
zersdorf :
1° Première ligne : droite, corps de Davout; cen-
tre, corps d'Oudinot; gauche, corps de Masséna; ce
dernier s'appuyant au Danube.
2° Deuxième ligne : droite, armée d'Italie, en ar-
rière du corps de Davout ; Bernadotte (avec les Saxons) ,
à gauche derrière Masséna.
Entre Bernadotte et le prince Eugène devait venir
s'encadrer le corps de Dalmatie deMarmont, qui
1 L'Empereur envoya à Raab, pour en prendre le commandement
ainsi que le gouvernement de tonte la partie de la Hongrie conquise
par le prince Eugène, le général de division Narbonne, dans lequel il
avait la plus haute confiance.
4 MÉMOIRES DU PRINCE EUGÈNE
n'était pas encore arrivé; Marmont devait suivre les
mouvements d'Oudinot.
3° Troisième ligne : la garde impériale et une
grande partie de la cavalerie formant la réserve.
L'armée d'Italie conserva son ordre de bataille pri-
mitif jtlsqu'à deux heures et demie ; mais alors Da-
vout, s'étant porté vers la droite, et l'Empereur
ayant prescrit à Oudinot d'appuyer également à
droite, à Masséna de conserver toujours sa gauche au
Danube, il se fit au centre de la première ligne de
l'ordre de bataille un grand vide que le prince Eu-
gène ainsi que Bernadolte furent chargés de combler.
Ainsi, à la suite de ce mouvement, l'armée d'Ita-
lie se trouva former le centre de toute l'armée fran-
çaise et opposée au centre de l'armée autrichienne,
établie sur les hauteurs qui couronnent le ruisseau
du Russbach 1 , au-dessus des villages de Wagram,
de Baumersdorf et Neusiedcl.
Vers six heures du soir, l'armée française étant
formée et en ligne, Napoléon envoya l'ordre au
vice-roi d'attaquer la position des Autrichiens, au
centre, en face de lui, tandis que Bernadotte et Ou-
dinot l'attaqueraient par la gauche et par la droite.
Le prince Eugène avait sous la main les divisions
Lamarque, Seras, Durutte et Sahuc. Les divisions
Paclhod et Broussier n'avaient point encore rejoint.
Il fit sur-le-champ ses dispositions pour exécuter
l'ordre qu'il venait de recevoir.
1 Le Russbach est un ruisseau qui coule lentement dans un lit es-
carpe, profond, large de douze pieds, et baigne les vil luges de Neusie-
del, Baumersdorf et Wa grain.
UV. XV. — 1809 5
1° Macdonald dut franchir le ruisseau et marcher
à l'ennemi avec la division Lamarque déployée.
2° Grenier dut suivre le mouvement de Lamarque,
avec trois des brigades de ses deux divisions en co-
lonne; la quatrième restant en réserve au bord du
ruisseau, avec le général Roussel.
5° La division de cavalerie Sahuc dut appuyer par
la droite cette marche offensive.
4° Une grande partie de l'artillerie de la garde
impériale fut placée entre Bcrnadotte et le vice-roi,
pour seconder l'attaque par la gauche.
Ces dispositions faites, le prince Eugène lance ses
braves troupes. Le Russbach est franchi, malgré les
difficultés qu'il présente, sous le feu le plus vif des
Autrichiens; les divisions Lamarque, Seras, Durulte,
gravissent la position, s'élancent sur la ligne ennemie,
la rompent, l'enfoncent, mettent en déroute les corps
qui la forment. Pendant que celte brillante affaire a
lieu au centre, à droite Oudinot, à gauche les Saxons
de Bernadotte, s'emparent du village de Baumers-
dorf et des premières maisons de celui de Wagram.
Tout allait bien, et l'armée d'Italie poursuivait les
fuyards, lorsquel'archiduc Charles, voyant le danger
qui le menace, concentre tout ce dont il peut dispo-
ser, et, à la tête de ces masses, se porte au-devant
des divisions du vice-roi, qu'il parvient à arrêter d'a-
bord, à refouler bientôt après, en lui opposant des
forces beaucoup trop considérables. En vain, la ca-
valerie du général Sahuc fournit quelques charges
vigoureuses et meurtrières, et pénètre jusque dans le
camp autrichien, en vain le vice-roi essaye de tenir
6 MÉMOIRES DU PRINCE EUGÈNE
sur les hauteurs, le prince Charles, secondé par les
renforts qui lui arrivent, par l'obscurité de la nuit,
par une méprise fatale, le prince Charles, à la létc
de ses troupes, donnant à tous l'exemple de l'intré-
pidité en se faisant blesser à la léte de ses soldats,
parvient à repousser l'attaque française, et force les
divisions du vice-roi et les Saxons à repasser le Russ-
bach.
L'armée d'Italie se reforma auprès du ruisseau,
ainsi que les corps de Bernadottcet d'Oudinot, rejelés
avant elle des villages de Wagram et de Baumers-
dorf 1 .
Les divisions Paclhod etBroussier ne purent pren-
dre part aux affaires du 5. La première ne passa le
pont du Danube qu'à onze heures du soir ; elle rallia
l'armée pendant la nuit. La seconde, arrêtée sur le
dernier bras du Danube par les cuirassiers et l'artil-
lerie, bivaqua dans File Lobau. Elle avait fait 50
lieues en trois jours. Le 6 e de hussards ne fui pas
présent non plus à ces combats; il avait été retenu h
Neustadt pour y attendre un convoi considérable de
munitions de guerre, et surveiller les routes de Hon-
grie. La division Monlbrun était rentrée, dès le 4,
au corps deDavout dont elle faisait partie; les dra-
gons de Grouchy (deux divisions; avaient élé mis éga-
1 Cet engagement meurtrier pour les Autrichiens coûta plusieurs
officiers généraux et supérieurs mis hors de^ combat, dans l'armée d'I-
talie. Le colonel lluin du 15* de ligne, l'adjudant commandant Ducom-
met, furent tués. Les généraux^ Grenier, Seras, Sahuc, Vignollc.
furent blessés ; ce dernier très-grièvement. Les colonels des 6* et 9"
chasseurs furent mis hors de combat. Deux drapeaux furent enlevés à
l'ennemi, mais on en perdit un.
LIV. XV. — 180D
lement à la disposition de Davout, pour lier les
troupes marchant entre Enzersdorf et Pysdorf. En
vain l'ennemi tenta de déboucher, il n'y put parvenir,
et, le soir, après la prise de Pysdorf, Grouchy reçut
Tordre de l'Empereur de manœuvrer à l'extrême
droite de l'armée, de concert avec la division Mont-
brun, pour occuper la nombreuse cavalerie autri-
chienne, tandis que Davout s'emparait de Glinzen-
dorf, à quelques pas de la ligne du Russbach.
La nuit étant venue, les troupes du prince Eugène,
morcelées comme nous venons de l'indiquer, bi va-
quèrent dans les positions qu'elles occupaient, c'est*
à-dire les divisions Lamarque (corps de Macdonald),
Durutte et Seras (corps de Grenier), Sahuc, sur le
Russbach, les divisions Grouchy et Pully (détachées
au corps de Davout), au-dessous de Neusiedel.
Le 6 juillet, à la pointe du jour, les Autrichiens,
campés à demi-portée de canon de l'armée d'Italie,
commencèrent le feu et firent éprouver quelque perle
dans les rangs de l'armée d'Italie. Comme le prince
avait reçu Tordre formel (ordre arrivé par un aide
de camp de l'Empereur) de ne rien engager jusqu'à
nouvelles instructions, comme il ne se souciait pas
non plus de laisser ses braves soldats exposés inuti-
lement aux projectiles de l'ennemi, il forma sa ligne
un peu en arrière, et bientôt il eut la joie de se voir
rejoint par les divisions Paclhod et Broussier.
Napoléon cependant, se portant au corps de Da-
vout, ne larda pas à faire attaquer l'extrême gauche
du prince Charles. Ce dernier, dans le but de se pla-
cer entre l'armée française et le Danube, et de s'em-
8 MÉMOIRES DU PRINCE EUGÈNE
parer des ponts, principale ligne de. retraite de
Napoléon, avait concentré sur sa droite, du côté de
Kagaran, une grande parue de ses forces.
Le vice-roi s'aperçut de ce mouvement offensif de
l'archiduc, et de ce qui allait se passer à la gauche
de la ligne française. Il se hâta d'en prévenir l'Em-
pereur l en lui envoyant un de ses aides de camp 1 .
En effet, l'ennemi attaqua bientôt les corps de Ber-
nadolte et de Masséna, avec une telle supériorité de
forces, que les Saxons ne tardèrent pas à lâcher pied .
Le flanc gauche de l'armée d'Italie se trouva ainsi à
découvert ; il ne restait plus de ce côté que quelques
régiments de cavalerie saxonne, qui continuèrent à
manœuvrer avec une grande audace et une véritable
habileté, malgré le feu violent auquel ces braves gens
se trouvaient exposés, et malgré leurs nombreux ad-
versaires.
Voyant ledangerquimenaçaitses troupes, le prince
Eugène fit faire un oblique à gauche au corps de
Macdonald, de façon à présenter un front à l'ennemi
qui s'avançait avec rapidité. En outre, le vice-roi
prescrivit à une partie de son artillerie de se porter
en avant des deux divisions de Macdonald, pour tâ-
cher d'arrêter les mouvements des Autrichiens.
Ces dispositions étaient à peine achevées, que
l'Empereur arriva lui-même au centre de l'armée
1 Cet aide de camp était le comte Tascher, alors chef d'escadron.
L'Empereur, après ravoir écouté, répondit : « Tascher, va dire à Eu-
gène qu'il ne s'inquiète pas de sa gauche, mais qu'il ait toujours les
yeux sur la droite. C'est là, ajouta-t-il, en montrant Neusiedel, que
doit se gagner la bataille.»
LIV. XV- - 1809 9
d'Italie. Il approuva les sages dispositions de son (ils
adoplif, renforça les divisions Lamarquc et Brous-
sier de la division Seras, et prescrivit h Macdonald
un mouvement offensif sur Sussenbrunn, pour percer
le centre des Autrichiens.
Macdonald forma aussitôt celte fameuse colonne
dont le mouvement contribua si puissamment "au
gain de la bataille. Ses trois divisions, sur deux li-
gnes, avec une réserve, ayant en avant d'elles l'ar-
tillerie de la garde et celle des Bavarois, en arrière,
une partie de la cavalerie de la garde impériale,
s'avancent audacieusement dans la plaine, guidées
par lui. En vain l'ennemi essaye d'arrêter cette masse
couverte sur son front par une pluie de projectiles,
il n'y peut parvenir. Tout vient se briser contre cette
colonne infernale : infanterie et cavalerie, rien ne
résiste, rien ne peut ralentir la marche victorieuse
de Macdonald qui, cependant, jonche la terre, non-
seulement des morts de l'ennemi, mais aussi des
siens 1 .
Le vice-roi avait reçu ordre de l'Empereur de
rester en position avec les divisions Pacthod et Du-
ru lie, d'observer les mouvements de Davout à droite,
et ceux de Macdonald, et de se porter sur le plateau
qu'il avait enlevé la veille, dès qu'il croirait pouvoir
le faire avec chance de succès, sous la protection des
deux attaques dont nous venons de parler.
Davout ne tarda pas à s'emparer de Neusiedel, à
1 On sait que les 100 bouches à feu qui précédaient cette colonne
et garnissaient son front avaient été mises sous les ordres de Lauris-
ton, un des aides de camp de l'Empereur.
10 MÉMOIRES DU PRINCE EUGÈNE
gravir les hauteurs qui s'élèvent en arrière de ce vil-
lage, et à poursuivre l'ennemi en pleine retraite
pour gagner le plateau du Russbach. Le général Ou-
dinot commençait également à s'ébranler pour ap-
puyer le mouvement offensif du duc d'Auerstaedt,
lorsque le prince Eugène, voyant sur sa gauche la
colonne Macdonald faisant rétrograder le centre de
l'archiduc Charles, crut que le moment indiqué par
l'Empereur était vânu. 11 prescrivit, en conséquence,
à la division Pacthod de se porter droit sur le pla-
teau, à la division Durulte de soutenir par la gauche
la division Pacthod, en se tenant prête aussi à ren-
forcer Macdonald. Le vice-roi, mettant ces braves
troupes en marche, se porta lui-même sur le plateau
et fit exécuter plusieurs belles charges par les gardes
d'honneur et les dragons de la garde royale d'Italie.
La division Pacthod enleva le village de Wagram,
le dépassa et se porta sur Gerusdorf, en suivant l'en-
nemi pas à pas. Elle opéra alors sa réunion avec les
trois divisions de Macdonald et avec celle de Durutte,
et les troupes, secondées par les Bavarois du général
de Wrède, s'emparèrent du village de Sùssenbrunn.
Le prince Eugène fit poursuivre les corps autri-
chiens qui lui étaient opposés jusqu'aux villages de
Gerusdorf et de Sedlersdorf. Arrivé là, la nuit étant
venue, la canonnade cessa, et le vice-roi se rendit
de sa personne à la tente de l'Empereur, qui lui fit
de grands compliments sur sa conduite pendant celle
belle journée.
L'armée d'Italie fit 2,500 prisonniers, enleva 8
pièces de canon à l'ennemi. Elle eut 350 officiers et
LIV. XV - 1800 44
6,000 sous-officiers et soldais hors de combat. Les
colonels Thierry du 25 e d'infanterie légère et Gasset,
du 9 e de ligne, furent tués. Les généraux Moreau et
Garreau furent blessés. Le général Sorbier, comman-
dant l'artillerie, se distingua d'une façon toute par-
ticulière : il eut quatre chevaux tués sous lui pendant
les journées du 5 et du 0.
Le lendemain, 7 juillet, l'Empereur, traversant
les bivacs de l'armée d'Italie, à huit heures du ma-
tin, s'arrêta devant les divisions, et dit aux soldats :
« Vous êtes de braves gens; vous vous êtes tous cou-
verts de gloire. »
N'est-il pas singulier, d'après cela, de ne pas trou-
ver dans l'ouvrage de M. Thiers un seul mot* sur la
conduite du prince Eugène à la bataille deWogram?
Comme le dit, à propos de l'ouvragedugénéral Pelet,
dans une notç que nous reproduisons plus bas, le
général de Yaudoneourt, il semble que, du moment
où Macdonald arrive, il ne doit plus être question du
prince Eugène ni du reste de l'armée d'Italie 1 ; c'est
1 Voici cette noie curieuse et très-vraie du général de Vaudon-
eourl :
« Quand même la part qu'a prise l'armée d'Italie n'appartiendrait pas
a l'histoire du prince Eugène, l'auteur aurait été forcé de s'en occuper,
ne fùttcc que pour rétablir la vérité blessée par des faits faux ou dé-
naturés. Le général Pelet, qui n'était point a l'armée d'Italie, n'a pu
écrire que sur des matériaux qui lui ont été fournis. Le prince Eugène
était mort alors, et il n'est pas étonnant que bien des personnes aient
cru pouvoir le dépouiller de ce qui lui appartenait, et se revêtir elles-
mêmes de sa dépouille. C'est l'esprit du temps actuel. Mais le pre-
mier devoir d'un écrivain militaire est de raisonner juste et de respec-
ter les convenances. Dans l'ouvrage du général Pelet, dès l'instant où
le général Macdonald se mit en mouvement, il n'est plus question que
de lui ; les autres divisions de l'armée d'Italie, qui formaient la lieu-
1*2 HÉMOIRES DU PRINCE EUGÈNE
une singulière façon, à ootre avis, de rendre à cha-
cun la justice historique qui lui est due. Le maré-
chal Marmont, lui, dans ses Mémoire*, écrits avec une
verve attrayante, mais avec un sentiment de jalousie
qui perce à chaque ligne, se contente de critiquer.
C'est toul simple, son corps d'armée n'a pas été en-
gagé. Le duc de Raguse a du blâme pour tout le
monde, excepté pour lui-même : ainsi, l'Empereur,
le 5 au soir, suppose à tort que l'ennemi n'est pas
formé et a le tort plus grand de faire attaquer le
centre par Macdonald. Macdonald comprend le dan-
ger, en prévient Eugène, qui n'ose le faire observer
à Napoléon. Les généraux Wallcr et Nansouly, la ca-
valerie de la garde, reçoivent une espèce de blâme
détourné; puis il ajoute : « Assurément, la bataille
a été gagnée, et l'ennemi ne l'a pas contesté. Nous
l'avons forcé à se retirer; ses altaques.ont. été infruc-
tueuses ; nous nous sommes emparés de tout le ter-
rain sur lequel il a combattu. Ainsi, ce qui constitue
une victoire, nous l'avons obtenu, et, cependant,
chose bizarre! nous ri avons pas fait un prisonnier \
tenacce du général Grenier, ne sont plus appelées que les ailes de l'ar-
mée de Macdonald : il n'est pas plus question du prince Eugène que
s'il n'eût jamais été à l'armée. Qui était cependant le général en cbel?
Sous les ordres de qui servait Macdonald? Veut-on faire croire, par
une réticence peu décente, que Napoléon avait ôté le commandement
à celui qui avait délivré l'Italie et détruit une armée autrichienne dans
une campagne courte et brillante, pour le donner à son subordonné?
Le général Pelet montre, dans son ouvrage, beaucoup d'aversion pour
le prince Eugène ; mais, quand l'aversion ou l'affection étouffent la
vérité, on écrit des pamphlets et non pas une histoire.
1 L'armée d'Italie en fit 2,500, et M. Thiers donne le chiffre total
de 12,000 (page 474).
LIV. XV. - 1809 . 15
excepte des blessés abandonnés sur le champ de ba-
taille. Nous n'avions pris que sept canons à l'ennemi,
pas un drapeau I et lui,' au contraire, battu, nous a
pris neuf bouches à feu ! » L'armée d'Italie, seule,
prit deux drapeaux et huit pièces de canon. — D'après
Marmont encore, Wa grain fut une victoire sans ré-
sultat. Et la paix de Vienne, et les 85 millions de
contributions imposés à l'Autriche, et les provinces
illyriennes, qu'il gouverna, lui Marmont! C'est une
chose bizarre (selon l'expression du duc de Ra-
gusc), de voir l'esprit de jalousie et de dénigre-
ment emporter aussi loin un homme d'un mérite
réel. Mais non, partout où cet homme n'est pas, . il
ne peut admettre qu'on ait fait quelque chose de
bien. Marmont est, sans contredit, l'homme des
temps modernes le mieux partagé en amour-propre
et en vanité.
Le rôle des autres troupes de l'armée d'Italie avait
été moins important; néanmoins toutes avaient été
engagées, à l'exception d'une partie de la garde
royale, restée en réserve avec la garde impé-
riale.
Les dragons de Grouchy, opérant avec la cavalerie
de Montbrun sur Gleizendorf, forcèrent la cavalerie
autrichienne à regagner la crête du plateau du Russ-
bach. Ces trois divisions françaises furent de la plus
grande utilité pour les mouvements, de Davout a
l'extrême droite. Le général Grouchy dégagea la
brigade Jacquinot, vivement ramenée par les Autri-
chiens. Le 7 e de dragons et les dragons italiens de la
reine Tirent une charge des plus brillantes. Ils tuè-
14 MÉMOIRES DU PRINCE EUGÈNE
rcnt ou prirent plus de 400 cuirassiers, dragons
d'Orelli et hussards de Blankenstein.
A la suite de la bataille de Wagram, les deux di-
visions du corps de Macdonald reçurent ordre de se
porter sur la route de Brunn. Elles s'avancèrent le 7
par le plateau dit Rendez-vous, jusqu'à Stamersdorf.
fies divisions Paclhod etDumtte chassèrent l'ennemi
de Hagenbrunn et s'établirent sur ce point, ayant en
arrière d'elles, à Rendez-vou*, le quartier général du
vice-roi, et à Wolkersdorf la garde royale.
La division de chasseurs aux ordres du général Gé- .
rard, mise à la disposition du général Nansouty,
forma l'avant-garde des troupes poursuivant l'ennemi
sur la route de Bohême, vers Korncnburg.
Les divisions Pully et Grouchy bivaquèrent à Wol-
kersdorf. La division Sens fut dissoute; elle avait
tellement souffert, que les régiments qui en faisaient
partie furent versés dans les divisions Lamarque et
Paclhod.
L'armée d'Italie, qui, depuis trois grands mois,
n'avait pas cessé d'être en opérations et presque tou-
jours en marche, ne fut pas chargée par l'Empereur
de poursuivre les débris des armées autrichiennes.
Seuls, les dragons de Grouchy, maintenus à la dis-
position de Davout, eurent à combattre de nouveau
àNicolsburg et au passage de la Taya.
Le 10 juillet, l'Empereur plaça sous les ordres du '
prince Eugène le corps des Saxons, commandé par .
le général Reynier, et les Wurtemburgeois, com-
mandés par Yandamme. Napoléon prescrivit au
vice-roi de manœuvrer sur les deux rives du Da-
LIV. XV. — 1803 10
nube avec les troupes mises à sa disposition, pour
poursuivre l'archiduc Jean sur la rive gauche du
fleuve, tout en couvrant Vienne des corps de Giu-
lay et de Chasteler, alors en force sur la rive droite
et déjà à la hauteur de IN eu s lad l.
Le prince posta le général Vandamme à Fischam-
mer (rive droite),, pour observer les environs de
Vienne et mettre celte ville à l'abri de toute insulte.
Il fit passer Baraguey-d'Hilliers également sur la rive
droite, avec la division Sévéroli, en face de Prcs-
bourg, et il s'éleva avec ses autres troupes (les corps
de Reynier, du maréchal Macdonald et de Grenier)
vers le nord, sur la March, établissant son quartier
général à Ober-Siebenbrunn.
Macdonald, avec les divisions Broussier cl La-
marque ( celte dernière ayant laissé 6 bataillons
et C pièces à la tête de pont), vint camper sur
la March. Les divisions Durutte, Paclhod et les
Saxons prirent position à Uterlienbrunn.
Le même jour, 10 juillet, le prince Eugène, avec
toule la cavalerie qui lui restait, poussa une recon-
naissance sur Marcheg. L'ennemi déploya quelques
forces pour maintenir la tête de pont et fit un feu
très-violent. Toutefois, le lendemain, celte position
était évacuée, en sorte que le général Reynier, qui
avait ordre de s'en emparer de vive force, y péné-
tra sans coup férir.
Pendant les trois jours qui précédèrent la publi-
cation de l'armistice, les divisions de l'armée d'Ita-
lie, aux ordres directs du vice-roi, ne firent aucun
mouvement.
16 MÉMOIRES DU PRINCE EUGÈNE
Après la publication de cet armistice, les troupes
du prince Eugène furent chargées de garder la Sly-
rie, la Carniole, la Carinlhie, une partie de la Hon-
grie et la ligne de la Raab, jusqu'au conQuent de la
grande et de la petite Raab.
Macdonald prit possession le 10 du château de
Gratz. Le général Baraguey-d'IIilliers partit do Prcs-
bourg avec la division italienne pour s'établir dans
la Carniole et dans la Carinthie. Vers la fin d'octo-
bre, il se rendit sur les frontières du Tyrol (après la
paix de Vienne ou de Schœnbrunn), afin de faire
évacuer la province par les troupes autrichiennes \
L'armée d'Italie, dans cette courte et glorieuse
campagne commencée sous les fâcheux auspices de
la défaite de Sacile, avait exécuté un grand nombre
de passages de rivières de vive force, livré plusieurs
combats, deux batailles rangées, pris d'assaut deux
forts, détruit le corps d'armée de Jcllachich, fait
prisonniers 56,700 hommes, dont 5 généraux, 4
colonels, 6 lieutenant-colonels, 1 1 majors et 552 of-
ficiers de différents grades. Elle s'était emparée de
12 drapeaux, de 198 bouches à feu, dont H 7 de
siège et 79 de campagne, de 93,000 boulets, de
4,430 bombes, de 4,697 obus, de 44,408 fusils et
de magasins considérables.
1 Comme nous consacrons un livre spécial au précis de la cam-
pagne du Tyrol, nous croyons inutile de parler ici des troupes aux or-
dres du général Rusca. Nous ne donnerons pas non plus l'analyse des
opérations contre les insurgés, depuis l'armistice jusqu'à la paix. Ou
trouvera cet historique au livre suivant.
LIV. XV. — 1809 17
il
Le prince Eugène établit le 7, ainsi que nous
l'avons dit, son quartier général à Slammersdorf,
et y resta jusqu'au 10, pour observer ce qui se
passait aux environs de Vienne et dans la direction
de Presbourg, pendant que l'armée d'Allemagne
marchait à la poursuite de la grande armée autri-
chienne. L'Empereur mit sous les ordres du vice-roi
le corps du général Reynier et celui du général
Vandamme. Il prescrivit au prince de manœuvrer
avec ces forces sur les deux rives du Danube, de
manière à garantir Yicnne des tentatives que pour-
raient faire Giulay et Chasteler, qui s'étaient avan-
cés jusqu'à Neustadt, tout en poursuivant l'archi-
duc Jean, qui s'était établi sur la March, depuis
Hochstelten jusqu'au confluent de cette rivière avec
le Danube.
Le vice-roi prescrivit, en conséquence de ces in-
structions, au général Vandamme, de passer sur la
rive droite du Danube et de couvrir Vienne contre
toute insulte. Il laissa également sur la rive droite,
en face de Presbourg, le général Baraguey-d'Hilliers
avec la division Sévéroli, et se dirigea lui-même sur
la March avec le général Reynier, le maréchal Mac-
donald et les autres troupes de l'armée d'Italie.
Le 10, dos neuf heures du matin, le prince poussa
une reconnaissance sur Marcheg avec les chasseurs
du général Gérard, les dragons du général Pully et la
cavalerie saxonne. L'ennemi, qui occupait en force
vi. 2
18 ^ MÉMOIRES DU PRINCE EUGENE
la léte de pont qu'il avait construite en avant de cette
ville, fit un feu Irès-vif de tous ses ouvrages. Ce-
pendant une au(re reconnaissance, exécutée le len-
demain avec de l'infanterie et de la cavalerie, le dé-
termina à abandonner entièrement ce poste. Le
prince employa les deux jours suivants à établir ses
troupes sur la droite de la March et à rétablir sur
celte rivière, qu'il s'apprêtait à passer, les ponts dé-
truits par les Autrichiens. Mais, le 14, l'armistice
conclu le 12 à Znaïm vint permettre à l'armée d'Ita-
lie de prendre un repos qui lui était bien nécessaire.
Outre les succès qu'elle avait obtenus, l'armée du
vice-roi avait encore acquis à l'estime générale un
autre titre plus rare pour des soldats que celui qu'ils
tiennent de leur bravoure : c'est celui que donne le
maintien d'une exacte discipline, et celui-là, les
troupes le devaient à la fermeté de leur jeune géné-
ral en chef et à la modération dont il était lui-même
le plus parfait modèle. Un bien petit nombre d'hom-
mes dans les rangs subalternes, et quelques-uns seu-
lement dans des rangs plus élevés, ne suivirent pas
ce noble exemple; ils en furent punjs rigoureusement.
Souffrant de tout le mal que la guerre entraîne
nécessairement pour les pays qui en sont le théâtre,
le vice-roi voulait du moins leur épargner celui plus
insupportable encore qu'y ajoute trop souvent l'avi-
v dité ou quelquefois môme l'insouciance. Pendant sa
vie entière, il s'est montré constamment fidèle à ces
sentiments d'humanité et de justice. Toutes les con-
trées oit le sort des armes lui a fait déployer son au-
torité lui rendent à cet égard une justice unanime,
LIV. XV. - 1809 19
et pendant le séjour qu'il fit à Vienne à l'époque
du Congrès, après les désastres de l'Empire, il en
recueillit des témoignages bien flatteurs dans les re-
mercîmenls qui lui ont été adressés par plusieurs
grands propriétaires des provinces où il avait été ap-
pelé à commander en 1809.
Aussitôt après la publication de l'armistice, le
prince transféra son quartier général à Prcsbourg.
11 prit toutes les dispositions nécessaires pour établir
le mieux possible ses troupes sur la ligne et dans les
pays qu'elles devaient occuper. 11 alla ensuite visiter
le champ de bataille d'Àuslerlitz, puis il se rendit à
Vienne, où, d'après les ordres de l'Empereur, il de-
meura presque continuellement pendant l'armistice,
quoique son quartier général eût été fixé à Eisenstadt.
Les opérations incessantes de cette campagne si
active, les fatigues, les soins si nombreux qui in-
combent à un général en chef, la direction des trou-
pes, les combats, sa correspondance active avec
l'Empereur, tout cela n'avait pas seul occupé le jeune
prince '. Il n'avait pas négligé un seul jour l'admi-
nistration du royaume dont chaque victoire ('éloi-
gnait davantage. Aussi la tranquillité publique n'a-
vait-elle, pour ainsi dire, pas été altérée dans un
État composé d'éléments peu homogènes, et dont
l'amalgame était bien difficile à obtenir à travers des
1 Ce fait résulte pour nous de la très- volumineuse et journalière
correspondance de Caffarelli avec le prince Eugène, correspondance
qui se trouve au Dépôt de la guerre, et que nous avons cru ne devoir
qu'indiquer ici. Toutes les affaires étaient soumises au prince, qui dé-
cidait ou prenait les ordres de l'Empereur, mais jamais rien ne languis-
sait, tout était expédié comme si on était à Milan en pleine paix.
20 llfiMOMES DU MINCE EUGÈNE
secousses continuelles ébranlanl le système politique
auquel ils se trouvaient successivement agrégés. La
paix intérieure avait été maintenue, quoique l' occu-
pation momentanée par l'ennemi d'une partie de
l'ancien pays vénitien eût paru encourager quelques
agitateurs et réveiller les espérances de plusieurs
hommes qui regrettaient le passé, parce que les nou-
velles institutions blessaient leurs intérêts de fortune
ou de vanité. Les phases que le royaume d'Italie ve-
nait de traverser avaient donné aux partisans de
l'Empereur et roi l'occasion de prouver leurs senti-
ments et de développer leurs talents, tandis que
d'autres, en petit nombre, s'étaient montrés faibles,
malintentionnés ou même ingrats. Le vice-roi dut en
conséquence récompenser et punir. Il s'agissait aussi
de réparer les dommages causés aux habitants et de
solder les pertes qu'avait eues à subir l'administration
pour le séjour de deux armées nombreuses sur une
partie du territoire italien. Le prince profita du loi-
sir que lui laissait la diminution de ses occupations
militaires pour donner des soins particuliers à ces
objets d'un grand intérêt pour le royaume d'Italie.
Les punitions furent douces, les avertissements sé-
vères et les récompenses honorables. Des mesures
furent prescrites pour indemniser ceux qui avaient
souffert, pour faire reconstruire tout ce que la guerre
avait renversé, pour mettre le Trésor à même de
subvenir à de nouvelles dépenses, si la campagne
venait à se rouvrir, et pour faire continuer les tra-
vaux des fortifications dans les places du royaume.
En même temps, on mit dans le meilleur état pos-
LIV. XV. - 1809 21
sible toutes celles qui se trouvaient dans le pays en-
nemi occupé par l'armée d'Italie.
L'Empereur disposait aussi souvent des instants
du vice- roi, soit en l'envoyant passer l'inspection de
troupes, principalement de troupes de cavalerie^ soit
en l'emmenant avec lui et en lui donnant des com-
mandements dans les évolutions qu'il faisait exécu-
ter. Pendant une grande manœuvre qui eut lieu près
de Schœnbrunn, il lui fit commander toute la cava-
lerie de la garde impériale.
Cependant les négociations pour le rétablissement
de la paix se suivaient, en apparence, près de Vienne,
entre lé comte de Champagny et M. de Metternich,
réunis pour en traiter; mais, en réalité, à Schœn-
brunn même, entre Bubna et le prince Lichtenstein,
d'une part, et de l'autre, l'Empereur lui-même.
Elles se terminèrent par la paix de Vienne, qui fut
signée le 14 octobre. Les négociations avaient été
plusieurs fois sur le point d'être rompues, et le vice-
roi, qui y restait toujours étranger, avait dû, à di-
verses reprises, se tenir prêt à partir pour se. mettre
à la tête de ses troupes. Les projets que l'Empereur
avait manifestés sur le prince, dans le cas de la re-
prise des hostilités, prouvent la confiance de Napo-
léon dans les talents que son fils adoptif venait de
déployer. En effet, en cas de guerre, le prince Eugène
devait avoir le commandement de plusieurs corps et
manœuvrer avec toutes ses troupes réunies sur la rive
droite du Danube, tandis que l'Empereur aurait ma-
nœuvré sur la rive gauche du même fleuve avec le
reste de la grande armée.
22 MÉMOIRES DU PRINCE EUGÈNE
Il se passa alors un événement qu'à cette époque
on chercha, mais inutilement, à tenir secret, car
il ne put être dérobé à la connaissance du public,*
, ayant eu lieu en présence de beaucoup des chefs de
l'armée. C'est la tentative d'assassinat faite contre
Napoléon pendant son séjour à Schœnbrunn, par un
étudiant d'Iéna. Le vice-roi fut vivement affecté du
danger qui avait menacé une existence aussi pré-
cieuse, et pour laquelle lui-même eût donné la sienne.
Le péri) étant passé, le prinee put au moins trouver
une douce consolation dans les témoignages sponta-
nés d'estime et de confiance qu'il obtint dans cette
occasion de plusieurs des principaux personnages de
l'armée auxquels cette tentative avait inspiré des
alarmes, et qui avaient naturellement reporté leurs
pensées avec effroi sur les suites incalculables qu'elle
aurait eues si elle eût réussi.
Le Tyrol, dont la pacification n'avait pas suivi
l'armistice deZnaïm, préoccupai légalement le prince
Eugène et assombrissait son propre horizon. Il ne
se voyait pas sans chagrin obligé peut-être de se
porter dans le pays insurgé au moment où la paix
allait être signée, au moment où sa tendre affec-
tion pour la princesse Auguste et pour ses enfants
lui faisaient désirer son retour à Milan. Son union
si heureuse avec une femme comme la princesse
Auguste, femme accomplie, le bonheur de vivre
avec elle et avec des enfanls qu'il adorait, avaient
modifié ses idées de gloire. Il était encore le soldat
ardent au combat, le général mettant toutes ses fa-
cultés à servir son ancienne et sa nouvelle patrie;
LIV. XV. — 1809 23
mais la guerre comme celle du Tyrol contre des
paysans égarés, souvent plus malheureux que cou-
pables, ayant obéi en mainte occasion à la loi de la
nécessité en prenant les armes plutôt qu'à leur con-
viction, celte guerre cruelle contre des bandes in-
surgées et non contre les troupes organisées d'une
armée régulière ne lui convenait pas. Il ne se voyait
pas avec plaisir sur le point d'être obligé de la faire.
C'est qu'en effet il n'y avait là rien d'attrayant pour
un homme qui venait de gagner deux belles vic-
toires et de contribuer au gain de la plus grande ba-
taille qui ait encore été livrée par des armées mo-
dernes.
C'est ainsi que le vice-roi passa à Yicnne le temps
qui s'écoula entre l'armistice de Znaïm et la signa-
ture -de la paix.
Après la conclusion de ce grand acte politique,
l'Empereur prit immédiatement le chemin de Paris,
laissant au prince Eugène le soin de pacifier le Tyrol.
Dans ce but, le vice-roi se rendit d'abord à Kla-
genfurlh à la fin d'octobre. De ce point il dirigea
sur les contrées encore en insurrection une partie
des troupes de l'armée qui avait combattu avec lui
à Wagram. 11 ne resta que deux jours à Klageù-
furlh, et gagna Villach. 11 séjourna dans cette
ville deux semaines. Les nouvelles que pendant
ce séjour il reçut de l'intérieur du Tyrol lui ayant
donné la conviction que le pays ne tarderait pas à
être pacifié, et l'Empereur lui ayant écrit qu'il le
verrait avec plaisir retourner à Milan , il partit le
12 novembre pour se rendre auprès de la princesse
94 MÉMOIRES DU PRINCE EUGÈNE
Auguste et de ses enfants, bien éloigné de se douter
à cette époque, ainsi que l'ont dit quelques histo-
riens, du malheur qui allait frapper sa famille dans
la personne de l'impératrice Joséphine sa mère.
Nous terminerons le récit succinct que nous avons
fait des événements qui, de juillet à novembre 1809,
concernent le prince Eugène, en donnant quelques
ordres du jour peu connus, ordres de la grande ar-
mée dont plusieurs concernent particulièrement les
trotipes du vice-roi.
« Ordre du iQjuin 1809. — L'aile droite de l'ar-
mée commandée par le vice-roi a célébré le 14 juin
l'anniversaire de Marcngo par une victoire éclatante
remportée sur les armées réunies de l'archiduc Jean
et de l'archiduc palatin près la ville de Raab en
Hongrie. Ces deux armées, qui occupaient la belle
position près Raab, y ont été attaquées au pas de
charge et mises en déroule.
« L'ennemi a laissé en notre pouvoir 4 drapeaux,
6 canons et 4,000 prisonniers, parmi lesquels se
trouve un général-major. L'ennemi, après avoir
abandonné le champ de bataille couvert de ses
morts, s'est retiré dans le plus grand désordre sur
Comorn, où il a été poursuivi l'epée dans les reins.
Nous avons perdu 5 à 600 hommes, parmi lesquels
nous avons à regretter le brave colonel Thierry du
23 e d'infanterie légère.
« À la suite de cette victoire, la ville de Raab a
été investie, et on a commencé le bombardement.
« Sa Majesté ordonne qu'une salve d'artillerie
sera tirée des batteries de l'armée. »
L1V. XV. — 1809 25
« Ordre du 19 juin. — Le général de division
Vignolle, sous-chef de l'état-major général, a été
nommé chef d'élat-friajor général de l'armée aux
ordres de Son Altesse Impériale le vice-roi d'Italie;
il est remplacé près le major général par le général
de division Mathieu Dumas.
« Le général de brigade Lecamus est chargé en
chef du détail des prisonniers de guerre, ayant sous
ses ordres l'adjudant commandant Dentzel.
« Le lieutenant de gendarmerie Saal est charge
au quartier général de recevoir les déserteurs.
« MM. les chefs d'état-major, indépendamment du
compte qu'ils rendront au major général relative-
ment aux prisonniers, préviendront en outre le gé-
néral Lecamus de la marche des colonnes des prison-
niers, et ils adresseront au lieutenant de gendarme-
rie Saal les déserteurs. »
« Ordre du 9 juillet. — La journée d'Entzersdorf
et la bataille décisive de Wagram ont complété la
grande opération préparée et commencée par les
travaux et les combats qui ont précédé ces deux
journées si glorieuses pour nos armes ; les ennemis
y ont perdu plusieurs drapeaux et 60 pièces de ca-
non; nous leur avons fait environ 25,000 prison-
niers; le champ de bataille était couvert de leurs
morts, et les villages que nous leur avons enlevés
autour et au delà du champ de bataille sont remplis
de leurs blessés. Sa Majesté témoigne sa satisfaction
à l'armée.
a Le corps de l'artillerie, par la vigueur de ses
attaques, celui du génie, les pontonniers et les ma-
26 MÉMOIRES DU PRINCE EUGÈNE
rins, soit par la rapidité avec laquelle les différents
ponts ont été jetés sous le feu de l'ennemi, soit par
les travaux immenses qui, en peu de jours, ont élé
exécutés pour assurer le passage sur les bras du Da-
nube et sur les îles par des ponts de pilotis , des di-
gues et des chaussées, ont puissamment contribué
au succès des journées d'Entzcrsdorf et de Wagram.
L'Empereur leur en témoigne en particulier sa sa-
tisfaction. »
« Ordre du 15 août. — Napoléon ,. empereur des
Français, roi d'Italie, protecteur de la Confédération
du Rhin, etc., etc., etc.
« Voulant donner à notre grande artnée une
preuve toute particulière de notre satisfaction, nous
avons résolu de créer, comme nous créons par les
présentes lettres patentes, un ordre qui portera le
nom d'ordre des trois Toisons d'or.
« L'ordre des trois Toisons d'or sera composé, au
maximum, de cent grands chevaliers, de quatre cents
commandeurs et de mille chevaliers. En aucun temps
ce nombre ne pourra être dépassé.
« Il ne sera fait aucune nomination en temps de
paix jusqu'à ce que le nombre fixé par le présent
article, soit pour les grands chevaliers, soit pour les
commandeurs, soit pour les chevaliers, se trouve ré-
duit à la moitié.
« Les grands chevaliers seuls porteront la dé-
coration de Tordre en sautoir; les commandeurs
et les chevaliers la porteront à la boutonnière,
les uns et les autres, conformément au modèle ci-
joint.
L1V. XV. — 1809 27
« L'Empereur esl grand maître de Tordre des
trois Toisons d'or.
« Le Prince impérial seul a, de droit, la décora-
tion de Tordre en naissant.
« Les princes du sang ne peuvent la recevoir qu'a-
près avoir fait une campagne de guerre, où avoir
servi pendant deux ans, soit dans nos camps, soit
dans nos garnisons.
« Les grands dignitaires peuvent en cire décorés.
ce Peuvent également être admis dans Tordre des
trois Toisons d'or :
« Nos ministres ayant département, lorsqu'ils ont
le portefeuille pendant dix ans sans interruption ;
a Nos ministres d'fitat, après vingt ans d'exercice,
si pendant cet espace de temps ils ont été appelés
au moins une fois chaque année au conseil privé;
« Les présidents du Sénat, lorsqu'ils ont présidé le
Sénat pendant trois années;
« Les descendants directs des maréchaux qui ont
commandé les corps de la grande armée dans ces
dernières campagnes, lorsqu'ils auront atteint leur
majorité et qu'ils se seront distingués dans la car-
rière qu'ils auront embrassée.
« Aucune autre personne que celles ci-dessus dési-
gnées ne peut être admise dans Tordre des trois
Toisons d'or, si elle n'a fait la guerre el reçu trois
blessures dans des actions différentes.
« Nous nous réservons toutefois d'admettre dans
Tordre des trois Toisons d'or des militaires qui,
n'ayant pas reçu trois blessures, se seraient distin-
gués, soit en défendant leur aigle, soit en arrivant
28 MÉMOIRES DU PRINCE EUGÈNE
des premiers sur la brèche, soit en passant les pre-
miers sur un pont, ou qui auraient fait toute autre
action d'éclat constatée.
« Pour être grand chevalier, il faut avoir com-
mandé en chef, soit dans une bataille rangée, soit
dans un siège, soit un corps d'armée dans une ar-
mée impériale, dite grande armée.
« Les aigles des régiments dont l'état est ci-joint,
et qui ont assisté aux grandes batailles de la grande
armée, seront décorées de l'ordre des trois Toisons
d'or.
« Chacun de ces régiments aura le droit, qui se
transmettra jusqu'à la postérité la plus reculée, d'a-
voir un capitaine, lieutenant ou sous-lieutenant, com-
mandeur, et dans chacun de ses bataillons qui étaient
à l'armée, un sous-officier ou soldat, chevalier.
« La décoration de commandeur sera donnée à
celui des capitaine, lieutenant ou sous-lieutenant,
qui nous sera désigné comme le plus brave de tous
les officiers desdits grades, dans le régiment.
« La décoration de chevalier sera donnée au sous-
officier ou soldat qui nous sera désigné comme le
plus brave de tout le bataillon pour l'infanterie, ou
de tout le régiment pour la cavalerie.
a La nomination des commandeurs ou chevaliers
des régiments sera faite par l'Empereur, sur la pré-
sentation secrète qui sera adressée cachetée par le
colonel, et, concurremment, par chacun des chefs de
bataillon pour les régiments d'infanterie, au grand
chancelier de Tordre.
« La réunion générale des grands chevaliers aura
LIV. XV. — 1809 29
Heu, chaque année, le 15 août, jour où toutes les
promotions de Tordre seront publiées.
« Les commandeurs et chevaliers des régiments
continueront leur avancement dans leur régiment el
ne pourront plus le quitter, devant mourir sous les
drapeaux.
« La pension de commandeur des régiments sera
de quatre mille francs, et celle des chevaliers des
régiments de mille francs, à prendre sur les revenus
de Tordre.
« Nous nous réservons de pourvoir d'ici au 1 5 août
prochain à Torganisalion de Tordre par des statuts
particuliers »
« Ordre du 26 août. — Plusieurs officiers et sol-
dais qui arrivent h Tarmée ignorent les fonctions
attribuées au corps de la gendarmerie, et le respect
qu'on doit porter à ce corps de la force publique.
MM. les chefs de corps feront connaître l'importance
des fonctions de la gendarmerie; ils feront connaître
que les officiers, sous-officiers el gendarmes sont
constamment de service dans l'exercice de leurs fonc-
tions, et qu'ils portent avec eux le respect que Ton
doit à une sentinelle. »
« Ordre du 1 4 octobre. — La paix a été signée
aujourd'hui, 14 octobre, à neuf heures du matin,
entre M. le comte de Champagny, ministre des rela-
tions extérieures de Sa Majesté l'Empereur des Fran-
çais, roi d'Italie, et M. le prince de Lichtcnstein,
plénipotentiaire de Sa Majesté l'empereur d'Autriche.
« MM. les maréchaux feront annoncer cette nou-
vcllc par une salve d'artillerie. »
CORRESPONDANCE
RELATIVE AU LIVRE XV
DU 1" JUILLET AU 14 NOVEMBRE 180».
« Mon fils, je reçois vos trois lettres du 50, à Nap.àEug.
midi : Chasteler fait le partisan, se dissémine en un 1 "i* nel
grand nombre de colonnes et s'annonce partout. Je
vois avec plaisir que, le 4, vous serez arrivé. Mar-
mont et Broussier le seront aussi. Notre seule crainte
est que l'ennemi ne tienne point. Je vous ai mandé
hier que j'avais fait jeter l'ancien pont dans l'île. Au
premier coup de canon, l'ennemi a disparu et s'est
retiré dans ses redoutes d'Essling. Ce pont a été jeté
à cinq heures du soir, et trois heures après l'en-
nemi n'avait pas montré plus de 12,000 hommes
d'infanterie et 3,000 hommes de cavalerie. 11 parait
que c'est le corps d'Hiller. Des bruits disaient que le
prince Charles s'était porté ailleurs. Probablement,
ce matin, nous saurons à quoi nous en tenir. Pour
Mellernich, les Autrichiens se moquent de nous; il
52 MÉMOIRE DU PRIME EUGÈNE
y a un moyen bien simple, c'est de le renvoyer a
Vienne. Je suppose que vous l'aurez fait. En aban-
donnant Raab, convenez d'un chiffre avec le général
Narbonne, que vous remettrez à l'état-major ici.
Je crois vous avoir mandé que le général Rusca ve-
nait sur Bruck avec 3,000 hommes, et que j'avais
ordonné qu'on ne communieât plus avec l'Italie que
par des convois de 2 ou 5,000 hommes. Je vous
avais mandé hier que les Polonais croyaient devoir
être attaqués à Benberg; ils me mandent d'hier soir
que l'ennemi a rétrogradé, et qu'il n'est môme plus
à Gûnlz ni à Steinamangcr. Il est vjrai que Marmont
a dû coucher le 29 à Gleisdorf, et le 30, probable-
ment, entre Gleisdorf et Gûntz.
« P. S. Avant de sortir de Raab, je vous recom-
mande plusieurs choses : 1° de vous assurer qu'il y a
tout ce qui est nécessaire pour tirer 6,000 coups de
canon et 2,000 obus; 2° qu'il y a des vivres pour plu-
sieurs mois; 3° qu'on a détruit tous les ouvrages de
fortifications des' camps retranchés; 4° de le bien re-
connaître, afin que, si vous deviez remarcher de
Yienne sur Raab, et que l'ennemi occupât ce camp
retranché, vous ayez des facilités pour manœu-
vrer. »
Eu ÏMb! ap (< Sire, j'ai l'honneur d'adresser à Votre Majeslé
i "iioo, lel les deux rapports que j'ai reçus cette nuit : les rap-
L mai? D s . ports sembleraient être à l'appui de l'idée dont Votre
Majesté me fait part dans sa lettre du 30 au matin,
que je reçois à l'instant. J'ai recommandé au général
Montbrun d'être bien attentif, bien sur ses gardes,
LIV. XV. — 1800 - COBHESPONDANCK 55
el m'informant de tout ce qu'il verrait. Il y a deux
heures qu'il m'a envoyé une lettre du général Davi-
dowitz, qui annonçait l'arrivée de M. Dodun aux « •
avant-postes pour dix heures du matin. J'ai cru bien
faire, d'après cela, de faire partir M. de Metternich,
d'autant plus qu'il ne pourra rien annoncer de nos
mouvements rétrogrades, et qu'il ne pourra, au
contraire, qu'annoncer la présence de notre armée
à Raab.
« Je questionnerai un seul instant M. Dodun, et,~
dans le cas où il me confirmerait la présence à Co-
morn d'un aussi grand nombre de troupes que pa-
raît le supposer le rapport des prisonniers, j'arrê-
terais définitivement, jusqu'à de nouveaux ordres
de Votre Majesté, un mouvement rétrograde.
« J'ai cependant fait partir celle nuit le général
Baraguey-d'Hilliers et la division Sévéroli, puisqu'il
devait relever le 2, devant Presbourg, le maréchal
Davout. Voici quelle sera, au soir, la position de
mes troupes : les divisions Montbrun, dans la plaine
^ entre Raab et Comorn; le général Macdonald et la
division Pacthod, à Raab; le corps tlu général Gre-
nier, à Àlasik; les dragons, à Hochtrass; la cava-
lerie du général Saliuc à Raboth, couvrant et '
éclairant ma droite. J'informerai exactement Vo-
tre Majesté de tout ce que j'apprendrai sur l'en-
nemi. »
« Sire, je reçois à l'instant la lettre de Votre Ma- &,« . à.vip.
jeslé datée d'hier soir, 50 juiti . Je remercie beaucoup t* jïiîiet
Sa Majesté de la bonlé qu'elle a de m'informer de «« »©ir.
M, 3
54 MÉMOIRES DU l'MNCR EUGÈNE
son ponl jeté sur le Danube. J'attends avec impatience
que Votre Majesté me mande si elle n'a point changé
d'intention à l'égard de mon mouvement rétrograde ;
si je n'ai point de nouvelles extraordinaires de l'en-
nemi, et que Votre Majesté ne me donne point d'or-
dres contraires, je continuerai demain mon mouve-
ment ainsi qu'il a été commencé. J'ai été hier
parfaitement éclairé, et rien n'annonce, jusqu'à ce
moment, que Chasteler dût s'approcher de Comorn.
"J'ai reçu ce matin des rapports de Wesprim, de Pa-
lota, de Vasarhely et de Sarvar; ils sont datés d'hier,
30, et hier, 50, il n'y avait pas d'ennemis à Sarvar
ni à Wesprim ; on avait rencontré à Palota 60 dra-
gons ennemis qui appartenaient, d'après le dire des
paysans, à un corps de troupes qui esta Weissemburg.
Ce corps est, assure-t-on, composé de quelques mil-
liers d'hommes d'insurrection, ayant très-peu de
troupes de ligne, A Vasarhely, on a eu connaissance
que l'ennemi était en force aux environs, et le gé-
néral n'a évacué, dans la nuit, que parce que l'en-
nemi semblait manœuvrer sur ses flancs, partïculiè- .
remenl vers son flanc droit, dans la direclion de
Janoshaza : voilà l'état des choses dans cette partie.
Du côté de Comorn, rien de nouveau, car Monlbrun
ne m'a rien mandé; c'était à deux heures que devait
se faire l'échange des ambassadeurs, ainsi tout aura
dû êlçe calme dans cette partie. J'ai envoyé deux of-
ficiers intelligents au général Monlbrun, qui ont
ordre de bien observer les mouvements de l'ennemi,
et il me tarde de voir M. Dodun poucle questionner
sur ce qu'il a vu à Comorn; je calcule que l'ennemi-
LIV. XV. - 1809 — CORRESPONDANCE 55
lui aura montré beaucoup de monde, s'il n'a aucun
projet offensif, et on aura caché même la garnison
ordinaire, s'il a des projets sur nous. Enlin, le troi-
sième point d'où j'attends des renseignements était
du général Marulaz. Le général Lasalle m'a envoyé,
ce matin, copie d'un rapport d'hier soir, qui annon-
çait que l'ennemi était à Gûns. Votre Majesté aura
sûrement des nouvelles positives d'Œdenburg, car
j'ai peine à croire que 5,000 chevaux et autant d'in-
fanterie soient venus s'enfourner là. J'ai cependant
ordonné de suite les reconnaissances sur Csahany,
je ne pourrai en recevoir que celte nuit.
«J'ai l'honneur de joindre à la présente deux let-
tres du ministre de la guerre de son royaume d'Italie,
et une lettre de la princesse qui est touchée des mar-
ques d'attention et de bonté que vient de lui donner
Votre Majesté. »
« Mon fils, je reçois vos deux lettres du 1 er juillet, Nft ^n^ à
à une heure du matin. Les renseignements qu'on *$jj!? 1
vous a donnés sont inexacts : l'armée du prince
Charles est toute ici en bataille. J'espère que vous
aurez commencé votre mouvement, et que vous se-
rez ici le 4, car le 4 au soir je passe. Vous pourrez,
selon les circonstances, laisser à Baraguey-d'Hillicrs
plus ou moins de troupes. Dirigez le sieur Dodun par
Ëbersdorf, dans l'Ile, afin qu'il me donne tons les
renseignements qu'il aura ; je suppose que vous aurez
fait culbuter cette" cavalerie qui aura débouché par
Comorn, et préparé par là voti*e mouvement sur
Vienne.
5<* MÉMOIRES DU P1I1NGB EUGÈNE
« P. S. Je suppose toujours que Raab a ses 0,000
coups de canon, et que vous compléterez les car-
touches à 500,000. »
^'juHieiT (< S* re » j a * eu l'honneur de rendre compte hier à
uûmaiia. Votre Majesté que le général Davidowitz, comman-
dant à Comorn, avait annoncé l'échange des ambas-
sadeurs pour hier, 1 er juillet.
« M. de Metternich arriva à mes avant-postes à
deux heures après-midi, et le général Montbrun en-
voya de suite un officier à Comorn pour prévenir de
l'arrivée de M. de Metternich. On garda cet officier
plusieurs heures, et on ne le renvoya qu'à la nuit
close, en prétextant Tordre et la dernière instruction
du prince Jean qu'on attendait. Le général Montbrun
m'a envoyé aussitôt un officier qui est arrivé auprès
de moi ce matin. J'ai, de suite, ordonné au général
Montbrun de faire partir sans délai pour Vienne
M. de Metternich, si, deux heures après la réception
de mes ordres, l'échange n'avait pas lieu. Je compte
faire marcher M. de Metternich jour et nuit jusqu'à
Vienne, et il est lui-même au désespoir de la conduite
des siens. »
ï"fçiVoï" (< ^ on *'' s » J e re 5°* s votre ' eltre du 2, avec celle
: Vm l du général Montbrun; je vous attends de votre per-
sonne, le 4 à midi, et votre corps avant onze heures
du soir, vu que le 5, à deux heures du matin, j'at-
taque. (De l'île Napoléon, o juin 1809, à trois heures
après-midi.)
« P. S. Le général Baraguey-d'Hilliers doit avoir
MV. XV. — 1809 — CORRESPONDANCE * 57
été renforcé de la brigade Thiry de 1,000 hommes,
composée d'un régiment provisoire de chasseurs et
d'un régiment de Wurtemberg, ce qui, avec un de
vos régiments de chasseurs, le porte à 1 ,200 che-
vaux. Vous êtes le maître de lui laisser \ ,000 hom-
mes d'infanterie de plus. »
« Ma chère Auguste ..,., je suis bien pressé, je ftffël
suis arrivé ce matin de la Hongrie avec tout mon E^XYf,
corps d'armée, et je crois que l'Empereur prépare ^wï?
aux Autrichiens un tour de sa façon. Adieu, sois
tranquille, je me porte bien. »
« Mon fils, le maréchal duc de Rivoli s 1 est porté \ Na P' a Eu *
' r A mon camp
sur Kornenburg. On a entendu ici une canonnade im r£ :ial
depuis six heures; j'en ignore l'issue. Faites-moi ^juîiïe^'
connaître ce que vous en savez. Votre cavalerie lé*
gère s'est mise à la poursuite de l'ennemi du côté de
Hackereau. J'ai ordonné à Nansouly de l'appuyer, et
j'ai ordonné à Marmont de pousser jusqu'à Niçois*
burg. J'ai ordonné à Grouchy et à Pully de rester où
ils sont et de vous envoyer leur situation. Vous au*
rez reçu des renseignements, et vous pouvez savoir
à présent où sont vos colonels et généraux. J'ai or-
donné à l'intendant général de vous donner deux
compagnies de transports. Voyez qu'on vous les en-
voie dans la journée de demain, chargés de pain,
afin de les garder. Tâchez d'envoyer quelqu'un en
Italie pour donner des nouvelles de la bataille. J'ai
ordonné que l'on écrive par la Bavière. Envoyez des
patrouilles de cavalerie jusqu'à la March vers la
Hongrie, afin de vous éclairer, »
18W,
i
<i
38 MÉMOIRES DU PRINCE EUGÈNE
à E u! 8 vk5- a ^a v iC t oire est & nous, ma bonne Auguste; je
Ku C !£nip m e porte fort bien, à la fatigue près; nous noussom-
sSmemio?r e , mes battus quarante-huit heures de suite. L'armée d'I-
iâw, et talie s'est couverte de gloire, le régiment de dragons
delà reine s'est supérieurement conduit, etc., etc. »
vaîkinsJ£?f c< M° n "' s > ' a division Pully vous rejoint. Le parc
9 $oJ^ du duc d'Auerstaedt est à Neusiedei, et il était le 7 et
le 8 inquiété par des patrouilles ennemies de cava-
lerie. Envoyez-y un fort parti de cavalerie. »
^Lbronn (< ^ lvc ^ ^ es * ^cux ' ieures après midi, et je reçois
l \lw el à l'instant la nouvelle que l'ennemi a entièrement
évacué la rive gauche de la Mardi. Toutes ses co-
lonnes se sont dirigées sur Presbourg, sauf quelques
régiments d'infanterie et de cavalerie qui ont pu re-
monter la Mardi : je le fais suivre par un piquet. J'ai
ordonné, en attendant les ordres de Votre Majesté,
d'établir un pont de bateaux avec une tête de pont
de bateaux à Schlassorf. J'ai prescrit qu'on établît un
pont volant à Marcheg et qu'on s'occupât à répa-
rer le pont d'Anger, dont une seule travée avait été
détruite. On fera à ce dernier pont deux à trois re-
doutes.
« J'espère que, demain, ces différents passages se-
ront préparés, et qu'il ne manquera plus que les
ordres de Votre Majesté. Je n'ai pas encore les pon-
tonniers, mais les sapeurs les remplaceront jusqu'à
leur arrivée. »
seibonhnjnn, « >ire, j ai I honneur de présenter a Votre Ma-
LIV. XV. - 1801» - COIMIESPONDANCK o!»
jesté les généraux de division Seras, Lamarque, ^{"j"'* 1
Broussier et Fontanelli, pour la promotion de gratids
officiers de la Légion d'honneur. Le général Seras a
été blessé grièvement le 5 ; c'est de tous les officiers
généraux celui dont j'ai été constamment le plus sa- -
tisfait. Les généraux Lamarque et Broussier ont
• bien conduit leur division et se sont distingués, le G,
sous les ordres du maréchal Macdonald ; quant au
général Fontanelli, j'en ai toujours été très-content :
il s'est distingué pendant le temps qu'il a eu ma di-
vision à commander. C'est un des officiers de l'ar-
mée d'Italie qui donnent le plus d'espérances. Je
recommande ces quatre généraux aux bontés de Vo-
tre Majesté, ainsi que le général Grenier, qui a été
blessé le 5. »
« Me voici sur les bords de la March, ma très- Eugène
chère Auguste, chargé d'une nouvelle expédition. c .,**?••
° ° m r Seihcnltrunn,
J'ai sous mes ordres, avec ce qui reste (ici) de mon. **$#"
armée, les Saxons et les Wurtcmburgeois. Je serai
probablement sous deux jours à Presbourg. Ma santé
est toujours bonne au milieu de tous mes travaux ;
je crois qu'elle serait encore meilleure si je recevais
des nouvelles de Milan. Voilà dix grands jours que
je n'ai reçu un mot de toi; tu auras aussi été quel-
que temps sans lettres de moi, mais j'ai pris le parti
de l'écrire par Munich et la Suisse, et l'engage à foire
faire cette roule à nos courriers. Maintenant que la
grande bataille est passée, lu dois être très-tran-
quille ; il est vrai que l'affaire dura deux jours de
suite et a éh' extrêmement chaude; mais il esl im-
40 MÉMOIRES DU PRINCE EUGÈNE
possible qu'il y en ait deux comme cela dans une
campagne. J'ai été là heureux comme je le suis tou-
jours; pourtant, j'aurais cru mon bonheur épuisé
par toute la félicité dont je jouis par toi et par mes
enfants. Croirais-tu que le jour de la bataille il s'est
tiré de part et d'autre i 50,000 coups de canon, dont
50,000 sûrement ont été tirés contre mon corps d'ar-
mée. Il paraît certain que Pons a été tué, Yaivassone
a été blessé d'une balle à la cuisse, plusieurs autres
ont eu des chevaux tués; mais cela ne compte pas.
Les Autrichiens sont bien bas depuis la perte de cette
bataille,. et je pense que la guerre ne peut plus du-
rer longtemps, à moins d'événements qu'on ne peut
prévoir. Ce sera un grand bonheur pour moi quand
je pourrai te serrer dans mes bras, ainsi que mes
petits enfants. »
* a w Lmp s ' « Mon fils, je vous envoie copie de l'armistice que
zntfm. j'ai conclu. Faites occuper la March et Presboursr.
i:>juiirot un, > . ,, . e
180». II faut me présenter un projet d organisation pour
votre corps d'armée, de manière que les 3 e et 4 e ba-
taillons qui appartiennent au corps de Marmont le
rejoignent. La division Grouchy vous sera rendue.
Je l'ai destinée à occuper OEdenburg, Gratz, Lay-
bach, KlagenfurthelTriesle. Le général Mathieu Du-
mas est commissaire pour l'armée. Vous chargerez
le général Rusca de prendre possession du fort de
Schasemburg. Vous pourrez envoyer le corps saxon
sur Hackereau. Je serai demain de bonne heure à
Vienne. Vous m'enverrez là vos rapports et je vous
donnerai mes instructions. »
L1V. XV. - 1809 — CORRESPONDANCE 41
« Sire, j'ai reçu ce malin l'armistice dont le ma-jjjj^jj^
jor général m'a donné connaissance; j'en ai de suite "fi©!*
envoyé copie aux avant-postes autrichiens, et j'ai
donné les ordres pour que demain on entrât à Près*
bourg. Tout mon corps d'armée était déjà sur la
Mardi, mais j'étais de ma personne à Seibenbrunn,
pour être plus à portée de recevoir les ordres de Vo-
tre Majesté. Je porterai moi-même mon quartier gé-
néral à Schloss ou Theben, où j'attendrai les ordres
de Votre Majesté. Je la prie de vouloir bien ordon-
ner qu'on m'envoie de suite, à Presbourg, des ba-
teaux pour rétablir le pont, afin de pouvoir exécu-
ter plus promptement, s'il y a lieu, les mouvements
que Votre Majesté ordonnerait. J'adresse ci-joint à
Votre Majesté le projet d'organisation de l'armée
d'Italie à 5 divisions; il y aurait à rendre, pour le
moment, au général Marmont 7 bataillons; mais
Votre Majesté verra, dans la colonne d'observations,
qu'il en existe encore qui appartiennent à son corps
d'armée qui sont restés en arrière. »
« Mon fils, je reçois votre lettre du 14, à midi. g^VSfi,
Il faut assurer le passage de la March par un bon '"&»!''
pont. En attendant, restez avec vos 2 divisions jus-
qu'à ce que Presbourg soit occupé. Envoyez au-de-
vant du général Grouchy, pour qu'il vous re-
joigne. »
« Mon fils, Marbeuf m'apporte votre lettre du 15, ^gj^jj;
à huit heures du soir. Baraguey-d'Hiiliers, à ce qu'il 1 * JjJ!* 1
paraît, a pris possession de Preshonr». S'il ne l'avait
*2 MÉMOIRES DU l'HINCK KUUÈNË
pas encore fail, fiiites-lui passer le Danube sur-le-
champ; 1 batiiillun suflit quant à présent pour oc-
cuper Presbourg. J'approuve la formation de votre
corps à 4 divisions. Vous pouvez envoyer Macdonald
avec 2 divisions prendre possession de Gralz; je pense ■
que les autres devraient se tenir à Œdenburg, en oc-
cupant la ligne de liaab a Œdenburg. Votre quar-
tier général me paraît devoir être très- convenable-
ment établi à Œdenburg. Vous serez là à portée de
Presbourg et de Vienne, et.dans un pays où votre
cavalerie pourra facilement se rétablir; c'est ce dont
il faut s'occuper aujourd'hui avec activité. Le géné-
ral Vandamme se porte sur Ncusladt, cl de là sur le
Simmering avec ses troupes, afin do presser l'éva-
cuation de Gralz. Il est arrivé au général Itusca un
événement dont j'ignore les détails; il paraît qu'il
s'est retiré du côté de Salzbourg. Je désire donc que
Macdonald se rende avec 2 divisions à Neustadl, et
de là sur Gralz. Les deux autres peuvent rester avec
les Saxons sur la Mardi, pour occuper Presbourg,
faire jeter un pont, et occuper Raab et toule la ligne.
Vous pourrez porter votre quartier général à Œden-
burg dans quelques jours. Je désire connaître le Heu
où il faudra construire un pont sur la Mardi et quelle
est la ligne de celle rivière. »
u Je ne t'ai pas écrit depuis deux jours, ma très-
dière Auguste, parce que j'ai eu beaucoup à travail-
ler. A peine le courrier Kola élail-il parti, qu'il
m'est arrivé la nouvelle de l'armistice d'un mois.
conclu enlre les deux empereurs. Je pense que cela
LIV. XV. — 1809 - CORRESPONDANCE 43
doit mener à la paix, et je m'en réjouis du fond de
mon cœur, puisque après cette époque je puis avoir
l'espoir de revoir ma petite famille. J'ai vu que l'Em-
pereur avait eu l'amabilité de t'envoyer un officier
d'ordonnance. Nos communications vont être bien-
tôt rouvertes par la route directe; j'en profiterai
souvent, car je vois que nous allons rester quelque
temps sans occupation. Je. suis icf dans un grand et
beau château de l'empereur d'Autriche. 11 y aurait
de quoi mourir d'ennui, s'il ne me rappelait pas un
peu Monza. Il n'y a pas de parc, mais la façade res-
semble beaucoup, du côté de Presbourg, à celle de
Monza du côté du jardin, avant qu'on ne retirât la
balustrade de pierre. »
« Sire, j'ai l'honneur d'adresser à Votre Majesté ^fj^-
la reconnaissance que j'ai faite de la Mardi, depuis ** fi». 1 " 1
son embouchure jusqu'à Joczdorf; j'y joins égale-
ment le l'apport du colonel Lebel.
« Si Votre Majesté veut un pont avec une tète de
pont, l'endroit le plus convenable, c'est sans contre-
dit Schloss, car c'est la roule la plus directe de
Tienne à Presbourg. Les chaussées sont déjà toutes
établies, mais le pont aura environ 200 toises de
long, et les ouvrages pour le couvrir devront avoir
aussi un grand développement; mais peut-être une
telle dépense serait-elle inutile sur la Mardi, vu qu'il
existe un assez grand nombre de gués au-dessus de
Marcheg; ces gués ne sont cependant pas pratica-
bles pendant la crue des eaux. Si Votre Majesté veut
seulement un pont de communication, parce qu'à
U MÉMOIRES DU PRINCE EUGÈNE
ce point la rivière n'a que 50 toises de largeur, et
qu'enfin nous étions très à court de moyens.
« J'ai reçu ce malin les ordres du major général
sur la formation de l'armée, sur les mouvements à
faire par le maréchal Macdonald pour y substituer
une brigade de cavalerie légère. J'ai dû envoyer le
général Baraguey-d'Hilliers avec la division Sévéroli,
puisque c'était là son seul- commandement. Si Votre
Majesté n'a rien de contraire, je lui confie le corn-
mandement de la Carniole et de la Carinthie.
« Si Votre Majesté approuvait le reste du place-
ment des troupes tel que j'ai eu l'honneur de le lui
proposer, je commencerais mon mouvement dès que
le passage serait praticable à Presbourg. J'espère
que demain il y aura déjà un pont volant, mais on
ne pourra pas faire un pont de bateaux sans le se-
cours de Vetre Majesté. »
à *jg*n«_ « Me voici à Presbourg, ma chère Auguste. C'est
PreTiSurp, une belle el g ran de v, l' e ^i a beaucoup souffert de
16 iSn9. ,el ' a guerre, car il y a près de 200 maisons brûlées. Je
m'occupe à faire établir un pont sur le Danube, et
sous peu de jours nous passerons le fleuve pour
prendre les cantonnements qui seront assignés à mon
corps d'armée. Je sais déjà qu'une partie de mes
troupes occupe Gratz et Klagenfurlh, mais je crois
que j'aurai mon quartier général au centre, et ce
sera probablement en Hongrie. Je pense que les
affaires ne tarderont pas à se décider d'une manière
ou de l'autre, et pendant ce temps je m'occuperai
beaucoup des affaires d'Italie, de ma petite famille.
LIV. XV. — isoy — COItRBSPONDANCE 4*
qui me rend si heureux, el je me donnerai de temps
en temps le plaisir de la chasse. Il y a dans tous ces
pays-ci des chasses superbes. »
« Mon (ils, le major général a dû vous envoyer des n»p- t eu*.
. . . Schœnforunn ,
ordres de mouvement; ainsi, vous devriez «être ce i7 4 £!i! ,cl
soir ou demain à Vienne; mais je désire qu'avant de
revenir, vous visitiez tout le cours de la March jus-
qu'à Nicolsburg. Vous êtes jeune, vous ne sauriez
trop voir; on ne sait dans quelles circonstances on
peut se trouver. Il est même bon que vous alliez
jusqu'à Brunn et que vous visitiez la citadelle, la
ville et Je champ de bataille d'Austerlilz; de Brunn,
vous vous en reviendrez. Vous pourrez, dans un autre
voyage, aller voir Znaïm, Krems et les débouchés de
la Bohême. La communication avec l'Italie va être
enfin rouverte. J'ai écrit souvent à la vice-reine ; je
viens de lui envoyer encore un de mes officiers
d'ordonnance. Vous devez avoir deux compagnies
du 1 er bataillon provisoire, des équipages militaires
du train, ce qui fait 72 voitures. Je désire bien que
vous ayez les 4 compagnies complètes du 9 e bataillon, .
ce qui ferait 144 voilures de plus. Faites venir les
hommes du train que vous avez à Plaisance, et écri-
vez à Gralz pour qu'on s'y procure des chevaux, des
harnais, des voitures.
« Sire, j'ai l'honneur de rendre compte à Votre Ma- Ku g. u top.
jesté, qu'après l'arrivée des pontonniers ici el les ^SuS'
recherches les plus scrupuleuses que j'ai ordonné que
l'on lit, on est parvenu à trouver le nombre suffisant
4<î MÉMOIRES DU PRINCE EUGÈNE
de bateaux pour rétablissement du pont en face de
Presbourg. Il ne manque pi us, pour la confection de ce
pont, que25 ancres et25cordages. Je prie donc Votre
Majesté de vouloir bien donner des ordres pour que
ces objets nous soient envoyés d'Ébersdorf, et le pont
aéra établi peu d'heures après. Je m'empresse d'en-
voyer ce rapport à Votre Majesté, afln qu'elle ne se
dessaisisse pas de bateaux, dans le cas où elle eût
voulu nous en envoyer sur la première demande. »
F.u g . à Nap. Sire, je reçois à l'instant, onze heures du matin, la
,8 iilu9 lcl lettre que Votre Majesté m'a fait l'honneur de m'éenre
à midi hî er au soir, 17. Je n'ai point encore reçu les corn-,
munications de mouvement que Votre Majesté m'an-
nonce, mais je présume les recevoir dans la journée.
Je ferai de suite les dispositions en conséquence, et
je partirai bientôt après pour la tournée que Votre
Majesté désire que je fasse. Elle peut compter sur
l'empressement que je mets à exécuter ses ordres,
puisqu'ils doivent bientôt me ramener près de Votre
Majesté'.
« Je remercie de nouveau Votre Majesté des nouvel-
les qu'elle veut bien faire passer à la vice-reine. Votre
Majesté sait qu'elle n'a point affaire à des ingrats, et
combien l'un et l'autre nous sommes reconnaissants
de ses bontés. »
à Ë to 8 v?<£- Bonjour, ma chère Auguste. Ma première pensée,
Prêtre, ce malin comme "tous les joufs, est pour loi et mes
8 iioo! jolis enfants. J'ai reçu hier la lettre du 7, qui est pas-
du ™ïiû. sée par Strasbourg; mais toutes celles depuis Tascher
LIV. XV. - !800 - CORRESPONDANCE 47
ne me sont point parvenues. Que sont devenus Alle-
magne, Fortis et les aulres courriers? Si, comme je
le présume, tu les as expédiés, ils auront été pris, car
je n'en ai aucune nouvelle. Celle que Taschcr m*a re-
mise était du 25 juin. Du 25 au 7 juillet, je n'ai rien
reçu; j'avoue que j'aurais désiré être expédié contre
Giulay ou Chasleler; je te jure que je leur aurais Tait
payer cher toutes nos inquiétudes; mais j'ai été appelé
pour la grande bataille, et j'en suis bien aise mainte-
tenant, car je crois qu'on n'en verra plus comme celle-
là. Je sais que l'Empereur a eu l'aimable attention de
t'annoncer l'armistice par un de ses écuyers; moi je
ne l'ai su que trente-six heures après, et pendant ce
.temps je me battais sur la March,de manière que les
derniers coups de canon ont été pour moi. On parle
beaucoup de paix, mais je ne sais rien de positif, puis-
que je suis loin de' l'Empereur. »
« Je pars demain de grand matin de Presbourg, è ^J^£L
ma chère Auguste, et comme je serai deux ou (rois iy^i^,
jours en tournée, je m'empresse de t'en prévenir; je 19 i»oS! tl
vais visiter le champ de bataille d'Austerlitz et je
profiterai de ce petitvoyage pour reconnaître le pays.
Je serai dans trois jours de retour à Vienne, et de
là j'irai à mon quartier général qui va ôtre fixé à
Eisensladt près d'Œdenburg en Hongrie; toules mes
troupes sont en mouvement pour prSndre leurs posi-
tions de repos pendant le mois d'armistice. Presbourg
est une assez jolie ville; on dit que la société y est
fort aimable, mais je n'ai pas vu un chat et me suis
même passablement ennuyé ces trois dernières soi*
4* MÉMOIRES DU PI11NCE EUGÈNE
réeâ. Hier soir, mardi, je pensais à nos petits jeux
et je les regrettais fort. Croîs-tu que si j'avais osé,
j'aurais fait une expédition avec mes messieurs. Il
parait qu'à Eisensladl je serai fort bien ; on dit qu'il
y a un parc superbe avec beaucoup de gibier; je vais
chasser tous les matins, travailler après et penser à
ma petite famille toute la journée. »
Eugène « Me voici de retour de ma course, ma chère A u-
4 reine?' guste, et je m'empresse de le donner de mes nouvelles,
^juillet qui sont très-bonnes. Je suis venu passer trois ou
quatre jours à Vienne pour voir l'Empereur, et je
vais ensuite à mon quartier général de Hongrie. J'ai
vu Louis (prince royal de Bavière) ce matin; il a
beaucoup gagné depuis que je ne l'avais vu ; nous
avons déjeuné ensemble chez l'Empereur; j'espère
que nous nous verrons souvent pendant le -peu de
jours que je resterai ici; tu t'imagines bien de qui
nous avons parlé. Tu as été le sujet constant de nos
entretiens, comme tu l'es toujours de mes pen-
sées. La nouvelle des deux dents d'Eugénie m'a fait
bien plaisir, tout nous fait présumer qu'elle fera aussi
heureusementtoutes ses dents. Àllemagneesl venu me
joindre à Brunn et m'a remis tous les courriers re-
tardés à Udine. 11 y avait quatorze de tes lettres ! Tout
- # ce que j'ai souffert à attendre a été bien compensé
par le plaisir qffe j'ai eu de recevoir tant de bonnes
et heureuses nouvelles de ma petite famille. Adieu,
ma très-chère Auguste, j'espère que nous ne reste-
rons plus absents aussi longtemps que nous l'avons
déjà été. Je t'embrasse ainsi que mes deux petits
LIV. XV. — 1809 — CORRESPONDANCE 49
choux et vous aime de tout mon cœur. Ton fidèle
époux et ami. Dis à M. de Brème que son fils va
beaucoup mieux et que sous peu de jours il sera en
état de faire le voyage de Milan; mes hommages aux
dames de ta société. »
« Mon fils, envoyez Tordre au général Baraguey- fap.»Eug.
d'Hilliers de se rendre à Laybach et de prendre le î4 1 ^ ,el '
commandement de la Carniole, de PIstrie et de la
province de Goritz, en prenant les mesures conve-
nables pour faire évacuer l'Istrie par les Anglais, et
faire occuper toutes les limites de l'armistice. Le
général Rusca restera commandant de la province de
Carinthie, et sera chargé de surveiller les mouve-
ments du Tyrol. »
« Je t'envoie Bataille avec cette lettre, ma bonne
et très-chère Auguste. C'est sous peu ta fête, et j'es-
père qu'elle arrivera juste au moment voulu. Je t'en-
voie une bagatelle de Vienne, que j'ai trouvée jolie;
je désire qu'elle te paraisse telle. Je ne te ferai pas,
pour le 5 août, de nouvelles protestations de ten-
dresse et d'attachement : ces sentiments sont les
mêmes, et seront de tous les jours et de tous les
temps. J'envoie des joujoux à mes petits anges;
j'espère que Joséphine te fera son petit compliment
et suis fâché de n'être pas là pour le lui apprendre.
Je vois Louis tous les jours; je dîne même aujour-
d'hui avec lui; je lui ai remis ce matin ta lettre et
l'ai fort engagé à te répondre par Bataille; il me l'a
promis. J'espère que la nouvelle de l'armistice aura
Eugène
a la vice
reine.
Vienne,
20 juillet
1809.
VI.
50 MÉMOIRES DU PRINCE EUGÈNE
tranquillisé le royaume d'Italie; j'ai été bien peiné
d'apprendre ces petites révoltes 1 . Nous nous apprê-
tons à refaire la guerre, mais tout nous porte à croire
que les choses s'arrangeront. J'ignore quand je pour-
rai te revoir et te serrer dans mes bras; mais, tu
sais, j'espère que ce moment, à quelle époque qu'il
arrive, sera un grand bonheur pour moi. »
i E ta 8 w£- <( J'adresse encore cette lettre par la Suisse, ma
•
v^Ïm, chère Auguste, mais ce sera la dernière, car je re-
im H çois déjà des nouvelles de Villach et de Klagenfurlh,
et l'armistice nettoie entièrement ces pays. Louis
part aujourd'hui pour visiter nos derniers champs
de bataille; il ira aussi à Austerlitz et à Raab. J'ai
dîné hier avec Duroc et Bessières; il y avait cinq ans
que nous n'avions pu réunir ce trio. Nous avons
voulu ensuite nous promener en frac sur le rem-
part, mais à peine sommes-nous arrivés qu'une
grande foule nous a suivis, parce qu'on nous a re-
connus; j'y avais déjà été les deux jours avant et j'a-
vais joui du plus grand incognito; maintenant, tous
les militaires qui nous saluaient nous ont démas-
qués, et nous avons été pour nous venger entendre
Topera italien : // ihatrimonio secreto. La musique
en est toujours belle, mais les chanteurs ne sont pas
bons. Je jouis toujours de la meilleure santé, et
vais, sous bien peu de jours, rejoindre mon quar-
tier général, qui n'est au reste qu'à douzelieues d'ici,
a Je rouvre ma lettre pour te répondre sur la fête
* Allusions à quelques (roubles dans les départements qui avoist-
sinaient le Tyrol.
LIV. XV. — 1809 — CORRESPONDANCE 5i
de l'Empereur. Il faudra avoir un Te Deum dans la
chapelle de la cour, grande audience après la messe,
et, le soir, concert et grand cercle dans les grands
appartements. »
u Mon fils, vous devez avoir reçu 1,200,000^^,^;
francs en billets de banque, de Vienne, pour payer l#,aoûl18W -
deux ou trois mois de solde à votre corps d'armée.
Faites-moi connaître si on les a payés. »
« Mon fils, faites-moi connaître le lieu où sont sX&nbroM
vos troupes, et envoyez-m'en l'état de situation au * ioût i8W -
4" août. Je désire avoir de vous quatre rapports par
jour : l'un de votre cavalerie légère de Raab; un de
ce qui passe à Kormond ou à Gratz; un de Laybach,
qui me fassent connaître le mouvement de l'ennemi
et ce qu'il fait. »
ne
vice-
« Ma bonne et très-chère Auguste, je renvoie en e^s*
. à la vi
Italie de Brème qui a besoin de repos pour se gué- ™|^
rir ; il m'a prié de lui donner une lettre pour toi, et* aoûl im
' je le fais avec plaisir, puisque c'est une occasion de te
parler de mes sentiments. - J'ai passé la journée
d'hier à Schœnbrunn, ainsi que la soirée d'avant-
hier. On y donnait une tragédie allemande qui nous a
prodigieusement ennuyés. Fort heureusement qu'un
joli petit ballet a terminé le spectacle. Ce soir je vais
encore à Schœnbrunn, et l'on y donne un opéra italien
de Weigl. L'Empereur est toujours bien aimable
pour moi, et il m'a accordé un grand nombre de
récompenses pour mon armée. On dit que lesplcni-
52 MÉMOIRES DU PRINCE EUGÈNE
potenliaires se verront demain ou après-demain, et
on n'en sait pas davantage, ce que je sais bien, c'est
que je t'aime de tout mon cœur. »
Eugène « C'est aujourd'hui, le 3 août, le jour de ta fête, ma
a la *ice- ,1,. .
Y "«w. très-chère Auguste, et je pense avec regrets que je
•oût ià». ne SU j S p as p r ès de toi pour te parler de mes senti-
ments. Comme en ce moment tout ce qui est près
de toi est heureux ! J'espère que Bataille aura eu
l'esprit d'arriver aujourd'hui à Milan, tu me le réex-
pédieras par la route d'Udine, parce qu'elle est sûre
à présent. J'ai couché la nuit dernière àSchœnbrunn,
car le spectacle a fini lard, et ce matin j'ai chassé
avec le prince de Neufchâlel. Nous sommes rentrés
pour la parade et pour déjeuner avec l'Empereur.
Je suis revenu il y a peu d'heures de Schœnbruun, et
je me suis baigné, car il fait une chaleur très-forte.
Aubert vient de me dire que ton pied te faisait encore
mal ; pourquoi ne me l'as-tu pas mandé? Si lu avais
besoin d' Aubert, je t'en prie dis-le-moi, je te l'en-
verrai bien vite. Adieu, ma bonne Auguste, j'aime à
croire qu'au milieu des plaisirs du jour de ta fête, on
aura un peu pensé à mes regrets.
« Tu feras bien d'envoyer un écuyer avec une
lettre pour l'Empereur; fais-le partir, le 10, de bonne
heure, afin qu'il arrive, le 15 août, au matin à
Schœnbrunn, pour la fête de Sa Majesté. »
l'hâta- tt ^ e t'envoie encore un de mes courriers, ma
vfeiSw, bonne Auguste, j'en profite pour l'expédition de
e août la*. j )eauC0U p d'affaires d'Italie, j'espère que tout y est
LIV. XV. — 1809 - CORRESPONDANCE 53
tranquille en ce moment; les routes par Udine et
Klagenfurth sont maintenant libres, et je te prie de
donner les ordres au ministre des finances pour qu'on
ne fasse pas passer les dépêches par la Suisse, mais
bien par la route la plus directe. »
4
« Sire, Votre Majesté m'ordonne de lui envoyer Eug.àNap.
l'état et remplacement de mon corps d'armée; j'ai ** »<>ôt \m
l'honneur de le lui adresser.
ce Votre Majesté désire également quatre rapports
journaliers de Raab, Kormond, Gratz et Laybach,
afin de connaître les mouvements de l'ennemi. J'ai
l'honneur de prévenir Votre Majesté que j'ai fait par-
tir des aides de camp pour ces divers points, afin
d'avoir des renseignements précis ; il y en a un qui
ira à Trieste, pour avoir des nouvelles de mer, et
qui doit s'informer de ce qui se passe en Tyrol. J'ai,
en outre, donné des ordres, dans le même sens, aux
•
différents généraux sur toute la ligne. J'espère, d'a-
près ces mesures, être à même de pouvoir présenter
à Votre Majesté un rapport résumé et journalier de
Presbourg à Trieste. »
« Mon fils, écrivez au général Lemarois et Caffa- Nap. à Eu g .
rein par la première occasion que vous aurez de- 9ioûtiH».
crire en Italie, pour qu'il ait à réunir tous les déta-
chements de cavalerie appartenant aux différents
régiments de l'armée, et à mettre tout cela en mar-
che pour Vienne, que tous les jours je vous demande
quand cette cavalerie arrive, et que je suis surtout
mécontent qu'il ait retenu mes cuirassiers. »
54 MÉMOIRES DU PRINCE EUGÈNE
ft»p.àEiig. (( Mon fils, je donne ordre au roi de Naples de
Schœnbrunn, * • *
*eaoûtiK09. f a î re partir pour Bologne deux bataillons du 14* lé-
ger, deux du 6* de ligne, deux du 101% un du régi-
ment d'Isem bourg ou de celui de la Tour-d'Auver-
gne, avec un escadron de cavalerie napolitain, ce
qui fera 4,000 hommes que je mets sous les ordres
du général Caffarelli, qui les portera partout où ils
seraient nécessaires pour maintenir la tranquillité en
Italie. Au moyen de celte disposition, le général Caf-
farelli pourra diriger tous les détachements qui sont
restés en Italie pour renforcer l'armée qui en a
grand besoin. Envoyez-lui des ordres positifs par
des officiers, car ces détachements éparpillés ne font
rien en Italie, et achèvent de se perdre. »
à&^Tct « Pino est rentré des prisons de Bohême, ma très-
vËai c hère Auguste, tu pourras l'annoncera sa famille,
WMûiita. j e voulais l'envoyer de suite à Milan, mais je préfère
le laisser reposer deux ou trois jours, et je te l'en-
verrai ensuite. Il pourra passer plusieurs semaines
chez lui, d'autant plus que j'ai encore trois écuyers
avec moi. Rien de nouveau ici, le moment de la fin
de l'armistice approche, mais on ne croit pas à la
guerre, quoique nous nous apprêtions toujours; la
correspondance continue toujours entre les deux ca-
binets. L'Empereur se porte bien, et travaille tou-
jours beaucoup, suivant son habitude. Nous .nous pré-
parons à fêter le 15 août; la garde donnera une belle
fêle ce jour-là, et toute l'armée sera en gaieté.
« Adieu, ma bonne Auguste, lu connais mes senti-
ments pour ma petite famille, crois bien à leur ten-
Ll V. XV. — 1809 — CORRESPONDANCE 55
dresse, à leur sincérité, à leur durée; adieu, je te
couvre de baisers ainsi que mes deux petites mar-
mottes. »
« Mon fils, donnez ordre que le fort de Malbor- ËfiJJSfc,
ghetto soit rasé, et que les canons, magasins qui s'y M aoûllW9 -
trouvent, soient portés à Klagenfurh, pour en ar-
mer et approvisionner cette place. »
« Nous approchons du 15 août, époque où Ton à E iï 8 T*«-
croyait que je serais à Milan, et cependant il n'est pas vienne,
du tout question de ce voyage; il faut donc, ma bonne
et très-chère Auguste, s'armer de patience... Bien de
nouveau ici, spectacle à Schœnbrunn tous les deux
jours. J'arrive de la parade et vais retourner pour le
diner de Sa Majesté; je pense que de suite après la
fête de l'Empereur je ferai ma grande tournée pour
visiter toutes mes divisions. Je me rapprocherai de
toi peut-être de cent lieues; et cependant je serai en-
core très-loin. J'attends Bataille avec impatience, il
saura mieux que tous ces benêts, qui arrivent, me
donner des détails sur ma bien-aimée petite fa-
mille. »
« Bataille est arrivé ce matin, ma très-chère Au- Eugène
1 4 la Tice-
guste, et comme j'envoie Lacroix ce soir en Italie ^jjjj£
pour affaire de service, je lui donne cette lettre pour 12 aoûl 1 * w *
toi. Je te remercie des petits portraits de nos deux
enfants... Bien encore de nouveau ici; nous nous
préparons au Te Deum pour après-demain. Tu avais
une excellente idée d'envoyer Annon à l'Empereur,
56 MÉMOIRES DU PRINCE EUGÈNE
je n'y avais pas songé; c'eût été fort convenable,
mais je ferai promptement repartir Clérici. Je n'ai
pas eu le temps de causer beaucoup avec Bataille,
car il n'y a que deux heures que je suis de retour de
Schœnbrunn, et. j'ai travaillé jusqu'à ce moment. Je
vais le faire appeler, etc., etc. »
Rap. à Eug. « Mon fils, je vous envoie une lettre de Turenne;
i3a"ût™909. donnez des ordres en conséquence. Il est fâcheux
qu'on fasse déjà des pertes sur les approvisionne-
ments. Est-ce que vous ne suivez pas en Italie la
méthode que l'on suit en France, de charger les
gardes -magasins d'entretenir les approvisionne-
ments moyennant tant? »
N. P . à Eug. « Mon (ils, faites-moi connaître les nouvelles que
Schœnbrunn, # * 1 r* rv • »»i r •
14 «oût 1809. vous avez du général Rusca. Depuis qu il esta Lientz,
je n'en ai pas entendu parler. »
Eugène <( Clérici est arrivé à Vienne dans la nuit du 14,
à reiaT" et a remis le 15 au matin ta lettre à l'Empereur,
i6aôût°i809. qui a été sensible à ton attention. La fête s'est bien
passée hier avec le plus grand éclat et le plus grand
ordre. Je t'assure que Pavie et Milan n'étaient pas
plus brillantes que Vienne : Te Deum, parade, feu
d'artifice superbe, illumination, et un concours de
monde très-considérable. J'ai diné chez Sa Majesté,
qui avait parcouru en calèche les camps de sa garde
pendant le repas; après, elle a mis un frac gris et
s'est promenée à pied dans Vienne; nous avons été
reconnus par très-peu de personnes. On assure que
M. de Champagny part aujourd'hui pour Altenburg,
LIV. XV. - 1809 — CORRESPONDANCE 57
afin d'y commencer les conférences. Si les Autri-
chiens ne veulent pas faire la paix, ils sont bien
fous. Hier l'Empereur a fait des promotions sans
nombre; voilà les principales :
« Le maréchal Masséna est nommé prince d'Ess-
ling, avec 500,000 francs de rente;
« Le prince de Naufchâlel est nommé prince de
Wagram, avec une belle dotation.
« Le maréchal Davout est nommé prince d'Eck-
muhl, avec dotation.
« Six grands cordons de la Légion d'honneur :
« Macdonald, Àndreossi, Grenier, Clarke, Ber-
trand et Gudin.
« Trois grands cordons d'Italie :
« Lauriston, Lariboisière et Sorbier.
