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Full text of "Les maladies des yeux dans leurs rapports avec la pathologie générale;"

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YALE 
MEDICAL  LIBRARY 


HISTORICAL 
LIBRARY 

The  Harvey  Cushing  Funâ 


Digitized  by  the  Internet  Archive 

in  2012  with  funding  from 

Open  Knowledge  Commons  and  Yale  University,  Cushing/Whitney  Médical  Library 


http://www.archive.org/details/lesmaladiesdesyOOberg 


LES 


MALADIES    DES    YEUX 


DANS    LEURS    RAPPORTS 


AVEC     I.A 


PATHOLOGIE    GÉNÉRALE 


OUVRAGES   DU   MEME   AUTEUR 


Anatomie  normale  et  pathologique  de  l'œil.  Ouvrage  couronné  par  l'Aca- 
démie des  Sciences,  avec  12  planches  hors  texte  tirées  en  taille-douce.  Paris,  chez 
Octave  Doin,  1889.  (Épuisé.) 

La  chirurgie  du  sinus  sphénoïdal.  Paris,  chez  Octave  Doin,  1890. 

Rapports  entre  les  maladies  des  yeux  et  celles  du  nez  et  de  ses  ca- 
vités voisines.  Avec  6  figures  intercalées  dans  le  texte.  Paris,  chez  Octave  Doin, 
1892. 


SOUS     PRESSE 

Anatomie  normale  et  pathologique  de  l'œil.  Ouvrage  couronné  par  l'Aca- 
démie des  Sciences.  Deuxième  édition,  corrigée  et  considérablement  augineutée. 
Volume  1. 


S65-US,  —  Cobdbil.  Imprimerie  Ckêtê. 


LES 


MALADIES  DES  YEUX 


DAxNS    LEURS    RAPPORTS 


PATHOLOGIE     GÉNÉRALE 


Le    Dr   Emile    BERGER 


Leçons  recueillies  par 
LE     Dr    R.     DE     SALNT-CYR    DE     MONTLAUR 

HE  VUE  S     PAR    LE  PROFESSEUR. 


Avec  43  flgures  intercalées  clans  le  texte. 


PARIS 
G.    MASSON,    ÉDITEUR 

LIBRAIRE      DE      L  '  ACADÉMIE      DE      MÉDECINE 

120,    BOULEVARD    SAINT-GERMAIN,    120 

1892 


RE4& 


PRÉFACE 


Les  anciens  auteurs  ont  souvent  admis  qu'il  existait  des  rela- 
tions entre  les  maladies  des  yeux  et  les  dyscrasies  ;  mais  leur 
opinion  était  tout  arbitraire  et  ne  reposait  sur  aucune  preuve 
scientifique.  Grâce  aux  nouveaux  moyens  d'investigation  dont 
s'est  enrichie  la  science,  grâce  à  l'ophthalmoscopie,  à  la  périmé- 
trie  et  à  d'autres  méthodes,  on  a  pu  étudier  ces  rapports  d'une 
façon  sérieuse  dans  les  quarante  dernières  années. 

A  l'heure  actuelle,  l'ophthalmoscope  ne  vient  pas  seulement  en 
aide  au  diagnostic  :  il  permet  dans  un  bon  nombre]  de  cas  de 
reconnaître  l'existence  de  maladies  générales  qui  [ne  s'étaient 
révélées  par  aucun  symptôme  apparent  avant  l'examen  ophthal- 
moscopique;  il  me  suffira  de  citer  la  néphrite  interstitielle,  qu'on 
reconnaît  parfois  à  l'existence  seule  de  la  rétinite. 

Depuis  longtemps  déjà  les  savants  spéciaux  qui  s'occupent  des 
maladies  nerveuses  ont  reconnu  l'importance  d'un  examen  de 
l'œil  pour  arriver  à  un  diagnostic  précis.  A  la  Salpêtrière,  tout 
d'abord,  on  confia  à  des  oculistes  le  soin  d'examiner  l'organe  de 
la  vue  des  malades,  et  cette  pratique  fournit  des  données  d'une 
grande  valeur  pour  le  diagnostic,  pour  le  pronostic  et  même 
pour  l'explication  théorique  des  affections  du  système  nerveux. 
Aujourd'hui,  cet  exemple  est  suivi  dans  presque  toutes  les  clini- 
ques similaires. 

Dans  ces  dernières  années,  on  a  constaté  un  rapport  très  fré- 


VI  PRÉFACE. 

quent  entre  les  maladies  des  yeux  et  les  affections  du  nez  et  des 
sinus  ;  on  pourrait  citer  de  nombreux  cas  d'affections  de  ce  genre 
qu'on  n'a  songé  à  rechercher  qu'après  avoir  constaté  l'existence 
de  troubles  oculaires.  Ce  qui  se  produit  pour  les  lésions  du  nez 
et  des  sinus  se  produit  également  pour  un  très  grand  nombre  de 
maladies  d'autres  organes  et  de  dyscrasies,  qui  retentissent  aussi 
sur  l'organe  de  la  vision. 

Dans  les  nouveaux  traités  d'ophthalmologie,  on  a  bien  tenu 
compte  des  relations  existant  entre  les  maladies  des  yeux  et  celles 
qui  affectent  d'autres  organes  ou  l'ensemble  de  l'organisme;  mais 
les  affections  oculaires  y  sont  divisées  en  maladies  des  paupières, 
de  la  cornée,  de  la  sclérotique,  etc.,  et  cette  classification  ne 
permet  pas  au  médecin  praticien  de  se  faire  une  idée  exacte  des 
altérations  qu'une  même  maladie  peut  produire  dans  les  diverses 
couches  de  l'organe  de  la  vision. 

Il  est  important  pour  le  praticien  lui-même  d'avoir  les  moyens 
de  reconnaître  les  troubles  oculaires  et  les  diverses  lésions  de 
l'œil  qui  peuvent  n'être  que  la  conséquence  d'une  dyscrasie  ou 
d'une  maladie  d'un  autre  organe  ;  mais  il  importe  non  moins  aux 
progrès  de  l'ophthalmologie  que  les  représentants  des  diverses 
branches  de  la  médecine  soient  en  état  d'apporter  leurs  observa- 
tions et  leurs  critiques  dans  les  études  de  cette  nature.  M.  Foerster 
a  dit  avec  juste  raison  que,  dans  les  cliniques  ophtalmologiques, 
un  certain  nombre  de  troubles  oculaires  ne  sont  jamais  observés 
parce  qu'ils  ne  sont  que  les  symptômes  d'une  maladie  générale 
qui  fait  renvoyer  ceux  qui  en  sont  atteints  à  une  clinique  de 
pathologie  interne.  Plus  il  s'établira  de  rapports  étroits  entre 
l'ophtlialmologie  et  la  pathologie  générale,  plus  on  se  fera  une 
idée  exacte  de  l'étiologie  des  maladies  des  yeux.  On  pourra  alors 
espérer  établir  d'une  manière  rationnelle  le  traitement  des  affec- 
tions oculaires. 

-  J'ai  pensé  qu'il  serait  agréable,  non  seulement  aux  praticiens, 
mais  aussi  à  nos  confrères  en  ophthalmologie,  d'avoir  un  ouvrage 
-résumant  les  relations  qui  existent  entre  les  maladies  des  yeux 


PRÉFACE.  VII 

el  les  autres  maladies,  car  il  faut,  pour  trouver  des  indications  à 
cet  égard,  consulter  une  foule  de  publications  diverses,  et  ce 
travail  ne  laisse  pas  que  d'être  des  plus  fastidieux.  Ce  livre  con  - 
tient  assurément  de  nombreuses  lacunes;  il  aura  du  moins  l'a- 
vantage de  montrer  combien  cette  partie  de  la  science  médicale 
appelle  de  nouvelles  recherches. 

L'importance  de  certaines  questions  cliniques  m'a  forcé  à  sortir 
un  peu  du  cadre  dans  lequel  j'aurais  dû  me  renfermer  si  je  m'en 
étais  tenu  strictement  au  titre  de  cet  ouvrage.  Ainsi  dans  la 
partie  consacrée  aux  troubles  oculaires  occasionnés  par  des  ma- 
ladies professionnelles,  je  me  suis  occupé  de  quelques  altérations 
de  l'œil  qu'on  ne  saurait  regarder  comme  dépendantes  d'une 
affection  d'un  autre  organe. 

Une  bibliographie  indique  à  chaque  chapitre  les  travaux  les 
plus  récents;  nous  avons  pensé  que  les  lecteurs  trouveraient 
ainsi  plus  utile  et  plus  pratique  ce  résumé  de  nos  leçons  profes- 
sées à  notre  Clinique  des  yeux  à  Paris. 

Le  présent  ouvrage  est  surtout  destiné  à  attirer  l'attention  de 
nos  confrères  sur  une  question  à  la  fois  importante  et  pleine  d'in- 
térêt :  les  rapports  qui  existent  entre  les  affections  des  yeux  et 
les  autres  maladies.  Si  nous  réussissons  à  éveiller  l'attention,  à 
provoquer  de  nouvelles  recherches,  nous  aurons  atteint  notre  but . 

Paris,  le  31  décembre  1891. 

L'AUTEUR. 


TABLE  DES  MATIÈRES 


PREMIERE  PARTIE.  —  Généralités 1 

I.  —  Utilité  de  l'embryologie  pour  expliquer  les  rapports  entre 

les  affections  des  yeux  et  d'autres  affections 1 

H.  —  Rapports  de  l'organe  de  la  vision  avec  le  système  nerveux.  3 

A.  —  Parcours  et  terminaison  centrale  des  fibres  optiques 3 

1 .  Nerf  optique.  Chiasma 3 

2.  Bandelettes  optiques 12 

3.  Centres  sous-corticaux  de  la  vision 14 

a.  Tubercules  quadrijumeaux , 15 

b.  Corps  genouillé  externe 17 

c.  Couches  optiques 17 

4.  Racine  spinale  du  nerf  optique 19 

5.  Capsule  interne 21 

6.  Radiations  optiques  de  Gratiolet 22 

7.  Centre  cortical  (psychique)  de  la  vision 23 

Bibliographie 30 

B.  —  Nerfs  moteurs  de  l'œil 31 

Généralités 31 

I.  —  Paralysies  intra-cérébrales  des  nerfs  moteurs  de  l'œil 38 

A.  —  Paralysies  de  l'oculo-moteur  commun 38 

1 .  Paralysies  d'origine  corticale 38 

2.  —         par  destruction  des  fibres  reliant  le  centre  cortical  de  l'oculo- 

moteur  commun  à  son  noyau 38 

3.  —         nucléaires 38 

4.  —         par  lésion  des  faisceaux  dans  leur  trajet  depuis  le  bulbe  jus- 

qu'à la  base  du  crâne 39 

B.  —  Paralysies  du  pathétique 40 

C.  —         —          de  l'oculo-moteur  externe 40 

II.  —  Paralysies  extra-cérébrales  des  nerfs  moteurs  de  l'œil 42 

1.  Formes  diverses  de  la  paralysie  basilaire  des  nerfs  moteurs  de  l'oeil...  42 

2.  Paralysies  des  nerfs  moteurs  de  l'oeil  par  une  lésion  siégeant  dans  le 

sinus  caverneux 45 

3.  Paralysies  des  nerfs  moteurs  de  l'œil  par  compression  dans  la  fente 

sphénoïdale 45 

4.  Paralysies  orbitaires  des  muscles  de  l'œil 46 

5.  —         périphériques  des  muscles  de  l'œil 46 

Bibliographie 46 

III.  —  Centre  des  mouvements  coordonnés  des  yeux 47 

1.  Tubercules  quadrijumeaux 47 

2.  Pédoncules  cérébelleux 47 


X  TABLE  DES  MATIÈRES. 

3.  Cervelet 42 

4.  Corps  restifonnes 48 

•  5.  Pont  de  Varolc 49 

6.  Centre  cortical  des  mouvements  coordonnés  des  yeux 49 

7.  Symptomatologie  des  troubles  fonctionnels  des  mouvements  coordonnés 

des  yeux 49 

a.  Déviations  conjuguées 49 

Il  Nystagmus 50 

c.  Paralysie  essentielle  de  la  convergence 50 

d.  —               —          de  la  divergence 51 

e.  Symptôme  de  Graefe ■. 51 

C.  —  Nerf  facial .' 52 

I).  —  Nerf  trijumeau  [première  branche) 54 

E.  —  Diagnostic  de  la  localisation  des  lésions  du  système  nerveux  central, 

d'après  les  troubles  fonctionnels  de  l'œil 58 

F.  —  Grand  sympathique 59 

Portion  cervicale  du  grand  sympathique 59 

Pupille 62 

a.  Réaction  lumineuse 63 

b.  —        pupillaire  consensuelle 64 

c.  —               —         à  l'accommodation 65 

d.  Examen  et  valeur  diagnostique  des  symptômes  pupillaires 65 

Artères,  veines  et  lymphatiques  de  l'œil 67 

DEUXIÈME  PARTIE.  —  Partie  spéciale 71 

I.  —  Troubles  oculaires  dans  les  maladies  du  système  nerveux..  73 

A.  —  Maladies  du  cerveau 73 

I.  Anomalies  dans  la  quantité  du  sang 73 

a.  Hypérémie  du  cerveau 73 

6.  Anémie  du  cerveau 74 

?.  Affections  des  méninges  cérébrales 75 

a.  Pachyméningitc.  Hématome  de  la  durc-mèro 75 

b.  Apoplexie  des  méninges 75 

c.  Méningite  aiguë  (simple,  tuberculeuse,  cérébro-spinale) 75 

d.  —         chronique 78 

3.  Affections  de  la  substance  cérébrale 79 

a.  Apoplexie  cérébrale "9 

b.  Embolie,  thrombose  des  artères  cérébrales 80 

c.  Encéphalite  suppurée 81 

d.  —           des  enfants 81 

e.  Sclérose  en  plaques 82 

/.  Tumeurs  cérébrales 82 

i.  Maladies  mentales 87 

a.  Paralysie  générale 87 

b.  Manie • 90 

c.  Mélancolie 90 

d.  Démence 90 

5.  Troubles  de  la  vue  chez  les  dégénérés 90 

«.Idiotie 90 

b.  Organe  de  la  vue  des  criminels 92 

C».  Hydrocéphalie 93 

a.  Hydrocéphalie  des  enfants 93 

b.  —             des  adultes 03 

Bibliographie 93 

B.  —  Maladies  de  la  moelle  allongée 96 

1.  Paralysie   labio-glosso-laryugée 96 

2.  Troubles  oculaires  dans  les  lésions  bulbo-médullaires  se  inauifestaut  par 

la  thermo-anesthésie,  l'analgésie,  des  troubles  sudoraux  et  vaso-mo- 
teurs (Grasset) 97 

3.  Paralysie  bulbaire  antérieure  (supérieure).  Ophthalmoplégie  progressive.  97 


TABLE   DES   MATIÈRES.  XI 

A.  —  Poliencéphalite  aiguë  inférieure 98 

1.  —  Poliencéphalite  aiguë  inférieure  héinorrhagique 98 

k.  Nona 98 

[3.  Poliencéphalite  inférieure  aiguë 98 

"2.  —  Poliencéphalite  inférieure  aiguë  infectieuse 99 

B.  —  Poliencéphalite  suh-aiguë  et  chronique 100 

a.  Maladies  des  nègres.  Nélanane 100 

p.         —        de  Gayct 100 

y.        —        de  Gerlier.  Vertige  paralysant 100 

o.  Poliencéphalite  inférieure  syphilitique 101 

s.              —                    —        consécutive  à  l'épendymite  chronique.  101 

C.  —  Apoplexie  bulbaire 101 

1).  —  Embolie  et  thrombose  de  l'artère  basilaire 101 

E.  —  Thrombose  de  l'artère  vertébrale 102 

Bibliographie 102 

C.  —  Troubles  oculaires  dans  les  affections  de  la  moelle  épinière 102 

1.  .Méningite  rachidienne 102 

2.  Traumatisme  de  la  moelle  épinière 103 

3.  Myélite  diffuse  aiguë 104 

4.  Sclérose  en  plaques  du  cerveau  et  de  la  moelle  épinière ...  104 

5.  Tabès  dorsal 107 

a.  Atrophie  du  nerf  optique 107 

b.  Troubles  fonctionnels  de  la  pupille 113 

c.  —        de  l'accommodation 1 1  i 

d.  —        fonctionnels  des  muscles  de  l'œil 115 

e.  Parai ysie  du  nerf  facial 116 

f.  Tabès  et  syphilis 117 

g.  Les  troubles  oculaires  du  tabès  et  la  théorie  du  tabès  dorsal 117 

6.  Syphilis  médullaire  précoce 118 

7.  Ataxie  héréditaire.  Maladie  de  Friedreich 119 

8.  Sclérose  latérale  amyotrophique 119 

9.  Atrophie  musculaire  progressive 120 

10.  —                             royopathique 120 

11.  Syringo-myélie 121 

Bibliographie 121 

D.  —  Troubles  oculaires  dans  les  névroses 122 

1 .  Épilepsie 122 

2.  Éclampsie  des  enfants 125 

3.  Chorée 125 

4.  Paralysie  agitante  (maladie  de  Parkinson) 125 

5.  Tétanos 126 

6.  Tétanie 126 

7.  Maladie  de  Thomsen 126 

8.  Névrasthénie 127 

9.  Hystérie 128 

Bibliographie 135 

E.  —  Troubles  oculaires  dans  les  névroses  vasomotrices  et  trophiques 136 

1.  Hémicranie 136 

2.  Migraine  ophthalmique 136 

3.  —        ophthalmoplégique 137 

4.  Hémiatrophie  faciale  progressive 140 

5.  Herpès  zoster  ophthalmique 140 

6.  Goitre  exophthalmique  (maladie  de  Basedow,  maladie  de  Graves) 142 

Bibliographie 146 

F.  —  Troubles  oculaires  dans  les  affections  des  nerfs  p  ériphériques 147 

1.  Névrite  multiple 147 

2.  Spasmes  du  nerf  facial, 1*| 

3.  Paralysie  radiculaire 147 

4.  —         du  facial 15* 

5.  Anesthésie  du  trijumeau •  •  156 


XII  TABLE   DES    MATIÈRES. 

6.  Névralgie  du  trijumeau  ;  tic  douloureux 148 

Bibliographie . 150 

II.  —  Troubles  oculaires  dans  les  maladies  de  la  peau 151 

Maladie  de  Werlhof.  Impétigo.  Eczéma.  Psoriasis.  Lichen  ruber.  Acné 
rosacé.  Érythème  exsudatif  multiforme.  Favus.  Furoncle.  Milium. 
Molluscum  contagiosum.  Alopécie  totale.  Urticaire.  Pemphigus.  Pel- 
lagre. Eléphantiasis  des  Arabes.  Brûlures  étendues.  Prédisposition 
au  développement  de  la  cataracte  en  présence  d'éruptions  chroniques 

de  la  peau 151 

Bibliographie 156 

III.  —  Troubles  oculaires  dans  les  maladies  de  l'oreille 156 

Bibliographie 158 

IV.  —  Rapports  entre  les  maladies  des  yeux  et  celles  du  nez  et 

des  cavités  voisines 158 

Considérations  générales 158 

A.  —  Déformations  congénitales  des  os  des  cavités  pneumatiques 160 

a.  Décoloration  du  nerf  optique  avec  acuité  visuelle  normale 161 

h,  —  du  nerf  optique  avec  diminution  très  faible  de  l'acuité 

visuelle 162 

c.  Atrophie  complète  du  nerf  optique  se  produisant  à  la  fin  de  la  crois- 
sance du  sphénoïde 162 

B.  —  Propagation  d'une  maladie  de  la  muqueuse  du  nez  vers  la  conjonctive 

et  réciproquement 162 

C.  —  Troubles  oculaires  réflexes  d'origine  nasale 165 

D.  —  Troubles  oculaires  résultant  de  la  propagation  d'un  processus  des  fosses 

nasales  vers  les  sinus 1 65 

a.  Coryza  aigu .  165 

b.  Rhinite  chronique  hypertrophique 166 

Théorie  des  troubles  oculaires  d'origine  nasale 1 70 

c.  Polypes  du  nez 172 

d.  Impétigo  et  ulcères  de  l'intérieur  du  nez 174 

e.  Ozène 175 

E.  —  Troubles  oculaires  dans  les  affections  des  cavités  voisines  du  nez 175 

a.  Affections  du  sinus  frontal 175 

b.  —         du  sinus  maxillaire 181 

c.  —         des  cellules  ethmoïdales 182 

(/.         —         du  sinus  sphénoidal 186 

F.  —  Troubles  oculaires  dans  les  affections  des  sinus  catisés  par  les  maladies 

infectieuses 192 

Bibliographie 195 

V.  —  Troubles  oculaires  dans  les  affections  de  la  bouche  et  du 

tube  digestif 1 96 

A.  —  Maladies  des  dents 1 96 

B.  —        —        du  pharynx 198 

C.  —        —        de  l'estomac 1 99 

D.  —        —        de  l'intestin 200 

E.  —        —        du  foie 201 

F.  —         —        du  pancréas 203 

Bibliographie 203 

VI.  —  Troubles  oculaires  dans  les  affections  des  organes  respi- 
ratoires    204 

VII.  —  Troubles  oculaires  dans  les  maladies  des  organes  de  la  cir- 
culation    206 

A.  —  Maladies  du  cœur 206 

B.  —  Affections  des  artères 218 

1.  Artério-sclérose 218 

2.  Eudartérite  syphilitique 222 

3.  Troubles  oculaires  dans  divers  anévrysmes 223 


TABLE  DES   MATIÈRES.  XIII 

».  Anévry.-me  artérioso-veineux  de  la  carotide  interne  dans  le  sinus  ca- 
verneux   225 

C.  —  Troubles  oculaires  dans  les  affections  du  système  veineux 226 

Bibliographie 229 

VIII.  —  Troubles  oculaires   dans    les   maladies    qui   altèrent  la 

composition  du  sang 229 

1 .  Chlorose 230 

2.  Anémie 230 

3.  Pertes  sanguines 233 

4.  Anémie  pernicieuse  progressive 235 

5.  Leucocythéinie  (leucémie) 236 

6.  Diathèses  hémorrhagiques 238 

7.  Hémophilie 239 

Bibliographie 239 

IX.  —  Troubles    oculaires    consécutifs   à   des  maladies  adyna- 

miques 240 

X.  —  Troubles  oculaires  dans  les  affections  de  la  glande  thy- 
roïde    243 

XI.  —  Troubles   oculaires  dans  les  affections  des  glandes  lym- 
phatiques    249 

XII.  —  Troubles  oculaires  dans  les  affections  des  reins 249 

XIII.  —  Rapports  entre  les  maladies  des  yeux  et  des  troubles  fonc- 

tionnels des  organes  génitaux  chez  la  femme 252 

1 .  Puberté 252 

2.  Menstruation 253 

3.  Aménorrhée  et  dysménorrhée 254 

4.  Excès  vénériens 254 

5.  Grossesse 254 

6.  Couches 256 

Dangers  de  l'accouchement  pour  l'organe  de  la  vue  de  l'enfant 257 

7.  Lactation 258 

8.  Affections  de  la  matrice 259 

9.  —         de  l'ovaire 260 

Bibliographie 260 

XIV.  —  Troubles  oculaires  dans  les  affections  des  organes  géni- 

taux chez  l'homme 260 

XV.  —  Troubles  oculaires  dans  les  anomalies  de  la  croissance  et 

les  affections  des  os 264 

A.  — •  Anomalies  de  croissance  des  os  du  crâne  et  de  la  face 264 

B.  —  Affections  des  os 266 

1.  Os  du  crâne  et  de  la  face   266 

2.  Mal  de  Polt 271 

3.  Rachitisme 271 

Bibliographie 272 

XVI.  —  Troubles  oculaires  dans  les  affections  des  articulations..  273 

XVII.  —  Troubles  oculaires  dans  les  maladies  causées  par  ralen- 

tissement de  la  nutrition 273 

1 .  Rhumatisme 273 

2.  Goutte 278 

3.  Diabète  sucré 280 

Bibliographie 290 

XVIII.  —  Métastases  des  tumeurs  malignes  dans  l'organe  de    la 

vision 291 

XIX.  —  Troubles  oculaires  occasionnés  par  l'invasion  de  para- 
sites animaux  ou  végétaux  dans  le  corps  humain 292 

A.  — ■  Parasites  animaux 292 

1 .  Trichinose 292 

2.  Vers  intestinaux 293 


XIV  TABLE   DES   MATIERES. 

3.  Monostoiua,  distoma,  filaria 293 

4.  Echinococque 294 

5.  Cysticerque 295 

6.  Deuiodex  folliculorum 297 

7.  Parasites  de  la  peau 297 

Bibliographie 297 

B.  —  Parasites  végétaux  297 

C.  —  Maladies  infectieuses  {microbiennes) 298 

1.  Charbon 298 

2.  Morve 298 

3.  Septicémie 299 

4.  Érysipèle 302 

5.  Blennorrhagie 305 

6.  Rhumatisme  articulaire  aigu 309 

7.  Scarlatine 310 

8.  Diphthérie 311 

9.  Coqueluche 315 

10.  Oreillons 315 

11.  Pneumonie  lobaire 316 

12.  Iuflueuza : 316 

13.  Rougeole 319 

14.  Fièvre  typhoïde 320 

15.  Fièvre  récurrente 322 

16.  Typhus  exanthématique 324 

1 7 .  Variole 324 

18.  Varicelle 328 

19.  Vaccine 328 

20.  Dysenterie 329 

2t.  Fièvre  jaune 329 

22.  Béribéri 329 

23.  Choléra 329 

24.  Impaludisme- 332 

25.  Tuberculose 335 

26.  Scrofule 346 

27.  Lèpre 351 

28.  Chancre  mou 355 

29.  Syphilis 355 

a.  Acquise 355 

6.  Héréditaire 373 

Pathogénie  des  troubles  oculaires   consécutifs  aux   maladies   micro- 
biennes   377 

Bibliographie 384 

XX.  —  Troubles  oculaires  consécutifs  à  des  intoxications 386 

A.  —  Auto  intoxications 386 

1 .  Ictère 386 

2.  Urémie 307 

3.  Fermentations  dans  le  tube  digestif 390 

4.  Sommeil,  agonie 391 

5.  Mort  par  suffocation 392 

Bibliographie 392 

B.  —  Troubles  oculaires  dans  les  intoxications  par  les  ptomaïnes 392 

C.  —  Troubles  oculaires  dans  les  intoxications  par  des  substances  pftqrmaceu- 

ti(/ues  et  d'autres  substance'! 393 

1.  Intoxication  par  le  chloroforme 393 

2.  —  par  le  uitrite  d'amyle 394 

3.  —  par  le  chlorure  d'il hy le 394 

4.  —  par  l'hydrate  de  chloral 394 

5.  —  par  l'opium  et  la  morphine 395 

C.  par  le  brome 396 

7.  par  la  fève  de  Calabar 396 


TABLE   DES   MATIERES.  XV 

8.  Intoxication  par  la  belladone  et  l'atropine 396 

9.  —  par  l'homatropine 397 

10.  —  par  la  daturine  et  l'hyoscyaniine 397 

11.  —  par  la  duboisine 398 

12.  par  le  tabac 398 

13.  —  par  l'alcool 400 

14.  —  par  le  haschisch  (cannabis  indiea) 404 

15.  —  par  le  sulfure  de  carbone 405 

16.  —  par  l'iodoforine  et  l'iode 406 

17.  —  par  l'acide  salicylique  et  le  salicylate  de  soude 406 

18.  —  par  l'antipyrine 407 

19.  Morsure  des  serpents 407 

20.  Intoxication  par  le  nitrate  d'argent 407 

21.  —  par  l'acide  osœique 407 

22.  —  par  l'acide  phénique 407 

23.  —  par  l'aniline 407 

24.  —  par  le  nitro-benzol 408 

25.  —  par  la  nitro-glycérine 408 

26.  —  par  la  créoline 408 

27.  par  la  quinine 408 

28.  —  par  la  ciguë , 410 

29.  par  l'aconit 410 

30.  par  le  gelsernium  sempervirens 411 

31 .  —  par  la  strychnine , 411 

32.  —  par  la  coca 411 

33.  —  par  le  sulfonal 411 

34.  par  l'ergot  de  seigle  et  l'ergotine 411 

35.  —  par  le  mercure 412 

36.  —  par  le  phosphore 412 

37.  —  par  le  bromoforme 412 

38.  —  par  l'arsenic 412 

39.  —  par  le  jaborandi  et  la  pilocarpine 413 

40.  par  le  plomb 4 1  i 

41.  —  par  la  pelletiérine  et  les  taenifuges 417 

42.  —  par  la  santonine 417 

43.  —  par  l'acide  picrique 418 

44.  —  par  la  toluylendiamine 418 

45.  —  par  l'acide  chrysophanique 418 

46.  —  par  la  naphthaline 418 

Bibliographie 419 

XXI.  —  Troubles  oculaires  dans  les  maladies  professionnelles 421 

1 .  Myopie  scolaire 421 

2.  Professions  exposant  à  un  travail  qui  oblige  à  regarder  de  près  pen- 

dant longtemps 425 

3.  Micrographes 425 

4.  Professions  qui  exposent  au  contact  de  poussières 430 

5.  Nystagmus  des  mineurs : 431 

6.  Kératite  infectieuse  des  moissonneurs 431 

7.  Professions  exposant  à  la  chaleur 432 

8.  —  exposant  au  froid 433 

9.  —  exposant  à  la  lumière  forte 433 

10.  Ophlhalmie  électrique 435 

11.  Professions  exposant  à  des  excitations  très  fortes  de  l'ouïe 437 

12.  Alimentation  insuffisante 437 

13.  Surmenage  intellectuel  et  fatigue  cérébrale 438 

Bibliographie 439 

XXII.  —  Altérations  et  troubles  fonctionnels  de  l'organe  de  la  vue 

à  l'âge  sénile 439 


XVI  TABLE  DES  MATIERES. 

XXIII.  —  Du  rôle  de  l'hérédité  dans  le  développement  des  maladies 

des  yeux 442 

XXIV.  —  Influence  des  anomalies  et  des   affections  des  yeux  sur 

le   développement  de  troubles  fonctionnels  et  d'affec- 
tions d'autres  organes 444 

1 .  Généralités 444 

2.  Anomalies  de  la  réfraction 445 

3.  Les  anomalies  de  l'organe  de  la  vue  peuvent-elles  provoquer  l'épilepsie?  448 

4.  Paralysies  musculaires,  nystagmus 449 

5.  Phénomènes  réflexes  produits  par  l'irritation  des  nerfs  sensitifs  de  l'œil.  450 

6.  Influence  de  l'organe  de  la  vue  sur  le  développement  des  psychopatliies.  450 

7 .  Dangers  pour  l'organisme  des  processus  infectieux  de  l'œil 451 

8.  Tumeurs  de  l'organe  de  la  vue 452 

Table  alphabétique  des  matières 453 

Errata 459 


PREMIERE  PARTIE 

GÉNÉRALITÉS 


1.  —  UTILITÉ  DE  L'EMBRYOLOGIE  POUR  EXPLIQUER 
LES  RAPPORTS  ENTRE  LES  AFFECTIONS  DES  YEUX 
ET  D'AUTRES  AFFECTIONS. 

Tous  les  traités  cTanatomie  renferment  de  nombreux  renseigne- 
ments sur  la  structure  et  la  fonction  de  chacune  des  parties  de  l'œil, 
et  nous  ne  pouvons  mieux  faire,  pour  les  notions  générales,  que  de 
renvoyer  le  lecteur  à  ces  traités.  Néanmoins,  pour  bien  faire  saisir  les 
rapports  qui  existent  entre  les  maladies  des  yeux  et  d'autres  maladies, 
nous  croyons  ne  pouvoir  nous  dispenser  de  rappeler  certains  faits 
anatomiques,  embryologiques  et  physiologiques  qu'il  faut  avoir  cons- 
tamment présents  à  l'esprit.  De  nos  jours,  la  médecine  doit  reposer  sur 
des  bases  solides,  et,  comme  Ta  dit  avec  tant  de  justesse  M.  le  profes- 
seur Charcot,  «  l'intervention  largement  acceptée  des  sciences  anato- 
miques et  physiologiques  dans  les  affaires  de  la  médecine  est  une 
condition  essentielle  du  progrès  ». 

Comme  on  le  sait,  chez  l'embryon  humain  le  nerf  optique  et  la  ré- 
tine naissent  d'un  bourgeon  qui  apparaît  sur  la  partie  inféro-externe 
de  la  première  cellule  cérébrale.  Au  point  de  vue  morphologique,  le 
nerf  optique  n'est  pas  comparable  aux  nerfs  périphériques;  il  corres- 
pond aux  fibres  commissurales  du  cerveau,  tandis  que  la  rétine  est 
homologue  à  la  partie  corticale  des  hémisphères  (Meynert). 

Dans  l'ectoderme,  en  face  du  bourgeon,  se  creuse  une  petite  fossette 
autour  de  laquelle  l'ectoderme  s'accroît  de  manière  à  former  un  bour- 
relet semi-circulaire,  qui  finit  par  arriver  au  contact  du  bourgeon. 
Celui-ci  se  gonfle  dans  sa  partie  périphérique  et  s'excave  au  centre.  La 
partie  épaissie  de  l'ectoderme  continuant  à  s'accroître  refoule  la  partie 
périphérique  du  bourgeon,  dont  le  centre  se  creuse  de  plus  en  plus. 

I 


2  PREMIERE  PARTIE. 

On  pourrait  comparer  le  phénomène  à  ce  qui  se  produit  lorsqu'on 
appuie  fortement  avec  la  main  sur  une  grosse  balle  de  caoutchouc  : 
il  se  forme  un  godet  dans  l'endroit  où  s'exerce  la  pression.  Le  godet 
du  bourgeon  cérébral  devient  la  rétine,  qui  se  trouve  formée  par  les 
deux  couches  de  ce  bourgeon. 

Des  cellules  mésodermiques  viennent  ensuite  s'interposer  entre  la 
partie  épaissie  de  l'ectoderme  et  sa  surface  externe,  en  formant  une 
séparation  entre  les  deux  couches;  la  partie  épaissie  devient  le  cris- 
tallin, qui  continue  à  s'accroître  par  prolifération  de  ses  cellules  ecto- 
dermiques.  Les  cellules  du  mésoderme,  entourant  la  partie  externe 
de  la  rétine,  donnent  naissance  à  la  choroïde.  Puis  une  couche  très 
mince,  d'origine  mésodermique,  s'interpose  entre  le  cristallin  et  la 
rétine  :  c'est  le  corps  vitré.  La  partie  de  l'ectoderme  qui  «'tait  en  rap- 
port avec  le  cristallin  forme  la  couche  superficielle  (épithélium)  de  la 
cornée.  Le  parenchyme  de  la  cornée  est  formé  par  le  mésoderme. 
Une  fente  apparaît  entre  la  cornée  et  le  cristallin,  et  devient  la  chambre 
antérieure,  dont  les  parois  sont  recouvertes  par  des  cellules  endothé- 
liales,  qui  se  développent  aux  dépens  de  la  choroïde.  Celles  de  ces  cel- 
lules qui  recouvrent  la  surface  postérieure  de  la  cornée  produisent  une 
sécrétion  cuticulaire  sur  les  couches  postérieures  du  parenchyme 
cornéen,  d'où  résulte  la  membrane  anhiste  de  Descemet.  C'est  à  une 
époque  plus  avancée  qu'apparaissent  les  paupières,  sous  la  forme  de 
deux  replis  cutanés  qui  entourent  le  globe  oculaire,  l'un  en  haut, 
l'autre  en  bas. 

Les  couches  antérieures  de  la  cornée,  c'est-à-dire  l'épithélium  et  la 
membrane  de  Bowmann  (membrane  située  en  arrière  de  la  couche 
épithéliale),  sont,  au  point  de  vue  embryologique,  la  continuation  de  la 
conjonctive  du  globe  oculaire.  La  substance  propre  (parenchyme)  de  la 
cornée  se  développe  en  même  temps  que  la  sclérotique  ;  la  membrane 
de  Descemet  et  l'épithélium  qui  la  recouvre,  au  contraire,  apparais- 
sent comme  des  parties  du  tractus  uvéal.  On  a  pu  constater  que  les 
diverses  couches  de  la  cornée,  qui  se  différencient  au  point  de  vue 
embryologique,  n'avaient  pas  la  même  tendance  à  être  influencées  par 
les  différentes  maladies.  Ainsi,  la  partie  antérieure,  ou  conjonctivale, 
est  fréquemment  atteinte  dans  les  maladies  de  la  peau  ou  de  la 
conjonctive.  C'est  elle  qui  est  la  première  affectée  dans  les  con- 
jonctivites granuleuse  et  blennorrha^ique.  dans  la  rougeole,  la  scarla- 
tine, l'herpès.  Le  parenchyme  est  le  siège  d'inflammation  (kératite 
interstitielle)  dans  les  dyscrasies,  la  syphilis,  la  scrofule,  les  lièvres 
paludéennes,  etc.  L'inflammation  de  la  partie  postérieure  de  la  cornée 
kératite  postérieure)  se  montre  connue  symptôme  concomitant  des 
affections  du  tractus  uvéal  (  1). 

(I)  Mandelstamm,  Die  Bornhautentzundung  und  i/n-e  Behandlung  vom  œtiologischen 
Standpunkte  belrachtet,  Volkmanris  Klinische  Vorlesungen,  1889,  u°  34."». 


NEUF  OPTIQUE. 


L'observation  journalière  permet  de  se  convaincre  que  les  pau- 
pières et  la  conjonctive  sont  très  fréquemment  atteintes  dans  les  affec- 
tions cutanées  de  la  face. 

De  même,  le  cristallin  est  altéré  dans  les  maladies  atteignant  d'au- 
tres  organes  dérivés  aussi  de  l'ectoderme.  Rappelons  seulement  que, 
dans  l'état  sénile,  on  observe  la  chute  des  dents  et  l'opacité  du  cris- 
tallin; que  des  déformations  dentaires  coïncident  avec  la  cataracte 
zonulaire;  qu'on  a  constaté  le  développement  de  la  cataracte  dans 
quelques  affections  delà  peau    Rothmund). 


II.  —  RAPPORTS   DE  L'ORGANE  DE  LA  VISION  AVEC 
LE  SYSTÈME  NERVEUX. 

A.  —  PARCOURS  ET  TERMINAISON  CENTRALE  DES  FIBRES 
OPTIQUES. 

1.    NERF    OPTIQUE,    CHIASHÂ. 

Ce  ne  sont  pas  seulement  les  faits  embryologiques  relatifs  au  nerf 
optique,  mais  aussi  ses  rapports  anatomiques  qui  font  comprendre 
que  les  altérations  du  système  nerveux  central  se  compliquent  très 
fréquemment  de  troubles  oculaires.  Pour  bien  saisir  ces  relations,  il 
faut  se  rappeler  :  1°  que  les  vaisseaux  artériels  de  l'œil  sont  des  bran- 
ches terminales  des  artères  du  cerveau;  2°  qu'une  partie  de  sang  vei- 
neux de  l'œil  s'écoule  dans  les  sinus  veineux  de  la  base  du  crâne  ; 
3°  que  les  espaces  inter-vaginal  et  supra- vaginal  du  nerf  optique  se  con- 
tinuent directement  avec  les  espaces  sub-dural  et  sous-arachnoïdien 
du  cerveau.  Il  ne  faut  pas  oublier  non  plus,  pour  comprendre  la  fré- 
quence des  troubles  oculaires  dans  les  maladies  du  système  nerveux, 
qu'un  certain"  nombre  de  nerfs  crâniens,  tels  que  l'oculo-moteur  com- 
mun, l'oculo-moteur  externe,  le  pathétique,  le  facial  et  le  trijumeau 
se  terminent  dans  l'organe  de  la  vision,  qui  reçoit  aussi  des  branches 
du  grand  sympathique. 

11  est  très  important,  pour  arriver  à  localiser  un  processus  maladif 
du  système  nerveux,  de  se  rendre  un  compte  exact  du  parcours  des 
fibres  optiques  de  l'œil  jusqu'à  leur  terminaison  dans  le  centre  cortical 
de  la  vision,  et  du  trajet  des  autres  fibres  nerveuses  qui  se  terminent 
dans  l'organe  de  la  vue. 

Le  nerf  optique  naît  dans  le  chiasma.  Après  un  parcours  intracrânien 
très  court  (10  millimètres  environ),  il  traverse  le  trou  optique;  il  dé- 
crit alors,  dans  l'orbite,  une  légère  courbe  en  forme  d'S,  de  28  millimè- 


4  PREMIÈRE   PARTIE. 

très  de  longueur,  et  vient  se  terminer  dans  le  globe  oculaire.  Dans  leur 
trajet,  les  fibres  optiques  subissent  une  torsion,  de  telle  sorte  que 
celles  qui  sont  situées  en  bas  dans  le  trou  optique  occupent  la  partie 
temporale  de  la  papille.  Les  bandelettes  optiques,  qui  sont  des  fais- 
ceaux, aplatis  réunissant  le  chiasma  aux  centres  sous-corticaux,  croi- 
sent, dans  leur  parcours,  la  face  inférieure  des  pédoncules  cérébraux: 
leurs  fibres  se  terminent  dans  les  couches  optiques,  le  corps  genouillé 
externe  et  les  tubercules  quadrijumeaux. 

La  plupart  des  auteurs  admettent  aujourd'hui  que  les  fibres  opti- 
ques sont  soumises,  dans  le  chiasma,  à  un  entre-croisement  partiel, 
(iudden  et  Ganseront  étudié  la  dégénérescence  secondaire  des  fibres 
optiques  qui  survient  dans  le  chiasma  et  dans  les  bandelettes  après 
l'extirpation  d'un  œil  chez  le  chien;  leurs  recherches  ont  démontré  que 
le  faisceau  direct  est  situé  dans  la  partie  temporo-supérieure  des  ban- 
delettes optiques.  Les  parties  nasale  et  inférieure  des  bandelettes  occu- 
pent les  fibres  du  faisceau  dpfiî.  Des  recherches  non  moins  scrupu- 
leuses ont  prouvé  que,  chez  l'homme,  le  faisceau  direct  occupe  une 
situation  analogue  dans  la  partie  temporo-externe  delà  bandelette,  où 
il  forme  une  bande  allongée  (Burdach,  Purtscher,  Marchand,  Bauni- 
garten).  Mais  il  résulterait  des  recherches  de  Singer  (de  Prague)  que 
les  fibres  du  faisceau  direct  et  du  faisceau  croisé  ne  sont  pas  aussi 
distinctes  dans  le  chiasma  qu'on  le  croirait  d'après  les  travaux  de 
Ganser;  contrairement  à  ce  qu'avait  dit  ce  dernier.  Singer  prétend 
que  les  fibres  de  ces  deux  faisceaux  s'entremêlent  en  certains  points. 
Dans  le  chiasma  de  l'homme,  la  plupart  des  fibres  sont  croisées.  Les 
partisans  de  l'entre-croisement  total  des  fibres  optiques  prétendent 
que  chaque  fibre  des  bandelettes  optiques  se  recourbe  d'abord  ho- 
rizontalement,  puis  subit  une  seconde  incurvation  qui  lafait  passer 
dans  le  nerf  optique  du  côté  opposé.  D'après  cette  manière  de  voir, 
les  fibres  nasales  des  bandelettes  optiques  deviennent  les  fibres 
temporales  du  nerf  optique  opposé.  Les  fibres  croisées  formeraient 
ainsi  des  angles  obtus  en  avant  et  en  arrière,  et  des  angles  aigus  à 
droite  et  à  gauche.  Cette  théorie  de  l'entrecroisement  total  de-  fibres 
optiques  dans  le  chiasma  a  surtout  été  soutenue  par  Michel.  Mais 
déjàJohannes  Millier  avait  érigé  en  loi  que,  chez  l'homme  et  chez  les 
animaux  dont  une  partie  du  champ  visuel  est  binoculaire,  l'entre-croi- 
sement des  fibres  optiques  dans  le  chiasma  n'est  que  partiel,  tandis 
que  chez  les  animaux  où  chaque  œil  a  son  champ  visuel  distinct,  où  la 
vision  n'est  pas  binoculaire,  l'entrecroisement  des  fibres  est  total.  Les 
faits  cliniques  et  les  expériences  physiologiques  viennent  complète- 
ment à  l'appui  de  la  théorie  de  Johannes  Millier. 

De  la  loi  de  l'entre-croisement  partiel  des  fibres  optiques  dans  le 
chiasma,  il  résulte  que  chaque  bandelette  renferme  les  Gbres  qui  se 
terminent  dans  les  deux  moitié-  homologues  de  chaque  rétine.  La 


NERF  OPTIQUE.  5 

partie  de  la  rétine  qui  reçoit  les  libres  de  la  bandelette  située  du 
même  côté  (faisceau  direct)  est  séparée  par  une  ligne  verticale,  pas- 
sant par  la  macula,  de  l'autre  moitié  dans  laquelle  se  terminent  les 
libres  de  la  bandelette  opposée.  Dans  le  nerf  optique,  le  faisceau 
croisé  et  le  faisceau  direct  n'occupent  pas  exactement  le  côté  nasal 
rt  le  côté  temporal.  11  faut  donc,  pour  que  les  fibres  soient  distri- 
buées d'une  façon  aussi  exacte  dans  la  rétine,  qu'elles  subissent  un 
arrangement  à  l'intérieur  de  la  papille.  L'entre-croisement  des  fibres 
optiques  dans  l'axe  de  la  papille  a  été  constaté  dernièrement  chez 
l'homme  par  Onanoff.  Mes  préparations  anatomiques  m'ont  permis  de 
faire  la  même  constatation;  chez  les  oiseaux,  le  fait  est  encore  plus 
net.  11  semble  que  cet  entrecroisement  des  fibres  dans  la  papille  serve 
à  leur  arrangement. 

Schmidt-Rimpler  (1),  en  étudiant  les  lésions  anatomiques  dans  un 
cas  d'hémianopie  où  la  dégénérescence  secondaire  descendante  se 
prolongeait  dans  le  nerf  optique,  a  pu  constater  le  parcours  du  fais- 
ceau direct  dans  ce  nerf.  Sur  une  coupe  transversale  pratiquée  dans 
le  canal  optique,  le  faisceau  direct  (qui  appartient  à  la  bandelette  du 
même  côté)  présente  la  forme  d'une  faux  qui  occupe  la  partie  tem- 
porale et  dont  la  concavité  est  dirigée  vers  l'axe  du  nerf  optique.  Le 
faisceau  direct  est  donc  situé  dans  la  partie  temporale  du  nerf  optique, 
entouré  de  fibres  croisées  qui  le  séparent  ainsi  de  la  gaine  optique. 

A  l'entrée  des  vaisseaux  centraux  de  la  rétine  dans  le  nerf  opti- 
que, le  faisceau  direct  a  encore,  sur  une  coupe,  la  forme  d'une  faux, 
mais  des  fibres  du  faisceau  croisé  viennent  s'enfoncer  comme  un  coin 
dans  cette  faux  qu'elles  divisent  en  deux  parties.  Sur  des  coupes 
transversales  faites  par  Schmidt-Rimpler.  le  faisceau  direct,  en  arrière 
du  globe  oculaire,  était  divisé  en  deux  moitiés  semi-lunaires,  séparées 
par  une  bande  transversale  de  fibres  normales  (du  faisceau  croisé). 

Les  recherches  faites  dans  le  but  de  découvrir  le  trajet  des  fibres 
optiques  qui  se  terminent  dans  la  macula,  en  dedans  du  nerf  opti- 
que, ont  conduit  à  des  résultats  importants.  Samelsohn,  Vossius, 
fiunge,  Uhthoff  ont  examiné  des  cas  de  dégénérescence  limitée  aux 
fibres  de  la  macula  (sextiefr*centraltf)  ;  ils  nous  ont  montré  que  les 
fibres  papillo-maculaires,  immédiatement  en  arrière  du  globe  de 
l'œil,  sont  disposées  en  forme  de  coin,  dont  la  pointe  est  dirigée  vers 
les  vaisseaux  centraux  et  dont  la  base  occupe  le  rebord  temporal  de 
la  papille.  Sur  une  coupe  transversale,  pratiquée  en  avant  du  point 
où  les  vaisseaux  centraux  de  la  rétine  pénètrent  dans  le  nerf  optique, 
les  fibres  papillo-maculaires  affectent  la  forme  d'une  faux  transver- 
sale ;  en  arrière  du  même  point,  elles  affectent  la  forme  d'un  ovale 
dont  l'axe  vertical  s'éloigne  de  plus  en   plus  du  côté  temporal  pour 

(1)  Schmidt-Hiiupler,  Archiv  f.  Augenheilk.,  t.  XIV,  fuse.  3. 


6  PREMIÈRE   PARTIE. 

se  rapprocher  du  centre  de  la  coupe  du  nerf  optique.  Dans  le  canal 
optique,  les  fibres  papillo-maculaires  sont  situées  dans  Taxe  même 
du  nerf  optique,  et  leur  faisceau  donne  une  coupe  circulaire.  Dans  la 
portion  intracrànienne  du  nerf  optique,  les  mêmes  fibres  sont  grou- 
pées en  forme  d'ovale  à  grand  axe  horizontal.  En  avant  du  chiasma, 
la  direction  de  l'ovale  devient  oblique,  et  son  grand  axe  est  dirigé 
de  haut  el  bas  eïl  de  dehors  en  dedans.  Sur  une  coupe  transversale 
pratiquée  dans  la  partie  antérieure  du  chiasma,  les  fibres  maeulaires, 
d'après  Uhthoff,  conservent  la  même  disposition;  plus  en  arrière, 
elles  se  rapprochent  de  la  ligne  médiane,  en  même  temps  qu'elles  se 
portent  vers  le  cùté  dorsal  et  que  des  fibres  normales  s'entremêlent 
avec  elles,  de  telle  sorte  que  la  coupe  n'a  plus  l'aspect  d'un  faisceau 
dégénéré.  Dans  les  bandelettes  optiques,  les  fibres  maeulaires  du 
faisceau  direct  et  du  faisceau  croisé  se  confondent  en  un  faisceau 
commun. 

Uhthoff  (1)  a  pu  déterminer  le  trajet  des  fibres  optiques  du  quart 
inféro-externe  de  la  rétine  dans  un  cas  de  dégénérescence  ascen- 
dante secondaire  partielle,  qui  s'était  développée  dans  le  nerf 
optique  à  la  suite  d'atrophie  d'une  partie  de  la  rétine.  Dans  la  papille, 
ces  fibres  occupent  encore  à  peu  près  le  quart  inféro-externe  ;  mais, 
en  dehors,  la  limite  supérieure  du  cadran  est  un  peu  déplacée  vers 
le  bas,  tandis  que  sa  limite  interne  est  un  peu  reportée  en  bas  et  vers 
le  cùté  nasal.  En  arrière  du  globe  oculaire,  la  coupe  transversale 
a  montré  à  l'auteur  que  le  faisceau  formé  par  les  fibres  dont  il  s'agit 
affecte  une  forme  semi-lunaire,  avec  la  concavité  dirigée  vers  les 
vaisseaux  centraux.  Dans  la  partie  intracrànienne  du  nerf  optique, 
le  faisceau  est  situé  plus  bas,  et,  sur  la  coupe  transversale,  il  prend 
la  forme  d'un  triangle  dont  le  sommet  est  traversé  par  des  fibres 
normales.  L'examen  du  chiasma  prouve  que  les  fibres  du  quart 
inféro-externe  de  la  rétine  se  continuent  presque  ccclusicement  dans  le 
faisceau  direct  ;  une  très  faible  partie  seulement  pénètre,  en  forme 
de  coin,  dans  le  faisceau  croisé,  ainsi  que  l'a  démontré  l'observation 
des  phénomènes  produits  par  la  dégénérescence  secondaire.  Dans  le 
faisceau  direct  du  chiasma,  les  fibres  du  quart  inféro-externe  de  la 
rétine  conservent  la  forme  d'un  triangle. 

On  sait  que  les  fibres  optiques  entourant  les  vaisseaux  centraux 
(fibres  axiales)  se  terminent  dans  la  partie  périphérique  de  la  rétine. 
Sa  partie  postérieure  reçoit  les  fibres  situées  sur  le  pourtour  de  La 
papille  optique  (libres  périphériques  du  nerf  optique);  enfin,  les 
fibres  situées  entre  la  partie  périphérique  et  l'axe  de  la  papille  (fibres 
moyennes  du  nerf  optique),  se  rendent  dans  la  partie  moyenne  de 
la  rétine.  11  faut  faire,  cependant,  une  petite  exception  à  cette  règle 

(I)  L'htholT,  Von  Grœfe's  Archiv,  t.  XXX11,  fasc.  4. 


NERF   OPTIQUE.  7 

pour  les  fibres  maculaires,  qui  forment  un  coin  du  côté  temporal  de 
la  papille.  Lorsqu'un  processus  maladif  se  développe  dans  la  péri- 
phérie de  la  papille  optique,  il  produit  un  agrandissement  du  punctum 
caecum  qui  peut  atteindre  partiellement  ou  totalement  la  macula.  Si 
le  processus  gagne  la  partie  moyenne  de  la  papille  optique,  la  partie 
moyenne  de  la  rétine  doit  être  aussi  atteinte.  Dans  la  pathologie  spé- 
ciale, nous  verrons  qu'il  existe  des  cas  où  le  processus  anatomo-patho- 
logique  suit  cette  marche,  mais  que,  le  plus  souvent,  on  rencontre  en 
même  temps  d'autres  troubles  fonctionnels  de  la  rétine,  dont  l'origine 
doit  être  recherchée  dans  les  vaisseaux. 

On  admet  que  les  fibres  qui  occupent  la  partie  inférieure  du  nerf 
optique  se  terminent  dans  la  partie  inférieure  de  la  rétine,  et  que 
celles  de  la  partie  supérieure  du  nerf  aboutissent  dans  sa  portion 
supérieure.  Il  est  regrettable  que  nos  connaissances  sur  le  trajet  des 
fibres  nerveuses  dans  le  nerf  optique  et  le  chiasma  nesoient  pas  plus 
avancées.  Néanmoins,  l'examen  d'un  rétrécissement  du  champ  visuel 
des  deux  yeux  nous  permet  souvent,  par  sa  forme,  d'établir  avec  une 
précision  parfaite,  ou  bien  qu'un  processus  pathologique  a  frappé  les 
nerfs  optiques  et  le  chiasma,  ou  bien  qu'on  doit  rechercher  son  siège 
plus  en  arrière,  vers  le  centre  cortical  de  la  vision. 

Voici  les  conclusions  que  nous  permettent  de  tirer  nos  connaissan- 
ces anatomiques  sur  le  nerf  optique  : 

1°  L'amaurose  unilatérale,  abstraction  faite  des  cas  où  elle  résulte 
d'altérations  du  globe  oculaire,  ne  peut  être  produite  que  par  une 
lésion  des  fibres  optiques  siégeant  entre  le  globe  oculaire  et  le 
chiasma.  On  ne  connaît  encore  aucun  exemple  de  processus  affectant 
les  deux  faisceaux  complémentaires  (direct  et  indirect)  du  même  œil 
uniquement  dans  le  chiasma  ou  dans  les  deux  bandelettes  optiques. 

2°  Si  les  fibres  de  la  macula  sont  seules  atteintes,  soit  d'un  cùté, 
soit  des  deux  côtés  à  la  fois,  le  processus  est  localisé  dans  les  nerfs 
optiques  et  affecte  un  certain  groupe  de  fibres. 

3°  Lorsque,  dans  un  rétrécissement  du  champ  visuel  (dans  une 
affection  rétrobulbaire),  les  fonctions  des  fibres  de  la  macula  sont 
seules  conservées,  on  peut  en  conclure  que  le  processus  atteint  la  par- 
tie périphérique  du  nerf  optique,  en  dedans  du  canal  optique  (périné- 
vrite  .  Cette  partie  est,  en  effet,  la  seule  où  les  fibres  maculaires  soient 
situées  dans  l'axe  du  nerf. 

4°  Une  lésion  de  la  partie  inférieure  du  nerf  optique  a  pour  consé- 
quence un  rétrécissement  de  la  partie  supérieure  du  champ  visuel. 

Les  faits  cliniques  observés  dans  les  lésions  du  chiasma  viennent  tout 
à  fait  confirmer  ce  que  l'observation  anatomique  et  les  expériences 
physiologiques  conduisent  à  admettre  relativement  à  l'entrecroise- 
ment partiel  des  fibres  optiques  dans  le  chiasma.  Voici  ce  qu'ils  nous 
apprennent  : 


s 


PREMIERE   PARTIE. 


1°  La  lésion  totale  du  chiasma  entraîne  la  cécité  des  deux  yeux, 
comme  le  prouve,  par  exemple,  un  cas  observé  par  Little  (1). 

2°  La  lésion  de  Yangle  antérieur  du  chiasma  détruit  les  deux  fais- 
ceaux croisés  qui  se  rendent  dans  la  moitié  nasale  de  chaque  rétine  ; 
il  en  résulte  l'hémianopie  temporale  bilatérale. 

3°  Si  la  lésion  frappe  un  angle  latéral  du  chiasma,  on  observe  d'abord 
des  troubles  fonctionnels  produits  par  la  destruction  du  faisceau  di- 


Fig.  1.  —  Schéma  du  parcours  des  fibres  optiques. 

Fibres  optiques  servant  à  la  fonction  de  la  vision. 

Fibres  optiques  servant  au  réflexe  pupillaire. 

m,  macula  lutea;  f'c,  faisceau  croisé;  fd,  faisceau  direct;  c/i,  chiasma  des  nerfs 
optiques;  ge,  corps  genouillé  externe;  co,  couches  optiques;  tq,  tubercules  quadri- 
jumeaux;  f/,  radiations  optiques  de  Gratiolct;  ce,  centre  cortical  de  la  vision;  f/h,. 
ganglion  de  l'habenula;  sp,  noyau  gris  du  sphincter  de  la  pupille. 

rect  correspondant  et  d'une  partie  du  faisceau  croisé  ;  puis,  le  pro- 
cessus morbide  se  propageant,  tout  le  faisceau  croisé  du  même  côté 
et,  plus  tard,  celui  du  côté  opposé  seront  atteints  :  il  ne  restera  intact 
que  le  faisceau  direct  du  côté  opposé,  qui  pourra  lui-même  finir  par 
être  lésé.  Les  troubles  fonctionnels  occasionnés  par  un  tel  processus 
(tumeur,  ramollissement)  consisteront  d'abord  en  un  rétrécissement 
visuel  nasal  (hémianopie  nasale)  de  l'œil  situé  du  côté  de  la  lésion, puis 
dans  l'agrandissement  de  la  lacune,  qui  envahit  les  parties  tempo- 


I)  Little,  American  Ophtalm.  Society,  1886. 


CHIASMA.  9» 

raies  du  champ  visuel  du  même  œil,  et  gagne  le  côté  temporal  opposé; 
a  la  fin,  la  moitié  nasale  de  l'œil  opposé  à  la  lésion  conserve  seule  ses 
fonctions.  Un  cas  de  ce  genre  a  été  observé  par  Van  Millingen  (1).  Par 
L'examen  clinique,  il  a  constaté  l'amaiirose  et  la  névrite  optique  de 
l'œil  gauche,  en  même  temps  que  l'hémianopie  temporale  de  l'œil 
droit.  A  l'autopsie,  il  reconnut  l'existence  d'une  lésion  partielle  du 
chiasma,  qui  ne  laissait  intact  que  le  faisceau  tcmporo-supérieur 
(direct)  du  côté  droit. 

4°  Les  lésions  de  Vangle  postérieur  du  chiasma  entraînent  des  alté- 
rations des  faisceaux  croisés,  qui  ont  pour  conséquence  l'hémianopie 
temporale  bilatérale.  Nous  devons  ajouter,  toutefois,  que  pour  pro- 
duire ce  résultat,  une  lésion  de  l'angle  postérieur  doit  être  très  déve- 
loppée. C'est  qu'en  arrière  de  cet  angle  se  trouvent  des  fibres  commis- 
surales  qui  relient  les  deux  bandelettes  et  qui  ne  jouent  aucun  rôle 
dans  la  vision.  Aussi,  cette  partie  postérieure  du  chiasma  peut-elle 
être  détruite  sans  qu'il  en  résulte  de  troubles  de  la  vue.  Nélaton  a  fait 
connaître  un  cas  de  transformation  en  masse  gélatineuse  du  milieu  du 
chiasma  sans  qu'on  eût  observé  de  troubles  de  la  vision.  Il  convient  de 
noter  qu'on  ne  savait  pas,  à  cette  époque,  examiner  le  champ  visuel. 

Les  lésions  de  l'angle  postérieur  du  chiasma  peuvent  être  occasion- 
nées par  des  tumeurs  de  la  glande  pinéale  et  de  l'hypophyse  céré- 
brale. Cette  dernière  est  située  en  arrière  et  en  bas  du  chiasma,  mais 
dans  son  voisinage  immédiat. 

W.  Roth  a  recueilli  tous  les  cas  de  tumeurs  de  l'hypophyse  cérébral 
qui  avaient  été  publiés.  Ce  n'est  qu'après  avoir  atteint  un  certain  déve- 
loppement que  ces  tumeurs  déterminent  des  troubles  oculaires,  en 
même  temps  que  surviennent  dans  le  front  et  dans  les  tempes  des 
douleurs  qui  se  propagent  vers  l'orbite.  Les  premiers  troubles  ocu- 
laires se  manifestent  par  une  amblyopie  temporale  double,  amblyopie 
qui  peu  à  peu  dégénère  en  une  hémianopie  temporale  bilatérale.  Le 
fond  de  l'œil  est  normal  au  début;  plus  tard,  on  peut  constater  de 
l'atrophie  du  nerf  optique.  La  cécité  qui  survient  se  complique  parfois 
d'autres  symptômes,  par  exemple  de  paralysie  des  muscles  de  l'œil 
(strabisme  paralytique)  et  de  faiblesse  dans  les  jambes.  Dans  quelques 
cas,  on  a  observé  des  troubles  de  la  motilité  et  de  la  sensibilité, 
l'apparition  du  diabète  sucré  ou  du  diabète  insipide. 

5°  Une  lésion  qui  porte  sur  la  partie  inférieure  du  chiasma  commence 
par  exercer  son  action  sur  les  faisceaux  croisés  seuls  ;  à  la  fin  du  pro- 
cessus morbide,  les  deux  faisceaux  directs,  situés  en  haut  et  en  dehors, 
sont  intéressés  à  leur  tour.  Les  troubles  oculaires  débutent  par  une 
hémianopsie  temporale  bilatérale  ;  la  lésion  finissant  par  frapper  à  peu 
près  également  les  faisceaux  croisés,  les  deux  moitiés  nasales  du  champ 

(1)  Van  Millingen,  Cenlralb.  f.  Augenheilk.,  1886,  p.  107. 


10  PREMIÈRE   PARTIE. 

visuel  se  trouvent  atteintes.  Cette  lésion  peut  être  produite  par  une 
affection  syphilitique  de  la  selle  turcique;  Oppenheim   l)en  a  observé 

un  cas.  Une  femme  de  trente  et  un  ans,  atteinte  de  syphilis  depuis 

neuf  années,  commença  à  se  plaindre  de  maux  de  tête,  et,  en  mê 

temps,  fut  prise  de  vomissements,  de  polyurie  et  de  polydipsie.  Il  sur- 
vint une  hémianopsie  temporale  bilatérale,  accompagnée  d'un  peu  de 
rétrécissement  du  champ  visuel  des  deux  moitiés  nasales.  L'acuité 
visuelle  était  diminuée  et  les  papilles  optiques  décolorées.  La  malade 
mourut,  et  l'autopsie  démontra  que  la  lésion  n'avait  atteint  que  le  mi- 
lieu du  chiasma.  D'autres  symptômes  d'un  processus  cérébral,  comme 
l'hémiparésie,  qu'on  a  constatés  chez  la  malade,  étaient  dus  à  un  foyer 
de  ramollissement  dans  la  substance  blanche  de  l'hémisphère  droit. 

Les  cas  de  lésions  de  la  partie  médiane  du  chiasma  amenant  la 
destruction  des  fibres  depuis  l'angle  antérieur  jusqu'à  l'angle  posté- 
rieur, démontrent  que  l'entrecroisement  des  fibres  n'est  que  partiel. 
Si  l'entre-croisement  était  total,  de  semblables  lésions  entraîneraient  la 
cécité  complète,  et  c'est  ce  qui  n'a  pas  lieu.  Chez  les  animaux  à  vision 
binoculaire,  la  section  sagittale  du  chiasma  ne  produit  jamais  la  cécité. 

Les  lésions  du  chiasma  sont  rarement  dues  à  des  altérations  de 
son  tissu  même;  en  général,  elles  sont  produites  par  des  tumeurs, 
de  l'ostéite,  des  tubercules,  des  lésions  syphilitiques  de  la  selle  tur- 
cique ou  des  apophyses  clinoïdes,  par  des  affections  des  branches  de 
la  carotide  interne,  surtout  de  l'artère  du  corps  calleux  et  de  la  com- 
municante postérieure.  Dans  les  maladies  du  chiasma,  il  faut  attribuer 
un  rôle  très  important  au  diverticulum  situé  au-dessus  (Michel)  et 
qui  communique  par  une  ouverture  très  étroite  avec  le  troisième  ven- 
tricule. 11  envoie  de  petits  prolongements  au-dessus  du  point  d'origine 
des  deux  nerfs  optiques  et  a  vraisemblablement  une  grande  impor- 
tance au  point  de  vue  de  la  pathogénie  de  l'amblyopie  et  de  l'amau- 
rose  d'origine  cérébrale. 

Il  est  facile  de  comprendre  que  les  lésions  du  chiasma  ne  puissent 
pas  produire  des  hémianopsïes  temporales  véritables:  presque  jamais 
les  deux  faisceaux  croisés  ne  sont  atteints  dans  toute  leur  étendue. 
Dans  certains  cas,  le  rétrécissement  du  champ  visuel  ne  s'observe  que 
dans  les  moitiés  temporales,  mais  jamais  d'une  façon  ('gale  dans 
toute  leur  étendue.  Dans  d'autres  cas,  le  rétrécisse  m  enl  du  champ  vi- 
suel porte  aussi  sur  le  côté  nasal  de  l'un  ou  îles  deux  yeux.  Le  sco- 
tome  peut  être  séparé  par  une  limite  précise  de  la  partie  du  champ 
visuel  où  la  vision  continue  à  s'exercer,  ou  bien  il  existe  nue  zone 
amblyopique  entre  les  deux.  Il  se  peut  qu'au  début  le  scotome  n'at- 
teigne qu'une  petite  partie  de  chaque  champ  visuel  et  que  la  vue 
revienne   de   plus  en   plus:  mais    il  arrive    aussi  qu'une  affection   du 

(I)  Oppenheim,  Virchow'a  Archiv.  188G. 


CM  ASM  A.  il 

chiasma  produise  la  cécité  totale  ou  que  la  vision  no  se  rétablisse 
qu'en  quelques  points  du  champ  visuel.  Les  couleurs  sont  perçues 
normalement  dans  la  partie  conservée  du  champ  visuel,  et  les  limites 
de  la  perception  arrivent  jusqu'au  scotome.  Au  centre  de  la  rétine 
l 'acuité  visuelle  n'est  jamais  normale  (Mauthner).  Au  début,  l'examen 
ophthalmoscopique  ne  permet  de  relever  aucune  lésion;  plus  tard,  on 
constate  de  la  névrite  optique  ou  de  l'atrophie  du  nerf  optique.  D'après 
Leber  et  Deutschmann,  une  lésion  des  fibres  optiques  qui  siège  entre 
le  globe  oculaire  et  les  centres  sous-corticaux  entraîne,  dans  un  délai 
de  trois  semaines,  une  atrophie  secondaire  de  la  papille  optique.  La 
disparition  d'un  scotome  diï  à  une  lésion  du  chiasma  n'a  été  que  bien 
rarement  observée.  En  général,  le  processus  cérébral  qui  donne  nais- 
sance au  scotome  va  en  s'aggravant  et  entraîne  l'agrandissement  de  la 
lacune  du  champ  visuel. 

Très  souvent  les  lésions  du  chiasma  s'accompagnent  de  paralysie 
des  nerfs  crâniens  situés  dans  le  voisinage,  tels  que  le  nerf  olfactif, 
l'oculo-moteur  commun;  elles  déterminent  des  douleurs  frontales  et 
des  symptômes  d'affections  cérébrales  (vertiges,  bourdonnements 
d'oreilles,  vomissements). 

Lorsqu'une  tumeur  du  chiasma  s'accroît  très  lentement,  les  fibres 
optiques  s'accoutument  peu  à  peu  à  la  compression,  sans  qu'il  se  ma- 
nifeste de  troubles  oculaires.  Ainsi,  dans  un  cas  observé  par  Silcock(l), 
un  sarcome  de  la  glande  pituitaire  avait  comprimé  le  chiasma  sans 
influencer  la  vue  :  deux  jours  avant  sa  mort,  la  malade  avait  encore 
travaillé  à  l'aiguille. 

6°  Il  nous  faut  encore  mentionner  une  lésion  du  chiasma  qui  ne 
frappe  que  les  deux  faisceaux  directs;  elle  entraine  l'hémianopsie 
hétéronyme  nasale.  On  en  a  observé  dix  cas  environ.  L'hémianopsie 
hétéronyme  nasale  est  produite  par  un  processus  inflammatoire  des 
organes  qui  entourent  le  chiasma.  Au  début,  des  scotomes  plus  ou 
moins  étendus  apparaissent  dans  les  deux  moitiés  nasales  du  champ 
visuel  et  augmentent  de  plus  en  plus,  comme  le  processus  lui-même  ; 
à  la  fin  survient  la  cécité.  On  a  signalé  un  seul  cas  de  guérison  de 
scotome  nasal  bilatéral  (Mooren).  Dans  le  principe,  le  fond  de  l'œil  est 
toujours  normal  ;  plus  tard,  on  constate  de  la  névrite  optique  et  de 
l'atrophie  du  nerf  optique.  Cette  forme  d'hémianopsie  est  générale- 
ment causée  par  des  affections  très  graves  du  cerveau  ;  la  vie  des 
malades  est  fortement  compromise.  Dans  la  plupart  des  cas,  l'appa- 
rition de  l'hémianopsie  hétéronyme  nasale  est  suivie  d'accidents  céré- 
braux des  plus  sérieux  (accès  apoplectiformes,  etc.). 

(I)  Silcock,  Ophthalm.  Society  of  the  United  Kingdom,  1885,  10  décembre. 


12 


IMtEMIEUE    PAllTlE. 


'2.    BANDELETTES   OPTIQUES. 

Lalésion  d'une  bandelette  optique  produit  lnémianopsie  homonyme. 
Si  la  lésion  porte  sur  la  bandelette  droite  le  fonctionnement  des  fais- 
ceaux, direct  et  croisé  droits  se  trouve  supprimé;  on  constate,  par 
suite,  la  suppression  des  deux  moitiés  gauches  du  champ  visuel.  Au 
point  de  vue  du  diagnostic  différentiel,  il  importe  de  noter  que,  dans 


Fig.  2.  —  Champ  visuel  de  l'œil  gauche  (fcémianopsie  laissant  soupçonner  une  lésion 
compliquée  de  la  bandelette  droite). 

la  lésion  typique  de  la  bandelette  optique,  le  scotome  est  limité  par 
une  ligne  verticale  qui  passe  par  la  fovea  centralis  (1),  tandis  que  dans 
les  hémianopsies  homonymes  d'origine  corticale,  on  voit  la  ligne  de 
séparation  dévier  très  souvent  du  côté  du  scotome,  ou  bien  on  constate 
une  zone  amblyopique  intermédiaire.  .Nous  nous  dispenserons  d'énu- 
mérer  les  travaux  qui  ont  été  publies  sur  les  lésions  de  la  bandelette 
optique;  le  lecteur  trouvera,  à  ce  sujet,  des  renseignements  complets 
dans  l'excellenl  travail  de  Séguin. 


I    Charcot,  Leçons,  1887,  p.  150. 


BANDELETTES   OPTIQUES. 


13 


Lorsqu'un  rayon  Lumineux  vient  frapper  une  moitié  de  la  rétine 
atteinte  d'amaurose,  il  ne  produit  pas  de  réaction  pupillaire,  car  "les 
fibres  optiques  qui  servent  au  réflexe  lumineux  suivent  les  bandelettes 
optiques  jusqu'aux  tubercules  quadrijumeaux.  Mais  si  la  lésion  des 
libres  optiques  siège  en  dehors  des  tubercules  quadrijumeaux,  dans 
les  radiations  optiques  de  Gratiolet  ou  dans  le  centre  cortical  de  la 
vision,  on  voit  toujours  subsister  la  réaction  pupillaire  de  la  partie 
hémianopsique  des  rétines. 


Fig.  3.  —  Champ  visuel  de  l'œil  droit  (héniianopsie  laissant  soupçonner  une  lésion 
compliquée  de  la  bandelette  droite). 


Lorsqu'une  lésion  des  bandelettes  optiques  reconnaît  pour  cause 
un  ramollissement,  une  tumeur,  etc.,  elle  s'accompagne  généralement 
de  paralysie  d'autres  nerfs  crâniens,  tels  que  le  facial,  le  trijumeau, 
l'hypoglosse.  Les  cas  d'hémianopsie  homonyme  qui  s'âecompagnent 
d'anesthésie  de  la  conjonctive  correspondante  à  la  partie  malade 
(c'est-à-dire  du  côté  opposé  à  la  lésion)  ne  sont  pas  attribuables  à  une 
altération  de  la  bandelette  optique  (Féré)  ;  il  faut  en  rechercher  la 
cause  dans  la  partie  postérieure  de  la  capsule  interne. 

Les  cas  de  cécité  des  deux  yeux  par  suite  de  lésion  simultanée  des 
deux  bandelettes  optiques  sont  très  rares.  Nous  en  citerons  comme 


14  PREMIÈRE  PARTIE. 

exemple  le  cas  observépar  Russel  [Schmidt's  Jahrbiïjbher,  1  <s 7  7 ,  p.  164). 

11  est  très  important  de  rappeler  il)  que  les  bandelettes  optiques 
ci  1rs  pédoncules  cérébraux  sont  recouverts  par  le  lobe  pariétal,  prin- 
cipalement par  la  circonvolution  de  l'hippocampe  et  par  la  lingula. 
In  processus  morbide  pourrait  donc  intéresser  à  la  fois  toutes  ces 
parties  etproduire la  surdité  croisée,  L'hémianopsie  homonyme,  l'anes- 
thésie  et  la  paralysie  de  la  moitié  opposée  du  corps.  Tout  auprès  se 
trouvent  également  l'insuia  et  la  troisième  circonvolution  frontale,  dont 
les  lésions  déterminent  l'aphasie. 

Une  lésion  frappant  à  la  fois  le  pédoncule  cérébral  et  la  bandelette 
optique  avoisinante  est  toutefois  très  rare.  ISous  en  trouvons  un 
exemple  dans  un  cas  rapporté  par  Graves,  qui  a  observé  en  même 
temps  de  l'hémianopsie  homonyme  et  de  l'hémiplégie.  Un  s'explique 
qu'un  processus  morbide  affecte  rarement  ces  deux  parties  à  la  fois, 
si  l'on  se  rappelle  que  leurs  vaisseaux  sont  distincts.  Par  suite,  un 
ramollissement  qui  atteint  l'une  d'elles  ne  se  propage  pas  à  l'antre. 
En  général,  lorsqu'on  observe  simultanément  de  l'hémianopsie  homo- 
nyme, de  l'hémiplégie  et  de  l'hémianesthésie,  il  s'agit  d'une  lésion 
intra-cérébrale  (de  la  capsule  interne). 

3.   CENTRES   SOUS-CORTICAUX    DE    LA    VISION. 

Les  fibres  de  la  bandelette  optique  se  terminent  dans  le  corps 
genouillé  externe,  le  pulvinar  de  la  couche  optique  et  la  partie  anté- 
rieure des  tubercules  quadrijumeaux.  Dans  un  cas  d'atrophie  des  deux 
nerfs  optiques  avec  dégénérescence  secondaire  ascendante,  Henschen 
a  pu  constater  que  la  dégénérescence  se  continuait  dans  les  centres 
-M>iis-corticaux  que  nous  venons  de  mentionner;  il  observa,  en  outre, 
la  même  lésion  dans  les  radiations  optiques  de  Graliolet  et  dans  le 
centre  cortical  de  la  vision  du  lobe  occipital.  Les  libres  de  la  bande- 
lette optique  qui  prennent  naissance  dans  la  commissure  postérieure 
du  ehiasma  se  terminent  dans  le  corps  genouillé  interne.  On  divise 
aussi  les  libres  de  la  bandelette  optique  en  deux  portions,  l'une  formanl 
la  racine  des  tubercules  quadrijumeaux  [Vierhùgelwurzel),  l'autre 
constituant  la  racine  des  couches  optiques  [Thalamuèwurzel)  ;  la  pre- 
mière reçoit  des  fibres  qui  passent  à  la  surface  du  corps  genouillé 
interne  et  traversent  le  bras  antérieur  des  tubercules  quadrijumeaux 
antérieurs;  la  seconde  racine  naît  du  corps  genouillé  externe  et  du 
pulvinar. 

Meynerl  croit  avec  raison  que  le  corps  genouillé  interne  esl  en 
rapport  avec  les  libres  optiques,  l'n  cas  observé  par  Kulfner  (2)  peul 
être  cité  comme  une  preuve  à   l'appui  de  cette  manière  de  \oir.  A  la 

(l)  Voir  Nuel,  Traité  de  de  Weckeret  Landolt,  t.  III.  p.  5?0. 
02)  Kuffner,  Sbornih  lekarsky,  t.  IV,  fasc.  I. 


CENTRES   SOUS-CORTICAL X    DE   LA   VISION.  Ci 

suite  d'une   lésion  (encéphalomalacie)  du  lobe  occipital  gauche,   la 
.  1 .  ■  - .  •  1 1 .  •  i  - .  ~  -  'condaire  descendante  avait  gagné  les  radiations  opti 

que.  Cette  déiAvntTcx'i'iirt'  a  donc  été  constatée  en  dedans  du  corp: 
genouillé  interne. 

a.  Tubercules  quadrijumeaux.  —  Stilling  admet  que  les  deux 
nerfs  optiques  s'entre-croisent  en  partie  dans  les  tubercules  quadriju- 
meaux antérieurs  et  que  quelques  libres  optiques  pénètrent  dans  leur 
profondeur  même.  M.  Charcot,  pour  expliquer  les  laits  cliniques  de 
l'amblyopie  croisée  dans  les  lésions  de  la  partie  postérieure  de  la 
capsule  interne,  avait  été  conduit  à  supposer  que  les  fibres  optiques 
qui  n'étaient  pas  encore  croisées  dans  le  chiasma  s'entre-croisaient 
dans  les  tubercules  quadrijumeaux.  D'après  cette  manière  de  voir,  on 
ne  trouverait  dans  chaque  hémisphère  occipital  que  des  fibres  optiques 
de  l'œil  opposé.  Stilling  a  décrit  aussi  des  libres  optiques  qui  se 
terminent  dans  les  tubercules  quadrijumeaux  postérieurs;  mais 
l'observation  clinique  prouve  que  ces  tubercules  peuvent  être  lésés 
sans  qu'il  survienne  de  troubles  de  la  vue.  Au  point  de  vue  anatomi- 
que.  il  est  exact  que  certaines  fibres  des  bandelettes  optiques  se  con- 
tinuent jusqu'aux  tubercules  quadrijumeaux  postérieurs  et  au  corps 
genouillé  externe,  mais  elles  sont  complètement  étrangères  à  la  fonc- 
tion visuelle;  elles  naissent  des  commissures  du  chiasma,  si  bien 
étudiées  par  Gudden  et  Meynert. 

Des  expériences  faites  sur  des  animaux  ont  démontré  que  les  tuber- 
cules quadrijumeaux  servent  aussi  à  la  coordination  des  mouvements 
des  globes  oculaires.  D'après  Adamueck,  les  mouvements  binoculaires 
des  yeux  sont  réglés  par  les  tubercules  quadrijumeaux  antérieurs,  le 
droit  présidant  aux  mouvements  des  deux  yeux  vers  la  gauche,  et  le 
gauche  à  leurs  mouvements  vers  la  droite. 

En  excitant  expérimentalement  les  diverses  parties  d'un  seul  des 
tubercules  quadrijumeaux  antérieurs,  on  peut  produire  des  mouve- 
ments très  variés  des  yeux;  mais  les  deux  yeux  sont  toujours  mis  en 
action,  et  leurs  mouvements  ont  lieu  dans  le  même  sens.  Si  les  tuber- 
cules quadrijumeaux  sont  isolés  par  une  coupe  antéro-postérieure 
pratiquée  sur  la  ligne  médiane,  l'excitation  d'un  seul  tubercule  anté- 
rieur ne  produit  que  des  mouvements  de  l'œil  du  même  côté.  Si 
l'excitation  porte  sur  la  partie  médiane  des  tubercules  quadrijumeaux 
antérieurs,  on  observe  des  mouvements  des  yeux  en  haut  et,  en  même 
temps,  de  la  dilatation  des  pupilles.  Si  on  excite  la  ligne  médiane, 
entre  les  tubercules  quadrijumeaux  postérieurs,  les  yeux  converge- 
ront pendant  que  la  pupille  se  rétrécira  |  Beaunis).  Plus  l'excitation 
porte  en  arrière,  plus  les  mouvements  de  convergence  deviennent 
manifestes.  Il  est  probable  que,  dans  cette-expérience,  on  excite  en 
même  temps  le  noyau  antérieur  de  l'oculo-moteur  commun. 

C'est   Herbert  Mayor     et   Flourens  qui    ont  eu  l'idée  que  les  tu- 


16  PREMIÈRE   PARTIE. 

bercules     quadrijumeaux    sont    en    rapport  avec    les    mouvements 
réflexes  amenant  la  dilatation  ou  le  resserrement  des  deux  pupilles. 

Flourens,  après  la  destruction  unilatérale  des  tubercules  quadri- 
jumeaux, observa  la  cécité  d'un  œil  et  la  dilatation  de  l'iris  homonyme. 
Mais  Knoll  prouva  expérimentalement  que  la  cécité  résulte  de  la 
lésion  simultanée  de  la  bandelette  optique,  consécutivement  à  l'expé- 
rience ;  la  dilatation  de  l'iris  est  de  même  produite  par  une  lésion  du 
noyau  du  sphincter  de  la  pupille.  Selon  Knoll,  l'excitation  des  tuber- 
cules quadrijumeaux  a  pour  conséquence  la  dilatation  des  pupilles, 
dilatation  plus  prononcée  du  côté  où  l'excitation  a  lieu. 

L'excitation  simultanée  des  deux  tubercules  quadrijumeaux  anté- 
rieurs produit  aussi  des  mouvements  oscillatoires  des  yeux  compa- 
rables à  ceux  qu'on  désigne  sous  le  nom  de  nystagmus.  L'opis- 
thotonos  qui,  dans  les  expériences  de  Ferrier,  suivit  l'électrisation 
des  tubercules  quadrijumeaux,  doit  probablement  être  attribué  à  l'ex- 
citation  du  pédoncule  cérébral. 

Les  tubercules  quadrijumeaux  ne  sont  pas  seulement  des  centres 
de  l'organe  visuel,  car  ils  sont  très  développés  chez  des  animaux 
privés  de  la  vue  (Taupe  asiatique). 

Chez  l'homme,  des  lésions  de  ces  corps  ont  amené,  à  diverses 
reprises,  des  symptômes  d'ataxie.  Ce  phénomène  n'a  fait  défaut  que 
dans  un  seul  cas,  publié  par  Gowers.  Dans  les  tumeurs  des  corps 
quadrijumeaux,  l'ataxie  présente  tous  les  caractères  fie  L'ataxie  céré- 
brale, c'est-à-dire  de  l'ataxie  de  l'ivresse  :  l'équilibre  pendant  la 
marche  est  seul  troublé;  les  mouvements  des  extrémités  supérieures 
restent  normaux.  Ce  symptôme  s'observe  également  dans  des  cas  de 
tumeurs  occupant  d'autres  parties  du  cerveau. 

L'expérience,  clinique,  l'anatomie  et  la  physiologie  ont  démontré 
que  les  tubereules  quadrijumeaux  antérieurs  sont  seuls  en  rapport 
avec  le  sens  de  la  vision.  Kohts  a  publié  un  cas -de  destruction  des 
tubercules  quadrijumeaux  postérieurs  sans  que  la  vue  eûl  été  affectée. 

On  peut  croire  que  la  destruction  d'un  tubercule  quadrijumeau 
antérieur  doive  entraîner  l'hémianopsie  homonyme  du  côté  opposé  (1). 
Mais  dans  tous  les  cas  observés  jusqu'ici,- la  lésion  occupait  les  deux 
tubercules  antérieurs  à  la  fois.  Il  en  était  ainsi  dans  le  cas  publié  par 
Pidoux  (1871),  où  la  maladie  s'accompagnait  de  cécité  complète  el 
de  dilatation  des  pupilles.  11  a  même  été  impossible  de  décider  si 
les  libres  optiques  qui  aboutissent  aux  tubercules  quadrijumeaux 
exercenl  leur  action  dans  toute  l'étendue  des  deux  moitiés  des  champs 
visuels  représentées  dans  une  bandelette  optique.  Il  sérail  possible 
que  les  I rois  centres  sous-corticaux  de  la  vision  continssent  en  même 

(\)  Vulpian  avait  déjà  établi  que  les  tubercules  quadrijumeaux  jouaient  un  rôle 
dans  l'acte  de  la  vision  ;  leur  action  est  croisée,  mais  elle  ue  Test  pas  exclusive- 
ment. 


CENTRES  SOUS-CORTICAUX    DE   LA   VISION.  17 

temps  «1rs  fibres  de  toutes  les  parties  du  champ  visuel.  La  première 
hypothèse  est  la  plus  vraisemblable.  De  toute  manière,  ce  n'est  pas  la 
h,i<ilii>:  des  libres  optiques  qui  se  termine  dans  les  tubercules  qua- 
drijumeaux  antérieurs,  et  leur  destruction  ne  peut  amener  la  cécité 
des  deux  yeux.  Dans  les  cas  où  Ton  a  observé  la  perte  de  la  vue  en 
même  temps  que  des  lésions  de  ces  tubercules,  il  existait  en  outre 
des  lésions  des  bandelettes  optiques,  ou  bien  la  cécité  était  la  consé- 
quence d'une  névrite  ayant  entraîné  l'atrophie  du  nerf  optique. 
Les  symptômes  concomitants  produits  par  les  lésions,  et  principa- 
lement par  les  tumeurs  des  tubercules  quadrijumeaux,  sont  généra- 
lement des  paralysies  des  muscles  de  l'œil.  Ces  paralysies  s'expliquent 
par  ce  fait  qu'au  niveau  des  tubercules  se  trouvent  les  centres  réflexes 
des  mouvements  de  l'iris  et  les  noyaux  d'origine  des  nerfs  moteurs 
de  l'œil.  D'après  Nothnagel  L889  ,  en  dehors  de  Vataxie,  la  paralysie 
des  deux  nerfs  oculo-moteurs  est  un  des  symptômes  les  plus  importants 
pour  arriver  au  diagnostic  des  tumeurs  des  tubercules  quadrijumeaux. 
D'après  le  même  auteur,  la  paralysie  atteint  inégalement  les  deux 
yeux,  les  divers  rameaux  et  noyaux  nerveux  étant  affectés  d'une 
façon  inégale,  et  Nothnagel  a  constamment  noté  cette  particularité 
dans  tous  les  cas  de  lésions  des  tubercules  quadrijumeaux.  Tant  que 
la  paralysie  des  muscles  des  yeux  existe  seule,  on  pourrait  en  attribuer 
la  cause  à  une  altération  nucléaire  ;  mais  dès  qu'on  observe  en  même 
temps  de  l'ataxie  et  de  l'hémiopie,  on  peut,  selon  cet  auteur,  diagnos- 
tiquer avec  un  grand  degré  de  probabilité  une  tumeur  des  tubercules 
quadrijumeaux.  Si  l'on  constate  aussi  de  l'hémianesthésie,  on  doit 
admettre  que  le  processus  s'est  propagé  vers  le  pédoncule  cérébral. 

b.  Corps  genouillé  externe.  —  Les  lésions  limitées  au  corps 
genouillé  externe  sont  extrêmement  rares.  En  s'appuyant  sur  les 
données  anatomiques,  l'altération  d'un  corps  genouillé  externe  doit 
causer  l'hémianopsie  homonyme.  Henschen  a  observé  deux  cas  patho- 
logiques dans  lesquels  l'examen  anatomique  lui  a  montré  l'inter- 
ruption des  fibres  optiques  dans  le  corps  genouillé  externe.  Dans 
l'un  de  ces  cas,  le  ganglion  était  complètement  détruit,  et  cette  des- 
truction avait  été  suivie  d'une  dégénérescence  secondaire  ascendante 
et  descendante  se  prolongeant,  d'un  côté,  jusqu'au  lobe  occipital,  et, 
de  l'autre,  jusqu'à  l'intérieur  du  globe  oculaire,  en  atteignant  les  deux 
nerfs  optiques.  Dans  le  second  cas,  la  lésion  ne  portait  que  sur  une 
partie  du  corps  genouillé  externe.  Henschen  a  pu  constater  dans  l'un 
et  l'autre  cas  que  la  dégénérescence  atteignait  des  faisceaux  des 
tubercules  quadrijumeaux  et  le  lemniscus  (ruban  de  Reil  . 

c.  Couches  optiques.  —  D'après  Luys,  les  couches  optiques  com- 
prennent quatre  noyaux  gris  : 

1°  Le  noyau  antérieur,  en  rapport  avec  la  réception  et  l'élaboration 
des  impressions  olfactives; 

2 


18  PREMIÈRE    PARTIE. 

2°  Le  noyau  moyen,  situé  en  arrière  du  précédent,  d'une  plus 
grande  dimension,  et  réuni  par  des  fibres  au  corps  genouillé  externe. 
D'après  l'auteur,  ce  noyau  est  préposé  à  l'élaboration  des  sensations 
visuelles  ; 

3°  Le  noyau  médian,  profondément  enfoncé  dans  l'épaisseur  des 
couches  optiques.  Ce  noyau  serait  en  rapport  avec  la  sensibilité  géné- 
rale, hypothèse  basée  sur  ce  fait  qu'il  reçoit  la  plupart  des  fibres  cen- 
tripètes de  la  moelle  ; 

4°  Le  dernier  noyau  recevrait  les  impressions  sensitives. 

Pour  ïodd  et  Carpentier,  les  couches  optiques  seraient  le  siège  du 
sensorium  commune;  mais  les  recherches  de  Vulpian,  de  Nothnagel, 
de  Ferrier,  ont  établi  qu'elles  n'avaient  rien  à  voir  avec  la  sensibilité 
générale. 

Meynert admet,  au  contraire,  en  se  basant  sur  ses  études  anatomi- 
ques,  que  les  couches  optiques  constituent  le  centre  réflexe  des  mouve- 
ments inconscients.  D'après  lui  etd'aprôs  Wundt,  les  couches  optiques 
représentent  le  centre  de  relation  des  impressions  tactiles  et  des 
mouvements  de  locomotion.  Lussana  et  Lembigne  pensent  que  ces 
couches  président  à  l'innervation  des  mouvements  de  latéralité  des 
membres  antérieurs,  chez  les  mammifères.  Toutes  ces  théories  sont 
discutables.  Le  seul  point  qui  soit  tout  à  fait  hors  de  doute,  c'est  que 
la  partie  postérieure  des  couches  optiques  (pulvinar)  sert  au  sens  de 
la  vue.  Une  lésion  du  pulvinar  entraîne  l'hémianopsie  homonyme  du 
côté  opposé. 

Dans  les  lésions  des  centres  sous-corticaux  de  la  vision,  le  fond  de 
l'œil  est  d'abord  normal;  plus  tard,  on  observe  de  la  névrite  optique, 
puis  de  l'atrophie  du  nerf  optique.  Mauthner  admet  que  la  papille  de 
l'œil  situé  du  côté  opposé  à  la  lésion  offre  seule  des  signes  d'atrophie. 
Le  faisceau  croisé  se  distribue  de  telle  façon  dans  la  papille  (fig.  1), 
que  sa  partie  temporale  se  termine  dans  la  partie  de  la  rétine  située 
entre  la  macula  et  la  papille,  en  recouvrant  les  fibres  du  faisceau 
direct.  Par  suite,  l'atrophie  descendante  ne  sera  apparente  que  dans 
le  faisceau  croisé.  Lorsque,  consécutivement  à  une  lésion  des 
bandelettes  optiques  ou  des  centres  sous-corticaux  gauches,  il  sur- 
vient de  l'atrophie  des  faisceaux  direct  et  croisé,  on  ne  pourra  l'ob- 
server que  du  côté  droit;  à  gauche,  en  effet,  l'atrophie  du  faisceau 
direct  sera  masquée  par  le  faisceau  croisé  droit,  qui  vient  recouvrir 
les  fibres  papillaires  du  faisceau  direct. 

Des  expériences  ont  été  faites  sur  des  animaux  auxquels  on  avait 
enlevé  les  hémisphères  ;  s'il--  étaient  encore  en  état  de  se  tenir  deboul 
et  qu'on  leur  enlevât  la  couche  optique  d'un  côté,  les  animaux  tom- 
baient sur  ce  côté.  Nothnagel  a  noté  la  parésie  des  extrémités  supé- 
rieure et  inférieure  gauches  dans  un  cas  de  tuberculose  de  la  couche 
optique.  Henschen  a  publié  une  observation  à'hémianopsie  ('impliquée 


RACINE   SPINALE  DU   NERF   OPTIQUE.  10 

d'hémiplégie;  l'autopsie  lui  permit  de  reconnaître  une  apoplexie  delà 
couche  optique. 

Les  exemples  d'hémianopsie  dans  les  lésions  de  la  couche  optique 
sont,  d'ailleurs,  bien  rares.  Pour  Nothnagel,  elle  ne  peut  se  produire 
que  si  le  stratum  zonale  est  atteint.  Charcot  a  vu  l'hémichorée  ac- 
compagner les  lésions  des  couches  optiques  et  celles  de  la  capsule 
interne.  Les  hémiplégies  qui  sont  la  conséquence  d'altérations  des 
couches  optiques  ne  persistent  jamais  longtemps,  au  dire  de  Noth- 
nagel. 

Il  est  démontré  que  les  lésions  des  couches  optiques  qui  n'affectent 
pas  le  pulvinar  n'ont  aucun  retentissement  sur  la  vue.  Une  observation 
publiée  en  1888.  par  Manassé,  est  très  probante  à  cet  égard.  Il  s'agis- 
sait d'un  cysticerque  de  la  grosseur  d'un  grain  de  raisin  développé 
au  milieu  d'une  couche  optique  ;  les  symptômes  auxquels  il  donna 
lieu  furent  presque  exclusivement  des  symptômes  de  paralysie. 

Les  lésions  bilatérales  des  centres  sous-corticaux  produisent  de 
l'amaurose  binoculaire.  Peltzer  a  fait  connaître  un  cas  de  cécité  com- 
plète occasionnée  par  des  foyers  de  ramollissement  dans  les  tubercu- 
les quadrijumeaux,  les  couches  optiques  et  les  lobes  occipitaux  des 
deux  côtés.  Les  pupilles  un  peu  resserrées,  étaient  insensibles  à  la 
lumière,  et  il  existait  du  nystagmus. 

4.  RACINE  SPINALE  DU    NERF    OPTIQUE. 

Nous  ne  saurions  passer  sous  silence  la  quatrième  racine  du  nerf 
optique,  quoique  son  existence  fasse  encore  l'objet  de  discussions. 
D'après  Stilling,  immédiatement  en  avant  du  corps  genouillé  externe 
quelques  fibres  des  bandelettes  optiques  passent  dans  le  pédoncule 
cérébral,  se  répandent  à  sa  surface  en  formant  éventail,  et  gagnent  le 
pont  de  Varole.  L'auteur  a  pu  suivre  leur  trajet  jusque  dans  la  moelle 
allongée  et  dans  Tenlre-croisement  des  pyramides.  Il  explique,  au 
moyen  de  ces  fibres,  la  propagation  d'un  processus  morbide  de  la 
moelle  épinière  au  nerf  optique.  La  plupart  des  auteurs  qui  se  sont 
occupés  de  la  question,  comme  vient  de  le  faire  récemment  Angelucci, 
nient  l'existence  de  la  racine  spinale  du  nerf  optique. 

Ce  qui  est  certain  c'est  que,  dans  les  cas  d'affections  de  la  moelle 
compliqués  d'amaurose,  l'examen  anatomique  n'a  jamais  permis  d'é- 
tablir une  communication  directe  entre  la  dégénérescence  du  nerf 
optique  et  celle  de  la  moelle  épinière.  L'altération  du  nerf  optique 
commence,  au  contraire,  dans  la  partie  rétrobulbaire.  Au  début  des 
affections  de  la  moelle  épinière  (tabès  dorsal),  les  troubles  fonctionnels 
de  la  vue  sont  vraisemblablement  d'origine  vasculaire  (Furster, 
E.  Berger),  et  non  la  conséquence  d'une  lésion  des  fibres  nerveuses 
dans  le  trajet  du  nerf  optique. 


20  PREMIÈRE  PARTIE. 

Diverses  théories  ont  été  émises  pour  expliquer  les  rapports  entre 
l'atrophie  du  nerf  optique  et  les  affections  de  la  moelle  épinière. 

Albusl,  Avndt,  Waldmann  et  N.  Weis  admettent  qu'une  méningite 
chronique  peut  se  propager  de  la  moelle  au  nerf  optique. 

Gowers  et  d'autres  auteurs  pensent  (jue,  simultanément  ou  successi- 
vement, le  même  phénomène  de  dégénérescence  se  produit  dans  des 
parties  diverses  du  système  nerveux,  parties  prédisposées  à  la  dégéné- 
rescence. 