« Les maréchaux Macdonald, Oudinot, le général
Clarke, sont nommés ducs.
« Il y a une grande quantité de comtes et de barons.
«Charpentier, Grenier, Seras, Broussier, La-
marque, d'Anlhouard, de l'armée d'Italie, sont nom-
més comtes.
« Triaire, Delacroix et Bataille sont nommés ba-
rons, et tous avec une dotation plus ou moins forte.
« Enfin, j'espère que voilà beaucoup de contents \
1 Voici à propos des nominations qui suivirent l'armistice de Znaïm,
une anecdote dont nous garantissons l'authenticité. L'Empereur an-
nonça à Eugène qu'il venait de faire deux maréchaux, lui laissant les
noms à deviner. Eugène nomma Grenier. — Bah! lui dit l'Empereur,
toujours ton armée de Sambre et Meuse, j'ai nommé Marmont. — Je
souhaite, reprit Eugène, que Votre Majesté n'ait jamais à se repentir
de ce choix. L'Empereur mécontent lui tourna le dos et rentra dans
son cabinet. Eugène, en sortant, trouva dans le salon de service le
58 BIÉMU1RES DU PBINCE EUGÈNE
« Clérici m'a remis la leltre; elle a un peu trou-
blé ma joie, ma chère Auguste. J'y ai vu des idées
tristes, et je te jure que tu ne devrais pas en avoir.
Crois-moi, compte sur notre étoile, qui est heureuse,
sur notre conscience, qui sera toujours pure, sur la
justice de l'Empereur, et sur les liens d'attachement
qui nous unissent.»
àWSS- « Clérici n'a pu encore partir, ma très-chère Àu-
vfeïni, g uste î l'Empereur a été très-occupé tous ces jours-
,8toût1809, ci, et en grande partie c'était pour faire des heu^
reux et distribuer des grâces. Sa Majesté vient de
donner à Tascher 40,000 livres de renies. J'ai reçu
ta lettre au sujet de madame V... M... Elle a pris
le seul et unique moyen pour que je lui pardonne :
c'était de faire demander sa grâce. Il faut pourtant
lui dire de ma part que je ne lui pardonne que sous
la condition qu'elle se prononcera hautement à no-
tre égard, c'est-à-dire que, si elle veut continuer à
être reçue à la cour, elle doit être franchement des
nôtres; si, au contraire, elle conserve encore quel-
que espoir d'un autre côté, ce serait vil et bas à elle
de venir nous faire sa cour. Quant à S... M c'est une
autre affaire : c'est positivemement un coquin ou
une bêle de la première espèce, puisqu'il a déjà cru
voir retourner les Autrichiens gouverner l'Italie de
nouveau. Je lui fais l'honneur de ne pas le croire
général Savary, auquel il raconta la scène qui venait de su passer.
Le mot du vice-roi n'a pu être ignoré longtemps du duc de Raguse.
Ce mot et l'affaire des 350,000 francs pris dans les mines d'Ydria, on
conviendra qu'il y a bien là de quoi expliquer les vengeances posthumes
d'un homme comme Marmont.
LIY. XV. - 1809 — CORRESPONDANCE 59
une bête, par conséquent c'est un coquin, et, cer-
tes, je lui revaudrai tout cela.
« Il est bien essentiel, pour notre tranquillité à
Tenir, ma chère amie, que nous ne confondions pas
les bons et les mauvais. Ces dernières circonstances
nous facilitent de connaître beaucoup de gens; il faut
donc non pas les forcer à nous aimer, mais les obli-
ger à être citoyens et a désirer le repos de leur pays.
Je t'engage donc à bien t'informcr de la conduite po-
litique des personnes de notre société pendant la
dernière crise, et tu m'obligeras d'en garder n&te,
en m'en écrivant pourtant un mot. Vaccari est un
des hommes auxquels tu peux le plus le fier dans
cette occasion; mais pourtant il faut en entendre
plusieurs. Vaccari, Caffarelli, Prina Caprara, ma-
dame de Litta, sont des personnes sur lesquelles on
peut compter, n'ayant cependant pas l'air de faire
des questions. »
« Mon fils, faites partir un aide de camp qui se sid&farra,
rendra à Raab, jusqu'à Kormond et Gralz; il pren-
dra, s'il est nécessaire, un détachement de 50 hom-
mes de cavalerie légère. Il vous écrira tous les soirs
pour vous faire connaître ce qu'il y a de nouveau
sur la ligne ennemie, et les mouvements que l'en-
nemi ferait. Réitérez l'ordre que vos régiments de
cavalerie légère achètent des chevaux en Hongrie,
où il y en a beaucoup. Ils ont beaucoup d'hommes
au dépôt de cavalerie, il faut qu'ils achètent des
chevaux et les envoient au dépôt, où on les mon-
tera. Envoyez l'ordre à Trieste qu'avant le 1" sep-
60 MÉMOIRES DU PRINCE EUGÈNE
tembre il y ait 2 millions de versés à la caisse, à
compte des contributions. Écrivez aussi pour presser
les mouvements à Laybach et à Klagenfurth, afin
que la solde de votre corps d'armée soit payée au
1 er septembre. Vous m'avez remis une reconnais-
sance de la M arc h, mais vous n'y avez pas joint de
mémoire; cependant c'est le mémoire qu'il est im-
portant d'avoir. »
sSmibrain c< ^ on **' s » donnez l'ordre qu'on arrête à Venise
moût!**. j e nomm é Cassini ; qu'on saisisse ses papiers, et que
le séquestre soit mis sur ses biens. Vous l'enverrez à
Fenestrelle, où il sera détenu. C'est un intrigant qui
abuse du titre de conseiller de l'empereur de Russie
pour fomenter des troubles. »
àWfcL « Bonjour, ma très-chère Auguste. Je prévois que
v£Tnê\ Clérici ne pourra pas partir avant trois ou quatre
» août la». j ours# jj egt d' une timidité extrême ; il a vu deux ou
trois fois l'Empereur, et il n'a jamais osé lui deman-
der ses ordres. Nous avons fait hier une belle chasse
à Luxembourg; j'y ai tué pas mal de gibier. Je compte
aller ce soir me promener au Gratir, et comme Du-
roc ne peut venir avec moi, je prendrai Bataille. Tu
es bien sûre que tu seras en grande partie le sujet
de notre entretien. Ma sœur m'a écrit; elle avait en-
fin reçu mes lettres et ne me gronde plus. Elle doit
rester encore quelques jours aux eaux, qui lui fai-
saient du bien, etc., etc. »
à ia vice- « Je prends le parti, ma bonne Auguste, de t'ex-
LIV. XV. — 1809 — CORRESPONDANCE 61
pédier Clérici, car, comme l'Empereur est très-oc- ^a^AW
cupé, il pourrait attendre longtemps, et je pense
qu'il est nécessaire en Italie, tant pour faire le ser-
vice auprès de toi que pour veiller aux écuries. Tu
comprends que je n'ai pas cru devoir parler moi-
même à l'Empereur de la mission de Clérici, car
cela aurait eu l'air de demander une lettre à Sa Ma-
jesté, et je sais qu'elle est très-occupée. Depuis trois
jours l'Empereur se plaignait un peu de rhume de
cerveau; pourtant ce matin il allait beaucoup mieux et
est venu à la parade. Je renvoie Pino, il a besoin de se
reposer, et d'ailleurs j'ai assez d'écuyers. Je n'ai rien
de nouveau à l'apprendre : on parle beaucoup de
paix dans la ville, et on dit qu'au quartier général
de l'empereur d'Autriche on parle guerre... Mais je
suppose qu'ils ne tiennent ce langage que pour Taire
la paix la moins mauvaise possible, car enfin nous
tenons la moitié de leur empire, et ils ne pourraient
jamais par la force nous obliger à quitter la position
que nous occupons. »
« Je t'envoie, ma bonne Auguste, la nomination à E ^«jjJJ.
de la Légion d'honneur pour l'écuyer Pino , j 'ai pensé v "^
qu'il lui serait plus agréable de la recevoir de toi. £6aoûl1809 -
J'ai reçu ta lettre relative aux dames du palais, je
garderai la note que tu m'envoies et j'en parlerai à
l'Empereur; mais ce n'est pas le moment à présent,
parce qu'il est très-occupé; en attendant, je t'engage à
continuer le service avec tes dames actuelles, et pour
le 4 e trimestre, qui l'embarrasse, tu pourrais fort bien
n'en mettre que deux de service pour cette fois; savoir:
62 MÉMOIRES DU PRINCE EUGÈNE
madame Trolti et madame Mocenigo. Le 1 er trimes-
tre 1810, ce serait mesdames Gambarana, Frinlzi
et Gradinizo; si cette dernière ne se portait pas bien,
on ferait venir madame Colini ou madame Gara vierni,
mais mon intention est positivement d'ôter le trai-
tement à toutes celles qui ne feraient pas leur service
à moins de maladie ou de raisons recevables; ainsi
ordonne de ma part et par écrit à l'intendant général
de ne plus payer mesdames Kercolani et Colini, si tu
leur fais écrire et que tu ne trouves pas bonnes leurs
excuses. Quanta la démission, ce n'est pas aussi néces-
saire, elles peuvent conserver leur litre comme sur-
numéraires cl sans faire de service, mais alors il est
juste de donner le payement h celles qui le fout...
Maintenant il ne me reste plus, pour répondre à tous
les articles de ta lettre, qu'à te faire une mauvaise
querelle sur ce que tu me dis. Gomment, lorsque tu
auras du chagrin, tu me le cacheras et le garderas
pour toi? Tu me connais bien peu, ma chère Au-
guste, et tu rendrais bien peu de justice à mes senti-
ments pour toi si tu me taisais tes peines; tu ne peux
les confier pourtant à personne qui y prenne plus de
part; je t'ai dit, il est vrai, que tu m'avais affligé;
mais je l'étais de te savoir inquiète, je l'étais de le
voir des idées tristes devant les yeux, et jose dire des
idées qu'il était inutile d'avoir. Oui, ma bonne Au-
guste, tu m'affligeras toujours quand je te saurai
préoccupée, agitée pour un avenir qui ne peut être
qu'heureux, puisque les présages, depuis notre union,
sont bien favorables ; mais ce qui m'affligerait par-
dessus tout, ce serait sans contredit de perdre ta con-
LIV. XV. - 1809 -CORRESPONDANCE 63
fiance. Éloigne donc de tes pensées les idées tristes,
parce que tu n'en mérites pas et que n'as de raison que
pour en avoir d'agréables, et si tu as quelquefois du '
chagrin, c'est toujours au cœur de ton époux, de ton
ami, qu'il faut en appeler; lui seul n'a d'autre inté-
rêt que le tien, lui seul te dira la vérité, et plus que
tout cela, lui seul t'est tendrement et entièrement
attaché. Adieu, ma bonne amie, ne prends pas ceci
pour une leçon, je te prie, je t'ai ouvert mon cœur,
parce que tu y liras toujours et ma tendresse et mon
inviolable attachement pour toi.,»
« Mon fils, ie vous envoie une lettre de Turenne, feMEng.
mon intention est de tenir à Trente 8,000 hommes. ^aoûtiax».
La colonne qui vient de Naples pourra en faire une
partie; elle est de 5 à 6,000 hommes; mais il fau-
drait tirer d'Italie 4,000 hommes. Faites-moi con-
naître quels sont les corps qui restent en Italie,
qu'on pourra compléter de manière à former celte
colonne. »
« Sire, j'ai reçu hier la lettre de Votre Majesté par *«« oû * J^
laquelle elle me fait connaître son intention de tenir
à Trente 8,000 hommes.
c< D'après les ordres que Votre Majesté m'avait
fait l'honneur de m'adresser précédemment, elle
avait fixé à près de 4,000 hommes les troupes à en-
voyer à Trente, et j'avais écrit, dans ce sens, au gé-
néral Caffarelli, en l'autorisant à garder en Italie
les 3 e et 4 e bataillons des 5 e et 81 e de ligne français,
et le 1 er et 2* du 3 e italien, formant un total de 2,000
64 MÉMOIRES DU PRINCE EUGÈNE
et quelques cents hommes, ce qui vient à la colonne
qui vient de Naples me paraissant présenter une
force suffisante pour remplir les intentions de Votre
Majesté et avoir quelques colonnes disponibles ;
mais, actuellement que Votre Majesté veut tenir à
Trente 8,000 hommes, il est nécessaire de laisser au
général Caffarelli un plus grand nombre de troupes.
J'ignore ce qui existe, en ce moment, dans les dé-
pôts, car d'après les ordres donnés, tout a été mis en
mouvement pour rejoindre l'armée. La tête des co-
lonnes a dépassé Osopo, on a môme, par suite de
ces dispositions, retiré les troupes qui étaient à
Trente, et j'apprends par les rapports d'aujourd'hui
que cette mesure a beaucoup alarmé.
« J'écris au général Caffarelli pour lui faire con-
naître lesnouvjeaux ordres de Votre Majesté, et je lui
prescris d'organiser une compagnie dans chaque
dépôt, et d'en former des bataillons provisoires, et, si
cela ne suffit pas, je l'autorise à garder jusqu'à con-
currence de 2,000 hommes sur les dernières trou-
pes à faire partir d'Italie pour rejoindre l'armée.
« Ainsi le général Caffarelli aurait donc :
« 1° Ce qui vient de Naples, et dont j'ignore la
force ; 2° les 5 e , 21 e français, 3 e italien, à peu près
2,200 hommes; 3° une compagnie d'infanterie par
dépôt; 4° enfin 2,000 hommes à peu près en demi-
brigade provisoire ; plus 4 à 500 chevaux qu'il est
autorisé à organiser dans le dépôt de cavalerie.
a D'après les ordres de Votre Majesté, les 4 M ba-
taillons, qui étaient dans leFrioul, se rendent à leurs
dépôts. Si elle avait des conscrits à y diriger, ils se-
LIV. XV. - 1809- CORRESPONDANCE 05
raient bientôt formés dans ces cadres, ce qui augmen-
terait la force des disponibles. »
« Mon fils, donnez le commandement de Venise à ^ n brunn,
Barbou ou à tout autre général, et envoyez le gêné- * août iHW '
rai Vial commander le Tvrol italien. Vous lui don-
nerez l'ordre de se porter sur-le-champ à Vérone
pour former ses troupes. Aussitôt qu'il aura réuni
4,000 hommes, 6 pièces de canon et 500 hommes
de cavalerie, il se portera sur Trente et occupera
Trente et Rovéredo. La colonne qui vient de Naples,
dont plusieurs bataillons doivent être près de Bologne,
entre autres les deux bataillons du 14 e léger, sera
en réserve et en seconde ligne à Vérone, de sorte
que le général Vial pourra avoir sous ses ordres 7 à
8,000 hommes pour protéger tout le Tyrol italien.
Il faut aussi s'occuper des places fortes : Palma-Nova,
Osopo, Legnago, Peschiera, Mantoue, la Bocca
d'Anfo et Venise, ne peuvent rester sans troupe.
Faites-moi un rapport là-dessus. »
« Sire, je reçois la lettre de Votre Majesté, de ce Eu £ e ^ c ap#
jour, par laquelle elle me charge de donner le com- 30août1803
mandement de Venise au général Barbou, et d'en-
voyer le général Vial commander le Tyrol italien.
« J'ai l'honneur de faire observer à Votre Majesté
que le général Barbou a ordre de se rendre près du
major général et à sa disposition, en sorte qu'il est
en ce moment en route. Quant au général Vial, ses
lettres de service pour le gouvernement de Venise
lui défendent expressément de sortir de la place qui
M. 5
C6 MÉMOIRES DU l'HlNCK EliGÊSE
lui est confiée, sous quelque prétexte que ce soit, el
sans un ordre signé de Votre Majesté ou du ministre
de la guerre. Il est donc nécessaire que Votre Ma-
jesté ait la bonté de me donner Tordre signé d'elle
pour ce changement de destination.
« Ainsi que j'en ai rendu compte à Votre Majesté,
j'ai fait connaître ses intentions au général CaffarelIP
pour porter à 8,000 hommes la division destinée à
occuper Trente el Rovéredo, et proléger le Tyrol ita-
lien. 11 y aura trois à quatre colonnes mobiles prêtes
à se porter partout où il sera nécessaire, car les diffé-
rents dépôts seront placés dans les places fortes pour
y former garnison.
« J'évalue que le général Caffarelli aura 20,000
hommes présents sous les armes; 7 à 8,000 sont
destinés pour le Tyrol, el en supposant 2,000 hom-
mes pour les colonnes mobiles, il aura 10,000 hom-
mes de dépôt d'infanterie el de cavalerie pour les
garnisons, non compris ce qui est aux hôpitaux. »
« Je ne puis rien préciser, pour le moment, sur
la garnison des places, n'ayant que la situation du
20 juillet, mais j'ai demandé au général Caffarelli
une nouvelle situation, afin de pouvoir mctlrc sous
les yeux de Votre Majesté la force el remplacement
de ses troupes en Italie.
i ugùue « Je le remercie mille fois, ma Irès-chere Auguste,
reine, j'ai vu hier Ànnoni. Je rentrais ici à huit heures du
4 f °nw! hrc so ' r > bien fatigua de la chaleur de la journée et des
heures que j'avais passées, ne songeant pas du tout
que j'avais déjà vingl-huit ans, el à peine descendu
LIV. XV. - 180«j — COlUttSrONDANCE 07
dans mon logement, on m'annonce Annoni. Juge de
mon bonheur quand il m'a remis el la lettre et ton
charmant cadeau; tu ne peux l'imaginer tout le plai-
sir qu'il me Tait : l'idée est charmante, les portraits
sont ressemblants, surtout celui de Joséphine; enfin,
loul cela est admirable. J'emporterai toujours par-
tout ce joli tableau, il me retracera, chaque fois que
je le lixerai, le bonheur dont je jouis par ma petite
famille. Je vais tout à l'heure monter à cheval, l'Em-
pereur m'a chargé de passer encore quelques re-
vues. J'envois Annoni à Vienne, où je serai ce soir
tard, et je le garderai quelques jours pour pouvoir
causer de toi tout à mon aise.
« Bonjour, ma bonne amie, je n'ai pas de temps
pour t'exprimer combien je suis touché de ton at-
tention, et combien tu me rends heureux. Adieu, ma
chère Auguste, tu mérites bien et tu possèdes bien
toute la tendresse de ton fidèle époux el ami. »
« Mon fils, il est nécessaire que voift fassiez partir N , ip . * tug .
dans la nuit le général dWnthouard pour visiter les li^embre
places de Gratz et de Laybach, le fort de 'Prieste et 18 °°
celui de Jilagenfurth. H vous adressera un rapport
détaillé sur chacune de ces places. Il verra par lui-
même et recueillera tous les renseignements néces-
saires pour satisfaire aux questions suivantes: Gratz
esl-elle à l'abri d'un coup de main? Quel en est le
commandant? Y a-t-il un commandant en second,
et quel est-il? Quel est le commandant du génie?
Quel est le commandant de l'artillerie? Combien y
a-t-il de pièces en batterie? Quel est leur approvi-
68 ' MÉMOIRES DU PRINCE EUGÈNE
sionnemcnt? L'artillerie a-t-elle ses sacs à terre, ses
gabions et saucissons d'approvisionnement? Il doit
donner des ordres pour que sans délai on ramasse
du bois, on fasse des gabions et on l'approvisionne
pour soutenir lin siège. Quelle est la garnison néces-
saire? Pour combien <lc temps a-t-on des vivres? Ces
vivres sont-ils dans des magasins blindés ou non?
S'ils ne sont pas dans des magasins à l'abri de la
bombe, le général d'Anthouard doit ordonner qu'on
fasse sur-le-champ les blindages nécessaires à Gratz.
Il en causera avec le général Macdonald, qui prendra
foutes les mesures nécessaires pour que cette cita-
delle soit au 12 septembre mise en état de soutenir
un siège.
« II lui faut surtout un bon commandant; d'ail-
leurs la garnison se trouvera augmentée de tous les
écloppés et convalescents des corps. Lorsqu'il aura
bien visité et assuré la défense de Gratz, et qu'il vous
en aura rendu compte en détail, il fera la mémo
opération à Lavbach, àTrieste et à Klagenfurlh. Cette
dernière place doit être en bon état de défense, ap-
provisionnée pour quatre ou cinq mois, car il faut
songer que ces garnisons sont toujours plus considé-
rables qu'on ne le croit, parce que les convalescents
et les écloppés s'y jettent au dernier moment. En par-
courant la ligne, le général d'Anthouard prendra des
informations partout sur les positions qu'occupent
l'ennemi, et vous enverra un rapport de tous les en-
droits où il apprendra quelque chose. Quant au fort
de Sachsenburg, je laisse le général Rusca maître
de le démolir, en faisant transporter l'artillerie à
LIV. XV. — 1809 — CORRESPONDANCE 09
Klagenfurth. Le général d'Anthouard fera préparer
à Klagenfurth beaucoup d'hôpitaux, afin que tous les
hôpitaux de la ligne, depuis l'Italie jusqu'à Klagen-
furth, et tous ceux depuis Œdenburg jusqu'à cette
même ' ville , puissent venir se jeter, dans cette
place. » ,
a Mon fils, vous trouverez ci-joint un état qu'on n;p- * Eu *-
1 • J Schœnbrunn,
m'a fait des troupes qui doivent arriver d'Italie. 7,e 1 B5? hw
Faites-moi connaître les différences en plus et en .
moins qu'il doit y avoir d'après les renseignements
que vous avez, et les derniers ordres qui ont été
donnés au général Caffarelli de garder du monde dans
leTyrol. »
« Je suis revenu cette nuit de passer des revues de Eugène
* à la Tice-
cavalerie, j'ai commandé hier trente escadrons de- Y ^JJ;
vant l'Empereur, je me porte fort bien, et pense sou- ^fiw!**
vent à toi, et ne te figure pas que ces revues veuil-
lent dire quelque chose, tu dois savoir que les plus
grands préparatifs de guerre ne sont souvent que les
précurseurs de la paix. »
« Mon (ils, donnez le commandement de la divi- Na P . àE Ug .
sion de dragons du général Pully au général de bri- « septembre
gade Broc. »
« Mon fils, des bataillons des régiments de la Tour- K ap .àEug.
d'Auvergne et d'Isembourg se rendent en Italie. Il est î* tapote
nécessaire que ces bataillons restent à Bologne ou à
Ferrare, et qu'ils soient employés à dissiper les ras-
ipien
m.
70 MEMOIRES DU PRINCE EUGÈNE
semblements dans celle partie de l'Italie; mais mon
intention est qu'ils ne passent pas l'Adige pour se
rapprocher deTAIlcmagne, parce qu'étant composés
d'Allemands, ils déserteront tous. Tenez la main
à cela. »
fiïvi»- Annoni ie dira, j'espère, ma bonne Augusle, que
v^iTnc, nous avons beaucoup parlé de loi, et que je pense
"JJSST re sans cesse au bonheur de me retrouver dans tes bras;
ce bonheur est remis, suivant les apparences, au mois
prochain, car tout me fait présumer que tout ici sera
terminé avant le 1" novembre. (Ceci pour toi seule.)
Je pars encore après-demain matin pour Hollabrunn,
où l'Empereur m'a chargé de revues de cavalerie;
je ne serai absenl que deux jours. L'Empereur a aug-
menté mon corps d'armée de 4 régiments de ca-
valerie légère, faisant 5,000 chevaux ; cette divi-
sion est superbe, et j'aurai de cette manière plus de
0,000 hommes de cavalerie sous mes ordres. Adieu,
ma bonne et tendre amie; nos préparatifs de guerre
sont grands, et cependant tu peux en toute sûreté
croire à une prochaine paix... Adieu, un souvenir
aimable à les dames. »
Fur. à Nap. « jjj re ;» a j Phonneur de rendre compte à Yolrc
Vienne, ' * *
20 'îfiiS? ,bre Majesté que, sur un précédent avis que je mesuis em-
pressé de lui communiquer au sujet des bandes d'in-
surgés dqMuzzurchlag, elle a bien voulu me donner
ses ordres pour les faire dissiper. En conséquence,
il a élé mis en mouvement une colonne de 600 hom-
mes pour lYxéculion des ordres de Voire Majesté.
LIV. XV. — 1800 - CORRESPONDANCE 71
Je puis donc assurer à Votre Majesté qu'elle peut être
tranquille sur ce point de la lellrc du général de bri-
gade Roise qu'elle a bien voulu me rcnvpyer. »
« Sire, j'ai écrit, il y a deux jours, au prince de n \M * a i*-
Ncufchâlèl pour le prier de demander l'autorisation ,:i ^g;;j ,,,,,v
à Voire Majesté déplacer une première ligne sur la
Raab, la division de cavalerie du général Quesnet que
Vôtre Majcslé veut bien mettre sous mes ordres. Au-
jourd'hui que le général Pully vient de quitter sa di-
vision de dragons pour se rendre en France, je re-
nouvelle à Votre Majesté la demande de placer la
cavalerie légère sur la llaab, et j'ai l'honneur de lui
proposer de réunir les trois régiments du général
Pully sous les ordres du général Grouchy, qui, de
cette manière, aurait dans la division régiments de
dragons. Je prie Votre Majesté de me faire con-
naître si elle approuve ce changement. »
« Jesuis revenu hier au soir fort lard, ma bonne Au- â r jJ| c JgJ!ÎL
guste, cl repars après-demain matin pour Œdenbnrg. vienne,
y a encore des pans a Vienne pour la paix ou ihi<>.
la guerre; je persiste à croire à la première, parce que
je sais que l'Empereur la désire. Ma santé est tou-
jours bonne, grâce à mon mouvement perpétuel...
J'ai à voir Lauriston; nous parlerons un peu de l'ila-
lic et beaucoup de toi. »
« Sire, j'ai l'honneur d'adresser à Votre Majesté Eug.aNap.
deux rapports que j ai reçus, nier soir, de mon aide « *JK£ n,,,p
de camp le général d'Anlhouard, sur les deux places
72 MEMOIRES DU PiUNCE EUGÈNE
de Gratz et de Laybach. J'écris au général Baraguey-
d'Hilliers pour le presser de faire fournir les sacs à
terre- qui pourraient manquer, ainsi que tous les
objets d'hôpitaux. Quant à l'officier du génie, j'avais
déjà ordonné qu'il en fût envoyé un provisoirement,
et j'ai déjà prié le général Bertrand d'en diriger un à
poste fixe pour chacun dés forts des places que Votre
Majesté conserve. »
Eu &ni? p ' <l ^ re > i a * 'donneur d'adresser à Votre Majesté
17 *îSoH mbro mon rapport sur la 2* division de cuirassiers qu'elle a
bien voulu me charger d'inspecter. Les revues que
j'ai été à même de passer m'ont persuadé qu'il était
instant que Votre Majesté mit un frein à la mauvaise
administration des corps, particulièrement en ce qui
concerne le soldat. Votre Majesté aura peine à croire
que, dans des corps, on ait encore à payer la gratifi-
cation que Votre Majesté avait accordée aux soldats en
Pologne, et que, dans plusieurs , on dbit encore l'ar-
gent que Votre Majesté avait accordé pour le jour de
sa fête dernière. Celte administration peu paternelle,
et ces vexations envers le soldat doivent lui ôter tout
esprit militaire et le dégoûter du métier. L'intérêt
seul de Votre Majesté m'oblige de mettre ces abus
sous ses yeux, et, s'il m'était permis de lui en propo-
ser le remède, ce serait de rendre les généraux de
tout grade, et quels qu'ils fussent, responsables de
l'exécution des règlements en faveur du soldat, sous
peine de destitution. Ainsi le général doit obliger le
colonel à payer la solde du soldat lorsque le corps l'a
touchée; ainsi le général doit obliger le colonel à
LIV. XV. — 1809 - CORRESPONDANCE 73
donner une culotte au soldat, lorsqu'elle lui est due,
et si, par des circonstances extraordinaires, le colo-
nel ne pouvait exécuter les ordres du général pour ce
qui concerne l'habillement, une lettre officielle de-
vrait être écrite par le conseil d'administration au
général, qui devrait avoir le droit de correspondre
avec le ministre directeur pour s'assurer de la vérilé
de l'impossibilité de fournir aux soldats ce que le
règlement leur accorde; pour ne point multiplier la
correspondance des généraux avec le minisire direc-
teur, on pourrait la faire passer par les chefs d'état-
major du corps d'armée. »
vice-
CC Je vais partir dans deux heures pour Œden- à E ^|
burg, ma très-chère Auguste; l'Empereur ne re- v "^
vient que demain, et je serai de retour le 20. Je i8 s î8w mbre
crois que la semaine prochaine l'Empereur viendra
visiter mes troupes, et je veux faire en sorte qu'il
soit content d'elles. Le temps refroidit prodigieuse-
ment. J'espère cependant qu'avant le grand froid je
serai à Milan; s'il en était autrement, il faudrait bien
s'y résoudre; mais j'en parle gaiement, parce que je
ne pense pas que les cartes se brouillent davantage.
Les deux Empereurs, se sont écrit réciproquement
ces jours derniers, et on assure que tous deux veu-
lent la paix, et que les difficultés sur quelques arti-
cles seront levées sous peu ; pourtant je ne veux
pas trop tôt te donner la certitude de nous em-
brasser, cela peut durer encore un mois comme
deux; mais tu peux être parfaitement tranquille
quant à la guerre; nous sommes actuellement beau-
tl^
u mémoires du piuîsce euuene
coup (rop forts, el l'Autriche csl dans un étal pi-
toyable. Sa Majesté vient de prendre de nouvelles
mesures contre le Tyrol; il paraît que les neiges
vont en faire raison, paçcc qu'elles les obligeront
à quitter leurs montagnes. Mes derniers r.ipporls
m'annoncent qu'ils sont sans vivres, sans armes, sans
munitions, et que la plus grande anarchie règne
parmi eux. J'ai vu hier beaucoup de Bavarois qui
reviennent du fond de la Hongrie, où ils avaient été
emmenés prisonniers ; il* sont venus me voir, et il
se trouvait parmi eux M...; il se porte bien, cl part
demain pour Munich : tu peux le dire à sa sœur. Si
lu passes quelques semaines à Monza, j'espère que (u
feras venir quelques dames de ta société pour passer
deux à trois jours; cela égayera, et d'ailleurs lu ap-
prendras un peu à les connaître, ce qui est néces-
saire, car enfin faut-il savoir avec qui l'on vil.
Adieu, ma chère Auguste, je t'embrasse comme je
t'aime, c'est-à-dire bien tendrement.
à E iï g »i n cc- c< ^ a très-chère Auguste... J'ai fait ce malin la
vtenni, p' l,s belle chasse que j'aie vue de ma vie : nous étions
20 f îSu9? bPe six, dont Irois maladroits, et nous avons tué 54 fai-
sans et 22 sangliers. Tour njon compte, j'ai tué
23 faisans et 6 sangliers. J'ai été hier fort content
de mes troupes... J'ai une foule de lellres à lire, et
je n'en ai encore ouvert que deux ; lu te doutes bien
lesquelles Adieu donc. »
F,, \ p ^nm'! p ' « Sire, j'ai l'honneur d'exposer à Votre Majesté
"^ïs^ m,iro que, pour IVxéculion des ordres qu'elle veut bien
LIV. XV. — 1809 - CORRESPONDANCE 75
me donner ou pour tout ce qui peut concerner la
promptitude et Je bien de son service, je suis jour-
. nettement obligé d'expédier des officiers ou des
courriers, soit en Italie, soit dans les différentes pro-
vinces occupées par les troupes de Votre Majesté et
dont elle a bien voulu me confier le commande-
ment. Il est encore d'autres objets de dépense, tels
que agents, dépenses secrètes, etc. J'y ai fait face
jusqu'à' ce moment au moyen de 100,000 florins
que j'avais pris sur les premiers fonds accordés, à
l'armée d'Italie. Aujourd'hui que je n'ai plus au-
cuns fonds, je prie Votre Majesté de m'accorder une
somme de 50,000 florins pour continuer à acquit-
ter ces dépenses. »
«Je n'ai pu t'écrire hier, ma chère Auguste, jMpno
1 " a la vicr-
comme j'en avais le projet, car nous sommes restés Y ™™
achevai presque toute la journée. L'Empereur a a *fg ) e ) n,l,rc
fait manœuvrer sa garde, et il m'avait chargé de sa
cavalerie. Nous avons fait pendant plusieurs heures
une espèce de petite guerre. Le soir j'étais un peu
fatigué, mais il n'y parait plus. Je n'ai rien de nou- -
veau 5 t'apprendre; le. temps commence à se refroi-
dir, et j'espère toujours que nous ne verrons pas la
neige à Vienne.
« J'ai reçu avant-hier une lettre de l'Impératrice;
elle me dit l'avoir écrit la veille; elle paraît contente
de sa santé, et ma sœur me mande aussi de Plom-
bières que les eaux lui ont fait du bien. J'ai vu ce
malin à la parade le jeune prince do Darmsladt, et je
lui ai fait tes complimenîs: il m'a bien prié de le
76 MÉMOIRES DU PRINCE EUGÈNE
mettre $ tes pieds. Je crois t'avoir mandé que le
jour de la fête de l'Empereur il a fait une chute de
cheval qui Ta force de garder le lit une vingtaine
de jours; mais il va fort bien actuellement... Adieu,
ma bonne Auguste; pensons au plaisir de nous re-
voir, cela console de l'absence, surtout quand on
pense que ce plaisir ne peut plus être beaucoup re-
tardé. »
uï^iie- «Je* t'écris aujourd'hui de Schœnbrunn, ma
schœnbîinn, bonne Auguste ; j'y suis venu de bonne heure, parce
IKT 1 que après la parade l'Empereur a chassé, et ce soir
il y aura théâtre. Sa Majesté se porte fort bien, et
moi à merveille. Ces deux journées-ci ont été assez
belles; on parle de quelques courses dans les envi-
rons, et puis viendront les grands voyages qui rap-
procheront l'Empereur de Paris et me ramèneront
dans tes bras. Ce jour-là sera sûrement un des plus
heureux de ma vie, car il est bien désiré. »
sïhœnbronn, « Mon fils, donnez les ordres les plus précis par
^'ÎSoS^ un officier de votre étal-major pour que 22,000 fu-
sils, 1,000 sabres, 1,900 gibernes, etc., qui sont
à Tri es te, soient sans délais évacués sur Palmanova.
Sous sa responsabilité el sous celle du général Schilt,
ces armes doivent être parties de Trieste avant le 5,
et entrées à Palmanova avant le 10 octobre. »
F " g i'e«ne? p ' « Sire, je reçois en ce moment l'estafette de Mi-
26 X rabre lan du 22. Elle ne m'a point encore apporté de let-
tres du ministre de la guerre. J'apprends pourtant
LIV. XV. - 1809 — CORRESPONDAIS 77
de Milan, Brescia, Bologne et Venise que ces diffé-
rents pays jouissent d'une grande tranquillité. Le
seul département du Bas-Pô continue à être infesté
des bandes de mécontents qui exercent le brigan-
dage dans la campagne, et qui inquiètent beaucoup
les gens paisibles du département.
« On a remarqué aussi quelque agitation dans les
montagnes de Modène ainsi que dans celles d'Àscoli.
Je joins à la présente un des derniers imprimés qui
vient de paraître en Tyrol. Cet écrit fait assez con-
naître l'espèce de gens qui est à la tête du pays.
« Je m'empresse de te donner de bonnes nouvel- *"*$"£.
les, ma chère Auguste. Trois généraux autrichiens vSi,
sont arrivés hier à Schœnbrunn pour terminer enfin w ^SoT 1 "
toute discussion.
a Le prince Jean Lichtenstein est l'un des trois;
c'est lui qui avait pris le commandement après la
disgrâce du prince Charles. Il est certain que tout
va s'arranger très-promptement. Je te répète ce que
je t'avais déjà dit; le mois d'octobre ne se passera pas
sans que j'aie le bonheur de t'embrasser. L'Empe-
reur partira pour Paris dès que la paix sera signée, et
j'espère bien que ce ne sera pas moi qui resterai ici
pour l'exécution des articles. Si la saison n'est pas
trop mauvaise, reste à Monza, parce que je serai bien
aise d'y passer quelques jours. Je t'envoie par le
courrier d'aujourd'hui des joujoux pour nos petits
choux, embrasse-les toutes deux de la part de leur
bon papa, et reçois l'assurance de ma vive ten-
dresse. »
78 MÉMOIRES DU IMUiNCE EUtiÈNE
à E b K vi U cc- cc ^' en do n <> uveau depuis deux jours, ma très-
v^ITdc, chère Auguste, l'Empereur continue ses conférences
'" \m hn avec les généraux aulricliicns , et je continue à
penser que cela finira bientôt.
« Ensuite viendront les départs, et je me mettrai
en route aussitôt que possible, car je mettrai malgré
moi quelque temps en voyage. 11 faudra placer mes
troupes dans les nouvelles positions, pourvoir pour
le premier moment à l'administration d'un nouveau
pays. Mais tu peux bien croire pourtant que, si jamais
j'aurai pressé une besogne, ce sera celle-là. J'ai fait
hier une chasse superbe de lièvres et de perdrix avec
le prince de Neufchâtel à Luxembourg... Je con-
serve toujours l'espérance que je ferai la Saint-Hu-
bert à Monza. Je t'ai acheté des perles, aussi des
joujoux grands et petits pour nous et nos enfants,
et je compte encore te faire l'emplette d'un bon
piano.
« M'occuper de loi, c'est le délassement de toutes
mes journées, comme l'aimer est le bonheur de
toute ma vie. »
•
Eue. à Xiip. « Si r e j'ai l'honneur de mettre sous les veux de
Vieillir. ' • J
i ïw» l ! rB ^ alrc Majesté que, d'après son décret d'organisation
des gardes d'honneur du royaume d Italie, il a été
admis dans ce corps des jeunes gens qui, satisfaisant
pleinement à toutes les conditions pour l'admission,
étaient cependant portés sur la liste de conscription
du Piémont. 11 arrive de là que, chaque année, il y a
des réclamations pour un ou deux sujets qui sont re-
demandés par leurs préfectures. D'après cet incon-
LIV. XV. — 1800 - CORUESPONDANCE
«i-
7i>
vénienl, il n'en est plus reçu ; mais il en existe, en
ce moment, onze qui sont ici à l'armée, ayant fait
la campagne, quelques-uns sont gradés dans le
corps; il y en a qui ont jusqu'à trois ans de services,
et le décret de Votre Majesté porte qu'au bout de
deux ans ils auront rang de sous-lieutenant. Voire
Majesté daignerait-elle les admettre comme sous-
lieutenants dans l'armée française, ou permettre
qu'ils continuent à servir sous les drapeaux de Votre
Majesté dans son armée italienne? Je joins ici le
contrôle nominatif de ces jeunes gens. »
« Tout allait fort bien, on avait déjà même fait
partir des détachements de la garde sur la roule de
Munich ; mais je crois que les plénipotentiaires au-
trichiens ont nouvellement mis de la mauvaise foi, et
on a fait tout revenir. .Cependant ce soir on s'était
rapproché, cl on assure de nouveau que la paix sera
signée sous deux jours. Ainsi dans quarante-huit heu-
res je pourrai te mander du positif, et probablement
pourrai-jc déjà penser à mon départ. Je ne le parle pas
de penser à toi, puisque cela est de tous les instants
de ma vie. J'ai fait ces jours-ci quelques cmpleltes,
chevaux, pianos, gravures, porcelaines, je le donne-
rai de ces dernières, qui te feront bien plaisir. »
Eugène
à la ticc-
reine.
Vienne,
G octobre
1800.
Eugvnc
& lu vici»
reine,
Vicnn*»,
c< L'Empereur est de très-bonne humeur, ma chère
Auguste, et tout donne à penser que sous très-peu de
jours la paix sera signée; la cavalerie a déjà fait se- * Î55!»* 1 "*
crclemcnt quelques mouvements vers la France, cela
ne tardera pas à être reconnu. J'ai eu aujourd'hui
9
' KO MÉMOIRES DU PRINCE EUGÈNE
beaucoup à travailler et ai encore pas mal de beso-
' gne pour demain ; tout cela me fait plaisir, puisque
cela accélère le moment de te rejoindre.
« Adieu, ma tendre x\uguste, je t'embrasse ainsi
que nos enfants. »
h u â è y\ce- (< ■k comptais faire partir ce soir Fortis, ma bonne
(?»» date.) Auguste, mais je n'ai pas encore fini le travail qu'il
aà porter. L'Empereur m'a déjà signé une vinglaine
de décrets; tu peux déjà faire tes compliments à
Prina, Veneri, Bovera (ministres), Condalmer, ilssont
nommés sénateurs.
« Le sénateur de Brème est grand-cordon dllalie
ainsi que le ministre du culte. Yaccari est ministre
de l'intérieur; voilà mes premières nouvelles, quant
à la paix, elle est toujours en bon train; mais ces Au-
trichiens font chaque jour des nouvelles difficultés.
On a donné cette nuit dans toute l'armée l'ordre de
se préparer à rentrer en campagne; mais, entre nous
soit dit, c'est pour leur faire peur et hâter la paix.
Adieu.
« Dis àMelzi, de ma part, que j'ai fait nommer
Cléi ici comte; dis aussi à Annoni que Sa Majesté l'a
nommé comte; Yaccari, Bentivoglio, Erba, Friulzi
(le chambellan); Guerini (chambellan), Faznani, etc.,
sont comtes; Carsolti, Cicozna, Pino, Medici, Fos-
sati, etc., sont barons. Demain j'enverrai tous les
décrets. »
Eu &nn N e?' c< Sire, je m'empresse de rendre compte à Votre Ma-
9 Î509 bre jeslé que le général Peyri, après être entré à Trente de
L1V. XV. — 1809 — CORRESPONDANCE 81
vive force, le 29 septembre, s'est porté, avec 4,000
hommes, sur le Lavis, où l'ennemi s'était réfugié en
force avec 5 à 6,000 hommes. Le 2 octobre, le gé-
néral a attaqué ces insurgés dans leur position, les en
a débusqués, et les a mis dans une déroute complète.
Plus de 200 ont élé tués, et 1 50 environ faits pri-
sonniers; ils ont laissé, en outre, sur le champ de
bataille, une grande quantité de fusils. Le général
Peyri a repris, le lendemain, la position en deçà de
Lavis, parce qu'il n'a point d'ordre d'avancer au delà;
mais il a laissé des détachements de l'autre côté pour
observer et garder les positions. Aussitôt que les dé-
tails de cette affaire me seront parvenus, je m'em-
presserai de les mettre sous les yeux de Votre
Majesté. »
« Je m'empresse d'annoncer à Votre Altesse que, e«^m
sur les dernières nouvelles qui me sont parvenues «^fciiâtei,
du débarquement en Istrie, par les Anglais, d'une 10 ^ bre
cinquantaine de brigands, et de nouvelles fermenta-
tions ayant éclaté dans ce département, j'ai écrit sur-
k le-champ au général Baraguey-d'Hilliers pour lui
ordonner d'y envoyer une colonne mobile de 5 à
600 hommes, à la tête de laquelle il mettra un offi-
cier intelligent. La garnison de Trieste pourra facile-
ment fournir cette colonne, puisqu'elle est composée,
en ce moment, du 3 e bataillon du 22" léger et des
3 e et 4 e bataillons du 79 e de ligne. Je prie votre Altesse
de vouloir bien en rendre compte à Sa Majesté et
d'agréer, etc. »
M. 6
p
82 MÉMOIRES DU PRINCE EUGÈNE
Ei^.àNap. « Sire, la .position dans laquelle s'est trouvée en
4i im bre ' la ^ e l ,arm ^ e de Voire Majesté lors de la déclaration
de guerre par l'Autriche a obligé de prendre les
mesures les plus promptes pour assurer les subsis-
tances en tout genre, vu que les administrations de
l'armée n'avaient aucuns moyens à cet égard. En
conséquence les communes ont fourni, par réquisi-
tion, sauf payement. Votre Majesté sera facilement con-
vaincue que, vu la presse et vu l'ignorance des formes
administratives de la part des communes, la livrai-
son de ces denrées a eu lieu, peut-être même en sur-
abondance ; les pièces à l'appui seront généralement
irrégulières, c'est-à-dire dépourvues en partie des
formes d'obligation. Il s'ensuivrait donc que, dans
le travail de liquidation, on rejetterait les pièces in-
complètes, et que les particuliers ou propriétaires des
villes et des campagnes seraient ruinés. Pour remé-
dier à ces inconvénients, pour assurer les intérêts du
trésor impérial, mais cependant pour venir au secours
des communes du royaume qui ont nourri l'armée,
j'ai l'honneur de proposer à Votre Majesté le projet
de décret ci-joint. Par ce décret, on stipulera ce qui
peut être dû, en massé^pour les subsistances de l'ar-
mée; le trésor impérial en tiendra' compte au gou-
vernement italien, et celui-ci se chargera du travail
de répartition aux communes, répartition qui peut
alors être faite avec équité, quoique les documents
régulateurs soient incomplets. J'aurai de plus l'hon-
neur de faire observer à Votre Majfesté que c'est le
seul moyen d'assurer aux communes le juste rem-
boursement de leurs avances, et d'empêcher les
LIV. XV. — 1809 — CORRESPONDANCE 85
entrepreneurs et faiseurs d'affaires d'acheter les
créances à vil prix et *de faire leur fortune au dé-
triment des communes, qui, dans la crainte de ne
rien avoir, et dans l'ignorance des formules admi-
nistratives, abandonneront leurs droits à quelques
intrigants. »
«Je m'empresse de t' annoncer, ma bonne et très- Eugène
chère Auguste, que la paix vient d'être signée il y a rçu*.
deux heures; je l'en écrirai plus long par le premier u 4 ( £g bre
courrier, car j'ai à écrire cette heureuse nouvelle
dans beaucoup d'endroits. Tout à toi. »
« Sire, j'ai l'honneur de soumettre à Votre Ma- Eug.àNip.
jesté un état de proposition pour la Légion d'hon- « ^ rc
neur et pour la Couronne de fer. J'avais eu l'espoir
que Votre Majesté passerait en revue mon corps
d'armée et qu'elle daignerait alors accorder ces fa-
veurs, d'autant que la plus grande partie des décora-
tions accordées n'existent plus dans les corps, beau-
coup de militaires étant morts par suite de leurs
blessures. J'aurai l'honneur de faire observer de
plus à Votre Majesté que les demandes se bornent à
deux par bataillon et par régiments de cavalerie, et
quelques-unes pour l'état-major, ce qui, en totalité,
n'équivaudra pas encore à ce que Votre Majesté a
bien voulu accorder dans d'autres corps d'armée.
Le 22 e léger et le 79 e de ligne, qui sont les seuls qui,
par leur éloignement, n'aient pas eu part dans les fa-
veurs de Votre Majesté, sont présentés pour cinq déco-
rations par bataillon. »
84 MÉMOIRES DU PRINCE EUGÈNE
Eugène « Je t'ai annoncé hier la paix, ma très-chère Au-
à la vice- r
va»» g uste > lu dois déjà être débarrassée de toute nouvelle
l5 iw5 br * inquiétude et j'espère que ta santé y gagnera. Tu n'as
plus maintenant qu'à penser au bonheur de nous re-
voir, et, s'il est retardé momentanément, il ne peut
cependant plus être très-éloigné. J'ai reçu ce matin
de nouvelles instructions de l'Empereur; il part de-
main matin, mais il m'ordonne de rester à Vienne
jusqu'après les ratiGcations, et il me charge de pas-
ser la revue de plusieurs divisions; voilà donc un re-
tard de quelques jours. Il y aura ensuite le Tyrol à
pacifier, les nouveaux pays conquis à organiser, et Sa
Majesté rhe charge encore de cela; mais je t'assure
que je ferai vite; j'espère déjà que le 25 de ce mois
je serai à Klagenfurth, et je serai obligé d'y rester
quelques jours; au reste je t'informerai exactement
de ma marche; j'éprouve déjà un grand plaisir à pen-
ser que je vais me rapprocher de toi; j'ai écrit au
ministre du culte pour faire chanter partout le Te
Deum; tu feras bien d'en faire chanter un dans ta
chapelle. Si le temps devenait trop mauvais et que
tu ne puisses plus jouir de la campagne, je t'engage à
rentrer à Milan, ici il fait déjà un froid de chien. Tu
ne peux croire combien d'ordre j'ai à donner; pres-
que toutes mes troupes se mettront en mouvement
aussitôt la ratification arrivée. »
Eugène a L'Empereur est parti hier soir, ma très-chère
vfeiTne Auguste; je l'ai accompagné dans sa voilure jusqu'au
16 i«». brc premier relais. Il a été fort aimable pour moi et m'a
promis cle nous faire venir à Paris l'un des mois de
LIV. *V. - 1809 — CORRESPONDANCE 85
cet hiver. Il m'a dit de presser mon retour à Milan,
et tu penses bien si je le ferai de bon cœur; mais j'ai
une mission à remplir avant, et comme mes troupes
ne peuvent se mettre en mouvement qu'après la
ratification, je l'attends avec impatience; le prince
de Lichtenstein doit, dit-on, revenir demain.
« Nous avons aujourd'hui fait sauter les fortifica-
tions de Vienne: c'était un spectacle superbe. .. Je
compte être toujours à Milan vers le milieu de no-
vembre; je prendrai, il est vrai, la route la plus lon-
gue, mais je marcherai cependant toujours dans la
direction de Milan. Adieu , ma bonne Auguste, je
compte passer la journée de demain avec le prince
de Neufchâtel; nous parlerons tous deux du désir que
nous avons de rentrer dans nos ménages.
« P. S. J'ai déjà commencé aujourd'hui à em-
baller mes paperasses; tu auras reçu le décret qui
nomme quatre dames du palais. L'Empereur n'a pas
voulu accorder de démission et a voulu en avoir des
pays au delà du Pô. »
« J'ai commencé aujourd'hui mes revues, ma . E £**? e _
bonne Auguste, demain je fais le reste. On attend v ^ e
cette nuit les ratifications, et le courrier du comte de l7 iwS. bre
Bubna est déjà arrivé, aussi il ne me reste plus que
me3 ordres à donner et à coïncider mon départ avec
l'arrivée des troupes sur les nouvelles frontières. Quel
bonheur de me rapprocher de toi, et quel plus grand
quand je pourrai te serrer dans mes bras ! Adieu. »
ce Sire, je reçois à l'instant divers rapports de eujc*n»i>.
86 MÉMOIRES DU PRINCE EUGÈNE
t0 1 < gg bre Trente; je m'empresse de mettre sous les yeux de
Votre Majesté l'extrait de ces rapports, elle sera sans
doute satisfaite des résultats obtenus.
a Le 10 octobre, le général Peyri a fait attaquer
les positions des insurgés sur trois points; ils s'é-
taient approchés de Trente; partout ils ont été cul-
butés, et ils ont repassé le Lavis en désordre, avec
une perte d'environ 150 hommes et 28 prisonniers;
notre perte est de 2 tués et 18 blessés. Ce coup de
vigueur en a imposé à l'ennemi et a rassuré les ha-
bitants : le résultat est d'occuper Monte di Vacca,
Pergine et toutes les hauteurs de la rive gauche de
l'Adige jusqu'au Lavis; les Tyroliens occupaient en-
core la rive droite.
« Le 12 octobre, on a rétabli le pont sur l'Adige ;
les insurgés ont abandonné la position de Bocca di
Vélo, et, de cette manière, la droite du fleuve, à la
hauteur de Trente, est tout à fait libre. Les brigands
paraissent vouloir se réunir à Mori. On combine, de
Trente et de Vérone, une expédition sur ce point.
« La route de Bassano est libre et éclairée par
Pergine. Les insurgés étaient à Salerne, et le général
Peyri était à Lavis. Le général Caffarelli était à Vé-
rone avec le général Vial; la division est abondam-
ment pourvue de vivres et de munitions.
« Le 13 octobre, on a poussé des reconnaissances
à deux lieues de Lavis; l'ennemi est à Salerno. Le
général Vial est arrivé à Trente; ainsi le 13 du cou-
rant on occupait les positions ordonnées par Votre
M ajesté. Le général Peyri allait quitter Lavis pour se
rendre à Bellune, à l'effet d'y prendre le comman-
LIV. XV. - 180» - CORRESPONDANCE 87
dément d'une colonne mobile; il est remplacé par le
général Digonet.
à Je dois faire connaître à Yotre Majesté la con-
duite d'un curé, qui, le 13 octobre, a réuni les ha-
bitants de son village, et a fait prisonniers 50 bri-
gands, qu'il a consignés au commandant de Rovéredo.
J'ai r honneur d'adresser à Votre Majesté la situation,
au 14 octobre, de la division qui est dans le Tyrol.
On attendait encore le 15 quatre compagnies du 81 e
régiment : le reste des troupes était à Vérone, Bel-
lune, etc.
« Les ratifications de la paix viennent d'arriver;
j'attends d'en recevoir l'avis officiel du major géné-
ral pour m'entendre avec lui pour l'exécution des
ordres renfermés dans les instructions que Voire
Majesté a bien voulu me donner. »
« La ratification est effectivement arrivée hier, Eugène
ma tres-chère Auguste, et, un quart d heure après, «gjjj;
j'ai expédié les ordres de mouvement d'une partie * i 1 ^ bw
de mes troupes. Je pars après-demain matin pour au so,p *
Klagenfurth par Gratz, et me rendrai peu après à
Villach. L'Empereur m'a chargé de pacifier le Ty-
rol, et j'espère que je m'en tirerai bien et prompte-
ment... Adieu.»
ce Sire, j'ai l'honneur de soumettre à Votre Ma- eu. à N«p.
jesté un projet de décret pour la levée de la con- « oaobVe
scription de 1810 dans les vingt-cinq départements
composant son royaume d'Italie, compris l'Istrie et
la Dalmatie.
88 MÉMOIRES DU PRINCE EUGÈNE
« J'ai porté le contingent à 12,000 hommes,
comme pour l'année 1809, dont 6,000 pour l'armée
active, et 6,000 pour la réserve. Aussitôt que Votre
Majesté aura daigné me faire connaître ses inten-
tions, je m'empresserai de donner les ordres de dé-
tail pour en assurer la prompte exécution. »
ikmUft, « Sire, je m'empresse d'annoncer à Votre Ma-
octobre j esl £ fflon arr j v é e ce( ^ e nu j t j Klagenfurth ; demain
je me rendrai à Villach. Les 2 divisions du maréchal
Macdonald n'y arrivent qu'après-demain et jours
suivants; mais, comme la division italienne est déjà
partie à Villach et partie à Spital, je vais la réunir
dans ce premier endroit, où j'irai la passer en revue.
J'ai déjà envoyé au général Rusca une grande quan-
tité de proclamations, et ce général me mande qu'il
en espère un bon effet.
« Les nouvelles du Tyrol sont de toutes parts as-
sez satisfaisantes. Le général Drouet a fait attaquer
Rattemberg par la division de Breda ; il a éprouvé
peu de résistance, et je ne doute pas qu'il ne soit ar-
rivé en ce moment à Inspruck. Je lui ai ordonné de
ne pas dépasser cette ville jusqu'à ce qu'on soit en
mesure sur les autres points, et je lui ai recom-
mandé de s'occuper du désarmement de toute la
ville de Lientz.
« Le général Vial me mande, du 24, qu'il avait
nettoyé les rives de l'Àdige jusqu'au delà de Trente,
et que les brigands, au nombre de 5 à 6,000, occu-
paient les hauteurs de la rive droite du Lavis. Ce
général a reçu l'ordre de ne commencer son mouve-
L1V. XV. — 1800 — CORRESPONDANCE 89
vcment que le 1 er du mois, de manière à arriver à .
Botzen lorsque ces colonnes-ci arriveront à Brixen.
« Du côté de Lientz, les brigands sont un peu plus
audacieux. Le 24, environ 3 ou 4,000 hommes
s'approchèrent polir cerner le fort de Sachsenburg.
Le colonel Moroni marcha de suite à eux avec ses
bataillons dalmates; il les dispersa dans l'instant,
après en avoir tué une cinquantaine et pris une pièce
de 6. Il est passé hier à Villach un officier venant
du quartier général du prince Jean, se rendant dans
leTyrol avec des lettres ouvertes qui annonçaient aux
insurgés tyroliens que la maison d'Autriche avait fait
paix avec la France, que la plus parfaite harmonie
allait régner entre ces deux puissances, et qu'on les
en prévenait afin qu'ils eussent à rentrer dans l'or-
dre. Le passe-port de cet officier avait été visé à
Gralz par le maréchal Macdonald. Je ne pense pas,
d'après cela, qu'ils persistent davantage à rester sous
les armes.
« Il paraît, d'après les rapports du général Bara-
gdey-d'Hilliers, qu'un soulèvement général dans les
provinces de Carniole et de Carinthie avait été fo-
menté par la maison d'Autriche. Il a commencé sé-
rieusement dans plusieurs communes de la Carniole,
et, le même jour, dans dix communes différentes,
nos postes ont été surpris et assassinés. Le général
Baraguey-d'Hilliers y a fait marcher de suite le 1 er de
ligne italien, et les exemples les plus sévères ont
tout fait rentrer dans Tordre. Trois villages ont été
livrés aux flammes; plusieurs habitants, pris les ar-
mes à la main, fusillés sur-le-champ, et la maison
90 MÉMOIRES DU PRINCE EUGÈNE
d'un Anglais, établi là depuis plusieurs années, qui
paraît avoir été le boute-feu de cette affaire, a été
tellement saccagée, qu'il n'en est pas resté pierre
sur pierre. »
E«g*n« « Me voici arrivé à Klagenfurlh, ma chère Au-
RiagMfSrth g uste î j'y reste encore jusqu'à demain, parce que
^SSt* ' es troupes que je dois diriger vers le Tyrol n'arrivent
au matin. q U ' a p r ès-demain à Villach. Je ne pense pas qu'il
sera nécessaire que j'aille moi -même dans le Tyrol;
car, quand la paix y sera bien connue, j'espère
qu'ils se rendront à la raison et que nous n'aurons
pas besoin de la force; dans tous les cas, la réussite
est certaine. L'Empereur amis à ma disposition trois
divisions de mon armée, la division qui est à Trente
et les trois divisions bavaroises qui sont à Schles-
bourg et qui ont déjà commencé leur mouvement
suMnspruck. J'aime à croire que je ne ferai pas es-
sai de toutes ces forces. Je ne suis plus qu'à deux
journées de toi, ma bonne amie, et mon plus grand
espoir est d'en être encore bien plus rapproché
bientôt. Adieu. »
à b^u!!» c< ^ e re 5°^ s * l'instant la lettre de Votre Altesse du
m octobre 26, qui m'annonce la conclusion de la convention
militaire; j'en recevrai probablement demain copie;
mais, d'après ce que Votre Altesse m'en dit, mes
troupes seront en mesure pour entrer à Fiume le
14 novembre, car le 1 I e corps arrive à Laybach le 6.
Gomme il n'est point encore nommé de commissaire
de notre part pour la prise de possession de la Croa-
1809.
LIV. XV. — 1809 — CORKESPONDANCË 91
lie, et que le maréchal Marmont est absent, je dési-
rerais que Votre Altesse me fît connaître ses inten-
tions à ce sujet. Ne pourrait-on pas charger le
général Guilleminot 1 de cette commission, puis-
qu'il a déjà celle de marquer les nouvelles limites?
« Je pars aujourd'hui même pour Spital et Sach-
senburg, où je compte passer en revue la division
italienne et la mettre de suite en mouvement pour
Lientz. »
« Sire, ainsi que j'avais eu l'honneur de l'annoncer ^^p-
à Votre Majesté, j'ai établi hier mon quartier gé- *$$?*
néral à Villach. La division Barbou arrive ce soir
ici, et dès demain les troupes se mettront en mar-
che pour le Tyrol. J'ai formé une avant-garde de
deux bataillons français de 60 chasseurs, 2 pièces
d'artillerie, et je l'ai confiée au général Rusca. Je
me suis occupé jusqu'à ce moment de la confection
du biscuit et d'en réunir ici et à Spital. La compa-
gnie des transports militaires qui était en réserve,
et que j'ai fait partir d'Œdenburg, arrivera ici après-
demain, et nous sera d'une grande utilité. Le géné-
ral Rusca assure que les Tyroliens sont réellement
dans l'intention de poser les armes. Je ne me fierai
cependant à leurs protestations qu'autant qu'ils me
prouveront, en m'apportant toutes leurs armes,
qu'ils y mettent, cette fois, de la sincérité.
« Suivant les intentions de Votre Majesté, je con-
fierai le commandement du Tyrol, dans le cas où il
1 Le général Guilleminot avait remplacé le général Vignolle, après
h blessure de ce dernier h Wagram.
92 MÉMOIRES DU PRINCE EUGÊKE
se soumettrait, au général Baraguey-d'Hilliers jus-
qu'à de nouveaux ordres de Votre Majesté. Je lais-
serai les Bavarois commander à Inspruck et dans la
vallée de l'Inn.
« Le général Baraguey-d'Hilliers, qui comman-
derait depuis le Brenner jusqu'à Rovéredo , aurait
sous ses ordres trois divisions, y compris celle du
général Vial, et je laisserai alors la division Brous-
sier à Villach et Klagenfurlh, jusqu'à ce que les trou-
pes qui sont en Hongrie se soient repliées sur l'Ita-
lie. Le prince de Neufchâtel m'écrit, du 26, que la
convention militaire a été enfin signée; il m'en an-
nonce une copie, et me prévient, en attendant, que
c'est le 14 novembre que les Autrichiens doivent
nous remettre Fiume ; je serai parfaitement en me-
sure de' ce côté, puisque le 11 9 corps arrive, les 5 et
6, à La y ba ch ? et qu'ils pourront facilement, à petites
marches, et avec ordre, occuper toute la Croatie, du
14 au 20. Dans le cas où quelques troubles se ma-
nifesteraient en Croatie, au moment de l'entrée de
ces troupes, je compte faire soutenir le 1 I e corps par
une des divisions du général Grenier qui, au mo-
ment de l'évacuation de la Hongrie, doivent se porter
à Gralz et Marburg.
« M. Dauchy arrive à l'instant à Villach ; je vais
le voir dans une heure, et m'occuper de l'exécution
des ordres de Votre Majesté, en ce qui concerne l'ad-
ministration financière des nouveaux pays. Je pren-
drai même, pour la partie administrative et judi-
ciaire, un arrêté provisoire qui confirme, pour le
moment, l'organisation actuelle, afin que les cho-
. MV. XV. - 180» — CORRESPONDANCE 93
ses puissent marcher jusqu'à ce qu'il plaise à Voire
Majesté de me faire connaître ses volontés sur l'or-
ganisation de ce pays. »
« Je compte partir cette nuit pour Spital, ma Eugène
bonne Auguste, où je vais passer en revue la division ™™ h
italienne. Je la mettrai en marche après pour le tt 1 ^ # bre
Tyrol. Mes dernières nouvelles de ce pays sont assez
satisfaisantes. Le 24, ils sont, il est vrai, venus encore
attaquer mes premiers postes; mais ils ignoraient
réellement encore la paix et ma proclamation. J'ai
la certitude aujourd'hui qu'ils sont effrayés des suites
que peut avoir pour eux leur obstination, et je pense
qu'ils rentrent dans l'ordre. Les Bavarois marchent
sur Inspruck, ils sont déjà, à Rothenbourg, et Louis
(prince royal de Bavière) est avec sa division à Saint-
Johenn. Si l'expédition a lieu, nous le verrions dans
huit à dix jours sur le Brenner. Nos lettres ne met-
tent plus que deux jours pour nous parvenir, je n'en
mettrai que deux et demi pour te rejoindre, et es-
père bientôt faire cet essai. Il vaut mieux que tu
restes à m'attendre. Si je ne pouvais de quelque
temps aller à Milan, je chercherai et t'indiquerai le
moyen de nous voir. »
« Au moment de partir pour Spital, je t'adresse, Eugène
ma bonne amie, l'écuyer Allemagne; tu pourras lui Y [jj» n «-
faire reprendre son service, car je n'ai plus besoin ^^^
de lui, Ciani et Bellisoni me suffisent. Je ne pourrai *■ imUo '
probablement t'écrire ni demain ni après-demain,
parce que je vais passer mes revues et tout préparer
94 MÉMOIRES DU PRINCE EUGÈNE-
pour l'expédition du Tyrol, s'ils sont assez insensés
pour persister dans leur rébellion. »
Eo fp*aî i r P " « Sire, j'ai l'honneur de rendre compte à Votre
30 oclobfê ir * » i ' î j • • •
1809. Majesté que je suis venu passer en revue la division
italienne, et visiter le fort de Sachsenburg. Demain
cette division se. met en marche sur Grafenbourg. Je
dois annoncer à Votre Majesté que plusieurs lettres
ont déjà été écrites aux généraux Rusca et Baraguey-
d'Hilliers par les habitants du Pusterthal, pour de-
mander: 1° une trêve de quatorze jours à l'effet de
pouvoir s'entendre ; 2° la permission d'envoyer des
députés à mon quartier général pour implorer ma
générosité. J'ai fait répondre par le général Bara-
guey-d'Hilliers que je ne pouvais accorder de trêve
à -des rebelles; que, quant aux députés, je les rece-
vrais, mais seulement dans le cas où ils viendraient
m'annoncer que leurs concitoyens sont rentrés dans
le devoir, et m'apportent leurs armes. J'attends
donc, demain matin, ces députés du Pusterthal, et
je ne doute pas que cet exemple ne soit suivi par
beaucoup d'autres vallées. Ce matin, la vallée de
Mokhall, dans la haute Carinthie, qui ne fait pas par-
tie, il est vrai, du Tyrol, mais qui avait pris les ar-
mes à son exemple, est venue les déposer ici.
a J'ai reçu la convention militaire que le prince
de Neûfchâtel m'a envoyée; j'ai donné, en consé-
quence, au maréchal Macdonald, pour ce qui le
concerne, et je vais rédiger, pour la marche du
11 corps, une instruction détaillée, en exécution de
ladite convention. J'aurai un officier de mon état-
LIV. XV. — 180» — CORRESPONDANCE 95
major à Fiume, qui portera aux maréchaux Davoust
et Macdonald l'occupation de cette place. »
« Sire, ainsi que j'ai eu l'honneur d'en prévenir u foù£* m
Votre Majesté, j'ai reçu aujourd'hui les députés de **$&!*
l'arrondissement de Lientz ; ces gens ne sont pas
faciles à persuader; ils se résumaient toujours à de-
mander une trêve de quinze jours, afin d'obtenir la
signature de l'empereur d'Autriche qui , les ayant
portes à prendre les armes, doit les aider à sortir
d'embarras lors de la paix. J'ai rejeté positivement
leur demande, leur répétant, de vive voix, ce qui
est dans ma proclamation, les engageant à mettre
bas les armes, et à rentrer ainsi dans le devoir, à
mériter par là la protection de Votre Majesté en s'en
remettant à sa générosité. Je les ai prévenus que les
ordres de Votre Majesté portaient d'occuper le Tyrol,
que je ne pouvais pas retarder la marche des troupes,
mais que j'avais ordonné à tous les généraux et chefs
de colonnes de protéger les gens paisibles, de faire
respecter les propriétés, et que je n'entrais pas en
ennemi, à moins qu'eux-mêmes n'opposassent de l'a
résistance; que, dans ce cas, ils attireraient sur leurs
familles et leur pays tous les maux inévitables de la*
guerre; les députés sentaient mes raisons, et quelques-
uns en paraissaient frappés; ils m'ont ajouté qu'ils
ne pouvaient parler que pour leur arrondissement,
ignorant même si les autres vallées étaient prévenues,
et qu'ils avaient au milieu d'eux des étrangers dont
ils ne pouvaient répondre. Ces députés sont repartis
pour Lientz, me promettant de rendre exactement à
96 MÉMOIRES DU PRINCE EUGÈNE
leurs concitoyens ce que je venais de leur dire.
« Les troupes continuent toujours leur mouve-
ment; la tête arrive aujourd'hui à Oberdanbourg, et
demain à Lientz. Ce sera par notre entrée dans cette
dernière ville que Ton pourra juger de la tournure
que prendront les affaires. En attendant, je crois
* pouvoir assurer à Votre Majesté que, tant d'après le
bruit général que d'après ce qu'ont dit les députés,
il ne sera pas possible de ramener les habitants du
Tyrol tant qu'ils auront la crainte de devenir Bava-
rois; ils disent ouvertement que ceux-ci les ont trom-
pés, et qu'ils préfèrent périr jusqu'au dernier plutôt
que de vivre sous leur domination. Votre Majesté ne
m'ayant pas fait connaître ce qu'elle avait arrangea
Munich avec le roi de Bavière à ce sujet, j'évite soi-
gneusement tout ce qui peut y avoir rapport. Le gé-
néral Drouet m'écrit de Hall qu'il a ses avant-postes
à Inspruck, et il paraît que les insurgés se sont retirés
sur les hauteurs près de la ville. Le général Drouet
s'accorde à dire que les Bavarois éprouvent, plus
qu'aucune autre troupe, une résistance opiniâtre de
la part de ces fanatiques. »
Eog*!» . « J'ai reçu hier, ,comme je revenais de Sachsen-
si S Sl£bre kurg, l'officier de l'état-major de Votre Altesse, qui
était porteur de la convention militaire. Je donne,
en conséquence, aujourd'hui même, les ordres au
général Macdonald pour mettre en mouvement, le
20 novembre, les troupes qu'il a en Hongrie, pour
occuper la nouvelle ligne; c'est-à-dire, sa gauche à
Neustadt et sa droite en avant de Petau. Votre Altesse
1809.
LIV. XV. — 1809 - CORRESPONDANCE 97
voudra bien alors prévenir le maréchal Davout que
les troupes de l'armée d'Italie occuperont toujours
Neustadt.
« Je vais m'oôcuper de suite à rédiger l'instruc-
tion pour la marche du corps qui doit prendre pos-
session de la Croatie. Je ferai marcher, avec ce
corps, un officier de mon état-major, qui recevra
l'ordre de partir aussitôt après l'occupation de Fiume
pour en prévenir MM. les maréchaux Davout et Mac-
donald.
« J'annonce avec plaisir à Votre Altesse que les
affaires du Tyrol ont l'air de prendre une tournure
favorable. Les habitants du Pusterthal doivent m'en-
voyer des députés que j'attends d'un moment à
l'autre. Je m'empresserai de lui faire connaître le
résultat. »
« Je m'empresse, monsieur le ministre comte ê *ËJgi n
d'Hunebourg, de reprendre avec vous la correspon- de &££**'
dance et les rapports qui n'avaient été rompus que iâ ' ÎSS™ 1 *"
par la réunion de l'armée d'Italie avec la grande ar-
mée. D'après les intentions de Sa Majesté, j'ai porté
mon quartier général à Villach, pour de là être à
même de diriger les mouvements rétrogrades des
troupes, en vertu de la convention militaire; pour
veiller à la prise de possession de la Croatie et du lit-
toral ; pour procéder à l'organisation des nouvelles
provinces; et enfin pour terminer les affaires du Ty-
rol, soit avec des paroles de paix, soit par la force.
« Le maréchal Macdonald, avec les deux divisions
d'infanterie que commande le général Grenier, avec
vi. 7
98 MÉMOIRES DU PRINCE EUGÈNE
les deux divisions de dragons et la 9* brigade de ca-
valerie légère, est chargé de l'évacuation de la Hon-
grie et de la Styrie, aux époques et de la manière
déterminées par la convention militaire.
« Le ll ê corps, composé des divisions Clauzel et
Claparède et des 1 4 # , 1 9* et 25* de chasseurs à cheval ,
se dirige sur Laybach, où il arrive le 6 novembre, et
est chargé de la prise de possession de Fiqme, du
littoral et de la Croatie, en suivant exactement les
marches prescrites par la convention militaire ; enfin,
j'ai dirigé sur le Tyrol la division italienne et les
2 divisions qui étaient à Gratz sous les ordres du gé-
néral Macdonald, ainsi que la 10 e brigade de la cava-
lerie légère. De cette manière j'agis contre le Tyrol
par la vallée de la Drave avec les troupes ci-dessus et
la garde royale; par la vallée de l'Adige avec les
troupes aux ordres du général Vial, fortes de 5 à
6,000 hommes; et par la vallée de l'Inn avec les
3 divisions bavaroises commandées par le général
Drouet, que Sa Majesté a bien voulu mettre sous mes
prdres.
« J'ai été visiter hier le fort de Sachsemburg et
passer en revue les divisions Sévéroli et Seras, que
j'ai mises sous les ordres du général Baraguey-d'Hil-
liers (le général Seras ayant reçu un congé de conva-
lescence, le général Barbou le remplace provisoire-
ment).
« J'ai reçu hier les députés du Pusterthal ; ils vou-
laient absolument que je leur accordasse une trêve
de quinze jours, afin d'avoir pendant ce temps la
signature de l'empereur d'Autriche. Gomme vous
UV. XV. - 1809 -CORRESPONDANCE 99
pouvez le penser, j'ai rejeté de pareilles demandes.
Je leur ai répété de vive voix ce que je leur avais
écrit, que mes troupes respecteraient et les proprié-
tés et les habitants paisibles, mais qu'elles traiteraient
avec la dernière rigueur ceux qui ne profiteraient
pas du pardon que leur accorde Sa Majesté l'Empe-
reur et roi.
« Mon avant-garde sera aujourd'hui à Oberden-
burg, et demain à Lienz. Je ne pourrai savoir qu'a-
près-demain si je devrai faire agir sérieusement les
troupes que Sa Majesté a bien voulu mettre sous mes
ordres. Je vous informerai exactement de la suite des
opérations. »
« Je suis revenu cette nuit du fort de Sachsem- à^ 8 ^-
burg, ma très-chère Auguste ; je suis un peu fati- vmX,
gué, et je ne puis pas t'écrire longuement, car j'ai uk»?
beaucoup de travail ce matin : j'ai dans ce moment
des ordres à donner depuis Raab jusqu'en Tyrol, et
depuis Fiume jusqu'à Àncône : tu vois que voilà de '
la besogne. C'est énorme, ce qu'il y a de détails pour
faire évacuer et retourner tant de monde ; et puis il
y a aussi la prise de possession de la Croatie et l'ex-
pédition du Tyrol : j'en ai par-dessus les oreilles. »
a J'ai reçu cette nuit, ma chère Auguste, de bon- | E Û^S-
nes nouvelles du Tyrol. Le général Baraguey-d'Hil- vmïSi,
liers m'annonce qu'il espère entrer ce matin à Lienz * °î£S! bn ~
sans coup férir. Je m'empresse d'annoncer cette nou-
velle à l'Empereur , afin de hâter le plus possible
mon retour à Milan. Tu ne peux te figurer combien
IOIBES DU PRIME BUCÊNE
aussade et ennuyeux. J'ai travaillé hier
se; j'ai passé une demi-heure de la soi-
nessieurs, et ils bâillaient tous du plus
ai fait une partie d'échecs avec Triaire,
ouché à onze heures, très-im patienté
lauvais temps, de mes occupations, et
er si longtemps éloigné de toi. »
l'honneur d'annoncer à Votre Ma-
ie nos premières troupes à Liens. Il
s le rapport du général Baraguey-
les compagnies de Tyroliens armés
mment retirées à l'approche de nos
l'ont point encore consenti à déposer
i recommandé au général Baraguey-
ployer tous ses moyens pour parvenir
. J'informe le général Vial de tout ce
i, afin qu'il règle sa marche en con-
îs qui s'étaient élevés en Carniole et
presque totalement terminés. Une
lilaire établie à Trieste vient de Taire
des principaux chefs qui ont été arré-
ivé parmi eux un émigré français au
riche, qui paraissait soldé par l'An-
>menter le trouble en Islrie. »
sté a daigné conférer des titres et des
généraux de son armée italienne. Je
le réclamer ses bontés en faveur des
rigade Viani , Bcrtolelti et Polfran-
L1V. XV. - 1809 — COMIESPONDÀNCE 101
ceschi, qui ont été omis sur la liste de présentation.
Ces généraux ont toujours bien servi, et je crois
pouvoir assurer à Votre Majesté qu'ils méritent
d'être récompensés à l'égal des autres. »
« Sire, j'ai l'honneur de prévenir Votre Majesté E ^Ji£S^*
que, d'après les comptes que me rend le minisire 3 "?S8! bw
de la guerre d'Italie, j'ai vu un déficit' de 800,000
francs sur la marine de Venise pour solde arriérée ;
j'ai vu en même temps que les travaux de construc-
tion des vaisseaux et frégates ont été extrêmement
ralentis. Le tout provient de ce qu'à l'ouverture de
la campagne et. pendant la guerre il y avait peu de
troupes à Venise, et l'on s'est occupé de la défense
de cette ville en armant une foule de petits bâti-
ments et embarcations dont on a hérissé les passes
et les lagunes, ce qui a employé tous les ouvriers et
marins, et a consommé les fonds de construction et
de solde. Ces mesures étaient sans doute nécessaires
pen.lant la campagne, mais actuellement que nous
avons la paix, que les troupes sont rentrées, et sur-
tout vu la saison, je viens d'ordonner le désarme-
ment de toutes les pirogues et petites embarcations,
qui vont rentrer à l'abri à l'arsenal ; les marins qui
les montaient vont être employés à compléter les
équipages des bâtiments français et italiens, et les
travaux vont reprendre leur cours ordinaire. Je sai-
sirai cette circonstance pour me permettre de faire
observer à Votre Majesté qu'il serait nécessaire
qu'elle daignât rapporter son décret de mise en état
de siège des places de son royaume, surtout pour
Venise et Mantoue.
102 MÉMOIRES DU PRINCE EUGÈNE
« Au reste, par tous les rapports que je reçois, je
vois combien il est indispensable que j'aille moi-
même remettre Tordre dans toutes les parties. »
à feShter tt ^ e m'empresse d'annoncer à Votre Altesse que
3 no^mb* l'avant-garde des troupes aux ordres du général Ba-
1809< raguey-d'Qilliers est entrée hier matin à Lienz sans
rencontrer aucun obstacle. Cependant les différentes
compagnies d'insurgés qui se sont retirées dans les
montagnes à l'approche de nos tfoupes n'ont point
encore voulu déposer les armes. J'ai recommandé
au général Baraguey-d'Hilliers d'employer tous ses
moyens de persuasion avant d'en venir à employer
la force.
« Ce sera la dernière lettre que j'écrirai à Votre
Altesse, puisque le dernier officier d'état-major venu
de Vienne m'a assuré qu'elle partait le 4 ou le 5 pour
Paris. Je souhaite à Votre Altesse un prompt et bon
voyage; je lui demande la continuation de son
amitié. »
viiiach a S' re » J e m'empresse de rendre compte à Votre
4n ïïïï! brfl Majesté que nos troupes sont arrivées hier à Sillian
sans obstacle; elles entreront demain à Prunecken.
Les habitants ont très-bien reçu nos troupes, et un
grand nombre ont déjà déposé les armes. Ceux de la
montagne rentrent dans leurs cabanes, et, comme
je l'ai marqué à Votre Majesté, j'ai ordonné au gé-
néral Baraguey-d'Hilliers et au général Vial d'orga-
niser quelques colonnes mobiles pour éclairer leurs
flancs et leurs derrières et pour les désarmer sans
bruit. La colonne du général Rusca, qui a passé par
LIV. XV. — 1809 — CORRESPONDANCE 103
la vallée du Gail, avait tire quelques coups de fusil
et allait engager une affaire au moment où un de
mes officiers est arrivé pour lui renouveler mes in-
structions d'employer les voies de persuasion. Les
insurgés tenaient une position à Saint-Léonard, où
il aurait fallu perdre une centaine d'hommes. Il en-
voya vers eux pour leur dire qu'on ne voulait point
la guerre, qu'on ne leur ferait rien s'ils rendraient
chez eux et s'ils se tenaient tranquilles. Ils se sont
dispersés à l'instant. Je fais partir la division Brous-
sier pour occuper les positions de Lienz, Sachsenburg
et Spital. »
« Sire, j'ai l'honneur d'annoncer à Voire Majesté Eu ^£ c ^
que ses troupes sont entrées hier à Prunecken : elles 5 a ?^ re
ont été partout bien reçues. Le général Baraguey-
d'Hilliers me mande qu'une grande partie des habi-
tants rentre dans ses foyers, et qu'une petite partie
se replie en armes dans le foyer de l'insurrection,
c'est-à-dire Brixen et Sterzing.
« Le général Drouet a eu .des avantages assez im-
portants sur les insurgés qui ont attaqué les Bava-
rois, et ceux-ci ont repris de suite l'offensive et se
sont emparés des hauteurs d'inspruck. Le. prince
royal et le général Wrède étaient, dans cette affaire,
à la tête des troupes.
« Le général Vial me mandait, du 2, qu'afin d'as-
surer sa marche sur Botzen, il ferait enlever la po-
sition de Cimbra, si les insurgés continuaient à la
tenir. Le 2 au soir même, il avait reçu d'eux un
parlementaire qui lui annonçait, de la part de 6 à
104 MÉMOIRES DU PRINCE EUGÈNE
8,000 hommes qui étaient en face de lui, qu'ils dé-
poseraient volontiers les armes s'il voulait leur per-
mettre de ne plus retourner sous les lois de la Ba-
vière, et s'il leur donnait l'assurance d'être Français
ou Italiens : ce sont leurs propres termes. Comme
le général Vial ne pouvait, bien entendu, entrer en
semblable matière, il était en pourparlers pour tâ-
cher 'de les persuader de déposer les armes.
« Je dois avouer à Votre Majesté que cette expédi-
tion du Tyrol me cause infiniment de tracas. Les Ba-
varois (et particulièrement à Munich)~ont été offen-
sés de ma proclamation ; le roi même m* en a écrit 1 .
Je crois devoir mettre sous les yeux de Votre Majesté
la réponse que j'ai faite au roi à ce sujet. Je n'ai dit
dans ma proclamation que ce que Votre Majesté m'a-
vait ordonné, dans mes instructions, de dire, c'est-
à-dire que je désignerais des commissaires pour en-
tendre leurs plaintes lorsqu'ils auront déposé les
armes. Votre Majesté lèverait facilement toutes ces
difficultés si elle décidait promptement la question
du Tyrol par un arrangement quelconque avec le roi
de Bavière, soit en faisant du Tyrol un État indépen-
dant, spit en le partageant entre la Bavière et le
royaume d'Italie. Mais ce que je puis certifier, c'est
la répugnance invincible que j'ai remarquée dans
tous contre la Bavière.
<c Au moment où je terminais ma lettre, il est arrivé
deux députes envoyés par Hoffer. Ils m'ont répété mol
à mot ce que j'ai déjà eu l'honneur de marquer à Votre
4 Voir au texte du livre suivant.
LIV. XV. — 1809 - CORRESPONDANCE 105
Majesté. Ils m'ont apporté une lettre signée de douze
chefs que j'envoie en original à Votre Majesté, et qui
confirme tout ce que j'ai eu l'honneur de lui dire.
« Je renvoie, cette nuit même, les deux députés,
qui ont absolument voulu rapporter un écrit de moi,
et cet écrit ne renferme que l'ordre de déposer les
armes et l'assurance qu'on ne fera aucun mal aux
habitants qui rentreront paisiblement dans leurs
foyers, et qu'à ce prix-là seul ils obtiendront la pro-
tection de Votre Majesté.
« J'ai également remis à ces deux députés une
douzaine de passe-ports pour Hoffer et sa suite, qui
paraît vouloir venir me trouver. Je prévois d'avance
qu'ils demanderont à faire une députation à Votre
Majesté. Je ne l'accorderai sûrement pas avant d'avoir
reçu ses ordres, mais je la prie de nouveau et in-
stamment de vouloir bien me donner ses ordres à ce
sujet. »
« C'est aujourd'hui la Saint-Hubert, ma très-chère i^jgjj.
Auguste; il y a un an que nous passions ensemble vnadi,
une charmante matinée à la villa Augusta. Ici non- 5n fjg£ bre
seulement nous ne chassons pas de gibier aujour-
d'hui, mais nous avons une peine infinie à chasser
l'ennui qui nous talonne; je dis nous, car je vois tous
ces messieurs bâiller matin et soir, et, si ce n'était
mon travail de dix ou douze heures par jour, je ferais
comme eux.
« Je n'ai pas encore reçu ce matin mon courrier
de Lienz : si les Tyroliens s'apaisent J'espère que je
ne resterai pas longtemps ici.
106 MEMOIRES DU PRINCE EUGÈNE
« Tu es libre de rester à Ifonza ou à Milan, comme
il te conviendra le mieux ; je t'engage pourtant à pro-
fiter de la campagne, tant que la saison te le permet-
tra, bien entendu que tu m'écriras lorsque tu pren-
dras le parti de rentrer en ville ; tu peux écrire à ton
cousin de venir vers la fin du mois. Il me tarde
bien de l'embrasser, ainsi que nos deux petits choux;
en attendant ce bonheur, je vous envoie pour tous
. trois un million de baisers. »
i% 8 tr£- a J' a * ea du chagrin cette nuit, ma bonne et chère
vuuS, Auguste, et, tu sais que je n'ai rien de caché pour
5 ™™£ bre to ^ — vo i c j j e f a jt . tu auras p eu t.être lu ma pro-
clamation aux Tyroliens. J'ose direqu'elle était bonne,
puisque j'en vois déjà les effets, et qu'à mesure que
mes troupes avancent les habitants rentrent dans
leurs foyers. Tu me connais assez pour savoir que
dans cette proclamation je n'y ai mis que ce que j'a-
vais Tordre d'y mettre. Il y a eu des phrases qui ont
déplu au roi, et il m'a écrit la lettre dont je t'envoie
copie ; j'étais très-peiné, et je lui ai répondu ce ma-
tin la lettre dont je j oins aussi la copie : je m'en
rapporte à ton jugement. Il est inutile que tu parles
de cela à personne, mais j'avoue que j'ai été bien
fâché que le roi rendît si peu de justice à mon ca-
ractère.
« 11 est trompé indignement, quand on lui dit
qu'on lui ramènera ce pays par la force : il y perdrait
ses plus braves soldats. Il a donc fallu employer la
douceur, et je ne pense pas que la dignité d'un sou-
verain soit offensée pour entendre et recueillir les
LIV. XV. — 1809 — CORRESPONDANCE 107
plaintes d'un peuple, après, toutefois (ainsi que je
l'ai dit), que ce peuple est rentré dans Tordre, et a
déposé les armes. Je maudis mille fois cette mission !
fl n'y a ni honneur ni gloire à réussir, et il n'y a que
de la honte, si les affaires tournent mal.
« Adieu, ma bonne Auguste; toi et mes enfants
faites seuls ma consolation au monde. II y a un siè-
cle que je n'ai écrit à l'Impératrice ni à ma sœur,
mais je n'en ai pas en conscience le temps, donne-
leur, je te prie, de mes nouvelles. »
«Sire, j'ai eu l'honneur de présenter hier à Votre *%££*
Majesté la letlçe en langue française que les envoyés n î58! ™
des chefs tyroliens m'avaient apportée. Us m'en
avaient remis au même instant une autre, écrite en
langue allemande, que je n'avais pu lire tout de suite.
Celle-ci est du commandant en chef Hoiïer. Je l'ai
fait traduire, et je m'empresse d'en mettre la traduc-
tion sous les- yeux de Votre Majesté. »
« Mon Ois, je reçois votre lettre du 30 octobre. Fonuioeî'
Aussitôt que vos affaires du Tyrol seront finies, il me i novembre
tarde d'apprendre que vous soyez arrivé à Milan. »
«J'ai reçu cette nuit de bonnes nouvelles du Ty- à B u 8 vfc£-
roi. Le désarmement s'opère avec assez de tranquil- vmTch,
i • 9 ci i -îi i ' «©membre
uté. Sur quelques points de la montagne nos sol- im
dats ont été reçus avec des coups de fusil; mais,
d'après mes ordres, ils n'ont point répondu, et ef-
fectivement c'étaient des paysans ivres; déjà dans
plusieurs villages les paysans ont d'eux-mêmes re-
mis les armeç bavaroises. Tu vois qu'avec de la pa-
108 MÉMOIRES DU PRINCE EUGÈNE
tience el Je désir de réussir on peut venir à bout
des plus mutins. Je t'assure que je préférerais une
campagne active, à devoir recommencer une sem-
blable besogne. Enfin, tout cela me fait grand plai-
sir ; j'attends avec vive impatience des nouvelles de
Sa Majesté. J'espère qu'elles me permettront de me
réunir bientôt à ce que j'ai de plus cher au monde.
Le 11 e corps d'armée que l'Empereur a mis sous
mes ordres va se mettre en marche pour occuper
Fiume et la Croatie. Si cela se passe tranquillement,
je serai libre d'aller à Milan ; mais, s'il y avait le
moindre trouble, je ne pourrais en conscience laisser
mon armée éparse sur deux cents lieues de pays, et
il faudrait, bon gré, mal gré, que je fusse là; au
reste, tout ceci est une supposition qui, j'espère,
n'arrivera pas. »
Fomîine" « Mon fils, je reçois votre lettre du 31 octobre,
s novembre où je vois que vos troupes auront été le 1 er novem-
bre à Lienz, et j'attends de là des nouvelles sur la di-
rection ultérieure des affaires du Tyrol. » „
* E i* g Tke- « Je t'envoie, ma bonne Auguste, une lettre que
vSffiS. je viens de recevoir du roi; celle-là raccommode tout.
9 novembre «t m* * * •. i 11 i
1809. Hofler m a écrit pour me demander de nouveau des
passe-ports pour toutes ses troupes, afin que chacun
puisse rentrer chez soi ; je les lui ai fait envoyer.
« J'apprends à l'instant qu'on s'est battu du côté
de Bolzen; mais c'est la colonne qui venait de Trente,
et j'espère que cela n'aura pas de suites. J'ai été
visiter hier les mines de plomb de Bleyberg ; j'ai
L1V. XV. — 1809 — CORRESPONDANCE 109
endosserhabit.de mineur, et ai tout vu dans le
plus grand détail, c'est fort curieux. Il n'est pas pos-
sible ni concevable que tu viennes me joindre, ma
bonne amie, mais j'espère pourtant que le moment
lant désiré de notre réunion ne tardera plus. » "
« Je m'empresse de vous prévenir, monsieur le au E minïître
ministre de la guerre, comte d'Hunebourg y que la^vaGr*"
division du général Vial est entrée à Bolzen le 5 de îm.
ce mois. Quelques partis d'insurgés ont cherché à
arrêter sa marche, sous prétexte qu'ils attendaient
les ordres de leurs chers pour être autorisés à dépo-
ser les armes; mais ce général n'en a pas moins
rempli son but. Sa division est donc entièrement
réunie à Botzen et environs, sauf 1 ,200 hommes
qu'il a laissés à Trente. II m'assure que tout le pays
à sa droite est tranquille, et qu'aussitôt qu'il aura
pu opérer le désarmement il s'occupera des vallées
de sa gauche, la vallée dé Meran lui a déjà envoyé
sa soumission.
a De son côté, le général Baraguey-d'Hilliers est
entré le 8 à Brixen. Cependant, pour y parvenir, il
a dû faire enlever par un coup de main la Chiusa
de Mulbach, défendue par 1,200 à 1,500 insurgés
avec 5 pièces de canon. Celle affaire a coûté quel-
ques braves, dont le général Baraguey-d'Hilliers me
promet les noms, que je m'empresserai de vous
transmettre avec le rapport du combat. Nos troupes
se sont parfaitement conduites. Je ne pense pas que
l'affaire ait des suites, puisque avec les positions
qu'occupent les troupes en ce moment il serait dif-
110 MÉMOIRES DU PRINCR EUGÈNE
iicile aux partis d'insurgés de se réunir pour entre-
prendre- quelque chose de sérieux.
a Le général Drouet m'écrit, du 8, qu'il a porté
son avant-garde un peu en avant sur Stenack, et que
la division de Wrède sera, le 10, sur le Brenner. Il
résulte de cet étal de choses que nos troupes sont
maîtresses des principales vHles du Tyrol, et qu'au-
jourd'hui même toutes nos divisions se communi-
quent entre elles, et qu'il n'est pas présumable qu'il
arrive de nouveaux événements. Les généraux s'oc-
cupent en ce moment à faire battre le pays par des
colonnes mobiles pour opérer le désarmement. Ces
colonnes n'auront pas de repos que tout le pays ne
soit tout à fait désarmé. Nous avons délivré, tant à
*
Brixen qu'à Botzen, un assez bon nombre de prison-
niers français, bavarois, italiens et Saxons. »
K " ? HitdhT C( Sire, je n'ai rien de nouveau à annoncer à Votre
8 "fcwmiin Majesté. Les affaires du Tyrol continuent à se passer
aussi bien qu'on peut le désirer avec de pareilles gens.
« Le général Baraguey-d'Hilliers, dont les premiè-
res troupes sont à Mulbach, a employé, d'après mes
ordres, les journées des 6 et 7 au désarmement des
principales vallées aboutissant à celle de la Drave :
plusieurs de nos colonnes ont rencontré des bandes
armées, qui, au lieu de vouloir rendre les armes,
9 ont répondu par des coups de fusil. On est parvenu
à en prendre quelques-uns, et tous étaient ivres, et
la plupart étaient d'autres vallées éloignées. Presque
généralement les habitants qui ont quelque chose
rentrent ou sont rentrés chez eux ; mais nous aurons
LIV. XV. —1809 - CORRESPONDANCE 111
pendant longtemps quelques bandes de brigands,
qui, ayant pris, pendant la rébellion, ce genre de vie,'
le quitteront difficilement. Dans les différentes es-
carmouches dont je viens de parler à Votre Majesté,
nous avons eu un homme tué et 14 blessés du 1" de
ligne italien, 3 blessés des Dalmates, et 7 du 53* ré-
giment. • i
« La troupe s'est conduite parfaitement bien dans
tous les pays où elle a passé; et cela ne contribue pas
peu à ramener les esprits. Je me féliciterai si, à
forée de patience et de douceur, j'ai pu éviter une
guerre dans on pays dont le peu que j'ai vu donne
la certitude qu'elle eût été longue, meurtrière et
difficile. »
« Sire, j'ai l'honneur d'adresser à Votre Majesté eu*. 4%p.
une lettre que son sénat d'Italie vient de m'envoyer, 9 novembre
en mé priant de la transmettre à Votre Majesté. jo heures
« Les nouvelles que j'ai reçues,. hier soir, du gé-
néral Vial m'annoncent que le général Peyri, qui
commande son avant-garde, a été obligé d'en venir
aux mains pour entrer à Botsen. Les insurgés ont
voulu lui en disputer l'entrée, mais ils ont été re-
pousses de toutes parti. Cependant le général Peyri a
eu une quarantaine d'hommes tués, et une soixan-
taine de blessés.
« Aujourd'hui je reçois la nouvelle que Hoffer a
demandé au général Drouet des passe-ports pour faire
rentrer chacun dans ses foyers, se soumettant à faire
déposer à tous les armes, et à profiter de la généro-
sité de Votre Majesté.
112 MÊMOIBES DU PRINCE EUGÈNE
« J'attends d'un moment à l'autre des nouvelles
du général Baraguey-d'Hilliers , qui ne peuvent
manquer d'être dans le sens de celles du général
DroueL »
El $iuch! P ' « Sire, j'ai l'honneur de rendre compte à Votre Ma-
iro. je|té que ses troupes sont rentrées hier soir à Brixen.
Elles ont dû cependant, pour y parvenir, enlever par
uu coup de main la Chiusa, défendue par 1,000 ou
* 4,500 insurgés avec 5 pièces de canon. Cette affaire
nous a coûté quelques braves. Le général Baraguey-
d'Hilliers me promet pour demain un rapport dé-
taillé de l'affaire ; il m'annonce seulement que le gé-
néral Rusca a été blessé légèrement d'une contusion,
et les chefs de bataillon Vesprier, du 53 e , et Pé-
- raidi r du 1 er léger italien, grièvement blessés. Notre
artillerie de ligne s'est particulièrement distinguée :
une seule pièce compte trois canonniers morts, et
sept blessés. Les troupes paraissent s'être toutes bien
conduites; le combat a duré deux heures. Je crains
que cette affaire ne rallume le feu qui commençait à
s'éteindre. J'espère cependant que, vu la position
qu'occupent les troupes de Votre Majesté en ce mo-
ment, il ne leur soit plus possible de rien entreprendre
de sérieux. Le général Drouet m'écrit, du. 8, qu'il
porte son avant- garde un peu en avant, sur Stenack,
et que la division de Wrède sera, le 10, sur le Bren-
ner. Le général Yial me mande, du 7, qu'il a réuni à
Bol zen tout son corps, le 6, sauf 1 ,200 hommes qu'il
a laissés à Trente ; il m'assure que tout le pays, à sa
droite, était tranquille, et qu'aussitôt qu'il aurait pu
•i
L1V. XV. — 1*09 - CORRESPONDANCE iiS
-en opérer le désarmement, îl s'occuperait des val- -
lées de sa gauche. Il m'annonce même que la vallée
-de Méran a déjà envoyé sa soumission* D'après les
ordres que j'ai donnés, je dois penser que la com-
munication aura été établie, hier, 9, entre le général
fiaraguey d'Hillters et le général Vial.
ce Aujourd'hui, 10, le général Baraguey d'Hillters
aura pu porter une division à Sterling, pour établir
la communication par le Brenner. Dans cette posi-
tion, les différents généraux doivent organiser des
«colonnes mobiles qui battront le pays jusqu'à ce que
le désarmement soit général. »
« Je dois prévenir Votre Majesté que cette opéra-
tion entraînera des difficultés etdes longueurs, caries
Tyroliens tiennent beaucoup à leurs carabines, et les
cachent dans les montagnes. Je compte bien em-
ployer la plus grande sévérité pour les obtenir;
mais j'attends, pour cela, d'avoir déjà entre les
mains toutes celles qu'ils voudront me livrer. On a
délivré, tant à Bolzen qu'à Brixen, un certain nom-
bre de permis français, italiens, bavarois et saxons. »
« Il n'est pas nécessaire que tu m'envoies, ma bonne &>?*<><>
Auguste, le grand écuyer, ni personne ; j'espère bien *fc*
pouvoir me mettre en route sous peu de jours. J'ai
reçu des nouvelles du Tyrol il y a un quart d'heure.
Nos troupes ont dû se battre pour entrer à Brixen ;
«Iles ont enlevé un fort et 5 canons, nous avons perdu
quelques bons officiers. J'espère pourtant que cela
n'aura pas de suite. Il serait bien désagréable de
•devoir faire cette vilaine guerre. »
▼i. 8
10 novembre
1800.
H4 MÉMOIRES DU PRINCE EUGÈNE
àuw- « Je fais partir Leroy pour Milan, ma chère Au*
vHUdi, guste ; car, quand je me mettrai en route, j'espère
nombre ^jj^ g ran( j i ra \ n ^ e i serais bien aise d'avoir un valet
? h. du foir. '• , , . .
de chambre en arrivant.
« Je pense sérieusement à me mettre en route, et
tu peux compter que je ferai tout mon possible pour
arriver le 15, soit le matin, soit le soir. J'attends
demain des nouvelles qui décideront la question. Si,
enfin, je ne pouvais arriver pour ma fête, je t'engage
très-fort à être gaie, et cela te sera facile, car je se*
rai sûrement bien près de toi, et à l'instant de te ser-
rer dans mes bras. »
N Kouinë?* <( Mon fils J'approuve la lettre que vous avez écrite
12 Membre au sieur Dauchy. 11 est cependant nécessaire que le
sieur Dauchy écrive au ministre des finances, avec le-
quel il doit correspondre. 11 est également néces-
saire que vous rendiez compte au ministre des
finances pour ce qui regarde l'administration des pro-
vinces dillyrie. »
Bu /iiiî!di! r ' « Sire , j'ai l'honneur de rendre compte à Votre
***>? >rc Majesté que les affaires vont, de ces côtés-ci, aussi
bien qu'il est possible de le désirer.
« 1° Affaire du Tyrol :
« Les dernières dépêches des généraux Baraguey
d'Hilliers , Drouet et Via! sont très-satisfaisantes.
Tous les habitants possédant quelque chose ren-
trent chez eux. Chaque jour on reçoit des armes.
11 n'existera plus, sous peu de jours, que quelques
bandes de brigands armés dont la destruction sera
LIV..XV. — 1809 - CORRESPONDANCE «5
difficile, niais dont on va s'occuper sans relâche.
J-ai cru devoir, à cet effet, prendre un décret un
peu sévère, mais qui contribuera, je l'espère, au
plus prompt désarmement : j'en joins ici la copie.'
« 2° Affaires de Fi urne et de la Croatie :
« Le i I e corps est arrivé lcsl* r , 5 et 6 àLaybàch.
Je l'y ai laissé reposer trois jours, et la 1" division
s'est mise en marche le 9, pour arriver à Fiume, le
14 au matin (suivant la convention).
« J'ai fait emmener au général Clausel de Lay-
bach 8 pièces en fer de gros calibre, pour le pre-
mier armement de Fiume et de Segna ; j'en enver-
rai un plus grand nombre à mesure que les pièces
de Raab et de Gralz arriveront. La 2 me division du
41 e corps marchera sur Karlstadl, par Neudstadt
a Motling, de manière à se lier toujours avec la pre-
mière, et soutenir ses opérations.
« Le général Guilleminot, nommé par le prince de
Neufcbâtel commissaire pour recevoir les nouvelles
cessions, est déjà arrivé à Fiume, ainsi que le géné-
ral Bubna. Tous les rapports que je reçois de là don-
nent à croire que les Autrichiens feront de bonne foi
l'évacuation de ces provinces. Le pays paraît géné-
ralement mécontent d'être cédé. J'ai envoyé deux
aides de camp à Fiume : l'un partira sur-le-champ
pour Vienne, et l'autre pour venir me trouver.
« 5° Évacuation de la Hongrie :
« Gomme elle dépend de la remise de Fiume, et
qu'elle doit aller de concert avec l'évacuation de
Vienne, le maréchal Macdonald, que Votre Majesté a
spécialement chargé de cela, a reçu tousses ordres et
116 MÉMOIRES M PRINCE EUGENE
ses instructions. On évacue à force Raab; mais je
crains que tous les biscuits ne puissent être évacués.
11 faudrait 800 voitures seulement pour les appro-
visionnements.
« Enfin, dans la position actuelle, j'ai cru pouvoir
aller passer quelques jours à Milan. Le service de
Votre Majesté n'y marche pas aussi bien que je le
voudrais. Il y a de nouveaux directeurs généraux,
de nouveaux ministres, de nouveaux préfets; et il
est nécessaire de mettre chacun à sa place.
a D'ailleurs, je ne le cache pas à Votre Majesté,
les affaires de finance de son royaume d'Italie ne
sont point du tout en bon état. Des dépenses consi-
dérables, ordinaires et extraordinaires, ont été faites,
et les rentrées, non-seulement n'ont pas été celles
qu'elles doivent être, mais le séjour momentané de
l'ennemi et les troubles de quelques départements
ont sensiblement diminué les recettes.
« Depuis huit jours, de toutes paris, on crie argent,
et le trésor m'assure qu'il est dans l'impossibilité de
faire face à tous les besoins. J'attendrai à être in-
formé exactement des détails pour faire un rapport
spécial à Votre Majesté.
« J'ai l'honneur de la prévenir que, la communi-
cation par Botzen et Trente étant assurée et plus
courte, j'ai fait porter le quartier général àGoritzia,
car ce pays est sans aucune espèce de ressources, et
je serai moi-même à Goritzia sous quinze jours, et
plus tôt, si besoin est. »
iu g v?cî- « Je monte en voiture à l'instant même, ma bonne
LIV. XV. — 1809 - CORRESPONDANCE 111
Auguste, pour me rendre près de toi ; je remets celte $££
lettre au courrier qui va commander mes chevaux. 1 * «S,
Je t'assure que je le suivrai d'aussi près qu'il me sera aJriTatfi.
possible ; tu peux t'en rapporter au grand désir que
j'ai de t' embrasser. »
« Monsieur le général Lauriston , je vous envoie J^ï^
la note du convoi qui n'a pu partir qu'hier. Cela ^ Tn U tSo9.
n'empêchera pas qu'il voua arrivera demain 22.
Ayez bien soin de ces munitions, car elles sont bien
précieuses. Il me tarde d'apprendre que vous ayez
fait l'impossible pour vous emparer deRaab, car j'ai
besoin de savoir à quoi m'en tenir. J'ai aussi be-
soin de vous avoir ici, pour commander l'immense
artillerie y qui exige un officier d'une grande expé-
rience, » etc.
1 Bien que cette lettre, oubliée à sa date, ne se rapporte pas com-
plètement à la rie militaire du prince Eugène, nous avons cru de?oir
lui donner place ici, car elle nous semble aroir un véritable intérêt
historique, puisqu'elle prouve que déjà, à la fin de juin 1809, l'Em-
pereur était dans l'intention de faire agir son artillerie en grande
masse a la bataille de Wagram.
LIVRE XVI
§ I. — Campagne du Tyrol , d'avril 1809 a février 1810. — Con-
sidérations de nature a expliquer les causes qui portèrent les habi-
tants du Tyrol a s'insurger. — Premier acte d'hostilité, le 10 avril,
vers Brixen. — Le général Baraguey d*HUUers se porte sur Trente.
Arrivée de la division Fontanelli, dans cette ville, le 16 avril.
Position qu'elle occupe autour de cette place sur les deux rives de
l'Adige. — Organisation d'un corps de 9 à 10 mille hommes char-
gés de couvrir les débouchés du Tyrol. — Divisions Vial et Fonta-
nelli. — Retraite de ces troupes sur Caliano, puis successivement
sur Roveredo et sur Ala. — Rapport du colonel de Vaudoncourt sur
la réorganisation de l'armée d'Italie. — La division Rusca, chargée
seule de couvrir en Tyrol la gauche de l'armée du vice-roi. Marche
de cette division, a partir du 2 mai, sur Ala, Trente, Primolano^
Bellune. — Combats de Capo di Monte et de Cadore, les 8 et 9
mai. — Marche de la division sur le Tagliamento pour se rabattre
sur Cividale au sud. Elle remonte vers le nord par Udine, Pleue
et Spital, où elle prend position le 23 mai. — Attaque du 5 juin,
de Chasteler sur Klagenfurth. — La division Rusca pendant le mois
de juillet. — Le général Rusca fait occuper Sachsenburg à la fin
de juillet. Sa marche sur Lienz le 2 août. — Combat de Lienz.
— La division se replie, le 11, sur Klagenfurth, — Formation
d'une division de 4,000 hommes, à Vérone, mise sous les ordres
du général Peyri, en septembre. Elle occupe Rivoli, la Gorona ; sa
marche sur Trente le 23 septembre ; réoccupation de la ville le 28.
— Combat du 25 octobre autour de Lavis. — Le général Peyri,
entouré par l'insurrection, se replie sur Trente le 6 octobre. — Ar-
rivée du général Vial pour commander la division. — Composition
et force de la division Vial à la fin d'octobre. — Affaires dans la
vallée de la Drave. — Les insurgés bloquent le fort de Sachsen-
120 MÉMOIRES DU PRINCE EUGÈNE
burg (premiers jours d'octobre), -r- Combat* de Sachsenburg i ViU
lach. — Proclamation du prince Eugène aux Tyroliens. — Lettre-
du roi de BaTÎère au vice-roi. — Andréas Hofler, ses lettres et «es
proclamations. — Mission du commandant Tascher de la Pagerie,
aide de camp du prince Eugène dans le Tyrol. — Lettre du vice—
roi à son beau-père. — Réponse du roi.
§ II. — Position des troupes françaises dans le Tyrol au com-
mencement de novembre 4807. — Opérations, marche et combats-
de la colonne du général Peyri ; sa jonction avec le général Vial à»
Bolzano (ou Botsen). — Opérations du corps bavarois depuis le mi-
lieu d'octobre jusqu'à la fin de novembre. — Composition et em-
placement des trois divisions bavaroises formant le corps du général
Dreuet au il octobre 1809. — Opérations dans le nord du Tyrol.
— Concentration autour d'Inspruck. — Soumission des divers bail—
lages. — Opérations du général Baraguey d'Hilliers dans la vallée
de la Drave. — Composition de son corps d'année, marche de*
troupes sur Lienz, Prunecken et Mulbach. — Auaire de Nulbach*
(le 8 novembre). — Les généraux Rusca, Sévéroli et Barbou re-
çoivent Tordre (14 novembre) de diriger des colonnes mobiles sur
divers points. — Attaque de Méran par les insurgés. — Retraite
de la division Rusca sur Terlan et Bolzano. — Malheureuse affairt-
de Saint-Léonard. — Belle défense du commandant Doreiile. —
Position critique du général Baraguey d'Hilliers jusqu'au 22 no-
vembre, manquant de vivres et de munitions. — Attaques des 20
et 21 novembre par la division Rusca. — Sa marche en avant sur
Méran. — Soumission des habitants du Wintschgau. — Révolte des-
vallées de l'Eysach, le chef Kolb. — Force dont dispose à la fia
de novembre le général Baraguey d'Hilliers. — Désarmement du
Wintschgau et du Passeyer. — Réunion de la division Sévéroli »
Bolzen. — Expédition du général Moreau sur Prunecken, où le gé-
néral Almeyras est bloqué. — Opération entre Prunecken et Lienz.
— * Du 15 décembre au milieu de janvier , marche des colonnes
françaises pour le désarmement du pays. Les troupes se replient
sur le Tyrol italien. — Prise de Hofler le 27 janvier. — Le Tyrol
allemand remis, le 8 février, aux troupes bavaroises. — Fin de la
campagne du Tyrol.
tlV. XVI. - tiot- 12»
I
La campagne du Tyrol, pendant la plus grande
partie de Tannée 1809 et pendant les premiers
mois de 1810, étant peu connue» nous croyons ren-
dre un véritable service à l'histoire en donnant un
certain développement à l'aperçu qu'il nous a été
possible de rédiger à l'aide des documents officiels
mis entre nos mains, et par l'analyse de la corres-
pondance du prince Eugène avec les généraux qui
opérèrent sur cette partie du théâtre de la guerre.
Afin de ne pas scinder le récit de cette campagne»
et bien que nous ayons déjà indiqué très-sommaire-
ment un petit nombre des faits principaux qui se
sont produits d'avril à mai 1809, nous allons repren-
dre les opérations à partir du commencement des
hostilités.
Le 10 avril 1809, ainsi qu'on se le rappelle»
était le jour fixé pour l'invasion par les armées au*
trichiennes des pays soumis à la France ou à ses al-
liés. Ce même jour, et au moment où l'archiduc
Jean dénonçait les hostilités dans le Frioul» le Tyrol»
rÉvéché de Salzbourg, le cercle de Villach, dans la
haute Garinthie étaient également foulés par les
troupes de l'Autriche. Le général marquis de Chas-
te 1er, auquel le décret rendu contre lui par Napoléon
a donné une sorte de célébrité, avait été chargé du
commandement du corps ennemi destiné à opérer
en Tyrol.
125 MÉMOIRES 1HJ MfNCfi EUGÈNE
L'entrée dans le Tyrol du marquis de (lhasteler
fut le signal de l'insurrection qui éclata dès ce mo-
ment dans celte partie des États de la Bavière et du
royaume d'Italie, insurrection, comme on le verra,
qui se prolongea bien après la cessation de la guerre
avec l'Autriche.
Les causes de cette levée de boucliers chez des po-
pulations religieuses, un peu fanatisées même, et fort
dévouées à ses anciens maîtres, sont faciles à éta-
blir. En premier lieu, il faut mettre la haine des Ty-
roliens contre les Bavarois, haine qui se manifesta
assez nettement par un mécontentement quasi uni*
versel lors de la cession de la province du Tyrol a
la Bavière. Or, comme tout déplaît dans un gouver-
nement qui n'a pas les sympathies d'une nation, lé
cabinet de Munich eut beau s'ingénier, en plusieurs
circonstances, à faire ses efforts pour contenter les
populations nouvellement soumises à ses lois, il n'y
put parvenir. Ce qu'il fit lui fut toujours imputé
à crime. La haine, sentiment qui porte h dénaturer
toute chose ici-bas, faisait exagérer en mal ce qui
pouvait paraître une atteinte aux anciens privilèges
de ces peuples, et l'eflfet des mesures les plus sages,
les plus simples , même les plus bienveillantes,
était annihilé par des commentaires malveillants:
Beaucoup d'employés du nouveau gouvernement,
gens du pays, défavorables à la Bavière, soit par des
critiques injustes d'actes qu'ils auraient dû défendre,
soit par la façon dont ils faisaient exécuter les or-
dres,, soit par défaut de capacité dans leurs fonctions,
soit enfin par mauvais vouloir, contribuaient chaque
LIV. XVL -* 1S09 125
jour a augmenter les mécontentements d'un peuple
déjà trop enclin à la malveillance. Les paysans, sur-
excites par le cierge et par les propriétaires, affec-
taient de considérer comme une domination étran-
gère, antinationale» le gouvernement bavarois. Il eût
donc fallu un grand calme de la part de ce dernier, une
grande prudence dans les mesures h prendre, une
grande sagacité dans les choix des fonctionnaires
publics. C'est ce qui n'eut pas toujours lieu. Aussi
il fut facile de prévoir les troubles qui ne tarde-
raient pas à éclater, et qui devaient nécessairement
faire explosion à la première levée de boucliers de
l'Autriche.
Le prince Eugène signala de bonne heure celle
tendance fâcheuse du Tyrol à se révolter et à s'af-
franchir de la Bavière.
Tout cela cependant, on doit le reconnaître, n'au-
rait peut-être engendré qu'un sourd mécontente-
ment et une résistance passive qu'on fût parvenu à
vaincre avec le temps et avec quelques mesures sages
et efficaces, au besoin même énergiques, si, bien-
tôt à ces motifs plus ou moins spécieux, il ne se fût
joint une cause d'espérance pour les mécontents, un
point d'appui pour les hommes qui voulaient pous-
ser à la rébellion. Celte cause directe, efficace, qui
détermina plus que tout le reste la levée de bou-
cliers des paysans tyroliens, ce fut la conduite de
l'Autriche, ses excitations, ses promesses, ses efforts
pour soulever des populations détachées d'elle par
l'effet des guerres précédentes et par suite des trai-
tés conclus après ses défaites.
124 MÉMOIRES OU PRINCE EUGÈNE
Les mesures les plus adroites furent prises en-des-
sous par le cabinet de Vienne, dans le but de détermi-
ner une explosion, La partie du pays principalement
qui s'éloignait des provinces d'Italie et s'étendait
au Nord fut travaillée très -activement par des
émissaires habiles et intéressés. On promit aux
paysans des armes, de l'argent, un appui moral,
un appui matériel, et enfin l'aide d'un corps d'armée
qui fournirait un centre autour duquel pourraient
se grouper toutes les forces vives de ces contrer s
montagneuses et d'un difficile accès. Dès que le ca-
binet de Vienne fut décidé à une nouvelle coalition
contre la France, il songea à se servir du Tyrol
comme diversion importante. Des agents furent
jetés dans le pays pour préparer doucement les
esprits en les aigrissant contre le gouvernement du
roi de Bavière. À propos de la conscription, on excita
le mécontentement des populations. Se gardant bien
de faire observer ce que celte mesure avait de juste,,
on la présenta comme une violation des droitsdu pays.
Et cependant il était facile de se rendre compte que
par cette mesure au contraire on obtenait un contin-
gent moins fort que celui fourni jusqu'alors au gou-
vernement sous les lois duquel leTyrol avait été rangé.
On poussa ces fiers montagnards, esprits belliqueux,,
à déclarer que la loi nouvelle était oppressive. Puis,
tout bas, on fil observer aux Tyroliens qu'il fallait re-
fuser l'obéissance, puis que le temps n'était pas bien
éloigné où la guerre déclarée par l'Autriche à la
France allait permettre aux fidèles habitants de
prendre fait et cause pour un gouvernement qu'ils
LIV. XVI. — 1S0* 1*5
regrettaient avec de jus tes rai sons; on leur Ot observer
que, service militaire pour service militaire, mieux
valait encore être à celui de l'Autriche qu'à celui de
la Bavière. Entre un gouvernement ennemi, aux lois
duquel les chances mauvaises de la guerre les
avaient contraints momentanément à se soumet*
tre, et un gouvernement qui les aimait, les esti-
mait, qu'ils chérissaient eux-mêmes, sous les lois
duquel ils désiraient et pouvaient revenir, il ne
devait pas y avoir, dans le choix, d'hésitation de
leur part.
Le clergé, en Tyrol, était à cette époque aussi
favorable à la maison d'Autriche que contraire à
celle des princes de Bavière. Or les ecclésiastiques,
qui jouissent habituellement d'un certain prestige
dans les pays de hautes montagnes dont les habitants
semblent plus éloignés en quelque sorte des grands
centres de population, les ecclésiastiques, dans le
Tyrol allemand et italien, -étaient alors tout-puis-
sants. Ils représentaient la cour de Munich comme
une cour livrée à l'hérésie, n'ayant d'autre but que
de s'associer à la France pour renverser le saint-
père et détruire la religion. Quelques règlements
particuliers, quelques suppressions défavorables,
qui lésaient peut-être des intérêts privés, furent
présentés aux Tyroliens comme de graves atteintes
portées à la sainteté du culte.
Ainsi donc la haine naturelle des habitants du
Tyrol contre les Bavarois, leur désir de retourner 5
l'Autriche, les excitations des agents de la cour de
Vienne, les prédications fanatiques du clergé contre
m MÉMOIRES M PIUNCE EUGÈNE
les nouveaux maîtres, les sottises de fonctionnaires
malveillants, hostiles,. inhabiles ou* gagnés à l'en-
nemi, avaient merveilleusement disposé le pays à la
révolte, lorsque le marqqis de Ghasteler envahit le
côté de Villach au commencement d'avril 1809.
Les vallées . de Nos (au nord-ouest de Trente et
de Lavis) et du Pustcrthal s'étant fait remarquer
dans les petites insurrections partielles relatives à la
conscription, il fut facile à l'Autriche d'agir plus
fortement de ce côté et de prévoir que là serait le
véritable et premier foyer de la grande levée de bou-
cliers. Ce fut donc vers ces points que le général de
Chasteler eut ordre de se diriger.
Vers le commencement d'avril, quelques batail-
lons de marche et quelques escadrons formés de
différents dépôts furent dirigés de l'Italie sur la
grande armée française par le Tyrol. Deux de ces
petites colonnes, destinées à être versées à leur
arrivée dans les corps, se trouvaient aux environs de
Brixen, le 10 avril, le jour même où Ton connut
dans le. pays l'entrée à Lienz du marquis de Chas*
teler, nouvelle qui fit éclater l'insurrection jusqu'a-
lors comprimée. Les insurgés, trouvant une occasion
de prouver leur zèle, s'empressèrent d'attaquer les
deux petits corps français, et les coupèrent l'un de
l'autre. Ce fut la première scène du drame qui se
joua dans le Tyrol pendant près de dix mois. L'une
des colonnes attaquées perdit beaucoup de monde et
gagna avec peine Inspruck. L'autre, moins engagée
dans le pays soulevé, se replia sans perte sur Trente.
Trois jours après, et dès que les hostilités eurent
LIV. XVI. - 1809 t%l
été déclarées, le général Baraguey d'Hilliers, colonel
généra] et chargé de commander l'aile gauche de
r armée > d'Italie, arriva à Vérone pour rassembler
ses troupes. Comme il avait mission de veiller
sur le Tyrol, il s'empressa d'expédier Tordre à
la division Fontanelli , encore au camp de Mon*
techiaro, d'en partir pour se porter à marche for-
cée sur Trente. Le général s'était rendu de sa per-
sonne et sans attendre la division italienne dans
cette ville pour y organiser la défense des débou-
chés du Tyrol. Il trouva là les trois bataillons de la
colonne coupée de Brixen établis en avant de la ville
avec des avant-postes jusqu'à Gardolo. En même
temps, n'ayant pas assez d'infanterie pour garder sa
ligne par Civezzano, Levico et Pergine, il appela à
lui et distribua sur ces divers points deux escadrons
du 7° de dragons, alors à Roveredo.
Le 16 avril, la division Fontanelli arriva à Trente.
Il était temps, car l'insurrection grossissait, gagnant
de toute part. Les troupes de cette division furent
placées en avant de Trente, sur les deux rives de
l'Adigc, la droite devant Lavis (sur le ruisseau du
même nom), la gauche à Molven et Zambana, des
montagnes à la rive droite du fleuve. Les trois batail-
lons de marche et la cavalerie furent chargés de
garder en seconde ligne Civezzano, Pergine et Le-
vico. Ces troupes entrèrent dans la composition d'une
division dont le général Vial vint prendre le com-
mandement le 17.
Il y eut vers Lavis quelques affaires d'avant-postes
sans grande importance, Le pont sur le torrent fut
128 MÉMOIRES DU PRINCE EUGENE
brûlé par les troupes françaises, A la gauche, sur la
rive droite de l'Adige, les choses prirent une tour-
nure plus inquiétante. L* insurrection était devenue
formidable. Elle se sentait soutenue par l'avant-
garde du corps autrichien qui devait opérer en Tyrol;
il fallut donc abandonner Molven elZambana. Le 19,
après un combat des plus vifs, les troupes se re-
plièrent du poste de Buco-di-Vela pour se retrancher
à la tête du pont de Trente.
Au même moment le général Baraguey d'Hilliers
reçut de Bassano, par un officier d'ordonnance du
général Grenier, et du vice-roi lui-même, en retraite
sur l'Adige, après Sacile, l'avis du mouvement ré-
trograde de l'armée d'Italie. Il se décida donc à se
rapprocher de Vérone.
Le 21 , Trente fut évacué, le pont brûlé, et les
troupes se concentrèrent en avant de Galiano, un
peu . au-dessus de Roveredo, à la hauteur de l'extré-
mité du lac de Guarda.
Napoléon blâma beaucoup ce mouvemejil rétro-
grade prescrit par le prince Eugène. D'après lui, il
n'y avait pas péril en la demeure, et les affaires du
Tyrol n'étaient pas assez graves pour déterminer le
vice-roi à se replier et appeler à lui les troupes de
Baraguey d'Hilliers. Quoi qu'il en soit, le 22 avril,
l'aile gauche de l'armée d'Italie couvrait Roveredo
et les débouchés du Tyrol. Elle avait en ligne :
1° la division Vial (sans généraux de brigade), for-
mée des 3 bataillons de marche, de 3 bataillons
du 112 e de ligne qui venait de rejoindre, de 2 esca-
drons de divers corps de chasseurs et de 4 escadrons
LIV. XVI. - 1809 1*9
du 7° de dragons; total 6 bataillons et 6 escadrons ;
2° la division italienne Fontanelli (généraux de bri-
' gade Julhien etBertoletti), composée de 1 bataillon
du 2 6 de ligne italien, de 3 du 3 e , 2 du 4 e , 2 du 1 er
léger, et 2 du 2 e , du bataillon royal d'Istrie, de 2 es-
cadrons de chasseurs du prince royal et de 10 bouches
à feu de campagne, 11 bataillons, 2 escadrons. L'ef-
fectif de ces troupes du général Baragucy-d'Hiiliers
peut être évalué à 8,500 fantassins et 1,400 chevaux.
Le séjour de ces deux faibles divisions à Caliano
ne fut pas de longue durée. Rappelé sur Vérone pa r
le vice-roi, le général Baraguey-d'Hilliers, qui en
était venu à craindre de ne pouvoir opérer sa retraite
par la rive gauche de l'Adige, résolut de faire jeter
un pont un peu au-dessous de Roveredo, à Ravazzonc,
afin de pouvoir opérer par les deux rives au besoin.
L'adjudant commandant, Guillaume (plus tard géné-
ral de Vaudoncourl), fut chargé de cette opération
délicate, qu'il parvint à mener à bien en faisant une
diversion par Mori, sur Riva et Arco, à l'extrémité
du lac de Garda.
Le 23 avril, le détachement de 1 ,200 hommes mis
sous les ordres de l'adjudant commandant Guil-
laume, attaqué à Caliano par la brigade autrichienne
Fenner, avant-garde du marquis de Chasteler, et par
2,000 paysans insurgés, repoussèrent avec un avan-
tage marqué les tentatives de l'ennemi. Le combat
dura toute la journée, et dans la nuit suivante le
général Baraguey-d'Hilliers se concentra à Roveredo
pour pouvoir être à même de se replier sur Vérone,
où l'armée d'Italie devait se réunir.
vi. 9
130 MÉMOIRES DU PRINCE EUGÈNE
Le 24 au matin, l'ennemi attaqua de nouveau à
Roveredo et à Mori. Sur tous les points il fut non-
seulement contenu, mais repoussé. Le 25, Baraguey-
d'IIilliers voulant assurer la position de Rivoli, point
sur lequel déjà il avait détaché deux bataillons
du 2 e léger italien, se décida à laisser sur la rive
droite l'adjudant commandant Guillaume avec ses
deux bataillons du 4 e de ligne et 1 er léger italien, et
une pièce de canon, tandis que lui ferait replier et
descendre jusqu'à Cazano, entre Roveredo et Ala,
le pont de Ravazzone, et tous les bacs sur le fleuve.
Les troupes se mirent donc en marche sud Àla, à
l'exception de l'arrière-garde du colonel Guillaume,
laquelle resta en position le 26, pour soutenir la re-
traite. L'ennemi essaya de le débusquer, mais il n'y
put parvenir et le mouvement rétrograde fut poussé
le 27 jusqu'à Dolce.
Nous faisons suivre le récit de la première partie
de celte campagne d'un rapport du colonel Guil-
laume de Vaudoncourt, rapport qui nous a paru
résumer parfaitement les opérations depuis l'ouver-
ture des hostilités en Tyrol jusqu'à la reprise de
l'offensive par l'armée d'Italie.
« Dès le 1 d'avril, le corps d'armée autrichienne
commandé par le général Chasteler, ayant pénétré
dans le Tyrol, la division Fonlanelli, qui s'était ras-
semblée à Montechiaro, reçut ordre de se porter à
Trente, où elle arriva le 16. Cette division, composée
de trois bataillons du 3* de ligne italien ; deux du 4 e ;
deux du 1 èr léger; deux du 2* léger; le bataillon
d'Islrie ; deux escadrons des chasseurs du prince
LIV. XVI. — 1809 151
royal, et deux compagnies d'artillerie servant 10
bouches à feu, se réunit à Trente, avec trois batail-
lons français de marche et environ 200 chasseurs
qui, ayant été attaqués à Brixen, par l'avant-garde de
Ghasteler, et coupés d'une première colonne à peu •
près de même force, avaient été obligés de se replier
sur Trente •
« L'avant-garde ennemie, commandée par le géné-
ral Fermer, s'était avancée jusque vers Salures et
Saint-Michel, et l'insurrection ayant éclatée depuis
Inspruck jusqu'aux vallées de Fiemme et di Sole;
ce petit corps d'armée, qui formait l'aile gauche
sous les ordres de Son Excellence le colonel général
Baraguey-d'Hilliers, fut obligé de se concentrer au-
tour de Trente, ayant ses avant-postes entre Gardolo
et Lavis, sa gauche à Vezzano, et sa droite sur
Pergine et Levico, où se trouvait le noyau de la di-
vision du général Yial, alors composée de trois ba-
taillons de marche, de 200 chasseurs à cheval et du
7* de dragons, qui de Roveredo s'était portée h Le-
vico.
« Plusieurs combats nous ayant fait perdre les po-
sitions de Vezzano et de Buco di Vélo, et les mou-
vements de l'armée d'Italie obligeant l'aile gauche à
se rapprocher de Vérone, le général Baraguey-d'Hil-
liers songea à rétablir sa communication avec la
droite de l'Àdige et le lac de Garda, qui était alors
interceptée. Le 20, je fus donc détaché avec 150
hommes du 4 e de ligne italien pour établir un pont -
sur l'Adige à Ravazzone entre Roveredo et Mori.
« Le même jour» le 1 12 f régiment, fort de 3 balail-
132 MÉMOIRES DU PRINCE EUGÈNE
Ions, rejoignit la division Vial, qui se réunissait à
Galiano avec celle du général Fontanelli. Le 22, le
pont, dont les matériaux avaient élé très-difficiles à
réunir, se trouva prêt; mais l'ennemi, menaçant
d'attaquer avec des forces supérieurs le détache-
ment qui le défendait, le général Baraguey-d'Hilliers
mil à ma disposition trois compagnies d'élite du 1 er
léger, deux bataillons du 4 e de ligne, deux pièces
de canon et autant de dragons du 7 e que je le croirais
nécessaire. Ce jour-là, je me contentai de prendre
position au pont. Le lendemain je pensai à faire une
diversion qui attirât l'attention de l'ennemi sur
la rive droite de l'Adige, et l'obligeât à retirer une
partie des troupes qu'il avait portées sur le général
Baraguey-d'Hilliers, et qui lui avait livré bataille à
Galiano. Autorisé par ce général, je fis passer
l'Adige au corps que je commandais ; les deux ba-
taillons du 4 e avec une pièce de canon furent postés
sur les hauteurs de Ravazzone, leur droite observant
le chemin de Trente; le capitaine Garrara avec les
150 hommes du 4 e furent envoyés à Nago avec ordre
de recueillir des vivres à Drô et Arco, et tous les ba-
teaux qui se trouvaient à Riva et Torbole ; moi-même
je me portai à Mori avec les trois compagnies du 1 CT
léger, deux de voltigeurs du 4% formant environ 250
hommes, une pièce de canon et 30 dragons du 7*,
qui, dans la journée, furent remplacés par deux es-
cadrons du prince royal.
« L'après-midi, je jetai en avant 30 chasseurs, or-
donnant au lieutenant Bianchi, qui les commandait,
de se porter à Nago, de maintenir la communication
LIY. XVI. - 1809 153
de Mori par des patrouilles, et de couvrir, en cas de
besoin, la retraite du capitaine Garrara. Dans la nuit,
je fus averti que l'ennemi se disposait à attaquer
le poste de Nago; je me tins prêt à le soutenir, aus-
sitôt que j'aurais eu avis que l'attaque était effectuée.
Le 24 au matin, n'ayant eu aucune nouvelle, je me
disposais à porter deux compagnies à Loppio, lors-
que le bruit de la fusillade m'apprit que le poste de
Nago était en pleine retraite et assez près de moi.
Ce poste, comme je le vis un instant après, était atta-
qué par environ 2,000 insurgés, soutenus par un
bataillon de chasseurs tyroliens.
« Je me débarrassai à l'instant des équipages qui
avaient encombré la place de Mori, et je les fis filer
lestement par la droite de l'Adige sur Avio et Rivoli.
« Je jetai le chef de bataillon Maffei en avant avec
trois de mes cinq compagnies légères, une pièce de
canon et 30 chasseurs, et je chargeai l'adjudant-
commandant Pajni, qui se trouvait alors à Mori, de
faire avancer dé suite un bataillon du 4' de ligne.
Le chef de bataillon Maffei fut obligé lui-même de
se replier, et je vis les insurgés se porter à la Ma-
donna del Monte, que son mouvement laissait à dé-
couvert; ils en descendirent de suite pour se porter
dans les jardins à ma droite, en prolongeant vers le
pont de Molicco.
« Avec le peu de troupes que j'avais, il m'était im-
possible de couvrir le front du village, et je crai-
gnais que la communication avec Ravazzone ne me
fût coupée. Ne voyant pas arriver le bataillon du 4 #
(j'appris après que l'adjudant-commandant Pajni
134 MÉMOIRES DU PRINCE EUGÈNE
avait repassé l'Adige, occupé de tout autre chose
que de ma commission), et ne voulant pas compro-
mettre l'artillerie et la cavalerie qui ne pouvait plus
me servir , j'ordonnai au chef d'escadron Bucchia
de me laisser trente hommes et de se porter avec la
pièce de canon à côté du 4 e régiment, d'y attendre
mes ordres, et surtout de m'envoyer un bataillon.
Bucchia repassa également l'Adige et annonça aux
généraux Baraguey - d'Hilliers et Fontanelli que
j'étais entièrement enveloppé.
« Cependant de mon côté je me décidai à évacuer
la partie antérieure de Mori et à me retirer dans les
faubourgs vers Ravazzone, où je pouvais tenir avec
un peu de forces. J'ordonnai au capitaine Garrara
de se porter à Molino, avec les trente chasseurs que
j'avais, et au chef de bataillon Maffei de prendre
poste avec ses trois compagnies au pont entre Mo-
lino et Mori. Les deux compagnies qui me restaient
avaient déjà été repoussées jusque sur la place.
Lorsque je crus le mouvement de M. Maffei achevé,
je commençai ma retraite sous un feu si violent,
qu'il ne fallut pas moins que tous mes efforts réunis
à ceux du capitaine Agazini du 4 e et Dcsimoni du 1 er
et de l'adjudant Majorviani des chasseurs, qui était
resté avec moi pour rallier les troupes débandées
et leur faire prendre position près de la Municipa-
lité, où je voulais attendre des renforts. J'y réussi
enfin, et l'ennemi, continuant son mouvement sur
ma droite, s'arrêta sur la place; la fusillade s'en-
gagea alors en tête et sur les deux flancs. Sûr de ne
pouvoir être forcé, j'envoyai encore une ordonnance
LIV. XVI - 1809 135
1 au major Péri commandant le 4* , pour hâter l'ar-
rivée de son 5 e bataillon.
« Peu après le général Julhien, que M. le général
Baraguey-d'Hilliers, inquiété par les rapports de
MM. Pajni et Bucchia, envoyait pour me soutenir,
arriva avec une compagnie de voltigeurs et suivi de
près par les deux bataillons du 4 e et par le chef de
bataillon Maffei, à qui j'avais donné ordre de me
rejoindre avec ses trois compagnies, aussitôt qu'il
verrait le mouvement du 4\ Le général Julhien, en
venant reconnaître un jardin où j'établissais la
compagnie de voltigeurs qu'il m'amenait, fut blessé
et se retira. La tête de la colonne du 4 e régiment
me joignant en cet instant avec 30 chasseurs, je
fis attaquer à la fois la place, les jardins et la Ma-
donna del Monte. L'ennemi fut culbuté partout, laissa
plus de cent morts sur le champ de bataille, et fut
chassé à environ trois milles; on ne lui fit que trois
prisonniers, chefs d'insurrection, que je fis fusiller
sur-le-champ. Le soir je repris tous mes postes, ex-
cep té Nago, trop éloigné pour le moment. Ma perte
de la journée ne passa pas 10 morts et 20 blessés.
« Le 25 au matin, le général commandant l'aile
gauche, voulant achever le mouvement de retraite
sur Vérone, se décida à faire descendre à Rivoli le
pont de Kavazzone, que j'avais fait ponter par ba-
teaux pour faciliter le reploiement. Je reçus ordre
de rester 5 la rive droite avec deux bataillons du 4 e
de ligne italien, trois compagnies du 1 er léger, 16
chasseurs, une pièce de canon, faisant en tout 1 ,100
hommes ; de replier ou détruire tous les ponts et
136 MÉMOIRES DU PRINCE EUGÈNE
bacs sur ma route ; de me battre partout où je pour-
rais (c'est-à-dire partout où l'ennemi se présenterait);
de couvrir la position de Rivoli et enfin de me reti-
rer à Peschiera si j'y étais forcé.
« Lorsque je vis le pont de Ravazzone replié et la
division de la rive gauche en mouvement, je com-
mençai le mien. Je ne pouvais pas prendre la route
de Brentonico sans découvrir le flanc de la colonne
de l'aile gauche. Ce motif me décida à suivre le bord
de l'Adige par le pied du mont Crona ; mais, comme
ce chemin offre, outre la difficulté de la montée, un
défilé où le parti ennemi qui éUyt à Brentonico pou-
vait m'arrêter court, j'y envoyai rapidement le chef
de bataillon Maffei avec cinq compagnies légères,
et je me mis en marche avec le reste de la colonne,
obligé à chaque instant de frayer le chemin à l'ar-
tillerie. L'ennemi, prévenu au mont Crona, ne se fit
voir que de loin, et j'arrivai sans obstacles à Chiz-
zola, où je pris position pour laisser à l'âile gauche
le temps de me devancer. Le soir, je pris position au
château qui domine le village, et ce dernier fut de
suite occupé par l'ennemi. Je le fis attaquer vigou-
reusement , pour lui faire perdre l'envie de me
serrer de trop près, et il fut chassé encore jusqu'à
un mille et demi, au pied du mont Crona. Vers
minuit, je me remis en marche et j'arrivai à la
pointe du jour à Pileanto, en face d'Àla, où je pris
position, ma droite à l'Adige et ma gauche appuyée
à la montagne très-escarpée. J'étais alors à la hau-
teur des divisions de l'aile gauche.
a Quelques heures après, une avant-garde d'insur-
UV. XVI. - i809 157
gésvint attaquer mes postes avancés; ils furent bientôt
repoussés. Mais cette attaque, jointe aux rapports que
j'avais reçus pendant la nuit, me fit prévoir que j'au-
rais bientôt devant moi les troupes que je savais être
arrivées à Mori, le soir précédent; je rapprochai
donc mes avant-postes et me concentrai. En effet,
vers les deux heures après-midi, une ligne d'avant-
postes de troupes réglées fut établie en face de moi,
et un nombre d'insurgés parut sur la montagne à
ma gauche. Je fis alors mes dispositions d'attaque.
Je plaçai en avant-garde deux compagnies de volti-
geurs du 4 e et une du 1 er léger avec mes chasseurs
à cheval, sous les ordres du chef de bataillon Maffei,
et je les fis soutenir par une de grenadiers et une de
fusiliers du 4\ Quatre compagnies du même régi-
ment étaient en deuxième ligne avec le major Péri.
Les deux compagnies, de carabiniers du 1 er léger
furent placées à la gauche du village et à mi-côte,
avec ordre de se tenir couvertes et de n'attaquer que
lorsque j'en donnerais le signal. Deux compagnies de
fusiliers et une de grenadiers du 4 e étaient en ré-
serve à la tête du village, et une compagnie de fu-
siliers couvrait mes derrières. Le terrain, assez res-
serré en avant de Pilcanto , m'avait permis de me
placer sur plusieurs lignes, sans cesser d'avoir mes
flancs appuyés, le droit à l'Àdige, et le gauche à la
montagne. Pendant ce temps, l'ennemi déploya ses
forces, consistant en un bataillon de Hohenlohe-Bar-
tenstein, un de chasseurs, 2 pièces de canon, un esca-
dron de chevau-légers de Hohenzollen et environ
2,000 insurgés. 11 engagea de suite la canonnade, à
138 MÉMOIRES DU PRINCE EUGÈNE
laquelle je répondis en faisant avancer la pièce que
j'avais, el la faisant soutenir par deux compagnies
de la réserve, dont je renforçai l'avant-gardc, qui
avait été si vivement attaquée qu'elle fut obligée de
prendre positioix un peu en arrière. L'effet de l'ar-
tillerie, très-bien servie par un détachement de la
% 6* compagnie italienne, fut d'obliger l'infanterie
ennemie à reculer h son tour. Le combat se soutint
avec un avantage à peu près égal sur le front et n
ma droite, où mes 16 chasseurs, commandés par le
lieutenant Scotti, suffirent pour contenir les chevau-
légers ennemis. Mais à ma gauche, que j'avais re-
fusée à dessein, les insurgés, longeant la montagne
à mi-côte, vinrent s'établir au-dessus des premières
maisons du village. Alors je résolus d'isoler les in-
surgés et de les couper, en profilant de l'avantage du
terrain qui les obligeait, en se retirant, à passer par
le chemin par lequel ils étaient venus, vu que la
montagne était trop escarpée pour la monter direc-
tement. Je donnai donc le signal aux deux compagnies
de carabiniers du 1 er léger de se lever de leur em-
buscade et d'attaquer les insurgés; en même temps,
j'ordonnai aux capitaines Sirin etCarrara,qui étaient
en seconde ligne, de se porter rapidement à la gauche
de la première, d'attaquer, la baïonnette au bout du
fusil, le bataillon de Hohenlohe, qui appuyait à la
montagne, de le culbuter et de prendre position une
demi-portée de canon en arrière. Ce mouvement fut
très-bien exécuté, le bataillon plia el s'enfuit. Pen-
dant ce temps, le reste de la première ligne chargea
les chasseurs el la cavalerie, et les mit également en
LIV. XVI. - i809 139
fuite. Les insurges, coupés de la ligne, attaqués rie
front par les carabiniers, et en flanc par la compagnie
de voltigeurs du capitaine Agazzini, furent mis en
déroute et laissèrent plus de 200 morts. Leur épou-
vante fut telle, qu'ils n'opposèrent presque pas de
résistance, et nos soldats, plus lestes qu'eux, les
atteignirent avec facilité.
« Je fis cesser la poursuite à environ deux milles et
revins prendre mes positions à Pilcanto. La perte des
troupes de ligne ennemies fut d'environ 160 morts
et 200 blessés ; on ne leur fit que 4 prisonniers. Nous
n'avons eu que 2 morts et 18 blessés, parmi lesquels
le capitaine Noè, du 4% qui le fut mortellement.
« Le 27 au matin je me retirai, par Àvio, sur Bel-
lune, où je pris position en attendant l'ennemi. Rien
ne se fit voir de mon côté ; mais, à la gauche de
l'Àdige, il se présenta une colonne dont le projet
était de suivre les divisions de l'aile gauche qui
avaient pris position à Dolce. Quelques coups de
canon à mitraille la firent rétrograder. Le même
soir je vins prendre position à Parazolo.
ce Le 28 au matin je vins prendre position à Inca-
nale, couvrant le pont qu'on construisait au pied de la
montagne de Rivoli. Le soir je fus rappelé à Vérone
pour être chef d'état-major de la nouvelle division
qu'on formait pour le général Fonlanelli. »
Cependant, le corps du Tyrol allait subir de
grandes modifications. Le général Vial était rem-
placé par le général Rusca, le vice-roi venait de
donner à son armée, prête à reprendre l'offensive,
une nouvelle organisation, arrêtée déjà en principe
140 MÉMOIRES DU PRINCE EUGÈNE
depuis le 22. Le 112* do ligne, les 2 6 et 3* de ligne
italiens, avaient ordre de quitter leurs positions
pour se rendre à la nouvelle division Fontanelli, qui
se réunissait sous Vérone. Les chasseurs du prince
royal avaient également Tordre de gagner Brescia,
le 7" de dragons celui de rejoindre une division de
dragons.
A la fin du mois d'avril, au moment de la reprise
de l'offensive par le prince Eugène, il restait donc
vis-à-vis les débouchés duTyrol, en position devant
Ghasteler, la division Rusca (général de brigade Ber-
toletti), composée de 10 bataillons des 4 e italien,
l"et 2* léger, royal d'Istrie, de marche (français),
2 escadrons de chasseurs à cheval (français), et de
10 bouches à feu. Total : 5,000 fantassins, 250 che-
vaux.
Mais, à celte époque, les choses étaient bien
changées, les victoires de la grande armée, les
dispositions du vice-roi pour se porter en avanl, ne
donnaient plus aux opérations en Tyrol qu'une im-
portance très-secondaire. La division Rusca avait,
comme mission, plutôt de couvrir le flanc gauche de
l'armée d'Italie que de guerroyer contre Chasteler
et l'insurrection. En conséquence, cette division
reçut, le 2 mai, l'ordre de se porter en avant pour
gagner la vallée de la Brenta.
Le prince Eugène résolut d'employer les forces
du général Rusca à tenir éloignés de la gauche de
l'armée d'Italie les troupes, peu à craindre, de Chas-
teler et les paysans insurgés. Il était, en outre, dans
sos intentions, dès qu'il aurait opéré lui-même sa
LIV. XVI. — 1809 141
jonction avec la grande armée, de placer la division
Rusca vers Spital, face aux débouchés du Tyrol sur
la Carinthie, pour empêcher Ghasteler do rejoindre
l'archiduc Jean.
C'est en effet ce qui eut lieu :
La division Rusca attaquant, le 2 mai, les Autri-
chiens et les insurgés à Àla, les repoussa, et féoccupa
Trente deux jours après. On n'a pas oublié qu'à la
reprise de l'offensive par le vice-roi le général
Ghasteler avait rappelé à lui la majeure partie de ses
troupes régulières et s'était porté sur le Brenner, et
que, le 17 mai, il reçut Tordre d'abandonner entiè-
rement le Tyrol pour rallier l'archiduc Jean. Le gé-
néral Rusca n'avait donc plus en tête qu'un petit
noyau de troupes réglées et des paysans insurgés, ce
qui ne pouvait tenir contre ses bataillons. Cependant,
le 4 juin, il eut un combat assez vif en avant de
Trente. Il prit la roule de Bassano, le long de la
vallée de la Brenta, gagna, le 5, Borgodi Valsugana,
où il entra sans coup férir, et, le 6, Primolano. Le 8,
il abandonna la vallée de la Brenta pour entrer dans
celle delà Piave, l'armée d'Italie étant prête à opérer
de vive force le passage de cette rivière.
Le général Rusca, couvrant Bellune et la Piave,
apprit, Je 7 mai, qu'un petit corps de 800 hommes
de troupes de ligne autrichiennes et 1,500 paysans,
sous le commandement d'un major, étaient des-
cendus par le Yal de Cadore jusqu'à Capo di Ponte,
à quelques pas au nord de Bellune. 11 détacha aussi-
tôt contre ce parti ennemi le bataillon royal d'Is-
tiie aux ordres du commandant Salvatori, et le fit
14* MÉMOIRE ÎW PRINCE EUGÈNE
soutenir par d'autres troupes. Les Autrichiens et Jes
insurgés culbutés se rejetèrent sur Longaro. Le gé-
néral lança de nouveau contre eux, le 9 mai, le
même bataillon distrie qui les battit de nouveau,
leur enleva leur position du pont de Perasolo, où ils
s'étaient retranchés en avant de Cadore, et les força
enfin, le 10, à battre en retraite.
Passant d'une vallée dans une autre pour suivre
toujours les mouvements de l'armée d'Italie, par la
gauche, le général Rusca se porta, le 11 mai, sur
Ampezzo, vers le Brenner. Là, il reçut des instruc-
tions qui lui enjoignaient de se rabattre vers le sud,
dépasser leTagliamento avec sa division à Valvasone
et de se porter par Udine, Cividale, Plezzo et Tarvis,
jusque sur Spital, débouché du Tyrol sur la Carinthie.
La division Rusca, toujours couvrant la gauche et
le centre du prince vice-roi, arriva le 25 mai à
Spital, jetant le bataillon d'Istrie sur Sachsenburg
pour observer cette forteresse et lui servir d'avant-
garde.
Le marquis de Chasteler, cependant, après avoir
hésité longtemps à exécuter l'ordre de rejoindre l'ar-
chiduc Jean, abandonnait un peu tard le Tyrol, sui-
vant la vallée de la Drave.
C'est alors que l'Empereur, qui ne connaissait
pas encore bien la composition des troupes aux mains
de Chasteler, se figurant que ce dernier n'avait avec
lui que des insurgés et des landwhers, écrivit au
prince Eugène pour lui dire que Rusca devait cul-
buter ces mauvaises troupes.
Le 50, sur l'avis de la retraite de Chasteler, Rusca
L1V. XVI. — i809 143
concentra sa division à Spital, le lendemain à Yillach,
le 3 juin à Klagenfurth. Il craignait de n'avoir pas
assez de force pour tenir télé à l'ennemi, beaucoup
supérieur à lui, et il espérait barrer le passage à
Klagenfurth ou peut-être recevoir à temps les ren-
forts qu'il avait demandés, au corps de Dalmalie, à
Marmont.
Le 5,Chasteler, plus désireux de percer pour ral-
lier l'archiduc Jean, avant l'arrivée de Marmont, que
de batlre Rusca,' fit une démonstration sur Klagen-
furth pour essayer de gagner la Drave, et de se mettre
à couvert derrière cette ligne. 11 y parvint en effet,
mais après avoir été culbuté, après avoir perdu 600
hommes et avoir vu son corps diminué de toute
une brigade d'arrière-garde, qui, coupée de lui, fut
obligée de se replier précipitamment sur le Tyrol.
Ainsi , tandis que Marmont marchait vers le nord
pour gagner la Drave, que le prince Eugène descen-
dait sur Œdenburg pour chercher ei suivre l'archi-
duc Jean en Hongrie, que Giulay essayait de remonter
jusqu'à Gratz,Chasleler, laissant forcément la brigade
Smidt dans le Tyrol, où elle avait été repoussée après
le combat du 5 juin, essayait de rejoindre son géné-
ral en chef, sans pouvoir y parvenir, errant tantôt
sur les bords de la Drave, tantôt vers ceux de la
Raab, et ne pouvant percer nulle part les postes du
vice -roi.
À partir de ce moment, la guerre dans le Tyrol
cessa pour ainsi dire jusqu'à la fin de juillet, du
moins les opérations régulières. II n'y eut plus que
des engagements avec des paysans insurgés. A celte
U4 MÉMOIRES DO PRINCE EUGÈNE
même époque (fin de juillet) le fort de Sachsenburg
fut remis à nos troupes en vertu de la convention de
Znaïm. Du côté de l'Italie, les frontières furent cou-
vertes par quelques cordons de troupes. Les insurgés
essayèrent quelques excursions insignifiantes. Vers
la Carinlhie, et du côté de la Bavière, bien que sou-
tenus par la brigade Smidt, ils furent tenus en
échec par la division Husca, en sorte que leurs ex-
péditions se bornèrent à quelques misérables escar-
mouches.
Le mois d'août se passa également sans fait bien
saillant en Tyrol, si ce n'est une pointe de la division
Rusca sur Lienz pour opérer le désarmement des
vallées de la Dravc. La convention de Znaïm ne don-
nait pas encore la paix, mais le traité de Schœnbrunn
n'allait pas tarder à laisser les Tyroliens à la merci
de la France et de la Bavière. Quoiqu'il en soit, et
malgré tout le soin qu'on avait eu de publier partout
les articles de la convention, les espérances d'une
paix prochaine, les insurgés restaient en armes. Les
communications avec le royaume d'Italie, interrom-
pues quelque temps, avaient pu être dégagées; ce-
pendant les choses étaient encore bien loin d'être
terminées.
Le 29 juillet, le général Rusca, toujours en posi-
tion à Klagenfurth, ayant reçu le renfort de deux
bataillons dalmates aux ordres du colonel Moroni,
prescrivit à cet officier supérieur de se porter, avec
ses troupes et un bataillon du 1 er de ligne italien,
le 30, sur Spital, pour de là passer la Drave et rece-
voir le fort de Sachsenburg qui devait être remis
LIV. XVI. — 1809 145
aux Français, Lui-même vint à Sachsenburg et y
laissa le bataillon du 2 e léger italien. Il voulut alors
tenter une petite expédition sur Lienz. On lui avait
fait espérer que sa présence dans la haute Drave dé-
ciderait les insurgés à déposer leurs armes et à se
soumettre. Le 2 août, il vint prendre position à Ober
Drainburg, à quelques lieues de Lienz. Le 3, effec-
tivement, il reçut une dépulation de la ville qui lui
déclara que les insurgés étaient prêts à se soumettre
et que tout était tranquille. Le général crut pouvoir
s'avancer vers la place; mais bientôt, remarquant sur
la route et sur les hauteurs voisines un assez grand
nombre de paysans armés, il comprit qu'il ne devait
pas ajouter entièrement foi aux paroles de la dépu-
lation. Il se tint donc sur ses gardes. Bien lui en prit,
car, à quelque distance de Lienz, son avant-garde
fut attaquée. Mais le combat ne fut pas bien long.
Tandis que deux pièces de canon lançaient quelques
projectiles sur les masses d'insurgés, que les com-
pagnies d'élite du régiment dalmate couvraient les
flancs de la troupe légère, le général s'avança avec le
reste de la division déployée, repoussa les rebelles el
pénétra dans la place. Il établit les Dalmates sur la
route d'Inniching, en avant de Lienz, et resta sans
être inquiété jusqu'au 8. Ce jour-là, les insurgés se
portèrent avec des forces considérables sur le village
deLeisach. Ils attaquèrent les avant-postes des Dal-
mates. Le colonel Moroni, prenant la direction de
son régiment, auquel s'étaient jointes quatre com-
pagnies du 1 er de ligne italien, repoussa les paysans
et les chassa jusqu'à Asling.
vi. 10
HG MÉMOIRES DU PRINCE EUGÈNE
Toutefois, le général Rusca, craignant sans doute
de se trouver entouré dans Lienz, et ne voyant pas
possibilité d'arriver encore à une pacification dans
les vallées de la haute Drave, crut inutile de rester
plus longtemps dans cette position. Il abandonna
donc la ville le 1 1 août et se replia sur Klagenfurt,
occupant, par des détachements ou par des garni-
sons, les points intermédiaires et les débouchés du
Tyrol.
Lorsque le gain de la bataille de Wagram et l'ar-
mistice de Znaïm permirent à Napoléon et au prince
Eugène de donner plus d'attention aux affaires du
Tyrol, l'Empereur prescrivit le rassemblement à
Vérone d'un corps de troupes, destiné à mettre le
royaume d'Italie à l'abri des courses des Tyroliens,
et bientôt après à attaquer et à soumettre les insurgés
de ces montagnes.
Ce corps de troupes resta en position entre Vérone
et Dolce, jusqu'au 15 de septembre. A cette époque,
le général de brigade Peyri vint en prendre le corn*
mandement en vertu des ordres du général Caffa-
relli, ministre de la guerre du royaume. Cette petite
division était alors composée : d'un bataillon du
14 e d'infanterie légère (français); d'un bataillon de
la 15 e demi-brigade provisoire (français), occupant
Rivoli, la Corona et Brenlino, entre l'Adige et le lac
de Garda; d'un bataillon du 81° de ligne (fran-
çais); d'un bataillon du 3 e de ligne (italien); de
2 bataillons du 4 a de ligne (italien); d'un déta-
chement du 7* de ligne (italien); d'un détachement
du bataillon des chasseurs du prince royal; de 9
L1V. XVL - 1809 U7
bouches à feu, formant un ensemble de 4,000
hommes.
Le 23 septembre, le général Peyri reçut du gé-
néral Caffarelli Tordre de marcher sur Trente. Il fit
aussitôt ses dispositions d'attaque. Les deux posi-
tions militaires importantes entre celles occupées
par le général Peyri et Trente étaient : Ma, qui
couvre la position de Saravalle et Roveredo, qui
couvre celle de Caliano. Trente est aussi protégé par
la Fersina, qui offre une bonne position militaire,
et par Buco di Vêla, qui assure la communication
avec Vezzano. Se basant sur ces considérations topo-
graphiques, le général Peyri se décida à s'avancer
sur Trente en trois colonnes. Une, par la rive droite
de l'Adige, devait forcer successivement les positions
de Pilcanto, Brentonico et Buco di Vêla; la seconde
devait attaquer de front par la grande route; et la
troisième à la droite, ayant tourné par les montagnes
les positions d'Àla et de Roveredo, devait, en avant
de Volano (un peu au-dessous de Caliano), opérer sa
jonction avec celle du centre, et attaquer de concert
avec elle le pont de Fersina.
Le 25, le colonel Levic, avec la colonne de droite
composée des 2 bataillons du 5 e de ligne italien, se
dirigea parle sommet du contre-fort qui renferme le
haut du Val Pantena, et gagna Podeslaria, situé au
fond de cette vallée. Il y arriva très-tard, et s'y éla-^
blit. Dans la nuit du 25 au 26, la colonne de gauche,
commandée par le colonel Gavolli, de la 15 e demi-
brigade provisoire, et composée de ce corps et du
bataillon du 14° léger, partit de Rivoli, la Gorona et
148 MÉMOIRES DU PRINCE EUGÈNE
Brentino en deux parties : la première se dirigeant
le long de TAdige, par Belluno et Avio; la seconde,
passant par la Ferra ra et (lampion, toutes deux ayant
leur point de jonction à Pilcanto. La mission de la
colonne de gauche était de tourner Avio et de couper
la communication de ce poste avec Brentonico. Dans
cette même nuit du 26, la colonne du centre, com-
mandée par le chef de bataillon Parceval du 31 e , et
composée, outre le bataillon de ce régiment, de ce-
lui du 7 e italien, du détachement du 4 e , de la cava-
lerie et de l'artillerie, marcha sur Ala. Le colonel
Gavolti, ayant fait prévenir le général Peyri que l'en-
nemi s'était retranché à Avio, en reçut Tordre d'at-
taquer vigoureusement, de rejeter et de passer par
les armes tout ce qui ferait résistance. Toutefois le
général Peyri, dans le but de protéger cette opéra-
lion, se porta rapidement de ce côte. Guidé par le
feu des insurgés, il fit placer en silence, et sans être
découvert par l'ennemi, un obusier et une pièce de
5 en batterie sur les bords de TAdige, prenant en
ilanc leur ligne de bataille et leurs retranchements.
Un peu avant le jour, le colonel Gavolti commença
son attaque, qui fut aussitôt soutenue par le feu des
deux pièces du général Peyri. L'effet de celte artil-
lerie, la surprise que causa aux insurgés une attaque
à laquelle ils étaient loin de s'attendre, ne tardèrent
pas à déterminer une fuite précipitée. Ils se sau-
vèrent en désordre du côté de Pilcanto, abandonnant
morls, blessés, armes et bagages. La colonne de
gauche et celle du cenlre continuèrent leur mouve-
ment. Celte dernière trouva, entre Vo et Struzina,
L!V. XVI. - 1800 149
une coupure qui barrait la route et qui était défen-
due par un mur en pierres sèches. Cet obstacle ne
relarda pas sa marche. Le colonel Lévié, cependant,
s'était dirigé de Podestaria par le vallon qui des-
cend de Campo-Brun pour tourner Ala. Arrivé dans
cette ville, il y prit position à quatre heures du soir,
nu moment où le colonel Gavolti, de son côté, arri-
vait à Pilcante. Ce double mouvement permit à la
colonne du centre d'arriver sans obstacle à Ala, où
la division se trouva toute rassemblée. Le général
Peyri fit désarmer aussitôt la ville, et réunir les bar-
ques à la rive gauche.
Le lendemain, 27 septembre, ayant laissé 140
hommes du 7° de ligne en garnison à Ala, le général
Peyri se remit en marche avec sa petite division. La
colonne de gauche reçut Tordre de se fractionner de
nouveau en deux parlies. L'une devait suivre les
bords de l'Adige, et l'autre gagner Brentonico par
les montagnes. Le point indiqué pour la réunion
était Mori, d'où les deux bataillons devaient se porter
à Isera, en face de Roveredo. La colonne de droite
devait passer parle val Cipriano et le mont Zuna,
afin de tourner Roveredo. La colonne du centre con-
tinua son mouvement sur la grande route. En avant
de Brentonico, le colonel Gavolti rencontra quelques
postes des insurgés, qui se replièrent sur Brentonico,
où l'ennemi s'était retranché. Le village fut attaqué
et emporté à la baïonnette. Les insurgés y firent une
assez grande perte, et leur chet resta parmi les
morts. Le bataillon de droite de celte colonne, pro-
tégé dans sa marche jusqu'en face de Sera va lie par
150 MÉMOIRES DU PRINCE EUGÈNE
la colonne du centre, n'éprouva aucune résistance.
Les deux bataillons se réunirent à Mori et continuè-
rent leur marche sur Isera, où ils prirent position à
une heure après midi, en jetant un poste de 400
hommes à Villa sur leur front. La colonne de droite
ne rencontra sur sa roule d'autre obstacle que la
difficulté d'un terrain détrempé par les pluies. Elle
arriva à la même heure à Roveredo. Par ce double
mouvement de droite et de gauche, la position de
Seravalle se trouvant tournée, les insurgés aban-
donnèrent le retranchement qu'ils y avaient construit.
La colonne du centre n'éprouva, en conséquence,
d'autre retard que celui d'une heure, qu'il fallut
employer à rétablir la route coupée par l'ennemi
en avant du retranchement. La division étant réunie
à Roveredo, le général Peyri s'occupa aussitôt du
désarmement de la ville, et fit descendre à Sacco,
sur la rive gauche, toutes les barques trouvées de-
puis Ala.
Le 28, le général, ayant laissé une garnison de
232 hommes à Roveredo, se remit en marche pour
Trente. La colonne de gauche se fractionna une fois
encore. Un bataillon devait, par les montagnes, se
porter à Ruco di Yela et Vezzano, et s'emparer, par
un coup de main, de ces deux postes. L'autre devait
remonter l'Adige et se porter sur la tête du pont de
Trente. La colonne de droite se mit en marche par la
grande roule, suivie et appuyée par la colonne du
centre. Les insurgés, concentrés en avant deTrente,
ne pensèrent pas à se maintenir dans la position de
Castel di Pietra, près Caliano, que les Autrichiens
LIV. XVI. - 1809 151
avaient défendu avec tant d'opiniâtreté en 1796. Ils
ne tentèrent pas davantage de tenir à Matarello. Les
deux colonnes arrivèrent donc sans obstacle jusque
près de la Fersina, où les grenadiers du 5 e de ligne
italien, qui formaient l'avant-garde, trouvèrent les
insurgés opposant une résistance vigoureuse. Le
général Peyri, s'y étant porté en personne, fit char-
ger la l re colonne avec tant de vigueur, qu'on entra
pêle-mêle avec les insurgés, dans la ville de Trente,
dont les rues furent un instant jonchées de leurs
morts. Cependant la colonne, chargée d'occuper le
pont de Trente, occupait déjà ce débouché, en sorte
que cette retraite fut coupée aux insurgés. Près de
200 des leurs se noyèrent en voulant traverser l'A-
dige. La cavalerie sabra les fuyards jusqu'au delà de
la ville. On évalua leur perte à 800 morts et à 160
prisonniers. Pendant que ceci avait lieu à droite et
au centre, le bataillon chargé de s'emparer de Buco
di Yela, à gauche, avait exécuté son opération, et
s'était ensuite porté sur Vezzano, où les insurgés se
défendirent jusque dans les maisons. Le village fut
emporté, et il ne fut pas fait de quartier. Presque
tous les défenseurs de ce village étaient des soldats
autrichiens des régiments de Hohenlohe et de Lusi-
gnan.
Le général Peyri, voulant profiler de la terreur
qu'il avait inspirée aux rebelles, envoya le 81 e ré-
giment sur la droite, à Pergine, pour les en chasser
et y prendre position. Le colonel Lévié, avec son ré-
giment, un obusier et une pièce de 3, fut dirigé sur
Gardolo. Il y attaqua les insurgés, et les chassa jus-
1.V2 MÉMOIRES DU PRINCE EUGÈNE
qu'à Lavis. Le général ne s'arrêta pas là, il fit em-
porter les premières maisons de Lavis, et voulut
tenter de passer le torrent; mais, le pont étant rompu
et les eaux, grossies par des pluies, trop fortes pour
être franchies à gué, sa tentative échoua. Toutefois
elle lui donna la possibilité de reconnaître et d' éva-
luer les forces de l'ennemi. Les insurgés, sur ce point,
étaient réunis au nombre de plus de 5,000. Le gé-
néral, d'après cela, crut prudent de suspendre l'at-
taque de Lavis jusqu'à l'arrivée de quelques renforts
qu'il attendait. Il se replia sur Trente, occupant ce-
pendant Buco di Vêla, Santa-Croce, Gardolo, les
hauteurs, et s'étendant à droite jusqu'à Pergine.
Le général, ayant confié le commandement de la
place de Trente au chef d'escadron Bignanie, profita
du moment de repos qu'il était obligé d'accorder à
ses troupes pour s'occuper de la réorganisation po-
litique de la province. Le 30 septembre, il reçut un
renfort de deux bataillons du 5 e de ligne français, et
d'un détachement de la garde nationale de la Brenta,
venant de Bassano; c'était environ 700 hommes.
Celte colonne avait été inquiétée dans sa marche par
les insurgés, en avant de Primolano, et aux envi-
rons de Borgo di Val Sugana et de Scurelle ; mais,
sans qu'on ail pu relarder sa marche. Le général
plaça le 5 e régiment à Cagnola et réunit la garde
nationale au 81 e .
Le 2 octobre, il crut devoir profiter de ce renfort
pour exécuter son projet de chasser l'ennemi de
Lavis. En conséquence, ses dispositions furent im-
médiatement faites. Laissant une partie du 14 e léger
LIV. XVI. - 1809 \îu>
à Buco di Vêla, il réunit le reste de ce régiment à
la 15 e demi-brigade provisoire, aux deux bataillons
du 5 a de ligne, et aux deux du 5 e italien, pour atta-
quer de front la position de Lavis. Cette attaque
devait se faire sous la protection de l'artillerie et la
cavalerie. Le 81 e avait ordre de tenter le passage du
Lavis au-dessous de Segonzano, et se porter sur Ccm-
bra, pour attaquer *en flanc les rebelles en position
à Lavis et leur couper la retraite sur San-Michele et
Salurn. La position militaire de Lavis est le sommet
d'un triangle rectangle dont les deux grands côtés
sont formés par l'Adige et le Lavis et dont la petite
base est comprise entre Graun et Salurn. Toutes les
fois donc que l'ennemi qui la défend sera attaqué en
force par Segonzano, il sera obligé d'abandonner le
village de Lavis et même San Michèle pour se replier
sur Salurn et Neumarkt. On peut considérer Cembra
et Graun comme les clefs de la position. Les insur-
gés, dans cette occasion, comprirent parfaitement
l'importance des deux points de Graun et de Cembra,
ainsi qu'on va le voir parle récit de l'affaire qui eut
lieu le 2 octobre.
Afin de donner le temps au 81 e de se rendre h
Segonzano parle chemin difficile traversant les mon-
tagnes qui dominent Caravaggio d'un côté et Rizo-
laga de l'autre, le général Peyri résolut de n'attaquer
que l'après-midi. A trois heures, les deux bataillons
du 5 e italien, soutenus par cinq bouches à feu, abor-
dèrent avec la plus grande vigueur le pont de Lavis,
afin d'attirer l'attention de l'ennemi sur eux et de
détourner ses forces principales des autres attaques,
154 MÉMOIRES DU PRINCE EUGÈNE
surtout de celle surCembra. Les insurgés, qui avaient
palissade les bords du torrent des deux côtés du pont,
se défendirent avec obstination, faisant un feu très-
vif; mais, pendant ce temps, le 5 e régiment de ligne
français, la 15 e demi-brigade provisoire et une partie
du 14° léger avec deux pièces de canon, ainsi que la
cavalerie, passaient le torrent à gué, au-dessous de
Lavis, sous les ordres du major Bougault du 5 e de
ligne (le colonel Gavolti faisait les fonctions de chef
d'état-major}. Celle colonne ayani commencé à tour-
ner le village et à attaquer à dos les insurgés, ces
derniers prirent la fuite dans le plus grand désordre.
C'était en grande partie des Allemands. Ils furent
poursuivis par la cavalerie jusqu'au delà de San Mi-
chèle ; ils eurent 400 morts et 50 prisonniers. Quel-
ques grenadiers du 5 e régiment s'emparèrent d'une
pièce de 4 en bronze, et tuèrent 20 hommes qui la
défendaient.
Pendant que ceci se passait à gauche, le chef de
bataillon Perceval, avec le 81 e régiment et la garde
nationale de la Brenta, arrivé à Segonzano, s'était
porté au pont, qu'il trouva coupé. Des soldats de ce
régiment, conduits par le capitaine de grenadiers
Millier, se jetèrent résolument à l'eau pour forcer le
passage; mais l'ennemi, qui connaissait toule l'im-
portance de sa position, tint bon et en force sur ce
point. Le torrent d'ailleurs était profond et rapide ;
le chef de bataillon Perceval fut obligé de se replier
après avoir éprouvé quelques pertes. La faiblesse de
la division que commandait le général Peyri ne lui
avait pas permis sans doute d'employer plus de
LIV. XVI. - 1809 Vob
troupes a celte diversion , car il est évident que les deux
bataillons du commandant Perceval étaient trop fai-
bles pour pouvoir espérer de forcer le passage du
Lavis. 11 n'était guère probable, en outre, que les
insurgés se laisseraient surprendre, étant très-exacte-
ment avertis de tous les mouvements de leurs adver-
saires. La nuit approchant, le chef de bataillon Per-
ceval prit position à Sevignano, d f où l'ennemi se
relira. Le lendemain il reçut ordre de se réunir à
Lavis au 3* italien.
Les journées du 3 et du 4 furent employées, à
Trente, à Roveredo et à Ala, à rechercher et à arrêter
un certain nombi'c de fauteurs de la rébellion, qui
furent traduits à un conseil de guerre à Mantoue. Dans
la nuit du 4 au 5, plusieurs compagnies allemandes
descendirent de Bolzano et de Salurn, vinrent ren-
forcer les insurgés, qui, le 5, à la pointe du jour,
firent une attaque générale sur tous les postes, depuis
Lavis jusqu'à Buco di Vêla. Malgré leur grande su-
périorité numérique, ils furent partout repoussés
avec perte. Des espions, envoyés à Bolzano, aver-
tirent le général Peyri que le tocsin sonnait et que
toutes les communes prenaient les armes, en jurant
de se venger des journées du 28 septembre et .du
2 octobre. En effet, les insurgés, qui dans la nuit du
5 au 6 reçurent encore des renforts nouveaux, re-
nouvelèrent leur attaque générale au nombre d'en-
viron 20,000 et avec la dernière fureur, le 6 au
matin.
Le général Peyri, hors d'état de défendre avec
succès des positions qui exigeaient beaucoup plus
1i>6 MÉMOIRES DU PRINCE EUGÈNE
de troupes qu'il n'en avait, et qui embrassaient une
grande étendue de terrain, se décida à concentrer
ses forces à Trente, pour garantir cette ville, mettre
en sûreté l'artillerie, et conserver les communica-
tions avec Vérone. La retraite s'exécuta en bon
ordre, malgré les attaques réitérées et les efforts de
l'ennemi. Les troupes liront bonne contenance et la
perle fut presque nulle. Pour maintenir la commu-
nication de Trente à Vérone le général plaça, le 6,
les deux bataillons du 81 e au delà de la Fersina, et
les deux du 5 e un peu plus loin, à Matarello. Grâce à
cette mesure, la communication ne fut pas inter-
rompue. Le môme jour, il reçut du ministre l'avis
que le général Viol, nommé par l'Empereur au com-
mandement de la division du Tyrol, allait arriver.
Le 7, le 8 et le furent employés à pourvoir les
magasins de Trente de vivres et de fourrages pour un
mois, à fortifier le château et à établir des batteries
pour la défense de la place. Cependant, le chef des
insurgés, Eiscustellen , aubergiste de Budc, près
Bolzano, fit sommer la ville le 7. Le général Peyiï ne
répondit à cette sommation qu'en menaçant de faire
fusiller le parlementaire s'il revenait. Le même'jour,
le commandant de Roveredo prévint qu'un corps de
chasseurs de Massony, descendu de Levico, occupait
les hauteurs du côté de la Folgaria, et qu'un corps
de 2,000 insurgés s'était établi à Pilcanto, en face
d'Ala. Ce dernier rapport fut confirmé par le major
en position à Matarello. Le 9, l'ennemi, qui avait
détourné l'eau des moulins de Trente, fit une vive
fusillade sur la ville, et, ayant établi une pièce de 2
L1V. XVI. - 1808 M>1
sur les hauteurs, il tira quelques coups de canon qui
ne causèrent aucun dommage. Des bandes vinrent
en même temps menacer le poste de Matarello.
Les choses en étaient là lorsque, dans la nuit du 9
au 10, deux bataillons du 1 er léger napolitain, com-
mandés par le colonel Bay, et formant environ
900 hommes, plus 2 escadrons du 1 er régiment de
chasseurs à cheval de cette nation, fort d'environ
500 chevaux, entrèrent dans la ville de Trente.
Le général Peyri se crut en étal, avec ce renforl,
de reprendre ses positions; en conséquence, le 10,
dans l'après-midi, il fit sortir par la porte d'Aquila
le chef de bataillon Eschenbronner avec 800 hommes
choisis dans les compagnies d'élite. Cette colonne se
subdivisa; la moitié se porta sur le couvent de cor-
deliers situé à un mille de la place, s'en empara
brusquement et chassa le posle occupant la coupure
faite aux canaux des moulins. L'autre moitié s'éta-
blit de vive force sur les hauteurs de Gazza qui do-
minait le couvent. Cette brusque attaque ayant dé-
concerté les insurgés, le général Peyri résolut de
profiter de leur frayeur pour achever l'opération qu'il
méditait. 11 sortit avec la totalité de ses troupes et
attaqua l'ennemi sur toute sa ligne. Malgré l'énergie'
de celte opération, la résistance dura près de deux
heures ; mais, enfin, un bataillon napolitain, sorti
de Trente du côté opposé, ayant tourné les rebelles
et le général ayant fait battre la charge sur tous les
points, ils furent culbutés et mis dans la déroule la
plus complète. Le terrain resta couvert de leurs
morts el de leurs blessés, et leurs magasins, établis
158 MÉMOIRES DU PRINCE EUGÈNE
à Martignano, où était leur quartier général, tom-
bèrent entre les mains du général Peyri. Gardolo,
Lavis et même Buco di Yela furent abandonnés par
eux le H. Le 12, le général Peyri fit occuper les
hauteurs de Cagnola, Martignano, Meano et celles
appelées Monte délia Vacca.
Le 13 au soir, le général Vial arriva à Trente, et
le général Peyri lui remit le commandement, laissant
avec le général Vial le général Digonet, pour aller
lui-même, ainsi qu'il en avait l'ordre, se mettre à la
tête des troupes rassemblées dans le département de
la Piave. 11 partit donc pour Bellune, où il arriva le
25 octobre. Au moment où le général Vial remplaça
le général Peyri, la division de Trente était composée
de la façon suivante : 2 bataillons du 14 e d'infan-
terie légère français, 763 hommes (à Buco di Vêla) ;
2 bataillons du 1 er napolitain, 1,005 hommes (à
Monte délia Vacca, Meano, et Trente); 2 bataillons
du 5 e de ligne français, 087 hommes (à Pergine et
Civezzano) ; 1 bataillon du 81 e français, 699 hommes
(à Martignano et Cagnola); 1 bataillon de la 15 e demi-
brigade provisoire, 505 hommes (à Trente) ; 2 ba-
taillons du 3 e de ligne italien, 720 hommes (à Gar-
dolo); 1 balaillon du 7 e italien, 434 hommes (à
Roveredo et Àla); 2 escadrons du 1 er de chasseurs à
cheval napolitain, 289 hommes (à Pergine et Trente).
En outre, à Trente : 41 hommes des chasseurs du
prince royal, 78 hommes d'artillerie française et
italienne, 77 hommes du train, 20 sapeurs; total,
10 bataillons et 2 escadrons, ou 5,315 combattants;
8 bouches à feu, dont 3 obusiers. Cette division
LIV. XVI. - isoû 159
■
reçut, peu de temps après et successivement, les
renforts suivants : 2 bataillons du 101 e de ligne
français, 982 hommes; 1 bataillon du 81', 542
hommes ; 1 détachement du 4 e italien, 377 hommes,
un détachement du 1 er français, 288 hommes; total,
2,189 hommes.
Se voyant à la tête d'une division nombreuse et
assez bien organisée, le général Vial essaya, le 20,
de reprendre l'offensive. Tandis qu'il lançait le gé-
néral Digonet du côté de l'Adigc, lui-même empor-
tait Lavis. Toutefois, apprenant que l'opération du
général Digonet n'avait pas eu le succès qu'il en
attendait, le général Vial revint à Trente le 22 oc-
tobre, pçêt à faire une nouvelle tentative le 24. Il
s'était déjà emparé du poste de Segonzano, lorsqu'un
ordre du prince Eugène lui fît suspendre ses opéra-
tions offensives. 11 se maintint donc à Trente et à la
Valsugana.
Tandis que les événements que nous venons de
rapporter plus haut avaient lieu dans le Tyrol ita-
lien, les insurgés essayaient un mouvement dans la
vallée de la Drave, pour bloquer le fort de Sachsen-
burg et s'en rendre maîtres. Le 4 octobre, le chef de
bataillon Marin, du 2 e léger italien, qui, comme on
l'a vu plus haut, avait été laissé à Sachsenburg avec
son bataillon d'environ 500 hommes, reçut l'avis
que les Tyroliens, qui jusqu'alors n'avaient pas dé-
passé Lienz, s'avançaient par le Gai l -Thaï et le Moll-
Thal. Il relira sur-le-champ les postes qu'il avait en
observation dans différents villages et prévint le gé-
néral Rusca, son chef, alors à Klagenfurt. Ce der-
1G0 MÉMOIRES DU PIWISCË EUGÈNE
nier connaissait déjà le mouvement des Tyroliens et
leur projet de faire insurger la Carynthie. Il avait
donné ordre au général Julliien de se rendre à Vil-
lach, où se trouvait un bataillon de 500 hommes du
1 er léger italien, de marcher sur Sachsenburg, le
Taisant soutenir à Yillach par le bataillon d'Istrie.
Le 5, les insurgés tentèrent d'enlever un poste de
la garnison de Sachsenburg sur la route de Lienz ;
mais ils ne purent y réussir. Le 6, le général Julhien
ayant prévenu le chef de bataillon Marin de son ar-
rivée prochaine, lui prescrivit de pousser une recon-
naissance sur Greifenburg. Cette reconnaissance ren-
contra l'ennemi à Steinfcld où il y eut un engagement
insignifiant. Le soir, le général Julhien arriva à
Sachsenburg avec le bataillon du 1 er léger, qu'il
dirigea, le 8, sur Greifenburg. L'ennemi, attaqué et
repoussé avec perte sur ce point, était parvenu à
jeter sur les derrières du bataillon un parti assez
fort pour inquiéter sa retraite, si le général Julhien
ne l'eût fait débusquer par un détachement de la
garnison de Sachsenburg.
Le 9, le général Julhien revint à Villach avec la
moitié du bataillon du 1 er léger, laissant l'autre moitié
à Sachsenburg, sous les ordres du chef de bataillon
Peraldi, afin de pousser des reconnaissances en avant
et de tâcher d'éloigner les insurgés de Greifenburg.
Le 10, une reconnaissance faite sur Steinfeld ap-
prit que l'ennemi s'était retiré sur Ober-Drainburg;
mais, pendant la nuit, un parti d'insurgés vint oc-
cuper le pont de Moll, près de Sachsenburg. Lo
chef de bataillon Levaldi s'y porta avec ses trois
LIV. XVI. - 1809 161
compagnies, par la grande,route, pendant que deux
compagnies du 2 e léger débusquaient un corps en
position sur les hauteurs qui se trouvent entre les
deux rivières. Les troupes ayant opéré leur jonc-
tion près du pont de Moll, on essaya de rejeter les
bandes qui empêchaient de le rétablir ; mais 500
insurgés occupaient un poste trop fortement re-
tranché, pour qu'il fût possible de les en chasser
sans s'exposer à une perte considérable. On y re-
nonça. Pendant ce temps-là, un corps considérable
de rebelles avait marché par Gemund sur Millstatt
et jetait des postes jusqu'à Treffen, au nord de
Villach. Ce mouvement obligea le général Julhien,
revenu à Villach, à les faire attaquer. Ils furent
repoussés avec perte. Le même jour, des bandes se
firent voir à Spital et à Saint-Hermagor, au sud de
Spital.
Le 12, l'ennemi ayant disparu de Greifenburg,
les chefs de bataillon Peraldi et Marin tentèrent en-
core une fois de rétablir le pont de la Moll ; des
partis d'insurgés étaient postés entre les deux ri-
vières, ils furent battus, laissèrent du monde sur le
terrain ; toutefois il ne fut pas possible de réparer
le pont. Le soir du même jour, 12 octobre, le chef
•tic bataillon Peraldi reçut ordre de partir de Sach-
senburg avec ses compagnies pour se réunir au
reste de troupe à Villach. La retraite fut exécutée par
les hauteurs qui bordent la rive droite de la Drave,
les insurgés rencontrés furent battus, ils perdirent
même une pièce de canon et le commandant arriva
en bon ordre le 13 à Paternion, où il trouva une
VI. n
t62 MÉMOIRES DU PRINCE EUGÈNE
compagnie que le général Julhien avait envoyée à sa
rencontre. Tandis que les trois compagnies du 1 er lé-
ger quittaient Sachsenburg, un corps d'insurgés
s'établissait à Greifenburg. Us ne tardèrent même
pas à quitter ce poste pour occuper à Lind une posi-
tion plus rapprochée du fort. Le blocus de Sachsen-
burg se trouva ainsi resserré autant que possible par
les rebelles. Ils s'enhardirent au point de tourner le
major Barbieri, qui les observait avec un bataillon,
et qui dut, à l'approche d'une bande nouvelle, forte
de 1,500 hommes, regagner Yillach.
A cette époque, le général Julhien, hors d'état, par
suite du délabrement de sa santé, de continuer cette
guerre, remit le commandement de sa brigade au
colonel Moroni. Les insurgés, cependant, de plus
en plus audacieux, après avoir sommé le fort de
Sachsenburg, voulurent l'enlever d'assaut, cette
tentative ne leur réussit pas. Ils furent repoussés,
laissant 200 des leurs sur les glacis.
Le 19 octobre, huit compagnies du régiment
dalmate, aux ordres du colonel Moroni, fortes d'en-
viron 800 hommes, partirent de Klagenfurt pour
débloquer Sachsenburg, tandis que les insurgés
essayaient de livrer un nouvel assaut à la télé du pont
de la Drave, assaut qui échoua comme le précédent.
Le 20, le colonel Moroni arriva à Paternion, où il
fit sa jonction avec le bataillon du 1 er léger. Le pont
étant de nouveau coupé, il fallut employer une par-
tie de la nuit pour consolider le seul qui restât. Le
21 , le colonel Moroni se mit en marche pour Spital ;
les premiers tirailleurs des insurgés furent rcncon-
LIV. XVI. - 1809 163
très n Molzbuhel, mais leur force principale était
en bataille sur les hauteurs qui dominent Spital. Le
colonel les fit attaquer et les culbuta presque à la
première charge; il continua ensuite sa marche
sur Sachsenburg. ÀMoll-Bruck, il trouva encore les
insurgés, qui firent une résistance opiniâtre, mais
qui furent culbutés à la baïonnette.
La colonne s'établit immédiatement au bord de la
Moll, et obligea par son feu les Tyroliens à abandon-
ner une position qu'ils avaient à la rive droite. Ils
prirent la fuite en désordre dans toutes les direc-
tions; mais il ne fut pas possible, faute de matériaux,
de rétablir le pont de la Moll. La garnison de Sach-
senburg, qui avait fait rétablir le pont de la Drave,
opéra une sortie sur la route de Greifertburg, et
ramena une pièce de canon abandonnée par l'en-
nemi. Le colonel Moroni s'aboucha d'un bord de
la rivière à l'autre avec le commandant du fort, et
le même jour les insurgés qui le bloquaient, après
avoir échoué dans une tentative sur l'ouvrage établi
le long de la Drave, laissèrent voir de l'hésitation
# et du découragement. Le colonel Moroni passa la
nuit près du Moll-Brùck; mais l'ennemi, maître de
Gemund, menaçait ses derrières. Ne pouvant se pro-
curer des vivres et ayant rempli le but de sa mis-
sion, qui était de débloquer Sachsenburg et de
ravitailler ce fort, si cela était nécessaire, il pensa à
se replier sur Spital.