Striimpcll,  pour  expliquer  l'atrophie  du  nerf  optique  dans  le  tabès 
dorsal,  invoque  Faction  toxique  de  la  syphilis  sur  la  partie  périphé- 
rique du  nerf.  Pour  émettre  cette  théorie,  il  s'est  vu  obligé  de  regarder 
tous  les  ataxiques  comme  syphilitiques. 

Rieger  et  Forstor  (de  Nuremberg)  recherchent  l'explication  des  rap- 
ports entre  l'alfection  spinale  et  l'atrophie  du  nerf  optique  dans  le 
grand  sympathique.  L'atrophie  optique  se  développerait  en  un  point 
qui  serait  en  rapport  direct  avec  la  partie  de  la  moelle  la  première 
atteinte  ;  elle  serait  la  conséquence  de  troubles  des  vaso-moteurs. 

Michel  a  démontré  que,  dans  la  paralysie  labio-glosso-laryngéc,  il 
survenait  une  dégénérescence  du  nerf  optique  si  la  lésion  atteignait 
les  noyaux  du  facial  et  de  l'oculo-moteur  externe.  L'atrophie  optique 
se  montre  plus  fréquemment  comme  complication  dans  les  affections 
de  la  partie  supérieure  de  la  moelle  allongée  que  dans  celles  de  sa 
partie  inférieure.  De  même,  dans  les  affections  de  la  moelle  épinière, 
plus  la  lésion  siège  haut  et  plus  les  troubles  oculaires  sont  fréquents. 
A  ces  considérations  nous  pouvons  ajouter  que,  dans  le  tabès,  les 
troubles  oculaires  du  début  onl  tous  les  caractères  de  troubles  ci rca- 
latoires  delà  rétine  rétrécissement  périphérique  en  forme  de  secteur). 
Aussi,  ai-je  été  amené  par  toutes  ces  raisons  à  penser  que  les  troubles 
de  la  vision  dans  les  maladie-  de  la  moelle  épinière  pourraient  être  dus 
aux  altérations  de  la  moelle  allongée,  si  fréquentes  dans  le  tabès 
dorsal  (sclérose,  épendymite  chronique),  altérations  qui  intéresse- 
raient en  même  temps  les  centres  vaso-moteurs  du  nerf  optique.  Il 
ne  m'a  pas  été  permis  de  démontrer  celle  h\  put  hèse  par  des  expérien- 
ces sur  des  animaux. 

Stillinga  cous  lait'  que  quelques-unes  des  Qbres  optiques  de  la  racine 
spinale  pénètrenl  dans  le  aoyau  «le  l'oculo-moteur  commun,  d'où 
elle-  passenl  dans  les  pédoncules  cérébelleux  supérieurs  et  dans  la 
partie  supérieure  de  la  fosse  losangique.  Peltesohna  observé,  dans  un 
cas  d'apoplexie  de  la  moelle  allongée,  le  développement  d'une  atrophie 
du  nerf  optique  ;  la  lésion  tiémorrhagique  occupai!  le  point  de  la  fosse 
losangique  où  sonl  situées  les  libres  optiques  de  Stilling.  <>u  pourrail 
peut-être  expliquer  le  cas  de  Peltesohn  en  admettanl  que,  dans  la  I 
losangique,  le  faisceau  optique  de  Stilling  renferme  les  fibres  vaso 
motrice-  du  nerf  optique.  De  toute   façon,  il  est  permis  d'invoquer 


CAPSULE  INTERNE.  2t 

cetle  observation  comme  un  argument  en  faveur  de  mon  hypothèse 
sur  le  rapport  do  L'atrophie  optique  avec  les  altérations  de  la  moelle 
épinière  par  l'intermédiaire  de  la  moelle  allongée. 

5.  CAPSULE  INTERNE. 

Des  fibres  réunissent  les  centres  sous-corticaux  au  centre  cortical 
de  la  vision.  Il  n'est  pas  encore  prouvé  que  des  fibres  optiques  se  ren- 
dent de  la  rétine  jusqu'au  lobe  occipital  sans  passer  par  les  centres 
s<ms-corticaux.  L'ensemble  des  fibres  qui  sortent  des  pédoncules 
cérébraux  et  des  ganglions  sous-corticaux  pour  se  terminer  dans 
Técorce  cérébrale  porte,  on  le  sait,  le  nom  de  couronne  rayonnante  de 
Reil.  La  portion  de  cette  couronne  qui  est  située  entre  les  couches 
optiques  et  le  corps  strié,  d'un  côté,  et  le  noyau  lenticulaire,  de 
l'autre,  est  appelée  capsule  interne.  Sa  partie  postérieure  (carrefour 
sensitil'  de  Charcot)  renferme  des  fibres  optiques.  Les  fibres  qui  relient 
les  centres  sous-corticaux  de  la  vision  avec  le  centre  psychique  sont 
appelées,  depuis  Gratiolet,  radiations  optiques  ou  expansions  céré- 
brales optiques. 

En  se  basant  sur  les  données  anatomiques,  les  lésions  du  carrefour 
sensitif  doivent  entraîner  Vhémiariopsie  homonyme  du  côté  opposé, 
la  paralysie  croisée  des  sens  olfactif,  auditif  et  gustatif,  et  l'a- 
nesthésie  de  la  face  du  côté  opposé.  Les  observations  cliniques  ont 
complètement  démontré  la  justesse  des  conclusions  que  permettait 
de  tirer  l'anatomie.  Mais,  pour  la  vue,  les  troubles  qu'on  observe 
dans  les  cas  d'affections  du  carrefour  sensitif  consistent  en  une  am- 
blyopie  croisée.  Pour  expliquer  ce  fait,  M.  Charcot  a  admis  rentre- 
croisement  total  des  fibres  optiques  avant  leur  arrivée  dans  la  capsule 
interne.  D'après  lui,  les  fibres  qui  ne  s'étaient  pas  croisées  dans  le 
chiasma  s'entre-croisent  dans  les  tubercules  quadrij  urne  aux.  Cette 
hypothèse  ne  s'accorde  nullement  avec  l'existence  de  Vhémianopsie 
dans  les  cas  de  lésion  d'un  seul  lobe  occipital. 

Des  recherches  ultérieures  ont  démontré  que  dans  les  cas  dam- 
blyopie  croisée,  qui  s'accompagnent  généralement  d'autres  symptômes 
(hémianesthésie,  etc.),  l'œil  situé  du  côté  atteint  d'hémianesthésie  est 
amblyope  à  un  très  haut  point  ;  son  champ  visuel  est  considérable- 
ment rétréci,  et  il  existe  de  la  dyschromatopsie.  L'examen  sérieux  de 
l'autre  œil  prouve  qu'il  est  aussi  plus  ou  moins  atteint,  mais  toujours 
à  un  moindre  degré  que  le  premier;  néanmoins,  on  peut  y  constater 
de  l'amblyopie  et  du  rétrécissement  du  champ  visuel. 

Dans  deux  cas  de  lésion  de  la  capsule  interne,  Tûrck  avait  déjà 
remarqué  que  la  pupille  réagissait  moins  à  la  lumière  du  côté  de  l'hé- 
mianesthésie  que  de  celui  de  la  lésion  ;  mais  il  n'avait  pas  cherché  à 
se  rendre  compte  de  l'acuité  visuelle. 


22  PREMIÈRE   PARTIE. 

Bernhardt,  dans  un  cas  de  lésion  de  la  partie  postérieure  de  la  cap- 
sule interne,  reconnut  que  l'œil  du  côté  opposé  au  mal  était  atteint 
d'amaurose,  tandis  que  l'autre  possédait  son  acuité  de  vision  nor- 
male tout  en  ayant  son  champ  visuel  rétréci.  Dans  un  cas  analogue, 
publié  par  Millier,  il  n'existait  que  de  l'amblyopie  croisée,  sans  trou- 
bles fonctionnels  du  côté  de  la  lésion.  Pitres,  chez  un  malade  qu'il 
examina  avec  le  plus  grand  soin,  constata  de  L'amblyopie  des  deux 
côtés,  plus  marquée  du  coté  de  l'hémiplégie.  C'est  ce  qu'observa  à  son 
tour  Fuerstner.  11  est  possible  que  les  différences  notées  dans  les 
symptômes  dus  aune  lésion  de  la  capsule  interne  tiennent  à  ce  que, 
dans  un  cas,  les  fibres  maculaires  directes  et  croisées  sont  atteintes 
en  même  temps,  tandis  que  dans  l'autre  cas  les  libres  directes  sont 
indemnes. 

Les  lésions  anatomo-pathologiques  de  la  capsule  interne  sont  géné- 
ralement le  résultat  de  l'apoplexie.  Aux  symptômes  d'amblyopie 
croisée  et  de  paralysie  croisée  des  nerfs  crâniens  se  joignent  habituel- 
lement de  l'hémianesthésie,  de  l'hémiplégie  et,  plus  tard,  de  l'hémi- 
chorée.  Une  seule  fois  (c'est  à  Miiller  qu'est  due  l'observation),  la 
lésion  delà  capsule  interne  consista  en  ramollissement. 

6.    RADIATIONS  OPTIQUES  DE  GRATIOLET. 

Des  dispositions  anatomiques,  on  peut  déduire  qu'une  lésion  uni- 
latérale des  radiations  optiques  doit  amener  Vhémianopsie  du  côté 
opposé;  que  leur  lésion  bilatérale  doit  produire  la  cécité  complète. 
C'est,  en  effet,  ce  qu'ont  démontré  les  observations  cliniques. 

Dans  son  ouvrage  classique,  Henscben  rapporte  trois  observations 
à'hémianopsie  homonyme  où  l'autopsie  a  révélé  une  lésion  des  radia- 
lions  optiques.  Dans  un  cas  de  ramollissement,  il  était  survenu  de 
l'amaurose  bilatérale  transitoire,  et  l'autopsie  montra  qu'il  existait 
une  lésion  des  deux  radiations  optiques,  ayant  occasionné  l'atrophie 
partielle  de  leurs  libres.  Dans  un  autre  cas,  où  on  avait  constaté  de 
l'amaurose  bilatérale,  des  masses  carcinomateuses  avaient  détruit  les 
deux  radiations  optiques  et  avaient  également  pénétré  dans  d'autres 
parties  de  la  substance  blanche  du  cerveau. 

Les  lésions  anatomo-pathologiques  complémentaires  ont  aussi  une 
grande  importance  au  point  de  vue  théorique;  nous  voulons  parler 
des  lésions  de  la  substance  blanche  sans  destruction  des  radiations 
optiques.  Henschen  a  publié  trois  observations  de  cette  nature  :  des 
tumeurs  s'étaient  développées  dans  le  voisinage  immédiat  des  radia- 
tions optiques,  entre  les  libres  desquelles  elles  avaient  même  en- 
voyé des  prolongements,  sans  qu'il  en  fût  résulté  de  troubles  ocu- 
laires. 

Si  la  lésion  primitive  occupe  les  radiations  optiques,  la  dégénères- 


CENTRE   PSYCHIQUE   DE   LA    VISION.  23 

cence  ascendante  et  descendant»'  se  propage  vers  le  centre  cortical  et 
vers  les  ganglions  sous-corticaux,  Dans  un  cas  de  Henschen,  la 
dégénérescence  avait  atteint  l'écorce  corticale;  le  corps  slrié  et  les 
petites  cellules  ganglionnaires  de  la  portion  médiane  et  dorsale  du 
corps  genouillé  interne  étaient  atrophiés.  Dans  les  tubercules  qua- 
drijumeaux  antérieurs,  l'atrophie  avait  atteint  très  légèrement  le 
stratum  opticum.  Quant  aux  nerfs  optiques  eux-mêmes,  ils  étaient 
normaux. 

7.    CENTRE   CORTICAL    (PSYCHIQUE)   DE   LA   VISION. 

Dès  18i2,Flourens  avait  démontré,  sur  des  pigeons, que  la  privation 
des  parties  postérieures  des  hémisphères  les  rendait  aveugles.  Hitzig 
a  cru  observer  chez  le  chien  qu'on  privait  d'un  lobe  occipital  la  cécité 
de  l'œil  opposé.  Depuis  lors,  un  certain  nombre  d'expériences  ont  été 
laites  sur  des  animaux  et  des  autopsies  ont  été  pratiquées  sur  l'homme 
à  la  suite  de  lésions  dont  on  avait  noté  soigneusement  les  symptômes; 
il  en  est  ressorti  d'une  façon  évidente  que  les  lobes  occipitaux  sont 
les  centres  corticaux  de  la  vision.  Ferrier  avait  observé  que  la  des- 
truction du  gyrus  angularis  (centre  optique  de  Waltoni  entraînait, 
chez  certains  animaux,  la  perte  de  la  vue  dans  l'œil  du  côté  opposé; 
mais  les  recherches  de  Wernicke  ont  établi  que,  dans  ces  expériences, 
la  cécité  résultait  probablement  de  la  lésion  simultanée  des  radia- 
tions optiques  de  Gratiolet,  dont  le  trajet  passerait  auprès  du  gyrus 
angularis. 

On  s'est  demandé  si  d'autres  parties  de  l'écorce  cérébrale  que  les 
lobes  occipitaux  étaient  en  rapport  avec  la  vision  ;  la  réponse  à  cette 
question  a  varié  avec  les  auteurs.  Quelques  physiologistes  (Lanne- 
grace.  Ëxner)  admettent  que  le  centre  de  la  vision  n'est  pas  limité 
exclusivement,  chez  les  animaux,  au  lobe  occipital,  mais  que  les  lobes 
frontal  et  pariétal  ont  aussi  des  relations  avec  la  vue,  sans  pourtant 
que  ces  rapports  fussent  aussi  intimes  que  celui  du  lobe  occipital. 
Munk  et  Huguenin  ont,  de  leur  côté,  observé  la  cécité  chez  des  singes 
et  des  chiens  privés  de  leurs  lobes  occipitaux  ;  aussi  nient-ils  que  les 
autres  parties  de  l'écorce  cérébrale  jouent  un  rôle  effectif  dans  l'acte 
de  la  vision.  Pour  l'homme,  il  est  d'ailleurs  hors  de  doute  que  toutes 
les  lésions  de  l'écorce  cérébrale,  hormis  celles  du  lobe  occipital,  ne 
produisent  jamais  une  altération  des  fonctions  de  la  rétine.  D'un  cer- 
tain nombre  d'autopsies,  il  résulte  que,  dans  les  lésions  de  l'écorce 
cérébrale  qui  entraînent  Yhémianopie,  c'est  toujours  le  lobe  occipital 
qui  est  atteint.  Les  nombreuses  observations  analysées  par  Séguin 
s'accordent  avec  les  recherches  ultérieures  de  Nothnagel,  et  démon- 
trent que  le  cunéus  et  la  première  circonvolution  occipitale  forment 
le  centre  des  fibres  optiques.  Dans  un  cas  d'hémianopsie  homonyme 


24 


PREMIÈRE   PARTIE. 


observé  par  Saenger,  cette  partie  de  l'écorce  cérébrale  était  la  seule 
atteinte. 

Vhémianopsie  qui  résulte  de  la  destruction  d'un  centre  cortical  de 
la  vision  ou  des  radiations  optiques  se  distingue  généralement  de 
celle  produite  par  une  lésion  siégeant  sur  un  autre  point  du  trajet  des 
fibres  optiques.  Dans  le  premier  cas,  la  ligne  de  séparation  du  sco- 
tome  dévie  habituellement  du  côté  de  Vhémianopsie;  si  le  champ 
visuel  est  limité  par  une  ligne  verticale  passant  par  la  macula,  on 
observe  en  gênerai  une  zone  amblyopique  située  du  côté  de  1  hémia- 
nopsie,  entre  la  partie  normale  du  champ  visuel  et  lescotome.  La  limite 


Fier.  4. 


VRoiusel 

Schéma  clos  localisations  corticales.  Face  externe  de  l'hémisphère  gauche: 


1,  scissure  de  Sylvius;  2,  sillon  de  Rolando;  3,  scissure  interpariétale;  4,  scissure 
parallèle;  .r>,  scissure  perpendiculaire  externe. 

I'"i,  première  circonvolution  frontale;  l\,,  deuxième  circonvolution  frontale;  F3, 
troisième  circonvolution  frontale  ;  Fa,  circonvolution  frontale  ascendante  ;  Ps,  lobule 
pariétal  supérieur;  Pi,  lobule  pariétal  inférieur;  lobule  du  pli  courbe;  T,.  pre- 
mier,' circonvolution  temporale;  T2,  deuxième  circonvolution  temporale;  T;.  troi- 
sième circonvolution  temporale;  l  >,.  première  circonvolution  occipitale;  03,  deuxième 
circonvolution  occipitale;  O3,  troisième  circonvolution  occipitale. 

I.  aphasie  motrice  (type  Bouillaud-Broca  :  II,  centre  de  la  face;  III.  agraphie(î); 
IV,  centre  du  bras;  V,  centre  de  la  jambe;  VI,  surdité  verbale;  VII,  cécité  verbale; 
VIII,  mouvement  des  yeux,  facial  supérieur  (?);  IX,  centre  optique  de  Walt, m  et 
Ferrier. 


des  couleurs  aboutissant  à  la  zone  amblyopique  permet  de  distinguer 
Vhémianopsie  due  à  une  lésion  corticale  de  celle  qui  résulte  d'une  alté- 
ration de  la  bandelette  optique.  Fœrster  explique  la  déviation  de  la 
ligne  de  démarcation  vers  le  côté  hémianopsique  par  une  meilleure 
distribution  des  vaisseaux  dans  le  centre  cortical  de  la  vision.  Il  ré- 
sulte de  cette  distribution  plus  favorable  que,  même  dans  les  cas 
d'apoplexie  ou  de  ramollissement,  le  courant  sanguin  n'est  jamais 
complètement  interrompu  dans  l'écorce  occipitale. 


CENTRE   PSYCHIQUE   DE   LA  VISION.  25 

La  réaction  de  la  pupille  à  la  lumière  est  conservée  dans  la  partie 
où  la  rétine  ne  remplit  plus  ses  fonctions,  lorsqu'il  s'agil  d'une 
lésion  du  centre  cortical,  et  ce  signe  a  une  haute  importance  pour  le 
diagnostic. 

L'acuité  visuelle  reste  généralement  normale  ;  dans  des  cas 
rares,  elle  diminue  de  moitié.  Si  elle  est  diminuée  davantage,  ce 
qui  coïncide  presque  toujours  avec  un  rétrécissement  des  parties 
conservées  du  champ  visuel,  c'est  qu'il  existe  d'autres  lésions  que 
l'altération  corticale;  on  n'est  plus  en  présence  d'un  cas  typique.  Dans 
un  certain  nombre  des  cas  observes,  Vhémianopsie  avait  débuté  par 
dtjs  scotomes  symétriques,  inégaux  dans  les  deux  yeux,  ce  qui  indi- 
quait une  lésion  partielle  du  centre  de  la  vision.  Il  n'a  pas  encore  été 
possible  d'arriver  à  la  localisation  corticale  des  diverses  parties  du 
champ  visuel.  Wernicke  admet  que  les  libres  optiques  du  côté  tem- 
poral de  la  rétine  qui  appartiennent  au  faisceau  direct  se  terminent 
dans  le  côté  temporal  du  centre  cortical  de  la  vision. 

D'après  Séguin,  les  données  suivantes  peuvent  aider  à  établir  le 
diagnostic  du  siège  de  la  lésion,  lorsqu'on  se  trouve  en  présence  d'hé- 
mianopsie  homonyme. 

i°  La  névrite  optique  et  la  perte  de  la  réaction  pupillaire  doivent 
faire  penser  à  une  lésion  située  au-delà  du  centre  sous-cortical  de  la 
vision; 

2°  L'hémianesthésie,  l'ataxie,  l'athétose  avec  hémiplégie  s'obser- 
vent dans  les  lésions  de  la  capsule  interne  et  de  la  couche  optique; 
l'anesthésie  de  la  conjonctive  plaide  en  faveur  d'une  lésion  de  la  cap- 
sule interne; 

3°  Si  l'hémiplégie  et  l'hémianesthésie  sont  complètes,  la  lésion  de  la 
capsule  interne  est  très  étendue  ; 

4°  L'hémiplégie  complète  et  l'aphasie  sans  hémianesthésie,  ou  avec 
hémianesthésie  peu  accentuée,  se  rencontrent  surtout  dans  les  lésions 
de  l'extrémité  postéro-supérieure  de  la  scissure  deSylvius; 

5°  L'hémiplégie  peu  marquée  et  une  légère  ataxie  font  soupçonner 
une  lésion  du  lobule  pariétal  inférieur  et  du  gyrus  angularis  (nous 
acceptons  cette  manière  de  voir,  en  ajoutant,  avec  Wernicke,  que, 
dans  ces  cas,  les  radiations  optiques  sont  également  lésées)  ; 

0°  L'hémianopsie  homonyme,  sans  complication,  doit  faire  croire  à 
une  lésion  corticale. 

L'hémi-achromatopsie,  c'est-à-dire  la  perte  du  sens  des  couleurs 
dans  deux  moitiés  homonymes  du  champ  visuel,  a  été  parfois  obser- 
vée et  a  fait  admettre  l'existence  d'un  centre  cortical  des  couleurs.  En 
outre,  on  a  décrit  des  cas  où  des  sensations  subjectives  des  couleurs 
ne  se  sont  produites  que  dans  deux  moitiés  homonymes  du  champ 
visuel;  par  exemple,  dans  ces  deux  moitiés  les  objets  semblaient 
colorés  en  rouge  (hémiéry  thropsie^.  Wilbrandt  prétend  que  les  diverses 


26  PREMIÈRE  PARTIE. 

qualités  visuelles  sont  localisées  dans  les  différentes  couches  du  centre 
cortical  de  la  vision.  Ainsi,  la  couche  superficielle  serait  en  rapport 
avec  la  sensation  dos  couleurs;  la  couche  située  au-dessous  servirait 
au  sens  do  la  lumière,  etc.  Il  est  vrai  que,  dans  les  troubles  nutritifs 
du  centre  cortical  de  la  vision,  le  sens  des  couleurs  se  perd  plus 
facilement  que  la  faculté  de  distinguer  des  lettres  fines.  D'autres 
auteurs  croient  que  le  sens  des  couleurs  a  son  centre  localisé  dans 
une  partie  limitée  de  l'écorce  occipitale.  Nuel  admet,  de  son  côté, 
que  le  centre  du  sens  de  l'espace  serait  en  même  temps  le  centre  du 
sens  des  couleurs. 

Dans  la  plupart  des  cas,  Vhémianopsie  homonyme  par  lésion 
corticale  est  le  résultat  de  l'apoplexie;  elle  accompagne  parfois 
l'hémiplégie,  l'hémianesthésie  ou  l'aphasie.  C'est  la  plus  fréquente 
de  toutes  les  variétés  dliémianopsie.  Lo  pronostic  en  est  plus 
favorable  que  celui  de  Vhémianopsie  occasionnée  par  une  autre  lésion, 
et  il  est  plus  favorable  non  seulement  dans  les  cas  où  l'altération  cor- 
ticale reconnaît  pour  cause  l'apoplexie,  mais  encore  lorsqu'elle  est 
due  à  la  syphilis  ou  au  traumatisme.  Dans  les  cas  de  destruction  du 
centre  cortical  de  la  vision  par  des  tumeurs  ou  par  ramollissement,  le 
pronostic  est  essentiellement  défavorable  pour  la  vue.  Il  dépend,  en 
somme,  principalement  de  la  nature  du  processus  qui  cause  Vhémia- 
nopsie. Quelques  auteurs  admettent  encore  que  certaines  formes  de 
l'amaurose  toxique  (urémie)  ont  leur  siège  localisé  dans  le  centre  cor- 
tical de  la  vision  (Nuel). 

On  connaît  des  cas  (méningite  chronique)  où  des  processus  diffus 
occupent  les  deux  lobes  occipitaux;  ces  processus  amènent  une  fatigue 
de  la  rétine,  qui  se  complique  ou  non  de  douleurs  occipitales,  l'ius 
tard,  on  observe  des  impressions  subjectives  de  la  vision,  des  halluci- 
nations de  la  vue,  des  sensations  subjectives  lumineuses  ou  colorées 
Mooren). 

Il  est  probable  que  chez  les  fiévreux  atteints  de  maladies  infec- 
tieuses, les  illusions  et  les  hallucinations  sont  causées  par  une  action 
toxique  qui  se  manifeste  vers  le  centre  cortical  de  la  vision.  Chez  les 
aliénés,  les  mêmes  symptômes  sont  produits  par  un  processus  ana- 
tomo-pathologique  localisé  dans  l'écorce  cérébrale.  En  général,  lorsque 
les  hallucinations  portent  sur  un  certain  groupe  d'idées,  la  projection 
de  leurs  images  se  fait  dans  une  direction  déterminée;  ainsi,  chez  les 
hystériques,  la  projection  est  dirigée  vers  le  côté  de  l'hémianesthésie 
(Charcot). 

Dans  les  lésions  du  centre  cortical  de  la  vision,  le  fond  de  l'œil  est 
normal;  pourtant  lorsque  les  affections  de  cette  partie  sont  causées 
par  une  tumeur,  on  voit  survenir  de  la  névrite  et  de  l'atrophie  opti- 
ques. Il  est  démontré  que,  dans  les  altérations  corticalei  de  la  vision^ 
la  dégénérescence  descendante  ne  s'étend  jamais  jusqu'aux  nerfs  opti* 


CENTRE    PSYCHIQUE  DE  LA  VISION.  27 

ques    Fœrster).  Dans  un  cas  de  ce  genre.  Henschen  a  pu  constater 

la  dégénérescence  descendante  dans  les  radiations  optiques,  dans 
le  corps  gen ouille  externe  et  le  stratum  opticum  des  tubercules  qua- 
drijumeaux;  mais  les  nerfs  optiques  étaient  indemnes.  Aussi,  chez 
les  animaux  privés  du  centre  cortical  de  la  vision,  l'atrophie  optique 
ne  survient  jamais  (Munk). 

L'atrophie  descendante  peut  non  seulement  se  développer  dans  les 
radiations  optiques  consécutivement  à  une  lésion  corticale,  mais 
parfois  aussi  à  la  suite  d'atrophie  du  centre  cortical  de  la  vision  résul- 
tant elle-même  d'une  lésion  primitive  des  radiations  optiques,  qui  a 
amené  la  dégénérescence  ascendante.  Dans  les  cas  de  cécité  de  longue 
durée,  les  autres  parties  de  l'écorce  cérébrale  sont  frappées  de  dégé- 
nérescence secondaire  coïncidant  avec  l'atrophie  corticale  (Henschen)  ; 
c'est  ainsi  que  le  centre  de  la  mémoire  visuelle  s'atrophie.  Les  données 
anatomiques  que  la  science  doit  à  Henschen  font  comprendre  qu'après 
un  certain  temps  de  cécité,  la  mémoire  de  la  vision  se  perde  complè- 
tement; les  malades  aveugles  depuis  trente  ans  ne  sont  généralement 
plus  en  état  de  se  représenter  les  objets  (Stricker). 

La  destruction  des  deux  centres  corticaux  de  la  vision  produit  la 
cécité  des  deux  yeux.  De  tels  cas  sont  très  rares;  Xothnagel,  Mooren, 
Chvostek  en  ont  observé  des  exemples.  Les  expériences  faites  sur  les 
animaux  tendraient  à  faire  admettre  que,  dans  l'amaurose  corticale, 
la  réaction  pupillaire  est  conservée.  Il  est  bien  regrettable  qu'on  n'ait 
pas  songé,  en  général,  à  consigner  les  renseignements  que  fournissent 
à  cet  égard  les  observations  faites  sur  l'homme. 

Dans  les  lésions  corticales,  on  note  non  seulement  le  réflexe  pupil- 
laire, mais  aussi  le  réflexe  du  facial.  Chez  les  animaux  privés  du 
centre  cortical  de  la  vision,  on  a  déterminé  le  clignotement  en  leur 
plaçant  des  objets  lumineux  devant  les  yeux  (nous  ne  supposons  pas 
que,  dans  ces  expériences,  il  faille  tenir  compte  de  l'action  de  la 
chaleur  sur  les  organes  terminaux  du  trijumeau).  On  n'est  pas  encore 
certain  que  ce  réflexe  existe  aussi  chez  l'homme  ;  mais,  d'après  Wil- 
brandt,  le  fait  est  très  vraisemblable. 

La  lésion  des  deux  lobes  occipitaux  dans  le  voisinage  de  leur  extré- 
mité postéro-supérieure  produit,  chez  les  animaux,  des  symptômes 
que  Munk  désigne  sous  le  nom  de  cécité  de  l'âme.  Ils  ne  se  rendent 
plus  compte  des  impressions  visuelles,  parce  que  la  mémoire  des  im- 
pressions optiques  est  détruite.  Peu  à  peu,  comme  dans  l'enfance,  ils 
apprennent  de  nouveau  à  utiliser  les  impressions  visuelles.  D'autres 
auteurs,  qui  ont  fait  les  mêmes  expériences,  n'admettent  pas  les  expli- 
cations de  Munk.  Ils  prétendent  que  des  symptômes  analogues  sont 
produits  non  seulement  par  une  lésion  occipale,  mais  aussi  par  l'écou- 
lement du  liquide  céphalo-rachidien. 

Les  expériences  de  Munk  ont  encouragé  divers  savants  à  recher- 


28  PREMIÈRE   PARTIE. 

cher  chez  l'homme  des  phénomènes  comparables  à  ceux  qu'il  a  dé- 
crits. Fuerstnerest  arrivé  à  constater  chez  quelques  malades  atteints 
de  paralysie  générale  des  symptômes  qui  prouvent  que  ces  malades 
voient,  mais  qu'ils  sont  hors  d'état  d'utiliser  leurs  impressions  vi- 
suelles. Cette  cécité  de  l'âme,  dénotant  la  perte  de  la  partie  corticale 
où  les  représentations  visuelles  sont  localisées,  s'observe  surtout 
dans  les  lésions  qui  affectent  la  surface  des  lobes  occipitaux.  Géné- 
ralement, après  avoir  duré  de  huit  à  quatorze  jours,  la  cécité  de  l'âme 
disparaît,  mais  elle  peut  reparaître  plus  tard.  Elle  peut  aussi  se  com- 
pliquer d'amaurose  passagère. 

Si  ois  le  nom  (Vapraxie,  on  a  décrit  un  état  mental  qui  a  beaucoup 
de  ressemblance  avec  la  cécité  de  l'âme,  et  qui  s'accompagne  parfois 
d'aphasie.  Les  malades  ne  se  rendent  pas  compte  de  la  nature  des 
objets  qu'ils  voient;  ils  prennent  un  couteau  pour  une  cuiller,  et  veu- 
lent s'en  servir  pour  manger  le  potage,  etc. 

De  même  que  la  mémoire  des  impressions  visuelles  peut  être  de- 
truite  en  totalité,  de  même  elle  peut  n'être  que  partiellement  abolie. 
Munk  prétend  avoir  observé  des  chiens  qui  ont  reconnu  certains  objets, 
mais  n'ont  pas  reconnu  le  fouet. 

La  perte  de  la  mémoire  des  impressions  visuelles  produites  par  des 
lettres  est  généralement  désignée  sous  le  nom  d'alexie  ou  de  cécité 
verbale  (Wortblindheit).  Les  malades  atteints  de  cette  affection  ne  peu- 
vent plus  reconnaître  les  lettres,  mais  ils  lisent  bien  les  chiffres.  Il 
arrive  que  la  mémoire,  perdue  pour  un  alphabet,  soit  conservée  pour 
un  autre.  Michel  cite  le  cas  d'un  malade  qui  pouvait  lire  l'alphabet 
gothique  et  avait  oublié  les  lettres  latines.  Dans  un  certain  nombre 
d'observations  dues  a  Charcot,  Westphahl,  Brandenburg,  Landolt, 
Bruns,  Stœlting,  on  voit  que  la  cécité  verbale  s'était  compliquée  d'hé- 
mianopsie  homonyme.  Un  cas  de  Charcot  est  des  plus  remarquables: 
Vhémianopsie  accompagnant  la  cécité  verbale  s'étant  améliorée,  le 
champ  visuel  s'est  agrandi. 

La  cécité  verbale  est  généralement  causée  par  l'apoplexie.  Quant  à 
la  localisation  de  la  lésion,  on  la  place  «  dans  le  lobule  pariétal  infé- 
rieur, avec  ou  sans  participation  du  lobule  du  pli  courbe  ». 

Dans  certains  cas,  les  malades  pouvaient  écrire  des  lettres  sous  la 
dictée,  mais  ils  n'étaient  pas  en  état  de  les  lire.  Les  fibres  d'associa- 
tion reliant  la  mémoire  auditive  des  mots  au  prétendu  centre  d'écri- 
ture fonctionnaient,  tandis  que  le  centre  d'impressions  des  lettres 
était  détruit.  Dans  d'autres  cas,  la  cécité  verbale  était  accompagnée 
d'une  certaine  difficulté,  ou  même  de  l'impossibilité  absolue  d'écrire 
(Brandenburg,  Knecht).  C'est  que  les  libres  d'association  reliant  le  Cen- 
tre des  représentations  visuelles  des  lettres  [Buchsiabengedxchtniss) 
au  centre  des  représentations  auditives  [Klangbildergedxchtnixs) 
étaient  affectées.  On  admet,  dans  ce  cas,  que  la  mémoire  des  mouve- 


CENTRE   PSYCHIQUE   DE   LA   VISION.  29 

ments  de  l'écriture  [Bewegungsvorstellungen  des  Schreibens  esl  en 
même  temps  atteinte. 

Quanl  à  Vagraphie,  Exner  et  d'autres  auteurs  ont  admis  qu'elle  était 
le  résultat  d'une  lésion  localisée  au  pied  de  la  deuxième  circonvolution 
Frontale  gauche.  L'agraphie  serait  la  conséquence  de  la  perte  de  la 
mémoire  des  images  des  lettres  on  d'un  trouble  dans  les  connexions 
du  centre  où  se  produisent  ces  images,  soit  avec  la  circonvolution  de 
Broca,  suit  avec  la  zone  motrice  des  membres  supérieurs  et  infé- 
rieur-. Dans  un  cas  d'agraphie  observé  par  Déjérine,  l'autopsie  a 
montré  que  la  lésion  siégeait  dans  les  trois  quarts  inférieurs  du  pli 
courbe  et  se  continuait  en  forme  de  coin  jusque  sous  l'épendyme  du 
prolongement  occipital  du  ventricule  latéral.  L'agraphie  était  complète 
et  pour  l'écriture  spontanée  et  pour  la  dictée.  Le  sujet  avait,  en 
outre,  présenté  les  phénomènes  de  l'alexie,  de  la  surdité  verbale  et 
probablement  (Vhémianopsie  droite.  L'agraphie  et  l'alexie  relevaient 
dune  seule  et  même  cause  :  la  perte  des  images  optiques  des 
lettre-. 

Pour  expliquer  la  fréquence  de  Vhémianopsie  dans  la  cécité  verbale, 
Charcot  invoque  la  distribution  des  vaisseaux  sanguins:  la  même 
branche  de  l'artère  svlvienne  se  distribue  à  la  circonvolution  de  Broca 
et  au  centre  où  sont  localisées  la  cécité  verbale  et  Vhémianopsie  homo- 
nyme droite.  Si  la  ramification  qui  se  rend  à  ce  dernier  centre  est  seule 
atteinte,  <m  n'observe  que  Vhémianopsie  et  la  cécité  verbale. 

Dans  des  lésions  étendues,  l'alexie  peut  se  compliquer  de  cécité  de 
l'âme  et  d'agraphie.  comme  Badal  l'a  observé  une  fois. 

J.  Mierzejewski  a  décrit  une  forme  nouvelle  d'alexie.  qu'il  a  proposé 
d'appeler  Csecitas  syllabaris  et  verbalis,  sed  non  litieralis.  Le  malade 
est  apte  à  reconnaître  les  lettres,  mais  il  ne  peut  plus  les  réunir  en 
syllabe-  ou  en  mots.  Celui  qui  fut  observé  par  Mierzejewski  pouvait 
écriresousladictée,maisil  était  incapable  de  lire  ce  qu'il  venait  d'écrire  : 
il  écrivait  des  ordonnances  (c'était  un  médecin  de  cinquante-six  ans  . 
mais  il  rtait  dans  l'impossibilité  de  contrôler  ce  qu'il  avait  prescrit;  il 
copiail  l'écriture  sans  faire  de  fautes,  mais  il  ne  comprenait  pas  le 
sens  desmots  qu'il  traçait.  Comme  il  arrive  généralement  dans  la  cécité 
verbale,  il  reconnaissait  et  lisait  les  chiffres,  même  lorsqu'on  les  com- 
binait d'une  façon  compliquée.  Cet  état  lit  son  apparition  après  un 
troisième  accès  d'urémie,  le  malade  étant  atteint  de  néphrite  chronique, 
d'emphysème  pulmonaire  et  d'hypertrophie  du  cœur. 

Ce  cas  du  professeur  Mierzejewski, qui  a  beaucoup  de  ressemblance 
avec  un  autre  publié  par  Lardât,  forme  probablement  une  variété  de 
Ira  nsition  entre  la  vraie  alexie  et  une  difficulté  de  lire  que  Berlin  a  dé- 
crite sous  le  nom  de  dyslexie. 

La  dyslexie  se  montre  sans  la  moindre  altération  de  l'organe  de  la 
vue.   Apres  avoir  lu  péniblement  quelques  mots,  le  malade  éprouve 


30  PREMIÈRE   PARTIE. 

une  certaine  sensation  de  malaise  qui  l'empêche  de  continuer  sa  lec- 
ture. Ce  trouble  fonctionnel  apparaît  parfois  sans  avoir  été  annoncé 
par  aucun  symptôme  prodromique  ;  d'autres  fois,  il  est  précédé  de 
maux  de  tête,  de  vertiges  et  même  d'accès  épileptiformes.  Dans  quel- 
ques cas,  la  dyslexie  est  accompagnée  dès  le  début  de  troubles  de 
l'innervation  du  côté  droit.  Le  pronostic  de  cette  affection  est  presque 
toujours  bénin  :  elle  peut  guérir  complètement.  Berlin  pour  expliquer 
cette  guérison,  admet  que  d'autres  parties  de  l'écorce  cérébrale  viennent 
suppléer  celle  dont  la  fonction  est  détruite.  Jusqu'à  ce  jour,  on  n'a 
observé  que  dix  cas  de  ce  singulier  trouble  de  la  vision.  L'hypothèse 
de  Berlin  en  vertu  de  laquelle  la  dyslexie  serait  causée  par  une  lé- 
sion de  la  circonvolution  de  Broca  siégeant  dans  le  voisinage  de  la 
scissure  de  Sylvius,  s'est  trouvée  confirmée  par  une  autopsie  de 
Nieden.  Dans  un  autre  cas,  Bruns  a  vu,  à  l'autopsie,  la  lésion  siéger 
du  côté  droit,  au  lieu  de  se  trouver  à  gauche.  Il  semble  donc  que,  de 
même  que  le  centre  de  la  parole  se  localise  adroite  chez  les  gauchers. 
de  même  le  centre  de  la  lecture  puisse  se  localiser  de  ce  côté  chez 
quelques-uns;  il  va  des  gauchers  pour  la  lecture,  comme  il  y  a  des 
gauchers  pour  la  parole. 

BIBLIOGIUPIIIE 

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Uedizinalzeitung,  1890. 


NERFS   MOTEURS   DE  L'ŒIL. 


3! 


B.  —  NERFS  MOTEURS  DE  L  ŒIL. 


GÉNÉRALITÉS. 


Les  nerfs  moteurs  de  l'œil  sont,  on  le  sait,  roculo-moteur  commun, 
le  pathétique  et  roculo-moteur  externe. 
Le  nerf  oculo-moteur  commun  prend  naissance  vers  le  bord  interne 


vu 


d  ca 


-  Origine  des  nerfs  crâniens  (d'après  Quain).  —  Chaque  paire  nerveuse  esl 
indiquée,  suivant  son  ordre  d'émergence,  par  un  chiffre  romain. 


du  pédoncule  cérébral,  immédiatement  au-devant  du  pont  de  Varole 
et  en  dehors  de  l'espace  perforé  antérieur.  A  son  origine  apparente,  il 
comprend  huit,  dix  et  quelquefois  douze  filaments,  qui,  après  un  par- 
cours de  3  à  5  millimètres,  se  réunissent  en  un  faisceau  qui  se  dirige 
obliquement  en  avant  et  en  dehors. 


32  PREMIÈRE   PARTIE. 

An  point  où  la  tente  du  cervelet  (tentorium  cerebelli)  s'insère  a 
l'os,  le  nerf  pénètre  dans  une  fente  de  la  dure-mère  et  continue 
ensuite  son  trajet  entre  l'artère  cérébrale  profonde  et  l'artère  céré- 
belleuse supérieure,  puis  il  s'engage  dans  le  sinus  caverneux  où  il 
reçoit  «les  lilets  du  plexus  sympathique  entourant  l'artère  carotide 
interne.  D'après  Longet,  roculo-moteur  commun  s'anastomose  aussi, 
au  niveau  du  sinus,  avec  le  trijumeau.  Dans  la  fente  sphénoïdale,  en 
traversant  l'anneau  de  Zinn,  le  nerf  se  divise  en  deux  brandies.  La 
branche  inférieure,  plus  volumineuse  que  l'autre,  anime  le  droit  iule- 
rieur,  le  droit  interne  et  l'oblique  inférieur.  La  ramification  qui  se 
rend  au  muscle  oblique  inférieur  fournit  aussi  une  racine  (courte  ou 
motrice)  au  ganglion  ciliaire  ;  ses  fibres  se  terminent  dans  le  sphinc- 
ter de  la  pupille  et  dans  le  muscle  de  l'accommodation.  La  branche 
supérieure  du  nerf  oculo-moteur  commun  passe  au-dessus  du  nerf 
optique  et  fournit  dés  rameaux  au  releveur  de  la  paupière  supé- 
rieure et  au  droit  supérieur. 

Depuis  les  remarquables  recherches  de  Stilling  père  sur  les  noyaux 
des  nerfs  moteurs  de  l'œil,  nous  savons  que  les  fibres  de  l'oculo-mo- 
teur  commun  passent  du  point  où  elles  ont  leur  origine  apparente 
sur  les  ciMés  internes  des  pédoncules  cérébraux)  dans  la  paroi  du 
troisième  ventricule,  puis  dans  l'aqueduc  de  Sylvius.  Elles  prennent 
naissance  dans  un  noyau  gris,  placé  au-dessous  de  l'aqueduc  de  S\  I  vins 
et  de  la  partie  antérieure  du  quatrième  ventricule.  Ce  noyau  s'étend 
depuis  la  moitié  antérieure  de  l'aqueduc  de  Sylvius  jusqu'au  noyau  du 
nerf  pathétique.  Duval  admet  que  ces  deux  noyaux  sont  confondus, 
mais,  pour  Fôrel,  ils  restent  distincts.  Les  auteurs  ne  sont  pas  d'ac- 
cord sur  le  point  de  savoir  si  les  fibres  des  deux  nerfs  oculo-moteurs 
s'entre-croisent  ou  non  avant  d'arriver  au  noyau.  Westphal,  Édingerel 
Perlia  admettent  que  leurs  libres  postérieures  seules  s'entre-croisent; 
Mautliner.  au  contraire,  en  se  basant  sur  des  faits  cliniques,  prétend 
que  toutes  les  libres  de  l'oculo-motèùr  commun  arrivent  au  noyau  sans 
se  croiser  avec  celles  du  nerf  opposé. 

Les  libres  qui  animent  chacun  des  muscles  auxquels  le  moteur  ocu- 
laire commun  envoie  des  ramifications,  ont  leur  origine  dans  des  par- 
ties distinctes  du  noyau.  D'après  Kahler  et  Pick,  les  lilets  du  muscle 
de  l'accommodation  ont  leur  origine  dans  la  partie  antérieure  : 
puis  viennent  successivement  ceux  du  sphincter  de  la  pupille,  du 
droit  interne,  du  droit  inférieur,  du  releveur  de  la  paupière  supé- 
rieure, du  droit  supérieur,  de  l'oblique  inférieur,  Les  aoyaux  des  deux 
nerfs  oculo-moteurs  communs  sont  réunis  par  des  anastomoses.  Chacun 
d'eux  est  en  outre  relié  à  la  racine  sensitive  du  trijumeà\i (Meyneri  el 
au  noyau  de  la  sixième  paire  du  côté  opposé  (Duval  . 

Le  nerf  pathétique  (trochlearis  a  sou  origine  dans  un  noyau  situé 
en  arrière  de  celui  de  la  troisième  paire,  à  la  partie  supérieure    anté- 


NERFS   .MOTEURS   DE   L'ŒIL. 


35 


rieure]  du  plancher  du  quatrième  ventricule.  Quelques  auteurs  admet- 
tent que  ses  fibres  s'entre-croisent  sur  la  ligne  médiane  avec  celles  du 
nerf  opposé,  mais  Mauthner  oie  Lé  l'ait.  Les  filtres  du  pathétique  émer- 
gent au-dessus  des  pédoncules  cérébelleux  supérieurs,  en  dehors  du 
pont  de  Varole  et  du  frein  de  la  valvule  de  Vieussens.  Le  nerf  com- 
prend, à  son  origine,  de  deux  à  huit  filaments,  qui,  au  delà  du  pont 
de  Varole,  se  reunissent  en  un  faisceau  unique.  Il  contourne  la  protu- 
bérance et  les  pédoncules  cérébraux,  se  dirige  en  avant  et  en  dedans 
jusqu'au  sommet  du  rocher,  et  traverse  la  dure-mère  au  niveau  de 
rentre-croisement  des  deux  circonférences  de  la  tente  du  cervelet; 
puis  il  passe  en  arrière  des  apophyses  clinoïdes  postérieures.  Au  delà 


Fig.  6.  —  Aspect  de  la  face  postérieure  du  bulbe  (d'après  Erb  et  Aeby). 

1,  2,  :J,  coupe  des  pédoncules  rnoyen,  supérieur  et  inférieur;  4,  eminentia  teres 
genou  du  facial);  5,  stries  médullaires  (racines  de  l'acoustique).  Les  chiffres  romains 
indiquent,  par  leur  numéro  d'ordre,  les  origines  et  les  racines  apparentes  des  nerfs 
bulbaires. 


de  ce  point,  il  s'anastomose  avec  la  première  branche  du  trijumeau. 

Le  pathétique  est  séparé  du  sinus  caverneux  par  une  paroi  très 
mince.  Dans  la  partie  antérieure  de  ce  sinus,  le  nerf  ophtalmique  de 
Willis,  accolé  à  la  carotide  interne,  est  situé  au-dessous  du  pathéti- 
que, jusqu'à  leur  entrée  dans  l'orbite.  Ce  dernier  passe  dans  la  partie 
la  plus  externe  de  la  fente  sphénoïdale.  Dans  l'orbite,  il  se  place  au- 
dessous  du  releveur  de  la  paupière  supérieure  et  va  se  terminer  dans 
le  muscle  oblique  supérieur. 

Le  nerf oculo-moteur  externe  (abducehs)  naît  d'un  noyau  gris  situé  à 
la  partie  moyenne  du  plancher  du  quatrième  ventricule.  Son  noyau  est 
relié  par  des  fibres  anastomotiques  au  noyau  supérieur  du  facial,  que 

3 


34  PREMIÈRE   PARTIE. 

quelques  auteurs  considèrent  comme  uni  au  premier.  Le  nerf  oeulo- 
moteur  externe  traverse  la  partie  antérieure  du  bulbe;  il  a  son  ori- 
gine apparente  dans  le  sillon  postérieur  du  pont  de  Yarolc,  au-des- 
sus des  pyramides.  Après  un  parcours  de  2  millimètres,  les  sept  on 
liait  filaments  qui  le  composent  se  réunissent  en  un  faisceau  qui  gagne 
en  avant  la  partie  latérale  du  clivus  Blumenbacbii,  en  dedans  du  tri- 
jumeau. Il  traverse  la  dure-mère  au  niveau  de  la  suture  sphéno-basi- 
laire,  puis  se  dirige  vers  le  sinus  caverneux  qu'il  perfore  dans  sa  paroi 
postérieure  et  s'applique  sur  la  paroi  inférieure  de  ce  sinus,  en  dedans 
et  au-dessous  de  l'oculo-moteur  commun. 

Dans  le  sinus  caverneux,  le  nerf  oculo-moteur  externe  reçoit  deux 
ou  trois  filaments  du  plexus  sympathique  entourant  la  carotide,  et 
s'anastomose  avec  l'ophtalmique  de  Willis.  Après  avoir  traversé  la 
fente  sphénoïdale,  il  entre  dans  l'orbite  par  l'anneau  de  Zinn.  Dans 
son  trajet  intra-orbitaire,  il  est  accompagné  du  nerf  nasal  et  de  la  bran- 
che inférieure  de  l'oculo-moteur  commun.  Après  s'être  dirigé  en  dehors 
et  en  avant,  il  se  perd  dans  le  muscle  droit  externe. 

Nous  connaissons  encore  mal  le  trajet  intracérébral  des  fibres  des 
nerfs  qui  animent  les  muscles  de  l'œil,  et  nous  ne  savons  que  peu  de 
chose  de  leurs  centres  corticaux. 

Il  semble  qu'il  y  ait  un  centre  des  mouvements  volontaires  de  l'œil 
localisé  dans  les  gyrus  angularis  et  supramarginalis.  En  outre,  les 
recherches  de  Grasset  et  Landouzy  ont  démontré  que  le  centre  du 
releveur  de  la  paupière  supérieure  est  localisé  dans  le  lobule  du  pli 
courbe  (gyrus  angularis). 

Après  les  détails  anatomiques  que  nous  venons  de  donner,  il  est 
nécessaire  de  diviser  les  paralysies  des  muscles  de  l'œil  en  plusieurs 
sections  : 

1°  Les  paralysies  corticales  ; 

2°  Les  paralysies  résultant  de  lésions  des  fibres  qui  relient  le  centre 
cortical  aux  noyaux; 

3°  Les  paralysies  nucléaires  ; 

4°  Les  paralysies  par  lésion  des  fibres  entre  les  noyaux  et  les  ori- 
gines apparentes  des  nerfs  à  la  base  du  crâne  : 

5°  Les  paralysies  basilaires  (dans  le  parcours  des  nerfs  à  la  base  du 
crâne); 

0°  Les  paralysies  causées  par  des  lésions  ayant  leur  siège  dans  le 
sinus  caverneux  ; 

7°  Les  paralysies  par  suite  de  lésions  situées  en  dedans  de  la  fente 
sphénoïdale  ; 

8°  Les  paralysies  orbitaires,  résultant  de  lésions  des  fibres  dans 
leur  trajet  orbi  taire; 

9°  Les  paralysies  périphériques. 

Avant  de  commencer  la  description  détaillée  de  ces  diverses  formes 


PARALYSIES   DES   MUSCLES   DE   L'ŒIL.  35 

de   paralysies  des  muscles  de  l'œil,  il   sera  très  utile  d'exposer  les 
symptômes  de  ces  paralysies. 

,  Le  trouble  fonctionnel  d'un  muscle  paralysé  de  l'œil  se  traduit  par 
L'absence  du  mouvement  de  l'organe  dans  la  direction  dans  laquelle 
s'exerce  l'action  du  muscle.  S'il  y  a  seulement  parésie,  l'étendue  du 
champ  de  Qxation  est  diminuée.  Dans  l'œil  dont  un  muscle  est  para- 
lysé, le  muscle  antagoniste,  dont  l'action  n'est  plus  contre-balancée,  fait 
dévier  l'œil  dans  sa  direction.  Par  suite,  les  objets  fixés  par  les  deux 
yeux  ne  produisent  plus  d'images  dans  des  parties  correspondantes 
de  chaque  rétine,  mais  en  des  points  qui,  dans  la  vision  binoculaire, 
reçoivent  les  images  d'objets  différents.  C'est  pour  ce  motif  que,  dans 
les  cas  de  paralysie  d'un  muscle  de  l'œil,  les  objets  ne  produisent 
plus  une  seule  image  et  que  le  malade  en  distingue  deux.  Les  premiers 
symptômes  de  la  parésie  d'un  muscle  de  l'œil  sont  donc  de  la  diplopie 
et  des  vertiges,  qui  en  sont  la  conséquence. 

Le  diagnostic  de  la  paralysie  d'un  muscle  dont  l'action  s'exerce  en 
sens  horizontal  est  très  facile  ;  il  suffit  de  se  rappeler  que  le  droit 
interne  tourne  l'œil  en  dedans,  et  que  le  droit  externe  le  tourne  en 
dehors.  Lorsqu'on  lui  fait  fixer  une  bougie  après  lui  avoir  mis  un 
verre  rouge  devant  un  œil,  le  malade  atteint  de  diplopie  indique  de 
quel  œil  il  voit  l'image  droite  ou  gauche. 

Dans  l'œil  paralysé,  l'image  est  déplacée  dans  la  direction  où  le 
muscle  paralysé  exerçait  son  action  à  l'état  normal.  Dans  la  paralysie 
d'un  muscle  droit  interne,  les  deux  images  sont  à  la  même  hauteur 
et  parallèles  ;  celle  de  l'œil  malade  étant  déplacée  en  dedans,  il  y  a 
diplopie  croisée.  Lorsque  la  paralysie  affecte  le  muscle  droit  externe, 
il  y  a  diplopie  homonyme. 

Les  yeux  sont  mus  en  haut  par  les  muscles  droits  supérieurs  et 
obliques  inférieurs;  c'est  le  droit  inférieur  et  l'oblique  supérieur  qui 
tournent  l'œil  en  bas. 

Le  droit  supérieur  amène  en  haut  et  en  dedans  l'extrémité  supé- 
rieure du  méridien  vertical  de  la  cornée.  Si  ce  muscle  est  paralysé, 
l'image  prend  la  direction  qu'imprime  à  l'œil  le  droit  supérieur  dans 
l'état  normal  ;  elle  est  croisée,  située  plus  haut  et  son  extrémité  supé- 
rieure se  dévie  en  dedans.  Quant  à  l'œil  lui-même,  il  est  dévié  en  bas 
et  en  dehors. 

Le  petit  oblique  dirige  l'œil  en  haut,  et  entraîne,  en  même  temps, 
l'extrémité  supérieure  du  méridien  vertical  vers  le  côté  externe. 
L'image,  dans  un  œil  dont  le  petit  oblique  est  paralysé,  est  située  plus 
haut,  et  son  extrémité  supérieure  est  déviée  en  dehors;  elle  est  ho- 
monyme. 

Le  droit  inférieur  tourne  l'œil  en  dedans  et  en  bas,  et  dévie  en  dehors 
l'extrémité  supérieure  du  méridien  vertical  de  la  cornée.  Lorsque  ce 
muscle  est  paralysé,  l'image  est  croisée,  abaissée  et  déviée  en  dehors. 


36  PREMIÈRE  PARTIE. 

Le  muscle  oblique  supérieur  tourne  l'œil  en  bas  et  en  dehors,  en 
inclinant  en  dehors  le  sommet  du  méridien  vertical  de  la  cornée.  Les 
images  de  l'œil,  lorsque  le  muscle  oblique  supérieur  est  paralysé, 
sont  homonymes,  abaissées  et  dirigées  en  dehors. 

Dans  la  paralysie  du  releveur  de  la  paupière  supérieure,  cette  pau- 
pière  est  abaissée  ;  mais  il  convient  de  remarquer  que  le  ptosis  à  un 
faible  degré  peut  être  également  produit  par  une  paralysie  des  fibres 
lisses  du  muscle  palpébral  supérieur  de  Mtiller,  muscle  qui  est  animé 
par  des  filets  du  sympathique. 

Si  plusieurs  muscles  sont  paralyses  à  la  fois,  il  faut  examiner  avec 
soin  la  motilité  de  l'œil.  Les  muscles  droits  interne  et  externe  peuvent 
être  paralysés  du  même  côté  sans  qu'il  en  résulte  de  diplopie. 
L'examen  du  champ  de  fixation,  qu'on  pratique  à  l'aide  du  périmètre 
de  Fœrster,  dénote  alors  l'existence  d'une  paralysie  musculaire.  Disons 
en  passant  que  le  champ  de  fixation  a,  dans  l'état  normal,  de  34 
à  45  degrés  en  haut,  de  45  à  57  degrés  en  bas,  de  45  à  50  degrés  en 
dedans,  et  de  42  à  50  degrés  en  dehors. 

Dans  la  paralysie  du  sphincter  de  lu  pupille,  celle-ci  est  dilatée 
(mydriase)  et  ne  réagit  ni  à  la  lumière,  ni  à  l'accommodation. 

La  paralysie  du  muscle  de  V accommodation  se  traduit  par  des  signes 
très  divers,  selon  l'état  de  réfraction  des  yeux  du  malade. 

Un  individu  atteint  d'une  myopie  très  prononcée  ou  moyenne  (jus- 
qu'à 3  D)  ne  présente  aucun  trouble  fonctionnel,  ni  lorsqu'il  regarde 
des  objets  éloignés,  ni  lorsqu'il  fixe  des  objets  rapproebés. 

S'il  existe  une  faible  myopie,  de  l'emmétropie  ou  un  peu  d'hypermé- 
tropie, le  malade  voit  très  bien  de  loin,  mais  il  est  incapable  de  lire  ou 
d'écrire. 

Dans  les  cas  où  l'astigmatisme  est  corrigé  par  une  contraction 
irrégulière  du  muscle  de  l'accommodation  ;  dans  l'hypermétropie  très 
prononcée,  qui  oblige  ce  muscle  à  agir  pour  que  le  malade  puisse 
regarder  de  loin,  la  paralysie  du  muscle  de  l'accommodation  déter- 
mine des  troubles  oculaires  analogues  à  ceux  de  l'amblyopie.  Cette 
amblyopie  apparente  est  d'ailleurs  très  facile  à  corriger  par  l'emploi 
de  verres  cylindriques  ou  convexes.  Un  certain  nombre  d'amblyopies 
consécuthes  à  des  maladies  infectieuses,  dont  nous  parlent  les  au- 
teurs anciens,  ne  sont  probablement  que  le  résultat  de  paralysies  pas- 
sagères du  muscle  de  l'accommodalion. 

Un  appareil  construit  sur  mes  indications,  «■!  à  l'aide  duquel  on  peul  combiner 
diverses  séries  de  verres,  sert  a  constater  l'existence  de  paralysie  nu  de  parésiede 
l'accommodation. 

Cet  appareil  est  composé  de  deux  palettes,  l'une  antérieure,  plus  courte,  et  l'autre 
postérieure.  Cette  dernière  es1  garnie  de  deux  attelles  latérales,  en  cuivre,  dans 
lesquelles  est  emboîtée  la  palette  antérieure;  celle-ci  glisse  doue  dans  la  palette  pos 
térieure  au  moyen  de  ees  attelles.  La  palette  postérieure  contient,  de  liant  en  bas 
les  verres  suivants  :  0,4-1,  +2,  +'3,  —  8,  —  2, —  1D;  la  palette  antérieure:  +0,5  + 


PARALYSIES   DES   MUSCLES  DE   L'ŒIL. 


37 


7  -|-14,  —  21,  — 14,  —  7D.  Ces  verres  sont  plan-concaves  et  plan-convexes  ;  il?  sont 
placé?  dans  la  pal.  tic  de  telle  façon,  que  leurs  surfaces  planes  se  touchent  et  que, 
mian.l  on  fait  glisser  une  palette  sur  l'autre,  les  axes  des  deux  verres  combinés  se 


quand  on  l'ait  glisser  une  palett 
correspondent  exactement. 

La  valeur  de  chaque  verre  est  indiquée  en  dioptries  sui- 
tes côtés  de  l'appareil;  la  valeur  de  la  combinaison  s'ob- 
tient donc  en  additionnant  les  deux  chiffres  qui  se  trou- 
vent à  la  même  hauteur. 

Supposons  maintenant  que  l'ou  se  propose  de  se  servir 
de  la  série  des  verres  convexes.  On  fera  glisser  la  palette, 
antérieure  de  haut  en  has,  et  l'ou  aura  ainsi  avec  +  0,5D  : 
+  1/2,+  1  i/2,  +  2  1/>, +  3  1/2D,  et  sans  +  0,5D:  +  l,+2,  + 
3D. 

11  suffit  de  placer  ensuite +7  en  avant  de  —3,  et  eu  fai- 
sant glisser  +  7  de  haut  en  bas,  on  a 

—  3  +  7  =  +  4D 
_  2  +  7  =  +  5D 

—  1  +  7  =  +  CD 

Puis  on  place  -+-  7  en  haut,  c'est-à-dire  en  avant  du  0  de  la , 
palette  postérieure,  et  on  fait  glisser  +7  de  haut  en  bas;  il 
en  résulte  : 

+  1+7  =  -f  «I> 
4-2  +  7  =  +  9D 
+  3  +  7=+  10D 

An-dessous  de  celte  dernière  combinaison  est  la  combi- 
naison suivante  :  —  3  +  14  =  -+-  11D. 

Qu'on  glisse  maintenant  le  verre  +  14  dans  la  même  direc- 
tion que  le  verre  précédent  (+  7),  et  l'on  obtient  : 

—  3  +  14  =  +  11D 

—  2  +  14  =  -M2D 

—  |  +  H  =  +  13D 
0  +  14  =  -f-liD 

+  1  +  14  =  +  15D 
+  2+  14=  +  16D 
+  2+  14  =  +  17D 


é 


Fig.  7.  —  Appareil 
deE.  Berger,  rem- 
plaçant la  boîte  de 
verres  d'essai. 


Supposons  qu'il  s'agisse  d'uu  individu  dont  l'amplitude  de  l'accommodation,  si  l'on 
en  juge  par  sou  âge,  doit  être  d'une  valeur  de  +-5D.  Si  l'individu  est  emmétrope, 
il  lira  les  plus  fins  caractères  à  la  distance  de  20  centimètres.  Si,  au  contraire  il 
est  hypermétrope,  il  faudra  déjà  un  certain  effort  du  muscle  de  l'accommodation 

nnnr    nnp    1  Vr»i  I    vprmriî  o    aïi    l*oîn      Ano      nnr    pvpmnlo     l'KTi-ïrt»»ii.i«4««»-.i  ~    — :t    J-       t      «t\ 


il), 

para- 


pour  que  l'œil  regarde  en  l'air.  Que,  par  exemple,  l'hypermétropie  soit  de  ■ 
l'individu  en  question  ne  lit  qu'à  25  centimètres  (+  4D).  Lorsqu'il  existe  de  la 
lysie  de  l'accommodation,  dans  le  premier  cas  (emmétropie),  il  faut  donner  +-5I), 
dans  le  second  (hypermétropie  de  1D)  +  6D,  pour  que  l'œil  puisse  distinguer  les 
plus  fins  caractères  à  20  centimètres. 


38  PREMIÈRE   PARTIE. 

1.  —  PARALYSIES  INTRA-CÉRÉBRALES  DES  NERFS 
MOTEURS  DE  L'OEIL. 

A.  —  PARALYSIES  DE  L'OCULO-MOTEUR  COMMUN. 
i.   PARALYSIES   D'ORIGINE    CORTICALE. 

Les  observations  de  Grasset  et  Landouzy  nous  ont  appris  que  les 
lésions  du  pli  courbe  entraînent  une  paralysie  (monoplégie)  qui 
n  affecte  que  le  releveur  de  la  paupière  supérieure  du  côté  opposé. 
Nous  en  citerons  comme  exemple  un  cas  observé  par  Lemoine  (1). 

Un  ouvrier  âgé  de  quarante-trois  ans,  atteint  d'un  rétrécissement  mitral,  fut  su- 
bitement frappé  de  bJépharoptose  droite,  qui  apparut  en  même  temps  que  des 
symptômes  apoplectiformes.  La  hlépharoptose  persista.  L'autopsie  pratiquée  quelques 
années  après  l'apparition  de  la  ptosis  montra  qu'il  existait  un  foyer  de  ramollisse- 
ment très  ancien  dans  le  gyrus  angularis  du  côté  gauche.  Cette  observation  prouve 
la  justesse  des  idées  de  Grasset  et  Landouzy  sur  le  centre  cortical  du  releveur  de 
la  paupière  supérieure. 

2.    PARALYSIES   PAR    DESTRUCTION    DES    FIBRES    RELIANT    LE    CENTRE    CORTICAL 
DE   L'OCULO-MOTEUR   COMMUN   A    SON   NOYAU. 

Ces  paralysies  devraient  toujours  être  croisées  ;  elles  se  compliquent 
constamment  de  paralysies  d'autres  nerfs  crâniens.  Nous  y  revien- 
drons, lorsque  nous  nous  occuperons  des  lésions  du  pont  de  Varole. 
D'après  Mauthner,  il  est  encore  impossible  d'en  établir  le  diagnostic 
d'une  façon  positive. 

3.    PARALYSIES    M  CLÉAIRES. 

Il  est  quelquefois  possible  de  les  diagnostiquer.  L'ophthalmoplégie 
externe  (la  paralysie  des  muscles  extrinsèques  animés  par  l'oculd- 
moteur  commun,  accompagnée  ou  non  de  paralysie  du  pathétique  et 
de  l'oculo-moteur  externe)  est  un  signe  qui  doit  Faire  songer  à  une 
lésion  nucléaire.  11  n'est  pas  encore  démontré  que  celte  forme  «le 
paralysie  soit  d'origine  corticale,  et,  dans  les  lésions  du  faisceau  ner- 
veux, les  autres  libres  de  l'oculo-moteur  commun  sont  toujours 
atteintes  en  même  temps.  La  paralysie  basilaire  ne  peul  jamais  frapper 
les  muscles  extrinsèques  sans  atteindre  aussi  les  muscles  intrinsèques 
(Mauthner,  Dufour). 

D'un  autre  côté,  on  regarde  comme  une  preuve  d'une  lésion  nucléaire 
rophthalmoplégie  interne  (Parinaud)qui  ne  frappe  qui-  N-  sphincterde 

(1)  Lemoiue  (G.),  De  la  hlépharoptose  cérébrale,  in  Revue  de  médecine,  1887,  p.  572. 


PARALYSIES  DE   L'OCL'LO-MOTEl'K  COMMUN.  39 

la  papille  et  le  muscle  de  l'accommodation,  dont  les  noyaux  forment 
la  partie  antérieure  de  celui  de  la  troisième  paire.  Les  noyaux  des 
muscles  intrinsèques  de  l'œil  reçoivent  des  artères  qui  forment  un 
réseau  distinct  de  celui  qui  se  rend  au  noyau  des  muscles  extrinsèques; 
il  n'y  a  pas  d'anastomoses  entre  leurs  vaisseaux  artériels,  qui  sont,  par 
suite,  des  artères  terminales,  dans  le  sens  que  Cohnheim  attache  à  cette 
expression.  Cette  particularité  dans  la  distribution  des  vaisseaux 
S  ■  rendant  au  noyau  de  la  troisième  paire  peut  expliquer  pourquoi, 
dans  les  lésions  nucléaires,  on  voit  si  fréquemment,  tantôt  la  partie 
antérieure  muscles  intrinsèques  seuls  ,  tantôt  la  partie  postérieure 
(muscles  extrinsèques  seuls  uniquement  intéressée. 

Différents  processus  peuvent  amener  des  lésions  nucléaires,  et  nous 
citerons:  Tartérite  syphilitique  des  vaisseaux  du  bulbe,  l'épendymite 
chronique  proliférante  avec  dégénérescence  secondaire  de  la  substance 
grise  du  quatrième  ventricule  et  de  l'aqueduc  de  Sylvius,  la  sclérose  en 
plaques,  le  tabès  dorsal. 

-ï.     PARALYSIES    PAR    LÉSION    DES    FAISCEAUX    DANS    LEUR  TRAJET   DEPUIS 
LE   BULBE    JUSQU'A   LA    BASE   DU    CRANE. 

Plusieurs  cas  peuvent  se  présenter: 

a.  La  paralysie  totale  de  l'oculo-moteur  commun  peut  être  le 
résultat  d'une  lésion  des  faisceaux  sous-nucléaires.  Néanmoins,  dans 
la  paralysie  totale  de  ce  nerf,  il  est  plus  plausible  d'admettre  une 
lésion  basilaire. 

b.  La  paralysie  totale  de  l'oculo-moteur  commun  (avec  ou  sans 
paralysie  des  muscles  intrinsèques  de  l'œil)  doit  faire  penser  à  une 
lésion  des  faisceaux  sous-nucléaires,  siégeant  dans  le  pédoncule 
cérébral,  lorsqu'elle  se  complique  d'hémiplégie  du  côté  opposé.  Cet 
ensemble  de  symptômes  se  montre  dans  les  lésions  du  pédoncule 
cérébral  quand  la  lésion  est  considérable,  assez  étendue  et  occupe  la 
partie  interne  du  pédoncule. 

Alexander  (i),  en  1887,  observa  un  cas  de  paralysie  des  muscles 
extrinsèques  de  l'œil  droit  animés  par  le  nerf  oculo-moteur  commun, 
coïncidant  avec  la  paralysie  des  extrémités  du  côté  opposé  ;  les  symp- 
tômes étaient  apparus  à  la  suite  d'une  attaque  d'apoplexie.  L'auteur 
de  l'observation  admit  une  hémorrhagie  occupant  les  pédoncules  céré- 
braux, dans  le  point  où  naît  le  nerf  oculo-moteur.  Plus  tard,  les  mus- 
cles intrinsèques  de  l'œil  furent  paralysés  à  leur  tour.  Alexander  en 
conclut  que  le  loyer  hémorrhagique  avait  gagné  le  troisième  ventricule, 
et  son  diagnostic  fut  confirmé  par  l'autopsie. 

Dans  des  cas  analogues,  on  a  également  constaté  la  paralysie  croisée 

(1)  Alexander,  Deutsche  Medizin.  Il  ochënschrift,  1887. 


40  PREMIERE   PARTIE. 

du  facial  '1  .  l'hémiplégie  croisée  et  la  paralysie  de  l'oculo-motcur 
commun  du  côté  de  la  lésion. 

c.  Les  paralysies  isolées,  symétriques  des  deux  côtés,  sont  liés 
rarement  produites  par  une  lésion  des  filets  de  Toculo-moteur  com- 
mun avant  leur  réunion  en  faisceau. 

Chez  un  malade  âgé  de  quarante- neuf  ans.  atteint  de  sclérose  en 
plaques.  Thomscn(i)  observa  une  diminution  de  la  motilité  des  deux 
yeux  en  haut;  le  phénomène  était  plus  accentué  du  côté  gauche.  La 
réaction  pupillaire  était  normale  du  côté  droit,  diminuée  du  côté 
gauche.  Les  deux  papilles  optiques  étaient  décolorées.  L'autopsie 
montra  des  plaques  de  sclérose  en  différents  points  du  système 
nerveux,  mais  les  noyaux  des  muscles  de  l'œil  étaient  sains.  Une 
néoplasie  gommeuse  occupant  exactement,  entre  les  deux  pédoncules 
cérébraux,  le  point  d'origine  du  nerf  oculo-moteur  commun  avait 
amené  la  destruction  des  faisceaux  sous-nucléaires  de  ce  nerf.  La 
lésion  était  superficielle  du  côté  gauche,  plus  profonde  du  côté  droit 
où  elle  atteignait  le  pied  du  pédoncule  cérébral,  la  substance  noire, 
jusqu'au  noyau  rouge  de  Stilling.  Du  côté  gauche,  les  faisceaux  com- 
posant le  nerf  étaient  normaux;  mais,  du  côté  droit,  ils  étaient 
dégénérés  dans  une  notable  étendue.  On  ne  saurait  expliquer,  dans 
•ce  cas,  pourquoi  la  destruction  par  dégénérescence  du  côté  droit,  et 
la  simple  compression  sans  altération  ultérieure  du  côté  gauche  ont 
produit  des  deux  côtés  les  mêmes  troubles  fonctionnels  :  la  diminu- 
tion bilatérale  de  la  motilité  d'un  seul  muscle. 

B.  —  PARALYSIES  DU  PATHÉTIQUE. 

On  ne  connaît  pas  de  paralysies  d'origine  corticale.  La  paralysie  fas- 
ciculaire  peut  se  montrer  comme  complication  de  certaines  altéra- 
tions anatomo-pathologiques  occupant  la  fente  de  Bichal,  ainsi  que 
de  la  méningite  tuberculeuse  (Michel).  Dans  certains  cas,  les  graves 
accidents  cérébraux  qui  apparaissent  ne  permettent  pas  de  diagnos- 
tiquer la  paralysie  du  pathétique.  Kn  outre,  il  faut  se  rappeler  que 
des  lésions  siégeant  dans  la  valvule  de  Vieussens  peuvent,  par  com- 
pression, intéresser  le  pathétique. 

La  paralysie  nucléaire  du  pathétique  a  été  observée  plusieurs  fois; 
quoique  rare,  elle  est  plus  fréquente  que  la  paralysie  fasciculaire. 

C.  —  PARALYSIES  DU  NERF  OCULO-MOTEUR  EXTERNE. 

On  n'a  pas  encore  constaté  de  cas  de  paralysie  corticale  du  nerf 
oculo-moteur  externe, 

(I)  Striimpetl,  Nervenkrankheiten,  p.  358. 
f2)Thoniscn,  Ges.  /'.  Psychiatrie,  Berlin,  1886,  7  juin. 


PARALYSIES   DE   L'OCULO-MOTEUR   EXTERNE.  41 

La  paralysie  nucléaire  a  été  observée  à  diverses  reprises  el  mise 
hors  de  doute  par  l'autopsie.  C'esl  surtoui  dans  le  tabès  dorsal  qu'on 

l'a  rencontrée,  et,  dans  celte  maladie,  elle  s'accompagne  fréquem- 
menl  d'autres  paralysies  des  muscles  de  l'œil. 

Si  les  libres  nerveuses  sont  lésées  dans- la  protubérance  annulaire, 
la  paralysie  de  l'oculo-moteur  externe  est  accompagnée  d'une  hémi- 
plégie croisée. 

D'après  Gowers,  la  paralysie  conjuguée  des  muscles  droit  externe  et 
droit  interne  du  côté  opposé  a  une  certaine  valeur  pour  le  diagnostic 
cl ii  siège  de  la  lésion. 

a.  Si  la  lésion  frappe  les  libres  de  l'oculo-moteur  externe  dans  le 
bulbe,  on  observe  la  paralysie  complète  du  droit  externe  et  la  conver- 
gence de  l'œil  vers  le  côté  de  la  lésion. 

b.  Si  le  noyau  du  nerf  est  atteint,  on  constate  les  mêmes  symptômes, 
mais,  en  outre,  il  existe  une  paralysie  des  mouvements  conjugués  des 
yeux  du  côté  de  la  lésion,  symptôme  que  Gowers  (1)  explique  par  la 
présence  de  fibres  commissurales  reliant  le  noyau  de  l'oculomoteur 
externe  à  celui  de  la  troisième  paire. 

c.  Si  la  lésion  se  trouve  au-dessus  de  la  protubérance  annulaire,  il 
y  a  aussi  paralysie  des  mouvements  conjugués  vers  le  côté  de  la  lé- 
sion, mais  la  paralysie  n'est  pas  complète  et  on  n'observe  pas  la  con- 
vergence de  l'œil  paralysé. 

Comme  l'a  dit  avec  raison  Hughlings  Jackson,  cette  question  se 
rattache  à  celle  de  la  déviation  conjuguée  de  Prévost  où  les  yeux  sont 
généralement  déviés  dans  le  sens  opposé  à  la  lésion;  dans  les  lésions 
du  pont  de  Varole,  par  exemple,  ils  sont  déviés  du  côté  de  la  paralysie 
des  extrémités.  Jackson  a,  en  effet,  observé  un  cas  de  lésion  du  pont 
de  Yarole  avec  déviation  conjuguée  vers  le  côté  de  l'hémiplégie.  Mais 
on  constate  aussi  le  contraire.  Dans  une  lésion  de  la  moitié  du  pont, 
Jackson  nota  des  convulsions  unilatérales,  et,  dans  ce  cas,  la  dévia- 
tion conjuguée  s'observait  du  côté  que  les  convulsions  n'avaient  pas 
frappé,  c'est-à-dire  du  côté  de  la  lésion. 

L'importance  de  la  paralysie  de  l'oculo-moteur  externe  produite  par 
des  altérations  de  la  protubérance  annulaire  nous  décide  à  étudier 
également  les  autres  symptômes  de  ces  lésions. 

Protubérance  annulaire.  —  En  dehors  des  symptômes  de  para- 
lysie alterne  (2)  et  de  paralysie  de  l'oculo-moteur  commun  et  de 
l'oculo-moteur  externe,  on  a  observé,  dans  les  lésions  de  la  protubé- 
rance annulaire,  la  paralysie  du  trijumeau  et  du  facial.  Si  la  lésion 


(1)  Gowers,  Ophthalm.  Soc.  of  the  United  Kingdom,  1887,  10  mars. 

(2)  D'après  Grasset,  la  paralysie  alterne  serait  caractéristique  des  lésions  de  la 
prolubérance  annulaire,  mais  elle  ne  se  produirait  que  lorsque  la  lésion  occuperait 
la  région  bulbaire  postérieure. 


42  PREMIÈRE    PARTIE. 

atteint  les  libres  du  facial  avant  leur  entre-croisement,  c'est-à-dire  si 
elle  occupe  la  partie  inférieure  de  la  protubérance,  la  paralysie  faciale 
et  l'hémiplégie  siègent  du  même  côté.  Mais  si  la  paralysie  du  facial 
résulte  d'une  lésion  occupant  la  partie  supérieure  de  la  protubérance 
(après  l'entre-croisement  des  fibres  nerveuses),  elle  siège  du  côté  delà 
lésion,  tandis  que  l'hémiplégie  se  trouve  du  côté  opposé. 

(/.  Dans  un  cas  observé  chez  un  infant  d'un  an  par  Mendel  et  Ilirschberg  (1),  il 
existait  de  la  paralysie  faciale  du  côté  droit,  de  la  kératite  neuroparalytique  bilaté- 
rale, de  l'anesthésie  des  trois  branches  du  trijumeau  du  côté  gauche,  de  la  paralysie 
du  bras  et  de  la  jambe  du  côté  droit.  L'autopsie  montra  un  foyer  de  ramollissement 
dans  la  protubérance;  le  nerf  facial  était  atteint  au-dessous  de  rentre-croisement  de 
ses  fibres. 

b.  Dans  une  observation  de  Bernhardt  (2),  on  voit  notées  la  paralysie  du  facial 
droit,  la  kératite  neuroparalytique,  l'anesthésie  du  trijumeau  et  la  paralysie  de 
l'oculo-moteur  externe  du  même  côté.  Outre  une  destruction  du  tubercule  quadri- 
junieau  postérieur  droit  et  une  légère  altération  du  tubercule  quadrijumeau  anté- 
rieur du  môme  côté,  l'autopsie  montra  une  destruction  superficielle  du  pont  de 
Varole.  La  lésion  du  facial  siégeait  au-dessus  de  l'entre-croisement. 

Dans  les  lésions  du  pont  de  Varole,  d'autres  nerfs  bulbaires  peuvent 
être  aussi  lésés;  en  voici  un  exemple  : 

c.  Finny  (3)  rencontra  une  tumeur  de  la  grosseur  d'une  noisette  daus  la  portion 
gauche  du  pont  de  Varole.  Lors  de  l'entrée  du  malade  à  l'hôpital,  on  avait  constaté 
une  paralysie  et  une  anesthésie  incomplètes  du  bras  et  de  la  jambe  gauches.  Le  sens 
musculaire  faisait  défaut,  la  moitié  gauche  de  la  face  était  paralysée  et  les  yeux 
étaient  déviés  à  droite.  De  ce  côté,  il  existait  de  la  névrite  optique.  Enfin  ou  avait 
noté  de  la  paralysie  de  la  langue,  des  lèvres  et  du  pharynx,  de  l'anesthésie  de  toute 
la  région  daus  laquelle  aboutit  le  trijumeau,  et  de  la  faiblesse  des  jambes.  La  mort 
survint  après  uue  attaque  de  convulsions. 

La  myose  spasmodique  observée  d'un  côté  ou  des  deux  côtés  à  la 
fois,  dans  plusieurs  cas  d'affections  de  la  protubérance,  est  probable- 
ment la  conséquence  de  la  compression  ou  de  l'irritation  du  noyau  de 
la  troisième  paire  par  la  lésion  elle-même  (tumeur,  etc.). 

11.    —   PARALYSIES    EXTRA^CÉRÉRRALES    DES   M'HFS 
MOTEURS  DE  L'OEIL. 

1.    FORMES    DIVERSES   T>K    LA    PARALYSIE    BASILAIRE    DES    NERFS  MOTEURS 

DE    I.'OEIL. 

Le  diagnostic  d'une  paralysie  basilaire  des  nerfs  moteurs  de  l'œil 
n'es!  pas  toujours  facile.  On  peut  poser  en  principe  avec  une  certaine 
certitude  que  la  paralysie  des  muscles  extrinsèques  de  l'œil,  sans 
paralysie  des  muscles  intrinsèques,  n'est  jamais  d'origine   basilaire. 

(1)  Meridèl  et  Hirschberg,  Ceniralbl.  f.  Augenheilk.,  1890,  p.  218. 

(2)  Bernhardt,  Neurolog.  Ceniralbl.,  1890,  n°  14. 

(3)  Fiiiny.  Soc.  royale  de  méd.  ri  de.  chirurgie  de  I. '.mires,  issn.  20  avril. 


PARALYSIES   EXTRA-CÉRÉBRALES   DES  NERFS  MOTEURS  DE  L'ŒIL.      43 

La  paralvsie  totale  des  muscles  de  l'œil  peut  être  ou  basilaire  ou  nu- 
cléaire; mais,  lorsqu'il  existe  en  même  temps  de  la  paralysie  d'autres 
nerfs,  la  présence  de  la  névrite  optique  peut  aider  au  diagnostic  diffé- 
rentiel, et  plaide  en  faveur  de  la  paralysie  basilaire.  Examinons 
d'abord  les  diverses  formes  que  revêt  la  paralysie  basilaire  des  mus- 
cles de  l'œil. 

La  paralysie  à  rechute  de  Tueulo-moteur  commun  atteint  générale- 
ment tous  les  muscles  animés  par  ce  nerf.  Nous  y  reviendrons  à  propos 


Fig.  8.  —  L'autopsie  d'un  cas  de  paralysie  progressive  unilatérale  des  nerfs  crâniens, 

d'après  Adamkiewicz. 

«,  b,  tumeur  sarcomateuse.  —  Les  chiffres  romains  indiquent  par  leur  numéro 
d'ordre  les  origines  et  les  racines  apparentes  des  nerfs  bulbaires. 


de  la  «  migraine  ophthalmoplégique  ».  Cette  forme  de  paralysie  est  pro- 
bablement basilaire. 

La  paralysie  bilatérale  totale  des  muscles  oculaires  (dans  la  syphilis) 
qui  se  termine  par  la  guérison,  peut  être  nucléaire  ou  basilaire. 

Il  en  est  de  même  de  la  paralysie  bilatérale  d'un  seul  des  trois  nerfs 
moteurs  de  l'œil;  elle  peut  être  basilaire  ou  nucléaire. 

Par  exemple,  les  deux  nerfs  oculo-moteurs  externes  peuvent  être 


44  PREMIÈRE  PARTIE. 

comprimés  ensemble  par  une  tumeur  basilaire  qui  siégerait  au  point 
Où,  fort  rapprochés  l'un  de  l'autre,  ils  naissent  du  sillon  postérieur  du 
pont  de  Varole. 

Les  deux  nerfs  oculo-moteurs  communs  peuvent  être  comprimés 
simultanément  par  l'artère  cérébrale  profonde,  par  une  exsuda- 
tion organisée  en  tissu  cicatriciel  ou  par  une  tumeur  de  la  base 
du  crâne. 

Le  pathétique  peut  être  aussi  comprimé  des  deux  côtés  à  la  fois 
par  une  lésion  exerçant  elle-même  une  compression  sur  la  valvule  de 
Vieussens. 

La  paralysie  unilatérale  progressive  des  nerfs  crâniens  peut  être 
d'origine  nucléaire  ou  d'origine  basilaire.  Dans  son  ouvrage  sur  les 
paralysies  des  muscles  de  l'œil,  Mautbner  en  a  recueilli  huit  cas,  dans 
lesquels  la  paralysie  avait  été  causée  par  une  tumeur  basilaire.  Auam- 
kiewiez  en  a,  depuis,  publié  un  nouveau  cas,  fort  important. 

Le  malade  d'Adamkiewicz  (fig.  8)  fat  d'abord  atteint  d'une  paralysie  des  nerfs  pas- 
sant à  travers  la  fente  sphénoïdale  droite,  du  pathétique,  de  l'oculo-niotenr  externe,  de 
l'ophthalmique  de  Willis  et  du  trijumeau;  plus  tard,  l'oculo-moteur  commun  fut  at- 
teint à  son  tour.  Ces  symptômes  firent  diagnostiquer  un  processus  ayant  débuté 
dans  le  centre  de  la  fente  sphénoïdale  et  s'étant  propagé  vers  la  partie  latérale.  On 
vit  s'étendre  la  paralysie  au  masseter  et  aux  ptérygoïdiens,  en  même  temps  que  la 
partie  alvéolaire  du  maxillaire  supérieur  s'hypertrophiait.  A  partir  de  ce  moment, 
il  ne  pouvait  subsister  aucun  doute  sur  l'existence  d'une  tumeur  se  développant 
dans  les  os  de  la  base  du  crâne.  En  effet,  quatre  mois  après,  le  facial  était  atteint 
dans  toutes  ses  parties,  et  le  malade  devenait  sourd  du  côté  droit.  De  l'aphonie 
survint,  et  l'examen  laryugoscopique  permit  de  reconnaître  la  paralysie  de  la  corde 
vocale  droite,  par  suite  de  lésion  du  nerf  récurrent.  L'oeil,  du  côté  malade,  perdit 
peu  à  peu  la  vue,  et  l'on  constata  de  l'amaurose  consécutive  à  l'atrophie  du  nerf 
optique.  La  mort  arriva  par  paralysie  du  nerf  pncuino-gastriqur.  L'autopsie  montra 
qu'il  existait  une  tumeur  (sarcome)  qui  avait  comprimé  et  détruit  les  nerfs  dont  on 
avait  constaté  la  paralysie  pendant  la  vie. 

Lorsque  la  paralysie  unilatérale  progressive  se  complique  d'amau- 
rose  du  même  côté,  la  lésion  est  sans  doute  basilaire.  L'hémiopie  peut 
se  rencontrer  dans  la  paralysie  basilaire  aussi  bien  que  dans  la  para- 
lysie nucléaire  (Mautbner). 

L'existence  d'anosmie  et  de  névrite  optique  du  côté  où  tes  nerfs 
crâniens  sont  paralysés  doit  plutôt  faire  songer  à  une  lésion  basilaire. 

La  paralysie  bilatérale  progressive  îles  nerfs  crâniens  n'est  presque 
jamais  d'origine  basilaire;  dans  l'immense  majorité  des  cas,  elle  esl 
d'origine  nucléaire.  Parfois,  lorsque  les  muscles  intrinsèques  de  l'œil 
sont  indemnes,  on  peut  arriver  à  localiser  sûrement  le  processus  dans 
les  noyaux. 

La  paralysie  de  l'oculo-moteur  commun  compliquée  d'hémiplégie  peut 
être  ou  fasciculaire  (voir  ci-dessus)  ou  bien  basilaiflB.  Si  l'hémiplégie 
croisée  précède  la  paralysie  totale  de  l'oculo-moteur  commun,  il  faut, 
d'après  Mauthner,  admettre  une  Lésion  basilaire.  Les  lésions  de  cette 


PARALYSIES   EXTRA-CÉRÉBRALES   DES   NERFS   MOTEURS    DE   L'ŒIL.      45 

nature  atteignent  d'abord  le  pédoncule  cérébral,  puis  les  faisceaux  de 
l'oculo-moteur  commun. 

Une  lésion  hasilaiie  n'a  pas  toujours  son  point  de  départ  dans  la 
base  du  crâne;  elle  peut  débuter  eu  dehors  de  la  cavité  crânienne  el 
y  pénétrer  par  suite  de  son  accroissement  ultérieur.  La  pression  intra- 
cranienne  qui  survient  alors,  ou  bien  la  compression  directe  produite 
par  la  tumeur  peuvent  êtres  assez  fortes  pour  entraîner  la  compres- 
sion et  la  paralysie  des  nerfs  crâniens. 

Lorsque  les  tumeurs  s'accroissent  lentement,  les  nerfs  s'accou- 
tument peu  à  peu  à  la  compression,  sans  qu'il  surgisse  de  troubles 
fonctionnels;  si  l'accroissement  est  rapide,  on  ne  tarde  pas  à  voir 
apparaître  la  paralysie. 

Quant  aux  causes  des  paralysies  basilaires  des  muscles  de  l'œil,  elles 
sont  nombreuses;  citons  notamment:  la  méningite  basilaire,  la  pa- 
ehyméningite  circonscrite,  les  abcès  cérébraux  siégeant  à  la  base  du 
crâne,  Fartérite  syphilitique  des  artères  de  la  base  entraînant  des 
troubles  nutritifs  dans  les  nerfs  crâniens,  les  gommes,  les  tubercules 
et  les  tumeurs  diverses  de  la  base  du  crâne. 

2.    PARALYSIES    DES    NERFS    MOTEURS    DE     L'OEIL    PAR     UNE    LÉSION   SIÉGEANT 
DANS   LE    SINUS    CAVERNEUX. 

Elles  peuvent  être  produites  ou  par  l'inflammation  des  parois  du 
sinus  caverneux  (phlébite  du  sinus)  ou  par  l'anévrysme  artérioso-vei- 
neux  de  la  carotide  interne.  Nous  nous  occuperons  de  cette  forme  de 
paralysie  des  muscles  de  l'œil  dans  le  chapitre  consacré  aux  affections 
des  vaisseaux. 

ii.    PARALYSIES    DES   NERFS   MOTEURS    DE    L'OEIL   PAR    COMPRESSION   DANS    LA 
FENTE    SPHÉNOÏDALE. 

Ces  paralysies  résultent  surtout  d'altérations  du  périoste  ou  des 
os  eux-mêmes.  Les  hyperostoses,  les  affections  syphilitiques,  et  peut- 
être  aussi  les  affections  rhumatismales,  sont  les  causes  qui  amènent 
la  paralysie  par  compression  dans  la  fente  sphénoïdale.  Au  point  de 
vue  clinique,  comme  au  point  de  vue  anatomo -pathologique,  cette 
paralysie  a  été  encore  peu  étudiée.  Nous  en  citerons  pourtant  un  cas, 
qui  a  été  observé  par  Donath.  L'oculo-moteur  commun  et  le  nerf 
sus-orbitaire  étaient  paralysés.  L'affection  se  manifesta  d'abord  par 
du  ptosis,  puis  survinrent  la  paralysie  du  droit  interne  et  l'anesthésie 
de  la  première  branche  du  trijumeau.  L'acuité  visuelle,  la  réaction 
pupillaire  et  l'accommodation  étaient  normales.  11  n'existait  aucune 
anomalie  du  fond  de  l'œil,  mais  des  douleurs  dans  le  front  et  dans  la 
tempe.  Peu  à  peu  tous  les  muscles  animés  par  l'oculo-moteur  commun 


46  PREMIÈRE   PARTIE. 

furent  atteints  de  paralysie,  En  pressant  sur  le  globe  oculaire,  on 
déterminait  de  la  douleur  en  arrière.  Les  paupières  devinrent  légè- 
rement œdémateuses,  et  il  se  manifesta  de  la  diplopie  dans  toutes 
les  directions,  sauf  dans  celle  du  droit  externe.  Donath  admit  une 
périostite  syphilitique  ou  rhumatismale  des  os  de  la  fente  sphénoï- 
dale.  Un  traitement  médical  continué  pendant  trois  mois  guérit  le 
malade,  qui  ne  conserva  qu'une  légère  mydriase. 

4.    PARALYSIES    ORBITAIRES    DES    MUSCLES    DE    L'ŒIL. 

Généralement  le  diagnostic  de  ces  paralysies  est  facilité  par  un 
certain  nombre  de  symptômes  démontrant  l'existence  d'une  affection 
de  l'orbite  :  exophlhalmie,  douleurs  dans  l'orbite  et  dans  la  partie 
postérieure  du  globe  oculaire  ;  parfois  on  constate  par  la  palpation 
la  présence  d'une  tumeur  orbitaire.  Quant  à  l'exophthalmie,  il  faut  se 
rappeler  qu'elle  peut  être  aussi  d'origine  centrale.  S'il  existe  une 
paralysie  totale  de  l'oculo-moteur  commun  sans  que  d'autres  nerfs 
moteurs  de  l'œil  soient  atteints,  on  ne  saurait  lui  attribuer  une  cause 
orbitaire.  Dans  l'inflammation  du  tissu  rétrobulbaire  (phlegmon  orbi- 
taire), tous  les  muscles  peuvent  être  paralysés  à  l'exception  des  mus- 
cles intrinsèques  et,  quelquefois  aussi,  du  petit  oblique. 

5.    PARALYSIES    PÉRIPHÉRIQUES    DES    MUSCLES    DE    L'OEIL. 

Le  diagnostic  d'une  lésion  périphérique  des  muscles  de  l'œil  est 
parfois  très  difficile.  Ce  n'est  que  lorsque  le  malade  se  souvient  d'un 
refroidissement,  d'une  maladie  infectieuse  (intoxication  par  les  pto- 
maïnes),  etc.,  qu'on  peut  arriver  à  l'établir.  Mais  il  faut  se  rappeler 
que  les  maladies  infectieuses  peuvent  déterminer  des  altérations 
anatomo-pathologiques  dans  diverses  parties  du  système  nerveux. 
Ainsi,  on  a  cité  des  exemples  de  lésions  nucléaires  dans  la  diphthérie 
(Mendel)  et  dans  l'influenza  (Goldflamm). 

BIBLIOGRAPHIE. 

Oculo-moteimis  commun  et  e.xterse.  —  Frft>,   Traité  élémentaire  d'anato.nie  médicale  du  système  ner- 
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—  Jacobson,  Beziehungen  der  StOrungeo  u.  Veranderangen  ara  Sehorgane  zu  Allgemein.  u.  Organ- 
leiden.  Lamiult  et  Eperon,  Traité  de  de  Wecuer  et  Lantlolt.  —  Sftiulhner,  Die  nuclearen  Au- 
genrauskellabmuagea,  Wioshaden,  1885.  —  Mnuthner,  Die  nicht  nncle&ren  Augenmuskellàhmuugen. 

—  Donath,  Wiener  Med.  Presse,  1887,  n"  49. 


47 


m.  —  CENTRE  DES  MOUVEMENTS  COORDONNÉS   DES 

YEUX. 

1.    TUBERCULES    QUADRIJUMEAUX. 

.Nous  avons  déjà  dit  que,  d'après  des  recherches  expérimentales 
faites  sur  des  animaux,  les  tubercules  quadrijumeaux  seraient  un 
centre  des  mouvements  coordonnés  des  yeux.  Plusieurs  auteurs  nient 
que  les  lésions  de  ces  tubercules  entraînent  constamment,  chez 
l'homme,  des  troubles  dans  la  coordination  des  mouvements  des 
yeux  Leichtenstern  ;  si  ces  troubles  existent,  ils  seraient,  prétendenl- 
ils,  la  conséquence  d'une  lésion  simultanée  du  noyau  de  l'oculo-mo- 
teur  commun,  qui  est  situé  dans  le  voisinage.  D'autres  auteurs  affir- 
ment, au  contraire,  que  les  troubles  dans  la  coordination  des 
mouvements,  observés  par  eux  à  la  suite  d'une  lésion  des  tubercules 
quadrijumeaux,  seraient  uniquement  dus  à  cette  lésion.  Henocb  et 
Steffen  ont  vu  des  troubles  des  mouvements  verticaux  des  yeux  être 
le  résultat  de  lésion  des  tubercules  quadrijumeaux.  Bristowe  observa 
la  paralysie  de  tous  les  muscles  de  l'œil  dans  un  cas  où  l'autopsie 
révéla  l'existence  d'une  tumeur  tuberculeuse  dans  les  mêmes  organes. 
Chez  un  malade  étudié  par  Bergerhof,  la  paralysie  avait  frappé  le  droit 
interne  et  le  releveur  de  la  paupière  supérieur  du  côté  droit;  l'au- 
topsie montra  une  lésion  des  tubercules  quadrijumeaux  du  même 
côté.  Parinaud,  enfin,  constata,  dans  deux  cas,  la  paralysie  des  muscles 
produisant  la  convergence  :  dans  l'un  de  ces  cas,  il  existait  des  pla- 
ques de  sclérose  dans  les  tubercules  quadrijumeaux,  et,  dans  l'autre, 
les  tubercules  étaient  comprimés  par  une  tumeur. 

2.    PÉDONCULES    CÉRÉBELLEUX. 

Des  troubles  de  la  coordination,  à  la  suite  d'une  lésion  des  pédon- 
cules cérébelleux,  ont  été  constatés  par  quelques  auteurs.  Magendie 
avait  signalé,  chez  les  animaux,  une  déviation  oculaire  consécutive  à 
une  lésion  de  cette  partie  de  l'encéphale.  Les  observations  cliniques 
ont  permis  de  reconnaître  que  les  affections  des  pédoncules  cérébel- 
leux entraînent  la  rotation  de  la  tête  et  des  yeux  du  côté  de  la  lésion, 
indépendamment  de  la  position  latérale  que  l'animal  est  forcé 
d'adopter. 

3.    CERVELET. 

Quelques  auteurs  admettent  que  le  centre  de  la  coordination  des 
mouvements  des-  yeux  serait  le  cervelet  ;  d'après  Laborde  et  Duval, 


48  PREMIÈRE   PARTIE. 

il  serait  localise  dans  le  vermis  inférieur.  Les  observations  cliniques 
de  Parias  et  Landoùzy,  qui  ont  observé  des  troubles  dans  la  coordi- 
nation des  mouvements  des  yeux  consécutivement  à  la  lésion  de  cette 
partie  du  cervelet,  viennent  à  l'appui  de  la  théorie  de  Laborde  et 
Duval.  Dans  le  cas  de  Panas,  une  méningo-encéphalile  avait  amené 
une  altération  du  vermis  inférieur,  et  les  mouvements  horizontaux  des 
yeux  étaient  absolument  impossibles. 