Toutefois, le 22, il crut devoir rester en posi-
tion à Spital. Les insurgés reprirent alors leurs
postes autour de Sachsenburg. Le 23 au matin, ils
164 MÉMOIRES DO PRINCE EUUÊNE
attaquèrent les avant-postes du colonel Moroni, et
après deux heures d'un combat très-vif ils furent
repoussés.
Le 24, les insurgés, soutenus par deux pièces de
canon, renouvelèrent leur attaque sur le3 hauteurs
de Spilal. Le colonel Moroni y envoya de suite le
chef de bataillon Peraldi, et se porta lui-même au
delà du pont. Cependant, les insurgés opposant une
résistance opiniâtre au chef de bataillon Pcraldi,
le colonel revint à lui avec quelques troupes fraîches;
le commandant fit battre la charge, et, unissant ses
efforts à ceux des troupes que lui avait amené le co-
lonel, il renversa les insurgés et leur prit un canon.
Le 26, les quatre dernières compagnies du 2 e ba-
taillon dalmate se réunirent à Spilal au reste du ré-
giment. Les insurgés, revenus devant Sachsenbnrg,
s'établirent à Feistritz. Le 27, un chef des insurgés,
qui prenait le titre de baron de Lunsheim et de co-
lonel autrichien, somma le fort. A cette nouvelle, le
colonel Moroni se dirigea vers le pont MollBrûck,
où il parut à midi, et, ayant fait établir un passage
provisoire, il débarrassa le fort des malades et des
blessés, et revint à Spilal.
Cependant les choses allaient changer de face;
la paix avec l'Autriche, signée depuis le 14 octobre
à Vienne, laissait a l'Empereur toute latitude pour
soumcltrc le Tyrol insurgé soit par la force des ar-
mes, soit par la.persuasion. Le prince Eugène, qui
estimait le peuple tyrolien, sa bravoure, ses bonnes
qualités , qui plaignait ces populations fanatisées
plutôt que coupables, penchait pour la clémence.
LIY. XVI. — 1809 165
Résolu à tout tenter pour arriver par la persua-
tion à terminer une guerre qui pouvait être fatale
aux troupes de son beau-père le roi de Bavière, il
ordonna de suspendre les opérations offensives sur
tous les points, et le 25 octobre il adressa de Vil-
lach, son quartier général, la proclamation ci-des-
sous, qu'il fit répandre à profusion dansleTyrol au-
trichien et dans le Tyrol italien :
« Tyroliens! La paix a été conclue entre Sa Ma-
jesté l'Empereur des Français, roi d'Italie, protecteur
de la confédération du Rhin, mon auguste père et
souverain, et Sa Majesté l'Empereur d'Autriche.
« La paix règne donc partout autour de vous;
vous seuls ne jouissez pas de ses bienfaits. Égarés
par des suggestions ennemies, vous recueillez au-
jourd'hui les tristes fruits de votre rébellion. La
terreur est dans vos cités, l'oisiveté et la misère dans
vos campagnes, la discorde entre vous, le désordre
partout.
« Sa Majesté l'Empereur et Roi, touché de votre
situation déplorable et des témoignages de repentir
que plusieurs d'entre vous ont fait parvenir jusqu'à
son trône, a expressément consenti, par le traité de
paix, à vous pardonner vos égarements; je vous
apporte la paix, je vous apporte votre pardon.
<( Mais, je vous le déclare, votre pardon est à ce
prix : que vous rentrerez vous-mômes dans l'ordre,
et que vous déposerez volontairement vos armes,
que je ne trouverai nulle part aucune résistance.
Chargé du commandement en chef des armées qui
168 MÉMOIRES DU PRINCE EUGÈNE
vous entourent, je viens recevoir votre soumission
ou vous l'imposer.
« L'armée sera précédée par des commissaires
que j'ai expressément chargés d'entendre vos
plaintes, d'écouter les réclamations que vous aurez à
faire.
« Mais , ne l'oubliez pas, ces commissaires no
sont autorisés à yous entendre que lorsque vous
aurez mis bas les armes.
« Tyroliens ! si vos plaintes et vos réclamations
sont fondées, je vous le promets, justice vous sera
rendue. »
Cette belle et noble proclamation, entièrement
conforme aux vues de l'Empereur, déplut en Ba-
vière ainsi qu'on le verra plus loin.
Tout en promettant aux insurgés justice et par-
don, des corps nombreux pénétraient en Tyrol sur
divers points.
L'armée bavaroise aux ordres du général Drouel-
d'Erlon, un corps de 26,000 hommes de l'armée
d'Italie aux ordres du général Baragucy-d'Hilliers,
le tout sous la direction supérieure du vice-roi,
commencèrent dès celle époque leurs opérations
offensives.
Le général Rusca, qui réunit à Yillach la divi-
sion italienne (6,000 hommes) du général Sé-
véroli, dont ce dernier conserva le commande-
ment, la division Broussier et celle de Lamarque
dont le général Barbou prit le commandement, se
rendirent sur ce même point de Villach, alors quar-
tier général du prince Eugène. Le général Vial, ar-
LIV. XVI. — 1809 167
rêté à Trente, dut, avec 6,000 soldats, marcher
sur Botzen, tandis que les trois divisions bavaroises
agiraient parle Nord, vers Inspruck.
Le vice -roi avait, de l'Empereur, la mission de
charger le maréchal Macdonald de l'évacuation du
territoire autrichien, et de porter lui-même son quai*
tier général à Villach, pour diriger les colonnes
destinées à opérer en Tyrol. Toutefois il devait en-
tendre les réclamations des habitants et prendre des
mesures pour les contenter, enfin employer la force si
on voulait lui opposer de la résistance. Si le Tyrol
paraissait disposé à la soumission, le prince pouvait
charger le général Baraguey-d'Hilliersde l'expédition.
On voit donc que le vice-roi suivait bien exacte-
ment les instructions de l'Empereur. Cependant sa
proclamation aux Tyroliens blessa la susceptibilité
du roi Maximilien, car ce souverain écrivit à son
gendre :
ce Mon bien-aimé fils, on vient de me communi-
quer la lettre que le chef des insurgés vous a écrite,
et dans laquelle il demande que mes troupes se re-
tirent du Tyrol et qu'elles puissent s'assembler à
Inspruck sans être gênées par mes officiers civils.
Vous devez sentir, mon cher fils, qu'en acquiesçant
à cette demande vous avilissez ma souveraineté. Je
ne vous cache pas que c'est une suite de votre pro-
clamation, en déclarant que vous nommeriez des
commissaires pour entendre leurs plaintes ; ce n'est
pas le langage qu'il aurait fallu tenir à des sujets
rebelles, aussi recommenceront-ils à la première
occasion.
1«8 MÉMOIRES DU PRINCE EUGÈNE
« Je compte trop sur votre amitié et sur vos sen-
timents, pour ne pas être persuadé que vous ne
compromettrez ni mon autorité ni les droits que
chaque souverain a sur ses sujets. C'est une infâme
engeance capable de toutes les horreurs, témoin la
trahison qu'ils ont commise, il y a quatre jours, et
dont le général Drouet vous aura rendu compte.
Encore une fois, mon bien cher enfant, je m'en rap-
porte entièrement à votre amitié et à vos principes»
de justice. »
Pour bien faire comprendre les affaires du Tyrol
à celte époque, il est nécessaire de remonter un peu
plus haut, et de donner sommairement quelques
aperçus sur la situation de ces contrées et sur les
hommes qui étaient à la tête de l'insurrection.
Les principaux chefs des insurgés étaient Hor-
mayer et Andréas Hoffer. Le premier, tout dévoué à
l'Autriche et voulant la réunion du Tyrol à cet em-
pire, le second rêvant une indépendance et une patrie
tyrolienne, tous deux prêts à tout plutôt qu'à laisser
le pays revenir sous la direction de la Bavière.
Après Znaïm, l'Autriche avait eu soin de faire sa*
voir, par Hormayer et ses affidés, aux Tyroliens,
qu'ils pouvaient continuer à se battre, que bientôt
les hostilités recommenceraient, et que leur pays
serait délivré des Bavarois. Des agents de l'Autriche,
des ecclésiastiques dirigés par les cours de Vienne
et de Rome, entretenaient donc les espérances, les
illusions et aussi l'exaspération en Tyrol. En entrant
dans ces contrées, les Autrichiens y avaient rétabli
l'ancien système administratif, et, tant que leurs
LIV. XVI. — 1809 160-
troupes purent se maintenir au milieu des popula-
tions, le comité organisé par Hormayer reçut de lui
et des généraux Chasteler et Buol la direction à
suivre. Mais lorsque l'évacuation dut avoir lieu par
suile des conventions avec l'Autriche, Hormayer et
tous les agents autrichiens qui s'étaient emparés des
emplois se hâlèrent d'en sortir. Après leur départ,
le pays, quelque temps livré, sans administrateurs,
à une espèce d'état voisin de l'anarchie, finit par se
livrer au second chef des insurgés, à Andréas Hofler,
qui devint général en chef de l'armée, ou plutôt des-
bandes tyroliennes» Guidé par deux moines, fana-
tique lui-même, ce malheureux n'avait ni les talcnls-
ni l'intelligence nécessaire pour tenir la haute posi-
tion à laquelle l'appelaient les caprices d'une fortune
aveugle et bizarre. Cependant il tenta d'organiser
un certain ordre. Il établit à Inspruck une sorte de
comité central dont l'autorité n'eut jamais grande
puissance. Il décida la levée en masse, tandis que
les nobles se tenaient à l'écart pour ne pas obéir à
un homme qui avait été aubergiste. Le Tyrol aurait
pu mettre sur pied 80,000 bons soldats, il ne mit
que des insurgés, tantôt réunis en bandes, tantôt se
dispersant au premier échec, bandes que le bruit du»
tocsin rassemblait et que bien souvent le bruit du
canon dispersait en les rendant à leurs âpres mon-
tagnes.
Les Tyroliens insurgés, pendant l'espace qui s'é-
coula entre l'armistice de Znaïm et la paix de Schœn-
brunn, n'avaient eu affaire qu'à des corps peu nom-
breux, ceux du général Peyri, du général Vial, du
170 MÉMOIRES DU PRINCE EUGÈNE
général Rusca. Ils avaient donc pu, jusqu'à un cer-
tain point, sans obtenir de succès importants, avoir
quelques avantages dans quelques rencontres, inter-
cepter des routes, briser des ponts, rompre des com-
munications, délivrer des prisonniers autrichiens et
les incorporer dans leurs rangs; mais tout cela de-
vait disparaître le jour où des corps plus considé-
rables aborderaient les montagnes. Ce jour était
arrivé. Hoffer, resté seul chef des Tyroliens, le
comprit-il, ou bien, touché par les promesses du
vice-roi, voulut-il de bonne foi déposer les armes et
aider à la pacification, ou bien encore voulut-il
gagner du temps, c'est ce qu'il est assez difficile de
décider. Mais, quel qu'ait été le motif en vertu du-
quel il ait agi, soit parce qu'il comprit l'impossibilité
de prolonger la lutte, soit parce qu'il fût heureux
de faire profiler sa patrie des bonnes dispositions du
vice-roi, soit parce qu'il ne se sentît pas assez fort et
voulût gagner du temps pour mieux organiser un
peu plus tard la révolte, toujours est-il qu'après
avoir lu la proclamation du 25 octobre il entra en
pourparler pour déposer les armes.
Il adressa une première lettre au prince Eugène ;
la voici :
« Monseigneur, un courrier expédié par Son Al-
tesse le prince Jean nous avait apporté les nouvelles
que la paix avait été signée, le 14 octobre, entre
Sa Majesté l'Empereur des Français et Sa Majesté
l'Empereur d'Autriche.
« Que Votre Altesse Impériale me permette de
dire d'abord que, lorsque nous avons pris les armes,
LIV. XVI. — 1809 171
nous n'y avons pas été poussés par un désir aveugle
de nous soustraire à l'autorité légitime. Les motifs
qui nous ont portés à cet acte de 'désespoir sont,
d'un côté, les injustices que nous avons éprouvées,
l'abolition entière de nos privilèges et de nos statuts
que des traités solennels nous avaient garantis jusqu'à
ce jour, les traitements inhumains dont nous acca-
blaient des étrangers qui méprisaient notre misère et
négligeaient les intérêts de notre pays ; d'autre part,
les promesses éblouissantes de la cour d'Autriche et
l'espoir d'obtenir enfin la paix et la tranquillité de
notre patrie.
« Monseigneur, nous méprisons aujourd'hui les
détours honteux qu'on a mis en usage pour livrer et
abandonner un peuple brave et bon à toutes les
horreurs d'une insurrection, et nous sommes pleine-
ment, rassurés par la certitude que le sort du Tyrol
dépend entièrement aujourd'hui de Sa Majesté l'Em-
pereur des Français.
« Votre Altesse Impériale a daigné, dans sa
proclamation, nous assurer du pardon et de la grâce
de Sa Majesté; elle fait plus, elle veut bien écouter
avec clémence nos réclamations et nos vœux. Les
Tyroliens trouvent dans ces assurances la preuve
certaine que Sa Majesté sait apprécier le caractère
franc et courageux d'une nation qui fut fidèle à
l'honneur, et conserva de la modération, même au
milieu de l'anarchie.
« Les circonstances ont fait tomber dans mes
mains le commandement en chef des Tyroliens, je
ne m'en suis servi que pour le bien de mon pays.
47* MÉMOIRES DU PRINCE EUGÈNE
« Que Son Altesse Impériale daigne regarder
. comme une preuve de cette vérité l'assurance que
j'ai l'honneur de lui donner, que je n'emploie au-
jourd'hui mon influence sur les peuples que pour
leur faire déposer les armes et faire rentrer toutes
choses dans Tordre et la tranquillité.
« C'est pour atteindre ce but que j'ai fait parvenir
à toutes les autorités la nouvelle de la conclusion
de la paix, et que je leur ai annoncé que le bien de
notre pays dépend désormais de la générosité et de
la clémence d'un monarque qui sait apprécier mieux
qu'un autre la force et la grandeur d'âme, puisqu'il
est lui-même le grand et le fort du siècle.
« J'ai aussi appelé auprès de moi des députés de
toutes les autorités pour connaître par eux-mêmes
le désir manifeslé par toute la nation de rentrer
dans Tordre et la tranquillité, et pour les inviter à
calmer les esprits.
« Monseigneur, daignez ralentir pour quelques
moments la marche des troupes françaises; veuillez
éloigner les troupes bavaroises des confins septen-
trionaux du Tyrol. Vous donnerez alors un peu de
temps à ces peuples que des réflexions plus calmes
suffisent pour ramener, et vous obtiendrez par la
douceur le salut d'hommes qui se sont montrés
grands et nobles au milieu même de leurs égare-
ments.
« Il ne faut ni temps ni peine pour faire insurger
un peuple irrité par l'oppression ; mais il en faut
beaucoup sans doute pour le calmer. Une faible
étincelle suffit pour embraser une ville entière, et
LIV. XVI. - 1809 175
des milliers de bras suffisent à peine pour éteindre
cet incendie.
« Monseigneur, daignez accueillir la dernière
prière que j'ose vous adresser, permettez qu'une dé-
putation se présente devant vous pour recommander
le peuple du Tyrol à votre clémence, et pour vous
prier de leur accorder votre puissante protection et
médiation auprès de Sa Majesté l'Empereur des
Français.
« Plein de confiance dans la générosité illimitée
de Votre Altesse Impériale, j'ose espérer qu'elle
écoutera favorablement mes humbles prières, les-
quelles n'ont d'autre but que le bien de mon pays, et
sont conformes à l'intention qu'a manifestée Votre
Altesse Impériale dans la proclamation , de ra-
mener par la douceur les peuples du Tyrol à l'ordre
et à la tranquillité.
« C'est dans cette consolante espérance que je
mets aux pieds de Votre Altesse Impériale l'ex-
pression de ma soumission. »
Celte lettre fut bientôt suivie d'une autre dont
voici le texte :
« Monseigneur, le peuple tyrolien, confiant dans
la bonté, dans la sagesse et dans la justice de Votre
Altesse Impériale, remet, par notre organe, son sort
entre vos mains. Il est prêt à déposer les armes, si,
par ce moyen, il peut obtenir votre bienveillance
et votre protection. Il a beaucoup a se plaindre de
la cour d'Autriche, qui, par ses perfides insinua-
tions, toutes récentes encore, l'a porté à l'insur-
rection.
174 MÉMOIRES DU PRINCE BUGÈNE
« Chef d'une population naturellement guerrière,
nous avons maintenu parmi elle une certaine disci-
pline, un respect pour la religion et pour les per-
sonnes que le sort des armes a mis en son pouvoir;
mais, comme notre seul désir est d'empêcher l'effu-
sion du sang et de mériter votre estime, nous nous
rendrons tous auprès de Votre Altesse Impériale,
aussitôt qu'elle aura eu la bonté de nous le per-
mettre.
a Le chef de bataillon Seveling, notre prisonnier
et notre ami, nous assure de votre générosité et de
votre indulgence. Nous brûlons d'aller déposer dans
le sein de Votre Altesse Impériale les plaintes fon-
dées du peuple que nous gouvernons, et nous sommes
persuadé qu'elle voudra bien les'prendre en consi-
dération. La stérilité des montagnes du Tyrol, le peu
de commerce qu'il fait, ne lui permettent pas de
payer les énormes contributions auxquelles il a été
assujetti. Constant dans les principes de la religion
chrétienne, le peuple désire qu'elle soit respectée*
Ayant le bonheur de vivre contemporainement avec
le plus grand homme qui ait existé, nous nous croi-
rions coupables de nous opposer plus longtemps
aux volontés du ciel qui l'a fait naître pour la régé-
nération du monde. Le grand Napoléon et son digne
fils Eugène Napoléon seront désormais les protec-
teurs du peuple tyrolien. »
Hoffer ne se contenta pas de ces deux lettres, et,
pour prouver sa bonne foi, il adressa lui-même aux
Tyroliens insurgés les proclamations ci-dessous : %
« Tyroliens, mes chers frères, la paix entre Sa
LIV. XVI. — 1809 175
Majesté l'Empereur des Français et Roi d'Italie et
l'Empereur d'Autriche a été conclue le 14 du mois
dernier; nous en sommes informé à n'en pas douter.
La magnanimité de Sa Majesté Napoléon nous a as-
suré grâce et oubli du passé. J'ai convoqué tous les
députés que j'ai pu des différents cercles, et j'ai
envoyé, avec leur consentement, comme députés à
Sa Majesté le Vice-Roi, à Viilach, le sieur Jean Danci
de Schlanders, mon confident, et M. le major Sie-
bercn de Untserlangkampfen, avec une lettre signép
par tous les membres de la députation des cercles.
Ces deux députés sont aujourd'hui de retour, munis
d'une lettre autographe très-gracieuse de Sa Majesté
le Vice-Roi d'Italie, que je crois être de mon devoir
de vous communiquer. Ci-après, le contenu de la
lettre de Son Altesse Impériale \ »
Seconde proclamation d'Hoffer :
« Nous ne pouvons faire la guerre à l'invincible
Napoléon; entièrement abandonnés de l'Autriche,
nous nous rendrions très-malheureux. Je ne peux
donc commander plus longtemps, ni répondre des
désastres et de l'inévitable désolation qui les suivrait*
Les victoires et les revers des États sont l'effet de
l'invariable volonté de la Providence divine; nous ne
pouvons pas nous y opposer. Quel est le sage qui
voulût essayer de nager contre le torrent? Veuillons
donc, par la résignation à la volonté divine, nous
rendre dignes de la protection du ciel, et, par un
amour mutuel et la soumission demandée, de la
1 Suivait la lettre du vice-roi, lettre qu'on trouve plus loin.
176 MEMOIRES DU PRINCE EUGÈNE
magnanimité de Napoléon, et de sa très-haute grâce.
D'après les rapports bien sûrs, l'armée bavaroise a
pénétré jusqu'à Steinach (dans Oberinlhal, je ne sais
jusqu'où). L'armée française est arrivée par Botzen,
jusqu'aux hauteurs de Ri tien, et trois divisions, par
le Pusterthal, jusqu'au Klaûsl. Mon cœur est pénétré
de douleur de devoir vous donner cet avis. Je me
trouve cependant satisfait d'acquitter, par ce moyen,
tin devoir auquel j'ai été invité par Sa Grâce l'évoque
de Brixen, sur l'assurance du général Rusca, que
les armées nous quitteraient aussitôt que nous nous
serions rendus.»
IJoffer ne se borna pas à ces démonstrations, il fit
cpfaprendre qu'il serait heureux de se rendre de sa
personne auprès du vice-roi, mais qu'il lui fallait
pour cela un sauf-conduit.
Le prince Eugène , fort désireux de terminer
promptement et sans effusion de sang une guerre
difficile et sans gloire, résolut d'envoyer auprès du
chef tyrolien un de ses propres aides de camp. Il
chargea de cette mission assez périlleuse et fort déli-
cate le jeune chef d'escadron Tascher \ qui reçut
l'ordre suivant :
« Il est ordonné à mon aide de camp, chef d'esca-
1 En quittant son fils adoptif, à Vienne, l' Empereur, qui, déjà peut-
«Hre, songeait au divorce, avait recommande au prince Eugène de ne
pas envoyer a Paris, Tascher (parent de l'Impératrice Joséphine). Le
jeune Tascher, que des relations de famille appelaient en France, ayant
sollicité du vice-roi la faveur de s'y rendre, ce dernier, ne se doutant
alors encore, nullement du malheur qui menaçait sa mère, n'avait trouvé
d'autre moyen de satisfaire le désir fort naturel de son aide de camp
•que de Fenvoyer faire la campagne du Tyrol, afin d'avoir un prétexte
LIV. XVI. - 1809 177
dron Tascber de la Pagerie, de partir de suite pour
se rendre auprès du général Baraguey-d'Hilliers ; il
restera plusieurs jours auprès de ce général ; il pren-
dra connaissance de l'esprit du pays, de tout ce qui
s'y est passé depuis le principe de l'insurrection ; il
cherchera à en connaître les motifs et se mettra enfin
en mesure de pouvoir répondre à toutes les questions
qui lui seraient faites sur ce pays. Dans le cas où le
chef Hoffer viendrait avec plusieurs des principaux
du pays en dépulation près de moi, il pourrait les
amener à mon quartier général. » (Villach, ce 6 no-
vembre 1809.)
En conséquence de cet ordre, le commandant Tas-
cher quitta, le 6 «novembre 1809, le quartier géné-
ral de Villach, où venait de se rendre le capucin
Arckinger, secrétaire de Hoffer, ainsi que deux au*
très habitants du Tyrol, envoyés tous les trois en
mission secrète par le chef des insurgés auprès du
vice-roi. Il fut convenu que l'aide de camp du prince
Eugène les attendrait à Prunecken, pour se concer-
ter avec eux sur les mesures nécessaires à l'évasion
de Hoffer alors, prétendaient ses émissaires, sous la
surveillance du général Wolckmann. Il était décidé
que Hoffer gagnerait d'abord le quartier général de
Baraguey-d'Hilliers et ensuite celui du vice-roi. On
devait indiquer, en cas de départ du prince pour
plausible pour l'expédier ensuite a Napoléon. Aussi on peut remar-
quer que, dans sa lettre du 15 novembre, le prince évite de nommer à
l'Empereur l'aide de camp qu'il expédie en Tyrol. On verra plus loin
comment Napoléon reçut le commandant Tascber au moment du
divorce.
vi. 42
178 MÉMOIRES DU PRIlfCB EUGÈNE
Milan, la direction à suivre afin de le rejoindre le
plus tôt possible.
En pénétrant dans le Tyrol, le commandant Tas-
cher ne tarda pas à s'apercevoir que l' effervescence
était loin d'être calmée parmi les paysans. A Lenz,
qu'il traversa, la population était paisible. Un déta-
chement français occupait la ville ; mais sur la mon-
tagne, à droite et à gauche, dans la vallée même,
l'insurrection grondait toujours. Les Tyroliens affir-
maient que l'ordre du désarmement n'était pas en-
core venu de l'Autriche. Le commandant Tascher
gagna Prunecken , quartier général de Baraguey-
d'Hilliers, lui confia la mission dont il était chargé et
lui remit ses ordres, qui consistaient, s'il ne pouvait
ramener Hoffer, à rester auprès du. général jusqu'à
la jonction de son corps d'armée avec les Bavarois,
commandés par le général Dro.uet. Ce dernier avait
franchi le Brenner, et la jonction devait avoir lieu
près de Mittenvald, point d'embranchement des routes
de Brixen et de Lenz.
Le 7 novembre, les trois émissaires de Hoffer pas*
sèrent à Prunecken et eurent une entrevue avec le
commandant, en présence du général Baraguey-
d'IJilliers. On convint que, sur les neuf heures du
soir, le commandant Tascher se rendrait dans une
vallée voisine, près d'un petit village à droite de Pru-
necken, et attendrait là la réponse de Hoffer. M. Tas-
cher, seul avec un guide, s'arrêta en avant du vil-
lage désigné. Après deux heures d'attente, il vit
venir à lui le secrétaire de Hoffer seul. Le capucin
Arckinger lui dit que son général était gardé à vue
UV. XVI. — 1809 179
par les ennemis les plus ardents des Français, que
leurs projets avaient été éventés et qu'il n'y avait rien
à faire. Étaitrce la vérité, Hoiïer agissait-il, en effet,
sous une pression plus forte que ta sienne, ou bien
avait-il renoncé à Caire sa soumission, ou. sa con-
duite jusqu'alors avait-elle été dictée par Tunique
désir de gagner du temps, c'est ce qu'il est difficile
de dire; toujours est-il que le commandant Ta-
scher, après la déclaration du capucin, crut prudent
de se rendre immédiatement auprès du général Bara-
guey-d'Hilliers, qui se mit en marche, pour aller au-
devant des Bavarois .
Après avoir assisté à plusieurs combats asseg vifs
livrés aux insurgés du Tyrol, après avoir pris sur la
situation de ces contrées des renseignements assez
précis pour pouvoir rendre compte au prince et à
l'Empereur de l'état des choses ; enfin,, après avoir
vu opérer la jonction avec les Bavarois, à SJittenvald,
le commandant Tascher prit congé du général Bar$-
guey-d'Hilliers, sa mission étaitf accomplie, et il sui-
vit la route qu'il avait tenue pour se rendre à Pru-
necken, celle plus directe par Botzen et Trente étant
occupée encore en ce moment par Jes insurgés.
Le général Vial rétablit quelques jours plus tard,
comme on le verra, cette communication*
Arrivé à Villach, l'aide de camp du vice-roi, ne
trouvant plus le prince dans cette ville, se rendit à
Milan,.
Avant de reprendre le récit des opérations mjli-
ta ires, et pour ne plus l'interrQjnpre, nous relaterons
ici ce qui a rapport au mécontentement témoigné
ISO MÉMOIRES DU PRINCE EUGÈNE
par le roi de Bavière à son gendre, et aussi ce qui
concerne Hoffer.
Après avoir reçu les envoyés du chef tyrolien, après
avoir expédié auprès de lui son aide de camp Tascher,
le vice-roi, persuadé que le Tyrol n'attendait qu'une
assurance de pardon pour déposer les armes, suivit
les instructions de l'Empereur, et fit répandre la dé-
cision suivante, datée de Villach le 12 novem-
bre 1809:
« Vu les actes de soumission qui nous ont été pré-
sentés par les députés des Tyroliens et de leurs ci-
devant chefs et commandants ;
« Vu également les rapports qui nous ont été
transmis par tous les généraux commandant les trou-
pes de Sa Majesté qui occupent en ce moment le
Tyrol;
« Considérant qu'il résulte des actes et rapports
ci-dessus indiqués, que, sur tous les points, les Ty-
roliens, pénétrés de leurs véritables intérêts et du
sentiment de leurs devoirs, se sont empressés de se
rendre dignes du pardon que Sa Majesté l'Empereur
et Roi a daigné leur promettre par le traité de Vienne,
et ont, en effet, déposé les armes;
« Considérant néanmoins que, s'il reste encore
sur quelques points de petits rassemblements armés,
ces rassemblements sont composés de brigands étran-
gers aux Tyroliens, qui n'avaient pris parti au milieu
d'eux qu'à la faveur des troubles de l'insurrection,
et dont les Tyroliens eux-mêmes sollicitent aujour-
d'hui avec instances le prompt désarmement et la
prompte expulsion ;
liv. xvi. — 1809 m
« Avons ordonné et ordonnons *
« Article 1 er . Les généraux commandant les trou-
pes qui sont dans le Tyrol prendront, dès aujour-
d'hui, sous leur protection spéciale les personnes et
propriétés des Tyroliens, et particulièrement de leurs
chefs et commandants qui ont donné l'exemple de la
soumission à Sa Majesté l'Empereur et Roi, et qui
y sont demeurés fidèles ;
« Art. 2. Tout individu qui, cinq jours après la
publication du présent ordre, serait trouvé dans le
Tyrol les armes à la main sera arrêté et fusillé;
« Art. 3. Sera également arrêté et fusillé tout in-
dividu qui, après la publication du présent ordre,
serait convaincu d'avoir caché ses armes, après les
avoir portées contre les troupes de Sa Majesté Impé-
riale et Royale.
« Art. 4. Le général chef d'état-major et les gé-
néraux commandant les divers corps de troupes qui
sont dans le Tyrol sont chargés de l'exécution du
présent ordre, qui sera publié et affiché dans toutes
les communes du Tyrol. »
Après ce qui venait de se passer, après la pre-
mière proclamation de Hoffer, enfin, après la mis-
sion du capucin Àrckinger, le vice-roi devait croire
à la soumission prochaine et générale du Tyrol, et il
se rendit à Milan , suivant les instructions que lui avait
données l'Empereur. Son étonneraient ne fut donc
pas médiocre lorsqu'il apprit que Hoffer, encouragé
par un petit succès remporté à Saint-Leonbard, ve-
nait de publier la proclamation suivante, pour enga-
ger les Tyroliens à reprendre les armes :
483 MÉMOIRES DU PRINCK EUGÈNE
« Mes très-chers frères ! Voici un nouvel exemple
de l'assistance divine : nous sommes à présent dans le
Passeyer, où nous pouvons aisément atteindre l'en-
nemi qui e$t ea déroute. Nous avons près de 1,000
hommes prisonniers ; ainsi vous voyez, mes très-
chers frères, que Dieu nous a choisis pour son peuple
chéri et nous engage à battre une nation étrangère,
la plus forte qui existe sur .la terre. Nom nous bat-
trons comme les anciens chevaliers, et Dieu et notre
sainte Vierge nous donneront leur bénédiction ; et
après la guerre nous espérons vivre tranquilles et
non délaissés de l'empereur d'Autriche qui, à n'en
pas douter, redeviendra maître de notre pays ; sur-
tout ne perdez pas courage : des troupes de la Caryn-
thie viennent à notre secours. » (Passeyer, le 22 no-
vembre 1809.)
Un autre chef, nommé Zingerlé, publia sous la
même date, de Méran, Tordre suivant, ouvert, afin
que chaque commune ou comité pût en prendre com-
munication, et qui devait être colporté par Mais, Haf-
lingen, Véran, Mœllen, Fias, Àfingen et Waugen
(dans le Sarenthal, vallée au nord de Bolzano), et de
là plus loin, si le besoin était :
« D'après la nouvelle qui vient d'arriver au com-
mandant supérieur André Hoffer, de Passeyer, il as-
sure que deux députés de Pusterthal lui apportent la
nouvelle certaine que les troupes autrichiennes sont
à Sachsenburg ; qu'en conséquence l'Autriche renaît
et que nos peines n'auront point été infructueuses.
M. le commandant supérieur annonce en outre que
les actions qui ont eu lieu à Brixen et dans le Pas-
LIV. XVI. — 1809 485
seyer sont stfr le point de terminer, et que la vic-
toire nous est assurée»
« Il requiert tous nos environs à reprendre les
armes; nul habitant n'est exempt de marcher, afin
que tous les postes soient de suite occupés et qu'on
combatte avec dévouement. Dieu est avec nous.
« P« S. Le porteur de la présente assure qu'il a
rencontré un autre député du Pusterthal avec une
dépêche pour M. le commandant supérieur, annon-
çant que., les Autrichiens vont entrer dans le Pus-
terthal. »
On voit jusqu'à quel point les chefs tyroliens pous-
saient l'effronterie pour propager des nouvelles ab-
surdes et tromper les habitants. Quoi qu'il en soit, à
la suite de ces proclamations, l'insurrection se ral-
luma sur presque tous les points du Tyrol. Elle
coûta la vie à André Hofler.
La lettre: du roi de Bavière avait profondément
affecté le prince Eugène ; il se hâta d'en envoyer co-
pie à L'Empereur, à la princesse Auguste, et il ré-
pondit au roi :
« Mon bon père, je reçois à l'instant même
votre lettre. du 1 er novembre, et je m'empresse
d'y répondre. Je n'ai pas reçu la lettre des insurgés
qui me demandent à retirer les troupes bavaroises
du Tyrol l , et Votre Majesté peut bien penser que
j'aurais jeté au feu de pareils écrite. J'ai reçu les dé-
putés du Pusterthal; ils m'ont demandé un armistice,
« Cette demande, ainsi qu'on le verra plus loin, avait été faite par
Hoffer au général D rouet, vers le milieu de novembre, sans doute
dans le but de gagner du temps. On ratait rejetée.
m MÉMOIRES DU PRINCE EUGÈNE
et je leur ai répondu qu'on n'accordait pas d'armis-
tice à des rebelles; que j'étais chargé de les faire
rentrer dans l'ordre de gré ou de force, et que je
leur conseillais, pour leur propre intérêt, de pren-
dre leur parti. Votre Majesté paraît se plaindre du
dernier sens de ma proclamation ; j'ai l'honneur de
la prévenir que je n'ai fait qu'exécuter les ordres
de l'Empereur. Je dois même dire avec franchise
que j'aurais pris sur moi d'annoncer à des peuples
rebelles qu'on écouterait leurs plaintes etqu'on leur
rendrait justice. Il ne pouvait entrer dans ma tête de
manquer à la dignité d'un trône auquel je tiens par*
tant de sentiments et dont la gloire me sera toujours
aussi chère que la mienne; mais j'ai pensé que l'es-
sentiel, dans une expédition du genre de celle-ci, était
de réussir et d'épargner autant que possible l'effu-
sion du sang. Or mon but a été de les engager à
rentrer chez eux, à se laisser désarmer ; mais il fal-
lait bien pour cela leur montrer une lueur d'espé-
rance, et c'est cette lueur d'espérance que j'ai voulu
donner en leur disant qu'on écoulerait leurs plain-
tes et leur rendrait justice. On ne s'engage à rien
de positif d'avance, et cependant il est bien dans le
cœur de Votre Majesté de rendre justice à tous ses
peuples. Oui sait si la vérité est parvenue à son
trône à l'égard des Tyroliens? Peut-être quelques
agents infidèles auront traité ces peuples comme, il
n'était pas dans le cœur de Votre Majesté qu'ils le
fussent ; la souveraineté n'est pas avilie quand on
écoute les plaintes des peuples. Ces peuples, il est
vrai, étaient armés hier; mais aujourd'hui ils sont
LIV. XVI. — 1809 185
désarmés et demandent pardon de leur erreur en
même temps qu'ils réclament justice, c'est le sens
de ma proclamation. Je prie Votre Majesté de m'ex-
cuser si je m'échauffe sur cette matière; mais je
tiens infiniment à ce qu'elle connaisse bien les sen-
timents qui m'animent et les intentions que j'ai
eues dans toute cette affaire. Au reste, j'ai assez vu
de ce pays et de ses habitants pour certifier qu'on
n'obtiendra rien d'eux par la force. C'est une guerre
où nous perdrons une grande quantité de braves, qui
se terminera sans doute à notre avantage, mais qui
offrirait pour résultat un pays en cendres et malheu-
reux pour des siècles. Mes troupes sont entrées hier
à Prunecken. Voilà cinq jours de marche dans le
Tyrol, et Ton n'a pas tiré un seul coup de fusil. Tous
les habitants sont rentrés chez eux, et déjà un bon
nombre a déposé les armes. Sans doute ils ont fait
mille questions sur leur sort futur ; mais on leur a
constamment répondu qu'on ne pouvait traiter cette
matière qu'autant qu'ils auraient d'abord fait acte de
soumission et jusqu'à ce que le désarmement géné-
ral ait prouvé leur repentir et leur bonne foi. Voilà
le point où nous en sommes. Je regrette infiniment
que la lettre que j'écrivis à Votre Majesté, dès mon
arrivée à Villach, ait été prise avec l'officier qui la
portait. Votre Majesté y aurait déjà conçu et le aevoir
qui m'était imposé et la pureté de mes intentions et
la sincérité de mon attachement à sa personne. »
Le roi de Bavière répondit à cette lettre si franche
et si noble du prince Eugène, le 9 novembre i 809 :
« Mon bien-aimé fils, le prince de Hohenzollern
486 MÉMOIRES DU PRINCE EUGÈNE
m'a remis hier votre lettre. J'étais trop sûr de votre
amitié pour moi, mon cher ami, pour douter un
instant que vous n'agissiez pas d'après les ordres aussi
de l'Empereur. Mes affaires sont ai bonnes mains,
je vous les abandonne entièrement. Le général de
Wrede vient de m'envoyer la eopie de quatre ordres
de Hoffer, dont il tient les originaux, et qui sont
datés du 1 er novembre» Ce sont tout uniment des
appels à des communautés pour se lever en masse
et prendre les armes contre nous. Je vous demande
si ce gueux-là est dans le cas de l'armistice? Vous
ignorez peut-être que le courrier que l'archiduc Jean
a envoyé en Tyrol est un nommé baron de Lichten-
thurn, Tyrolien, et dont la famille, existant dans ce
pays, est autrichienne dans l'âme. Je suis sûr qu'il
était porteur d'instructions secrètes verbales. Aussi
je parie nia tête que, si l'Empereur retire vos troupes
avant que tout ne soit désarmé et les retranchements
détruits, qu'ils recommenceront leur ancien train et
que j'aurai la guerre civile; en un mot, que le Tyrol
sera une Vendée. Ne croyez pas que je veuille justi-
fier la conduite de beaucoup de mes employés civils;
non, je vous' le jure ; mais je connais trop le système
autrichien et le caractère faux et abominable des Ty-
roliens, pour ne pas prévoir les suites les plus fâ-
cheuses de tout ceci.
- « Adieu, mon bien cher ami, je vous embrasse et
vous aime tendrement. Votre fidèle père et meilleur
ami.
« Ma femme vous embrasse. »
MV. XVI. — 1809 487
II
On a vu qu'immédiatement après l'armistice de
Znaïm des mesures avaient été prises pour terminer
par la persuasion ou par la force des armes la
guerre du Tyrol.
Lorsque la paix de Schœnbrunn laissa à l'Empe-
reur la faculté de disposer d'une partie de ses forces
et des troupes bavaroises, la campagne fut poussée
avec une activité nouvelle*
Au moment où le prince Eugène, encore indécis
de savoir s'il se mettrait lui-même à la tête des forces
dont il avait la haute direction, arrivait à Villach,
l'ordre fut donné partout d'arrêter l'effusion du sang,
pour voir si les Tyroliens viendraient à composition.
Onélaitalorsaucommencementdenovembrel809.
À cette époque, voici quel était l'emplacement des
troupes prêtes à opérer contre les insurgés à peu
près réduits à leurs propres forces : •.
1* La division Vial à Trente et autour de cette
ville ;
2° Les troupes du général Baraguey-d'Hilliers,
dans la vallée de la Drave, en marche pour rallier
les Bavarois du général d'Erlon ;
3° La brigade Bertoletti, détachée du corps de
Baraguey-d'Hilliers, à Spital ;
4° Le général Peyri, avec 900 hommes, en
marche de Bellune sur Bolzano, pour grossir la
division Vial qui avait ordre d'opérer son mouve-
188 MÉMOIRES DU PRINCE EUGÈNE
ment vers ce point. Le général Peyri devait servir
d'intermédiaire et donner la main d'un côté au gé-
néral Baraguey-d'Hilliers, de l'autre au général Vial,
plusieurs des divisions de l'armée s'avançant sur
Brixen par la vallée de la Drave.
Cette diversion, en appelant l'attention des insur-
gés sur Bolzano, avait aussi pour but de dégager le
général Vial.
Le général Peyri réunit, le i er novembre, àAgordo,
ses troupes, auxquelles il permit à un détachement
de gardes de finances de se joindre, et annonça qu'il
allait marcher à Pieve di Primiero, dans la vallée de
Cismon, vers le sud-ouest. Au lieu de cela, le 2 au
matin, il partit d'Agordo et se dirigea, au nord, sur
Caprile, conûn du royaume d'Italie, où il arriva de
bonne heure, n'ayant pu obtenir aucun renseigne-
ment sur le Tyrol allemand dont les insurgés défen-
daient la sortie à qui que ce fût. Il continua sa
marche en prenant les plus grandes précautions.
Arrivé aux frontières, il trouva un corps d'insurgés
commandé par un certain Francesco del Ponte, et
en position sur des hauteurs. Une partie des Tyro-
liens fit aussitôt rouler des quartiers de rochers sur
la colonne, tandis que d'autres l'assaillaient à coups
de fusil. Le général Peyri ayant fait occuper les hau-
teurs voisines qui dominaient, les Tyroliens ne tar-
dèrent pas à être débusqués et dispersés. Après ce
petit combat, le général continua sa marche. Épou-
vantés par le mauvais succès de l'affaire qui venait
d'avoir lieu, un petit corps ennemi de 160 hommes
offrit à Buchenstein de déposer les armes, sous la
LIV. XY1. — 1809 189
seule condition que le village ne serait point pillé,
ni aucun des habitants molesté. Cette condition
acceptée, la colonne prit possession de Buchenstein
et des hauteurs voisines ; mais, malgré toutes les
précautions que prit le général pour empêcher les
troupes de commettre aucun désordre, et pour in-
spirer ainsi toute confiance aux habitants, ceux-ci ne
rentrèrent pas dans leurs habitations. Les prêtres,
entièrement dévoués à Hofler, parvenaient à entre-
tenir l'insurrection. Le général Peyri, craignant
quelque trahison, retint le chef des insurgés de la
commune et le força à lui servir de guide. Le len-
demain, 3, de grand matin, la colonne se mit en
marche en se dirigeant vers Àrabla. Elle fut quel-
quefois inquiétée dans sa marche, mais sans éprou-
ver de pertes. Après avoir franchi la montagne de
Gampolongo, elle descendit à Gorfana, où le général
Peyri fit faire halte à la troupe. Là il apprit que les
insurgés des vallées voisines, en grand nombre, s'é-
taient réunis à Golfosco où ils l'attendaient pour
l'empêcher de pénétrer dans le val Gardena par où
elle devait nécessairement passer, soit pour arriver à
Clausen, soit pour gagner Bolzano. La situation
du général Peyri devenait dangereuse. Cependant,
comme le moindre retard pouvait accroître les dif-
ficultés, il se décida à brusquer l'attaque. Il frac-
tionna ses troupes en trois colonnes ; la première
devait aborder l'ennemi par la gauche, et la seconde
se porter sur ses derrières, tandis que le corps prin-
cipal agirait de front et par la droite. Toutefois,
comme le mouvement devait être combiné, et que
190 MÉMOIRES DU PRINCE EUGÈNE
les deux premiers détachements avaient un grand
détour à faire, le général Peyri Ait obligé de gagner
du temps afin d'amuser l'ennemi; il engagea un
prêtre qui retournait dans son village à se pré-
senter aux insurgés en qualité de parlementaire et à
leur remettre la proclamation du prince Eugène
relative à l'amnistie. L'arrivée de ce parlementaire
et la proclamation excitèrent des discussions parmi
les Tyroliens. Leur chef, aubergiste de Saint-Ulrich ,
qui parlait français, demanda une entrevue. Elle lui
fut accordée. Il proposa au général Peyri de se rendre
avec toute sa colonne ; mais, pendant que le général
le retenait, discutant cette proposition, les deux dé-
tachements arrivèrent assez près des insurgés pour
pouvoir commencer l'attaque. Alors le général Peyri
renvoya le parlementaire et se porta rapidement en
avant. Ce mouvement imprévu, et l'occupation des
hauteurs sur lesquelles les détachements étaient ar-
rivés épouvantèrent tellement les paysans, privés de
chef, qu'ils prirent la fuite et ouvrirent le pasaage
aux troupes. La colonne put gagner, successivement
et sans obstacle, San ta-M aria, Santa-Christiana et
Saint-Ulrich. A ce dernier point, le général Peyri
accorda un peu de repos à ses troupes. Il leur dit
même, croyant pouvoir le faire, qu'on y passerait
la nuit, et que le lendemain on se rendrait à Clausen»
Le soldat, extrêmement fatigué, aurait eu besoin
d'un plus long repos que celui qu'il venait de prendre;
mais le général Peyri, réfléchissant que les masses
auxquelles il avait eu affaire, bien que dispersées,
n'étaient pas détruites, et que le tocsin, qui sonnait
LIY. XVI. - 1809 191
dans tous les villages, allait soulever la population
entière contre lui, se décida à continuer son mouve-
ment à Tëntrée de la nuit. Le bruit répandu qu'il se
rendait à Clausen facilita sa marche par des chemins
difficiles au travers de hautes et épaisses brous-
sailles.. A plusieurs reprises, il se trouva si près
des insurgés, que le feu de leurs bivacs éclairait
ses soldats. 11 réussit à surprendre et à enlever, sans
bruit, plusieurs patrouilles qui parcouraient lei che-
mins avec des flambeaux, et il arriva ainsi à Bruck,
village situé au-dessous de Clausen, presque à l'em-
bouchure du Greduer. Ignorant les obstacles que
pouvait présenter cette petite rivière, et ne connais-
sant les forces des rebelles que par leurs nombreux
bivacs, le général Peyri résolut d'attendre le jour
pour tenter le passage. D'ailleurs sa troupe, -exté-
nuée de fatigue par une marche de vingt et une
heures, sans prendre de nourriture, avait besoin
d'un peu de repos pour ne pas succomber. Le 4, au
point du jour, le général, ne pouvant plus dérober
sa marche à l'ennemi, descendit rapidement dans le
village afin de prévenir son attaque. Les insurgés,
protégés par le feu de ceux des leurs qu'ils avaient
postés sur les hauteurs voisines dominant lé village,
firent une résistance opiniâtre ; mais enfin', chargés,
à la baïonnette, ils cédèrent le passage. On ne les
poursuivit pas, attendu qu'ils avaient coupé le pont 1
sur le Greduer et que le feu très*violent de ceux qui
étaient embusqués sur l'autre rive empêehait d'ap-
procher de la rivière» Heureusement ils deman-
dèrent à parlementer, ce qui fut accepté, ainsi que la
193 MÉMOIRES DU PRINCE EUGÈNE
proposition de leur chef pour se readre auprès du
général Peyri. Us Crent jeter quelques planches sur
le pont, et un détachement de paysans armés "passa
le ruisseau. Les députés sommèrent le général de
poser les armes, et leur détachement se jeta sur un
piquet avancé pour le désarmer. Aussitôt la charge
est battue, les troupes se précipitent avec une telle
ardeur, que les Tyroliens n'ont pas le temps de re-
tirer les planches jetées sur le pont ni de couper
celui de l'Eysach conduisant à Goliman.
La colonne perdit ses équipages entre les deux
ponts, et cette circonstance retarda la poursuite de
l'ennemi et dégagea un peu la queue qui était serrée
de très- près. Ce combat fui sanglant pour les in-
surgés qui laissèrent sur le terrain beaucoup des
leurs.
Le général Peyri ne jugea pas à propos de prendre
position à Goliman, alors en état d'insurrection ainsi
que les villages voisins. Malgré les dangers et les
obstacles qui lui restaient à surmonter, il se décida
à se rendre à Bolzano, où ses ordres lui prescrivaient
d'arriver le même jour, et où il espérait trouver la
division Vial. Les insurgés étaient en grand nombre
sur les hauteurs à droite et à gauche, et, comme la
colonne était trop faible pour pouvoir penser à les
déloger, il fallut marcher sous le feu continuel qu'ils
faisaient des montagnes de Rilten, et au milieu des
pierres et des morceaux de rochers que roulaient
les femmes et les enfants, couronnant les montagnes
qui dominent la grande route.
A Cardaun, le feu des insurgés se ralentit, et à
liv. xvi. - 1809 m
Kentich il cessa tout à fait. Le général Peyri, après
avoir fait occuper les hauteurs de Santa-Maddalena,
entra, sans obstacle, dans Bolzano 1 , à deux heures
après midi. Il fut bien reçu par les habitants qui
s'empressèrent de fournir aux besoins de ses tfoupes;
mais il eût désiré trouver la division Vial, d'autant
plus que les soldats manquaient de munitions. Réduit
à défendre une ville ouverte, le général Peyri établit
des postes, et fit fortement barricader toutes les ave-
nues. Puis il dépécha un émissaire au général Vial
pour le prévenir de son arrivée à Bolzano et de la
situation dans laquelle il se trouvait. Le soir, les
insurgés forcèrent le poste qui était sur les hauteurs
de Santa-Maddalena à se replier sur la ville. Pendant
la nuit, les Tyroliens furent renforcés par les masses
qui avaient quitté les bords du Lavis, et pour échap-
per au général Vial, et par la crainte d'être pris
à dos par les troupes du général Peyri. Le 5 au
matin, les paysans, en très-grand nopibre, descendus
des hauteurs de Santa-Maddalena, tentèrent de sur-
prendre la ville; mais leur projet fut déjoué, et ils
furent repousses avec perte. Dans la journée, ils
renouvelèrent leur attaque avec fureur sur tous les
points, et furent également refoulés à coups de
baïonnettes, car les troupes n'avaient plus de car-
touches.
La marche difficile et les combats livrés par cette
petite colonne du général Peyri étaient des opéra-
tions très-glorieuses.
1 Bolzano ou fiotzen.
194 MÉMOIRES DU PRINCE EUGÈNE
Vial, en apprenant l'arrivée des troupes à Bolzano,
ordonna au général Digonel de partir immédiate-
ment avec la cavalerie de sa division et deux cais-
sons d'infanterie altelés de chevaux de poste pour
se rendre dans cette ville, où ce renfort arriva le 5 r
au soir, fort à propos pour rassurer les troupes et
les habitants, et pour en imposer aux insurgés qui
espéraient enlever la ville de vive force la nuit sui-
vante. Le 14 e léger et le 101 e de ligne, qu'il avait
mis en mouvement comme les moins fatigués, pé-
nétrèrent également à fiolzano dans la nuit. Le 6,
le général, avec le 1" léger napolitain, 5 e et 81 e de
ligne français et l'artillerie, y arriva lui-même,
dans la journée ; puis successivement le 3* et le 7 e
de ligne italiens. Les insurgés occupaient encore les
hauteurs qui couronnent la ville» Vial résolut de les
chasser de celle de Loreto, à la gauche de l'Ëysach,
d'où ils faisaient une vive fusillade sur le pont. Le
1 er léger napolitain remonta cette rivière afin de
tourner la position par la gauche, tandis que le
5 e régiment tentait l'attaque de front et que le 3* ita-
lien prenait par la droite. Les paysans ne tinrent
pas, et, après avoir tué ou blessé quelques hommes
à coups de pierres, ils prirent la fuite. Le 14 e léger
occupa Loreto ; le 5 e et le V italiens et la colonne
du général Peyri restèrent à Bolzano. Le reste des
troupes fut porté en avant de la ville.
Le 7, on devait attaquer les insurgés sur tout le
front de la ligne ; mais quelques piquets envoyés la
nuit précédente les avaient tellement inquiétés, qu'ils
s'étaient retirés avec précipitation. Alors le général
LIV. XVÏ. — 1800 195
Vial fit prendre position à sa division entre l'Eysach
et Tàdige; la l re brigade, commandée parle géné-
ral Digonet et composée du 14* léger français, du
i" léger napolitain, du 84* et du 101 e d'infanterie
de ligne français, appuya sa droite à l'Eysach, et sa
gauche à la Palser; le 14 e léger resta à Loreto; la
2* brigade, commandée par le général Peyri et com-
posée du 5* et du 7 e régiment italiens et de la colonne
mobile, se lia par sa droite à la gauche de la 1",
détendant jusqu'à FÀdige. La 5* resta à Bolzano
avec la cavalerie et les 6 bouches à feu de la di-
vision.
Les habitants des diverses communes et surtout
de Méran envoyèrent des députés pour faire leur
soumission, il leur fut répondu qu'elle ne serait
agréée que quand ils auraient rendu les prisonniers
de guerre français, italiens ou bavarois, et leurs ar-
mes. On désarma la ville ainsi que les villages voi-
sins. Le même jour, un bataillon du 101 e régiment
d'infanterie de ligne fut détaché pour tourner une
montagne voisine, et en expulser les insurgés. II de-
vait être de retour dans la journée. Ce bataillon
s'égara, rencontra l'ennemi, perdit du temps à
parlementer et fut obligé de passer la nuit dans une
mauvaise position. Le lendemain, il se trouvait enve-
loppé; mais les troupes que le général Digonet avait
envoyées pour en avoir des nouvelles, ayant entendu
la fusillade au point du jour, le dégagèrent. De Bal-
zano, diverses colonnes mobiles furent jetées dans
plusieurs directions pour hâter le désarmement. La
droite du général Digonet détacha un bataillon sur
190 MÉMOIRES DU PRINCE EUGÈINB
la route de Brixen, afin d'avoir des nouvelles du gé-
néral Baraguoy-d'Hilliers; le 8 et le 9, les colonnes
mobiles continuèrent à parcourir le pays.
Environ 130 prisonniers français, italiens, bava-
rois ou saxons avaient été délivrés à Bolzano ; beau-
coup d'autres furent rendus. L'administration muni-
cipale de Bolzano fut organisée; les communes
envoyèrent de tous côtés leurs soumissions et les ha-
bitants rentrèrent dans leurs foyers, en sorte que
bientôt, dans ce district, les gens sans aveu, les bri-
gands reconnus ou les déserteurs, restèrent seuls les
armes à la main.
Le 10, le général Digonet fit marcher par la rive
droite de l'Eysach le 1 er léger napolitain, qui se porta
le lendemain à Colman par la rive droite de cette ri-
vière, le 81 e de ligne, qui se porta à Lcngrustein.
Le but de ce mouvement était d'avoir des nouvelles
du général Baraguey-d'Hilliers, dont on apprit offi-
ciellement dans la journée l'entrée à Brixen, ainsi que
celle d'officiers autrichiens, porteurs de la procla-
mation de Hoffer aux Tyroliens, pour les engager à
poser les armes. Ce chef avait déjà envoyé deux fois
des parlementaires au général Vial pour traiter de sa
soumission et devait se rendre le 12 novembre à Bol-
zano.
Tandis que ceci se passait dans le Tyrol méridional,
l'expédition, confiée par le prince Eugène au général
Baraguey-d'Hilliers, était en marche dans les vallons
de la Drave, et son avant-garde était même arrivée,
le 1 1 , à Bolzano. En outre, les troupes du roi de Ba-
vière, occupant le pays de Salzbourg, recevaient l'or-
LIV. XVI. — 1809 197
dre de pénétrer dans leTyrol et d'attaquer les insur-
gés dans la vallée de l'Inn. Cette opération devait
faciliter l'expédition du général Baraguey-d'Hilliers,
dont la marche se trouvait flanquée jusqu'à la hau-
teur de Prunecken. Ainsi, d'une part, le corps d'ar-
mée détaché de l'ancienne armée d'Italie du prince
Eugène occuperait Bolzano, Brixen, Méran, Prunec-
ken, Sterzing ; d'une autre, la division Vial tiendrait
leTrentin, et les troupes bavaroises opéreraient par
les deux rives de l'Inn, jusqu'à l'Engadine et au mont
Brenner. Le Tyrol se trouverait donc cerné de façon
que l'insurrection ne pût agir longtemps sans être
étouffée, ou au moins hors d'état de rien tenter de
sérieux. C'est, en effet, ce qui arriva. Il y eut des
rassemblements partiels, des attroupements assez
considérables; il se livra des combats, dans quelques-
uns desquels même les insurgés obtinrent des avan-
tages; mais, dès l'instant que les deux corps d'armée,
sous les ordres directs du prince Eugène, occupèrent
les positions que nous venons d'indiquer, les troupes
insurrectionnelles du Tyrol cessèrent dé faire un en-
semble de corps, et il n'y eut plus entre elles de
liaison.
Nous devons maintenant revenir au milieu du
mois d'octobre pour indiquer les opérations du
corps bavarois, puis nous donnerons celles du gé-
néral Baraguey-d'Hilliers.
Le 16 octobre, le corps d'armée bavarois aux
ordres du général Drouet d'Erlon occupait les posi-
tions suivantes :
i n division (prince de Bavière); 2 bataillons d'in-
f
/
1Î8 MÉMOIRES DU PRINCE KUUK.XK
fanlerie, 1 régiment de cavalerie el o pièces de ca-
non en avant de Uallcm, sur la Salza, au-dessus de
Salzburg; 2 bataillons a Bergtesgaden, o bataillons,
1 régiment de cavalerie, et 6 pièces de canon à
Reichenhall, sur la Salza.
2 e division (lieutenant général, baron de Wrede);
7 bataillons, 1 régiment de cavalerie et 22 pièces de
canon réunis aux environs de Traunstcin, à l'ouest
de Salzburg.
5 e division (général de Deroy); 8 bataillons,
2 régiments de cavalerie et 18 pièces de canon.
Cette division, qui avait gardé les débouchés duTyrol •
depuis le commencement de l'insurrection, avait
ordre de se réunir sur l'Inn, entre Ku es te in et Ho- ■
semhcim. *
Le général Drouct, ayant reçu Tordre d'attaquer
les insurgés qui menaçaient Salzburg, prescrivit à la
2 e division de partir, le 17, pour se rendre ù Saint-
Joham, au haut de la vallée de l'Aich. La 5 e division
eut ordre de prendre position, le 18, sur l' Action*
bach, en arrière de Voergl, la droite appuyée à l'Inn.
La 1" division, fractionnée en plusieurs colonnes,
devait tourner la position des insurgés dans la vallée
de laSaal, où ils avaient un camp prèsd'Unken,
leurs avant-postes en face de Reichenhall. Le 16, la
colonne de droite de cette division, qui devait tra-
verser les montagnes escarpées situées à la gauche de
la Saal, se mit en marche, en se dirigeant sur Weis-
senbach, à l'ouest de Reichenhall, où elle prit posi-
tion, le 17, de grand malin. Toutes les colonnes se
mirent en marche. Le point de réunion était der-
LIV. XVI. — 1809 199
rière Mcleck et Unker. Elles avaient pour guide les
habitants de Reichenhall.
Le mouvement fut si bien conduit que les troupes
arrivèrent en même temps entre Meleck et Unken ;
les positions des insurgés turent tournées, on prit
leurs canons, leurs munitions et environ 600 pri-
sonniers. Ils eurent en outre 200 à 300 morts.
Aussitôt que la jonction fut faite, on détacha une
partie de cavalerie et deux compagnie d'infanterie
sur Lovers afin d'empêcher la destruction du pont de
la Kimpah. Les insurgés coupés à Lovers furent sur-
pris; on en tua beaucoup, Ton fit environ 60 pri-
sonniers, et on les poursuivit jusqu'à Luftenstein,
qui fut occupé; la l re division vint prendre position
à Lovers. La 2* division, qui avait passé par les
chemins très-difficiles, ne peut prendre position
qu'à Yœssen, en avant de Marquartstcin (vallée de
l'Aich).
Le 18, les deux bataillons de la 1" division qui
occupaient Bcrghtcsgaden, eurent ordre de se diri-
ger sur Weissenbach, dans la vallée de la Saal. Pour
seconder ce mouvement, on envoya de Lovers le gé-
néral Rechbcrg avec deux bataillons et deux pièces
de canon. La jonction se fit dans l'après-midi, au
village de Weissenbach, après un engagement assez
vif. La colonne en avant de Hallem, 2 bataillons,
1 régiment de cavalerie et 5 pièces de canon,
eurent ordre de se porter à Golling, dans la vallée de
la Salza, afin d'observer le poste de Luegpass et les
débouchés occupés par les insurgés. La 2 e division
arriva à Saint-Joham, dans la vallée de l'Aich, et
\
200 MÉMOIRES DU PRINCE EUGÈNE
aussitôt les communications furent ouvertes avec la
1" division et avec la 3 e qui, le même jour, arriva à
la position qui lui avait été indiquée en arrière de
Voergl .
lie 19, les habitants des vallées de la haute Salza
et de la Muhr, voyant les rebelles expulsés de la val-
lée de Saal, envoyèrent des députés offrir leur sou-
mission pour assurer le désarmement de ces dis-
tricts. Les troupes qui étaient dans la vallée de la
Saal eurent ordre de se porter en avant jusqu'à Sal-
felden, afin de prendre en même temps à dos les in-
surgés postés à Lueg-Pass. Le 20, une brigade de la
1" division vint prendre position à Saint-Joham, et
occupa Kizbuhel. L'autre brigade avait deux batail-
lons à Golling et trois dans le Puitzgau à Salfelden.
Ces cinq bataillons avaient ordre de faire leur jonc-
tion par Daxembach, dans la vallée de la Salza. La
2 e division partit de Saint-Joham et vint prendre po-
sition surl'Inn à Kundt, entre Yoergl et Rattenberg,
la 3 e division resta en arrière de Yoergl- On prit
dans toutes les communes occupées par l'armée, des
otages qui furent envoyés à Kufstein.
Le 21 , la 2 e et la 3 a division marchèrent sur Rat-
temberg, occupé par environ 3,000 insurgés qui se
retirèrent à l'approche des troupes bavaroises, et
coupèrent les ponts derrière eux. La 2 e division se
porta au pont du Ziller, près du village de Strass, et
l'ayant fait réparer elle prit position. La 3 e division
se plaça en arrière de Rattenberg. Les retranche-
ments élevés par l'ennemi entre Yoergl et Ratten-
berg, et au pont de Ziller, furent détruits. On soc-
LIV. XVI. — 1809 204
cupa alors du désarmement du Zillerthal, ainsi que
de celui des baillages de Rattenberg et de Kufstein.
Les troupes qui étaient à Golling firent également
leur jonction avec celles du Puizgau, et les insurgés
de ces vallées se soumirent. Le désarmement fut
opéré, des otages exigés, et les ponts sur l'Inn ré-
tablis.
Le 22 et 23, les 2 e et 3 e divisions restèrent en po-
sition.
La brigade de la 1" division, qui occupait Saint-
Joham et Kizbahel, vint, le 23, prendre position à
Kundl.
Le 24, cette même brigade et la 2' division se
portèrent à Hall; on ne rencontra que de très-petits
postes d'insurgés, une brigade de la 3 e division oc-
cupa Rattenberg. La seconde brigade fut répartie
ainsi qu'il suit : 1 bataillon, 1 escadron et 3 pièces
de canon à Schwatz, 1 bataillon à Yeerberg; 2 ba-
taillons, 1 escadron et 3 pièces de canon sur les
hauteurs du pont de Wolderc ou Venaper.
Cependant ces premières opérations firent crain-
dre aux insurgés que le corps d'armée bavarois, en
faisant un mouvement par la gauche, ne vînt occu-
per Maitray et Steinach, et les couper du corps qu'ils
avaient à Lienz et devant Trente. Ils songèrent donc
d'abord à couvrir ces positions en abandonnant Hall
et Inspruck. Afin d'attirer l'attention du général
Drouel sur ces deux villes, et de lui ôler l'idée d'un
mouvement général sur Sterzing, ils continuèrent à
occuper la rive gauche de l'Inn jusqu'en faoe d'in-
spruck ; menaçant ainsi les communications directes
302 MÉMOIRES DU PRINCE EUGÈNE
du général Drouct avec la Bavière. Leurs forces prin-
cipales étaient concentrées dans leurs retranche-
ments, sur la montagne, sur là roule de Brixen. Us
avaient une réserve à Steinach. Le 25, une forle re-
connaissance fut poussée sur Inspruck ; les insurgés
avaient détruit le pont de Mûhlu sur l'Inn. Ce pont
fut promplement rétabli, la ville fut occupée, et
l'ennemi se retira dans ses retranchements de la
montagne. La position fut reconnue, mais on se con-
tenta de placer à l'entrée de la ville, du côté de Hall,
une forle avant-garde qui devait défendre et ga-
ranlir le pont. Le même jour, un officier d'ordon-
nance du prince Eugène apporta au général Drouet
la nouvelle de la marche des troupes, qui entraient
par la vallée de la Drave et le Pusterthal. Plusieurs
exemplaires des ordres et des proclamations du vice-
roi furent de suite envoyés àHoffer, qui était alors a
Steinach. On lui signifiait de faire connaître ses in-
tentions dans les quarante-huit heures.
Le 26, la brigade de la Indivision qui était restée
dans le Puizgau rejoignit le corps d'année. Elle se
réunit à la division, à Hall. Le même jour, le poste de
Scharnitz fut enlevé par le colonel Oberndorf. Pen-
dant les journées du 26, 27 et 28, il y eut des enga-
gements continuels avec la ligne des postes des
insurgés, qui s'étendaient des hauteurs en face
d'Inspruck, jusqu'en avant de Veerberg.
Le 29, Hoffer annonça au général Drouet qu'un
courrier de l'archiduc Jean avait apporté aux Tyro-
liens l'assurance que la paix avait été conclue le 14.
Il demanda en même temps une suspension d'armes
LIV. XVI. — 1800 203
de quinze jours, sons la condition que les troupes
bavaroises se retireraient en arrière deKufstein. Il
sollicita aussi des sauf-conduits pour envoyer des
députés au prince Eugène; ceci témoignait d'une
sorte de mauvaise foi de Hoffcr, car, la proclamation
du vice-roi ayant été signifiée aux troupes qu'il avait
en avant de Licnz, il lui ela.it plus facile d'envoyer
par là des députés au quartier général, à Villach.
Son but, en sollicitant des sauf-conduits du général
Drouet, semblait donc être de gagner du temps. Le
général refusa la suspension d'armes, mais accorda
les passe-ports pour les députés, décidé à occuper
jusqu'à leur retour Inspruck.
Le 50, l'avant-gardc du corps à Inspruck fut vi-
vement attaquée, mais inutilement. Toutefois, des
émissaires des insurgés ayant été arrêtés, colpor-
tant l'ordre aux habitants d'Inspruck de reprendre
les armes, le général Drouet se décida à les prévenir
immédiatement.
Le i er novembre la 2 e division fut chargée d'atta-
quer la position de la montagne défendue par environ
8,000 paysans fortement retranchés. Après un feu
d'artillerie bien soutenu, l'infanterie emporta d'as-
saut le retranchement, les insurgés furent disper-
sés ayant perdu beaucoup de monde. On leur prit
8 pièces de canon et toutes leurs munitions.
Tandis que la 2 e division attaquait le retranche-
ment de la montagne, le général Raglowich avec
2 bataillons, 2 escadrons et 6 pièces d'artillerie de la
1" division, empêchait les insurgés devant Hall de
se porter au secours des leurs; mais, en même
904 MÉMOIRES DU PRINCE EUGÈNE
temps, les insurgés à la gauche de l'fnn, voulant
faire une diversion favorable à ceux de la mon-
tagne, attaquèrent Inspruck par les hauteurs de
Hœltingen. Le général Rechberg, qui y fuf envoyé
avec une brigade de la 1" division, 2 escadrons
et 3 pièces de canon, repoussa cette attaque et chassa
les insurgés des hauteurs. Le soir, le général Drouet
ût venir à Hall le général de Deroy avec 3 batail-
lons; Volders fut occupé par 1 bataillon, 1 esca-
dron et 3 pièces; Weerberg par 1 escadron et
3 pièces ; Rattenberg et le Zillerbruck par 2 batail-
lons, 1 escadron et 4 pièces; de la cavalerie fut
envoyée par le Zillerlhal pour tâcher de communi-
quer avec les troupes du général Baraguey-d'Hil-
liers; de cette manière la communication avec Kuf-
slein se trouvait couverte; celle par Radstadt (dans
le pays de Salzburg) Tétait par de l'infanterie et par
deux escadrons de cavalerie.
La 2 e brigade fut placée à Zirl pour assurer la
communication avec Scharnitz, une avant-garde oc-
cupa Schonberg et les hauteurs environnantes sur la
route de Brixen ; les villages d'Altrans, d'Àmpas, de
Will, et les hauteurs voisines qui étaient encore aux
mains des insurgés furent balayées, et une avant-
garde fut poussée jusqu'à Patsch et Mûhlthal, à la
hauteur de Schonberg.
A la suite de ces diverses opérations on envoya des
troupes dans la haute vallée de l'Inn, et les baillages '
qui se trouvent de ce côté donnèrent des otages et
firent leur soumission. Des troupes furent placées
entre Unter-Miemingen et Imst pour observer la
LIV. XVI. — 1809 205
vallée d'Oez, vallée d'autant plus intéressante, qu'elle
pouvait être utile aux insurgés pour faire une di-
version dans la vallée du hautlnn. Deux ponts placés
au bas de celte vallée ouvrent la communication avec
Imst. Le chemin remonte la vallée par Umhausen,
Ober-Lengenfcld, Sœlden, et conduit au col de Pas-
seyer-Àlpen, d'où Ton communique avec le Passeyer-
Thal, Meran et Stertzing. De Sœlden, deux autres
chemins peut-être un peu difficiles pendant l'hiver
conduisent par Pillberg et Fender dans le Wintsch-
gau, au-dessus de Meran.
Le 4, la position du corps d'armée bavarois était
la su hante : la 1" division dans la plaine d'In-
spruck, occupant les hauteurs et ayant ses avant-
postes à Schonberg et Muhlthal, sur la route de
Brixen; la 2 e division, ayant une brigade à Zirl, com-
muniquant par sa droite avec Scharnitz, occupé par
les volontaires du comte d'Oberndorf; l'autre brigade
s'étendant sur l'Inn jusqu'à Landeck; la 3 e division
(quartier général à Hall) sur la rive droite de l'Inn,
depuis Wolders jusqu'à Rattenberg.
Hoffer fit prévenir ce jour-là le général Drouet
qu'il avait ordonné à ses postes de mettre bas les
armes. Le 5 et le G il n'y eut aucun mouvement.
Le 7, l'avant-gnrde de la 2* division, qui avait
échangé ses positions avec la 1", s'étant portée à
Steinach sur la route de Brixen, eut à en chasser
1,500 insurgés qui, loin de poser les armes, ainsi
que l'avait annoncé Hoffer, se défendirent de posi-
tion en position. En même temps, un rassemble-
ment de paysans reparut dans le haut du Ziller-Thal.
206 MÉMOIRES OU PRLNCE EUGÈNE
Le général Minucci, qui venait joindre le corps d'ar-
mée avec trois bataillons, un régiment de cavalerie
et de l'artillerie, y fut envoyé; il les battit et les dis-
persa.
Le 10, l'avant-garde de la 2* division occupa le
village de Brenner sur la route deSterzing, et fit ré-
parer tous les ponts qui avaient été coupés. En consé-
quence de ce mouvement, la communication fut
ouverte, le 11, avec les troupes que le général Bara-
gucy-d'Hilliers avait envoyées à Sterzing. Celles qui
étaient à Imst furent attaquées deux fois dans la jour-
née par les insurgés du haut Inn : ces attaques furent
repoussées; mais, comme il paraissait que la vallée
d'Ocz et le haut Inn du côlé de Landeck ne voulaient
pas se soumettre, toute la division eut ordre de s'y
porter.
Le 14, toute la première division était à Imst. Des
colonnes s'avancèrent par OErzell et Wens, pour se
porter sur Kiem et tourner la position des insurgés;
ceux-ci, probablement instruits du mouvement, se
dispersèrent; le lendemain le baillagc de Landeck se
soumit et fut occupé. 11 en fut de même les jours
suivants pour les vallées d'Ocz et d'Œrzell, où Ton prit
les mesures les plus promptes pour le désarmement.
Les insurgés occupaient toujours en force le poste
de Funstermanz sur l'inn, aux confins de l'Enga-
dinc; ce poste leur était de la plus grande nécessité
pour couvrir la vallée du haut Àdige qu'ils tenaient
encore, et pour empêcher qu'on ne prît à dos les
troupes qu'ils y avaient. Cependant l'insurrection ne
tarda pas recommencer dans plusieurs petites vallées
LiV. XVI. - 1809 307
secondaires de l'Inn, en face de Landeck. Les rassem-
blements reparaissaient sur les hauteurs de la rive
gauche de cette rivière. On dut y renvoyer des trou-
pes de la 1" division.
Le 25, on arrêta des émissaires dos insurgés col*
portant les ordres |>our une attaque générale. Bientôt
des partisans du gouvernement bavarois dévoilèrent
le projet des insurgés qui était de surprendre les
troupes dans la nuit du 27, et de s'en défaire d'un
seul coup. En effet, il y eut des rassemblements ;
mais les précautions étaient prises, ils furent dis-
persés, et l'ordre rétabli.
Présumant que des troupes du corps d'armée du
général Baraguey-d'Hilliers avaient pénétré dans le
Winschgau, qui venait de faire sa soumission, des
partis furent envoyés, le 28, sur Nauders, pour com-
muniquer avec elle. Depuis cette époque la partie du
Tyrol occupée par les troupes bavaroises resta tran-
quille cl soumise.
Hoffer n'avait jamais été reconnu par un acte pu-
blic et solennel chef suprême de la nation; cepen-
dant il avait acquis tant d'influence, que le Tyrol en-
tier prenait les armes à sa voix, et qu'il était bientôt
parvenu à dominer tous les autres chefs. Habituelle-
ment il marchait avec 8 à 10,000 hommes, divisés
par compagnies de 100 à 150 insurgés; mais, quand
il avait quelque expédition à faire, il en rassemblait
20 à 30,000 qu'il licenciait ensuite. Il parait certain
que ce chef de bande avait songé à profiter de son
ascendant sur le Tyrol allemand pour organiser le
pays d'une manière à peu près régulière, puisque >
308 MÉMOIRES DU PRINCE EUGÈNE
ainsi que nous le disions plus haut, il avait constitué
à Inspruck une espèce de gouvernement ou comité
central composé en grande partie d'employés du
gouvernement bavarois. Cette dernière circonstance
prouve que le gouvernement du roi Maximilien avait
été trompé par la plupart de ses employés en Tyrol.
L'insurrection, au surplus, n'avait pas eu le même
caractère parlout. Dans le Tyrol allemand elle était gé-
nérale ; les habitants de toute classe et de tout âge
s'y étaient portés avec enthousiasme et fanatisme. Le
Tyrol italien, au contraire, plus civilisé, y prit une
part moins active, surtout dans la position moins
voisine du territoire allemand. Dans la partie ita-
lienne aucune famille considérable par sa position
ne s'en mêla, et il ne fut jamais possible d'y organi-
ser une levée en masse comme dans le nord du pays.
Les forces des insurgés du Tyrol italien consistaient
en quelques compagnies composées de gens sans
aveu et commandées en partie par des étrangers
comme Garbino, marchand de Vienne, qui avait été
obligé de s'enfuir pour un assassinat; Dalpoute de
firescia, accusé d'avoir fabriqué des fausses lettres de
change. Il s'y joignit bon nombre de brigands et de
déserteurs; aussi les compagnies du Tyrol italien
commirent-elles plus de crimes et de désordre que
les compagnies allemandes.
Cependant, le 28 octobre, le général Baraguey-.
d'Hilliers reçut Tordre d'entrer en Tyrol par le val-
lon de la Drave, avec un corps composé ainsi qu'il
suit :
Division Séveroli, 1" brigade, général Bertoletti,
LIV. XVI. - 1809 309
h Spital et Sachsenburg; 1 er léger italien, i ba-
taillon, 656 hommes; 2 e léger, 1 bataillon, 603;
régiment dalmate, 2 bataillons, 730; artillerie,
60; chasseurs royaux, 25; pièces de canon, 2;
2 e brigade, colonel Rossi, à Villach; 1 er de ligne
italien, 3 bataillons, 1,580 hommes; 4 # de ligne,
1 bataillon, 430; artillerie du 1 er , 62; chasseurs
royaux, 2 escadrons, 120; chasseurs de Prince-
Royal, 60; 5" compagnie d'artillerie à pied ita-
lienne, 60; bouches à feu, 4; tolal 4,386.
Division Rarbou, 1" brigade, général Moreau,
près de Villach ; 15* de ligne français, 3 bataillons,
2,128 hommes; 2 e léger français, 3 bataillons,
1,771; artillerie régimentaire 124; pièces de ca-
non, 4; 2 9 brigade, général Huard, près de Klagen-
furt; 35 e de ligne, 2 bataillons, 1,233 hommes;
53* de ligne, 3 bataillons, 1,851; artillerie, 156;
4 e compagnie du 2* régiment d'artillerie à pied, 69;
bouches h feu, 4; 8 e régiment de chasseurs à che-
val, 650. Total 7,962; total général, 12,348.
La division Rroussier, qui devait également faire
l'expédition, s'assemblait dans les environs de Kla-
genfurt. Elle était composée ainsi qu'il suit : géné-
raux de brigade Garreau et Teste, 9 e de ligne fran-
çais, 3 bataillons; 84* de ligne français, 3 bataillons;
92* de ligne français, 3 bataillons; artillerie, bouches
à feu, cavalerie'.
Le 29 octobre, les deux divisions Sévéroli et Rar-
bou commencèrent leur mouvement; la brigade Rer-
toletti détacha le régiment dalmate h Gemund avec
60 chasseurs à cheval; le reste de la brigade se réu-
ÎIO MÉMOIRES DU PRINCE EUGÈNE
nit à Sachsenburg; la brigade Rossi, qui, le 28,
s'était avancée de Villach à Paternion, se porta,
le 29, à Spital avec le quartier général de la division
Sévéroli. La division Barbou se porta à Villach, où
elle s'établit; le 8* de chasseurs fut placé au nord
de Villach, l'état-major du général Baraguey-d'Hil-
liers à Spital. Le 30, un bataillon du régiment dal-
mate fut envoyé avec un détachement de 25 chas-
seurs à cheval du 8* régiment, à Gemund, sur la
route de Salzburg , pour entrer en communication
avec les troupes bavaroises, qui, après avoir soumis
Tévêché de Salzburg, avaient des postes à Saint-Mi-
chel dans la vallée de la Muhr ; le 8 e régiment de
chasseurs à cheval détacha 200 hommes à la division
Barbou, et 50 hommes à Paternion pour la corres-
pondance ; les divisions Sévéroli et Barbou restè-
rent en position.
Le 31, la brigade Bertoletti se porta de Sach-
senburg à Greiffenburg; la brigade Bossi de Spital
à Sachsenburg ; la brigade Moreau de Villach à Spi-
tal; le 3 e régiment avec le général Huard, de Villach
à Paternion; le détachement du 8 e de chasseurs avec
le quartier général de la division, de Spital à Sach-
senburg; la division Barbou avait détaché de Villach
le 53 e régiment avec 2 pièces de 3 et 50 chasseurs
pour former Tavant-garde. Cette colonne devait être
le 3 novembre à Sillian; la brigade Moreau déta-
cha 240 hommes du 3* régiment d'infanterie de
ligne pour flanquer la division dans la vallée de la
Moll. Ce fut à ce moment que les chefs des insurgés
demandèrent à envoyer des députés au prince Eu-
LIV. XVI. — 1809 2H
gène. On accorda des passe-ports à six d'entre eux,
qui le même jour se présentèrent au vice-roi à Spital;
ils en reçurent des promesses consolantes et garan-
tirent de leur côlé la soumission du pays de Lienz.
Le 1 èr novembre, la brigade Bertoletti se porta de
Greiflenburg à Ober-Drauburg ; la brigade Rossi et
l'état-major italien, de Sachsenburg à Greiflenburg ;
la brigade Moreau avec le général Barbou, de Spital
à Sachsenburg; le 35 e régiment avec le général
Huard de Paternion, à Spital ; l'état-major, à Greif-
fenburg. Tout paraissant tranquille dans le pays, le
régiment dalmate quitta Gemund, pour se rendre à
Sachsenburg. Le 92 e régiment se mit en marche de
Klagenfbrt, pour se rendre à Spital , où il arriva le 3.
Le 2 novembre, la brigade Bertoletti marcha sur
Lienz ; la brigade Rossi suivit son mouvement. La
divison Sévéroli se trouva toute dans cette ville,
à l'exception d'un régiment, qui prit position à
Ober-Drauburg. La brigade Moreau avec le général
Barbou vint de Sachsenburg à Ober-Drauburg;
le 35 e régiment avec le général Huard, de Spital à
Greiflenburg ; le quartier général de la division s'é-
tablit à Lienz ; le 8 e de chasseurs fut chargé des postes
de correspondance à Villach. Paternion, Spital,
Sachsenburg, Greiffenburg, Ober-Drauburg et Lienz
ayant été occupées sans résistance, on établit le même
jour un bataillon à Ober-Lienz et un à Leisach, sur
la route en avant de la ville. Le général Rusca avec
son avant-garde, arrivé à Manterdt, avait été obligé,
par le mauvais état des chemins, de renvoyer son
artillerie et ses bagages sur Ober-Drauburg. Il se
212 MÉMOIRES DU PRINCE EUGÈNE
rendit le 2 à Luckan, d'où il continua sa marche
sur Sillian.
Le 5, la brigade Bertoletti se porta de Lienz à Pau-
hendorf, en arrière de Sillian, où arriva également
le général Rusca ; la brigade Rossi avec l'artillerie
et la cavalerie de la division, de Lienz à Reid et Mit-
tehvaldt; le régiment dalmate, de Obcr-Drauburg à
Opfalterbach, entre les deux brigades ; la brigade Mo-
reau avec le général Barbou, d'Ober Drauburg à Àl-
leng en avant de Lienz; le 35* régiment avec le général
Huard et deux pièces de canon, de Greifïenburg à
Lienz. Le quartier général fut établi à Mittelwaldt.
Le 4, le général Rusca avec son avant-garde s'a-
vança sur Prunecken. On reconnut que l'insurrec-
tion était en armes dans la vallée; le gros des ras-
semblements occupait Windisch-Malray. Le général
se porta, dès le lendemain , de Niederasen sur
Kiens. Il eut sur ce point un petit engagement, à la
suite duquel il pénétra dans Prunecken.
Le chef de bataillon Barbieri, du 1 er régiment, at-
taqué à Gais par les insurgés, se replia sur Prunec-
ken. Le colonel Rossi reçut Tordre de se porter à
son secours avec un autre bataillon de son régiment,
et l'ennemi, qui s'était emparé de Àufhosen, au nord
de Prunecken, en fut chassé.
Le 6, le général Rusca poussa des reconnaissances
sur Unterwints, vers Mûhlbach, dans la vallée de la
Drave ; le général Bertoletti au sud de Prunecken.
On envoya des détachements sur plusieurs points
pour annoncer la paix, publier la proclamation du
prince Eugène et obtenir le désarmement.
LIV. XVI. - 1809 2I3
Un de cas détachements, aux ordres du colonel
Rossi, ayant reçu l'ordre de se rendre à Tau fers, au
nord de Prunecken, se trouva à Gais en face des in-
surgés qui avaient coupé le pont et s'étaient mis en
défense. La rivière fut passée à gué et l'ennemi
poussé jusqu'à Unteinheim, où il se retrancha. Là,
il voulut parlementer et proposer qu'on différât l'oc-
cupation de leur pays. Pour toute réponse, les volti-
geurs tournèrent les retranchements, et les insurgés,
culbutés avec perte, furent poursuivis jusqu'à Tau-
fers. Environ 500 hommes se renfermèrent dans le
vieux château de Taufers, déclarant qu'ils se défen-
draient jusqu'à la mort, et menaçant le colonel Rossi
d'une attaque générale des habitants des trois val-
lées de Taufers, de Rauten et de Mflhlwald. Le tocsin
sonnait dans tous les villages ; mais, pendant la nuit,
le château ayant été investi, les 500 insurgés per-
dirent courage. Néanmoins, ils trouvèrent au point
du jour le moyen de s'échapper. La vallée se sou-
mit, rendit ses armes et environ 700 prisonniers,
parmi lesquels beaucoup de Ravarois et de Saxons.
Le 7, dans la journée, le 1" régiment de ligne ita-
lien se réunit à Gais.
Pendant ce temps, les insurgés qui avaient fortifié
la gorge de Mfihlbach (Mûhlbach Clausel), s'y prépa-
raient à une vigoureuse résistance. Quoique attaqués
de front par les deux divisions du général Raraguey-
d'Hilliers et en flanc par le corps bavarois qui s'était
avaticé jusqu'à Steinach, ils avaient encore l'espoir
de résister au Rrenner, et de repousser l'attaque sur
Mûhlbach. Ils songeaient même, en faisant reprendre
214 MÉMOIRES DU PRINCE EUGÈNE
les armes aux habitants du Puslerthal et du vallon de
la haute Drave, à faire une diversion sur les derrières
de Tannée française. C'est ce qui semble résulter
d'un ordre du 6 novembre, adressé par le comité
de l'insurrection aux peuples des vallées de la haute
Drave et de POber-Pusterthal et daté de Milterolang
(entre Niéteradorf et Prunecken). Cet ordre annon-
çait que les compagnies de l'Adige et de l'Eisach ve-
naient au secours de celles qui défendaient Mûhlbach ,
et demandait que les juridictions de Ober- Puslerthal,
dont les chefs n'avaient point de nouvelles, fissent
une diversion sur les derrières des troupes françaises.
On enjoignait en outre aux compagnies de décla-
rer s'ils voulaient ou non avoir part à l'insurrection ;
et, dans le premier cas, de pousser des troupes sur
Luckan, dans le vallon delà Gail, et vers Hochkreutz-
berger, au midi de Lienz; d'occuper la gorge de
Lienz(Lienzes Clausel), en avant de Leisach. Si la gorge
de Mûhlbach est forcée, était-il dit dans cet ordre,
le commandant en chef qui se trouve à Sterzing est
pris par derrière et tout est perdu. Une autre pièce
sans signature, datée d'Eheuburg (à gauche de la
Rienz, en face de Kiens), le 6, et adressée au comité
d'Asling et à Michel Pusching, prescrivait aux habi-
tants d'Asling de prendre les armes, et annonçait
qu'en vertu des instructions venues de Clausen, il
était enjoint de fa ire* résistance. Un troisième ordre
enfin, signé Pierre Kemmotcn, daté dUnterwints et
adressé à Michel Pusching, disait que les fortifica-
tions de la gorge de Mûhlbach étaient achevées, et
engageait les peuples des juridictions voisines à
LIT. XVI. - 1809 215
prendre les armes. Il résultait clairement de ces
pièces interceptées, que la soumission du Pus ter thaï,
du vallon de la haute Drave et des vallées adjacen-
tes, n'avait été rien moins que sincère, et que les ha-
bitants n'avaient pas, à beaucoup près, livré toutes
leurs armes.
Le projet de faire une diversion sur les derrières
du corps du général Baraguey-d'Hilliers aurait pu
avoir des conséquences favorables aux insurgés, s'il
eût été exécuté en grande force, mais trop de motifs
tendaient à le rendre illusoire. D'abord, le manque
d'ensemble dans les opérations et dont ces ordres
même étaient une preuve. En effet, les insurgés re-
connaissaient bien, en quelque sorte, un chef supé-
rieur dans la personne de Hoffer, mais chaque chef
particulier ou comité d'une juridiction donnait des
ordres en son propre nom. Le premier qui se croyait
menacé appelait des voisins à son secours, et cette
espèce d'anarchie devait immanquablement nuire à
l'ensemble de la défense. En second lieu, le corps du
général Baraguey d'Hilliers occupait tout le pays, de-
puis Prunecken jusqu'à Lienz, assez en force sur
chaque point pour ne pas craindre d'être culbuté
nulle part. Enfin, les insurgés, menacés par trois di-
visions bavaroises réunies à Inspruck et qui avaient
leur avant-garde à Steinach, et par la division Yial,
qui était à Bolzano depuis le 6 au matin, étaient con-
traints à diviser leurs forces. Le nœud de la question
se trouvait donc dans le triangle de Prunecken, Stei-
nach et Bolzano.
Le 7, la brigade Rossi, réunie ai Gais, y resta en
i!6 MÉMOIRES DU PRINCE EUGÈNE
position. La brigade Berlolelli, à Saint-Lorenzin et
r avant-garde du général Rusca, à Kiens. La brigade
Moreau se porta à Prunccken; la brigade Huard,
partie le 6 de Lienz, vint occuper Percha ; le régi-
ment dalmale réuni à Niderasen se porta également à
Prunecken ; le 92*, parti le i" novembre de Klagen-
furt, sous les ordres du général Garreau, arriva à
Lienz les 6 et 7. Deux bataillons de ce régiment
restèrent à Lienz et un fut placé à Sillian. Le même
jour, les trois bataillons du 84 e régiment débouchè-
rent à Spilal, et, le lendemain, un bataillon fut en-
voyé à Sachsenburg. Le 8, le général Baraguey-d'Hil-
liers, qui avait concentré ses deux divisions aux
environs de Prunccken, se mit en marche pour atta-
quer la gorge de Muhlbach l . A la tête de la colonne
marchait l'avant-garde, commandée par le général
Rusca et composée du 53 e d'infanterie de ligne avec
ses deux canons et un obusier du parc. Celle avant-
garde était soutenue par les bataillons des \ " et 2 # lé-
ger et du 4 e de ligne italien, aux ordres du général
Bertoletti, les deux pièces du 1 er régiment d'infan-
terie de ligne italien et les deux des Dalmales. ta gé-
néral Sévéroli suivait avec le régiment de Dalmales
et le parc de sa division, tandis que le 1 er régiment
de ligne italien, passant par Pfalzen et Terenten,
couvrait le liane droit de la colonne jusqu'à Unter-
wints, où il devait la rejoindre. Le général Barbou
venait avec la brigade Moreau et le parc à la suite de
1 On se rappelle que la mission du commandant Tascher auprès de
Hofler venait d'échouer.
L1V. XYI. — 1609 217
la division Sévéroli. Le général Huard avec le
55 e régiment resla à Prunecken. La marche des
troupes fut inquiétée par les paysans postés sur les
hauteurs voisines delà route, sans être retardée, jus-
qu'à 500 toises au delà d'Unterwints, où l'avant-
garde, ayant trouvé la route coupée par des abatis,
fut assaillie par une vive fusillade des tirailleurs des
insurgés, embusqués sur les berges rapides des mon-
tagnes de droite- et de gauche. Toutefois, le chemin
fut ouvert de vive force et la colonne continua sa
marche jusqu'à une portée de carabine de la Chiusa,
où deux coups de canon et une décharge générale
de la mousqueterie des remparts prouvèrent le ries-
sein de l'ennemi de s'y défendre. La Chiusa de Mûhl-
bach, située dans un endroit très-resserré du vallon
de la Rient/,, était appuyée d'un coté au lit de cette
rivière rapide et inguéable, et de l'autre à des ro-
chers à pic; Le passage était fermé par un ancien
mur, encore très-épais, lié par quatre tours héris-
sées de meurtrières et d'embrasures. L'enceinte était
couverte par un fossé profond. Dans la direction de
la route se trouvait une grande porlc très-épaisse
avec un pont sur le fossé. Ce pont était couvert par
un tambour en palissades, et le fossé était palissade
•depuis la montagne jusqu'à la rivière. Bref, cette po-
sition offrait un obstacle des plus sérieux.
Le 53 e régiment fut placé dans un bois, à la droite
de la roule et à 200 toises de la Chiusa; la brigade
Bertolclli se forma par échelons en arrière ; et les
sapeurs débarrassèrent la route des abatis qui l'ob-
struaient, afin de mettre en batterie 4 pièces de 3 et
218 MÉMOIRES DU PRINCE EUGÈNE
2 obusiers sur une éminence qui avait un pe« de
commandement sur le fort. Pendant ce temps, le
2 e régiment d'infanterie de ligne italien rétrogradait
sur Unterwits, où il devait passer la Rientz sur un
pont, et venir prendre position sur les hauteurs de
la gauche de cette rivière, en face et en arrière de la
Ghiusa; deux compagnies de voltigeurs du 53* ré-
giment gravissaient les rochers de la droite, pour
tourner le fort et une batterie de deux pièces que
les insurgés avaient de ce côté. Au bout d'une heure,
l'artillerie réussit par son feu à mettre le désordre
dans le fort ; et les tirailleurs du 2 e léger parurent
sur la hauteur à la gauche de la Rientz. Alors, une
forte colonne des insurgés fut aperçue sur la roule,
en désordre en arrière du fort. Le général Rusca,
qui venait d'être blessé, ordonna aux deux bataillons
du 53 e régiment de s'élever sur son flanc droit, afin
de tourner la Chiusa, et le général Bcrtoletti reçut
Tordre de jeter de suite quelques compagnies à sa
gauche le long de la rivière, pour profiter de la ter-
reur répandue parmi les insurgés, et pour tâcher, à
la faveur d'un mur, de pénétrer dans le fossé. Il de-
vait alors former en colonne le reste du i ,r léger et
le bataillon du 4 e de ligne italien, pour enlever à la
baïonnette le tambour en palissade qui couvrait la
porte. Ce mouvement fut exécuté avec vigueur, et,
malgré la mitraille de trois pièces de canon placées
dans les tours du fort, et une fusillade meurtrière,
les palissades furent emportées. Mais l'ennemi avait
coupé le pont et barricadé la porte avec des poutres
et des pierres de taille. On ne put l'enfoncer. Cepen-
LIV. XVI. —1809 219
dant les voltigeurs du 53 e régiment avaient, malgré
une grêle de pierres, gagné la mi-côte des montagnes
de droite et descendaient sur les derrières de l'en-
nemi, et le bataillon du 1 er léger avait enlevé les
deux canons placés également à la droite. Les insur-
gés abandonnent alors leurs pièces; ils fuient à
toutes jambes partie vers Sterzing, dont ils brûlent
le pont, partie vers Clausen, en traversant Brixen.
Les voltigeurs du 53 e régiment ayant ouvert la
porte, cinq bataillons passèrent sur les travées du
pont détruit et poursuivirent l'ennemi, le général
Rusca, en remontant l'Eisach et le général Berto-
letti, en descendant la Rientz, tous deux sans obsta.
cle 7 mais sans succès, n'ayant pu atteindre les
fuyards. Le pont fut réparé vers deux heures après-
midi, et le reste des troupes y passa avant la fin du
jour. Le bataillon du 2 e léger italien, qui avait pris
deux pièces de canon, rejoignit sa division. Le géné-
ral Rusca ayant trouvé le pont de Sterzing brûlé,
vint prendre position sur la route d'Inspruck; la
division Sévéroli bivaqua en avant de Brixen; la
division Barbou occupa par un régiment de la bri-
gade Moreau (es hauteurs entre Mûhlbach et l'Eisach
et par l'autre régiment, Mûhlbach, la vallée de Wale
(Waller Thall) et la Chiusa. La brigade Huard resta à
Prunecken pour le désarmement ; les Dalmates, à
Unterwints. La perte des insurgés, quoique très-con-
sidérable, ne put être évaluée, attendu qu'ils enlevè-
rent leurs morts et leurs blessés. Les troupes fran-
çaises eurent 18 officiers blessés, 51 soldats tués et
116 blessés. Parmi les blessés se trouvaient le général
220 MÉMOIRES DU PRINCE EUGÈNE
Rusca et le lieu tenant Mathieu» du régiment dalmate,
qui remplissait auprès de lui les fonctions d'officier
d'ordonnance, les chefs de bataillon Peraldi, du
1" léger, et Veissières, du 53* régiment, et M. Vas-
sal! , aide de camp du général Bertoletti 1 .
Le 9, la brigade Bertoletti fut portée sur Glausen
pour entrer en communication avec le général Vial,
qui était à Bolzano ; le général Rusca marcha au sud
sur Brixen. On reconnut que les insurgés dans leur
retraite avaient brûlé les ponts sur l'Eisach, au nord
de Lienz. Le général Garreau, voulant réduire les
habitants de Windisch-Matray, et des communes
environnantes, en armes depuis le 4, détacha de
Lienz 300 hommes du 92 9 régiment, sous les ordres
du chef de batataillon Gougeon. Cette colonne vint,
le 9, prendre position à San Johann im Wald, dans
la vallée d'Us. Le commandant ayant appris que les
insurgés étaient retranchés à Unter-Peischlach, et
ayant ordre d'employer d'abord la voie de la dou-
ceur, leur fil connaître la proclamation du prince
Eugène. L'approche de ce détachement décida les
insurgés à se retirer, et il ne resta plus que quelques
hommes sans aveu qui se réunirent à 600 rebelles
du pays de Salzburg, sous les ordres d'un aubergiste
de Windisch-Matray. Le chef de bataillon Gougeon,
1 (Test à la suite de ce brillant coup de main que flotter publia, de
Sterzing, la fameuse proclamation par laquelle il engageait les Tyro-
liens à déposer les armes. Cette proclamation n'eut d'autre résultat
que de faire cacher les armes dans les bailliages occupés par les
troupes françaises. Le reste du Tyrol resta en insurrection. Uofler
lui-même ne tarda pas à violer sa parole et à exciter les peuples a
une nouvelle levée de boucliers.
LIV. XVI. - «09 SSf
dès qu'il fut instruit de ce fait, se porta en face
d'Unter-Peischlach, et fit inviter le chef des rebelles,
nommé Waler, à une entrevue. Waler répondit :
« J'ai reçu votre lettre à une heure et demie, où
vous m'invilez de m'aboucher avec vous. II me fait
plaisir d'avoir l'honneur de vous parler; si vous le
désirez je me présenterai avec six hommes armés, et
l'abouchement se fera chez le paysan, à Rehervurg.
Je désirerais, comme on le donne par écrit à votre
général, de donner les positions des gorges et des
vallées, ainsi que voire général les a déjà dans les
mains; au reste, je ne suis que pour délivrer les
vallées, et non pour être préposé à une armée ré-
glée, je vous salue. »
L'entrevue eut lieu, mais sans effets; Waler s'ob-
stinait à vouloir commencer les hostilités le lende-
main si les troupes ne se reliraient pas. Le chef de
bataillon Gougeon le voyant ivre, l'engagea à revenir
le lendemain matin dans son bivac; il fit prévenir le
général Garreau, qui lui répondit de gagner du temps
jusqu'à l'arrivée d'un renfort, et ordonna en même
temps à 200 hommes du bataillon qui était à Sillian
de partir, le 10, en se dirigeant par Hopfgarten,
afin d'attaquer en flanc la position des rebelles.
Le 10, Waler revint trouver le chef de bataillon
Gougeon, mais ne voulut d'abord entendre aucune
proposition, prétendant que les troupes françaises
étaient enveloppées et ne pouvaient échapper. Le
commandant prolongea l'entretien jusqu'à l'arrivée
du général Garreau, qui se présenta tout à coup avec
200 hommes. La vue du général et le mépris qu'il
2Î2 MÉMOIRES DU PRINCE EUGÈNE
fit des paroles de Waler réduisirent ce dernier à
demander qae le pardon accordé par Sa Majesté aux
Tyroliens s'étendît aux siens. Le général lui en donna
l'assurance, et tout rentra dans l'ordre; le chef de
bataillon Gougeon prit possession des retranche-
ments d'Dnter-Peischlach qui, par des parapets en
terre ou en pierre sèche et des abatis, fermaient
la vallée de Windisch-Matray et de Hopfgarten. Le
même jour, le général Bertoletti, qui s'était porté sur
Bolzano, opéra sa jonction avec le général Vial. Un
bataillon du 1 er de ligne avait remplacé sa brigade à
Clausen.
Le 1 1 , il n'y eut aucun mouvement. La jonction
avec l'armée bavaroise se fit en avant de Mittelwaldt,
entre Brixen etSterzing, dans la vallée de l'IIs. Gar-
reau ayant fait rentrer à Lienz les 200 hommes qu'il
avait amenés, et à Sillian ceux qui en étaient partis,
laissa à Unter-Peischlach le chef de bataillon Gou-
geon, qui poussa des partis de 60 hommes sur Vir-
gen, Windisch-Matray et Hopfgarten; ces détache-
ments furent bien accueillis, mais le désarmement
fut illusoire. On ne put recueillir qu'environ 100 fu- •
sils. Le 13, le chef de bataillon Gougeon rentra à
Lienz.
Le 21, l'avant-garde fut dissoute; le 53 e avec ses
pièces et quelques chasseurs se rendit en face de
Sterzing; le général Huard quitta Purnecken, avec le
35 e régiment, pour se rendre à Sterzing; la brigade
Moreau se rendit de Spencer et Mûhlbach à Brixen,
en laissant un bataillon à Unterwints; le parc, le
quartier général de la division Barbou ; la brigade
LIY. XVI. - 1809 223
Berlolelti, en marche pour revenir à Clausen, reçut
ordre de retourner à Bolzano ; le 1 er de ligne italien
avec l'état-major de la division Sévéroli se rendit à
Clausen; le régiment dalmate avec ses pièces à Brixen .
D'après un ordre du prince Eugène, le général de
division Vial devait partir de Bolzano pour se rendre
à Trente, où il avait à prendre le commandement
du Tyrol italien, laissant à Bolzano le 1 er régiment
léger napolitain; le 81 e de ligue français; le 14* lé-
ger, idem; le 5 e de ligne, idem; le 1" régiment de
chasseurs napolitain, et ce qui se trouverait de la co-
lonne mobile de la Piave, dissoute, une pièce de 3 et
1 obusier. En conséquence de ses dispositions, la
division Vial partit composée ainsi qu'il suit :
Général de brigade Digonet, 101 e régiment d'in-
fanterie de ligne français, 2 bataillons; général de
brigade italien Peyri, 3 e régiment de ligne italien,
2 bataillon; 7° idem; 1 bataillon, 15 e demi-brigade
provisoire, 1 bataillon (à Trente); 1 er de ligne fran-
çais, 1 bataillon; 4 e de ligne italien, 1 bataillon
(à Roveredo); chasseurs du Prince-Royal, détache-
ment (à Trente); artillerie 6 bouches à feu.
Les troupes que le général Vial avait laissées à
Bolzano, à l'exception du 14 e léger français qui était
encore à Neumarckt, partirent le même jour pour se
rendre à Méran, où elles composèrent l'avant-garde
sous les ordres du général Rusca. Le même ordre
du prince Eugène, qui s'occupait du placement des
trois divisions, prescrivait au général Baraguey-
d'Hilliers d'établir son quartier général à Bolzano,
où il réunirait la division italienne, et ferait déta-
224 MÉMOIRES DU PRINCE EUGÈNE
cher de chaque division des colonnes mobiles pour
opérer le désarmement en employant d'abord les
voies de douceur. Un autre ordre de même date
donnait au général de brigade Àlmeyras le comman-
dement delà division du général Broussier, malade.
Celle division, qui passait également sous les ordre»
du général fiaraguey-d'Hilliers, était composée ainsi
qu'il suit : général de brigade Teste, à Spilal;
9' de ligne, 5 bataillons, 1 à Villach, 2 à Klagcn-
furt; 84 e idem, 3 bataillons, 1 à Sachsenburg, 4 à
Spilal, 1 à Gemund; 92 e de ligne, 5 bataillons, 2 à
Iiienz, quartier général, 1 à Sillian.
Le 15, la division Sévéroli fut réunie à Bolzano,
ayant le régiment dalmate à Clausen, où il arriva le
même jour. Le général Vial, en route pour se rendre
à Trente, fit passer l'Adige à Saint - Florian aux
101 e régiment français et 7* de ligne italien; des
colonnes mobiles aux ordres des généraux Digonet
et Peyri devaient se porter dans les communes de
l'évêché de Trente, pour y opérer le désarmement.
Quoique le Tyrol fût en apparence tranquille, l'in-
surrection fermentait toujours dans le haut des val-
lées, surtout dans celles de Windisch-Matray, de
Passeyer et le Winlschgau. Nulle part les armes
n'avaient été livrées fidèlement, et le peu qu'on en
avait recueilli, la plupart vieilles et hors de service,
ne l'avait été que grâce à la présence des troupes
envoyées sur les lieux. Le manque de vivres se fai-
sait sentir, et les Tyroliens souffraient avec impa-
tience la présence des troupes françaises. Ce senti*
ment est clairement exprimé dans une remontrance
, LIV. XVI. — 1809 225
de la ville et bailliage de Lienz, adressée à Villach au
prince Eugène, en date du 10 novembre; dans cette
lettre, après des plaintes générales sur la présence
des troupes, on demande que les passages ne soient
pas si fréquents, et que le nombre des cantonne-
ments soit diminué.
Le vice-roi, en considération de l'acte de soumis-
sion présenté par les députés envoyés par HofTer ; en
raison des premiers rapports des généraux; des bon-
lies intentions que manifestait la saine partie des
habitants du Tyrol; et, dans la persuasion que les
rassemblements qui pouvaient encore exister n'é-
taient composée que de brigands étrangers au pays,
ainsi que le déclaraient les habitants qui. deman-
daient leur désarmement et leur expulsion, avait
pris l'arrêté dont nous avons parlé plus haut. Ce-
pendant, dès cette époque, Hoffer essayait de pousser
le Tyrol dans les hasards d'une nouvelle insurrection
générale à la tête de laquelle il se mit.
Le 14 novembre, le général Baraguey d'Hilliers
adressa aux généraux de division Rusca, Sévéroli et
Barbou les ordres relatifs à la distribution et à la mar-
che des colonnes mobiles prescrites par le général
en chef. En conséquence, le général Barbou devait
faire partir de Sterzing, où il avait envoyé le gé-
néral Huard, deux colonnes. Le général Rusca de-
vait faire partir de Méran, le 17, deux autres colon-
nes; Tune de 400 hommes devait remonter par
Saint-Pangraz, l'autre de 800 hommes devait, par
Saint-Martin et Saint-Léonhard , remonter à Moos
dans le Passeyer. Le général Sévéroli devait envoyer,
TI. 15
226 MÉMOIRES DU PRINCE EUGÈNE
le 15, le 1 er léger italien à Calteru, d'où ce régiment
devait détacher quatre compagnies dans la vallée
d'Obernousberg; le 35* régiment à Prunecken était
occupé du désarmement de ce côté; le général Vial
était chargé de balayer les vallées du Tyrol italien.
Comme les insurgés occupaient encore la hauteur
au-dessous de Méran, le général Rusca les fit chasser
par un bataillon du 81 e régiment. Le chef de ba-
taillon qui le commandait, s'étant porté sur le Pas-
seyer, y fui si vivement attaqué, qu'il fallut envoyer
deu\ bataillons pour protéger sa retraite.
Le 15, le général Baraguey d'Hilliers reçut l'avis
d'un rassemblement assez considérable d'insurgés
dans le Passeyer; 14 compagnies, formant environ
1,500 hommes, s'étaient réunies dans cette contrée.
11 crut, en conséquence de ce fait, devoir changer
quelques-unes de ses dispositions. Un bataillon du
13 e régiment d'infanterie eut ordre de se rendre, le
16, de Brixen à Sterzing, d'où il devait partir le 17
pour suivre à deux heures de distance et appuyer la
colonne dirigée sur Saint-Léonhard. Le général Rusca
eut ordre de faire appuyer la colonne de 800 hommes,
qu'il envoyait dans le Passeyer, par celle de 400 qui
devait d'abord se rendre dans le Viterthal.
Le colonel du 35 6 régiment français détacha de
Prunecken 300 hommes qui devaient remonter jus-
qu'à Saint-Léonhard.
Le général Baraguey d'Hilliers fut encore informé,
le 15 au soir, que les insurgés du Passeyer et du
Winlschgau menaçaient Méran. Il fit partir, à minuit,
de Bolzano, les bataillons du 2 e léger et du 4 e de
L1V. XVI. - 1809 S27
ligne italien sous les ordres du général Berlolelti,
pour soutenir le général Rusca. Ces deux bataillons
arrivèrent à Méran le 16 au matin. Un bataillon du
1 er léger, qui avait été envoyé à Calteru, eut ordre
de prendre position au pont de Sigmundskron. Le
même jour, vers dix heures du matin, le général
Rusca avait fait partir de Méran le colonel Boy, com-
mandant le 1" régiment léger napolitain avec un
bataillon de son régiment, deux du 5* et un détache-
ment du 81 e français, en tout 4,200 hommes, pour
exécuter l'opération prescrite par le général Bara-
guey d'Hilliers dans le Passeyer. Malheureusement
ces dispositions manquaient d'ensemble. Le général
Baraguey d'Hilliers, averti de la présence de 1,500
insurgés au moins dans le Passeyer, et craignant
que les deux colonnes, Tune de 500 hommes, par-
tant de Sterzing, et l'autre de 800, partant de Méran,
ne fussent pas suffisantes, résolut de faire appuyer
la première par un bataillon, et la seconde par une
colonne de 400 hommes. Ces quatre colonnes, dont
deux devaient descendre le Passeyer depuis Walten
jusqu'à Saint-Martin, et deux le remonter par Sainl-
Marlin jusqu'à Moos, se croisant à Saint-Léonhard , il
se trouvait dans le Passeyer des forces capables d'im-
poser aux insurgés, et en état de disperser leurs ras-
semblements. Le général voulait que, ces colonnes,
arrivant successivement le même jour et à peu d'in-
tervalle l'une de l'autre, l'ennemi fût effrayé par
l'idée qu'on prononçait contre lui un mouvement
général. L'événement fut loin de justifier les prévi-
sions de Baraguey d'Hilliers. Soit fatalité, soit inad-
2*8 MÉMOIRES DU PRINCE EUGÈNE
vertance dans, la manière dont furent donnés ou in-
terprétés les ordres, il y eut une erreur de date qui
donna lieu à une affaire des plus fâcheuses, par suite
de laquelle une des colonnes fut compromise* Cette
colonne, au lieu de pénétrer dans le Passeyer le
même jour que les autres, ne parut que vingt-quatre
heures plus tard \
Ainsi que nous l'avons dit, le colonel Boy, après
avoir formé une réserve composée des grenadiers et
des voltigeurs du 5 e , et d'un détachement du 81 e , en
tout 350 hommes, sous les ordres 4u major Bou-
gault, du 5 e , sortit de Méran, le 16 au matin, pour
marcher vers le nord sur le Passeyer. Il ne tarda pas
à apercevoir les insurgés qui se dirigeaient en force
sur le pont de Méran. Il aperçut en outre sur le pla-
teau de Tyrol, sur sa gauche, une masse ennemie
qui venait de chasser de cette position un bataillon
napolitain. Le colonel Boy, laissant sa réserve au
château situé sur la route, se porta vers le plateau à
1 Une lettre du général Baraguey cTHilliers au général Barbou, en
date du 15 novembre, lui prescrit de faire arriver le 16, a Sterzing»
un bataillon de la garnison de Brixen, lequel bataillon devait, le 17,
suivre le mouvement de la colonne de 500 hommes dirigée sur Saint-
Léonhard. Une lettre du même jour, au général Rusca, lui prescrit
d'employer comme réserve, h la suite de la colonne de 800 hommes
qu'il devait diriger sur Saint-Léonhard, celle de 400 hommes destinée
pour la vallée de Velten, et le prévient qu'une colonne doit partir de
Stcrzing le 16 pour venir à la rencontre des deut autres. Si les deux
colonnes étaient effectivement parties de Sterziug le 16, il est pro-
bable qu'elles auraient fait diversion au mouvement des insurgés sur
Méran, et que le général Rusca, dégagé, aurait pu les appuyer. Au
lieu de cela, se trouvant seules dans le Passeyer depuis le 17, elles
succombèrent le 22 sous les efforts réunis des insurgés qui avaient
contraint le général Rusca à abandonner Méran.
LIV. XVI. - ISO» S»
la tête de sa colonne bientôt assaillie par les insurgés.
Le général Rusca, de son côté, était sorti de Méran
avec le reste des troupes de sa division, afin d'atta-
quer l'ennemi à Steinach et de le jeter dans le Wint-
schgau. Il ne put vaincre la résistance des Tyroliens
qu'avec beaucoup de peine. Il parvint cependant à
les culbuter, tandis que le colonel Boy chassait les
autres de Tyrol. Vers le soir, le général Rusca rentra
en ville; le colonel resta aux prises avec l'ennemi
du côté de Tyrol. Le major Bougault, voyant son chef
engagé Fortement et comprenant la nécessité d'oc-
cuper de nouveau le plateau de Tyrol, y dirigea un
détachement du 81* régiment soutenu par une com-
pagnie de grenadiers. Ce détachement, réuni aux
Napolitains, réussit à chasser les insurgés jusque
dans les montagnes; mais il ne put parvenir à leur
couper la communication avec Steinach. Pendant
que ceci se passait au nord de Méran, l'ennemi fai-
sait une tentative pour passer le pont de Marlingen
et pour attaquer la ville de ce côté ; mais le générai
Bertoletti, qui était resté à Méran, s'y porta avec ses
troupes, et, après un combat de deux heures, les
insurgés furent mis en déroute. Peu après l'ennemi,
descendu par le nord-est, parut près du pont, sur le
Passeyer ; le général Bertoletti se porta à sa ren-
contre avec «a brigade, et, l'ayant battu vigoureuse-
ment, le contint jusqu'à la nuit. Cependant, l'ennemi
recevant des renforts et faisant plier la gauche du
colonel Boy, le major y envoya encore une compagnie
de grenadiers qui rétablit les affaires et coupa la
communication des rebelles avec Steinach. Le 5* ré-
350 MÉMOIRES DU PRINCE EUGÈNE
giment avait battu les insurgés et les avait chassés
jusqu'au delà d'un ravin près de Tyrol; ses tirailleurs
les empêchaient de traverser le Passeyer. Le colonel
Boy, convaincu qu'il ne pouvait pas se maintenir
dans sa position y n'attendait que la nuit close pour
se concentrer sur le plateau. Malheureusement, ce
mouvement dut se faire plus tôt. Les Napolitains,
manquant de cartouches, lâchèrent pied, et furent
poussés si vivement par les insurgés, que le major
ne put les arrêter qu'en les faisant appuyer par les
quatre compagnies de voltigeurs. La position du
plateau fut conservée; mais le 5 e régiment, qui se
trouvait découvert sur sa gauche, souffrit beaucoup,
et à la nuit il fut obligé également de se replier sur
le plateau. Le major fut alors contraint de se couvrir
par deux compagnies. Le colonel Boy, tombé ma-
lade, laissa le commandement au major, qui se hâta
d'envoyer deux officiers, l'un après l'autre, rendre
compte au général Busca de l'état des choses et le
prévenir que les Napolitains et le 81 e manquaient de
munitions, et que le 5* en avait très-peu. La pre-
mière réponse du général Rusca fut qu'il fallait se
servir de la baïonnette, la seconde un ordre de se
retirer. D'après cela, la colonne du colonel Boy, sous
le commandement du major Bougault, rentra dans-
Héran à onze heures du soir. Le général Rusca,
croyant alors les insurgés établis sur les hauteurs en
arrière de lui et en grand nombre, à en juger par
leurs feux, présuma que leur intention était de lui
couper la communication avec Balzano. N'ayant pas
de munitions, il ne pouvait songer à renouveler son
L1V. XVI. — 1809 251
attaque le lendemain; il craignait d'ailleurs avec
raison que celles qu'il avait envoyé chercher à Bol-
zano par un délachemeut de chasseurs à cheval ne
lui arrivassent pas ; ces motifs le déterminèrent à
profiter de la nuit pour se replier. Sa retraite fut
inquiétée par un feu très-vif qui cependant lui fit
perdre très-peu de monde. Laissant à Vilpian un
poste qui fut aussitôt attaqué et culbuté, le général
Rusca , avec sa division , vient prendre position à
Terlan, le 17 novembre au matin.
Le même jour, ayant appris par un aubergiste
que les insurgés marchaient par les montagnes sur
Bolzano, et ne se croyant pas en sûreté à Terlan, il se
replia sur Cries, où il prit position, couvrant ainsi
Bolzano. Il avait perdu 295 hommes tués, blessés ou
faits prisonniers.
Cependant, le 17 au matin, le chef de bataillon
Klippfel, du 55* régiment, quitta Sterzing avec 500
hommes pour se rendre dans le Passeyer; le 1" ba-
taillon du 13 e régiment partit deux heures après sous
les ordres du chef de bataillon Doreille (qui, comme
le plus ancien, commandait toute l'expédition) pour
appuyer la première colonne. À deux heures de
Sterzing, près d'un petit village, la première co-
lonne fut attaquée par 300 paysans qui furent presque
aussitôt culbutés et se jetèrent dans la vallée de
Sterzing. Après ce petit combat, la colonne, éclairée
à droite et à gauche, parvint sans obstacle au som-
met du contrefort que renferme le Passeyerthal, et
de là jusqu'à Walten, village situé au fond de la
vallée et au pied de la montagne. Un sentier très-
239 MÉMOIRES DU PRINCE EUGÈNE
étroit et très-difficile obligea les soldats h marcher
un à un ; le bataillon du 53 f régiment arriva à Wal-
ten à l'entrée delà nuit, et le bataillon du 13 e deux
heures plus tard ; le village était entièrement aban-
donné. Le chef de bataillon Doreille lit prendre po-
sition à sa colonne, plaçant le 53 e à la télé du village
et le 13 e en arrière. Le 18, au matin, le bataillon du
53 e se remit en marche pour Saint-Léonhard par un
sentier très-difficile, et resserré enlre des rochers
i
couverts de neige sur la droite, et un torrent es-
carpé qui porte ses eaux dans le Passcyer sur la
gauche. Ce bataillon, qui avait ordre de pousser
jusqu'à Saint-Martin pendant que le 13 e tiendrait le
village de Saint-Léonhard, arriva à un quart de lieue
de ce dernier village sans rencontrer d'obstacle, ayant
sa droite flanquée par un détachement d'un officier
et 40 hommes, qui s'était jeté dans le bois de sapins
sur le penchant de la montagne. Arrivé là, on ren-
contra un abatis qu'il fallut déblayer; ce fut un
premier retard. Le bataillon du 13* partit de Walten
deux heures plus tard, après y avoir laissé pour
garder le défilé une compagnie dont le chef devait
avertir le commandant de tout ce qui se passerait et
attendre le retour des colonnes. Après une heure de
marche, ce bataillon atteignit la gauche du 53 e . Le
déblayement des abatis fut achevé par les sapeurs,
et les colonnes réunies se mirent en marche de nou-
veau. La tête du 53 e étant arrivée à Saint-Léonhard,
et la gauche du 13 e étant engagée dans les abatis,
ce dernier bataillon fut vivement attaqué à coups de
fusil et à coups de pierres; les 40 hommes du 53*
LIV. XVI. — 1809 235
qui flanquaient la tête de colonne furent pris ou tués;
200 hommes du 13% qui en faisaient l'arrière-garde
et flanquaient la droite, furent culbutés sur la colonne
qui entrait à Saint-Léonhard , et n'eurent que le temps
de se mettre en bataille à l'entrée du village, pour
arrêter les paysans forcenés dont quelques-uns vin.
rent mourir sur la baïonnette. Aussitôt, un corps
d'environ 400 insurgés barra le sentier *par lequel
les colonnes étaient venues. Le commandant Doreille
crut qu'en se portant au-devant de la colonne de
1,200 hommes qui devait venir de Méran il se dé-
gagerait. Il ordonna au 53 e de pousser vers Saint-
Martin, de culbuter tous les obstacles, tandis qu'il
répartit le 13 e dans les maisons du village pour
éloigner l'ennemi par son feu. Cette disposition n'eut
et ne devait avoir aucun succès. Le chemin s'élar-
gissant un peu au-dessous de Saint-Léonhard, il valait
mieux réunir les deux bataillons pour se faire jour;
mais ce mouvement se fût trouvé encore inutile par
suite de la retraite du général Rusca sur Bolzano et,
parce que la majeure partie des insurgés avaient
abandonné la poursuite de la division à Terlan pour
remonter au nord dans le Passeyer, en sorte que les
deux colonnes engagées à Saint-Léonhard eurent bien-
tôt sur les bras des masses énormes. Après avoir fait
beaucoup de mal à l'ennemi, le commandant Do-
reille fut contraint de rentrer dans le village de
Saint-Léonhard le soir vers dix heures. La nuit du 18
au 19 les insurgés reçurent encore des renforts; les
abatis furent augmentés sur la route de Walten, et
des postes placés sur les rochers environnants, d'où
234 MÉMOIRES DU PRINCE EUGÈNE
ils roulaient des quartiers de rocs sur lout ce qui
paraissait. Le 19, 1a compagnie restée à Walten fut
attaquée et faite prisonnière, et le même jour le
commandant Doreille fut sommé de se rendre. Non-
seulement il refusa, mais il fit une tentative pour
regagner Sterzing; il ne put réussir. Les voltigeurs
formant l'avanl-garde firent d'inutiles efforts; on les
repoussa dans le village. Un détachement d'un offi-
cier et 30 hommes, qui avait attaqué sur un autre
point, fut pris. Le soir, tous les conduits qui por-
taient de l'eau à Saint-Léon hard furent coupés, les
postes des insurgés avancés, 2 petites pièces de canon
placées en batterie devant le cimetière où étaient
retranchés les grenadiers. Le 20, au matin, le com-
mandant Doreille fut encore sommé et ne répondit à
la sommation qu'en ordonnant une attaque générale.
Elle réussit d'un côté, et les insurgés furent dispersés;
mais, de l'autre, on perdit quelques maisons du
village qu'il fallut faire reprendre par les grenadiers
du 53 e . Le 21, vers midi, on tenta une nouvelle
attaque aussi infructueuse que les précédentes. Deux
émissaires que le commandant Doreille avait expé-
diés au général Huard furent arrêtés par les insurgés
et fusillés. Le 22, la matinée fui tranquille. Le soldat,
depuis trois jours sans pain, sans eau, sans vivres
d'aucune espèce, attendait des secours avec impa-
tience; les munitions commençaient à manquer;
les blessés imploraient assistance ; lout à coup le
feu prit à une maison avancée ; les soldats qui l'oc-
cupaient s'en échappèrent avec peine sous les coups
de fusil de l'ennemi. Au même instant, les insurgés
LIV. XVI — 1809 255
s'élancèrent de toutes parts avec la dernière fureur,
et forcèrent l'entrée du village. Malgré la fusillade
qui les criblait, ils allaient commencer le carnage,
quand un prêtre, un de leurs chefs les plus puissants
(le P. Joachim, ami de Ho (Ter), les arrête, les éloigne,
et demande à parler au commandant. 11 annonce au
commandant que, s'il tarde à se rendre, il est perdu,
parce qu'il ne peut plus retenir ses gens. Cet officier
supérieur refusait, lorsque le prêtre lui lit remarquer
que déjà les paysans avaient violé ses ordres. Le
commandant Doreille ne peut que l'engager à em-
pêcher le massacre des soldats. Bientôt les deux ba-
taillons furent désarmés et dépouillés. On les réunit
aux autres prisonniers des mêmes colonnes, et on
les envoya à Mo os, où ils arrivèrent le 24.
Dans la journée du 17, le général Baraguey
d'Hilliers avait prévenu le général Barbou de la re-
traite de la division Rusca sur Terlan et Cries, le
chargeant d'avertir le général Huard de se tenir sur
ses gardes, parce qu'il était à craindre que l'ennemi
ne se portât sur les deux bataillons qui avaient été
envoyés à Saint-Léonhard , mais il n'était déjà plus
temps.
Le général Baraguey d'Hilliers, manquant de vivres
et .surtout de munitions, ne put faire faire aucun
mouvement offensif pour reprendre Méran. Ce ne
fut que le 22 qu'il reçut enfin des cartouches et du
biscuit. Cependant, pour ne pas se laisser resserrer
tout-à-fait dans Bolzano, Baraguey d'Hilliers pres-
crivit au général Rusca de reprendre la position de
Terlan avec son avant-garde et la brigade du général
S36 MÉMOIRES DU PRINCE EUGÈNE
Bertoletti. Ce mouvement fut exécuté ; les Dalmates
eurent ordre de se porter de Glausen à Cries, et
furent relevés dans le premier poste par un bataillon
du 29* régiment venu de Brixen.
Le 19, les insurgés occupèrent Jenesien dans la
vallée de Tolfers, et se jetèrent par Cries sur Botzen;
ils furent repoussés. Le 22, le général Baragucy
d'Hilliers ayant été ravitaillé, se détermina à nettoyer
le Passeyer et le Wintschgau. Il le pouvait d'autant
mieux, que la division Broussier, commandée par le
général Àlmeyras, venait de commencer son mou-
vement sur Prunecken. Déjà trois bataillons se trou-
vaient avec le général lui-même dans cette ville,
ayant relevé le général Barbou qui s'était porté avec
cinq bataillons de la brigade Moran sur Sterzing,
tandis que le reste de cette brigade se dirigeait sur
Brixen. Ainsi, de toute part, les troupes françaises
resserraient l'un des principaux foyers d'insurrection.
L'attaque générale étant décidée, le général Huard *
{qui remplaçait le général Rusca blessé, et parti pour
Milan) quitta Terlan, le 23, avec l'avant-garde ;
protégé sur son flanc droit par le général Bertoletti
et trois bataillons, suivi par le général Sévéroli et
trois bataillons, flanqué lui-même sur sa gauche par
deux autres bataillons. Tandis que cette forte colonne
marchait vers le nord, le général Barbou avec cinq
bataillons descendait sur Saint-Léonhard, où avait
eu lieu la triste, mais glorieuse affaire du comman-
dant Doreille. En même temps, les Bavarois, qui
occupaient Landeck, firent une démonstration sur
Fiustcrmûntz, Ces dispositions déterminèrent les in-
L IV. XVI. - 1809 237
surgés à abandonner sans combat Méran, qui fut
réoccupé de suite par les troupes françaises venant
du nord et du sud.
Le jour suivant, 24 novembre, ce déploiement
de forces fit réfléchir les Tyroliens du Winlschgau
et du Passeyer, car ils envoyèrent des députés au gé-
néral fiaraguey d'Hilliers pour traiter de la soumis-
sion du pays. Le général leur accorda jusqu'au
2 décembre pour déposer les armes. Ses- trois divi-
sions occupèrent Méran.
Pendant que ceci se passait du côté du Wingtsch-
gau, la révolte reprenait dans la vallée de l'Eysach.
Les insurgés se jetaient sur Clausen, et une de leurs
bandes, sous le nommé Kplb, un de leurs chefs les
plus hardis, bloquait Brixen. Cette nouvelle rébel-
lion, suite des prédications fanatiques et des pro-
clamations de Hoffer, étant venue à éclater au mo-
ment où les compagnies d'élite du 55° remonlaient
sur Slerzing, elles furent obligées de s'ouvrir pas-
sage à Clausen.
À cette nouvelle, le général Baraguey d'Hilliers
envoya le général Sévéroli et trois bataillons à Brixen,
puis, voulant en finir avec le Passeyer et Winlschgau
avant de s'occuper sérieusement de la vallée d'Ey-
sach, il concentra toutes ses forces à Méran.
Baraguey d'Hilliers à celte époque (fin novembre)
disposait de 55 bataillons répartis de la manière
suivante : 1 7 à Méran sous les généraux Barbou et
Sévéroli, 2 à Bolzen (colonel Moroni), 2 à Slerzing
(colonel du 55 e de ligne), 5 à Brixen (général Mo-
rau), 2 à Prunecken (général Àlmeyras), 2 à Lienz
23S ' MEMOIRES DU PRINCE EUGÈNE
(général Teste) et 3 à Sachsenburg et à Vlilach (colo-
nel Vautré). La division Vial était occupée, dans le
Tyrol méridional, au désarmement. Là, les choses
se passèrent plus tranquillement, les habitants ayant
reçu l'espoir de la réunion de ces contrées au royaume
d'Italie.
La malheureuse retraite du général Rusca sur
Méran et la fatale affaire de Saint-Léonhard avaient
naturellement rendu une grande confiance aux in-
surgés. Leurs chefs répandaient de nouveau le bruit
de secours qu'ils allaient recevoir de l'Autriche. Des
bruits ridicules étaient jetés en pâture aux esprits
simples et crédules des habitants du Tyrol allemand
qui détestaient la Bavière, en sorte que de toute part
renaissait l'insurrection. Après la vallée d'Eysach, ce
fut, le 50 novembre, le tour de la vallée d'Antholz,
au nord-est de Prunecken, puis celle de Taunfers. Le
comité tyrolien étendit ses moyens d'action jusque
dans la vallée de la haute Drave, vers Lienz.
De ce côté, les insurgés essayèrent de couper par
Issingen, un bataillon détaché à Uter-Wintel , en
avant de Prunecken. Le général Àlmeyras se replia
avec ses troupes sur ce point. Enfin, le 2 décembre,
ils s'enhardirent au point de se jeter au nombre de
6,000 sur Prunecken, dont ils emportèrent les pre-
mières maisons du faubourg, tandis que Kolb ten-
tait d'enlever d'assaut Brixen. Sur tous ces points les
bandes indisciplinées échouèrent.
Enfin, le désarmement ayant pu être opéré sans
beaucoup de difficulté dans le Wintschgau et le Pas-
seyer, le général Baraguey d'Hilliers put réunir la
LIV. XVI. - 1809 259
division Sévéroli à Botzen. Cette division emporta
Clausenle 5, et arriva le 6 sur Brixen. Dans le nord,
du côté de Lienz, le général Teste avec deux batail-
lons de renfort du 9 e de ligne, battit les Tyroliens à
Amblach, sans pouvoir toutefois rouvrir la commu-
nication avec Prunecken.
Les insurgés, battus par Sévéroli à Brixen, se reje-
tèrent sur Prunecken, où le chef Kolb les rallia. Le
général Moreau reçut alors Tordre de se porter sur
ce point important, tandis que la division Sévéroli
opérerait le désarmement du district de Brixen. Le
général Moreau, indécis, ou n'agissant pas avec assez
de fermeté, échoua; mais, ayant eu des instructions
précises et sévères, il dut se porter sur Prunecken.
Devant cette ville, le chef de rebelles Kolb, pré-
voyant une défaite pour sa troupe, tenta une der-
nière sommation dans laquelle il exagéra au général
Almeyras les succès obtenus par les insurgés. Il lui
annonça la révolte de la Carniole, la déroute des
armées en Carynthie, de celles du général Baraguey
d'Hilliers poursuivies par Hofîer; enfin, il finissait
par déclarer que le Tyrol entier était en armes et ne
voulait pas se séparer de la maison d'Autriche, et
que lui, Kolb, serait obligé de passer la garnison au
(il de Tépée si le général Almeyras refusait de se
rendre. Cette sommation n'obtint pas plus de ré-
ponse que les précédentes.
Slerzing n'avait pas été inquiété pendant tous ces
mouvements à cause du voisinage d'une division
bavaroise qui avait ordre d'y porter secours au
premier avis.
240 MÉMOIRES DU PRINCE EUGÈNE
À Lienz, le général Teste, voulant, par un coup
hardi, en imposer à la tête de la colonne des in-
surgés du Windisch-Metray, qui s'était avancée jus-
qu'à Ainelh, forma le projet de les surprendre dans
ce poste. En conséquence, dès le 7 au soir, un ba-
taillon du 9* régiment eut ordre de partir de Lienz
de manière à arriver à Àneth, le 8, à trois heures du
matin, d'attaquer le village et tous les postes qui le
couvraient à la baïonnette, de passer au fil de l'épce
ceux qui seraient trouvés les armes à la main, et
d'arrêter, pour servir d'otage, les hommes désarmés.
La difficulté du chemin fît que ce bataillon n'arriva
qu'à six heures du matin ; l'éveil était donné, le
tocsin sonnait de toutes parts, et les hauteurs envi-
ronnantes se couvrant d'insurgés, le bataillon dut se
retirer après avoir tué plus de 60 hommes à l'en-
nemi dans les différentes affaires qui eurent lieu
devant Lienz; on prit aux insurgés deux petites
pièces .
Revenons au général Almcyras, bloqué à Pru-
necken par Kolb.
Le 9, le général Sévéroli, avec le 1 er de ligne
italien, étant arrivé à Biïxen, le général Moreau
reçut ordre de partir avec le 55 e régiment et deux
bataillons du 92 e pour se rendre à Prunecken et de
rouvrir à tout prix la communication. Le mouve-
ment s'exécuta sans aucun obstacle ; les insurgés se
retirèrent à la nouvelle de la marche des troupes.
Tout resta tranquille devant Lienz. Le général Bara-
guey d'Hilliers, d'après les ordres du prince Eugène,
nomma dans les deux cercles de l'Adigc et de l'Ey-
LIV. XVI. — i«0« 241
sach des commissions administratives en remplace-
ment des administrations bavaroises.
Le 10, le général Teste poussa de Lienz une forte
reconnaissance sur la Chiusa, en avant de l'Eysach ;
il y eut un engagement assez vif qui coûta aux in-
surgés un bon nombre de morts, parmi lesquels un
de leurs chefs.
Le 11, le général Almeyras partit de Prunecken
avec deux bataillons, dont un du 84 e pour couvrir la
communication avec Lienz ; il arriva à Innichiag
sans obstacle. Le même jour, les insurgés évacuèrent
la Chiuza de Lienz ; il ne resta plus sous les armes
que ceux de Windisch-Matray ; les autres se hâtèrent
de faire leur soumission au général Teste, offrant de
fournir des vivres, de livrer leurs armes et de donner
des otages. Le général, ayant appris l'arrivée du gé-
néral Almeyras, fit partir, dans la nuit, un bataillon
pour aller au-devant de lui. Le 12, le général Al-
meyras entra à Lienz avec le bataillon qui avait été
au-devant- de lui et qui le rencontra à Sillian. Les
deux bataillons du 92 e restèrent à Sillian, où le co-
lonel Nagle s'occupa du désarmement avec tant de
vigueur, que, le 16, il avait déjà obtenu la restitu-
tion de 80 fusils pris aux voltigeurs du 84" régiment,
et de beaucoup d'effets, et la remise de plus de 500
armes à feu. Le même jour, le général Teste se porta
à Aineth avec 2 bataillons et 2 pièces de canon.
La brigade Bertoletti, qui était à Glausen, fut re-
jointe par le bataillon du 4° régiment italien qui était
à Bolzano.
Le 13, au matin, la vallée d' Aineth se soumit et
242 MÉMOIRES DU PRINCE EUGÈNE
livra son chef; les insurgés salzbourgeois se reti-
rèrent sur Windisch-Matray. Le même jour, le gé-
néral Broussier revint à la tête de sa division et
prescrivit les mesures les plus rigoureuses pour opérer
l'entier désarmement des vallées, tandis que le gé-
néral de division Barbou partait de Saint-Léonard
avec le 13 e et le 29% et venait prendre position à
Méran et Tyrol.
Dès cette époque le Tyrol se trouva à peu près
pacifié. Aucun mouvement général d'insurrection
ne s'y manifesta plus; le désarmement fut poussé
avec vigueur, et surtout dans le Pusterthal qui avait
pris une part si active dans la dernière insurrection.
Du 13 au 21 décembre il n'y eut d'autre mouve-
ment de troupes dans le Tyrol allemand que la ren-
trée du 5 e de ligne italien de Méran à Bolzano, et la
formation, le 18, à Lienz, d'un bataillon d'élite
composé d'une compagnie de grenadiers et une de
voltigeurs de chaque régiment de la division Brous-
sier; le 19, la marche du bataillon du 14* léger
français de Cries à Sarenthal, et, le 21, la réunion à
Mûlhbach des deux bataillons du régiment dalmate.
Le Winstgau et le Yaltenthal étaient soumis, et il n'y
avait plus dans le Passeyer d'autre opération à tenter
que de s'emparer de la personne de Hoffer. Ce chef
influent, pour lequel les ordres de l'Empereur étaient
de la dernière sévérité, s'était réfugié sur les cimes
du Brenner, entre le Passeyer et la vallée d'Ocz,
occupée par les troupes bavaroises.
Le 24, le général Broussier, qui, dès le 21, avait,
par une proclamation, annoncé aux habitants de
LIV. XVI. — 1809 243
Windisch-Matray son arrivée avec de la troupe, et
leur avait enjoint la soumission et la remise de leurs
armes, partit de Lienz avec deux bataillons du 9 e ré-
giment, deux du 84 e régiment, et toulc son artillerie,
pour se rendre à Windisch-Matray, où il arriva le
même jour malgré la difficulté du chemin. Sur-le-
champ il fit appeler quatre notables de chaque com-
mune de l'arrondissement; deux furent renvoyés
pour retirer les armes, les deux autres furent gardés
comme otages. Le 26, le général détacha un bataillon
du 84 e à Wirgen, où le désarmement ne se faisait
pas assez vite ; le 27, ce bataillon fut relevé par un
du 9 e régiment, qui rentra le 28. Le 1 er bataillon du
92 e se rendit, avec le général Teste, dans la vallée de
Kalz, et, le 29, le général Broussier porta le 1 er ba-
taillon du 92 e régiment sur le même point, le 3* ba-
taillon du même régiment à Saint- Vital, et le 1 er du
92 e à Hopfgarten; le 50, toute l'expédition rentra à
Lienz; le 51 , le 92 e se réunit à Sillian ; les 9 e et 84 e
régiments restèrent à Lienz. Pendant l'expédition,
plusieurs chefs d'insurrection, parmi lesquels celui
d'Àincth, deux de Windisch-Matray et un de Virgen,
furent fusillés.
Dans le Tyrol méridional tout était depuis long-
temps fort tranquille; aussi crut-on pouvoir dis-
soudre la 15 e demi-brigade provisoire et faire rentrer
à leurs corps les détachements qui la composaient.
Sept bouches à feu de la division Yial furent ren-
voyées à Vérone.
Dans la partie du Tyrol occupée par les divisions
Barboii et Sévéroli, tout resta également dans la plus
244 MÉMOIRES DU PRINCE EUGÈNE
grande tranquillité ; le désarmement continuait tou-
jours. Plusieurs chefs, arrêtés sur l'indication de
papiers pris à Kolb, furent jugés et fusillés. Le
général Baraguey d'IIilliers, ayant l'avis que le prince
Eugène avait ordonné à deux bataillons de la divi-
sion Durutte, qui était à Villach, d'occuper Lienzet
Saehsenburg, fit ses dispositions pour porter succes-
sivement la division Broussier à Prunecken, Brixen
et Sterzing, et la division Barbou à Glausen, Bolzano
et Méran, laissant à Lienz le général Teste avec un
bataillon, jusqu'à l'arrivée des troupes du général
Durutte. Le bataillon du 4 e de ligne italien, qui était
dans la division Sévéroli, fut dirigé sur Trente.
Le 1 er janvier, la division Broussier commença ce
mouvement, qui fut exécuté en peu de temps, et en
trois colonnes :
La première colonne, sous le colonel Vautré, se
rendit à Assling; la deuxième, avec le colonel Nayle,
en avant de Lienz, vers Saint- Léonard ; la troisième,
avec le général Àlmeyras, de Sillian à Wilgarten.
Une quatrième colonne, composée du bataillon d'élite
et du 2 e bataillon du 84 e avec le reste de l'artillerie
de montagne, partit de Lienz, sous les ordres d'un
chef de bataillon, pour se rendre à Toblnch.
Chacune de ces colonnes devait fouiller les mai-
sons situées sur les montagnes qui bordent la route;
la plus sévère discipline était recommandée. Elles
avaient chacune 10,000 cartouches en réserre.
Le général Teste resta à Lienz avec un bataillon et
quelques détachements. Le général Broussier porta
son quartier général à Toblach.
L!V. XVI. — 1809 845
Le 3, les 1" et 5 e bataillons du 84* régiment so
rendirent à Prunecken, et le 2 e à Nieterndorf; le
même jour, le nommé Nicolas Hamoss, de Sillian,
chef principal de ces vallées, fut arrêté à Maria-
schul, au-dessus de Vilgraten , et envoyé à Toblach
pour y être jugé. La commune de Sillian livra tous
les autres chefs au général Almeyras ; le curé de
Lienz* celui de Virgen et son vicaire avaient été arrê-
tés et étaient soumis au jugement d'une commission
militaire. L'évêque de Klagenfurth les réclama au
général Broussier par une lettre insolente qui lui
obtint une réponse analogue. Le 1 er fut condamné à
cinq ans de réclusion, et les deux autres fusillés, ils
avaient été aussi réclamés par une lettre de l'évêque
de Brixen au général Broussier, et leur pardon imploré
par une supplique des habitants de Lienz au prince
Eugène; mais ils étaient trop coupables pour que le
vice-roi pût faire grâce. La sentence fut exécutée.
Le général Broussier continuait à s'occuper du
désarmement de l'Ober-Gaithal et de la vallée de
Cortina dont il avait mandé les députés.
Le 4, le général Teste avec le 2* bataillon du
9 e et les 15 hommes par compagnie, restés à Lienz,
en partit pour se rendre à Sillian, et une compagnie
fut placée au château; le général Broussier porla son
quartier général à Nieterndorf.
Le général Moreau partit de Prunecken avec le
55 e régiment pour se rendre à Brixen ; le 4" batail-
lon dalmate se rendit de Saint-Laurenzen à Mûlbach,
et le 2 e de Mûlbach à Glausen ; ce régiment continua
sa marche pour gagner Trente, où il arriva le 8 et
240 MÉMOIRES DU PRINCE EUGÈNE
le 9, il fut envoyé de suite dans le val Sugana, où il
occupa Pergine el Borgo.
Du 5 au 10 inclus, le général Broussier continua
le désarmement, établissant, le 7, son quartier gé-
néral à Prunecken, dont la division se rapprochait
successivement. En conséquence, le 1 er bataillon du
9 e régiment se porta, le 6, d'Inniching à Toblach, et
de là avec le quartier général à Prunecken; il em-
ploya les journées, des 8, 9 et 10 h parcourir la val-
lée de l'Eysach entre Brixen et Sterzing, et celle de
Drasferg-Leigraben et Taufers; les deux autres ba-
taillons de ce régiment se réunirent au général Teste
à Silliau ; le 84 e porta, le 6, son 2 e bataillon à Nie-
der-Rasen, le 8 à Dietenheim, el le 9 à Taufers, où
il fut rejoint par le 3 e bataillon; le 92 e se porta le 5
à Toblach, et le 10 à Prunecken, d'où le 1 er bataillon,
avec le colonel Nagle, se rendit dans le Fauferethal.
Le général Barbou conserva sa position de Méran,
éclairant toujours le Passeyer; le général Moreau
resta à Brixen avec le 55% ayant le 53 e à Merzing; la
division Sévéroli commença son mouvement pour se
rendre dans le Tyrol méridional, où tout continuait
à être tranquille.
La division Broussier, marchant ainsi de l'ouest à
Test, puis du nord au sud, tendait à se rapprocher
du Tyrol méridional vers lequel toutes les troupes du
général Baraguey d'Hilliers se repliaient pour ren-
trer dans le royaume d'Italie, opérant successive-
ment et commune par commune le désarmement des
Tyroliens qui s'étaient insurgés.
Vers le 26 décembre, il ne restait plus de Sterzing
LIV. XVI. — 180» 247
à Brixen, et à Prunecken, que la division Broussier;
la division Barbou était à Méran, à Bolzano et à
Clausel ; la division Vial dans le Tyrol italien depuis
longtemps, en sorte que les troupes du corps du gé-"
néral Baraguey d'Hilliers occupaient enfin les posi-
tions indiquées, dès le milieu de novembre, par le
vice-roi, positions que la deuxième levée de boucliers
des Tyroliens avait empêché de prendre à cette
époque.
Enfin, le 27 janvier, le fameux Hoffer fut pris sur
le sommet du Brenner, au fond de la vallée de Pas-
seyer, par un détachement composé de cinq compa-
gnies d'élite, des 13 e et 29 e régiments, sous les or-
dres du chef de bataillon Luntier. Il fut envoyé à
Trente.
Le prince Eugène désirait lui sauver la vie; on
engagea ce chef; dont le nom avait acquis une cer-
taine célébrité, à désavouer ses secondes proclama-
tions; mais, se posant en martyr, il refusa d'avoir
recours à ce moyen qu'il regardait comme indigne
de lui. Napoléon envoya à son fils adoptif alors au-
près de lui, à Paris, l'ordre formel de faire juger et
fusiller Hoffer,
En effet, ce malheureux, transféré à Mantoue, paya
de sa tête son manque de foi.
Le 8 février, un ordre du vice-roi, en date du
31 janvier, prescrivit au général Baraguey d'Hilliers
de remettre aux troupes bavaroises le Tyrol alle-
mand.
Ainsi fut terminée cette campagne, suite de pe-
tits combats de troupes régulières luttant contre des
S4S MÉMOIRES DU P1INCB EUGÈNE
paysans însugés, mais ayant moins à redouter l'en-
nemi, quelque brave et fanatisé qu'il fût, que les ob-
stacles d'un pays aussi propre à la défense que dif-
ficile à parcourir et à soumettre. Des cours d'eau
torrentueux et encaissés , des positions militaires
pouvant être défendues jusqu'à la dernière extré-
mité, des montagnes arides, des gorges profondes
et dangereuses pour passages; pour routes, des sen-
tiers à travers des rocs escarpés : telles étaient en réa-
lité les difficultés que présentait cette lutte, offrant
peu de gloire, autant de dangers et plus de misère
que les grandes guerres contre les armées de l'Au-
triche.
CORRESPONDANCE
RELATIVE AU LIVRE XVI
DU 15 NOVEMBRE 1809 AU 13 FÉVRIER 1810.
«Sire, j'ai l'honneur de rendre compte à Votre Eo | àN »p-
Majesté, que je suis arrivé hier soir à Milan. J'ai 15 ™™* hn
passé la journée d'aujourd'hui en réceptions, et de-
main je reprends le cours ordinaire de mon travail.
« J'ai reçu, ce malin, une lettre du général Ba-
raguey d'Hilliers, en date du 12. Il m'annonçait que
ses troupes arrivaient, le même jour, à Sterzing,
et qu'il venait de recevoir une estafette du général
Drouet, laquelle était partie d'Inspruck, et avait
trouvé la route parfaitement tranquille. Ainsi, la
grande communication de Munich à Milan, par le
Tyrol, est rouverte. L'article des subsistances paraît
seul inquiéter le général Baraguey d'Hilliers. J'ai
donc cru convenable, indépendamment de plusieurs
centaines de mille de rations de biscuit que j'avais
envoyées de Vérone et de Villach, d'ordonner un en-
25fl MÉMOIRES DU PRINCE EUGÈNE
voi de 10,000 quintaux de grains qui pari iront de
Mantoue. J'espère que Votre Majesté approuvera cette
mesure.
« Le fameux Hoffer a dissous entièrement sa troupe
et a fait une grande proclamation pour les engager
à rentrer dans l'ordre et à rester tranquilles. Il est
parti de Sterzing lui-même le 10, et on croit qu'il
s'est dirigé vers les Grisons. Il reste encore cepen-
dant quelques bandes particulières d'insurgés ayant
un chef connu, et composées, en grande partie, de
déserteurs et de gens sans aveu. Pour les extirper
entièrement, il faudra du temps, de la patience et
de l'adresse.
« J'aurai l'honneur d'envoyer à Votre Majesté les
premières nouvelles que je recevrai de ce pays-là
par un de mes aides de camp que j'y ai envoyé exprès
pour prendre connaissance de l'état du pays, de l'es-
prit de ses habitants, et enfin pour se mettre en état
de répondre à toutes les questions de Votre Majesté
à ce sujet. »
Eu fc£n, ap * (< Sire, je m'empresse de rendre compte à Votre
*7 n^ mbre Majesté que ses troupes sont entrées, le 14, à Fiume.
Tout se passe avec le plus grand ordre pour la re-
mise du pays que l'Autriche doit céder. Mon aide de
camp, le général d'Ànthouard, est parti de Fiume
quelques heures après l'entrée de nos troupes, avec
des lettres du commandant nommé par le prince de
Neufchâtel pour porter celte nouvelle aux maréchaux
Macdonald et Davout.
« La marine autrichienne devait, d'après les or-
LIV. XVI. — 1809 - CORRESPONDANCE 251
drcs de ses supérieurs, rentrer à Fiume. Mais les
Anglais, suivant leur habitude, se sont emparés de
deux bricks et de deux canonnières. On croit que
ces deux dernières sont parvenues à se sauver pen-
dant la nuit. Le général autrichien a vivement ré-
clamé sur cette conduite et avait déjà défendu, avant
l'arrivée de mes troupes, toute communication avec
les Anglais. Il paraît que la croisière anglaise dans
l'Adriatique est composée de la frégate YAmphyon,
de 44 canons, d'une corvette de 32 canons, de
2 bricks de 18 canons, de 2 bâtiments siciliens de
iO canons chacun, et enfin de la frégate espagnole,
la Paix, de 36 canons.
« Les affaires du Tyrol continuent à se tranquilli-
ser. Il se tire bien encore quelques coups de fusil
dans les vallées, mais cela ne paraît pas être d'une
conséquence majeure.
ce J'ai reçu, ce matin et cette nuit, deux officiers
venus en ligne droi te d'Inspruck, sans empêchement.
Le général Drouet me mandait, sous la date du 14,
qu'il allait former ses colonnes mobiles pour opérer
le désarmement dans les hautes vallées de Hnn, et
que, d'après mes ordres, il s'entendrait avec le gé-
néral Baraguey d'Hilliers pour agir de concert dans
le mouvement de leurs colonnes mobiles. »
ce Sire, aussitôt mon arrivée à Mifan, je me suis &ig.àNap.
fait rendre compte de l'état des services de l'admi- h norembre
1909
nistration de l'armée française dans l'intérieur du
royaume, et je m'empresse de faire connaître à Vo-
tre Majesté les objets qui réclament son attention. Il
252 MÉMOIRES DU PRINCE EUGÈNE
lie faudrait pas moins de 1,500,000 fr. pour aligner
les dépenses du service des hôpitaux au 1 er décembre
prochain. Il est dû plus de 500,000 francs à l'entre*
preneur général : les hospices civils du royaume
d'Italie sont en avance de près de 600,000 francs, et,
dans Timpossibililé où ils se trouvent de continuer
à faire des avances, ils sont au moment d'être forcés
à refuser les malades et les blessés auxquels ils ne
pourraient rien fournir. La solde de tous les em-
ployés et les dépenses de toute nature sont arriérées
pour des sommes considérables, et il est impossible
au Trésor italien de venir au secours de la caisse mi-
litaire française.
« Je suis sûr que Votre Majesté ne verra pas sans
peine l'état d'abandon et de misère dans lequel se
trouve ce service si intéressant, et qu'elle daignera
donner des ordres pour qu'il ne reste pas plus long*
temps en souffrance.
« Le service des fourrages n'est point assuré. On
n'a trouvé des entrepreneurs que pour quelques dé-
partements; dans d'aiftres on serait obligé de s'a-
dresser, pour le service, aux communes qui ne
pourraient le soutenir, le ministre directeur n'ayant
encore adopté aucun mode positif et assuré dans les
payements; il voudrait que le royaume d'Italie s'en
chargeât, mais cela est impossible; il n'a pas le
moyen de faire des avances, desquelles, d'ailleurs, il
ne serait pas remboursé, ou léserait trop lard. »
£ug kihn?' « Sire, Votre Majesté a daigné, par son décret du
18 nombre jg octo bre, me confier l'expédition du Tyrol. En
LIV. XVI. — 1809 - CORRESPONDANCE 253
conséquence, je me suis rendu à Vilkich, où je suis
arrivé le 28. Déjà la division Sévéroli avait été diri-
gée sur Spital et Sachsenburg, où je la passai en
revue. Le lendemain elle continua sa route vers Lienz
etPrunecken, tandis que le général Rusca marchait
avec le 53 e d'infanterie de ligne par la vallée du Gail
et avait ordre de faire sa jonction avec la division Sé-
véroli. À une journée derrière cette division, mar-
chait celle du général Barbou, que je fis suivre en-
suite par celle du général Broussier. J'avais donné
le commandement de toutes ces forces au général
Baraguey d'Hilliers. J'avais fait précéder ces troupes
par une proclamation tendant à calmer et à éclairer
les esprits agités, et par des copies du traité de paix.
Pendant mon séjour à Spital, je reçus une dépula-
tion du Pusterthal qui m'annonçait non-seulement
pour cette vallée, mais pour le Tyrol tout entier, des
dispositions à profiter des bontés de Votre Majesté.
Aussi ces troupes s'avancèrenl-clles dans la vallée
du Pusterthal sans rencontrer aucun obstacle. Par-
tout elles étaient bien accueillies par les habitants
demeurés paisibles, et la plupart de ceux qui avaient
pris les armes se séparaient pour rentrer dans
leurs foyers, ou, du moins, se retiraient devant nos
troupes sans commettre aucune hostilité, et l'on opé-
rait à mesure le désarmement du pays que nous
occupions. Le général Baraguey d'Hilliers serait sans
doute ainsi arrivé à Brixen, et aurait opéré sa jonc-
tion avec les troupes bavaroises sur le Brenner, si le
général Busca qui, depuis qu'il avait rejoint le gé-
néral Baraguey d'Hilliers à Sillian, avait formé l'a-
*5i MÉMOIRES DU PRINCE EUGÈNE
vant-garde, n'eût, par trop d'ardeur et de précipita-
tion, attaqué les insurgés à la position de Mûlbacli
qu'ils tenaient encore, et qu'ils auraient sans doute
abandonnée si on leur en eût donné le temps, et
qu'on eût voulu employer avec eux les moyens de
persuasion. 11 en a coûté une centaine d'hommes, la
majeure partie hors de combat, pour les déloger de
celte formidable position. Nos troupes sont ensuite
entrées à Brixen, et, dès le 12, la libre circulation
parle Brenncr était rétablie.
« Le générai Vial qui, sans obstacle, par la vallée
de Trente et de Bolzen, était arrivé dans cette der-
nière ville et y avait trouvé le général Peyri qui y
était déjà depuis deux jours, et qui, ayant dû traver-
ser les montagnes au nord-ouest de la Piave, où
les Tyroliens ignoraient encore la paix et les inten-
tions de Votre Majesté à leur égard, avait été in-
quiété dans sa marche, et n'ayant que 1,100 hom-
mes, avait eu quelque peine à se maintenir à Botzen
où les insurgés l'avaient poursuivi cL attaqué. Tout
se dissipa à l'arrivée des troupes du général Vial,
et ce général reçut à Bolzen une députalion de Mé-
ran qui lui annonçait que, déjà des idées de sou-
mission avaient germé dans cette contrée où ia ré-*
volte avait été la plus furieuse et la plus âpre, et
où les esprits avaient été le plus exaspérés.
« J'ai déjà eu l'honneur de rendre compte à Vo-
tre Majesté de rengagement que le général Drouet a
été obligé d'avoir avec les insurgés, le 1 er octobre,
près d'Inspruck. Depuis, il n'a plus éprouvé de ré-
sistance sérieuse, et notre jonction effectuée sur le
LIV. XVI. - 1809 — CORRESPONDANCE 255
Brenner, qu'il eût été aisé de rendre difficile, s'est
opérée sans aucun obstacle.
« On a trouvé partout l'esprit des villes bon. Les
habitants des campagnes, plus ignorants et plus en-
têtés, n'ont pas encore tous abjuré leurs erreurs;
mais cependant on croit pouvoir assurer que,
parmi les hommes qui restent encore armés, il n'y
a que des gens sans asile, des déserteurs de tous les
pays, et des étrangers sans aveu : le désarmement
ne se fait que lentement. Les Tyroliens sont, de tout
temps, très-attachés à leurs armes. Ils montrent de
toute part la haine la plus animée contre le gouver-
nement bavarois et le plus vif enthousiasme pour
Votre Majesté de laquelle seule ils disent attendre
leur bonheur.
« Les troupes sous les ordres du généra] Baraguey
d'Hilliers sont maintenant disposées de la manière
suivante :
« Le général Vial à Trente avec moitié de sa di-
vision, et le général Rusca, avec l'autre moitié, s'est
dirigé vers Méran et le haut Adige.
« La division Sévéroli est à Botzen, où se trouve
aussi le général Baraguey d'Hilliers, et la division
Barbou occupe Brixen, Sterzing et le Brenner.
« Celle du général Broussier est à Prunecken, Lienz
et Sachsenburg. Les troupes bavaroises, sous les or-
dres du général Drouel, sont à Inspruck, sur le
Brenner, et ont remonté la vallée de l'Inn jusque
versTardeck.
« Il est à présumer que, dans cette situation de
nos troupes, si bientôt le désarmement n'est pas
250 HÉMOIRES DU PRINCE EUGÈNE
opéré, du moins il sera très- a van ce, et qu'il ne pourra
plus se former de réunion d'insurgés qui puisse
donner de véritables inquiétudes.
« Mon aide de camp, qui aura l'honneur de pré-
senter cette lettre à Votre Majesté, pourra lui donner
tous les renseignements qu'elle désirera sur ce pays*
Il a passé plusieurs jours dans le Tyrol, et se trouve à
même de répondre à toutes les questions que Votre
Majesté pourrait lui adresser à cet égard. »
Eog. au doc T . ! ,
de Feitrc. « Je m empresse de vous rendre compte, mon-
i8 novembre sieur le duc de Feltre, des dernières nouvelles que
j'ai reçues du Tyrol. Le général Baraguey d'Hilliers
occupe Méran et les positions au-dessus de cette
ville avec une partie des divisions Barbou et Sévé-
roli. Il a renfermé les rebelles dans le Wunschgau,
et se prépare à les y poursuivre, s'ils ne s'empres-
sent à mettre bas les armes. Il n'a rencontré jus-
qu'à présent aucun obstacle sérieux dans cette ex-
pédition, et le général Barbou, qui a traversé le
Passeyer, pour venir le rejoindre à Méran, a trouvé
cette vallée tranquille, mais déserte. lU'y était passé,
deux jours avant, un événement bien fâcheux dont
je dois vous informer.
« Un bataillon du 15 e d'infanterie de ligne et un
détachement du 53 e , chacun d'environ 500 hommes^
avaient été envoyés en colonnes mobiles dans celte
vallée; ils y ont été entourés, et se sont rendus pri-
sonniers. Je ne connais pas encore les détails de
cette affaire affligeante, mais j'ai ordonné la réunion
d'une commission d'enquête pour informer sur la
L1V. XVI. - 1809 — CORRESPONDANCE 2&7
conduite des chefs et des officiers, et mon intention
est que ceux qui n'auront pas fait leur devoir soient
punis suivant toute la rigueur des lois. Du reste, le
Tyrol est paisible, et j'espère avant peu que les der-
nières étincelles de cet incendie seront étouffées
dans le Winslchgau. »
« Sire, je viens de recevoir des lettres du général ^'fjjj^'
Baraguey-d'Hilliers, en date des 16 et 17 de ce mois. 49 n 1 ^; ;,,re
Il parait qu'un assez fort rassemblement de rebelles
s'était formé dans Iç Winstchgau et le Passeyer. Le
général Rusca, qui s'était porté à Méran et avait
commencé le désarmement de ces vallées, a éprouvé
de la résistance. Il a dû venir reprendre une posi-
tion en arrière, et se rapprocher de Botzen. J'ai or-
donné au général Baraguey-d'Hilliers de renforcer
le général Rusca, et d'écraser promptement ces der-
niers efforts de la rébellion. Votre Majesté n'ignore
pas que ces contrées étaient celles où les esprits
étaient le plus exaspérés. Si les choses y devenaient
inquiétantes, je me rendrais sur-le-champ à Trente
pour tout voir moi-même, et porter un prompt re-
mède au mal. Je crains que, dans cette affaire, il
n'y ait de la faute du général Rusca, qui déjà s'est
montré, dans cette expédition, trop ardent et même
inconsidéré. Au reste, il paraît que c'est sur les
points où il a été inquiété que se sont rassemblées
les dernières hordes de rebelles, car je reçois une
lettre du général Drouet, en date du 16, par laquelle
il m'apprend que ses troupes ont remonté la vallée
de Tlnn, et sont rentrées à Fandeck, sans avoir
vi. 17
258 MÉMOIRES DU PRINCE EUGÈNE
éprouvé d'obstacles. Cette lettre contenant quelques
renseignements sur 1 les désirs et les espérances des
Tyroliens, j'ai l'honneur d'en adresser la copie à
Votre Majesté. »
Nap i ; arif" g ' « Mon fils, dirigez sur Avignon, pour être en-
20 novembre » i i< t» • a i 1 a
la», voyées de la sur Perpignan, toutes les troupes napo-
litaines qui seraient dans le royaume ou du côté du
Tyrol.»
Eu fein ap * (< ^' rC) i' Hl ' , h° nneur d'adresser à Votre Majesté
20 i809 mbre léta* de situation de son armée d'Italie, au 15 no-
vembre courant ; Voire Majesté est priée de remar-
quer que si le total est aussi considérable, c'est que
le corps bavarois s'y trouve compris.
« Je demande à Votre Majesté la permission de
commencer à faire rentrer quelques bataillons dans
le royaume, tant pour achever d'en assurer la tran-
quillité que pour l'exécution de la conscription, qui
sera bientôt publiée. »
Na taris, ug ' « Mon fils, je reçois votre lettre du 15 novembre;
24 n iSo9? brc je vois avec plaisir que vous soyez arrivé à Milan.
Vous avez fait un ouvrage sur votre campagne d'Ita-
lie, je vous prie de me l'envoyer 1 . J'ai trouvé ici
mes affaires de finances bien dérangées. L'expédition
des Anglais me coûte 50 millions. Les nouvelles le-
vées et les immenses armements que je fais pour
l'Espagne continuent de me ruiner. Vous comprenez
* Voir plus loin la réponse du prince.
L1V. XVI. — 1809 - CORRESPONDANCE 259
donc que je ne puis alléger en rien le fardeau de
mon royaume d'Italie. Je vous envoie ma décision
mise en marge de votre rapport sur les provinces-
illyriennes. »
« Sire, j'ai l'honneur de rendre compte à Voire- Eug ïn»p.
Majesté que je viens de recevoir une lettre du général m novembi*
Baraguey-d'Hilliers, écrite de Bolzen, en date du 20.
Il m'informe que la tranquillité règne toujours dans
le Tyrol, excepté dans les vallées du Winsclhgau et
duPasseyer, au-dessus de Méran, où, comme j'ai eu
l'honneur de le mander à Votre Majesté, existent
encore des rassemblements de rebelles. On prétend
qu'ils sont composés de douze à quatorze compagnies
de déserteurs, montant chacune à 150 hommes en-
viron, auxquels s'est jointe une partie de la popula-
tion de ces montagnes. Ils s'étaient approchés assez
près de nos postes pour que le général Baraguey-
d'HilIiers ait fait des dispositions pour les surpren-
dre et les entourer ; mais, avertis à temps, ils se sont
enfuis et ont disparu partout devant nos têtes de co-
lonnes. Le général Baraguey-d'Hilliers n'attend, pour
les poursuivre et les détruire, que l'arrivée des bis-
cuits, qui sont déjà parvenus à Trente, mais ne Té-
taient pas encore à Botzen. On répand le bruit que
Hofier s'est remis à la tête de ces derniers restes de
révoltés, et on fait courir des proclamations sous
son nom ; mais j'ai bien de la peine à croire que cela
soit vrai ; cela me parait, du moins, bien incompa-
tible avec les démarches qu'il avait faites, et, s'il se
trouvait encore au milieu de ces rebelles, il serait
260 MÉMOIRES DU PRINCE EUGÈNE
possible qu'il eût été arrêté par eux dans ses projets
de retraite, et forcé de prêter encore son nom à leurs
projets. »
Xa p;ui? ug ' « Mon fils, le brigandage continue en Italie, je
r> 7w° hn suppose que vous prenez des mesures efficaces pour
le faire disparaître. »
iup à xap. (i Sire, j'ai l'honneur de rendre compte à Votre
r ' n S mhrc Majesté que le cadre du 3 e bataillon du 2 e régiment
d'infanterie de ligne italien, embarqué sur la goélette
le Bravo, a été pris, dans sa traversée de Corfou, par
les Anglais. Ce détachement était composé de 2 ca-
pitaines, 2 lieutenants, 14 sergents, 37 caporaux et
' tambours; lolal, 55 hommes.
« J'ai reçu aujourd'hui des nouvelles du général
Baraguey-d'Hilliers, à la date du 21, qui ne présente
rien de nouveau dans la situation du Tyrol. Il m'an-
nonçait le commencement de ses opérations dans le
Passeyer, les biscuits lui étant arrivés.
« Le général Vial me mande que quelque mécon-
tentement s'est manifesté dans plusieurs vallées qui
l'environnent, parce qu'un commissaire bavarois,
qui s'était réfugié, dans le temps, à Vérone, et qui
était rentré avec son emploi, s'était déjà permis de
faire une proclamation dans le cercle de l' Adige pour
ordonner le prompt payement de toutes les contri-
butions arriérées. J'ai écrit au général Baraguey-
d'Hilliers et au général Vial, en les engageant à sus-
pendre au moins jusqu'à parfaite tranquillité, et
jusqu'à nouvel ordre de Votre Majesté, toute réinté-
LlV. XVI. — 1809 - CORRESPONDANCE 261
gration des autorités qui pourrait rallumer l'insur-
rection. »
« Sire, j'ai l'honneur d'adresser à Votre Majesté Eo fc*£ a P-
la situation de son armée italienne, à l'époque du ** ^jg" bre
1 er novembre. Elle voudra bien remarquer que l'ef-
fectif est déjà de près de 48,000 hommes, et qu'avec
la conscription de 1810, que je compte lui propo-
ser de lever comme à l'ordinaire pour le 1" janvier,
son armée italienne sera de 55,000 hommes, c'est-
à-dire des corps presque tous au complet; et en y
ajoutant les troupes de la marine, les forces réunies
de terre et de mer du royaume de Votre Majesté
approchent très-près de 60,000 hommes. »
«Sire, j'ai l'honneurd'informer Votre Majesté que, ^{^Jf 8 **
suivant ce que me mande le général Guilleminot, les • *$$£*"*
douze bataillons de guerre et les cinq bataillons de ré-
serve des six régiments croates cédés à la France se-
ront tous rentrés dans leurs districts respectifs d'ici au
27 de ce mois. Les bataillons de guerre de ces régi-
ments rentrent désarmés : l'empereur d'Autriche a ■
fait donner cinq florins à chaque soldat. On a repris
au bataillon de réserve les fusils de calibre tirés des
arsenaux autrichiens. Ces régiments et la population
du pays ont conservé leurs autres armes, telles que ca-
rabines, pistolets, sabres, cela suffira pour la défense
de la frontière turque. Un objet important et qui mérite
l'a Mention de Votre Majesté, c'est la subsistance de
ces régiments et de ces pays : les deux districts du
Bannat sont les seuls qui puissent se passer de se-
262 MÉMOIRES OU PRINCE EUGÈNE
cours, et les quatre de Huin, d'Ogulin, d'Ollofschatz
et de Liezca ne fournissent pas, à beaucoup près, ce
qui est nécessaire à leur nourriture. J'ai cru devoir
ordonner provisoirement à 11. l'intendant général
Dauchy de s'occuper de cet objet, et de faire fournir
à ces pays les secours en subsistances que la maison
d'Autriche leur faisait fournir habituellement, et
ayant égard, de plus, au nombre de troupes que
nous y conserverons. »
Cu fcun* ap ' « Sire, j'ai l'honneur de rendre compte à Votre
46 "SeS™ 1 ** Majesté que je reçois, à l'instant, une lettre du
général Baragucy- d'Hilliers, datée de Méran, le
25 novembre, par laquelle il m'annonce qu ? en exé-
cution du projet de mouvement dont il m'avait fait
part, par sa lettre de la veille, il s'est porté ledit
jour, 23, sur Méran, où il est entré sans éprouver
d'autre résistance que quelques coups de fusil. Il y
.attendait, le 24, le général Barbou, qui venait par
Saint- Léonhard, et, pour faciliter la marche de ce
général, il envoyait à sa rencontre une forte recon-
naissance. »
ïu fc££ ,p ' « Sire, j'ai l'honneur de rendre compte à Votre
27 i8oa nbr6 Majesté que la Hongrie a été entièrement évacuée,
Je 20, et les troupes occupent la nouvelle ligne de
«démarcation, la gauche à Neustadt, tenant la fron-
tière de Styrie, et la droite à la Save. Il y a eu un
petit malentendu qui n'a eu d'autre effet que de pro-
duire un léger encombrement de troupes. Le traité
de paix stipule que, le 20, la Hongrie serait évacuée.
UV. XVI. — 1809 — CORRESPONDANCE 263
La convention militaire dit que, le 20, on éva-
cuerait les places, cantonnements, etc., en se reti-
rant à journées d'étapes. J'avais donné au maréchal
Macdonald les ordres en conséquence de la convention
militaire ; mais le maréchal prince d'Eckmûhl et le
général Mathieu-Dumas ont adressé officiellement au
maréchal Macdonald une explication, portant qu'il
fallait suivre le traité de paix à la lettre, quoique la
convention soit postérieure, et avoir évacue la Hon-
grie le 20. Le temps pressait, et les troupes, au lieu
de se retirer successivement, ont marché en masse.
Les fortifications de Raab ont sauté, avant l'évacua*
tion, malgré les remontrances d'un commissaire
autrichien envoyé au général Narbonne pour y met-
tre opposition. Un autre commissaire avait été en-
voyé pour le même objet au maréchal Macdonald
pour le fort de Gratz, qui ne devait sauter que quel-
ques jours avant l'évacuation; mais, pour terminer
toute discussion, le maréchal a commencé à frire
sauter le fort le 15 et jours suivants; tout doit être
fini en ce moment. La convention militaire ne par-
lant pas de l'évacuation de la Slyrie, je prie Votre
Majesté d'avoir la bonté de me donner ses ordres
d'avance, afin que je puisse faire parvenir les ordres
de mouvement, et prévenir tous les doutes qui pour-
raient s'élever sur cet objet pour la marche des
troupes; car il y a loin de Neustadt à Villach, et il
faut commencer le mouvement d'avance, si, à jour
fixe, tout doit être évacué. »
« Sire, j'ai eu l'honneur de rendre compte hier e«j • * *m>»
264 MÉMOIRES DU PRINCE EUGÈNE
r ' iî.ïS! Éb,€ ^ Votre Majesté de l'arrivée du général Baraguey-
d'Hilliers à Méran. J'apprends aujourd'hui par une
lettre de lui, datée de Méran, le 24 du courant, que,
le jour même, il avait été rejoint par la colonne du
général Barbou, qui était partie de Sterzing le 25,
et avait traversé le Passeyer. Cette colonne n'a ren-
contré aucun obstacle dans sa marche ; mais par-
tout elle a trouvé les habitations désertes et vides de
bestiaux. Le Pustersthal est également tranquille, et
il paraît que tous les révoltés se sont rejetés dans le
Winstchgau. Le général Baraguey-d'Hilliers les y
tient enfermés par la position qu'il occupe, et le gé-
néral Drouet, auquel j'ai donné ordre de s'entendre
avec lui pour cette opération, doit les avoir enfer-
més, de son côté, en poussant ses troupes jusqu'à
Martinsbruck. Tout le reste du Tyrol est parfaitement
tranquille ; mais c'est avec douleur que je dois ren-
dre comptée Votre Majesté d'un accident dont m'in-
forme la lettre du général Baraguey-d'Hilliers. Un
détachement du 53 e et un bataillon du 13", forts
chacun de 500 hommes environ, étaient partis de
Sterzing, le 17, pour aller jusqu'à Saint-Léonbard,
en colonne mobile, et opérer le désarmement du
Passeyer. Il paraît qu'ils se sont laissé surprendre
et entourer dans le village, et se sont rendus pri-
sonniers. On ignore encore les détails de cette af-
faire affligeante, et j'ai cru devoir ordonner au gé-
néral Baraguey-d'Hilliers de former une commission
d'enquête pour rechercher la conduite du com-
mandant et des officiers de ces détachements, et
faire juger et punir, suivant toute la rigueur des
LIV. XVI. — 1809 — CORRESPONDANCE 265
lois, tous ceux qui n'auront pas fait leur devoir.
D'après les instructions qui avaient été données à ces
colonnes, et leur nombre, ce malheur est totale-
ment inconcevable.
Le prêtre et le major tyroliens, qui étaient venus
près de moi comme envoyés de Hoffer, sont venus,
pour sauver leur vie, se jeter entre les bras du gé-
néral Barbou ; les révoltés voulaient les fusiller. Ils
ont rapporté que Hoffer est en fuite et sa troupe dis-
persée. II n'y a plus de réunis que les déserteurs et
les compagnies de Winslchgau, et encore ceux-ci
n'ont-ils montré aucune animosité contre les Fran-
çais, car le général Baraguey-d'Hilliers a retrouvé, à
Mer an, de nos blessés auxquels il n'avait été fait au-
cun mal. Il paraît que la prolongation de la rébellion
doit s'attribuer, en grande partie, aux mesures, peut-
être prématurées, qu'a prise Sa Majesté le roi de Ba-
vière pour remettre l'administration du Tyrol entre
les mains de ses employés. Il a, par un décret du 12,
nommé commissaire extraordinaire dans tout le Ty-
rol un comte de Thurkeim , homme peu estimé
dans ce pays, et la teneur même du décret qui le
nomme a quelque chose de propre à jeter encore
quelque ombrage dans les esprits. J'apprends à l'in-
stant que ce commissaire général se rend auprès de
moi. J'aurai soin de l'y retenir, jusqu'à ce que j'aie
reçu des ordres de Voire Majesté sur les destins du
Tyrol. »
« Sire, Votre Majesté me fait l'honneur de me Eu fr H â * a P-
dire, par sa lettre du 22 courant, que les affaires de * 7 'Jgg 1 " 1 ™
266 MÉMOIRES DU PRINCE EUGÈNE
ses finances ne lui permettront pas d'alléger en rien
le trésor de son royaume d'Italie. J'ai pris connais-
sance, depuis mon arrivée, de toutes les affaires de
finances et du trésor, et je puis certifier ù Votre Ma-
jesté que, si les comptes que les ministres m'ont
mis sous les yeux sont réels, la différence entre les
rentrées et la dépense sera tout au plus d'une couple
de millions; mais je dois dire à Votre Majesté que,
par le désordre qui règne dans les comptes de l'ad-
ministration du département de la guerre, il m'a été
de toute impossibilité de savoir précisément ce que
ce ministère doit. Les dépenses ont été tellement
exagérées ou faussement présentées, que j'ai dû en
rejeter un grand nombre.
« J'aurai l'honneur d'adresser sous peu de jours
à Votre Majesté les comptes terminés de 1808, un
aperçu de ceux de 1809, et le projet de loi des
finances pour l'année 1810. Je chargerai le ministre
des finances Prina de porter ce travail à Voire Ma-
jesté. Je ne retarde son départ que dcquelquesjours,
afin de faire discuter dans la section des finances au
conseil d'Etat le projet de loi présenté par le minis-
tre. J'espère que Votre Majesté voudra bien approu-
ver le motif de ce léger retard. »
Eu friian, ap " ci Sire, j'ai reçu la lettre dont Votre Majesté
i8w m re m'a honoré, du 22 courant, et dans laquelle elle
m'ordonne de lui envoyer un ouvrage sur la
dernière campagne d'Italie \ J'ai l'honneur de
lui rendre compte que je n'ai écrit ni permis à
1 La relation d'après laquelle nous avons écrit la campagne (la
L1V. XVI. - 1800 - CORRESPONDANCE 267
personne d'écrire dans celte dernière campagne.
Un Français établi à Milan, ou par un zèle malen-
tendu, ou par fausse spéculation, a publié un ou-
vrage portant, il est vrai, le litre de Campagne du
prince Eugène en 1809; mais cet ouvrage avait été
fait sans mon aveu : il contenait beaucoup de faus-
setés, et, par-dessus, beaucoup d'inconvenances. J'ai
écrit, de Vienne (où Ton m'avait adressé un exem-
plaire), à la police de Milan de faire arrêter tout ce
qui existerait de celte brochure, et de la faire brûler.
J'ai même ordonné qu'il fût écrit en conséquence à
Paris, parce que j'avais appris que cinquante exem-
plaires y avaient été envoyés; voici l'exacte exposi-
tion des faits. Je prie Votre Majesté de croire que je
ne me permettrai jamais d'écrire et surtout de pu-
blier rien qui pût me concerner. Ma personne est en-
tièrement au service de Votre Majesté, mes actions
ne sont que l'exécution de ses ordres, et, l'une
comme les autres, lui appartiennent exclusive-
ment. »
« Sire, jai l'honneur de soumettre à Votre Majesté Eug.a Na P .
un projet de décret pour la levée de la conscription w *******
de 1810 dans les vingt-cinq départements compo-
sant son royaume d'Italie (compris l'Istrie el la Dal-
malie).
a J'ai porté le contingent à 12,000 hommes,
l'armée d'Italie eu 1809, relation dictée en partie par le prince Eu-
gène, et rédigée sur les documents officiels, fut rédigée beaucoup plus
tard et resta inédite dans les cartons du vice-roi et de son chef d'état-
major le général Vignolle. Le général de Vaudoncourt en eut aussi
connaissance.
268 MÉMOIRES DU PRINCE EUGÈNE
comme pour Tannée 1809, dont 6,000 hommes
pour l'armée active, et 6,000 hommes pour la ré-
serve. Aussitôt que Votre Majesté aura daigné me
faire connaître ses intentions, je m'empresserai de
donner les ordres de détail pour en assurer la
prompte exécution. »
Eu 5iiî n r ! ap ' ° Sire, j'ai l'honneur d'adresser à Votre Majesté
30 n mT hre un projet de décret portant amnistie pour tous les
déserteurs et conscrits réfraclaires de son royaume
d'Italie. Je pense que, dans les circonstances actuel-
les, cette mesure contribuera beaucoup à pacifier
les esprits et à ramener des montagnes du Tyrol et
des autres points les déserteurs qui s'y sont réfu-
giés et qui ne demandent aujourd'hui qu'à rentrer
dans leur patrie. »
Eu fûit£ ap ' c< Sire, j'ai l'honneur de rendre compte à Votre
30 i809 ibrc Majesté qu'une frégate anglaise est entrée, le 22 de
ce mois, dans le golfe de Tri este, et qu'elle a détaché
deux embarcations qui se sont approchées de la
ville, sur laquelle elles ont jeté des fusées incen-
diaires. Plusieurs sont tombées près des vaisseaux
russes, et d'autres dans la ville même, où elles n'ont
causé aucun dommage. Le général commandant
supérieur a, de suite, pris les mesures nécessaires
pour éloigner ces embarcations et empêcher que de
nouvelles ne s'approchassent. On a également pfacé
les vaisseaux russes plus dans l'intérieur de la rade.
« Le 23, la frégate n'était plus en vue. »
LIV. XVI. — 1809 — CORRESPONDANCE 269
« Sire, je m'empresse d'avoir l'honneur de trans- Ett | , l JJ a *
mettre à Votre Majesté les nouvelles du Tyrol que je ^ «JJ lbr8
reçois à l'instant du général Baraguey-d'Hilliers, à
la date du 27 courant. La vallée du Winstchgau a
envoyé au général une députation de tontes les com-
munes jusqu'à Schtande inclusivement. Elle était
conduite par le prêtre Damy, qui parait servir avec
zèle la pacification. 11 arrive à chaque instant au quar-
tier général des troupes bavaroises et saxonnes qui
étaient prisonnières. On lui promet, pour le 25, les
prisonniers français des 53 e et 13 e , faits, le 22, à
Saint-Léonhard. Le 24, les municipalités et les curés
doivent se réunir chez le général Baraguey-d'Hilliers
dans les mêmes intentions pacifiques.
« André Hoffer, lui-même, paraît avoir fait de-
mander indirectement un sauf-conduit pour se rendre
auprès du général Baraguey-d'Hilliers, qui s'est prêté
à le lui accorder, regardant celte démarche comme
de la plus haute importance pour l'entière pacifi-
cation.»
« Sire, j'ai l'honneur de rendre compte à Votre Ma- u ânan, ar "
1" décembre
jesté que le général Baraguey-d'Hilliers m'annonce, **° y
par sa lettre du 28 novembre, que le désarmement
de rUltenthal a été effectué dans les journées des 26
et 27. Tous les esprits lui paraissent portés à la paix,
et les paysans ont promis eux-mêmes de livrer une
cinquantaine de misérables, qui, seuls, à l'approche
de nos troupes, se sont réfugiés dans les neiges pour
. éviter le châtiment de leurs crimes antérieurs. Nos
soldats ont été accueillis cordialement, et les prêtres
270 MÉMOIRES DU PRINCE EUGÈNE
se sonl bien montrés. Le général se loue particuliè-
rement du P. Richler.
« II ajoute qu'il croit pouvoir avancer aussi que
le Winstchgau est totalement soumis et pacifié. Tous
nos prisonniers de Saint-Léonhard, avec leurs offi-
ciers, ainsi qu'un grand nombre de Bavarois et de
Saxons, et autres soldats tant de la Confédération du
Rhin que des corps français de l'armée d'Allemagne
et d'Italie, arrivaient le jour même, et devaient
arriver le lendemain. Ce général dirige les prison-
niers sur Botzen pour être à portée de les faire ren-
trer dans leurs corps respectifs, soit en Allemagne,
soit en Italie.
« Enfin, il me marque que, le 27, des députés
du Passeyer sont venus le trouver a Méran et qu'il
leur a fait connaître mes volontés pour la remise
des armes et autres effets pris aux soldats français et
italiens.
« Les routes continuent à être libres depuis qu'on
en a chassé une vingtaine de brigands qui défen-
daient les montagnes. »
E de rSire nc <( ^ e m'empresse de vous informer, monsieur le
La soiT*" duc ^e Feltre, des dernières nouvelles que je reçois
17 décembre du Tyrol p en( i ant que j e général Baraguey-d'Hilliers
était occupé à pacifier et désarmer le Passeyer, le
Winstchgau et l'Ultenlhal, quelques bandes de bri-
gands avaient interrompu la communication entre
Botzen et Brixen, et entre Brixen, Pruneckenet Lîenz.
Aussitôt que ces trois vallées rebelles ont été sou-
mises, ce général a donné des ordres pour faire
LIV. XVI. — 1809 — CORRESPONDANCE 271
disperser les rassemblements que leur exemple avait
suscités de nouveau.
« La roule de Botzen à Brixen est maintenant par-
faitement libre ; les brigands qui ont essayé de résis-
ter ont été tués ou pris et fusillés ensuite; les mai-
sons desquelles on avait tiré sur nos troupes ont
été livrées aux flammes, et ces exemples sévères
paraissent avoir produit un bon effet sur ces peuples
ignorants et orgueilleux. Le Pusterthall va, sans
doute, élre aussi bientôt rendu à la tranquillité, et
il y a d'autant plus lieu d'espérer que le Tyrol tout
entier sera bientôt paisible, que le désarmement s'o-
père avec plus de succès et remet entre nos mains
un très-grand nombre d'armes. Le Tyrol italien et la
vallée de l'Inn sont parfaitement tranquilles.