Parinaud  admet  que  le  cervelet  est  le  centre  de  la  convergence; 
la  lésion  de  ce  centre  provoquerai!  des  vertiges  et  de  la  diplopie. 
Il  fonde  sa  théorie  sur  le  fait  suivant  :  dans  les  lésions  du  cervelet, 
comme  dans  la  maladie  de  Ménière,  les  malades  se  plaignent  que  les 
corps  se  meuvent  dans  l'espace  ;  or,  ces  mouvements,  qu'on  regarde 
souvent  comme  des  symptômes  d'ataxie,  seraient  le  résultat  d'une 
lésion  du  centre  de  la  convergence,  qui  entraînerait  une  certaine 
désorientation. 

Cette  sensation  de  vertiges,  celle  ataxie  des  mouvements  ont  été 
observées  récemment  par  Awtokratow(l  ),  qui  a  public  un  cas  de  tumeur 
tuberculeuse  ayant  atteint  le  vermis  et  déterminé  les  symptômes 
dont  nous  venons  de  parler.  Cette  observation  plaide  en  faveur  de  la 
théorie  de  Parinaud. 

Assez  fréquemment,  dans  les  tumeurs  du  cervelet,  il  survient  des 
troubles  de  la  vision  qui  se  terminent  par  de  l'amaurose  Mais  le  cer- 
velet lui-même  n'a  aucune  relation  avec  la  vue.  Il  ne  faut  attribuer 
les  troubles  dont  il  s'agit  qu'à  une  tendance  particulière  qu'ont  les 
tumeurs  de  cet  organe  à  entraîner  le  développement  de  la  névrite 
optique,  tendance  moins  marquée  et  moins  rapide  dans  les  autres 
tumeurs  cérébrales.  Voici  l'explication  qu'Awlokratow  donne  de  ce 
fait.  La  tumeur  du  cervelet  se  développant  près  de  l'aqueduc  de 
Sylvius  empêche,  d'un  côté,  le  courant  du  liquide  cérébro-spinal  ;  de 
l'autre  côté,  elle  comprime  les  veines,  notamment  la  grande  veine 
cérébrale.  Il  faut,  en  outre,  tenir  compté  que  la  tumeur  peut,  en 
comprimant  les  tubercules  quadrijumeaux,  entraîner  des  troubles  de 
la  vision  (CoingLl  (2).  Un  certain  nombre  d'autres  symptômes  qui  se 
manifestent  dans  les  cas  de  tumeurs  du  cervelet  seraient  également 
dus  à  l'augmentation  de  la  pression  intracrânienne. 

4.    CORPS  RESTIFORMES. 

Dans  leurs  expériences  sur  les  animaux,  Duval  et  Laborde  ont 
observé  des  (roubles  des  mouvements  coordonnés  des  yeux  lorsqu'ils 
lésaient  les  corps  restiformes.  Mais  nous  ignorons  encore  s'il  existe, 
bien,   dans  ces  corps,  un  centre  précis  de  localisation  de  la  coordi- 

(1)  Awtokratow,  Medizinskoje  Obosrenje,  t.  XXXV,  1*90  (rus^e). 

(2)  Coingt,  Thèse  de  Paris,  1878. 


PONT   DE   VÀROLE.  40 

nation  des  mouvements.  Nous  ajouterons  que,  d'après  tes  recherches 
de  Brown-Séquard  et  Kilehne,  la  lésion  expérimentale  des  corps  resti- 
formes  produit  l'exophtlialmie. 

5.  PONT  DE  VAROLE. 

Le  pont  de  Varole  a  été  aussi  regardé  comme  l'un  des  points 
importants  qui  président  à  la  coordination  des  mouvements  des 
yeux.  Le  bulbe  et  les  noyaux  gris  situés  au-dessous  de  l'aqueduc  de 
Sylvius  donnent  naissance  aux  nerfs  moteurs  de  l'œil.  L'oculo-moteur 
commun  est  réuni  à  l'oculo-moteur  externe  du  côté  opposé  par  une 
anastomose  (Huguenin,  Gram,  Duval  et  Laborde).  Cette  anastomose 
assure  l'action  synergique  du  droit  interne  avec  le  droit  externe  du 
côté  opposé.  Duval  a  également  constaté  une  anastomose  entre  le 
noyau  du  pathétique  et  celui  de  l'oculo-moteur  du  côté  opposé. 

En  résumé,  il  existe  au  moins  trois  centres  sous-corticaux  différents 
des  mouvements  associés  des  yeux  :  le  premier,  dans  le  pont  de  Varole  ; 
le  deuxième,  dans  les  tubercules  quadrijumeaux;  le  troisième,  dans  le 
cervelet. 

6.    CENTRE   CORTICAL  DES  MOUVEMENTS  COORDONNÉS    DES  YEUX. 

Les  centres  sous-corticaux  des  mouvements  coordonnés  des  yeux 
sont  sous  la  dépendance  d'un  centre  cortical,  qui  est  localisé  dans  la 
circonvolution  frontale  ascendante.  La  lésion  de  ce  centre  produit  la 
déviation  conjuguée  des  yeux  vers  le  côté  opposé,  et  rend  impossibles 
leurs  mouvements  vers  le  côté  de  la  lésion.  Pour  l'exposé  des  cas  fort 
intéressants  de  lésions  du  centre  cortical  des  mouvements  associés  des 
yeux  qui  ont  été  observés  par  Stark,  Hitzig,  Goldthammer,  Bechterew 
et  Bail,  nous  renvoyons  à  l'excellent  résumé  de  Landolt  et  Éperon. 

7.    SYMPTOMATOLOGIE   DES  TROUBLES   FONCTIONNELS    DES  MOUVEMENTS 
COORDONNÉS   DES   YEUX. 

Les  troubles  fonctionnels  des  mouvements  coordonnés  des  yeux 
peuvent  se  présenter  sous  divers  aspects  : 

a.  Déviation  conjuguée.  —  H  y  a  déviation  des  deux  yeux  dans 
une  même  direction  (déviation  conjuguée);  ils  sont  déviés  soit  à 
gauche,  soit  à  droite.  Si  l'on  demande  au  malade  de  tourner  les 
yeux  du  côté  opposé  à  la  déviation,  il  le  peut  généralement,  mais  avec 
une  certaine  difficulté.  Parfois  la  tète  est  tournée  du  même  côté  que 
les  yeux,  mais  habituellement  elle  est  tournée  du  côté  opposé.  Gad 
a  constaté  dans  un  cas  un  fait  intéressant  :  les  mouvements  des  yeux 
vers  le  côté  opposé  à  la  déviation  étaient  impossibles,  mais  si  le  ma-. 

4 


ÎJO  PREMIÈRE   PARTIE. 

lade  fermait  un  d'il,  l'autre  regardait  bien  dans  lu  direction  où  les 
deux  ne  pouvaient  se  tourner  en  même  temps. 

La  déviation  conjuguée  est  un  symptôme  qui  se  rencontre  très  fré- 
quemment dans  les  altérations  anatomo-pathologiques  du  cerveau 
résultant  d'hémorrhagie,  d'encéphalite,  de  néoplasie,  de  ramollisse- 
ment. Prévost  qui,  le  premier,  observa  la  déviation  conjuguée,  dit 
que  les  yeux  sont  déviés  du  côté  de  la  lésion.  Mais  Vulpian  et  Lan- 
douzy  ont  montré  que  la  direction  de  la  déviation  variait  selon  que 
la  lésion  siégeait  dans  les  couches  corticales  ou  dans  le  mésencéphale. 
En  outre,  la  déviation  est  différente  selon  qu'il  y  a  contracture  ou 
paralysie  conjuguée. 

Voici  les  conclusions  auxquelles  est  arrivé  Landouzy  : 

1°  Un  malade  qui  tourne  les  yeux  (d'ordinaire  la  tète  et  les  yeux) 
vers  ses  membres  convulsés  est  atteint  d'une  lésion  hémisphérique 
(cortico-pédonculaire),  de  nature  irritative  ; 

2°  Un  malade  qui  détourne  les  yeux  de  ses  membres  paralysés  est 
atteint  d'une  lésion  hémisphérique  de  nature  paralytique  ; 

3°  Un  malade  qui  tourne  les  yeux  vers  ses  membres  paralysés  est 
atteint  d'une  lésion  protubérantielle,  de  nature  paralytique  ; 

A0  Un  malade  qui  détourne  les  yeux  de  ses  membres  convulsés  est 
atteint  d'une  lésion  protubérantielle,  de  nature  convulsive. 

h.  Nystagmus.  —  Sous  ce  nom  on  désigne  une  affection  caracté- 
risée par  des  spasmes  cloniques  des  muscles  des  yeux,  qui  se  mani- 
feste par  des  mouvements  involontaires  et  associés  des  muscles 
oculaires.  Suivant  la  direction  dans  laquelle  les  mouvements  oscil- 
latoires des  yeux  sont  exécutés,  on  distingue  le  nystagmus  en  ho- 
rizontal et  rotatoire. 

Le  nystagmus  existe  même  à  l'état  de  repos,  si  le  regard  des  deux 
yeux  est  parallèle.  Les  mouvements  oscillatoires  augmentent  d'inten- 
sité pendant  les  mouvements  des  yeux. 

Sauf  de  rares  exceptions,  le  nystagmus  est  toujours  binoculaire. 
Sa  présence  ne  permet  pas  de  localiser  la  lésion  dans  tel  ou  tel  centre 
du  système  nerveux.  On  l'a  constaté,  en  effet,  dans  la  lésion  des  tu- 
bercules quadrijumaux.  dans  celles  des  couches  optiques,  des  corps 
restiformes,  du  cervelet    Hiililmann,  Hitzig). 

c.  Paralysie  de  la  convergence.  —  Elle  est  duc  à  une  lésion 
du  centre  de  la  convergence. 

Nos  connaissances  sur  le  siège  de  ce  centre  sont  encore  bien  in- 
complètes. Henoch  le  place  dans  les  tubercules  quadrijumeaux, 
d'autres  dans  les  noyaux  gris  du  bulbe  et  Parinaud  dans  l«'  vermis 
inférieur. 

1.  Dans  la  "paralysie  essentielle  de  la  convergence  fort  bien  décrite 
par  ce  dernier  auteur,  on  observe  une  diplopie  croisée  se  ma- 
nifestant dans  diverses  directions  du  regard.  Les  pupilles  réagissent  à 


SYMPTOME   DE   GRAEFE.  51 

la  lumière,  mais  elles  ne  se  contractent  pas  pendant  l'accommodation. 
Généralement  il  n'y  a  point  de  mydriase.  Mais  l'amplitude  de  l'accom- 
modation des  deux  veux  est.  ou  bien  diminuée,  ou  bien  complètement 
annihilée. 

Dans  un  certain  nombre  de  cas  de  paralysie  ou  de  parésie  de  la  con- 
vergence, attribués  à  l'insuftisance  des  droits  internes,  l'affection  est 
produite  par  une  altération  centrale  du  système  nerveux.  On  a  cons- 
taté cette  paralysie  dans  la  neurasthénie,  dans  l'hystérie  (Borel),  dans 
quelques  formes  d'intoxication  par  la  morphine  ou  l'alcool  (de  Graefe), 
dans  l'ataxie  locomotrice  (Landolt,  Hiibscher),  dans  le  goitre  exoph- 
tbalmique  (Moebius,  Struempell  ).  Dans  cette  dernière  affection,  la 
paralysie  doit  être  attribuée  non  seulement  aux  troubles  d'innervation 
consécutifs  aux  altérations  des  centres  de  la  convergence,  mais  aussi 
à  l'obstacle  mécanique  produit  par  l'exophthalmie  elle-même. 

2.  La  paralysie  combinée  de  la  convergence,  décrite  également  par 
Parinaud,  est  ordinairement  accompagnée  de  paralysie  des  mouve- 
ments combinés  en  haut  et  en  bas.  Les  mouvements  de  latéralité  sont 
au  contraire  toujours  conservés.  Landolt  remarque  avec  raison  que 
ces  symptômes  de  la  paralysie  combinée  de  la  convergence  peuvent 
être  attribués  à  une  lésion  du  noyau  de  la  troisième  paire. 

d.  La  paralysie  essentielle  de  la  divergence  s'observe,  sui- 
vant Parinaud,  à  la  suite  d'une  lésion  isolée  du  centre  de  la  di- 
vergence. Elle  se  manifeste  par  une  diplopie  homonyme,  avec  peu 
d'écartement  des  images.  Cet  écartement  reste  à  peu  près  le  même 
dans  toutes  les  directions  du  regard. 

Dans  quelques  cas,  comme  Landolt  l'a  constaté  dans  l'ataxie  loco- 
motrice par  exemple,  la  paralysie  de  la  convergence  est  accompagnée 
de  celle  de  la  divergence. 

e.  Symptôme  de  Graefe.  —  On  sait  qu'à  l'état  normal  le  rele- 
veur  de  la  paupière  supérieure  se  baisse,  quand  le  regard  est  dirigé  en 
bas.  Dans  le  goitre  exophthalmique,  la  paupière,  d'après  de  Graefe 
qui  a  observé  le  premier  le  fait,  ne  se  meut  pas  lorsqu'on  regarde  en 
bas.  Ce  symptôme  n'est  pas  constant  dans  le  goitre  exophthalmique 
et  s'observe  surtout  au  début  de  l'affection. 

A  quoi  attribuer  ce  phénomène  ?  Suivant  nous,  à  une  lésion  des 
libres  d'anastomose  entre  les  noyaux  du  releveur  de  la  paupière  supé- 
rieure et  du  droit  supérieur.  Nous  verrons  plus  loin  que  dans  le 
goitre  exophthalmique  il  existe,  en  effet,  des  lésions  bulbaires. 

Il  est  possible  que  les  prétendues  fibres  d'entre-croisement  de  l'ocu- 
lo-moteur  commun  (entre-croisement  dont  l'existence  est  loin  d'être 
confirmée  par  l'expérience  clinique  [Mauthner])  ne  soient  autre  chose 
que  des  fibres  reliant  diverses  parties  du  noyau  de  la  troisième  paire. 
On  pourrait  de  cette  façon  expliquer  certains  faits  d'incoordination 
des  mouvements  associés  des  yeux  ainsi  que  la  paralysie  de  la  con- 


52  PREMIÈRE   PARTIE. 

vergence  dans  le  tabès  dorsal,  où  les  lésions  de  la  troisième  paire  sont 
très  fréquentes. 

BIBLIOGRAPHIE. 

Landolt  et  Eperon,  Traité  de  de  M"eclcer  et  Landolt,  t.  III.  —  Féré,  Anatomie  médicale  du  système 
nerveux.  Paris,  1886.  —  Mauthner,  Die  nuclearen  Augenmuskellahmungen.  Wiesbaden,  1885.  — 
Mauthner,  Die  niclit  nucleiii'eu  Augeumuskellalitnungen.  Wiesbaden,  i 887. 


C.  —  NERF  FACIAL. 

Nous  n'allons  décrire  le  nerf  facial  qu'en  tant  que  nerf  moteur  du 
muscle  orbiculaire  des  paupières.  Il  a  pour  point  d'origine  la  fossette 
latérale  du  bulbe  —  où  il  passe  par  dessus  le  nerf  acoustique  —  et  la 
fossette  sus-olivaire.  Du  nerf  acoustique,  il  est  séparé  par  le  nerf  inter- 
médiaire de  Wrisberg.  Dès  son  origine  apparente,  il  pénètre  dans  le 
bulbe  en  longeant  le  côté  externe  de  la  racine  descendante  du  tri- 
jumeau. Au  voisinage  du  raphé  médian  du  plancher  du  quatrième 
ventricule,  le  nerf  contourne  le  noyau  de  roculo-moteur  externe  pour 
atteindre  son  noyau  propre,  en  formant  une  sorte  de  genou  du  facial 
(Deiters). 

Le  nerf  facial  et  le  noyau  de  roculo-moteur  externe  seraient  réuni-, 
suivant  Huguenin,  par  plusieurs  rameaux,  que  ce  dernier  reçoit  pen- 
dant que  le  nerf  facial  se  recourbe  pour  former  un  genou.  Ces  ra- 
meaux se  prolongent  jusqu'au  raphé  médian  et  s'entre-croisent  avec- 
ceux  du  côté  opposé  ;  d'après  Meynert,  une  autre  partie  se  dirigerait  en 
haut  vers  un  noyau  particulier.  Suivant  Mendel.  ces  faisceaux  appar- 
tiennent très  probablement  au  nerf  facial  supérieur;  ils  se  prolongent 
vers  un  noyau  spécial,  qui  se  trouve  dans  le  voisinage  du  noyau  du 
moteur  oculaire  commun. 

De  l'entre-croisement  du  nerf  facial  il  résulte  que  l'hémiplégie  est 
croisée  ou  alterne,  suivant  que  la  lésion  se  trouve  immédiatement 
au-dessus  ou  au-dessous  de  l'entre-croisement  (voir  p.  42).  Après  sa 
sortie  du  bulbe,  le  tronc  du  nerf  facial  et  du  nerf  intermédiaire  de 
Wrisberg  se  loge  dans  une  rainure  formée  par  le  nerf  acoustique  et 
entre  avec  ce  dernier  dans  le  conduit  auditif  interne,  où  le  nerf  facial 
est  situé  au-dessus  et  en  avant  de  l'acoustique  jusqu'à  sa  sortie  <ln 
trou  stylo-mastoïdien. 

Dans  l'aqueduc  de  Fallope,  le  facial  donne  les  branches  suivantes  : 
le  nerf  grand  et  petit  pétreux  superliciels,  le  nerf  de  Pétrier,  la  corde 
du  tympan  et  un  rameau  pour  la  fosse  jugulaire. 

De  toutes  les  branches  fournies  par  le  facial  après  sa  sortie  du  trou 
stylo-mastoïdien,  les  rameaux  teinporo-frontaux  nous  intéressent 
seuls;  ils  sont  au  nombre  de  deux  ou  trois,  situés  atfc-dessus  du  nerf 
xygomatique,  et  s'anastomosent  avec  les  rameaux  oculo- temporaux 
du  nerf  temporal  profond  et  avec  le  lacrymal.  Ce-  rameaux  du  facial 


NERF   FACIAL. 


53 


se  perdenl  dans  les  muscles  abducteur  et  élévateur  de  l'oreille,  dans 
les  [muscles  frontal,  orbiculaire,  palpébral  et  sourcilier. 
^Dans  les  cas  de  paralysie  de  ces  derniers  muscles,  ainsi  que  dans 
la  paralysie  des  muscles  animés  par  le  nerf  facial  inférieur  (labio- 
facial),  on  peut  conclure  à  une  lésion  périphérique  du  nerf.  Les 
rameaux  situés  dans  l'intérieur  du  canal  de  Fallope  restent,  au  con- 
traire, intacts. 

Par  contre,  la  paralysie  de  la  corde  du  tympan  (absence  du  goût), 


Fig.9.  — Coupe  verticale  et  antéro-postérieure  du  bulbe,  d'après  Erb.  —Les  chiffres 
romains  indiquent,  par  leur  numéro  d'ordre,  le  noyau  d'origine  des  nerfs  bul- 
baires. 


du  tiers  postérieur  de  la  langue)  avec  déviation  de  la  langue,  séche- 
resse de  la  bouche  et  paralysie  des  rameaux  de  la  voûte  du  palais, 
résultent  d'une  lésion  de  la  partie  intra-temporale  du  nerf. 

Les  deux  portions  du  nerf  facial,  le  nerf  oculo-facial  et  le  nerf 
labio-facial,  ayant  des  noyaux  différents  d'origine,  il  en  résulte  que 
la  paralysie  peut  frapper  l'une  ou  l'autre  suivant  le  siège  de  la 
lésion. 

Dans  la  paralysie  faciale  d'origine  cérébrale  résultant  d'une  lésion 
des  noyaux  striés,  de  la  capsule  interne,  des  faisceaux  fronto-parié- 
taux,  du  centre  ovale  de  Vieussens  (Pitres),  l'oculo-facial  reste  in- 


84  PREMIÈRE   PARTIE. 

tact,  tandis  que  le  labio-facial  est  paralysé.  Cette  paralysie  est  accom- 
pagnée d'une  paralysie  homonyme  des  membres. 

Dans  la  paralysie  faciale  d'origine  corticale,  la  paralysie  des 
membres  peut  de  même  être  homonyme.  Comme  on  le  sait,  le  centre 
du  labio-facial  est  situé  dans  la  partie  inférieure  de  la  circonvolution 
centrale,  et  notamment  de  la  circonvolution  centrale  antérieure.  La 
deuxième  circonvolution  frontale  est  l'origine  supposée  du  nerf  facial- 
inférieur,  tandis  que  le  centre  des  mouvements  des  membres  est  situé 
dans  les  deux  tiers  supérieurs  de  la  circonvolution  frontale  et  de  la 
pariétale  ascendante  et  dans  le  lobule  paracentral. 

Pour  plusieurs  auteurs  le  centre  de  l'oculo-facial  serait  situé  dans 
le  gyrus  angularis. 

Dans  la  paralysie  des  faisceaux  supérieurs  du  facial,  on  observe  non 
seulement  la  paralysie  de  Torbiculaire  des  paupières,  du  sourcilier, 
du  frontal,  mais  aussi  celle  des  muscles  moteurs  du  pavillon  de 
l'oreille.  0.  Berger  et  Feré  ont,  en  effet,  observé  l'absence  des  mou- 
vements de  l'oreille  du  côté  paralysé. 

Dans  la  paralysie  peu  prononcée  du  nerf  oculo-facial,  l'écoulement 
des  larmes  est  troublé  par  la  parésie  du  muscle  de  Horner,  et  il  sur- 
vient un  léger  ectropion  de  la  paupière  inférieure.  Dans  la  paralysie 
plus  prononcée,  l'ectropion  est  lui-même  plus  accentué  :  le  bord  de 
la  paupière  inférieure  est  presque  retourné  et  celui  de  la  paupière 
supérieure  est  très  fortement  relevé  en  haut,  de  sorte  que  le  bulbe 
de  l'œil  est  découvert.  La  fermeture  de  l'œil  est  impossible  ;  d'où 
inflammation  de  la  conjonctive  et  de  la  cornée,  et  même  suppu- 
ration de  cette  dernière  (0.  Weber).  Comme  remède  on  a  proposé, 
dans  ces  cas,  une  opération  qui  a  pour  but  de  rétrécir  la  fente  pal- 
pébrale  et  de  rendre  possible  l'occlusion  de  l'œil. 

Lorsqu'on  peut  espérer  la  guérison  de  la  paralysie,  il  est  préfé- 
rable de  procéder  à  l'occlusion  de  l'œil  à  l'aide  d'un  bandeau. 

niRLIOliHAl'HIE. 
Féré,  loe.  cit.,  p.  .'ioO.  —  Menilel,  Berlin,  klin.  Wochenschr.,   1887,  n"   is. 

D.  —  NERF  TRIJUMEAU    première  branche). 

Le  trijumeau  sort  par  ses  deux  racines  de  la  protubérance,  au 
niveau  de  l'origine  des  pédoncules  cérébelleux  moyens.  La  racine 
motrice  est  située  en  dedans  et  en  avant  ;  la  racine  sensitive  en  dehors 
et  en  arrière.  La  première  sort  du  noyau  masticateur.  La  seconde  qui 
serait  formée,  suivant  Hvrtl.  par  la  réunion  d'une  centaine  de  racines, 
sort  d'un  noyau  gris,  se  prolonge  à  partir  du  tubercule  de  Rolandn 
jusqu'à  la  partie  antérieure  de  la  protubérance  el  n'est  qu'un  pro- 
longement de  la  corne  postérieure  de  la  moelle  épinière.  Les  deux 


NERF  TRIJUMEAU.  uj 

racines,  après  Inir  sortie  de  la  protubérance,  se  rapprochent  sans 
se  confondre,  se  dirigent  en  avant  et  en  dehors  jusqu'au  sommet  du 
rocher,  où  elles  pénètrent  par  une  l'ente  de  dure-mère. 

La  branche  sensitive  du  trijumeau  forme,  au  niveau  d'une  dépres- 
sion creusée  sur  le  bord  antérieur  du  rocher,  le  ganglion  de  Casser. 
A  partir  de  ce  point,  le  trijumeau  se  divise  en  trois  branches  dont 
Tune,  L'ophthalmique  de  'SYillis,  innerve  l*œil,  traverse  la  paroi  supé- 
rieure du  sinus  caverneux,  passe  dans  l'orbite  par  la  fente  sphénoï- 
dale  et  se  divise  en  trois  parties  :  1°  le  nerf  lacrymal,  qui  innerve  la 
glande  lacrymale,  envoie  une  branche  temporo-malaire  vers  la  région 
de  l'os  malaire  et  fournit  des  rameaux  à  la  région  cutanée  de  l'angle 
externe  de  l'œil;  '1°  le  nerf  frontal,  qui  se  divise  en  deux  branches 
appelées  nerf  frontal  interne  et  nerf  sus-orbitaire  (frontal  externe  . 
Le  premier  passe  au-dessus  du  muscle  oblique  supérieur,  se  porte  en 
avant  et  en  dedans  et  innerve  la  peau  de  la  paupière  supérieure  et  du 
front.  Le  deuxième  ^frontal  externe)  se  dirige  par  l'échancrure  sus- 
orbitaire  vers  le  front  qu'il  innerve  ainsi  que  la  partie  de  la  peau  qui 
n'est  pas  innervée  par  le  frontal  interne  ;  3°  la  troisième  branche  de 
l'ophthalmique  de  Willis  est  le  nerf  nasal  (naso-ciliaire)  qui  longe 
tout  d'abord  l'artère  ophthalmique  et  le  côté  temporal  du  nerf 
optique,  traverse  ensuite,  avec  le  nerf  oculo-moteur  externe,  la  fente 
qu'offre  le  tendon  du  droit  externe  (Hyrtl)  et  envoie,  à  ce  niveau,  la 
racine  longue  (sensitive)  du  ganglion  ciliaire,qui  fournit  la  sensibilité 
à  la  cornée.  De  là  il  se  dirige  en  haut  et  en  dedans  et  se  divise,  entre 
le  droit  interne  et  le  droit  supérieur,  en  deux  branches,  le  nerf  nasal 
interne  (nerf  ethmoïdal),  qui  pénètre  à  travers  le  trou  ethmoïdal  dans 
la  cavité  du  crâne  et,  de  là,  traverse  la  lame  criblée  pour  rentrer 
dans  la  cavité  nasale.  A  travers  le  trou  ethmoïdal,  postérieur,  un  fila- 
ment, appelé  par  Luschka  nerf  sphéno-ethmoïdal,  se  dirige  de  ce  nerf 
vers  le  sinus  sphénoïdal.  Le  second  rameau  du  nerf  nasal  est  le  nasal 
externe.  Il  quitte  l'orbite  en  longeant  le  côté  interne  du  ligament  pal- 
pébral  interne  et  innerve  la  peau  de  la  racine  du  nez,  celle  de  la  pau- 
pière supérieure  (partie  interne  ),  le  sac  lacrymal,  la  caroncule  lacry- 
male et  la  conjonctive. 

On  connaît  aussi  au  trijumeau  des  rameaux  sécréteurs.  L'excitation 
du  trijumeau  produit  V augmentation  de  la  tension  intra- oculaire  ainsi 
que  des  symptômes  réflexes  de   diverse  nature;  elle  provoque  : 

1°  La  contraction  réflexe  des  muscles  animés  par  le  facial,  surtout 
de  l'orbiculaire  des  paupières.  Ce  n'est  pas  seulement  le  toucher  de 
la  cornée  ou  de  la  conjonctive  ;  mais  aussi  l'irritation  de  la  peau  de  la 
joue  ;  Langendorff)  et  de  certains  points  de  la  muqueuse  du  nez 
(E.  Bergerj  qui  ont  pour  résultat  de  produire  des  contractions  de 
l'orbiculaire  des  paupières  ; 

2°  L'hypersécrétion  de  la  glande  lacrymale; 


56  PREMIÈRE' PARTIE. 

3°  L'hypérémie  dans  certains  vaisseaux  sanguins  (hypérémie  de  la 
conjonctive,  injection  ciliaire),  comme  on  l'observe  pendant  l'accès  du 
tic  convulsif.  Cette  hypérémie  est  en  partie  réflexe,  et  en  partie 
due  à  l'irritation  directe  des  rameaux  vaso-moteurs  du  trijumeau. 
D'après  Doyon,  le  trijumeau  contient  encore  des  rameaux  vaso-dila- 
tateurs de  la  rétine;  il  aurait  aussi  des  rameaux  trophiques. 

ÉUologie  et  symptomalogie  de  la  paralysie  du  nerf  ophthahnique  de 
Willis.  —  La  paralysie  du  trijumeau  est  due  soit  à  une  lésion  de  la 
base  du  crâne,  soit  à  une  lésion  nucléaire  (tabès  dorsalis)  comme  l'a 
démontré  Pierre t,  soit  à  une  lésion  du  pont  de  Varole  ou  de  la  capsule 
interne.  La  paralysie  de  la  première  branche  du  trijumeau  seule  est 
due  à  une  lésion  siégeant  dans  la  périphérie  de  ce  nerf,  dans  l'orbite 
ou  dans  la  fente  sphénoïdale.  La  paralysie  du  nerf  ophthalmique 
seul,  consécutivement  à  une  lésion  nucléaire,  n'est  pas  encore,  suivant 
nous,  suffisamment  prouvée  anatomiquement. 

La  paralysie  totale  unilatérale  du  trijumeau  peut  être  d'origine 
basilaire,  nucléaire  ou  fasciculaire. 

Une  lésion  de  la  capsule  interne  provoque  l'anesthésie  du  trijumeau 
avec  l'amblyopie  croisée  et  s'accompagne  d'altérations  d'autres  nerfs 
sensitifs  crâniens  (voir  p.  22).  L'anesthésie  est  croisée  par  rapport  au 
côté  lésé. 

Dans  l'altération  du  pont  de  Varole,  l'anesthésie  croisée  du  triju- 
meau est  associée  à  la  paralysie  faciale  et  à  l'hémiplégie  croisée 
(voir  l'observation  de  Mendel  et  Hirschberg),  ou  bien  elle  est  compli- 
quée de  la  paralysie  du  facial  et  de  l'oculo-moteur  externe. 

La  paralysie  de  l'ophtlialmique  de  Willis  provoque  l'anesthésie  du 
front,  de  la  paupière  supérieure,  du  nez,  de  la  conjonctive,  de  la  cornée 
et  de  la  muqueuse  nasale.  On  a  observé  cependant  des  cas  où  la  cornée, 
malgré  la  paralysie  de  l'ophtlialmique  de  Willis,  avait  conservé  sa  sen- 
sibilité ;  c'est  ce  qu'a  vu  Baerwinkel,  qui  a  trouvé  la  conjonctive  ocu- 
laire et  palpébrale  anesthésiée,  tandis  que  la  corner  avait  conservé 
sa  sensibilité.  Les  pupilles  étaient  également  dilatées,  et  on  ne  notait 
pas  de  différence  dans  les  vaisseaux  des  conjonctives.  D'autres  cas 
analogues  ont  été  observés  par  Jaccoud  et  Dieulafoy,  et  s'explique- 
raient, suivant  Claude  Bernard,  par  ce  fait  que  la  cornée  reçoit  en 
partie  ses  nerfs  du  grand  sympathique. 

Dans  une  série  des  cas  de  paralysie  du  trijumeau,  on  a  observé  un 
arrêt  complet  de  la  sécrétion  des  larmes.  Uhthoff  décrit  un  cas  de 
paresthésie  de  la  deuxième  branche. du  trijumeau  qui  avait  amené 
le  même  arrêt  de  la  sécrétion  des  larmes  du  côté  malade.  Cette 
affection  défaut  de  sécrétion)  peut  résulter  d'une  névrite  migra- 
toire due  à  une  extraction  d'une  dent,  oppenheimer  a  l'ait  connaître 
aussi  un  cas  de  paralysie  du  trijumeau  et  de  l'oculo-moteUT 
commun    un    la  sécrétion  des  larmes  n'existait    que    du    côté   sain. 


NERF   TRIJUMEAU.  IH 

Le  trijumeau  possède-t-il  des  rameaux  trophiques?  L'ophthalmie 

consécutive  à  l'anesthésie  du  trijumeau  est-elle,  oui  ou  non,  due  à  des 
causes  trophiques?  A  ces  questions  on  a  répondu  de  différentes  ma- 
nières, et  nous  renvoyons  aux  excellents  ûayw^çoo  de  Magendie,  Lon- 
get,   Gudden,  Schiff,  Meissnor,  etc.,  etc. 

On  sait  que  la  conséquence  de  l'anesthésie  du  trijumeau  (au  troi- 
sième jour  déjà)  est  l'opalescence  de  la  cornée,  suivie  d'injection 
intense  des  vaisseaux  du  bord  cornéen.  L'opalescence  augmente  de 
plus  en  plus,  un  ulcère  se  forme  et  il  survient  enfin  une  panophthal- 
mie  suppurée  qui  entraine  la  perte  complète  de    la  vue. 

Snellen  croyait  que  l'ophthalmie  consécutive  à  la  paralysie  du 
trijumeau  était  d'origine  mécanique,  et  que  si,  dans  ces  conditions, 
on  fermait  la  fente  palpébrale  par  une  suture  des  paupières,  l'in- 
flammation serait  moins  intense.  Les  mouvements  réflexes  de  l'orbi- 
culaire  des  paupières  ayant  disparu,  de  même  que  la  sensibilité  de  la 
cornée,  les  traumatismes  de  l'œil  expliqueraient,  d'après  Snellen,  la 
formation  d'ulcères  et  la  destruction  de  l'œil. 

Pour  le  démontrer,  Snellen,  chez  un  lapin  (dont  le  trijumeau  avait 
été  préalablement  coupé)  a  fixé  par  une  suture  l'oreille  devant  l'œil 
correspondant,  de  sorte  que  la  peau  de  la  partie  postérieure  du  pa- 
villon de  l'oreille,  qui  est  innervée  par  les  nerfs  cervicaux,  était  diri- 
gée en  avant.  Et,  en  effet,  il  n'est  pas  survenu  d'ophthalmie,  la  sen- 
sibilité de  la  face  postérieure  de  l'oreille  permettant  à  l'animal  de 
préserver  son  œil  des  traumatismes. 

Suivant  Sinitzin,  quand  on  arrache  d'abord  le  ganglion  cervical  su- 
périeur du  grand  sympathique  et  qu'on  coupe  ensuite  le  trijumeau, 
on  n'observe  pas  d'ophthalmie.  Ce  fait  s'explique  par  cette  circons- 
tance que  l'hypérémie  consécutive  empêche  l'apparition  d'une  ophthal- 
mie  d'origine  neuro-paralytique.  Mais  Feuer  a  démontré  plus  tard  que 
L'ophthalmie  du  trijumeau  n'est  pas  d'origine  mécanique,  mais  qu'elle 
est  consécutive  à  la  dessiccation  de  la  cornée.  En  effet  l'œil  étant 
toujours  ouvert,  grâce  à  l'absence  des  mouvements  réflexes  de  l'œil, 
il  en  résulte  de  la  sécheresse  de  la  cornée.  Si  dans  l'expérience  de  Snellen 
on  n'a  pas  vu  survenir  une  opbthalmie  consécutive  à  la  lésion  du  triju- 
meau, c'est  uniquement  parce  que,  d'après  Feuer,  l'œil  était  fermé,  et 
que  la  sécheresse  fut  évitée.  En  effet,  dans  le  lagophthalmos  para- 
lytique, où  la  sensibilité  de  la  cornée  est  conservée,  on  observe 
néanmoins  une  kératite  analogue  à  la  kératite  neuro-paralytique. 
D'après  Feuer,  la  kératite  neuro-paralytique,  la  kératite  consécutive  au 
lagophthalmos  et  la  suppuration  de  la  cornée  qui  survient  dans  le 
cours  des  maladies  infectieuses  (choléra)  seraient  dues  à  la  dessicca- 
tion de  la  cornée. 

Des  expériences  nouvelles  tendraient  à  faire  croire  que  la  kératite 
neuro-paralytique  est  consécutive  à  l'invasion  de  germes  infectieux  dans 


PREMIÈRE  PARTIE. 

la  cornée.  Cependant,  Hippel  a  démontré  dernièrement  que  la  kératite 
neuro-paralytique  consécutive  à  l'anesthésie  du  trijumeau  est  évitée 
lorsqu'on  soumet  constamment  la  cornée  à  l'influence  de  la  vapeur 
d'eau.  On  voit  que  Hippel  se  range  à  l'opinion  de  Feuer. 

Les  recherches  récentes  (dues  surtout  aux  élèves  de  Charcot)  sur 
les  troubles  trophiques  dans  d'autres  régions  du  corps  humain  sem- 
bleraient confirmer  l'existence  des  rameaux  trophiques  de  la  cornée. 

A  la  suite  de  la  section  du  trijumeau,  on  observe  d'autres  phéno- 
mènes démontrant  l'influence  de  causes  trophiques.  Ainsi  Laborde  a 
observé  chez  le  lapin,  outre  des  lésions  profondes  de  l'œil  qu'on  pour- 
rait attribuer  aux  modifications  des  vaso-moteurs,  une  croissance 
anormale  des  dents  des  mâchoires  supérieure  et  inférieure  du  côté 
anesthésié,  qui  ont  subi  une  hypertrophie  considérable. 

Les  recherches  cliniques  sembleraient  prouver  aussi  l'existence 
des  rameaux  trophiques  du  trijumeau.  Kalt  a  observé,  dans  un  cas, 
l'anesthésie  de  la  cornée  sans  altération  trophique.  Dans  d'autres 
cas,  l'affection  du  trijumeau  est  peu  prononcée,  et  on  rencontre  ce- 
pendant la  suppuration  de  la  cornée,  de  sorte  qu'il  faut  admettre 
que  les  faisceaux  sensitifs  et  trophiques  sont  lésés  à  des  degrés  diffé- 
rents. 

Quant  aux  symptômes  de  l'herpès  zoster  ophthalmique  dû  à  la 
lésion  du  ganglion  de  Gasser,  nous  en  parlerons  dans  un  chapitre 
ultérieur. 

BIBLIOGRAPHIE. 

F'éré,  loc.  cil.,  p.  335.  —  Lanyendorff,  Centralbl.  f.  prakt.  Augenlieilk.,  1887,  p.  791.  —  Verger,  Clii- 
rurgie  du  sinus  sphénoïdal,  1890,  p.  20.  —  Bernhardt,  Deutsche  Medïzanalz,  1890.  —  JÎfendel  >'t 
Hirschberg,  Centralbl.  f.  prakt.  Augeuheilk.,  1890,  p.  213.  —  V.  Hippel,  Arch.  f.  Oplithalmol., 
1890.  —  Doyon,  Archives  de  physiologie,  1890.  ■ —  Laborde,  Soc.  de  biologie,  1889,  1G  février.  — 
Kalt,  Ibidem,  26  mars  1891.  —  Uhthoff,  Neurolog.  Centralbl.,  188'i,  n°  23. 

E.  —  DIAGNOSTIC  DE  LA  LOCALISATION  DES  LÉSIONS  DU  SYSTÈME 
NERVEUX  CENTRAL,  D'APRÈS  LES  TROUELES  FONCTIONNELS  DE 
L'ŒIL. 

L'ordre  dans  lequel  se  manifestent  les  paralysies  des  nerfs  crâ- 
niens permet,  comme  le  dit  Wernicke,  de  reconnaître  le  siège  de  la 
lésion. 

Dans  la  partie  antérieure  de  la  cavité  crânienne,  on  trouve,  en  de- 
dans, le  nerf  olfactif,  puis  le  nerf  optique  et,  en  dehors  et  en  arrière, 
la  bandelette  optique;  à  l'extrémité  interne  de  la  fente  sphénoïdale, 
le  nerf  trijumeau  [première  branche)  et  l'oculo-moteur  commun. 

Dans  une  affection  de  la  région  dcSthypophysejJ.  c'esl  le  cliiasma  qui 

souffre  le  premier,  puis  l'oculo-moteur  coi in,  ensuite  l'oculo-moteur 

externe  et  enfin  le  trijumeau  (première  branche). 

Si  les  lésions  siègent  dans  la  partie  moyenne  de   la  ca\ité  crà- 


GRAND   SYMPATHIQUE.  .19 

nienne  ei  atteignent  le  pédoncule  cérébral,  elles  provoquent  une  hé- 
miplégie, puis  la  paralysie  de  l'oculo-moteur  commun  et  celle  du 
pathétique. 

Si  la  lésion  (tumeur)  se  propage  jusqu'à  la  fente  sphénoïdale,  elle 
provoque  la  paralysie  de  l'ophtlialmique  de  AYillis  et  celle  des  nerfs 
moteurs  de  l'oeil. 

Les  lésions  qui  affectent  à  la  fois  le  trijumeau,  le  facial,  l'oculo- 
moteur  externe,  et  déterminent  la  paralysie  du  nerf  acoustique,  du 
glosso-pharyngien  et  du  pneumo-gastrique  ont  leur  siège  dans  la 
partie  postérieure  de  la   cavité  crânienne. 

La  paralysie  de  l'oculo-moteur  commun  avec  hémiplégie  croisée, 
associée  parfois  à  la  paralysie  de  l'hypoglosse,  indique  une  lésion  du 
pédoncule  cérébral. 

La  paralysie  du  nerf  pathétique  et  de  l'oculo-moteur  commun 
avec  hémiplégie  croisée  dénote  une  lésion  très  étendue  du  pédon- 
cule cérébral,  lésion  se  continuant  jusqu'à  la  partie  postérieure  de  la 
valvule  de  Vieussens. 

La  paralysie  du  nerf  oculo-moteur  externe  avec  hémiplégie  croisée 
indique  une  lésion  du  pont  de  Varole  ;  son  siège  est  du  même  côté 
que  la  paralysie  du  nerf.  Souvent  les  rameaux  inférieurs  du  facial 
sont  également  paralysés. 

La  paralysie  du  nerf  oculo-moteur  externe  accompagnée  d'une  para- 
lysie des  extrémités  est,  d'après  quelques  auteurs,  le  signe  d'une 
lésion  corticale. 

La  paralysie  du  trijumeau  avec  hémiplégie  croisée  dépend  d'une 
lésion  du  pont.  Dans  ces  cas,  la  kératite  neuro-paraly.tique  est  excep- 
tionnelle, tandis  qu'elle  est  la  règle  dans  les  paralysies  d'origine 
basilaire. 

Nous  avons  déjà  parlé  de  la  haute  importance  de  l'examen  du  champ 
visuel  pour  le  diagnostic  de  la  localisation  d'une  lésion  cérébrale  en 
foyer  (voir  p.  25). 

BIBLIOGRAPHIE. 

Wernicke.  Diagnostik  der  Gehirnerkrankungen,  1881.  —  Grasset,  Leçons,  1887. 

F.  —  GRAND  SYMPATHIQUE. 

Portion  cervicale  du  grand  sympathique.  —  La  portion 
cervicale  du  grand  sympathique  est  formée  de  trois,  quelquefois  seu- 
lement de  deux  ganglions.  Le  ganglion  cervical  supérieur  donne  deux 
branches  supérieures,  dont  l'une  s'anastomose  au  niveau  du  trou 
déchiré  avec  le  plexus  gangliforme  du  pneumogastrique,  avec  l'hypo- 
glosse et  avec  le  glosso-pharyngien.  L'autre  branche  accompagne  la 
carotide  interne  et  forme  le  plexus  qui  l'entoure.  De  ce  plexus  caroti- 


60  PREMIÈRE    PARTIE. 

dien  se  détachent  les  rameaux  destinés  au  ganglion  de  Gasser,  aux 
nerfs  ocnlo-inoteurs  commun  et  oxlerne  et  au  pathétique. 

Le  ganglion  cervical  supérieur  s'anastomose  avec  les  troisième, 
quatrième,  cinquième  et  sixième  nerfs  cervicaux. 

Le  ganglion  cervical  inférieur  est  souvent  réuni  au  ganglion  cer- 
vical moyen,  et  alors  ils  donnent  des  rameaux  communs,  qui  remon- 
tent vers  le  trou  vertébral  des  apophyses  transverses  des  dernières 
vertèbres  cervicales.  Les  rameaux  externes  du  ganglion  inférieur 
forment  le  plexus  qui  entoure  les  artères  axillaire  et  bumérule.  Ce 
ganglion  s'anastomose  avec  les  sixième,  septième,  huitième,  neuvième 
nerfs  cervicaux  et  avec  le  premier  nerf  dorsal. 

Recherches  physiologiques.  —  Des  recherches  célèbres  de  Claude 
Bernard,  il  résulte  que  le  grand  sympathique  cervical  envoie  des 
rameaux  aux  vaso-moteurs  de  la  moitié  correspondante  de  la  tête. 
La  section  de  ce  nerf  provoque,  en  effet,  la  dilatation  des  vaisseaux  de 
la  moitié  de  la  tête  correspondant  à  la  section;  les  oreilles  deviennent 
plus  chaudes,  la  sécrétion  de  la  sueur  s'exagère  en  même  temps  que 
la  sécrétion  salivaire.  La  pupille  est  contractée,  le  globe  de  l'œil 
semble  rétracté  par  suite  de  la  paralysie  du  muscle  orbi taire  de 
Muller. 

En  excitant  le  bout  central  du  tronc  sympathique  cervical,  la  pu- 
pille se  dilate,  le  globe  oculaire  fait  saillie  et  les  vaisseaux  cutanés  de 
la  face  se  resserrent. 

Par  les  recherches  de  Budge  et  de  Chauveau,  nous  'savons  que  les 
rameaux  du  sympathique  qui  innervent  l'iris  sortent  de  la  moelle  épi- 
nière.  En  employant  la  méthode  de  Waller  pour  provoquer  la  dégéné- 
rescence descendante  des  nerfs  sectionnés,  Chauveau  a  pu  démontrer 
que  ces  rameaux  sortent  de  la  région  cervicale  inférieure  de  la  moelle 
épinière,  du  centre  cilio-spinal  de  Budge.  Suivant  Chauveau,  le  centre 
cilio-spinal  se  trouve  entre  la  sixième  vertèbre  cervicale  et  la  deuxième 
dorsale. 

Le  nerf  sympathique  cervical  reçoit,  au  moyen  des  rameaux  com- 
municants, des  fibresqui  naissent  dans  le  centre  cilio-spinal.  L'excita- 
tion de  ce  centre  provoque,  comme  celle  du  grand  sympathique 
cervical,  la  dilatation  de  la  pupille. 

Ajoutons  encore  que  le  grand  sympathique  envoie  des  rameaux 
vers  les  muscles  palpébraux  supérieur  et  inférieur  de  Muller,  formes 
l'un  et  l'autre  de  fibres  lisses,  et  qu'il  contient  des  rameaux  1 1-  «  »  - 
phiques  «le  l'œil.  Brown-Séquard  a,  en  effet,  observé  des  troubles 
trophiques  de  l'œil  et  du  cerveau  consécutivement  à  la  section  du 
sympathique  cervical.  Ces  phénomènes  cependant  ne  se  produisenl 
pas  toujours. 

La  dilatation  pupillaire  consécutive  à  l'excitation  du  sympathique 
cervical  a  été  expliquée  de  différentes  façons;  suivant  Claude  Ber- 


GRAND   SYMPATHIQUE.  61 

nard,  doux  causes  interviennent  :  1°  l'excitation  du  muscle  dilatateur 
de  la  pupille;  2°  le  resserrement" des  vaisseaux  de  l'iris. 

Mais  nous  savons  par  les  recherches  d'Hénocque,  de  Gruenhagen, 
d'Eversbusch  et  d'autres  qu'il  n'existe  pas  de  dilatateurde  la  pupille; 
de  sorte  que,  dans  ces  circonstances,  la  dilatation  pupillairc  dépend 
seulement  de  l'action  des  vaso-constricteurs.  Ces  nerfs  vaso-constric- 
teurs de  l'iris  auraient,  d'après  Salkowsky,  leur  centre  dans  la  moelle 
allongée,  d'où  ils  se  dirigent  vers  le  centre  cilio-spinal  de  Budge  et 
de  là  vers  le  nerf  sympathique  cervical. 

Sehiffa,  en  effet,  observé  la  dilatation  des  vaisseaux  de  l'iris  à  la  suite 
de  la  section  de  la  moelle  allongée.  Nous-même  nous  avons  rencontré 
un  cas  de  myosis  consécutif  à  une  lésion  de  la  moelle  allongée. 

Lesser  croit  que  les  nerfs  dilatateurs  de  la  pupille  ont  pour  ori- 
gine la  moelle  allongée,  la  moelle  épinière  cervicale  et  le  grand  sym- 
pathique cervical. 

Les  nerfs  dilatateurs  de  la  pupille  accompagnent  le  plexus  caroti- 
dien;  de  là,  d'après  Snellen,  Hippel,  Gruenhagen  et  Leber,  ils  passent 
en  partie  dans  le  trijumeau,  mais  suivant  Balogh  ils  se  jetteraient 
ensemble  dans  le  ganglion  de  Gasser. 

Symptômes  cliniques  des  lésions  de  la  partie  cervicale  du  grand  sym- 
pathique.  —  Le  resserrement  pupillaire  consécutif  à  la  paralysie  du 
nerf  sympathique  est  très  prononcé.  La  pupille  réagit  moins  à  la 
lumière  qu'à  l'état  normal;  dans  l'obscurité,  par  exemple,  elle  se 
dilate  peu.  Il  en  résulte  qu'à  l'éclairage  faible  l'inégalité  des  pupilles, 
dans  les  cas  de  lésion  unilatérale  du  grand  sympathique  cervical,  est 
plus  prononcée  qu'à  l'éclairage  fort.  La  pupille  du  côté  paralysé  n'a 
plus  sa  forme  circulaire. 

En  nous  basant  sur  cette  déformation  pupillaire,  nous  attribuons 
le  myosis  qu'on  observe  dans  le  tabès  dorsalis  aux  seuls  troubles 
vaso-moteurs. 

L'instillation  d'atropine  dans  l'œil  dont  la  pupille  est  rétrécie  par 
suite  de  paralysie  du  grand  sympathique  produit  une  dilatation  rela- 
tivement peu  prononcée.  Mais  cette  dilatation  se  maintient  très  long- 
temps, quelquefois  même  pendant  quatre  à  cinq  semaines. 

Horner  a  le  premier  observé  (1869)  une  légère  ptosis  consécutive 
à  la  paralysie  du  sympathique  cervical,  et  ce  fait  s'explique  par  la 
paralysie  du  muscle  palpébral  supérieur  de  Muller.  Dans  ce  cas,  la 
ptosis  n'est  cependant  pas  assez  prononcée  pour  que  la  chute  de  la 
paupière  amène  le  recouvrement  de  la  pupille. 

Quant  aux  phénomènes  vaso-moteurs  observés  à  la  suite  de  para- 
lysie du  sympathique  cervical,  on  peut  les  diviser  en  deux  périodes. 
Tout  d'abord,  on  observe  une  rougeur  prononcée  d'une  moitié  de  la 
face,  une  augmentation  de  la  sécrétion  de  la  sueur  et  une  élévation 
de  la  température  du  côté  malade.  Dans  la  seconde  période,  survient 


02  PREMIÈRE    PARTIE. 

l'atrophie  des  tissus,  la  pâleur  de  la  moitié  de  la  face,  l'abaissement 
de  la  température  ;  la  sécrétion  de  la  sueur  s'arrête.  Tous  ces  phéno- 
mènes n'apparaissent  pas  simultanément.  C'est  ainsi  que  L'élévation 
de  la  température  et  la  dilatation  des  vaisseaux  peuvent  être  obser- 
vées en  même  temps  que  l'arrêt  de  la  sécrétion  des  glandes  sudo- 
ripares. 

Dans  la  paralysie  des  libres  du  sympathique  cervical,  les  rameaux 
vaso-moteurs  peuvent  être  atteints  sans  que  les  rameaux  oculo- 
pupillaires  soient  lésés. 

Dans  ce  dernier  cas,  la  lésion  du  sympathique  n'est  très  probable- 
ment pas  localisée  à  sa  portion  cervicale,  où  les  deux  sortes  de  fibres 
nerveuses  sont  réunies,  mais  s'étend  au  parcours   central    du  nerf. 

Samelsohn  cite  un  cas  extrêmement  intéressant  :  à  la  suite 
d'une  paralysie  du  sympathique  cervical  du  côté  droit  de  la  face, 
on  n'observa  qu'une  diminution  de  la  largeur  de  la  fente  palpé- 
brale,  une  rétraction  du  bulbe  oculaire  et  un  rétrécissement  de 
la  pupille;  du  côté  gauche,  tout  d'abord  rougeur,  élévation  de  la 
température  de  la  peau  et  sécrétion  sudorale  très  prononcée  ; 
ensuite  pâleur  de  la  face,  abaissement  de  la  température,  diminution 
de  la  sécrétion  sudorale.  Ces  phénomènes  s'expliquent  par  ce  fait 
que  du  côté  droit  les  nerfs  oculo-pupillaires  étaient  paralysés,  pendant 
que  du  côté  gauche  c'étaient  les  nerfs  vaso-moteurs  du  sympathique 
qui  étaient  atteints  de  paralysie.  Dans  un  autre  cas  (d'Adamuck),  on  a 
observé  les  symptômes  d'irritation  des  rameaux  oculo-pupillaires  du 
côté  droit  (dilatation  de  la  fente  palpébrale  et  mydriase).  Au  contraire, 
on  a  constaté  du  côté  gauche  les  symptômes  d'une  paralysie  des 
nerfs  vaso-moteurs  :  pâleur  de  la  face,  abaissement  de  la  tempéra- 
ture, sécheresse  de  la  peau,  diminution  de  la  sécrétion  lacrymale, 
resserrement  des  vaisseaux  rétiniens. 

Chez  ce  malade,  qu'on  a  pu  observer  au  début  même  de  l'affec- 
tion, on  a  constaté  une  irritation  des  rameaux  oculo-pupillaires  du 
côté  droit  et  celle  des  vaso-moteurs  du  côté  gauche. 

Brunner  a  publié  un  cas  très  intéressant  d'irritation  prolongée  des 
rameaux  oculo-pupillaires  et  de  paralysie  des  rameaux  vaso-moteurs 
du  sympathique  de  même  côté.  La  fente  palpébrale  était,  dans  ce  cas, 
un  peu  plus  large  du  côté  gauche  (malade  ,  la  pupille  était  dilatée 
et  réagissait  peu  à  la  lumière.  Du  même  côté,  il  existait  de  la  pâleur, 
de  l'amaigrissement   et  une  absence  de  sécrétion  sudorale  delà  lace. 

L 'enfoncement  <lu  bulbe  oculaire  consécutif  à  la  paralysie  prolongée 
du  sympathique  cervical  doit  être  attribué  non  seulement  a  la  para- 
lysie du  muscle  orbitaire  de  Mttller,  mais  aussi,  en  partie,  à  la  perle 
partielle  de  la  graisse  du  tissu  rétro-bulbaire. 

Il  faut  encore  noter  l'abaissement  très  considérable  de  la  tension 
intra-oculaire  dans  la  paralysie  du  grand  sympathique  cervical. 


PUPILLE.  63 


K1BLI00RAPI1IK. 


ff orner,  Klin.  Monatsbl.,  1  s i i >. > .  xii-u/t,  La  paralysie  du  nerf  sympathique  cervical.  Lausanne,  1873. 
—  Du  Boix-Reytotond,  Aivh.  f.  Anal.  u.  PhysioL,  1860,  p.  461.  — Moellendorff,  Virchow's  Archiv, 
t.  XL I.  p.  î88.  —  Fraenkel  Eugène,  Zur  Pathologie  des  Balssympathicus,  Breslau,  1874.  Diss. 


PUPILLE. 

La  réaction  pupillaire  est  sous  l'influence  nerveuse  :  1°  des  ra- 
meaux nerveux  qui  conduisent  le  réflexe  lumineux  et  qui  vont  de  la 
rétine  vers  le  centre  du  mouvement  du  sphincter  irien;  2°  du  fonction- 
nement de  ce  dernier  centre;  3°  des  nerfs  centrifuges  (oculo-moteur 
commun  et  sympathique),  qui  régularisent  le  diamètre  de  la  pupille. 

a.  Réaction  de  la  pupille  à  la  lumière.  —  Nous  savons  (d'après 
(ludden)  que  les  rameaux  amenant  le  réflexe  lumineux  de  la  pupille 
(voir  fig.  1)  ne  se  trouvent  que  dans  le  centre  de  la  rétine. 

Ces  rameaux  passent  tout  d'ahord,  avec  les  faisceaux  des  fibres 
maculaires,  dans  le  nerf  optique  (de  son  côté  temporal).  On  peut 
les  reconnaître  analomiquement,  selon  Gudden,  à  ce  qu'ils  présentent 
une  épaisseur  plus  considérable. 

En  général,  ils  sont  plus  réfractaires  aux  processus  pathologiques 
diffus,  ce  que  démontrent  quelques  casd'amaurose  où  le  réflexe  lumi- 
neux est  conservé  (Heddaeus)  abstraction  faite  des  cas  d'amaurose 
d'origine  corticale. 

On  a  pu  suivre  le  parcours  des  fibres  optiques  servant  au  ré- 
flexe pupillaire  en  dedans  la  bandelette  optique  du  même  côté. 
Elles  quittent,  d'après  Darkschewitsch ,  cette  dernière  dans  le  voisi- 
nage des  tubercules  quadrijumeaux,  passent  à  travers  les  couches 
optiques  jusqu'à  la  glande  ilinéale  et  gagnent,  à  travers  la  commissure 
postérieure,  le  noyau  de  l'oculo-moteur  commun.  En  faisant  une 
section  passant  par  la  partie  postérieure  de  la  couche  optique  (sans 
intéresser  la  commissure  postérieure)  ou  la  partie  postérieure  de  la 
paroi  latérale  du  troisième  ventricule,  Darkschewitsch  a  produit  la 
dilatation  pupillaire  seulement  du  côté  correspondant  à  la  section. 

Moeli  admet  lui  aussi  que  les  rameaux  pupillaires  se  trouvent  au 
voisinage  des  parois  du  troisième  ventricule.  Dans  un  cas  d'absence  de 
réflexe  lumineux  observé  par  lui  —  le  nerf  optique  étant  normal  — 
l'autopsie  lui  a  fait  constater  la  présence  d'une  tumeur  dans  la  partie 
antérieure  du  troisième  ventricule.  Les  nerfs  optiques  et  les  nerfs 
oculo-moteur  s  communs  étaient  intacts.  Par  conséquent,  il  fallait 
admettre  que  l'absence  du  réflexe  lumineux  était  sans  doute  due  à  la 
lésion  des  fibres  nerveuses  servant  au  réflexe  pupillaire.  Le  siège 
de  la  lésion  était  dans  la  paroi  du  troisième  ventricule,  sur  le  trajet 
des  fibres  vers  le  noyau  de  roçulo-moteur  commun. 

Mauthner,  de  son  côté,  admet  également  en  théorie  la  localisation 


64  PREMIÈRE   PAKTIE. 

du   parcours   des  libres   servant  au  réflexe  Lumineux,  dans  la  paroi 
du  troisième  ventricule. 

Mendel  a  cherché,  d'une  façon  assez  originale,  à  trouver  le  centre 
du  réllexe  lumineux  de  la  pupille.  Suivant  en  cela  la  méthode  d'ex- 
périences employée  par  Gudden  dans  ses  recherches  sur  l'entre- 
croisement des  nerfs  optiques,  il  détruisit  l'iris  chez  des  animaux 
nouveau-nés;  plus  tard,  il  constata  chez  ces  animaux,  dont  le  centre 
du  réllexe  lumineux  de  la  pupille  ne  fonctionnait  point,  une  atrophie 
du  ganglion  de  l'habenula  du  même  côté.  Se  basant  sur  ces  expé- 
riences, Mendel  conclut  que  le  ganglion  de  l'habenula  est  le  centre 
du  réflexe  lumineux  de  la  pupille,  et  que  c'est  par  l'intermédiaire  de 
ce  centre  que  se  transmet  l'irritation  du  nerf  optique  vers  le  nerf 
oculo-moteur  commun. 

Voici  comment,  d'après  Mendel,  se  produirait  la  réaction  pupillaire 
à  la  lumière.  L'irritation  passe  du  nerf  optique  vers  la  bandelette 
optique  et  le  ganglion  de  l'habenula  correspondant.  De  là  elle  gagne 
le  noyau  de  Gudden,  celui  de  l'oculo-moteur  commun  et  enfin  l'iris. 
L'expérience  clinique  a  permis  d'observer  des  cas  où  le  réflexe 
de  la  pupille  à  la  lumière  manquait  d'un  seul  côté,  et  était  conservé 
de  l'autre  côté.  Ce  fait  prouve  que  les  fibres  optiques  servant  au  ré- 
flexe lumineux  de  la  pupille  ne  subissent  aucun  entre-croisement 
partiel  avant  leur  terminaison  dans  le  noyau  de  la  troisième 
paire,  à  l'inverse  de  ce  qui  se  passe  pour  les  fibres  optiques  servant 
à  la  perception  lumineuse  et  de  ce  qu'il  faut  admettre  pour  les  fibres 
optiques  servant  à  la  réaction  consensuelle  de  la  pupille. 

La  pupille  réagit  1°  à  la  lumière:  2°  elle  se  dilate  lorsqu'on  excite 
des  nerfs  de  la  peau  ;  3°  elle  se  rétrécit  pendant  l'accommodation. 

b.  La  dilatation  de  la  pupille  peut  être  produite  par  diverses  irrita- 
tions des  nerfs  sensitifs  de  la  peau.  —  Elle  se  produit  lorsqu'on  excite 
le  trijumeau,  après  la  section  du  tendon  des  muscles  de  l'œil  dans  la 
strabotomie,  lorsqu'on  sonde  le  canal  naso-lacrymal.  La  dilatation  est 
liés  facilement  produite  chez  des  gens  sensibles  en  irritant  leur  peau. 

Cbauveau  nous  a  démontré  que  ce  fait  se  produit  par  l'intermédiaire 
de  la  moelle  épinière,  et  spécialement  des  cordons  postérieurs,  dont 
l'excitation  produit  la  dilatation  de  la  pupille. 

Schiff  et  Foa  ont  pu  provoquer  la  dilatation  de  la  pupille  en  exci- 
tant l,i  moelle  épinière,  mais  à  la  condition  seulement  que  les  cor- 
dons postérieurs  fussent  irrite-.  De  même  l'irritation  du  centre  de  la 
respiration,  situé  dans  la  moelle'  allongée,  produit,  d'après  les  mêmes 
auteurs  une  dilatation  de  la  pupille. 

c.  Réactionpupillaire  consensuelle.  —  En  éclairant  la  rétine  d'un  oui, 
il  se  produit,  comme  l'on  sait,  une  ci  m  traction  de  la  pupille  de  l'autre 
œil.  Ce  phénomène  s'explique  par  ce  l'ait  :  1°  que  probablement  les 
rameaux  conduisant  le  réllexe  lumineux  ne  se  terminent    pas  seule- 


PUPILLE.  65 

ment  dans  le  noyau  du  sphincter  du  côté  correspondant,  mais  qu'ils 
envoient  encore  des  rameaux  vers  le  noyau  du  côté  opposé;  2°  en 
outre,  les  commissures  qui  réunissent  les  deux  noyaux  des  sphincters 
de  l'iris  doivent  assurer  la  concomitance  des  mouvements  des 
sphincters. 

C'est  en  ell'et  à  tort  qu'un  certain  nombre  d'auteurs  a  contesté  l'entre-croise- 
ment  partiel  des  fibres  optiques  servant  au  réflexe  consensuel  de  la  pupille  :  les 
faits  cliniques  démontrent  cetentre-croisement.  J'ai  observé,  en  1888,  un  cas  d'ataxie 
locomotrice,  où  la  pupille  d'un  côté  ne  se  resserrait  pas  à  la  lumière,  mais  bien 
par  l'irritation  lumineuse  de  l'autre  œil.  D'un  autre  côté,  il  se  peut  que  la  réaction 
lumineuse  d'un  œil  manque  et  que  l'irritation  de  cet  œil  par  la  lumière  produise  la 
contraction  de  l'autre  pupille.  Des  faits  de  ce  genre  ont  été  observés  dans  ces  der- 
nier temps  par  .lessop  (de  Londres). 

Réaction  pupillaire  à  l'accommodation.  —  Il  se  peut  que  la  pupille 
ne  réagisse  plus  à  la  lumière,  et  continue  à  se  rétrécir  pendant  l'ac- 
commodation. Ce  phénomène  a  été  décrit  pour  la  première  fois  par 
Argyll  Robertson.  On  l'observe  dans  le  tabès  dorsalis,  dans  la  para- 
lysie générale,  dans  quelques  cas  de  syphilis  cérébrale,  dans  l'in- 
toxication par  l'oxyde  de  carbone  (Uhthoff). 

On  constate  l'absence  du  réflexe  lumineux  avant  la  disparition  du 
réflexe  pupillaire,  à  l'excitation  des  nerfs  de   la  peau. 

On  pourrait  expliquer  ce  phénomène  par  ce  fait  que  le  réflexe  passe 
des  cordons  sensitifs  de  la  moelle  allongée  vers  le  centre  vaso-mo- 
teur des  vaisseaux  de  l'iris,  situé  dans  la  moelle  allongée.  Par  suite 
d'irritation  réflexe  du  centre  vaso-constricteur  de  l'iris,  les  vaisseaux 
de  cette  membrane  se  contractent,  et  la  mydriase  apparaît.  L'absence 
de  ce  réflexe  s'explique  par  la  suppression  de  la  fonction  des  fibres 
centripètes  des  cordons  postérieurs   de  la  moelle  épinière  (1). 

Examen  et  valeur  diagnostique  des  symptômes  pupillaires.  —  Voici 
ce  qu'on  peut  conclure  de  l'examen  des  mouvements  des  pupilles  : 

1°  Si  le  diamètre  des  pupilles  est  normal,  les  mouvements  pupil- 
laires sont  normaux;  il  n'est  pas  nécessaire  de  pratiquer  un  examen  : 
dans  ces  cas  la  réaction  accommodatrice  de  la  pupille  est  presque 
toujours  conservée  ; 

2°  Si  le  diamètre  et  les  mouvements  de  la  pupille  sont  normaux 
d'un  côté,  et  que  l'autre  pupille  soit  immobile  (d'où  l'inégalité  des 
pupilles),  il  faut  examiner  alors  leur  réaction  pendant  la  convergence 
pour  savoir  s'il  s'agit  :  d'une  immobilité  absolue  de  la  pupille  (im- 
mobilité  à  la  lumière  et  à  l'accommodation),  ou  de  l'immobilité  de 
la  pupille  à  la  lumière  pendant  que  la  réaction  à  la  convergence  est 
conservée.  Si  les  deux  pupilles  ne  changent  pas  de  diamètre,  malgré 
la  différence  dans  l'intensité  de  la  lumière,  la  cause  en  peut  être  dif- 

i    Vuir  Heddaeus,  Archiv  filr  Augenheilkunde,  XX,  Bd.,  H.  1. 


06  PREMIÈKE   PARTIE. 

férente  :  ou  bien  il  s'agit  d'une  immobilité  absolue  des  pupilles,  ou 
bien  de  l'immobilité  absolue  de  la  pupille  d'un  œil  et  de  l'immobilité 
à  la  lumière  seule  de  l'autre,  ou  bien,  enfin,"de  l'immobilité  des  deux 
pupilles  à  la  lumière,  mais  pas  à  la  convergence.  11  faut  encore  men- 
tionner comme  quatrième  cause  du  phénomène  en  question,  l'insen- 
sibilité au  réflexe  lumineux  (anesthésie  de  la  rétine).  Abstraction  faite 
de  cette  dernière  cause,  on  peut  établir,  au  point  de  vue  du  siège  d'une 
lésion  en  présence  des  symptômes  indiqués  ci-dessus,  que  les  troubles 
de  la  mobilité  de  la  pupille  sont  dus  à  des  altérations  des  nerfs  centri- 
fuges de  la  pupille  (oculaire-moteur  commun  et  grand  sympathique). 

3°  Si  les  pupilles  sont  inégales,  il  faut  déterminer  laquelle  des 
deux  est  altérée.  S'il  y  a  un  doute,  c'est  la  pupille  dont  les  mou- 
vements sont  affaiblis  qui  est  altérée;  et,  dans  ce  cas,  il  reste  à 
établir,  si  la  lésion  porte  sur  l'oculo-moteur  commun  ou  bien  sur  le 
sympathique.  Quand  la  pupille  est  dilatée,  il  faut  encore  savoir  si  la 
dilatation  est  due  à  la  paralysie  du  sphincter  ou  à  l'excitation  du 
dilatateur  de  la  pupille.  Lorsque  la  pupille  est  rétrécie,  le  rétré- 
cissement est  dû  soit  à  l'irritation  du  sphincter,  soit  à  la  paralysie 
des  vaso-moteurs  de  l'iris. 

■4°  L'immobilité  de  la  pupille  peut  être  due  à  l'insensibilité  au  ré- 
flexe, la  rétine  ne  transmettant  pas  la  sensation  lumineuse  ;  le  diamètre 
de  la  pupille  est,   dans  ce  cas,  aussi  large  que  dans  l'obscurité. 

La  présence  des  divers  troubles  fonctionnels  des  pupilles  ne 
nous  permet  pas  encore  de  déterminer  le  siège  des  lésions  en  foyer 
du  cerveau.  Voici  quelques  indications  utiles,  à  cet  égard  : 

Dans  la  mydriase  unilatérale,  avec  absence  du  réflexe  lumineux  et 
amaurose,  il  y  a  interruption  du  trajet  nerveux  entre  l'œil  et  le 
chiasma. 

Dans  le  cas  de  destruction  de  la  partie  centrale  du  chiasma,  déter- 
minant l'hémianopsie  temporale,  la  réaction  pupillaire  est  conservée 
des  deux  côtés.  Dans  la  destruction  totale  du  chiasma,  la  réaction 
pupillaire  fait  défaut.  Ce  symptôme  peut  servir  à  établir  le  diagnostic 
différentiel  entre  une  lésion  des  deux  nerfs  optiques  du  chiasma  el 
des  bandelettes  optiques  d'un  côté,  et  une  lésion  des  centres  sous-cor- 
ticaux, des  radiations  optiques  et  des  centres  corticaux  de  la  vision 
de  l'autre. 

Dans  la  lésion  des  bandelettes  optiques,  l'hémianopsie  homonyme 
est  accompagnée  de  la  perte  du  réflexe  lumineux  pupillaire  à  l'excita- 
tion lumineuse  dans  la  moitié  hémianopsique  de  la  rétine  d'accord 
avec  les  résultats  des  recherches  anatomiques).  Au  contraire,  dans 
les  lésions  situées  au  delà  de  la  bandelette  optique  (centres  sous- 
corticaux,  radiations  optiques,  centre  corticalde  la  vision),  on  observe 
la  réaction  de  la  pupille  à  l'excitation  lumineuse  de  la  moitié  de  la 
rétine  dont  la  fonction  est  abolie  (Wernicke). 


ARTÈRES,    VEINES   ET   LYMPHATIQUES   DE   L'ŒIL.  67 

D'après  quelques  auteurs,  les  lésions  des  tubercules  quadrijumeaux 
intéresseraient  toujours  les  pupilles  et  provoqueraient  principale- 
ment L'inégalité  pupillaire.  Cependant  les  recherches  ne  sont  pas  assez 
avancées  pour  pouvoir  affirmer  qu'il  en  suit  ainsi,  lorsqu'il  n'existe 
pas  une  lésion  simultanée  du  noyau  du  sphincter  de  la  pupille. 

Nous  reviendrons  encore,  en  traitant  des  troubles  oculaires  consé- 
cutifs aux  altérations  du  cerveau,  de  la  localisation  des  lésions  basées 
sur  des  symptômes  pupillaires. 

BIBLIOGRAPHIE. 

(rudden,  Miinchner  Ges.  f.  Morpholog.  a.  Physiol.,  1883.  —  Moeli,  Centralbl.  f.  Augenh.,  1S85, 
p.  273.  —  Darkschewitsch,  Wratsc,  1886,]  n°  43.  —  Claude  Bernard,  Compt.  rend,  de  l'Acad. 
des  sciences,  1862,  t.  IV,  p.  382.  —  Leeser,  Die  Pupillarbewegung.  Wiesbaden,  1881. 


ARTERES,    VEINES    ET    LYMPHATIQUES    DE    L  ŒIL. 

Nous  avons  suffisamment  montré  les  intimes  rapports  anatomiques 
et  physiologiques  qui  existent  entre  l'organe  de  la  vue  et  le  système 
nerveux  central  et  expliquent  que  les  maladies  du  système  nerveux 
entraînent  si  fréquemment  des  troubles  fonctionnels  de  la  vue.  Au 
point  de  vue  anatomique,  des  rapports  aussi  intimes  existent  entre 
les  vaisseaux  sanguins  et  lymphatiques  du  cerveau  et  ceux  de  l'organe 
de  la  vision. 

Artères.  —  L'artère  ophthalmique  qui  est  l'artère  nourricière  de  l'œil 
est  une  branche  de  la  carotide  interne.  Dès  lors  on  comprend  que 
lorsqu'on  aperçoit  à  l'ophthalmoscope  des  anomalies  des  vaisseaux 
rétiniens  on  peut  conclure  à  l'existence  d'altérations  des  autres  bran- 
ches cérébrales  de  la  carotide  interne. 

L'artère  ophthalmique  se  détache  du  bord  convexe  de  la  dernière 
courbure  de  la  carotide  interne. 

Tout  d'abord  elle  longe  le  côté  externe  et  inférieur  des  nerfs  opti- 
ques, puis  elle  pénètre  dans  l'orbite  à  travers  le  canal  optique  et  se 
dirige  en  haut,  en  passant  au-dessus  et  en  dedans  du  nerf  optique, 
pour  se  diviser  enfin,  au-dessous  de  la  trochlée,  en  artère  frontale 
et  naso-dorsale. 

Dans  ce  parcours,  l'artère  ophthalmique  donne  l'artère  centrale  de 
la  rétine,  l'artère  lacrymale,  plusieurs  vaisseaux  pour  les  muscles  de 
I'omI  ;  plus  loin,  les  artères  ciliaires  longues  et  courtes  postérieures 
(3  à  4),  l'artère  sus-orbitaire,  les  artères  ethmoïdales  antérieure  et 
postérieure,  les  artères  palpébrales  interne,  supérieure  et  inférieure. 

Les  artères  ciliaires  postérieures  longues  et  courtes  traversent  la 
sclérotique  dans  le  pourtour  du  nerf  optique. 

Les  artères  ciliaires  postérieures  courtes  se  distribuent  dans  la 
choroïde;  les  longues  passent  entre  la  choroïde  et  la  sclérotique,  se 


C8  PREMIÈRE    PARTIE. 

prolongent  jusqu'aux  procès  ciliaires  du  côté  nasal  et  du  côté  latéral 
et  forment  le  grand  cercle  artériel  de  l'iris. 

Des  branches  de  cette  artère  accompagnent  les  muscles  droits  et 
envoient  1  à  2  rameaux  vers  la  conjonctive  et  vers  l'anneau  vasculaire 
du  rebord  de  la  cornée. 

La  carotide  externe  fournit  dos  branches  pour  les  paupières  et  les 
glandes  lacrymales.  Une  de  ses  branches,  l'artère  transversale  faciale, 
envoie  des  rameaux  aux  paupières  et  au  muscle  orbiculaire  des  pau- 
pières. L'artère  zygomato-orbitaire  (branche  de  la  temporale  super- 
ficielle) envoie  des  rameaux  à  la  région  de  la  glande  lacrymale. 
L'artère  sous-orbitaire  donne  des  branches  à  l'orbite,  surtout  à  la 
jiriiorbite,  et  distribue  des  rameaux  aux  muscles  droit  inférieur  et 
oblique  inférieur. 

Veines.  —  Le  sang  veineux  de  l'œil  passe  en  grande  partie  par  les 
vasa  vorticosa  de  Sténon,  qui,  au  nombre  de  '<  à  <>,  sortent  de  la  cho- 
roïde et  traversent  la  sclérotique  en  arrière  de  l'équateur  de  l'œil.  Les 
autres  veines  du  globe  oculaire  (les  veines  ciliaires  antérieures, 
postérieures  longues  et  petites)  sont  de  peu  d'importance  en  com- 
paraison surtout  de  leurs  artères  homonymes. 

Les  vasa  vorticosa  aboutissent  à  la  veine  ophthalmique  soit  direc- 
tement, soit  par  l'intermédiaire  des  veines  musculaires.  En  outre, 
d'autres  veines  aboutissent  à  la  veine  ophthalmique  ;  ce  sont  :  la  veine 
frontale,  la  veine  du  sac  lacrymal,  les  veines  musculaires  de  l'œil, 
la  veine  de  la  glande  lacrymale,  la  veine  centrale  de  la  rétine  et 
la  veine  ophthalmique  inférieure.  Cette  dernière  s'anastomose  avec  la 
veine  sous-orbitaire  et  avec  les  veines  ethmoïdales;  les  veines  fa- 
ciales antérieures  s'anastomosenl  avec  les  ramifications  de  la  veine 
ophthalmique  et  avec  les  veines  de  la  paupière  inférieure. 

De  la  veine  ophthalmique,  le  sang  veineux  se  dirige  vers  les  sinus 
caverneux  et  de  là  vers  la  veine  jugulaire  interne.  La  circulation 
veineuse  se  fait  encore  par  les  veines  de  la  cavité  nasale  et  par 
celles  de  la  face.  C'est  Gurwistch  qui  nous  a  fait  connaître  cette  cir- 
culation  complémentaire.  Lorsque  l'on  comprime  l'artère  carotide 
d'un  côté,  l'artère  ophthalmique  du  côté  correspondant  reçoii  du  sang 
par  l'intermédiaire  de  l'artère  communiquante  antérieure,  de  sorte 
qu'à  l'ophthalmoscope  on  n'observe  aucun  changement  dans  la  cir- 
culation sanguine  de  l'œil,  après  la  ligature  de  la  carotide.  Au  con- 
traire, dans  l'interruption  du  courant  veineux  d'un  côte,  la  circulation 
veineuse  est  défectueuse  par  suite  d'absence  de  circulation  veineuse 
collatérale.  L'œil  est  donc  mieux  protégé  contre  le  développement  des 
troubles  artériels  que  contre  l'apparition  d'une  stase  veineuse. 

C'est  surtout  l'œil  gauche  qui,  d'après  nos  connaissances  cliniques, 
est  prédisposé  aux  stases  sanguines.  Suivant  Langer  ce  fait  s'expli- 
querait   de  la  manière  suivante  :  le  travail  exécuté  par  le    bras  et 


ARTÈRES,    VEINES   ET   LYMPHATIQUES   DE   L'ŒIL.  60 

l'épaule  droits  rend  la  circulation  plus  active  dans  la  veine  jugulaire 
droite.  L'écartement  de  l'arc  fibreux  axillaire  de  Lange  faciliterait 
conséquemment  la  circulation  veineuse.  Par  suite,  la  circulation 
veineuse  de  la  jugulaire  droite  étant  plus  active  que  celle  de  la  jugu- 
laire gauche,  la  stase  sanguine  dans  cette  veine,  aussi  bien  que  dans 
la  veine  ophthalmique  droite,  se  produirait  beaucoup  plus  rarement 
qu'à  gauche. 

Lymphatiques.  —  Sans  nous  arrêter  à  la  direction  du  courant  lym- 
phatique de  l'œil,  nous  décrirons  simplement  les  principales  voies 
par  lesquelles  passe  la  lymphe  de  l'œil. 

Les  lymphatiques  antérieurs  de  l'œil  et  des  paupières  se  divisent 
en  lymphatiques  superficiels  et  lymphatiques  profonds.  Les  super- 
ficiels se  terminent,  d'après  les  recherches  classiques  de  Sappey, 
dans  les  glandes  lymphatiques  pré-auriculaires  situées  à  la  surface 
de  la  parotide  et  en  avant  de  cette  dernière  glande. 

Les  lymphatiques  profonds  accompagnent  la  veine  faciale  pour  se 
diriger  vers  les  glandes  lymphatiques  maxillaires. 

Schwalbe  a  démontré,  en  faisant  des  injections  dans  l'espace  inter- 
vaginal du  nerf  optique,  que  cette  dernière  cavité  lymphatique  com- 
munique avec  un  réseau  situé  entre  les  faisceaux  des  fibres 
optiques  et  l'enchevêtrement  fibreux  du  nerf  optique.  Ce  réseau  lym- 
phatique est  surtout  très  développé  en  dedans  de  la  lame  criblée. 
D'autre  part,  l'espace  intervaginal  du  nerf  optique  communique  avec 
les  espaces  sub-dural  et  sub-arachnoïdien  du  cerveau.  Et,  en  effet, 
dans  nombreuses  autopsies  on  a  trouvé  l'espace  intervaginal  du  nerf 
optique  dilaté  en  forme  d'ampoule  à  la  suite  d'une  augmentation 
de  la  tension  intracrànienne.  L'espace  lymphatique  sus-vaginal  (cavitas 
supra-vaginalis),  qui  entoure  les  gaines  du  nerf  optique,  communique 
avec  la  cavité  de  Tenon.  Cette  dernière  communique  avec  l'espace 
lymphatique  supra-choroïdien  (situé  entre  la  choroïde  et  la  scléroti- 
que) à  l'aide  des  gaines  lymphatiques  qui  entourent  les  vasa  vorticosa. 

Ces  courtes  remarques  sur  les  rapports  anatomiques  existant  entre 
les  éléments  nerveux  de  l'œil  et  ceux  du  cerveau  d'un  côté,  la  cir- 
culation du  sang  et  de  la  lymphe  de  l'autre,  suffisent  pour  faire  com- 
prendre les  relations  qui  existent  au  point  de  vue  clinique  entre  l'œil 
et  le  cerveau. 

BIBLIOGRAPHIE. 

Traités  de  Sappey,  Cmveilfiier,  Te.stut.  —  Leber,  In  Handbuch  der  Gewebelehre  de  Stricker, 
1871,  p.  1043.  —  G.  Schwalbe,  Ibidem,  p.  1063.  —  Lange,  Mittheilungen  a.  d.  Augenheilanstalt  u. 
Petersburg,   1890,  f.  3. 


PARTIE    SPÉCIALE 


I.  —  TROUBLES  OCULAIRES  DANS  LES  MALADIES 
1H    SYSTÈME  NERVEUX 

A.    —    MALADIES    DU    CERVEAU. 

1.     ANOMALIES   HE    l.A    QUANTITÉ    DU   SANG. 

a.  Hypérémie  du  cerveau.  —  L'hypothèse  qu'aux  troubles  delà 
circulation  du  cerveau  correspondent  des  troubles  analogues  de  la 
circulation  de  l'œil  ne  se  confirme  pas  toujours.  Il  semble,  en  effet,  que 
les  vaisseaux  du  cerveau  et  ceux  de  l'œil  ne  se  trouvent  pas  sous  la 
dépendance  des  mêmes  centres  nerveux;  de  sorte  que  d'une  hypé- 
rémie de  l'œil  on  ne  peut  pas  conclure  à  l'existence  d'hypérémie  céré- 
brale. 

Cependant,  on  a  constaté  fréquemment  des  cas  d'hypérémie  du 
cerveau  coïncidant  avec  l'hypérémie  de  l'organe  de  la  vision.  C'est 
ainsi  qu'on  a  vu,  dans  des  cas  d'hypérémie  cérébrale,  l'injection  des 
vaisseaux  du  globe  oculaire  et  une  myosis  causée  par  la  dilatation 
des  vaisseaux  de  l'iris.  Il  existe  des  faits  cliniques,  qui  peuvent  croire 
à  une  inégalité  dans  la  quantité  du  sang  reçue  par  les  deux  hémis- 
phères cérébraux  :  en  effet,  on  a  constaté  la  myosis  d'un  coté  (du  côte 
de  l'hypérémie  cérébrale  et  une  pupille  normale  de  l'autre  côté  (Jacob- 
son  .  ^inégalité  des  pupilles  peut  être  la  conséquence  de  l'inégale  dis- 
tribution du  saur/  dans  les  branches  des  deux  carotides  internes.  On  a 
vu.  chez  des  enfants,  une  hypérémie  de  la  conjonctive  et  une  myosis 
précéder  l'apparition  des  convulsions,  qu'on  pouvait  attribuer  à  l'hy- 
pérémie du  cerveau.  Niemeyer  a  cependant  fait  observer  que,  dans 
des  cas  graves  d'hypérémie  cérébrale,  on  n'a  pas  observé  de  symp- 
tômes d'hypérémie  de  l'œil. 

Il  est  incontestable  que  la  circulation  des  vaisseaux  du  fond  de 
l'œil  est  souvent  troublée  clans  l'hypérémie  cérébrale.  Mais  il  n'est 
pas  possible  d'invoquer  l'hypérémie  des  vaisseaux  rétiniens  comme 
un  argument  en  faveur  d'une  hypérémie  cérébrale,  étant  donnée  la 
variabilité  du  diamètre  de  ces  vaisseaux  à  l'état  normal. 

Dans  les  cas  d'hypérémie  du  cerveau,  on  constate  cependant  assez 
souvent  une  rougeur  appréciable  de  la  papille  optique,  qui  s'arrête 
à  l'anneau  sclérotical.  Les  vaisseaux  rétiniens  eux-mêmes  sont  nor- 
maux, mais,  par  suite  du  contraste  des  couleurs,  leurs  parois  appa- 
raissent  sous   forme  de   lignes   transparentes   entourant  la  colonne 


74  PA11T1Ë   SPÉCIALE. 

sanguine.  C'est  seulement,  en  effet,  le  contenu  dans  les  vaisseaux 
rétiniens  qu'on  observe  à  l'état  normal  :  les  parois  vaseulaires  et  le 
tissu  de  la  rétine  étant  transparents  ne  sont  pas  visibles  à  l'ophthal- 
moscope. 

Dans  Vhypérémie  veineuse  chronique  du  cerveau  on  observe  quel- 
quefois une  mydriase  peu  marquée,  que  Jacobson  (1)  attribue  à  la 
parésie  de  l'oculo-moteur  commun.  La  coïncidence  de  la  mydriase  et 
d  !  l'hypérémie  veineuse  du  cerveau  est  alors  probablement  acciden- 
telle. 

b.  Anémie  du  cerveau.  —  Dans  l'anémie  du  cerveau  on  trouve  les 
pupilles  dilatées.  Cette  mydriase  est  due  à  une  anémie  concomi- 
tante des  vaisseaux  de  l'iris,  ainsi  que  l'ont  prouvé  les  recherches  de 
Kussmaul  et  Tenner  sur  l'anémie  du  cerveau.  Ces  auteurs  ont  procédé 
de  la  façon  suivante  :  ils  ont  mis  à  découvert  le  cerveau  d'un  animal 
et  l'ont  recouvert  ensuite  d'un  morceau  de  verre,  de  telle  manière 
qu'ils  ont  observé  directement  la  circulation  sanguine  du  cerveau. 
Ils  ont  ainsi  constaté  l'apparition  de  mydriase  à  la  suite  d'une  perte 
subite  de  sang.  Dans  les  pertes  sanguines  lentes  ils  ont  observé  tout 
d'abord  un  resserrement  de  la  pupille. 

Cette  myosis  passagère,  comme  nous  le  verrons  plus  tard,  peut  être 
attribuée  à  l'auto-intoxication  qui  est  la  conséquence  de  la  résorp- 
tion des  produits  toxiques  de  l'économie  restés  dans  l'organisme. 
Par  suite  de  la  diminution  de  la  quantité  du  sang,  les  tissus  du  corps 
ne  sont  plus  en  état  de  se  débarrasser  d'une  façon  suffisante  des  pro- 
duits de  l'échange. 

On  sait  en  effet  que  les  animaux,  après  une  saignée  abondante, 
meurent  avec  des  symptômes  convulsifs,  qui  sont  dus  d'après  Brown- 
Séquard  à  l'intoxication  par  l'acide  carbonique. 

L'anémie  du  cerveau  peut  être  accompagnée  de  V anémie  des  vaisseaux 
du  fond  de  l'œil;  mais  ce  dernier  symptôme  n'est  pas  constant.  On 
observe  dans  ce  cas  une  diminution  du  calibre  des  vaisseaux  de  la 
papille  optique,  phénomène  qu'on  a  constate  également  à  la  suite  de 
spasmes  des  vaisseaux  cérébraux  (hémicrànie,  accès  épileptiques  et 
pertes  sanguines  abondantes). 

L'anémie  des  petits  vaisseaux  du  nerf  optique  se  manifeste  par  la 
pâleur  de  la  papille,  c'est  seulement  dans  les  grands  vaisseaux  qu'on 
peut  observer  une  diminution  très  appréciable  du  calibre. 

Quant  à  la  rétine,  son  anémie  ne  peut  pas  être  diagnostiquée  avec 
certitude.  Cependant  on  peut  l'admettre  avec  vraisemblance  dans  les 
cas  où  la  entonne  sanguine  des  vaisseaux  de  la  rétine  est  d'une  cou- 
leur moins  foncée  qu'à  l'état  normal,  le  sang  n'étant  pas,  d'ailleurs 
altéré  dans  sa  composition. 

(1)  Jacobson,  lac.  cit.,  p.  I0C. 


AFFECTIONS  DES   MÉNINGES  CÉRÉBRALES.  75 

L'anémie  du  cerveau,  comme  l'hypérémie,  peut  provoquer  une  pé- 
riode d'irritation  cérébrale  (Marshall  Hall).  A  ce  point  de  vue,  les 
expériences  de  Knoll  sont  très  intéressantes.  Cet  observateur  pro- 
voqua chez  des  animaux  une  anémie  du  cerveau  eu  faisant  la  liga- 
ture des  artères  cérébrales,  et  il  observa  des  mouvements  associes  des 
yeux.  Comme  conséquence  d'une  anémie  cérébrale  prolongée  il  vit 
apparaître  le  nystagmus,  qui  cessa  après  la  disparition  de  l'anémie 
elle-même.  Mais  le  nystagmus  est  de  nouveau  très  facilement  pro- 
voqué chez  le  même  animal,  par  exemple,  par  l'excitation  des  nerfs 
pauciers,  par  des  impressions  acoustiques,  etc. 

2.    AFFECTIONS  DES   MÉNINGES   CÉRÉBRALES. 

a.  Pachyméningite.  —  Hématome  de  la  dure-mère.  —  Ces 

a'Tections  se  manifestent,  au  début,  par  des  symptômes  d'excitation 
cérébrale,  maux  de  tête,  etc.,  etc.,  symptômes  accompagnés  de  resser- 
remeni  de  la  pupille.  Dans  les  cas  d'hématome  de  la  dure-mère,  on 
observe  le  rétrécissement  de  la  pupille  correspondante  (Dieulafoy,  I, 
Path.  int.,  p.  579).  Une  névrite  optique  (Stauungspapille)  a  plusieurs 
fois  déjà  été  constatée  dans  l'hématome  de  la  dure-mère  (Zacher).  A 
l'autopsie,  on  a  trouvé  l'espace  intravaginal  du  nerf  optique  dilaté, 
altération  que  les  anciens  auteurs  expliquaient  par  l'augmentation  de 
la  tension  intra-crânienne. 

b.  Apoplexie  des  méninges.  —  Dans  les  hémorrhagies  ménin- 
gées on  observe,  d'après  Hutchinsbn  fils,  du  côté  malade  ou  bien 
des  deux  côtés  à  la  fois,  la  mydriase,  qui  serait,  d'après  cet  auteur,  le 
symptôme  d'une  augmentation  de  la  tension  intra-crânienne;  le 
myosis  au  contraire  est  très  rare.  Il  faut,  en  effet,  se  rappeller  que,  vu 
les  nombreuses  causes  du  changement  (par  voie  réflexe)  du  diamètre 
des  pupilles,  on  ne  peut  conclure  de  la  présence  de  la  mydriase  ou  de 
myosis  à  l'existence  d'anémie  ou  d'hypérémie  du  cerveau.  Un  certain 
nombre  de  symptômes  de  processus  cérébraux  en  foyer,  l'aphasie,  la 
cécité  verbale,  l'hémianopsie,  dont  nous  avons  déjà  parlé,  résultent 
également  d'hémorrhagies  méningées. 

A  la  suite  des  hémorrhagies  méningées,  quelquefois  très  abon- 
dantes, qui  surviennent  au  cours  de  l'accouchement,  on  a  souvent 
observé  du  strabisme  et  des  convulsions. 

c.  Méningite  aiguë  (simple,  tuberculeuse,  cérébro-spinale). 

1°  Dans  la  première  période  de  la  méningite  simple  on  observe  la 
myosis,  attribuée  par  Jacobson  à  l'irritation  du  nerf  oculo-moteur 
commun.  Mais,  comme  la  myosis  devance  les  autres  symptômes  d'irri- 
tation cérébrale,  il  nous  semble  plus  rationnel  d'attribuer  ce  symptôme 
à  l'hyperémie  du  cerveau. 

2°  Dans  la  seconde  période  de  la  méningite,  on  peut  observer  la 


70  PARTIE  SPÉCULE. 

mydriase   ou   la    myosis,   quelquefois   aussi   l'inégalité   des  pupilles. 

Dans  la  méningite  basilaire,  on  constate  tout  d'abord  la  myosis,  plus 
tard  la  mydriase,  l'inégalité  des  pupilles,  l'affaiblissement  ou  même 
l'absence  totale  <lu  réflexe  lumineux  de  la  pupille. 

Très  souvent  la  même  pupille  change  de  diamètre.  L'assertion 
qu'une  forte  dilatation  de  la  pupille  serait  l'indice  d'un  fort  épan- 
chement  hydrocéphalique  est  vraie  dans  la  grande  majorité  des  cas, 
mais  pas  dans  tous. 

Dans  la  première  période,  on  observe  du  strabisme  causé  par  l'irrita- 
tion de  l'oculo-moteur  commun,  des  mouvements  involontaires  et  lents 
du  globe  oculaire  et  quelquefois  du  nystagmus.  Dans  la  seconde  pé- 
riode delà  méningite  on  voit  apparaître  la  paralysie  des  nerfs  céré- 
hraux,  par  exemple  la  ptosis  uni  ou  bilatéral;  les  globes  oculaires 
exécutent  des  mouvements  incoordonnés,  ou  bien  ils  dévient  en 
dedans  ou  en  dehors  (Strumpell).  Dans  les  muscles  animés  par  le 
nerf  facial  on  observe,  pendant  la  première  période,  des  mouvements 
spasmodiques  et  de  légères  contractions  toniques;  dans  la  deuxième 
période  on  constate  la  paralysie  des  muscles  innervés  par  ce  nerf. 

Il  faut  noter,  du  côté  de  l'organe  de  la  vision,  une  série  de  com- 
plications dues  à  la  propagation  du  processus  pathologique  par  la 
voie  de  la  gaîne  du  nerf  optique  ou  des  vaisseaux  vers  l'œil,  comme, 
par  exemple,  la  choroïdite,  et  l'rido-choroïdite  avec  opacité  du  corps 
vitré,  l'affection  du  nerf  optique  et  de  la  rétine.  Cette  dernière  peul 
être  également  atteinte  par  l'embolie.  D'après  Boucbut,  une  conges- 
tion plus  ou  moins  intense  de  la  papille  optique  serait  la  règle  (hui- 
la méningite  (surtout  dans  la  première  période).  Cette  congestion 
peut  se  terminer  par  une  névrite  optique  [Stauungspapillé).  La  tumé- 
faction de  la  papille  et  le  voile  œdémateux  qui  occupe  son  pourtour 
sont  quelquefois  peu  prononcés.  Tout  autour  des  vaisseaux  appa- 
raissent quelques  petits  foyers  hémorrhagiques  en  forme  de  strie- 
On  a  observé  dans  quelques  cas  de  méningite  une  amblyopie  ou  de 
Vamaurose.  Dans  cette  amaurose,  la  réaction  pupillaire  peut  ou  non 
être  conservée.  Tandis  que  dans  d'autres  maladies  infectieuses  la  con- 
servation de  la  réaction  pupillaire  rend  le  pronostic  de  l'amaurose 
en  général  bénin,  ce  même  symptôme  n'a  aucune  signification  au 
point  de  vue  du  pronostic  dans  l'amaurose  d'origine  méningitique. 
Hirschberg,  en  effet,  a  observé  un  cas  d'amaurose  méningitique,  où 
la  réaction  pupillaire  était  conservée,  «'I  peu  après  il  survint  une 
atrophie  du  nerf  optique.  Les  troubles  fonctionnels  de  la  vue  con- 
sécutifs à  l'affection  du  nerf  optique  causée  par  la  méningite  sont  ou 
la  cécité  complète  ou  l'amblyopie  avec  un  rétrécissement  concen- 
trique du  champ  visuel.  Dans  la  méningite  cérébro-spinale,  l'appa- 
rition des  troubles  delà  vue  est  tardive,  de  sorte  qu'on  les  a  regardées 
comme  des  accidents  de  la  convalescence.  Dans  quelques  cas  de  cette 


AFFECTIONS   DES   MÉNINGES   CÉRÉBRALES.  77 

maladie,  on  a  constaté  une  diminution  de  l'acuité  visuelle,  compliquée 
de  l'absence  de  perception  du  rouge  et  vert,  ou  bien  l'amblyopir 
avec  absence  complète  de  la  perception  des  couleurs.  Nous  revien- 
drons plus  tard  (en  parlant  des  maladies  infectieuses)  sur  la  théorie 
qui  peut  expliquer  ces  troubles  de  la  vue. 