« Le général gouverneur de Zara me rend compte
que les Autrichiens évacuent la Dalmatie et que tous
les habitants que leur présence et leurs insinuations
auraient soulevés sont rentrés dans le devoir. Il
demande si, la tranquillité étant parfaitement réta-
blie dans ce pays, les mesures qu'il avait prises
après l'avoir déclaré en état de siège, aussitôt qu'il
avait eu connaissance de la paix, doivent encore être
continuées. Je vous prie de demander à Sa Majesté
une décision à cet égard .
« Je vous informe, monsieur le duc deFeltre, que, &v- »■ duc
pendant que les communications se sont trouvées ^ ^mbre
interrompues entre le Tyrol méridional et le Pus- 1809 *
terthall, un mouvement général a eu lieu dans cette
dernière vallée et dans toutes les vallées incidentes,
272 MÉMOIRES DU PRINCE EUGÈNE
et, le 30 novembre, à la même heure, tous les can-
tonnements et postes de correspondance établis entre
Brixen et Lienz ont élé enveloppes et attaqués. Nous
avons perdu dans cette occasion quelques hommes
du 6 e régiment de hussards, et une compagnie tout
entière de voltigeurs du 84 e , qui ont été faits prison-
niers. La tranquillité s'est depuis entièrement réta-
blie dans cette contrée. Dans les endroits où on a pu
joindre les rebelles, ils ont été attaqués vivement,
et on leur a tué plusieurs centaines d'hommes; lés
autres se sont dispersés, et sont rentrés chez eux ;
mais on a fait des exemples sur plusieurs des princi-
paux chefs, et cette sévérité a produit les plus heu-
reux résultats, car le désarmement s'effeclue avec
bien plus de facilité et de fruit, et maintenant nous
avons un assez grand nombre de fusils et de cara-
bines entre nos mains pour qu'on puisse croire n'a-
voir plus rien à craindre.
a Le Tyrol méridional continue à être tranquille;
rien n'interrompt plus les communications d'aucun
côté, et le général Drouet me mande que tout est
paisible dans le pays où il commande, et que le
désarmement lui a déjà produit plus de 9,000 fusils
ou carabines.
E "ê" Feur!?" c< J e m'empresse de vous informer, monsieur le
^décembre duc de Fcltre, que tous les rapports que je reçois du
im ' Tyrol confirment les espérances que l'on avait con-
çues du rétablissement de la tranquillité dans tout
ce pays. Une seule vallée du Pusterlhall, qui se
croyait à l'abri derrière ses remparts de neige et de
LIV. XVI. — 1809 — CORRESPONDAMiE 275
glace, avait paru vouloir rester encore en insurrec-
tion : c'est celle de Windisch-Matray ; mais ses habi-
tants viennent de promettre au général Broussier de
lui apporter leurs armes, el t s'ils ne tiennent pas
leur promesse, ce général est prêt à les en punir et
à les détruire entièrement.
« A l'époque à laquelle une compagnie de volti-
geurs a été prise à Nitendorf, un bataillon du même
régiment, le 84* de ligne, a été attaqué à Saint-
Ilhoir par des forces très- supérieures; il a fait
sa retraite sur Lienz avec beaucoup de peine, et
même en perdant une centaine d'hommes, tués,
blessés ou faits prisonniers, mais avec beaucoup
d'habileté et de courage. Je regrette de ne pouvoir
en dire autant de la conduite qu'a tenue à Brixen le
général X ; il paraît qu'il a montré une grande
faiblesse. Le général Baraguey-d'Hilliers se plaint de
lui, et assure que son âge et ses infirmités le mettent
hors d'état de continuer à servir avec activité. »
« Mon fils, donnez ordre que 5,000 hommes des ^;^ L n a *
dépôts italiens se rendent en Catalogne pour com- ** i8œ mbre
pléter les corps de divisions Pino et Lecchi. »
« Sire, le ministre Aldini me fait connaître que Eu fcîii^ p "
l'intention de Votre Majesté était que l'Istrie et la 4 }8io. er
Dalmatie ne fassent plus partie de son royaume
d'Italie. Votre Majesté a déjà compris la Dalmatie
dans les provinces Illyriennes ; mais l'Istrie ex-véni-
tienne en avait été exceptée. Je me permettrai, au
sujet de celte dernière province, d'observer à Votre
Majesté qu'elle forme un département organisé à
M. 18
274 MÉMOIRES DU PRINCE EUGÈNE
l'instar des autres départements du royaume, et que
cette organisation a eu lieu dès la réunion au
royaume des pays ex-vénitiens. En second lieu, le
royaume tire de l'Istrie ia plus grande partie du sel
pour la consommation ; 3° la marine du royaume
tire de l'Istrie (de la forêt de Montoue) tous les bois
nécessaires aux constructions. Cette forêt a de tout
temps été conservée et administrée avec le plus grand
soin, car, sans les ressources qu'elle présente, il
deviendrait impossible de construire à Venise. Je
pourrai même citer à Votre Majesté que, les Autri-
chiens ayant négligé celte forêt la dernière année
qu'ils en ont eu la possession, on s'est trouvé à
Venise dans le plus grand embarras, et il a fallu la
surveillance la plus sévère pour préparer et fournir
ensuite à l'arsenal les moyens d'exécuter les travaux
qui ont eu lieu ces trois dernières années.
« Je prie Votre Majesté de me donner ses ordres
pour la communication à faire au Sénat d'Italie, soit
que la Dalmatie demeure seule réunie, soit que l'Is-
trie le soit également. »
Eus. au duc
*& ■ fSw. * « J'ai reçu, monsieur le duc de Feltre, votre lettre
«janvier du 10 courant (3 e division, bureau du mouvement).
Je m'empresse de vous donner connaissance des
ordres que j'ai donnés pour l'exécution des intentions
de l'Empereur.
« Tous les régiments français qui étaient en Alle-
magne rentrent en Italie, excepté trois bataillons
que je laisse momentanément dans le cercle de Vil-
lach, mais qui rentreront aussitôt qu'il sera possible.
L1V. XVI. — 1809 — CORRESPONDANCE 275
Chaque régiment d'infanterie et de cavalerie est placé
dans une bonne garnison ; on établit l'état d'empla-
cement de l'armée d'après ces dispositions, et j'es-
père pouvoir vous l'envoyer sous peu.
« Je ne puis, pour le moment, retirer les troupes
françaises du Tyrol, leur présence est nécessaire pour
consolider la tranquillité; mais, aussitôt qu'il sera
possible, je les ferai rentrer en Italie et je ne lais-
serai en Tyrol que les troupes italiennes.
x « Le régiment d'Isembourg est à Rome; j'y en-
voie également le régiment de Latour d'Auvergne
pour y être à la disposition de Sa Majesté le roi de
Naples, que je préviens de ce mouvement.
« Quant à l'artillerie, je fais rentrer à Palma-
Nova le matériel qui était attaché à la cavalerie, et
celui de la division d'infanterie qui reste cantonné
dans le Frioul. Le matériel des autres divisions d'in-
fanterie et du grand parc rentre à Vérone et Man-
toue. Le personnel de la division cantonné dans le
Frioul reste, pour ce premier moment, à Palma-
Nova, et tout le reste du personnel français rentre à
Vérone, où est l'établissement de l'artillerie.
Le personnel italien retourne à Pavie. Le général
Sorbier, commandant l'artillerie de l'armée, s'occupe
particulièrement de l'exécution de cet ordre ; il me
remettra incessamment un état détaillé de cet empla-
cement, que je vous adresserai. »
« Sire, d'après la présentation que j'ai eu l'hon* euj.*n*p.
neur de faire à Votre Majesté de quelques personnes, janvier
pour être décorées de l'ordre de la Couronne de fer,
276 MÉMOIRES DU PRINCE EUGENE
elle a désiré connaître s'il y avait encore des places
vacantes de commandeur.
« Il existe une soixantaine de places vacantes. Je
ne présente que six sujets, mais je supplierai Votre
Majesté de me permettre d'en choisir une douzaine
parmi les chevaliers, pour être présentés à sa nomi-
nation comme commandeurs. Quant au nombre des
chevaliers, il sera complet si Voire Majesté daigne
approuver ces nominations. »
Ed fcri?''' « Sire, la situation dans laquelle se trouvent deux
"/hoT régiments italiens à l'armée d'Espagne m'engage à
prier Votre Majesté d'autoriser leur retour dans son
royaume.
« L'un est le régiment de cavalerie chasseurs
prince-royal. Ce régiment, créé et formé en Espagne
avec un escadron de chacun des deux régiments de
dragons et un du régiment de chasseurs royal-italien,
a fait toutes les guerres depuis deux ans, a éprouvé
des perles considérables, et se trouve réduit à une
centaine de chevaux. Les hommes qui existent en
Espagne sont un noyau précieux pour le dépôt des
conscrits qui est en Italie; ils deviennent indispen-
sables pour former les cadres des compagnies. Il faut
les habiller, armer, équiper uniformément. En les
enir, Votre Majesté créerait pour ainsi
giment qui, sous peu de temps, serait à
présenter un- boa service et un corps
îxièmc régiment est le 5" de ligne. Ce ré-
rti d'Italie à la fin de 1807, a fait toute la
LIV. XVI. - 1809 — CORRESPONDANCE 277
guerre d'Espagne. Il est réduit aux cadres de 3 ba-
taillons. Il a perdu non-seulement par la guerre,
mais encore plus par les évacuations d'hôpitaux. Ce
corps a besoin d'un peu de repos pour se reformer
et être mis en activité. Dans le cas, cependant, où
Votre Majesté ne consentirait pas à le faire revenir
jusqu'en Italie, je la prierai d'indiquer une garnison
telle qu'Avignon ou Aix, où ce régiment pourrait se
refaire, réunir tous ses hôpitaux et convalescents
égarés, et se trouver enfin dans le cas d'entrer de
nouveau en campagne. »
« Mon fils, je vous avais mandé de faire venir ^Ç^J »-
Hoffer à Paris ; mais, puisqu'il est à Mantoue, en- 1 \g l v £ eP
voyez l'ordre de former sur-le-champ une commis-
sion militaire pour le juger et le faire fusiller à l'en-
droit où votre ordre arrivera. Que tout cela soit
l'affaire de vingt-quatre heures. »
« Mon fils, aussitôt que vous serez arrivé à Milan, Na {J^ a *'
faites-vous rendre compte de ce qui concerne les 45 iîSof er
marchandises séquestrées que j'ai fait transporter de
Venise à Milan, et faites-les vendre sans délai. »
LIVRE XVII
DE NOVEMBRE 1809 AU 15 OCTOBRE 1810.
§ I. — Le prince Eugène, de retour à Milan (14 novembre 1809), s'oc-
cupe de l'administration intérieure du royaume. — Modifications
ministérielles. — Départ du vice-roi pour Paris (commencement de
décembre). — Le divorce. — Mission du commandant Tascher. —
Anecdotes relatives au divorce. — Entrevue de l'Empereur avec l'im-
pératrice Joséphine en présence du prince Eugène. — Soirée du
15 décembre aux Tuileries. — Eugène au Sénat, 16 décembre. —
Correspondance entre le vice roi et la princesse Auguste. — Règle-
ment des affaires d'intérêt pour l'impératrice et le prince Eugène.
— Duché de Francfort. — Affaire du domaine de Navarre. —
Projets de Napoléon pour régler les intérêt? d'Eugène.
§ II. — Retour d'Eugène à Milan (18 février 1810). — L'Istrie et la
Dalmatie enlevées au royaume d'Italie. — Réunion du haut Adige
à ce royaume. — Départ du prince Eugène et de la princesse Au-
guste pour Paris (12 mars 1810). — Ils reviennent à Milan en
juillet. — Voyage du vice-rot a Venise en septembre 1810.
I
Le prince Eugène, ainsi que nous l'avons dit,
revint à Milan le 14 novembre 1809. Il s'occupa
immédiatement de donner tous ses soins à l'admi-
nistration intérieure du royaume d'Italie. Il fit pro-
280 MÉMOIRES DU PRINCE EUGÈNE
muiguer le décret royal qui fixait les attributions du
Sénat. Ce corps devint le premier de l'État, par
suite des prérogatives qui lui furent accordées.
On se rappelle que le corps législatif ayant vive-
ment mécontenté et blessé l'Empereur en essayant,
dès 1805, une opposition maladroite lors du vote de
la loi des finances, Napoléon avait à cette époque
écrit à son fils adoptif pour lui dire que tant qu'il
régnerait sur le royaume d'Italie il ne réunirait pas
le corps législatifs
Le Sénat fut en quelque sorte mis en son lieu et
place. Il fut chargé de l'examen des comptes des
ministres, de faire connaître au souverain les be-
soins et les vœux de la nation, de juger les questions
d'inconstitutionnalité qui viendraient à se produire
dans les actes des collèges électoraux.
Le vice-roi opéra aussi quelques modifications
assez importantes dans le ministère du royaume
d'Italie.
Le premier ministre de l'Intérieur avait été M. Fé-
lici, remplacé bientôt après par M. le comte de
Brème, nommé à la suite de la mission délicate qu'il
avait remplie à l'armée du maréchal Masséna en
1805. M. de Brème, d'un caractère un peu faible,
n'avait pas l'énergie nécessaire pour remplir des
fonctions pour lesquelles il fallait une grande vi-
gueur. Tout était à créer, à organiser, et l'on ne
crée pas, l'on n'organise pas sans avoir à lutter
contre des oppositions souvent systématiques, sans
avoir à briser des volontés qu'on doit soumettre à
la sienne. Il eut pour successeur le conseiller d'État
LIV. XVII. - 1809 281
Vaccari, homme d'une grande énergie, travailleur
infatigable, zélé et intègre, et qui rendit en peu de
temps les meilleurs services au royaume d'Italie. Le
sénateur Guicciardi, directeur général de la police,
créature de Melzi, fut remplacé par le conseiller
d'Étal Mosca. Guicciardi remplissait souvent les fonc-
tions délicates de son ministère en employant des
formes irritantes qui faisaient des ennemis au gou-
vernement. Le conseiller Mosca mit plus de réserve,
d'intelligence et en même temps plus de surveillance
dans l'accomplissement de ses importants devoirs.
Il comprit que la police doit être la- gardienne des
mœurs, la protectrice des citoyens paisibles, la sen-
tinelle du pouvoir, la terreur des conspirateurs et
des gens malintentionnés.
Le canon de la ville de Milan avait appris aux
habitants de la capitale du royaume d'Italie le retour
dans leurs murs du jeune prince dont ils aimaient
le caractère loyal, dont ils appréciaient la bonté, les
vertus et les talents. Grande fut la joie parmi eux
lorsque cette bonne nouvelle fut. connue de tout le
monde. La ville, par l'organe de son conseil muni-
cipal, se hâta d'offrir au prince et à la princesse
Auguste des fêtes votées par acclamation pour célé-
brer l'heureux événement de la paix et le retour du
"vice-roi. Un bal au théâtre de la S cala, un bal public
dans les jardins de Porte Riconasanza, furent dé-
cidés pour le 2 décembre. En outre, le jour suivant,
5 décembre, un Te Deum devait être chanté, à midi,
dans la cathédrale, et soixante jeunes filles, choi-
sies de préférence parmi les sœurs ou les filles de
282 MÉMOIRES DU PRINCE EUGÈNE
militaires ayant fait la dernière campagne d'Alle-
magne, devaient être dotées.
Ces fêtes allaient être remplacées pour le vice-roi
par un événement bien triste pour son cœur filial.
Napoléon avait résolu le divorce avec l'Impératrice
Joséphine, et le prince fut appelé à Paris par la lettre
suivante de l'Empereur, lettre datée du 26 novembre:
« Mon lils, je désire, si aucun empêchement ma-
jeur ne vous en empêche, que vous parliez de Milan
de manière à arriver à Paris le 5 ou le 6 décembre.
Venez seul avec trois voitures et quatre ou cinq per-
sonnes de votre service d'honneur. Passez par Fon-
tainebleau. Ceci est en supposant que des événements
majeurs ne vous empêchent pas de partir. »
Quelques auteurs ont prétendu que le vice-roi
avait eu connaissance des projets de l'Empereur dès
la fin de la campagne d'Allemagne, à Vienne; mais
les documents qu'on trouvera à la correspondance
prouvent d'une manière irrécusable qu'il était loin
de s'attendre à une pareille nouvelle 1 .
Le prince quitta donc Milan, pour se rendre à
Paris, sans assister aux fêtes préparées pour son
retour. Il fut remplacé par la vice-reine, qui, elle
aussi, ignorait encore à ce moment le coup fatal
prêt à atteindre sa nouvelle famille.
Eugène avait été précédé à Paris par un de ses
aides de camp, le commandant Tascher de la Pa-
gerie, qu'il avait chargé, ainsi que nous l'avons dit,
1 Tout ce qui a rapport au divorce est résumé, du reste, arec une
vérité et un talent admirables, dans V Histoire du Consulat et de
PEmpire de M. Thiers.
L1V. XVII. — 1809 * 283
d'une mission en Tyrol pour avoir le prétexte de
l'envoyer en France. Le voyage de ce jeune officier
donna lieu à une circonstance que nous allons ra-
conter ici, car elle permet d'apprécier certains faits
historiques relatifs au divorce, et de tirer certaines
inductions, entre autres celle que ni le prince
Eugène ni la princesse Auguste ne connaissaient
les projets de Napoléon lors du départ du prince et
jusqu'à son arrivée à Fontainebleau , et que Napoléon
craignait sans doute d'être deviné s'il avait auprès
de lui des gens dévoués, à l'impératrice Joséphine,
comme l'était naturellement son parent Tascher.
Après avoir reçu de son aide de camp le rapport
sur la situation du Tyrol, le prince Eugène, désireux,
ainsi qu'il l'avait promis au jeune Tascher, de lui
procurer l'occasion de se rendre auprès de sa fa-
mille, l'autorisa à aller donner de vive voix à l'Em-
pereur des explications sur l'état des choses dans le
pays insurgé qu'il avait parcouru.
Le commandant Tascher partit donc pour Paris à
la fin de novembre, aussi ignorant de la raison qui
faisait désirer à l'Empereur de ne pas le voir auprès
de sa cousine l'impératrice Joséphine que le prince
Eugène l'était lui-même de ce qui se tramait contre
sa mère \
1 Une circonstance assez singulière aurait peut-ôtre pu donner quel-
ques soupçons au commandant Tascher; il se la rappela plus tard»
mais il était alors trop jeune pour y faire grande attention. Après l'ar-
mistice de Znaïm, Tascher logeait au palais du duc Albert de Saxe
Teschen à Vienne . Il s'était lié avec un M. de Landriani et avec le
feld-maréchal Manfrédini, tous deux amis du prince Albert. En pre-
nant congé de ces messieurs et après les plus tendres adieux : « Que
m MÉMOIRES DU PRINCE EUGÈNE
En débarquant à Paris, l'aide de camp crut de
son devoir de se rendre immédiatement aux Tuile-
ries. 11 était huit heures et demie du matin. Il se fit
annoncer à l'Empereur comme envoyé en mission
par le prince vice-roi. Napoléon le fit entrer sur-le-
champ dans son cabinet. La figure du souverain était
pâle, soucieuse, et n'exprimait nullement la bonté
dont Tascher avait été si souvent l'objet. xVpostro-
phant brusquement le jeune officier : a Est-ce pour
m 'espionner, lui dit-il, qu'Eugène t'envoie? »
Grande fut la stupéfaction de l'aide de camp, nulle-
ment au fait de la situation à l'égard de l'Impératrice,
lorsqu'il entendit ces paroles, prononcées d'un tonde
reproche, sortir de la bouche de l'Empereur. Atterré
et ne comprenant rien à ce que voulait lui dire Napo-
léon, il eut cependant assez de force et de présence
d'esprit pour lui répondre qu'il avait trop d'estime
à l'égard du prince Eugène pour penser que le vice-roi
pût vouloir lui faire faire le métier d'espion, et que,
quant à lui, il était avant tout homme d'honneur et de
reconnaissance; que, du reste, il venait duTyrol dans
le but de rendre compte de sa mission. «As-tu vu (a
cousine? demanda alors l'Empereur. — Non, Sire,
reprit Tascher, je descends de ma chaise de poste,
qui m'attend encore dans la cour des Tuileries,
et je n'ai vu personne. » Ces mots parurent pro-
duire sur l'Empereur une sorte d'impression, car
il reprit son calme et adressa au commandant une
sait-on, lui dit Tun d'eux, peut-être verrez- vous à PjHs nos archiducs
plutôt que vous ne pensez. Peut-être, la paix faite, verrez-vous d'au-
tres alliances qui en seront le résultat.
L1V. XVII. — 180» 2&5
foule de questions sur ce qui s'était passé en Tyrol,
sur ce qu'il avait vu et fait dans ce pays ; il prit
ensuite le rapport rédigé d'avance par Tascher, et,
après une demi-heure d'entretien, il lui montra
tout à coup une petite porte donnant sur un esca-
lier dérobé ethii dit : « Descends chez ta cousine. »
De plus en plus étonné, Tascher se hâta de faire ce
qu'on lui ordonnait, et l'escalier le mena du cabinet
de l'Empereur dans l'appartement de l'impéra-
trice Joséphine.
Le bruit de ses pas avertit l'Impératrice, qui crut
à une visite de Napoléon. Elle vint au-devant de son
jeune parent, et, l'ayant reconnu, elle se jeta dans ses
bras en fondant en larmes et lui dit les paroles sui-
vantes, qui donnèrent enfin à Tascher le mot de toute
cette énigme : « Il m'abandonne, il veut le divorce,
où est Eugène? quand arrive-t-il? — Je l'ignore,
madame, répondit Tascher, commençant à se rendre
compte des premières paroles et de la colère de
Napoléon en le voyant, je l'ignore; toutefois, lorsque
j'ai quitté Milan, il y a peu de jours, le prince ne
m'a nullement paru inquiet de l'avenir de Votre
Majeslé. Il ne m'a pas parlé de son arrivée pro-
chaine, et, si telle eût été alors son intention, il est
à présumer qu'il me l'eût fait connaître. Sa sécurité,
je puis vous le garantir, était parfaite. »
Tascher s'entretint alors longuement avec l'Impé-
ratrice. Il lui raconta la scène dont, bien innocem-
ment, il venait d'être l'objet de la part de l'Empe-
reur. Joséphine pleurait, sanglotait, « Àh ! disait-
elle, si au moins c'était pour son bonheur ! Va de
286 MÉMOIRES VU PRINCE EUGÈNE
suite chez Hortense, qui esl inquiète de son frère. »
Entendant du bruit dans la chambre voisine, Tas-
cher pensa que l'Empereur venait, et il se relira.
C'était Napoléon, en effet, qui entrait chez l'Impéra-
trice, dont les sanglots continuèrent. Tascher se
rendit auprès de la reine Hortense, et là il apprit
que le vice-roi, mandé par l'Empereur, était parti
de Milan, qu'il était en route et attendu sous peu à
Paris. Quelques jours plus lard, en effet, la Reine
fît venir Tascher et lui dit qu'elle allait au-devant
de son frère, pour le metlre bien au courant de
la situation, avant qu'il vit l'Empereur. La Reine
devait prendre la route directe de Lyon, elle prescri-
vit à l'aide de camp de suivre la route d'Orléans,
Candis que M. de Lavallette prendrait une troisième
direction. De celle façon, elle était sûre que l'un
des trois rencontrerait le prince et qu'on aurait le
temps de le prévenir *.
Le prince partit de Milan le 1" décembre. Le 3,
à quatre heures après midi, il écrivit de l'hospice du
Mont-Cenis à la princesse Auguste la lellre suivante :
\< Me voici arrivé à l'hospice du Mont-Cenis, ma
très-chère Auguste, et, comme mes voilures sont en-
core en arrière, je vais manger un morceau, et je me
rappelle en attendant à ton souvenir. La montagne
a été très- mauvaise tous ces jours-ci, la Reine de
1 On comprend que nous tenons tous ces détails de M. le général
comte Tascher de la Pagerie lui-même. Il a bien voulu rédiger une
note à ce sujet et nous assurer plusieurs fois que toutes ces scènes,
toutes ces paroles, étaient présentes à sa mémoire comme si elles
avaient eu lieu la veille.
LIV. XVII. — 4809 287
Naples est restée trois jours pour In passer 1 . Moi,
j'arriverai ce soir à Lanslcbqurg, mais je crains que
mes Toitures n'y arrivent que tard cette nuit, de
sorte que je perdrai au moins douze heures en plus
de mon calcul.
(( Nous nous portons bien, Caprara, Battaglia et
moi. Je ne sais rien des autres, puisque leur voilure
est aussi en arrière. »
Le prince arriva à Fontainebleau le 6 décembre,
et à Paris le 7 au matin. Il s'empressa d'écrire à sa
femme :
« Je suis arrivé ici ce matin, ma très-chère Au-
guste. Ma sœur est venue au-devant de moi jusques
au delà de Fontainebleau, et, comme je serais arrivé
cette nuit (à Paris) j'ai préféré coucher dans ce der-
nier endroit; j'ai été bien heureux de retrouver ma
bonne sœur !
« Je n'ai pu te dire, mon amie, avant mon départ
les raisons de mon voyage, parce que je les ignorais
moi-même Il est indispensable pour le repos de
l'Empereur que tout se termine convenablement. Tu
me connais assez pour savoir dans quelle position
je me trouve. La chose qui me soutient le plus en
cette circonstance, c'est l'idée que je possède ton
cœur et que tes sentiments pour moi sont comme
ton âme, au-dessus de tous les événements. J'ai vu
ce soir aux Tuileries le roi de Saxe; nous avons
beaucoup parlé de toi ensemble. J'irai faire demain
toutes mes visites d'étiquette; je ne sais pas en con-
science à quelle heure cela sera fini.
* La Reine arriva à Paris au commencement de décembre.
288 MÉMOIRES DU PRINCE EUGÈNE
« Adieu, ma bonne amie, je t'aime et t'aimerai
toute ma vie, ainsi que nos deux chers enfants. Je
serai de retour à Milan beaucoup plus tôt que je
ne me Tétais imaginé. »
Le vice-roi descendit à l'hôtel de Marbœuf, qui
appartenait au roi Joseph, son propre hôtel étant
alors occupé par un autre des frères de l'Empereur.
Il se rendit chez Napoléon, puis chez l'Impératrice,
avec laquelle son entrevue fut des plus douloureuses.
Le prince, comprenant tout ce que la séparation
avait de pénible, et cependant combien il importait
pour la tranquillité future et même pour la santé
de son excellente mère d'abréger autant que possible
les choses, résolut de demander à Napoléon, pour
Joséphine, une entrevue dans laquelle les deux
époux auraient en sa présence une explication posi-
tive, loyale, catégorique.
L'Empereur y consentit. Le soir même l'entre-
vue eut lieu. Napoléon présenta le divorce comme
une nécessité politique, indispensable à la stabilité
et même à la tranquillité de l'Empire. Joséphine ré-
ponditque, puisqu'il y allait du bonheur de la France,
cette considération devant l'emporter sur toute autre»
elle était prête à se sacrifier pour son pays. Puis,
les yeux remplis de larmes, elle s'écria : « Une
fois séparés, mes enfants seront oubliés. Faites
Eugène roi d'Italie, ma tendresse maternelle sera
tranquille et votre politique sera applaudie, j'ose le
croire, par toutes les puissances étrangères. » Le-
prince vice-roi, en entendant cette espèce de prière
adressée par sa mère à l'Empereur, prit la parole
LIV. XVII. -1809 289
avec vivacité pour demander qu'il ne fût pas ques-
tion de lui. dans toute celle affaire. — Votre fils,
ajouta-t-il, ne voudrait pas d'une couronne qui se-
rait le prix de voire séparation. — Si vous souscri-
ves aux volontés de l'Empereur, c'est à vous seule
qu'il doit penser. » Napoléon dit alors : « Je recon-
nais le cœur d'Eugène ; il a raison de s'en rapporter
à ma tendresse. »
La vice-reine, en apprenant par les lettres de son
mari la fatale nouvelle du divorce, écrivit au prince
Eugène le 13 décembre :
« Je ne sais pas ce que je t'ai écrit hier & , mon
tendre et bien-aimé époux ; la nouvelle du divorce
m'a accablée ; ma douleur est d'autant plus forte,
puisque c'est pour toi que je souffre ; je me repré-
sente ta triste position, et, quoique bien loin, je vois
la joie imprimée sur les visages de ceux qui nous
font tant de mal. Mais on ne peut pas te faire celui
qu'on voudrait, puisqu'on ne peut pas t'ôter une ré-
putation sans tache et une conscience sans reproche.
Tu n'as point mérité ces malheurs, je dis ces, car
je suppose qu'on nous en préparc encore d'autres ;
je suis préparée -a tout ; je ne regretterai rien si ta
tendresse me reste; au contraire, je serai heureuse
de pouvoir te prouver que je ne t'aime que pour toi.
Effacés de la liste tles Grands, on nous inscrira sur
celle des heureux, cela ne vaut-il pas mieux? Je
n'écris pas à ta pauvre mère, que lui dirais-je? As-
sure-la de mon respect et de ma tendresse. Tu me
1 Cette lettre du 1 2 ne nous a pas été envoyée.
290 MÉMOIRES DU PIUNCK EUGÈNE
dis que ton retour sera prochain, ces paroles m'ont
soulagée dans ma tristesse, et je l'attends avec impa-
tience. Ne crois pas que je me laisse abattre; non,
mon Eugène, mon courage égale le lien, et je veux
te prouver que je suis digne d'être ta femme. Adieu,
cher ami, continue-moi ta tendresse et crois à celle
que je t'ai vouée jusqu'au dernier moment de ma
vie. »
Grâce a cette entrevue décisive demandée par le
prince Eugène et dans laquelle la séparation fut con-
venue d'un accord commun entre Napoléon et José-
phine, la dissolution des liens qui unissaient les deux
souverains prenant les formes plus décentes d'un
consentement mutuel, le prince Eugène, archichan-
celier d'État de l'Empire, crut pouvoir remplir le
pénible devoir que lui imposait celte charge, sans
manquer au respect, à l'affection filiale qu'il devait
à sa mère.
Le 15 décembre fut le jour fixé par l'Empereur
pour l'accomplissement du sacrifice imposé à José-
phine au nom de la France. A neuf heures du soir, le
prince* archichancelier Gambacérès duc de Parme,
assisté du ministre d'Etat et de la famille impériale
comte Regnault de Sainl-Jean-d'Angely, se rendit
dans la salle du trône. Bientôt après ils furent intro-
duits tous les deux dans le grand cabinet de l'Empe-
reur, où se trouvaient Napoléon, Joséphine, le roi
Louis, le roi Jérôme, le roi Murât, les reines d'Es-
pagne,, de Naples, de Hollande, de Westphalie, Ma-
dame mère, la princesse Pauline et le prince Eugène.
L'Empereur, adressant alors la parole à Camba-
LIV. XVII. ~ 180* »t
cérès, lui dit : a La politique de ma monarchie,
l'intérêt et le besoin de mes peuples, qui ont con*
stamment guidé toutes mes actions, veulent qu'après
moi je laisse à des enfants, héritiers de mon amour
pour mes peuples, ce trône où la Providence m'a
placé. Cependant, depuis plusieurs années J'ai perdu
l'espérance d'avoir des enfants de mon mariage
avec ma bien-aimée épouse l'Impératrice Joséphine;
c'est ce qui me porte à sacrifier les plus douces affec-
tions de mon cœur, à n'écouter que le bien de l'État,
et à vouloir la dissolution de notre mariage.,... J'ai
le besoin d'ajouter que loin d'avoir jamais eu i me
plaindre, je n'ai au contraire qu'à me louer de l'atta-
chement et de la tendresse de ma bien-aimée épouse.
Elle a embelli quinze ans de ma vie; le souvenir en
restera toujours gravé dans mon cœur. Elle a été cou-
ronné de ma main ; je veux qu'elle conserve le rang
et le titre d'Impératrice, mais surtout qu'elle ne
doute jamais de mes sentiments et qu'elle me tienne
toujours pour son meilleur et son plus cher ami. »
Après le discours de Napoléon, Joséphine prit à
son tour la parole pour lire l'acte formel de sépara-
tion. La tendre affection, l'exemple de ses enfants
avaient paru lui rendre un peu de courage. Elle
voulut s'efforcer de se montrer calme: elle voulut en
ce moment solennel surmonter les émotions bien
naturelles qui faisaient battre son cœur. Elle lut un
discours que le Moniteur reproduisit en entier le
surlendemain, discours qu'elle fut forcée d'inter-
rompre à plusieurs reprises.
Le samedi 16 décembre 1809, à onze heures du
292 MÉMOIRES DU PRINCE EUGÈNE
malin, les membres du Sénat se réunirent en grand
costume dans leur palais en vertu d'ui^ordre de con-
vocation de l'Empereur. Le prince archichancelier
de l'Empire désigné pour présider, ayant été reçu avec
les honneurs d'usage, la séance fut ouverte, en pré*
sence des rois de Westphalie, de Naples et du vice-roi
d'Italie. Le prince Eugène, qui pour la première fois
prenait place au milieu des sénateurs, ayant été admis
à prêter le serment entre les mains de l'archichance-
lier, prononça le discours suivant : « Depuis que les
bontés de S. M. l'Empereur et Roi m'ont appelé à
compter parmi vous, des témoignages de sa con-
fiance m'ont tenu continuellement éloigné de Paris,
et c'est pour la première fois, aujourd'hui, que j'ai
le bonheur de paraître dans votre sein. Je suis heu-
reux de pouvoir vous dire qu'au milieu des bienfaits
dont Sa Majesté n'a cessé de me combler, j'ai été
particulièrement sensible à l'honneur qui m'était
accordé de faire partie du premier corps de l'Em-
pire - h agréez,» etc.
Après la prestation du serment du vice-roi, et la
réponse du président, les orateurs du Conseil d'État
comte Regnault deSaint-Jean-d'Angely et Defermon,
ministres d'État, furent introduits, et le président
du Sénat annonça le projet du.divQrce de l'Empe-
reur qui allait être soumis à l'assemblée. « La noble
et touchante adhésion de Sa Majesté l'Impératrice,
dit en terminant l'archichancelier, est un témoi-
gnage glorieux de son affection désintéressée pour
l'Empereur, et lui assure des droits éternels à la re-
connaissance de la nation. »
LIV. XVII. - 1809 393
Le comte Regnault soumit ensuite le projet de
sénatus-consulte portant dissolution du mariage con-
tracté entre l'Empereur Napoléon et l'Impératrice
Joséphine, puis il ajouta, en parlant des deux époux :
« Leurs cœurs se sont entendus, pour faire au plus
grand des intérêts le plus noble des sacrifices; ils
se sont entendus, pour faire parler à la» politique et
au sentiment le langage le plus vrai, le plus persua-
sif, le plus fait pour convaincre et pour émouvoir...
C'est désormais au peuple français à se faire en-
tendre. Sa mémoire est fidèle comme son cœur. 11
réunira dans sa pensée reconnaissante les espé-
rances de l'avenir et les souvenirs du passé, et ja-
mais monarques n'auront recueilli plus de respect,
d'admiration, de gratitude et d'amour que Napoléon
immolant la plus sainte de ses affections au besoin
de ses sujets, que Joséphine immolant sa tendresse
pour le meilleur des époux, par dévouement pour
le meilleur des rois, par attachement pour le meil-
leur des peuples. Acceptez, messieurs, au nom de la
France attendrie, aux yeux de l'Europe étonnée, ce
sacrifice, le plus grand qui ait été fait sur la
terre,» etc., etc.
Après ces discours un peu ampoulés, tels qu'on
les faisait volontiers sous le premier Empire, le
prince Eugène, à son tour, prit la parole et dit :
a Vous venez d'entendre la lecture du projet de
sénatus-consulte soumis à votre délibération. Je crois
devoir, dans cette circonstance, manifester les sen-
timents dont ma famille est animée.
« Ma mère, ma sœur et moi, nous devons tout à
294 MÉMOIRES DU PRINCE EUGÈNE
l'Empereur. Il a été pour nous un véritable père; il
trouvera en nous, dans tous les temps, des enfants
dévoués et des sujets soumis.
ce II importe au bonheur de la France que le
fondateur de celte quatrième dynastie vieillisse en-
vironné d'une descendance directe qui soit notre
garantie à tous, comme le gage de la gloire de la
patrie.
« Lorsque ma mère fut couronnée par toute la
nation parles mains de son auguste époux, elle con-
tracta l'obligation de sacrifier toutes ses affections
aux intérêts de la France. Elle a rempli avec cou-
rage, noblesse et dignité ce premier des devoirs.
Son âme a été souvent attendrie en voyant en bulle
à de pénibles combats le cœur d'un homme accou-
tumé à maîtriser la fortune, et à marcher toujours
d'un pas ferme à l'accomplissement de ses grands
desseins. Les larmes qu'a coûté cette résolution à
l'Empereur suflisent à la gloire de ma mère. Dans
la situation où elle va se trouver, elle ne sera pas
étrangère par ses vœux et par ses sentiments aux
nouvelles prospérités qui nous attendent, et ce sera
avec une satisfaction mêlée d'orgueil qu'elle verra
tonl ce que ses sacrifices auront produit d'heureux
pour sa patrie et pour son Empereur. »
Le projet, renvoyé à une commission spéciale qui
fit son rapport dans la même séance, fut adopté,
ainsi que cela devait être, et converti immédiate-
ment en sénatus-consulte, ainsi qu'il suit :
Art. 1 er . Le mariage contracté entre l'Empereur
Napoléon et l'Impératrice Joséphine est dissous.
LIY. XVII. - 4809 295
Art. 2. L'Impératrice Joséphine conservera les
lilre et rang d'Impératrice-Reine couronnée.
Art. 5. Son douaire est fixé à une rente annuelle
de 2,000,000 de francs sur le trésor de l'État.
4
Art. 4. Toutes les dispositions qui pourront être
prises par l'Empereur, en faveur de l'Impératrice
Joséphine, sur les fonds de la liste civile, seront
obligatoires pour ses successeurs.
Art. 5. Le présent sénatus-consulte sera transmis
par un message à Sa Majesté l'Impéralri ce-Reine.
Le jour même de cette séance au sénat, 16 dé-
cembre, le prince Eugène écrivit à la vice-reine :
« Il ne m'a pas été possible de t' écrire hier, ma
bonne Auguste, parce que je suis resté chez 1 Impé-
ratrice jusqu'à minuit. — Enfin, celle séparation de
l'Empereur et de ma mère, dont on entretenait le
public depuis si longtemps, est terminée depuis hier
soir ! Il y a eu aux Tuileries une assemblée de fa-
mille, L'Empereur y a exposé les raisons qui exi-
geaient qu'il se séparât de son épouse, et qui com-
mandaient ce sa cri lice; l'Impératrice a répondu avec
noblesse et dignité, et non sans la plus touchante
sensibilité. L'archichancelier a dressé procès-verbal
de la séance, et nous avons tous signé. Après cela, il
y eut un conseil privé où on lut le projet du sénatus-
consulte. Ce matin je me suis rendu à la séance du
sénat, où, suivant les désirs de l'Empereur, j'ai
exprimé les sentiments dont ma famille était animée
dans cette circonstance. Tout s'est passé avec calme,
et l'Impératrice a déployé le plus grand courage et la
plus grande résignation. Demain ou après-demain
296 MÉMOIRES bU PRINCE EUGÈNE
on publiera dans les journaux toutes les pièces el tu
les y verras. L'Empereur va à Tri a non, l'Impératrice
à la Malmaison, et je pars à l'instant pour l'y rejoin-
dre. Adieu, ma très-chère Auguste, je t'aime, ainsi
que nos deux enfants, au-dessus de toute expression.
« Le Roi et la Reine de Bavière arrivent jeudi
prochain. Ils doivent loger dans l'hôtel que j'occupe
en ce moment, et moi je viens prendre un petit
appartement aux Tuileries. Je crois que je passerai
encore quelques jours avec Leurs Majestés.
« L'Impératrice et ma sœur t'embrassent. »
Tiindis qu'Eugène écrivait de Paris, à la vice-
reine, la lettre ci-dessus, celle noble femme lui
écrivait au même instant, le même jour, 16 dé*
cembre, de Milan, la belle lettre suivante :
« Je suis résignée à tout et me soumets à la vo-
lonté de Dieu ; la grandeur d'âme pourra étonner
beaucoup de monde, mais pas ta femme, qui t'en
aime, s'il est possible, encore davantage, J<5 te prou-
verai, mon cher Eugène, que je n'ai pas moins de
courage et de force d'âme que loi, quoique j'étais
éloignée de m'ai tendre à des événements aussi tristes,
surtout dans ce moment-ci. Tes petiles se portent
bien ; Dieu sait quel avenir les attend !
a Adieu, le meilleur des époux, sois persuadé que
mon unique désir est de faire ce que lu peux sou-
haiter, et de te donner des preuves de ma tendresse
qui ne finira qu'avec la vie de ta fidèle épouse. »
Ainsi qu'il l'avait écrit à la vice-reine, Eugène
n'avait pas voulu quitter sa mère après l'acte dou-
loureux auquel Joséphine, Horlensc et lui s'étaient
LIV. XVII. -1809 297
•
prêtés avec tant de courage, d'abnégation et de
grandeur d'âme. Il écrivit de là, le 17 décembre, à
la princesse Auguste, la lettre qu'on va lire et qui
peint toute la beauté d'âme, la noblesse de carac-
tère et de sentiments du jeune prince :
« Nous voici à Malmaison depuis hier soir, ma
très-chère Auguste. Si le temps avait été plus beau,
nous aurions pu passer une journée moins triste ;
mais il n'a pas cessé de pleuvoir*. L'Impératrice se
porte bien. Sa douleur a été assez vive ce matin en
revoyant les lieux qu'elle avait habités si longtemps
avec l'Empereur; mais son courage a repris le
dessus, et elle est résignée à sa nouvelle position.
Moi, je crois fermement qu'elle sera plus heureuse
et plus tranquille. Nous avons eu ce matin quelques
visites. On ne parle, nous dit-on, à Paris, que de
notre courage et de la résignation de l'Impératrice.
Ils seraient bien sols ceux qui pourraient croire que
j'ai regretté quelque faveur ou quelque élévation.
J'espère qu'à la manière dont j'ai pris la chose je
convaincrai les plus incrédules que je suis au-dessus
de tout cela. Je ne te cacherai pas que je n'ai eu
qu'une seule inquiétude, c'était de penser que cet
événement pourrait te faire de la peine. J'ai cepen-
dant été tant de fois à même d'apprécier ton excel-
lent caractère, que j'aime à penser que lu seras la
première de mon avis. Tu as dû voir toutes les
pièces de cette affaire dans le Moniteur de ce matin ;
j'espère que je serai bientôt à Milan, et là tu me
diras franchement ta façon de penser. »
Il nous reste à parler maintenant de la manière
•
298 MÉMOIRES DU PRINCE EUGÈNE
dont furent réglées par l'Empereur les affaires d'in-
térêt de l'Impératrice et celles de son fils le prince
Eugène.
Lorsque le divorce eut été décidé, et que les détails
relatifs à ce projet commencèrent à être connus,
l'attention publique fut vivement occupée de tout ce
qui avait rapport à cet événement.
Il faut relire les publications officielles et autres
de ce temps pour comprendre combien Napoléon
mettait d'importance à cette détermination, et à ce
que l'opinion publique fût pénétrée du dévouement
si remarquable avec lequel l'Impératrice Joséphine
avait acquiescé à cette séparation. Les éloges les
plus grands, et, il faut le reconnaître, les mieux
mérités, étaient donnés à la compagne si affectionnée
de l'Empereur, qui sacrifiait ainsi son bonheur à
celui de son époux, à l'intérêt de la France entière.
Dans les entretiens qui eurent lieu alors entre les
deux époux, Napoléon dit à Joséphine qu'il lui don-
nerait le domaine de Navarre, érigé en duché, à titre
de dotation, pour en jouir, elle, sa vie durant, et
après elle la . descendance de son fils, le prince
Eugène.
Lors du nouveau mariage de Napoléon, l'Impéra-
trice Joséphine se rendit donc au château de Navarre»
Jusqu'au moment où devaient être réglés les ar-
rangements relatifs à la dotation, on remit 5 l'Im-
pératrice Joséphine une somme mensuelle équiva-
lente à ce qu'étaient les produits de ce domaine.
Navarre dépendait du domaine de l'État. Il fui
acquis par le domaine extraordinaire, et concédé par
LIV. XVII. —1809 299-
celui-ci à l'Impératrice. Ces formalités entraînèrent
des délais.
Quand vint le moment de régler les formalités
relatives à cette dotation et d'en passer les actes, il
se trouva que l'Empereur Napoléon donnait h l'Im-
pératrice Joséphine, savoir :
1* Le château, le jardin et le parc de Navarre,
érigé en duché, pour en jouir, à titre de dotation,
sa vie durant, et après elle passer, au même litre, à
celui des princes qu'elle aurait désigné dans la des-
cendance masculine, directe, naturelle et légitime
du prince Eugène.
2° Une assignation annuelle de 600,000 fr. à
prendre sur les produfts des biens dépendant du
domaine de Navarre, pour en jouir, elle, sa vie
durant, sans transmission.
Les agents chargés des affaires de l'Impératrice
firent des représentations sur ces dispositions, qui
n'étaient pas d'accord avec les promesses faites par
Napoléon.
On se borna à répondre que la dotation avait été
ainsi réglée par l'Empereur, et il fallut l'accepter.
L'Impératrice Joséphine fut investie de cette dota-
tion par lettres patentes des 9 avril et 29 juin 1810.
Elle décéda le 29 mai 1814 sans avoir désigné le-
prince qui devait lui succéder dans la possession de-
cette dotation, par la raison qu'à cette époque le
prince Eugène n'avait qu'un fils, le prince Auguste-
Charles-Eugène-Napoléon .
L'administration de la maison ducale fil les dé-
marches nécessaires auprès du gouvernement royal,.
3C0 MÉMOIRES DU PRINCE EUGÈNE
et le prince Auguste fut mis, sans difficultés, en pos-
session de la dotation ; le brevet en fut inscrit plus
tard sur les registres du sceau, le 8 février 1828.
La transmission fut accordée sur la dotation, se
composant, comme on vient de le voir, du château,
du jardin et du parc de Navarre.
Le château était en médiocre état de conserva-
tion. Il exigeait des dépenses pour réparations, en-
tretien et le payement des contributions.
Le jardin nécessitait des dépenses d'entretien et le
payement des contributions.
Le parc se composait de quelques fermes louées
environ 50,000 fr.
Les dépenses et les frais d'administration du tout
s'élevaient à environ la moitié de ce produit.
Ainsi, ce fut un revenu d'environ 15,000 fr. que
l'Empereur Napoléon accorda par le fait à la des-
cendance de rimpératrice Joséphine.
Ici, il convient de placer quelques réflexions qui
pourront donner la clef de certains événements pos-
térieurs depuis l'époque du divorce jusqu'à l'issue
de l'affaire de la dotation.
Lors du consulat, et plus tard*, lors de l'établisse-
ment de l'Empire, il y avait au faîte des pouvoirs
deux familles, celle de l'Empereur et celle de l'Im-
pératrice.
L'union intime et cordiale de Napoléon et de José-
phine, leur égale affection pour les enfants de celte
dernière, la loyauté et le dévouement sans bornes
du prince Eugène, empêchaient encore toute diver-
gence de se produire entre les deux familles.
LIV. XVII. — 1800 501
Mais en 1809 et depuis, lorsque la grande et
sérieuse affaire du divorce eut eu lieu, il en résulta
de notables changements dans les sentiments respec-
tifs des membres de la famille Bonaparte et des
membres de la famille Beaubarnais.
Après les événements de 1814 et de 1815, la
situation des deux familles prit un caractère dif-
férent.
La position que le prince Eugène se trouva occu-
per alors et depuis, due à la loyatué.de son caractère
et à la conduite qu'il avait constamment tenue, lui
valut les sympathies universelles.
Il eut six enfanls ; il les plaça tous sur des trônes
ou à côté de trônes.
Cette situation et l'estime générale qui fut accor-
dée à la famille du prince Eugène sont de toute
évidence.
Cela exposé, revenons à la suite de l'affaire de la
dotation de Navarre.
Le peu d'importance du revenu de celte dotation
porta l'administration de la maison ducale de Leuch-
tenberg, en l'année 1855, à demander au gouverne-
ment l'autorisation de vendre ces biens, formant la
dotation, pour convertir le produit en rentes sur le
grand-livre.
Cette autorisation fut accordée par ordonnance
royale du 6 février 1854.
Les biens furent adjugés, à la préfecture d'Évreux,
le 24 mai 1854, pour la somme de 1,578,000 francs.
Ce prix, successivement versé par l'acquéreur à la
Caisse des dépôts et consignations, fut employé par
$03 MÉMOIRES bV PRINCE EUGÈNE
cette caisse en achats de renies 5 pour 100, en 22
inscriptions successives, dont le total s'éleva à
62,890 francs.
Aux termes des lois et règlements relatifs aux
dotations, et pour former le fonds d'accroissement,
il fut déduitde cette rente totale celle de 6,282 francs,
destinée à être successivement accumulée pour aug-
mentation de la dotation.
Celte dotation se trouva donc composée alors
d'une rente de 56,608 francs en 5 pour 100.
Le prince Auguste, duc de Leuchtenberg, décéda
le 28 mars 1835.
La transmission de la dotation à son frère puîné
fut demandée, et le prince Maximilien-Eugène-Jo-
seph, duc de Leuchtenberg, fut reconnu habile à
recueillir la dotation du domaine de Navarre ou les
rentes sur l'État acquises en remplacement du prix
des domaines par une décision du ministre des
finances du 8 septembre 1 835.
En 1852, la rente de 56,608 francs affectée à la
dotation du majorai de Navarre reçut un accroisse*
ment de 6,282 francs par suite du doublement de
la retenue de 10 pour 100 opérée sur l'inscription
primitive depuis l'achat des rentes; mais le décret
du 14 mars 1852 ayant déterminé la conversion de
la rente 5 pour 100 en rente 4 et demi pour 100,
cette inscription de 62,890 francs 5 pour 100 fut
échangée contre une autre inscription de 56,601 fr.
4 et demi pour 100.
Ainsi, la mesure financière de la conversion de la
rente 5 pour 100 en rente 4 et demi pour 100,
L1V. XVII. - 1800 305
prise à cette époque, fit disparaître et emporta les
économies des dix-huit années faites sur les revenus
du majorât, soit une somme d'environ 120,000 fr.
Le prince Maxim i lien -Eugène -Joseph, duc de
Leuchtenb&rg, décéda le 4 novembre 1852.
La demande de transmission de la dotation au
nom de son fils aine, le prince Nicolas-Maximilia-
nowisch, duc de Leuchlcnberg, fut faite le 18 fé-
vrier 1858.
Des démarches furent faites auprès de l'adminis-
tration générale de l'enregistrement et des do-
maines pour obtenir cette transmission.
Il fut îépondu que cette affaire était fort grave,
que la difficulté principale reposait sur la perle de
la nationalité, et que l'affaire était soumise aux
avocats du ministère des finances.
Enfin, le 9 août 1858, le ministre des finances
rendit une décision d'après laquelle le prince Ni-
colas Maximilianowisch et ses frères puinés étaient
déclarés inhabiles à recueillir le majorât dont la
transmission était demandée.
Le motif donné à l'appui de cette décision est que
ce prince et ses frères étant membres de la famille
impériale régnant en Russie, et aptes à succéder au
trône, ils ne pouvaient pas remplir les conditions
imposées aux titulaires des majorais et notamment
celle de prêter serment de fidélité à l'Empereur des
Français.
Ainsi disparut des mains des descendants du prince
Eugène le domaine donné par l'Empereur à l'Impé-
ratrice Joséphine, lors du divorce, en 1809.
504 MÉMOIRES DU PRINCE EUGÈNE
Le prince Eugène, ainsi qu'on le verra à la fin de
ces Mémoires et par sa correspondance avec l'Em-
pereur de Russie, ne fut pas beaucoup plus favorisé
et plus heureux que sa mère, pour tout ce qui tou-
chait aux intérêts de fortune.
Dépossédé, pour ainsi dire, dès l'époque du di-
vorce, de l'espoir de régner par la suite en Italie, il
eut en compensation la survivance du grand-duché
de Francfort, dont il ne jouit jamais.
Peu de jours après la fameuse séance où la disso-
lution du mariage de Napoléon avec sa mère avait
été décidée et reconnue officiellement, le prince
Eugène reçut de l'Empereur la lettre ci-dessous :
« Mon fils, je vous envoie une note sur ce qui
vous confcerne; faites-moi connaître votre opinion :
« Avant de donner une principauté au prince
Eugène, il faut que son sort soit fixé en Italie et
qu'il y jouisse d'un apanage d'un million de
rentes qu'on pourrait composer de celle manière :
500,000 francs en domaines, avec la propriété
de la villa Bonaparte, avec les dépendances de
l'ameublement existant ; 500,000 francs en terres,
en choisissant de bonnes campagnes et de bonnes
fermes. Le prince Eugène posséderait cet apanage
sa vie durant; le douaire de la princesse sa
femme y serait assis, le tout selon les lois qui
régissent les apanages des princes français. Comme
il faut prévoir le cas extraordinaire et inattendu
où l'Italie manquerait à la France, on propose de
constituer en France, en faveur du vice- roi, une
principauté comme celle de Wagram, qui serait
J
LIV. XVII, — ifi09 305
« appelée principauté de Raab, et d'y assigner pour
« maison celle du vice-roi à Paris. Il ne sera pas
« difficile de trouver, avec le temps, une belle terre,
a À cette principauté seraient attachés 10,000,000
« de capital, formant 500,000 francs de rente; ces
« 10,000,000 se composeront de 2,000,000 en
« Saxe et 2,000,000 sur le territoire de Dantzig, de
« 2,000,000
« Les 300,000 francs que ces 6,000,000 reh-
(c draient, chaque année, seraient employés en
« achats en France. Il y serait joint 2;000,000 sur
« le canal du Midi, et 2,000,000 sur l'emprunt de
« la ville de Paris, produisant 200,000 francs de
« rente, ce qui compléterait les 500,000 francs.
« Le vice- roi jouirait donc, dès à présent, de
« 1,500,000 francs de rente; mais, comme il n'en
« a pas besoin, on les emploierait ou en rentes sur
« le grand-livre de France, ou en achats de terres
ce qui seraient jointes au domaine privé du vice-roi,
« destiné à fournir la dot de ses filles, en six ans;
« ces 1 ,500,000 francs seraient portés à 9,000,000,
« et, avec les intérêts des intérêts, à plus de 10 mil-
« lions, ce qui ferait 2,000,000 de rente. Pour la
« sanction de ces dispositions, il faut 1° un décret
« royal et une communication au sénat du royaume
« d'Italie ; 2° une lettre patente et un message au
« sénat de France. Comme tout porte à penser que
« le vice-roi gardera encore vingt ans la vice-
« royauté d'Italie, il placera, en France, 30,000,000,
« et, avec les intérêts des intérêts, 40,000,000, ce
« qui lui ferait de 3 à 4,000,000 de rente. »
vi. 20
I
J
306 MÉMOIRES DU PRINCE EUGÈNE
JI
Le prince Eugène revint à Milan le 18 février. U
s'occupa immédiatement de plusieurs mesures ad-
ministratives fort importantes. La nouvelle de la no-
mination du vice-roi comme grand-duc héréditaire
du duché de Francfort avait été reçue avec déplaisir
dans le royaume d'Italie. Le prince et sa femme
étaient non-seulement aimés de ceux qui ne tenaient
pas pour le pprti de l'Autriche, mais, en outre, ils
étaient l'un et l'autre estimés de tout le monde sans
exception. On s'était habitué, en Italie, à considérer
Eugène comme le futur roi d'un pays où la princesse
Auguste et lui avaient déjà fait un bien immense.
L'idée qu'un autre, peut-être, serait un jour appelé à
occuper un trône sur lequel personne ne pouvait
être mieux placé qu'un homme dont les talents et
les qualités étaient hautement appréciés, jetait dans
les esprits une vague tristesse et de fâcheux pres-
sentiments pour l'avenir.
Eugène, sans se laisser abattre par le coup qui
venait de frapper sa famille, sans montrer le
moindre regret sur la position brillante qui échap-
pait évidemment à sa famille et à lui, par suite du
divorce de sa mère, oubliant ce qu'il pouvait avoir à
reprocher en quelque sorte à l'Empereur, pour ne
se souvenir que des bienfaits qu'il avait reçus de son
père adoptif, mit de nouveau le zèle le plus louable
L1V. XVII. — 1809 307
à bien servir Napoléon et à utiliser ses talents pour
l'Italie.
Vers la fin de 1809, l'Islrie et la Dalmalie furent
ôtées au royaume pour être réunies aux pro-
vinces Illyriennes, dont le gouvernement fut confié
au maréchal duc de Raguse, qui rendit là d'im-
menses services, non-seulement à la France, mais
au pays lui-même, en prenant des mesures frap-
pées au coin de la sagesse. Bientôt après, et par
suite de négociations avec la Bavière, le royaume
d'Italie reçut une province du Tyrol qui prit le nom
de département du Haut-Âdige et dont la capitale fut
Trente. Le royaume fut alors définitivement con-
stitué à vingt-quatre départements ayant une popu-
lation de 6,461 ,800 habitants.
Vers la même époque aussi eurent Heu les chan-
gements suivants dans l'administration intérieure du
pays. Le général Caffarelli, ministre de la guerre,
fut rappelé par Napoléon; le ministre du Trésor,
Yeneti, homme intègre et zélé, mais que son grand
âge obligeait à la retraite, fut remplacé par le séna-
teur Birago.
Le décret en vertu duquel Rome et ses provinces
étaient réunies à l'Empire français fut publié dans
le royaume.
Le prince communiqua au sénat d'Italie le mariage
de Napoléon avec l'archiduchesse Marie -Louise.
En exécution des ordres formels de l'Empereur,
il engagea les Italiens de marque à se rendre à Paris
pour les fêtes, et lui-même se prépara, ainsi que
la princesse Auguste, à assister à cette cérémonie
308 MÉMOIRES DU PRINCE EUGÈNE
bien triste pour leurs cœurs. Le mariage était fixé
au 29 mars. Le vice-roi reçut une lettre, du 26 fé-
vrier, par laquelle Napoléon l'engageait à se rendre,
ainsi que la princesse, à Paris pour cette époque.
Eugène voulut profiter de cette occasion pour
faire visiter une partie de la France à sa jeune
• femme. Les enfants furent laissés aux soins éclairés
de la baronne de Wurmb, à ceux de la comtesse de
Sandizel, et le prince et sa femme, cette dernière
accompagnée de la duchesse de Litla et de deux
dames du palais, se mirent en route le 12 mars.
Arrivés à Paris, le 20, le vice-roi et la vice-reine
descendirent au palais de l'Elysée. La princesse Au-
guste ne tarda pas à quitter cette résidence prin-
cière pour s'établir à Malmaison dans un apparte-
ment contigu à celui de l'Impératrice Joséphine.
Pendant le séjour d'Eugène à l'Elysée, au dire du
baron d'Arnay, auquel nous laissons toute la respon-
sabilité du fait, attendu que nous n'avons pas trouvé
trace de ce projet ni dans la correspondance, ni
dans les documents entre nos mains, l'Empereur eut
la pensée de mettre sur la le te du vice-roi d'Italie la
couronne de Suède, donnée, peu de temps après, à
Bernadotte par les Suédois. Le prince, auquel avait
été envoyé un de ses meilleurs et plus fidèles amis,
Duroc, pour lui faire cette offre de la part de Napo-
léon, refusa à deux reprises différentes. Tel est, du
moins, ce que M. d'Arnay, secrétaire intime du vice-
roi, affirme dans ses notices historiques sur le prince
Eugène.
Le prince et sa femme assistèrent à toutes les ce-
LIV. XVII. — 1809 309
rémonies du mariage et aussi au bal, si fatalement
célèbre, du prince de Scbwartzenberg. La princesse
Auguste, alors dans un commencement de gros-
sesse, ne connut le danger que plus tard, son mari
ayant pu lui faire quitter les» salons du bal dès le
commencement de l'incendie.
Les deux époux reprirent, en juillet, le chemin
de Milan. Ils s'acheminèrent vers l'Italie par la su-
perbe route du Simplon, L'Impératrice Joséphine
était, depuis quelques jours^déjà, aux eaux d'Aix, en
Savoie, pour sa santé. Le prince Eugène fut seul
voir sa mère, les faligues et même les dangers qui
pouvaient résulter d'un voyage par la traverse pour
se rendre dans ces montagnes ayant fait renoncer le
vice-roi à amener avec lui la princesse Auguste dans
l'état où elle se trouvait. L'Impératrice voulut abso-
lument embrasser la. femme de son fils. Elle vint
elle-même la voir.
Les princes descendirent ensuite des Alpes et se
rendirent directement à la résidence de Blonza. De
retour dans la capitale du royaume, le vice-roi se
remit de nouveau aux travaux administratifs.
A partir de celte époque, une correspondance
active commence entre lui et l'Empereur, corres-
pondance des plus instructives et toute relative h des
mesures, soit d'intérêt politique intérieur pour le
royaume d'Italie, soit d'intérêt extérieur.
Ainsi l'Empereur ordonne l'établissement d'une
banque d'escompte à Milan ; le prince active les tra-
vaux d'achèvement de la cathédrale. Des mesures
sont prescrites pour la défense des côtes de l'Adria-
310 MÉMOIRES DU PRINCE EUGÈNE
tique, pour les fortifications et améliorations à faire
à An cône, à Venise, et pour une foule d'autres af-
faires d'intérêts généraux et particuliers.
Au commencement de septembre, le vice-roi se
rendit à Venise pour y presser les travaux et pour
passer l'inspection des troupes. Il ne lui fut pas dif-
ficile de constater, dès cette époque, un certain
degré d'inquiétude sourde. On commençait à soup-
çonner, chez l'Empereur, l'intention de réunir le
royaume d'Italie à l'Empire français. L'élévation
du prince à l'hérédité du grand-duché de Franc-
fort était interprétée naturellement comme un signe
fâcheux pour l'indépendance du royaume d'Italie.
CORRESPONDANCE
RELATIVE AU LIVRE XVII
MB 1808 AU 20 NOVEMBRE 1810.
« Je n'ai qu'un petit mot à l'écrire aujourd'hui, Eugène
ma bonne et très-chère Auguste, l'Empereur m'a ^gjjjk
désigné pour aller jusqu'à Meaux au-devant du roi * D ^ rabrc
de Bavière. Je suis bien aise que ce soit moi de pré-
férence à tout autre. Je pars demain matin et je
ne reviendrai qu'après-demain; ainsi il sera pos-
sible que je reste deux jours sans t'écrira; cela ne
m'empêchera pas de penser à toi. Adieu, je t'aime
et t'embrasse tendrement, ainsi que nos deux petits
anges. »
« J'ai vu le roi de Bavière, ma très-chère Auguste, Eugène
ainsi que la reine, et j'ai passé toute la soirée d'au- "<<*.
Paria.
jourd'hui avec eux. J'ai remis ta lettre au roi, qui** d 1 |jg nbrc
doit, demain, me remettre une réponse pour toi»
312 MÉMOIRES DU PRINCE EUGENE
Nous avons beaucoup cause des circonstances pré-
sentes, et il espère qu'elles ne changeront rien aux
sentiments de Y Empereur pour nous. Que le ciel
l'entende ! J'espère que vers le V r janvier je pourrai
me remettre en voyage pour te rejoindre bien vite.
Je ne puis plus être parfaitement heureux qu'auprès
de toi . »
àïnœ- c< ^ a c hère Auguste, l'Empereur est venu avant-
MaimïSôn, hier voir l'Impératrice. Hier elle a été à Trianon
*3 domine p()ur j e voir> et e jj e y a élé relenue à dîner. L'Empe-
reur a été très-bon et très-aimable pour elle, et elle
m'a paru en être beaucoup mieux. Tout me porte à
penser que l'Impératrice sera plus heureuse dans sa
nouvelle position, et nous tous aussi. Tu peux me
croire, parce que je vois la chose en parfaite tran-
quilité. J'espère que la santé n'a point souffert de
toutes ces nouvelles circonstances ; je te conjure de
ne point t'en affecter. Il n'y a rien à regretter, et
nous serons toujours heureux, parce que nous nous
aimerons toujours. »
à u g vk£- a ^ a chère Auguste, tu es bien bonne et bien ai-
luu^ôn, mable avec les charmantes lettres que tu m'écris :
28 décembre j e m ^ $ ^ m fteuree/x que lu aies approuvé ma con*
duite dans cette circonstance; et moi aussi je suis
fier d'être ton époux, et je t'aimerais cent fois plus
encore s'il m'était possible de t'aimer davantage. »
Eugène « Ma chère Auguste, lundi, ce sera le premier jour
à la vice- , . • . . , . •
reine. d e i' a n, on fera des visites et des compliments; moi,
julmaisou, 7 *
LIV. XVII. — isio - CORRESPONDANCE 543
je tâcherai d'éviter tout cet ennui en reslant à la » ?*£ mbro
w 18UB.
campagne. Je crois que l'Impératrice y séjournera
encore toute la première semaine de janvier. Elle
désire que je reste avec elle les deux ou trois pre-
miers jours de son arrivée à Paris, et puis ensuite
je reprends le chemin de mes pénates; tu compren-
dras tbut le bonheur que j'éprouverai de me retrou-
ver dans tes bras. »
« Ma chère Auguste, hier j'avais été à Saint-Ger- ^JJ 8 ^
main voir l'ancienne pension où j'ai été élevé, et j'ai Maison,
revu avec bien du plaisir ces lieux-là. Je suis bien 3 i8"o. er
inquiet de ta santé, ma bonne amie, j'espère que tu
en as bien soin ; mais je te conjure de ne point t'at-
trister du tout, car tu n'en as aucune raison, vu que
nous sommes tous ici fort tranquilles et plus heureux
qu'avant. »
« Ma chère Auguste, l'Impératrice a été souffrante Eugène
ces deux jours-ci, et je retourne à l'instant à Mal- «*■••
maison. Je reviens demain à Paris pour le travail *]$$"
avec l'Empereur. Plût au ciel que ce soit le dernier
et que je puisse promptement me mettre en route ! »
« Ma chère Auguste, l'Empereur va déterminer Eugène
notre sort. 11 paraît que nous aurons un qrand-du- M mue.
* * 9 Malmaison,
ché en Allemagne et une très-belle ville pour prin- *"$£"
cipale résidence. Tu seras donc un jour au milieu de
ta famille avec un époux qui t'adore et dont tu fais
le bonheur; je ne puis, quant à moi, désirer davan-
tage, je te conterai tout cela. »
514 MÉMOIRES DU PRINCE EUGÈNE
kutiti». a M a chère Auguste, j'ai obtenu de l'Empereur
™ r "' que nous irons, cet été, passer une douzaine de
1810." jours à Munich, lorsque ton frère Louis se ma-
riera ; je suis enchanté de cette nouvelle, et j'es-
père qu'elle te fera plaisir. .. Je t'écris de l'Elysée, où
je suis venu loger ce matin et où l'Impératrice
viendra demain, »
àï^cîL « Ma chère Auguste, l'Impératrice est arrivée
paris', avant-hier soir à Paris, et l'Empereur est venu la
1810. voir le même soir» J'ai entièrement terminé ses
affaires, les nôtres vont être signées sous très-peu
de jours, et comme, selon toute apparence, celles
de ma sœur ne s'arrangeront pas comme elle le dé-
sirait, rien ne m'empêchera plus de me mettre en
route pour te joindre, c'est-à-dire, faire ce qui
peut être le plus agréable à mon cœur. » .
U HfDBHM « Fénaroli est revenu celte nuit, le roi de Naples a
Augu»le # ' i
'■HÊn" 6, pris une autre route, malgré qu'il s'était annoncé...
7 iiïoî er H saura, j'espère, que tout a été préparé pour le
recevoir en roi. Je me flatte, mon ami, que tu ne
suivras pas son exemple et que tu prendras la route
la plus courte pour venir ici. Tu dois, d'ailleurs, sa-
voir le plaisir que ton arrivée me fera et à tout le
royaume, dont l'inquiétude croissait à mesure que ton
absence se prolongeait. Aussi me suis-je bien gardée
de parler du grand-duché, l'alarme serait générale.
On nous a bien prouvé, dans celle dernière circon-
stance, combien on nous aimait. L'Empereur ne
peut pas en être fâché, car nous n'intriguons pas
UV. XV CI. — 1810 - CORRESPONDANCE 315
pour cela, et notre façon de penser a toujours été
et sera toujours la même. Je ne crois pas, à le dire
la vérité, à ce sort qu'on doit nous faire, mais notre
bonne conscience doit nous dédommager d'un oubli
qui serait sans cela bien pénible, et qui ne t'afflige-
rait qu'à cause de moi, je le sais; mais ne me con-
nais-tu donc pas, mon tendre époux, et ne sais-tu
donc pas qu'avec toi et mes enfants je serai toujours
heureuse? Je suis jeune, mais les événements m'ont
appris à apprécier les grandeurs comme elles doi-
vent l'être; ainsi ne te tourmente pas à cause de moi,
et pense seulement au bonheur que je vais bientôt
éprouver en l'embrassant, et en te disant de vive voix
que je n'aime rien dans ce monde comme mon Eu-
gène; ce sentiment durera au moins aussi long-
temps que la vie. »
« Ma chère Auguste, je viens de chez la reine de Eugène
Bavière, elle part demain et moi après-demain gjjg-
dans la nuit, malgré les pleurs de ma sœur et de
l'Impératrice Le mariage de l'Empereur est
enfin décidé, il épouse la princesse d'Autriche, et
le contrat en a été signé hier. On ne publiera
pourtant cette nouvelle que lorsque le traité passé
à cet égard aura été ratifié par la cour de Vienne 1 .»
1 Voici à propos du choix d'une archiduchesse d'Autriche une anec-
dote qui n'est pas sans intérêt. Après le divorce de Napoléon, chacun
voulut lui trouver une femme. Dans les salons diplomatiques, dans
les cours étrangères, l'attention était en éveil sur cette grave affaire.
On parla d'abord d'une princesse de Saxe, mais elle n'était ni assez
9 février
1810.
516 MÉMOIRES DU PRINCE EUGÈNE
Eu fcu* p " a Sire, j'ai l'honneur d'informer Votre Majesté
18 iSio ner que je suis arrivé ce matin à Milan, et je m'empresse
de lui exprimer ma reconnaissance de tous les té-
moignages de bonté dont elle a bien voulu m'hono-
rer pendant mon séjour à Paris. Votre Majesté n'a
pas besoin sans doute que je lui renouvelle l'assu-
rance de mon dévouement pour Son Auguste per-
sonne. J'ose espérer que mes sentiments lui sont
assez connus, mais c'est pour moi un bonheur de
lui en offrir l'hommage, et je serai toujours bien
heureux de penser que Votre Majesté daignera agréer
avec bonté le zèle que je ne cesserai de mettre à la
servir et à lui donner des preuves de mon inalté-
rable dévouement et de ma respectueuse reconnais-
sance. »
Eu feun K " p " a Sire, j'ai l'honneur de rendre compte à Votre
21 1 ^ er Majesté que j'ai reçu la lettre qu'EUe m'a fait l'hon-
neur de m'écrire du 15 février, relativement aux
marchandises séquestrées à Triesle qui sont en dépôt
jeune ni assez jolie : ce n'était pas ce que désirait l'Empereur. Il fut
question d'une princesse russe, niais ou disait l'impératrice mère op-
posée a cette union. Cependant ce mariage avait des chances de réussir,
sans le prince de Scbwartzenberg, qui brusqua la solution en donnant
le consentement de l'Autriche. Voici du moins ce qui semble résulter
du fait suivant :
Un matin, le prince de Scbwartzenberg arrive tout ému chez la
princesse de L...., avec laquelle il était fort lié, et se jetant sur un
canapé : « Je viens, dit le prince, de passer mon Rubicon. J'ai accorde
la main de l'archiduchesse Marie-Louise à l'Empereur. Je serai peut-
être désavoué; mais, informé que CzeraischefT arrivait avec le consen-
tement de la Russie, je l'ai devancé et j'ai donné l'archiduchesse à
Napoléon. Dans quelques jours, je serai au pinacle ou j'irai planter
mes choux dans mes terres. »
LIV. XVII. — 1810 — CORRESPONDANCE 317
à Venise. D'après ses intentions, j'ai pris aujourd'hui
même le décret pour ordonner la vente de ces objets
en en versant le produit dans le trésor pour être à
la disposition de Votre Majesté. J'aurai l'honneur de
lui rendre compte chaque mois de la rentrée des
fonds.
«Je ne dois pas laircàVotre Majesté que cette vente
va entraîner la perte d'un grand nombre de négo-
ciants. Presque les deux tiers de ces marchandises
appartiennent aux sujets de Votre Majesté, c'est-à-
dire aux négociants de Venise, de Livourne, de
Gènes. »
« Mon fils, le 7 février, un contrat de maringe Na ï'aîi S ^ ug '
entre moi et l'archiduchesse Marie-Louise, fille de C i8io? cr
l'empereur d'Autriche, a été signé à Paris. J'apprends
au moment même que les ratifications ont été échan-
gées à Vienne le 46. Je ne perds pas un moment à
vous en faire part. »
« Mon fils, je suis mécontent de mes douanes d'I- Kap r,îis f ug '
lalie. Il y a un décret qui admet les marchandises U mt T
coloniales dans les ports du royaume, sans être ac-
compagnées d'un certificat d'origine. Révoquez sur-
le-champ ce décret, et prenez des mesures pour en
arrêter les effets. Donnez des ordres positifs que tous
les bâtiments américains qui viendraient dans mes
ports ou qui s'y trouveraient soient séquestrés et les
marchandises qu'ils portent confisquées. Lorsque je
prive la Hollande de son indépendance, parce qu'elle
viole les lois du blocus, je ne dois point tolérer cet
abus dans mon royaume d'Italie.
318 MÉMOIRES DU P1UNCE EUGÈNE
« Prenez toutes les mesures nécessaires* pour l'exé-
cution du présent ordre el tenez-y la main. Ne faites
aucun changement aux douanes sans ma participa*
lion, el que le minisire des finances ne fasse rien
sans un décret de moi . »
^aîu"*' c< Mon fils, ayant résolu de célébrer mon mariage
*i8io. ,er avec l'archiduchesse Marie-Louise d'Autriche , le
29 mars, à Paris, je désire que vous y convoquiez
pour cette époque, les grands officiers, officiers et
dames de ma maison d'Italie, en ne laissant pour
faire le service auprès de vous et de la vice-reine que
ce qui sera nécessaire. »
N "parif! ,g ' <c Mon fils, l'empereur d'Autriche ayant accédé à
K i8ia er la demande que je lui ai faite de la main de sa fille
l'archiduchesse Marie-Louise, dont j'avais reconnu le
mérite et les brillantes qualités, j'ai résolu de fixer
la célébration de mon mariage à Paris, au 29 mars ;
j'ai envoyé le prince de Neufchâlcl pour assister
comme témoin au mariage, qui se fera le 6 mars à
Vienne par procuration, de manière que l'impéra-
trice pourra arriver le 23àCompiègne, où je compte
la recevoir. Dans cette importante circonstance, j'ai
résolu de réunir près de moi les princes et princesses
de ma famille, je vous en donne avis par cette lettre,
désirant qu'aucun empêchement légitime ne s'op-
pose à ce que vous soyez à Paris pour le 20 mars. »
N,p p a Hs Ug * « Mon fils, vous trouverez dans le Moniteur mon
isio." r message au Sénat, pour lui faire part de mon ma-
LIV. XVII. - 1810 — CORRESPONDANCE 519
ri âge. Faites un message pour en instruire le Sénat
italien. »
« Mon Gis, je vous prie d'activer la vente des mar- ^îi^ 08,
chandises coloniales qui sont à Venise, montant à 5 m,rs i810,
5 ou 6,000 colis, je n'admets aucune réclamation,
je les ai prises en^pays ennemi ; faites-moi connaître
où en est la contribution deTrieste, écrivez-en à mon
intendant. Le reste des marchandises doit être mis
en séquestre à Trieste, à moins qu'on n'ait fait un ar- '
rangement que j'avais autorisé. »
« Mon fils, je reçois votre lettre du 28 février, Na Ç a * i J ug '
j'approuve votre message ai Sénat italien, vous en- 6mar * 1810,
verrez le journal italien où il sera imprimé à Aldini,
qui le fera traduire et mettre dans le Moniteur. J'ai
signé mon traité avec la Bavière, j'ai ordonné au duc
de Cadore de vous l'envoyer. Présentez- moi les do-
cuments pour servir à la remise de la partie du Tyrol
qui nous échoit. Je suppose que mes peuples d'I-
talie verront avec plaisir la réunion de Trente. Je
vous ai écrit pour que vous fassiez part au Sénat ita-
lien de mon mariage avec l'archiduchesse Marie-
Louise. Aussitôt que vous aurez reçu le traité avec la
Bavière, vous pouvez le communiquer au Sénat et
le faire mettre ensuite dans les journaux italiens. »
« Mon fils, je vous prie de me faire un rapport sur ^aris, 08 '
les vaisseaux russes qui ont été cédés à ma marine 6 mar8 i810 '
italienne, soit à Venise, soit à Trieste, et sur ce qu'on
peut en faire. »
320 MtMOIBBS DU PRINCE EUGÈNE
? \b£ 9 ' « Sire, j'ai reçu la lettre que Votre Majesté m'a fait
6 ma» 1810. i'h m, eur je m 'écrire pour m'annoncer la ratifica-
tion de son mariage, et pour me donner l'autorisa-
tion de me rendre à Paris.
« Votre Majesté peut bien penser que je profiterai
avec plaisir de la permission qu'Elle veut bien me
donner, et que je ne laisserai jamais échapper une
occasion de me rapprocher d'Elle, afin de pouvoir
lui renouveler de vive voix l'assurance des senli-
• ments qui sont profondément gravés dans mon
cœur. »
iup. * Eo g . « Mon fils, j'ai lu avec attention l'état de la ma-
Paris, m ' *
8 man i8to. r j ne italienne que vous m'avez envoyé, j'en sens da-
vantage l'importance d'avoir un nombre de bâtiments
qui empêchent l'ennemi de bloquer le golfe avec une
ou deux frégates.
«J'attendrai votre rapport pour savoir si les vais-
seaux de ligne pourront sortir. Je vois que lé Rivoli
et le Reginatore ne sont pas loin d'être achevés. Il
faut terminer promptement la Favorite; une fois ces
deux frégates terminées, on pourra les armer avec
les équipages français des trois bricks qui sont k Ve-
nise; on pourrait y joindre la frégate russe qui est à
Trieste, ce qui ferait une division de trois frégates
qui pourrait se rendre à Ancône, s'y réunir à la fré-
gate et aux bricks qui s'y trouvent et former une di-
vision capable de se maintenir maîtresse du golfe, ou
qui obligerait l'ennemi à y tenir des vaisseaux, de
guerre. Je dis Ancône et non Venise } parce que An-
cône a cet avantage que n'offre point Venise, qu'on
LIVT XVII. - 1810 - CORRESPONDANCE 521
peul y entrer et en sortir par tous les vents ; en gé-
néral , vous avez suffisamment d'équipages ; mais je
vois à Venise des canonnières qui y sont inutiles et
qu'on pourrait toujours réarmer à tout événement.
Il faut mieux avoir des bricks qui peuvent sortir et
éclairer sans cesse le golfe. »
« Mon fils, je vous envoie un rapport sur Àncône ; ^p,^ 08
je désire que vous fassiez de nouveau agiter la 8 maf * 18t0
question de savoir : 1° si Ton ne pourrait pas, dans
l'état actuel des choses, y désarmer deux ou trois
vaisseaux en les rapprochant du môle ; 2° ce qu'il
convient de faire pour améliorer le port; 5° s'il y a
quelques points extérieurs à armer pour empêcher
l'ennemi d'approcher. Je vous envoie aussi un rap-
port sur Venise. Faîtes-moi un rapport général qui
me fasse connaître, 1° quand les frégates pourront
sortir de ce port; 2° quand le Rivoli sera mis à
l'eau, et quand, avec des chameaux, on pourra le
faire sortir pour se rendre à Àncône ou à Trieste,
y achever un armement, et, de là, menacer les An-
glais ; 5° ce que sont les bâtiments que les Russes
nous ont cédés et ce qu'il en faut faire. En faisant
venir à Venise les deux frégates russes de Trieste et
en armant les bâtiments et frégates que nous avons
à Venise, il devrait être possible d'empêcher les
Anglais de bloquer tout le golfe avec une seule
frégate. »
« Sire, j'ai l'honneur d'adresser à Votre Majesté Eug.àNap.
la situation de son armée d'Italie à l'époque du ° n * ar » 181 °-
1 er mars 1810.
M. 21
322 MÉMOIRES DU PRINCE EUGÈNE
« Les situations sont présentées par divisions mili-
taires ; mais, en même temps, j'ai fait à la suite la
récapitulation des troupes que Ton pourrait consi-
dérer comme actives. Je désire que Votre Majesté
approuve cette forme de situation.
« Je n'ai pas encore reçu de nouvelles du mouve-
ment des troupes que le général Marmont doit ren-
voyer d'Illyric. »
Eug.àNap. a Sire, j'ai lu avec la plus vive émotion le mes-
1 °tm* s sa £ e ^ e ^ olre Majesté au Sénat, et les lettres patentes
qui me confirment l'hérédité du grand-duché de
Francfort 1 .
« Je suis reconnaissant, sans doute, du sort que
1 (Moniteur du 4 mars 1810). Le message contenait ces mots :
« Nous ayons en même temps voulu ne laisser aucune- incertitude sur
• le sort de ses peuples, et nous avons, en conséquence, cédé a notre
« cher fils le prince Eugène-Napoléon tous nos droits sur le grand-
« duché de Francfort. Nous l'avons appelé à posséder héréditairement
t cet État après le décès du prince primat, et conformément à ce qui
« est établi dans les lettres d'investiture dont nous chargeons notre
« cousin le prince archichancelier de vous donner connaissance.
« // est doux pour notre cœur de saisir cette occasion de donner
« un nouveau témoignage de notre estime et de notre tendre amitié à
« un jeune prince dont nous avons dirjgé les premiers pas dans la
« carrière du gouvernement et des armes ; qui, au milieu de tant de
• circonstances, ne nous a jamais donné aucun motif du moindre
•f mécontentement, et nous a, au contraire, secondé avec une pru-
« dence au-dessus de ce qu'on pouvait attendre de son âge, et, dans
« ces derniers temps, il a montré, à la tète de nos armées, autant de
« bravoure que de connaissances de l'art de la guerre. 11 convenait de
« le fixer d'une manière stable dans le haut rang où nous l'avons
« placé.
« Élevé au grand-duché de Francfort, nos peuples d'Italie ne seront
« pas pour cela privés de ses soins et de son administration; notre con-
« fiance en lui sera constamment comme les sentiments qu'il nous
« porte. »
LIV. XVII. —1810 - CORRESPONDANCE 323
Votre Majesté a bien voulu faire à moi et à mes
enfants ; mais je le suis mille fois plus encore des
expressions dont vous avez daigné, Sire, accom-
pagner ce nouvel acte de la bonté paternelle dont
vous m'avez déjà donné tant de preuves.
« Je sens, cependant, Sire, que je ne mérite pas
tout le bien que Votre Majesté a la bonté de dire de
moi, mais je vis avec l'espoir de le mériter un jour.
Je sens qu'on risque rarement de vous mal servir,
quand on vous sert avec son cœur, et le mien est
bien à vous par tous les sentiments. Il sera tel jus-
qu'au dernier moment de ma vie. »
« Sire, j'ai l'honneur de rendre compte à Votre c«*.. 4 ^«p-
Majesté que le colonel R.... f commandant le l ir ré- l9 ™" lf *
giment d'infanterie de ligne italien, a été dénoncé
au ministre de la guerre, par l'inspection aux revues,
pour mauvaise administration. J'ai fait venir ce co-
lonel à Milan. Le ministre de la guerre l'a entendu
et a examiné, dans le plus grand détail, tous les faits
à sa charge. Il en résulte que cet oflicier ne peut
diriger l'administration d'un corps, et, déplus, qu'il
a malversé en ordonnant des retenues sur ce qui
revient au soldat, pour en former une masse d'éco-
nomie, en faisant fournir aux soldats des chemises
et autres objets de mauvaise qualité, en les taxant
au delà de la valeur au profit de l'économie; que
cette même masse d'économie a été encore augmen-
tée au détriment de la masse générale, et, en ré-
sultat, que les comptes de cette masse d'économie
n'ont pu être rendus.
324 MÉMOIRES DU PRINCE EUGÈNE
« Ce colonel n'a pu tenir celle conduite sans aller
contre toutes les lois et les règlements, ce qui ne
permet pas de lui confier plus longtemps la direction
en chef d'un régiment. Je dois observer à Votre
Majesté que c'est un bon soldat, et qu'il a bien fait
les deux campagnes de Dalmatie et d'Allemagne.
C'est en considération de ses services que je me
permets de proposer à Votre Majesté de lui ôlcr le
commandement du 1" régiment, mais de le placer
comme colonel en second dans un des régiments qui
sont en Espagne, par exemple dans le 4* de ligne, .
sous le colonel Renard, bon chef sous tous les
rapports.
« J'ai l'honneur de proposer à Sa Majesté, pour
commander le 1 er de ligue, le major Arèse, de sa
garde royale. C'est un officier distingué. »
Kug.àNop. « Sire, j'ai l'honneur de mettre sous les yeux de
l'a ris
*9 j™™ Votre Majesté Tétai de situation de son armée et de
1S1U. ...
sa marine italienne, au 15 mars 1810.
« D'après ce que Votre Majesté m'avait ordonné,
j'ai donné tous les ordres nécessaires pour que le
vaisseau le Rivoli fût promptement mis à l'eau et
armé, et pour l'armement et le passage à Àncône
des frégates la Favorite et la Bcllone, en faisant
monter la première par les équipages des bricks
français, et la seconde par un équipage italien, et
j'ai l'honneur de rendre compte à Votre Majesté de
l'époque à laquelle ses volontés, sur ces divers ob-
jets, pourront être exécutées, et des motifs qui en
retardent l'exécution.
LIV. XVII. — isio - CORRESPONDANCE 325
« Pour que le Rivoli puisse être mis à l'eau, il
faut faire l'avant-cale, creuser la darse en avant de
l'avant- cale jusqu'à la profondeur de 23 pieds, et
démolir le toit du hangar sous lequel est construit
ce vaisseau. Ces opérations exigeront deux mois de.
temps, et la formation des grillages et de l'appareil
de la mise à l'eau, qui ne peut se faire que lorsque
l'avant-cale sera terminée, exigera encore au moins
un mois. Ce ne sera donc que vers la fin de juin que
le Rivoli pourra être mis à l'eau.
« Le reste des travaux pour l'armement et le grée-
ment de ce vaisseau, et la nécessité d'attendre les
grandes eaux pour le faire sortir de l'arsenal dans le
canal Saint-Marc et le conduire à Malamoco, ne
permettront pas qu'il y soit rendu avant le mois de
décembre, et, dans le même mois, il pourra se
rendre à Àncône.
« La frégate la Favorite ne saurait être rendue à
Malamoco avant le milieu de juin, mais la Bellone
pourra y être conduite vers la fin de mai.
a L'artillerie de ces deux bâtiments est prête, il
ne reste qu'à la placer. La mâture est aussi presque
entièrement terminée, mais la charpente n'est point
finie. Il manque des cordages pour une partie du
gréement, des toiles pour les emménagements et les
bastingages, et du bois pour les poulies. Il faudra
acheter la plus grande partie de ces objets, ainsi que
les futailles.
« Votre Majesté daignera sans doute observer
que les dépenses pour l'armement non prévu si
promptement de ces trois gros bâtiments nécessite-
32<'> MÉMOIRES DU PMNCK EUGÈNE
ront une augmentation du budget de la marine de
cette année. Elle est d'autant plus indispensable, que
je n'ai pas diminué les dépenses d'un autre côté, et
que le royaume d'Italie a encore une trentaine de
petits bâtiments en mer, tant à Corfou qu'en Dal-
matie, dont aucun, malgré les ordres que j'ai don-
nés, n'est encore rentré à Venise. »
* a, p a à ris U8 c< ^ on ^ S » J a PP ren( Js que le cardinal Oppizzoni
s av.ii i8io. ne s ' es i p as ren d u à mon mariage; il le devait, en
sa triple qualité de cardinal, de sénateur et d'évêque
d'une de mes principales villes. Vous l'enverrez sur-
le-champ chercher, et vous lui ferez connaître qu'il
ait à donner, avant ce soir, sa démission d'arche-
vêque de Bologne. Vous lui témoignerez toute mon
indignation de son infâme conduite, lui qui est tout
couvert de mes bienfaits, que j'ai fait cardinal, ar-
chevêque et sénateur, que j'ai protégé et dont j'ai
couvert les honteuses débauches en intervenant de
mon autorité et en interrompant le cours de la jus-
tice criminelle à Bologne. Vous aurez soin d'en-
voyer, par l'estafette de ce soir, sa démission, et de
veiller à ce que le chapitre nomme sur-le-champ
des vicaires qui soient convenables. Vous ne man-
querez pas de lui faire sentir qu'il ne s'agit pas
d'hésiter, et qu'il ne voudrait pas être archevêque
malgré moi, après le manquement dont il s'est
rendu coupable. »
Eng.àNap. « Sire, j'ai l'honneur d'adresser à Votre Majesté
Compiognr, 7 * •
i*avriii8u». ] e rapport qu'elle m'a demandé sur la situation des
LIV. XVII. - 1810 - CORRESPONDANCE 527
1 7 bâtiments russes qui ont été cédés à Votre Ma-
jesté et qui existent dans les ports de Venise, de
Tri es te, et aux bouches du Gattaro. Votre Majesté y
verra que trois seulement de ces bâtiments seraient
susceptibles d'être armés; mais cela ne serait d'au-
cun avantage, et les dépenses qu'il faudrait faire
seront bien plus utilement employées à l'armement
des bâtiments en construction dans le port de Ve-
nise. La frégate la Leskoï, qui est à Triesle, serait
peut-être le seul de ces bâtiments, cédés à Votre
Majesté, duquel on pourrait tirer quelque parti en
l'armant, et Yotre Majesté pourrait ordonner qu'il
fût remis en état et armé pour le compte des pro-
vinces lilyriennes. Il paraît que tous les autres bâti-
ments doivent être démolis et vendus, et, si Votre
Majesté s'y décide, il serait urgent qu'elle en or-
donnât la prompte démolition, pour éviter les frais
d'entretien et de garde, qui sont considérables.
« Je crois devoir demander à Votre Majesté de
céder à la marine italienne ceux de ces bâtiments
qui se trouvent dans le port de Venise. Ce que l'on
pourrait en retirer servirait à couvrir le trésor du
royaume d'Italie des avances qu'il a faites au gou-
vernement russe. »
« Mon (ils, j'approuve la nomination que vous Nap.âEug.
avez faite de d'Anlhouard et d'Àlberli, comme com- *o awii W
missaires, pour la fixation des limites avec la Bavière.
Suivez vivement cet important objet, et faites les
actes nécessaires pour la réunion du Tyrol italien,
et pour son organisation à l'instar des autres pro-
328 MÉMOIRES DU PRINCE EUGÈNE
vinces du royaume, sous le rapport de la justice, des
finances, des impositions, de la guerre, etc. Je ne
pense plus à celte affaire, et je m'en repose entière-
ment sur vous. »
Eug.à \ap. a Sire, un décret de Votre Majesté au commence-
19 ami feui. ment de celte année ordonne que l'artillerie fran-
çaise qui existe dans son royaume d'Italie soit ac-
quise par ce royaume. Des commissaires français et
italiens ont élé nommés pour l'estimation de tous ces
objets, et, en attendant, Votre Majesté a déjà ordonné
que 100,000 francs par mois seront payés par le
trésor italien au trésor de l'empire à compte sur la
* somme à laquelle se montera le prix de cette acqui-
sition, et que cette somme sera acquittée en totalité
en trois années.