Dans  quelques  cas  on  a  vu  guérir  l'affection  du  nerf  optique.  La 
vision  et  le  champ  visuel  reviennent  à  l'état  normal.  Dans  d'autres  cas, 
au  contraire,  l'amaurose  et  l'amblyopie  persistent.  La  papille  optique 
devient  blanche,  les  vaisseaux  rétiniens  se  rétrécissent,  la  lame 
criblée  devient  très  distincte  par  suite  d'atrophie  des  fibres  nerveuses. 
Les  cloisons  de  la  lame  criblée  se  distinguent  très  peu  des  fibres  opti- 
ques,  de  sorte  que  la  papille  présente  une  couleur  blanche  uniforme. 

Cependant,  lorsqu'à  un  examen  ophthalmoscopique  ultérieur  on 
rencontre  de  faibles  sinuosités  des  vaisseaux  du  fond  de  l'œil  c'est 
qu'il  existait  auparavant  de  la  névrite  optique.  Le  plus  souvent  ce 
sont  les  enfants  âgés  de  moins  de  cinq  ans,  qui  perdent  la  vue  par 
suite  de  cette  affection  du  nerf  optique  survenant  à  la  suite  d'une 
méningite. 

Les  recherches  anatomiques  ont  révélé  l'existence  d'exsudats  autour 
du  chiasma  dans  les  cas  où  l'atrophie  optique  était  consécutive  à  la 
méningite.  On  suppose  que  lorsque  l'amaurose  persiste,  l'exsudat, 
au  lieu  de  s'être  résorbé,  s'est  transformé  en  tissu  cicatriciel,  qui,  par 
compression  a  détruit  le  chiasma.  —  On  a  pu  en  outre  constater  la 
présence  de  pus  dans  la  gaine  du  nerf  optique  dans  tout  son  parcours 
du  chiasma  jusqu'au  globe  oculaire;  on  a  vu  la  gaine  optique 
infiltrée,  ses  vaisseaux  très  dilatés  et  entourés  en  quelques  points 
d'hémorrhagies. 

Toutefois,  dans  quelques  cas  d'amaurose  consécutive  à  la  méningite 
cérébro-spinale,  on  n'a  trouvé  altérée  que  la  pin-lie  supérieure  de  la 
moelle  épinière  et  quelques  parties  de  la  moelle  allongée;  la  base  du 
crâne,  au  contraire,  était  exempte  d'exsudation.  On  a  essayé  d'ex- 
pliquer ce  phénomène  en  disant  que  l'inflammation  s'empare  simul- 
tanément de  diverses  parties  du  système  nerveux  éloignées  l'une  de 
l'autre  et  indépendantes.  Mais  je  crois  qu'il  serait  plus  logique  d'ad- 
mettre un  certain  rapport  entre  l'atrophie  optique  et  les  lésions  de 
la  moelle  allongée  (1).  A  la  suite  d'une  méningite  purulente  septique,  de 
la  nécrose  ou  de  la  carie  de  la  base  du  crâne  (par  exemple  du  rocher, 
comme  on  le  voit  assez  souvent),  on  n'observe  quelquefois  une  affec- 
tion du  nerf  optique  que  du  côté  malade,  ou  bien  la  lésion  est  plus 
prononcée  de  ce  côté. 

Dans  les  trois  formes  de  méningite  on  a  rencontré  des  altérations 
du  tractus  uvéal,   principalement  à  la  suite  d'une  méningite  cérébro- 

(I)  Voir  page  20. 


78  PARTIE  SPÉCIALE. 

spinale  épidémique  d'un  caractère  grave.  Les  symptômes  qu'elles  pro- 
duisent sont  les  mêmes  que  ceux  de  la  choroïdite  septique  que  nous 
décrirons  dans  un  chapitre  suivant  et  qui  se  termine  par  Vatrophie  du 
globe  oculaire. 

Cotte  atrophie  du  globe  oculaire  est  de  telle  nature  que  même  après  plusieurs 
années  on  peut  reconnaître  son  origine  méningitique.  Les  globes  oculaires  sont 
inous  et  enfoncés  dans  l'orbite.  Le  diamètre  de  la  cornée  est  diminué,  mais  la  mem- 
brane conserve  sa  transparence;  la  chambre  antérieure  de  l'œil  est  étroite,  l'iris  un 
peu  projeté  en  avant.  La  forme  de  la  pupille  est  irrégulière,  le  rebord  pupillaire  est 
adhérent  ou  bien  la  pupille  est  recouverte  d'un  exsudât;  elle  ne  réagit  pas  à  la 
lumière.  Le  cristallin  est  transparent,  un  reflet  blanchâtre  arrive  du  fond  de  l'œil, 
de  sorte  qu'on  peut  apercevoir  à  l'œil  nu,  sans  ophthulmoscope,  sur  la  rétine  décollée, 
de  petits  vaisseaux.  La  rupture  de  l'œil  à  la  suite  de  la  choroïdite  suppurée  d'ori- 
gine méningitique  est  très  rare.  Weeks  décrit  en  un  cas  de  perforation  des  mem- 
branes du  globe  oculaire  par  le  pus.  Dans  ce  cas,  la  perte  oe  la  vue  est  survenue 
trois  semaines  après  le  début  de  la  méningite.  La  choroïdite  suppurée  peut  même 
amener  la  cécité  bilatérale  (Sutphen)  chez  des  enfants  qui  ont  été  atteints  de  méningite. 

Nous  reviendrons  plus  tard  sur  l'importance  que  présente  pour 
le  diagnostic  la  constatation  des  tubercules  de  lu  choroïde  dans  le  cours 
d'une  méningite  basilaire. 

Dans  l'état  actuel  de  la  science,  il  est  impossible  d'expliquer  le  déve- 
loppement de  la  cataracte  à  la  suite  d'une  méningite  simple.  Bock  on 
a  observé  cinq  cas,  et  il  admet  que  la  cataracte  s'est  formée  sous  l'in- 
fluence d'une  affection  du  nerf  optique,  car,  d'après  lui,  les  vais- 
seaux périphériques  de  la  rétine  auraient  une  influence  sur  la  nu- 
trition du  cristallin.  Il  est  plus  rationnel,  à  notre  sens,  d'attribuer  la 
cataracte  à  une  lésion  peu    prononcée  et  passagère  du  tractus  uvéal. 

Le  processus  inflammatoire  du  cerveau  peut  se  propager  aussi,  à 
travers  la  fente  sphenoidale,  au  tissu  rétro-bulbaire  et  provoquer  un 
abcès  de  Vorbite,  accompagné  de  chémosis  (œdème  inflammatoire  de 
la  conjonctive)  et  d'exophthalmie. 

Dans  un  cas  de  Leyden,  le  chémosis  fut  un  des  premiers  symp- 
tômes de   la  méningite. 

d.  Méningite  chronique.  —  Elle  peut  atteindre  la  base  du  cer- 
veau, et  on  constate  alors  un  exsudât  gélatineux  sur  la  base  du 
crâne.  Danscescas,  on  a  observé,  outre  des  troublespsychiques  graves, 
['atrophie  du  nerf  optique.  Les  recherches  anatomo-pathologiques  ont 
l'ail  découvrir  une  inflammation  chronique  de  la  gaine  du  nerf 
optique.  Les  prolongements  que  la  pie-mère  envoie  dans  le  nerf 
optique  sonl  couverts  de  cellules,  qui  compriment  les  faisceaux  du 
nerf  optique.  Dans  la  méningite  chronique  l'inflammation  se  propage 
également  du  cerveau  vers  la  papille  par  l'intermédiaire  do  L'espace 
intervaginal  du  nerf  optique.  La  méningite  chronique  peut  encore 
provoquer  l'atrophie  du  nerf  optique  par  la  compression  du  chiasma 
résultant    des    néo-membranes    du    tissu    lamineux;    on    voit    alors 


AFFECTIONS  DE  LA  SUBSTANCE  CEREBRALE.  79 

des  troubles  oculaires  graves  se  développer  très  rapidement,  en 
quelques  semaines  ou  même  plus  tût.  Dans  un  cas  de  Panas,  l'amau- 
rose  bilatérale  survint  dès  le  quatrième  jour.  Cette  marche  extracr- 
dinairement  rapide  se  manifestant  avec  les  symptômes  d'une  névrite 
optique,  s'expliquerait,  d'après  Panas,  par  une  poussée  aiguë  de  la 
méningite  chronique. 

Dans  d'autres  cas,  moins  fréquents,  la  marche  de  l'affection  du  nerf 
optique  est  lente.  Peu  à  peu  survient  un  rétrécissement  du  champ 
visuel,  et  l'acuité  visuelle  diminue;  dans  la  suite  ces  symptômes  peu- 
vent s'améliorer;  le  processus  peut  même  s'arrêter  complètement. 
L'atrophie  optique  s'accompagne  ordinairement  dans  la  méningite 
chronique  de  la  paralysie  du  facial,  de  celle  des  muscles  de  l'œil,  de 
maux  de  tètes,  de  ralentissement  du  pouls,  de  somnolence. 

Il  est  rare  que  la  méningite  chronique  provoque  une  choroïdite  par 
transmission  de  germes  infectieux.  En  tous  cas  cette  inflammation 
n'entraîne  pas  d'atrophie  du  globe  oculaire.  Les  altérations  de  la 
choroïde  se  manifestent  ordinairement  par  la  formation  de  petites 
exsudations,  quelquefois  situées  dans  la  macula,  et  ayant  l'apparence 
de  plaques  blanchâtres  et  jaunâtres,  ou  bien  par  une  atrophie  par- 
tielle du  pigment  choroïdien.  Cependant,  les  plaques  dont  il  s'agit 
n'ont  rien  de  caractéristique,  comme  le  prétend  Brown. 

3.  AFFECTIONS  DE  LA  SUBSTANCE  CÉRÉBRALE. 

a.  Apoplexie  cérébrale.  —  Nous  avons  déjà  parlé  de  la  dévia- 
tion conjuguée  et  de  la  rotation  de  la  tête  qui  sont  la  conséquence 
d'hémorrhagies  cérébrales,  et  nous  avons  dit  que  les  yeux  se  tour- 
nent dans  la  plupart  des  cas  du  côté  de  l'hémorrhagie. 

La  pupille  ne  présente  rien  de  particulier.  Souvent  les  pupilles  sont 
normales;  parfois  elles  sont  rétrécies  ou  dilatées;  d'autres  fois  elles 
sont  inégales.  La  réaction  pupillaire  est  conservée  tant  que  les  fibres 
servant  au  réflexe  pupillaire  et  leurs  centres  sont  intacts.  Dans  les  cas 
graves,  la  réaction  de  la  pupille  à  la  lumière  est  le  plus  souvent 
affaiblie.  Dans  les  hémorrhagies  des  ventricules  cérébraux,  on  constate 
une  forte  myosis  bilatérale. 

D'après  Gowers,  au  début  de  l'hémorrhagie  cérébrale,  on  observe 
souvent  une  hémiopie  passagère.  La  simultanéité  d'une  hémiopie  per- 
sistante et  de  l'hémiplégie  a  été  observée  à  plusieurs  reprises  (Strum- 
pell).  Malheureusement  les  autopsies  exactes  manquent.  Cependant, 
on  peut  supposer  que  dans  ces  cas  la  lésion  est  localisée  dans  la 
capsule  interne  et  dans  la  couche  optique. 

Comme  conséquence  de  l'apoplexie  cérébrale,  on  peut  également 
observer  une  hémiopie  accompagnée  d'hémiplégie,  d'hômianesthésie 
et  d'aphasie.  Dans  un  cas  de  ce  genre,   Brislowe  a  trouvé  une  lésion 


80  PARTIE  SPECIALE. 

de  la  pailic  postérieure  de  la  couche  optique  et  de  la  capsule  interne, 
lésion  qui  s'était  propagée  à  la  substance  blanche  du  lobe  occipital. 
Dans  l'hémiopie  causée  par  une  hémorrhagie  dans  le  centre  cortical 
de  la  vision,  on  a  souvent  observé  une  amélioration  ultérieure  du 
champ  visuel,  comme  l'ont  vu  Doyne  et  Anderson.  L'hémianopsic  par 
lésion  corticale  est,  en  effet,  la  plus  favorable  au  point  de  vue  du  pro- 
nostic. Il  est  rare  d'observer  une  névrite  optique  à  La  suite  d'apo- 
plexie cérébrale;  toutefois  il  faut  tenir  compte  du  siège  de  l'hémor- 
t'hagie.  On  connaît  maintenant  cinq  autopsies  de  cas  où,  à  la  suite 
d'une  hémorrhagie  cérébrale,  le  sang  s'était  écoulé  en  avant  dans  la 
gaine  du  nerf  optique  et  avait  causé  une  névrite  optique.  Dans  un 
de  ces  cas,  celui  de  Remak,  il  s'agissait  d'une  forte  hémorrhagie 
occupant  les  ganglions  cérébraux;  dans  les  trois  autres  cas,  il  s'agis- 
sait d'une  hémorrhagie  produite  par  la  rupture  d'anévrisines  de 
l'artère  sylvienne.  Le  nerf  optique  et  sa  gaine  étaient  également 
imbibés  de  sang. 

Nous  avons  déjà  parlé  (voir  p.  39)  des  troubles  de  la  vue  survenant 
à  la  suite  d'hémorrhagies  dans  le  pédoncule  cérébral  (paralysie  de 
l'oeulo-moteur  commun,  avec  hémiplégie  croisée). 

Nothnagel  a  observé  chez  des  hémiplégiques,  à  la  suite;  d'hémorrha- 
gie  cérébrale,  des  symptômes  dépendant  d'une  lésion  du  grand  sym- 
pathique :  élévation  de  la  température,  rougeur  de  la  face  du  côté 
paralysé,  rétrécissement  de  la  fente  palpébrale  et  resserrement  de  la 
pupille  du  côté  de  l'hémorrhagie.  Ces  symptômes  sont  généralement 
peu  accentués  et  transitoires,  cependant  ils  peuvent  persister. 

Les  hémorrhagies  à  répétition  dans  la  rétine  et  dans  la  conjonctive 
ont  une  certaine  importance  au  point  de  vue  du  pronostic,  attendu 
que  ces  hémorrhagies  précèdent  souvent  une  apoplexie  cérébrale. 
Comme  nous  l'expliquerons  plus  tard,  l'altération  anatomo-patholo- 
gique  des  parois  des  vaisseaux  rétiniens,  cause  des  hémorrhagies  de 
la  rétine,  peut  être  reconnue  à  l'examen  ophthalmoscopique. 

Ainsi  Etaehlmann  (de  Dorpat)  a  fait  le  premier,  à  l'aide  «le  l'ophthal- 
inoscope,  le  diagnostic  des  anévrysmes  rniliaires  de  la  rétine.  Bouchard 
a,  comme  on  le  sait,  établi  le  rôle  important  que  jouenl  Les  anévrysmes 
rniliaires  dans  l'apoplexie  cérébrale;  il  les  avait  rencontrés,  à  l'au- 
topsie, dans  le  cerveau,  et  Liouville  dans  la  rétine. 

h.  Embolie,  thrombose  des  artères  cérébrales.  —  L'encépha- 
lomalacie  consécutiveà  l'embolie  ou  à  la  thrombose  des  artères  céré- 
brales se  développe,  le  plus  souvent,  dans  les  parties  nourries  par 
l'artère  sylvienne  el  ses  branches. 

Les  foyers  de  ramollissement  >  i  1 1 1  < ;  s  dans  le  centre  cortical  delà 
vision  (hémiopie)  ou  dans  le  centre  de  la  mémoire  des  images,  des 
lettres  (alexie),  sont  moins  fréquents,  à  la  suite  des  embolies,  que 
ceux  du  rentre  de   la  parole   aphasie    el  des    membres  (monoplégie 


AFFECTIONS   DE   LA   SUBSTANCE   CEREBRALE.  81 

corticale).  Une  embolie  d'une  artère  cérébrale  peut  coïncider  avec  une 
embolie  de  l'artère  centrale  de  la  rétine,  appréciable  à  l'ophthalmo- 
scope.  Le  ramollissement  est  assez  rare  dans  la  couche  optique,  la 
bandelette  optique,  le  pédoncule  cérébral  et  le  pont  de  Varole.  Nous 
avons  déjà  décrit,  dans  un  chapitre  antérieur,  les  symptômes  pro- 
duits par  une  lésion  en  foyer  de  ces  parties  du  cerveau. 

Parmi  les  causes  de  ramollissement  cérébral  qui  provoquent  des 
troubles  visuels,  il  faut  surtout  mentionner  les  altérations  syphiliti- 
ques et  athéromateuses  des  artères  cérébrales. 

c.  Encéphalite  suppurée.  —  En  général  un  abcès  du  cerveau, 
comme  toute  autre  lésion  en  foyer,  peut  provoquer  des  troubles  fonc- 
tionnels qui  permettent  d'arriver  à  la  localisation  de  la  lésion.  Ainsi 
on  a  observé  Vhémiopie  dans  des  cas  où  l'abcès  s'était  développé 
dans  le  lobe  occipital  (Struempell,  /.  c,  p.  381).  Comme  on  le  sait, 
on  a  très  souvent  constaté  des  abcès  du  lobe  temporo-sphénoïdal 
à  la  suite  d'une  otite  moyenne.  D'après  Macewen  (de  Glasgow),  on 
voit  parfois,  dans  ces  cas,  survenir,  du  côté  lésé,  une  paralysie  de  la 
troisième  paire,  tandis  que  du  côté  sain  on  note  une  parésie  du  bras 
et  de  la  face.  A  cette  occasion,  et  quoique  ceci  sorte  de  notre  cadre, 
nous  ferons  remarquer  qu'il  est  possible  de  faire  le  diagnostic  d'abcès 
dans  le  lobe  temporo-sphénoïdal.  Dans  ces  cas,  on  observe  parfois 
des  altérations  du  goût  ou  de  l'odorat;  quelquefois  le  malade  croit 
sentir  une  odeur  nauséabonde,  que  les  personnes  qui  l'entourent  ne 
parviennent  pas  à  percevoir  (Hughlings  Jackson). 

Le  diagnostic  du  siège  d'un  abcès  cérébral  est  extrêmement  impor- 
tant, attendu  que  son  ouverture  par  la  trépanation  peut  sauver  le 
malade.  Il  importe,  au  point  de  vue  du  diagnostic  différentiel,  de 
noter  que  la  névrite  optique  est  plus  prononcée  dans  les  cas  de 
tumeurs  cérébrales  que  dans  l'abcès  du  cerveau. 

L'abcès  du  cerveau  peut  aussi  provoquer  seulement  une  névrite 
optique  unilatérale,  et  toujours  du  côté  de  l'abcès.  Greenfield  a 
décrit  un  cas  d'abcès  cérébral  consécutif  à  une  otite  moyenne  :  il 
avait  occasionné  une  paralysie  totale  de  l'oculo-moteur  commun, 
du  pathétique  et  du  trijumeau.  La  trépanation  fut  pratiquée,  et  ces 
paralysies  disparurent. 

d.  Encéphalite  des  enfants.  —  Cette  affection,  qui  a  été  aussi 
décrite  sous  le  nom  de  paralysie  cérébrale  infantile  (hemiplegia  spas- 
tica  infantilis  de  Benedikt),  atteint  le  plus  souvent  les  centres  corticaux 
moteurs  [poliencéphalile  supérieure).  Des  altérations  analogues  s'obser- 
vent aussi,  d'après  quelques  auteurs,  à  la  suite  de  certaines  maladies 
infectieuses  (rougeole,  scarlatine). 

De  Graefe  a  eu  plusieurs  fois  l'occasion  d'observer  la  suppuration 
de  la  cornée  (kératite  névro-paralytique)  au  cours  d'une  encéphalite 
infantile,  surtout  chez  des  enfants  chétifs.  Nous  verrons  plus  tard  que 

6 


82  PARTIE   SPÉCIALE. 

la  même  affection  survient  dans  le  cours  de  maladies  infectieuses 
chez  des  gens  chétifs,  et  nous  traiterons  dans  un  chapitre  ultérieur 
de  la  théorie  de  cette  kératite. 

Ajoutons  encore  qu'on  a  observé  du  nystagmus  avec  contracture  des 
extrémités  pendant  une  encéphalite  infantile  (Zehender). 

11  est  rare  de  voir  la  poliencéphalite  aiguë  primitive  se  compliquer 
d'une  papillite  (névrite  optique).  Pourtant  Parisolti  a  observé  dans 
cette  maladie  un  cas  de  papillite  avec  excroissance  blanchâtre  en 
forme  de  chou-fleur.  A  l'autopsie,  on  a  trouvé  une  hyperémie  géné- 
ralisée du  cerveau  et  des  nerfs  optiques.  Les  tissus  nerveux  étaient 
le  siège  d'une  congestion  hémorrhagique  intense,  avec  exsudation 
périvaseulaire,  migration  des  cellules  embryonnaires  et  formation  de 
vaisseaux  nouveaux. 

e.  Sclérose  en  plaques.  —  Les  plaques  de  sclérose  se  trouvent 
principalement  dans  la  substance  blanche  du  cerveau,  dans  les  parois 
des  ventricules  latéraux  et  dans  le  fornix  ;  des  foyers  nombreux 
s'observent  aussi  dans  le  pont  de  Varole,  mais  ils  sont  moins  nom- 
breux dans  la  moelle  allongée;  ils  sont  très  communs,  au  contraire, 
dans  la  substance  blanche  de  la  moelle  épinière.  Les  données  ana- 
tomo-pathologiques  font  supposer  que  les  troubles  de  la  vision  ne 
sont  pas  rares  dans  cette  maladie,  ce  que,  du  reste,  la  clinique  con- 
firme. Nous  décrirons  les  troubles  oculaires  dus  à  la  sclérose  en 
plaques  dans  le  chapitre  consacré  aux  maladies  de  la  moelle  épi- 
nière. 

f.  Tumeurs  cérébrales.  —  Nous  avons  déjà  parlé  des  symptômes 
produits  par  les  lésions  en  foyers  des  diverses  parties  du  cerveau  en 
rapport  avec  l'organe  de  la  vision,  symptômes  qui  permettent  de 
terminer  le  siège  de  la  lésion  cérébrale.  Il  va  sans  dire  qu'il  est  de 
même  possible  de  déterminer  le  siège  d'une  tumeur  cérébrale,  en  se 
basant  sur  l'abolition  de  certaines  fonctions  du  cerveau. 

On  peut  en  outre  faire  remarquer  qu'au  fur  et  à  mesure  que  s'ac- 
croissent les  tumeurs  cérébrales,  leurs  symptômes  deviennent  de  plus 
en  plus  intenses  et  des  complications  nouvelles  surgissent.  L'examen 
de  l'œil  peut  contribuer  à  déterminer  le  siège  de  la  tumeur,  et  ce 
fait  a  une  importance  considérable  au  point  de  vue  pratique.  Ainsi, 
par  exemple,  dans  les  cas  d'hémianopic  d'origine  corticale  surve- 
nant à  la  suite  d'une  tumeur  du  cerveau,  l'intervention  chirurgicale, 
l'ablation  de  la  tumeur,  est  tout  à  fait  justifiée,  si  l'on  lient  compte 
des  résultats  très  encourageants  obtenus  par  Horceley  (de  Londres) 
dans  la  chirurgie  du  système  nerveux  central. 

Parmi  tous  les  symptômes  des  lésions  en  foyer  du  cerveau,  qui  con- 
tribuent ;'i  faire  diagnostiquer  une  tumeur  et  engagent  à  pratiquer 
l'opération,  il  en  est  un  des  plus  intéressants,  sur  lequel  nous  voulons 
attirer  l'attention  :  les  tumeurs  de  la  partie  postérieure  du  lobule 


AFFECTIONS   DE  LA   SUBSTANCE   CÉRÉBRALE.  83 

pariétal  peuvent  provoquer  la  chute  de  la  paupière  supérieure  du  côté 
opposé  (Landouzy). 

Nous  devons  particulièrement  nous  occuper  des  altérations  que  pro- 
duisent les  tumeurs  cérébrales  dans  le  nerf  optique,  altérations 
décrites  pour  la  première  fois,  en  1860,  par  Schneller  et  Graefe  sous  le 
nom  de  Stauungs-papille  [névrite  optique).  Cependant,  des  recherches 
ultérieures  ont  démontré  que  cette  lésion  n'est  pas  un  signe  pathogno- 
monique  d'une  tumeur  cérébrale  et  quelle  se  rencontre  dans  d'autres 
affections,  dans  celles  de  l'orbite,  par  exemple,  et  particulièrement 
dans  les  tumeurs  orbilaires,  où  la  névrite  optique  est  unilatérale.  On 


Fig.  10    —  Névrite  optique  (image  droite) 

voit,  en  outre,  apparaître  ce  symptôme  consécutivement  à  la  com- 
pression du  nerf  optique  par  des  tumeurs  des  cavités  voisines  du 
nez,  dans  l'hydropisie  des  ventricules  cérébraux,  dans  les  abcès  céré- 
braux, l'apoplexie  cérébrale  (rarement),  les  échinocoques  du  cerveau, 
le  ramollissement,  l'encéphalite  diffuse,  l'œdème  des  méninges,  les 
méningites  tuberculeuse  et  cérébro-spinale,  la  thrombose  du  sinus 
caverneux.  La  névrite  optique  est  encore  un  signe  de  névrite  descen- 
dante dans  les  affections  du  chiasma  et  des  bandelettes  optiques. 
Enfin,  on  l'observe  dans  les  maladies  infectieuses. 

De  même,  on  a  constaté  des  altérations  de  la  papille  optique  dans 
la  maladie  de  Bright  (néphrite),  et  ces  altérations  se  sont  montrées 
analogues  à  celles  de  la  névrite  optique  consécutive  aux  tumeurs 
cérébrales.  A  l'ophthalmoscope,  l'affection  apparaît  sous  l'aspect  sui- 
vant :  la  papille  est  rougeâtre  ou  gris-rougeâtre  et  proéminente  (par 
suite  de  gonflement  œdémateux).  Tout  autour,  la  rétine  est  opaque, 


84  PARTIE  SPÉCIALE. 

ou  bien  recouverte  d'un  voile  œdémateux,  plus  ou  moins  distinctement 
rayé.  Les  contours  de  la  papille  sont  effacés;  ses  artères  sont  nor- 
males ou  bien  rétrécies.  Les  veines,  au  contraire,  sont  dilatées, 
sinueuses,  et  leur  couleur  est  plus  foncée  ;  il  existe  des  hémorrhagies 
longitudinales  ou  irrégulières  dans  la  papille  et  dans  son  pourtour. 

A  l'autopsie,  on  a  trouvé  la  surface  de  la  papille  convexe,  et  proé- 
minente dans  le  corps  vitré.  Les  fibres  nerveuses  amyéliniques  du 
nerf  optique  sont  hypertrophiées,  gonflées  sous  faction  du  sérum  san- 
guin ot  flamprimoiU  les  cylindres-axes  (Axel  Key).  Le  tissu  de  la 
papille  est  infiltré  de  leucocytes  et  de  cellules  granuleuses,  on  y  voit 
de  petites  hémorrhagies,  surtout  autour  des  vaisseaux.  Dans  une 
période  plus  avancée,  on  observe  le  développement  de  tissu  conjonctif 
embryonnaire  entourant  les  fibres  optiques. 

Plusieurs  auteurs  ont  cherché  à  établir  les  symptômes  caractéris- 
tiques de  deux  formes  différentes  de  névrite  optique  :  1°  la  forme 
typique  (Stauungspap'ille) ,  avec  des  manifestations  attribuées  par  de 
Graefe  à,  la  stase  sanguine  dans  la  veine  ophthalmique  par  suite  de 
compression  du  sinus  caverneux;  2°  la  névrite  optique  descendante, 
consécutive  à  des  processus  inflammatoires  cérébraux.  C'est  pour 
cette  dernière  forme  que  Leber  a  proposé  le  nom  de  papillite  ou  de 
papillo-rétinite.  Mais  l'expérience  a  démontré  que  cette  distinction 
n'est  pas  fondée,  attendu  qu'il  y  a  des  cas  où  les  deux  formes  se 
transforment  l'une  dans  l'autre. 

A  un  plus  haut  degré  d'inflammation,  la  papille  se  transforme  en 
une  masse  gris-rougeâtre,  contenant  de  nombreux  vaisseaux  de 
nouvelle  formation;  son  pourtour  est  troublé  par  des  exsudations 
d'un  blanc  grisâtre;  au  lieu  d'un  voile  rayé  rougeâtre  on  constate  dans 
cette  partie  une  opacité  intense.  Par  endroits  les  vaisseaux  sont  cou- 
verts d'exsudats  et,  par  suite,  à  l'examen  ophthalmoscopique  ils  sem- 
blent interrompus.  Plus  tard,  on  observe  des  exsudations  en  forme  de 
plaques,  ou  parfois  des  altérations  en  forme  d'étoile,  comme  dans  la 
rétinite  albuminurique.  C'est  surtout  cette  dernière  forme  qu'on  a 
décrite  sous  le  nom  de  papillo-rétinite,  et  qu'on  voulait  séparer  de 
la  névrite  optique  proprement  dite. 

Pour  vérifier  la  théorie  de  Graefe  sur  le  développement  de  la  névrite 
optique,  Manz  a  fait  chez  des  lapins  des  injections  d'eau  dans  l'espace 
subdural  du  cerveau.  Il  a  trouvé,  en  augmentant  ainsi  la  pression 
intracrànienne,  des  altérations  du  calibre  des  vaisseaux  de  la  rétine  : 
les  veines  se  dilataient  et  présentaient  des  pulsations  vermiculaires. 
Après  une  injection  de  sérum  sanguin,  la  stase  et  f  hypérémie  veineuses 
étaient  plus  prononcées  et  plus  prolongées.  Il  fallait  toujours  répéter 
plusieurs  fois  les  injections  pour  provoquer  un  gonflement  de  la 
papille  et  de  la  partie  voisine  de  la  rétine. 

Schmidt  et  Manz  admettent  que,  par  suite  d'augmentation  de  la  près- 


AFFECTIONS   DE   LA   SUBSTANCE   CÉRÉBRALE.  85 

sion  intracrânienne,  le  liquide  cérébro  rachidien  pénètre  dans  l'espace 
intervaginal  du  nerf  optique,  qui,  d'après  Schwalbe,  communique  avec 
l'espace  subdural  du  cerveau.  Ce  liquide  {hydrops  vaginx  nervi  optici) 
comprimerait  les  vaisseaux  du  nerf  optique. 

Fuerslner  admet  l'explication  de  Manz  et  se  base  pour  cela  sur  l'au- 
topsie  d'un  cas  de  névrite  optique,  où  il  a  trouvé  une  dilatation  sacci- 
forme  de  l'espace  Lntervaginal  du  nerf  optique  (hydropisie  vagino- 
optique),  et  un  œdème  du  tronc  du  nerf  optique,  outre  la  prolifé- 
ration des  cellules  étoilées  de  la  névroglie  et  une  infiltration  de  la 
gaine  du  nerf  optique  (péri-névrite  optique). 

Parinaud  et  Ulrich  pensent,  au  contraire,  que  l'œdème  du  nerf 
optique,  cause  principale  de  la  névrite  optique  (Stauungspapille),  ré- 
sulte d'une  propagation  du  processus  intracrânien  vers  le  nerf  opti- 
que.  La   dégénérescence  du  nerf  commencerait  en  effet,  d'après  ces 


Fig.  II.  —  Névrite  optique  (coupe  sagittal'-  . 

auteurs,  par  la  couche  périphérique.  Les  fibres  centrales  (axiales)  ne 
sont  atteintes  qu'au  moment  où  apparaît  l'atrophie  du  nerf  optique. 
C'est  ce  qui  explique  pourquoi  dans  la  névrite  optique  la  vision  cen- 
trale est  conservée  pendant  si  longtemps. 

Lorsque  l'œdème  des  gaines  du  nerf  optique  est  peu  prononcé,  la 
névrite  optique  n'apparaît  pas  et  à  sa  place  on  observe  une  atrophie 
progressive  du  nerf  optique. 

Les  récentes  recherches  de  Deutschmann  ne  confirment  pas  non 
plus  l'hypothèse  qui  attribue  à  la  stase  sanguine  la  névrite  optique 
consécutive  à  des  tumeurs  cérébrales.  En  effet,  il  fait  observer  que 
si  on  pratique,  dans  l'espace  subdural,  une  injection  sous  une  pres- 
sion assez  forte,  pour  que  les  veines  rétiniennes,  sous  l'influence  de 
l'augmentation  de  la  tension  intracrânienne,  deviennentsinueuses,  elles 
reviennent  à  leur  état  normal  au  bout  de  quelques  minutes  ou  de 
deux  ou  trois  heures.  Si,  au  contraire,  on  injecte  des  germes  infectieux 
{êtaphylococcus  pyogenes  aureus),  on  observe  le  type  de  la  névrite 
optique.  Il  s'agit  donc  d'un  processus  inflammatoire  infectieux  et  non 
d'une  compression  mécanique  du  nerf  optique. 

D'après  Deutschmann,  l'augmentation  de  la  tension  intracrânienne 
ne  jouerait  qu'un  rôle  secondaire  dans  le  développement  de  la  névrite 


8G  PARTIE   SPÉCIALE. 

optique  :  elle  aide  à  faire  progresser  les  germes  infectieux,  immigrés 
dans  le  cerveau  (abcès  cérébral)  vers  la  gaine  du  nerf  optique.  Dans 
les  cas  de  tumeur  cérébrale,  où  il  n'y  a  pas  de  germes  infectieux, 
ce  sont,  d'après  l'auteur,  les  produits  sécrétés  par  les  tumeurs,  qui 
doivent  à  leur  composition  chimique  des  propriétés  irritantes;  grâce 
à  l'augmentation  de  la  tension  intracrànienne,  ils  atteignent  la  gaine 
du  nerf  optique  et  provoquent  l'inflammation  du  nerf. 

Si  la  théorie  mécanique  de  la  névrite  optique  était  vraie,  cette 
affection  se  développerait  indépendamment  du  siège  de  la  tumeur. 
Si,  au  contraire,  la  névrite  optique  est  due  à  une  névrite  descen- 
dante, son  apparition  rapide  ou  tardive  dépend  du  siège  de  la  tumeur. 

Dans  40  cas  de  tumeurs  cérébrales,  W.  Edmonds  et  Lawford  ont 
vu  le  nerf  optique  enflammé  dans  toute  sa  longueur.  Ils  ont  analysé 
96  cas  d'autopsies  des  tumeurs  cérébrales  décrits  par  divers  auteurs, 
et  ils  ont  constaté  que  la  névrite  optique  était  indiquée  dans  80  p.  100 
des  cas  de  tumeurs  de  la  base  du  crâne,  des  ganglions  cérébraux,  et 
du  cervelet,  et  seulement  dans  40  p.  100  des  cas  de  tumeurs  de 
l'écorce  cérébrale. 

L'absence  de  névrite  optique  dans  les  tumeurs  de  la  base  du  crâne 
est  certainement  très  rare.  Dans  un  cas  tout  â  fait  exceptionnel  décrit 
par  Hutchinson,  le  fond  de  L'œil  était  normal  quoiqu'une  tumeur  céré- 
brale existât  depuis  quatre  à  cinq  mois. 

Au  début  de  la  névrite  optique,  la  fonction  de  la  rétine  est  peu 
troublée,  ou  bien  normale,  de  sorte  que  ce  n'est  qu'en  examinant  l'œil 
à  l'ophthalmoscope  que  l'on  constate  l'altération  du  nerf.  Dans 
quelques  cas,  les  malades  se  plaignent  de  sensations  lumineuses 
subjectives.  Knapp  a  remarqué  que  le  diamètre  du  punctum  caecum 
était  agrandi,  ce  qui  s'accorde  avec  les  résultais  îles  recherches 
d'anatomie  pathologique  prouvant  une  périnévrite  optique. 

En  effet,  nous  savons  que  les  faisceaux  périphériques  du  nerf  optique 
situés  sous  le  périnèvre  se  terminent  dans  la  partie  postérieure  de  la 
rétine  tout  près  de  la  papille.  Knapp  a  constaté  en  outre  des  lacunes 
en  forme  de  secteur  dans  le  champ  visuel.  Une  troisième  catégorie 
de  troubles  de  la  vue  dans  les  cas  de  névrite  optique  consiste  dans 
l'affaiblissement  de  l'acuité  visuelle  cause  par  des  altérations  de  la 
macula. 

Le  développement  de  la  névrite  optique  peut  être  lent  ou  rapide. 
Presque  toujours,  d'après  Oppenheimer,  le  gonllement  de  la  papille  est 
précédé  de  l'apparition  sur  un  œil,  et  ensuite  sur  l'autre,  de  symp- 
tômes inflammatoires  qui,  lentement  ou  rapidement,  sont  suivis  du 
gonflement. 

Dans  les  cas,  d'ailleurs  très  rares,  de  tumeurs  cérébrales  sans 
névrite  optique,  les  symptômes  d'augmentation  île  la  tension  intra- 
crànienne manquent  également,  d'après  Oppenheimer,  et  ce  sont  seu- 


TROUBLES  OCULAIRES   DANS  LES   MALADIES   MENTALES.  87 

lemcnt  les  symptômes  d'une  lésion  en  foyer  qu'on  peut  observer, 
c'est-à-dire  la  perte  d'une  fonction,  dont  le  centre  et  le  trajet  ner- 
veux sont  détruits  par  la  tumeur.  L'augmentation  de  la  tension 
intracrânienne  favoriserait  donc,  selon  cet  auteur,  le  développement 
de  la  névrite  optique. 

L'acuité  visuelle  peut  rester  normale  pendant  longtemps  malgré 
la  présence  d'une  névrite  optique  (cinq  mois  dans  le  cas  de  Schiess- 
Gemuseus,  V  =1),  pour  disparaître  complètement  à  l'apparition  de 
l'atrophie  optique.  On  constate  ensuite  que  les  vaisseaux  sont  peu 
sinueux,  que  la  papille  est  d'une  coloration  blanc-jaunâtre,  que  ses 
contours  restent  assez  bien  accusés  pour  qu'on  puisse  reconnaître  à 
l'ophthalmoscope  l'atrophie  qui  se  développe  à  la  suite  d'une  névrite 
optique. 

Quant  à  la  valeur  de  la  névrite  elle-même  au  point  de  vue  du 
diagnostic,  il  faut  reconnaître  que  si  cette  affection  est  accompagnée 
d'autres  symptômes  de  tumeur  cérébrale,  elle  contribue  pour  beau- 
coup à  la  confirmation  du  diagnostic,  attendu  que  la  statistique  a 
démontré  sa  rareté  relative  dans  d'autres  processus  pathologiques  du 
cerveau.  Oppenheimer  a,  dans  son  nouveau  travail  (1890),  encore 
rehaussé  son  importance.  Cependant  il  faut  se  rappeler  que,  dans 
quelques  cas  de  tumeur  cérébrale,  la  névrite  optique  n'apparaît  qu'à 
la  dernière  période  de  la  maladie;  son  absence  ne  prouve  donc  pas 
qu'il  faille  écarter  l'idée  d'une  tumeur  cérébrale. 

4.    TROUBLES   OCULAIRES  DANS   LES   MALADIES   MENTALES. 

a.  Paralysie  générale.  —  La  pupille  des  paralytiques  pré- 
sente toute  une  série  d'anomalies  et  sa  forme  même  s'écarte  très 
souvent  de  la  normale  :  elle  est  irrégulière,  quelquefois  triangulaire 
ou  quadrangulaire  (Salgo).  Quant  à  sa  largeur  elle  peut  également 
varier  selon  l'état  du  système  nerveux  central. 

L'inégalité  des  pupilles  est  certainement  très  fréquente  chez  les 
paralytiques,  et  jadis  on  attribuait  à  ce  symptôme,  qui  est  un  des 
plus  précoces  de  la  paralysie  générale,  une  importance  considérable; 
mais  il  se  rencontre  aussi  dans  d'autres  affections  du  système  ner- 
veux, par  exemple  dans  la  syphilis  cérébrale  et  le  tabès  dorsal  (Charcot). 

La  statistique  a  donné  des  résultats  très  divers  sur  la  fréquence  de 
l'inégalité  des  pupilles  dans  la  paralysie  générale  et  dans  d'autres 
maladies  mentales.  Sur  100  cas  d'aliénation  mentale,  Nasse  t'a 
trouvée  04  fois,  Wernicke  24,  Castiglione  75.  L'inégalité  des  pupilles 
peut  aussi  bien  accompagner  la  myosis  bilatérale,  que  la  mydriase 
bilatérale  ;  d'autres  fois  il  y  a  myosis  d'un  côté  et  mydriase  de  l'autre. 

Les  anomalies  de  la  réaction  pupillaire  ont  une  plus  grande  impor- 
tance au  point  devue  du  diagnostic  de  la  paralysie  générale  que  l'iné- 


88  PARTIE  SPÉCIALE. 

galité  des  pupilles  :  Moeli,  sur  500  cas  de  paralysie  générale,  a  ren- 
contré l'absence  de  réaction  lumineuse  dans  la  proportion  de  47  p.  100. 
D'après  Buccola,  la  dilatation  pupillaire  à  la  suite  d'excitation  des 
nerfs  sensitifs  apparaît  plus  tard  qu'à  l'état  normal  chez  les  paraly- 
tiques. Elle  ferait  complètement  défaut  dans  les  cas  où  le  réflexe 
lumineux  est  aboli  (Moeli),  mais  ce  fait  est  contesté  par  certains 
auteurs. 

La  paralysie  de  l'accommodation  n'a  été  constatée  par  Moeli  que 
dans  1  1/2  p.  100  des  cas.  Il  semblerait  que  ce  chiffre  soit  au-dessous  de 
la  réalité,  attendu  que  l'examen  précis  de  l'amplitude  de  l'accommo 
dation  est  difficile  à  faire  chez  des  paralytiques.  Le  symptôme 
d'Argyll  Robertson,  c'est-à-dire  l'absence  de  réaction  lumineuse  de  la 
pupille,  qui  se  contracte  pendant  l'accommodation,  a  aussi  une  impor- 
tance beaucoup  plus  considérable  que  l'inégalité  pupillaire  au  point 
de  vue  du  diagnostic.  Ce  symptôme  apparaît  plutôt  que  le  symp- 
tôme de  Westphal  et  se  rencontre  aussi  dans  le  tabès  dorsal.  Il  est 
rare  dans  d'autres  affections  du  système  nerveux  central.  Parmi  les 
cas  d'absence  de  réflexe  lumineux  que  Moeli  a  pu  réunir,  il  n'y  en 
avait  que  14  p.  100  qui  fussent  consécutifs  à  une  autre  affection  que 
le  tabès  dorsal  ou  la  paralysie  générale.  Il  a  trouvé  le  symptôme 
d'Argyll  Robertson  dans  huit  cas  de  syphilis  cérébrale  accompagnée 
d'autres  symptômes,  par  exemple  de  paralysie  de  l'oculo-moteur  com- 
mun et  des  extrémités.  Chez  les  alcooliques  il  ne  l'a  rencontré  que 
quatre  fois  et,  dans  trois  cas,  il  n'a  été  que  transitoire.  UhthofT  a 
trouvé  le  symptôme  d'Argyll  Robertson  dans  un  cas  d'empoisonnement 
par  le  sulfure  de  carbone.  Thomson  et  Siemerling,  qui  eux  aussi  fai- 
saient des  recherches  sur  la  fréquence  du  symptôme  d'Argyll  Robertson 
dans  la  paralysie  générale,  affirment  également  sa  haute  importance 
au  point  de  vue  du  diagnostic  de  cette  affection. 

Quant  aux  troubles  fonctionnels  du  nerf  optique  et  de  la  rétine 
chez  les  paralytiques,  ils  sont  peu  connus,  et  cela  s'explique  par  les 
difficultés  que  l'on  rencontre  pour  examiner  le  fonctionnement  de 
l'œil  chez  ces  malades.  Cependant  on  a  constaté  à  l'ophthalmoscope 
l'atrophie  du  nerf  optique  surtout  dans  le  cas  où  la  paralysie  générale 
était  compliquée  de  tabès  dorsal. 

Uhthoff  a  rencontré  Vatrophie optique  treize  fois  sur  trente-deux  cas 
de  paralysie  générale.  Albutt  affirme  que  l'atrophie  est  très  fréquente; 
d'après  lui  une  altération  du  fond  de  l'œil  serait  la  règle  dans  la  para- 
lysie générale.  Sur  un  total  de  cinquante-trois  cas,  il  n'a  trouvé  le 
fond  de  1  œil  normal  que  cinq  fois. 

Tout  comme  dans  le  tabès  dorsal,  l'examen  anatomique  ne  fait 
découvrir  aucune  continuité  entre  l'altération  du  nerf  optique  et  celle 
du  système  nerveux  central.  D'après  les  recherches  anatomiques  de 
Westphal  etLcber,  l'atrophie  du  nerf  optique  débute  dans  sa  portion  ré- 


TROUBLES  OCULAIRES   DANS  LES   MALADIES   MENTALES.  83 

trobulbaire  et  frappe  d'abord  les  fibres  périphériques.  Le  processus 
clinique  commence,  d'après  Albutt,  par  une  irritation  et  une  légère 
rougeur  de  la  papille  optique.  Dans  la  période  d'hypérémie  la  pupille 
serait  le  plus  souvent  rétrécie,  mais  quand  l'atrophie  se  manifeste, 
elle  se  dilate  au  contraire. 

Klein  a  décrit  une  altération  particulière  du  fond  de  l'œil  chez  les 
paralytiques  :  les  vaisseaux  rétiniens  présentent  alternativement 
des  dilatations  et  des  rétrécissements  ;  les  contours  de  la  papille 
optique  sont  recouverts  par  un  voile  léger.  Klein  attribua  cette  alté- 
ration de  la  rétine  à  un  processus  inflammatoire,  et  il  l'a  décrite  sous 
le  nom  de  rétinite  paralytique. 

Uhthoff  a  confirmé  l'existence  de  cette  rétinite  chez  les  paralytiques. 
Sur  trente-deux  paralytiques  il  l'a  trouvée  douze  fois  accompagnée 
d'hypérémie  de  la  papille,  et  six  fois  d'une  légère  névrite  optique. 
On  n'a  pas  observé  de  diminution  de  l'acuité  visuelle  centrale  chez 
les  malades  atteints  de  la  rétinite  paralytique. 

Chez  des  paralytiques  quelques  troubles  fonctionnels  de  l'œil 
doivent  probablement  être  attribués  à  des  altérations  de  l'écorce 
cérébrale.  C'est  à  cette  cause  qu'il  faut  attribuer  la  cécité  de  l'âme, 
dont  nous  avons  déjà  parlé  (p.  27). 

Charcota  le  mérite  d'avoir  attiré  l'attention  sur  l'importance  consi- 
dérable, au  point  de  vue  du  diagnostic,  du  scotome  scintillant,  qui, 
chez  les  paralytiques,  est  probablement  d'origine  corticale.  Ce 
symptôme  est  un  des  premiers  accidents  congestifs  de  la  paralysie 
générale. 

Les  attaques  de  congestion  cérébrale,  les  accès  épileptiformes,  la 
perte  de  connaissance,  l'aphasie  transitoire  qui  surviennent  dans  la 
paralysie  générale,  peuvent  dans  quelques  cas  être  précédés  d'accès 
de  migraine  ophthalmique.  Les  scotomes  scintillants  se  montrent 
plusieurs  années  avant  l'apparition  des  symptômes  de  la  paralysie 
générale,  comme  l'a  observé  aussi  Parinaud. 

La  ■perception  subjective  de  couleurs  n'est  pas  rare  chez  des  paralyti- 
ques pas  plus  que  chez  d'autres  aliénés. 

En  nous  fondant  sur  les  observations  faites  par  des  aliénistes,  qui 
ont  noté,  par  exemple,  que  leurs  malades  ont  vu  le  ciel  en  couleur 
rouge  sang,  nous  avons  exprimé  l'avis,  en  1885,  que  Yérythropsie 
n'est  probablement  pas  rare  chez  des  aliénés  et  peut  être  la  cause 
d'un  crime.  Plus  tard,  en  1889,  Ladame  (de  Genève)  a  décrit  chez  un 
paralytique  un  cas  non  douteux  d'érythropsie,  qui  fut  un  des  symptô- 
mesprodromaux  de  la  maladie  mentale.  La  paralysie  générale  s'affirma 
bientôt  par  l'hésitation  de  la  parole,  l'obtusion  de  l'intelligence,  le 
tremblement  des  lèvres  et  des  mains,  des  changements  dans  les 
habitudes. 

Baillarger  a  un  des  premiers   décrit  les   hallucinations  de  la   vue 


90  PARTIE   SPÉCIALE. 

dans  la  paralysie  générale.  Cependant,  ce  phénomène  est  assez  rare. 
Ces  hallucinations  sont  en  rapport  avec  le  délire.  Il  arrive  souvent 
aux  malades  de  voir  tous  les  objets  d'une  teinte  uniforme  :  le  noir 
pour  les  lypémaniques,  le  blanc  ou  l'or  pour  les  excités  et  les 
ambitieux. 

11  faut  encore  mentionner  la  paralysie  des  muscles  des  yeux,  qui 
est  quelquefois  un  des  premiers  symptômes  de  la  paralysie  générale. 
Cette  paralysie  qu'on  observe  est  passagère  et  ne  diffère  en  rien  de 
celle  des  muscles  dans  le  tabès  dorsal  et  sur  laquelle  nous  reviendrons. 

b.  Manie.  —  Les  intéressantes  recherches  d'Albutt  ont  démontré 
la  fréquence  des  troubles  de  la  circulation  sanguine  du  fond  de  l'œil 
dans  la  manie  et  dans  d'autres  maladies  mentales.  Ces  anomalies  de 
la  circulation  sanguine  sont  analogues  à  celles  que  d'après  les  faits 
cliniques  on  suppose  atteindre  les  vaisseaux  de  l'écorce  cérébrale  dans 
diverses  psychopathies. 

Sur  cinquante  cas  de  manie,  Albutt  a  pu  vingt-cinq  fois  constater 
des  altérations  appréciables  du  fond  de  l'œil,  notamment  de  l'anémie 
de  la  papille  optique  qui  apparaît  pendant  les  accès  de  manie  par 
suite  de  spasmes  des  vaisseaux.  Quelques  jours  après  l'accès,  Albutt 
observa  au  contraire  une  forte  congestion  de  la  papille,  très  probable- 
ment due  à  une  dilatation  paralytique  des  vaisseaux.  D'après  l'auteur, 
des  altérations  persistantes  se  produiraient  parfois  dans  les  vaisseaux 
du  fond  de  l'œil  et  entraîneraient  l'atrophie  du  nerf  optique. 

c.  Mélancolie.  —  Dans  la  mélancolie,  d'après  Albutt,  l'anémie  des 
aisseaux  centraux  de  la  rétine  est  fréquente.  Nous  avons  eu  l'occasion 

de  la  constater  à  l'examen  ophthalmoscopique  chez  des  malades  de 
la  clinique  de  psychiatrie  de  Meynert  (de  Vienne).  S'il  survient  des 
altérations  graves  très  prononcées  dans  la  rétine  et  le  nerf  optique, 
il  faut,  d'après  Albutt,  admettre  la  présence  d'altérations  analogues 
dans  le  cerveau.  Dans  quelques  cas  de  mélancolie  nous  a\<ins  observé 
des  altérations  du  fond  de  l'œil  semblables  à  celles  produites  par 
L'anémie,  altérations  bien  explicables  par  le  fait  que  la  nutrition  est 
défectueuse  chez  les  mélancoliques. 

d.  Démence.  —  Sur  trente-huit  cas  de  démence  consécutive  à 
des  maladies  mentales,  Albutt  a  trouvé  vingt-trois  fois.  à  l'examen 
ophthalmoscopique,  des  altérations  du  nerf  optique  ou  de  la  rétine, 
semblables  à  celles  de  la  manie  et  de  la  mélancolie. 

Dans  la  démence  aiguë,  il  n'a  rencontré  aucune  altération  de  fond 
de  l'œil. 

5.  TROUBLES  DELA  VUE  CHEZ  LES  DÉGÉNÉRÉS. 

u.  Idiotie.  —  Api'"-  avoir  parle  des  altérations  de  l'organe  de  la 
vue  chez  les  aliénés,  il  nous  semble  très  intéressant  de  nous  occuper 


TROUBLES  DE  LA  VUE  CHEZ  LES  DÉGÉNÉRÉS.  91 

des  anomalies  de  l'organe  de  la  vision  qui  accompagnent  le  dévelop- 
pement congénital  défectueux  du  cerveau  ou  en  sont  la  conséquence, 
et  se  manifestent  parfois  par  un  fonctionnement  anormal  de  l'appareil 
de  la  vision. 

Puisque  l'idiotie  est  assez  souvent  accompagnée  d'un  vice  de  con- 
formation du  crâne,  les  anomalies  congénitales  du  nerf  optique  chez 
quelques  idiots  doivent  être  probablement  attribuées  en  partie  aux 
anomalies  osseuses. 

Schleich,  qui  a  examiné  les  yeux  de  156  idiots,  a  trouvé  que  les  vices 
de  conformation  du  fond  de  l'œil  se  rencontrent  presque  exclu- 
sivement chez  des  microcéphales.  C'est  à  la  même  cause  (vice  de 
conformation  du  crâne)  que  nous  attribuons  les  cinq  cas  d'atrophie 
du  nerf  optique  et  le  cas  d'atrophie  partielle  qu'Albutt  a  trouvés  en 
examinant  les  idiots,  ses  observations  ayant  porté  sur  douze  sujets. 
Olivier  examina  vingt  idiots  et  n'a  rencontré  aucune  anomalie  du  fond 
de  l'œil. 

D'après  Guibert  seulement,  les  cas  les  plus  graves  d'idiotie  (micro- 
céphalie)  sont  accompagnés  de  vices  de  conformation  de  l'œil 
(microphtalmie,  cataracte  congénitale,  aniridie,  ptosis  congénital.) 

Le  même  auteur  a  constaté  des  altérations  du  fond  de  l'œil  :  névrite 
optique  vsurtout  chez  les  hydrocéphales)  ;  atrophie  du  nerf  optique 
consécutive  le  plus  souvent  à  la  méningite;  puis  des  cas  encore  assez 
fréquents  d'amblyopie  à  la  suite  des  lésions  cérébrales  les  plus  graves 
(kyste,  porencéphalie,  sclérose,  etc.). 

Nous  croyons  cependant  que  si  on  est  arrivé  à  des  résultats  si  divers 
relativement  à  la  fréquence  des  altérations  du  fond  de  l'œil  chez  les 
aliénés  et  les  dégénérés,  cela  tient  à  ce  que  les  différents  auteurs  n'ont 
pas  employé  la  même  méthode  d'examen  ophthalmoscopique. 

En  variant  l'intensité  de  l'éclairage  dans  l'examen  ophthalmosco- 
pique, on  peut  observer  chez  les  mêmes  individus  des  nuances  très 
différentes  de  la  couleur  de  la  papille  optique  :  c'est  à  cette  cause  que 
doit  quelquefois  être  attribuée  la  prétendue  hypérémie  ou  l'anémie 
du  fond  de  l'œil,  sans  compter  que  la  coloration  de  la  papille  normale 
est  assez  variable.  Il  serait  à  désirer  que  de  nouvelles  recherches 
fussent  entreprises  surl'étatdu  fond  de  l'œil  chez  les  aliénés.  L'examen 
de  la  réfraction  chez  les  idiots  accuse,  d'après  Schleich,  presque 
exclusivement  l'hypermétropie.  Le  strabisme  est  d'une  fréquence 
frappante. 

L'acuité  visuelle  par  le  fait  de  l'hypermétropie  presque  générale,  la 
fréquence  des  taies,  l'absence  de  vision  binoculaire  chez  les  strabiques 
et  les  malades  atteints  d'insuffisance  est,  d'après  Guibert,  le  plus 
souvent  diminuée.  Les  imbéciles  en  plus  grand  nombre  que  les  idiots 
ont  l'acuité  ^normale.  La  perception  des  couleurs,  le  champ  visuel,  VVUu£*c& 
n'ont  rien  de  particulier  chez  les  imbéciles,  ce  n'est  que  chez  les  idiots 


02  PARTIE   SPÉCIALE. 

que  la  perception  dos  couleurs  est  imparfaite,  imperfection  qui  dispa- 
raît plus  tard  par  l'éducation  (Guibert). 

D'après  Guibert,  les  lésions  que  nous  venons  d'indiquer  sont  plus 
fréquentes  chez  les  idiots  que  chez  les  imbéciles.  Cet  auteur  n'a  pas 
rencontré  de  cas  de  rélinite  pigmentaire,  et  pourtant  le  plus  souvent, 
dans  les  cliniques,  on  constata  qu'elle  coïncide  avec  un  certain  degré 
de  faiblesse  intellectuelle. 

b.  Organe  de  la  vue  des  criminels.  —  C'est  avec  raison  qu'on 
a  recherché  en  France  si  les  criminels  n'étaient  pas  des  dégénérés 
ayant  acquis  souvent  par  hérédité  leur  infirmité  morale  et  présentant 
aussi  très  souvent  des  symptômes  de  dégénérescence  du  corps.  Les 
études  anthropomorphiques  des  criminels  faites  à  l'instigation  de 
Téminent  Dr  Bertillon  (de  Paris)  ont  montré  combien  l'idée  était  fondée. 
Aussi  devait-on  être  amené  à  rechercher  s'il  était  possible  de  constater 
dans  l'organe  de  la  vision,  dont  le  développement  embryologique  est 
si  intimement  lié  avec  celui  du  cerveau,  des  symptômes  de  dégénéres- 
cence. 

Ottolengi  examina  le  champ  visuel  de  criminels  et  trouva  un  rétré- 
cissement concentrique  irrégulier  pour  le  blanc  et  les  couleurs. 
La  forme  du  champ  visuel  présenta  des  dépressions  dans  divers 
secteurs.  Nous  ne  discuterons  pas  les  conclusions  de  l'auteur,  qui 
prétend  que  ce  rétrécissement  asymétrique  du  champ  visuel  (la 
vision  centrale  étant  normale  et  le  résultat  ophthalmoscopique 
négatif)  doit  être  attribué  à  une  anomalie  de  la  fonction  du  centre 
cortical  de  la  vision. 

Remarquons  que  les  partisans  des  idées  de  Bertillon  attribuent 
aussi  une  grande  importance  aux  vices  de  conformation  du  pavillon 
de  l'oreille,  du  crâne,  du  nez,  des  dents,  qu'on  peut  constater  chez 
des  criminels.  Le  rétrécissement  du  champ  visuel  des  criminels  est 
probablement  dû  à  un  développement  défectueux  de  la  partie  péri- 
phérique de  la  rétine.  Gradenigo,  qui  examina  l'organe  de  l'ouïe  de 
cent  cinquante  criminels,  trouva  souvent  une  diminution  de  l'acuité 
auditive,  ce  qu'il  faut  attribuer  plutôt  à  un  état  de  dégénérescence 
qu'à  des  processus  inflammatoires.  Cependant,  d'après  cet  auteur, 
le  degré  de  diminution  de  l'acuité  auditive  n'est  pas  en  raport  avec 
le  degré  des  troubles  fonctionnels  des  autres  sens,  par  exemple  du 
toucher,  du  goût,  de  l'odorat,  troubles  fonctionnels  qu'on  a  d'ailleurs 
constaté  très  fréquemment  chez  des  criminels. 

Chez  ces  individus,  d'après  E.  Moravsik  l'inégalité  des  pupilles 
serait  d'une  fréquence  remarquable.  Sur  3(>5  cas,  il  l'a  rencontrée 
99  fois.  Il  est  possible  qu'il  faut  attribuer  quelques-uns  de  ces  cas  à 
une  affection  du  système  nerveux  central.  Dans  son  mémoire, 
E.  Moravsik  est  arrivé  à  cette  conclusion  qu'il  y  a  chez  des  criminels, 
sans  que  le  système  nerveux  soit  atteint,  et  sans  influence  des  agents 


TROUBLES  OCULAIRES   DANS  L'HYDROCÉPHALIE.  A3 

toxiques  (alcool,  nicotine),  des   troubles   fonctionnels   tels  que  L'iné- 
galité des  pupilles,  le  tremblement  de  la  langue  et  des  mains. 

G.  TROUBLES  OCULAIRES  DANS  L'ilYDROCÉI'IIALIE. 

a.  Hydrocéphalie  des  enfants.  —  Dans  l'hydrocéphalie  pri- 
mitive des  enfants,  les  orbites  sont  enfoncées  sous  la  saillie  des  os  fron- 
taux. Les  yeux,  d'après  Strùmpell  (loc.  cit.,  p.  418),  sont  le  plus  sou- 
vent dirigés  en  bas,  grâce  à  une  innervation  insuffisante  des 
muscles  des  yeux  et  aussi  à  la  forme  irrégulière  de  l'orbite.  Parmi 
les  organes  des  sens,  c'est  l'œil  qui  est  le  plus  souvent  atteint. 
L'espace  intervaginal  du  nerf  optique  est  dilaté;  et  en  effet  à  l'examen 
ophthalmoscopique  on  observe  une  névrite  optique  assez  peu  pro- 
noncée, avec  absence  du  pouls  veineux  de  la  rétine,  ou  bien  une 
atrophie  du  nerf  optique,  avec  rétrécissement  des  artères  et  dilatation 
des  veines.  Les  troubles  fonctionnels  qui  en  résultent  sont  l'amblyo- 
pie  ou  la  cécité  absolue.  Les  deux  yeux  ne  sont  pas  frappés  au  même 
degré  :  il  se  peut  que  l'un  soit  atteint  d'amblyopie,  l'autre  d'amaurose. 
Dans  certains  cas  on  a  vu  l'amblyopie  accompagnée  de  rétrécissement 
concentrique  du  champ  visuel,  ce  qu'on  a  voulu  attribuer  à  une  alté- 
ration des  faisceaux  périphériques  du  nerf  optique. 

b.  Hydrocéphalie  des  adultes.  —  On  constate  les  mêmes  altéra- 
tions à  l'examen  ophthalmoscopique  que  dans  l'hydrocéphalie  des 
enfants.  L'amaurose  doit  être  attribuée  en  partie  à  la  dégénérescence 
du  nerf  optique  consécutive  à  la  névrite,  mais  surtout  à  la  dilatation 
très  prononcée  du  diverticulum  de  Michel  situé  dans  le  chiasma, 
dilatation  qui  entraîne  la  compression  des  fibres  optiques. 

Les  cas  d'hydrocéphalie  interne,  qui  se  présentent  avec  les 
symptômes  d'une  névrite  optique  et  d'écoulement  continuel  du  liquide 
cérébro-spinal  par  les  fosses  nasales,  sont  très  intéressants.  Pristley- 
Smith  (de  Birmingham)  a  le  premier  observé  ce  dernier  symptôme, 
chez  un  malade  qui  avait  en  même  temps  des  polypes  nasaux. 
D'après  lui,  ces  polypes  avaient  produit  l'inflammation  des  sinus  sphé- 
noïdaux  et  des  cellules  ethmoïdales,  d'où  l'écoulement  de  liquide. 
D'après  nous,  cette  opinion  est  inexacte,  attendu  que  les  symptômes 
d'inflammation  des  sinus  sphénoïdaux  et  des  cellules  ethmoïdales 
sont  tout  à  fait  différents  de  ceux  observés  par  l'auteur. 

En  dehors  des  cas  observés  par  Smith,  nous  connaissons  d'autres 
cas  analogues  observés  par  Bristowe,  Elliotson,  Nettleship,  Leber, 
Nothnagel,  Emrys-Jones.  Dans  un  cas  dont  nous  devons  l'observation 
à  Leber,  le  liquide  fut  examiné  au  point  de  vue  chimique  parDollens, 
et  son  identité  avec  le  liquide  cérébro-spinal  a  été  démontrée. 
L'écoulement  continu  peut  se  produire  par  une  narine  ou  par  les 
deux  ;   la  quantité  de  liquide  rendue  dans  les  vingt-quatre  heures 


94  PARTIE   SPÉCIALE. 

peut  dépasser  un  litre  et  demi.  Dans  tous  les  cas  l'affection  frappa  des 
jeunes  gens;  elle  débuta  sans  qu'on  pût  invoquer  aucune  influence 
extérieure,  avec  des  symptômes  d'augmentation  de  pression  intra- 
crânienne,  des  maux  de  tète,  des  vertiges,  de  la  faiblesse  motrice, 
mais  très  rarement  des  crampes;  en  outre  l'acuité  visuelle  peut 
diminuer  jusqu'à  amener  la  cécité  complète.  L'examen  du  fond  de 
l'œil  montre  qu'il  existe  dé  l'atrophie  du  nerf  optique  consécutive  à  la 
névrite  optique.  Cette  atrophie  ne  se  développe  pas  simultanément  et, 
avec  la  même  rapidité  dans  les  deux  yeux.  Ainsi,  dans  le  cas  de 
Leber,  l'œil  droit  était  atteint  d'amaurose,  tandis  que  de  l'œil  gauche 
le  malade  pouvait  compter  les  doigts  à  12  mètres.  Au  début,  le 
champ  visuel  était  d'une  étendue  normale  du  côté  nasal,  mais  très 
rétréci  du  côté  temporal,  phénomène  qu'on  pourrait  attribuer  à  une 
lésion  des  fibres  optiques  voisines  du  diverticulum  de  Michel. 

Aussitôt  qu'apparaît  l'écoulement  du  liquide  cérébro-spinal  par  le 
nez  on  voit  cesser  les  symptômes  d'augmentation  de  pression  intra- 
crànienne  (maux  de  tête,  vertige,  etc.).  L'écoulement  peut  continuer 
pendant  des  années,  comme  dans  le  cas  d'Emrys-Jones,  qui  l'observa 
pendant  douze  ans  par  la  même  narine.  Dans  ce  cas,  l'atrophie  du 
nerf  optique  était  plus  développée  du  côté  de  l'écoulement  du  liquide 
que  de  l'autre.  Dans  un  seul  cas  de  Pristley-Smith,  l'écoulement  s'est 
produit  tantôt  d'un  côté,  tantôt  de  l'autre.  Chez  un  malade  de  Nothna- 
gel,  le  liquide  s'écoulait  aussi  par  le  cul-de-sac  de  la  conjonctive. 
La  communication  s'était  probablement  établie  par  l'espace  supra- 
vaginal  du  nerf  optique,  la  capsule  de  Tenon  et  les  lymphatiques 
antérieurs  de  l'œil.  Si  l'écoulement  s'interrompt  pendant  longtemps, 
tous  les  symptômes  d'augmentation  de  pression  intra-crànienne 
réapparaissent  (somnolence,  vertiges,  etc.).  Dans  les  cas  de  Nettleship 
et  de  Leber,  on  observa  l'anosmie  ;  dans  celui  de  ISettleship  des 
palpitations  du  cœur;  dans  celui  de  Baxtor  de  l'hypertrophie  de  la 
glande  thyroïde. 

L'explication  de  ces  phénomènes  devint  possible  le  jour  où  Leber 
a  remarqué  le  premierl'apparition  d'une  déformation  hydrocéphalique 
du  crâne,   se    manifestant  par  la  proéminence  appréciable  du  front. 

L'opinion  de  Pristley-Smith  qui  attribue  ces  symptômes  à  une 
lésion  des  sinus  sphénoïdaux  et  des  cellules  ethmoïdales  est  fausse, 
attendu  que  dans  l'autopsie  qui  fut  faite  du  sujet  observé  par  Baxtor, 
ces  cavités  pneumatiques  étaient  intactes  ;  on  ne  constata  qu'une 
hypérostose  des  us  du  crâne.  Baxtor  suppose  qu'une  affection  chro- 
nique quelconque  des  sinus  sphénoïdaux  ou  de  la  région  voisine  de 
l'ethmoïde  peut  provoquer  ces  symptômes  par  la  propagation  du 
processus  inflammatoire  vers  le  chiasma  et  les  parties  voisines  du 
cerveau.  Morel  Mackenzie,  qui  a  examiné  un  des  malades  de  Pristley- 
Smith  pendant   L'interruption  de  l'écoulement  du  liquide  rachidien, 


TROUBLES  OCULAIRES    DANS   L'HYDROCÉPHALIE.  95 

admit  que  la  rhinorrhée  était  le  symptôme  réflexe  d'une  névrite 
optique.  D'une  communication  particulière  qui  nous  a  été  faite,  il 
résulte  que  Smith  s'est  rangé  à  l'opinion  de  Leber,  qui  attribue  ce 
processus  à  l'hydrocéphalie  interne.  Leber  se  base  sur  ce  fait  que, 
dans  un  cas  observé  par  Quincke,  un  kyste  du  cervelet  adhérent  au 
plexus  choroïdal  avait  provoqué  les  mêmes  symptômes  d'augmenta- 
tion de  pression  intracrànienne  (ano^jftie,  crampes,  parésie  motrice 
et  névrite  optique).  Dans  le  cas  de  Nothnagel,  une  tumeur  des  tuber- 
cules quadrijumeaux  était  accompagnée  d'hydrocéphalie  interne  et 
d'écoulement   de  liquide  cérébro-spinal  par  le  nez. 

Leber  croit  que  l'écoulement  se  produit  par  de  petits  trous  des  parois 
supérieures  du  sinus  sphénoïdal  et  des  cellules  ethmoïdales,  ouver- 
tures qui  se  forment  par  suite  de  l'augmentation  de  la  pression  intra- 
crànienne. En  1886,  j'ai  exprimé  l'avis  que  sous  l'influence  de  la 
pression  intracrànienne,  les  gaines  lymphatiques,  qui,  d'après  les 
recherches  d'Axel  Key  et  de  Retzius,  entourent  les  nerfs  olfactifs 
subissent  une  dilatation;  ces  gaines  communiquent  avec  l'espace 
subdural  du  cerveau  et  se  terminent  à  la  surface  de  la  muqueuse 
nasale.  C'est  la  dilatation  de  ces  gaines  lymphatiques  qui  facilite 
l'écoulement  du  liquide  cérébro-spinal  par  le  nez,  et  qui  provoque 
l'anosmie  par  l'atrophie  des  nerfs  olfactifs  se  développant  sous  l'in- 
fluence de  pression.  En  effet,  dans  le  cas  de  Nothnagel  l'examen 
anatomique  a  confirmé  l'exactitude  de  mon  explication. 

BIBLIOGRAPHIE. 

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Anémie  du  cerveau.  —  Jacobson,  loc.  cit.,  p.  14.  —  Knoll,  Wiener  Sitzber.,  1886. 

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Neurolog.  Centralbl.,  1888,  p.  125. 

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la  méningite  avec  l'ophthalmoseope.  Gaz.  méd.  de  Paris,  1866,  n°J  1,  3,  6,  8,  11,  28,  33.  — Foerster, 
loc.  cit..  p.  105.  —  Jacobson,  hic.  cit.,  p.  74,  113,  125.  —  Weeks,  Centralbl.  f.  Augenh.,  1885,  p.  129. 

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Encéphalite  si  pplrée.  —  Macewen  (de  Glasgow).  Semaine  médicale,  1889,  n°  36.  —  Michel,  Traité, 

p.  630.  —  Gieenfield,  Brit.  med.  Journ.,  18*7,  12  février. 
Encéphalite  de?  enfants.  —  De  Graefe,  Arch.  f.  Ophthalm.  1886,  XII.  2,  p.  250. 
Sclérose  en  plaques.  —  Charcot,  Leçons,  1874.  —  (Voir  aussi  :  Maladies  de  la  moelle  épinière). 
Tumeurs  cérébrales.  —   Schneller,  Arch.  f.  Ophthalm.,  t.  III,  f.  I,  p.  70.  —  De  Graefe,  Ibidem,  f.  II, 

p.  58.  —  Alan:,  Deutsches  Arch.  f.  klin.  Medizin,  1871,  p.  183.  — Abadie,  Névrite  optique  svmpto- 

matique  de>  tumeurs  cérébrales,   1880.  —  Pagenstecher,  Ophth.  Hosp.  Rep.,  VII,  2  novembre  1871. 

—  /.  Hutchinson  fils,  Ophthalm.  Hosp.  Rep.,  1889,  janvier.  —  H.  Jackson,  Ibidem,  1871.  p.  251. 

—  Schmidl,  Arch.  f.  Ophthalm.,  t.  XV,  f.  2,  p.  193.  —  Ulrich,  Soc.  d'ophthalm.  de  Heidelberg, 
1886.  —  Arch.  f.  Augenheilk.,  XVIII,  3.  —  Fuerstner,  Berlin  klin.  Woch.,  1889,  n°  8.  — 
Deutschmann.  Lober  Neuritis  optica,  besonders  die  sogenannte  Stauungspapille,  etc.  Jena,  1887.  — 
W.  Edmond»  et  J.-B.  Lawford.  Ophthalmic  Review,  1887,  mai.  —  Oppenheim,  Arch.  f.  Psvch., 
t.  XXL  XXII. 


9.6  PARTIE   SPÉCIALE. 

Maladies  mentales.  —  Albutt,  Med.  Times  and  Gaz.,  1868,  May  0,  16,  30,  June  13,  July  18,  Aug.  1.  — 
On  tlie  use  of  t lie  ophthalmoscope  iu  diseases  of  Uie  nervous  System.  London,  1871.  —  W'estphal, 
Arch.  f.  Psych.  I,  1.  —  Focrster,  loc.  cit.,  p.  130,  127.  —  Mocli,  Berl.  Ges.  f.  Psychiatrie,  1885, 
15  juillet.  —  Duccola,  Revista  sperimcntale  di  frenialrice  e  di  medirina  légale,  XI,  f.  1,  1885.  — 
Salgo,  C.entralbl.  f.  Nervenbeilk.,  1886,  octobre, —  Ladame,  Congrès  de  psychiatrie  de  Paris,  1880. 

Idiotisme.  —  Schleich,  Klin.  Monatsbl.  f.  Augenh.,  1888.  octobre.  —  Oliver,  C/i.-A.  The  eye  of  tlie 
adulte  imbécile.  Trans.  of  the  Americ.  Ophthalm.  Soc.,  1887,  21  juillet.  —  Guibert,  La  vision  chez  les 
idiots  et  les  imbéciles.  Paris,  18'12. 

CniMiNELs.  —  E.  Moravsik,  Gyosgyaszal,  1801,  n°  2.  —  Gradenigo,  G.  Compt.  rend,  de  l'Académie  de 
médecine  de  Turin,  1800,  0  juin.  —  Oltolenghi,  Ibidem.  20  juin  1890. 

Hydhockfhalie.  —  Berger  et  Ti/rman,  Kr;mkheiten  d.  Keilbeiuhohle  u.  des  Siebbeialabyrintb.es,  1886, 
p.  4t.  —  Emrys  Jones,  Ophthalmic  Review,  1888,  avril.  —  Nolhnagel,  Wicucr  Mediz.  Blaetter, 
18 88,  nos  6  et  8. 


B.  -  TROUBLES  OCULAIRES  DANS  LES  MALADIES  DE  LA  MOELLE 

ALLONGÉE. 

1.    PARALYSIE  LABIO-GLOSSO-LARYNGÉE. 

Celte  maladie  est  aujourd'hui  ordinairement  réunie  à  la  sclérose 
latérale  amyotrophique,  qui  en  réalité  n'est  que  le  commencement  ou 
la  fin  de  cette  maladie.  On  désigne  ces  deux  affections  sous  le  nom  de 
maladie  de  Charcot. 

Il  existe  également  une  grande  analogie  entre  la  paralysie  labio- 
glosso  -laryngée  et  l'atrophie  progressive  musculaire  (Struempell)  : 
dans  les  deux  affections  les  centres  moteurs  et  trophiques  sont  atteints. 

Dans  la  paralysie  labio-glosso-laryngée  les  noyaux  gris  inférieurs 
du  bulbe  sont  seuls  lésés;  par  conséquent  on  ne  constate  la  paralysie 
des  muscles  de  l'œil,  que  dans  les  cas  où  le  processus  pathologique 
s'est  propagé  vers  la  partie  supérieure  du  plancher  du  quatrième 
ventricule.  11  en  résulte  du  ptosis  et  du  strabisme. 

Dans  la  paralysie  du  facial  d'origine  bulbaire,  l'oculo-facial  reste 
généralement  intact.  Cependant,  dans  des  cas  rares,  le  facial  tout 
entier  est  pris.  Parfois  on  observe  également  une  paralysie  du  nerf 
oculo-moteur  commun,  dont  le  noyau  d'origine,  comme  nous  l'avons 
déjà  décrit,  se  trouve  en  rapport  avec  le  noyau  de  l'oculo-facial. 

Il  semblerait  que  la  paralysie  de  l'oculo-moteur  externe  soit  relati- 
vement plus  fréquente  dans  la  paralysie  labio-glosso-laryngée  que 
celle  de  l'oculo-moteur  commun.  Des  autopsies  ont  aussi  montré  les 
lésions  de  roculo-moteur  externe.  Ainsi  dans  un  cas  de  Hunn  on  a 
constaté  l'atrophie  unilatérale  de  l'oculo-moteur  externe.  Guinon  et 
Parmentier  décrivent  un  cas  de  paralysie  de  tous  les  muscles  extrin- 
sèques de  l'œil  (ophthalmoplégie  externe),  combinée  à  la  paralysie 
labio-glosso-laryngée. 

Erb  observa  un  cas  de  paralysie  labio-glosso-laryngée,  où,  en  dehors 
de  la  difficulté  des  mouvements  de  la  langue  et  de  la  déglutition, 
de  l'affaiblissement  des  muscles  cervicaux  (nerf  accessoire  de  Willis) 
et  de  la  parésie  des  muscles  masticateurs  (partie  motrice  du  triju- 


PARALYSIE   BULBAIRE   ANTÉRIEURE.  91 

meau)  ;  on  a  encore  constaté  le  i>t<>sis.  Quelquefois  on  observe  une 
atrophie  bilatérale  des  nerfs  optiques  en  même  temps  que  la  paralysie 
des  nerfs  oculo-moteur  externe  et  facial. 

2.  TROUBLES  OCULAIRES  DANS  LES  LÉSIONS  BULBO-MÉDULLAIRES  SE  MANIFES- 
TANT PAR  LA  TUERMO-ANESTIIÉSIE,  L'ANALGÉSIE,  DES  TROUBLES  SUDORAUX 
ET  VASO-MOTEURS  (GRASSET). 

Une  affection  bulbo-médullaire  produit  un  ensemble  de  symptô- 
mes,  qui  ont  été  décrits  par  Grasset.  Dans  le  cas  qu'il  a  observé  ces 
symptômes  consistaient  en  thermo-anesthésie  unilatérale  absolue  du 
côté  droit  et  en  analgésie  prononcée  (le  sens  du  toucher  et  la  pression 
étaient  conservés).  Dans  ce  cas  cet  auteur  a  constaté  une  augmen- 
tation de  la  sécrétion  sudorale  et  de  la  température  du  côté  droit; 
en  outre,  il  existait  del'hémiparésie  droite  et  de  laparésie  du  facial  du 
côté  gauche  ainsi  que  de  l'immobilité  des  pupilles.  Le  sens  du  goût 
manquait  du  côté  gauche  de  la  langue.  Grasset  attribue  cette  affection 
à  une  lésion  de  la  moelle  allongée  (glio-sarcome,  myélite),  et  spécia- 
lement de  la  substance  grise  latérale  postérieure. 

Chez  un  homme  âgé  de  vingt-cinq  ans,  la  maladie  commença  brus- 
quement par  une  forte  douleur  de  la  joue  gauche,  suivie  bientôt  de 
vomissement,  d'éblouissement,  de  diplopie  et  de  parésie  de  la  jambe 
gauche.  Un  an  plus  tard,  survint  un  nouvel  accès,  qui  se  répéta 
pendant  trois  années  consécutives  ;  le  quatrième  accès  survint  trois  ans 
après  le  troisième  et  fut  bientôt  suivi  d'un  cinquième.  Chaque  accès 
donnait  toujours  lieu  à  des  symptômes  graves.  Il  s'agissait  probable- 
ment de  poussées,  d'envahissement  de  la  moelle  allongée  par  la 
gliomatose. 

3.    PARALYSIE    BULBAIRE    ANTÉRIEURE    (SUPÉRIEURE).    OPHTHALMOPLÉGIE 

PROGRESSIVE. 

L'ophthalmoplégie  progressive  est  caractérisée,  comme  nous  l'avons 
déjà  dit,  par  la  lésion  des  noyaux  des  nerfs  oculo-moteur  commun, 
oculo-moteur  externe  et  pathétique.  L'ophthalmoplégie  externe  (para- 
lysie des  muscles  extrinsèques),  et  Vopththalmoplégic  interne  (muscles 
intrinsèques),  sont  chacune  pour  sa  part  causées  par  une  affection 
nucléaire.  L'ophthalmoplégie  totale  peut  être  ou  non  d'origine 
nucléaire. 

Dans  l'ophthalmoplégie  progressive  on  observe  un  affaiblissement 
lent  et  symétrique  des  mouvements  de  l'œil  dans  toutes  les  direc- 
tions. Avant  que  la  paralysie  nucléaire  ne  soit  complètement  éta- 
blie les  mouvements  volontaires  des  yeux  sont  encore  possibles  sous 
l'influence  de  la  volonté  (Mauthner).  Les  symptômes  de  parésie  des 

7 


98  PARTIE   SPECIALE. 

muscles  de  l'œil  sont  plus  prononcés  le  soir  que  le  matin.  Si  la 
paralysie  nucléaire  est  ancienne,  la  diplopie  peut  manquer  dans 
beaucoup  de  cas.  Quand  l'ophthalmoplégie  progressive  s'est  complète- 
ment développée,  on  observe  l'immobilité  du  globe  oculaire  et  le 
ptosis  qui,  sans  être  complet,  est  assez  prononcé. 

On  rencontre  également  à  la  suite  de  la  paralysie  nucléaire  ancienne 
une  dégénérescence  des  muscles  de  l'œil.  Westphal  a  vu  un  sujet  dont 
les  muscles  avaient  un  aspect  jaune  :  les  faisceaux  musculaires  avaient 
subi  une  dégénérescence  graisseuse. 

Haab  divise  les  symptômes  de  l'ophthalmoplégie  progressive  en 
deux  groupes  :  1°  la  paralysie  atteint  l'oculo-moteur  externe,  le  pathé- 
tique et  l'oculo-moteur  commun  (excepté  les  muscles  intrinsèques  de 
l'œil);  2°  d'autres  fois  on  constate  une  ophthalmoplégie  totale,  à  la- 
quelle s'ajoute  la  paralysie  du  trijumeau  et  de  l'hypoglosse;  en  d'autres 
termes,  l'ophthalmoplégie  progressive  est  suivie  de  paralysie  labio- 
glosso-laryngée. 

L'ophthalmoplégie  peut  être  aiguë,  subaiguë  ou  chronique.  Les  deux 
premières  formes  sont  accompagnées  de  somnolence  et  de  faiblesse 
musculaire,  et  peuvent  se  terminer  par  la  mort. 

Examinons  les  symptômes  des  différentes  formes  d'ophthalmo- 
plégie  (poliencéphalite  inférieure). 

I.  —   POLIENCÉPHALITE   INFÉRIEURE  AIGUË 
a.    l'OLIEXCÉPIIALITE   INFÉRIEURE   AIGUË    HÉMORRHAGIQUE. 

Cette  forme  peut  être  consécutive  au  traumatisme.  Dans  quelques 
cas  de  tabès  dorsal,  la  paralysie  nucléaire  des  muscles  de  l'œil  est 
probablement  d'origine  hémorrbagique  (Michel).  Le  pronostic  de  la 
forme  hémorrhagique  de  la  poliencéphalite  inférieure  n'est  pas  encore 
suffisamment  connu.  Nous  avons  déjà  attiré  l'attention  sur  le  rapport 
entre  la  paralysie  nucléaire  aiguë  hémorrhagique  et  l'atrophie  du  nerf 
optique  (voir  p.  ~2<>    dans  le  cas  de  Pellesohn. 

Dans  des  cas  de  poliencéphalite  inférieure  hémorrhagique,  on  cons- 
tata à  l'autopsie  que  la  substance  grise  des  ventricules  cérébraux 
était  d'une  coloration  rougeàlre  avec  de  petites  extravasations. 

Alamême  affection  appartiennent (Mauthner)  les  variétés  suivantes  : 

a.  Nona.  —  C'est  la  maladie  du  sommeil,  affection  qui  est  accom- 
pagnée de  ptosis  et  de  somnolence  el  qui  esl  mortelle  dans  la  plus 
grande  majorité  «les  ras. 

b.  Poliencéphalite  inférieure  aiguë.  — Celle  forme  toxique,  due 
à  l'abus  de  l'alcool  et  se  manifestanl  pardes  cauchemars,  esl  probable- 
ment causée,  d'après  Mauthner,  par  la  paralysie  passagère  de  la 
substance  grise  initiale  des  ventricules. 


'tW  VLi*à4ft.j*éiu  hiMfadfi  tfjl: 


POLIENCEPIIALITE  AIGLE   INFECTIEUSE.  99 

Les  symptômes  de  cette  maladie  sont  les  mêmes  que  ceux  des 
autres  formes  de  poliencéphalite  inférieure,  mais  on  observe  en  outre 
qu'elle  se  complique  souvent  de  névrite  optique. 

Ifauthner  insiste  sur  ce  l'ait  que  toutes  les  maladies  du  système 
nerveux  accompagnées  de  lésions  graves  de  la  substance  grise  cen- 
trale des  ventricules  cérébraux  sont  caractérisées  par  la  somnolence. 
Là-dessus,  il  base  sa  théorie  du  sommeil  physiologique,  qui  serait 
d'après  lui  la  conséquence  d'une  interruption  temporaire  du  courant 
nerveux  dans  ces  centres. 

En  effet,  le  sommeil  commence  par  une  lourdeur  des  paupières 
supérieures  qui  tendent  à  tomber,  et  par  l'apparition  de  diplopie 
Donders).  Des  autopsies  de  sujets  morts  de  la  maladie  du  sommeil 
ont,  en  elï'et,  prouvé  qu'il  existe  des  altérations  anatomo-pathologi- 
ques  dans  les  parties  du  système  nerveux  dont  la  lésion,  d'après 
Mauthner,  provoquerait  la  somnolence. 

[à.    POLIENCÉPHALITE    AIGLE    INFECTIEUSE. 

A.  cette  forme  appartient  la  paralysie  nucléaire  des  muscles  de  l'œil 
■  consécutive  à  la  diphthérie  (Mendelj  et  à  Yinfluenza. 

Uhthoff  a  décrit  un  cas  de  paralysie  de  l'accommodation  dans  la 
convalescence  de  l'influenza  où  le  malade  présenta  les  symptômes  de 
poliencéphalite  inférieure  (cycloplégie  nucléaire),  La  guérison  survint 
trois  semaines  après  le  début  de  la  maladie.  Deux  autres  cas  de  para- 
lysie du  muscle  de  l'accommodatiun  consécutive  à  l'influenza,  observés 
par  Uhthoff,  doivent,  au  contraire,  être  attribués  à  la  paralysie  péri- 
phérique toxique  (ptomaïnes   de  ce  muscle. 

Goldtlam  a  publié  deux  observations  très  instructives  de  paralysie 
nucléaire  consécutive  à  l'influenza  : 

I.  Un  médecin  âgé  de  soixante  ans  a  été  atteint,  peu  de  temps  après  une  attaque 
diiiQuenza,  de  chute  de  la  paupière  gauche  et  de  diplopie;  huit  jours  après,  on  vit 
apparaître  la  chute  de  la  paupière  droite,  de  la  faihlesse  dans  les  jambes,  et  des 
convulsions  dans  la  station.  Il  avait  eu  un  chancre  à  l'âge  de  vingt  ans  et  des  atta- 
que- d'épilepsie  pendant  ses  études  universitaires.  A  l'examen  Goldfiam  constata  un 
ptosis  bilatéral  complet;  les  globes  oculaires  étaient  presque  immobiles,  les  pupilles 
contractées  arec  conservation  de  la  réaction  lumineuse  et  accommodât ive  ;  l'acuité 
visuelle  était  bonne  de  loin  et  de  près.  Peu  à  peu  apparut  une  roideur  des  doigts 
de  la  main  gauche  avec  une  paralysie  passagère  des  extenseurs  du  bras,  suivie 
bientôt  de  paralysie  des  fléchisseurs  de  la  main  droite;  le  triceps  brachial  s'atrophia, 
les  muscles  delà  partie  inférieure  de  la  moitié  gauche  de  la  face  perdirent  leur  force. 
Ces  symptômes  indiquent  qu'il  existait  une  lésion  des  cornes  antérieures  de  la  subs- 
tance grise  de  la  moelle  épinière  cervicale,  ainsi  que  des  noyaux  du  plancher  du 
i  ventricule.  Bientôt  survinrent  la  parésie  des  mouvements  des  lèvres,  la  ditiïcult»'' 
de  la  prononciation,  l'irrégularité  du  pouls,  et,  enfin,  la  difficulté  de  la  déglutition 
et  la  mort. 

II.  Dans  la  2me  observation  de  Goldflam,  il  s'agissait  d'une  femme  âgée  de 
tr.-nte  ans,  qui  sans  cause  apparente  fut  prise  de  douleurs  de  la  nuque,  suivies 
bientôt  de  ptosis,  de  diplopie,  de  paralysie  des  extrémités  supérieures  et  inférieures, 


dOO  PARTIE  SPÉCIALE. 

«le  troubles  de  la  parole  et  de  la  déglutition, de  dyspnée;  le  pouls  devint  petit  et 
accéléré,  il  apparut  des  frissons,  et  enfin  des  symptômes  bulbaires  et  de  la  salivation. 
La  dyspnée  était  si  prononcée,  qu'on  s'attendait  à  uuc  terminaison  fatale.  Petit  à 
petit  cependant  ce  symptôme  diminua  et  la  déglutition  devint  plus  facile.  La  ma- 
lade guérit  et  accoucha  bientôt  après. 


II.  —  POLIENCÉPHALITE  INFÉRIEURE   SUB-AIGUE  ET  CHRONIQUE. 

Nous  allons  examiner  les  différentes  formes  sous  lesquelles  cette 
affection  se  présente.  Malheureusement  les  recherches  anatomo-patho- 
logiques  sont  peu  avancées,  de  sorte  que  nous  ne  nous  baserons  que 
sur  les  manifestations  cliniques.  Dans  notre  groupement  systématique 
nous  tiendrons  surtout  compte  des  travaux  de  Mauthner. 

a.    MALADIE    DES   NÈGRES.    NÉLANANE. 

Sous  ce  nom  on  désigne  une  maladie  qui  règne  parmi  les  nègres 
du  Sénégal  et  qui  produit  de  la  somnolence,  de  la  faiblesse  muscu- 
laire, de  l'amaigrissement,  de  l'apathie,  de  l'abattement,  de  la  para- 
lysie des  muscles  de  l'œil,  et  qui  se  termine  après  deux  ou  trois  mois 
par  la  mort. 

p.    MALADIE   DE   GAYET. 

Sous  ce  nom  Mauthner  désigne  une  maladie  décrite  par  Gayet,  et 
qui  est  caractérisée  par  de  la  somnolence,  du  ptosis,  de  la  paralysie 
des  autres  muscles  extrinsèques  de  l'œil  animés  par  l'oculo -moteur 
commun.  On  observe  de  l'apathie,  de  l'affaiblissement  musculaire  et 
de  la  somnolence,  sans  troubles  de  la  motilité,  ni  de  la  sensibilité.  Le 
malade  de  Gayet  est  mort  cinq  mois  après  le  début  de  la  maladie; 
à   l'autopsie,  on  trouva  une  poliencéphalite  inférieure. 

La  maladie  de  Gayet,  d'après  Mauthner,  est  probablement  identique 
à  la  nélanane.  Sa  longue  durée  dans  le  cas  de  Gayet  doit  être  attribuée 
vraisemblablement  à  ce  qu'on  nourrissait  le  malade  pendant  L'inter- 
ruption de  la  somnolence,  ce  que  probablement  on  ne  fait  pas  aussi 
consciencieusement  au  Sénégal. 

y.   MALADIE    DE    GEHL1ER.   VERTIGE    PARALYSANT. 

Cette  affection,  suivant  l'excellent  travail  de  Haltenhoff  (de  Genève), 
ivj;ne  surtout  dans  plusieurs  villages  de  la  Suisse  et  atteint  prin- 
cipalement la  population  masculine  et  pauvre.  L'accès  apparaît  le 
|p|u^  souvent  dans  l'après-midi  et  se  eaiarh'rise  par  :  a.  la  parésie 
frappant  principalement  Les  extenseurs;  b.  la  douleur  de  la  nuque; 
c.  les  troubles  oculaires,  dont  un  des  premiers  est  le  ptosis. 


EMBOLIE   ET  THROMBOSE   DE   L  ARTÈRE  BASILAIRE.  101 

Le  début  des  accès  est  si  brusque  que  les  malades  tombent  comme 
foudroyés.  La  durée  d'une  attaque  est  de  dix  minutes  environ.  Dans 
l'intervalle,  les  malades  se  sentent  bien.  L'affection  est  épidémique  ; 
ses  causes  sont  encore  inconnues;  elle  se  termine  toujours  par  la  gué- 
rison. 

O.    POLIENCÉPHALITE   INFÉRIEURE    SYPHILITIQUE. 

Cette  affection  doit  être  attribuée  à  une  endartérite  syphilitique.  Il 
s  agit  d'un  processus  amenant  la  dégénérescence  par  oblitération  totale 
ou  partielle  des  branches  de  l'artère  basilaire  consécutivement  à  une 
endartérite  syphilitique;  c'est  ce  qui  explique  que  les  troubles  fonc- 
tionnels ne  correspondent  nullement  à  des  lésions  d'un  groupe  ana- 
tomique  des  noyaux  des  muscles  de  l'œil.  Ce  qui  est  caractéristique, 
c'est  que  la  lésion  des  noyaux  est  discontinue  et  n'a  aucun  rapport 
avec  le  schéma  de  Kahler  et  Pick  (voir  p.  32).  Nous  reviendrons 
encore  sur  cette  importante  forme  de  poliencéphalite  inférieure  en 
parlant  des  troubles  oculaires  consécutifs  à  la  syphilis. 

£.     POLIENCÉPHALITE    INFÉRIEURE    CONSÉCUTIVE    A    l'ÉPENDYMITE     CHRONIQUE. 

L'épendymite  proliférante  chronique  des  ventricules  cérébraux  se 
termine  par  la  sclérose  et  la  dégénérescence  des  noyaux  des  nerfs 
moteurs  de  l'œil  ;  elle  se  manifeste  cliniquement  par  la  paralysie  des 
muscles  oculaires.  On  observe  des  paralysies  nucléaires  des  muscles 
de  l'œil,  consécutives  à  l'épendymite.  surtout  dans  le  tabès  dorsal 
et  dans  la  paralysie  générale. 

4.    APOPLEXIE   BULBAIRE. 

Dans  la  partie  générale  de  notre  ouvrage,  nous  avons  déjà  dit  que 
si  la  lésion  du  facial  est  localisée  dans  la  partie  supérieure  de  la 
moelle  allongée,  il  en  résulte  une  hémiplégie  homonyme  du  facial 
et  des  extrémités.  Si  la  lésion  atteint  le  nerf  avant  son  entre-croise- 
ment dans  le  bulbe,  il  en  résulte  une  paralysie  croisée  de  la  face  et  des 
extrémités.  Le  même  fait  se  reproduit,  quoique  plus  rarement,  avec 
d'autres  nerfs  bulbaires.  Ainsi  la  paralysie  des  extrémités  peut  être 
croisée  par  rapport  à  la  paralysie  unilatérale  de  la  langue  et  de  l'oculo- 
moteur  externe. 

5.    EMBOLIE   ET  THROMBOSE    DE    L'ARTÈRE   BASILAIRE. 

Les  symptômes  sont  les  mêmes  que  ceux  de  l'apoplexie  bulbaire. 
La  paralysie  des  extrémités  peut  être  bilatérale;  mais  elle  ne  frappe 


102  PARTIE   SPÉCIALE. 

le  plus  souvent  qu'un  seul  côté,  et  alors  l'hémiplégie  est  alterne  p:u' 
rapport  à  la  paralysie  des  muscles  de  l'oeil  et  du  facial.  En  général 
l'embolie  et  la  thrombose  de  l'artère  basilaire  ont  pour  cause  l'artéri te 
syphilitique  ou  la  dégénérescence  athéromateuse. 

6.    THROMBOSE   DE   L'ARTÈRE    VERTÉBRALE. 

Nous  en  citerons  un  exemple  emprunté  à  (ioklscheider.  Ce  cas  est  le 
type  de  lésion  bulbaire,  compliquée  de  symptômes  oculaires  surve- 
nant à  la  suite  de  thrombose  de  l'artère  vertébrale. 

Goldscheider  a  observé,  dans  son  cas  de  paralysie  bulbaire  com- 
pliquée de  dysarthrie,  la  difficulté  de  la  déglutition,  la  paralysie 
faciale,  la  diplopie,  avec  suppression  des  mouvements  latéraux  des 
yeux,  et  l'hémiplégie  droite  accompagnée  de  parésie  de  la  jambc- 
gauche.  La  sensibilité  de  la  peau  du  membre  supérieur  droit  était 
intacte,  tandis  que  les  mouvements  passifs  effectués  par  le  malade 
dans  diverses  articulations  passaient  inaperçus  pour  lui.  Du  côté 
gauche,  la  sensibilité  des  tissus  superficiels  et  profonds  n'était  pas 
altérée.  L'autopsie  fil  découvrir  une  thrombose  de  l'artère  vertébrale 
gauche. 

BIBLIOGRAPHIE. 

Mauthner,  Die  nuelciiren  Augenmuskellachmungi'ii.  Wiesbaden.  1888.  —  Dufour,  Annales  d'oculis- 
tique,  1890,  mars,  avril.  —  Str&mpell,  Traité,  p.  293,  295.  —  Guinon  et  Parmentier,  Nouvel  k 
Iconographie  de  la  Salpètrière,  1890,  n°  5,  septembre,  octobre.  —  Michel,  Lehrbuch  d.  Augenheilk. 
p.  629.  —  Peltesohn,  Centralbl.  f.  Augenheilk.,  1886,  p.  107.  —  HaUenhoff,  Rec.  d'Ophthalm., 
1889,  juillet.  —  Mauthner.  Wiener  Mediz.  Wochenschr..  1890,  n"  23.  —  Grasset,  Leçons  sur  le 
syndrome  bulbo-médullaire  constitué  par  la  thermo-anesthésie,  L'analgésie  et  les  troubles  Bndoraux 
ou  vaso-moteurs  (substance  grise  latéro-postérieure).  Montpellier,  1890.  —  Goldflam,  Medycjna, 
1891,  n05  7  à  9  (polonais).  —  Goldscheider,  Muskelsinnstuerungen  bei  BulbarafTectionen.  Zeitscbr, 
f.  klin.  Medizin. 


C.  —  TROUBLES  OCULAIRES  DANS  LES  AFFECTIONS  DE  LA  MOELLE 

ÉPINIÊRE. 

\.   MÉNINGITE  RACIIIDIE.WK. 

Dans  la  méningite  de  la  partie  inférieure  de  la  portion  cervicale  et 
de  la  partie  supérieure  de  la  portion  dorsale  de  la  moelle  épinière  on 
observe,  comme  le  faisaient  prévoir  les  expériences  physiologiques, 
des  altérations  des  pupilles  (mydriase)  dues  à  l'irritation  des  fibres 
oculo-pupillaires  qui  se  détachent  de  cette  partie  de  la  moelle  épi- 
nière. On  observe  également  la  mydriase  et  pour  le  même  motif,  au 
début  du  mal  de  Pott  cervical. 

Cette  mydriase  spinale  spasmodique  est  provoquée  par  une  péri- 
névrite,  ou  névrite  des  fibres  oculo-pupillaires,  qui  les  frappe  à  leur 
sortie  de  la  moelle  épinière  consécutivement  à  la  lepto-méningite  ou 
à  la  pachy-méningile. 


TRAUMATISME    DE  LA   MOELLE   ÉPINIÈRE.  103 

Si  le  processus  aboutit  à  la  paralysie  des  îaifécaux  oculo-pupil- 
laires,  il  en  résulte  le  myosis. 

Les  symptômes  pupillaires  ont,  comme  on  le  voit,  une  grande 
importance  pour  déterminer  le  siège  d'une  lésion  des  méninges  rachi- 
diennes.  Les  mêmes  considérations  s'appliquent  aux  tumeurs  des 
enveloppes  de  la  moelle  épinière  et  de  la  moelle  elle-même,  ainsi 
qu'à  l'apoplexie  des  méninges  rachidiennes. 

2.    TRAUMATISME   DE   LA    MOELLE   ÉPINIÈRE. 

Le  traumatisme  expérimental  de  la  moelle  épinière  entre  la 
sixième  vertèbre  cervicale  et  la  deuxième  dorsale  provoque  chez  les 
animaux  le  myosis  dû  à  la  paralysie  des  fibres  oculo-pupillaires.  Ce 
symptôme  s'observe  cliniquement  chez  l'homme  dans  les  mêmes  con- 
ditions. L'atrophie  du  nerf  optique  peut  résulter  d'une  lésion  trau- 
matique  de  la  moelle  épinière,  comme  l'ont  démontré  plusieurs 
observations.  Cette  atrophie  est  d'autant  plus  fréquente  et  plus  pré- 
coce que  la  lésion  traumatique  est  située  plus  haut.  Nous  renvoyons 
â  la  page   19  pour  l'explication  de  ce  phénomène. 

L'atrophie  optique  est,  d'après  Albutt,  précédée  d'hypérémie  de  la 
papille  dont  les  contours  s'effacent  ;  les  veines  rétiniennes  sont  légè- 
rement sinueuses.  Mais  ces  symptômes  n'arrivent  jamais  jusqu'à  pro- 
duire la  névrite  optique. 

Ordinairement  l'atrophie  du  nerf  optique  apparaît  tardivement. 
Dans  l'intervalle,  entre  le  début  de  l'affection  et  le  moment  où  l'atro- 
phie optique  est  appréciable  à  l'ophthalmoscope,  l'acuité  visuelle  est 
diminuée  dans  des  proportions  très  diverses.  Dans  les  cas  graves, 
lorsque  le  traumatisme  de  la  moelle  épinière  se  termine  par  la  mort, 
il  ne  se  développe  pas  de  troubles  fonctionnels  du  nerf  optique. 

Albutt  attribue  l'atrophie  du  nerf  optique  à  une  méningite  secon- 
daire subaiguë  ascendante.  On  pourrait  cependant  se  demander  pour- 
quoi, à  la  suite  de  cette  méningite  ascendante,  le  nerf  optique  seul 
est  atteint  et  les  autres  nerfs  crâniens  restent  intacts.  La  méningite 
intercurrente,  en  effet,  est  toujours  invoquée  lorsqu'on  manque  d'ar- 
guments pour  expliquer  les  complications  qui  surviennent  du  côté  des 
divers  nerfs  crâniens.  Sur  treize  cas  de  traumatisme  médullaire, 
Albutt  a  constaté  huit  fois  à  l'ophthalmoscope  une  altération  du  nerf 
optique  qui  est,  suivant  cet  auteur,  très  fréquente  dans  cette  affection. 

Nous  reviendrons  encore  sur  les  troubles  de  la  vision  consécutifs  à 
quelques  traumatismes  médullaires  (railway  spine),  à  l'occasion  des 
troubles  oculaires  qu'on  observe  dans  l'hystérie  traumatique,  attendu 
que  ces  troubles  sont  les  mêmes  dans  les  deux  affections. 


104  PARTIE   SPÉCIALE. 

3.   MYÉLITE    DIFFUSE  AIGUË. 

Les  symptômes  pupillaires  observés  dans  cette  maladie,  quand  elle 
a  pour  siège  la  région  cilio-spinale,  sont  les  mêmes  que  ceux  de  la 
méningite  rachidienne  dont  nous  avons  déjà  parlé  ci-dessus  :  au 
début  on  constate  de  la  mydriase,  et  dans  une  période  ultérieure  du 
myosis.  11  peut  arriver  que  le  processus  se  développe  inégalement 
dans  les  deux  moitiés  de  la  moelle,  de  sorte  qu'on  trouve  d'un  côté 
une  irritation,  de  l'autre  une  paralysie  des  fibres  oculo-pupillaires. 
Il  s'ensuit  une  inégalité  des  pupilles  (mydriase  d'un  côté,  myosis  de 
l'autre). 

On  observe  également  Yexophthalmie  au  cours  de  cette  affection.  Sa 
cause  est  encore  difficile  à  expliquer.  Il  est  vraisemblable  (pu  elle  est 
due  à  une  névrite  ascendante,  qui  amène  la  paralysie  des  centres 
vaso-moteurs  des  vaisseaux  orbitaires  (situés  dans  la  moelle  allongée) 
ou  bien  celle  des  fibres  qui  émanent  de  ces  centres.  L'exophthalmie 
se  voit  également  dans  la  lésion  des  corps  restiformes,  le  processus 
pouvant  aussi  les  atteindre.  Dans  une  observation  de  Van  Deeren, 
l'exoplitlialmie  s'améliora  en  même  temps  que  la  myélite  aiguë. 

On  a  plusieurs  fois  constaté  que  la  myélite  diffuse  aiguë  était 
accompagnée  de  névrite  optique.  Les  recherches  anatomiques  de  Kalt 
nous  ont  expliqué  ce  phénomène. 

Ln  faisant  l'autopsie  d'un  cas  de  myélite  infectieuse,  cet  auteur  a 
trouvé  que  le  chiasma  était  diminué  de  volume;  l'examen  histologique 
montra  une  inflammation  interstititielle  de  la  bandelette  optique 
gauche,  propagée  dans  l'épaisseur  du  chiasma  et  dans  les  deux  nerfs 
optiques.  Mais,  fait  remarquable,  la  lésion  n'envahit  que  la  portion 
axiale  des  nerfs,  respectant  les  fibres  périphériques  et  les  enveloppes, 
et  s'arrêta  vers  le  milieu  de  la  portion  orbitaire  du  nerf. 

Kalt  rencontra  cependant,  immédiatement  en  arrière  de  la  lame 
criblée,  un  nouveau  foyer  auquel  doivent  être  rapportés  les  symp- 
tômes ophthalmoscopiques.  L'infection  de  la  moelle  s'est  propagée 
vers  le  chiasma  grâce  aux  vaisseaux,  comme  le  démontrent  les  signes 
de  périvasculite.  Du  chiasma  elle  a  envahi  les  nerfs  optiques. 

4.    SCLÉROSE  EN  FLAQUES  DU  CERVEAU    ET   DE  LA    MOELLE  ÉPINIÈRE. 

Dans  la  sclérose  en  plaques  on  observe  assez fréquein ment.  à  peu 
près  dans  la  moitié  des  cas.  des  altérations  du  nerf.optique.  bes  trou- 
bles oculaires  auxquels  elles  donnent  lieu  sont  l'amblyopie,  l'achro- 
matopsie  el  le  rétrécissement  du  champ  visuel.  Mais  il  est  très  rare 
de  voir  une  affection  du  nerf  optique,  dans  la  sclérose  en  plaques, 
entraîner  la  cécité  complète. 

Uhthoff  a   note  dans   celte  affection  du  nerf  optique  la  fréquence 

njUiyttt  10T>  fui.  rnti  'JhiMfa  flUvM. 


SCLÉROSE   EN    PLAQUES   DU   CERVEAU    ET   DE    LA   MOELLE   EPINIÈRE.      i0'6 

relative  du  scotome  central,  qui  coïncide  ordinairement  avec  le  rétré- 
cissement périphérique  du  champ  visuel.  L'étendue  du  rétrécissement 
du  champ  visuel  n'est  pas  toujours  proportionnelle  à  celle  du  scotome 
central.  En  effet,  l'acuité  visuelle  peut  être  très  atteinte,  grâce  au 
scotome  central,  tandis  que  les  limites  du  champ  visuel  sont  très 
peu  rétrécies. 

Dans  un  cas  rapporté  par  Uhthoff,  le  scotome  central  ayant  disparu, 
le  rétrécissement  périphérique  du  champ  visuel  au  contraire  a  persisté. 

Les  troubles  oculaires  se  développent  généralement  avec  beaucoup 
de  rapidité  ;  ils  débutent  par  des  étincelles  et  des  nuages.  Dans  quatre 
cas  observés  par  Uhthoff',  L'amblyopie  fut  le  premier  symptôme  de  la 
sclérose  en  plaques.  Dans  deux  autres  cas,  l'amélioration  des  troubles 
oculaires  coïncida  avec  l'amélioration  de  l'état  général.  Nous  avons 
observé  le  même  fait  chez  un  malade  âgé  d'une  quarantaine  d'années. 
Les  souffrances  morales  et  physiques,  le  surmenage,  peuvent  provo- 
quer une  aggravation  des  troubles  oculaires, 

Les  recherches  anatomiques  d'Uhthoff  ont  démontré  que  le  pro- 
cessus pathologique  consiste  essentiellement  dans  la  prolifération 
du  tissu  interstitiel  des  cloisons  fines  du  nerf  optique  et  des  cellules 
étoilées  situées  à  la  surface  des  faisceaux  du  tissu  interstitiel  du  nerf. 
Plus  tard  le  même  processus  atteint  les  gros  faisceaux  du  tissu  inters- 
titiel et  la  gaine  interne  du  nerf  optique.  Par  suite  de  l'hypertrophie 
du  tissu  interstitiel,  la  substance  nerveuse  elle-même  est  le  siège  d'al- 
térations. 

Les  gaines  myéliniques  disparaissent  bientôt,  tandis  que  les  cylin- 
dres-axes restent  longtemps  intacts. 

D'après  Uhthoff,  les  altérations  des  vaisseaux  (leur  dilatation,  la  pro- 
lifération des  tissus  voisins)  ne  sont  que  secondaires.  L'atrophie  du 
nerf  optique  est  causée  par  l'hypertrophie  du  tissu  interstitiel;  sa 
marche  est  assez  lente,  et  ce  fait  explique  la  rareté  relative  d'altéra- 
tions du  nerf  optique  appréciables  à  l'examen  ophthalmoscopique. 
A  l'examen  microscopique,  la  rétine  et  la  papille  peuvent  être  nor- 
males, tandis  que  le  nerf  optique  est  altéré  dans  sa  partie  rétrobulbaire. 

En  somme,  les  altérations  ophthalmoscopiques,  dans  la  sclérose 
en  plaques,  sont  assez  rares  relativement  à  la  fréquence  des  troubles 
fonctionnels  du  nerf  optique. 

Sur  100  cas  examinés  par  Uhthoff,  l'atrophie  du  nerf  optique  n'a 
été  visible  à  l'ophthalmoscope  que  3  fois.  Dans  19  p.  100  des  cas,  il 
a  constaté  une  décoloration  partielle  de  la  papille  ;  dans  18  cas,  une 
atrophie  partielle  de  la  moitié  temporale  de  la  papille  ;  dans  5  cas,  ^ 
une  névrite  optique;  dans  55  cas,  le  fond  de  l'œil  était  tout  à  fait  fyp&su+Ai, , 
normal.  Dans  5  de  ces  cas,  l'autopsie  a  démontré  une  lésion  de  la 
portion  rétrobulbaire  du  nerf  op  tique, /^W^^v^iiu  *&~t.  A~*./im^*6<.  * 

L'atrophie  du  nerf  optique  est  indépendantedes  altérations  anatomo-  H+*c/*^t*<* 

''    2W?  /£&„.  64&4.  </2a^.  ht 2 s.  ts/t^/Jdy.  /l^.  S/çc~ 
fy&~é>*&?  ^  *tt~  *&>  fo4:*-~,  t~U '&/&£&—  ^/vUT^vw^  ^2^*t~c  £ 


106  PARTIE  SPÉCIALE. 

pathologiques  du  système  nerveux  central;  en  d'autres  termes  l'atro- 
phie du  oerf  optique  n'est  pas  la  conséquence  d'une  dégénérescence 
secondaire  descendante  des  centres  nerveux  qui  se  trouvent  en  rap- 
port avec  les  fibres  optiques. 

L'affection  du  nerf  optique  dans  la  sclérose  en  plaques  n'a  rien  de 
commun  avec  l'atrophie  du  nerf  optique  d'origine  spinale.  On  peut 
plutôt,  d'après  Uhthoff,  la  comparer  à  la  névrite  rétro-bulbaire,  au 
point  de  vue  du  début  et  du  développement  des  troubles  visuels.  Cette 
atrophie  optique  se  distingue  de  celle  qu'on  observe  dans  le  tabès 
dorsal;  dans  ce  dernier  cas,  en  effet,  le  scotome  central  est  rare,  les 
troubles  visuels  sont  généralement  accompagnés  d'altérations  oph- 
thalmoscopiques  appréciables  ;  les  exemples  d'amélioration  sont  très 
rares,    et  les    rémissions  n'existent   pas  (Charcot). 

Dans  la  sclérose  en  plaques,  on  rencontre  relativement  peu  d'altéra- 
tions de  la  pupille.  Sur  100  cas,  Uhthoff  n'a  observé  le  symptôme 
d'Argyll  Robertson  qu'une  seule  fois;  dans  3  cas,  il  a  Observé  l'iné- 
galité des  pupilles.  Quatre  fois,  il  existait  du  myosis  avec  conservation 
de  la  réaction  lumineuse,  qui  était  cependant  affaiblie.  On  a  également 
rencontré  la  mydriase,  comme  un  des  symptômes  de  la  paralysie  totale 
de  l'oculo-moteur  commun. 

Michel  [Traité,  p.  521)  a  attiré  l'attention  sur  Yoscillation  rythmique 
de  la  pupille  dans  la  sclérose  en  plaques.  Ces  oscillations  consistent 
en  contractions  et  dilatations  qui  se  succèdent  avec  une  grande  rapi- 
dité, même  si  l'on  dirige  la  lumière  sur  la  pupille.  Suivant  cet  auteur, 
ce  phénomène,  d'ailleurs  inconstant,  n'est,  en  quelque  sorte,  qu'uni' 
contraction  clonique  des  fibres  lisses  de  l'iris.  Elle  serait  analogue  au 
nystagmus. 

Les  troubles  fonctionnels  des  muscles  de  l'œil,  dans  la  sclérose  en 
plaques,  sont  les  suivants: 

1°  Paralysies  des  muscles  de  l'œil  ; 

2°  Incoordination  des  mouvementé  de  ces  muscles,  par  exemple,  nys- 
tagmus (Charcot),  et  paralysie  de  la  convergence. 

La  paralysie  des  muscles  de  l'œil  est,  d'après  Charcot,  plus  fréquente 
au  début  de  la  sclérose  en  plaques  qu'à  celui  du  tabès  dorsal.  Uhthoff 
l'a  trouvée  dans  17  cas  ;  dans  la  moitié  des  cas,  cette  paralysie  est 
d'origine  nucléaire. 

L'oculo-moteur  externe  est  deux  fois  plus  souvent  paralyse  que 
l'oculo-moteur  commun.  Les  branches  de  ce  dernier  ne  sont  paraly- 
sées qu'exceptionnellement. 

Leube  a  décrit  un  cas  d'immobilité  totale  des  bulbes  oculaires  sur- 
venue au  cours  d'une  sclérose  en  plaques;  à  l'autopsie,  on  a  ren- 
contré une  dégénérescence  «le-  aerfs  oculaires  commun  el  externe. 

Lion  ville,  de  son  côté,  a  observé  un  cas  de  paralysie  des  deux 
oculo-moteurs  communs. 


TABES   DORSAL.  107 

Il  faut  encore  j  ajouter  la  paralysie  essentielle  de  la  convergence 
bilatérale,  un  des  troubles  de  la  coordination  îles  mouvements  des 
yeux.  L'excursion  des  yeux  est  diminuée  dans  la  vision  binoculaire;  le 
regard  du  malade  porte  un  cachet  tout  à  fait  particulier  (Charcot). 

Le  nystagmus  a  une  importance  considérable  au  point  de  vue  du 
diagnostic. 

Les  petits  mouvements  oscillatoires  n'apparaissent  au  début  de  la 
maladie  que  dans  les  mouvements  volontaires,  et  ce  phénomène  est 
analogue  au  tremblement  des  membres  qui,  dans  la  sclérose  en  plaques, 
n'apparaît  aussi  que  pendant  les  mouvements  volontaires  (Charcot). 

Lorsque  le  nystagmus  est  continu,  il  serait,  d'après  quelques  au- 
teurs, la  conséquence  d'une  légère  parésie,  en  quelque  sorte  un  trem- 
blement parétique  des  muscles  oculaires.  Dans  58  p.  100  des  cas  de 
sclérose  en  plaques,  Uhthofl'  a  vu  le  nystagmus  ou  les  oscillations 
nystagmiques,  apparaître  seulement  dans  les  mouvements  des  yeux. 
Dans  cette  affection  le  nystagmus  est  incomparablement  plus  fréquent 
que  dans  le  tabès  dorsal  où  son  existence  a  même  été  contestée. 

5.    —  TABES  DORSAL. 

Les  troubles  oculaires  sont  certainement  très  fréquents  dans  le  ta- 
bès dorsal.  D'après  Karger,  sur  100  malades,  35  présentent  des  trou- 
bles oculaires  dès  le  début  de  l'affection.  Les  névro-pathologiste» 
seuls  peuvent  nous  donner  des  chiffres  exacts  sur  la  fréquence  des 
troubles  oculaires  dans  cette  maladie.  Marina,  par  exemple,  sur 
92  cas  de  tabès  a  trouvé  45  fois  le  symptôme  d'Argyll  Robertson; 
24  fois  l'inégalité  des  pupilles:  4  fois  l'immobilité  des  pupilles  à  la  lu- 
mière et  à  l'accommodation;  39  fois  le  myosis  ;  6  fois  la  mydriase: 
6  fois  le  ptosis;  12  fois  les  troubles  fonctionnels  de  l'appareil  moteur 
de  l'œil;  9  fois  l'atrophie  du  nerf  optique. 

a.  Atrophie  du  nerf  optique.  —  D'après  Leber,  on  la  constate 
dans  2G  p.  100  des  cas;  dans  12  à  13  p.  100,  d'après  Michel.  L'atrophie 
optique  est  surtout  fréquente  dans  les  cas  où  le  tabès  est  compliqué 
de  paralysie  des  muscles  de  l'oeil  (Michel).  Les  troubles  oculaires  du 
début  sont  des  éblouissements,  la  perception  d'étincelles  ou  d'ombres 
et  la  dyschromatopsie.  Nous  avons  observé,  au  début  de  l'affection 
du  nerf  optique,  2  cas  d'érythropsie  survenant  par  accès. 

C'est  à  tort  qu'on  croyait  jadis  que  l'érythropsie  ne  survenait  qu'a- 
près l'opération  de  la  cataracte  par  extraction  ou  par  discission.  Dans 
ce  cas,  les  accès  d'érythropsie  apparaissent  toujours  dans  la  soirée  et 
consistent  dans  la  sensation  d'une  coloration  rouge  de  la  zone  am- 
Idyopique  du  champ  visuel. 

Au  début  de  l'affection,  le  rétrécissement  du  champ  visuel  a  une 
forme  très  variable.  Le  plus  souvent  il  se  développe  du  côté  temporal  ; 


108 


PARTIE  SPÉCIALE. 


cependant,  d'après  nos  recherches,  ce  dernier  fait  ne  s'observe  pas 
dans  la  moitié  des  cas.  On  a  observé  également  le  rétrécissement 
concentrique  duchamp  visuel,  le  rétrécissement  supérieur,  inférieur  et 
interne.  Le  rétrécissement  peut  se  produire  simultanément  en  deux 
directions  opposées,  desorte  que  le  champ  visuel  se  réduit  à  une  fente 
oblongue  ou  ovale.  Très  souvent  le  rétrécissement  se  montre  simulta- 
nément et  symétriquement  dans  les  deux  yeux;  d'autres  fois,  un  seul 
œil  est  d'abord  atteint  le  premier,  puis  le  rétrécissement  du  champ 
visuel  apparaît  dans  l'autre  œil  d'une  façon  symétrique. 


Fig.  15.  —  Rétrécissement  du  champ  visuel  an  début  de  l'atrophie  optique  dans  1< 

tabès  dorsal. 


Le  scotome  central  et  l'hémiopie  sont  exceptionnels.  Le  rétrécisse- 
ment concentrique  du  champ  visuel  dans  le  tabès  a  ceci  de  caractéris- 
tique, qu'il  commence  en  forme  de  secteurs  périphériques,  dans 
lesquels  les  limites  périphériques  des  couleurs  se  terminent  d'une 
façon  analogue  à  celle  qu'on  observe  dans  l'embolie  partielle  des  ar- 
tères centrales  de  la  rétine. 

On  a  également  observé  thius  le  champ  visuel  l'absence  d'un  ca- 
dran tout  entier,  comme  dans  le  cas  de  (îowers,  oii  manqua  le  quarl 
externe  et  inférieur.  Le  plus  souvent  les  troubles  oculaires  commen- 


TABES   DORSAL.  109 

cent  d'un  seul  côté,  et  ce  n'est  que  plus  tard  qu'ils  deviennent  bino- 
ulaires.  Dans  f*§«sieiH,s-  cas  observés  par  nous,  l'œil  gauche  a  été 
beaucoup  plus  souvent  atteint  le  premier  que  l'œil  droit.  L'intervalle 
qui  s'est  écoulé  entre  le  début  de  l'affection  et  le  moment  où  elle  frappa 
le  second  œil  a  varié  chez  nos  sujets  entre  deux  mois  et  quinze  ans; 
quelquefois  il  peut  encore  être  plus  long  (1). 

Les  recherches  pholométriques  sont  d'une  importance  capitale  pour 
le  diagnostic  différentiel  de  l'atrophie  du  nerf  optique  au  début  de 
l'affection.  Il  faut  se  servir  dans  ce  but,  non  du  photomètre  de  Fœrster, 
mais  de  celui  de  Chibret.  Tandis  qu'avec  le  premier  nous  ne  pouvons 
déterminer  que  le  minimum  de  lumière  sensible  à  l'œil  (/?,  Reizsch- 
welle),  avec  le  photomètre  de  Chibret,  nous  pouvons  déterminer  aussi 
le  minimum  de  différence  lumineuse  {U,  Unterschiedschwelle).  Or, 
pendant  que  R  reste  invariable  dans  les  atrophies  du  nerf  optique,  U 
subit  de  très  grandes  modifications,  surtout  dans  les  cas  dus  à  une 
lésion  centrale.  Avec  le  photomètre  de  Chibret,  on  peut  même  fixer 
dans  une  certaine  mesure  le  siège  et  déterminer  la  nature  de  l'af- 
fection étiologique. 

L'examen  ophthalmoscopique  fait  au  début  de  l'affection  du  nerf 
optique  ne  donne  souvent  aucun  résultat  :  le  fond  de  l'œil  est  nor- 
mal, malgré  le  rétrécissement  du  champ  visuel,  l'affaiblissement  de 
la  vision  centrale  et  le  rétrécissement  des  limites  des  couleurs  (voir 
ma  communication  sur  les  troubles  oculaires  dans  le  tabès  dorsal). 

La  première  altération  qu'on  observe  dans  le  fond  de  l'œil  est  l'hy- 
pérémie  de  la  papille  optique,  qui  devient  légèrement  trouble  ;  plus 
tard  elle  devient  d'une  teinte  gris  rougeâtre.  Les  parois  des  vais- 
seaux ont,  par  contraste,  l'aspect  de  lignes  transparentes  entourant 
le  filet  sanguin.  Au  début,  les  vaisseaux  centraux  sont  d'un  calibre 
normal.  La  période  d'hypérémie  de  la  papille  est  suivie  d'une  pé- 
riode d'atrophie. 

Au  début  de  l'atrophie,  la  moitié  nasale  de  la  papille,  ordinairement 
plus  rouge  que  la  moitié  temporale,  paraît  uniformément  grise.  La 
lame  criblée  et  les  taches  d'un  gris  foncé,  qui  se  trouvent  entre  ses 
trabécules  correspondant  aux  fibres  myéliniques,  deviennent  très 
apparentes.  Ce  phénomène  est  dû  à  l'atrophie  des  faisceaux  nerveux 
situés  en  avant  de  la  lame  criblée;  par  conséquent,  lorsque  la  lame 
criblée  apparaît  nettement  dans  toute  son  étendue,  c'est  qu'on  se 
trouve  en  présence  d'une  atrophie  au  moins  partielle  des  faisceaux 
nerveux  situés  en  avant  de  la  lame  criblée.  L'excavation  du  nerf  opti- 
que appréciable  à  l'ophthalmoscope  n'est  qu'apparente;  nous  l'avons 
déjà  démontré  dans  un  précédent  ouvrage. 

Non  seulement  il  n'y  a  pas  d'eclasie  de  la  lame  criblée,  mais  par 

(1)  Berger,  Beitràge  zur  Anatomie  des  Auges  in  normalem  und  pathologischem 
Zustande,  Wiesbaden,  1887,  s.   (51. 


110  PAKTIE  SPÉCIALE. 

suite  du  processus  elle  devient,  au  contraire,  beaucoup  plus  résis- 
tante. L'apparence  excavée  du  nerf  optique  est,  en  effet,  causée  par 
l'atrophie  des   libres  situées  en  avant  de  la  lame   criblée. 

Dans  cette  période  d'excavation  la  coloration  de  la  papille  est, 
suivant  nous,  d'un  bleu  grisâtre.  Plus  le  tissu  conjonctif  de  la  lame 
criblée  est  hypertrophié,  plus  les  gaines  myéliniques  du  nerf  sont 
atrophiées  (les  fibres  optiques  conservent  normalement  leur  gaine 
myél inique  jusqu'en  arrière,  ou  même  en  dedans  de  la  lame  criblée), 
ou  cacbées  par  la  laine  criblée  hypertrophiée.  L'aspect  blanc  uni- 
forme, nacré  (Charcot)  du  nerf  optique  est  donc  l'indice  de  son  atro- 
phie avancée. 

Quant  aux  vaisseaux  capillaires,  ils  sont,  au  début,  incontestable- 
ment dilatés.  Les  vaisseaux  centraux  de  la  rétine  subissent  les  alté- 
rations de  calibre  suivantes  : 

1°  Les  artères  et  les  veines  sont  normales  au  début  ;  2°  les  artères 
se  resserrent,  les  veines  restant  normales  ;  3°  dans  une  période  ulté- 
rieure les  artères  sont  resserrées  et  les  veines  dilatées;  4°  enfin  les 
artères  et  les  veines  sont  rétrécies.  Nous  parlerons  du  reste  plus 
tard  des  processus  qui  entraînent  ces  altérations  des  vaisseaux. 

D'après  Schmeichlcr,  le  resserrement  des  artères,  comme  la  dilata- 
tion des  veines,  serait  un  effet  mécanique  résultant  de  Y  induration  et 
du  rétrécissement  des  fentes  inter-trabéculaires  de  la  lame  criblée. 
Mais  comme  nous  savons  par  Leber  que  l'atrophie  du  nerf  optique 
se  propage  de  la  périphérie  vers  l'axe,  il  faudrait  admettre  que  l'alté- 
ration de  calibre  des  vaisseaux  ne  survient  qu'à  un  degré  avancé  de 
l'atrophie,  ce  qui  n'est  pas  d'accord  avec  les  faits  cliniques.  Nous 
croyons  que  l'atrophie  optique  et  les  altérations  du  calibre  des  vais- 
seaux ne  sont  que  la  conséquence  de  lésions  des  parois  des  vaisseaux 
eux-mêmes.  Cette  altération  des  parois  vasculaires  se  manifeste  par 
leur  épaississement  et  leur  obscurcissement,  qu'on  a  attribués  à  une 
soi-disant  périvasculile  des  vaisseaux,  mais  l'affection  intéresse  en 
réalité  toute  l'épaisseur  de  la  paroi  vasculaire. 

On  observe  également  des  altérations  au  pourtour  de  la  papille 
optique,  particulièrement  l'élargissement  de  l'anneau  pigmentaire,  et, 
plus  rarement,  des  altérations  de  la  choroïde  au  pourtour  de  la 
papille,  àla  suite  desquelles  ses  vaisseaux  deviennent  visibles.  Le  fait 
que  les  cloisons  antérieures  de  la  lame  criblée  se  continuent  dans 
la  choroïde  nous  explique  pourquoi  le  processus  pathologique  se 
propage  de  la  lame  criblée  vers  la  membrane  choroïdienne. 

Dan-  la  mande  majorité  des  cas  de  tabès  dorsal,  l'atrophie  du  nerf 
optique  apparaît  pendanl  La  période  préataxique  et  peut  même  être 
le  premier  symptôme  du  labes.  ou  bien  précéder  les  sylnptômes  mé- 
dullaires. Dans  mi  cas  observé  par  nous,  l'atrophie  optique  a  précédé 
de  deux  ans  l'apparition   du  premier  symptôme  spinal  (douleurs  lan- 


TABES    DORSAL.  dll 

cinantes).  Dans  un  cas  de  Charcot,  l'intervalle  entre  l'affection  du  nerf 
optic|iie  et  celle  de  la  moelle  épmière  a  été  de  dix  ans;  cet  intervalle 
tut  de  trois  ans  dans  un  cas  de  Fœrster,  et  de  quinze  à  vingt  ans  dans 
plusieurs  cas  de  Gowers. 

Un  fait  intéressant  a  été  noté  pour  la  première  fois  par  Beuedikt 
(de  Vienne):  l'affection  spinale  s'arrête  chez  ceux  des  labétiques  qui 
sont  atteints  d'atrophie  du  nerf  optique.  Déjérine  et  Martin  ont  cons- 
taté le  même  fait  chez  des  malades,  où  cet  arrêt  s'est  produit  au 
bout  de  dix,  vingt  et  même  trente  ans.  Tous  ces  ataxiques  étaient  à 
la  première  période  de  la  maladie.  Les  cas  dont  nous  avons  parlé 
plus  haut  démontrent  qu'il  y  a  aussi  des  exceptions  :  les  symptômes 
spinaux  succèdent  parfois  à  l'atrophie  du  nerf  optique. 

D'après  Bénédikt  l'atrophie  du  nerf  optique  arrête  non  seulement 
les  symptômes  spinaux,  mais  elle  empêcherait  même  l'apparition  de 
douleurs  fulgurantes. 

Cet  auteur  a  aussi  admis  (en  1887)  que  l'atrophie  optique  pouvait 
faire  également  rétrograder  les  troubles  de  la  coordination  des 
mouvements,  quel  que  soit  le  degré  qu'ils  aient  atteint. 

Cette  dernière  assertion  est  absolument  inexacte.  Nous  avons 
observé,  comme  l'ont  fait  Déjérine  et  Martin,  des  ataxiques,  chez  les- 
quels l'atrophie  du  nerf  optique  a  apparu  dans  la  période  ataxique  ou 
même  paralytique  ;  le  fait  est  rare,  mais  il  a  été  nié  à  tort  par  plu- 
sieurs auteurs.  Dans  ces  cas  les  symptômes  d'incoordination  des 
mouvements  n'étaient  nullement  améliorés. 

La  marche  de  l'atrophie  du  nerf  optique  est  variable.  Elle  peut 
aboutir  dans  l'espace  de  quelques  mois  à  une  cécité  absolue;  d'autres 
fois  la  marche  est  excessivement  lente:  la  maladie  dure  des  années 
et  peut  même  s'arrêter,  ce  qui  est  d'ailleurs  exceptionnel. 

D'après  Gowers,  dans  les  cas  à  marche  rapide,  la  papille  a  l'aspect 
gris  gélatineux  et  desserré;  dans  les  cas  à  marche  lente  elle  serait, 
au  contraire,  d'une  couleur  plus  claire  et  présenterait  une  excavation. 

En  général  le  pronostic  de  l'atrophie  ataxique  est  grave.  Il  résulte 
de  notre  statistique  que  lorsqu'elle  survient  dans  la  période  avancée 
du  tabès  elle  se  termine  plus  rapidement  par  la  cécité  que  lorsqu'elle 
est  précoce.  Si  notre  statistique  diffère  sous  ce  rapport  de  celle 
d'autres  auteurs,  c'est  parce  que  nous  comprenons,  avec  Magnus,  sous 
la  dénomination  de  cécité,  les  cas  où  les  malades  ne  voient  que  les 
doigts,  tandis  que  pour  les  autres  auteurs  la  cécité  est  synonyme 
d'amaurose  absolue. 

La  plupart  des  auteurs  nient  qu'il  y  ait  des  rémissions  du  processus 
de  l'atrophie  optique  dans  le  tabès.  Michel,  cependant,  nous  a  fait 
connaître  un  cas  d'atrophie  optique  unilatérale,  accompagnée  de 
troubles  très  prononcés  delà  coordination  des  mouvements  des  extré- 
mités supérieures  et  où  cependant  l'acuité  visuelle  remonta  de   1/10 


112  PARTIE   SPÉCIALE. 

à  1/2.  La   perception  des  couleurs   disparaît  dans    l'ordre   suivant: 
vert,  rouge,  jaune,  et  enfin  bleu. 

Le  champ  visuel  se  rétrécit  de  plus  en  plus;  il  n'en  reste  à  la  fin 
plus  qu'une  partie  très  restreinte,  correspondant  à  une  partie  de  la 
rétine  située  entre  la  macula  et  la  papille. 

11  semble  que  les  troubles  fonctionnels  de  l'atrophie  optique  chez  les 
ataxiques  soient  en  rapport  au  début  non  pas  avec  des  altérations 
anatomiques,  mais  avec  des  troubles  vasomoleurs  (Fœrster,  E.  Berger). 

On  sait  que  les  fibres  périphériques  du  nerf  optique  innervent  la 
partie  postérieure  de  la  rétine  et  que  les  fibres  situées  en  dedans 
aboutissent  à  la  zone  équatoriale  de  la  rétine.  Or  nous  savons,  depuis 
les  recherches  anatomiques  de  Leber,  que  l'atrophie  du  nerf  optique  se 
propage  de  la  périphérie  vers  l'axe;  par  conséquent  il  devrait  en 
résulter,  au  début  de  l'affection,  un  élargissement  du  punclum  caecum 
de  Mariotte  et  l'apparition  du  scotome  central  (comme  dans  la  sclé- 
rose en  plaques).  En  réalité  il  n'y  a  aucun  rapport  entre  l'étendue  du 
rétrécissement  du  champ  visuel  et  les  altérations  anatomo-palholo- 
giques. 

Les  troubles  fonctionnels  de  la  rétine  ne  peuvent  pas  s'expliquer  par 
l'interruption  du  parcours  des  fibres  du  nerf  optique,  mais  seulement 
par  des  troubles  vasomoteurs.  Ces  troubles  vasculaires  sont  probable- 
ment d'origine  centrale.  Ce  qui  le  prouve  c'est  la  symétrie  avec  laquelle 
apparaît  et  se  propage  le  rétrécissement  du  champ  visuel  dans  les 
deux  yeux  chez  les  tabétiques. 

Des  altérations  des  parois  vasculaires  sont  en  effet  appréciables  à 
l'ophthalmoscope  et  sont  probablement  identiques  avec  celles  de  la 
moelle  épinière,  au  point  de  vue  anatomo-pathologique. 

Quant  à  la  thérapeutique  de  l'atrophie  du  nerf  optique  dans  le  tabès 
dorsal,  on  a  prétendu  qu'elle  avait  parfois  arrêté  la  marche  de  l'affec- 
tion; mais  les  exemples  laissent  prise  au  doute,  attendu  qu'on  observe 
des  arrêts  spontanés  de  l'affection  du  nerf  optique.  Les  frictions  mer- 
curielles,  que  le  tabès  soit  d'origine  syphilitique  ou  non,  sont  plutôt 
nuisibles  qu'utiles  (Charcot,  Leber)'.  Le  meilleur  traitement  est  la  gal- 
vanisation du  nerf  optique,  ou  bien  l'élongalion  non  opératoire  de  ce 
nerf  préconisée  par  M.  Weiss. 

Celle  méthode  consiste  dans  la  faradisation  d'un  des  muscles  hori- 
zontaux de  l'œil  pendant  une  minute  et  demie  ou  deux  minutes,  ce 
qui  provoque  une  déviation  considérable  de  l'œil  dans  une  direction 
donnée;  il  en  résulte  du  tiraillement  et  l'élongation  du  nerf.  Malheu- 
reusement les  expériences  ne  sont  pas  assez  nombreuses  pour  appré- 
cier la  valeur  de  la  méthode.  L'élongation  chirurgicale  du  nerf  optique 
n'a  pas  donné  les  résultats  qu'on  en  attendait.  Les  injections  hypo- 
dermiques de  strychnine  provoquent  une  amélioration  seulement 
passagère  de  l'acuité  visuelle,  mais  elles  agissent  moralement  très  bien 


TABES   DORSAL.  113 

sur  les  malades.  Faites  avec  prudence,  elles  sont  sans  danger  pour 
l'étal  général  et  ne  provoquent  pas  le  retour  des  douleurs  fulgurantes. 
L'iodure  de  potassium,  le  nitrate  d'argent,  l'arsenic  peuvent  être 
essayés.  Les  résultats  obtenus  ne  sont  pas  considérables,  mais,  il  faut 
l'avouer,  certains  malades  exigent  qu'on  emploie  ces  moyens  pour 
qu'ils  voient  qu'on  s'occupe  d'eux.  On  peut  alterner  ce  traitement  avec 
le  traitement  par  la  chambre  obscure.  Nous  avons  essayé  plusieurs 
fois  les  inlialations  de  nitrate  d'amyle,  qui  produit  la  dilatation  des 
vaisseaux  de  la  rétine,  sans  obtenir  aucun  résultat  appréciable. 

Galezowski  prétend  avoir  obtenu  des  résultats  très  encourageants 
avec  des  injections  de  cyanure  d'or.  La  suspension,  qui  améliore  ordi- 
nairement l'état  général  des  ataxiques,  ne  produit  aucun  effet  dans 
les  troubles  oculaires  et  même,  d'après  Hirschberg  et  d'autres,  les 
aggrave.  La  paralysie  des  muscles  de  l'œil,  pas  plus  que  le  symptôme 
d'Argyll  Robertson,  ne  sont  influencés  par  la  suspension. 

Danillon  et  Przyscbodsk  ont  même  observé,  à  la  suite  de  la  suspen- 
sion, l'apparition  de  quelques  phénomènes  oculaires,  par  exemple 
l'exophthalmie,  la  dilatation  des  pupilles  suivie  de  vertiges.  A  notre 
sens  ces  symptômes  n'apparaissent  qu'à  la  suite  d'abus  de  ce  trai- 
tement. 

b.  Troubles  fonctionnels  de  la  pupille.  —  Les  anomalies  de  la 
pupille  dans  le  tabès  sont  incontestablement  très  fréquentes.  Charcot 
a  particulièrement  attiré  l'attention  sur  l'inégalité  des  pupilles  dans 
son  intéressant  travail  sur  les  troubles  oculaires  dans  le  tabès  dorsal. 
On  ne  comprend  pas  que  ce  symptôme  ait  passé  inaperçu  pendant  si 
longtemps.  Nous  l'avons  trouvé  27  fois  sur  100  cas  et  Dillmann  34  fois 
sur  100  cas. 

Nous  l'avons  constaté  plus  fréquemment  dans  la  période  préa- 
taxique  que  dans  la  période  alaxique;  dans  la  période  paralytique 
il  redevient  fréquent.  La  mydriase,  dans  le  tabès  dorsal,  est  généra- 
lement d'origine  paralytique;  elle  est  une  des  manifestations  de  la 
paralysie  de  l'oculo-moteur  commun.  Cependant,  au  début  de  la 
maladie,  la  mydriase  peut  être  d'origine  spasmodique  et  durer  assez 
longtemps.  Souvent  la  mydriase  spasmodique  est  suivi  de  myosis. 
Chauveau  (voir  p.  64)  nous  a  donné  l'explication  de  cette  mydriase 
spasmodique. 

La  dilatation  pupillaire  survient  également  à  la  suite  de  crises 
gastriques,  comme  l'a  observé  le  premier  Duchenne  de  Boulogne. 

Le  myosis  s'observe  plus  fréquemment  dans  le  tabès  que  la  mydriase. 
Erb  l'a  trouvé  dans  59  p.  100,  et  Althaus  dans  60  p.  100  des  cas.  11  est 
plus  commun  dans  la  période  ataxique  qu'avant  l'ataxie.  Dans  plusieurs 
cas  de  tabès  observés  par  nous,  la  pupille  avait  une  forme  irrégu- 
lièrement ovale,  à  diamètre  oblique.  Ce  phénomène,  qui  est  beaucoup 
plus  fréquent  et   plus  prononcé    dans  la  paralysie  générale,  a  été 


114  PARTIE   SPÉCIALE. 

également  observé  par  Kahler.  Cette  difformilé  pupillaire  démontre 
l'origine  paralytique  du  myosis  dans  le  tabès  dorsal;  elle  est  causée 
par  la  dilatation  paralytique  des  vaisseaux  iriens  (paralysie  des  ra- 
meaux sympathiques).  Elle  n'est  sans  doute  pas  spasmodique,  comme 
l'ont  cru  plusieurs  auteurs. 

En  dehors  des  faits  que  nous  venons  de  citer,  il  y  a  encore  d'autres 
symptômes  qui  démontrent  l'existence  de  paralysie  des  fibres  du  grand 
sympathique  cervical  : 

1°  .lacobson  a,  le  premier,  démontré  l'existence,  dans  le  tabès  dor- 
sal, d'une  paralysie  dite  sympathique  de  la  paupière  supérieure  :  elle 
se  manifeste  par  un  léger  ptosis.  Elle  peut  apparaître  dans  la  première 
période  de  la  maladie,  mais  le  plus  souvent,  comme  le  démontrent 
mes  observations,  elle  survient  dans  la  période  paralytique; 

2°  De  même  origine  est  l'hypotonie  du  globe  oculaire,  que  nous 
avons  vue  le  premier  dans  quelques  cas  d'ataxie  et  qui  a  été  observée 
depuis  par  Adamtick. 

Chacun  de  ces  symptômes  de  paralysie  sympathique  peut  apparaître 
séparément,  ce  qui  démontre  que  les  altérations  anatomo-patholo- 
giquesdu  grand  sympathique  cervical  (Arthaud  et  Raymond)  ne  sont 
pas  la  cause  des  troubles  oculaires  qu'on  rencontre  dans  le  tabès 
dorsal.  Le  grand  sympathique  n'est  que  l'intermédiaire  par  lequel 
les  altérations  de  la  moelle  épinière  se  propagent  vers  les  yeux.  Il 
s'ensuit  que  le  siège  des  lésions  qui  provoquent  les  troubles  fonction- 
nels de  l'organe  de  la  vue  dans  le  tabès  dorsal  se  trouve  dans  le  sys- 
tème nerveux  central. 

La  réaction  pupillaire  est  le  plus  souvent  affaiblie.  Très  souvent  la 
réaction  lumineuse  est  diminuée  ou  complètement  abolie,  tandis  que 
la  réaction  à  l'accommodation  est  conservée. 

Ce  symptôme,  connu  sous  le  nom  d'Argyll  Robertson  (d'Edimbourg), 
s'observe,  d'après  Dillmann,  dans  les  trois  quarts  des  cas  de  tabès  dor- 
sal. Dans  la  période  où  se  produit  la  perte  de  la  réaction  lumineuse,  on 
observe  une  oscillation  particulière  des  pupilles  à  la  lumière  (Gowers), 
ce  qui,  du  reste,  n'est  pas  caractéristique  du  tabès.  La  pupille  se 
contracte  fortement  à  la  lumière,  puisse  dilate  et  fait  ensuite  quelques 
contractions  passagères. 

Plus  tard  seulement  la  réaction  devient  de  plus  en  plus  faible  et  dis- 
paraît complètement  ;  puis  la  pupille  cesse  de  réagir  à  l'excitation  des 
nerfs  sensilifs  de  la  peau.  Dans  quelques  cas  très  rares  les  troubles 
fonctionnels  des  pupilles  ne  se  développent  pas  simultanément  dans 
les  deux  yeux.  Quelquefois  la  réaction  pupillaire  à  l'accommodation 
est  également  abolie. 

c.  Troubles  de  l'accommodation.  —  Les  troubles  de  l'accom- 
modation peuvent  apparaître  au  début  du  tabès  et  accompagner  la 
mydriase  ou   le  myosis.   Us  sont  parfois  compliqués  d'insensibilité 


TABES   DORSAL.  li5 

de  la  peau  de  la  région  périorbitaire  (Galezowski).  Le  plus  souvent 
ces  phénomènes  apparaissent  dans  la  période  paralytique  et  c'est  alors 
qu'ils  accompagnent  le  myosis,  ce  qui  démontre  entre  autres  que  le 
nivosis  du  tabès  est  de  nature  paralytique.  11  serait  en  effet  incom- 
préhensible que  deux  nerfs  (celui  du  sphincter  de  la  pupille  et  celui 
du  muscle  de  l'accommodation)  dont  les  noyaux  sont  voisins  et  qui  se 
dirigent  ensemble  vers  le  globe  oculaire,  fussent  l'un  paralysé  depuis 
des  années,  et  l'autre  excité.  Comme  conséquence  de  la  paralysie 
de  l'accommodation  on  observe  l'apparition  d'une  hypermétropie 
manifeste  qui  était  auparavant  à  l'état  latent. 

Le  traitement  de  la  paralysie  de  l'accommodation  consiste  dans 
l'emploi  de  verres  convexes  pour  la  lecture.  Dans  les  cas  de  forte 
hypermétropie,  il  faut  donner  des  verres  pour  voir  de  loin  et  d'autres 
pour  voir  de  près.  En  outre  la  paralysie  de  l'accommodation  peut  être 
améliorée  par  l'instillation  de  pilocarpine  (2  p.  100)  danslesacconjonc- 
tival.  Nous  en  avons  obtenu  de  bons  résultats. 

Lorsque  la  paralysie  du  sphincter  de  la  pupille  est  combinée  à  celle 
de  l'accommodation,  on  peut  conclure  à  la  présence  d'une  lésion 
nucléaire. 

d.  Troubles  fonctionnels  des  muscles  de  l'œil.  —  La  paralysie 
des  muscles  de  L'œil  est  fréquemment  observée.  Erb  l'a  constatée  dans 
i7  p.  100,  iMœli  dans  39  p.  100,  et  nous  dans  38  p.  100  des  cas. 

Mauthner,  Przibram,  etc.,  etc.,  admettaient  (et  nous  étions  de  leur 
avis  l'origine  nucléaire  de  la  paralysie  des  muscles  de  l'œil  dans  le 
tabès  dorsal.  Mais  nous  savons  maintenant,  surtout  depuis  les  tra- 
vaux de  Déjérine,  que  ces  paralysies  peuvent  être  également  con- 
sécutives à  des  altérations  périphériques  des  nerfs  moteurs  de  l'œil. 
Les  paralysies  musculaires  du  début  du  tabès,  qui  en  sont  les  pre- 
miers symptômes  et  disparaissent  bientôt,  sont  d'origine  périphérique 
(Kahler)  ;  au  contraire,  les  paralysies  de  la  période  ataxique  ou  para- 
lytique sont  plus  stables  et  sont  d'origine  nucléaire. 

La  durée  des  premières  paralysies  est  variable.  Elle  peut  être  de 
quelques  heures  et  provoquer  une  diplopie  passagère  ;  elle  peut  aussi 
durer  quelques  semaines  ou  quelques  mois.  La  paralysie  peut  dis- 
paraître complètement  ou  s'aggraver  après  une  légère  amélioration 
ou  bien  réapparaître  après  avoir  disparu. 

Dans  les  paralysies  musculaires  du  début,  c'est  le  droit  externe  qui 
est  le  plus  fréquemment  atteint.  Mais  si  on  examine  la  fréquence 
des  paralysies  des  muscles  de  l'œil,  d'après  les  nerfs  crâniens  qui 
les  animent,  c'est  le  nerf  oculo-moteur  qui  est  le  plus  fréquemment 
pris. 

Sur  100  cas  de  tabès,  Dillmann  a  trouvé  26  fois  la  paralysie  de  l'o- 
culo-moteur  commun,  12  fois  celle  de  l'oculo-moteur  externe  et  3  fois 
celle  du  pathétique. 


116  PARTIE   SPÉCIALE. 

Des  muscles  innervés  par  l'oculo-nioteur  commun,  ceux  qui  sont  le 
plus  souvent  paralysés,  d'après  nos  recherches,  sont  :  le  releveurde  la 
paupière  supérieure,  puis  par  ordre  de  fréquence,  les  droits  internes, 
le  supérieur,  l'inférieur  et  enfin  les  deux  obliques.  La  paralysie  de 
l'oculo-moteur  commun  était  bilatérale  dans  44  p.  100  des  cas  exa- 
minés par  nous. 

La  paralysie  des  muscles  de  l'œil  aune  certaine  importance  pour  le 
diagnostic  du  début  du  tabès  dorsal,  à  tel  point  que  Strumpell  a  pu 
dire  :  «  Chaque  fois  qu'on  voit  survenir  brusquement,  sans  prodromes, 
une  paralysie  du  nerf  oculo-moteur  commun  ou  externe,  il  faut  penser 
à  la  possibilité  du  tabès.  » 

Dans  la  paralysie  d'origine  nucléaire,  on  voit  les  muscles  extrin- 
sèques seuls  atteints,  ou  bien  les  muscles  intrinsèques  seuls  ;  il  est 
extrêmement  rare  que  les  deux  soient  pris  ensemble  (Dumont). 

Parmi  les  troubles  de  la  coordination  des  muscles  de  l'œil  les  plus 
fréquemment  observés  au  début  de  l'affection,  nous  citerons  :  1°  la 
paralysie  de  la  convergence  (Landolt,  Borel)  qui  peut  même  précéder 
l'apparition  des  autres  symptômes  du  tabès. 

2°  Le  nystagmus  vrai,  c'est-à-dire  les  mouvements  oscillatoires  des 
muscles  de  l'œil  apparaissant  même  dans  la  direction  parallèle  du  regard, 
est  très  rarement  observé  dans  le  tabès  ;  certains  auteurs  nient 
même  son  existence.  Sur  100  cas,  Dillmann  n'en  a  observé  qu'un  cas. 
Mais  ce  qui  est  assez  fréquent,  même  dans  l'absence  de  paralysie 
des  muscles  de  l'œil,  ce  sont  des  mouvements  oscillatoires  des  mus- 
cles dans  la  direction  latérale  du  regard,  ce  qui  a  été  nié  à  tort  par 
Mœbius. 

Comme  thérapeutique,  on  a  préconisé  le  courant  galvanique.  Eulen- 
burg  a  proposé  l'électrisation  épisclérale,  après  l'anesthésie  préalable 
de  la  conjonctive  par  la  cocaïne.  Si  l'électrothérapie  échoue,  on  a 
recours  à  la  strabotomie,  qu'il  ne  faut  pas  effectuer  avant  un  an  au 
moins  après  le  début  de  la  paralysie. 

e.  Paralysie  du  nerf  facial.  —  Cette  paralysie  peut  être  d'origine 
nucléaire  ou  périphérique.  Michel  a  évidemment  tort  de  conclure,  de 
la  présence  d'une  paralysie  faciale,  à  la  non-possibilité  d'une  affection 
spinale. 

Dans  la  paralysie  faciale  d'origine  nucléaire,  c'est  la  branche  infé- 
rieure du  facial  qui  est  atteinte. 

Cependant  plusieurs  symptômes  indiquent  que  le  noyau  du  facial 
supérieur  qui  se  trouve,  d'après  Mendel,  dans  le  voisinage  du  noyau 
de  l'oculo-moteur  commun  est  également  attaqué  dans  le  tabès  dorsal. 
Ces  symptômes  sont  :  la  difficulté  de  la  fermeture  des  paupières,  la 
contraction  de  l'orbiculaire  des  paupières  ne  se  faisant  qu'avec  la  con- 
traction simultanée  du  sourcilier;  le  tnmMement  de  l'orbiculaire  des 
paupières  après  leur  fermeture,  ce  qui,  d'ailleurs,  s'observe  également 


TABES   DORSAL.  il7 

dans  d'autres  affections  nerveuses.  Il  faut  encore  mentionner  le  lar- 
moiement qui  est  la  conséquence  de  la  parésie  du  muscle  de  Horncr 
(animé  par  le  facial)  et  en  partie  de  l'hypersécrétion  de  la  glande 
lacrymale. 

Ajoutons  que  d'autres  nerfs  bulbaires  peuvent  être  également  at- 
teints dans  le  tabès  dorsal.  Ainsi  on  observe  fréquemment  des  névral- 
gies ou  l'anesthésie  de  quelques  branches  du  trijumeau.  Il  est  rare  que 
ce  nerf  soit  affecté  dans  sa  totalité.  Le  plus  souvent  c'est  une  ou 
quelques  branches  qui  sont  atteintes  (anesthésie  des  pharyngiennes, 
par  exemple). 

/'.  Tabès  et  syphilis.  — Des  recherches  faites  par  nous,  il  résulte 
que  les  ataxiques  syphilitiques  et  non  syphilitiques  sont  atteints  pour 
une  part  égale  de  troubles  graves  de  la  vue  (atrophie  du  nerf  optique, 
paralysie  des  muscles  extrinsèques  de  l'œil);  Dillmann  et  Oppenheim 
sont  arrivés  au  même  résultat.  D'après  Dillmann,  les  femmes  ataxi- 
ques sont  moins  fréquemment  atteintes  d'atrophie  du  nerf  optique  que 
les  hommes;  d'après  Eulenburg,  et  nous  partageons  cet  avis,  le  tabès 
chez  les  syphilitiques  débute  beaucoup  plus  fréquemment  par  des 
troubles  fonctionnels  du  côté  du  cerveau  et  des  nerfs  crâniens  que 
chez  les  non  syphilitiques. 

Parmi  les  symptômes  initiaux  du  tabès  syphilitique  les  plus  fréquents 
sont  :  la  paralysie  de  l'oeulo-moteur  commun  ou  de  l'oculo-moteur 
externe,  l'affection  du  nerf  optique,  du  facial,  du  nerf  acoustique, 
l'hémianopsic  (Eulenburg),  les  troubles  de  la  parole,  les  vertiges,  le 
diabète  sucré,  le  tremblement  de  la  tête  (Eulenburg).  Quant  aux 
paralysies  des  muscles  oculaires,  nous  avons  trouvé  que  les  ataxiques 
syphilitiques  sont  plus  exposés  aux  paralysies  multiples  et  prolongées, 
que  les  ataxiques  non  syphilitiques. 

g.  Les  symptômes  oculaires  du  tabès  et  la  théorie  du  tabès 
dorsal.  —  Puisque  les  altérations  anatomo-pathologiques  du  sys- 
tème nerveux,  et  celles  de  l'organe  de  la  vision  en  particulier,  dans 
l'ataxie  locomotrice  ne  peuvent  pas  être  expliquées  par  un  processus  frap- 
pant des  faisceaux  nerveux  ayant  un  rapport  anatomique,  j'ai  cherché 
à  les  expliquer  par  des  altérations  se  développant  par  l'intermédiaire 
des  vaisseaux.  Aroici  les  preuves  qu'on  peut  donner  :  1°  les  troubles 
fonctionnels  de  la  rétine  ne  sont  explicables,  comme  nous  l'avons 
déjà  vu,  que  par  la  présence  d'altérations  vasculaires;  2°  les  parties 
atteintes  de  la  moelle  épinière  correspondent  aux  altérations  des 
vaisseaux,  sous  la  dépendance  desquels  elles  se  trouvent  (Adam- 
kiewicz)  ;  3°  dans  le  tabès  ce  sont  les  nerfs  dont  les  noyaux  se  trouvent 
dans  la  moelle  allongée,  lieu  où  on  doit  aussi  placer  le  siège  des 
centres  vasomoteurs,  qui  sont  le  plus  souvent  atteints. 

11  y  a  aussi  d'autres  symptômes  qui  nous  démontrent  que  les  lésions 
de  la  moelle  allongée  jouent  un  rôle  considérable  dans  la  symptoma- 


H8  PARTIE  SPÉCIALE. 

tologie  du  tabès,  par  exemple  le  diabète  sucré  ou  le  goitre  exophthal- 
mique  qui  viennent  le  compliquer  (Ballet). 

11  est  vrai  que  cette  théorie  n'explique  pas  les  névrites  périphériques, 
qui  apparaissent  comme  symptôme  initial  du  tabès  dorsal,  et  au 
moment  où  les  altérations  du  système  nerveux  central  n'existent 
pas  encore.  Ceux  qui  admettent  l'origine  périphérique  des  altérations 
qu'on  rencontre  dans  l'ataxie  considèrent  l'atrophie  du  nerf  optique 
se  développant  au  début  comme  une  manifestation  d'une  né- 
vrite périphérique  de  ce  nerf.  Strumpell,  partisan  de  cette  théorie, 
croit  que  cette  névrite  périphérique  est  de  nature  toxique  et  pro- 
voquée par  les  ptomaïnes  syphilitiques;  il  admet  même  que  tous 
les  cas  de  l'ataxie  locomotrice  sont  d'origine  syphilitique,  ce  qui  est 
inexact. 

Nous  nous  occuperons,  dans  un  chapitre  ultérieur,  des  troubles 
visuels,  qu'on  peut  attribuer  avec  une  certaine  vraisemblance  à 
l'action  des  ptomaïnes  de  la  syphilis,  et  nous  verrons  qu'ils  diffèrent 
d'une  façon  essentielle  de  ceux  du  tabès  dorsal. 

On  n'a  pas  encore  proposé  une  théorie  qui  puisse  expliquer  tous 
les  symptômes  si  différents  du  tabès  dorsal,  ce  qui,  d'ailleurs,  ne 
doit  pas  nous  empêcher  d'en  chercher  une  plausible. 

6.   SYPHILIS  MÉDULLAIRE  PRÉCOCE 

Les  recherches  cliniques  récentes  nous  permettent  de  faire  le 
diagnostic  des  altérations  de  la  moelle  épinière  consécutives  aux 
altérations  syphilitiques  des  artères.  D'après  Gilbert  et  Léon,  la 
moelle  épinière  et  les  méninges  peuvent  déjà  être  prises  de  trois  à  six 
mois  après  l'accident  primitif  de  la  syphilis,  mais  les  lésions  de  la 
moelle  peuvent  se  manifester  jusqu'à  la  fin  de  la  deuxième  année. 

La  syphilis  médullaire  précoce  commence  ordinairement  par  des 
rachialgies,  une  sensation  de  resserrement  du  thorax  et  de  l'abdomen, 
du  picotement  aux  extrémités  inférieures,  et  des  troubles  divers  de 
la  sensibilité.  Parfois  on  observe  aussi  l'apparition  de  paraplégie 
accompagnée  de  l'exagération  des  réflexes  rotuliens,  de  troubles  de 
l'éjaculation  du  sperme  et  de  la  défécation.  Tous  ces  troubles  peuvent 
coexister.  Les  quatre  extrémités  peuvent  être  prises  simultanément, 
mais  il  est  rare  que  les  troubles  fonctionnels  débutent  par  les  exlré- 
mités  supérieures.  Dans  quelques  cas  les  accidents  cérébraux  domi- 
nent, et  alors  il  s'agit  de;syphilis  cérébro-spinale  précoce.  Parfois  on 
observe  le  tremblement  et  le  nyslagmus,  des  troubles  de  la  coordina- 
tion des  mouvements  des  membres  avec  disparition  du  réflexe  rotulieu 
et  Vamblyopie;  on  est  alors  en  droit  de  soupçonner  la  présence  de  la 
sclérose  en  plaques  ou  du  tabès  dorsal.  La  marche  de  la  maladie 
peut  être  aiguë,  subaiguë  ou  chronique.  Elle  peut  être  progressive  ou 


SCLÉROSE  LATÉRALE  AMYOTROPHIQUE.  119 

bien   présenter   des  rémissions   plus  ou  moins  durables    ou,  enfin, 
disparaître  pour  quelque  temps. 

Dans  la  grande  majorité  des  cas,  cette  affection  se  termine  par  la 
gnérison.  Le  traitement  mercuriel  seul  ou  bien  combiné  aux  iodures 
peut  bâter  la  guérison.  Quelquefois  la  marche  est,  au  contraire,  chro- 
nique :  la  maladie  est  inguérissable  et  se  termine  par  la  mort.  Celte 
terminaison  peut  survenir  avec  des  symptômes  bulbaires,  des  eschares 
fessières  ou  des  plaques  gangreneuses  disséminées. 

7.    ATAXIE    HÉRÉDITAIRE,    MALADIE   DE    FRIEDREICH. 

Dans  cette  affection,  contrairement  à  ce  qu'on  observe  dans  l'ataxie 
locomotrice,  le  symptôme  d'Argyll  Itobertson  manque.  Ce  qui  est 
caractéristique,  c'est  l'apparition  du  nystagmus  observé  pour  la  pre- 
mière fois  par  Friedreich.  Les  oscillations  n'apparaissent  que  dans  les 
mouvements  latéraux  de  l'œil  (Friedreich),  et  jamais  à  l'état  de  repos 
des  muscles  de  l'œil,  comme  on  le  voit  dans  le  nystagmus  proprement 
dit.  Pour  Friedreich,  ce  nystagmus  n'est  autre  chose  que  l'ataxie 
des  muscles  de  l'œil. 

Il  est  inexact  que  dans  l'ataxie  héréditaire  les  nerfs  optiques  et  les 
muscles  de  l'œil  restent  toujours  intacts.  Ainsi  Remak  a  observé  dans 
un  cas  le  ptosis,  la  diplopie  et  la  diminution  de  l'acuité  visuelle 
accompagnés  de  douleurs  fulgurantes.  Dans  un  autre  cas,  le  même 
auteur  a  constaté  des  douleurs  fulgurantes  et  l'atrophie  du  nerf  optique  ; 
dans  un  troisième  cas,  l'atrophie  du  nerf  optique  était  accompagnée 
de  névralgie  du  trijumeau. 

Oppenheim  a  décrit  un  cas  analogue  à  la  maladie  de  Friedreich, 
chez  une  jeune  fille  de  quinze  ans,  chez  laquelle  on  constata  l'atro- 
phie du  nerf  optique  et  un  plosis  unilatéral.  A  l'autopsie,  en  dehors 
de  l'atrophie  du  nerf  optique,  on  a  trouvé  des  altérations  anatomo- 
pathologiques  dans  le  cordon  latéral,  les  pyramides,  le  cordon 
antérieur,  les  cordons  de  Gall  et  de  Burdach,  altérations  se  répan- 
dant dans  la  région  des  cordons  grêle  et  cunéiforme,  les  pyra- 
mides de  la  moelle  allongée  et  s'arrêtant  aux  noyaux  du  facial  et  de 
l'oculo-moteur  externe.  La  racine  descendante  du  trijumeau  était 
atrophiée  dans  toute  sa  longueur  (1). 

8.  SCLÉROSE  LATÉRALE  AMYOTROPHIQUE. 

Nous  avons  vu  plus  haut  que  cette  affection  n'est  qu'un  symptôme 
de  la  maladie  de  Charcot,  à  laquelle  appartient  également  la  paralysie 
labio-glosso-laryngée.   Comme   cette   dernière   affection,  la  sclérose 

(1)  Voir  l'autopsie  d'un  cas  de  maladie  de  Friedreich  par  Déjérine  (Société  de 
biologie,  1890,  17  avril). 


J20  PARTIE   SPÉCIALE. 

latérale  amyotrophiquepeut  être  associée  à  l'atrophie  du  nerf  optique, 
ainsi  que  l'a  observé  Peltesohn. 

Cet  auteur  a  vu  un  malade  âgé  de  vingt-huit  ans,  atteint  de 
sclérose  latérale  amyolrophique  dont  l'acuité  visuelle  était  réduite  d'un 
côté  à  la  seule  perception  de  la  lumière  ;  l'autre  œil  pouvait  encore 
distinguer  les  mouvements  des  doigts. 

Suckling  a  observé,  chez  un  autre  malade  âgé  de  vingt-cinq  ans, 
atteint  de  tahesspasmodique,  la  névrite  optique  bilatérale  et  une  névrite 
unilatérale.  Ce  malade  étant  syphilitique,  il  ne  nous  semble  pas  dé- 
montré que  ces  complications  soient  nécessairement  d'origine  spinale, 
comme  le  prétend  l'auteur. 

9.    ATROPHIE    MUSCULAIRE    PROGRESS1VK. 

Les  recherches  de  Charcot,  Jouffroy,  Hayem,  Bergmann  et  d'autres, 

ont  démontré  que  cette  affection  est  produite  par  des  altérations  des 
cornes  antérieures  de  la  moelle  épinière.  Il  semble  que  dans  cette 
maladie  les  noyaux  des  nerfs  moteurs  de  l'œil  soient  atteints  de  la 
même  façon  que  les  cornes  antérieures  de  la  moelle. 

D'après  Michel  (loc.  cit.,  p.  188),  on  observe  dans  des  cas  rares 
la  diplopie  et  la  parésie  du  releveur  de  la  paupière  supérieure 
chez  des  enfants  atteints  d'atrophie  grise  des  cornes  antérieures  de 
la  moelle  épinière.  Guinon  et  Parmentier  ont  observé  un  cas  d'oph- 
thalmoplégie  externe,  combinée  à  l'atrophie  musculaire  progressive. 
H.  Oppenheim  a  vu  de  son  côté  un  malade  âgé  de  vingt  ans,  qui  avait 
été  atteint  d'atrophie  musculaire  infantile  progressive,  et  chez  lequel 
cette  affection  s'était  compliquée  de  troubles  fonctionnels  des  muscles 
de  l'œil  et  du  larynx.  Les  troubles  fonctionnels  des  muscles  de  l'œil 
consistaient  dans  l'insuffisance  des  muscles  internes  et  dans  le  nys- 
tagmus.  Ce  dernier  se  produisait  même  à  l'état  de  repos  et  dans  la 
direction  horizontale. 

Dans  plusieurs  cas  de  paralysie  musculaire  progressive,  associée  à 
l'atrophie  des  muscles  cervicaux,  on  a  également  observé,  d'après 
Michel  (loc.  cit.,  p.  .~>1(.>),  le  myosis  paralytique  bilatéral.  Ce  phénomène 
peut  être  aussi  unilatéral.  C'est  ainsi  que  dans  un  cas  de  .lacobson,  où 
les  muscles  d'un  seul  bras  étaienl  atteints,  la  pupille  correspondante 
était  resserrée  et  ne  réagissait  pas  à  la  lumière. 

10.    ATROPniE    MUSCULAIRE    MYOPATHJQUE. 

Dans  la  forme  typique  décrite  par  Landouzy  el  Déjérine,  on  sait 
que  l'affection  débute  très  souvenl  par  la  paralysie  des  muscles  de  la 
face.  Dans  ce  cas  la  fermeture  complète  des  paupières  devient  parfois 
aussi  impossible  par  suite  de  lésion  de  l'orbiculaire  des  paupières. 


SYRINGO-MYÉLIE.  i2i 

11.    SYRINGO-MYÉLIE. 

Cette  affection  amène  quelquefois  des  troubles  oculaires,  si  le  centre 
oculo-pupillaireet  le  noyau  du  facial  sont  atteints. 

Dans  le  cas  très  intéressant  de  Kretz,  on  a  constaté  le  rétrécissement 
de  la  pupille  et  le  nystagmus.Les  autres  symptômes  étaient  :  l'atrophie 
musculaire  dégénérative,  la  parésie  ou  la  paralysie  des  muscles  des 
extrémités  supérieures  et  de  quelques-uns  des  muscles  innervés  par 
les  nerfs  facial  et  spinal,  la  diminution  de  la  sensibilité  au  toucher 
dans  une  région  peu  étendue  de  la  peau;  de  larges  parties  des 
téguments  étaient  le  siège  d'analgésie  ou  d'bypoalgésie;  la  sensibilité 
à  la  température  était  considérablement  diminuée  et  il  existait  des 
troubles  tropbiques  de  diverses  sortes.  On  constata  à  gauche  la  sur- 
dité accompagnée  de  bourdonnements  d'oreilles,  sans  troubles  psy- 
chiques. Le  développement  de  ces  symptômes  fut  très  lent  et  continua 
pendant  quatorze  ans. 

Voici  quelles  sont,  d'après  Kretz,  les  lésions  anatomiques  qui  existent 
dans  ce  cas  :  dans  la  moelle  allongée  et  au  plancher  du  quatrième 
ventricule,  on  voit  des  altérations  du  noyau  du  facial  gauche,  des 
deux  noyaux  du  nerf  accessoire  de  Willis,  du  noyau  sensitif  du  triju- 
meau et,  secondairement,  du  faisceau  du  facial  droit;  dans  la  portion 
cervicale  de  la  moelle  épinière,  ce  sont  les  cornes  antérieures  et 
postérieures  et  la  partie  gauche  du  centre  oculo-p^pillaire  qui  sont 
atteintes. 

Déjérine  et  Tuilant  attirent  en  outre  l'attention  sur  l'existence  d'un 
rétrécissement  du  champ  visuel  dans  la  syringo-myélie  :  le  vert  est 
surtout  rétréci.  Cependant,  d'après  Souquez,  dans  la  syringo-myélie 
(type  Morvan)  le  champ  visuel  peut  être  normal.  Pour  les  autres  cou- 
leurs iln'y  a  pas  de  règle  distincte.  Le  fond  de  l'œil  est  normal.  Aucun 
symptôme  n'indique,  dans  les  cas  de  Déjérine  et  Tuilant,  l'existence 
d'une  lésion  encéphalique  matérielle  quelconque.  Ces  auteurs  pensent 
qu'il  serait  possible  que  l'hydrocéphalie,  qu'on  trouve  dans  quelques 
autopsies  (à  un  léger  degré),  ne  fût  pas  la  cause  du  rétrécissement  du 
champ  visuel. 

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mélie.  Thèse  de  Paris,  1891,  Steinheil. 


D.   -  TROUBLES  OCULAIRES  DANS  LES  NÉVROSES. 

1.     ÉPILEPSIE. 

Les  troubles  fonctionnels  de  l'organe  de  la  vue  sont  très  fréquents 
dans  l'épilepsie.  Comme  prodrome  d'attaque  on  a  constaté  le  rétrécis- 
sement du  champ  visuel  (Finkelstein)  augmentant  progressivement 
avant  l'accès  et  disparaissant  après.  Les  troubles  de  la  perception  des 
couleurs  sont  communs  quelque  temps  avant  l'attaque,  mais  ils  ne  sont 
pas  constants  (Hosslin,  Finkelstein).  Le  plus  souvent  la  sensation  du 
vert  manque.  De  même,  des  troubles  passagers  de  l'olfaction  et  du 
goût  peuvent  précéder  les  attaques. 

Dans  quelques  cas,  surtout  cbez  les  épileptiques  pyschopathes,  on  a 
constaté  l'inégalité  des  pupilles  avant  l'accès,  mais  ce  signe  disparait 
après.  C'est  ainsi  que  G.  Masso  l'a  constaté  dans  22  p.  100  des  cas  d'épi- 
lepsie.  On  a  également  observé,  comme  aura  ou  pendant  Vaura,  la 
perception  subjective  de  lumière  et  de  couleurs,  la  micropsie,  la 
mégalopsie,  de  véritables  ballucinations  pendant  lesquelles  le  malade 
se  croit  entouré  d'bommes  ou   d'animaux. 

Hilbert  a  fait  connaître  le  cas  d'un  épileptique  sujet  à  des  accès  de 
xanlhopsie  (pendant  24  beures  le  malade  voyait  tous  les  objets  colorés 
en  jaune)  :  l'accès  de  xantbopsie  précédait  ebaque  attaque  épilep- 
tique. Pour  cet  auteur,  la  xantliopsie,  dans  ce  cas,  n'est  en  quelque 
m  Mie  qu'une  ballucination  des  couleurs. 

Au  début  de  l'attaque  les  pupilles  sont  dilatées,  immobiles  à  la 
lumière  et  la  face  est  pale;  Notbnagel  attribue  ces  deux  pbénomènes 
;i  l'irritation  du  grand  symphatique.  Mais  comme  il  n'existe  pas  de 
dilatateur  de  la  pupille,  il  faut  attribuer  la  dilatation  des  pupilles  à  la 


EPILEPSIE.  123 

contraction  des  vaisseaux  iriens.  Cette  anémie  de  l'iris  n'est,  à  notre 
avis,  qu'un  symptôme  d'anémie  cérébrale,  les  vaisseaux  de  l'iris 
étant,  comme  on  le  sait,  les  branches  terminales  des  vaisseaux  cé- 
rébraux. 

L'examen  ophthalmoscopique,  fait  pendant  l'accès,  montre  qu'il 
existe  bien  de  l'anémie  dans  les  branches  de  la  carotide  interne.  Hugh- 
lings  Jackson  a  constaté  Yanémie  de  la  papille  optique  pendant  Vat- 
taque  épileptique. 

Teobaldi  a  observé  qu'immédiatement  après  l'accès  les  arières  de 
la  rétine  étaient  rétractées,  tandis  que  les  veines  rétiniennes  étaient 
dilatées. 

Les  recherches  de  Knies  sur  l'état  des  vaisseaux  rétiniens  pendant 
l'attaque  sont  de  la  plus  haute  importance.  Cet  auteur  a  constaté  que 
dix  à  vingt  secondes  avant  l'accès,  les  artères  rétiniennes  sont  res- 
serrées, que  cette  rétraction  dure  pendant  l'attaque  pour  disparaître 
après.  Les  veines  rétiniennes,  qui  ont  conservé  leur  calibre  normal 
pendant  l'attaque,  se  dilatent  ensuite.  Les  mêmes  altérations  se  pro- 
duisent très  vraisemblablement  dans  le  calibre  des  vaisseaux  du 
cerveau  (d'abord  rétrécissement  des  artères  dû  à  l'accumulation 
des  substances  toxiques  (acide  carbonique?),  puis  retour  à  l'état 
normal. 

Knies  a  observé  un  épileptique  avec  des  accès  qui  détermineraient, 
pendant  plusieurs  minutes,  une  cécité  absolue  de  l'œil  droit.  Le 
champ  visuel  se  rétrécissait  de  plus  en  plus  et  finissait  par  être  ré- 
duit à  zéro.  D'après  Knies,  il  s'agirait  probablement  d'épilepsie  fruste 
consistant  en  un  spasme  des  vaisseaux  rétiniens. 

11  n'est  pas  rare  de  constater  pendant  l'attaque  des  contractions 
cloniques  rotatoires  des  muscles  oculaires.  Parfois  les  bulbes  oculaires 
présentent  une  déviation  conjuguée  toujours  du  même  côté.  Ce  phé- 
nomène est  probablement  produit  par  l'excitation  des  centres  cor- 
ticaux de  la  coordination  des  muscles  de  l'œil. 

Après  l'attaque,  les  malades  sont  fréquemment  atteints  de  scotome 
scintillant.  Leur  rétine  est  très  vite  fatiguée  par  l'impression  de  la 
lumière  (Finkelstein).  Les  pupilles  présentent  quelquefois,  après 
l'accès,  des  oscillations  rythmiques  (Michel,  loc.  cit.,  p.  521). 

Dans  l'intervalle  des  attaques,  plusieurs  auteurs  (Albutt,  Teobaldi) 
ont  encore  observé  une  dilatation  des  veines  rétiniennes  et  nous  en 
avons  vu  nous-même  des  exemples. 

Schleich,  qui  a  pratiqué  l'examen  ophthalmoscopique  chez  127  épi- 
leptiques,  a  observé,  en  dehors  de  la  dilatation  des  veines  réti- 
niennes, la  pâleur  de  la  moitié  temporale  de  la  papille  dans  8  cas, 
et,  dans  52  cas,  une  légère  altération  de  la  couleur  du  fond  de  l'œil, 
sans  qu'il  y  eut  de  troubles  fonctionnels;  la  dilatation  des  veines  était 
le  phénomène  le  plus   fréquent.   En  outre,  d'après  cet  auteur,  il  ne 


124  PARTIE  SPÉCIALE. 

sérail  pas  rare  de  constater  un  léger  effacement  des  limites  de  la  pa- 
pille et  des  parties  voisines  de  la  rétine. 

D'après  les  auteurs  récents,  la  névrite  optique  et  l'atrophie  des  nerfs 
optiques  n'existent  pas  dans  l'épilepsie  essentielle.  Ces  altérations  du 
fond  de  l'œil  s'observent,  au  contraire,  dans  l'épilepsie  symptoma- 
tique,  c'est-à-dire  là  où  l'accès  épileptiforme  n'est  que  le  symptôme 
d'un  processus  cérébral  grave  (8  à  9  p.  100  des  cas  d'épilepsie  d'a- 
près Pichon). 

La  statistique  de  Labor  démontre  qu'il  n'existe  pas  d'amaurose 
épileptique  ou  d'épilepsie  rétinienne.  Les  troubles  décrits  sous  ce 
nom  ne  sont  autre  chose  que  des  accès  d'hémianopsie  passagère  de 
l'hystéro-épilepsie.  S'il  est  permis  d'employer  le  nom  d'amaurose 
épileptique,  c'est  dans  les  cas  de  Knies,  dont  nous  avons  parlé 
plus  haut. 

Hughlings  Jackson,  qui,  le  premier,  a  décrit  celte  forme  à'amaurose 
'passagère,  l'attribue  au  spasme  des  vaisseaux  rétiniens,  comme  l'at- 
taque épileptique  elle-même  est  la  conséquence  du  spasme  des  vais- 
seaux cérébraux. 

Feré  a  observé  chez  un  épileptique  les  symptômes  de  Graefe  et  de 
Stelhvag.  Le  premier  consiste,  comme  l'on  sait,  dans  l'immobilité  de 
la  paupière  supérieure  pendant  que  le  regard  est  dirigé  en  bas  ;  le  se- 
cond dans  la  rétraction  de  la  paupière  supérieure  accompagnée  d'une 
diminution  dans  la  fréquence  du  clignotement. 

Dans  deux  autres  cas,  il  a  également  observé  la  rareté  du  cligno- 
tement des  paupières  avec  immobilité  presque  absolue  de  la  pau- 
pière supérieure  lorsque  l'œil  regardait  en  bas.  11  reste  à  savoir  s'il 
faut  considérer  ces  symptômes  comme  une  complication  de  l'épi- 
lepsie, qui  serait  accompagnée  de  goitre  exophthalmique. 

Feré  altire  en  outre  l'attention  sur  la  fréquence  de  l'hétérechromie 
de  l'iris  chez  les  ôpileptiques.  Il  a  observé  le  fait  .'il  fois  sur  115  cas 
d'épilepsie.  L'hétérechromie  serait,  d'après  lui,  un  stigmate  de  né- 
vropathie. 

Feré  et  Vignes  ont  cherché  à  déterminer  la  fréquence  de  Yasligma- 
tisme  chez  les  épileptiques.  Ils  ont  trouvé  qu'il  est  en  effet  très 
fréquent  et  coïncide  toujours  avec  d'autres  malformations  des  yeux 
ou  de  l'œil  correspondant.  Nous  reviendrons  plus  tard  sur  cette  ques- 
tion, et  nous  examinerons  quel  rôle  l'astigmatisme  joue  dans  l'ap- 
parition des  attaques  épileptiques.  L'image  diffuse  de  la  rétine,  la 
tendance  de  la  rétine  à  apprécier  la  véritable  forme  d'objets  d'après 
des  images  diffuses,  la  forte  irritation  du  nerf  optique,  enfin  les  ano- 
malies de  la  fonction  desmuscles  oculaires  seraient,  diaprés  quelques 
auteurs,  d'une  certaine  importance  dans  la  production  des  attaques 
d'épilepsie. 


PARALYSIE   AGITANTE.  125 

2.     ÉCLAMPSIE    DES     ENFANTS. 

Pendant  l'attaque  d'éclampsie,  on  observe  les  mêmes  mouvements 
rotatoires  des  yeux  (Strùmpell,  p.  4-48),  la  même  déviation  conjuguée 
que  dans  l'attaque  épileptique. 

3.    CHORÉE. 

La  chorée  débute  assez  souvent  par  des  spasmes  cloniques  de  l'or- 
biculaire  des  paupières.  Le  clignotement  se  produit  simultanément 
des  deux  côtés,  taudis  que  les  autres  mouvements  involontaires  des 
muscles  qu'on  trouve  dans  la  chorée  sont  au  contraire  unilatéraux. 
Le  clignotement  des  choréiques  s'observe  surtout  chez  les  enfants  de 
six  à  quinze  ans.  C'est  généralement  ce  symptôme  que  l'entourage 
du  malade  aperçoit  tout  d'abord  et  qu'on  attribue  à  une  mauvaise 
habitude.  Le  médecin  peut,  dès  ce  moment,  observer  d'autres  symp- 
tômes qui  passent  généralement  inaperçus  à  l'entourage,  par  exemple 
des  mouvements  convulsifs,  la  contraction  des  épaules  et  des  ailes 
du  nez,  et  des  mouvements  rotatoires  de  la  tête. 

D'après  Strùmpell  la  dilatation  des  pupilles  serait  très  fréquente 
chez  les  choréiques  et  serait  due  à  l'irritation  du  grand  sympathique. 

4.    PARALYSIE  AGITANTE  (MALADIE    DE   PARKINSON). 

Ce  qu'on  appelle  «  masque  »  de  la  paralysie  agitante  est  produit  par 
l'immobilité  des  muscles  de  la  face  ;  c'est  un  phénomène  très  fré- 
quent qui,  par  exception,  semble  aussi  frapper  les  muscles  oculaires. 
C'est  ainsi  que  Debove  a  constaté  chez  un  malade  une  grande  diffi- 
culté de  lecture;  le  malade  ne  pouvait  qu'avec  peine  suivre  les  lignes 
du  regard. 

Les  muscles  oculaires  ne  sont  pas  atteints  du  tremblement  qu'on 
observe  aux  extrémités.  Une  seule  fois  Galezowski,  à  l'aide  d'une 
loupe,  a  pu  à  peine  apercevoir  un  nystagmus  minime. 

Peltesohn  a  observé  dans  un  cas  de  paralysie  agitante  des  mouve- 
ments rotatoires  de  l'œil,  qu'il  attribue  à  l'existence  du  scotome  para- 
central  constaté  dans  ce  cas. 

Il  est  rare  de  rencontrer  des  affections  du  nerf  optique  consécu- 
tives à  la  maladie  de  Parkinson.  Lorsque  l'on  constate  ces  affections 
on  ne  peut  affirmer  qu'elles  dépendent  de  la  paralysie  agitante.  Pel- 
tesohn, par  exemple,  a  décrit  un  cas  de  paralysie  agitante  com- 
pliquée d'atrophie  du  nerf  optique  ;  il  attribue  cette  complication  à  ce 
que  le  siège  central  de  l'affection  était  localisé  dans  les  tubercules  qua- 
drijumeaux,  mais  cette  explication  est  en  désaccord  avec  ce  que  nous 


126  PARTIE   SPÉCIALE. 

avons  dit  des  fonctions  de  ces  tubercules.  Galezowski  a  observé  un 
cas  de  maladie  de  Parkinson  compliqué  de  rétrécissement  du  champ 
visuel.  Déjérine,  au  contraire,  n'a  jamais  vu  un  seul  cas  de  rétrécisse- 
ment du  champ  visuel  chez  tous  les  malades  qu'il  a  examinés.  Nous  en 
concluons  que,  dans  le  cas  de  Galezowski,  il  faut  attribuer  le  phéno- 
mène à  d'autres  causes  qu'à  la  maladie  de  Parkinson. 

5.  TÉTANOS. 

D'après  Strùmpell,  les  yeux  ont  dans  cette  affection  une  direction 
fixe  en  avant.  Mais  on  ne  saurait  encore  dire  si  les  muscles  oculaires 
prennent  part  aux  contractions  toniques.  On  n'est  pas  d'accord  non 
plus  sur  l'état  de  la  pupille  dans  cette  maladie.  Strùmpell  l'a  trouvée 
rétrécie;  Jacobson,  au  contraire,  dilatée.  Ce  dernier  auteur  attribue 
la  dilatation  des  pupilles  à  l'exagération  de  l'excitabilité  de  la  moelle 
épinière. 

6.  TÉTANIE. 

Dans  cette  affection, les  complications  oculaires  semblent  également 
rares.  C.-G.  Kunn  a  décrit  le  cas  d'un  homme  âgé  de  vingt  et  un  ans, 
atteint  depuis  deux  ans  d'accès  de  tétanie;  le  malade  présenta  de 
la  névro-rétinite.  Les  pupilles  très  dilatées  réagissaient  peu  à  la 
lumière.  La  névro-rétinite  s'est  terminée  par  l'atrophie  du  nerf  opti- 
que. Il  s'agirait  de  savoir  si  cette   coïncidence  n'est  pas  accidentelle. 

7.    MALADIE    DE    TUOMSEN. 

Dans  quelques  cas  de  cette  maladie,  qui  se  manifeste  par  une  cer- 
taine raideur  des  muscles  après  leur  contraction,  Raymond  a  constaté 
des  symptômes  oculaires  (1).  Chez  un  malade,  à  la  suite  de  mouve- 
ments fatigants  du  corps,  il  a  vu  se  produire  une  rétraction  des  pau- 
pières  :  les  yeux  devinrent  saillants  et  le  regard  présenta  quelque 
chose  d'étrange;  la  frayeur  ou  un  bruit  soudain  occasionnaient  une 
amblyopie  passagère.  Dans  le  cours  de  la  maladie,  les  muscles  ocu- 
laires augmentèrent  de  volume.  Chez  un  deuxième  malade,  Raymond 
observa  des  symptômes  analogues.  Lorsque  le  patient  fermait  forte- 
ment les  paupières,  il  ne  pouvait  plus  les  ouvrir  que  difficilement  et  avec 
lenteur.  Quand  il  regardait  en  bas,  la  paupière  supérieure  ne  suivait 
pas  le  mouvement,  phénomène  analogue  à  ce  qu'on  rencontre  dans  la 
maladie  de  Basedow.  Si  le  malade  imprimait  à  la  tète  des  mouve- 
ments rapides,  il  survenait  des  obnubilations  passagères  du  champ 
visuel,  que  Raymond  veut  expliquer  par  la  compression  exercée  sur 

1    Raymond,  Ga*.  méd.  de  Pari*,  1891,  i.°  2G. 


NÉVRAST1IÉNIE.  127 

le  globe  oculaire  par  les  muscles  extrinsèques  de  l'œil.  Parmi  les 
muscles  oculaires,  ce  sont  surtout  les  muscles  droits  qu'atteint  l'hy- 
pertrophie. Les  mouvements  de  l'iris  ne  sont  pas  troublés  par  le 
processus. 

8.    NÉVRAST11ÉNIE. 

La  faiblesse  générale  des  muscles,  ou  pour  mieux  dire  le  manque 
d'énergie  musculaire,  s'observe  également  dans  les  muscles;  Le  muscle 
de  t 'accommodation  en  particulier  se  fatigue  vite;  il  en  résulte  un 
certain  nombre  de  phénomènes  d'asthénopie  tels  que  la  sensation  de 
pression  dans  l'œil,  fatigue  à  la  lecture,  douleurs  dans  le  front,  etc. 
L'asthénopie  accommodative  névrasthénique  s'améliore  en  même 
temps  que  l'état  général.  C'est  ainsi  que  Collins  a  obtenu  des  résul- 
tats en  traitant  les  cas  d'asthénopie  accommodative  par  la  méthode 
de  AYeir-Mitchell  (suralimentation,  préservation  d'irritation  des  divers 
sens  et  faradisation  des  muscles).  Cependant  nous  avons  observé  une 
amélioration  dans  des  cas  où  les  malades  ont  été  soumis  à  ce  traite- 
ment, mais  d'une  façon  moins  rigoureuse. 

Les  muscles  extrinsèques  de  l'œil  s'affaiblissent  également  assez  vite, 
chez  des  névrasthéniques  et  particulièrement  les  muscles  droits 
internes,  surtout  dans  les  cas  où  ils  travaillent  dans  des  conditions 
très  défavorables  au  point  de  vue  mécanique  (ces  conditions  s'éva- 
luent par  la  présence  de  la  divergence  en  mettant  devant  les  yeux 
un  prisme  à  axe  horizontal  [méthode  de  Graefe]).  Ainsi,  on  observe 
très  fréquemment  chez  des  névrasthéniques  l'insuffisance  des  droits 
internes.  C'est  à  cette  insuffisance  et  non  à  l'hypochondrie,  comme 
on  le  croyait  auparavant  (on  considérait  les  névrasthéniques  comme 
hypochondriaques),  qu'il  faut  attribuer  certains  symptômes  oculaires 
subjectifs,  causés  par  la  difficulté  de  supprimer  la  diplopie  (vertiges, 
agoraphobie)  (1),  etc.,  qu'on  a  observés  chez  des  névrasthéniques. 

Du  côté  de  la  rétine,  les  malades  se  plaignent  d'apercevoir  des 
mouches  volantes;  leur  rétine  se  fatigue,  et  il  se  développe  très  ra- 
pidement des  images  complémentaires. 

Le  champ  visuel,  suivant  l'école  de  la  Salpétrière,  est  normal,  ce  qui 
servirait  à  établir  le  diagnostic  différentiel  entre  la  neurasthénie  et 
l'hystérie.  Finkelstein  et  de  Hosslin  ont  aussi  trouvé,  dans  l'immense 
majorité  des  cas,  le  champ  visuel  normal  pour  le  blanc,  mais  souvent 
rétréci  pour  les  couleurs. 

"Wilbrandt  (de  Hambourg)  prétend,  au  contraire,  avoir  trouvé  le 
cbamp  visuel  très  souvent  rétréci  chez  les  névrasthéniques.  Ce  fait 
aurait  même  pour  lui  une  grande  importance  au   point  de  vue  du 

(1)  L'agoraphobie  a  été  décrite  par  Westphal  en  1885,  comme  entité  morbide; 
d'après  cet  auteur  et  d'après  Nieden,  elle  est  fréquemment  compliquée  de  rétré- 
cissement du  champ  visuel. 


128  PARTIE   SPÉCIALE. 

diagnostic.  Mais  il  se  trouve  seul  de  son  opinion.  Dans  les  cas  que 
nous  avons  examinés  nous-inème,  le  champ  visuel  était  normal  ou  bien 
si  peu  rétréci,  qu'il  n'en  fallait  même  pas  tenir  compte.  La  percep- 
tion des  couleurs  peut  être  incomplète  chez  des  névrasthéniques;  d'a- 
près Finkelstein,  c'est  surtout  la  perception  du  vert  qui  manque. 
La  dyschromatopsie  s'améliore  en  même  temps  que  l'état  général. 

Dans  quelques  cas,  les  névrasthéniques  sont  atteints  d'accès  d  e- 
rythropsie.  Nous  avons  eu  l'occasion  de  soigner  un  étudiant  névras- 
thénique,  chez  lequel  l'érythropsie  apparaissait  tous  les  soirs  dans 
des  circonstances  particulières.  Il  avait  été  blessé  dans  le  pourtour  «le 
l'œil  en  faisant  de  l'escrime  et  cette  blessure,  d'ailleurs  insignifiante, 
l'avait  mis  dans  un  état  psychique  épouvantable;  il  avait  peur  (pie 
cette  blessure  n'entraînât  des  conséquences  très  graves  pour  sa  santé. 
L'émotion  psychique  était  la  cause  du  développement  des  accès 
d'érythropsie.  Après  l'avoir  tranquillisé,  les  accès  disparurent.  Ces 
cas  sont  plus  fréquents  chez  les  névrasthéniques  qu'on  l'avait  admis 
jusqu'ici  (Purtscher). 

î).   HYSTÉRIE. 

Du  côté  de  l'organe  de  la  vision  on  observe  la  même  multiplicité  de 
symptômes  que  du  côté  des  autres  organes.  On  ne  saurait  encore 
dire  si  les  troubles  oculaires  observés  dans  cette  maladie  (appelée 
si  judicieusement  par  Charcot:  maladie  imitatrice)  sont  des  symp- 
tômes réflexes,  ayant  surtout  leur  origine  dans  les  affections  des  or- 
ganes génitaux  chez  la  femme  et  retentissant  sur  le  nerf  optique  et 
sur  les  muscles  de  l'œil.  Ce  qui  est  certain,  c'est  qu'il  y  a  des  cas 
d'hystérie  sans  affection  des  organes  génitaux. 

Rappelons  seulement  les  cas  d'hystérie  traumatique  et  toxique, 
qu'on  observe  également  chez  l'homme.  Un  certain  nombre  de  troubles 
oculaires,  par  exemple  l'amblyopie  croisée,  l'hémianopie,  etc.,  indi- 
quent l'existence  de  troubles  fonctionnels  des  centres  nerveux  dans 
l'hystérie.  Parmi  les  lésions  des  organes  génitaux  qui  provoquent 
l'hystérie  chez  la  femme,  il  faut  surtout  noter:  l'ovarite  chronique, 
la  paramétrite,  la  métrite  et  i'endométrite  chroniques,  les  flexions  et 
les  versions  de  l'utérus,  et,  en  général,  toutes  les  affections  qui  pro- 
voquent des  troubles  menstruels.  11  en  est  de   même  des  altérations 

du  col,  telles  que  l'allongement,  le  rétrécisse nt  et  les  excoriations. 

Les  affections  aiguës,  au  contraire,  ne  provoquent  qu'exception- 
nellement l'hystérie. 

Les  affections  chroniques  delà  vulve  (ulcérations,  excoriations,  pru- 
rigo, anévrisme)  peuvent  également  provoquer  des  symptômes  hys- 
tériques. 

Le  champ  visuel  des  hystériques  présente  toujours  (et  ceci  a  une  im- 


HYSTERIE.  129 

portance  considérable)  un  rétrécissement  concentrique.  Ce  rétrécisse- 
iiHiit  est  précédé,  d'après  Parinaud,  d'une  amblyopie  des  parties 
périphériques  de  la  rétine.  Dans  ces  cas,  l'acuité  visuelle  centrale 
peut  être  normale.  Dans  l'éclairage  faible,  l'acuité  visuelle  diminue 
à  un  plus  haut  point  qu'à  l'état  normal,  sans  toutefois  baisser  comme 
dans  l'héméralopie.  Très  souvent,  presque  toujours,  le  rétrécisse- 
ment du  champ  visuel  se  complique  du  rétrécissement  des  limites 
des  couleurs.  Les  limites  du  bleu,  qui,  à  l'état  normal,  sont  en  dehors 
du  rouge,  se  rétrécissent  le  plus  chez  les  hystériques  et  passent  en 
dedans  de  ce  dernier. 

Dans  l'achromatopsie  hystérique,  les  couleurs  disparaissent  dans 
Tordre  suivant:  violet,  vert,  bleu,  jaune,  et  enfin  rouge,  c'est-à-dire 
qu'on  observe  le  contraire  de  ce  qui  se  passe  dans  l'atrophie  du  nerf 
optique.  En  appliquant  un  aimant  ou  une  plaque  de  métal  (or,  cuivre, 
étain)  sur  le  front,  on  constate  le  retour  de  la  perception  des  couleurs 
en  raison  inverse  de  leur  disparition  (Burq).  On  observe  des  cas 
d'achromatopsie  hystérique  où  le  rouge  seul  est  encore  perçu.  Dans 
l'atrophie  optique,  c'est  au  contraire  le  rouge  et  le  vert  qui  dispa- 
raissent les  premiers.  Ce  qui  est  étrange,  c'est  que  l'achromatopsie 
disparaisse  à  la  suite  d'amélioration  de  l'hystérie,  et  reparaisse  par 
l'application  des  plaques  de  métal  (Charcot). 

A  l'ophtalmoscope,  on  constate  chez  les  hystériques  un  état  normal 
du  fond  de  l'œil  malgré  les  troubles  fonctionnels  que  nous  venons  de 
décrire. 