«Je prends la liberté d'observer respectueusement
à Voire Majesté que son royaume d'Italie a fourni, ou
d'après ses ordres, ou sur des demandes très-pres-
santes du maréchal duc de Raguse, une grande quan-
tité d'objets d'artillerie qui lui appartenaient, tant
aux provinces lllyriennes qu'à Corfou : Votre Majesté
trouvera juste, sans doute, que ces effets lui soient
remboursés. J'ai l'honneur de mettre sous ses yeux
un tableau succinct de toutes ces fournitures avec leur
estimation. Toula les pièces à l'appui ont élé en-
voyées au ministre du trésor de l'empire. Le total de
l'estimation se monte à la somme de 1,381,827 fr.
82 cent.
« J'oserai proposer à Votre Majesté comme le
moyen le plus simple de rembourser le trésor italien
L1V. XVII. — 1810 — CORRESPONDANCE 339
de cette somme, qu'Elle veuille bien ordonner qu'elle
soit imputée à compte de celle que le royaume se
trouvera devoir à la France, pour prix de l'artillerie
cédée. Si Votre Majesté daigne approuver cette pro-
position, il me restera à lui demander la grâce de
faire répartir d'une manière convenable la somme
avancée par le trésor italien entre les divers payements
au moyen desquels le prix total de l'artillerie acquise
par l'Italie doit être payé à la France. »
« Mon fils, je vous envoie copie de ma lettre au *»p. * &»g.
. Compiegne,
ministre de la marine sur les armements de FÀdria- *° ,vril 18t0 -
tique, il est nécessaire d'armer fortement la côte
d'Ancône.
« Copie. — Monsieur le comte Decrès, j'ai reçu votre
rapport sur les forces françaises que j'ai dans l'Adria-
tique, je m'arrête définitivement au parti suivant. Il
sera pris sur les trois bricks que j'ai à Venise la
partie d'équipages nécessaire pour armer la Favo-
rite, que ma marine italienne remettra à ma marine
française, en tenant pour cet objet un compte dou-
ble. Vous pourrez donner en échange les bricks
qu'on ne pourra pas armer; la frégate la Cosona est
déjà armée et montée par les Italiens. La frégate la
Bellone le sera incessamment; les 3 frégates se ren-
dront à Ancône aussitôt que possible; ce qui, joint à
VUranie, à la Caroline et aux 3 bricks qui sont dans
ce port, fera une division de 5 frégates et de plusieurs
bricks. Vous me proposerez un officier intelligent
pour commander sous les ordres du vice-roi cette
division, qui aura ordre de tenir la mer et de ne
350 MÉMOIRES DU PRINCE EUGÈNE
pas se laisser bloquer par des forces inférieures.
« Au mois de décembre, le Rivoli pourra être mis
à l'eau, et alors ces 5 frégates pourront recevoir
Tordre de protéger l'entrée en mer du Rivoli, et de
rosier auprès de lui pendant les trois ou quatre jours
que durera son armement. Le Rivoli sera monté par
l'équipage de YUranie, qui, marchant avec les 4 fré-
gates qui iront à Ancône, viendra eh sûreté jusqu'à
Venise, où elle entrera pour se désarmer. Le Régi-
natore, autre vaisseau de 74, monté par les Italiens,
viendra également à Ancône, ce qui donne l'espoir
d'avoir dans ce port, en 1 81 1 , 2 vaisseaux, 4 frégates
et 3 ou 4 bricks. Cette force obligera les Anglais à
tenir trois vaisseaux pour bloquer ce port; je donne
Tordre qu'une quinzaine de mortiers et une soixan-
taine do pièces de gros calibre soient mis en batterie
à Ancône du côté de la mer. Donnez des ordres
pour qu'on fasse connaître par un rapport s'il y a
quelque chose à craindre des brûlots et s'il y a lieu
à établir des chaînes qui ferment hermétiquement le
port.
« Témoignez mon mécontentement au comman-
dant de YUranie de s'être laissé approcher par une
frégate, sans sortir pour la chasser, quoiqu'il y eût
3 bricks sous ses ordres. Quant aux bâtiments qui
sont à Trieste, on mettra à la disposition du duc de
Ragusc, pour être armée par la marine illyriennc,
la frégate qui est susceptible d'être armée, et on dé-
pècera les autres bâtiments, en les mettant sur esti-
mation à la disposition de la marine italienne pour
être transportés à Venise, en se servant des canons,
LIV. XVII. - 1810 — CORRESPONDANCE 351
des mâtures et de tout ce qu'on pourra utiliser. »
« Sire, j'arrive de Navarre et j'apprends que Votre ^J^'
Majesté part deCompiègne pour une absence de quel- î5aTriM810 -
ques jours» J'ai l'honneur d'adresser à Votre Majesté
la lettre dont l'Impératrice Joséphine m'a chargé
ainsi qu'une que le roi d'Espagne lui écrit et qu'elle
m'avait chargé de communiquer à Votre Majesté. Je
dois dire à Votre Majesté que j'ai trouvé ma mère
assez bien portante et très-raisonnable sur tous les
points de conversation que j'ai eus avec elle.
« l°Elle ne tient point positivement aux eaux d'Aix-
la-Chapelle. C'est Corvisart lui-même qui les a or-
données; et, comme le séjour de l'Impératrice José-
phine dans cette partie de votre Empire pourrait
n'être pas convenable ni à Votre Majesté ni à elle, si
vous deviez voyager de ces côtés, ma mère désire sa-
voir les intentions de Votre Majesté à cet égard. Si
Votre Majesté a la bonté de me les faire connaître, je
causerai avec Corvisart, pour faire ordonner d'autres
eaux également bonnes.
« 2° L'Impératrice Joséphine a formé à peu près les
projets suivants, si Votre Majesté n'y trouve rien de
contraire, savoir : de se rendre à la (in de mai aux
eaux qui lui seront ordonnées, en s'arrêtant quel-
ques jours à Malmaison; passer trois mois aux eaux,
parcourir après le midi de la France, profiter de la
saison d'automne pour voir, avec la permission de
Votre Majesté, en voyageant incognito, Rome, Flo-
rence et Naples, et passer l'hiver prochain à Milan,
332 MÉMOIRES DU PRINCE EUGÈNE
de manière à rentrer à Malmaison, et Navarre au
printemps de 1811.
a 3° Pendant cette absence, ma mère projette de
faire à Navarre les constructions et réparations né-
cessaires pour s'y former un établissement réel. Elle
aura besoin, à cet effet, de recourir encore aux
bontés de Votre Majesté, pour lui faire quelques
avances, et elle doit l'en entretenir dans la lettre ci-
jointe.
« 4° Enfin l'Impératrice Joséphine, en me char-
geant de mettre aux pieds de Votre Majesté l' hom-
mage de tous ses sentiments, m'a recommandé de
prier Yotre Majesté de vouloir bien mettre le comble
à vos bontés en prenant une décision pour le ma-
riage des jeunes Tascher, ses cousins, savoir : l'ainé
avec une parente du roi Joseph, et le second avec la
princesse delà Leyen.
« Si Votre Majesté n'a pas d'ordre contraire à me
donner, je compte retourner pour quelques jours à
Navarre, dès que la princesse Auguste sera un peu
moins souffrante. »
cîEip'ièSi' a ^ on fi' s > i e re Ç°* s vo * re lettre du 25 avril à mi-
nlil
26 avril 1810.
nuit, avec une lettre de l'Impératrice. Vous trouverez
ci-joinl ma réponse. Voyez Cnmbacérès pour le ma-
riage de Tascher, je désire qu'il se fasse le plus tôt
possible, je tiendrai tout ce que j'avais promis. Je
suis bien aise que l'Impératrice soit contente de Na-
varre. Je donne ordre qu'on lui avance 300,000 francs
que je lui dois pour 1810 et 300,000 francs que je
lui dois pour 4811, elle n'aura plus qu'à attendre
LIV. XVII. — 1810 — COURESPONDANCK 333
les deux millions du trésor public; je ne m'oppose
pas 5 ce que, si les 100,000 francs que j'ai donnés
pour continuer les travaux de la Malmaison ne sont
pas employés, on suspende ces travaux et on les em-
ploie à Navarre. Ce sera à peu près le million que
demande l'Impératrice; j'approuve beaucoup son
projet de faire toutes ses dépenses à Navarre. Elle est
maîtresse d'aller aux eaux qu'elle voudra choisir, et
même de revenir à Paris après la saison des eaux.
Comme je pars demain pour Anvers, je vois moins
d'inconvénients à ce qu'elle aille aux eaux d'Aix-la-
Chapelle; le seul peut-être que j'y trouverais, c'est
qu'elle retournât dans des lieux où j'ai été avec elle :
je préférerais qu'elle allât prendre d'autres eaux où
elle a été sans moi, comme celles de Plombières,
de Vichy, de Bourbonne et d'Aix en Provence, etc. ;
mais, si celles d'Aix-la-Chapelle sont cependant les
euux qui lui conviennent le mieux, je n'y mets au-
cune opposition; ce que je désire par-dessus tout,
c'est qu'elle se tranquillise et qu'elle ne se laisse pas
monter la tête par des bavardages de Paris. »
«Mon fils, je désirerais que vous vinssiez à Anvers £"p* * e ««-
' * * Compièjjne,
de votre personne, pour voir l'escadre et ses loca- 26aviili81 °-
lités, qu'il est bon à votre âge de connaître. Je ne sais
pas si vous avez vu Boulogne depuis que j'y ai fait
construire une flottille. Je compte être à Anvers le
1 er mai. Tachez d'y être du 3 au 4. Cependant, comme
ce voyage n'est que pour votre instruction, faites la-
dessus ce qu'il vous conviendra. »
554 MÉMOIRES DU PRINCE EUGÈNE
Na JFnvcr" g ' cc M° n ^ s » ^ a * tes P art î r po° r Corfou une compa-
ti mai îsio. gnie d'artillerie italienne, forte de 120 hommes, et
27 hommes de plus pour compléter la compagnie
qui est dans cette ile; ces 147 hommes se dirigeront
sur Olranle pour passer à Corfou aussitôt que faire
se pourra. »
iscîgipiSm (< M° n û' s î je me décide à créer une banque d'es-
» mai 1810. com pt e à Milan, à Pinstar de la Banque de France,
sous le titre de Banque italienne. Écrivez à Àldini
qu'il se concerte avec Molien et qu'il me présente un
projet de décret rédigé sur les bases de celui qui
institue la Banque de France. »
i^gôpzoom; « Mon fils, comme il est de notoriété publique
9 mai 1810. q ue ] es Anglais font payer 25 pour 100 aux bâtiments
ottomans, pour leur permettre de naviguer, j'ai fait
mettre le séquestre sur lous les bâtiments de cette
nation dans mes ports de France. Ordonnez la même
chose en Italie, en leur faisant connaître la raison
de cette mesure. »
Nap.àEug. « Mon fils, je vous envoie une lettre du ministre
Saint-Cloud, i ii
i4 mai 1810. <j e s cultes. Il me semble que vous êtes plus a portée
de savoir ce que pense cet Àntonelli. Faites-le son-
der, et, s'il croit qu'il est du devoir du pape de re-
noncer à toute idée de temporel, d'aplanir les
difficultés qui* existent sur les affaires de Rome, c'est-
à-dire d'instituer mes évoques, etc., de faire le pape
tranquillement, sans vouloir faire le César; si, dis-je,
ce cardinal est assez sensé et vraiment assez reli-
LIV. XVII. — 1840 - CORRESPONDANCE 535
gieux pour, penser ainsi, on peut l'engager à écrire
au pape, car les malheurs de l'Église sont évidents,
et même l'autoriser à se rendre auprès de lui pour
lui servir de conseil . »
« J'ai reçu, monsieur le duc de Fellre, votre lettre ^yS»! 8
du 17 mai, par laquelle vous m'annoncez les difle- lo'iSî'iSïè.
rentes insultes qui ont eu lieu sur les côtes de l'Adria-
tique de la part des Anglais. Je m'empresse de vous
annoncer que déjà, depuis quinze jours, j'avais or-
donné au général Menou, gouverneur de Venise et
commandant la 6 e division militaire, de me faire
un rapport sur l'état des batteries des côtes sous ses
ordres avec injonction de me proposer une augmen-
tation d'armement sur les points qu'il reconnaîtrait
nécessaire. J'attends encore ce rapport; mais, d'après
les dernières nouvelles qui me sont parvenues, j'ai
ordonné la sortie de Venise d'une flottille pour pro-
téger nos côtes contre les bâtiments ennemis. »
« D'après votre dépêche du 10 de ce mois, mon- E 2£y™ r d c uc
sieur le duc de Feltre, les dispositions ont été près- ^^îgîi).
cri les et toutes les mesures prises pour la présente
exécution des ordres de Sa Majesté, relatifs à la réu-
nion, à Perruggia, d'une colonne de troupes fran-
çaises, infanterie, cavalerie et artillerie, sous le com-
mandement du général de brigade Paslol, et pour
celle à.Ancône d'une colonne de troupes italiennes de
3,000 hommes et 600 chevaux 1 .
1 La concentration de ces troupes avait pour but de fournir au géné-
ral Miollis, commandant à Rome, une force d'environ 13,000 hom-
mes, capable d'exécuter plus facilement les ordres do l'Empereur rc-
356 MÉMOIRES DU PRINCE EUGÈNE
« Je vous adresse ci-joint un tableau -de mouve-
ment qui vous fera connaître la marche des troupes
destinées à former ces deux colonnes, ainsi que l'é-
poque de l'arrivée à leur destination. H en a été
donné avis au général Miollis.»
Eu $aîb tp * a ^ re > ^°* re Majesté aura sans doute appris la
« mai 1810. p r j se j u f or j Hostalrich, dont la division italienne
était particulièrement chargée. Je profite de celte oc-
casion pour mettre sous les yeux de Votre Majesté le
nom des officiers ou soldats qui se sont particulière-
ment distingués en Espagne depuis plusieurs années,
en la priant de vouloir bien leur donner un témoi-
gnage de sa satisfaction, soit par un grade, soit par
une décoration.
« Je profite aussi de celle circonstance pour de-
mander à Votre Majesté le grade de général de divi-
sion pour le général Daura. »
s«hi p t- ft cuni% ct ^ on ^ S > en son 8 eant à ' a situation de l'Italie,
\i juin 1810. j a pj ace j e Palma-Nova acquiert plus d'importance
que jamais, puisque en cas de guerre cet immense
fliatériel que j'ai en Illyrie, ou tombera dans les
mains de l'ennemi, ou n'aura que Pal ma Nova pour
se réfugier. J'ai donc décidé, par un décret que je viens
de prendre, d'affecter aux fortifications de cette place
1,800,000 francs cette année et 1,800,000 francs
l'année prochaine. Comme on ne devait y dépenser
4
lalifs aux mesures administratives à prendre dans les départements
du Tibre et du Trasimène, départements nouvellement réunis à la
France, et où Napoléon voulait qu'on agit avec vigueur.
L!V. XVII. - 1810 - CORRESPONDANCE 337
que 500,000 francs, il s'ensuil que les précautions
ne sont pas prises pour cet accroissement de travaux.
Vous n'avez point de temps à perdre pour faire lever
la quantité de maçons et pour prendre toutes les me-
sures nécessaires pour donner la plus grande activité
aux travaux. On fera huit casernes à la gorge des
bastions, ce qui donnera huit magasins au rez-de-
chaussée pour renfermer les vivres de la place et
ceux qu'y déposerait l'armée, et au premier étage
de quoi loger plus de 2,400 hommes à l'abri de la
bombe. Donnez sans délai des ordres à l'officier su-
périeur qui commande le génie en Italie. Voyez
Chasseloup pour mettre tous ces projets en règle et
pour que je n'aie qu'à signer. Portez-moi tout cela
dimanche prochain. Donnez ordre que les fortifica-
tions que les Autrichiens avaient faites soient démo-
lies, puisqu'elles étaient dirigées contre nous. Faites-
moi un rapport sur le fort de Sachscnburg et sur les
fortifications que vous ne devriez point détruire. »
« Sire, je prends la liberté de recommander aux e« ? . à s*.
bontés de Votre Majesté le général d'Anthouard, «È'Hio.
qu'elle a bien voulu me donner, il y a près de six
ans, pour mon aide de camp. Cet officier est géné-
ral de brigade depuis quatre ans et demi. Il a fait
dans ce grade la campagne de Pologne et la der-
mère d'Allemagne, pendant laquelle il a été blessé
Votre Majesté lui a témoigné, en cette circonstance,
sa satisfaction, en lui faisant partager les litres et
dotations qu'elle a bien voulu accorder à ses ar-
mées, mais j'ose demander à Votre Majesté pour
22
358 MEMOIRES DU PKINCE EUGÈNE
cet officier général le grade de général de division.
Ce que je puis assurer à Votre Majesté, c est son atta-
tachement à Votre Majesté et son dévouement pour
son service. »
Ba *Piri« ?lap ' c< ^ re > ^ olre Majesté ayant bien voulu m'autori-
14 iUin 18l °- ser à lui représenter la position de deux de ses gêné*
raux de l'armée d'Italie, je m'empresse de satisfaire
à ses ordres.
« Ces deux officiers généraux sont : 1 ° le général
Chasseloup, Votre Majesté peut mieux que personne
rendre justice h son zèle et à ses talents. Depuis
longtemps il n'a pas reçu de témoignage public de
satisfaction de Votre Majesté, et la place où il aspire
est celle de sénateur et de grand officier de la
Légion d'honneur. C'est le seul de vos anciens géné-
raux qui n'ait point ce grade dans la Légion d'hon-
neur, et je prie Votre Majesté de vouloir bien le lui
accorder.
a Le second est le général Baraguey-d'Hilliers.
Lorsque Votre Majesté m'a fait l'honneur de me par-
ler de cet officier général, elle a paru disposée à
faire quelque chose en sa faveur. Il désire ardem-
ment de recevoir un témoignage quelconque de sa-
tisfaction de Votre Majesté, et je pense qu'elle peut
lui accorder ou une augmentation de dotation, ou
un ordre étranger. »
E \^ p ' « Sire, j'ai l'honneur de rendre compte à Votre
* juin i8!o. Ma j esté que , e généra i Barbou ëcrit d'Ancône, à la
date du 13 juin, que depuis le 10 «au soir une divi-
i
LIV. XVII. — 1810 — CORRESPONDANCE 339
sion anglaise, composée de 2 vaisseaux, 3 frégates
et un brick, était en présence; mais qu'elle s'était
bornée jusqu'alors à une reconnaissance faite par
une frégate pour s'assurer sans doute des forces
navales qui existent à Ancône. On lui a tiré quelques
coups de canon; mais il paraît qu'elle était hors de
portée : du moins aucun boulet n'a pu l'atteindre.
« D'après ce qu'on a pu découvrir, il ne paraîtrait
pas qu'il y ait des bombardes parmi ces bâtiments,
ni des troupes de débarquement. »
« Sire, Votre Majesté m'a fait l'honneur plusieurs B *fiJ* ip "
fois de me parler du peu de travail que les ingé- î5 juin i8l °
nieurs géographes Taisaient en Italie, et Votre Ma-
jesté m'a toujours demandé s'ils n'avaient pas seu-
lement fait une carte du royaume. J'avais répondu
à Votre Majesté que, soit les circonstances de la
guerre, soit les ordres de Paris d'envoyer les ingé-
nieurs géographes enDalmatie, en Albanie, etc., les
avaient jusqu'à ce jour distraits de celte même
carte d'Italie, que j'étais moi-même jaloux de voir
terminer. Les travaux de cette campagne étant ce-
pendant commencés depuis le mois de mars, vont
présenter pour résultat celte année les États ex-véni-
tiens, totalement achevés, c'est-à-dire tout le pays
entre l'Adige cl llsonzo.
« Mais j'apprends à l'instant que de nouveaux
ordres venus de Paris ordonnaient à tous les ingé-
nieurs géographes, employés entre l'Adige et l'I-
sonzo, de se rendre sur-le-champ en Istrie. Voilà donc
une campagne perdue pour notre carte de l'Italie,
340 MÉMOIRES DU PRINCE EUGÈNE
et je crains bien que Voire Majesté n'ait pas même
en 1810 une carte de l'Islrie, car les opérations
seules de là triangulation vont prendre presque
toute la fin de cette campagne.
« Comme je n'ai aucun ordre à donner aux in-
génieurs géographes, je ne puis empêcher ces dépla-
cements perpétuels, mais j'ai cru devoir en infor-
mer Votre Majesté en la priant de n'en être point
étonnée. »
Eu î»afLs ap * « Sire, Votre Majesté m'a fait l'honneur de me
28 ju.n i8io. renv0 y er j e décret que j'avais eu l'honneur de lui
proposer pour la distribution des dotations en Ty-
rol, en m'annonçant que ces propositions étaient
trop considérables , qu'elle ne voulait accorder
qu'une partie des 200,000 francs et en réordon-
nant de lui représenter cet objet. J'ai donc l'hon-
neur, en remettant le même décret sous les yeux de
Votre Majesté, de lui représenter le même état au-
quel j'ai joint des astérisques pour ceux qui, je crois,
méritent d'abord les bienfaits de Votre Majesté.
Comme ils sont tous militaires, les services de cha-
cun d'eux sont connus de Votre Majesté. La plupart
ont fait toutes les campagnes et ont servi Votre Ma-
jesté avec tout le zèle qui était en leur pouvoir. »
Âîni "nïïfd, « Mon fils, je vous prie de me faire connaître
** juin îsio. combien il y a de diocèses, de chapitres et d'abbayes,
dans les trois nouveaux départements romains réu-
nis, et combien, tant évéques que chanoines, ont
prêté ou refusé de prêter serment, afin que je prenne
un parti définitif. »
j
LÏV. XV1Ï. - 1810 — CORRESPONDANCE 341
« Mon fils, je reçois votre lettre du 4 juillet, je vois n»p- * ?«*•
„ ,J * J ,J Rambouillet,
qu il y a d archevêques, 1 7 évêchés et une abbaye •jjy/Jf 1
dans les trois nouveaux départements. Il faut d'a-
bord me présenterun projet de décret pour supprimer
l'abbaye et demander le serment des 3 archevêques et
des 1 7 évêques. Vous lâcherez qu'il y en ait 3 ou 4 qui
le prêtent. Les sièges de ceux qui ne le prêteront
pas seront réunis, comme je l'ai fait dans les deux
départements de Rome et deTrasimènc. Le ministre
des cultes vous envoie une copie de mes actes rela-
tivement à ces deux départements, afin que tout soit
fait sur le même pied. Mais il ne faut pas perdre un
moment, ces mesures sont urgentes, car, sous un
mois ou deux, je (inirai par arranger les affaires
du pape, et il faut que ces choses-là soient finies
avant cette époque. »
« Sire, j'ai l'honneur d'informer Votre Majesté, "pjjjj 1 * p *
que j'apprends à l'instant par mes dépêches de 8 i j g 1 , " et
Milan, que les embarcations armées de 2 frégates
anglaises ont surpris et enlevé le poste qui était à
Grado, composé d'un détachement de 30 hommes
d'infanterie et de 10 gardes de finances. Quelques-
uns de ces derniers, qui se sont échappés, sont ve-
nus apporter celte nouvelle à Udine.
« Le général Huard, qui commande le départe-
ment du Passeriano, allait s'y porter de suite avec
le monde nécessaire pour les en chasser. »
« Mon fils, vous recevrez deux décrets, l'un qui Nap.àEu*.
. . . ' * Rambouillet,
ordonne qu'il soit mis à Venise 3 vaisseaux, pour 9 $|{} el
342 MÉMOIRES DU PRINCE EÙUÊNE
le compte de la France, lesquels, joints aux 5 qui
sont nctuellement en construction, feront 6 vais-
seaux; l'autre qui ordonne la mise en construction,
dans le même port, de 2 autres vaisseaux, pour le
compte du royaume d'Italie, ce qui fera 4 vaisseaux
italiens et 6 vaisseaux français. Prenez toutes les
mesures pour que les 5 vaisseaux qui sont actuelle-
ment sur les chantiers soient entièrement termi-
nés en 4811 et pour que les 5 vaisseaux qui vont
être mis en construction soient poussés de manière
à être lancés en 1812; faites les dispositions néces-
saires pour atteindre ce but. Prenez un parti sur les
vaisseaux russes que j'ai h Tri es te. Sachez ce qu'a
fait le duc de Raguse, si l'on démolit les vaisseaux
qui ne peuvent plus servir, et si les débris en sont
envoyés à l'arsenal de Venise ; enfin quel parti on
doit prendre pour le vaisseau turc. »
E Gpnèw! P ' <( Sire, je m'empresse d'adresser à Votre Majesté
9 i&a a l'extrait des rapports que je reçois sur la suite de
l'affaire deGrado. Les Anglais se sont rembarques et
se sont éloignés de la côte.
c< Aussitôt mon arrivée a Milan, j'enverrai un
officier parcourir toute la cote, pour s'assurer que
tous les ports sont en état de faire une meilleure
résistance, en cas de nouvelle attaque. »
»iire ^rai «Le 15 juin, une frégate bloquait le port de
de la marine D«; n/ i;oî
de Venise MinOlSl.
"vSKT' « Le 25 juin, 1 vaisseau, 2 frégates et I brick
*i8Ï© el étaient devant Goro.
LIV. XVII. - 1810 — CORRESPONDANCE 545
« Le 29 juin, 5 frégates ennemies débarquèrent
500 hommes qui s'emparèrent de Grado, en firent
la garnison prisonnière (elle était composée de 50
hommes), ainsi que 50 autres soldats qui étaient
accourus de Marano à son secours, incendièrent les
archives de la commune et du bureau sanitaire, et
se rembarquèrent ensuite, le même jour, après avoir
mis le feu à quelques-uns des bâtiments qui se trou-
vaient dans le port et en avoir fait sortir les autres.
Les Anglais ont eu, dans celle affaire, 15 Sommes
tués et 5 blessés; la garnison, 2 hommes tués seu-
lement. »
« Mon fils, ayez bien soin de déplacer celles de iSmbouTu^t
mes troupes qui seraient dans des pays malsains, et 10 i J 8io! el
de les faire remonter du côté des montagnes. En
Italie, cela produit une différence immense dans la
santé des troupes. »
« Mon fils, j'ai donné ordre au ministre du trésor aSS^nnS",
public de vous payer les 757,000 francs qui vous sont ^"a*
dus par la marine de France. Voici le calcul que fait
la marine de France au 1 er juin : il y avait de fait,
sur le chantier de Venise, 28 vingt-qnatrièmes
de vaisseaux, valant 1,587,800 francs; la marine
française vous a livré 422 bouches à feu > évaluées
650,000 francs; reste donc à vous rembourser
757,700 francs. On estime que vous ferez, dans le
courant de l'année, 26 vingt-quatrièmes valant
945,000 francs. Faites mettre en construction les
trois vaisseaux français, selon mon dernier décret,
541 MÉMOIRES DU PRINCE EUGENE
et pressez- en les travaux, les payements vous en
seront faits régulièrement en septembre, octobre,
novembre et décembre, à raison de 189,000 francs
par mois, pour les 9 vingl-qàatrièmesquc vous aurez
faits à la fin de Tannée. »
Nap.&Eug. « Mon fils, ce qui vient d'arriver à Grado fait
Rambouillet, ■ ^
i5 ifio el sent * r ' a nécessité de protéger efficacement le cabo-
tage de Venise à Tri este. Il paraît que Menou est
tombé dans une parfaite déconsidération à Venise.
Donnez-lui Tordre de se rendre à Paris. J'ai accordé
une gratification de 50,000 francs, pour payer ses
dettes, par Ifcs mains de mon consul Vigoureux.
Faites-lui donner, sur le trésor d'Italie, une somme
de 50,000 francs, afin que toutes ses dettes soient
soldées. »
Eu Sin», ap ' a Sire, j'ai 5 rendre compte à Votre Majesté que
18 i j 8Îo a je suis arrivé hier soir à Monza avec la vice-reine.
J'ai reçu, en route, trois lettres de Votre Majesté
contenant des ordres dont je vais m'occuper sur-le-
champ.
a 1° Celle qui concerne les évêchés des trois dé-
partements. J'aurai l'honneur d'en soumettre, sous
peu de jours, le projet de décret à Votre Majesté.
« 2° Celle qui ordonne des augmentations de
constructions de la marine à Venise. Je donne au-
jourd'hui même les ordres nécessaires, et je re-
mercie Votre Majesté d'avoir inséré dans son der-
nier décret un article qui oblige le ministre de
France à rembourser, par douzièmes, les avances
LIV. XVII. - 1810 — CORRESPONDANCE 345
que vient de faire la marine italienne, seul moyen,
en effet, d'arriver au but que se propose Votre Ma-
jesté.
« 3° Celle qui m'enjoint d'établir les régiments
français dans les meilleures garnisons, et, à cet
effet, je crois avoir d'avance rempli les intentions de
Votre Majesté, puisque les régiments français oc-
cupent, à la droite du Pô, les garnisons de Rimini à
Reggio, et, à la gauche, de Rassano à Rergame. » .
a Sire, j'ai eu l'honneur de rendre compte à ^fc*»* 9 '
Votre Majesté que les travaux construits par les Au- 18 iiïô! et
trichiens, sur la frontière de son royaume d'Italie,
avaient été tous détruits pendant la dernière cam-
pagne, à l'exception du château de Laybach.
« J'annonçais aussi un rapport particulier sur le
fort de Sachsenburg. Aujourd'hui j'ai l'honneur
d'adresser, à ce sujet, à Votre Majesté un mémoire
du maréchal duc de Ragusc, qui est d'avis de raser
les ouvrages existants. »
« Mon fils, je viens de prendre un décret pour que gj£ *| u *j
le curement du port d'Ancône soit continué avec la 19 ^ tel
même activité qui y a été mise jusqu'à présent,
moyennant une modique dépense de 240,000 francs;
vous avez déjà obtenu pour résultat que 4 vaisseaux
et 6 frégates puissent y mouiller, je désire que le
creusement soit continué jusqu'à ce que le port
puisse contenir 9 vaisseaux et 6 frégates ; je suppose
que celte dépense, pour les derniers mois de 1810,
et pour Tannée 1811, n'ira pas à 200,000 fr.incs;
346 MÉMOIRES DU IMIINCK EL'tiE.XE
ce ne sera donc guère plus de 10 à 12,000 francs»
par mois, c'est une véritable bagatelle. Faites-moi
connaître si on ne peut pas pousser cet ouvrage plus
loin! Dans mon décret, considérant que l'ouverture
du port est de 400 toises, et que le mouillage se
trouve par là exposé aux vents de l'ouest, j'ordonne
que la digue recevra un prolongement de 150 toises.
On m'avait supposé que cette dépense coûterait
1 ,800,000 francs, ce qui m'avait effrayé ; mais cette
dépense n'était si considérable que parce qu'on vou-
lait conserver une risberme intérieure dans tout le
prolongement de la digue ; j'ai renoncé h cette ris-
berme, et, pur là, j'obtiens une économie de plus
de 1,000,000.
« On me fait espérer qu'avec 600,000 francs je
ferai cette jetée, et qu'alors le port sera calme à tous
vents, ce qui sera un extrême avantage; 60,000 francs
à 50,000 francs par mois, c'est la dépense d'une
année, et comme il suffit que l'ouvrage soit fini au
1 er janvier 1812, cela fait dix-huit mois ou 100,000
francs pour trois mois.
« Je désire donc qu'il soit fait sur le budget un
fonds de 100,000 francs par trois mois, ce qui aug-
mentera le budget de 1810 de 200,000 francs, et
celui de 1811 de 400,000 francs. Ordonnez que le»
fonds soient faits exactement, afin qu'on puisse
pousser avec activité les travaux de cette digue. Il est
d'un avantage si immense pour mon royaume d'Italie
d'être maître de l'Adriatique, qu'il n'y a rien à
épargner pour cela. Or, avec quatre à cinq vais-
seaux, on y parviendra ; jamais les Anglais ne pour-
L1V. XVII. — 1810 — CORRESPONDANCE 547
ront tenir des forces égales dans cette mer, pour le
seul objet de bloquer le commerce, quand, d'ail-
leurs, la réunion de la Hollande et les armements
considérables que je fais dans tous mes ports les
mettent dans la nécessité de bloquer tant de points.
Vous avez dû recevoir le décret par lequel je vous
charge de mettre sur le chantier trois autres vais-
seaux nu compte de la France, ce qui, avec les deux
du royaume d'Italie, et les deux que je désire qu'on
mette en construction pour le compte de l'Italie, for-
mera dix vaisseaux à Venise. Je pense que le budget
de la marine italienne, pour 1811, sera fait de ma-
nière à avoir, à la fin de l'an 1812, cinq vaisseaux
de guerre italiens. Quant au Rivoli, j'attache une
certaine importance à avoir ce vaisseau à Ancône, et
il me paraît difficile qu'on ne puisse pas le mettre
à l'eau à Tété de la Saint-Martin, ou après les tem-
pêtes de Noël ; mais il faudrait que cette opération
pût se faire avec une telle rapidité, que ce vaisseau
ne fût pas obligé de rester plus de quarante-huit
heures en rade. Alors, quelque vent qu'il fît, il irait,
soit à Ancône, soit à Trieste, soit à Pola, et partout
il achèverait son armement. Je suppose que vous
prenez des mesures pour que le duc de Raguse arme
les batteries de Pola. *>
« Sire, Votre Majesté a daigné me dire que bientôt Eu §ônz»* p "
elle s'occuperait de fixer le sort du Valais, et j'ose 1<J t$o el
espérer qu'elle me permettra de lui soumettre quel-
ques observations sur les frontières de ce pays avec
le royaume d'Italie, vers la route que je viens de
parcourir.
548 MÉMOIRES DU PRINCE EUGÈNE
« À partir du sommet du Simplon, jusqu'à la
douane du royaume, on trouve, dans un espace de
deux lieues environ, deux ou trois ramas de maisons
qui méritent à peine le nom de village et qui font
encore partie du Valais. Il me paraîtrait convenable,
tant pour les douanes et pour l'arrangement des
postes que pour la sûreté de la route, que ce ter-
rain, qui est entièrement sur les versants vers l'Ita-
lie, fût cédé au royaume, qui, d'ailleurs, n'y trou-
verait qu'un surcroît de dépenses. La limite des deux
Ëtats serait alors reportée sur le sommet même du
Simplon, au point de la séparation des eaux et en
deçà de l'hospice, suivant ce qu'ordonnera Votre
Majesté.
ce Je ne prendrai pas la liberté d'entretenir en ce
moment Votre Majesté des limites de son royaume
avec les provinces Illyriennes ; mais si elle s'occupait
de quelque arrangement définitif relativement à ce
pays, je la prierais de se rappeler que cette frontière
aurait grand besoin de rectification. »
K,, Mon^ p c< Sire, j'ai l'honneur de prier Votre Majesté de
v \hw. c1 vouloir bien faire ordonner par son ministre de la
guerre de l'Empire que les deux régiments de cava-
lerie italiens qui sont en Catalogne soient réduits
à deux escadrons au lieu de trois. Le cadre du 3 e es-
cadron, ainsi que l'un des deux chefs d'escadron,
devront rejoindre leur dépôt en Italie. Je demanderai
également à Votre Majesté de vouloir bien ordonner
que le 5 e régiment de ligne italien, qui se trouve
aussi en Catalogne, soit réduit de trois bataillons à
L1V. XVII. - i«*o - CORRESPONDANCE 54î)
deux, et que le cadre du 5* bataillon soit renvoyé au
dépôt.
« Les dernières situalions que j'ai reçues de la
division italienne, en Espagne, m'autorisent à faire
ces demandes à Votre Majesté pour le bien de ces
corps. »
« Sire, j'ai reçu les ordres de Votre Majesté, du Eu flô*£ ap -
15 juillet, sur le général Menou. Je vais lui donner ^Vsïo*
Tordre de se rendre à Paris. Comme il est important
de ne point laisser vacant le gouvernement de Ve-
nise, je prierai Votre Majesté de vouloir bien y
nommer le général Pino. Sa santé va beaucoup
mieux dans ce moment, et il est disponible, à l'ex-
ception pour l'exercice du cheval, qu'il n'est pas en
état de faire.
a Aussitôt ma rentrée à Milan, j'ai pris des me-
sures pour la sûreté du littoral du royaume. On va
construire, à cet effet, sur tous les points qui peuvent
servir de refuge aux bâtiments, des batteries fer-
mées, armées de pièces en fer de 24 ou de 18.
« Les canonniers garde-côtes vont être organisés,
et j'espère que, sous peu de temps, nos plus petits
ports seront à l'abri d'insultes.
« Je remercie de nouveau Votre Majesté d'avoir
bien voulu s'occuper du remboursement de ce que
devait la marine française à la marine italienne. Je
vais faire le même compte dans le bureau de la ma-
rine de Milan, et je puis d'avance assurer à Votre
Majesté qu'il se trouvera sûrement une différence
avec celui dont elle a bien voulu me faire part ; car,
350 MÉMOIRES DU PRINCE EUGÈNE
le ministre de la marine de France, en déduisant des
sommes qu'il nous doit, tout le prix de l'artillerie
qu'il nous a envoyée, a oublié qu'une partie de cette
artillerie devait servir aux vaisseaux français. J'a-
dresserai à Votre Majesté le compte que je fais dres-
ser, dès qu'il sera terminé. »
^n P t- à cfoud «'Mon fils, je reçois votre lettre relative à quel-
24 ifio. tel 9 ues vill&ges du Valais, qu'il vous parait utile de
réunir à mon royaume d'Italie; je ne vois pas de
difficultés à cela; mais j'aurais voulu que vous me
parlassiez du Valais, vous ne m'en dites rien, et
que vous me fissiez connaître de quelle manière il
vous a paru que marchait le pays. »
; N hu ci Eu S' «Mon fils, donnez ordre que les pères Piétro,
^JSo* Léonardi de Vérone, et Pacifique Paccetti, chefs de
mission à Venise, soient sur-le-champ arrêtés, et
prenez les mesures les plus efficaces pour comprimer
les dispositions malveillantes que montrent partout
les moines. Mon intention n'est pas de me laisser
insulter par cetle vermine. »
cug.iKap. « Sire, Votre Majesté m'a fait l'honneur de me
^itïo 1 * consu l ter sur ' es aperçus que lui soumet le mi-
nistre directeur pour le service des fourrages en
Italie. Le marché dont il est question dans ce rap-
port me paraît on ne peut plus avantageux. C'est
le plus modique prix qu'il est possible d'espérer,
et il est de fait que le gouvernement italien, qui a
l'usage d'être assez exact dans ses payements, paye
LIV. XVII. — 1810 — CORIIESPONDÀNCE 55t
la ration de fourrage i franc 35 centimes à la gauche
<le l'Adige et 1 franc 47 centimes à la droite de ce
fleuve. Quant à la clause que le fournisseur met au
remboursement de ce qui lui est dû, et d'êlre payé
à Milan, je ne pense pas qu'elle puisse empêcher
Votre Majesté d'accepter ses offres, car la liquida-
tion de sa créance aurait été sûrement faite, et il
•est juste de le payer. Je ne vois aucun inconvénient
-à le faire payer sur le subside. J* entends cependant
«que les payements à Milan veulent dire : dans les
différents points du royaume, car ce serait une perte, .
et j'opinerais pour que la clause dît : dans le royaume
et sur le subside. Je ne parle pas des cautions que
l'entrepreneur ne peut se refuser de fournir, car,
«quoiqu'il n'en soit pas question dans le rapport du
ministre directeur, je pense que dans les contrats
Votre Majesté exigera de l'entrepreneur une caution
bien solide, et acceptée par l'ordonnateur en chef de
l'armée. »
« Sire, j f ai l'honneur de mettre sous les yeux de Eug.*Nap.
Votre Majesté des certificats qui m'ont été présentés **$$ el
par le général de division comte Vignolle. Il résulte
•de ces certificats que la blessure qu'il a reçue à la
bataille de Wagram )'a privé pour jamais de l'usage
•de son œil droit et a très-affaibli son œil gauche. Ce
général, qui a plus de trente ans effectifs de service
et de quarante-sept années d'âge, se sent dans l'im-
possibilité de servir désormais avec une activité égale
à son zèle, et il m'a prié d'implorer en sa faveur les
bontés de Votre Majesté.
352 MÉMOIRES DU PRINCE EUGÈNE
« J'ose croire qu'elle me pardonnera d'appeler
en celte occasion sur ce général cette augu&tc bien-
veillance dont il paraît bien digne. »
tu fcîfc! ap " « Sire, j'ai reçu avant-hier matin les ordres de
^iKn!* 1 Votre Majesté relativement aux travaux dti port d'An-
cône, et à l'activité qu'elle recommande dans les
constructions des bâtiments à Venise.-
« Quant au port d'Ancône, les ordres de Votre
Majesté seront exécutés avec d'aulant plus de facili-
tés, qu'il y a pour ce travail 400,000 francs de desti-
nés dans le budget de celte année. Le curage se con-
tinue toujours ; des pierres sont déjà préparées au
mont Pisaro où l'on va les chercher, et nous n'atten-
drons plus que les plans que Votre Majesté nous pro-
met, pour commencer des celte année la jetée»
J'observe cependant que, si les plans tardaient à
arriver, les coups de vent de Té<|uinoxe et les mau-
vais temps de l'automne nous obligeraient de re-
mettre à Tannée prochaine ; mais le temps ne se-
rait pas entièrement perdu, parce qu'on préparerait
un plus grand nombre de malériaux. Je dois obser-
ver à Votre Majesté, qu'autant il est possible de fixer
400,000 francs par an pour le travail d'Ancône, au-
tant il nous sera difficile de trouver pour Tannée
prochaine 7 à 800,000 francs, à cause des grandes
dépenses où vont nous entraîner les travaux de Ve-
nise. Quant au Bivoli, il sera terminé tel que je l'ai
promis à Votre Majesté et prêt à être lancé dans le
commencement de septembre; mais j'ai demandé un
rapport détaillé au commissaire général de la ma-
^
LIV. XVU. — 1810 — CORRESPONDANCE 353
rine, sur la possibilité de faire passer ce vaisseau à
Malamoco, de lui faire franchir la passe pour le
conduire en rade, et enfin de lui faire regagner un
des ports de Triestc, Pola ou Ancône. Votre Majesté
recevra très-incessamment ce rapport, que j'attends
moi-même avec impatience, et qui fixera enfin les
idées de Votre Majesté sur ce qu'elle peut espérer
de ses vaisseaux à Venise. La plus grande activité
règne dans tous les travaux de Venise, et je compte
y aller moi-même après le 15 août.
«Le capitaine de vaisseau français Dubourdieu nous
est arrivé de Toulon. Il nous sera fort utile pour
l'instruction de nos marins, pour l'ensemble à don-
ner à toute notre marine, et enfin pour les efforts
qu'il faudra faire lors delà sortie du vaisseau.
oc Je vais adresser au ministre de la marine nos
comptes avec lui. Le résultat présente un crédit de
notre marine de 1,848,000 francs, sur lesquels
nous avons reçu un payement soit : en mandats
496,000 francs. .lia dette de la marine impériale
envers nous est donc encore de 1,552,000 francs,
sans compter tous les 24' de vaisseau qui seront
faits d'ici au 1 er janvier 1811. Je prie Votre Majesté
de donner ses ordres à son ministre pour que les
fonds nous soient faits exactement, sans quoi, mal-
gré tout notre zèle et notre bonne volonté, les tra-
vaux ne pourraient conserver toute leur activité. »
« Sire, le roi de Naples a demandé à Votre Ma- Eo fcJJ"'-
jesté de lui céder les communes d'Ancarno et Mol- 5 août i810,
tignano situées dans le district d'Ascoli, département
vi. 23
554 MÉMOIRES DU PRINCE EUGÈNE
du Tronto, et sur la rive droite de ce fleuve. Votre
Majesté me fait écrire par son ministre secrétaire
d'État, M. Aldini, de nommer des commissaires pour
prendre tous les renseignements possibles sur cet
objet, traiter avec la cour de Naples des compensa-
tions qu'elle pourrait offrir, en cas de cession de
territoire demandé par elle.
« Je viens de recevoir le rapport des commis-
saires nommés à cet effet, et je m'empresse de le
mettre sous les yeux de Votre Majesté, avec une carte
représentant le territoire dont il s'agit. Le motif du
gouvernement napolitain était la rectification de ses
limites, et plus de facilité dans l'arrangement de
ses douanes. Votre Majesté verra par le rapport que
j'ai rhonneirr de lui soumettre, et par la carte qui y
est jointe, que la cession des deux pays demandés
ne conduirait point à ce but, à moins qu'elle n'en-
traînât celles de plusieurs autres communes et même
celle de la rive droite entièredu Tronto, sur laquelle
se trouve la ville d'Ascoli, dont la population est
de 10,000 âmes.
« La cession, d'ailleurs, de ces deux seules com-
munes, si peu avantageuse pour le gouvernement
napolitain, aurait de graves inconvénients pour te
district d'Ascoli, pour cette ville même où habitent
la plus grande partie des propriétaires de ces deux
communes. D'ailleurs, elle interromprait la com-
munication avec Àscoli et le petit fort, duquel on
a tiré parti dans toutes les guerres, surtout pour
arrêter les excursions des brigands révoltés dans les
Abruzzes. Les commissaires ajoutent aussi que cette
L
LÏV. XVII. — 1810 — CORRESPONDANCE 355
cession mécontenterait infiniment une population
d'environ 2,000 âmes, qui émettent le vœu le plus
prononcé de continuer à faire partie du royaume.
Us assurent en même temps que la cour de Naples
ne peut offrir aucune compensation territoriale pro-
portionnée et convenable, et ne paraît pas d'ailleurs
dans cette intention; et pour le mode de compen-
sation auquel elle paraît disposée, c'est d'accorder
au royaume annuellement une certaine quantité do
sel. Le commissaire italien a cru, dans son rapport,
devoir parler des vexations pour lesquelles la corn*
munication directe d'Ancarno et de Moltignano par
la route dite délia Copa, devenant de jour en jour
plus difficile, depuis que les douanes napolitaines
se sont crues en devoir de pousser leur surveil-
lance jusque sur cette route.
« Votre Majesté remarquera sans doute aussi que
la fin de ce rapport contient quelques observations
sur l'irrégularité des frontières de votre royaume
d'Italie, sur ce même point, avec le royaume de
Naples. Il résulte de ces réflexions que les fron-
tières du royaume d'Italie devraient être reculées •
jusqu'au Salinello, et que presque tous les endroits
compris entre ce fleuve et la limite actuelle n'ont
été détachés du territoire d'Ascoli que par des
usurpations lentes et successives, fruit de la fai-
blesse et de la condescendance du gouvernement
pontifical. »
« Mon fils, je m'occupe d'un grand objet relatif ^Jkîwn *
à la navigation et au commerce. Je vous prie de 6 aoûl i810.
556 MÉMOIRES hV PRINCE EUGÈNE
m'envoyer le tarif des douanes du royaume d'Italie,
tel qu'il est aujourd'hui en activité; je désire désor-
mais qu'aucuii changement n'y soit fait, que par
un décret de moi. Je vous ai fait envoyer un décret
qui prohibe l'entrée des soies d'Italie pour toute
autre destination que Lyon: vous recevrez un décret
que je viens de prendre pour régler les droits d'en*
trée de plusieurs espèces de denrées coloniales. De
quelque manière que ces denrées arrivent, elles
doivent payer les droits, mais bien entendu qu'elles
ne doivent point arriver au détriment du blocus;
vous recevrez également le décret général que j'ai
pris sur la navigation : ces deux décrets sont exécu-
toires pour le royaume d'Italie. Ils sont secrets et
doivent rester dans votre main ; vous ne devez don-
ner d'ordres, en conséquence de ces décrets, que
par des lettres ministérielles. Il est nécessaire que
vous fassiez classer, comme cela se pratique en
France, les bâtiments de la marine italienne. Les
commissaires français de la marine de Venise doi-
vent connaître cette méthode. Vous sentez que,
-puisque je m'occupe de denrées coloniales, je m'oc-
cupe des moyens de les Caire venir ; je vais vous en-
voyer deux espèces de licences pour Venise et An-
cône, Tune est licence ordinaire. Il sera permis aux
bâtiments munis de ces licences d'exporter des blés,
des fromages et autres objets du cru du pays, même
à Malte, en Angleterre, en Sicile, en Turquie et par-
tout; en échange, ils pourront importer des bois de
teinture et les objets nécessaires aux consomma-
tions du royaume d'Italie. Ces licences les mettent à
LIV. XVII. - iSiO — CORRESPONDANCE 357
l'abri des formalités exigées par les lois du blocus ;
ils pourront importer des cotons du Levant, mais il
faudra bien vérifier s'ils sont du Levant et non cotons
coloniaux.
«Je désire que vous m'envoyiez deux Italiens, bien
au faitdu commerce des manufaclures,qui connaissent
bien le genre de production dont le royaume est en-
combré; s'il y a des fromages, des blés plus qu'il ne
faut pour le bien du pays; ce que payent les marchan-
dises à l'entrée et à la sortie; ce qui s'oppose à l'impor-
tation, et quels sont les objets d'importation dont l'Ita-
lie a besoin; si l'on a l'habitude d'importer des cotons
dans le royaume d'Italie. Il faudra que les personnes
que vous m'enverrez apportent avec eux la balance
du commerce depuis plusieurs années et connais*
sent la valeur des objets qu'on jroporte et qu'on ex-
porte. Envoyez-moi l'état des bâtiments entrés dans
Tannée à Venise, à Ancône et dans les autres ports,
avec désignation de leur chargement, et des notes
qui fassent connaître de quelles nations ils étaient ;
mon intention est de prendre des mesures pour que
le commerce soit fait par les nationaux eux-mêmes.
Faites-moi connaître quels sont les prix des indigos,
du café, du sucre, en distinguant les différentes es-
pèces de sucres, des thés, du coton du Levant, du
Brésil et de l'Amérique. Le résultat des mesures que
je veux prendre sera un bénéfice pour le royaume
de 20 à 25 millions qui seront employés tout entiers
au rétablissement de la marine de Venise. »
« Mon fils, j'ai reçu voire lettre du 5 août; j'ai lu l rïïii 11 "
10 août 1810.
.V»8 MÉMOIRES DU PRINCE EUGÈNE
avec attention le rapport des commissaires sur les
deux villages d'Ascoli, dont la cession est demandée
-par le roi de Naples; je trouve que vos réflexions
sont très-justes, et que si, pour rectifier les limites
de Naples, il /fallait céder ces deux communes, cela
donnerait lieu à de graves inconvénients, sans au-
cune compensation; je vais faire répondre sur cette
affaire, par mon chargé d'affaires à Naples; je ne
-fleux pas qu'il y ait de douanes sur ces deux points de
communications et je n'admets aucun changement
dans la frontière d'Àscoli; s'il y avait un change-
ment, ce serait pour donner au royaume d'Italie la
Salinello pour limite. Vous ferez finir les inquiétudes
qu'on paraît avoir à Àscoli et dans ces deux villages,
en y faisant connaître que j'ai pris en considération
leurs intérêts, et qu'ils ne seront jamais réunis au
royaume de Naples. »
Eug. 5Na P . « Sire, Votre Majesté m'a fait l'honneur de me
to août îèio. consulter sur le rapport de M. le comte de Monles-
quiou qui concerne le sieur Nillot.
« Il est très-vrai que j'ai été présent au différend
qui a eu lieu entre l'Impératrice Joséphine et le sieur
Nillot pour l'affaire de, . . .
« Les experts ont été consultés; les livres du sieur
Nillot et d'anciens étals m'ont convaincu que les ré-
clamations de l'Impératrice Joséphine n'étaient point
fondées et que les comptes du sieur Nillot étaient
très-clairs et très-exacts*
« Je certifie donc à Votre Majesté qu'à ma
connaissance ledit individu n'a rien fait qui
LIV. XVII. — 1810 — CORRESPONDANCE 550
puisse le priver de la confiance de Votre Majesté. »
• * •
« Sire, Votre Majesté avait remarqué avec mécon- Eu fo* z ^ p -
tentement, dans son palais royal de Milan, le pas- 13 août 181 °-
sage étroit qui conduit de la salle n° 5 à celle n° 4 de
ses grands appartements, et avait témoigné le désir
que cette disposition fût changée. La guerre et les
autres circonstances qui m'ont depuis longtemps
presque toujours tenu éloigné de Milan ont retardé
l'accomplissement de ce désir de Votre Majesté, mais
ne me l'ont point fait oublier ; et maintenant, dans
l'espoir que votre royaume d'Italie pourra être bien-
tôt honoré de votre présence, je me suis occupé des
moyens de changer ce qui avait semblé vous dé-
plaire.
« J'ai l'honneur d'adresser à Votre Majesté un plan
de son palais et de lui proposer la destruction du
cabinet qui rétrécit en. cet endroit la communica-
tion. Tout ce qui serait à détruire est tracé en jaune
et en augmenterait de tout cet espace la salle n° 3,
qui alors pourrait offrir à Votre Majesté un salon de
réception plus vaste que tous les autres de son grand
appartement. On prendrait alors l'espace pour l'es-
calier et la retraite nécessaires çn cet endroit aux
dépens de la salle du conseil, qu'il serait aisé de pla-
cer partout ailleurs,, et Vôtre Majesté aurait ainsi un
appartement complet de six salons se suivant par-
faitement. Le devis de ces changements s'élève à la
somme de 1 10,000 livres italiennes, et si Votre Ma-
jesté approuve ces dépenses, comme l'espoir delà voir
bientôt à Milan obligerait à commencer sur-le-champ
560 MÉMOIRES DU PRINCE EUGÈNE
les travaux, que ces dépenses ne sont point prévues
par le budget de 1810, je supplierai Votre Majesté
de vouloir bien assigner les fonds nécessaires pour y
subvenir. »
m
En fcL?* p ' « Sire, Votre Majesté me fit l'honneur, lors de
' mon départ de Paris, de me dire qu'elle accorderait
volontiers une indemnité à ceux des officiers de sa
maison d'Italie qui ont fait le voyage de Paris, et
que les dépenses qu'ils ont été obligés de faire ont
pu gêner.
a J'ai l'honneur d'en joindre ici l'état, en priant
Votre Majesté de vouloir bien approuver que les fonds
en soient pris sur les fonds restant libres de 1809,
du trésor de sa couronne. »
Ë&i-oSSi, « Mon fils, je vois qu'il y a à Àncône onze bâti-
u août i8io. ments ( j u Levant, Envoyez à Àldini les pièces et pa-
piers de ces bâtiments, afin qu'après en avoir pris
connaissance je puisse décider s'ils sont sujets ou
non à être confisqués. Il faut envoyer les papiers de
bord, et ceux qui font connaître l'endroit d'où vient
ïe bâtiment, celui où il a été chargé, et celui où il
s'est fait assurer. »
Eu fioî£? p ' c< Sire, j'ai reçu avant-hier la lettre de Votre Ma-
14 août 1810, jesté du 6 courant. J'ai attendu pour y répondre de
pouvoir satisfaire à une partie des demandes qu'elle
contenait.
« Aussitôt .que j'aurai reçu les décrets que Votre
Majesté veut bien m'annoncer, l'un sur la naviga-
LIV. XVII. - 1810 — CORRESPONDANCE 861
tion et l'autre sur les droits d'entrée que doivent
payer les denrées coloniales, j'attendrai en même
temps les licences de deux espèces qu'elle m'a fait
l'honneur de m'annoncer. J'ai ordonné provisoire-
ment au ministre de la marine de s'occuper sans dé-
lai de la classification des bâtiments de la marine
italienne, en suivant à cet égard la méthode qui se
pratique en France.
« J'adresse ci-joint à Votre Majesté le tarif général
des douanes du royaume d'Italie. J'ai eu soin de
faire porter en marge les modifications survenues
depuis la mise en activité de ce tarif. Je joins éga-
lement les prix courants de la place de Milan, mais,
comme les mesures ne sont pas les mêmes qu'en
France, j'ordonne au ministre de l'intérieur de me
présenter un tableau des prix de Milan, Ancône et
Venise, en les réduisant au poids de marc et à la
livre italienne. Je vais mettre en route sous peu de
jours les deux Italiens que Votre Majesté m'a de-
mandés, bien au fait des productions du royaume,
de son commerce cl de tous les règlements de
douanes. Ils seront porteurs de tous les rensei-
gnements que Votre Majesté pourra désirer à cet
égard.
« Par le courrier de demain, Votre Majesté rece-
vra un état des bâtiments entrés cette année dans les
différents ports du royaume, ainsi qu'elle a bien
voulu me le demander.
« Enfin il ne me reste plus qu'à entretenir Votre
Majesté du dernier décret qu'il lui a plu de prendre
sur la sortie des soies de son royaume d^lalic.
362
MEMOIRES DU PRINCK EUGÈNE
« Déjà, avant d'avoir reçu le décret, le besoin des
manufactures du royaume joint au besoin de re-
monter les revenus du trésor, m'avaient porté, après
avoir discuté l'affaire au conseil des ministres, à
augmenter de beaucoup les droits de sortie des
soies. «Ty étais d'autant plus porté, que le ministre
Marescalchi m'envoyait la copie d'une lettre du mi-
nistre dç l'intérieur de l'empire, qui au nom dé
Votre Majesté réclamait qu'il fût pris des mesures à
cet égard.
« Le tableau ci-après fera connaître à Votre Ma-
jesté l'augmentation que nous avons cru nécessaire
d'imposer aux droits d'exportation, et je la prie de
vouloir bien la sanctionner de son approbation.
• •
INDICATION DES ARTICLES
D»01T D*KSFOBTAT10S
DU TARIF.
!
DROIT D'e&PORTTATIOK I
FUR PAR .DÉCHET
Dr VICE-ROI,
DU 2 AOUT 1810.
l'OtD* M MILAN.
Soies grises pour chaque livre. .
r, c
» 77
j» 29
» 20
» " 2
F. C.
2 »
. » 60
» 30
» 5
« Je dois pourtant observer à Votre Majesté que
l'exécution de l'article de son décret qui ne veut point
que cette augmentation de tarif ait lieu du côté de
la France va occasionner une perte bien grande et un
mécontentement général dans son royaume d'Italie.
Le prix de 48 millions de soies qui s'exportaient de
L1V. XVII. — 1810 — CORRESPONDANCE 5d5
votre royaume d'Italie, Sire, sera donc fixé par le
commerce de Lyon et à fca merci, car Votre Majesté,
en ôtant la concurrence au commerce des autres
pays v fait, il est vrai, un avantage au commerce
français, mais elle consomme en même temps la
ruine totale de ce genre d'industrie, seule ressource
qui pourrait, soutenir la passivité qu'éprouve le
royaume d'Italie de tous les autres côtés. J'ose dire
plys : Votre Majesté a dicté un traité de commerce
avantageux à la France et nuisible au royaume d'I-
talie. Ce serait une injustice pour vos sujets italiens
que d'aller au delà de ce même traité. Je prie donc
en grâce Votre Majesté de vouloir bien permettre;
au moins, que les soies portées dans ce tarira 2 francs
par quintal, pour la sortie sur tous les pays étran-
gers, soient réduites à \ franc 50 centimes pour la sor-
tie du côté de l'empire français. Je ne puis pas croire
que Votre Majesté ne veuille pas se rendre à la jus-
tice de cette cause, et je la prie cependant de croire
qu'en attendant sa décision, son décret a été sur-le-
champ exécuté. »
« Sire, j'ai l'honneur d'adresser à Votre Majesté Eug.iNao.
un rapport du sénateur comte Testi, relativement aux
opérations des commissaires de Votre Majesté char-
gés de la fixation des nouvelles limites des posses-
sions de Votre Majesté dans le Tyrol. Votre Majesté
sait déjà que tous les arrangements sont convenus
et que Ton est occupé depuis longtemps à placer les
bornes. Un seul objet, pour ainsi dire étranger au
Tyrol même, est encore un motif de discussion entre
564 MÉMOIRES DU PRINCE BUGÈRK
tes commissaires de Voire Majesté et ceux du roi de
Bavière. C'est le district de Windischnaterg el de
Rasferenger. Les commissaires italiens prétendent
que ce petit pays qui faisait partie du Salzbourgeois,
mais qui était enclavé dans la partie du Tyrol réunie
aux provinces Illyriennes, sans que sa population
même soit comptée dans celle
du décret du 28 février de Votre Majesté dans le Ty-
rol. Les commissaires bavarois soutiennent le con-
traire. Il y a tout lieu de croire que la convenance
locale est ^ seule ce qui a entraîné les commissaires
italiens à cette discussion, d'autant plus qu'il n'au-
rait pas été possible d'offrir dans le reste du Tyrol
réuni au royaume là. moindre compensation conve-
nable pour ce petit territoire. Mais je ne puis m'em-
pécher, en rappelant l'attention de Votre Majesté vers
Je Tyrol , de lui observer que la seule limite mili-
taire 5 établir entre les possessions de Votre Majesté
vers ce côté et celles de la Bavière est la limite
tracée par la nature même sur le sommet des mon-
tagnes où se séparent les eaux de la mer Noire et
celles de l'Adriatique. Alors une borne placée sur la
grande route suffirait pour déterminer les limites
des deux puissances. Votre Majesté trouvera sur la
carte ci-jointe les limites frontières tracées, et une
note sur la population h réunir. Votre Majesté sen-
tira bien que je ne proposerai la réunion de cette
nouvelle portion du Tyrol qu'autant qu'elle voudra
bien donner à la Bavière des compensations con-
venables. »
LIV. XVIf. — 1810 - CORRESPONDANCE 565
« Sire, je m'empresse d'avoir l'honneur d 9 adres- *%££**'
ser à Yotre Majesté l'état sommaire du nombre et i7 90ùl i8t0 "
de l'espèce de bâtiments de différents pavillons qui
sont entrés dans les ports du royaume depuis le
i "janvier 1810 jusqu'au 1 er juillelde la mômeannée. •
J'y ai fait joindre; la désignation des marchandises
dont ils étaient chargés et la valeur approximative
des chargements. Je prie cependant Votre Majesté
d'observer que ce sont les premiers états de cette
façon que l'on exige, et qu'il y a tout lieu de croire
qu'il y aura eu des doubles emplois, c'est-à-dire qu'un
bâtiment parti de Trieste pour An cône aura été porté
dans plusieurs ports où il aura pu être forcé de sé-
journer. »
■ «Sire, Votre Majesté m'a fait l'honneur de me eumn« p .
, , ••il Mon»,
renvoyer des notes de son ministre de la manne et *" «<> ûl mo.
des colonies sur ce que ladite marine impériale
peut devoir à la marine italienne pour 1810. Elle
m'a ordonné de lui faire connaître si ces calculs
étaient exacts. J'ai fait faire le même travail dans les
bureaux du ministre du royaume, et il ne s'est
trouve de différence que 14,000 francs en moins.
En conséquence, je prie Votre Majesté de vouloir
bien cette dépense. ,
« Je profite de cette circonstance pour adresser de
nouveau à Votre Majesté l'état du crédit de la ma-
rine italienne envers la marine française. Votre
Majesté verra sans doute avec surprise que sur les
exercices antérieurs à 1810 et le 1 er semestre de
l'année courante le trésor italien est en avance de
360 MÉMOIRES DU PRINCE EUGENE
i, 700,000 fr. C'est ce retard continuel que nous
éprouvons clans les remboursements, qui nous em-
pêche, Sire, et de mettre toute l'activité qui serait
nécessaire et toute l'exactitude que nous désirerions,
et qui est si nécessaire pour être bien servis.
« Je prie Votre Majesté de vouloir bien renouve-
ler ses ordres à cet égard, et faire les fonds néces-
saires à son ministre de la marine de l'Empire. »
Eu Mniw ap ' « Sire, j'ai l'honneur d'adresser à Votre Majesté
i9 août i io. un rfl pp 0r i j e son ministre de la guerre du royaume,
contenant quelques réflexions de l'ingénieur chargé
des travaux du port d'Ancône, sur les derniers
ordres de Votre Majesté.
a L'ingénieur pense que la jetée d'Ouest aura des
' avantages bien supérieurs en la faisant avec ris-
berme. Il assure également que cette jetée de
l'ouest de 150 toises ne suffira pas pour mettre à
l'abri des gros vents d'ouest et à l'abri des brûlots
les vaisseaux et frégates que Votre Majesté aurait
dans ce port, car le mouillage de ces vaisseaux est
le long du môle. Il propose une seconde jetée, et
comme il plaira sans doute à Votre Majesté de con-
sulter sur ces idées les sieurs Ganzin et Prony, ayant
sous les yeux les premiers profils et travaux, je la
prie seulement de vouloir bien se borner pour
l'instant à me dire si elle permet que la jetée de
l'ouest soit faite avec risberme. En attendant la
réponse de Votre Majesté que je sollicite, j'ordonne
qu'on ne perde pas de temps à rassembler les ma-
tières. »
LIV. XVII. - ifijo — «URUESPOÎWÀNCE SÔT,
«Sire, j'ai l'honneur de rendre compte à Votre Eu 5ônM* p *
Majesté que, suivant ses ordres, je prends la liberté l9aoûll81 °-
d'envoyer près d'elle les sénateurs Lamberlinghi et
Bologno, tous deux parfaitement au fait du com-
merce de son royaume avec les autres pays, con-
naissant également ses productions, le genre dea
objets dont l'importation lui est. nécessaire, et
versés dans le système des douanes. Je leur ai or-
donné de prendre dans les ministères de l'intérieur
et des finances tous les états et renseignements qui
pourraient aider leur mission.
« J'ai r honneur d'observer à Votre Majesté que
j'ai cru devoir adjoindre à ces deux sénateurs deux
négociants, un de Milan et l'autre de Venise, afin do
tes aider et de les fortifier dans les différentes de-
mandes que Votre Majesté pourrait leur adresser et
qui pourraient être des localités. Ces deux négo-
ciants seront prêts à être présentés à Votre Ma-
jesté, si elle jugeait devoir leur faire cet honneur.
J*ai lieu d'espérer que cette dépulation remplira le
but que Votre Majesté s'est proposé en l'appelant
auprès d'elle. »
« Mon fils, je mets 50,000 francs à votre dispo- ^i-^Si,
sition sur le trésor de la couronne; vous les dislri- B août i810,
buerez entre les dames qui ont fait le dernier voyage
de Paris. Quant aux hommes, je trouve qu'il serait
abusif de leur donner quelque chose. »
« Mon fils, je reçois votre lettre du 14 août. Les Nap. àEug.
. i,r i- ii Sainl-Cloud,
soies du royaume d Italie vont toutes en Angleterre » août isio.
568 MÉMOIRES DU MINCE EUGÈNE
puisqu'on ne fabrique pas les soies en Allemagne.
Il est donc (oui simple que je veuille les détourner
de celle roule au profil de mes manufactures de
France, sans cela mes fabriques de soies, qui sont
une principale ressource du commerce de France,
éprouveraient des pertes considérables; je ne sau-
rais approuver les observations que vous faites.
Mon principe est la France avant tout. Vous ne devez
jamais perdre de vue que, si le commerce anglais
triomphe sur mer, c'est parce que les Anglais y sont
les plus forts; il est donc convenable, puisque I<t
France est la plus forte sur terre, qu'elle y fasse
aussi triompher son commerce, sans quoi, tout est
perdu. Ne vaut-il pas mieux pour l'Italie de venir air
secours de la France dans une circonstance impor-
tante comme celle-ci, que de se voir couverte de
douanes, car ce serait mal voir que de ne pas recon-
naître que l'Italie n'est indépendante que par la
France; que cette indépendance est le prix de son»
sang, de ses victoires, et que l'Italie ne doit pas en
abuser; qu'il serait surtout fort déraisonnable d'aller
calculer si la France obtient ou non quelques avan-
tages commerciaux. Le Piémont et le Parmesan ont
aussi de la soie. J'en ai cependant défendu de
même l'exportation pour toute autre destination que
la France. Quelle différence doit-il y avoir entre le
royaume d'Italie et le Piémont? S'il devait y en
avoir, ce serait en faveur du Piémont. Les Vénitiens
ont combattu la France, les Piémontais l'ont aidée;
ils étaient parvenus à former un parti contre leur
roi ; mais laissons tous ces faits. J'entends mieux
LIV. XVII. — t»lO — CORRESPONDANCE 569
que personne la politique de l'Italie. Il faut que
l'Itqlie ne fasse pas de calculs séparés de la prospé-
rité de la France; elle doit confondre ses intérêts
dans les siens; il faut surtout qu'elle se garde bien
de donner à la France un intérêt à la réunion ; car
si la France y avait intérêt, qui pourrait l'empê-
cher? Prenez donc aussi pour devise : La France
avant tout. Si je perdais une grande bataille, un
million, deux millions d'hommes de ma vieille
France accourraient sous mes drapeaux; toutes les
bourses m'y seraient ouvertes, et mon royaume d'I-
talie lâcherait pied ; je trouve donc singulier qu'on
ait quelque répugnance à venir au secours des ma-
nufactures françaises, dans une mesure qui a aussi
pour but de faire tort aux Anglais. Il y a beaucoup de
soie dans les trois Légations, il y en a bcauconp dans
le Novarais; par quels faits le royaume d'Italie a-t-il
mérité ces accroissements de 700,000 et de
400,000 âmes? et comment ces réunions peuvent-
elfes tourner contre mes intentions? Au lieu de la
moitié du droit, les marchandises françaises ne
devraient rien payer à leur entrée en Italie. J'ai
chargé Àldini de prendre tous les renseignements
relatifs à l'acte de commerce et à la qualification
des bâtiments maritimes; je l'ai aussi chargé de me
faire un prompt rapport sur ce qui est relatif aux
licences. »
« Mon fils, je reçois votre lettre du 20; vous avez fu P . àEug.
eu tort de prendre votre décision du 26 juillet, qui «îUusîo!
libère les bâtiments ottomans. Le ministre des fl-
vi. 24
570 MÉM01RE8 DU PRINCE EUGÈNE
nances ne vous disait pas que vous y étiez autorisé,
il vous faisait connaître les renseignements qu'il
fallait prendre. Mais ces renseignements ne se com-
posent pas des seules déclarations des individus. Je
me suis réservé exclusivement la connaissance de
cette affaire. Aucun bâtiment ottoman ne peut être
libéré sans un décret de moi ; il faut que les douanes
d'Italie soient mises sur le pied de celles de France,
sans cela, je ne vous cache pas que je réunirai
le royaume d'Italie. La seule considération des
douanes m'a obligé à réunir la Hollande. Si donc
mes vœux n'étaient pas remplis, je n'aurais d'autre
moyen que de couvrir l'Italie de mes douanes. Par
exemple, l'Italie est inondée de marchandises
suisses : les toiles peintes et les cotonnades viennent
toutes de Suisse, tandis que la France est encom-
brée de ces étoffes. Mon intention est que les toiles
peintes, etc., d'Allemagne ni de Suisse, ne soient
point admises en Italie, et ne puissent venir que de
France. Faites-moi un rapport là-dessus. »
Fami^toud, «Mon (ils, le 1 7 août, on ne connaissait pas
«6 août 1810. * à * , j * • • • i j
encore a An cône votre décision qui ordonne de res-
saisir les bâtiments ottomans, et de les remettre
sous le séquestre, laquelle décision vous me dites
avoir expédié; le 2 août d'autres bâtiments ottomans
étaient arrivés. Que tous restent sous le séquestre;
je me réserve seul le droit de statuer sur leur libé-
ration par la connaissance que j'aurai de leurs
papiers. »
L1V. XVII. — 1810 - CORRESPONDANCE 37!
«Le Prince Vice-Roi a l'honneur de rendre jj£i «lo
compte à Sa Majesté qu'hier soir, un peu avant la talp^t»
nuit, on a signalé une frégate et une corvette an- à pSIT
glaises en face des bouches de la Pi ave, où elles ont
été jointes par un corsaire sicilien.
« Ce malin la frégate était dans la même position
et le corsaire à 25 milles au large.
c< Les trois frégates françaises et italiennes et
deux bricks italiens seront prêts dans dix jours à se
rendre à leur destination. »
»
« Sire, j'ai l'honneur d'adresser à Votre Majesté ^J^f*
un rapport sur Pal m a-No va. J'ai parcouru la Piave * i0ûl 18i0 -
avec attention, et j'ai trouvé les travaux en grande
activité. Cent tailleurs de pierres et cinq cents
terrassiers viennent d'être pris en augmentation, et
malgré tout cela je crains bien qu'on ne puisse pas
dépenser dans cette année tous les fonds qu'elle a
accordés. Mais, d'après les mesures qui sont prises,
l'hiver sera avantageusement employé à la prépara-
tion d'une grande quantité de matériaux qui ser-
viront et à consommer les fonds de 1811 et ceux
qui pourraient rester de 1810.
« J'ai mis en marge dans mon rapport, pour
plus de clarté, l'ordre de travaux arrêté par Votre
Majesté. »
« Sire, Votre Majesté ayant daigné nommer séna- Euc.àNtp.
teur et son chambellan le capitaine Martinengo, qui 31 ^ùuW
commandait la compagnie des gardes d'honneur de
Brescia , le commandement de celte compagnie se
trouve vacant.
572 MÉMOIRES DU PRINCE EUGÈNE
« J'ai l'honneur de présenter à Votre Majesté pour
remplir celte place H. Dricci, major du régiment
de chasseurs royal-italien. Ce militaire est de Bres-
cta, il est bien né, il a de la fortune, une bonne
conduite morale et militaire, il a fait plusieurs cam-
pagnes dans les différents grades par lesquels il a
passé, entre autres celle de Prusse de 1807 el celle
d'Allemagne en 1809. Tout me porte à croire qu'il
est digne des bontés de Votre Majesté. J'ai l'hon-
neur de soumettre à Votre Majesté le projet de dé-
cret de nomination. »
sïmt-u^d, « Mon fils , aussitôt qu'on a connu à Gênes mon
oi août îMo. <j era i er kpjf sur i es denrées coloniales, les négociants
de ce pays ont envoyé toutes leurs marchandises en
Italie. Mais si tous avez mis à exécution mon décret
quand vous l'avez reçu , vous leur aurez fait payer
les mêmes droits dans mon royaume d'Italie. Ainsi
il n'y aura eu à cela aucun mal ; on dit que la récolte
en Italie est mauvaise, veillez à ce qu'on n'exporte
pas trop de blé , et à ce qu'on ne nous mette pas
dans l'embarras. »
E "f JbJ p " « Sire, j'ai l'honneur de rendre compte à Votre
« septembre Majesté que depuis mon arrivée à Venise j'ai déjà
inspecté et les travaux de fortifications et ceux de la
marine ordonnes par Votre Majesté.
ForMca- « {° j' a i été satisfait de Malghera. Les mouve-
menls de terre sont très-avancés et on va s'occuper
des moyens à prendre pour fonder la caserne défen-
LIV. XVII. — 1810 - CORItESPONDÀNCE 373
sive. On va faire également la lunette de droite, qui
doit retenir leurs eaux pour l'inondation de toute la
partie droite du port.
a Le fort de Brondolo est très-peu avancé; un seul
des quatre fronts sera terminé cette année. L'année
prochaine on en fera deux autres, et il ne restera
pour Tannée 1812 que la gorge et les établissements
de l'intérieur. Les travaux de la Ganavella qui lie le
système de Venise avec l'Àdige sont fort avancés, et
les mouvements de terre seront presque totalement
achevés cette année. Quant au fort de Saint-Érasme,
le général Ghasseloup tient toujours à occuper l'île
entière au lieu de se contenter d'améliorer la tête
de pont actuelle du lazaret, comme il avait été
proposé à Votre Majesté. Le général Chasseloup doit
faire incessamment un rapport sur cette partie.
« Quoiqu'il y ait beaucoup d'activité dans l'arsenal d6 JS
de Venise et dans les travaux hydrauliques, je n'ai
pourtant pas eu lieu d'être satisfait des résultats.
D'abord les bois courbes et ceux nécessaires aux
quilles des nouveaux vaisseaux n'existent point en-
core dans l'arsenal de Venise. On les attend de l'Is-
trie ainsi que les bois de bordage pour avancer
fortement les vaisseaux actuellement sur le chantier.
Je me suis fait rendre compte des raisons qui pou-
vaient causer une telle disette de bois, et les voici :
« 1° La guerre dernière, qui a interrompu
grande partie des équipages ;
« 2* Les croisières ennemies, qui nous ont pi
une
574 MÉMOIRES DU PRINCE EUGÈNE
brûlé Tannée dernière et cette année vingUfeux à
vingt-cinq barques chargées de très-beaux bois;
« 3° Une assez grande quantité de bois arrivé en
Istrie au point de débarquement et brûlé sur les
lieux mêmes par les Anglais, la côte d'Istrie étant
restée quinze mois sans défense;
« 4* Enfin le d en û ment de fonds dans lequel se
trouve en ce moment la marine royale.
« Voici à peu près les comptes de la marine.
« Elle est créancière de la marine française de
1,700,000 francs. Elle aurait déjà suspendu ses
travaux, si le ministre n'était venu à son secours en
prenant sur les autres services pour lui avancer
7 à 800,000 francs.
« Votre Majesté voit, par ce court exposé, com-
bien il est urgent que la marine française rembourse
à la marine italienne toutes ses avances, car elle
est arrivée au point où il n'est plus possible d'en
faire.
« N'ayant pourtant point oublié les ordres de
Votre Majesté pour les nouveaux vaisseaux à con-
struire, on s'occupe de leur exécution, et, quoique
quelques pièces principales manquent, le décret qui
fixe la quantité des 24" pour cette année n'en sera
pas moins exécuté, parce qu'on va travailler sur
d'autres bois qui existent dans l'arsenal. Ainsi, quoi-
que le vaisseau ne soit pas réellement sur le chan-
tier, on n'en préparera pas moins plusieurs de ses
pièces.
« J'ai l'honneur de rendre compte à Votre Ma-
jesté que le vaisseau le Rivoli sera lancé demain. II
LIV. XVII. — 1810 — CORRESPONDANCE $75
n'était pas possible de retarder cette opération :
1° à cause des pleines eaux qui existent en ce mo-
ment et qui sont nécessaires ; 2° à eause d'un double
travail du creusement de la darse, lequel creuse-
ment vient d'être fait, et il aurait fallu le refaire
encore dans une couple de mois, puisque les coups de
vent de l'équinoxe amènent toujours des sables et
des encombrements; 3° enfin pour économiser une
avant-cale qu'il faudra faire de moins, puisque cette
même avant-cale servira pour un des vaisseaux qu'on
va construire, et que chaque avant-cale est un objet
de 150,000 francs.
« On va faire deux avant-cales cette année, l'une
pour le vaisseau français le Mont* Saint-Bernard f
l'autre pour le vaisseau italien le Régénérateur, de
manière que ces deux vaisseaux peuvent être lancés
Tété prochain, si Votre Majesté l'ordonne, surtout
si les opérations qu'il y aura à faire pour la mise à
l'eau et la sortie du Rivoli réussissent,
« Les travaux hydrauliques avancent, mais pas
comme les projets de MM. Proni et Sganzin l'a-
vaient annoncé. La nouvelle passe de l'arsenal, qui
avait été supposée ne devoir coûter que 100,000
francs, en coûtera 264,000, et sera finie cette an-
née. Les machines à creuser, qui devraient enlever
douze toises cubes de boue par jour, ont trouvé à une
certaine profondeur une dureté de terrain qui n'a-
vait point été prévue. Par exemple, malgré toute
l'activité possible, quatre de ces machines qui tra-
vaillent en face de la sortie de l'arsenal n'enlèvent
chacune que quatre à cinq toises cubes : les six qui
376 MÉMOIRES DU PRINCE EUGÈNE
travaillent à Saint-Clément et à Santo-Spirito en-
lèvent de dix à douze chacune , et les trois que Ton
finit en ce moment à l'arsenal, et qui seront à la fin
de ce mois en activité aux Àlberoni, n'enlèveront que
quatre à cinq chacune, d'après les expériences faites
sur ce point.
« Ces difficultés imprévues avaient donc déjà fait
remettre par les ingénieurs au mois de juin pro-
chain la sortie du vaisseau le Rivoli, mais par les
nouveaux efforts que Ton va faire et le zèle que cha-
cun y mettra, je crois que Votre Majesté peut comp-
ter, pour la sortie de ce vaisseau, sur l'époque du
mois de mars, ce qui ne retardera que de deux mois
l'époque primitivement fixée. L'artillerie et les af-
fûts du vaisseau le Rivoli sont prêts, le goudron et
les ancres sont dans l'arsenal. La plus grande par-
tie du doublage existe en magasin; les mais seront
prêts. Il ne reste plus que le gréement, qui est un
objet assez considérable, pour lequel il n'existait
rien dans l'arsenal. Le fournisseur de chanvre ne
voulait plus rien fournir à cause des sommes qu'on
lui doit. J'ai pu parvenir hier à faire un nouveau
marché pour 200,000 francs. Mais, je le répèle à
Votre Majesté, il est bien urgent qu'elle. . . .
« Je n'ai pas encore reçu un mot du ministre de la
marine à cet égard. Je tiendrai Votre Majesté exacte-
ment informée de l'état des travaux de chaque mois,
et je la prie de ne pas douter de tout le zèle que j'y
mettrai et que j'y ferai mettre à toutes les personnes
qui en sont chargées. »
LIV. XVII. — 1810 — CORRESPONDANCE 377
a Mon fils, je reçois votre lettre du 28. août ; une aïSSt-tSSSà.
polacre ottomane est ai rivée à Ancône; retenez-la et 4 M j k 8 l ^| bra
ne la laissez point partir. Envoyez-moi l'interroga-
toire, les papiers de bord, les renseignements qui
me fassent connaître si elle a été assurée, ses certi-
ficats d'origine. Transmettez-les à Àldini, je les ferai
examiner au conseil de commerce; vous n'avez pas
en Italie les moyens de juger ces affaires ; nous les
avons ici, par l'espionnage dans le Levant. Je suis
toujours fâché que vous ayez laissé partir les bâti-
ments ottomans; une partie de ces bâtiments ve-
nait de Malte. »
«Sire, Votre Majesté m'a fait l'honneur de me &^n«p-
renvoyer le 22 du mois dernier un rapport du 4 ■{Bf* 1 *
comte de Gessac, relatif à l'hôpital militaire de
San Benedetlo, et elle a daigné me demander mon
opinion sur cet objet. Le ministre de Votre Majesté
lui propose de faire supporter au gouvernement
italien la moitié des dépenses faites pour construc-
tions et réparations à cet hôpital, et je crois devoir
saisir cette occasion de faire connaître à Votre
Majesté mon opinion générale sur les hôpitaux
militaires en Italie.
« J'ai été longtemps en correspondance avec le
comte de Cessac, et, à cet égard, il aurait voulu que
le gouvernement italien se chargeât définitivement
de tous les hôpitaux militaires dans le royaume, et
celte mesure m'a toujours paru ne pouvoir entrer
dans les intentions de Votre Majesté, car l'acquisi-
tion de tout le matériel de ces hôpitaux, qui appar-
m MÉMOIRES DU PRINCE EUGÈNE
tient à la France, serait une dépense Irès-considé-
rable pour le trésor italien, même quand les
payements ne se feraient qu'en différents termes,
et d'ailleurs cela nécessiterait une grande augmen-
tation dans le personnel de l'administration de la
guerre du royaume. Votre Majesté ne veut point
sans doute que ce personnel soit porté au delà de ce
qu'exige le personnel même de son armée italienne.
Voici, d'après l'état actuel de cette armée, ce que
j'avais cru convenable.
« Jusqu'à présent, le royaume n'a eu que deux
hôpitaux militaires, ceux de Milan et de Venise, et
afin de mettre à la charge du trésor d'Italie tout ce
qu'il pouvait supporter de dépenses pour cette
partie, j'ai proposé à M. le comte de Gessac d'en
établir encore deux autres de même grandeur,
l'un à Manloue, l'autre à Àncônc. Ces quatre hôpi-
taux, d'environ 800 lits chacun, suffiraient pour
les besoins de l'armée italienne, et je crois que ce
sont les seuls dont l'entretien et l'administration
doivent appartenir au royaume. Quant au service de
l'armée française, il est bien entendu que l'on con-
tinuerait à admettre, comme on l'a fait jusqu'à
présent, les malades dans les hôpitaux civils et mi-
litaires du royaume, et du reste les garnisons fran-
çaises étant fixées dans les endroits les plus sains, il
serait suffisant que l'administration française eût
quatre hôpitaux, quf seraient placés à Bologne,
Brescia, Vicence et Udine.
« Si Votre Majesté daigne approuver ces idées, je
la supplie de donner les ordres nécessaires pour
LIV. XVII. — tsio — CORRESPONDANCE 579
r
leur exécution, el d'après l'opinion générale que
j'ai l'honneur de lui soumettre en ce moment, elle
verra aisément que, suivant mon avis, l'hôpital San
Benedello ne doit point regarder le royaume d'Ita-
lie. »
« Mon Gis, je reçois votre lellre du 30 août, et je fiv- *j?«g ;
lis avec grand intérêt les détails que vous me donnez 6 ••fjîo 1,rc
sur Palma-Nova. Yous savez l'importance que j'at-
tache à finir cette place, mais sans pour cela faire de
dépenses inutiles. Recommandez bien que la ma-
çonnerie soit bonne. Je n'approuve pas ce que vous
me dites qu'on ne plante pas d'arbres, qu'on n'en
plantera que l'année prochaine; je désire, au con-
traire, que dans le courant de novembre prochain
vous fassiez employer les 60,000 francs que j'ai
accordés pour des plantations d'arbres; faites-en
planter de tous côtés autour de la place d'armes,
sur les remparts, môme hors de la ville, pourvu que
ce soit à la distance de 200 ou 300 toises, on aura
alors le temps de les couper. Le bois est si néces-
saire pour l'approvisionnement des places, que j'at-
tache la plus grande importance aux plantations.
Prenez des mesures pour qu'à Mantoue on plante
aussi 200,000 à 300,000 pieds d'arbres, au plus
tard dans le courant de novembre. Faites-en mettre
dans les marais, dans les camps retranchés du T,
tout cela doit être couvert d'arbres. »
«Mon fils, l'Italie est menacée d'une grande R«MEug.
° Saint -Cloud,
pénurie de blé, tant le Piémont et Gênes que la 9 "j^ 1 ™
380 MÉMOIRES DU PRINCE EUGÈNE
Toscane; j'ai déjà défendu l'exportation des grains
dans ces provinces. Prenez les mesures efficaces
pour en empêcher la sortie, soit par la frontière du
Tyrol, «oit par la mer. »
El 3©w£ p ' « Sire, j'ai l'honneur d'adresser à Votre Majesté
10 "ïfâh deux lettres en original de l'archevêque de Viterhe,
actuellement nonce à Vienne. Il prescrit à son
vicaire de prêter et de faire prêter à ses curés le
serment indiqué par le pape, et il désapprouve la
conduite des chanoines qui y ont substitué une
autre formule. »
sïni *ckSfd a ^ on ^' s ' i' a * ^fi ^ es ra PP orts de Corfou
11 s îSîo lbl * 9 u,une partie des 5,000 quintaux de blé et des
80,000 rations de biscuits étaient arrivés; faites-
moi connaître ce que vous savez là-dessus. »
î^iwîeïïFre a ^* Te > ^ olre Majesté m'a ordonné de lui faire un
** i0 - rapport sur l'introduction qui a eu lieu dans son
royaume d'Italie des colonnades, des toiles peintes
de Suisse et d'Allemagne, Je me suis empressé de
prendre tous les renseignements nécessaires pour
me mettre à même de remplir les ordres de Votre
Majesté à cet égard, et j'ai l'honneur de lui sou-
mettre en même temps un projet de décret sur cet
objet, avec toutes les réflexions qui m'ont paru
devoir le motiver. Je puis assurer à Votre Majesté
que ce rapport est basé sur des faits et sur des vé-
rités reconnues, et je la supplie en conséquence
de vouloir bien lui accorder l'attention que réclame
LIV. XVII. - 1810 - CORRESPONDANCE 381
l'exactitude de son exposé. Je commencerai par rap-
peler à Votre Majesté les lois et les décrets relatifs à
cet objet qui existent actuellement dans le royaume.
I 9 L'introduction dans le royaume des velours de
coton, des draps et étoffes de laine, de coton et de
poil, ou mélangés de ces différentes matières, de
toutes sortes de piqués, de basins, de nankins et de
mousselines, de rubans, de voiles et crêpes, et de
toutes les marchandises de coton manufacturés, soit
en toiles blanches, soit en toiles colorées, provenant
de tout autre pays que de la France est prohibée
depuis plusieurs années. (Décrets de Votre Majesté
du 10 juin 1806, art. 11, et du 28 décembre 1807.)
2° Il y a une exception pour les rubans de 111 de
coton et de laine, et pour les toiles de coton teintes
ou peintes, provenant des fabriques du grand-duché
de Berg. (Décret de Votre Majesté du 12 jan-
vier 1807.)
3° Il y a une autre exception pour les marchan-
dises provenant des fabriques du royaume de
Bavière, en vertu de l'article 18 du traité de com-
merce du 2 janvier 1808, approuvé par Sa Ma*
jesté, le 1 7 juillet de la même année. Les troubles de
1809 ont empêché l'exécution de ce traité, et la
Bavière demande actuellement qu'il soit exécuté.
« 4° Les bas et bonnets de coton et de laine, les
toiles teintes et peintes provenant de la Suisse et de
l'Allemagne sont admises pourvu qu'elles soient
accompagnées de certiGcats de fabrique. (Décret cité
ci-dessus du 10 juin 1806, art. 3.)
« Votre Majesté voit d'après cet exposé, que
382 MÉMOIRES DO PRINCE EUGÈNE
parmi les marchandises dont il est question, les
unes (celles portées au n° i) sont prohibées, sauf
les exceptions en faveur du grand-duché de Bcrg et
de la Bavière, et les autres (celles relatées au n* 4)
sont permises.
« Malgré la plus grande vigilance prouvée par un
grand nombre de saisies et de procès importants,
une quantité considérable de marchandises de la
première espèce a pénétré dans le royaume, en
partie par contrebande, et en partie par la fraude
des fabricants français. La contrebande se faisait :
i° par le Tyrol, en débouchant dans les départe-
ments des anciens États vénitiens; 2° par le canton
suisse du Tésin, avec les départements du Laris, du
Serio, de l'Olona et de PAgogna ; 3* par le moyen
du transit. La réunion du Tyrol italien au royaume
rendra plus difficile la contrebande vers celte partie;
mais celle qui a lieu par le canton du Tésin ne
pourra s'éviter à cause de la nature des frontières
de ce côté. On peut regarder comme cessée la con-
trebande par le transit, depuis que la Toscane et les
États romains d'un côté, et Triesle et les provinces
illyriennes de l'autre, sont sous le régime fran-
çais.
ce Mais la fraude des fabricants français rendra
inutiles toutes les précautions. H est de toute noto-
riété que les fabricants français prêtent leur nom et
procurent dès certificats de fabrique aux marchan-
dises suisses, qui de là passent comme françaises
dans le royaume, et y jouissent de plus de la dimi-
nution de moitié du prix d'entrée accordé aux mar-
LIV. XVII. — 1810 — CORRESPONDANCE 385
chandises françaises par le traité de commerce.
ce Un fait important, et qu'il est juste de faire
connaître à Votre Majesté, c'est que les marchan-
dises de coton et de laine, surtout celles des qualités
communes de Suisse et d'Allemagne, coûtent infini-
ment moins que les marchandises françaises de la
même qualité.