Le  rétrécissement  du  champ  visuel  et  des  limites  des  couleurs  attri- 
bué à  l'anesthésie  rétinienne  a  été  également  observé  par  Parinaud 
et  par  d'autres  auteurs  dans  l'hystérie  masculine  et  le  railway  spine 
(hystérie  traumatique).  Dans  l'achromatopsie  hystérique  l'acuité  vi- 
suelle est  diminuée.  Une  forte  excitation  des  nerfs  sensitifs  (par  le 
diapason  ou  par  les  verres  rouges  à  travers  lesquels  on  fait  regarder 
le  malade)  peut,  d'après  Féré,  rendre  normale  l'acuité  visuelle  et  la 
perception  des  couleurs  ;  une  excitation  exagérée  ou  trop  prolongée 
les  abaisse  au  contraire  (Féré).  Le  même  phénomène  s'observe  du  côté 
d'autres  organes  des  sens. 

Un  phénomène  très  fréquent  dans  l'hystérie  est  la  rapidité  avec  la- 
quelle la  rétine  se  fatigue  pendant  l'acte  de  la  vision;  ce  phénomène 
est  connu  sous  le  nom  à'hypéresthésie  rétinienne  ou  asthénopie  névrop- 
tique  (Nuel);  il  a  été  décrit  aussi  sous  le  nom  d'anesthésie  rétinienne 
spontanée.  En  présence  d'une  lumière  intense,  les  malades  éprouvent 
des  éblouissements  et  des  sensations  douloureuses  dans  les  globes  ocu- 
laires. Ils  voient  devant  les  yeux  de  nombreuses  taches  noires,  qui 
disparaissent  s'ils  détournent  le  regard  des  objets  bien  éclairés,  ou 
bien  ils  aperçoivent  un  nuage  qui  apparaît  très  rapidement  et  dispa- 
raît ensuite.  Pendant   la  lecture,   les  caractères   s'entremêlent  après 

9 


130  PARTIE   SPÉCIALE 

quelques  minutes  et  disparaissent  bientôt  tout  à  fait.  En  examinant 
le  champ  visuel,  on  trouve  parfois  le  premier  méridien  normal,  quelle 
que  soit  la  direction  par  laquelle  on  a  commencé  l'examen.  Le  se- 
cond reste  au  dessous  de  la  normale;  dans  le  troisième,  le  champ 
visuel  est  plus  manifestement  rétréci;  de  sorte  que  pendant  l'exa- 
men le  rétrécissement  du  champ  visuel  se  prononce  de  plus  en  plus 
(Wilhrandt). 

11  ne  s'agit  donc  ici,  ni  d'hypéresthésie,  ni  d'anesthésie  de  la 
rétine,  mais  tout  simplement  d'une  rapide  fatigue  de  cette  mem- 
brane. La  vision  baisse  rapidement,  pour  peu  que  les  malades  appli- 
quent leur  organe  visuel;  des  nuages  passagers  recouvrent  les  objets, 
et  Ton  constate  dans  ces  cas  de  véritables  scotomes,  même  centraux, 
d'une  durée  variable. 

La  perception  des  couleurs,  diminuée  en  raison  du  degré  de 
l'amblyopie  et  du  rétrécissement  du  champ  visuel,  peut  même  être 
abolie  complètement  dans  les  cas  graves. 

Le  plus  souvent  Yamaurose  hystérique  est  unilatérale,  à  l'exception 
de  quelques  cas  rares  d'amaurose  bilatérale  décrits  par  Jacobson, 
Harlant  et  d'autres  auteurs.  La  réaction  de  la  pupille  à  la  lumière 
peut  cependant  être  conservée  (Mendel)  ;  on  peut  provoquer  dans  cer- 
tains cas  d'amaurose  hystérique,  en  pressant  la  rétine  anesthésique, 
l'apparition  des  phosphènes  (Graefe),  qui  cependant  peuvent  manquer 
dans  d'autres  cas  (Landolt,  Schwcigger). 

La  cécité  peut  alors  apparaître  brusquement,  mais  après  une  durée 
de  quelques  jours  elle  disparaît  complètement.  En  outre,  il  existe  des 
cas  d'amblyopie  hystérique  présentant  des  aggravations  passagères 
des  troubles  oculaires. 

Les  recherches  faites  par  Féré  sur  l'étiologie  de  l'hystérie  traunia- 
tique  ont  démontré  que  l'amaurose  peut  être  provoquée  par  la  pres- 
sion sur  le  nerf  sus-orbitaire.  L'amaurose  hystéro-traumatique  serait, 
d'après  lui,  une  paralysie  due  à  une  excitation  par  épuisement. 

Dans  l'anesthésie  unilatérale,  l'amblyopie  de  l'œil  du  côté  anesthésié 
est  toujours  plus  prononcée;  cet  œil  peut  même  être  atteint  d'amau- 
rose. Nous  avons  déjà  parlé  des  tbéories  nombrouses  et  contradic- 
toires à  l'aide  desquelles  on  a  voulu  expliquer  l'amblyopie  et  l'amaurose 
croisées  (voir  p.  21). 

Les  troubles  oculaires  qui  accompaynent  les  cas  présentant  un  point  ova- 
rique  ont  un  grand  intérêt.  Ce  point  consiste,  comme  on  sait,  en 
douleurs  plus  ou  moins  obtuses,  souvent  spontanées,  mais  qui  peuvent 
être  toujours  provoquées  par  la  compression  de  l'un  ou  de  l'antre 
ovaire;  la  moitié  correspondante  du  corps  est  anestfeésiée  ;  les  or- 
ganes des  sens  sont  plus  ou  moins  obtus. 

Selon  Landolt,  ces  troubles  oculaires  sont  les  suivants: 

1°  La  vision  est  normale  du  côté  sain;  du  côté  ovarique  le  champ 


HYSTÉRIE.  i:ji 

visuel  est  rétréci,  du  moins  pour  les  couleurs,  et  l'acuité  visuelle  est 
diminuée. 

2°  A  mie  période  plus  avancée,  l'acuité  visuelle  et  l'achromatopsie 
sont  diminuées  des  deux  côtés;  les  deux  champs  visuels  sont  rétré- 
cis, surtout  du  côté  ovarique. 

3°  Plus  tard,  on  observe  l'achromatopsie  ou  même  une  amblyopie 
fort  prononcés.  A  l'ophthalmoscope  on  constate  des  exsudats  séreux 
de  la  rétine  et  la  dilatation  des  vaisseaux  rétiniens. 

4°  Dans  un  cas,  Landolt  a  même  vu  une  atrophie  partielle  du 
nerf  optique. 

On  observe  également,  comme  manifestation  d'hystérie,  des  accès 
de  migraine  ophthalmique  ou  des  scotomes  scintillants  (Babinski). 

Quelquefois  l'attaque  convulsive  de  l'hystéro-épilepsie  est  précédée 
de  migraine  ophthu  Unique,  qui  en|est  l'aura.  D'autres  fois,  la  migraine 
ophthalmique  remplace  l'attaque. 

En  hypnotisant  les  malades,  Babinski  a  pu  arriver  à  reproduire  ou 
à  arrêter  à  volonté  les  accès  de  migraine  ophthalmique.  D'après  cet  au- 
teur, cette  migraine  peut  être  accompagnée  d'autres  manifestations 
hystériques  telles  qu'une  sensation  de  battements  dans  les  tempes, 
ou  une  sensation  de  constriction  dans  la  gorge;  elle  peut  également 
être  provoquée  par  des  pressions  exercées  sur  la  région  ovarique. 

Les  cas  d'hémianopsie  homonyme  passagère  (Bosenthal,  Sturge, 
Oalezowski,  Féré,  Westphal)  dans  l'hystéro-épilepsie  doivent  être 
attribués,  comme  le  pense  très  justement  Mauthner,  à  un  proces- 
sus analogue  à  celui  qui  provoque  l'apparition  du  scotome  scintil- 
lant. 

Nous  avons,  pour  notre  part,  observé  un  cas  de  ce  genre  ;  il  s'agis- 
sait d'une  jeune  fille  hystérique,  âgée  de  vingt-quatre  ans,  employée 
dans  un  grand  magasin  de  nouveautés,  qui  se  plaignait  de  ne  voir  de 
temps  en  temps  qu'une  moitié  des  gens  qu'elle  rencontrait. 

En  dehors  de  l'hémianopie  homonyme,  il  existe  encore  dans  l'hys- 
térie, d'après  Bosenthal,  des  cas  d'hémianopsie  temporale  hétéro- 
nyrne,  qui  cependant  sont  douteux. 

Dans  l'hémianopsiehomonyme  le  champ  visuel  des  deux  yeux  est 
rétréci  à  un  degré  différent  ;  le  rétrécissement  est  plus  prononcé  du 
côté  de  I'anesthésie.  L'acuité  visuelle  n'est  jamais  normale  dans  ces 
cas.  L'hémianopsie  peut  être  absolue,  c'est-à-dire  que  le  malade  ne 
voit  rien  dans  les  deux  moitiés  homonymes  du  cbamp  visuel.  D'autres 
fois  le  scotome  est  relatif,  c'est-à-dire  que  le  malade  voit  dans  les 
deux  moitiés  homonymes  du  champ  visuel  comme  à  travers  un  nuage  ; 
il  s'agit  donc  alors  d'une  hémi-amblyopie  homonyme. 

Si  les  attaques  d'hémianopsie  homonyme  se  répètent,  on  voit  survenir 
pendant  les  accès  dans  la  moitié  du  champ  visuel  qui  est  amblyope, 
l'achromatopsie,  et  la  dyschromatopsie  dans  l'autre  moitié. 


132  PARTIE  SPÉCIALE. 

Lors  du  passage  d'un  fort  courant  électrique,  les  malades  voient 
apparaître  en  obscur  leur  scotome. 

L'hémianopsie  consécutive  à  la  lésion  d'une  bandelette  optique  se 
distingue  de  celle  de  l'hysléro-épilepsie  par  l'insensibilité  de  la  con- 
jonctive, qu'on  observe  dans  celte  dernière  affection  (Féré). 

Le  pronostic  de  l'amaurose  et  de  l'amblyopie  hystériques  dépend 
de  l'état  général  des  malades  ;  le  plus  souvent  il  est  favorable.  En 
dehors  de  la  métallotbérapie,  la  suggestion  peut  [encore  donner  de 
bons  résultats  thérapeutiques. 

Le  pronostic  des  troubles  oculaires  est  moins  favorable,  si  l'affection 
causale  est  déjà  ancienne.  Cependant  les  cas  les  plus  graves  sont 
susceptibles  d'amélioration,  sinon  de  guérison,  à  la  condition  que 
l'état  général  puisse  lui-même  être  modifié. 

On  constate  chez  des  hystériques  des  hallucinations  de  /a  vue  et  surtout 
des  couleurs.  Les  malades  projettent  les  hallucinations  vers  le  coté 
anesthésié  (Charcol).  Quant  aux  sensations  subjectives  des  couleurs,  il 
faut  surtout  mentionner  Yérythropsie,  qui  semble  cependant  très 
rare  (Purtscher)  et  n'apparaît  que  le  soir  sous  forme  d'accès.  Nous- 
même  nous  avons  eu  l'occasion  de  l'observer  chez  une  vieille  hysté- 
rique, demoiselle  et  fiancée  depuis  douze  ans,  sans  espoir  de  voir 
jamais  aboutir  ses  projets  de  mariage.  Le  soir  elle  voyait  à  plusieurs 
reprises  autour  d'elle  un  grand  cercle  rouge  et  demandait  à  son  entou- 
rage s'il  n'y  avait  point  de  feu. 

On  a  souvent  constaté  chez  des  hystériques  (voir  surtout  les  tra- 
vaux si  remarquables  faits  à  la  Salpêtrière)la  micropsieel  \'&mégalop- 
sie(Parinaud),  phénomènes  qui,  d'après  cet  auteur,  seraient  insépa- 
rables  de  la  polyopie  monoculaire. 

Ce  dernier  phénomène,  observé  pour  la  première  fois  par  Parinaud, 
l'a  été  également  par  Charcot  et  ses  élèves,  en  France,  et  parSanderson 
et  d'autres  auteurs  à  l'étranger.  Le  malade  voit  d'un  seul  œil  les 
objets  doublés  et  même  triplés.  La  polyopie  monoculaire  n'est  pas 
l'apanage  de  l'hystérie  ;  on  l'observe  également  dans  quelques  affec- 
tions oculaires;  mais  on  peut  reconnaître  si  le  phénomène  est  dû  à  des 
anomalies  de  l'organe  de  la  vue  capables  de  produire  la  polyopie 
monoculaire  sans  hystérie.  Ainsi  on  a  observé  la  polyopie  monocu- 
laire, sans  lésions  fonctionnelles  de  l'appareil  de  l'accommodation, 
dans  l'astigmatisme  par  kératite  ou  dans  l'astigmatisme  congénital, 
dans  la  eataracte  commençante,  etc.,  etc.  Voici  quelle  est  la  théorie 
professée  par  Charcot  pour  expliquer  cette  polyopie. 

«  Le  cristallin  offre  une  structure  segmentaire  telle  qu'à  la  rigueur  on 
pourrait  le  dire  composé  de  trois  lentilles.  On  comprend  par  là  que 
dans  certaines  conditions  plusieurs  images,  deux  ou  trois,  puissent  se 
produire  sur  la  rétine.  C'est  là  en  quelque  sorte  un  défaut  naturel 
plus  ou  moins  prononcé  suivant  les  sujets,  que,  dans  L'état  ordinaire 


HYSTÉRIE.  133 

vient  corriger  le  jeu  normal  de  l'accommodation.  11  est  facile  de  con- 
(vvoiniuelorsquclefonctionnementphysiologiquederaccommodation 
sera  troublé,  la  polyopie  monoculaire  pourra  s'ensuivre.  C'est  ainsi 
qu'on  l'observe  dans  la  paralysie  de  l'accommodation  produite  par 
l'atropine,  dans  la  contraction  de  l'accommodation  déterminée  par 
l'action  de  Pésérine.  Dans  ce  dernier  cas  elle  est  en  général  très  peu 
accentuée,  vraisemblablement  à  cause  du  myosis  concomitant.  C'est 
d'ailleurs  à  la  contraction  du  muscle  de  Briicke  sans  myosis  que  de- 
vrait être  rapportée,  suivant  Parinaud,  la  polyopie  monoculaire.  » 

Dernièrement  G.  Bull  a  exprimé  l'opinion  que  la  polyopie  mo- 
noculaire est  due  au  plissement  de  la  cornée  comprimée  par  les  pau- 
pières  par  suite  de  blépbarospasme. 

La  théorie  professée  par  Charcot  nous  amène  tout  naturellement  aux 
troubles  fonctionnels  de  la  pupille  et  du  muscle  de  l'accommodation, 
troubles  qu'on  observe  très  fréquemment  dans  l'hystérie. 

Les  convulsions  hystériques  sont  accompagnées  d'oscillations  ryth- 
miques dospupilles.  Elles  consistent  en  spasmes  cloniques  du  sphincter 
de  la  pupille  produisant  alternativement  des  dilatationsetdescontrac- 
tions  pupillaires,  spasmes  que  Michel  compare  au  clignotement  ner- 
veux. 

On  observe  également  chez  les  hystériques  le  myosis  paralytique 
uni  ou  bilatéral,  accompagné  de  paralysie  de  V accommodation  ;  tous  les 
deux  sont  passagers. 

Il  faut  encore  mentionner  l'inégalité  de  pigmentation  des  deux  iris 
(sans  iritis  précédente).  Sur  76  cas  d'hystérie,  Féré  a  trouvé  62  fois 
ce  phénemène  appelé  hétérophthalmie  (ou  hétérocorie).  Pour  cet  au- 
teur c'est  un  stigmate  névropathe. 

La  kopiopie  hystérique  décrite  très  soigneusement  parFoerster,  se 
rencontre  fréquemment  chez  les  hystériques.  Les  malades  se  plai- 
gnent de  troubles  oculaires,  qui  ne  sont  que  subjectifs.  En  effet,  l'exa- 
men objectif  ne  fait  découvrir  ni  larmoiement,  ni  blépbarospasme, 
ni  autres  anomalies  quelconques. 

Les  malades  accusent  des  douleurs  dans  le  front  ou  dans  d'autres 
régions  animées  parle  trijumeau.  Ils  éprouvent  parfois  des  sensations 
de  chaleur  et  de  brûlure  à  la  surface  de  l'œil  (conjonctive,  paupières), 
la  sensation  de  tension  et  des  douleurs  térébrantes  dans  l'orbite; 
l'œil  est  sensible  à  la  lumière,  plus  particulièrement  à  la  lumière  de 
la  lampe  qu'à  celle  du  soleil.  L'intensité  de  la  douleur  est  variable. 
Une  lecture  trop  prolongée  devient  impossible,  à  cause  de  l'asthéno- 
pie  accommodative. 

Ces  phénomènes  sont  d'habitude  également  prononcés  des  deux 
côtés  et  sont  en  rapport  avec  d'autres  troubles  de  l'état  général.  Le 
plus  souvent  ils  disparaissent  dans  la  nuit. 

Foerster  croit  devoir  attribuer  ces  douleurs  à  l'hypéresthésie  réflexe 


134  PARTIE   SPÉCIALE. 

du  nerf  optique  cl  du  trijumeau,  consécutivement  à  l'irritation  du 
plexus  nerveux  péri-utérin.  Cette  irritation  est  provoquée  par  l'inflam- 
mation du  tissu  cellulaire  péri-utérin  (périmétrite  chronique  atro- 
pliique  de  Freund). 

Les  symptômes  si  pénibles  de  kopiopie  hystérique  ne  disparais- 
sent qu'après  plusieurs  années.  Leur  traitement  se  réduit  aux  soins 
hygiéniques  :  il  faut  éviter  une  lumière  trop  intense  et  des  efforts 
trop  grands  d'accommodation;  prescrire  des  verres  fumés,  et  pour  la 
lecture  des  verres  convexes.  Mais  la  chose  la  plus  importante  est  de 
soigner  l'état  général. 

On  observe  également  dans  l'hystérie  des  troubles  fonctionnels  du 
côté  des  muscles  extrinsèques  de  l'œil,  par  exemple  l'insuffisance  de 
la  convergence.  Ainsi  Oppenheimera  plusieurs  fois  observé  des  trou- 
bles de  la  convergence  dans  l'affection  qu'il  appelle  névrose  trauma- 
tique  et  que  nous  appelons  hystérie  traumalique.  La  paralysie  des 
muscles  de  l'œil  s'observe  plus  rarement  dans  l'hystérie  que  le  spasme 
de  ces  muscles.  Les  travaux  remarquables  de  Borel  nous  ont  l'ait 
connaître  les  atfections  musculaires  de  l'œil  dans  l'hystérie.  Plu- 
sieurs cas  de  paralysie,  qu'on  regarde  comme  des  paralysies  réflexes, 
ne  seraient  autre  chose,  d'après  Borel,  que  des  paralysies  hystériques 
(vers,  menstruation,  grossesse,  masturbation). 

La  diplopie,  qui  précède  l'attaque  hystérique  et  se  continue  quel- 
quefois après,  est  la  conséquence  des  spasmes  musculaires.  Le  plus  sou- 
vent c'est  l'orbiculaire  des  paupières  qui  est  atteint  de  spasmes. 
Tiennent  ensuite  par  ordre  de  fréquence,  le  droit  interne  et  enfin  les 
muscles  obliques.  On  observe  encore  dans  l'hystérie  une  déviation 
conjuguée  des  yeux.  Parmi  les  paralysies  les  plus  fréquentes  il  faut 
citer  le  ptosis  et  la  paralysie  de  l'oculo-moteur  externe.  Mais  il  est 
quelquefois  difficile  de  faire  le  diagnostic  différentiel  entre  une  para- 
lysie d'un  muscle  de  l'œil  et  le  spasme  convulsif  d'un  muscle  anta- 
goniste. Ainsi  le  ptosis  peut  être  provoqué  par  la  paralysie  du  releveur 
de  la  paupière  supérieure  ou  parle  spasme  de  l'orbiculaire.  Dans  cette 
dernière  forme  de  ptosis  (ptosis  pseudo-paralytique  de  Parioaud)  on 
observe,  suivant  Charcot,  le  plissement  de  la  paupière  supérieure. 
Quant  aux  véritables  ophthalmoplégies,  la  plupart  des  auteurs  en 
nient  l'existence  dans  l'hystérie.  Cependant  Debove  a  eu  l'occasion 
d'observer,  chez  un  homme  âgé  de  trente-six  ans.  à  la  suite  d'un  coup 
de  pied  de  cheval  au-dessus  de  l'œil  droit,  une  paralysie  bilatérale 
du  nerf  oculo-moteur  commun  d'origine  hystéro-traumatique.  Celte 
paralysie  était  accompagnée  d'insensibilité  frontale,  de  rétrécisse- 
ment du  champ  visuel  et  de  monoplégie  du  membre  supérieur  droit. 

C'est  Parinaud  qui  a  le  premier  décrit    l'ophthalmoplégie   hys 
rique.  D'après  cet  auteur,  ce  sont  les  mouvements  volontaires  *\r>  yeux 
qui  sont  intéressés;  les  malades  sont  dans  l'impossibilité  de  porter  leur 


HYSTÉRIE.  135 

regard  dans  les  différentes  directions,  tandis  que  les  mouvements 
réflexes  ou  involontaires  s'exécutent  d'une  façon  normale.  Les  mêmes 
faits  s'observent  [dans  l'hystérie  combinée  au  goitre  exophthalmique. 
L'ophthalmoplégie  est  due  à  la  paralysie  des  centres  corticaux  psycho- 
moteurs des  muscles  de  l'œil.  On  constate  parfois  dans  l'hystérie  la 
perle  ou  la  diminution  du  sens  musculaire  (Borel),  et  le  strabisme 
paralytique,  consécutif  à  la  contracture  des  muscles  antagonistes. 

Tous  ces  troubles  musculaires  peuvent  également  être  provoqués 
par  la  suggestion.  C'est  ainsi  que  Borel  a  pu  provoquer  le  ptosis,  le 
strabisme,  la  déviation  conjuguée,  accompagnés  souvent  d'aneslhésie 
unilatérale  de  la  conjonctive  et  de  la  cornée.  Il  faut  cependant  être 
très  prudent  dans  ces  sortes  d'expériences,  attendu  que  les  troubles 
provoqués  par  la  suggestion  peuvent  fort  bien  persister. 

La  suggestion  joue  un  rôle  considérable  dans  le  traitement  des 
spasmes  et  des  paralysies  des  muscles  de  l'œil,  surtout  du  blé- 
pharospasme. 

C'est  principalement  Luys  et  Fontan  qui  ont  étudié  l'action  de  l'hy- 
pnotisme et  de  la  suggestion  sur  l'organe  de  la  vue.  Luys  prétend 
que  si  l'on  tient  devant  les  yeux  du  malade  en  état  d'hypnose  des 
verres  ou  des  globes  colorés,  on  provoque  une  disposition  d'esprit  en 
rapport  avec  la  couleur  de  l'objet  :  c'est  ainsi  que  le  rouge  provo- 
querait lagaité,  le  bleu  la  tristesse.  Nous  mentionnons  ces  expériences 
en  faisant  toutes  nos  réserves. 

Suivant  certains  auteurs,  l'état  des  vaisseaux  rétiniens  s'améliore- 
rait au  point  de  vue  du  calibre  à  la  suite  d'hypnose.  Dans  ces  cas, 
nous  avons  observé  nous-même  chez  des  hystériques,  un  élargisse- 
ment du  champ  visuel.  Nous  croyons  cependant  qu'il  faudra  beaucoup 
de  nouvelles  recherches  avant  de  pouvoir  affirmer  la  guérison  de 
l'amblyopie  sans  lésions  du  fond  de  l'œil,  de  l'asthénopie  hystérique, 
des  névralgies  du  trijumeau  et  d'autres  affections  de  l'organe  de  la 
vue  qu'on  prétend  avoir  été  guéries  par  le  traitement  suggestif. 

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Harlan  (G.  C.),  Amer.  Opihthalm.  Society,  1889.       Parinaud,  Ai.hiv.  de  neurologie,  1889,  t.  XVII. 

—  Santesson,  Hygiea.  1889,  p.  168.  —  Debnve,  Soc.  médicale  des  hôpitaux,  1890,  12  décembre.  — 

—  Babinski,  Soc.  de  biologie,  27  juillet  1889.  —  Fontan,  Rec.  d'ophthalm.,  1887,  août.  —  Luys, 
Soc.  de  biol.,  1888. 


E.  —  TROUBLES  OCULAIRES  DANS  LES  NÉVROSES  VASOMOTRICES 
ET  TROPHIQUES. 

1.  HÉMICRANIE. 

Dubois-Reymond,  qui  a  eu  l'occasion  de  s'observer  lui-même  pen- 
dant des  accès  d'hémicrânie,  a  constaté  que  la  pupille  correspondant 
à  la  moitié  atteinte  de  la  tête  était  dilatée  et  l'artère  temporale  très 
contractée;  le  front  et  l'oreille  du  même  côté  étaient  froids  et  pâles. 
L'examen  ophthalmoscopique  pratiqué  pendant  l'accès  a  fait  voir 
dans  d'autres  cas  une  anémie  des  vaisseaux  rétiniens  (Jacobson, 
loç.  cit.,  p.  29).  Par  suite,  cette  forme  d'hémicrânie  n'est  causée  que 
par  l'excitation  du  grand  sympathique,  ou  plutôt  elle  est  accompa- 
gnée  des  symptômes  d'excitation  de  ce  nerf. 

On  appelle  cette  forme  d'hémicrânie  sympalhico-tonique  ou  spasmo- 
dique. 

Pendant  l'accès  d'hémicrânie  sympathico-paralytique,  décrite  pour 
la  première  fois  par  Mollendorf,  il  y  a  injection  des  vaisseaux  de 
l'épisclera  et  dilatation  des  artères  et  des  veines  rétiniennes.  Suivant 
0.  Berger,  la  pupille  correspondante  est  contractée.  Eugène  Frœnkel, 
qui  lui  aussi  a  eu  l'occasion  de  s'observer  lui-même  pendant  des  accès 
d'hémicrânie  paralytique,  constata  que  la  contraction  pupillaire 
commence  au  début  de  l'accès  et  persiste  pendant  toute  sa  durée. 

Cette  contraction  pupillaire  est  surtout  évidente  à,  l'éclairage  faible 
et  contraste  avec  la  dilatation  de  la  pupille  du  côté  sain. Avec  une 
lumière  intense,  au  contraire,  les  deux  pupilles  sont  contractées 
également,  sans  qu'on  puisse  constater  aucune  différence  entre  leurs 
diamètres. 

2.   MIGRAINE  OPIITIIALMIQUE. 

Il  est  probable  que  la  migraine  ophthalmique  (Piorry)  est  provo- 
quée elle  aussi  par  des  troubles  vaso-moteurs  delà  bandelette  optique 
ou  du  centre  cortical  de  la  vision. 

Pendant  l'accès  de  migraine  ophthalmique  le  malade  voit  dans  la 


MIGRAINE   0PI1TI1ALM0PLÉGIQUE.  137 

partie  périphérique  du  champ  visuel  un  scotome  négatif  (lacune^, 
qui  petit  à  petit  s'élargit  vers  le  côté  du  point  de  fixation,  sans 
cependant  l'atteindre.  En  dehors  de  ce  scotome,  le  malade  aperçoit 
une  lumière  vacillante.  Cette  lumière  a  d'abord  une  forme  circulaire, 
puis  demi-circulaire  et,  enfin,  la  forme  de  zigzags.  Cet  arc  oscilla- 
toire a  sa  convexité  en  dedans  dans  un  œil,  en  dehors  dans  l'autre;  il 
subit  des  mouvements  vibratoires  très  rapides.  L'arc  ne  dépasse 
jamais  le  méridien  vertical  passant  par  la  macula.  Les  ohjets  qui  se 
trouvent  dans  la  zone  comprise  entre  cet  arc  lumineux  et  le  scotome 
sont  quelquefois  visibles  pour  le  malade. 

Après  avoir  dépassé  les  limites  périphériques  du  champ  visuel, 
l'arc  vibratoire  disparaît,  le  scotome  au  contraire  persiste  encore 
pendant  quelques  minutes.  L'accès  lui-même  dure  de  quinze  à  vingt 
minutes. 

La  migraine  ophthalmique  peut  apparaître  aussi  sous  forme  d'hé- 
mianopsie  homonyme,  qui  n'atteint  habituellement  pas  le  point  de  fixa- 
tion. 

Après  l'attaque  on  peut  encore  constater,  à  l'aide  d'un  périmètre,  la 
persistance  des  scotomes,  qui  deviennent  cependant  à  peine  appré- 
ciables. Dans  un  cas  observé  par  Jacobson,  il  manquait  après  l'attaque 
deux  à  trois  lettres  à  droite  du  point  de  fixation. 

A  la  suite  d'un  accès  on  constate  des  douleurs  de  tête,  surtout  dans 
les  régions  frontale  et  temporale,  des  nausées,  des  vomissements. 
Les  malades  éprouvent  une  sensation  extrêmement  pénible  de  tension 
à  l'intérieur  de  l'œil  correspondant  au  côté  des  sensations  doulou- 
reuses, et  qui  rappelle  celle  du  glaucome  aigu. 

La  migraine  ophthalmique  peut  se  compliquer  d'aphasie  passagère, 
d'embarras  passager  de  la  parole,  de  fourmillement,  d'engourdisse- 
ment et  même  de  parésie  d'une  moitié  du  corps. 

Eu  général  le  pronostic  est  bénin.  Les  accès  se  succèdent  de  temps 
en  temps  sans  que  pour  cela  l'état  général  s'en  ressente.  Il  y  a  cepen- 
dant des  cas  où  la  migraine  ophthalmique  est  un  symptôme  avant- 
coureur  d'ataxie  locomotrice  ou  de  paralysie  générale  (Charcot, 
Parinaud). 

Comme  traitement,  on  a  conseillé  de  faire  coucher  le  malade  pen- 
dant l'attaque  dans  une  chambre  obscure,  et  d'éviter  tout  bruit. 

A  l'intérieur,  on  préconise  le  salicylate  de  soude  à  la  dose  de  1  à 
2  grammes,  la  morphine  et  du  café  noir. 

3.  MIGRAINE  OPIITHALMOPLÉGIQUE. 

Sous  ce  nom  Charcot  a  décrit  une  affection  connue  en  Allemagne 
sous  le  nom  de  Periodische  Oculo-moloriuslàhmung  (paralysie  pério- 
dique de  l'oculo-moteur  commun).  Étant  donnée  son  analogie  incon- 


138  PARTIE   SPÉCIALE. 

testable  avec  la  migraine  et  la  fréquence  des  douleurs  intenses  dans 
cette  affection,  la  nomenclature  de  Charcot  est  justifiée.  Au  début 
on  observe  des  douleurs  intenses  unilatérales,  localisées  le  plus  sou- 
vent dans  la  région  des  tempes  et  se  propageant  vers  l'occiput.  Elles 
sont  accompagnées  de  nausées  et  de  vomissements. 

Les  douleurs  disparaissent  aussitôt  qu'on  voit  survenir  les  symptômes 
de  paralysie  des  muscles  de  l'œil.  Nieden  rapporte  le  cas  très  curieux 
d'un  malade  qui,  après  avoir  atrocement  souffert  pendant  des 
semaines,  a  vu  les  douleurs  se  calmer  à  la  première  apparition  des 
symptômes  de  paralysie.  Les  symptômes  de  paralysie  musculaire  sont  : 
le  ptosis,  la  paralysie  des  droits  supérieur,  interne  et  inférieur,  du 
petit  oblique  inférieur,  l'abolition  du  réflexe  pupillaire  à  la  lumière  et 
à  l'accommodation. 

Toutes  les  branches  de  l'oculo-moteur  commun  ne  sont  pas  atteintes 
au  même  degré.  Il  peut  arriver  aussi  que  l'oculo-moteur  commun 
soit  intact  et  que  d'autres  nerfs  crâniens  soient  atteints. 

Dans  un  cas  rapporté  par  Vissering  les  muscles  intrinsèques  de 
l'œil  étaient  atteints  à  un  degré  moindre  que  les  muscles  extrinsèques. 
Dans  le  cas  de  Nieden  l'oculo-moteur  commun  était  resté  intact, 
tandis  que  l'oculo-moteur  externe  et  le  facial  étaient  paralysés. 

Ordinairement  la  paralysie  ne  frappe  qu'un  côté,  et  c'est  toujours 
le  même  œil  dont  les  muscles  sont  pris  à  chaque  attaque.  Quant  à 
la  marche  de  la  maladie,  il  faut  distinguer  deux  formes  :  1°  la  durée 
de  l'attaque  est  courte  (quatre  à  six  jours),  mais  les  accès  se  succèdent 
à  un  intervalle  très  rapproché;  2°  la  durée  de  l'attaque  est  plus 
longue  (plusieurs  semaines),  mais  les  intervalles  sont  aussi  plus 
longs.  Dans  un  cas  de  Joachim  cet  intervalle  a  été  de  deux  ans. 

Quelquefois  une  attaque  est  fruste  (Vissering),  et  celles  qui  lui  suc- 
cèdent sont  au  contraire  d'une  grande  intensité. 

Dans  quelques  cas,'  les  attaques  de  paralysies  périodiques  des 
muscles  oculaires  ont  été  accompagnées  d'autres  symptômes  (dimi- 
nution de  la  sensibilité  des  parties  de  la  peau  innervée  par  le  tri- 
jumeau, plyalisme,  larmoiement  et  léger  œdème  du  pourtour  de 
l'œil  dans  le  cas  de  Yissering  ;  paralysie  de  quelques  branches 
de  l'hypoglosse,  dans  un  autre  cas  de  migraine  ophthalmoplégique). 

Dans  l'intervalle  entre  les  accès  de  migraine  ophthalmoplégique  on 
constate  très  souvent  l'existence  de  douleurs  légères  et  quelques 
symptômes  passagers  de  paralysie.  L'affection  débute  ordinairement 
dans  li'  jeune  âge  et  est  précédée  d'accès  de  migraine.  Le  plus  sou- 
vent elle  atteint  les  femmes  (16  fois  sur  20).  La  guérisoo  com- 
plète est  1res  rare.  L'affection  peut  même  se  terminer  par  la  para- 
lysie persistante  de  l'oculo-moteur  commun,  comme  parexcmple  dans 
le  cas  observé  par  Charcot.  L'éliologie  de  l'affection  est  inconnue. 
Quelques  auteurs  invoquent  le  traumatisme  ou  la  lare  nerveuse. 


MIGRAINE  OPHTBALMOPLÉGIQUE.  139 

L'analogie  de  cette  affection  avec  la  migraine  ophthalmique  est 
frappante.  Les  deux  affections  débutent  par  des  maux  de  tête,  suivis 
le  troubles  fonctionnels  du  nerf  optique  (dans  la  première),  ou  de 
quelques   nerfs  moteurs  de  l'œil  (dans  la  seconde  affection). 

D'après  Vissering  élève  de  Striimpell),  la  cause  intime  de  cette 
affection  serait  une  auto-intoxication,  produite  par  l'accumulation 
(rétention)  des  produits  toxiques  de  l'échange  (1). 

En  dehors  de  la  migraine  ophthalmique,  1  epilepsie,  la  paralysie 
des  extrémités  de  Westphal  et  peut-être  l'hémoglobinurie  périodique 
seraient  aussi  d'après  Vissering,  des  symptômes  d'auto-intoxica- 
tion. 

Il  est  probable  que,  dans  le  cas  d'Emmert  (2),  il  s'agissait  d'une  auto- 
intoxication périodique.  Une  enfant  de  onze  ans  fut  atteinte  onze  fois 
d'attaques  d'amaurose  passagère.  Ces  attaques  étaient  précédées 
chaque  fois  de  congestions  de  la  tête. 

Diagnostic  différentiel.  —  Il  est  impossible  de  confondre  cette  affec- 
tion avec  une  tumeur  cérébrale  ou  avec  le  tabès  dorsal.  Dans  le  pre- 
mier cas,  les  paralysies  des  muscles  de  l'œil  sont  persistantes  ;  dans  le 
tabès,  il  existe  en  même  temps  d'autres  symptômes. 

L'observation  de  Charcot  est  d'un  grand  intérêt.  Il  s'agit  d'une 
femme  âgée  de  trente-cinq  ans,  bien  portante  d'ordinaire.  A  l'âge 
de  trente  ans,  première  attaque  (ce  qui  est  assez  rare  ;  il  faut  cepen- 
dant ajouter  que  déjà  depuis  l'âge  de  quinze  ans  jusqu'à  vingt-trois 
ans  elle  souffrait  de  migraines). 

Cette  première  attaque  dura  deux  mois.  L'année  suivante  survint 
une  autre  attaque  plus  courte.  Après  ce  dernier  accès,  la  santé  géné- 
rale ne  se  rétablit  plus;  pendant  les  trois  années  suivantes,  la 
malade  éprouva  des  douleurs  et  des  paralysies  avec  exacerbations 
de  temps    en   temps. 

Les  symptômes  de  paralysie  ne  disparurent  pas  complètement 
après  la  deuxième  attaque.  Il  importe  de  noter  que  l'oculo-moteur  ex- 
terne fut  aussi  atteint. 

Il  s'agissait  évidemment  dans  ce  cas  d'altérations  persistantes  des 
nerfs  localisées  dans  la  base  du  crâne. 

Au  début  de  l'affection  les  symptômes  ci-dessus  décrits  sont,  d'après 
Charcot,  produits  par  des  troubles  circulatoires.  Comme  traitement 
ce  savant  prescrit  du  bromure  de  potassium  (5  à  6  grammes  par 
jour)  ou  de   l'iodure  de  potassium.  Vissering  prescrit  de  l'antipyrine. 

(1)  Les  attaques  épileptiques  seraient  le  résultat  d'accumulation  de  substances 
toxiques  élaborées  dans  l'économie  et  provoquait  des  convulsions. 

(2)  Ernmert,  Arch.  f.  Augenheilk.,  V,  p.  402. 


140  partie  spéciale. 


4.     HEMIATROPIIIE      FACIALE    PROGRESSIVE. 

Tous  les  auteurs  qui  se  sont  occupés  de  cette  affection  sont  d'ac- 
cord pour  l'attribuer  à  des  altérations  du  trijumeau.  Quant  au  siège 
de  ces  altérations  les  uns  le  placent  dans  le  ganglion  sphéno-palatin, 
d'autres  dans  le  ganglion  de  Casser 

Symplomatologie.  —  On  constate  une  atrophie  très  prononcée  de 
toute  une  moitié  de  la  face  (front,  orbite,  pommette,  nez,  mâchoires 
supérieure  et  inférieure).  L'œil  du  côté  atrophié  parait  plus  enfoncé; 
il  est  plus  dur  au  toucher,  comme  l'a  noté  Nothnagel  qui  remarqua 
que  les  pupilles  étaient  inégales,  mais  aussi  que  leur  réaction  était 
normale. 

En  examinant  à  l'ophthalmoscope  l'œil  du  côté  malade,  Hirschberg 
et  Kalt  ont  trouvé  la  choroïde  altérée  (plaques  blanches  de  choroïdite 
disséminée  entourées  de  pigment)  et  des  opacités  dans  le  corps 
vitré.  Kalt  a  en  outre  constaté  des  opacités  dans  la  couche  corticale  an- 
térieure du  cristallin,  consécutives  probablement  à  des  altérations  du 
tnctus  uvéal. 

Il  est  important  de  faire  observer  que  les  altérations  de  la  choroïde 
sont  consécutives  aux  troubles  trophiques. 

Après  avoir  pratiqué  une  section  intracrànienne  du  trijumeau, 
Laborde  a  noté,  dans  la  suite,  des  altérations  du  fond  de  l'œil  et  de  la 
choroïde  en  particulier,  analogues  à  celles  dont  nous  venons  de 
parler  plus  haut. 

Dans  le  cas  de  Kalt,  la  papille  était  un  peu  voilée,  les  veines  réti- 
niennes tortueuses  et  dilatées,  les  artères  normales. 

Dans  le  cas  d'IIirschberg,  examiné  au  point  de  vue  clinique  par 
Virchow  et  Romberg,  la  trophonévrose  s'est  déclarée  à  l'âge  de  huit 
ans,  consécutivement  à  la  rougeole. 

Dans  le  cas  de  Kalt  elle  parait  avoir  été  congénitale. 

5.  IIERPÈS  ZOSTER  OPIITIIALMIQUE. 

L'herpès  zoster  appartient  sans  aucun  doute  au  groupe  d'affections 
dues  aux  troubles  trophiques  et  vasomoteurs  du  trijumeau. 

L'herpès  zoster  ophthalmique  est  consécutif  aux  altérations  du 
ganglion  de  Gnssor  etdes  branches  du  trijumeau,  qui  en  sortent,  o<* <j n i 
résulte  d'une  autopsie  faite  par  Wyss  en  pleine  éruption  d'herpès.  La 
branche  ophthalmique  du  trijumeau  était  d'une  coloration  gris  rou- 
geâtre  et  d'une  consistance  gélatineuse.  Les  faisceaux  nerveux  étaient 
séparés  les  uns  de?  autres  par  un  tissu  gris  rougeàtre,  riche  en  \  ais- 
seaux très  lins.  Le<  mêmes  altérations  analomo-palhologiques  se 
montrèrent  sur   la  branche  ophthalmique  de  Willis,   à    partir  de   sa 


HERPÈS   ZOSTER   OPHTHALMIQUE.  141 

portion  orbilaire  jusqu'aux  ramifications  périphériques.  Dans  la  por- 
tion comprise  entre  le  ganglion  de  Gasser  et  l'orbite,  l'ophtlialmique 
de  AYillis  était  entourée  de  nombreuses  extravasations  sanguines.  Le 
ganglion  de  (lasser  était  le  siège  d'un  gonflement  œdémateux. 

Les  altérations  du  tiers  interne  du  ganglion  de  Gasser,  d'où  sort 
la  première  branche  du  trijumeau,  étaient  celles  qu'on  trouve  dans 
une  inflammation  aiguë  :  forte  hyperémie  et  infiltration  cellulaire 
considérable  dans  le  tissu  interstitiel  du  ganglion  (Wyss).  Des  alté- 
rations analogues  ont  été  constatées  à  l'autopsie  par  Baerensprung 
dans  un  cas  d'herpès  zoster  intercostal  où  les  ganglions  interver- 
tébraux ont    été  trouvés  lésés. 

Nous  reviendrons  plus  tard  sur  les  manifestations  cliniques  de 
l'herpès  ophthalmique.  Pour  le  moment  nous  nous  bornerons  aux 
remarques  suivantes: 

En  présence  d'une  sécrétion  lacrymale  exagérée,  accompagnée  d'un 
léger  œdème,  il  se  forme  sur  la  cornée  des  groupes  de  vésicules,  dont 
le  contenu  est  clair,  ou  bien  quelquefois  trouble.  Ces  vésicules  se 
rompent  pour  former  des  ulcérations  au  pourtour  desquelles  on  aper- 
çoit des  lambeaux  épithéliaux. 

Dansles  cas  d'affection  grave,  les  ulcérations  sont  groupées  en  forme 
de  chapelet  ;  parfois  des  lignes  opaques  apparaissent  dans  la  cornée 
en  forme  de  fourche.  Le  fond  des  ulcérations  est  gris  ou  d'un  gris 
jaunâtre.  Leur  ensemble  rappelle,  suivant  la  comparaison  bien  juste 
de  Michel,  une  grappe  de  raisin. 

L'herpès  des  paupières  est  tout  à  fait  analogue  à  l'herpès  de  la  peau. 
Dans  l'herpès  zoster  ophthalmique,  la  température  du  côté  affecté 
dépasse  jusque  de  2  degrés  celle  du  côté  opposé,  d'après  les  recher- 
ches de  Horner.  Cette  élévation  de  température  dure  ordinairement 
deux  mois  et  peut  être  accompagnée  d'une  diminution  de  la  tension 
intra-oculaire;  ces  symptômes  disparaissent  petit  à  petit  dans  l'espace 
d'un  mois  à  six  semaines. 

Dans  les  quatre-vingts  cas  d'herpès  zoster  par  affection  du  nerf 
ophthalmique  de  Willis  recueillis  par  Kocks,  l'œil  (le  plus  souvent 
le  gauche)  était  affecté  quarante-six  fois;  la  tension  intra-oculaire 
était  diminuée  dans  vingt  cas.  L'iris  était  intéressé  quatorze  fois, 
dix  fois  l'altération  de  l'iris  était  accompagnée  de  celle  de  la  cornée. 

Jessop  prétend  que  le  globe  oculaire  participe  à  l'affection,  lorsque 
le  nerf  frontal  est  intéressé  à  son  tour.  D'après  cet  auteur,  l'herpès 
zoster  ophthalmique  peut  être  accompagné  des  symptômes  suivants  : 
augmentation  de  la  tension  intra-oculaire,  kératite  ponctuée,  avec 
iritis,  anesthésie  de  la  cornée,  kératite  superficielle,  phlyctènes, 
ulcère  de  la  cornée.  Quelques  auteurs,  et  parmi  eux  Hutschinson, 
notent  encore  l'œdème  des  paupières  et  de  la  conjonctive,  la  mydriase 
et  quelquefois  le  myosis  et  l'inflammation  très  légère  de  la  papille  op- 


142  PARTIE  SPÉCIALE. 

tique.  Ce  dernier  symptôme,  accompagné  de  dilatation  de  l'artère 
ophlhalmique,  a  été  constaté  à  l'autopsie  par  Jessop. 

Les  recherches  futures  nous  démontreront  peut-être  s'il  existe  une 
relation  entre  la  présence  d'une  névrite  optique  et  la  lésion  du  triju- 
meau. Il  semblerait  cependant  que  l'observation  de  Kalt,  où  une  tro- 
phunévrose  était  accompagnée  d'altérations  de  la  papille,  doive  faire 
admettre  cette  hypothèse. 

Nous  ne  pouvons  par  contre  admettre  l'opinion  de  Jessop,  qui 
pense  que  les  complications  oculaires  de  l'herpès  zoster  ophthal- 
mique  seraient  produites  par  la  dilatation  des  vaisseaux. 

(iould  nous  a  fait  connaître  un  cas  d'herpès  zoster  ophlhalmique, 
où,  en  dehors  de  photophobie,  de  dacryocystite,  de  névralgies  très 
douloureuses  du  nerf  sus-orbitaire,  il  a  pu  constater  un  voile  occu- 
pant le  pourtour  de  la  papille  optique.  L'examen  de  l'œil  malade 
montra  dans  ce  cas  un  fait  assez  étrange  :  l'astigmatisme  myopique 
léger  existant  antérieurement  fit  place  à  un  astigmatisme  mixte  très 
prononcé,  phénomène  dû  à  l'existence  des  troubles  fonctionnels  du 
muscle  de  l'accommodation.  Des  recherches  récentes  ont  démontré 
que  la  kératite  superficielle  ponctuée  avec  toutes  ses  variétés  (kéra- 
tite maculée  de  Reuss,  kératite  nu  minutaire  de  Stellwag)  caractéri- 
sées par  l'existence  d'opacités  ponctuées  ou  en  forme  de  taches, 
occupant  les  couches  superficielles  de  la  cornée  sont  des  affections 
de  même  nature  que  l'herpès  zoster  ophthalmique. 

Nous  avons  démontré  que  les  lésions  des  nerfs  trophiques  produi- 
sent des  troubles  fonctionnels  divers  :  œdème  des  paupières,  injection 
plus  ou  moins  prononcée  de  la  conjonctive,  troubles  inflammatoires 
de  la  cornée  et  de  l'iris  (quelquefois  avec  synéchies),  qu'on  explique 
dans  d'autres  affections  par  le  passage  de  germes  infectieux,  mais  qui 
dans  l'herpès  existent,  d'après  Kocks,  même  si  la  cornée  est  indemne. 

Les  trophonévroses  peuvent  par  suite  provoquer  elles-mêmes  des 
troubles  inflammatoires,  comme  le  démontre  par  exemple  l'inflamma- 
tion de  la  papille  optique  dans  l'herpès  zoster  ophthalmique  et 
dans  l'hémiatrophie  faciale  et  l'inflammation  du  tractus  uvéal  dans 
cette  dernière  affection.  Ce  fait  a  un  grand  intérêt  scientifique  :  Il 
démontre  que  des  processus  inflammatoires  peuvent  être  provo- 
quer non  seulement  par  l'invasion  de  germes  infectieux,  mais  aussi 
par  une  lésion  des  nerfs  trophiques. 

6.     GOITRE   EXOPHTHALMIQUE.    MALADIE    DE    BASEDOW.      MALADIE    DE    GRAVES. 

Nous  parlons  à  cette  place  de  cette  affection,  suivant  en  cela  la 
classification  établie  par  l'usage. 

Il  serait  plus  juste,  -i  notre  sens,  de  traiter  «le  cette  affection  dans 
le  chapitre  des  maladies  de  la  moelle  allongée. 


GOITRE   EXOPHTHALMIQUE.  143 

Un  dos  symptômes  capitaux  de  cette  maladie  est  sans  don  le 
Yexopkthalmie  ;  elle  peut  eu  être  la  première  manifestation.  Le  plus 
souvent  l'exophthalmie  est  bilatérale,  quoique  toujours  plus  pro- 
noncée d'un  côté.  L'exophthalmie  unilatérale  est  extrêmement  rare 
et  s'observe  seulement  au  début  de  l'affection.  Dans  quelques  cas 
l'exophthalmie  manque  totalement  (goitre  exophthalmique  sans 
exophthalmie).  Avec  les  progrès  de  la  maladie  elle  devient  de  plus 
en  plus  prononcée  ;  quelquefois  elle  reste  stationnaire  et  enfin  excep- 
tionnellement elle  diminue  d'intensité. 

Parfois  l'exophthalmie  est  si  prononcée  qu'il  en  résulte  une  luxa- 
tion des  globes  oculaires.  La  fermeture  des  paupières  devient  impos- 
sible, et,  consécutivement  à  ce  lagophthalmos,  on  observe  des  opacités, 
de  l'inflammation,  des  abcès  de  la  cornée  et  même  l'atrophie  du  globe 
oculaire. 

La  saillie  de  l'œil  est  due  à  la  dilatation  des  vaisseaux,  et  prin- 
cipalement des  veines  orbitaires;  après  la  mort  elle  disparait. 

Dans  les  cas  d'exophtbalmie  de  longue  durée,  le  tissu  conjonctif  de 
l'orbite  a  été  trouvé  hypertrophié  (Yirchow). 

Très  souvent  cette  affection  est  accompagnée  du  symptôme  de  Grœfe, 
qui  d'ailleurs  n'est  pas  constant.  Il  consiste,  comme  nous  l'avons 
déjà  décrit  (page  51),  en  ce  que  le  releveur  de  la  paupière  supé- 
rieure reste  immobile  pendant  que  le  regard  est  dirigé  en  bas.  Grâce 
à  cette  immobilité  de  la  paupière  supérieure,  et  grâce  à  la  rétraction 
du  tendon  du  releveur,  le  regard  immobile  du  malade  prend  un 
cachet  tout  particulier. 

Le  symptôme  de  Graefe  peut  exister,  même  quand  l'exophthalmie 
est  peu  développée.  11  a  une  importance  considérable  au  point  de 
vue  du  diagnostic,  surtout  si  les  autres  symptômes  du  goitre  manquent 
ou  sont  peu  développés. 

Il  ne  serait  pas  invraisemblable,  selon  Fœrster,  que  cette  immobilité 
de  la  paupière  supérieure  fût  causée  par  un  spasme  du  palpébral  su- 
périeur (muscle  lisse  découvert  par  Millier  danslapaupière supérieure), 
qui  se  trouve  sous  la  dépendance  du  grand  sympathique.  Il  base  son 
opinion  sur  une  expérience  de  Remak,  qui  en  irritant  le  grand  sym- 
pathique cervical  a  provoqué  une  élévation  de  la  paupière  supérieure. 

Il  faut  donc  admettre ,  d'après  Fœrster,  que  les  branches  du 
sympathique  animant  le  muscle  palpébral  supérieur  de  Muller  étaient 
excitées.  L'exophthalmie  au  contraire  est  attribuée  généralement  à  la 
paralysie  des  vaso-moteurs  (Trousseau). 

Les  symptômes  oculaires  du  goitre  exophthalmique  ne  peuvent 
pas  être  attribués  à  l'affection  du  grand  sympathique,  l'état  normal  de 
la  pupille  et  de  la  tension  intra-oculaire  (au  moins  dans  les  cas  obser- 
ves jusqu'à  ce  jour)  le  prouvent  surabondamment. 

La  mydriase  ne  se  rencontre  qu'exceptionnellement  (Mooren,  Demme, 


144  PARTIE   SPÉCIALE. 

Heymann)  clans  le  goitre  exopbthalmique.  Klle  peut  en  être  le  symp- 
tôme unique  ou  bien  être  accompagnée  d'autres  symptômes  de  para- 
lysie de  l'oculo-moteur  commun.  Quant  au  symptôme  de  Graefe,  c'est 
très  probablement  un  trouble  de  coordination  dû  à  une  lésion  de  la 
commissure  reliant  les  noyaux  gris  du  releveur  de  la  paupière  supé- 
rieure et  du  droit  supérieur.  La  présence  d'autres  troubles  de  la  coor- 
dination des  muscles  des  yeux  aussi  bien  que  les  observations  ana- 
tomo-patliologiques  doivent  faire  admettre  l'existence  de  lésions  du 
plancher  du  quatrième  ventricule  et  de  la  partie  inférieure  de  l'aque- 
duc de  Sylvius,  siège  des  noyaux  gris  du  releveur  de  la  paupière  et 
du  droit  inférieur. 

Parmi  les  autres  troubles  de  la  coordination  dus  aux  mêmes  lésions 
il  faut  encore  noter  Y  insuffisance  des  muscles  droits  internes  (Mœbius), 
qu'on  observe  dans  l'exophtbalmie  très  prononcée.  La  convergence 
unilatérale  est  normale;  mais  la  force  de  la  convergence  binoculaire 
est  sensiblement  diminuée,  et  pendant  la  convergence  unilatérale,  l'œil 
dévie  bientôt.  Les  causes  de  ces  troubles  sont  en  partie  dues  à 
une  lésion  du  prétendu  centre  de  la  convergence,  en  outre  elles  sont 
mécaniques  et  se  trouvent  sous  la  dépendance  de  l'exoplitbalmie  elle- 
même. 

On  observe  encore  dans  le  goitre  exopbthalmique  la  rétraction  du 
tendon  de  la  paupière  supérieure  (symptôme  de  Stellwag),  d'où  résulte 
l'élargissement  de  la  fente  palpébrale.  Cette  rétraction  du  muscle  re- 
leveur de  la  paupière  supérieure  ne  peut  s'expliquer  par  des  contrac- 
tions toniques  de  ce  muscle  ou  du  muscle  de  Muller,  parce  que  l'inner- 
vation du  muscle  orbiculaire  des  paupières  provoque  la  fermeture 
complète  de  la  fente  palpébrale.  Quand  ce  muscle  se  trouve  dans 
l'impossibilité  de  fermer  complètement  la  fente  palpébrale,  il  faut 
invoquer  le  degré  considérable  de  l'exophthalmie  et  non  pas  la  con- 
tracture du  muscle  antagoniste  (releveur). 

D'après  Stellwag.  l'ouverture  exagérée  de  la  fente  palpébrale.  sur  la- 
quelle Dalrymple  d'ailleurs  a  le  premier  attiré  l'attention,  serait  due 
à  des  troubles  de  certaines  voies  réflexes  du  centre  nerveux.  Des 
contractions  réflexes  de  l'orbiculaire  se  produisent  à  l'état  de  veille  de 
la  manière  suivante  :  l'irritation  des  nerfs  sensitifs  de  la  surface  du 
bulbe  et  de  la  rétine  se  transmet  vers  la  portion  oculaire  du  facial, 
qui  provoque  un  certain  degré  de  contraction  dans  l'orbiculaire  palpé- 
bral,  d'où  le  clignotement  rythmique  des  paupières. 

Il  s'agit  donc  de  troubles  dans  la  transmission  du  réflexe  entre  le  tri- 
jumeau et  les  centres  optiques  sous-corticaux  d'un  côté  et  le  facial  de 
l'autre.  Ces  troubles  ont  pour  conséquence,  comme  l'a  le  premier 
démontré  Stellwag,  la  rareté  de  clignotement  qu'on  constate  dans 
le  goitre  exophthalmique. 

Quant  aux  troubles  dans  la  transmission  du  réflexe,  on  peut  les 


GOITRE   EXOPUTUALMIQUE.  145 

attribuer  aux  lésions  des  anastomoses  qui  réunissent  les  noyaux  du 
trijumeau,  du  facial  et  des  centres  optiques  sous-corticaux,  lésions 
qui  devraient  également  être  localisées  dans  le  plancher  du  qua- 
trième ventricule. 

(Jue  le  plancher  du  quatrième  ventricule  soit  altéré,  on  n'en  sau- 
rait douter.  En  effet,  dans  le  goitre  exophthalmique,  il  survient  des 
paralysies  des  i?iuscles  de  l'œil  et  principalement  du  strabisme  transi- 
toire ;  or,  ces  symptômes  sont  produits  par  des  altérations  nucléaires, 
et  quelquefois,  selon  toute  apparence,  par  des  trouhles  fonctionnels 
des  centres  corticaux  (complication  du  goitre  exophthalmique  avec 
l'hystérie). 

Nous  renvoyons  du  reste  pour  cette  question  à  la  communication  très 
intéressante  de  Ballet  sur  l'ophthalmoplégie  externe  et  les  paralysies 
des  nerfs  moteurs  bulbaires  dans  leur  rapport  avec  le  goitre  exoph- 
thalmique. 

Sattler  a  encore  noté  dans  le  goitre  exophthalmique  la  diminution 
de  la  sensibilité  de  la  cornée,  qui  serait  due,  d'après  lui,  au  peu  d'hu- 
midité de  l'œil.  L'anesthésie  est  passagère,  survient  par  accès  et  est 
disposée  par  certaines  régions  de  la  cornée,  il  n'est  pas  encore  démon- 
tré que  ces  troubles  fonctionnels  du  trijumeau  soient  dus  à  des  lésions 
du  noyau  de  ce  nerf. 

Dans  les  lésions  des  centres  vaso-moteurs  auxquelles  G.  Sée  attribue 
la  pathogénie  du  goitre  exophthalmique,  il  faut  également  faire 
entrer  les  altérations  de  la  moelle  allongée,  où  ces  centres  sont  situés. 
Il  est  également  probable  que  l'altération  du  nerf  optique  (atrophie) 
ainsi  que  l'ataxie  locomotrice  qui  complique  quelques  cas  de  goitre 
exophthalmique,  se  développent  par  l'intermédiaire  de  la  moelle 
allongée  (voir  p.  19  et  48). 

Huglings  Jackson,  qui  lui  aussi  admet  que  le  goitre  exophthalmique 
est  occasionné  par  une  affection  de  la  moelle  allongée,  base  son  opi- 
nion sur  ce  fait  que  souvent  cette  maladie  se  complique  d'ophthalmo- 
plégie  externe,  de  spasmes  du  facial  et  de  diabète  sucré.  Cette  opinion 
est  du  reste  partagée  par  nombre  d'auteurs  qui  se  basent  sur  une  série 
d'autopsies  du  goitre  exophthalmique.  Ainsi  Cheedle  a  constaté  une 
forte  vascularisation  de  la  moelle  allongée  et  du  pont.  Dans  le  cas  de 
M.  B.  White,  il  existait  une  légère  inflammation  au  niveau  de  la  partie 
inférieure  des  olives,  et  notamment  sur  la  face  postérieure  de  la  moelle 
allongée.  Immédiatement  au-dessous,  à  partir  de  la  ligne  médiane 
jusqu'aux  corps  restiformes  (peu  affectés),  il  existait  plusieurs  foyers 
d'hémorrhagie,  presque  tous  superficiels.  Ces  foyers  s'étendaient  vers 
le  quatrième  ventricule,  où  on  pouvait  les  suivre  encore  jusqu'à  l'aque- 
duc de  Sylvius.  En  outre,  le  ganglion  cervical  supérieur  présentait  un 
amas  de  cellules  de  pus  ;  les  autres  parties  du  grand  sympathique 
étaient  normales. 

10 


146  PARTIE  SPÉCIALE. 

Filehne  de  son  côté  a  démontré  expérimentalement  que  l'apparition 
de  goitre  exophthalmique  doit  être  attribuée  à  des  lésions  du 
bulbe. 

Les  troubles  de  l'action  du  cœur  se  manifestent  également  dans  la 
circulation  rétinienne,  comme  Ta  constaté  pour  la  première  fois 
0.  Becker.  Les  artères  sont  dilatées;  leur  calibre  est  presque  égal  à 
celui  des  veines.  Il  y  a  pouls  artériel  dans  la  rétine,  et  ce  pouls  est  iso- 
chrone aux  pulsations  de  l'artère  radiale.  La  pulsation  des  artères 
rétiniennes  se  manifeste  par  deux  phénomènes  :  dilatation  de  la  co- 
lonne sanguine  et  augmentation  de  sinuosité.  Tous  ces  phénomènes 
(qui  ne  sont  cependant  pas  constants)  sont  dus  au  surcroît  de  l'action 
cardiaque  et  à  la  paralysie  des  muscles  lisses  des  parois  vasculaires. 
Le  surcroît  du  travail  cardiaque  provoque  la  pulsation  artérielle;  la 
paralysie  des  muscles  lisses,  leur  dilatation. 

Les  parois  vasculaires  peuvent  être  atteintes  à  des  degrés  divers 
dans  les  différents  points.  Cela  explique  comment  le  même  vaisseau 
peut  présenter  une  dilatation  très  variable  dans  ses  différentes  parties. 

Nous  renvoyons  aux  manuels  de  névro-pathologie  pour  le  traite- 
ment et  le  pronostic  de  cette  affection.  Le  pronostic  pour  la  vue  est 
surtout  grave,  si  la  cornée  est  atteinte  (1);  d'où  la  nécessité  de  prendre 
toutes  les  mesures  nécessaires  contre  le  défaut  d'occlusion  de  la 
fente  palpébrale. 

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(1)  Ou  recommande  daus  de  tels  cas  l'occlusion  de  l'œil  par  le  bandeau,  l'appli- 
cation des  collyres  antiseptiques  et,  dans  des  cas  graves,  la  ponction  de  la  chambre 
antérieure  de  l'œil. 


PARALYSIE   RADICULAIRE.  147 

F.  —  TROUBLES  OCULAIRES  DANS  LES  AFFECTIONS  DES  NERFS 
PÉRIPHÉRIQUES. 

1.    NÉVRITE   MULTIPLE. 

Cette  affection  n'est  que  rarement  compliquée  (L'inflammation  du 
nerf  optique .  Dans  ce  cas,  la  névrite  optique  n'a  d'ailleurs  rien  de  ca- 
ractéristique et  rappelle  le  tableau  clinique  de  la  névrite  optique  aiguë 
Son  pronostic  est  favorable. 

2.  SPASMES    DU  NERF    FACTAL. 

On  en  distingue  deux  formes  :  des  spasmes  cloniques  et  &ê  toniques 
du  facial.  Dans  les  deux  cas,  Yorbiculaire  des  paupières  est  également 
atteint. 

Les  spasmes  du  facial  peuvent  dépendre  d'une  affection  du  trijumeau; 
le  nerf  lui-même,  ses  branches  ou  ses  organes  terminaux  sont  le 
siège  d'excitation  (voir  p.  55). 

Les  contractions  toniques  sont  le  plus  souvent  bilatérales  ;  elles  peu- 
vent durer  des  jours  et  des  semaines  avec  des  rémissions. 

On  connaît  l'effet  de  la  pression  sur  quelques  points  du  trijumeau, 
points  constatés  pour  la  première  fois  par  de  Graefe  et  qui  correspondent 
aux  points  d'émergence  du  nerf.  Il  en  existe  de  semblables  sur  d'autres 
régions  du  corps,  sur  la  colonne  vertébrale  par  exemple  (Strtirnpell, 
loc.  cit.,  p.  106).  Une  pression  pratiquée  sur  un  de  ces  points  fait  cesser 
les  contractions  toniques  de  l'orbiculaire  des  paupières,  et  les  yeux 
s'ouvrent  subitement. 

3.    PARALYSIE   RADICULAIRE. 

Les  deux  sortes  de  racines  spinales,  motrices  et  sensitives,  qui  for- 
ment le  plexus  brachial,  fournissent  après  leur  réunion  (en  dehors  des 
ganglions  spinaux)  les  rameaux  communicants  pour  le  tronc  du 
grand  sympathique.  Dans  la  paralysie  totale  du  plexus  brachial,  les  ra- 
meaux d'anastomose  du  centre  cilio-spinal  et  du  grand  sympathique 
sont  également  paralysés.  Dans  ce  cas  on  constate  des  phénomènes 
oculo-pupillaires,  notamment  le  myosis,  le  rétrécissement  de  la  fente 
palpébrale  (paralysie  du  muscle  de  Millier)  et  quelquefois  aussi  la  ré- 
traction du  globe  oculaire  (Hutchinson,  Le  Bret). 

D'après  les  expériences  de  Mm0  Klumpke-Déjerine,  ces  phénomènes 
oculo-pupillaires  sont  dus  à  la  destruction  des  rameaux  communi- 
cants du  premier  nerf  dorsal.  En  effet,  nous  constatons  ces  troubles 


148  PARTIE  SPÉCIALE. 

dans  la  paralysie  du  plexus  brachial  du  type  inférieur  (paralysie  du 
nerf  cubital),  et  on  en  voit  des  exemples  dans  les  observations  de 
Sôeligmûller  et  de  Baerwinkel.  Dans  la  paralysie  du  plexus  brachial 
du  type  supérieur,  au  contraire,  les  troubles  oculo-pupillaires  man- 
quent (observation  de  Sécrétan). 

4.  PARALYSIE   DU   FACIAL   (voir  p.    54). 

5.   ANESTDÉSIE    DU   TRIJUMEAU   (voir   p.    56). 

G.  NÉVRALGIE   DU    TRIJUMEAU  ;  TIC   DOULOUREUX. 

Pendant  l'accès  du  tic  douloureux  la  conjonctive  devient  rouge,  les 
vaisseaux  péricornéens  s'injectent;  il  y  a  de  la  pholophobie  et  la  sécré- 
tion lacrymale  augmente  ;  les  pupilles  sont  quelquefois  dilatées  (Notta). 
Tous  ces  phénomènes  sont  dus  à  une  vaso-dilatation  réflexe,  excepté 
la  mydriase,  qui  est  un  symptôme  de  vaso-constriction  produite  par 
voie  réflexe  et  consécutive  à  l'excitation  des  fibres  sensitives.  Nous 
avons  déjà  parlé  de  la  mydriase  consécutive  à  l'irritation  des  fibres 
sensitives  en  étudiant  les  troubles  oculaires  dans  les  affections  de  la 
moelle  épinière  (voir  p.  60). 

L'hypéremie  réflexe  de  l'organe  de  la  vue  par  vaso-dilatation  surve- 
nant pendant  l'accès  de  tic  convulsifest  quelquefois  appréciable  aussi 
à  l'ophthalmoscope  dans  les  vaisseaux  rétiniens. 

L'influence  de  l'excitation  d'autres  nerfs  sensitifs  sur  le  nerf  optique 
peut  être  différente,  suivant  les  cas.  Si  cette  irritation  est  légère  et 
passagère,  on  constate  que  l'excitation  d'un  nerf  sensitif  augmente 
également  l'excitabilité  d'un  autre  nerf  sensitif.  C'est  ce  qui  explique 
pourquoi,  au  début  des  névralgies,  la  sensibilité  de  la  rétine  est 
augmentée,  pourquoi,  dans  les  névralgies  sus-orbitaires,  les  malades 
voient  dans  leur  champ  périphérique  des  points  scintillants.  Si  l'exci- 
tation du  trijumeau  est  plus  prolongée,  on  constate  au  contraire  une 
diminution  de  la  sensibilité  du  nerf  optique  et  même  l'amblyopie  ou 
l'amaurose.  Dans  ces  amblyopies  réflexes,  le  champ  visuel  est  le  plus 
souvent  rétréci  (Jacobson,  loc.  cit.,  p.  25).  Quant  à  l'amblyopie,  elle 
devient  d'autant  plus  prononcée  que  les  attaques  deviennent  plus 
fréquentes. 

Avec  la  cause  provocatrice,  l'amblyopie  ou  l'amaurose  réflexe  dis- 
parait à  son  tour. 

Ainsi  von  Béera  observé  un  cas  d'amaurose  qui  disparut  après  des 
incisions  profondes  au  niveau  de  l'échancrure  sus-orbitaire.  Les  inci- 
sions avaient  coupé  des  cicatrices  qui  existaient  à  cet  endroit  cl  qui, 
douloureuses  à  la  pression,  causaient  l'amaurose  par  l'excitation  du 
nerf  sus-orbitaire. 

Leber  nous  a  fait  connaître  un  cas  très  intéressant  d'amblyopie 


NÉVRALGIE  DU   TRIJUMEAU.   TIC  DOULOUREUX.  149 

consécutive  à  l'irritation  du  trijumeau  et  compliquée  de  dyschroma- 
topsie,  survenue  chez  un  garçon  âgé  de  onze  ans  dans  les  conditions 
suivantes  :  à  la  suite  d'une  blessure  du  nerf  sus-orbilaire,  on  avait 
constaté  toute  une  série  de  phénomènes  complexes,  photophobie,  blé- 
pharospasme, diminution  de  l'acuité  visuelle  des  deux  côtés.  Quatorze 
jours  apr«'<  survinrent  des  crampes  des  muscles  de  la  face,  le  nerf 
sus-orbitaire  devenait  douloureux  à  la  pression,  et  il  apparaissait  du 
rétrécissement  du  champ  visuel  et  de  l'achromatopsie  (le  malade 
confondait  le  rose  avec  le  bleu).  Plus  tard,  on  note  de  la  diplopie 
croisée.  Ces  phénomènes  s'amendèrent  sous  l'influence  d'injections 
sous-cutanées  de  morphine,  et  ce  fait  démontre  qu'ils  étaient  provo- 
qués par  l'irritation  du  trijumeau. 

L'irritation  du  nerf  trijumeau  peut  encore  provoquer  des  troubles  du 
côté  des  nerfs  moteurs.  Ainsi,  dans  quelques  cas,  à  la  suite  d'un  accès 
de  tic  convulsif,  l'accommodation  devient  douloureuse  et  la  fixation 
pénible.  Du  côté  du  nerf  facial  cette  irritation,  dans  un  cas  observé 
par  Leber,  a  provoqué  un  véritable  tic  convulsif;  dans  d'autres  cas 
il  n'en  est  résulté  qu'un  blépharo-spasme.De  Graefe  a  publié  un  cas  de 
blépharospasme  survenu  à  la  suite  d'une  blessure  de  la  première  bran- 
che du  trijumeau.  Le  blépharospasme  n'a  guéri  qu'après  la  section  du 
nerf  sus-orbitaire. 

Nous  avons  déjà  parlé  des  troubles  trophiques  consécutifs  aux  affec- 
tions du  trijumeau.  Ces  troubles  se  produisent  non  seulement  à  la  suite 
de  lésions  du  ganglion  de  Gasser,  mais  même  à  la  suite  d'une  lésion 
située  en  dehors  du  ganglion  lorsqu'elle  est  consécutive  à  une  affec- 
tion de  la  racine  bulbaire  du  trijumeau  (Duval). 

On  a  constaté,  à  la  suite  de  névralgies  du  trijumeau,  l'herpès  zoster, 
la  chute  des  cheveux,  la  chute  des  cils,  le  grisonnement  de  la  tête, 
le  grisonnement  des  cils  à  la  suite  de  la  névrose  sympathique,  et  enfin, 
dans  des  cas  exceptionnels,  des  troubles  graves  analogues  à  ceux  de 
l'ophthalmie  névro-paralytique  (Strumpell,  loc.  cit.,  p.  29). 

La  connaissance  des  points  d'émergence  du  nerf,  points  qui  devien- 
nent sensibles  à  la  pression  dans  l'affection  de  l'ophthalmique  de 
\Yillis,  est  très  importante  pour  le  diagnostic  de  la  partie  affectée. 
On  sait  que  le  lacrymal  émerge  de  la  partie  externe  de  la  paupière 
supérieure  (point  lacrymal^  ;  le  frontal  avec  sa  branche  externe,  sort  de 
l'échancrure  sus-orbitaire  (point  sus-orbitaire).  Le  nerf  nasal  et  sa 
branche  externe  sortent  au-dessous  de  l'angle  externe  de  l'œil  (point 
nasal).  La  branche  interne  du  nerf  nasal  traverse  le  cartilage  latéral 
du  nez  et  s'épanouit  dans  le  lobule  nasal  (point  naso-lobaire). 

Chibret  a  constaté  que  quelques  cas  de  kératite  et  d'irilis  sont 
des  affections  synalgiques  dépendantes  d'une  affection  du  trijumeau. 
Ces  affections,  dont  Chibret  a  observé  et  suivi  plusieurs  cas,  se  dis- 
tinguent des  affections  similaires,  et  notamment  des  autres  kératites  et 


150  PARTIE   SPÉCIALE. 

iritis,  de  la  façon  suivante  :  1°  en  explorant  par  la  pression  digitale 
les  émergences  du  sus-orbitaire  et  des  branches  du  nasal  externe,  on 
trouve  que  les  affections  synalgiques  de  l'œil  coïncident  constamment 
avec  la  sensibilité  plus  ou  moins  vive  de  ces  émergences  à  la  pression, 
qui  détermine  quelquefois  une  douleur  intolérable;  2°  le  massage 
des  émergences  nerveuses,  douloureuses  à  la  pression,  constitue, 
d'après  Gbibret,  un  traitement  sûr,  rapide  et  souvent  unique  des 
affections  synalgiques  de  l'œil.  D'un  autre  côté  ces  affections  et  les 
troubles  trophiques  qu'elles  occasionnent  dans  la  cornée,  ont  souvent 
pour  conséquence  d'augmenter  la  réceptivité  microbienne  du  tissu 
cornéen.  Elles  sont,  d'après  l'auteur,  le  point  de  départ  de  la  gravité 
d'un  certain  nombre  de  kératites  infectieuses,  qui  progressent  malgré 
l'antisepsie  et  s'arrêtent  quand  on  y  ajoute  le  massage. 

Une  forme  particulière  de  névrose  réflexe  du  trijumeau,  est  celle 
des  nerfs  ciliaires  d'un  œil,  survenant  à  la  suite  d'une  affection  des 
nerfs  ciliaires  de  l'autre  œil;  on  l'a  décrite  sous  le  nom  de  névrose 
sympathique  (Donders). 

Dans  l'atrophie  douloureuse  de  l'œil,  où  les  nerfs  ciliaires  sont 
affectés  par  suite  de  la  compression  produite  par  une  cicatrice  par 
l'ossification  de  la  choroïde,  par  un  ratatinement  des  cicatrices,  par 
des  dépôts  calcaires,  l'œil  sain  peut  être  pris  de  son  côté  :  1°  il  devient 
sensible  à  la  pression  dans  les  points  symétriques  à  ceux  de  l'autre 
œil  (de  Graefe)  ;  2°  il  devient  sensible  à  la  lumière  (photophobie);  3°  on 
y  voit  bientôt  apparaître  d'autres  troubles  oculaires,  tels  que  l'asthé- 
nopie  rétinienne,  une  forte  injection  péri-cornéenne  accompagnée  de 
parésie  de  l'accommodation. 

Il  est  important  de  faire  le  diagnostic  différentiel  entre  la  névrose 
sympathique  simple  et  l'inflammation  (ophlhalmie)  sympathique.  En 
effet,  le  pronostic  de  cette  dernière  affection  est  excessivement  grave 
pour  la  vue,  et  l'énucléaation  de  l'œil  malade  devient  absolument 
nécessaire.  Ni  l'éviscération  de  l'œil  sympathisant,  ni  la  résection  du 
nerf  optique  de  cet  œil  (voir  le  cas  de  Trousseau)  ne  mettent  sûrement 
l'autre  œil  à  l'abri  d'une  ophthalmie  sympathique.  Cette  affection, 
appelée  par  Deutschmann  ophthalmie  migratrice,  est  produite  par 
la  propagation  à  travers  le  chiasma  des  microbes  de  l'œil  malade 
vers  l'œil  sain. 

BIBLIOGHAIMHE 

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TROUBLES  OCULAIRES   DANS   LES   MALADIES   DE   LA   PEAU.  1 51 

II,  —  TROUBLES  OCULAIRES  DANS  LES  MALADIES 
DE  LA  PEAU. 

Le  purpura  et  la  maladie  de  Werlhof  provoquent  des  hémorrhagies 
dans  les  diverses  parties  du  corps  et  aussi  dans  l'organe  visuel,  sur 
les  paupières,  où  elles  se  manifestent  sous  forme  des  taches,  sur  la 
conjonctive,  la  rétine  et  le  corps  vitré. 

La  conjonctive  et  les  couches  superficielles  de  la  cornée  formant  une 
entité  anatomique  au  point  de  vue  embryologique,  les  dermatites 
superficielles,  surtout  l'impétigo,  Yeczéma  et  le  psoriasis,  affectent  non 
seulement  la  conjonctive,  mais  se  propagent  vers  la  portion  con- 
jonctivale  de  la  cornée.  La  conjonctive  est  hypérémiée  et  sa  sécrétion 
augmente;  en  même  temps  les  couches  superficielles  de  la  cornée 
sont  atteintes  d'une  inflammation  accompagnée  de  nouvelle  forma- 
tion de  vaisseaux;  l'infiltration  cornéenne  entraine  des  abcès  superficiels 
ou  bien  la  régénération  des  tissus  atteints.  D'après  Gifford,  dans  les  affec- 
tions de  la  conjonctive  provoquées  par  l'eczéma,  on  trouve  un  coccus 
identique  à  celui  de  l'eczéma,  qui  d'ailleurs  n'est  pas  la  cause  de  cette 
affection,  mais  seulement  un  saprophyte.  Du  reste  l'analogie  entre 
l'inflammation  catarrhale  des  membranes  muqueuses  et  l'eczéma  est 
depuis  longtemps  déjà  démontrée  par  des  cliniciens  et  des  patho- 
logistes. 

Chez  les  enfants  scrofuleux  les  affections  eczémateuses  et  impétigi- 
neuses  se  compliquent  souvent  de  conjonctivites  et  de  kératites,  qui  ne 
disparaissent  qu'avec  la  cause  provocatrice.  Les  conjonctivites  de  cette 
nature  provoquent  parfois  une  sécrétion  si  abondante,  qu'on  pourrait 
la  croire  blenorrhagique.  La  moins  longue  durée  de  l'affection,  l'ab- 
sence ou  la  présence  des  diplococcus  de  Neisser  fournissent  des  élé- 
ments suffisants  pour  le  diagnostic  de  la  conjonctivite  blennorhagique, 
qui,  d'ailleurs,  provoque  généralement  une  sécrétion  plus  abondante 
que  la  conjonctivite  scrofuleuse. 

Chez  les  adultes  comme  chez  les  enfants,  l'eczéma  et  le  psoriasis 
généralisés  se  compliquent  souvent  aussi  de  conjonctivite  catarrhale. 

L'eczéma  du  cuir  chevelu  ou  de  la  face,  par  l'excitation  des  or- 
ganes terminaux  du  trijumeau  qu'il  produit,  retarde  la  guérison  de 
certaines  affections  oculaires  à  cause,  très  probablement,  de  l'hypé- 
rémie  réflexe  de  l'œil  provoquée  par  le  trijumeau.  Ainsi  on  a  observé 
plusieurs  cas  de  kératite  phlycténulaire  chez  des  gens  présentant  des 
poux  de  la  tête.  Cette  kératite  ne  disparaît  qu'avec  la  disparition 
des  poux  et  qu'avec  la  guérison  de  l'eczéma  provoqué  par  le  grattage. 

Au  contraire  de  l'eczéma  et  de  l'impétigo, '.le  psoriasis  palpébral  est 


152  PARTIE  SPÉCIALE. 

rare,  comme,  du  reste,  il  est  rare  sur  la  peau  de  la  face.  Il  provoque 
la  chute  des  cils  et  un  catarrhe  si  fort  de  la  conjonctive,  qu'il  se  forme 
quelquefois  même  un  léger  ectropion  (Michel). 

Le  lichen  ruber  des  paupières  est  en  tout  point  identique  au  lichen  de 
la  peau. 

Les  pustules  de  Y  acné  rosacé  de  la  face  se  propagent  parfois  vers 
les  paupières,  surtout  vers  les  paupières  inférieures. 

De  même  Yérythème  exsudai  if  multiforme  a  été  constaté  dans  les 
paupières  en  même  temps  qu'à  la  face. 

Les  affections  parasitaires  de  la  chevelure  et  de  la  harhe,  le  sycosis 
parasitaire,  par  exemple,  peuvent  également  se  propager  aux  cils  et 
aux  sourcils. 

Il  faut  faire  remarquer  que  le  sycosis  parasitaire  a  pour  cause  un 
microbe  analogue  à  celui  de  l'herpès  tonsurant  ou  bien  la  propa- 
gation de  l'eczéma  vers  le  cuir  chevelu.  Mais,  dans  la  plupart  des  cas, 
la  pathogénie  de  cette  affection  est  inconnue. 

Le  traitement  consiste  dans  l'arrachement  des  cils  malades  et  l'an- 
tisepsie à  l'aide  de  la  pommade  horiquée. 

Le  favus,  en  dehors  du  cuir  chevelu,  affecte  encore  quelquefois  les 
paupières.  Elles  se  couvrent  de  croûtes  blanc-jaunâtre,  après  l'enlè- 
vement desquelles  la  peau  apparaît  rouge  et  enflammée.  Les  cils 
deviennent  secs  et  se  rompent.  Son  traitement  est  analogue  à  celui  du 
sycosis  parasitaire  (arrachement  des  cils  malades  et  des  croûtes  et 
traitement  antiseptique. 

Le  furoncle  apparaît  le  plus  souvent  sur  la  paupière  supérieure.  Il 
s'accompagne  de  gonflement  et  de  rougeur  de  la  peau  ;  il  est  de  la 
dimension  et  de  la  forme  d'un  pois,  de  consistance  ferme,  très  dou- 
loureux jusqu'au  moment  où  apparaît  le  pus;  il  provoque  générale- 
ment le  gonflement  des  ganglions  lymphatiques  préauriculaires. 

Les  compresses  d'eau  froide  calment  au  début  les  douleurs;  si  le 
furoncle  suppure,  il  faut  en  faire  la  ponction,  évacuer  le  pus  et  em- 
ployer un  traitement  antiseptique  (pommade  boriquée  ou  créolinée). 

Le  milium  est  une  affection  caractérisée  par  l'apparition  de  petits 
points  ronds,  blanchâtres,  faisant  saillie  à  travers  la  peau,  dont  ils  ne 
sont  couverts  que  par  une  couche  très  mince.  Le  milium  est  provoqué 
par  la  rétention  de  la  sécrétion  sébacée  et  atteint  généralement  la 
peau  de  la  face  et  surtout  des  paupières. 

Le  molluscum  contagwsum,  que,  malgré  son  titre,  les  dermatolo- 
gistes  modernes  ne  croient  pas  contagieux  du  tout,  n'est  pas  rare  sur 
les  paupières.  Mittendorf  a  cependant  observé  deux  épidémies  de 
cette  affection  dans  un  hôpital  (27  cas  dans  la  première  et  11  dans  la 
seconde).  L'affection  se  trouvait  surtout  à  la  face  et  aux  paupières.  La 
contagion  est  égalemenl  admise  par  Boeck.  Le  traitement  consiste 
dans  l'excision  des  petites  tumeurs. 


TROUBLES  OCULAIRES  DANS  LES  MALADIES  DE  LA  PEAU.      I  S 3 

Les  cas  décrits  sous  le  nom  à'ichthyose  de  la  conjonctive  ne  nous 
semblent  pas  être  suffisamment  prouvés.  Dans  deux  cas  décrits  par 
Huiler,  l'affection  était  entièrement  semblable  à  la  conjonctivite  gra- 
nuleuse. Daprès  cet  auteur,  les  granulations  se  distingueraient  de 
celles  de  la  conjonctivite  granuleuse  par  leur  forme,  leur  grosseur, 
leur  consistance  et  couleur  ;  l'affection  ne  produirait  pas  de  phénomènes 
inflammatoires  et  résisterait  au  traitement  ordinaire  de  la  conjonc- 
tivite granuleuse. 

Dans  Yalopécie  totale,  les  cils  et  les  sourcils  manquent  d'une  façon 
absolue  (observations  de  Magnus,  Wicherkiewicz  et  Nieden). 

Uurticaire  peut  être  accompagnée  d'une  éruption  aux  paupières. 
Forster  cite  un  cas  très  intéressant  de  Lawnson,  où  l'urticaire  a  pro- 
voqué une  parésie  du  muscle  de  l'accommodation.  Peschel  décrit  un 
autre  cas  d'urticaire  compliqué  d'iritis  (sans  synéchies),  —  deux  com- 
plications qui  surviennent  généralement  dans  les  maladies  infectieuses. 
Dans  les  maladies  microbiennes,  la  paralysie  des  muscles  de  l'accom- 
modation est  due,  comme  on  le  sait,  à  l'action  toxique  des  ptomaïnes 
(toxines)  sur  les  terminaisons  périphériques  des  branches  nerveuses 
de  ce  muscle.  De  même  l'iritis  qui  survient  dans  la  blennorrhagie  par 
exemple  (dans  les  cas  où  on  n'a  pas  constaté  le  diplococcus  de  Neisser), 
ou  dans  le  diabète  sucré  (Leber)  est  d'origine  toxique. 

D'après  Bouchard,  l'urticaire  serait  le  produit  de  la  rétention  des 
produits  toxiques  dans  l'économie.  Cette  opinion  semble  être  confirmée 
parce  fait  que  certains  médicaments  toxiques  peuvent,  dans  certaines 
conditions,  provoquer  une  éruption  d'urticaire. 

D'après  nous,  ce  n'est  pas  l'urticaire  qui,  dans  le  cas  de  Lawnson,  a 
provoqué  la  parésie  de  l'accommodation,  et  l'iritis  dans  le  cas  de  Pes- 
chel. Les  produits  toxiques  de  l'échange  provoquent  l'urticaire,  mais 
ils  peuvent  également,  comme  les  toxines,  provoquer  un  iritis  toxique 
ou  la  parésie  du  muscle  de  l'accommodation. 

Dans  quelques  cas,  assez  rares,  d'herpès  iris  généralisé,  la  conjonc- 
tive participe  à  l'éruption,  et  surtout  la  conjonctive  palpébrale.  On 
voit  apparaître  des  fausses  membranes  lardacées,  dont  le  détachement 
commence  par  le  rebord  des  paupières.  Aprèsla  disparition  des  fausses 
membranes,  la  muqueuse  est  uniformément  et  assez  fortement  injectée; 
elle  est  gonflée  et  saigne  au  moindre  contact. 

La  durée  de  l'affection  est  de  trois  semaines.  Son  pronostic  est  très 
favorable  :  aucune  complication  n'est  à  craindre. 

Le  pemphigus  n'atteint  l'œil  que  très  rarement.  Les  recherches 
récentes  ont  démontré  que  des  cas  décrits  par  de  Graefe  comme  phlhisie 
essentielle  de  la  conjonctive  n'étaient  que  du  pemphigus  conjonc- 
tival,  dont  les  débuts  avaient  passé  inaperçus.  L'aspect  clinique  que 
présente  cette  affection  est  variable  suivant  la  période.  Au  début, 
Jacobsona  constaté,  en  effet,  de  petites  vésicules  situées  dans  le  limbe 


154  PARTIE   SPÉCIALE. 

conjonctival  ;  elles  crèvent,  et  par  leur  union  avec  la  conjonctive  si- 
tuée en  face,  atteinte  d'excoriation,  elles  donnent  naissance  au  sym- 
blépharon.  Dans  la  grande  majorité  des  cas,  le  pemphigus  n'a  été 
observé  par  les  auteurs  que  dans  la  période  de  l'ulcération;  cette  pé- 
riode a  ceci  de  particulier  qu'elle  produit  la  rétraction  de  la  conjonc- 
tive. White  Cooper  et,  après  lui,  de  Wecker  et  d'autres  auteurs  ont 
démontré  que  cette  affection  de  la  conjonctive  est  l'effet  de  pemphi- 
gus  :  ils  ont,  en  effet,  pu  constater  plusieurs  fois  la  simultanéité  de 
l'apparition  des  vésicules  du  pemphigus  sur  la  peau  du  corps,  les 
muqueuses  buccale,  pharyngienne  et  nasale  (Critchett)  avec  celle  de 
l'affection  conjonctivale.  Le  symblépharon  est  une  conséquence  assez 
fréquente  du  pemphigus.  L'affection  peut  progresser  de  la  conjonctive 
vers  la  cornée  et  provoquer  une  kératite  suppurée.  Baumler  a  décrit 
un  cas  de  pemphigus  de  la  conjonctive  compliqué  de  kératite  suppu- 
rée, qui  s'est  terminé  par  la  perte  de  la  vue.  Tilly  cite  un  autre  cas  de 
kératite  suppurée  double  produite  par  la  même  cause  et  suivie  de  la 
perte  des  deux  yeux. 

La  thérapeutique  semble  impuissante.  Il  est  impossible  d'arrêter  la 
rétraction  cicatricielle.  Quant  au  symblépharon,  on  a  recommandé, 
pour  éviter  sa  formation,  l'instillation  d'huile  d'olive,  comme  dans  le 
traitement  delà  combustion  de  la  conjonctive.  L'application  de  collyres 
antiseptiques  est  évidemment  indiquée  dans  la  suppuration  de  la 
conjonctive. 

hapel/agi'e,  qui  se  montre  sous  forme  d'érythème  superficiel,  se  pro- 
page des  joues  vers  les  paupières.  Les  complications  oculaires,  d'après 
Hampoldi,  ne  surviendraient  qu'en  été  et  en  automne; parmi  celles-ci 
citons,  par  ordre  de  fréquence  :  1°  les  affections  de  la  rétine  et  de 
l'épithélium  pigmentaire,  et  la  rétinite  pigmentaire  (héméralopie); 
2°  les  affections  du  nerf  optique  (amblyopie,  amaurose);  3°  les  affec- 
tions de  la  cornée  (ulcère  torpide,  nécrose,  kératite  parenchymateuse1. 
Des  altérations  se  développent  aussi  dans  la  choroïde  (destruction  des 
cellules  pigmenlaires)  et  dans  le  corps  vitré  (apparition  d'opacités, 
qui  ne  sont  que  des  symptômes  de  l'altération  de  la  choroïde). 

Dans  tous  les  cas,  où  Yéléphanliasis  des  Arabes  a  atteint  l'organe 
de  la  vue,  on  n'a  observé  d'altérations  que  dans  la  paupière  supé- 
rieure, sans  que  la  fonction  du  releveur  de  cette  paupière  soit  trou- 
blée. Dans  une  autopsie  d'un  cas  d'éléphantiasis  de  l'extrémité  infé- 
rieure gauche,  Michel  a  constaté  une  hyperplasie  du  chiasma  et  du  nerf 
optique  droit;  prohablement  cette  altération  était  accidentelle  et 
n'avait  aucun  rapport  avec  l'éléphantiasis. 

Parmi  les  affections  de  l'organe  de  la  vision  qui  viennent  compliquer 
les  maladies  de  la  peau  dans  les  pays  chauds,  il  faut  citer  le  bouton  d'A- 
lep.  Cette  affection  consiste  en  une  inflammation  chronique  et  cir- 
conscrite de  la  peau,   le  plus  souvent  limitée  à  la  face  et  intéressant 


TROUBLES   OCULAIRES   DANS   LES   MALADIES  DE   LA   PEAU.  ilii 

l'angle  externe  de  l'œil.  Elle  atteint  moins  souvent  la  paupière  supé- 
rieure et  très  rarement  la  paupière  inférieure.  D'après  Villemin,  les 
paupières  seraient  les  premières  attaquées. 

Cette  allée t ion  ne  Trappe  parmi  les  indigènes,  que  les  enfants  âgés 
d'un  à  six  ans.  Elle  est  endémique  sur  les  bords  de  l'Euphrate,  en 
Perse,  à  Chypre,  en  Syrie,  au  Caire.  Les  étrangers  peuvent  en  être 
atteints  à  tous  les  âges. 

Quant  à  la  nature  de  l'affection,  les  opinions  sont  partagées;  d'après 
les  uns  elle  serait  de  nature  lupo-tuberculeuse,  d'après  d'autres  de 
nature  furonculeuse. 

Les  brûlures  étendues  de  la  peau  peuvent  provoquer  des  troubles  vi- 
suels, abstraction  faite  des  conséquences  des  brûlures  de  la  peau  des 
paupières  et  du  pourtour  de  l'œil,  qui  peuvent  occasionner  l'eclropion. 

Wagenmann  a  constaté,  par  exemple,  chez  un  jeune  homme  de 
dix-neuf  ans,  atteint  de  brûlures  étendues  de  la  peau,  en  dehors  de 
l'apathie  et  de  la  céphalalgie,  d'hémorrhagies  stomacales  et  intesti- 
nales, une  rétinitehémorrhagique  bilatérale  ;  les  hémorrhagies  se  trou- 
vaient surtout  au  pourtour  de  la  papille  optique;  elles  ont  disparu 
au  bout  de  quatre  mois,  et  le  malade  a  guéri. 

Wagenmann  admet  qu'à  la  suite  de  brûlures  il  se  forme  dans  le 
sang  des  substances  phlogogènes  (Ponfick,  Klebs),  qui  provoquent  un 
processus  inflammatoire  du  côté  des  reins  (néphrite),  de  la  rétine, 
des  plèvres  et  des  poumons.  Faut-il  invoquer,  au  contraire,  dans  ces 
cas,  les  embolies  capillaires?  11  est  encore  difficile  de  se  prononcer. 

Mooren  et,  après  lui,  Fôrster  ont  exprimé  l'hypothèse  que  les  érup- 
tions chroniques  de  la  peau  prédisposent  a  la  cataracte,  en  provoquant 
une  cachexie  générale  (Fôrster),  dont  la  cataracte,  par  conséquent, 
ne  serait  qu'une  manifestation. 

Elles  prédisposeraient  également,  d'après  Mooren,  au  développe- 
ment de  la  rétinite  et  de  la  névrite  optique,  en  provoquant  une 
hypérémie  des  méninges  et,  par  conséquent,  des  troubles  circulatoires 
dans  le  nerf  optique  et  dans  la  rétine. 

Il  serait,  à  notre  avis,  plus  juste  d'admettre  que  les  affections  de 
la  peau  et  les  troubles  oculaires  (nerf  optique  et  rétine)  se  trou- 
vent sous  la  dépendance  d'une  cause  unique,  que  nous  ne  connais- 
sons pas  encore,  mais  qu'il  faut  peut-être  chercher  dans  la  rétention 
des  produits  toxiques  dans  l'économie.  Cela  découle  au  moins  assez 
nettement  d'un  cas  observé  par  Mooren,  où  l'eczéma  et  une  affection 
(dégénérescence  graisseuse)  de  la  rétine  ont  apparu  simultanément 
sous  l'influence  très  probable  d'une  néphrite  interstitielle,  dont  le 
malade  est  mort  quelque  temps  après. 

Les  observations  de  Rothmund  et  de  Nieden  sont  très  intéressantes; 
elles  contribueront  à  résoudre  une  question  difficile,  à  savoir  si  la 
cataracte  peut  être  ou  non  provoquée  par  une  affection  de  la  peau. 


156  PARTIE  SPÉCIALE. 

Nieden  a  eu  l'occasion  d'observer  des  téléangiectasies  sur  toute  la 
peau  de  la  figure,  survenues  chez  une  jeune  fille  âgée  de  quinze  ans 
au  moment  de  la  formation.  11  apparut  simultanément,  sur  l'œil 
gauche,  des  opacités  dans  la  couche  corticale  du  cristallin  ;  sur  l'œil 
droit,  une  cataracte  polaire  postérieure.  Dans  les  cas  de  Ilothmund, 
il  s'agissait  d'enfants  appartenant  à  trois  familles  demeurant  dans 
trois  communes  différentes  du  Vorarlberg  (Autriche);  ils  étaient 
atteints  d'une  éruption  particulière  de  la  peau,  qui,  au  début,  était 
caractérisée  par  une  dégénérescence  graisseuse  de  la  couche  de  Mal- 
pighi  et  des  corps  papillaires  et  qui  a  abouti  finalement  à  l'atrophie 
de  l'épiderme.  L'affection  débuta  par  la  peau  de  la  face  et  des  extré- 
mités supérieures,  à  l'âge  de  trois  à  six  mois.  Entre  la  troisième  et  la 
sixième  année,  apparurentles opacités  cristalliniennes,  qui  aboutirent 
à  la  cataracte  bilatérale  totale.  D'après  Rothmund  le  fait  s'explique 
par  l'origine  du  cristallin  qui,  au  point  de  vue  embryologique, 
est  un  diverticulum  de  l'épiderme.  L'épiderme  et  le  cristallin  sont 
donc  prédisposés  aux  mêmes  affections,  dont  les  causes  sont  les 
mêmes,  mais  dont  le  développement   clinique  n'est  pas  parallèle. 

BIBLIOGRAPHIE 

Généralités.  —  Foerster,  loc.  cit.,  p.  lot. 

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ITkrpks  iris.  —  Neumann  (/.),  Centralbl.  f.  Augenheilk..  1883. 
Pemfbigds.  —   Critchett  and  Juler,  Ophthalm.  So<\  of  the  United  Kingdom.    18R5,  10   décembre.  — 

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f.  Augenheilk.,  '887,   décembre. 


III.  —TROUBLES  OCULAIRES  DANS  LES  MALADIES 
DE  L'OREILLE. 

En  dehors  des  expériences  d'Urbantschitsch,  démontrant  l'influence 
des  maladies  des  oreilles  sur  l'acuité  visuelle,  il  existe  encore  les  tra- 
vaux de  Kieselbach  et  Wolffberg,  dont  la  conclusion  est  la  même. 
Après  avoir  pratiqué  le  cathétérisme  chez  un  homme  atteint  d'une 
affection  de  l'oreille,  compliquée  de  rétrécissement  du  champ  visuel 
et  d'héméralopie,  ces  auteurs  ont  eu  la  satisfaction  de  constater, 
non  seulement  une  amélioration  sensible  de  l'ouïe,  mais   encore  une 


TROUBLES   OCULAIRES   DANS   LES    MALADIES    DE   L'OREILLE.  i:jl 

amélioration  de  L'acuité  visuelle  et  un  agrandissement  du  champ  visuel 
et  du  champ  des  couleurs. 

Uuelques  auteurs  ont  noté,  à  la  suite  de  l'otite  moyenne  suppurée, 
la  névrite  optique,  la  paralysie  de  l'accommodation,  celle  du  nerf 
oculo-moteur  externe,  et  ils  prétendent  que  les  troubles  oculaires  se- 
raient causés  par  l'affection  de  l'oreille. 

Ces  complications  oculaires,  en  effet,  étaient  provoquées  par  la 
même  cause  ou  bien  coïncidaient  purement  et  simplement  avec 
l'otite  moyenne,  sans  en  être  la  conséquence. 

L'observation  de  Keller  peut  servir  aie  démontrer.  Chez  un  enfant 
âgé  de  sept  ans,  en  convalescence  de  la  rougeole,  on  a  vu  appa- 
raître simultanément  une  otite  moyenne  suppurée  gauche  et  une 
paralysie  de  l'oculo-moteur  externe  du  côté  correspondant,  accom- 
pagnée d'une  névrite  optique  bilatérale.  Ces  complications  oculaires 
sont,  à  notre  sens,  très  vraisemblablement  indépendantes  de  l'otite; 
elles  ont  été  provoquées  par  les  toxines  de  la  rougeole. 

Dans  un  autre  cas  de  Holt,  il  s'agissait  d'un  jeune  homme  de  vingt- 
quatre  ans  atteint,  au  cours  d'une  otite  moyenne  à  frigore,  d'une 
paralysie  de  l'accommodation  et  du  nerf  facial.  Dans  un  cas  de  Boerne 
Bettmann,  on  a  noté,  au  cours  d'une  otite  moyenne  suppurée,  en 
dehors  des  maux  de  tète  et  des  vomissements,  une  paralysie  de 
l'oculo-moteur  externe  correspondant.  Après  un  traitement  approprié 
à  l'affection  de  l'oreille,  les  troubles  oculaires  s'amendèrent  en 
même  temps  que  les  troubles  de  l'ouïe. 

Styx  nous  a  fait  connaître  le  cas  très  intéressant  d'un  jeune  homme 
de  vingt  et  un  ans,  atteint  d'une  otite  moyenne,  accompagnée  dans  la 
troisième  semaine  de  fièvre,  de  céphalalgies,  de  vomissements  et  de 
constipation.  Simultanément  on  vit  apparaître  du  côté  correspondant 
une  névrite  optique  peu  prononcée  et  la  paralysie  de  l'oculo-moteur 
externe. 

Ces  complications,  que  Styx  prétend  être  de  nature  méningitique, 
s'améliorèrent  en  même  temps  que  l'otite  moyenne,  qui  en  était 
la  cause  provocatrice. 

Dans  un  cas  de  Wiethe,  un  abcès  orbitaire  vient  compliquer  l'otite 
moyenne  suppurée. 

Les  complications  oculaires  que  nous  avons  notées  (sauf  dans  le 
cas  de  Wiethe)  au  cours  d'une  otite  moyenne  suppurée  sont  proba- 
blement dues  aux  toxines  engendrées  par  cette  dernière  affection. 
Comme  nous  le  verrons  plus  tard,  en  étudiant  les  maladies  infec- 
tieuses, certains  nerfs  sont  particulièrement  prédisposés  aux  névrites 
périphériques  toxiques,  se  développant  sous  l'influence  de  ptomaïnes. 
C'est  ainsi  qu'il  faut  expliquer  les  troubles  de  l'accommodation 
dans  le  cas  de  Holt  et  l'affection  du  nerf  optique  et  de  l'oculo-moteur 
externe  dans  les  autres  cas.   L'apparition  des  symptômes  généraux 


158  PARTIE   SPÉCIALE. 

comme  fièvre,  maux  de  lête,  vomissements,  etc.,  symptômes  qui  pré- 
cédèreni  les  complications  oculaires,  plaident  en  faveur  de  la  théorie 
des  ptomaïnes.  Il  est  inutile,  à  notre  avis,  de  faire  intervenir  la  mé- 
ningite intercurrente,  qui  affecterait  toujours  certains  nerfs  et  gué- 
rirait constamment.  La  théorie  des  ptomaïnes  est  appuyée  par  les  ob- 
servations de  Burow,  qui  a  constaté  la  fréquence  des  complications 
oculaires  (iritis,  paralysies  des  muscles  de  l'œil)  dans  le  cours  des  ma- 
ladies d'oreilles.  Les  complications  furent  dues  à  ce  que  les  instru- 
ments employés  dans  les  cliniques  olologiques  étaient  dans  un  état 
de   malpropreté    assez  marquée. 

Selon  Bethmann,  la  paralysie  de  l'oculo-moteur  externe  survenue 
dans  les  cas  dont  nous  avons  parlé  plus  haut  est  due  à  la  pénétration 
du  pus  à  travers  le  tegmentum  tympani. 

Slyx  donne  l'explication  suivante  des  complications  oculaires 
décrites  plus  haut.  L'inflammation  de  l'oreille  moyenne  s'est  propagée 
vers  le  labyrinthe  :  de  là,  par  l'intermédiaire  de  la  carotide  interne, 
vers  le  plexus  veineux  qui  l'entoure,  et  enfin  vers  le  sinus  caver- 
neux; d'où  stase  sanguine  dans  la  veine  ophthalmique,  apparition  de 
névrite  optique  et  des  phénomènes  de  compression  de  nerf  oculo- 
moteur  externe. 

On  voit  d'ici  l'invraisemblance  de  toutes  ces  hypothèses. 

Si  le  transport  du  pus  se  fait  directement  de  l'oreille  moyenne 
vers  l'œil,  les  phénomènes  de  paralysie  des  muscles  oculaires  peu- 
vent manquer  comme  dans  le  cas  de  Wielhe.  L'abcès  orbitaire,  noté 
par  cet  auteur,  s'est  formé  aux  dépens  du  pus  de  l'oreille  moyenne,  qui 
est  arrivé  dans  l'orbite  en  suivant  le  trajet  des  plexus  veineux  tym- 
panique  et  ptérygoïdien  et  la  veine  ophthalmique  inférieure. 

BIBLIOGRAPHIE 

Kieselhach  uml  Wolffberg,  Berlin,  klin.  Woch.,  1885,  n"  15.  —  Boerne  Bettmann,  Jouru.  of  the 
Amer.  M  éd.  Assoc,  i>*7.  I"jan.  —  Kelter,  Monatschrift  f.  Ohreuheilk  ,  1888,  n°  6.  —  E.-E.  Holt, 
Bled.  Record.,  1880.  3  août.  —  Slyx,  Central!)!,   f.  d.  med.  Wissenschalt,  1889,  n -  22. 


IV.  —  [{APPORTS  ENTRE  LES   MALADIES  DES   YEUX 

ET  CELLES  DU  NEZ  ET  DES  CAVITÉS  VOISINES. 

CONSIDÉRATIONS    GÉNÉRALES. 

Malgré  le  grand  nombre  de  travaux  publiés  dans  ces  dernières  an- 
nées sur  les  rapports  qui  existent  entre  les  maladies  du  nez  et  celles 
des  yeux,  ces  rapports  ne  semblent  pas  encore  suffisamment  étudiés. 
Les  relations  entre  ces  deux  organes  sont  très  complexes.  Il  existe 
souvent  une  coïncidence  fortuite,  et  qui  néanmoins  fait  supposer  une 


MALADIES   DU   N'EZ.  i:,9 

relation  de  cause  à  effet,  entre  certaines  affections  des  organes  ol- 
factifs  et  ceux  de  la  vision.  Une  maladie  générale  peut  aussi  par  sou 
retentissement  simultané  sur  les  deux  organes,  entraîner  une  affec- 
tion des  yeux  et  du  nez. 

L'anatomie  nous  fait  connaître  .les  voies  de  propagation  d'un  pro- 
cessus pathologique  allant  du  nez  vers  l'organe  de  la  vue  et  vice- 
versa.  Les  membranes  muqueuses  nasale  et  oculaire  par  leur  conti- 
nuité sont  considérées,  depuis  fort  longtemps,  comme  le  chemin  que 
suivent  les  processus  pathologiques  pour  se  propager  de  l'un  des  or- 
ganes à  l'autre.  Mais  il  faut  se  rappeler  aussi  que  l'orbite  est  entourée 
de  cavités  pneumatiques  :  en  haut  et  en  dedans,  il  y  a  le  sinus  fron- 
tal; en  bas,  le  sinus  maxillaire.  La  paroi  interne  de  l'orbite  (la  lame 
papyracéede  l'ethmoïde)  n'est  autre  chose  que  la  paroi  externe  des 
cellules  ethmoïdalesj  ;  une  paroi,  généralement  très  mince,  sépare  le 
canal  optique  du  sinus  sphénoïdal. 

Des  solutions  de  continuité,  des  espèces  de  déhiscences  se  trouvent 
très  fréquemment,  et  sans  que  cela  soit  pathologique,  dans  les  parois 
osseuses  qui  séparent  les  cavités  pneumatiques  de  l'orbite,  d'une  part, 
du  canal  optique,  d'autre  part.  La  membrane  muqueuse  des  cavités 
pneumatiques  recouvre  alors  le  tissu  orbitaire.  Si  une  communication 
anormale  de  ce  genre  existe  sur  la  paroi  inféro-interne  du  canal 
optique,  ainsi  que  je  l'ai  constaté  dans  des  préparations  anatomiques, 
la  muqueuse  du  sinus  sphénoïdal  recouvre  la  gaine  externe  du  nerf 
optique.  Ainsi,  sans  parler  des  voies  lacrymales,  nous  voyons  qu'un 
processus  pathologique  peut  se  propager  du  nez  et  des  cavités  voi- 
sines vers  l'organe  de  la  vision,  et  cela  par  des  voies  très  nom- 
breuses. 

Indépendamment  des  affections  qui  se  communiquent  à  l'organe 
visuel  par  voie  directe,  il  en  est  qui  peuvent  l'atteindre  par  voie  ré- 
flexe, provoquées  par  un  processus  pathologique  siégeant  dans  le 
nez.  Ce  sont  surtout  ces  troubles  oculaires  réflexes  d'origine  nasale 
qui  ont  été  plus  particulièrement  étudiés,  depuis  les  travaux  si  re- 
marquables de  Hack.  Comme  exemple  des  précautions  qu'il  faut 
prendre  lorsqu'il  s'agit  de  constater  si  un  symptôme  oculaire  est,  ou 
non,  d'origine  réflexe,  je  citerai  le  larmoiement  qui  se  produit  dans 
certaines  maladies  des  fosses  nasales  ou  des  sinus  avoisinants. 

Ce  larmoiement  peut  être  d'origine  réflexe  et  dû  à  une  hypersécré- 
tion de  la  glande  lacrymale  ;  mais  il  peut  aussi  résulter  :  1°  du  gonfle- 
ment de  la  muqueuse  du  cornet  inférieur;  2°  du  gonflement  de  la 
muqueuse  du  canal  naso-lacrymal  ;  3°  de  la  compression  exercée  sur 
le  canal  naso-lacrymal  par  une  tumeur  des  cellules  ethmoïdales  anté- 
rieures. Aussi,  faut-il  être  très  prudent  pour  déclarer  de  nature  ré- 
flexe le  larmoiement  qui  survient  dans  les  polypes  du  nez;  ce  sym- 
ptôme peut  être  produit,  ou  bien  par  voie  réflexe,  ou  bien  par   une 


160  PARTIE  SPÉCIALE. 

ou  même  plusieurs  causes  mécaniques,  empêchant  l'écoulement  des 
larmes  dans  les  fosses  nasales. 

De  même,  unréti'écissement  du  champ  visuel,  qui  se  développe  dans 
le  cours  d'une  maladie  du  nez,  peut  être  d'origine  réflexe,  ou  causé 
par  une  affection  du  nerf  optique  consécutive  à  un  processus  patho- 
logique qui  s'est  propagé  du  nez  vers  les  cavités  voisines. 

Pour  établir  le  diagnostic  différentiel,  il  existe  un  moyen  très  sim- 
ple :  si  l'on  injecte  une  solution  de  cocaïne  dans  les  fosses  nasales  ou  si 
l'on  fait  une  injection  hypodermique  de  morphine,  on  fait  disparaître 
ou  Ton  améliore  sensiblement,  pour  un  certain  temps,  les  symptômes 
oculaires  de  nature  réflexe. 

A.    —  DÉFORMATIONS   CONGÉNITALES  DES   OS    DES   CAVITÉS 
PNEUMATIQUES. 

Nous  avons  vu  que  l'anatomie  normale  explique  les  rapports  qui 
existent  si  fréquemment  entre  les  maladies  du  nez  et  celles  des  yeux. 
On  peut  donc  facilement  admettre  que  des  anomalies  congénitales  des 
os  en  question  puissent  retentir  sur  l'organe  de  la  vue. 

C'est  ce  qu'on  observe  surtout  du  côté  de  Yethmoide.  Si  cet  os  se  dé- 
veloppe d'une  manière  insolite  dans  le  sens  transversal,  la  distance 
entre  les  deux  orbites  devient  exagérée,  et  l'effort  des  muscles  droits 
internes  ne  suffît  plus,  par  une  raison  toute  mécanique,  pour  produire 
la  convergence.  C'est  ainsi  que  se  manifeste  l'insuffisance  des  droits 
internes.  Dans  d'autres  cas,  il  s'établit  du  strabisme  divergent. 

Lorsque  l'ethmoïde  atteint  un  développement  excessif,  la  forme  de 
l'orbite  est  anormale,  et  il  peut  en  résulter  de  l'astigmatisme  cornéen. 
Ce  fait  a  surtout  été  établi  par  les  remarquables  travaux  de  Bresgen. 
La  forme  de  la  cornée  et  de  toute  la  partie  antérieure  de  l'œil  est  dé- 
terminée par  l'action  des  muscles  droits  (E.  Meyer,  Leroy).  Il  se  peut 
que,  par  suite  d'insertions  anormales  (provenant  de  la  déformation 
de  l'orbite),  l'action  de  ces  muscles  soit  aussi  plus  ou  moins  mo- 
difiée. 

Si  les  cellules  ethmoïdales  antérieures  sont  excessivement  dévelop- 
pées, elles  peuvent  toucher  la  paroi  postérieure  du  canal  naso-la- 
crymal,  ainsi  que  je  l'ai  observé  sur  des  préparations  anatomiques,  et 
même  entraîner  un  certain  degré  de  rétrécissement  de  ce  canal.  Il 
est  probable  qu'il  s'agit  d'une  anomalie  congénitale  de  ce  genre  dans 
les  cas  publiés  par  Nieden;  ce  savant  observa,  chez  divers  mem- 
bres de  la  même  famille,  un  larmoiement  causé  par  une  étroitesse 
congénitale  du  canal  naso-lacrymal. 

Des  anomalies  dans  la  croissance  du  corps  du  sphénoïde  peuvent  re- 
tentir sur  le  développement  du  canal  cl  produire,  comme  je  l'ai 
montré  dans  une   autre    communication,  un   étranglement   du    nerf 


DÉFORMATIONS  CONGÉNITALES   DES  CAVITÉS    PNEUMATIQUES.         161 

optique  dans  le  canal.  En  1885,  j'ai  déjà  établi,  en  effet,  et  l'autopsie 
de  Ponfick(1888)  en  a  fourni  ta  confirmation,  que  l'étroitesse  du  canal 
optique  a  été  la  cause  de  l'atrophie  congénitale  du  nerf  optique  dans 
quelques  cas  de  déformations  congénitales  du  crâne.  Ce  fait  est  sur- 
tout Tvident  dans  la  trocliocéphalie  où,  par  suite  d'une  synostose  pa- 
Ihologique,  il  y  a  un  arrêt  de  développement  des  divers  os  de  la  base 
du  crâne.  Cette  atrophie  peut  probablement  aussi  se  développer  pen- 
dant la  vie  intra-utérine,  par  le  fait  de  la  croissance  irrégulière  du 
corps  du  sphénoïde. 

Un  grand  nombre  de  considérations  nous  permettent  d'admettre 
que  le  corps  du  sphénoïde  puisse  se  développer  aux  dépens  du  canal 
optique.  Zuckerkandl  a  démontré  que  les  cellules  ethmoïdales  peuvent 
être  tellement  développées  qu'elles  remplissent  une  grande  partie  des 
sinus  maxillaire  et  frontal. 

La  compression  d'un  tissu  nerveux  a  des  effets  différents,  suivant 
qu'elle  se  produit  lentement  ou  d'une  façon  rapide  (Adamkiewicz, 
Kahler).  Dans  ce  dernier  cas,  elle  entraine  l'atrophie  du  tissu  ner- 
veux. Mais  si  elle  arrive  lentement,  le  tissu  nerveux  s'y  accoutume 
peu  à  peu  ;  on  en  trouve  la  preuve  dans  les  observations  cliniques  des 
tumeurs  de  la  moelle  épinière  et  du  cerveau  qui  se  développent  len- 
tement. Les  altérations  anatomo-pathologiques  qu'on  observe  dans 
ces  derniers  cas  peuvent  être  caractérisées,  d'après  Kahler,  par  la 
disparition  presque  complète  de  la  gaine  myélinique.  D'accord  avec 
Kahler,  Adamkiewicz  distingue  trois  degrés  dans  la  compression  du 
tissu  nerveux.  On  peut  observer  :  1°  la  conservation  de  la  fonction  ; 
2°  des  troubles  passagers  de  la  fonction  ;  3°  des  troubles  persistants 
de  la  fonction.  Les  altérations  qui  se  rattachent  à  la  compression  du 
nerf  optique  dans  le  canal  optique  peuvent  être  facilement  expliquées 
par  la  différence  dans  le  degré  de  compression  du  tissu  nerveux.  Nous 
pouvons  distinguer  les  degrés  suivants  : 

a.  Décoloration  du  nerf  optique  avec  acuité  visuelle  nor- 
male. —  L'aspect  de  la  papille  ressemble  à  celui  qu'elle  a  dans  l'a- 
trophie du  nerf  optique.  De  Jaegeradécrit  ce  cas  comme  décoloration 
bleuâtre  de  la  pupille  optique  (Blauliche  Sehnervenverfaerbung). 

Pour  moi,  cette  anomalie  du  fond  de  l'œil  résulte  de  l'atrophie  de 
la  gaine  myélinique  des  fibres  du  nerf  optique  (1).  Il  est  probable  qu'il 
s'agit  d'une  anomalie  analogue  dans  le  cas  décrit  par  Trousseau  sous 
le  nom  de  pseudo-atrophie  du  nerf  optique.  J'ai  constaté  uue  décolo- 
ration bleuâtre  du  nerf  optique  avec  conservation  de  l'acuité  visuelle 
dans  un  cas  de  trocliocéphalie.  Des  cas  semblables  ont  été  décrits 
par  E.  de  Jaeger  et  Schmidt-Rimpler. 

(1)  Les  fibres  du  nerf  optique  conservent  leur  gaine  myélinique,  dans  l'état 
normal,  jusqu'en  arrière  et  même  en  dedans  de  la  lame  criblée.  Il  doit  donc  se 
produire  un  changement  dans  l'aspect  de  la  papille  si  les  fibres  perdent  cette  gaiue. 

11 


162  PARTIE  SPÉCIALE. 

b.  Décoloration  du  nerf  optique  avec  diminution  très  faible 
de  l'acuité  visuelle.  —  J'en  ai  décrit  un  cas  (dans  ma  chirurgie  du 
sinus  sphénoïdal,  p.  20).  Sans  aucune  cause  appréciable,  chez  un 
jeune  homme  dont  le  fond  de  l'œil  était  auparavant  normal,  on  cons- 
tata, pendant  la  croissance,  une  décoloration  du  nerf  optique  des  deux 
côtés,  surtout  à  gauche. 

L'aspect  était  celui  de  l'atrophie  du  nerT  optiqne.  L'acuité  visuelle 
de  l'œil  droit  était  normale  ;  celle  de  l'œil  gauche  5  :  XXV,  et  du  même 
côté  il  y  avait  un  rétrécissement  du  champ  visuel  pour  le  blanc  et  les 
couleurs. 

c.  Atrophie  complète  du  nerf  optique,  se  produisant  à  la  fin 
de  la  croissance  du  corps  du  sphénoïde.  —  Il  est  probable  qu'un 
certain  nombre  des  cas  —  nous  faisons  abstraction  de  ceux  débutant 
avec  un  scotome  central  —  que  l'on  décrit  sous  les  noms  de  :  «  atro- 
phie héréditaire  du  nerf  optique  »  (genuine  Sehncrven-atrophie,  ma- 
ladie de  Leber),  et  qui  se  produisent  chez  des  jeunes  gens  de  18  à 
20  ans,  sont  la  conséquence  d'une  croissance  irrégulière  du  corps  du 
sphénoïde.  Cette  atrophie  débute  par  des  troubles  de  la  vision,  brouil- 
lards, phénomènes  subjectifs  de  lumière  et  de  couleurs.  On  constate 
quelquefois  des  céphalalgies,  des  vertiges,  des  fourmillements  dans 
les  membres  ou  des  accès  épileptiformes.  Dans  une  même  famille, 
l'atrophie  optique  héréditaire  frappe  surtout  le  sexe  masculin. 

Michel  prétend  que  cette  maladie  a  une  certaine  analogie  avec  l'a- 
taxie  héréditaire,  et  cette  explication  était  la  seule  admise  avant  la 
publication  de  mon  ouvrage.  Quoi  qu'il  en  soit,  il  est  très  important, 
pour  bien  apprécier  celle  que  je  viens  de  donner,  de  remarquer  que, 
dans  ces  cas,  l'évolution  de  l'atrophie  du  nerf  optique  a  lieu  à  l'âge 
où,  d'après  Tillaux,  la  croissance  du  sphénoïde  est  terminée. 

Le  développement  irrégulier  des  os  de  la  base  du  crâne  peut,  d'un 
autre  côté,  exercer  une  compression  sur  différentes  parties  du  sys- 
tème nerveux,  ce  qui  pourrait  expliquer  les  autres  symptômes  qui  ac- 
compagnent la  maladie  de  Leber. 

B.  —  PROPAGATION  DUNE  MALADIE   DE  LA  MUQUEUSE  DU  NEZ  VERS 
LA  CONJONCTIVE  ET  RÉCIPROQUEMENT. 

Il  est  certain  que  l'on  voit  plus  souvent  des  altérations  de  la  mu- 
queuse du  nez  se  propager  vers  la  conjonctive,  que  l'on  ne  trouve 
dans  celle-ci  le  point  de  départ  d'une  affection  de  la  muqueuse  nasale. 
On  observe  fréquemment  des  conjonctivites  infectieuses  qui  ne  sont 
pas  accompagnées  de  maladie  dune/  :  La  blennorrhée  de  la  conjonc- 
I  ive  en  est  un  exemple. 

L'infection  de  la  muqueuse  nasale  n'a  lieu  dans  cette  dernière 
affection,   que  dans  des  cas  exceptionnels.   L'inverse  est   tout   aussi 


PROPAGATION   D'UNE   MALADIE   DE   LA   MUQUEUSE   DU   NEZ.  103 

rare  (Stoerk,  Horner).  11  est  d'observation  constante  qu'il  n'existe 
qu'exceptionnellement  une  affection  du  nez  en  même  temps  qu'un 
catarrhe  aigu  de  la  conjonctive. 

Nous  avons  pratiqué  la  rliinoscopie  dans  plusieurs  cas  de  conjonc- 
tivite aiguë,  et  nous  n'avons  jamais  trouvé  d'inflammation  concomi- 
tante de  la  muqueuse  nasale.  Au  contraire,  dans  le  coryza  aigu,  la  con- 
jonctive est  toujours  atteinte. 

Il  n'est  pas  possible  d'expliquer  ces  faits  en  disant  que  dans  les  ca- 
tarrhes infectieux,  surtout  dans  la  blennorrhée,  le  gonflement  de  la 
muqueuse  des  canaux  lacrymaux  empêche  d'une  façon  mécanique 
l'écoulement  des  larmes  dans  le  nez;  ce  gonflement,  en  effet,  n'existe 
pas  au  début  des  conjonctivites  infectieuses.  Mais  il  est  certain  que 
les  microbes  trouvent,  dans  la  muqueuse  nasale,  un  terrain  moins  favorable 
que  dans  la  conjonctive.  Indépendamment  de  l'infection  par  les  larmes, 
il  y  a  aussi  d'autres  moyens  de  propagation  — les  doigts,  les  mou- 
choirs, etc.,  —  qui  peuvent  porter  les  germes  infectieux  de  la  con- 
jonctive dans  les  fosses  nasales. 

D'ailleurs,  les  diverses  muqueuses  ne  sont  pas  toutes  également  pré- 
disposées aux  atteintes  delà  blennorrhagie.  Celle  du  rectum  l'est  moins 
que  celle  de  l'urèthre.  En  tenant  compte  de  la  fréquence  relative  de  la 
pédérastie  (Voir  les  traités  de  névropathologie  et  de  médecine  légale), 
il  y  a  lieu  de  signaler  la  rareté  excessive  de  la  blennorrhagie  du  rectum. 

Le  trachome  peut,  on  le  sait  déjà  depuis  longtemps,  exister  dans  la 
conjonctive  sans  se  produire  dans  le  nez.  Généralement,  cette  affec- 
tion ne  provoque  qu'un  catarrhe  nasal  très  léger  (Scheff).  Dans  plu- 
sieurs cas  de  trachome  que  j'ai  observés  récemment  et  qui  dataient 
de  plusieurs  mois,  je  n'ai  absolument  rien  trouvé  d'anormal  dans  les 
fosses  nasales.  Ziem  commet  certainement  une  erreur  en  admettant 
que  le  trachome  conjonctival  puisse  être  la  conséquence  du  trachome 
nasal.  Cependant,  dans  des  cas  graves  qui  ont  une  durée  de  plusieurs 
mois,  on  trouve  aussi  des  altérations  dans  les  fosses  nasales.  Moauro  a 
constaté  deux  fois,  anatomiquement,  la  présence  du  trachome  dans  les 
canaux  lacrymaux  ;  les  granulations  se  trouvaient  dans  le  tissu  adé- 
noïde de  ces  canaux. 

Ce  dernier  auteur  a  rencontré  dans  le  sac  lacrymal  une  valvule,  qui 
n'était  qu'une  production  pathologique,  par  prolifération  du  tissu  mu- 
queux  infecté. 

Quant  à  la  diphtérie,  je  n'ai  pu  constater,  dans  aucune  des  observa- 
tions publiées,  que  cette  affection  se  soit  propagée  de  la  conjonctive 
vers  le  nez,  ou  vice  versa. 

Le  croup  ne  se  propage  pas  davantage  vers  la  muqueuse  du  nez, 
ou  réciproquement. 

On  sait  que  Yérysipèle  envahit  quelquefois  les  fosses  nasales  (Schif- 


164  partie  spéciale. 

fers)  (1),  d'où  il  peut  envahir  les  cavités  voisines  du  nez  (Weichsel- 
baum,  Yirchow.  Tillmanns).  Mais  il  n'existe  pas  d'observation  prou- 
vant que  le  processus  morbide  se  propage,  par  la  voie  du  canal 
naso-lacrymal,  des  fosses  nasales  vers  la  conjonctive,  ou  de  la  con- 
jonctive vers  la  muqueuse  nasale. 

Quanta  la  tuberculose,  on  n'a  pas  encore  observé,  lorsqu'elle  s'est 
montrée  sur  la  conjonctive,  qu'elle  ait  envahi  les  fosses  nasales,  par 
les  voies  lacrymales.  Knapp  (2:  a  décrit  un  cas  de  lupus  des  fosses 
nasales  qui  avait  entraîné  la  conjonctivite  tuberculeuse.  Wagenmann 
observa  un  cas  de  tuberculose  des  fosses  nasales,  qui  s'était  propagé 
vers  le  canal  naso-lacrymal  et  avait  produit  les  symptômes  cliniques 
delà  dacryocystite  blennorrhagique  (3). 

Le  coryza  syphilitique,  au  contraire,  ne  se  propage  jamais  vers  la 
conjonctive. 

Quant  aux  affections  de  la  muqueuse  nasale  et  de  la  conjonctive, 
qui  sont  inséparables  de  quelques  maladies  infectieuses,  elles  sont 
probablement  dues  à  des  processus  qui  se  développent  indépendam- 
ment l'un  de  l'autre  ;  l'infection  ne  se  propage  pas  d'une  des  deux 
muqueuses  vers  l'autre. 

De  toutes  ces  considérations,  il  résulte  que  la  conjonctive  est  plus 
souvent  menacée  d'une  infection  venant  des  fosses  nasales  que  la  récipro- 
que ri  est  vraie.  La  propagation  d'un  processus  infectieux  par  le  canal 
naso-lacrymal  a  une  grande  importance  au  point  de  vue  clinique. 
Cette  voie  de  communication  peut,  en  effet,  être  si  sérieusement  at- 
teinte qu'elle  présente  des  symptômes  beaucoup  plus  graves  que  l'af- 
fection des  muqueuses  qu'elle  réunit.  Dans  de  tels  cas  un  examen 
rhinoscopique  est  d'une  très  grande  importance.  L'examen  endosco- 
Vique  des  canaux  lacrymaux,  pratiqué  pour  la  première  fois  par 
Rothziegel  (4)  (de  Vienne),  n'a  aucune  valeur  pratique;  les  canaux  ne 
sont  presque  jamais  le  point  de  départ  d'une  maladie  des  voies  la- 
crymales. 

Au  point  de  vue  rhinoscopique,  il  faut  surtout  examiner  le  cornet 
inférieur.  J'ai  fait  construire  un  petit  instrument  qui  peut  faciliter  cet 
examen.  C'est  un  petit  miroir  métallique  (5)(fig.  4)  qu'on  introduit 
iIimis  les  fosses  nasales,  après  avoir  écarté  les  narines  à  l'aide  du  spé- 
culum de  Duplay.  Ce  miroir,  d'un  diamètre  de  \  millimètres,  est  fixé 
à  une  tige  qui  fait  avec  lui  un  angle  de  15  degrés. 

En    enfonçant  l'instrument  à  des  profondeurs  variables   dans  les 

(1)  Schiffer  s,  quatrième  congrès  international  d'Otologic  Bruxelles,  1888. 

(2)  Knapp,  New-York  Akademie  of  Medicin,  1800,  20  janvier. 

(3)  Voir  également  une  observation  publiée  par  Arnozan,  Arch.  d'Ophtal.,  1801, 
n°  6. 

(4)  Rothziegel,  L".  Endoscopie  der  Thraenenrœhrchen,  etc.  Wiener  med.  Hlactter, 
1885,  n°  37. 

(5)  Ce  miroir  se  vend  chez  Luër-Wulfriog,  à  Pari*. 


TROUBLES   OCULAIRES   RÉFLEXES   D'ORIGINE   NASALE. 


16a 


fosses  nasales  et  en  lui  donnant  toutes  sortes  de  directions,  on  peut 
observer  certaines  parties  des  cornets  inférieurs,  qui  ne  seraient  pas 
accessibles  à  la  vue  par  un  examen  rbinoscopique  ordinaire.  On  com- 
prend que,  par  cette  méthode,  on  ne  puisse  jamais  observer  l'extré- 
mité inférieure  du  canal  naso-lacrymal  ;  mais,  en  plusieurs  cas,  on 
peut  voir  ainsi  une  partie  de  la  muqueuse  nasale,  plus  voisine  du 
canal  naso-lacrymal  que  celle  que  l'on  aperçoit  par  la  simple  rhinosco- 
pie  antérieure. 
Cependant,  dans  des  cas  d'absence  du  cornet  inférieur  par  vice    de 


Fiff.   13. 


conformation  (Hyrtl)  (1)  ou  par  nécrose  syphilitique  des  os  du  nez,  on 
peut  espérer  voir,  par  la  rhinoscopie,  l'extrémité  inférieure  du  canal 
naso-lacrymal,  ce  qui  permettra  peut-être  de  résoudre  maintes  ques- 
tions intéressant  la  physiologie  des  voies  lacrymales. 

Examinons  maintenant  les  troubles  oculaires  résultant  d'affections 
diverses  ayant  leur  point  de  départ  dans  le  nez,  mais  se  propageant 
par  une  autre  voie  que  celle  du  canal  naso-lacrymal. 

C.  —  TROUBLES  OCULAIRES  RÉFLEXES  D'ORIGINE  NASALE.  —  TROU- 
BLES OCULAIRES  RÉSULTANT  DE  LA  PROPAGATION  D'UN  PROCESSUS 
DES  FOSSES  NASALES  VERS  LES  SINUS. 


a.  Coryza  aigu.  —  Dans  le  coryza  aigu,  on  observe  des  troubles 
oculaires  réflexes,  tels  que  du  larmoiement,  de  la   photophobie.  Par 

(1)  Hyrtl,  Angeborener  Mangel  (1er  unteren  Nasenuiuscheln.  Sitzungberichte  der 
Wiener.  Acad.  der   Wissensch,  1859. 


166  PARTIE   SPÉCIALE. 

la  propagation  du  processus  morbide  vers  les  sinus,  il  peut  se  pro- 
duire des  céphalalgies,  de  la  douleur  orbi taire. 

Les  affections  des  cavités  voisines  du  nez  qui  se  développent  après 
un  simple  coryza  peuvent,  dans  quelques  cas,  entraîner  des  altéra- 
tions graves,  surtout  dans  l'organe  de  la  vue,  si  la  propagation  du 
processus  est  facilitée  par  l'existence  de  solutions  de  continuité  dans 
les  os.  Schœfer  et  Hartmann  ont  décrit  des  cas  où,  après  un  coryza,  il 
s'était  développé  un  abcès  orbitaire.  L'autopsie,  dans  un  de  ces  cas, 
et  l'examen  clinique,  dans  l'autre,  ont  prouvé  qu'une  inflammation 
suppurative  des  cellules  ethmoïdales  avait  été  la  voie  de  communi- 
cation entre  le  coryza  et  l'abcès  orbitaire. 

Il  faut  se  demander  si,  dans  nombre  de  cas  d'abcès  orbitaires  dont 
l'origine  est  douteuse,  il  ne  s'agit  pas  d'un  processus  analogue.  Pon- 
fick  (1)  a  constaté,  dans  un  cas  de  méningite  consécutive  à  une  ma- 
ladie des  fosses  nasales,  l'existence  de  solutions  de  continuité  dans 
les  parois  osseuses  situées  entre  le  sinus  sphénoïdal  et  la  cavité  crâ- 
nienne. Nous  verrons  que  la  production  d'une  névrite  rétrobulbaire 
aiguë  par  refroidissement  peut  être  expliquée  d'une  façon  analogue. 

Jacobson  a  observé  un  cas  de  coryza  aigu  suivi  d'une  téno- 
nite  aiguë.  Les  paupières  étaient  gonflées  :  il  y  avait  une  injection 
pâteuse  des  vaisseaux  sous-conjonctivaux,  du  chémosis,  une  sécré- 
tion abondante  de  larmes  ;  les  mouvements  latéraux  de  l'œil  étaient 
douloureux  et  un  peu  gênés  ;  une  simple  pression  sur  le  globe  ocu- 
laire provoquait  de  la  douleur.  La  ténonite  guérit  en  quelques 
semaines  au  moyen  de  cataplasmes  tièdes  aromatiques.  Il  est  possible 
que  la  ténonite  et  le  coryza  aient  eu  la  même  cause  :  le  refroidis- 
sement. 

b.  Rhinite  chronique  hypertrophique.  —  C'est  dans  cette  affec- 
tion, et  surtout  dans  l'hypertrophie  chronique  des  cornets  inférieur 
et  moyen,  que  l'on  observe  la  gamme  des  troubles  oculaires  réflexes. 
On  sait  que  Hack  a  constaté  un  certain  nombre  de  troubles  réflexes 
d'origine  nasale  :  la  céphalalgie,  l'asthme,  la  migraine,  la  névralgie 
sus-  et  sous-orbitaire.  On  observe  aussi  des  troubles  réflexes  oculaires 
d'origine  nasale  dans  d'autres  affections;  ce  sont  : 

4°  Des  douleurs  dans  les  paupières  et  dans  le  globe  de  l'œil,  la  sensa- 
tion d'un  corps  étranger  dans  le  sac  conjonctival  ;  quelquefois  les 
malades  se  plaignent  de  démangeaisons  et  de  sensation  de  brûlure 
dans  les  paupières  sans  qu'on  y  trouve  rien  d'anormal.  Dans  d'autres 
cas,  la  conjonctive  est  injectée,  les  paupières  sont  légèrement  gon- 
flées. D'après  Beltmann,  ce  gonflement  des  paupières  peut  se  présen- 
ter sous  la  forme  d'un  pseudo-érysipèle.  Il  explique  ce  phénomène 
par  le  fait  du  refoulement  du  sang  veineux,  dont  la  circulation  serait 

(1)  Ponfick,  Centralhl.f.  die  med.  WUsensch.,  1882,  n°  3. 


TROUBLES  OCULAIRES   RÉFLEXES  D'ORIGINE  NASALE.  167 

entravée  par  le  gonflement  des  corps  caverneux  des  cornets.  A  mon 
avis,  ee  gonflement  des  paupières  dérive  en  partie  de  la  blépharite 
consécutive  au  larmoiement,  et  en  partie  du  blépharospasme  qui 
accompagne  les  troubles  réflexes. 

2°  Delà  photophobie.  —  Ce  symptôme,  déjà  mentionné  par  Hack,  se 
rencontre  très  fréquemment  comme  phénomène  réflexe. 

3°  Du  larmoiement.  —  Le  larmoiement  est  si  fréquent  comme  symp- 
tôme réflexe  dans  les  afl'ections  du  nez  que  Gruening  a  bien  raison 
de  dire  qu'il  faut  chaque  fois  examiner  les  fosses  nasales.  L'hyper- 
trophie du  cornet  inférieur  produit  aussi  le  larmoiement  par  cause 
mécanique. 

Pour  se  rendre  compte  de  la  facilité  avec  laquelle  peut  se  produire 
le  larmoiement  d'origine  réflexe,  il  suffit  d'arracher  un  poil  des  nari- 
nes ;  il  en  résulte  une  hypersécrétion  lacrymale  du  même  côté. 

4°  Du  rétrécissement  de  la  fente  palpébrale.  —  Il  est  la  conséquence 
du  blépharospasme  produit  par  irritation  de  la  membrane  muqueuse 
du  nez.  Le  blépharospasme  se  manifeste  du  côté  de  la  maladie  des 
fosses  nasales  ;  il  disparait  après  la  guérison  de  celle-ci.  Pour  montrer 
la  relation  qui  existe  entre  le  blépharospasme  et  la  maladie  du  nez, 
je  citerai  un  cas,  que  j'ai  observé,  dans  lequel  chaque  aggravation 
de  l'affection  nasale  entraînait  de  nouveau  l'apparition  du  blépha- 
rospasme. 

J'ai  déjà  fait  remarquer,  dans  une  publication  antérieure,  qu'en 
chatouillant  avec  un  tuyau  de  plume  certaines  parties  de  la  membrane 
muqueuse  du  nez,  on  produit  l'occlusion  spasmodique  de  la  fente 
palpébrale  du  même  côté.  Si  l'irritation  était  très  grande,  elle  pour- 
rait entraîner,  du  même  côté,  des  contractions  spasmodiques  de  tous 
les  muscles  de  la  face  innervés  par  le  nerf  facial.  Il  s'agit,  en  effet, 
d'un  réflexe  physiologique  des  organes  terminaux  du  trijumeau,  par 
l'intermédiaire  du  nerf  facial.  Le  centre  nerveux  du  réflexe  est  le  plan- 
cher du  quatrième  ventricule. 

11  serait  intéressant  de  rechercher  quelles  sont  les  altérations  de 
la  fosse  losangique  dans  lesquelles  ce  réflexe  manque  et  celles  dans 
lesquelles  il  se  produit. 

Je  considère  comme  très  probable  que  les  affections  de  la  mem- 
brane pituilaire  sont,  dans  certains  cas,  la  cause  du  tic  convulsif.  Les 
expériences  de  Langendorff  (1)  ont  prouvé  que  des  contractions 
peuvent  se  produire  dans  les  muscles  de  la  face  par  suite  d'excitation 
des  organes  terminaux  du  trijumeau  qui  se  trouvent  dans  la  peau  du 
visage. 

5°  De  l'injection  ciliaire  et  de  V injection  de  la  conjonctive.  —  L'in- 
jection ciliaire  est  un  symptôme  fréquent.  Cette  injection  des  vais- 

(1)  Analysées  dans  le  Centralblatt  fur  Aitrje?iheilkicnde,  1887,  p.  79. 


168  PARTIE    SPÉCIALE. 

seaux  par  voie  réflexe  (vasodilatation)  est  probablement  la  cause 
qui  rend  quelques  formes  de  conjonctivites  et  de  kératites  si  difficiles 
à  guérir  ou  même  iucurables  lorsqu'elles  existent  en  même  temps 
qu'une  affection  du  nez.  Ce  fait  a  conduit  plusieurs  auteurs  à  admettre 
un  certain  rapport  entre  ces  affections  oculaires  et  les  maladies  des 
fosses  nasales.  Ainsi,  la  conjonctivite  et  la  kératite  pblycténulaire, 
l'ophtalmie  scrofuleuse  surtout,  ne  guérissent  quelquefois  qu'après 
la  disparition  de  l'affection  nasale.  Mais,  pour  prouver  qu'il  s'agit 
bien  de  troubles  vasculaires  réflexes  produits  par  l'irritation  du  triju- 
meau, je  mentionnerai  quelques  autres  exemples. 

Les  maladies  des  dents,  par  exemple,  peuvent  empêcher  la  guérison 
des  affections  oculaires.  De  même,  l'irritation  des  organes  terminaux 
du  trijumeau  dans  les  cas  d'eczéma  de  la  peau  peut  mettre  obstacle  à 
la  guérison  de  la  kératite  pblycténulaire;  ainsi,  on  cite  des  cas  de 
cette  forme  de  kératite  qui  n'ont  guéri  qu'après  la  disparition  d'un 
eczéma  survenu  chez  des  malades  qui,  atteints  de  poux  de  tête, 
s'étaient  grattés  avec  les  ongles.  Cependant,  dans  quelques  maladies 
générales,  les  affectioris  oculaires  se  développent  indépendamment  de 
celles  du  nez,  et  c'est  à  tort,  par  exemple,  que  quelques  auteurs  cher- 
chent à  établir  une  relation  entre  les  maladies  oculaires  et  nasales, 
dans  la  scrofule. 

Quant  à  l'injection  de  la  conjonctive  qui  survient  à  la  suite  d'une 
irritation  de  la  muqueuse  nasale,  c'est,  je  crois,  la  cause  qui  peut 
expliquer  la  récidive  du  catarrhe  printanier,  à  chaque  aggravation  de 
l'affection  du  nez.  Bettmann  en  relate  un  cas  dans  lequel  la  guérison 
du  catarrhe  ne  se  produisit  qu'après  celle  de  la  maladie  nasale. 

On  pourrait  expliquer  de  même  la  névrose  sympathique  dont 
parle  Ziem,  qui  ne  disparut  qu'après  la  guérison  d'une  affection 
nasale. 

Indépendamment  de  l'hypérémie  réflexe  que  produit  dans  la  con- 
jonctive l'irritation  des  organes  terminaux  du  trijumeau  dans  le  nez, 
on  pourrait  invoquer  aussi  l'épisclérite  et  mentionner  également 
comme  cause  d'affection  oculaire  la  gêne  apportée  à  la  circulation 
sanguine  par  la  congestion  qui  se  produit  dans  les  fosses  nasales,  où 
une  partie  du  sang  veineux  de  l'orbite  se  déverse  normalement  (veines 
ethmoïdales). 

6°  De  l'asthénopie.  —  On  observe  quelquefois  de  L'asthénopie  ac- 
commodative  plus  ou  moins  marquée  dans  les  affections  des  fosses 
nasales. 

Les  malades  peuvent  être  très  incommodés.  Ils  se  plaignent  de  fati- 
gue dès  qu'ils  lisent;  les  lignes  ne  sont  plus  distinctes,  les  lettres  s'en- 
tremêlent. Ces  malades  éprouvent  un  certain  malaise,  des  douleurs  ou 
des  tiraillements  dans  les  yeux,  une  sensation  désagréable  au  front 
ou  sur  le  dos  du  nez  (Bronner).  11  y  a  des  cas  où  il  se  manifeste  des 


TROUBLES   OCULAIRES   RÉFLEXES  D'ORIGINE  NASALE.  160 

symptOmes  analogues  par  suite  d'insuffisance  des  muscles  droits  in- 
ternes. Je  me  rappelle  une  communication  personnelle  de  mon  confrère 
Kessel,  qui  m'a  dit  avoir  même  observé  des  cas  de  diplopie  passagère 
dans  le  cours  des  affections  des  fosses  nasale- 

7°  Du  nHr  crissement  du  champ  visuel.  —  En  1887,  j'ai  observé  le  pre- 
mier un  rétrécissement  du  cbamp  visuel,  consécutivement  à  une  affec- 
tion des  fosses  nasales.  Peu  de  temps  après  ma  communication,  des 
observations  analogues  furent  publiées  par  Ziem,  Killian,  Hamilton 
et  d'autres. 

Mmo  A.  V...,  bourgeoise,  âgée  de  vingt-huit  ans,  avait  été  traitée  en  novembre 
1885,  par  un  médecin  d'un  petit  village  de  Styrie,  pour  une  affection  chroniquedes 
fosses  nasales.  Ce  médecin  tenta  de  provoquer  l'oblitération  du  tissu  caverneux  des 
Cosses  nasales  par  l'application  du  galvano-cautère  (méthode  de  Hack).  La  malade, 
sentant  son  état  s'aggraver  considérablement,  s'adressa  à  M.  le  Dr  Herzog,  spécia- 
liste de  Gratz,  très  distingué  pour  les  maladies  du  nez.  Celui-ci,  apprenant  que 
des  troubles  oculaires  s'étaient  développés  pendant  le  traitement  par  le  galvano- 
cautère,  invita  la  malade  à  venir  me  consulter.  Autant  que  me  permettent  de  ie 
supposer  les  notes  remises  à  la  malade  par  M.  Herzog,  il  est  probable  qu'une  ap- 
plication inhabile  du  galvano-cautère  avait  entraîné  une  nécrose  de  l'os  nasal  droit 
et  de  quelques  parties  du  toit  du  nez;  de  petits  séquestres  s'étaient  détachés. 

En  même  temps,  la  malade  s'aperçut  que  sa  vue  était  plus  faible  de  l'œil  droit 
que  de  l'œil  gauche.  Cet  affaiblissement  de  la  vision  existait  aussi  bien  lorsque  la 
malade  regardait  au  loin  que  lorsqu'elle  regardait  de  très  près.  Elle  éprouvait  la 
sensation  d'un  brouillard  devant  l'œil  droit. 

En  juillet  1887,  l'acuité  visuelle  de  l'œil  droit  s'était  améliorée  considérable- 
ment. 

L'examen  des  parties  externes  du  nez  me  montra  un  gonflement  de  la  peau  qui 
recouvre  l'os  nasal  droit;  dans  un  point  des  téguments,  je  pus  reconnaître  une 
petite  fistule.  La  fente  palpébrale  droite  était  un  peu  rétrécie  ;  je  constatai  aussi 
du  larmoiement  du  côté  droit  et  de  la  photophobie. 

L'examen  du  fond  de  l'œil  ne  révéla  pas  la  moindre  altération;  l'acuité  visuelle 
était  normale  des  deux  côtés.  Le  champ  visuel  de  l'œil  gauche  était  normal.  Celui 
de  l'œil  droit  était  rétréci  concentriquement  de  10  à  15  degrés;  dans  la  région  tem- 
porale, ce  rétrécissement  avait  environ  cinq  degrés  de  plus. 

8°  De  Vambhjopie.  —  L'amblyopie  réflexe  a  été  observée  dans  plu- 
sieurs cas  d'affections  des  fosses  nasales.  Indépendamment  de  mon 
observation  personnelle,  il  faut  mentionner  celle  de  Mooren  (de  Dùs- 
seldorf).  Le  cas  dont  il  parle  était  compliqué  d'injection  péri-cor- 
néenne,  de  démangeaison  et  de  douleurs  dans  les  paupières,  surtout 
pendant  les  matinées. 

Dans  aucun  auteur  sérieux,  je  n'ai  vu  mentionner  l'amaurose  comme 
symptôme  réflexe  d'affections  des  fosses  nasales. 

9°  Le  glaucome  a  été  observé  à  plusieurs  reprises  consécutivement  à 
des  affections  des  fosses  nasales.  Chez  les  gens  prédisposés  au  glau- 
come, le  développement  de  cette  maladie  peut  être  provoqué  par 
l'irritation  des  fibres  du  trijumeau  résultant  d'une  affection  du  nez. 
Des  cas  de  ce  genre  sont  cités  par  Cheatam  et  Lennox-Brown.  Ce 
dernier  auteur  constata,  chez  une  femme  que  l'iridectomie  ne  réussit 
pas  à  guérir,  un  accès  de  glaucome;  des  accès  d'asthme  apparurent 


170  PARTIE    SPÉCIALE. 

bientôt.  En  examinant  le  nez,  on  découvrit  des  polypes  dont  l'extir- 
pation fit  disparaître  les  accès  d'asthme  et  produisit  une  amélioration 
dans  l'acuité  visuelle. 

Le  développement  du  goitre  exophlhqlmique,  à  la  suite  d'une  atïection 
nasale,  a  été  observé,  pour  la  première  fois,  par  Hack.  L'affection  na- 
sale consistait  en  une  hyperplasie  des  cornets  inférieur  et  moyen.  Son 
traitement  par  le  galvano-cautère  entraîna  la  guérison  complète  du 
goitre  exophthalmique.  Depuis  cette  observation  de  Hack,  quelques 
cas  analogues,  par  exemple  celui  de  Stocker,  ont  été  publiés. 

THÉORIE  DES  TROUBLES  OCULAIRES  RÉFLEXES  D'ORIGINE  NASALE. 

Nous  savons  que  Hack  et  ses  élèves  admettent  que  l'engorgement 
du  tissu  caverneux  des  cornets  produit  une  action  vaso-dilatatrice  ré- 
flexe. Pour  expliquer,  par  exemple,  la  production  du  goitre  exoplithal- 
mique consécutivement  à  l'hypertrophie  des  cornets  inférieur  et 
moyen,  Hack  suppose  que  l'irritation  des  organes  périphériques  du 
sympathique,  produite  parle  gonflement  du  tissu  caverneux,  détermine 
une  vaso-dilatation.  Pour  lui  l'engorgement  du  tissu  caverneux  des 
cornets  est  la  condition  sine  que  non  des  symptômes  réflexes  dits 
secondaires.  Moldenhauer  (1)  soutient  les  mêmes  idées.  Il  pense  que 
de  nombreux  cas  de  mouches  volantes,  d'amblyopie  transitoire  et 
d'amaurose  sont  dus  à  une  imbibition  séreuse  de  la  gaine  du  nerf 
optique,  d'ordre  réflexe  et  ayant  comme  point  de  départ  la  muqueuse 
nasale.  Cet  auteur  explique  la  céphalalgie,  concomitante  des  affec- 
tions nasales,  par  une  simple  propagation  aux  sinus  frontaux  du  gon- 
flement inflammatoire  qui  intéresse  parfois  la  gaine  du  nerf  sus-orbi- 
taire  voisin  du  sinus  (p.  196). 

Ziein,  qui  a  observé  le  développement  de  l'hypérémie  de  la  papille 
optique  et  le  pouls  veineux  d'intensité  anormale  dans  la  papille, 
après  l'application  du  galvano-cautère  au  cornet  inférieur,  admet, 
d'une  façon  analogue,  qu'il  se  produit  une  congestion  des  vaisseaux 
de  l'œil,  surtout  de  ceux  du  corps  ciliaire;  cette  congestion  peut  même 
être  assez  grave  pour  déterminer  de  l'hypérémie  ou  du  glaucome. 
Cette  manière  de  voir  ne  rencontre  pas  d'objections,  au  point  de  vue 
anatomique,  car  il  existe  des  anastomoses  multiples  entre  les  vaisseaux 
des  fosses  nasales  et  ceux  de  l'orbite,  surtout  par  les  vaisseaux 
ethmoïdaux. 

Mais  c'est  avec  raison  que  Schmaltz  et  Héryng  ont  prétendu  que  la 
turgescence  du  tissu  caverneux  n'est  pas  nécessaire  pour  qu'il  se 
produise  des  troubles  réflexes  d'origine  nasale.  B.  Fraenkel  et  Goltstein 


(1)  Moldenhauer,   Maladies    des  fosses  nasales  (traduction    par    Potiquet),  Pari?, 
1888. 


THEORIE   DES   TROUBLES   OCULAIRES   D  ORIGINE  NASALE.  171 

ont  même  nié  d'une  façon  absolue  que  cette  turgescence  jouât  le 
moindre  rôle  dans  la  production  des  troubles  réllexes. 

Le  tissu  caverneux  ne  joue  certainement  pas  ce  rôle  exclusif,  puis- 
que les  affections  des  cavités  voisines  du  nez,  où  il  n'y  a  pas  de  tissu 
caverneux,  produisent  les  mêmes  troubles  oculaires  réflexes  que  les 
maladies  des  fosses  nasales.  Ces  troubles  réflexes  sont  moins  connus, 
parce  qu'il  est  plus  difficile  de  faire  le  diagnostic  des  affections  des 
cavités  voisines  du  nez,  qui  sont  elles-mêmes  moins  connues  et  moins 
étudiées. 

Ce  ne  sont  pas  seulement  des  céphalalgies  et  des  névralgies,  qui 
ont  quelquefois  permis  de  diagnostiquer  une  affection  du  sinus  maxil- 
laire ou  frontal;  on  a  observé  aussi  des  troubles  asthénopiques  (Ha- 
miltoni,  du  blépharospasme  et  même  le  rétrécissement  du  champ 
visuel.  Ce  dernier  symptôme,  d'ailleurs  d'origine  réflexe,  n'a  été  ren- 
contré jusqu'ici  que  dans  les  maladies  des  sinus  maxillaire  (Ziem)  et 
frontal  (E.  Berger  . 

J'ai  montré,  en  1887,  que  le  rétrécissement  du  champ  visuel  et 
l'amblyopie,  que  j'avais  observés  dans  le  cas  cité  ci-dessus,  étaient  la 
conséquence  d'une  irritation  des  organes  terminaux  du  trijumeau. 
J'ai  également,  en  1890,  attribué  la  même  cause  à  tous  les  troubles 
oculaires  d'origine  réflexe. 

Déjà,  en  effet,  en  1870,  Kratschmer  (1)  (de  Vienne)  —  le  premier  qui 
ait  produit  expérimentalement  sur  les  animaux  des  troubles  de  la  res- 
piration et  de  la  circulation  en  irritant  certaines  parties  des  fosses 
nasales  —  avait  prouvé  que  les  fibres  du  trijumeau  sont  la  voie  par 
laquelle  ces  symptômes  réflexes  sont  déterminés. 

D'un  autre  côté,  en  1888,  François  Franck  (2)  a  établi  que  dans  les 
phénomènes  de  vaso-dilatation  consécutifs  à  certaines  excitations 
nasales,  les  voies  centripètes  sont  constituées  par  tous  les  rameaux 
sensitifs  du  trijumeau  qui  se  distribuent  aux  fosses  nasales. 

Les  fosses  nasales,  aussi  bien  que  les  cavités  voisines  du  nez  sont, 
effectivement,  très  riches  en  fibres  nerveuses  émanant  du  trijumeau; 
ce  fait  est  facile  à  comprendre  au  point  de  vue  physiologique,  puisque 
le  nez  est  le  gardien  des  voies  respiratoires  (Voir  les  travaux  si  impor- 
tants de  Bloch)  (3). 

Il  n'est  pas  seulement  l'organe  du  sens  olfactif;  il  est  encore  destiné 
à  la  sensation  des  irritations  tactiles  et  chimiques,  en  vue  desquelles 
il  est  doué  d'une  finesse  extraordinaire. 

Mais  il  n'est  pas  possible  d'expliquer  tous  les  troubles  réflexes  d'ori- 
gine nasale  par  une  dilatation  réflexe  des  vaisseaux. 

(1)  Kratschmer,  Sitzungber.  d.  Académie  d.  Wissenschaft,  Wien,  1870,  Math.  nat. 
CL  LXIl,2,p.  147. 
[1]  François  Franck,  Soc.  de  biologie,  1887,  1er  décembre. 
(3)  Bloch,  Untersuchungen  zur  Physiologie  der  Nasenathmung,  1888. 


172  PARTIE  SPÉCIALE. 

Dans  le  blépharospasme,  par  exemple,  il  s'agit  probablement 
d'un  réflexe  du  trijumeau,  transmis  du  plancher  du  quatrième  ventri- 
cule au  facial. 

De  même,  le  spasme  de  l'accommodation  pourrait  être  communiqué 
par  la  même  voie  à  l'oculo-moteur  commun. 

En  comparant  les  troubles  oculaires  d'origine  nasale  à  ceux  qui  se 
produisent  dans  la  névralgie  du  trijumeau,  nous  constatons  une  analo- 
gie absolue.  Dans  la  névralgie  du  trijumeau,  nous  trouvons  l'injection 
de  la  conjonctive,  l'injection  ciliaire,  des  sensations  douloureuses  dans 
l'œil,  la  photophobie,  le  larmoiement,  l'amblyopie,  le  rétrécissement 
du  champ  visuel  (Leber),  le  blépharospasme,  qui  peut  aller  jusqu'au 
tic  convulsif  '(Leber).  Disons  aussi  que  la  névralgie  du  trijumeau, 
comme  les  affections  nasales,  peut  être  la  cause  du  glaucome.  De 
même,  les  troubles  oculaires  d'origine  dentaire  sont  en  partie  des 
troubles  réflexes  produits  par  l'irritation  des  fibres  du  trijumeau,  et 
c'est  ce  qui  arrive  pour  les  troubles  de  l'accommodation,  l'astliénopie 
musculaire,  l'amblyopie,  l'amaurose,  le  glaucome  (Craniceanu).  J'ex- 
plique par  l'irritation  des  organes  terminaux  du  trijumeau  quelques 
troubles  oculaires  qu'on  a  observés  dans  les  affections  du  pharynx  et 
des  amygdales  (Hoffmann,  Ziem),  tels  que  le  larmoiement,  le  blépha- 
rospasme, la  faiblesse  du  muscle  de  l'accommodation. 

L'identité  de  ces  troubles  réflexes  est  évidente,  que  la  névralgie  du 
trijumeau  soit  d'origine  dentaire,  nasale  ou  pharyngienne. 

Je  résume  ainsi  :  les  troubles  oculaires  réflexes  d'origine  nasale  sont  la 
conséquence  de  l'état  d'irritation  des  organes  terminaux  du  trijumeau. 

Ils  se  distinguent  de  ceux  qui  proviennent  de  la  névralgie  du  triju- 
meau en  ce  que  ceux  d'origine  nasale  sont  plus  fréquents  ou  mieux 
étudiés. 

c.  Polypes  du  nez.  —  Les  polypes  du  nez  peuvent  produire  les 
mêmes  troubles  oculaires  réflexes  que  le  catarrhe  hypertropbique  du 
nez,  par  exemple  le  larmoiement,  l'injection  de  la  conjonctive,  l'as- 
thénopie,  etc.  Ces  troubles  proviennent  soit  d'une  altération  des  fibres 
ou  des  organes  terminaux  du  trijumeau  par  suite  de  la  compression 
que  les  polypes  exercent  dans  le  nez,  soit  d'un  processus  infectieux 
de  la  muqueuse  nasale  produit  par  l'obstacle  que  ces  polypes  peuvent 
opposer  à  l'écoulement  de  la  sécrétion  du  nez. 

Remarquons  seulement  que  Bettmann  (de  Cbicago)  a  vu,  dans  6  cas, 
les  troubles  oculaires  disparaître  après  l'extirpation  des  polypes  du 
nez.  Nous  avons  déjà  cité  une  observation  analogue  de  Lennox-Brown, 
concernant  le  glaucome.  Il  est  vrai  de  dire  aussi  que  la  lésion  des 
nerfs,  dans  l'arrachement  des  polypes  du  nez,  peut  provoquer  égale- 
ment des  troubles  oculaires  réflexes.  Nuel  (1),  par  exemple,  observa 

(1)  De  Wecker  et  Landolt,  Traité  d  Ophtalmologie,  p.  708. 


POLYPES  DU  NEZ.  173 

une  parésie  de  l'accommodation  et  un  léger  degré  d'asthénopie  riévro- 
pathique  chez  un  jeune  homme  auquel  on  avait  extrait  une  douzaine 
de  polypes  du  nez  dans  l'espace  de  quelques  mois. 

Les  polypes  peuvent,  en  outre,  intéresser  l'organe  de  la  vue,  en 
pénétrant  dans  les  cavités  voisines  du  nez  (cellules  ethmoïdales,  sinus 
sphenoïdal).  J'en  ai  recueilli  des  observations  dans  ma  monographie 
sur  ces  deux  cavités  pneumatiques. 

Parla  croissance  ultérieure  des  polypes  dans  les  cellules  ethmoïdales, 
la  distance  entre  les  deux  yeux  devient  plus  grande,  les  parois  inter- 
nes des  orbites  se  déplacent  en  dehors,  et  il  se  produit  ainsi  la  mal- 
formation du  visage  connue  sous  le  nom  de  facede  grenouille  («  Frosch- 
gesicht  »  des  Allemands).  J'ai  vu,  au  musée  Dupuytren,  un  moulage 
en  plâtre  d'un  cas  très  net  de  ce  genre.  Nieden,  dans  sa  communica- 
tion sur  les  rapports  entre  les  maladies  des  yeux  et  celles  du  nez,  a 
publié  également  deux  cas  nouveaux  de  polypes  du  nez  ayant  péné- 
tré dans  les  orbites  par  les  cellules  ethmoïdales:  il  se  produisit  de  la 
névro-rétinite,  par  compression  du  nerf  optique,  et,  plus  tard,  les 
malades  devinrent  aveugles.  Dans  un  de  ces  cas,  la  cécité  se  compli- 
qua de  céphalalgie  intense,  de  perte  de  connaissance,  et  le  malade 
mourut  dans  le  coma.  Les  yeux  étaient  projetés  complètement  hors  de 
l'orbite  en  avant  et  en  dehors.  Quant  à  la  cécité,  je  pense  qu'elle  pro- 
venait de  ce  que  la  compression  s'exerçait  sur  le  nerf  optique  en 
dedans  du  canal  optique,  la  tumeur  ayant  pénétré  dans  le  sinus 
sphénoïdal.  Les  symptômes  cérébraux  ultérieurs,  dans  le  cas  de 
Nieden,  sont,  à  mon  avis,  la  conséquence  de  la  pénétration  de  la  tu- 
meur dans  la  cavité  crânienne. 

Citons  encore  un  cas  de  Schmidt-Rimpler  où  l'amaurose  se  produisit 
après  l'extirpation  par  le  grattage  d'un  polype  du  nez.  L'hémorrha- 
gie,  très  insignifiante,  ne  suffit  pas  pour  expliquer  ce  symptôme. 
D'ailleurs,  l'apparition  d'autres  signes  prouva  que  l'amaurose  n'était 
pas  la  conséquence  de  la  perte  de  sang.  Après  l'opération,  la  malade 
s'aperçut  que  sa  vue  était  moins  claire,  et,  le  lendemain,  elle  était 
aveugle.  Les  bords  de  la  papille  étaient  légèrement  opaques  et  effa- 
cés, ses  veines  étaient  gonflées.  Les  pupilles  étaient  dilatées,  sans 
réaction  à  la  lumière.  Du  côté  droit  (côté  de  l'opération),  il  y  eut  en- 
suite atrophie  du  nerf  optique,  et,  du  côté  gauche,  une  névrite  opti- 
que très  manifeste  avec  exophthalmie.  La  cécité  persista. 

Pour  expliquer  ces  graves  symptômes  oculaires,  Schmidt-Rimpler 
suppose  l'existence  d'altérations  ischémiques  dans  le  centre  cérébral 
de  la  vision.  A  notre  avis,  l'application  de  la  curette  avait  blessé  la 
paroi  du  canal  optique  ;  peut-être  cette  blessure  avait-elle  été  facilitée 
par  l'usure  de  cette  paroi,  du  côté  du  polype.  Une  fracture  du  canal 
optique  peut  produire  par  contre-coup  des  lésions  du  nerf  optique, 
même  lorsque  le  contre-coup  provient  de  parties  très  éloignées.  Ainsi 


174  PARTIE  SPÉCIALE. 

Yossius  cite  le  cas  d'un  gymnaste  qui  devint  aveugle  après  une  chute 
sur  les  protubérances  de  l'ischion,  et,  dans  le  cas  de  Schmidt- 
Himplcr,  la  blessure  de  la  paroi  du  canal  optique  entraîna,  à  l'inté- 
rieur du  trou  optique,  une  péri-névrite  optique,  qui  amena  elle-même 
l'atrophie  du  nerf  optique. 

L'exophthalmie  gauchevest  peut-être  la  conséquence  d'un  refoule- 
ment de  la  lymphe  dans  la  gaine  du  nerf  optique  et  dans  son  pour- 
tour, par  le  fait  du  gonflement  inflammatoire  des  tissus  situes  dans  le 
canal  optique. 

d.  Impétigo  et  ulcères  de  l'intérieur  du  nez  et  des  sinus.  — 
Augagneur  considère  la  kérato-conjonctivite  phlycténulaire  des  en 
fants  comme  produite  par  la  contagion  directe  d'une  rhinite  impéti- 
gineuse.  L'origine  infectieuse  de  la  kératite  phlycténulaire  n'étant 
pas  encore  établie,  il  faut  expliquer  ce  fait  de  la  façon  que  j'ai  indi- 
quée ci-dessus.  D'ailleurs,  on  ne  peut  pas  mettre  en  doute  que  des 
germes  infectieux  du  ne/,  en  pénétrant  dans  le  sac  conjonctival, 
puissent  empêcher  la  guérison  de  la  kérato-conjonctivite  phlycténu- 
laire, et  même  que  la  pénétration  de  ces  germes  dans  une  phlyclène 
puisse  provoquer  le  développement  d'un  ulcère  de  la  cornée. 

Mais  ce  n'est  pas  toujours  par  la  voie  des  muqueuses  que  l'infection 
gagne  l'organe  de  la  vue.  Burow  a  observé  des  troubles  oculaires  à 
la  suite  de  l'application  d'instruments  qui  n'avaient  pas  été  suffisam- 
ment nettoyés,  dans  des  dispensaires  d'auristes  et  de  rhinologistes. 
Aujourd'hui,  on  explique  généralement  ces  troubles  par  l'action  toxi- 
que des  ptomaïnes  sur  les  nerfs  périphériques.  Dans  les  cas  de  Burow, 
les  troubles  consistèrent  en  ptosis  et  en  parésie  d'autres  muscles  de 
l'œil.  Burow  a  vu  aussi  cette  infection  par  des  instruments  être  la 
cause  d'irilis.  Mais  cette  maladie  peut  aussi  survenir  à  la  suite  de 
l'infection  produite  par  des  ulcères  siégeant  dans  le  nez.  De  Laper- 
sonne  a  même  observé  une  phlébite  suppurative  des  veines  ophthal- 
miques  et  des  sinus  caverneux,  provenant  des  foyers  de  suppuration 
qui  existaient  dans  le  nez  et  dans  les  cavités  voisines. 

e.  Ozène.  —  On  sait  que  le  retentissement  de  l'ozène  sur  l'organe 
de  la  vue  a  été  étudié  par  Abadie,  Trousseau,  Van  Millingen.  Etam- 
poldi  prétend  que  l'ozène  a  des  rapports  avec  les  affections  suivantes  : 
maladies  des  voies  lacrymales,  hypérémie  chronique  de  la  conjonc- 
tive, blépharite,  kératite  parenchymateuse  (?),  ulcère  de  la  cornée, 
glaucome  aigu,  parésie  de  l'accommodation,  hvpertonie,  amblyopte. 
Millingen  cite  aussi  une  conjonctivite  particulière  liés  lenace,  carac- 
térisée par  une  certaine  tendance  des  pblyetènes  à  la  suppuration. 
J'ai  examiné  un  certain  nombre  de  malades  atteints  d'ozène  et  je  n'ai 
pas  toujours  trouvé  d'affections  oculaires.  Je  ne  crins  pas  être  indis- 
cret en  rapportant  que  notre  collègue  Chibrel  m'a  dil  avoir  l'ait  la 
même  constatation.  11  y  a  quelquefois  de  la  conjonctivite  et  une  affec- 


AFKI£«:T10NS  du  SINUS  FRONTAL.  17o 

limi  des  voies  lacrymales;  dans  d'autres  cas,  les  affections  oculaires 
t'ont  défaut.  Ce  fait  est  d'accord  avec  l'explication  que Zaufal  a  donnée 
de  L'ozène,  qui  est  une  affection  de  l'arrière -cavité  du  nez.  Je  ne  crois 
pas  que  le  diplococcus  volumineux  découvert  par  Loewenberg  ait  été 
eacore  trouvé  dans  le  sac conjonctival.  Il  serait  à  désirer  que  l'on  fit 
des  recherches  à  ce  point  de  vue. 

En  plusieurs  cas.  j'ai  remarqué  que  l'ozène  n'avait  eu  aucune  in- 
Quence  lâcheuse  sur  la  guérison  d'affections  oculaires.  Ainsi,  chez  une 
malade  atteinte  de  conjonctivite  granuleuse,  qui  lui  vint  de  sa  sœur, 
j'ai  réussi  à  faire  disparaître  complètement  les  granulations,  hien  que 
l'ozène  persiste  encore,  la  malade  négligeant  de  se  présenter  aux 
consultations  rhinologiques  d'un  confrère  à  qui  je  l'ai  recommandée. 

On  peut,  je  crois,  diviser  en  deux  groupes  les  affections  oculaires 
décrites  dans  l'ozène  :  1°  trouhles  réflexes  :  hypérémie  de  la  conjonc- 
tive, larmoiement,  parésie  de  l'accommodation,  hypertonie  et  accès 
de  glaucome  chez  les  personnes  prédisposées  à  cette  affection,  am- 
blyopie  ;  '2°  maladies  infectieuses  :  ulcères  de  la  cornée,  infection  de 
la  plaie  dans  l'extraction  de  la  cataracte  (Van  Millingen),  dacryocys- 
tile.  Aussi,  Eversbusch,  dans  l'opération  de  la  cataracte,  fait-il  la 
ligature  préalable  des  canaux  lacrymaux  par  des  fils  de  catgut,  quand 
il  existe  en  même  temps  des  affections  des  voies  lacrymales  ou  même 
des  processus  infectieux  des  fosses  nasales. 

D.  —  TROUBLES  OCULAIRES  DANS  LES  AFFECTIONS  DES  CAVITÉS 
VOISINES  DU  NEZ. 

'/.  Affections  du  sinus  frontal.  —  A  mon  sens,  les  affections  du 
sinus  frontal  sont  fréquemment  accompagnées  des  mêmes  troubles 
oculaires  réflexes  que  les  maladies  des  fosses  nasales  ;  mais  on  n'a  pas 
remarqué  ces  troubles,  parce  qu'il  est  rare  de  faire  le  diagnostic  des 
affections  de  ce  sinus.  Ces  symptômes  réflexes  qui  surviennent  dans 
les  maladies  du  sinus  frontal  sont  surtout  les  névralgies  du  nerf sus- 
orbitaire  quelle  que  soit  l'affection  du  sinus  qui  en  est  la  cause. 

J'en  ai  observé  un  cas  très  net  que  je  crois  bon  de  rapporter. 

Chez  un  tailleur  fie  quarante-huit  ans,  atteint  de  trachome  des  deux  yeux,  il  se 
produisit  tout  à  coup  un  coryza  aigu.  Quelques  jours  après,  survinrent  des  accès 
de  fièvre,  en  même  temps  qu'une  névralgie  du  sus-orhitaire  et  du  nasal  interne  du 
rùté  droit.  La  douleur  était  soulagée  par  des  applications  de  glace  sur  le  front  et 
par  du  salicylate  de  soude  2  grammes  à  l'intérieur).  Je  constatai  bientôt  de  la  pho- 
tophobie, du  blajrièépharospasme,  de  l'injection  péri-cornéenne  et  du  larmoiement 
du  côté  droit.  Au  bout  de  huit  jours  environ,  des  sécrétions  purulentes  s'étant  pro- 
duites du  côté  droit  du  nez,  tous  ces  symptômes  disparurent. 

Si  la  sécrétion  purulente  ne  s'écoule  pas  par  le  nez,  il  peut  en  ré- 
sulter des  affections  des  parois  osseuses  du  sinus  frontal.  C'est  généra- 


176  PARTIE   SPÉCIALE. 

lement  cette  cause  qui  entraîne  la  përioslite  et  l'ostéite  des  parois  du 
sinus:  ces  altérations  des  parois  sont  très  rarement  primitives. 

S'il  s'agit  d'une  périostite  de  la  région  sourcilière,  on  peut  admettre 
avec  vraisemblance  une  affection  du  sinus  (Panas)  ;  l'ostéo-périostite 
frappe  surtout  le  rebord  inféro-interne  de  l'orbite.  La  communication 
de  Panas  prouve  combien  il  est  facile  de  méconnaître  les  affections  du 
sinus  frontal.  11  cite  quatre  cas  d'affection  de  ce  sinus  parmis  lesquels 
deux  avaient  été  pris  pour  de  l'ostéo-périostite  du  rebord  supérieur 
de  l'orbite,  un  autre  pour  une  tumeur  gommeuse,  et  le  quatrième  pour 
une  ténonite. 

L'empyème  peut  se  frayer  un  cbemin  : 

1.  Par  une  fistule  siégeant  dans  la  région  sourcilière  ; 

2.  Par  une  fistule,  occupant  le  ligament  interne  (Panas)  ; 

3.  Il  peut  aussi  pénétrer  dans  l'orbite. 

Peltesohn  a  vu  dans  trois  cas  l'inflammation  débuter  par  le  sinus 
frontal  et  se  propager  dans  l'orbite.  On  observe  alors  les  symptômes 
de  l'abcès  orbitaire,  mais  l'exophtbalmie  est  tellement  prononcée  que 
l'œil  est  refoulé  en  dehors  et  en  bas  (Lyder  Borthen,  Magnus).  Dans 
un  cas  de  Treacher  Collins  et  C.  11.  YYalter,  à  la  suite  d'une  blessure, 
il  se  produisit  une  affection  du  sinus  frontal  avec  suppuration  de  la 
paupière  supérieure  ;  l'abcès  orbitaire  se  propagea  vers  les  méninges 
et  entraîna  la  mort.  Si  l'abcès  orbitaire  est  ouvert  et  si  le  pus  s'écoule, 
l'œil  peut  reprendre  sa  place  normale  (Magnus,  Lyder-Bortben  . 

i.  L'empyème  du  sinus  frontal  peut  s'ouvrir  dans  les  cellules 
etbmoïdales. 

5.  Richet  admet  aussi  que  l'empyème,  en  perforant  la  paroi  posté- 
rieure ou  les  autres  parois  du  sinus,  peut  pénétrer  dans  la  cavité 
crânienne.  Des  auteurs  récents  (Panas,  Lyder  Borthen)  ne  regardent 
pas  cet  accident  comme  vraisemblable.  Mais  il  faut  considérer  que  la 
paroi  postérieure  du  sinus  est  quelquefois  très  mince,  plus  mince  que 
la  paroi  antérieure  (Hyrll). 

Généralement,  en  effet,  c'est  la  paroi  inférieure  qui  est  la  plus 
mince,  et  elle  offre  des  solutions  de  continuité  congénitales  ou  consé- 
cutives à  l'ostéoporose  sénile,  ce  qui  facilite  la  propagation  de  la  sup- 
puration vers  l'orbite.  Peut-être  pourrait-on  expliquer  ainsi  le  déve- 
loppement de  l'abcès  orbitaire  que  plusieurs  auteurs  ont  observé  à  la 
suite  d'un  refroidissement  (1).  Ln  coryza  aigu  peut  se  propager  vers 
les  sinus,  et  l'inflammation  de  la  muqueuse  de  ces  sinus  se  communi- 
quer aux  tissus  rétro-bulbaires.  Dans  des  cas  de  solutions  de  conti- 
nuité des  parois  de  l'orbite,  même  sans  qu'il  s'agisse  d'une  blessure 
préalable,  on  a  vu  survenir,  après  un  éternucnienl  très  violent,  un 
emphysème   orbitaire   (Zuckerkandl).  Cet  empbysème  se  développe 

yl)  Traité  île  Stellwag,  p.  590. 


AFFECTIONS   DU   SINUS   FRONTAL.  177 

surtout  par  la  voie  de  la  lame  papyracée  de  l'ethmoïde,  où  les  solu- 
tions de  continuité  sont  plus  fréquentes  à  l'état  normal  et  peuvent 
aussi  exister  par  suite  d'une  ostéoporose  de  la  paroi  du  sinus.  Ainsi, 
dans  les  inflammations  delà  muqueuse  du  sinus  frontal  avec  rétention 
de  la  sécrétion,  il  peut  se  développer  de  la  périostite  et  de  l'ostéite 
raréfiante.  C'est  ainsi  qu'il  faut  expliquer  un  cas  de  Niéden,  où  un 
emphysème  orbitaire  de  la  grosseur  d'une  noix  s'était  développé  à  la 
suite  du  coryza  aigu.  La  tumeur,  située  sur  le  bord  supéro-interne 
de  l'orbite,  pénétra  dans  l'orbite  et  déplaça  L'œil  en  avant,  en 
dehors  et  en  bas.  Par  le  fait  de  la  compression  exercée  par  la  tumeur 
l'œil  reprit  sa  place  normale.  Dans  un  cas  de  Hulke,  le  sinus  frontal 
fut  mis  en  communication,  par  ostéoporose  de  la  paroi  interne,  avec 
les  cellules  ethmoïdales;  dans  un  autre  cas  observé  par  Langen- 
beck  père,  tous  les  sinus  d'un  côté  ne  formaient  plus  qu'une  large 
cavité  communiquant  avec  l'orbite. 

Le  danger  qu'il  y  a  de  voir  l'inflammation  du  sinus  se  propager 
vers  l'orbite  fait  un  devoir  au  chirurgien  d'ouvrir  le  sinus  de  bonne 
heure.  Panas  recommande  de  pénétrer  dans  le  sinus  par  la  paroi  or- 
bitaire et  de  faire  des  injections  avec  une  solution  de  bichlorure  de 
mercure  de  un  à  vingt  millièmes. 

J'ai  eu  l'occasion  d'observer  un  cas  d'empyème  du  sinus  frontal, 
qui  me  semble  très  intéressant  à  différents  points  de  vue. 

M.  E.  G...,  employé  de  commerce,  âgé  de  vingt  et  un  ans,  d'une  taille  moyenne, 
n'avait  jamais  eu  aucune  maladie  à  part  quelques  furoncles.  Cependant  il  était  at- 
teint, depuis  trois  ans,  d'un  coryza  chronique  auquel  il  ne  prêtait  nulle  attention. 
Au  mois  de  septembre  1 89 1 ,  le  malade  subissait  un  traumatisme  de  la  région  fron- 
tale gauche;  trois  semaines  plus  tard  il  était  atteint  de  névralgies  dans  la  région 
sus- orbitaire  gauche  ;  la  douleur  s'aggravait  généralement  vers  le  soir  et  se  mon- 
trait sous  forme  d'accès.  A  l'examen  du  malade  (le  7  novembre  1891),  je  constatais 
un  gonflement  inflammatoire  très  accentué  de  la  paupière  supérieure  gauche  :  une 
partie  de  la  peau  située  au-dessous  des  sourcils,  vers  le  côté  nasal,  était  également 
enflammée  et  indurée.  La  fente  palpébrale  gauche  était  resserrée  ;  l'œil  gauche  était 
dévié  en  dehors,  un  peu  en  bas  et  en  avant;  la  mobilité  de  l'œil  était  diminuée 
daus  la  direction  des  muscles  droits  interne  et  supérieur;  les  mouvements  de  l'œil 
en  dedans  et  en  haut  étaient  douloureux  ;  il  existait  de  la  diplopie  croisée  ;  l'image 
de  l'œil  gauche  était  située  un  peu  plus  haut  que  celle  de  l'œil  droit;  le  nerf  sus- 
orbitaire  était  sensible  à  la  pression.  La  pression  de  l'œil  en  arrière  ne  produisait 
aucune  douleur.  En  appuyant  sur  la  partie  supéro-iuterne  du  pourtour  de  l'œil 
gauche,  il  s'échappait  goutte  à  goutte,  par  la  narine  gauche,  un  pus  épais  et 
fétide. 

L'examen  fonctionnel  de  l'œil  gauche  montra  une  acuité  visuelle  normale;  la 
perception  des  couleurs  était  aussi  normale,  mais  le  champ  visuel  était  rétréci  de 
ô  à  10  degrés  dans  sa  partie  périphérique.  L'amplitude  de  l'accommodation  de  l'œil 
gauche  était  de  1  D  plus  petite  que  celle  de  l'œil  droit.  11  existait  un  catarrhe  chro- 
nique hypertrophique  des  fosses  nasales. 

Je  posai  le  diagnostic  d'une  affection  inflammatoire  du  sinus  frontal  gauche  et 
conseillai  le  traitement  suivant  :  chaleur  de  durée  prolongée  sur  la  région  du  si- 
nus frontal  gauche,  produite  par  le  passage  continuel  d'eau  chaude  à  travers  les 
tuyaux  de  LHter  appliqués  sur  cette  région  ;  badigeonnage  de  teinture  d'iode  sur 
la  paroi  frontale  du  sinus  ;  provocation  artificielle  de  sueurs  d'après  la  méthode 
■des  Schweigger  (salicylate  de  soude  à  la  dose  de  2  grammes,  à  prendre  tous  les 

12 


178  PARTIE   SPECIALE. 

soirs  eu  potions;  le  malade  couché,  se  couvre  très  chaudement  et  prend  de  l'infu- 
sion de  tilleul).  Celle  méthode  réussit  assez  bien  et  provoqua  des  sueurs  pendant 
deux  heures  euviron. 

En  outre,  j'encourageai  le  malade  à  continuer  le  lavage  des  fosses  nasales  par 
des  antiseptiques  et  des  astringents,  traitement  conseillé  déjà  par  des  confrères 
consultés  avant  moi. 

Le  '.)  novembre,  le  malade  se  présentait  de  nouveau.  11  se  plaignait  de  douleurs 
dans  la  région  pariétale  gauche.  La  paupière  supérieure  gauche  était  fortement  gon- 
flée, ainsi  que  la  glande  préauriculaire  correspondante.  Un  examen  plus  attentif  de 
la  partie  gonflée  située  entre  le  sourcil  gauche  et  le  rebord  externe  du  tarse  me  fit 
constater  de  la  fluctuation.  Je  Os  une  incision  à  l'aide  d'un  bistouri,  et  du  pus  fé- 
tide et  épais  s'écoula  en  abondance.  En  pratiquant  un  examen  avec  une  sonde,  je 
constatai  un  petit  trou  dans  la  paroi  supérieure  de  l'orbite.  Par  ce  trou,  j'introduisis 
dans  le  sinus  une  sonde  uréthrale  (Charrière  n°  3)  et  je  fis  des  injections  de  su- 
blimé (I  :2500),  suivies  d'injections  de  nitrate  d'argent  à  1  :  500,  dose  portée  plus 
tard  jusqu'à  1 :  100. 

Mais  le  trou  de  l'os  étant  très  petit,  je  fus  aussitôt  convaincu  que  cette  voie  était 
insuffisante  pour  un  nettoyage  complet  du  sinus,  et  je  lis  comprendre  au  malade 
la  nécessité  d'une  opération  ayant  pour  but  de  faciliter  l'écoulement  du  pus. 

Le  11  novembre,  la  paupière  supérieure  gauche  était  moins  gonflée  et  l'écoule- 
ment du  pus  toujours  très  abondant;  un  petit  linge  imbibé  de  sublimé  que  le  ma- 
lade appliquait  sur  la  plaie  était  constamment  mouillé  de  pus.  Rien  qu'en  baissant 
la  tète,  le  pus  s'échappait  goutte  à.  goutte.  Quelquefois  l'écoulement  s'arrêtait;  il 
suffisait  de  mouiller  légèrement  les  croûtes  qui  fermaient  l'entrée  de  la  fistule  et 
de  relever  le  sourcil  avec  le  doigt  pour  qu'il  recommençât  aussitôt.  Cette  ma- 
nœuvre, essayée  par  le  malade  lui-même,  transforma  la  direction  de  la  fistule  qui, 
dirigée  d'abord  de  bas  en  haut  et  de  dedans  en  dehors,  devint  horizontale. 

Je  recommandai  au  malade  de  vider  régulièrement  deux  fois  chaque  jour  le 
sinus,  en  éternuant,  et  je  fis  tous  les  deux  jours  des  injections  de  sublimé  et  de  ni- 
trate d'argent.  Ce  traitement  ne  donna  d'autre  résultat  que  de  calmer  les  douleurs 
des  régions  sus-orbitaire  et  pariétale.  Les  douleurs  su s-orbitaires  se  montrant  de 
temps  en  temps  du  côté  droit,  me  firent  supposer  que  le  sinus  frontal  était  égale- 
ment atteint  de  ce  côté.  L'expérience  clinique  ultérieure  démontra,  eu  effet,  que 
cette  supposition  était  juste. 

Ayant  décidé  le  malade,  je  fis  l'opération  le  29  novembre.  Notre  honorable  col- 
lègue M.  le  docteur  Launay  a  bien  voulu  me  prêter  son  concours. 

Après  avoir  endormi  le  malade  au  moyen  du  chloroforme,  j'introduisis  une  soude 
à  travers  la  fistule  dans  le  sinus  frontal,  me  proposant  d'élargir  ensuite  le  trou  os- 
seux vers  le  côté  temporal,  après  avoir  fait  une  incision  au  milieu  du  rebord  infé- 
rieur du  sourcil.  Cette  précaution  me  semblait  nécessaire  parce  que  la  fistule  et 
surtout  le  trou  osseux  étaient  si  près  du  nerf  sus-orbitaire,  que  l'introduction  de 
la  soude  provoquait  quelquefois  des  douleurs  très  vives  dans  toute  la  région  de  la 
peau  animée  par  ce  nerf.  Après  avoir  fait  l'incision  sur  une  étendue  de  4  centi- 
mètres j'ai  raclé  le  périoste  avec  une  curette,  comme  le  recommande  .M.  Panas, 
jusqu'à  ce  que  je  fusse  arrivé  au  côté  temporal  de  la  sonde  introduite  dans  le  si- 
dus;  j'élargis  ensuite  le  trou  osseux  de  ce  côté.  L'opération  fut  très  facile,  à  cause 
delà  minceur  de  la  paroi  inférieure  du  sinus. 

L'ouverture  faite  était  si  large  que  j'ai  pu  facilement  introduire  un  endoscope  de 
Griinleld  (de  Vienne),  de  fort  diamètre.  Après  avoir  très  soigneusement  lavé  le 
sinus  avec  une  solution  de  sublimé  à  I  :  2500,  j'examinai,  à  l'aide  de  l'endoscope, 
l'état  de  la  muqueuse.  Celle-ci  était  fortement  injectée  et  d'une  coloration  rouge 
foncée. 

J'introduisis  ensuite  par  l'incision  de  la  gaze  iodoformée  avec  laquelle  je  tam- 
ponnai le  sinus,  et  lixai  sur  la  peau  Les  deux  bouts  de  cette  gaze.  L'hémorrhagie 
produite  par  l'opération  (commencée  à  10  heures  du  matin)  fut  très  faible.  A 
10  heures  et  demie  le  pansement  antiseptique  était  fait  et  le  malade  se  trouvait 
dans  un  état  assez  satisfaisant. 

Je  le  revis  vers  5  heures  du  soir;  il  se  plaignait  de  vives  douleurs  dans  le  trajet 
du  sus-orbilaire.  La  paupière  supérieure  était  fortemenl  gonflée  et  d'un  rouge  écar- 
late.  Le  malade  ne  pouvait  ouvrir  l'œil  gauche,  et  il  ressentait  même  de  violentes 


AFFECTIONS   DU   SINUS   FRONTAL.  170 

douleurs  dans  cet  œil  quand  il  essayait  d'ouvrir  le  droit.  Je  l'engageai  à  le  laisser 
fermé,  l'as  de  fièvre  A  l'aspect  de  l'œil,  j'admis  que  le  gonflement  des  tissus  avait 
provoqué  un  déplacement  des  bandes  de  gaze  iodoformée  vers  le  nerf  sus-orbitaire 
et  amené  la  compression  dudit  nerf. 

.l'enlevai  la  gaze  iodoformée,  ce  qui  lit  beaucoup  souffrir  le  malade,  mais  après 
l'enlèvement  les  douleurs  sus-orbitaires  s'apaisèrent. 

Le  lendemain,  la  rougeur  el  le  gonfle ni  de  la  paupière  avaient  augmenté  d'in- 
tensité et  l'inflammation  avait  gagné  la  paupière  inférieure.  Il  m'était  très  difficile 
d'ouvrir  la  fente  palpébrale;  j'aperçus  du  chémosis  de  la  conjonctive.  Des  dou- 
leurs sourdes  se  faisaient  sentir  dans  la  profondeur  de  l'œil,  qui  faisait  en  avant 
un  peu  plus  de  saillir  qu'avant  l'opération.  J'éprouvai  alors  une  certaine  inquié- 
tude, craignant  d'assister  au  début  d'un  abcès  orbitaire  causé  par  une  infection 
du  tissu  rétro-bulbaire,  et  ayant  son  point  de  départ  dans  le  sinus  frontal.  Le  gon- 
tlenient  des  tissus  était,  en  effet,  tel.  qu'il  m'était  impossible  d'introduire  une 
sonde  dans  la  nouvelle  voie  créée  par  l'opération.  Je  ne  pouvais  donc  pas  exécuter 
le  lavage  du  sinus  à  l'aide  de  drains,  ainsi  que  je  me  l'étais  proposé.  De  même,  le 
gonflement  de  la  paupière  supérieure  avait  obstrué  la  voie  artificielle  et  la  fistule, 
de  sorte  que  refoulement  ne  se  faisait  plus  en  dehors  par  ces  deux  voies.  La  sé- 
crétion purulente  du  sinus,  mêlée  à  des  caillots  de  saug,  se  vida  par  les  fosses  na- 
tales, ce  qui  donna  au  malade  et  à  son  entourage  l'espoir  illusoire  d'une  guérison 
immédiate  de  l'affection.  Je  me  bornai  à  un  traitement  antiseptique  de  la  plaie  par 
l'iodolorme  et  à  des  applications  de  glace  sur  l'œil  gauche. 

Mais  ces  applications  furent  bientôt  refusées  par  le  malade,  car  le  poids  de  la 
glace  le  fatiguait  sans  produire  aucun  soulagement.  J'avais  supposé  que  les  dou- 
leurs sus-orbitaires  avaient  été  produites  par  la  compression  qu'exerçaient  sur  le 
nerf  les  bouts  de  la  gaze  iodoformée.  Cette  supposition  se  trouva  confirmée,  car,  le 
lendemain  de  l'opération,  le  malade  m'indiquait  que  la  peau  du  côté  gauche  du 
front  était  insensible;  or,  la  partie  anesthésiée  correspondait  exactement  au  terri- 
toire du  nerf  sus-orbitaire.  Cette  partie  de  la  peau  était  en  outre  le  siège  d'un  lé- 
ger gonflement  œdémateux. 

Deux  jours  après,  la  sensibilité  revint  dans  cette  partie  el  le  gonflement  disparut 
pendant  qu'il  s'opérait  une  desquamation  appréciable  delà  peau. 

La  rougeur  inflammatoire  des  paupières,  le  chémosis,  ainsi  que  tous  les  autres 
symptômes  inquiétants  disparurent  peu  à  peu,  et  le  4  décembre  le  malade  pouvait 
ouvrir  la  fente  palpébrale.  Mais  sa  joie  fut  de  courte  durée;  en  effet,  l'écoulement 
purulent  recommença  bientôt  à  travers  l'ancienne  fistule,  tandis  que  la  nouvelle 
voie  créée  par  l'opération  s'était  déjà  refermée  par  première  intention. 

L'examen  de  la  fistule  me  fit  reconnaître  que  1  introduction  d'une  sonde  de  fort 
calibre  était  facile.  J'ai  introduit  les  sondes  boutonnées  de  Guyon  n03  8  et  10,  et 
non  seulement  le  trou  livrait  un  passage  suffisant  à  la  sonde,  mais  encore,  pendant 
les  injections  faites  à  l'aide  de  cette  sonde,  il  restait  un  espace  qui  permettait  au 
liquide  de  s'écouler  à  l'extérieur.  L'opération  avait  donc  donné  comme  résultat  la 
possibilité  d'un  lavage  plus  complet  du  sinus. 

L'état  de  l'œil  était  le  même  qu'avaut  l'opération  :  l'acuité  visuelle  était  un  peu 

diminuée,  7-,  et  le  champ  visuel  rétréci,  mais  il  n'existait  pas  d'altérations  du  fond 

de  l'œil.  Le  malade  se  plaignait  d'avoir  de  temps  en  temps  des  douleurs  se  propa- 
geant de  l'œil  vers  les  profondeurs  de  l'orbite  et  de  là  jusqu'à  l'occiput.  Ces  dou- 
leurs se  produisaient  surtout  quand  il  baissait  la  tête. 

Le  malade  vidait  tous  les  jours  le  sinus  par  éternuements.  Je  fis  une  fois  par 
jour  des  injections  antiseptiques  'sublimé  et  permanganate  de  potasse).  Après 
lavage  très  exact  par  ces  antiseptiques,  j'injectais  des  astringents  (nitrate  d'argent 
1  :  100  et  1  :  ->0  et  sulfate  de  cuivre  dans  les  mêmes  proportions). 

L'examen  bactériologique  du  pus  contenu  dans  le  sinus  frontal,  exécuté  par 
notre  distingué  confrère  le  docteur  Christmas,  a  l'Institut  Pasteur,  décela  la  pré- 
sence de  streptocoques,  mais  pas  de  bacilles  de  la  tuberculose.  Je  pouvais  donc 
espérer  guérir  ce  cas  par  l'emploi  des  antiseptiques.  Quant  au  traitement,  rien  ne 
fut  changé  pendant  les  semaines  suivantes,  sauf  que  je  défendis  au  malade  de  vi- 
der le  sinus  par  éternuements.  Probablement  à  la  suite  d'un  éternuement  trop  vio- 
lent, il  s'était  produit,  le  13  décembre,  un  emphysème   sous-cutaué  léger  et  peu 


180  PARTIE  SPÉCIALE. 

étendu  (2  à  3  centimètres)  de  la  partie  entourant  la  fistule.  Au  bout  de  deux  jours, 
par  l'application  d'un  bandeau  coinpressif  et  le  massage,  ce  symptôme,  d'ailleurs 
insignifiant,  disparut. 

Pendant  le  lavage  du  sinus,  fait  avec  une  seringue  à  travers  la  sonde  de  Guyon, 
le  liquide  injecté  sortait,  mêlé  de  pus,  soit  par  les  fosses  nasales  droites,  soit  par 
les  fosses  nasales  gauches,  soit  par  les  deux  narines  simultanément.  Une  forte  pres- 
sion de  l'injection  facilitait  la  production  de  l'écoulement  par  les  narines.  J'ai  es- 
sayé de  vider  le  sinus  par  aspiration;  mais  dans  ce  cas  le  malade  ressentait  une 
impression  plus  désagréable  que  lorsque  je  lui  faisais  une  injection,  môme  à  forte 
pression. 

Le  21  décembre,  au  matin,  le  malade  constatait  qu'aucun  écoulement  ne  s'était 
produit  à  travers  la  fistule.  Le  ptosis  gauche  était  moins  prononcé  et  l'œil  moius 
déplacé.  L'acuité  visuelle  de  l'œil  gauche  était  uormale,  mais  le  champ  visuel  tou- 
jours un  peu  rétréci.  La  mobilité  de  l'œil  était  uotablement  améliorée. 

L'écoulement  reparut  à  la  suite  d'un  rhume  contracté  vers  le  25  décembre  :  j'es- 
sayai alors  des  injections  de  créoliue  (1  :30u),  qui  réussireut  parfaitement.  Depuis 
le  31  décembre,  pas  d'écoulement.  Le  malade  est  encore  actuellement  en  traite- 
ment. Le  déplacement  de  l'œil  gauche  est  presque  nul,  le  champ  visuel  est  rede- 
venu normal. 

Le  12  janvier,  la  fistule  était  fermée  et  il  n'y  avait  pas  de  diplopie. 

A  différents  points  de  vue  le  cas  décrit  ci-dessus  me  semble  inté- 
ressant. D'abord,  c'est  la  première  fois  que  Con  constate  un  rétrécisse- 
ment du  champ  visuel  dans  une  affection  du  sinus  frontal.  D'autre  part, 
le  contenu  du  sinus  s'écoulait  sous  l'action  de  la  pesanteur,  quand  le 
malade  penebait  la  tête  en  avant. 