« De là la contrebande, malgré le prix d'assu-
rance à un intérêt évident, et le consommateur (sur-
tout la basse classe du peuple) y trouve un avantage
sensible dans la différence du prix.
« J'ajouterai encore un fait de la plus grande
importance pour le royaume de Votre Majesté : c'est
que les cotons filés et les toiles écrues de fil de
coton de Suisse ne peuvent être prohibés sans voir
ruiner et se fermer toutes les manufactures de mar-
chandises de coton du royaume, qui donnent du
travail et des moyens de subsistance à un grand
nombre d'ouvriers. Enfin, Votre Majesté ne voudra
sans doute pas perdre de vue la situation de Bolzen*
Si cette ville cesse d'être ouverte au transit des mar-
chandises de Suisse et d'Allemagne, ses foires et son
commerce, et avec celui-ci une grande partie de la
subsistance du Tyrol italien tout entier, seront per-
dus pour toujours. La Bavière établira des foires à
Meran et à Hall, comme déjà le bruit s'en est ré-
pandu ; le royaume perdra un grand nombre de ca-
pitalistes et de capitaux, et le commerce entre l'Al-
lemagne, l'Italie et le Levant prendra une autre
direction. Dans une combinaison aussi difficile de
rapports et d'intérêts, j'oserai croire qu'une forte
U4 MÉMOIRES DO PRINCE EUGÈNE
augmentation des droits d'entrée serait plus conve-
nable pour le service de Votre Majesté qu'une prohi-
bition absolue, et cette augmentation se combinant
avec des obstacles et des châtiments pour empêcher
les fabricants français de prêter leur nom à des mar-
chandises étrangères, et avec d'autres précautions
ordonnées aux douanes, pourrait peut-être produire
le grand avantage de ne point détruire les manu-
factures du royaume, de donner une préférence ab-
solue aux marchandises françaises sur les marchan-
dises étrangères, de soutenir les foires, le commerce
de Botzen et du haut Adige, et enfin de diminuer la
contrebande.
« C'est sur ces considérations qu'est basé le pro-
jet de décret que j'ai l'honneur de soumettre à
Votre Majesté. »
Eo fc»n" p * « Sire, Votre Majesté a dû observer que sa garde
"Sio? re royale est peu nombreuse, et que le moindre événe-
ment de guerre la réduit à très-peu d'hommes pré-
sents. Cependant l'armée italienne peut à peine en-
tretenir le complet du régiment d'infanterie de ligne,
et le recrutement pour la garde d'honneur et les
vélitès enlèvent la crème de la conscription annuelle;
en sorte que les régiments se soutiennent à peine,
ne recevant pas d'hommes susceptibles d'avancer et
de présenter des ressources pour des sous-officiers.
« Pour remédier à ces deux inconvénients, j'ai
l'honneur de proposer à Votre Majesté la création
d'un régiment de tirailleurs de la garde. Les hommes
pour ce corps seront pris dans la conscription ; ils
L1V. XVII. - 1810 - CORRESPONDANCE 385
ne coûtent pas plus pour la solde et l'entretien que
les troupes de la ligne; leur récompense sera de
passer dans le régiment de ligne de la garde, ou
d'être promus caporaux ou sergents dans l'armée,
où ils porteront l'instruction et la (enue de la garde,
et surtout le bon esprit qui anime ces corps d'élite.
« Ce régiment sera de deux bataillons. Un des
deux pourra être organisé cette année sur la réserve
de la conscription, et le scond le serait- l'année pro-
chaine-
ce J'ai l'honneur de lui soumettre ci-joint le pro-
jet de décret. »
« Sire, Votre Majesté m'a fait l'honneur de me K %^ 9 '
dire plusieurs fois que la cavalerie de son armée l s - *tS t oT brc
italienne n'était pas assez nombreuse, et a paru
désirer de la voir augmentée. Le moment me parait
favorable pour remplir les intentions de Votre Ma-
jesté, et je me permets de lui soumettre un projet
de décret pour la création d'un nouveau régiment
de cavalerie. Le noyau de ce régiment peut s'orga-
niser dès ce moment au moyen de 300 à 400 hommes
à prendre sur la réserve de 1810, et les officiers et
sous-officiers seront choisis dans la garde et les
corps de cavalerie italiens qui sont dans ce moment
dans le royaume. On achèvera de compléter ce régi-
ment sur la conscription de 1811. Sa Majesté a ob-
servé que la cavalerie légère convenait mieux dans
le royaume que la grosse cavalerie, soit pour le ser-
vice, soit pour la taille des hommes et des chevaux.
« Mon projet serait, si Votre Majesté l'approuve,
vi. 25
586 MÉMOIRES DU PRINCE EUGÈNE
de ne mettre dans ce corps que des hommes de taille
de chasseurs et de le remonter dans le pays, de leur
doriner un uniforme extrêmement simple, et un
armement et équipement très-légers. L'instruction
serait surtout dirigée pour former des éclaireurs, et
suivant que Votre Majesté en avait eu l'idée, qu'elle
m'a fait l'honneur de me communiquer il y a trois
ans, ce régiment bi vaquerait pendant une partie
de l'année, et les chevaux seraient en pâture dans
les plaines du Frioul. Je propose de donner à ce ré-
giment le nom de chevau-légcrs, pour le distinguer
des corps existants et par rapport au service auquel
il sera destiné. »
E, MiîwJ p " tt Sire, j'ai l'honneur de rendre compte à Votre
17 5 Î8io mbrc Majesté que plusieurs Piémontais avaient été re-
çus dans le corps de ses gardes d'honneur d'Italie,
parce qu'ils ont satisfait aux conditions du décret
d'organisation , puisqu'ils ont des biens dans le
royaume et qu'ils sont parents de fonctionnaires
publics.
« Votre Majesté m'ayant fait connaître que son
intention était qu'aucun Piémontais ne soit plus
admis, j'ai suivi ses ordres; mais il s'en trouve
encore treize dont plusieurs ont déjà trois ans et
demi de service. Les plus jeunes ont deux ans. Ils
tmt tous fait la campagne de 1809. Ces jeunes gens
sont dans ce moment appelés dans leurs départe-
ments pour la conscription ; on les signale même
comme réfractaires. Votre Majesté jugera qu'ils ne
peuvent ôlre censés de cette classe, puisqu'ils n'a-
LIV. XVI!. — 1810 — CORRESPONDANCE 587
vaient pas attendu l'Age de vingt ans pour se ranger
sous les drapeaux. D'un autre coté, il serait bien dur
pour eux d'être obligés à recommencer le métier
de soldat après trois ans de service et une campagne
dans ses gardes, où quelques-uns même sont gradés.
Votre Majesté leur accordant le rang de sous-lieute-
nants après deux ans de service, Votre Majesté me
permellra-t-elle de réclamer ses bontés en faveur
de ces jeunes gens, qui ont donné jusqu'à ce moment
toutes les preuves qui étaient en leur pouvoir de leur
attachement à sa personne? Daignerait elle les ad-
mettre daife l'armée avec le grade de sous-lieute-
nants?
« J'ai l'honneur de joindre ici l'étal nominatif de
ces treize gardes. »
« Mon fils, il V a à l'île d'Elbe un sixième régi- n^mf»*-
7 . J . . ° Saint- Cloud,
ment d'infanterie italien : ce régiment est inutile là: 18 s îj,% mbl «
il faudrait le faire revenir en Italie. »
« Mon fils, vous m'avez envoyé un plan sur Ancone vî"îi * c £3l
qui n'a pas le sens commun; l'ingénieur qui Ta fait ,8 ^ , ,<£ lhrc
n'est pas un homme d'assez de mérite pour faire des
plans. Faites exécuter celui que je vous ai envoyé, et
tenez-vous-en là. Ce que propose l'ingénieur d' An-
cône ne se ferait pas pour 50 millions. »
« Mon fils, j'estime que l'armée italienne doit N ?P .àK.i g .
être organisée de manière à présenter une force de ttîmicmiU
27,000 hommes d'infanterie de ligne présents sous
les armes, et de 3,000 hommes de la garde : total
588 MÉMOIRES DU PRINCE EUGÈNE
50,000 hommes d'infanterie, et de 5,000 hommes
de cavalerie. Son artillerie doit être composée, pour
l'infanterie, de 20 pièces de 5, à raison de 2 par ré-
giment, et de 10 pièces de 5 pour la garde, à raison
de 2 par bataillon ; ce qui fait 50 pièces de 5 pour
l'artillerie des régiments; de 12 obusiers de 6 pou-
ces ; de 24 pièces de 6 ; de 4 obusiers et de 8 piè-
ces de 12 pour la réserve; de 4 obusiers et de
8 pièces de 6 pour les deux divisions de cavalerie;
de 4 obusiers, de 4 pièces de 6 et de 4 pièces de 1 2
pour la réserve de la garde. — L'artillerie de l'ar-
mée italienne doit donc être organisée de manière
à avoir : 20 pièces de 5 ; 20 obusiers ; 52 pièces
de 6 et 8 pièces de 12. Tolal : 80 pièces de canon
pour l'armée de ligne, et, pour la garde, 10 pièces
de 5, 4 pièces de 6, 4 pièces de 12 et 4 obusiers ;
ce qui fait plus de 100 pièces et 500 caissons, com-
pris ceux de cartouches d'infanterie ; ce qui suppose
2,500 chevaux d'artillerie. »
•
sïmuaowi u ^ on f s » i e rc S°î s 1° compte que vous me rendez
1U s ÏSio mbre d es travaux de Porlo-Legnano et de Mantoue ; faites
chercher dans le Tyrol une position qui puisse con-
venir pour intercepter la principale route venant du
Typjl allemand et protéger le Tren lin et le royaume
d'Italie. »
tonï-Vtoïi <c ^ on ^ S ' J e re 5°* s vos l ellres du 15. Je vois que
19 s Î8io? lbre I e8 ^ régiments de cavalerie italienne ont chacun à
peu près 700 chevaux, hormis le régiment du Prince-
Royal qui n'en a que 400. Il faudrait renforcer ce
L1V. XVII. - 1810 - CORRESPONDANCE 589
régiment ;" je pense qu'il est inutile d'avoir des
chevau-légers, mais qu'il vaut mieux former doux
régiments de chasseurs.
«J'ai pris un décret en conséquence, qu'Àldini vous
enverra. Je vois qu'il manque 12', 000 hommes à
l'armée italienne pour être au complet. Je vois que
vous n'avez que 1,200 hommes en congé; faîtes-moi
connaître s'il y aurait de l'inconvénient à accorder
un plus grand nombre de congés cet hiver; vous
pourriez en donner au mois de décembre à la moitié
des officiers, au tiers des sous-officiers, et au cin-
quième des soldats : ce serait une grande économie.
Us iraient chez eux et reviendraient au mois de juin
pour les manœuvres. Vous avez en Italie présents
31 bataillons ; je ne compte pas les 5" bataillons.
Que coûterait- il d'établir auprès de Brescia un camp
de 10 bataillons au mois d'octobre, et un autre de 10
bataillons au mois de novembre? Vous y réuniriez
les généraux de division et de brigade et autres of-
ficiers, et l'armée italienne se formerait là aux ma-
nœuvres; vous pourriez réunir également 10 esca-
drons de cavalerie; vous auriez soin qu'il y ait le
plus d'officiers et de sous-officiers possible à ces ma-
nœuvres. Par ce moyen, l'armée italienne aurait eu
un bon exercice ; et, à la fin de décembre, vous! fe-
riez délivrer les congés. Il faut connaître, avant de
donner aucun ordre là-dessus, combien cela coûte-
rait, et en quel état sont les camps d'Osopo. Je vois
que le 6 e régiment de ligne italien est un régiment
bien négligé : il faudrait le faire rentrer, et, si Ton
a besoin en Italie de se défaire de quelques mauvais
S90 B1ÉM0IRES DU PRINCE EUGÈNE
sujets, il vaudrait mieux en formera l'île d'Elbe un
bataillon colonial. »
j-îïïï.'cSS, « Mon fils, je reçois votre lettre du 15, par la-
19 *ep'« ">»»" q U elle vous me demandez si l'entrée des marchandi-
ses spécifiées dans le décret du 5 août sera permise
sans certificat d'origine, sous quelque pavillon
qu'elles arrivent, à l'exception du pavillon ennemi.
Voici ma réponse : il n'y a plus de pavillons neutres,
puisque tous payent une contribution aux Anglais
pour avoir la liberté de naviguer, et, par cette sou-
mission aux Anglais, sont dénationalisés, en vertu de
mon décret. de Milan. Ainsi, aucune denrée coloniale
quelconque ne peut arriver dans les ports de ma do-
mination, même avec des certificats d'origine, qui
ne servent de rien. Le sucre, le café, le coton des
colonies ne peuvent entrer par mer dans mes ports,
même sous pavillon français. Cependant, lorsque le
sucre, le café, le colon sont le produit de prises faites
par des corsaires italiens ou français, alors seulement
ils peuvent être admis ; lorsqu'ils sont le résultat des
confiscations de marchandises saisies dans les ports
de Triesle ou de Venise, ils peuvent également être
admis. C'est pour ces deux cas seulement que j'ai
pris le décret qui hausse le tarif de ces marchandises.
Vous demandez comment le royaume d'Italie s'ap-
provisionnera de coton, de café et de sucre; je vous
répondrai que, quant au sucre, il y en a pour plu-
sieurs années en Italie, puisque c'est l'Italie qui en
fournit à la Bavière et à la Suisse, et que d'ailleurs
la consommation en diminuera tous les jours. Que,
LIV. XVII. — 1810 - CORRESPONDANCE 391
quant au café, il en vient assez du Levant ; que,
pour du coton, l'Italie en a peu besoin, et que d'ail-
leurs les colons de Rome, de Naples, et ceux qu'on
cultivera dans la Romagne, suffiront à la consom-
mation. Mais, indépendamment du sucre, du café,
du coton, direz-vous, il y a d'autres marchandises
nécessaires au royaume d'Italie, telles que les bois
de teinture, la cochenille, l'indigo, le cacao, la
soude, la potasse ; or, pour ces objets, j'ai accordé
des licences aux ports d'Ancône et de Venise ; mais,
pour des navires italiens, faits avec des bois du pays,
montés par des équipages composés de deux tiers
d'Italiens et chargés pour le compte de sujets ita-
liens. Les bâtiments étant porteurs d'une licence ont
le privilège d'importer dans mes ports d'Italie des
denrées coloniales, et d'en exporter une quantité
équivalente de denrées du pays. Je viens d'accorder
des licences en vertu desquelles des bâtiments otto-
mans peuvent venir dans mes ports de Livourne, de
Marseille, de Gênes, importer des marchandises du
Levant. Je vais vous en envoyer pour Venise et An-
cône; ils pourront y apporter des cotons du Levant,
du café moka et autres denrées du Levant. — Quant
aux sucres, cafés et cotons d'Amérique, j'ai accordé
des permis à v certain nombre de bâtiments améri-
cains, et j'ai pris des précautions spéciales pour
m'assurer qu'ils n'apportent que des produits d'A-
mérique, telles que des lettres en chiffres de mes
consuls, etc., etc. Quand cette opération sera plus
avancée, j'en accorderai aux négociants de Venise et
d'Ancône, au moyen desquelles ils pourront corres-
592 MÉMOIRES DU PRINCE EUGÈiNE
pondjc avec les négociants américains. — Il n'y a
plus d'accès aujourd'hui dans mes ports d'Italie que
pour le pavillon français, napolitain et ottoman.
Quand je dis le pavillon, j'entends le bâtiment et
son équipage. Aujourd'hui, le pavillon français par*
court les mers d'Angleterre ; il va jusqu'à Londres,
mais il se masque. Sous ce déguisement, l'Angle-
terre le reçoit, et je lui fais la loi par le besoin pres-
sant qu'elle a de communiquer. — Les bâtiments
français venant des ports de l'Illyrie ne peuvent ve-
nir dans les ports d'Italie que par le cabotage, c'est-
à-dire en évitant les croisières anglaises. — Les bâ-
timents napolitains n'y peuvent venir également que
par le cabotage, c'est-à-dire sans avoir communiqué
avec les Anglais. Le cabotage de Naples et de l'Illy-
rie ne comporte ni mouvement de coton colonial ni
mouvement de sucre, de café, ou autres denrées
des colonies. — Toutes les fois qu'il en apporte, on
doit les mettre en entrepôt et me consulter. Les bâ-
timents ne peuvent sortir pour la grande navigation
qu'avec des licences, parce qu'ils ne peuvent faire
la grande navigation sans être visités par les Anglais
et sans avoir une licence anglaise ; dès ce moment,
ils ont besoin de la mienne.
« Tout bâtiment ottoman arrivant sans licence doit
être séquestré, et il doit m'en être rendu compte. Au-
cun bâtiment français venant de Marseille, de Li-
vourne, de Gênes, ou autre port de France, ne peut
venir dans les ports d'Italie sans licence, puisqu'il
ne peut naviguer qu'avec la permission des Anglais
et sans avoir été visité par eux. — Aucun bâtiment
LIV. XVII. — isio — CORRESPONDANCE 393
américain ne peut venir dans mes ports d'Italie,
s'il n'a une licence de moi. Ainsi, hormis le cabo-
tage d'IUyrie et de Naples, lequel ne doit jamais por-
ter ni sucre, ni café, ni colon des colonies, ni aucune
espèce de denrée coloniale, mais seulement des
denrées du cru de ces pays, tous les bâtiments doi-
vent être séquestrés à leur arrivée dans mes ports,
s'ils n'ont une licence de moi. Ici il faut vous redire
ce que vous aurez déjà compris, savoir ce que c'est
qu'une licence.
« Une licence est une permission accordée à un bâ-
timent qui remplit les conditions exigées par ladite
licence d'importer et d'exporter telle espèce de
marchandises spécifiées dans celte licence. — Pour
ces bâtiments, les décrets de Berlin et de Milan sont
nuls et non avenus.
«Pour bien comprendre cette matière, il faut avoir
sous les yeux mes décrets de Berlin et de Milan.
Vous voyez qu'au moyen de ces deux décrets et des
arrêts du conseil anglais, il ne peut plus exister de
neutres, et que l'Angleterre n'en souffre aucun s'il
ne lui paye un Iribut, comme mes décrets les déna-
tionalise s'ils s'y soumettent. — Mes licences sont
un privilège tacite de s'affranchir de mes décrets,
en se conformant aux règles prescrites par lesdites
licences. Le besoin de naviguer des Anglais est tel,
qu'ils sont obligés d'adhérer à tout ce que je fais,
et qu'ils donnent des licences à ceux qui ont les mien-
nes. L'effet en est tel, que, depuis ces licences, il n'y
a point d'exemple, hormis les Ottomans, qu'ils aient
fuit payer personne sur l'Océan.
:m mémoires du prince eugène
« Je crois que nia réponse satisfera à voire demande
et vous donnera des lumières suffisantes sur ce sys-
tème si compliqué, dont je retire les plus heureux
résultais par l'occupation d'une immense étendue
de côtes du Mecklenbourg, des villes hanséatiques, et
des principaux ports d'Allemagne. L'Angleterre est
réellement aux abois, et moi, je me dégorge des
marchandises dont l'exportation m'est nécessaire,
et je me procure des denrées coloniales à leurs dé-
pens. Les Anglais laissent naviguer dans la Tamise
les bâtiments français qui seulement se masquent
sous pavillon américain, ou prussien, ou autre;
moi, je ne donne des licences qu'à des bâtiments
français construits en France, ou devenus ïrançais,
provenant de prises, par un acte appelé naturalisa-
tion, qui est une espèce de baptême que reçoivent
ces bâtiments, et dont le patron et les deux tiers de
l'équipage sont Français. »
c ?eure d de c c< Monsieur le duc de Cadore, la situation topo-
wmSre graphique des districts de Windisch-Matray et de
(, oxténe a ur« s Jefferegen, qui appartenaient autrefois à l'évêché de
envoy&pr Salzbourg, quoique enclavés dans le Tvrol, est telle
ordre île S. M. ° ^ /* . . . J
a s.a. i. le que je ne conçois pas qu on ait pu un instant mettre
prince vice- . • i i i ^
sï?Dt d -cfou C d en " oule rç ue ces enclaves ne dussent pas suivre le
21 8 i6io? brc sorl ^ es allées du Tyrol dans lesquelles ils sont pla-
cés. Est-ce dans le pays de Salzbourg? Je n'ai jamais
voulu céder des portions de territoire qui en sont
séparées par la nature. J'approuve le travail de limi-
tation en conséquence duquel les districts de Win-
disch-Matray et de Jefferegen resteront réunis à la
LIV. XVII. — t*!0 - CORRESPONDANCE 595
portion du Tyrol cédée à mes provinces Illyriennes.
Le pelil excédant de population qui se trouve en ma
faveur est trop peu de chose pour qu'il en soit da-
vantage question.
a Ecrivez à M. de Narbonnc que mon intention
n'est pas d'accorder des indemnités pour ces deux
districts, dont je n'avais pas abandonné la posses-
sion. »
« Mon Gis , je reçois votre lettre du 20 , je vous ^fj^ *-
prie de porter la plus grande attention à l'exécution ** fgjjj l,hre
de mon décret sur l'exportation des blés. Vous n'avez
pas assez d' expérience sur cette matière. Ce n'est pas
en France qu'a été le blé qui est sorti du royaume
d'Italie, mais à Malte, à Cadix et encore en Sicile.
Mais le fait est que Rome, Gênes, Florence et le Pié-
mont ont le plus grand besoin de blé. Vous recevrez
un décret que j'ai pris pour exempter de tout droit
l'exportation des blés d'Italie en France. Les fermiers
du royaume d'Italie pourront exporter leur blé en
Piémqnl et en France. Comme j'ai prohibé la sortie
des ports de France, il n'y a rien a craindre, mais si
la sortie des blés sur Turin, Gènes et Rome devenait
trop considérable, vous auriez soin de m'en prévenir
et je l'arrêterais. La question des blés est la plus im-
portante et la plus délicate pour les souverains. Les
propriétaires ne sont jamais d'accord avec le peuple.
Le premier devoir du souverain dans cette question
est de pencher pour le peuple, sans écouler les so-
phismes des propriétaires. »
596 MÉMOIRES DU PRINCE EUGÈNE
ED âii? p * (< Sire, j'ai déjà eu l'honneur de parler à Votre
** ^îSîo™*™^ Majesté des dernières inondations du Pô. Je me fais
un devoir de lui transmettre les détails que je reçois
en ce moment.
ce Dans le déparlement du Mincio, la crue des
eaux a été prodigieuse et a surpassé celle dqg
années 1801 et 1807. Dans la seule nuit du 16, les
eaux se sont élevées de douze pieds environ.
« Une digue ayant été rompue entre Sustinentc et
Libiola, les eaux, qui se sont alors répandues dans
les départements de l'Àdigc et du Bas-Pô, ont sub-
mergé, dans le premier de ces départements, une
étendue de terrain de 90 milles carrés.
« Une digue a aussi été rompue dans le lac de
Mantoue. Cette digue fait partie des fortifications de
la place; par suite de cette rupture Pajolo, Miylia-
retto et le T ont été inondés.
« Cependant les secours ont été portés à temps au
palais et il n'y a véritablement que les jardins qui
aient souffert.
« Dans le district de Pavie, les eaux se sont éle-
vées de 5 mètres au-dessus de leur niveau ordinaire;
elles ont rompu les digues du pas Sicco-Mario, près
Pavie; elles ont inondé une grande partie du terri-
toire et dévasté les campagnes.
« Plusieurs communes du district de Pavie , et
même le bourg du Tésin, hors des portes de Pavie,
sont sous les eaux.
« Tous les premiers ordres nécessaires pour ar-
rêter les ravages autant que possible et porter les
secours les plus urgents ont été donnés, mais je
LIV. XVII. — 1810 - CORRESPONDANCE 597
n'en ai pas moins cru qu'il était de mon devoir de
porter à la connaissance de Votre Majesté les tristes
nouvelles que j'avais reçues. »
•
« Sire, Votre Majesté m'a fait l'honneur de me Eu fcj[£ op -
marquer qu'elle voit par la situation de sou armée * ^Jîo?*"*
italienne qu'il existe à l'île d'Elbe un 6 e régiment
d'infanterie qui doit y être inutile, et qu'il faut faire
rentrer dans l'intérieur.
« J'ai l'honneur d'observer à Votre Majesté que les
trois premiers bataillons étaient à l'armée d'Espagne.
Le cadre du 5" vient seulement de rentrer et a été
réformé; ainsi il n'y a à l'île d'Elbe que les 3% 4 e et
5 e bataillons. J'observe de plus à Votre Majesté que
ce 6 e régiment a été formé dans son principe par les
mauvais sujets de tous les corps et par des hommes
dangereux à la société. Depuis 1805, je n'y ai mis
que des conscrits réfracta ires et quelques déserteurs.
Ce régiment étant à l'île d'Elbe est surveillé et con-
tenu, mais il serait dangereux de le faire rentrer
dans l'intérieur, et la désertion, en l'épuisant, inon-
derait le pays de mauvais sujets. Nous en avons eu
l'exemple dernièrement lorsque le ministre duc de
Feltre a fait traverser le royaume à un bataillon fort
de 800 hommes pour se rendre à l'armée d'Espagne.
11 n'en est pas arrivé 400 à Alexandrie. Cependant
les hommes qui composent ce régiment étant con-
duits et employés au loin y rendent un bon service :
On le voit par les deux bataillons de guerre qui sont
à la division en Espagne.
« Sv Votre Majesté croit qu'il y a trop de troupes à
398 MÉMOIRES DU PRINCE EUGÈNE
l'île d'Elbe, elle peut en tirer facilement pour l'Es-
pagne. Le 3 e bataillon a 800 hommes bien habillés
et bien équipés. Je la prierai alors de donner des
ordres au ministre de la guerre de l'Empire, mais
avec l'attention de faire partir ce bataillon par mer
avec obligation de ne prendre terre, au plus tôt,
qu'à Gênes et même à Nice, s'il est possible, afin
de passer le plus loin possible des terres de son
royaume. »
Eug. & iup. « Sire, Votre Majesté m'a fait l'honneur, dans sa
«6 icpiembre ] e tt re d u jo (j e réordonner de faire reconnaître
1810. '
dans la vallée de l'Àdigc une position convenable h
occuper, pour fermer les communications du Tyrol
allemand avec l'Italie. Votre Majesté voudra bien se
rappeler qu'elle a prescrit au général Chasseloup
de reconnaître lui-même le terrain. Cet officier gé-
néral vient de faire le tour des places fortes d'Italie,
pour y activer les travaux ordonnés par Votre Ma-
jesté, et il allait se rendre dans le Tyrol, quand des
ordres positifs lui ont enjoint de partir pour la Spe-
zia, où il parait que son séjour sera de quelque du-
rée. Si cela est, comme il me l'annonce, la saison
des neiges le forcera à remettre au printemps pro-
chain la reconnaissance, mais je viens de lui écrire
d'y envoyer un officier intelligent et expérimenté. »
K |M.^- « Mon fils, je vous envoie un rapport sur les
«7 Mpu^bre com P les de la marine de France avec le royaume
" 10 - d'Italie; j'attendrai, pour prendre une décision, que
vous me renvoyiez celle pièce avec vos observations;
L1V. XVII. — 1809 399
je vous envoie également ma note sur l'artillerie,
pour avoir voire opinion. »
a Mon fils, vous verrez par la copie que je vous *y*ÎJi£'
envoie de ma lettre au ministre de la guerre la 27 sombre
mauvaise conduite du 28 e régiment de dragons. Je
vous prie de me faire connaître le nom de l'officier
qui s* est permis de faire ainsi le mauvais plaisant.
« Copie. Monsieur le duc de Feltre, donnez ordre
qu'on mette aux arrêts pour un mois l'officier du dé-
pôt du 28 e régiment de dragons, qui a reçu ordre de
fournir 100 homnios au régiment de marche de dra-
gons de l'armée de Catalogne , et qui a présidé à la
composition de ce détachement. Ce polisson (car je ne
puis me servir d'un autre terme) a envoyé un déta-
chement en si mauvais état, que le prince Borghèse a
cru devoir avec raison le renvoyer. On l'a composé
d'hommes aux hôpitaux et proposés pour la réforme,
on a retiré les bons chevaux pour en donner de mau-
vais, et notamment un cheval de caisson aveugle, et
deux chevaux de trompette, l'un boiteux, l'aulre
aveugle. On a ôté aux dragons leurs habits, leurs cu-
lottes, leurs boites, etc., pour leur donner des effets
de rebut; on leur a donné des pistolets sans chierïr
ou sans bassinets; les selles, housses, manteaux, por-
temanteaux, tout a été changé el remplacé par des
effets hors de service. Faites-moi connaître l'officier
qui s'est permis une pareille plaisanterie, et faites
recomposer sur-le champ ce détachement d'hommes
bien portants et en état de faire la guerre, bien
montés et bien équipés. »
giem
10.
400 MÉMOIRES DU HUN CE EUGÈNE
^oMiahi"?* c< ^on fi' s » J a * ' u avec ' e P' us ? ranc ' intérêt votre
«7 septembre rapport du 1 i septembre sur l'introduction des mar-
chandises étrangères dans mon royaume d'Italie, et
le projet de décret qui y élait joint. Ce projet est sus-
ceptible de beaucoup de discussions, je ne pourrai
donc y statuer que dans 8 à 10 jours. En attendant
voici ce que mon intention est que vous fassiez :
1° Faire venir en entrepôt réel dans les douanes, soit
de Vérone, soit de Milan, soit des autres frontières,
toutes les marchandises de coton et denrées qui
viennent d'Allemagne, soit qu'on les dise marchan-
dises françaises, soit qu'on les dise marchandises du
grand-duché de fierg. Vous les laisserez dans cet
entrepôt réel jusqu'à ce qu'on ait pu vérifier si elles
sont véritablement marchandises françaises ou mar-
chandises du grand-duché de Berg, et par là on por-
tera un coup sensible aux manufactures suisses;
2° ne plus admettre aux droits modifiés pour les
marchandises françaises que dans un ou deux bu-
reaux de douane, sur la frontière de France, tels que
le bureau de Verceil et celui vis-à-vis Pavie sur le
Pô. Quant aux marchandises de Bavière, il me
semble que je n'ai pas ratifié le traité de commerce.
Ainsi vous ne laisserez entrer dans mon royaume
d'Italie aucune denrée ni étoffes étrangères que par
les deux bureaux de Verceil et du Pô, vis-à-vis Pavie,
et vous mettrez en entrepôt réel tout ce qui arrivera
par l'Allemagne, car je crois que dans le décret que
je vous enverrai d'ici à 8 jours, je rapporterai tout
ce qui est relatif à la Bavière et au grand-duché de
Berg, etquc je n'accorderai l'entréedans mon royaume
LIV. XVII. - 1810 - CORRESPONDANCE 40!
d'Italie que par les deux bureaux de douane le plus
voisins de la France, où la surveillance sera sévère-
ment exercée pour qu'il n'y ait plus d'abus. On sera
certain que les marchandises sont françaises, d'abord
parce qu'elles viendront de France, ensuite parce
que je n'accorderai ce privilège qu'à un petit nombre
de fabricants dont je serai sûr, et que des borde-
reaux bien en règle constateront la quantité et l'ori-
gine des marchandises qu'il leur sera permis
d'exporter. »
a Mon Dis, je vous envoie un projet de décret 'jjg^JJ'
qu'on m'a présenté pour établir les licences en Italie , 7 J^JJJj^
d'une manière conforme à ce qui se fait en France. 181 °-
Je vous ai déjà expliqué dans une longue lettre le
système des licences, faites-moi connaître si celles
que l'on me propose satisferont aux besoins de mon
royaume. »
»
ce Mon fils, vous trouverez ci-joint un projet de n «p- M m «-
décret qu'Àldi ni me présente pour acheter sa terre;. «^JS;^
je n'ai guère besoin de faire cette acquisition. Je lui
ai déjà prêté 500,000 francs, il m'en demande en-
core autant. Faites-moi 1 connaître s'il y a sûreté,
s'il y a des créanciers, si le bien est grevé d'hypo-
thèques et enfin les mesures à prendre pour tout
cela. »
« Sire, Votre Majesté m'a fait l'honneur de me e™. a Na P .
communiquer le rapport de son ministre de la ma- *i md&i*
rine sur ce qui avait eu lieu à Venise à l'égard de
vi- 26
402 MÉMOIRES DU PRINCE EUGÈNE
48 marins illyriens. Je vais avoir l'honneur d'expli-
quer à Voire Majesté ce qui s'est passé à ce sujet.
«J'ai reçu trois ordres de Votre Majesté par le canal
du ministre de la marine.
« Le 1 er portait que la marine italienne devait laisser
à la marine illyrienne l'un des vaisseaux russes qui
étaient à Tries te, s'il était reconnu que ce vaisseau
pût être réparé; mais que, dans tous les cas, la frégate
La4e$-Roi devait être remise à la marine illyrienne
pour être armée par elle, et que la volonté de Votre
Majesté était qu'on laissât même le transport le
Diomède, si la marine illyrienne pouvait l'armer en
sus de la frégate.
«Ce premier ordre, Sire, a été exécuté, et, quoique
Votre Majesté ait affecté à la marine italienne, pour
le remboursement de ses avances aux Russes, les bâ-
ments russes qui se trouvaient à Trieste et h Venise,
j'ai fait exécuter Tordre ci-dessus, et non-seulement
le maréchal duc de Raguse a conservé la frégate La-
lc$-Boi et le transport le Diomède, mais encore il a
. pris toute la grosse artillerie des autres vaisseaux qui
a pu lui convenir pour l'armement de ses côtes et
pour les canonnières qu'il a le projet de construire.
« Le deuxième ordre, C'était la communication
d'un décret de Votre Majesté qui ordonnait au royaume
d'Italie de céder à la marine française la frégate neuve
la Favorite et de recevoir en échange les 3 bricks
français qui se trouvaient à celte époque à Venise.
« Cet ordre, Sire, a été exécuté dans le courant du
mois de juillet. Les équipages des 3 bricks français
ont monté la frégate française et les équipages ita-
LIV. XVfl. — mo - CORRESPONDANCE 405
liens ont monté sur-le-champ 2 des 3 bricks : le 5*
est 1 au moment d'être également armé.
«c Le troisième ordre enfin, en date du mois d'août,
portait qu'un des 3 bricks français serait mis à la dis-
position du maréchal duc de Raguse; j'ai dû sur cola
répondre au ministre de la marine que, les 3 bricks
français étant devenus italiens par décret de Votre
Majesté, je ne pouvais donner ce brick au maréchal
duc de Raguse qu'autant qu'il m'aurait tenu compte
du tiers de la frégate la Favorite, puisque je l'avais
reçue moi-même pour celte valeur, ou bien enfin
sur son estimation, s'il le préférait.
a Pendant ce temps, le maréchal duc de Raguse en-
voya à Venise 4 officier et 48 matelots pour prendre
le brick que le ministre de France lui avait annoncé
être mis à sa disposition. Je me trouvais alors à Ve-
nise, et je fis à l'officier envoyé par le maréchal la
même réponse qu'au ministre. Il manquait sur la
frégate française la Favorite une centaine d'hommes
à cause de 14 ou 15 hommes nouvellement désertés;
je fis fournir à cette frégate les 40 marins illyriens
qui venaient d'arriver à Venise, et je fis compléter
l'équipage par 50 soldats de garnison dont celle fré-
gate avait besoin; parle relour de l'officier j'en écri-
rai au maréchal duc de Raguse.
« Jai cité à Votre Majesté les faits, el j'ai pensé
qu'ils suffiraient pour répondre au rapport de votre
ministre de la marine, »
« Mon fils, je vous prie de voir auprê3 de quelque n« p . \ Eug.
maison de commerce d'Àncône ou de Venise si l'on um«T
404 MEMOIRES DU PRINCE EUGÈNE
* *S|SoL ,bre pourrait faire le traité suivant avec elle: 20,000 quin-
taux de blé seront fournis par vous à ces négociants,
qui les feront passer à Corfou, sur bâtiments otto-
mans ou tous autres à leurs risques et périls, et vous
leur payerez un droit de passage proportionné à ces
risques. Je suppose que le prix ordinaire du passage
est d'un franc par quintal; vous pourrez le doubler,
le tripler, même le quadrupler. Au bout d'un temps
déterminé cette maison devrait vous présenter le
reçu du général commandant à Corfou, ou vous payer
l'équivalent de' votre blé. Rendez-moi un compte là-
dessus. »
Eu &Îm* p ' a ^ re » J a * l'honneur d'adresser à Votre Majfslé
30 t î§iô mbra l'état des bâtiments de différentes nations qui sont
entrés dans les ports du royaume pendant le courant
du mois d'août. J'ai fait ajouter la valeur approxi-
mative de leurs chargements. Votre Majesté voudra
bien observer que les mêmes bâtiments auront sou-
vent été portés sur différents états, parce qu'ils sont
tous de petit cabotage et qu'il est difficile qu'un petit
bâtiment vienne d'Àncône jusqu'à Venise sans entrer
dans les divers ports qui sont le long de ce littoral. »
Eu fcÎM ap " c< ^ re ' J a * re S u avant *hier l a dépêche télégra-
30 ISio 1 !*™ phique de Votre Majesté, par laquelle elle me faisait
l'honneur de me demander :
<c 1° S'il est vrai que l'ennemi ait évacué la mer
Adriatique ;
« 2° Si l'on peut armer le vaisseau le Rivoli cette
année ;
LIV. XVII. - 1810 — CORRESPONDANCE 405
« 3° Si les frégates armées doivent se rendre à
Ancône.
« Voici les réponses à chacune de ces questions :
« 1° Les Anglais n'ont point totalement évacué
l'Adriatique, puisque, par le relevé des rapports de
mer que j'ai adressés à Votre Majesté il y a peu de
jours, elle aura vu que, vers le milieu du mois cou-
rant, trois frégates anglaises avaient été aperçues dans
leQuarmers, et peu de jours après signalées par le Mont
d'Àncône, mais à une très-grande distance de terre.
Aussi ai-je eu l'honneur de faire observer à Votre
Majesté que depuis nos derniers armements on avait
déjà obtenu un grand point, celui d'obliger les An-
glais à concentrer leurs frégates et de s'abstenir de
croiser au fond du golfe ; car depuis longtemps on
n'en a point aperçu de Venise et des environs, et la
voile signalée hier frégate par Venise, comme elle
était très au large, pourrait bien n'être qu'un bâti-
ment à trois mâts sorti de Trieste.
« 2° J'ai eu l'honneur, pendant mon séjour à Ve-
nise, de faire à Votre Majesté un rapport concernant
le Rivoli, et je lui rendis compte du lancé de ce
vaisseau, des difficultés qui étaient survenues pour
le creusement des eaux, à cause de la dureté du ter-
rain ; de sorte que le canal qui conduit à Malamocio
ne pourra avoir la profondeur d'eau nécessaire pour
le passage du vaisseau désarmé qu'au mois de mars
prochain. Les fonds ne manquent point à ce travail,
qui est en grande activité, et j'espère que rien n'em-
pêchera ce résultat. Ce ne sera donc que deux mois
de retard, puisque le vaisseau avait été promis pri-
406 MEMOIRES DU PRINCE EUGÈNE
mitivement pour le l tr janvier. On s'occupe, pendant
ce temps, de compléter toutes les parties d'armement
et gréement nécessaires au vaisseau.
« 3° Les frégates de Chioggia, ainsi que j'en ai
rendu compte à Votre Majesté par ma dépêche télé-
graphique! sont, depuis le 24, complètement prêtes
à mettre à la voile. Elles n'attendent que le. vent
favorable pour sortir; et peut-être avant que cette
lettre ne parvienne à Votre Majesté aura- 1- elle reçu
une dépêche télégraphique qui lui apprendra leur
départ de Chioggia. Ainsi, avant le 15 octobre,
Votre Majesté peut compter avoir à Âncdne 5 fré-
gates, dont 3 de 44 et 2 de 34, et 3 bricks de 18
à 20 canons.
« Les ordres sont donnés au commandant de cette
division pour ne se laisser jamais bloquer par des
forces inférieures, et pour sortir toutes les fois
que le temps sera favorable.
« Ensuite, dans le courant de janvier, il sera
donné l'ordre à ces cinq frégates de faire une sortie
pour venir jusqu'à la hauteur de Venise, afin d'y
faire rentrer la frégate YUranie, puisque son équi-
page est destiné à monter le Rivoli. Les quatre autres
* frégates pourront retourner à An cône, ou gagner
Pola, jusqu'à ce que le Rivoli soit entièrement prêt,
et elles feront alors une seconde sortie pour venir à
Venise chercher le Rivoli.
« Croyant ainsi remplir les intentions de Votre
Majesté, j'ai l'honneur, » etc.
Vomainc?' « Mon fils, je reçois voire lettre du 26 septembre :
LIV. XVII. - 1810 - CORRESPONDANCE 407
le 6 régiment s'est comporté très-mal en Catalogne ; tJJSJiJre
une partie a déserté : il n'y a besoin de brigands ni 18i0 '
en Italie ni en France, et c'est un mauvais parti
que de mettre de mauvais sujets dans les troupes qui
composent l'armée; c'est là la méthode des Napoli-
tains et des pays qui n'ont pas d'armée. — A l'île
d'Elbe, ce régiment ne rendrait aucun service. Mon
intention est qu'on forme de nouveau le 6* de ligne,
et que de tout ce qui est à l'île d'Elbe on forme
un seul bataillon sous le titre de bataillon colo-
nial. Ce bataillon sera c!e quatre compagnies et de
600 hommes ; vous y mettrez les plus mauvais sujets
qui sont dans ces bataillons ; mais désormais vous
n'y enverrez plus que des conscrits réfractaires. Le
reste du bataillon du 6* de ligne, composé des
meilleurs sujets, rentrera en Italie. Vous donnerez
à ce régiment un dépôt ; vous le formerez comme les
autres régiments; il se recrutera comme les autres
par la conscription, et par conséquent ne sera plus
composé que de bons sujets. — Pour avoir le cadre du
nouveau bataillon sans faire de nouvelles dépenses,
vous supprimerez le cadre du 5° bataillon du 6* de
ligne, sauf à le reformer une autre année, s'il est
nécessaire. — Je désire que tous les régiments de
mon armée soient bons et bien composés. »
« Mon (ils, je désire que vous m'envoyiez exacte- Kap à F
ment, deux fois par mois, l'état de situation de la 'fiJl*"
marine du royaume d'Italie, ainsi que celui de la *uia r€
marine française qui est à Venise. — Vous verrez que
j'ai pourvu à l'armement du Rivoli. Je ne sais pas si
408 MÉMOIRES DU PRINCE EUGÈNE
mon décret relatif aux huit vaisseaux qui doivent être
sur les chantiers à Venise est en exécution. Le pro-
duit de l'extraordinaire des douanes provenant du
tarif sur les denrées coloniales, mon intention est de
l'appliquer au service de la marine. Comme je sup-
pose que ce tarif donnera de 5 à 6 millions (pour
1810 et 1811), cette augmentation ne laissera pas
que de donner une grande activité aux travaux. Je
désire aussi donner une partie de ces fonds aux ports
d'Ancône et de Venise, afin d'y faciliter la sortie des
vaisseaux. Aussitôt que vous m'aurez fait connaître
la répartition de ces fonds entre la marine et ces
ports, je l'arrête rai, et vous ordonnerez qu'on re-
double d'activité pour tous les travaux. »
%tp. i Eog. « Mon fils, je reçois votre lettre du 26 septembre
Fontaine- . %■••!• w\ • i
bieau, relativement a la manne italienne. Puisque les ma-
3 octobre . *
i8io. telots illyriens ont été mis sur la frégate française, il
n'y a rien à dire : je suppose que vous» avez répondu
cela au duc de Raguse. Je désire que vous lui cédiez
un brick ; nous en avons trop à Venise, et il sera plus
utile sur les côtes d'Hlyrie. Vous ouvrirez un compte
avec les provinces illyriennes, parce que ce brick
doit être payé au royaume d'Italie. Vous enverrez le
meilleur des trois. Écrivez dans ce sens au duc de
Raguse; il est bon qu'il ait une frégate et un brick,
et, si même il vous demandait un second brick, je
vous autorise à le lui céder également. — Les trois
vaisseaux russes qui sont à Trieste étant absolument
hors de service, il est urgent de les dépecer pour en
retirer les mâts, les bois et tout ce qui pourrait être
LIV. XVII. — 1810 - COItRESPONDANCB 409
utile ; une partie des bois pourra .être employée dans
les chantiers de Venise, une autre pourra être trans-
portée àPalma-Nova, une place ayant toujours besoin
de bois. — Faites faire l'inventaire de l'artillerie cédée
au royaume d'Italie; enfin que tout se fasse bien en
règle. Le port de Pola a été mis en bon état; ce qui
est utile pour toute la Oalmalie et l'Adriatique. Je
donne Tordre à mon ministre de la marine de former
l'équipage du Rivoli, en le composant de matelots
illyriens. — Quand la frégate YUrania sera de retour
à Venise, on pourra l'armer avec une partie des ma*
telots illyriens retirés du Rivoli, et augmenter à
bord de ce vaisseau le nombre des Français. »
« Mon (ils, je reçois votre lettre du .2 7 septembre. n* p . i Eug.
Mon décret du 5 août doit être étendu à tout ce qui se j*»"'
S oclobra
trouve dans les entrepôts de Milan , Pavie, Venise, etc . , **io.
et en général à tous les entrepôts du royaume. Vous
prendrez sur-le-champ un décret qui applique le
tarif du 5 août à toutes les denrées coloniales,
tant celles déposées dans les entrepôts que celles
qui sont dans les magasins des négociants. Vous
comprendrez facilement la raison de cette mesure.
Le peuple payant ce tarif, il faut aussi que les parti-
culiers le payent, sans quoi certains individus au-
raient tout le bénéfice. Cependant il ne faut pas
vexer les citoyens ; il suffira de l'exercer sur les ma-
gasins qui existent dans les villes de quelque im-
portance ; le droit pourra être acquitté en lettres de
change à 2 et 6 mois de date. Ces mesures doivent
rendre des sommes considérables; faites-en tenir un
4M MÉMOIRES DU PRIÏ1CK EUGÈNE
compte séparé sous le titre d'extraordinaire de$ doua-
ne*.
« Vous me ferez connaître combien cet extraordi-
naire aura rapporté, mon intention étant de régler
l'emploi de ces fonds par un budget particulier et
de les appliquer au service de la marine et k l'amé*
lioralion des ports du royaume. Vous aurez reçu le
décret qui impose un droit de 30 sous sur les soies,
à la sortie du royaume d'Italie; mais, du côté de la
France, elles peuvent sortir et venir jusqu'à Lyon sans
rien payer. J'ai autorisé la sortie, par les douanes,
de France, des soies de France qui sont d'une qua-
lité supérieure, moyennant un droit de 30 sous, et
de celles d'Italie moyennant un droit de 20 sous.*
Ainsi les soies. d'Italie peuvent Tenir à Lyon sans
rien payer ; elles peuvent de Lyon gagner le Rhin ;
et, en passant ce fleuve, elles ne payent que 20 sous.
Les soies du royaume d'Italie, exportées par Botzen
et les frontières d'Autriche, payent 30 sous, et le-
délour par Lyon ne coûtant pas plus de 3 sous, il
s'ensuit qu'il y aura 7 sous de bénéfice à les faire
passer par Lyon, en sorte que cette ville deviendra
le centre du commerce des soies, ce qui sera utile à
tout le monde. — J'ai accordé l'importation des dif-
férents outils de Brescia, des laines de Rome, des
draps de Bologne, etc. Enfin toutes les demandes
des négociants italiens ont été accordées. J'ai chargé
uno commission de faire un tarif qui réglera et aug-
mentera les droits des douanes d'Italie. Vous ob-
serverez que les cotons de Naples et du Levant en
transit dans mon royaume d'Italie pour venir en
LIV. XVII. — isio — CORRESPONDANCE 411
France ne doivent pas payer le droit du tarif, puis-
qu'ils doivent l'acquitter lors de leur consommation
en France; mais il Tant bien s'assurer que ces co-
tons ne restent pas dans le royaume. »
« Sire, je dois rectifier différentes erreurs qui ^A*^
ont eu lieu dans les derniers rapports télégraphi- ^io"*
ques que j'ai faits à Votre Majesté. Plusieurs mala-
dies dans les employés et quelques dérangements
dans les télégraphes de la ligne de Venise, ainsi que
le temps brumeux qui a régné pendant quelques jours,
sont les causes de ces erreurs. Effectivement, plu*
sieurs dépêches ont été confondues ensemble; ainsi
il n'est pas vrai que 3 frégates anglaises soient ve-
nues le 29 au soir devant Ghioggia ; je rétablis donc
par le rapport suivant les faits dans leur exacti-
tude.
ce Plusieurs barques arrivées à Venise avaient dé*
posé que l'ennemi était en force dans les parages de
Tlstrie ; une de ces barques a été prise par une fré-
gate anglaise en face de Parenzo, et ne s'est sauvée
à Venise que par la hardiesse des 3 marins qui la
montaient, qui ont jeté à fond de cale et amené à
Venise les 5 Anglais qu'on avait mis à bord. Toutes
les dépositions s'accordaient donc à annoncer que
3 frégates croisaient en Italie, et que plus loin, aa
large, on avait aperçu deux autres voiles. Le 29
au soir, les signaux de Venise annonçaient aux bou-
ches du Tagliamento 2 frégates anglaises. Le vent
étant bien frais et favorable pour sortir de Chioggia,
le capitaine Dubourdieu mit à la voile et sortit dans
412 MÉMOIRES DU PRINCE EUGÈNE
la nuit du 29 au 30. Le 30, nos frégates étaient à
20 milles en mer, et l'ennemi était toujours sur les
côtes du Frioul. Hier, 1 er octobre, notre division
' avait continué sa route et était hors de vue, toujours
avec vent favorable, quoiqu'il ait diminué, et on si-
gnalait toujours, hier, 2 frégates en face des bou-
ches de la Piave. Il y a donc tout lieu d'espérer que
la division des frégates de Votre Majesté sera arrivée
heureusement à sa destination ; et elle comprendra
facilement que, si j'ai pu l'induire en erreur sur la
position de l'ennemi par les dépêches télégraphiques,
c'est que ces mêmes dépêches m'annonçaient 3 fré-
»
gâtes ennemies sur l'Islrie , et le lendemain 3 fré-
gates devant Ghioggia , sans m'avoir expliqué d'abord
que ces dernières étaient les nôtres.
« Je m'empresserai de faire connaître à Votre Ma-
jesté tous les changements qui pourront survenir
dans la position de l'ennemi. »
En fc£* ap ' tt S' re > Votre Majesté m'a fait l'honneur de me
* îttoT renvoyer le rapport de son ministre de la guerre sur
la remise de l'artillerie française au royaume d'Italie,
en me demandant mes observations.
c< L'estimation a été faite par un commissaire fran-
çais nommé par le ministre duc de Fellre, conjoin-
tement avec un commissaire italien. Le colonel Car-
mejeanne, commissaire français, est assez connu de
Votre Majesté pour être convaincue que l'opération a
été faite en règle. Je me bornerai à une seule observa-
tion, qui porte sur la base qui paraît avoir été adop-
tée pour l'estimation : c'est que, pour les matières
. LIV. XVII. - 1810 - CORRESPONDANCE 415
premières, on a suivi les prix courants du royaume;
par exemple, le bronze hors de service n'est porté
qu'à 1 franc la livre, parce que le cuivre neuf ne
coûte en Italie que 1 fr. à 1 fr. 10 cent., tandis que
le duc de Feltre l'estime à 1 fr. 50 cent. Il doit
donc y avoir également une différence dans les ob-
jets confectionnés. La poudre n'est portée qu'à 1 fr.
32 cent., parce que c'est le prix d'Italie. Elle ne
coûte pas davantage, quoiqu'en France elle soit éva-
luée à 1 fr. 75 cent. Le seul article qui paraîtrait
mériter observation serait . les bouches à feu en fer
coulé de service, qui sont portées au même prix
que les projectiles, et qui devraient avoir une valeur
plus forte. Du reste, cet article est peu considérable,
vu qu'il y a très-peu de pièces de cette classe. »
« Sire, Votre Majesté m'a donné connaissance Boc.tfep.
d'une lettre qu'elle a écrite au duc de Feltre sur le «octobre
* 1810.
dénûment du détachement du 28 e de dragons, qu'on .
avait été obligé de renvoyer de Turin. J'ai été d'au-
tant plus étonné de cet événement, que je savais que
le général Boise avait passé la revue de ce détache*
ment avant son départ, ainsi que le sous-inspecteur
aux revues. J'ai voulu me convaincre de la vérité, et
j'ai fait passer ce détachement par Milan à son re-
tour de Turin. Je l'ai passé moi-même en revue,
ce matin, dans le plus grand détail. Je dois à la vé-
rité de déclarer que ce détachement, en hommes et
chevaux, est en état d'entrer en campagne. Cela est
tellement vrai, Sire, que les mêmes hommes et les
mêmes chevaux repartiront après quelques jours de
IU MÉMOIRES DU PRINCE EUGÈ!U:
séjour à Milan, pendant lequel je ferai remplacer
tous les objets qui pourraient mériter la censure.
Plus des deux tiers de ce détachement ont 5, 4 et 5
ans de service. Les habits surtout qu'ils ont sur le
corps sont en bon état et ne peuvent être remplacés,
puisqu'ils ont été distribués en même temps qu'à
tout le régiment, en septembre de Tannée der-
nière. Il n'y a eu qu'un seul échange d'habits, et
c'est celui d'un trompette qui, d'après son propre
aveu, ne pouvant plus sonner, est passé dragon dans
' une compagnie il y a 2 mois, et il a bien fallu lui
donner un habit de dragon en échange de son habit
de trompette.
« L'article où il y a le plus à redire est celui des
culottes de peau. Un grand tiers et presque moitié
ont 16 et 18 mois de durée, et par conséquent de-
vraient être remplacées depuis 4 à 5 mois; mais il
est de fait que le 28 e de dragons se trouve, comme
tous les régiments de l'armée, dans une situation
très-critique sous le rapport des finances.
« Chaque régiment de votre armée d'Italie, Sire,
réclame de 150 à 180,000 francs. Cette dernière
somme est due au 28 e de dragons, qui n'a pas un
sou en caisse : tout l'argent de la masse de linge et
chaussure a été employé au retour de la campagne.
Le ministre directeur n'a fait aucun fonds pour les
remplacements de 1809, 40,000 francs en florins
que Votre Majesté leur a fait verser en Hongrie; mais
cet argent a presque entièrement passé en achats de
caissons et harnais dont les corps ont été obligés de
se pourvoir pendant l'armistice, ce qui a monté
LIY. XVII. - isio - CORRESPONDANCE 415
à près de 23,000 francs pour chaque corps. H n'est
donc pas étonnant que le corps à qui il est tant dû,
que le corps qui attend journellement ses remplace-
ments de 1809 et de 1810, et qui n'a pas d'argent
en caisse, il n'est pas étonnant, dis-je f que ce corps
n'ait pu faire les remplacements, pour lesquels il
n'a reçu aucuns moyens, et qui n'a pas la faculté
de se les procurer.
« La seule chose qui dépendait du colonel, et sur
laquelle il est coupable, c'est d'avoir mis ce détache-
ment en roule avec son seul surtout, sans son grand
uniforme. Il apporte pour raison que ce surcroît de
charge, dans la dernière campagne, a blessé et mis
hors de service près de 200 chevaux du régiment,
et que les généraux ont plusieurs fois été tentés de
laisser cet habit sur les derrières. En résumé, voici
les ordres que j'ai donnés :
« 1° Les grands uniformes de tout ce détachement
seront envoyés de suite à Milan ;
ce 2° On fournira une trentaine de culottes neuves
et une dizaine de paires de bottes aux dépens du ré-
giment; on en retiendra la valeur au corps quand
le ministre directeur aura fait les fond? qui sont
dus;
« 3° On remplacera 3 chevaux blessés et 20 hom-
mes tombés malades depuis le départ de Reggio ; et,
comme Votre Majesté vient d'ordonner nouvellement
que les escadrons de guerre du 29 e de dragons, qui
sont sous les ordres du général Miollis, fourniraient
le détachement de 100 hommes que le dépôt n'a
pu fournir, je réunirai le détachement du 28 e à ce-
Kap. I Eug.
Fontaine-
bleau,
A octobre
1810.
416 MÉMOIRES DU PRINCE EUGÈNE
lui du 29* au passage de ee dernier à Plaisance, el
je les mettrai en route pour leur destination \ »
« Mon fils, j'ai signe le décret qui forme un régi-
ment de conscrits de la garde royale. Quand ces jeu-
nes gens seront formés et auront quelque expérience,
on pourra leur donner, s'ils le méritent, le nom de
tirailleurs. Il serait bien nécessaire, ayant d'en ve-
nir là, que les corps de la légion fussent un peu
complétés. »
ce Mon fils, je vous avais demandé de faire régler
les matricules de vos poids et mesures sur les poids
et mesures de France. — La monnaie est déjà mise
sur le système français. Il faut en faire de même
pour les poids et mesures. Faites-moi connaître quel
système on suit aujourd'hui. »
« Mon fils, le prix du blé dans les différentes par^
4 b c!?obre ties du royaume offre de grandes différences dans
un pays où les transports sont si faciles. Je ne con-
çois pas comment une différence du double peut
exister entre un point et un autre : en prohibant la
Nap. i Eug.
Foulaine-
bleta,
4 octobre
1810.
fUp. I Eug.
Fontune-
1810.
1 Les détails contenus dans cette lettre peuvent paraître fastidieux,
mais ils nous ont paru prouver deux choses : 1* l'esprit de justice du
prince Eugène, le soin qu'il mettait dans les plus grandes comme dans
les plus petites affaires, et la tendance de Napoléon à laisser souvent
manquer d argent les corps de troupes placés hors de son action di-
recte. L'Empereur, en Italie comme en Espagne, retardait le paye*
ment des sommes dues aux- masses d'habillement, de harnachement,
dans l'espoir de forcer les corps à pourvoir eux-mêmes à ces fourni-
tures indispensables.
LIV. XVI!. — 1810 — CORRESPOiNDANCE 417
sortie des blés par mon décret, j'avais entendu dé-
fendre également les blés de Turquie. Le pain est
extrêmement cher à Turin, à Florence, et dans toute
l'Italie française. On a tellement besoin de blé, qu'on
vient en acheter jusqu'à Paris. Tenez donc la main
à la prohibition, et faites tout ce qui est possible
pour que le surplus de la consommation du royaume
d'Italie se dirige sur l'Italie française. »
« Mon fils, faites-moi un rapport sur le transit ^îg^jjj*
dans le royaume d'Italie. Mon intention est de n'ac- ^"ilr
corder aucun transit, ni pour la Suisse, ni pour le i810 '
Valais, ni pour la Bavière. Tout ce qui part de ces
points doit avoir payé les droits et être un commerce
ordinaire, mais non de transit. Quant aux marchan-
dises coloniales, je vous ai envoyé l'ordre de les
saisir partout où elles se trouvent : dès lors il n'y a
lieu à aucun transit que les marchandises n'aient
payé les droits. »
« Sire, j'ai l'honneur de rendre compte à Votre e "J é ^ b p-
Majesté que, d'après la déposition des quatre prison- A Jg l °^°
niers anglais, la dernière position de l'ennemi était
la suivante : Entre Lissa et l'Jstrie, il y a les frégates
Y 4 clive et VAmphyon, ainsi que la corvette
Devant Gorfou, il y a deux vaisseaux de 74, les fré-
gates YUnité et la Belle-Poule, une petite corvette et
un brick. Ils ont assuré qu'il n'y avait pas d'autres
forces anglaises dans l'Adriatique, en ne comptant
point huit ou dix corsaires maltais et siciliens, de 4
jusqu'à 14 canons. L'entrepôt de toutes leurs prises
ti. 27
418 MÉMOIRES DU PRINCE EUGÈNE
et le point de réunion de ces bâtiments est File de
Lissa. Si Votre Majesté daigne jeter un coup d'oeil
sur la carte de l'Adriatique, elle verra que d'Ancône
il est extrêmement facile de se rendre à Lissa, sur-
tout lorsque le mont d'Ancône n'a rien signalé à 50
ou 60 milles en mer. De l'aveu de ces prisonniers,
les Anglais ont constamment laissé une frégate ou
une corvette à Lissa pour garder leurs prises. Au-
jourd'hui que les frégates de Votre Majesté sont
réunies à An cône, je serais tenté de croire qu'il faut
profiter de ce premier moment pour faire quelques
prises aux Anglais, et en quarante-huit heures de
temps la division sortie d'Ancône pourrait être de
retour, après avoir détruit et brûlé tout ce qu'ils
auront pu de rétablissement de l'ennemi à Lissa.
Déjà, à Venise, le capitaine de vaisseau Dubourdieu
m'avait parlé de cette expédition comme d'une chose
facile, surtout certaine dans le premier moment de
sa réunion, où trois frégates ne peuvent se mesurer
avec sa division. Je prie Votre Majesté de vouloir bien
me dire si elle approuve ce projet. Bien entendu
cependant qu'il ne serait jamais exécuté qu'à coup
sûr, c'est-à-dire autant qu'aucune force supérieure
ennemie ne se présenterait devant cette division. »
Eug. a Nap
fcian, ' « Sire, j'ai reçu les ordres de Votre Majesté, rela-
4 octobre
isio. tifs aux grains qu'elle désire qui soient envoyés de
Venise et d'Ancône à Corfou. Comptant dans quel-
ques jours aller foire une tournée dans celte partie,
je verrai moi-même la maison de commerce avec
laquelle il sera possible de faire le contrat, tel qu'elle
LIV. XVII. — 1810 - CORRESPONDANCE 419
le désire ; j'aurai l'honneur d'informer Votre Ma-
jesté du résultat de ma démarche. »
« Mon fils, je reçois l'état des bâtiments arrivés x fJi£Jî!2f"
dans les ports du royaume pendant le mois d'août ; ^SS^n
mais je ne vois pas de quels endroits ils viennent. » 18W *
a Mon fils, le ministre de la guerre vous envoie nj?-*e^-
l'ordre de faire compléter le bataillon du 2* léger ila- g'jjjjj;
lien qui est à Corfou, en hommes et en officiers, jus- 181 °-
qu'à concurrence de 840 hommes présents sous les
armes. Il vous envoie également l'ordre de compléter
à 140 hommes présents les compagnies d'artillerie
et de sapeurs que vous avez dans cette île. Faites
partir ces renforts d'Olrantc, avec de bons outils et
tout ce qui sera nécessaire, à Corfou, afin qu'ils s' em-
barquent à la première circonstance favorable. Si les
Anglais étaient un jour maîtres de Corfou, l'Adria-
tique serait perdue pour toujours. Il faut donc em-
ployer Thiver à approvisionner cette île. Faites-moi
connaître comment vous pourriez y faire passer
60 milliers de poudre et quelques objets d'artille-
rie. Je désire que vous preniez des mesures pour y
envoyer d'Ancône 10,000 quintaux métriques de
blé, et 2,000 quintaux de riz. Je pense que cela doit
être hasardé en plusieurs convois. Faites numéroter
les bâtiments, et compter ce que chacun portera,
afin de savoir ce qui arrivera à Corfou. Comme j'ai
donné des ordres au ministre de l'administration de
la guerre, il vous écrira pour cela. »
420 MÉMOIRES DU PRINCE EUGÈNE
*Fonu£e-' (< Mon ^ ! ' s > J e re Ç°i s votre ' eUre du 30 septembre.
6 Mtoto* J° vo * 8 P ar cette lettre que le Rivoli ne pourra sortir
18i0, qu'au mois de mars. Je désirerais que Ton pût mettre
à l'eau, en février, le Mont-Saint-Bernard et le Rc-
generatore, et qu'on forçât de moyens pour avoir
l'artillerie et tout ce qui est nécessaire pour armer
ces trois bâtiments, de sorte qu'ils pussent sortir le
même jour, à la fin de mars ou avril, sous la protec-
tion des cinq frégates, et être armés en quatre ou
cinq jours, de manière à avoir, à cette époque, trois
vaisseaux, soit à Pola, soit à Àncône. Il me semble
qu'il n'y a aucune difficulté pour mettre les trois fré-
gates à l'eau, ni pour l'artillerie, ni pour les équi-
pages, puisqu'au besoin on désarmerait quelques-
uns des bâtiments actuels. Répondez-moi sur ce
point, qui est très-important. — Je ne vois pas que
vous ayez encore fait mettre sur les chantiers les
trois vaisseaux dont j'ai ordonné la construction. Il
n'y a plus aucune frégate sur le chantier ; je pense
qu'il faudrait y en mettre une. Je désirerais que les
frégates la Bel lotie et la Caroline pussent être armées
de caronades de 56, au lieu de pièces de 12. Pour-
quoi avez-vous fait des frégates si petites? Est-ce
qu'elles peuvent entrer tout armées à Venise? Ré-
pondez-moi sur ces questions. »
Map. * Eu g . « Mon fils, je yous ai écrit de donner deux bricks
FooUine- "
e^Tobrc au ^ liC ^ e R a £ use > sur estimation. Je désire que
i8io. vous mettiez de plus à sa disposition la corvette russe
le Tcrgoy, et le brick YAlexander, s'il est en bon
état. Si les officiers qu'envoie le duc de Raguse pour
L1V. XVII. — 1810 — COItRESPONDANCE 421
recevoir ces bâtiments le trouvent bon, vous pouvez
leur faire remettre aussi la frégate russe Y Astrale.
Je désire également que vous teniez trois bricks prêts
à être envoyés à Gorfou. Vous avez à Venise le Léoben,
VÉrtdan, la Charlotte, le Mameluk, le Lépante;
je voudrais envoyer trois de ces cinq bâtiments. Il
faudrait aussi envoyer trois demi-galères chebecks,
et autres petits bâtiments qui peuvent entrer dans le
port de Gorfou. Aussitôt que vous m'aurez fait con-
naître les bâtiments que vous aurez désignés et ce
qu'ils peuvent porter, je vous enverrai l'ordre de les
faire partir pour Gorfou, chargés de munitions de
guerre. Il y aura aussi à Gorfou, avec les sept bâti-
ments de la marine italienne que j'y ai, treize bâti-
ments, indépendamment de deux grosses frégates
françaises. »
« Mon fils, faites occuper, par une division de N J^f a f n ^*
5 à 6,000 Italiens, cavalerie, artillerie, infanterie, i%5$ n
et par un bon détachement de douanes et de gendar- 181 °*
merie, tous les cantons suisses italiens. — Vous ferez
sur-le-champ mettre le séquestre sur les marchan-
dises coloniales, et en général sur toutes celles dé-
fendues en Italie, qui sont là pour être introduites
en contrebande. Faites faire cette opération simulta-
nément. D'après ce que j'apprends, elle doit rendre
plusieurs millions. Placez ensuite des cantonnements
dans ces pays, et une ligne extraordinaire dédouanes
aux débouchés des montagnes. Faites connaître par
le chargé d'affaires italien en Suisse que cette
mesure est nécessitée par la contrebande qui se fait
422 MÉMOIRES DU PRINCE EUGÈNE
clans ces cantons, el que celte occupation durera
jusqu'à la paix avec l'Angleterre ; que c'est un des
moyens hostiles contre l'Angleterre que j'emploie
dans le Mecklenbourg et dans les ports de l'Alle-
magne ; que cela n'attentera pas à la véritable neu-
tralité de la Suisse ; mais que le placement des
douanes au débouché des montagnes est devenu in-
dispensable. Vous ferez arrêter tous les mauvais
sujets bannis du royaume d'Italie et les Anglais qui
se trouvent dans ce pays. Prescrivez des mesures pour
que cette opération se fasse à la fois et avec intelli-
gence. 11 devient indispensable d'occuper ces cantons,
ctrélablissementd'unelignededouanesaux sommités
des gorges sera la première opération. Je n'entre pas
dans les détails de l'exécution. Il faut que les généraux
que vous enverrez ne fassent pas de proclamations et
ne fassent point de sottises. Vous leur prescrirez de
confisquer toutes les marchandises anglaises. Les
marchandises coloniales seront soumises- aux droits.
Je ne veux point m' adresser directement à la Suisse.
Il n'y a pas de mal que ce soit une querelle de vous à la
Suisse ; après on aura recours à moi ; ce qui amor-
tira le coup : mais il faut que cela paraisse venir de
vous. Vous écrirez dans ce sens aux deux chargés
d'affaires d'Italie et de France, et vous direz que la
nécessité a forcé le gouvernement à cette mesure.
Du reste, vous laisserez à ces cantons leur constitu-
tion, leur manière de faire, et vous ne leur imposerez
aucune nouvelle contribution. Les troupes seront
nourries par vous; vous ne mettrez point de Français
dans ces colonnes. On m'assure qu'à la douaffe, du
LIV. XVII. — 1810 - CORRESPONDANCE 425
côté du Valais, il y a une grande quantité de mar-
chandises anglaises. Faites faire la même opération
dans le haut Valais. »
ce Sire, j'ai reçu les ordres de Votre Majesté du Eu 5 il ^ n Nap '
2 octobre, qui m'ordonnent de lui proposer la répar- 8 jgj} ir »
tition, en faveur de la marine et des ports, du revenu
extraordinaire des douanes de 1810 et 1811.
« Je vais demander au ministre des finances de
me fournir, par aperçu, l'état dudit revenu, et j'aurai
Thonneur d'en proposer la distribution à Votre Ma-
jesté.
« Votre Majesté me demande, par la même lettre,
si son décret relatif à la mise en chantier de nou-
veaux vaisseaux a reçu son exécution. J'ai eu l'hon-
neur de lui faire un rapport de Venise, dans lequel
se trouvent les raisons très-détai liées qui ont retardé
la mise sur le chantier desdits vaisseaux, et je la
prie de vouloir bien se le faire représenter.
« En résumé, les bois manquent dans l'arsenal,
parce que la circonstance de la guerre et les prises
assez nombreuses qu'ont faites les corsaires ennemis,
cette année, ont empêché l'arrivage des bois à grosses
dimensions, et ce ne sera que cet hiver qu'on rece-
vra de l'Istrie les bois pour les quilles de ces vais-
seaux; mais, comme j'ai déjà eu l'honneur de le
dire à Votre Majesté, quoique les vaisseaux ne soient
point sur le chantier, les vingt-quatrièmes ordonnés
par son décret n'en avanceront pas moins, parce
qu'on travaille les bois de moindre dimension qui
existent dans l'arsenal.
421 MÉMOIRES DU PRINCE EUGÈNE
« Je profite de celte circonstance pour renouveler
à Votre Majesté la prière de faire payer plus exacte*
ment les avances que fait la marine italienne à la
marine impériale. Malgré les ordres qu'elle m'a
annoncé avoir donnés, et son décret qui ordonnait
ail ministre de la marine de France de payer chaque
mois les travaux qui s'exécutent à Venise pour la
France, malgré ce décret, dis-jc, la marine italienne
n'en est pas moins en avance de 1,700,000 francs.
Nous n'avons pas encore touché un sou pour l'an-
née 1810, et presque rien pour les exercices anté-
rieurs. Nous avons, il est vrai, depuis un mois,
l'annonce de près de 800,000 francs; mais c'est une
simple lettre d'avis, et le payeur n'a reçu aucun
ordre de payement. Votre Majesté pourrait faire
terminer toutes ces réclamations, en voulant bien
décréter que la somme de ce qui serait fixée par la
marine de France pour la dépense de chaque mois
serait retenue sur le subside mensuel, comme cela
est en usage pour le payeur. Il n'existerait plus alors
aucune raison pour ralentir les travaux, puisque la
marine italienne aurait tous ses fonds libres à dé-
penser pour elle-même et ne serait plus contrainte
à des avances qui sont au-dessus de ses forces. »
^fcifiaiuë?' (< ^ on û' s > i c re Ç°^ s vos litres du 3. J'ai signé
oodohre un décret relatif à différentes dispositions de douane
pour mon royaume d'Italie. Envoyez-moi l'état des
marchandises venant d'Allemagne, existant aux en-
trepôts réels, selon la lettre que je vous ai écrite.
J'ordonne qu'on envoie à l'Académie de Brescia et à
1810.
LIV. XVII. - mo - CORRESPONDANCE 455
la bibliothèque du Cabinet des monnaies et médailles
d'flalie une collection complète de toutes les gra-
vures que j'ai dans mes bibliothèques, et dans la-
quelle se trouve l'Iconographie de Visconti. »
« Mon fils, je vous renvoie un état que je n'en- n*p. i Eu g .
• . * * Fonlai Dé-
tends pas. — Faites-le refaire en kilogrammes et Ai h ^
selon les mesures françaises, comme je vous l'ai 1810 -
déjà mandé. — Je ne connais pas ce que c'est
qu'un quintal, etc., etc. Adoptez donc une forme
fixe. »
« Mon fils, je vous ai répondu par le télégraphe ^^JS]*
sur l'expédition projetée de Lissa. Je suppose que is^uVe
vous avez réuni à Àncône les frégates la Favorite, la i81 °"
Couronne, VUranie, la Bellone, la Caroline , et les
bricks le Mercure, Yléna, la Princesse- Auguste et
la Charlotte; ce qui fait neuf bâtiments. Nul doute
que ces bâtiments doivent pouvoir attaquer non pas
seulement trois, mais même quatre frégates an-
glaises; mais pour cela il faut qu'ils soient bien
montés. — Je pense que vous devez composer votre
expédition de 60 hommes d'élite d'infanterie par
frégate, de 25 hommes par brick; ce qui fait
400 hommes, qui, joints à 400 hommes de gar-
nison, mettraient dans les mains du commandant de
cette expédition 800 hommes à débarquer. Gomme
le capitaine Dubourdieu est entreprenant et ambi-
tieux, il ne faut pas l'éperonner ; il faut lui laisser
la bride sur le cou. — Je suppose qu'il a déjà fait des
sorties avec ses frégates. Ne serait-il pas convenable
426 MÉMOIRES DU PRINCE EUGÈNE
qu'évitant les croisières anglaises il se rendit à Ra-
guse et s'essayât d'abord à des croisières sur des
points où les Anglais ne sont pas? Mais on ne peut
mieux faire que de donner carte blanche au capi-
taine, qui, connaissant ses équipages et le degré de
confiance qu'il doit avoir en eux, a la conscience de
ce qu'il peut. »
k»p. & Bug. « Mon fils, actuellement que nous avons 5 frétâtes
Foutaine- ' # * «
tt'ÎXre * Ancône, je ne puis trop vous recommander de
i8io. porter une grande attention aux batteries. Il faut
surtout avoir beaucoup de mortiers à plaque, qui
portent les bombes à 2,000 toises, beaucoup de
pièôes de 56, enfin avoir un bon armement. Je dé*
sire que vous fassiez faire des fusées à la congrève
portant à 1,700 toises. Je donne ordre au ministre
de la guerre de vous en envoyer le procédé. Des bom-
bardes s'avançant contre les croisières ennemies
pourront avec ces fusées mettre le feu aux vaisseaux.
Envoyez d'Ànlhouard passer 15 jours à Ancône pour
mettre les batteries en état, pourvoir à ce qu'il y ait
des bombes et des obus; que chaque mortier ait deux
plate-formes, afin que, lorsqu'une est enfoncée, on
puisse transporter le mortier sur l'autre; enfin qu'il*
y ait des batteries dans l'île. Faites installer 2 bom-
bardes à Venise. Ces bombardes pourront porter
2 mortiers, elles se placeront à l'entrée du port, et
tireront des bombes pour défendre le port. Une divi-
sion de chaloupes canonnières sera également néces-
saire. Faites-moi connaître combien il y en a, et s*
elles sont en état. Une douzaine de chaloupes canon-
LIV. XVII. — 1810 — CORRESPONDANCE 487
nières pourrait y rester sans équipages, puisque les
frégates et les bricks pourraient les fournir, mais ces .
chaloupes canonnières sortiraient et échangeraient
des boulets. »
a Sire, Votre Majesté me demande par sa lettre du Bug. à Na P .
6 octobre si le Mont-Saint-Bernard et le Régénéra- **$$**
leur peuvent être lancés au mois de mars prochain
en même temps que le Rivoli. J'ai déjà eu l'hon-
neur de rendre compte à Votre Majesté que pour le
mois de mars le Rivoli sera prêt, c'est-à-dire que
l'ingénieur qui a fait creuser les canaux espère, si les
gros temps ne le contrarient point, avoir assez creusé
pour celte époque, pour que le vaisseau puisse se
rendre à Malamoco. Quant au Mont-Saint-Bernard
el au Régénérateur, en faisant tous les efforts pos-
sibles, le Mont-Saint-Bernard pourrait être lancé
vers la fin d'avril, et le Régénérateur vers le mois de
juin, car les avant-cales de ces deux vaisseaux ne
seront terminées qu'à cette époque. Ainsi, si les tra-
vaux ne sont contrariés par aucune circonstance
extraordinaire et surtout si l'argent ne manque pas,
les 3 vaisseaux pourront réellement, dans le courant
de l'année , c'est-à-dire vers juillet et août, sortir de
Malamoco pour gagner Ancone ou Pola ; mais, je le
répèle à Votre Majesté, il est bien instant que la ma-
rine soit couverte de ses avances, car les matériaux
ont manqué et les travaux de construction n'ont pas
eu toute l'activité désirable par le manque de fonds»
Voilà l'année 1810 bientôt écoulée et elle se sera
passée en écriture entre les deux ministres. La ma-
428 MÉMOIRES DU PRINCE KUCKNK
rine italienne est en avance de 1 ,700,000 francs pour
la marine française sur les fonds qui étaient destinés
à ce service ; et, à compte de ces fonds, le trésor ita-
lien a secouru la marine de 5 à 600,000 francs, c'est
tout ce qu'il a pu faire h cause de ses avances sur
tous les autres services. H est très-vrai que les deux
ministres sont en discussion sur une somme de
100,000 francs; mais est-ce une raison pour laisser
en retard tout ce qui est bien reconnu ?
« Enfin, Votre Majesté me demande pourquoi on a
fait des frégates aussi petites que la Bellone et la Caro-
line, et s'il est vrai qu'elles peuvent entrer à Venise
tout armées. Ces deux frégates, Sire, n'ont été con-
struites que dans cette intention, parce qu'elles
étaient destinées à rester toutes deux à Venise, pour
empêcher une frégate anglaise de venir bloquer ce
port. Une nouvelle frégate italienne de 44 canons va
être mise sur les chantiers. On m'a proposé d'en
mettre une seconde sur chantier qui serait de
44 bouches à feu, et qui pourrait sortir tout armée
par Malamoco. La batterie basse serait de caronades
de 36 et ses gaillards en caronades de 24. Elle serait
de force à se mesurer avec une frégate de premier rang
et aurait l'avantage d'être faite en très-peu de temps,
parce qu'on peut, y employer des bois de démolition
existant à l'arsenal et n'étant bons qu'à cela. Ces
2 frégates pourraient être prêtes dans le courant de
l'année 1811, et je prie Votre Majesté de me donner
ses ordres par rapport à la seconde.
« Votre Majesté m'ordonne de mettre à la dispo-
sition du maréchal duc de Raguse la frégate, la cor-
L1V. XVII. — 1810 - CORRESPONDANCE 429
vctle et un brick russes, dans le cas où les officiers
qu'il enverrait trouveraient ces bâtiments bons.
J'exécuterai cet ordre; mais je suis porté à croire
qu'il en coûtera plus en réparations qu'à faire du
neuf, ce sont de vieux bâtiments et de mauvaise con-
struction. »
« Mon fils, vous trouverez ci joint une lettre du ^Eifij"
ministre comte Mollien, sur la difficulté de faire ar- le^obre
river des fonds à Corfou. Ne serait-il pas possible de 181<u
trouver chez des négociants de Yenise ou d'Àncône
des traites sur Corfou? Ces villes ont des relations de
commerce avec les îles Ioniennes. Je vous prie d'en-
voyer à Brindisi 2 ou 3 courriers ou bâtiments que
vous jugerez le plus propres 5 faire ce service, pour
aider aux transports sur Corfou. Yenise offre plus de
facilités que N a pi es. Consultez les marins même et
voyez si l'on ne pourrait pas envoyer à Brindisi de
plus forts bâtiments que des courriers, tels que des
chebecks, demi-chebecks, ou autres petits bâtiments
armés. Je me repose sur vous pour cela. Tout ce qui
regarde Corfou est de la dernière importance, car
certainement les Anglais assiégeront Corfou l'année
prochaine. »
a Sire, j'ai l'honneur de rendre compte à Votre Eu &a£ p "
Majesté que depuis mon arrivée ici j'ai passé en revue "iSJo!" 6
les troupes de la garnison, visité les travaux de marine
ainsi que les travaux du port, aujourd'hui je compte
visiter les fortifications. Le.temps ayant été constam-
ment contraire, la division n'a pu mettre à la voile,
452 MÉMOIRES DU PRINCE EUGÈNE
de 1811. Le total s'élève à 12,000 hommes, non
compris les 1,400 qui appartiennent à la conscrip-
tion maritime. Cette levée serait partagée en classes.
La moitié, ou l'actif, devrait se rendre, dans le cou-
rant de janvier, dans les cadres de l'armée. La
deuxième moitié, x)u réserve, serait disponible en
cas de besoin. »
B 4nc*M, p ' « Sire, j'ai l'honneur d'adresser à Votre Majesté
*°i8io! )re deux tableaux, l'un indiquant le nombre des conscrits
réfractaires de ces quatre dernières années, se mon-
tant à 22,227 hommes; l'autre indiquant les déser-
teurs, dans le même temps, et porté à 17,750 : to-
tal 39,977 hommes. Ce résultat est affligeant. L'on
emploie tous les moyens pour l'empêcher ou y re-
médier. On espère chaque année y réussir, et ce-
pendant on ne peut en venir à bout. La faute en est
peut-être aux autorités civiles, que l'on pourrait
accuser d'indolence à cet égard. En général, l'admi-
nistration du royaume est encore bien arriérée de
celle de l'empire. Cependant, on arrête journelle-
ment de ces déserteurs. La totalité se monle à plu-
sieurs milliers par an. On est peiné d'être obligé de
porter une condamnation aux fers envers une qua-
rantaine de mille individus. J'avais cru, pour le
meilleur service de Votre Majesté, devoir chercher
à tirer parti de ces hommes, qui ne sont pas de mau-
vais sujets dangereux à la société, mais qui ne sont
qu'égarés soit par les idées superstitieuses ou par la
peur, et je les envoyais 4 l'île d'Elbe. Actuellement
que Votre Majesté a décrété un seul bataillon colonial
LIV. XVII. - itio - CORRESPONDANCE 435
dans cette île, j'en retire le 6 e de ligne, qui se re-
crutera par la conscription : mais je suis obligé de
supplier Votre Majesté de m'autoriser à former un
corps sous le nom qu'il plaira à Votre Majesté, ou
sous le 8 e régiment, qui serait employé en Dalmalie,
à Cattaro, ou à Raguse. Ce corps ne serait pas à
charge à l'armée d'il ly rie, puisqu'il serait composé
d'hommes fermes, et les conscrits réfractaires se-
raient dirigés par convois sur ce régiment.
« Étant dépaysés, ils seraient soumis. Se trouvant
dans un pays étranger et séparés par la mer, ils ne
pourraient déserter, et, au bout de dix-huit mois, ils
auraient pris l'esprit militaire; car j'ai fait une ob-
servation sur tous les Italiens : tous les recrues,
généralement, redoutent le militaire ; il leur faut
quinze à dix-huit mois pour s'habituer à la vie du
soldat. C'est pendant ce premier temps seul que la
désertion a lieu ; mais, passé cette époque, ils sont
attachés h leur état, et l'on peut les laisser libres; ils
ne désertent plus. Je supplie Votre Majesté de me
faire connaître ses intentions, en lui répétant qu'il
ne s'agit pas de mettre des brigands sous ses dra-
peaux ; au contraire on les livre aux tribunaux : mais
il est question de ce pays neuf, de tirer parti d'une
population considérable et que de vieilles habitudes
égarent. Dans le cas cependant où Voire Majesté se
refuserait à l'organisation d'un nouveau corps, je la
prierais de consentir à ce que le 6 e régiment passât
à Raguse ou à Cattaro. »
FIN DU SIXIÈME TOME.
?i. 28
TABLE DES MATIERES
LIVRE XV
DE 1" JUILLET AU 14 KOYEMBBE 1809.
§ I. — Position de Farinée d'Italie dans les premiers jours de juil-
let 1809. — Mouvement sur Schwalchat. — Rôle de l'année d'Italie
a Wagram, les 5 et 6 juillet. — Réflexions. — L'Empereur place
les Saxons et les Wurtemburgeois sous les ordres du prince Eugène.
— Le vice-roi, envoyé en Moravie, est chargé de couvrir Vienne
(10 juillet). — Reconnaissance sur Marcheg. — Positions occu-
pées par l'armée d'Italie après l'armistice de Zuaùn. — Résultats
obtenus par cette armée pendant la campagne de 1809. . . 1
§ H. — Le quartier général du prince Eugène transporté d'abord à Si-
• senstadt, puis a Vienne. — Occupations du vice-roi jusqu'à la con-
clusion de la paix. — U se rend à KUgenfurth, puis à Villach, à la
fin d'octobre l809 v et y établit son quartier général. — Son dé-
part pour Milan, le 12 octobre 1809 17
Correspondance relative au Livre XV 31
LIVRE XVI
m 14 hovbube 1809 ad 15 rivaiEA 1810.
§ I. — Campagne du Tyrol , d'avril 1809 à février 1810. — Con-
sidérations de nature à expliquer les causes qui portèrent les babi-
tauts du Tyrol a s'insurger. — Premier acte d'hostilité, le 10 avril,
vers Rrixen. — Le général Baraguey d'Hilliers se porte sur Trente.
Arrivée de la division Fontanelli, dans cette ville, le 16 avril.
43G TABLE DES MATIERES.
Position qu'elle occupe autour de cette place sur les deux rivas de
l'Adige. — Organisation d'un corps de 9 a 40 mille hommes char-
gés de coun-ir les débouchés du Tyrol. — Divisions Vial et Foota-
nelli. — Retraite de ces troupes sur Caliano, puis successivement
sur Roveredo et sur Ala. — Rapport du colonel de Vaudoncourt sur
la réorganisation de Tannée d'Italie. — La division Rusca, chargée
seule de couvrir en Tyrol la gauche de l'armée du vice-roi. Marche
de cette division, à partir du 2 mai, sur Ala, Trente, Priraokno,
Bellune. — Combats de Gapo di Monte et de Cadore, les 8 et 9
mai. — Marche de la division sur le Tagliamento pour se rabattre
sur Cividale au sud. Elle remonte vers le nord par Udine, Piesze
et Spital, où elle prend position le 23 mai. — Attaque du 5 juin,
de Chasteler sur Klagenfurth. — La division Rusca pendant le mois
de juillet. — Le général Rusca fait occuper Sachsenburg à la lin
de juillet. Sa marche sur Liens le 2 août. — Combat de Liens.
— La division se replie, le 11, sur Klagenfurth. — Formation
d'une division de 4,000 hommes, a Vérone, mise sous les ordres
du général Peyri, en septembre. Elle occupe Rivoli, la<€orona ; sa
marche sur Trente le 23 septembre ; réoccupation de la ville le 28.
— Combat du 25 octobre autour de Lavis. — Le général Peyri,
entouré par l'insurrection, se replie sur Trente le 6 octobre. — Ar-
rivée du général Vial pour commander la division. — Composition
et force de la division Vial à la fin d'octobre. - Affaires dans la
vallée de la Drave. — Les insurgés bloquent le fort de Sachsen-
burg (premiers jours d'octobre). — Combats de Sachsenburg à Vil-
lach. — Proclamation du prince Eugène aux Tyroliens. — Lettre
du roi de Bavière au vice-roi. — Andréas Hoffer, ses lettres et ses
proclamations. — Mission du commandant Tasclier de la Pagerie,
aide de camp du prince Eugène dans le Tyrol. — Lettre du vice-
roi à son beau-père. — Réponse du roi. . . .„ 121
§ II. — Position des troupes françaises dans le Tyrol au com-
mencement de novembre 1807. — Opérations, marche et combats
de la colonne du général Peyri ; sa jonction avec le général Vial à
Bolzano (ou Botxen). — Opérations du corps bavarois depuis le mi-
lieu d'octobre jusqu'à la fin de novembre. — Composition et em-
placement des trois divisions bavaroises formant le corps du général
Drouet au 11 octobre 1809. — Opérations dans le nord du Tyrol.
— Concentration autour d'Inspruck. — Soumission des divers hal-
lages. — Opérations du général Baraguey d' Milliers dans la vallée
de la Drave. — Composition de son corps d'armée, marche des
troupes sur Liera, Prunecken et Mulbach. — Affaire de Mulbach
(le 8 novembre). — Les. généraux Rusca, Sévéroli et Barbou re-
çoivent l'ordre (14 novembre) de diriger des colonnes mobiles sur
divers points. — Attaque de Méran par les insurgés. — Retraite
de la division Rusca sur Terlan et Bolzano. — Malheureuse affaire
TABLE DES MATIÈRES 457
de Saint-Léonard. — Belle défense du commandant Doreille. —
Position critique du général Baraguey d'flilliers jusqu'au 22 no»
vembre, manquant de vivres et de munitions. — Attaques des 20
et 21 novembre par la division Rusca. — Sa marche en avant sur
Méran. — Soumission des habitants du Wintschgau. — Révolte des
vallées de l'Eysach, le chef Kolb. — Force dont dispose à la fin
de novembre le général Barague y d'Hilliers. — Désarmement du
Wintschgan et du Passeyer. — Réunion de la division Sévéroli 5
Bolzen. — Expédition du général Moreau sur Prunecken, où le gé-
néral Almeyras est bloqué. — Opération entre Prunecken et Lieu.
— Du 15 décembre au milieu de janvier, marche des colonnes
françaises pour le désarmement du pays. Les troupes se replient
sur le Tyrol italien. — Prise de Hoiïer le 27 janvier. — Le Tyrol
allemand remis, le 8 février, aux troupes bavaroises. — Fin de la
campagne du Tyrol 187
Correspondance relative au livre XVI 249-
LIVRE XVII
DE NOVEMBRE 1809 A OCTOBRE 1810.
§ I. — Le prince Eugène, de retour a Milan (14 novembre 1809), s'oc-
cupe de l'administration intérieure du royaume. — Modifications
ministérielles. — Départ du vice-roi pour Paris (commencement de
décembre). — Le divorce. — Mission du commandant Tascber. —
Anecdotes relatives au divorce.— Entrevue de l'Empereur avec l'im-
pératrice Joséphine en présence du prince Eugène. — Soirée du.
15 décembre aux Tuileries. — Eugène au Sénat, 16 décembre. —
Correspondance entre le vice-roi et la princesse Auguste. — Règle-
ment des affaires d'intérêt pour l'impératrice et le prince Eugène.
— Duché de Francfort. — Affaire du domaine de Navarre. —
Projets de Napoléon pour régler les intérêts d'Eugène. . • . 279*
§ II. — Retour d'Eugène à Milan (18 février 1810). — L'Istrie et la
Dalmatie enlevées au royaume d'Italie. — Réunion du haut Adige
à ce royaume. — Départ du prince Eugène et de la princesse Au-
guste pour Paris' (12 mars 1810). — Us reviennent à Milan en
juillet. — Voyage du vice-roi a Venise en septembre 1810. . 306
Correspondance relative au livre XVII 511
FIN" DE LA TABLE DF.S MATIÈRES.
i
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