D'après  cette  observation,  comment  devra-t-on  ouvrir  le  sinus 
frontal?  La  trépanation  du  sinus  par  la  paroi  orbitaire  a  des  avantages 
et  des  inconvénients.  En  effet,  il  est  très  facile  de  percer  la  paroi 
orbitaire,  qui  est  formée  par  une  lame  osseuse  très  mince  Mais  on 
pourrait  objecter  que,  créant  de  nouvelles  voies  d'infection,  le  déve- 
loppement du  phlegmon  du  tissu  rétrobulaire  et  palpébral,  pourrait 
être  favorisé.  Dans  notre  cas,  et  malgré  un  traitement  antiseptique 
très  scrupuleux,  une  infection  s'était  développée  par  la  nouvelle 
ouverture.  On  pourrait  me  reprocher  de  n'avoir  pas  choisi  pour  tré- 
paner la  paroi  orbitaire  du  sinus,  une  partie  située  davantage  vers 
le  côté  temporal  et  de  n'avoir  pas  évité,  de  cette  façon,  le  voisinage 
fâcheux  du  nerf  sus-orbitaire.  Mais,  ayant  déjà  dans  le  trou  préexis- 
tant un  point  de  repère  d'une  haute  valeur,  je  n'avais  garde  de  m'en 
éloigner. 

En  outre,  il  faut  considérer  que  la  grandeur  du  sinus  varie  beaucoup 
selon  les  individus  et  j'aurais  peut-être  risqué  de  ne  pas  pénétrer  dans 
son  intérieur. 

J'ai  pris  toutes  les  précautions  pour  protéger  le  nerf  sus-orbitaire. 
Pour  l'opération  j'ai  fait  une  nouvelle  ouverture,  à  travers  la  peau, 
vers  le  côté  temporal,  au  lieu  d'élargir  la  fistule,  et,  grâce  à  celte 
précaution,  après  l'opération,  les  bouts  de  la  gaze  iodoformée  dont 
je  me  suis  servi  pour  tamponner  le  sinus  n'ont  fait  aucun  mal  au 
malade.  Les  douleurs  n'ont  apparu  qu'avec  le  gonflement  infectieux 


AFFECTIONS   DU    SINUS   MAXILLAIRE.  181 

du  tissu  entourant  la  plaie,  et  ont  été  probablement  causées  par  le 
déplacement  des  bouts  de  la  gaze  vers  le  côté  nasal.  Ceux-ci,  devenus 
voisins  du  nerf  sus-orbilaire,  l'ont  comprimé  et  ont  amené  des  névral- 
gies sus-orbitaires  très  fortes  suivies  d'anestbésie  et  de  troubles  vaso- 
moteurs  (œdème  passager)  des  parties  de  la  peau  animées  par  ce  nerf. 

Notons  encore  L'emphysème  du  pourtour  de  la  listule  produit  par 
un  éternuement  trop  violent.  Ce  symptôme  sans  importance,  ne  devait 
pas  nous  empêcher  de  conseiller  au  malade  de  vider  par  éternue- 
ments  le  contenu  du  sinus  frontal,  tout  en  lui  recommandant  une 
certaine  prudence. 

Qu'il  me  soit  permis  de  comparer  ce  moyen  si  simple  de  vider  le 
sinus  à  la  méthode  de  Yalsalva^parla  trompe  d'Eustache)  qui,  lorsqu'il 
y  a  abus,  peut  également  devenir  nuisible  au  malade.  C'est  après  de 
nouvelles  recherches  qu'on  pourra  préciser  dans  quel  cas  il  convient 
d'ouvrir  le  sinus  par  la  paroi  antérieure  (frontale)  ou  par  la  paroi 
inférieure  (orbitaire),  ou  bien  encore  par  les  fosses  nasales.  Dans 
tous  les  cas.  mon  observation  me  semblait  digne  d'être  communiquée 
à  mes  confrères. 

On  connaît  bien  les  symptômes  des  tumeurs  du  sinus  frontal,  par 
exemple  le  déplacement  de  l'œil  en  dehors,  en  bas  et  en  avant.  Il 
existe  d'autres  signes  concomitants  (paralysies  des  muscles  oculaires), 
qui  sont  probablement  la  conséquence  de  la  paralysie  des  nerfs  par 
compression.  Nous  citerons,  par  exemple,  un  cas  d'Elschnig,  où  une 
hydropisie  du  sinus  avait  déterminé  du  ptosis  et  l'impossibilité  de 
mouvement  de  l'œil  ipour  Scheff  et  Zuckerkandl,  il  s'agissait  d'un 
kyste  par  rétention  d'une  glande  muqueuse).  Wœlfler  pratiqua  la 
résection  de  la  paroi  du  kyste;  l'œil  reprit  sa  mobilité  normale,  mais 
le  ptosis  persista. 

Les  polypes  du  sinus  frontal  ont  une  certaine  importance  en  cli- 
nique, parce  qu'en  se  développant,  et  par  le  fait  d'ostéoporose,  ils 
peuvent  perforer  la  paroi  orbitaire  du  sinus.  G.-N.  Walker  a  observé 
un  cas  d'abcès  orbitaire,  qui  récidiva  plusieurs  lois  et  guérit  après 
extirpation  de  polypes  du  sinus  frontal. 

Pour  les  particularités  relatives  aux  tumeurs  du  sinus  frontal,  nous 
renvoyons  aux  traités  de  chirurgie. 

b.  Affections  du  sinus  maxillaire.  —  Les  troubles  oculaires  qui 
se  développent  dans  le  cours  des  maladies  du  sinus  maxillaire  sont 
d'origine  réflexe  ou  causés  par  un  processus  pathologique  {infection, 
tumeurs).  Les  altérations  de  la  muqueuse  du  sinus  sont  le  plus  sou- 
vent la  conséquence  d'affections  dentaires.  Aussi,  dans  les  maladies 
du  sinus  maxillaire,  les  troubles  réflexes  sont-ils  moins  connus,  parce 
qu'ils  sont  généralement  attribués  aux  affections  dentaires. 

A  propos  des  troubles  oculaires  réflexes,  nous  avons  déjà  dit  que 
.c'est  Ziem  qui  a  découvert  le  rétrécissement  du  champ  visuel,  dans 


18-2  PAEtTIE  SPÉCIALE. 

une  affection  du  sinus  maxillaire;  mais  il  en  donne  une  fausse  inter- 
prétation. A  notre  avis,  ce  symptôme  est  d'origine  réflexe.  Ziem 
admet  que  le  pus,  en  se  collectant  dans  le  sinus  maxillaire,  peut 
entraîner  l'ectasie  de  ce  sinus.  Il  considère  le  rétrécissement  du  champ 
visuel  comme  très  vraisemblablement  causé  par  la  compression 
exercée  sur  le  nerf  optique  par  la  paroi  supérieure  du  sinus  devenue 
ainsi  proéminente.  «  Dass  durch  eine  Eiteransammlung  in  der  letz- 
teren  und  eine  Ectasie  des  Sinus  ein  Druck  auf  den  an  der  oberen 
Wand  desselben  verlaufenden  N.  opticus  zu  Slande  kommen,  ist 
allerdings  warscheinlich.  » 

Mais  cette  explication  est  en  désaccord  avec  les  données  anatu- 
miques.  Une  ectasie  de  la  paroi  supérieure  du  sinus,  qui  comprimerait 
le  nerf  optique,  devrait  d'abord  provoquer  de  l'exophtlialmie  et  des 
troubles  dans  la  mobilité  de  l'œil.  Or,  ces  symptômes  n'existaient  pas 
dans  le  cas  de  Ziem.  C'est  pour  cette  raison  que  je  ne  puis  partager 
son  avis  et  que  je  ne  pense  pas  qu'un  processus  de  cette  nature  puisse 
produire  l'atrophie  du  nerf  optique. 

Mentionnons  encore  comme  troubles  oculaires  réflexes,  dans  les 
maladies  du  sinus  maxillaire,  la  parésie  de  l'accommodation,  l'am- 
blyopie,  l'amaurose  (?),  l'bypérémie  veineuse  de  la  papille,  la 
mydriase.  Ce  dernier  signe  réflexe,  produit  par  irritation  du  triju- 
meau, s'observe  même  dans  le  sondage  du  canal  naso-lacrymal  (lîam- 
poldi).  Dans  un  cas  de  Ziem,  tous  ces  symptômes  disparurent  après 
la  trépanation  du  sinus  maxillaire. 

Parmi  les  affections  secondaires  infectieuses  que  l'on  a  observées  à 
la  suite  de  maladies  du  sinus,  nous  citerons  l'abcès  orbitaire,  dont 
nous  expliquons  le  développement  de  la  même  façon  que  pour  le 
sinus  frontal.  Ziem,  qui  en  a  observé  un  cas  accompagné  de  symp- 
tômes de  dacryocystite,  admet  que  le  pus  est  transporté,  par  les 
vaisseaux,  du  sinus  vers  l'orbite.  Je  ne  crois  pas  que,  jusqu'à  ce  jour, 
l'examen  anatomo-pathologique  ait  encore  fait  découvrir  ce  chemin 
fourni  par  les  vaisseaux.  Dans  le  cas  où  il  n'y  aurait  pas  de  solu- 
tion de  continuité  entre  le  sinus  maxillaire,  d'une  pari,  le  canal 
naso-lacrymal  et  l'orbite,  d'autre  part,  on  pourrait  faire  jouer  à  une 
ostéo-périoslite  dé  cette  paroi  le  rôle  d'intermédiaire  entre  les  affec- 
tions «les  organes  en  question.  La  paroi  qui  sépare  le  canal  naso- 
lacrymal  du  sinus  maxillaire  est  toujours  extrêmement  mince.  On 
peut  égalemenl  expliquer  par  L'intermédiaire  du  sinus  maxillaire,  les 
cas  d'abcès  de  la  paupière  inférieure  causes  par  l'ostéo-périostite 
d'une  racine  dentaire   I  laspar  . 

Pour  l'exophthalmie  due  à  des  tumeurs  du  sinus  maxillaire,  nous 
renvoyons  aux  traités  de  chirurgie. 

c.  Affections  des  cellules  ethmoïdales.  —  Comme  troubles  ocu- 
laires d'origine  réflexe,   on  n'a   constaté    que  du  larmoiement,   qui 


AFFECTIONS   DES  CELLULES   ETIIMOÏDALES.  183 

accompagne  des  accès  de  céphalalgie.  Les  affections  des  cellules  eth- 
tnoïdales  sont  généralement  la  conséquence  d'une  maladie  du  nez  ou 
(k-s  autres  sinus;  mais  il  se  peut  aussi  qu'une  affection  orbi taire  se 
propage  aux  cellules.  L'extension  vers  l'orbite  d'une  inflammation  de^ 
cellules  ethmoïdales  a  été  observée  à  plusieurs  reprises,  à  la  suite  d'un 
simple  rhume  (Hartmann,  Schaefer),  ou  d'ulcères  des  fosses  nasales, 
ou  même  d'une  affection  de  la  cavité  naso-pharyngienne.  Dans  le  cas 
déjà  mentionné,  de  Schaefer,  le  malade  mourut,  l'inflammation  de 
l'orbite  s'étant  propagée  aux  méninges  en  suivant  les  gaines  du  nerf 
optique. 

La  carie  des  cellules  ethmoïdales  peut  être  ou  ne  pas  être  accom- 


Fig.  14.  —  Ectasie   du  sinus  frontal  et  des  cellules  ethmoïdales,  d'après 
i  C.-J.-M.  Langenbeck  (1819). 

pagnée  d'affections  oculaires.  Elle  peut  déterminer,  par  exemple,  les 
symptômes  suivants  : 

\°  Abcès  orbitaire,  avec  sécrétion  nasale  purulente  du  même  côté; 

2°  Emphysème  orbitaire,  lorsque  la  carie  établit  une  communica- 
tion entre  les  cellules  ethmoïdales  de  l'orbite; 

3°  Détachement  lent  de  quelques  parties  de  l'ethmoïde,  (dans  la 
syphilis),  et  propagation,  à  travers  la  lame  criblée,  d'une  infection 
déterminant  une  méningite; 

4°  Détachement  subit  d'un  grand  morceau  de  l'ethmoïde  nécrose  et 
chute  de  ce  morceau  dans  le  larynx;  d'où  accès  de  suffocation,  ou 
mort  par  méningite  (Baratoux). 

L'affection  connue  sous  le  nom  d'hydropïsie  des  cellules  ethmoïdales 
peut  entraîner  la  disparition  des  parois  situées  entre  les  diverses 
cellules;  plus  tard  elle  peut  les  faire  communiquer  avec  d'autres 
cavités,  lorsque  les  parois  osseuses  qui  les  séparent  viennent  ù  être 


184  PARTIE  SPÉCIALE. 

détruites;  enfin,  ces  cavités  elles-mêmes  peuvent  communiquer  avec 
l'orbite  (cas  de  Langenbeck).  Les  symptômes  sont  surtout  l'exophthal- 
mie  et  les  signes  ordinaires  d'une  tumeur  de  l'orbite. 

Quant  aux  tumeurs  des  cellules  ethmoïdales  (ostéomes,  fibromes, 
cancers,  polypes),  elles  sont  très  fréquemment  accompagnées  de 
troubles  oculaires. 

Dans  la  première  période,  lorsque  la  tumeur  est  encore  contenue 
dans  les  parois  des  cellules,  elle  ne  détermine  pas  de  symptômes,  ou 
bien  on  observe  de  la  céphalalgie  revenant  sous  forme  d'accès  (triju- 
meau), d'autres  fois  une  sensation  de  chaleur  dans  la  tête,  ou  bien 
encore  des  accès  d'épistaxis.  Dans  la  deuxième  période,  la  tumeur, 
en  se  développant,  détermine  l'ectasie  des  parois  des  cellules.  Dans 
la  troisième  période,  elle  se  propage  dans  les  cavités  voisines. 

Parmi  les  parois  des  cellules  ethmoïdales,  c'est  la  lame  papyracée 
qui  est  atteinte  la  première  d'ectasie.  On  voit  alors  une  tumeur  de  la 
paroi  interne  de  l'orbite,  qui  en  se  développant,  remplît  la  cavité  et 
déplace  le  globe  oculaire  vers  le  côté  temporal.  Les  symptômes  sont 
les  mêmes  que  ceux  qu'on  observe  généralement  dans  les  tumeurs  de 
l'orbite.  Les  mouvements  qui  tendent  à  diriger  le  globe  oculaire  sont 
gênés.  La  réfraction  est  diminuée  (on  observe  de  l'hypermétropie 
dans  des  yeux  qui  étaient  emmétropes  —  voir  te  cas  de  Knapp). 
L'acuité  visuelle  peut  rester  normale,  surtout  si  l'accroissement  de  la 
tumeur,  est  lente  ou  bien  elle  est  diminuée  jusqu'à  l'amaurose.  On  a 
quelquefois  observé  le  développement  d'opacités  de  la  cornée  causées 
par  le  lagophthalmos  dû  à  l'exophthalmie.  Dans  un  seul  cas,  il  se 
produisit  une  atrophie  de  l'œil,  déterminée  par  une  suppuration  de  la 
cornée,  consécutive  à  une  lagophthalmie.  Le  champ  visuel,  examiné 
plusieurs  fois,  a  été  trouvé  normal,  ce  qui  réfute  la  théorie  émise  par 
Ziem  pour  expliquer  le  rétrécissement  du  champ  visuel  dans  les 
affections  du  sinus  maxillaire.  A  l'examen  ophthalmoscopique,  on  a 
constaté  une  névrite  optique  qui,  dans  un  cas  de  Knapp,  était  accom- 
pagnée d'une  atrophie  partielle  de  la  choroïde  et  de  la  production 
de  brides  (plis),  dans  la  partie  de  la  rétine  située  entre  la  macula  et 
la  papille  optique.  Presque  toujours  après  l'extirpation  de  la  tumeur, 
l'acuité  visuelle  s'améliora  ou  se  rétablit  complètement;  plus  tard, 
les  mouvements  de  l'œil  redeviennent  normaux. 

Dans  quelques  cas,  au  début  du  développement  de  la  tumeur,  on  a 
constaté  du  larmoiement,  soit  qu'il  se  fût  agi  d'un  phénomène 
réflexe,  soit  que  l'accroissement  de  la  tumeur  eût  provoqué  la  com- 
pression du  canal  naso-lacrymal.  Ce  canal  peut  même  être  rempli 
complètement  par  la  néoplasie  dans  des  cas  de  tumeurs  malignes  de 
l'ethmoïde. 

En  se  développant,  les  tumeurs  diminuent  d'abord  la  cavité  des 
fosses  nasales,  puis  elles  l'obstruent  complètement.    Ces  symptômes 


AFFECTIONS  DES  CELLULES  ETHMOÏDALES. 


185 


servent  à  établir  le  diagnostic  des  tumeurs  des  cellules  ethmoïdales. 
Si  leur  accroissement  continue,  ces  tumeurs,  qui  remplissent  la  fosse 
nasale  d'un  côté,  provoquent  un  déplacement  de  la  cloison  et  finis- 
sent par  obstruer  complètement  la  fosse  nasale  du  côté  opposé.  Elles 
se  propagent  ensuite  dans  la  cavité  naso-pharyngienne  et  refoulent 


Fig.  15.  —  Ostéome  des  cellules  ethmoïdales,  d'après  Maisonneuve  (Schéma). 


en  bas  les  os  du  palais  situés  du  côté  malade.  Le  patient  respire  alors 
la  bouche  ouverte,  son  langage  devient  nasillant,  la  respiration  et  la 
déglutition  deviennent  difficiles  et  le  sens  de  l'odorat  s'affaiblit  ou  dis- 
paraît tout  à  fait. 


Fig.  16. 


Ostéome  des  cellules  ethmoïdales,  d'après  Maisonneuve.  (D'après 
une  photographie.) 


La  présence  de  troubles  oculaires  a  également  une  certaine  valeur 
lorsqu'il  s'agit  d'établir  le  diagnostic  d'une  fracture  de  lethmoide. 
Dans  cette  fracture,  on  observe  les  symptômes  suivants  :  1°  un  écou- 
lement continu  du  liquide  céphalo-rachidien  par  le  point  qui  met  en 
communication  la  paroi  supérieure  des  cellules  ethmoïdales  avec  les 
fosses  nasales  ;  2°  de  l'épistaxis  du  côté  lésé  ;  3°  une  dislocation  et  une 


186  PARTIE   SPÉCIALE. 

mobilité  anormale  de  la  paroi  interne  de  l'orbite;  ¥  le  développement 
d'un  emphysème  orbitaire  ou  orbito-palpébral. 

Des  expériences  que  j'ai  faites  sur  le  cadavre  m'ont  montré  que  les 
symptômes  de  l'emphysème  peuvent  même  permettre  d'établir  le  point 
où  siège  la  fracture  de  la  lame  papyracée.  Si  cette  fracture  est  bornée 
à  la  partie  postérieure  de  l'orbite,  elle  ne  produit  que  de  l'emphy- 
sème orbitaire;  si  elle  est  située  à  un  demi-centimètre  en  arrière  du 
sac  lacrymal,  l'emphysème  orbitaire  est  accompagné  d'emphysème 
conjonctival  et  palpébral.  De  même,  dans  les  fractures  de  la  paroi 
interne  de  l'orbite,  si  le  nerf  ethmoïdal  postérieur  était  atteint,  il 
devrait  en  résulter  une  anesthésie  partielle  de  la  muqueuse  nasale; 
mais  on  ne  possède  pas  encore  d'observations  cliniques  sur  ce  fait 
important. 

Un  cas  de  fracture  par  contre-coup  de  la  lame  papyracée  publié  par 
Baasner,  ne  me  semble  pas  encore  suffisamment  éclairci.  L'œil  du 
côté  blessé  était  déplacé  en  dehors  et  en  avant;  il  existait  un  écoule- 
ment blanchâtre  continu  par  la  narine  du  môme  côté.  En  pressant 
sur  l'œil,  on  faisait  écouler  du  pus  par  le  ne/,  et  l'œil  reprenait 
ensuite  sa  place  normale.  Le  cas  guérit  en  faisant  le  drainage  de 
l'orbite  et  en  pratiquant  des  injections  antiseptiques.  Il  est  probable 
qu'il  s'était  développé  d'abord  de  l'emphysème  orbitaire  et  que  la 
cavité  de  nouvelle  formation  s'était  ensuite  remplie  de  pus. 

d.  Affections  du  sinus  sphénoïdal.  —  Lorsque  j'eus  démontré 
qu'il  était  possible  de  diagnostiquer  les  maladies  du  sinus  sphénoïdal, 
plusieurs  confrères  ont  porté  leur  attention  sur  ces  affections.  Depuis 
ma  publication  sur  la  chirurgie  du  sinus  sphénoïdal,  dans  laquelle 
j'ai  donné  une  bibliographie  étendue  sur  ce  sujet,  plusieurs  nou- 
veaux cas  de  maladies  du  sinus  sphénoïdal  ont  été  guéris  par  son  ou- 
verture. 

Comme  troubles  réflexes  oculaires,  on  observe,  dans  les  affections  de 
la  muqueuse  du  sinus  sphénoïdal,  qui  se  rattachent  généralement  à 
celles  du  nez,  le  resserrement  de  la  fente  palpébrale,  le  larmoiement, 
la  photophobie,  le  blépharospasme.  La  céphalalgie,  concomitante 
affecte  l'occiput,  ou  bien  atteint  par  irradiation  les  autres  branches 
du  trijumeau.  Dans  un  cas,  par  exemple,  observé  par  Houx,  la 
névralgie  affectait  le  nerf  sous-orbitaire,  ce  qui  a  fait  admettre  par 
cet  auteur  la  présence  d'un  processus  pathologique  dans  le  sinus 
maxillaire.  Il  fit  la  trépanalion  île  ce  sinus  :  mais  l'autopsie  démontra 
qu'il  y  avait  une  lésion  du  sinus  sphénoïdal. 

On  ne  peut  pas  diagnostiquer  une  affection  du  sinus  sphénoïdal 
axant  que  le  processus  n'ait  atteint  les  organes  voisins,  surtout  le 
nerf  optique. 

Nous  avons  déjà  rappelé  que  le  canal  optique  est  sur  la  limite 
supéro-externe   du    sinus  sphénoïdal.    Des    recherches    anatomiques 


AFFECTIONS  DU   SINUS  SPHÉNOÏDAL.  187 

m'ont  prouvé  que  la  paroi  qui  sépare  le  sinus  du  canal  optique  est 
généralement  très  mince;  mais,  exceptionnellement,  elle  peut  être 
tivs  épaisse  d'un  côté,  ou  même  des  deux  cotes.  (Juelquefois,  lorsque 
celte  paroi  est  mince,  elle  présente  des  solutions  de  continuité  qui 
t'ont  que  la  gaine  du  nerf  optique  est  recouverte  par  la  muqueuse  du 
sinus. 

Plusieurs  auteurs  ont  observé  également  des  solutions  de  conti- 
nuité sur  la  selle  turcique.  On  comprend  ainsi  comment  un  processus 
inflammatoire  peut  se  propager  du  sinus  vers  le  nerf  optique  et  les 
méninges. 

Ces  solutions  de  continuité  peuvent  être  aussi  produites  par  l'atro- 
phie sénile  des  os.  Demarquay,  par  exemple,  a  vu  survenir,  chez  un 
vieillard,  la  cécité  et  une  méningite,  à  la  suite  d'une  inflammation  du 
sinus  sphénoïdal,  prouvée  par  l'autopsie.  Cette  inflammation  avait 
été  causée  par  une  injection  nasale  très  forte  de  nitrate  d'argent,  dans 
un  cas  où  il  s'était  produit  plusieurs  récidives,  après  l'arrachement 
de  polypes. 

Un  simple  rhume,  lorsque  l'inflammation  se  propage  vers  le  sinus, 
peut  menacer  la  vue;  il  faudrait,  je  crois,  expliquer  ainsi  plusieurs 
cas  de  névrite  rétro-bulbaire  aiguë  par  refroidissement. 

En  se  livrant  à  des  recherches  attentives,  on  est  étonné  de  voir 
combien  il  est  fréquent  que  la  névrite  rétro-bulbaire  soit  précédée 
d'un  rhume  aigu.  J'ai  proposé  de  donner  à  ces  cas  de  névrite  ou  de 
périnévrite  rétro-bulbaire  le  nom  de  «  canaliculaires  ». 

Il  est  difficile  d'expliquer  autrement  comment  le  nerf  optique,  situé 
dans  la  profondeur  de  l'orbite,  puisse  être  affecté  par  le  refroidisse- 
ment, tandis  que  l'œil  lui-même  reste  intact. 

il  existe  un  symptôme,  observé  pour  la  première  fois  par  Hock,  qui 
possède  une  grande  valeur  pour  le  diagnostic  de  cette  forme  de 
névrite  ou  péri-névrite  rétro-bulbaire.  Lorsqu'il  y  a  de  l'inflammation 
de  la  gaine  du  nerf  optique,  en  dedans  du  canal  optique  (1),  et  que 
l'on  comprime  l'œil  en  arrière,  le  malade  éprouve  une  certaine  dou- 
leur. Ce  symptôme  ne  se  rencontre  jamais,  d'après  Uhthoff,  dans  la 
névrite  rétro-bulbaire  d'origine  toxique.  On  trouve  aussi  d'autres 
symptômes  concomitants,  dans  la  névrite  optique  canaliculaire  :  les 
mouvements  de  l'œil  sont  douloureux  et  il  se  produit  de  la  douleur 
dans  l'œil  et  dans  le  front.  Au  début,  l'examen  ophthalmoscopique  est 
toujours  négatif;  mais,  dans  les  cas  avancés,  on  trouve  les  signes  de 
la  névrite  optique. 

Dans  cette  névrite  résultant  d'une  péri-névrite  optique  intra  canalem 
optiçum,  l'amaurose  se  manifeste  en  général  très  rapidement.  Le  plus 
souvent,  la  névrite  rétro-bulbaire  aiguë  n'all'ecte  qu'un  seul  côté  ;  mais 

(1)  Leber,  Graefe,  Saem:$c/i  Handbuch,  V,  p.  813. 


188 


PARTIE  SPÉCIALE. 


il  est  des  cas  où  le  processus  envahit  les  deux  yeux,  en  produisant 
une  amblyopie  subite  ou  de  l'amaurose.  Dans  la  névrite  rétro-bulbaire- 
aiguë  bilatérale,  les  deux  yeux  sont  toujours  atteints  d'amaurose  l'un 
après  l'autre  [l'erlia  (1)].  Le  canal  optique  étant  très  étroit,  il  est  facile- 


de  comprendre  que  le  gonflement  de  la  gaine  optique  puisse  entraver 
le  fonctionnement  des  fibres  nerveuses.  On  n'a  encore  donné  aucune 
explication   de  ces  cas  de  névrite   rétro-bulbaire.    On   a    seulement 


(1)  Perlia,  Klin.  MonatsbL,  I8C6. 


AFFECTIONS  DU   SINUS  SPHÉNOÏDAL.  189 

constaté  que  l'affection  a  son  siège  dans  le  canal  optique  et  qu'elle  est 
causée  par  un  refroidissement.  On  obtient  de  bons  résultats  thérapeu- 
tiques en  provoquant,  chez  le  malade,  la  sécrétion  de  la  sueur.  La 
guérison  peut  être  complète;  néanmoins  le  pronostic  est  sérieux. 

Mon  observation  a  porté  sur  trois  cas,  dont  deux  se  sont  terminés 
par  une  amaurose  unilatérale  : 

1°  L'ne  femme  de  vingt-sept  ans  remarqua,  à  la  suite  d'un  refroidissement  et 
d'un  rhume,  qu'elle  ne  voyait  plus  du  tout  de  l'œil  gauche.  Elle  consulta  son  méde- 
cin, qui  ne  trouva  pas  d'altération  du  fond  de  l'œil  et  la  tranquillisa,  en  lui  don- 
nant l'assurance  que  ces  troubles  oculaires  seraient  passagers.  J'ai  eu  l'occasion 
d'examiner  la  malade  dix  ans  après  :  la  pupille  gauche  était  dilatée  et  ne  réagis- 
sait pas  à  la  lumière;  la  papille  optique  était  atrophiée,  et  il  n'y  avait  pas  de  trace 
de  sensations  lumineuses. 

2°  Un  médecin,  le  docteur  C.  de  Klagenfourt,  s'aperçut  par  hasard  que,  lorsqu'il 
fermait  un  œil,  il  ne  voyait  pas  de  l'autre.  Il  consulta  aussitôt  un  professeur 
d'ophthalmologie,  qui  constata  l'amaurose  et,  quelque  temps  après,  l'atrophie  du 
nerf  optique.  Cette  amaurose  persista.  Le  malade  avait  conservé  pendant  très  long- 
temps un  rhume  compliqué  de  céphalalgie. 

3°  Dans  un  troisième  cas,  l'amaurose  disparut  complètement.  Le  docteur  P.... 
âgé  de  soixante-huit  ans,  bien  connu  comme  médecin  et  comme  savant,  m'a  ra- 
conté qu'à  Carlsbad,  au  moment  où  une  mouche  volait  vers  son  œil  droit,  il  ferma 
les  paupières  et  remarqua  qu'il  ne  voyait  pas  de  l'autre  œil.  Un  professeur 
d'ophthalmologie,  de  passage  à  Carlsbad,  constata  effectivement  que  l'œil  était  bien 
amaurotique,  mais  que  le  fond  eu  était  normal;  la  pupille  ne  réagissait  pas  à  la 
lumière.  On  attribua  à  un  refroidissement  la  cause  de  ces  troubles  oculaires  et  l'on 
essaya  un  traitement  sudorifique  par  le  saiicylate  de  soude.  L'acuité  visuelle  se 
rétablit  complètement. 

La  carie  et  la  nécrose  du  corps  du  sphénoïde  peuvent  également  pro- 
duire ou  ne  pas  produire  de  troubles  oculaires.  Lorsqu'ils  se  manifes- 
tent, la  propagation  du  processus  se  fait  vers  le  nerf  optique, 
l'orbite,  etc.  On  a  constaté,  par  exemple,  dans  cette  affection  : 

i°  La  cécité  subite  unilatérale,  avec  phlegmon  orbitaire.  Plusieurs 
autopsies  ont  prouvé  que  cette  cécité  était  produite  par  une  péri- 
névrite  du  nerf  optique,  dans  le  canal  optique; 

2°  Quelques  parties  de  l'os  peuvent  se  détacher  lentement  sans  déter- 
miner aucun  trouble  oculaire;  puis,  il  survient  une  méningite; 

3°  Une  partie  de  l'os  se  détache  subitement  et  est  expulsée  par 
le  nez  ; 

4°  Il  se  produit  une  perforation  de  la  paroi  qui  sépare  le  sinus 
sphénoïdal  du  sinus  caverneux,  et  il  en  résulte  une  hémorrhagie 
mortelle  ; 

5°  Un  abcès  rétro-pharyngien  se  développe  ; 

6°  Il  s'établit  une  thrombose  du  sinus  caverneux  et  de  la  veine 
ophthalmique,  consécutivement  à  celle  du  sinus  veineux  circulaire  de 
la  selle  turcique; 

7°  Il  y  a  perforation  de  la  paroi  inférieure  du  sinus  sphénoïdal,  sans 
aucun  autre  symptôme. 

Pour  le  diagnostic  des  tumeurs  du  sinus  sphénoïdal,  la  constatation 


190 


PARTIE   SPECIALE. 


des  troubles  oculaires  peut  avoir  une  grande  importance.  Pendant 
le  développement  de  ces  tumeurs,  on  peut  distinguer  quatre  périodes  : 

1°  La  tumeur  reste  enfermée  entre  les  parois  du  sinus  :  il  n'existe 
aucun  symptôme,  ou  de  la  céphalalgie  seulement; 

2°  La  tumeur,  en  augmentant  de  volume,  élargit  les  parois  du  sinus 
sphénoïdàl,  amène  leur  atrophie  et  détermine  la  compression  des  or- 
ganes voisins.  Cette  compression  peut  ne  s'exercer  que  sur  l'un  des 
nerfs  optiques  ou  les  affecter  tous  les  deux,  et  entraîner  ainsi  l'amau- 
rose  unilatérale  ou  totale; 


Fig.  18.  —  Déformation  de  la  face  par  une  tumeur  (sarcome)  occupant  les  cellules 
ethmoidales  et  le  sinus  sphénoïdàl  (d'après  Loewy). 


3°  Dans  la  troisième  période,  la  tumeur  se  propage  en  dehors  des 
parois  du  sinus.  Elle  arrive  dans  la  cavité  naso-pharyngienne,  dans 
les  cellules  ethmoïdales,  dans  l'orbite  et  enfin  dans  la  cavité  crâ- 
nienne. La  perforation  du  crâne  peut  ne  se  manifester  par  aucun 
symptôme  ou  par  des  céphalalgies  lies  violentes; 

4°  La  quatrième  période  est  caractérisée  par  des  métastases  dans 
divers  organes  (tumeurs  malignes). 

Pendant  le  cours  du  développement  de  ces  tumeurs,  il  se  produit 
souvent  des  accès  épileptiforme1*. 

Si  la  tumeur  augmente  rapidement  de  volume,  il  se  déclare  de  la 
méningite  ou  un  abcès  cérébral,  peu  de  temps  après  la  perforation 
de  la  base  du  crâne. 

Les  tumeurs  et  les  autres  altérations  morbides  qui  se  développent 
dans  le  sinus  spliénoïdal  et  compriment  le  nerf  optique  dans  son 
canal  compriment  en  même  temps  l'artère  ophthalmique  qui  accom- 


AFFECTIONS   DU   SINUS   SPHÉNOÏDAL.  191 

pagne  le  nerf,  sans  cependant  qu'on  puisse  constater  de  phénomènes 
indiquant  l'anémie  de  l'organe  de  la  vision.  En  voilà  la  raison  anato- 
mique.  Nous  savons,  d'après  Cruveilhier  et  Testut,  qu'il  existe  plu- 
sieurs rameaux  d'anastomoses  entre  L'ophthalmique  et  les  brandies 
des  carotides  externe  et  interne  : 

1°  Des  rameaux  orhitaires  de  l'artère  sous-orbitaire  (branche  de  la  maxillaire 
interne)  communiquenl  avec  la  palpébrale  (branche  de  l'ophthalmique);  2°  au  ni- 
veau de  la  fente  sphénoïdale,  dans  la  partie  la  plus  étroite  de  cette  fente,  plusieurs 
rameaux  de  la  méningée  moyenne  pénètrent  dans  l'orbite  et  doivent  s'anastomoser 
avec  l'ophthalmique  ;  3°  il  y  a  des  anastomoses  de  l'artère  faciale  avec  l'opbthalmique 
dans  le  grand  angle  de  l'oeil  (Cruveilhier);  4°  Testut  mentionne  spécialement  les 
anastomoses  de  l'artère  lacrymale  (de  l'ophthalmique)  avec  la  temporale  profonde 
antérieure  ;  o°  les  artères  ethmoïdales  antérieure  et  postérieure  fournissent  des 
rameaux  qui  doivent  s'anastomoser  avec  les  vaisseaux  de  la  méningée  moyenne 
(l'anastomose  se  fait  par  les  trous  de  la  lame  criblée  de  l'ethmoïde). 

Les  fractures  du  corps  du  sphénoïde  produisent  les  symptômes  sui- 
vants : 

1°  Dans  les  fissures  de  la  paroi  supérieure  du  sinus  sphénoïdal, 
on  observe  l'écoulement  du  liquide  céphalo-rachidien  par  le   nez; 

2°  Le  détachement  d'un  morceau  du  corps  du  sphénoïde  peut 
blesser  la  carotide  interne,  en  dedans  du  sinus  caverneux,  et  causer 
l'exophthalmie  pulsatile  (Nélatôn,  Delens); 

3°  En  se  continuant  dans  le  canal  optique,  la  fracture  peut  amener 
la  compression  ou  la  déchirure  du  nerf  optique  dans  ce  canal  et,  pat- 
suite,  l'amaurose; 

4°  Si  la  fissure  suit  les  trous  rond  ou  ovale,  elle  produit  l'anesthésie 
de  la  deuxième  ou  de  la  troisième  branche  du  trijumeau.  Il  peut 
exister  en  même  temps  une  déchirure  ou  une  blessure  d'autres  nerfs 
cérébraux. 

En  ce  qui  concerne  la  nature  des  troubles  oculaires,  nous  pouvons 
dire  que  le  rétrécissement  du  champ  visuel  caractérise  plus  spéciale- 
ment les  tumeurs  du  sinus  sphénoïdal.  Au  début,  il  est  temporal  et  se 
propage  ensuite  concentriquement.  C'est  le  centre  du  champ  visuel 
qui  reste  intact  le  plus  longtemps.  Voici  comment  j'explique  ce  fait. 
Les  fibres  du  nerf  optique,  voisines  du  sinus  sphénoïdal,  se  terminent 
dans  la  partie  interne  de  la  rétine,  et  c'est  cette  partie  qui  est  affectée 
à  la  portion  temporale  du  champ  visuel.  Comme  dans  le  canal 
optique,  les  fibres  qui  se  terminent  dans  la  macula  sont  situées, 
d'après  les  expériences  de  Samelsohn,  dans  l'axe  du  nerf,  ce  sont  elles 
qui  sont  atteintes  les  dernières  par  la  tumeur,  puisqu'elle  se  propage 
delà  périphérie  vers  l'axe. 

A  l'examen  ophthalmoscopique,  on  observe  la  névrite  optique, 
puis  l'atrophie  du  nerf  optique. 

J'ai  recueilli,  dans  une  monographie,  23  cas  d'amaurose  consécu- 
tive à  une  affection  du  sinus  sphénoïdal  ;  l'autopsie  a  démontré  que 


192  PARTIE  SPÉCIALE. 

l'amaurose  avait  été  produite  par  la  compression  du  nerf  optique 
dans  le  canal  optique.  J'ai  signalé  deux  nouveaux  cas  dans  ma 
«  Chirurgie  du  sinus  sphénoïdal  »  ;  il  faudrait  aujourd'hui  y  ajouter 
les  cas  de  Nettleship  (amaurose  par  exostose  du  sphénoïde),  Smith 
(hyperostose  des  grandes  ailes  du  sphénoïde)  et  Loewy  (sarcome  du 
sphénoïde  et  de  l'ethmoïde). 

Les  cas  où  les  troubles  oculaires  ne  se  présentaient  que  d'un  côté 
ou  manquaient  entièrement  m'avaient  fait  soupçonner  qu'il  devait 
exister  des  différences  d'épaisseur,  dans  la  paroi  qui  sépare  le  sinus 
sphénoïdal  du  canal  optique;  c'est  ce  que  j'ai,  en  effet,  vérifié  par 
l'examen  anatomique. 

En  se  développant  davantage,  la  tumeur  peut  remplir  le  canal 
optique,  séparer  les  parties  intra-orbitaire  et  intra-crânienne  du  nerf 
optique  et  se  propager  dans  l'orbite  ;  il  en  résulte  de  l'exophthalmie 
et  tous  les  autres  symptômes  des  tumeurs  de  l'orbite. 

A  mon  avis,  toutes  les  fois  que  l'on  soupçonne  l'existence  d'une 
affection  du  sinus  sphénoïdal,  surtout  en  présence  d'une  tumeur 
rétro-pharyngienne,  il  est  nécessaire  de  pratiquer  l'examen  ophthal- 
rnoscopique  et  celui  du  champ  visuel. 

e.  —  TROUBLES  OCULAIRES  DANS  LES  AFFECTIONS  DES  SINUS  CAUSÉES 
PAR  LES  MALADIES  INFECTIEUSES. 

Un  certain  nombre  de  troubles  oculaires  qui  se  développent  dans 
le  cours  de  quelques  maladies  infectieuses  peuvent  trouver  leur 
cause  dans  l'existence  concomitante  d'affections  des  sinus.  Les  au- 
topsies ont  prouvé  combien  les  affections  des  sinus  sont  fréquentes 
dans  les  maladies  infectieuses,  surtout  dans  la  fièvre  typhoïde,  dans 
la  pneumonie  et  dans  Yinfluenzd.  Les  altérations  des  sinus,  dans  la 
fièvre  typhoïde,  ont  été  constatées  anatomiquement  par  Gietl  (1860), 
Kern  (1856),  Vogel,  Zuccarini  et  surtout  par  Weichselbaum  (1).  Ce 
dernier  a  observé  également  que  ces  altérations  étaient  très  fré- 
quentes dans  la  pneumonie  (2)  et  dans  l'influenza.  Il  a  trouvé  des 
pneumocoques  accompagnés  ou  non  du  staphylococcus  pyogenes 
aureus  dans  les  sinus  de  personnes  mortes  d'influenza  ou  de  pneu- 
monie, et  il  lui  semble  très  probable  que,  dans  les  cas  de  méningite, 
c'est  par  cette  voie  que  les  microbes  ont  pu  pénétrer  dans  le  crâne. 

Pour  la  fièvre  typhoïde,  on  n'a  pas  encore  trouvé  le  bacille  d'Eberth 
dans  les  sinus  ;  mais  on  sait  que,  même  plusieurs  mois  après  la 
terminaison  de  cette  maladie,  on  peut  le  rencontrer  dans  des  abcès 
sous-périostaux  (Cornil).  Il  est  possible  d'ailleurs,  que  d'autres  mi- 

(1)  Weichselbaum,  cité  par  Berger  et  Tyrinan,  toc.  cit.  p.  20. 

(2)  Weichselbaum,  Wiener  'ïesellschaft  d.  Aerzle,  1888,  10  novembre. 


AFFECTIONS   DES  CAVITÉS  VOISINES   DU   NEZ.  193 

crobes  se  greffent  aussi  sur  les  muqueuses  des  sinus,  qui  sont  atteintes 
dans  la  fièvre  typhoïde. 

Certains  troubles  oculaires  du  début  de  l'influenza  sont  absolument 
analogues  à  ceux  que  nous  avons  étudiés,  comme  symptômes  réflexes, 
dans  les  affections  du  nez  et  des  sinus;  tels  sont:  la  pholophobie, 
l'hypéréittie  conjonctivale,  l'injection  péri-cornéenne.  La  douleur 
dans  les  muscles  de  l'œil  pendant  leurs  mouvements,  la  fatigue  de 
ces  muscles  pendant  le  travail  rappellent  les  symptômes  réflexes  ayant 
leur  origine  dans  le  trijumeau.  On  observe  très  souvent  de  l'aslhé- 
nopie  musculaire,  au  début  de  l'influenza.  Eversbusch  a  essayé 
d'expliquer  les  sensations  douloureuses  dans  les  muscles  de  l'œil  par 
l'action  des  ptomaïnes;  mais  on  sait  actuellement  que  les  plomaïnes 
ne  produisent  la  paralysie  des  muscles  qu'à  la  fin  de  la  maladie.  Il  se 
produit  généralement  aussi,  dans  l'influenza,  des  douleurs  orbitaires 
analogues  à  celles  que  l'on  observe  dans  les  affections  des  cavités 
voisines  du  nez. 

Quelques  variétés  d'affections  du  nerf  optique  consécutives  à  l'in- 
fluenza ne  peuvent  être  expliquées  que  par  une  altération  siégeant  en 
dedans  du  canal  optique  (Bergmeistei),  et  ce  sont  particulièrement 
ces  variétés  qui  répondent  tout  à  fait  à  ce  que  nous  savons  de  la 
névrite  optique  rétro-bulbaire  canaliculaire  ;  elles  guérissent  aussi 
très  bien  parles  injections  hypodermiques  de  pilocarpine  (Landsberg). 
D'autres  affections  du  nerf  optique  que  l'on  rencontre  dans  l'in- 
fluenza, le  scotome  central,  par  exemple,  sont  d'origine  toxique 
(plomaïnes);  je  le  montrerai,  d'ailleurs,  dans  une  autre  partie  de 
cet  ouvrage. 

Quant  à  la  névrite  optique  rétro-bulbaire  canaliculaire,  il  est  pro- 
bable qu'elle  provient  de  la  propagation,  à  la  gaîne  du  nerf  optique, 
de  l'inflammation  de  la  muqueuse  du  sinus  sphénoïdal.  (Voir  Chirurgie 
du  Sinus  sphénoïdal,  du  Dr  E.  Berger,  p.  31.) 

Il  est  vraisemblable  que  certaines  névralgies  du  trijumeau,  qui  se 
développent  pendant  ou  à  la  suite  de  l'influenza  (Mispelbaum)  (!)  sont 
le  résultat  de  l'état  d'irritalion  des  filets  terminaux  du  trijumeau, 
situés  dans  les  cavités  voisines  du  nez.  On  a  vu  de  ces  névralgies 
(sus-orbitaires  et  sous-orbitaires),  se  montrer  réfractaires  au  traite- 
ment électrique. 

J'ai  observé,  dans  l'épidémie  d'influenza  de  1889-90,  un  cas  de 
névralgie  sus-orbitaire  droite  très  violente,  accompagnée  de  photo- 
phobie, de  blépharospasme  et  d'injection  péri-cornéenne  (affection 
probable  du  sinus  frontal),  dont  la  guérison  survint  en  quelques  jours, 
après  un  écoulement  de  sécrétion  purulente  par  la  narine  droite.  Il 
me   semble  également   probable   que   les  abcès    très   profonds   des 

(l)  .Mispelbaum,  Ueber,  Psycbosen  nacb  Influenza.  Zeitsch.  f.  Psychiatrie,  1890, 
fasc.  F. 

13 


194  PARTIE   SPECIALE. 

paupières  supérieures,  que  l'on  a  constatés  à  la  suite  de  l'iufluenza 
(Landolt  et  autres  auteurs)  sont  la  conséquence  d'affections  du  sinus 
frontal.  Je  crois  de  même  qu'un  cas  décrit  par  Lyder  Borlhen  comme 
abcès  métastalique  de  l'orbite,  et  qui  s'est  ouverl  dans  l'angle  interne 
de  l'œil,  est  dû  à  la  propagation  d'une  inflammation  des  sinus  vers  le 
tissu  orbilaire.  {Klin.  MonatsbJ.,  1891.) 

Dans  un  cas  de  Weichselbaum  (1)  concernant  un  jeune  homme, 
l'influenzase  compliqua,  huit  jours  après  son  début,  d'un  abcès  de 
la  paupière  supérieure  qui  lut  incisé.  Le  lendemain,  des  phénomènes 
méningiliques  éclatèrent  et  le  malade  ne  tarda  pas  à  succomber.  Ici, 
:omme  dans  tous  les  cas  d'inlluenza  examinés  par  Weichselbaum, 
les  sinus  étaient  gorgés  de  pus. 

Ces  abcès  orbitaires  peuvent  même  n'apparaître  que  quelques 
semaines  après  la  terminaison  de  la  maladie. 

Je  n'ose  pas  affirmer  que  les  alVections  des  sinus  sont  également 
la  cause  de  l'apparition  de  certains  troubles  oculaires  dans  toutes  les 
autres  maladies  infectieuses.  Mais  celte  voie  de  propagation  du  pro- 
cessus vers  l'organe  de  la  vue  a  été  établie  pour  \a  /ièo-e  typhoïde. 

Nieden  (?)  a  publié  un  cas  Je  névralgie  sous-orbitaire  droite  et  de  blépharo- 
spasine  du  même  côté  après  une  lièvre  typhoïde  suivie  d'une  rhinite  suppurative 
droite. 

Ou  flt  la  trépanation;  il  s'écoula  du  pus  venant  du  sinus  maxillaire,  et  le  tic  dou- 
loureux ainsi  que  le  blépharospasme  disparurent. 

Les  affections  des  cavités  voisines  du  nez  peuvent  persister  pendant 
des  années  après  la  terminaison  de  la  fièvre  typhoïde.  Elles  provo- 
quent, par  voie  réflexe,  des  céphalalgies,  du  blépharospasme  et  même 
des  spasmes  cloniques  des  muscles  de  la  face,  semblables  au  tic  con- 
vulsif  ;  c'est  ce  que  j'ai  observé  une  fois. 

Pour  expliquer  comment  ce  dernier  symptôme  se  rattache  à  un 
trouble  réflexe  d'origine  du  trijumeau,  il  suffit  de  rappeler  un  cas  de 
Leber,  dans  lequel  la  névrectomie  du  nerf  sus-orbitaire  fit  dispa- 
raître le  tic  convulsif.  Voici  l'observation  du  cas  que  j'ai  recueillie  moi- 
même  dans  ma  clinique  : 

M.  G...,  âgé  de  vingt-huit  ans,  se  présenta  avec  un  clignotement  des  paupières 
et  des  contractions  cloniques  des  muscles  de  la  face.  Il  n'avail  jamais  été  malade 
dans  son  enfance;  mais,  cinq  ans  auparavant,  il  avait  été  atteint  de  la  lièvre  ty- 
phoïde. Dans  la  convalescence  de  cette  maladie,  des  maux  de  tête  se  déclarèrent, 
et,  depuis  ce  temps,  les  accès  de  céphalalgie  se  renouvelèrent  1res  fréquemment 
i  louleurs  étaient  localisées  des  deux  côtés,  dans  la  région  sourciliere,  dans  le 
front  et  dans  la  joue.  L'examen  ophthalmoscopique  ne  révéla  aucune  anomalie;  il 
exi.-tait  une  myopie  de  une  D.,  une  légère  conjonctivite,  du  larmoiement,  de  la 
photophore,  et  de  l'injeeliuii  péri-corueenne.  L'acuité  et  le  champ  visuels  étaient 
normaux. 

(I)  Weichselbaum,  Wiener  Ses.  d.  A<rzle,   1890,  :>l  janvier. 
(V)  IVieden,  Avch.  /'.  Augenheilk.,  XIV,  fasc.  3*4. 


AI  FEGTIONS  DES  CAVITÉS  VOISINES   DU    NEZ.  103 

L'examen  rhinoscopique  montra  qu'il  existait  an  léger  gonflement  de  la  rau- 
quetree  dea  cornets  moyen  et  inférieur. 

I.  -  nerf?  su*  et  sous-orbitaires  étaient  un  peu  sensibles  à  !;i  pression;  les  dou- 
leurs,  par  leur  localisation,  me  firent  penser  que  le  blépharospasme  pouvait  être 
un  symptôme  réflexe  d'une  affection  des  cavités  voisines  du  ne*s  Je  lis  alors  prati- 
quer le  lavage  du  nez  et  des  cavités  voisines  avec  une  solution  de  chlorure  de  so- 
dium et  de  bicarbonate  de  soude,  d'après  la  méthode  de  Kessel.  Quelques  injections 
suffirent  pour  soulager  les  douleurs  névralgiques  et,  après  un  mois  de  traitement, 
le  malade  se  présenta  à  ma  clinique  entièrement  guéri;  le  blépharospasme  exis- 
tant depuis  la  convalescence  de  la  fièvre  typhoïde  et  les  maux  de  tête  avaient  com- 
plètement disparu.  Cinq  mois  après,  j'ai  revu  le  malade  et  j'ai  pu  constater  qu'il 
était  toujours  en  parfait  état. 

Ce  chapitre  a  eu  pour  but  d'attirer  l'attention  de  nos  confrères 
sur  le  rôle  important  des  cavités  voisines  du  nez  dans  la  produc- 
tion de  quelques  troubles  oculaires  (1).  Je  demeure  convaincu  que 
celui  de  nos  collègues  qui  voudrait  s'adonner  à  l'étude  attentive  de 
cet  intéressant  sujet  y  ferait  encore  de  nombreuses  découvertes, 
susceptibles  d'expliquer  l'origine  de  troubles  oculaires  dont  la  cause 
nous  échappe  aujourd'hui. 

Les  maladies  des  sinus  sont  généralement  considérées  comme  des 
raretés.  Il  n'en  est  rien  cependant:  c'est  leur  diagnostic  qui  est 
rarement  établi.  L'origine  des  troubles  réflexes  que  provoquent  ces 
affections  nous  échappe  donc  très  fréquemment. 

Pour  le  traitement  des  maladies  des  sinus,  dont  la  guérison  fait  dis- 
paraître les  truubles  oculaires,  je  renvoie  surtout  à  l'importante 
communication  de  Bresgen  (2),  et  à  ma  brochure  sur  la  chirurgie  du 
sinus  sphénoïdal. 

BIBUOGUAPUIE. 

Troubles  oculaires  dans  les  maladies  des  fosses  nasales.  —  Foerster,  Graefe  u.  Saemisch  Handbuch, 
VII,  p.  '>-■  —  Jacob-ion,  Beziehungen  der  Verachderungen  u.  Krankh.  d.  Sehorganes  zuAllgemcin  u. 
Ot&anleiden,  p.  "-.  —  Burow,  cité  chez  Jacobson,  loc.  cit.,  p.  12i.  —  De  Lapersonne,  Archives 
d'oplithalmologie,  1885,  sept.-oct.  —  Rampol  i,  Annali  di  oflalmologia,  1835,  F.  4.  —  Boihziegel, 
Wiener  med.  Bl.  —  Graning,  Médirai  Record,  18*6,  30  janvier.  —  Nieden,  Archiv  f.  Augenheilk.,  XVI, 
p.  '.si  (1886).  —  Berger,  Ibidem,  XVII.  p.  293    I  8*7).  —   ffanrilton,  Journal  of  Laryngologie,  juin  1890. 

Ziem,  AlL'-m.  med.  Centralzeilung,  1886,   n°  l'A.    -  Centralbl.  f.  Augenheilk.,  1887,  p.  358.  — 

Berlin,  klin.  Wochenscbr.,  1888,  n°  -23.  — Ibidem,  1889,  n°  5.  —  Lennox-Brown,  Brit.  med.  Journ., 
28  mai  1887.  —  Hack,  Deutsche  med.  Wochenscbr.,  18Sti,  n°  25.  —  Uirsehberg,  Virchow's  Archiv, 
LXIII.  p.  270.  —  Ponfick,  Centralbl.  f.  med.  Wissensch.,  1887,  n°  3.  —  Boerne  Bethmann,  Chioago 
med.  Soc..  1887,  17  janvier.  —  Sehmidt-Rimpler,  Kliuisehc  Monatsbl.  f.  Augenheilk.,  octobre  1887. 

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1S85,  fasc.  3.  — F.-W.  Maxwell,  Brit.  med.  Journ.,  1888.  —  Wagenmann,  Graefe's  Archiv,  XXXV, 
4.  — Knapp,  Amer.  Ophthalm.  Soc,  1882.  —  Trousseau,  Soc.  d'oplithalmologie  de  Paris,  1889,  avril. 

—  Augagneur,  Delà  kérato-conjonctivite  phlycténulalre,  Lyon,  1888.  —  Abadie,  Soc.  d'oplithalmologie 
de  Paris,  novembre  1888.  —  Despaanet,  I'ev.  d'ophlhalm.,  1889,  sept.  —  Soc.  franc,  d'opbthalm., 
1 889.  —  A.  Bronner,  Amer.  Journ.  of  ophthalm.,  1889,  novembre.  —  Moaurn,  Giomale  de  l'Asso- 
ciazone  dei  Naturalisti  è  Medici,  1889.  —  C.-tf.  A/oore,  Amer.  Rhinolog.  Associât.,  1889.  —  Van 
Afillingen,  Archives  d'oplithalmologie,  1889,  nov.-déc.  —  Knapp,  New  York  Academy  of  Medicine, 
M  janvier  1  MO. 

Trolbi.es  oculaires  dans  les  maladies  des  sinus  frontaux.  —  Borthen  Lyier,  Graefe's  Archiv,  XXXI,  4. 

—  yieden.  Archiv  f.  Augenheilk,  1883,  314.  —  Alagnus  [H.),  Klinische  .Monatsbl.  f.  Augenheilk,  1886, 

(1)  Voir  la  thèse  de   Kaplan,   publiée   sous  ma  direction  :   Le  Sinus  sphénoïdal 
comme  voie  d'infection  intra- crânienne  et  orbitaire.  Paris,  1891,  23  décembre. 

(2)  Bresgen,  Deutsche  Medizbiische  Wochenschrift,  1890. 


196  PAItTIE   SPÉCIALE. 

décembre.  —  Peltesokn,  Centralisait  f.  Augenheilk.,  1888,  p.  35.  —  Elschnig,  Wiener  med .  Wochensctir., 
188*,  n»  4.  —  E.  Treacher  and  ('.-//.  WMker,  0[ilillialmio.  Hospital  Rep.,  188'J.  —  C.-H.  Walker, 
Ibïdom,  1889,  IV.  -  Panas,  Bull,  de  la  Société  franc,  d'ophlhalmologie,  1800.  —  Guillemain  (A.), 
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de  Paris,  1888. 

XkOUBI.ES  OCULAIRES  DANS  LES  MALADIES  DU  sinus  MAXILLAIRE.  —  Ziem,  Monatsschr.  f.  Ohrenheilk. ,  1887, 
n»  Ki-4.  —  Berlin.  Klin.  Woch.,  i888,  n»  37.  —  Allgem.  Med.  Cenlrakeitung,  1887,  n»  37,  Ihidem, 
n°  48-49.  —  Couriaix,  Recherches  cliniques  sur  les  relations  pathologiques  entre  l'œil  cl  les  dents. 
Thèse  de  Paris,  1 89 1 . 

Troubles  ocdlaire6  dans  les  h  lladies  des  cellules  ethmoïdales.  —  Berger  [E.)  und  Tyrwan  (/.),  Krank- 
heiten  der  Keilbeinboehle  a.  des  Siebbeinlabyrinlhcs,  Wiesbaden,  1886.  —  Raasner  (II.),  Mfinchner 
med.  Woch.,  1887,  n°  18. 

Troubles  oculaires  dass  i.f.s  maladies  du  sinus  sphénoïdal.  —  Berger  [E .)  und  Tyrman  (J.),  Krankheiten 
der  Keilbeinhoehle  u.  des  Siebbcinlabyrinlh.es.  Wiesbaden,  IS86.  —  Nettleship,  Ophthalmic  Societj 
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Loewy  (  17),  Cenlralbl.  f.  Augenheilk.,  1890.  —  lierger  (/•,'.).  Les  symptômes  des  maladies  du  sinus 
sphénoïdal.  Bull,  de  la  Soc  franc.  d'Olologie  et  de  Laryngologie,  1888.  —  Berger  (E.),  I. a  chirurgie 
du  sinus  sphénoïdal.  Paris,  1890.  —  Girard-Marchand,  en  Traité  de  Duplay  et  Reclus,  t.  IV. 

V.  —  TROUBLES  OCULAIRES  DANS  LES  AFFECTIONS 
DE  LA  BOUCHE  ET  DU  TUBE  DIGESTIF. 

A.  —  MALADIES  DES  DENTS. 

Les  affections  dentaires  peuvent  provoquer  des  complications  ocu- 
laires de  deux  manières  différentes  :  1°  par  l'irritation  du  trijumeau, 
au  cours  d'une  affection  dentaire,  qui  peut  amener  des  troubles  ocu- 
laires réflexes  analogues  à  ceux  qu'on  observe  dans  le  tic  douloureux 
classique;  2°  par  la  propagation  du  processus  inflammatoire  d'une 
racine  dentaire  vers  le  sinus  maxillaire  et  de  là  vers  les  paupières 
et  l'orbite.  Parmi  les  troubles  oculaires  réflexes,  les  plus  fréquents  sont  : 
l'injection  très  prononcée  de  la  conjonctive  et  le  larmoiement  du  côté 
correspondant;  chez  les  enfants,  en  outre,  on  constate  un  certain  rap- 
port entre  la  kératite  et  la  conjonctivite  phlycténulaire  et  les  affections 
dentaires  :  ce  rapport  s'explique  aussi  par  l'irritation  du  trijumeau, 
explication  qui  convient  également  à  ces  mêmes  affections  oculaires 
dans  le  cours  des  maladies  du  nez. 

Schmidl  a  particulièrement  étudié  la  parésie  de  Vaccommodcition, 
survenant  dans  les  affections  dentaires.  Sur  quatre-vingt-douze  cas 
d'affections  dentaires  observés  par  lui,  l'amplitude  de  l'accommoda- 
tion était  soixante-treize  fois  au-dessous  de  celle  qu'on  rencontre  au 
même  âge  d'après  les  données  de  Donders.  La  disparition  ultérieure 
de  l'affection  dentaire  a  provoqué  également  la  disparition  de  la 
parésie  de  l'accommodation. 

La  diminution  d'amplitude  de  l'accommodation  occasionnée  par  irri- 
tation dentaire  peut  être  diminuée,  ou  d'un  seul  côté  (toujours  du 
côté  correspondant)  ou  de  deux  côtés.  Dans  ce  dernier  cas,  Schmidt 
constata  trente  et  une  fois  que  la  diminution  était  plu-  prononcée  du 
côté  malade.  L'amplitude  de  l'accommodation  étant  plus  forte  chez 
les  jeunes  gens,  on  comprend  que  la  diminution  est  plus  prononcée  et 


MALADIES    DES    DENTS.  101 

plus  appréciable  chez  ces  derniers,  que  chez  les  hommes  âgés.  Sur 
soixante-deux  cas  observés  par  Schmidt  (entre  dix  et  vingt-cinq  ans) 
la  diminution  de  l'amplitude  de  l'accommodation  était  de -f- 5  D  ou 
même  plus,  dans  trente-cinq  cas,  qui  ont  dû  cire  compensées  par  une 
lentille  convexe  de  5  D. 

Cette  parésie  passagère  de  l'accommodation  dans  la  grande  majo- 
rité des  cas  passe  inaperçue  ;  quelques  malades  seulement  se  plaignent 
des  difficultés  qu'ils  éprouvent  à  lire. 

La  parésie  de  l'accommodation  serait,  d'après  Schmidt,  de  nature 
réflexe  :  l'irritation  des  nerfs  vaso-moteurs  de  l'œil,  provoquée  par  la 
dent  malade,  augmente  la  tension  de  l'œil  :  Jacobson  rejette  et  avec 
raison  cette  théorie.  Nous  savons,  en  effet,  que  les  douleurs  dentaires 
et  l'irritation  du  trijumeau  peuvent  provoquer  une  augmentation  de 
la  tension  intra-oculaire  el  produire  par  suite,  chez  des  prédisposés,  des 
accès  de  glaucome  aigu  (Greniçean).  Mais  d'un  autre  côté,  nous  savons 
également  que  l'œil  de  l'adolescent  peut  supporter  sans  inconvénient 
une  certaine  augmentation  dans  la  quantité  de  liquide  intra-oculaire, 
comme  l'a  du  reste  démontré  de  Graefe.  Cependant  on  a  le  droit  de  se 
demander  comment  une  tension  intra-oculaire  assez  considérable  pour 
provoquer  la  parésie  de  l'accommodation  n'a  point  déterminé  d'accès 
de  glaucome  aigu.  Pour  Jacobson  la  cause  de  cette  parésie  serait  le 
relâchement  pour  ainsi  dire  instinctif  du  muscle  de  l'accommodation. 
Ou  observe  fréquemment  clans  les  kératites,  la  cyclite,  l'irradiation  de 
la  douleur  dans  les  nerfs  dentaires.  D'un  autre  côté,  dans  les  névral- 
gies dentaires  on  observe  un  certain  degré  d'hypéresthésie  des  nerfs 
de  l'œil,  ce  qui  fait  que  les  contractions  du  muscle  de  l'accommodation 
sont  douloureuses;  les  malades  évitent  de  les  produire,  d'où  cet  af- 
faiblissement volontaire  pour  ainsi  dire  du  muscle  de  l'accommoda- 
tion. C'est  ainsi  que  dans  la  migraine  on  évite  les  impressions  visuelles 
et  auditives  (Jacobson). 

Nous  n'avons  pas  encore  l'explication  de  ce  fait  aujourd'hui  indis- 
cutable, que  l'irritation  d'un  nerf  sensitif  peut  diminuer  ou  même 
supprimer  l'énergie  d'un  nerf  moteur  (parésie  ou  paralysie  réflexe). 
Brown-Séquard  l'explique  par  l'inhibition:  d'autres  invoquent  l'in- 
fluence des  vaso-moteurs. 

Les  affections  dentaires  peuvent  provoquer  des  symptômes  réflexes 
du  côté  du  nerf  facial:  par  exemple  du  blépharospasme  tonique  et  des 
contractions  cloniques  du  muscle  orbiculaire  des  paupières  qui  ne  sont 
qu'une  des  manifestations  du  tic  convulsif  survenant  à  la  suite  des 
maux  de  dents.  Chez  les  enfants  prédisposés  ces  douleurs  dentaires 
peuvent  même  favoriser  le  développement  de  lachorée. 

Entre  autres  complications  des  douleurs  dentaires  on  remarque  : 
l'amblyopie  et  même  l'amaurose  passagères,  symptômes  réflexes,  dis- 
paraissant après  l'arrachement  de  la  dent  malade;  quand  il  y  aretré- 


198  PARTIE   SPÉCIALE. 

cissement  périphérique  du  champ  visuel,  les  malades  se  plaignent  de 
la  fatigue  des  yeux  à  la  lecture,  d'éblouissement  par  la  lumière  vive, 
d'apparition  des  couleurs  complémentaires  qui  se  produisent  quand 
on  regarde  fixement  les  objets.  A  l'ophthalmoscope  :  le  fond  de  l'œil  est 
normal  dans  la  plupart  des  cas;  quelquefois  on  trouve  un  léger  voile 
dans  la  portion  postérieure  de  la  rétine  autour  de  la  papille.  A  notre 
avis,  il  est  probable  que  ces  altérations  aussi  bien  que  les  cas  d'atro- 
phie du  nerf  optique  dépendent  de  l'affection  dentaire.  Quant  au  ré- 
trécissement concentrique  du  champ  visuel,  à  l'amaurose  et  à  l'am- 
blyopie,  ils  s'expliquent  parle  resserrement  réflexe  des  vaisseaux  de  la 
rétine;  ces  symptômes  sont  analogues  à  ceux  qu'on  observe  dans  l'ex- 
citation du  trijumeau  et  dans  les  affections  du  nez  (voir  p.  4G6). 

L'inflammation  de  la  racine  (carie)  dentaire  peut  provoquer  par 
suite  de  la  résorption  putride,  une  î i  i Lis  ou  la  présence  du  pus  dans  la 
chambre  antérieure  de  l'œil.  Ces  faits  sont  rares,  mais  réels  et  analo- 
gues à  ce  qu'on  observe  à  la  suite  des  inflammations  purulentes  et 
infectieuses  soit  des  fosses  nasales  soit  des  organes  sexuels  de  la  femme. 

La  périoslite  d'une  alvéole  dentaire  déterminée  parla  propagation  du 
processus  inflammatoire  vers  le  sinus  maxillaire  et  delà  vers  l'organe 
delà  vision,  peut  provoquer  :  des  abcès  des  paupières  (paupières  infé- 
rieures surtout),  et  des  phlegmons  de  l'orbite  observés  en  plusieurs  cas 
(Caspar,  Ziem).  Ces  complications  oculaires  sont  très  dangereuses  à 
cause  du  voisinage  des  méninges,  qui  peuvent  à  leur  tour  être  prises. 

Wicherkiewicz  rapporte  l'observation  suivante  :  quelque  temps 
après  l'extraction  d'une  dent  cariée,  une  gangrène  des  paupières  et  un 
abcès  orbitaire  se  déclarent;  l'inflammation  se  communique  aux  mé- 
ninges, et  le  malade  meurt  des  suites  d'une  méningite.  On  voit  que 
l'antisepsie  rigoureuse  est  indiquée  même  pour  les  opérations  les  plus 
minimes  telles  que  les  extractions  dentaires. 

B.  —  MALADIES  DU  PHARYNX. 

Les  complications  oculaires  survenant  à  la  suite  des  affections  pha- 
ringiennes  doivent  être  attribuées,  à  notre  avis,  aux  troubles  réflexes 
par  irritation  des  filets  terminaux  du  trijumeau. 

La  présence  de  corps  étrangers  dans  le  pharynx,  arête  de 
poisson,  croûte  de  pain,  provoque,  par  l'irritation  réflexe,  le  larmoie- 
ment et  la  contraction  des  paupières  du  côté  correspondant  à  la 
partie  intéressée  du  pharynx  ou  à  l'amygdale  où  le  corps  étranger  s'est 
arrêté. 

Ziem,  à  la  suite  de  tonsillite  et  de  végétations  adénoïdes  du  pha- 
rynx, a  observé  des  troubles  oculaires  réflexes  :  le  larmoiement, 
le  blépharospasme,  la  persistance  prolongée  et  la  récidive  des  affec- 
tions de  la  cornée  et  de  la  conjonctive,  phénomènes  qui  disparaissent 
avec  la  cause  provocatrice. 


MALADIES   DE   L'ESTOMAC.  l'.i'.i 

Une  des  complications  observées  plusieurs  fois,  à  la  suite  de- 
maladies  du  pharynx  et  des  amygdales  (sans  parler  de  la  diphthérie  . 
est  la  diminution  de  l'amplitude  de  l'accommodation  (Hoffmann. 

C.    -  MALADIES  DE  L'ESTOMAC. 

Ces  affections  peuvent  provoquer  des  complications  oculaires  de 
quatre  manières  différentes  :  1°  par  un  affaiblissement  général  qu'a- 
mènent le  défaut  de  la  nutrition  et  l'altération  du  sang;  2°  par  l'ab- 
sorption d'éléments  toxiques  ou  auto-intoxication  qui  est  le  résultat 
delà  fermentation  normale  que  produit  une  digestion  lente  ou  impar- 
faite; 3°  par  la  congestion  du  cerveau  et  de  l'organe  de  la  vision  pro- 
voquée par  les  troubles  circulatoires  consécutifs  à  la  pléthore  abdo- 
minale; 4°  par  l'action  réflexe  des  plexus  sympathiques  intra-inteslinal 
(plexus  d'Auerbach  et  de  Meissner)  et  extra-intestinal  sur  l'organe 
visuel. 

J'ai  observé  dans  plusieurs  cas  de  dyspepsie  et  de  catarrhe  chronique 
de  l'estomac  :  l'asthénopie  musculaire,  la  fatigue  de  la  rétine,  la  pho- 
tophobie et  la  perception  d'images  complémentaires  provoquées  par 
des  objets  fortement  éclairés. Il  est  probable  que  tous  ces  phénomènes 
ne  -ont  que  Ja  manifestation  de  la  faiblesse  générale  de  l'organisme, 
quelle  que  soit  la  cause  de   cet  affaiblissement. 

Chez  les  gens  atteints  d'affections  de  l'estomac,  on  observe  quelque- 
fois des  accès  de  glaucome  a>gu  et  subaigu  (Foerster).  Il  est  probable, 
quoique  non  encore  démontré,  que  l'affaiblissement  d'énergie  de  la 
circulation  générale  prédispose  aux  troubles  circulatoires  oculaires. 

Quant  aux  hémorrhagies  stomacales  ou  intestinales  plus  ou  moins 
prononcées,  elles  provoquent  les  mêmes  complications  oculaires  que 
les  hémorrhagies  des  autres  régions. 

D'après  Forster,  les  amauroses  de  cause  stomacale  occupent,  par 
ordre  de  fréquence,  la  première  place  (d'après  Arlt,  ce  sont  les  amau- 
roses mélrorrhagiques).  Les  troubles  visuels  suivent  l'hémorrhagie  de 
quelques  jours,  ce  qui  démontre  que  la  diminution  de  la  quantité  du 
sang  n'est  pas  la  cause  directe  de  l'amaurose. 

Dans  le  cas  de  Jacobs,  l'amaurose,  d'ailleurs  toujours  binoculaire, 
n'est  survenue  que  douze  heures  après  l'hémorrhagie  stomacale. 
L'amaurose  est  fréquemment  précédée  par  d'autres  symptômes  d'ané- 
mie cérébrale  (faiblesse,  douleurs  occipitales  atroces). 

A  l'ophlhalmoscope,  la  rétine  présente  une  opacité  blanchâtre  très 
étendue  tout  autour  de  la  papille  qui  est  parsemée  de  petits  et  nom- 
breux foyers  d'hémorrhagie  qui,  dans  le  cas  de  Schweigger,  sont 
apparus  huit  jours  après  l'hémalémèse,  dans  le  cas  de  Forster,  douze 
jours,  dans  celui  de  Jacobs,  cinq  semaines  après.  Le  cas  de  Forster 
est  surtout  intéressant  parce  que  le  malade,  malgré  la  présence  des 


200  PARTIE  SPÉCIALE. 

altérations  du  fond  de  l'œil,  n'a  pas  été  atteint  de  troubles  oculaires 
fonctionnels. 

Les  vaisseaux  centraux  de  la  rétine  sont  rétrécis  dans  l'amaurose. 
La  couleur  du  sang  et  du  fond  de  l'oeil  est  d'un  rouge  clair,  ce  qui 
indique  l'anémie  du  fond  de  l'œil,  les  pupilles  sont  dilatées  (anémie 
des  branches  de  la  carotide  interne)  et  sans  réaction  lumineuse. 

Il  est  probable  que  les  altérations  du  fond  de  l'œil  sont  secondaires 
et  consécutives  aux  altérations  des  parois  vasculaires,  suite  de  leur 
nutrition  défectueuse.  11  ne  s'agit  pas  ici  de  troubles  circulatoires 
consécutifs  à  la  faiblesse  des  contractions  cardiaques,  attendu  que 
dans  les  maladies  du  cœur  les  troubles  circulatoires  ne  sont  pas 
accompagnés  d'altérations  analogues  de  la  rétine. 

L'amélioration  de  l'amaurose  occasionnée  par  hémorrhagies  stoma- 
cales s'observe  simultanément  avec  la  résorption  des  foyers  hémor- 
rhagiques  et  la  disparition  des  altérations  rétiniennes  :  les  contours 
de  la  papille  deviennent  plus  accusés,  plus  nets;  le  fond  de  l'œil  enfin 
redevient  normal.  Dans  quelques  cas,  l'affection  de  la  rétine  se  ter- 
mine par  l'atrophie  du  nerf  optique,  ce  qui  serait  d'après  Forster  le 
résultat  de  la  transsudation  séreuse  et  de  la  résorption  des  hémor- 
rhagies de  la  rétine.  Ajoutons  que  même  dans  les  amauroses  très 
prononcées  et  très  anciennes,  la  perception  de  la  lumière  peut  per- 
sister dans  une  partie  du  champ  visuel. 

Nous  reviendrons  plus  tard  sur  la  théorie  des  amauroses  provo- 
quées par  les  hémorrhagies. 

L'hématémèse  n'est  pas  la  seule  affection  de  l'estomac,  qui  pro- 
voque l'amaurose.  Leber,  Himly,  Galezowski  citent  des  cas  d'amau- 
rose  à  la  suite  d'un  simple  embarras  gastrique  et  disparus  à  la  suite 
de  l'administration  d'un  vomitif  ou  d'un  autre  traitement  quelconque 
de  l'embarras  gastrique.  Dans  tous  ces  cas  le  fond  de  l'œil  était 
normal,  excepté  celui  de  Galezowski ,  où  la  papille  était  décolorée. 
Les  recherches  ultérieures  nous  démontreront  peut-être  le  rapport 
qui  existe  entre  l'embarras  gastrique  et  les  troubles  visuels  qu'il 
provoque. 

Il  esL  probable  que  le  cas  d'aumaurose  survenant  après  un  vomisse- 
ment, décrit  par  Van  den  Bergh  appartient  au  même  groupe  :  le 
vomissement  n'était  peut-être  pas  la  cause  de  l'amaurose,  comme  le 
prétend  cet  auteur,  mais  la  conséquence  de  la  cause  qui  avait  pro- 
voqué l'embarras  gastrique.  Quant  aux  vomissements  ils  provoquent 
quelquefois  des  hémorrhagies  de  la  rétine  et  de  la  conjonctive,  causées 
par  une  augmentation  de  la  pression  intra-vasculaire. 

D.  —  MALADIES  DE  L'INTESTIN. 

Les  malades  affaiblis  depuis  longtemps  par  une  longue  diarrhée 
sont  d'après  Foersler  prédisposés  aux  glaucomes  aigu  et  chronique. 


MALADIES   DU    FOIE.  201 

D'autre  part  Wiecherkiewicz  a  observé  un  accès  de  glaucome  aigu, 
survenu  à  la  suite  de  la  constipation.  Il  est  en  effet  certain  que  le 
glaucome  peut  être  provoqué  chez  les  gens  prédisposés  par  des  causes 
différentes  et  même  contraires  :  une  diarrhée  de  longue  durée  affai- 
blit l'organisme  et  la  force  d'impulsion  du  cœur,  d'où  troubles  de  la 
circulation  générale  et  de  celle  de  l'œil  en  particulier,  ce  qui  favorise 
l'augmentation  de  la  transsudation  dans  le  corps  vitré  et  augmente 
consécutivement  la  tension  intra-oculaire.  Une  constipation  prolongée 
provoque  les  mêmes  phénomènes,  grâce  à  la  stase  dans  les  veines  de 
la  tête. 

Chez  les  diarrhéiques  chroniques  la  faiblesse  générale,  celle  des 
muscles  du  corps  et  du  cœur,  d'un  côté,  l'anémie  et  l'hyposlhénie 
nerveuse,  de  l'autre,  provoquent  l'affaiblissement  du  muscle  de  Caccom- 
modalion. 

Ces  phénomènes  généraux  et  oculaires  disparaissent  avec  la 
diarrhée. 

On  a  observé,  chez  les  enfants  atteints  depuis  longtemps  de 
diarrhée,  la  kératomalacie  qui  est  identique  à  l'ophlhalmie  brésilienne 
décrite  par  da  Gama-Lobo  observée  chez  les  enfants  pauvres  et  mal 
soignés  des  esclaves. 

Cette  kératomalacie  n'est  pas  d'ailleurs  seulement  la  conséquence 
de  l'affaiblissement  général,  mais  une  manifestation  locale  d'une  infec- 
tion générale. 

Les  hémorrhagies  intestinales  provoquent  les  mêmes  troubles  que 
ceux  que  nous  avons  décrits  en  parlant  des  hémorrhagies  stomacales 
Samelsohn  a  constaté  l'amaurose  bilatérale  avec  exsudais  de  la 
rétine  survenue  après  des  hémorrhagies  intestinales. 

Les  vers  intestinaux  peuvent  provoquer  :  l'amblyopie,  l'amaurose,  la 
paralysie  des  muscles  oculaires.  On  attribue  généralement  ces  phéno-^ 
mènes  à  l'irritation  réflexe,  produite  par  les  vers.  D'après  des  nou- 
velles recherches,  il  serait  plus  Ijusle  d'envisager  ces  phénomènes 
comme  manifestation  d'hystérie  traumalique  (Borel)  engendrée  par 
l'affection  intestinale.  Les  affections  intestinales,  comme  les  maladies 
utérines,  peuvent  provoquer  l'hystérie  (Hoesslin).  En  effet,  dans 
douze  cas  d'affection  intestinale,  observés  par  cet  auteur,  les  troubles 
visuels  étaient  tout  à  fait  analogues  à  ceux  qui  accompagnent  d'ordi- 
naire l'hystérie. 

E.  —  MALADIES  DU   FOIE. 

L'hypérémie  du  foie,  en  provoquant  la  pléthore  abdominale  et  par 
cela  même  une  stase  veineuse  du  cerveau,  provoque  également  des 
troubles  circulatoires  de  l'organe  de  la  vision.  Les  malades,  ceux  surtout 
que  leur  travail  oblige  à  regarder  de  près,  se  plaignent  de  maux  de 
tôle,  de  vertiges,  de  douleurs  frontales  et  orbitaires,  tous  phénomènes 


202       .  PARTIE  SPÉCIALE. 

causés  par  la  faiblesse  du  muscle  de  l accommodation .  L'amplilude  de  l'ac- 
commodation, qui  à  l'Age  de  quarante  ans  est  de  3  à  5  D,  tombe  dans  ces 
casa  2  D  (Foerster).  Les  malades  sont  donc  obligés  de  se  servir  de  lu- 
nettes. Une  fois  l'byperémie  du  foie  guérie  (par  les  purgatifs  et  les 
alcalins)  les  troubles  oculaires  disparaissent. 

Forster  a  également  constaté  dans  des  cas  d'hypérémie  du  foie, 
la-présence  dans  les  parties  équatoriales  du  cristallin  d'opacités  se  dé- 
veloppant vers  l'âge  de  quarante  ans. 

Le  traitement  alcalin  (Carlsbad,  Vichy,  Marienbad)  peut  arrêter 
leur  marche  progressive,  comme  le  démontrent  des  observations  de 
Forster,  qui  cite  plusieurs  cas  où  les  opacités  cristaliniennes,  grâce  à  ce 
traitement,  sont  restées  stationnaires  pendant  dix  à  quinze  ans.  Mais  il 
est  impossible  d'admettre  la  marche  régressive  de  ces  opacités  cristal- 
liniennes  que  quelques  médecins  de  Carlsbad  prétendent  avoir  observée 
à  la  suite  du  traitement  alcalin  (Seegcn,  Hlawatschek).  Ce  dernier  au- 
teur cite  trois  cas  de  ce  genre  dans  son  ouvrage  sur  Carlsbad  (édition 
de  1876).  Autre  chose  est  l'amélioration  de  la  vue  après  un  traitement 
alcalin.  Cette  amélioration  s'explique  par  l'amélioration  de  l'état 
général. 

Nous  parlerons  plus  tard  des  troubles  oculaires  qui  accompagnent 
l'ictère  (xanthopsie)  à  propos  des  auto-intoxications. 

Le  xanlhelasme  paipébral  apparait  sous  forme  de  taches  ou  de 
nodules;  il  est  bilatéral  ou  unilatéral  (rarement),  plus  souvent  au  voi- 
sinage de  l'angle  interne  que  de  l'angle  externe  de  l'œil.  Celte  affec- 
tion dépend-elle  de  l'état  du  foie  ou  bien  de  l'ictère?  C'est  ce  qui 
n'estpas  encore  résolu.  Sur  vingt-sept  cas  réunis  par  Hebra,  l'ictère  n'a 
été  constaté  que  quinze  fois.  Il  peut  encore  arriver  que  le  xanthelasme 
soit  très  prononcé,  l'état  du  foie  étant  tout  à  fait  normal,  comme  par 
exemple  dans  l'observation  de  Chauffard  présenté  à  la  Société  médi- 
cale des  hôpitaux  de  Paris. 

Landolta  vu  deux  fois  la  cirrhose  hépatique  accompagnée  de  relinile 
pigmentaire.  D'après  cet  auteur  les  altérations  anatomo-pathologiques 
dans  les  deux  affections  :  cirrhose  du  foie  et  rétinite  pigmentaire,  se- 
raient analogues.  Dans  la  rétinite  pigmentaire  il  s'agit  d'une  hypertro- 
phie des  fibres  de  soutènement  delà  rétine  et  surtout  de  celles  qui  en- 
tourent les  vaisseaux  ;  leurs  parois  sont  épaissies  (d'où  rétrécissement 
de  leur  calibre);  bientôt  survient  une  raréfaction  du  tissu  nerveux  et 
alors  la  rétine  se  présente  à  l'examen  ophthalmoscopique  sous  l'aspect 
caractéristique  de  l'hyperplasie  pigmentaire.  A  l'examen  analomique 
la  rétine  est  atrophiée,  on  constate  la  prolifération  du  tissu  interstitiel 
du  nerf  optique,  sa  gaine  interne  est  épaissie. 

Le  processus  de  l'hypertrophie  du  foie  est  en  tous  points  analogue 
au  processus  ci-dessus  décrit.  On  observe  également  des  altérations  du 
même  genre  dans  le  tissu  interstitiel  des  reins  avec  un  développement 


MALADIES    DU    PANC.lt RAS.  -  203 

anormal  de  pigment.  Il  est  invraisemblable,  que  des  altérations  sem- 
blables se  reproduisent  simultanément  dans  des  organes  si  différents 
par  simple  hasard.  Il  est  plus  juste  de  supposer  qu'il  existe  une  cause 
commune.  Dans  un  autre  cas  de  Landoltla  rate  présentait  les  mêmes 
altérations  que  le  foie  et  la  rétine. 

L'opinion  de  Landolt  sur  l'analogie  entre  les  processus  rétinien  et 
les  processus  hépatiques  se  trouve  confirmée  par  Litten  qui  a  eu  l'oc- 
casion d'observer  une  rétinite  pigmentaire  à  développement  aigu  à  la 
suite  d'une  cirrhose  hypertrophique  du  foie.  Cet  auteur  admet  aussi 
que  VAéméralopîe  sans  rétinite  pigmentaire  survenant  dans  des  cas 
graves  de  cirrhose  du  foie  serait  due  à  une  cause  analogue.  En  tous  cas 
l'héméralopie  ne  dépend  pas  du  tout  de  l'ictère  (1),  comme  le  croient 
plusieurs  auteurs  :  elle  manque  en  effet  dans  l'ictère  aigu  très  pro- 
noncé et  au  contraire  elle  est  fréquemment  observée  dans  la  cirrhose 
atrophique  du  foie  où  le  teint  ictérique  est  à  peine  appréciable. 

En  tous  cas  il  serait  à  souhaiter  que  les  recherches  sur  l'étendue 
du  champ  visuel  et  Facilité  de  la  vision  des  cirrhotiques  soient  entre- 
prises sur  une  plus  grande  échelle. 

Comme  le  glaucome  peut  être  provoqué  par  les  causes  les  plus 
diverses,  on  a  tenté  d'incriminer  aussi  les  affections  hépatiques.  Ce  qui 
est  certain,  c'est  que  chez  les  prédisposés  elles  peuvent  en  effet  pro- 
voquer un  accès  aigu.  Ainsi  dans  un  cas  de  Forster,  le  glaucome  était 
provoqué  par  un  accès  grave  de  péri-hépatite. 

F.  —  MALADIES  DU  PANCRÉAS. 

Il  y  a-t-il  des  complications  oculaires  qui  appartiennent  en  propre 
aux  maladies  du  pancréas?  C'est  ce  qui  est  encore  incertain.  Il  faut, 
cependant  se  rappeler  que  les  affections  du  pancréas,  comme,  par 
exemple,  la  sclérose,  l'atrophie,  les  calculs,  provoquent  une  forme  par- 
ticulière de  diabète  sucré  analogue  à  celle  qu'on  provoque  artificielle- 
ment chez  les  animaux,  en  extirpant  préalablement  le  pancréas,  et 
appartenant  au  groupe  des  diabètes  maigres  ou  diabètes  consomptil's 
(Lemoine  et  Lannois),  au  cours  desquels  les  complications  oculaires 
ne  sont  pas  rares. 

BIBLIOGRAPHIE. 

Affections  des  dents.  —  Redard,  Soc.  franc,  d'ophlhalni.,  1SS6,  22  mai.  —  C reniera»,  Klin.  Monatsli). 
f.  Augenlioilk.,  1886,  Aug.  —  Brunschwig,  Rev.  d'ophthalm. ,  1886.  —  Zicm,  Àllgem.  med.  Central- 
leitung,  1887,  nos  48-4!).  —  Galezoïoski,  Progrès  médical,  1888,  n°  29.  —  Wieherkiewicr.,  Now. 
Lekarskie,  1890,  n"  6-7  (polonais).  —  Forriter,  lo?.  cit.,  p,  71.  —  Jaeobsnn,  loc.  cit.,  p.  87.  — 
Courtaix,  Recherches  cliniques  sur  les  relations  pathologiques  entre  l'œil  et  les  dents.  Thèse  «le 
Paris,   1891. 

Affections  du  pharynx.  —  Jacobson,  loc.  cit.,  p.  86.  —  Ziem,  Ueber  die  Abhàngigkeit  einiger  Augen- 
leiden  von  Rachenkrankheiten,  AUgem.  Med.  Centralzeitung,  1886. 

(1)  Cependant  un  auteur  récent,  Hennig,  prétend  avoir  observé  un  cas  d'hémé- 
ralopie  due  à  la  présence  d'un  ictère  causé  par  une  affection  gastro-intestinale. 


204  PARTIE   SPÉCIALE. 

Trouw.f.s  oculaires  dans  les  ualadies  de  l'estomac.  —  De  Graefe,  Arch.  f.  Ophthalmologie,  VII,  2,  p.  143. 

—  Ibidem,  VIII,  1,  p.  209.  —  Jacobs,  Berlin,  klin.  Wochenschr.,  1868,  p.  39.  —  Van  den  Bergh,  Cli- 

iiii|in>  française,  1889,  23  avril.  —  Foersler,  loc.  cit.,  p.  73. 
Troubles  oculaires  dans  les  maladifs  du  tube  digestif.  —  Foerster,  loc.  cit.,  p.  7i,  225.  —  Jacob-ion, 

loc.  cit..  p.  SG.  —  /?.  v.  ffoesslin,  Miinchn.  Hed.  Wochenschr.,  i 889,  n"  6.  —  Wicherkiewicz,  Now. 

Lekarskie,  1890,  n"  '<-'■ 
Troubles  oculaires  dans  ifs  maladies  du  foie.  —  Landolt.  Graefe's  Archiv,  XVIII,  1,  p.  325. —  Litten, 

Arch.  f.  klin.  Med.,  V.  —  Foerster,  loc.  cit.,  p.  7i,  77.  —  Jaeobson,  loc.  cit.,  p.  2f>. —  Chauffard,  Soc. 

méd.  des  hôp.,  Il  octobre  1889. 


VI.  —  TROUBLES  OCULAIRES  DANS  LES  AFFECTIONS 
DES  ORGANES  RESPIRATOIRES. 

A  la  suite  d'affections  catarrhales  graves  de  la  muqueuse  respira- 
toire, on  a  souvent  constaté  l'apparition  de  Yherpès  de  la  cornée. 
L'herpès  cornéen  est  caractérisé  par  des  vésicules  remplies  d'un 
liquide  limpide  ou  légèrement  troublé;  il  apparaît  immédiate- 
ment après  l'acmé  de  la  fièvre,  simultanément  avec  l'herpès  labial  et 
nasal  et  est  accompagné  de  douleurs  vives,  de  larmoiement  et 
d'une  légère  injection  péri-cornéenne.  Les  vésicules  se  rompent  et  à 
leur  place  il  se  forme  des  ulcérations,  sur  le  bord  desquelles  on  aper- 
çoit des  lambeaux  d'épithélium.  L'examen  soigneux  de  telles  ulcéra- 
tions fait  facilement  reconnaître  leur  nature  herpétique.  Dans  plusieurs 
endroits  la  perte  de  substance  est  plus  considérable,  là  précisément 
où  les  ulcérations  sont  confluentes.  La  cornée  est  ancsthésiée  dans 
ses  parties  affectées.  La  tension  intra-oculaire  est  quelquefois  sensi- 
blement abaissée.  Les  paupières  et  le  front  restent  intacts,  ce  qui  dis- 
tingue cette  affection  de  l'herpès  zosler  ;  sa  durée  est  de  un  à  un  mois  et 
demi;  elle  est  unilatérale, à  l'exception  d'un  cas  rapporté  par  Horner. 

A  \asmle d'une  toux  violente  (coqueluche,  affection  chronique  des  voies 
respiratoires)  on  voit  apparaître  des  hémorrhagics  dans  le  (issu  sous- 
cutané  des  paupières  ci  des  conjonctives,  tout  comme  dans  les  troubles 
de  la  petite  circulation,  et  dans  la  grande  majorité  des  cas,  les  épan- 
chemenlssanguinssont  peu  étendus,  de  la  grosseur  d'une  tète  d'épingle 
et  situés  par  groupes;  ces  foyers  d'hémorrhagies  sont  superficiels,  sous- 
épithéliaux  et  formés  par  la  rupture  des  capillaires,  qui  se  trouvent 
sur  le  sommet  des  papilles  du  derme.  Dans  quelques  cas  au  con- 
traire l'hémorrhagie  est  si  considérable,  que  les  paupières  en  pré- 
sentent une  coloration  bleuâtre. 

Ces  foyers  d'hémorrhagie  apparaissent  dans  les  morts  par  asphyxie, 
pendaison  et  étranglement;  on  connaît  leur  importance  au  point  de 
vue  de  la  médecine  légale.  Ils  apparaissent,  comme  cela  résulte  d'expé- 
riences faites  sur  les  animaux,  dans  la  période  convulsive  de  l'asphyxie 
et  sont  consécutifs  à  l'augmentation  de   la  tension  intra-vasculaire. 

Les    troubles  de  la  petite  circulation    provoquent  également  des 


TROUBLES  OCULAIRES   DES  ORGANES   RESPIRATOIRES.  205 

hémorrhagies  rétiniennes  :  ainsi  dans  l'emphysème  pulmonaire,  l'em- 
bolie de  Tarière  pulmonaire,  la  cyanose  consécutive  aux  troubles  respi- 
ratoires, on  a  constaté  la  formation  simultanée  de  foyers  hémorrha- 
giques  dan*  la  rétine  et  dans  la  conjonctive.  Cela  s'observe  surtout 
dans  les  cas  où  la  mort  a  été  précédée  de  symptômes  de  suffo- 
cation. 

Chez  les  nouveau-né?  cyanoses  on  observe  des  foyers  hémorrha- 
giques  dan-  la  partie  postérieure  de  la  rétine,  provoqués  par  la 
difficulté  de  la  respiration  et  probablement  aussi  par  la  compression 
de  la  tète  pendant  le  travail.  La  difficulté  de  circulation  du  sang  veineux 
dans  les  maladies  chroniques  du  poumon  (emphysème  par  exemple) 
se  traduit  par  la  stase  veineuse  dans  les  veines  de  la  rétine,  appré- 
ciable à  l'ophlhalmoscope.  Ainsi  chez  les  emphysémateux  la  dilata- 
lion  des  veines  rétiniennes  est  assez  fréquente.  On  a  également  cons- 
taté quelquefois  chez  des  emphysémateux  la  thrombose  de  la  veine  cen- 
trale de  la  rétine.  Dans  ce  cas  la  thrombose  a  été  considérée  comme  de 
nature  marastique.  Cependant  il  est  plus  vraisemblable  d'admettre 
que  dans  de  tels  cas  les  parois  vasculaires  de  la  rétine  étaient  atteintes 
de  la  dégénérescence  athéromateuse.  En  présence  de  celte  dernière, 
la  circulation  défectueuse  des  veines  que  produit  l'emphysème  peut 
favoriser  le  développement  de  la  thrombose. 

On  n'a  pas  encore  une  bonne  explication  du  développement  delà 
thrombose  après  la  thoracocentèse.  Voici  l'observation  communiquée 
par  Handford  à  la  Clinical  Society  de  Londres  où  il  s'agissait  de  throm- 
bose qui  a  amené  le  ramollissement  du  centre  cortical  de  la  vision 
ainsi  que  d'autres  parties  du  cerveau  : 

Mme  H.,  âgée  de  dix-huit  ans,  mariée  à  l'âge  de  seize  ans.  Un  mois 
après  avoir  subi  une  thoraccoentèse,  elle  éprouve  subitement  des  dou- 
leurs légères  dans  l'œil  droit.  Le  lendemain  l'acuité  visuelle  de  l'œil 
est  considérablement  abaissée  et  on  constate  à  l'ophthalmoscope  une 
névro-rétinite  peu  prononcée.  Trois  semaines  après  la  malade  a  com- 
plètement perdu  la  vue  du  côté  droit.  La  pupille  droite  est  considé- 
rablement dilatée  et  insensible  à  la  lumière.  Les  contours  de  la  papille 
peu  accusés,  les  vaisseaux  de  la  rétine  entourés  de  lignes  blanches, 
la  macula  normale.  L'autre  partie  de  la  rétine  est  d'une  couleur  blan- 
châtre. Bientôt  l'œil  gauche  est  pris  de  son  côté  :  il  s'y  développe  en 
peu  de  temps  une  amaurose.  Quelque  temps  après  la  malade  est  at- 
teinte d'hémiplégie  et  succombe. 

A  l'autopsie  on  constate  le  ramollissement  des  circonvolutions  céré- 
brales :  occipitale,  angularis,  supra-marginale,  temporo-sphénoï- 
dale  et  d'une  grande  partie  du  lobe  frontal.  Pas  d'abcès  dans  au- 
cuneparlie  du  corps,  aucune  altération  du  cœur  pouvant  expliquer  le 
développement  d'embolie.  Handford  admet  qu'une  blessure  des  côtes 
pendant  la  thoracocentèse  serait  la  cause  de  l'embolie  des  vaisseaux  du 


206  PARTIE   SPÉCIALE. 

cerveau.  Mais  on  peut  aussi  bien  admettre  qu'une  branche  de  l'artère 
pulmonaire  ait  été  lésée  pendant  l'opération,  d'où  l'embolie,  qui,  du 
ventricule  gauche,  a  pénétré  dans  les  vaisseaux  du  cerveau. 

ItIBI.IOGnAl'IlIE. 

Fl'iviur,  Klin.  Monatsbl.  f.  Augcnhcilk.,  1871,  p.  321.  —  Foerster,  loc.  cit.,  p.  63.  —  Jacobson,  loc.  cit., 
p.  Is.  —  f].  Handford,  Clinical  Society  of  London,  1888,  26  octoluv. 


VIL  —  TROUBLES  OCULAIRES  DANS  LES  MALADIES 
DES  ORGANES  DELA  CIRCULATION 

A.  —  MALADIES  DU  CŒUR. 

Grâce  à  la  transparence  des  tissus  de  la  rétine,  il  est  possible  d'ob- 
server à  l'aide  del'ophtbalmoscope  le  sang  circulant  dans  les  vaisseaux 
de  la  rétine,  ce  qui,  entre  parenthèse,  est  impossible  dans  tout  autre 
partie  du  corps.  La  colonne  sanguine  artérielle  parait  d'une  coloration 
rouge  clair  et  le  reflet  qui  se  produit  sur  la  convexité  du  cylindre 
représenté  par  le  sang  contenu  dans  les  vaisseaux  est  très  nette.  La 
colonne  sanguine  des  veines  est  plus  large,  leur  sang  plus  foncé  et  le 
reflet  plus  large  mais  moins  net. 

L'existence  du  reflet  central  des  vaisseaux  rétiniens  s'explique  de 
la  manière  suivante  :  les  rayons  lumineux  qui  entrent  dans  l'œil  de 
face  tombent  verticalement  sur  les  cylindres  sanguins  et  d'ici  se  ré- 
fléchissent de  la  même  façon  pour  entrer  dans  l'œil  de  l'examinateur. 
Les  rayons  lumineux  entrant  dans  l'œil  obliquement  tombent  sur  les 
cylindres  sanguins  dans  les  parties  latérales,  se  réfléchissent  latéra- 
lementct  par  conséquent  n'arrivent  pasdansl'œil  de  l'examinateur.  A 
l'état  normal  les  parois  des  vaisseaux  rétiniens  ne  se  distinguant  en 
rien  de  la  rétine,  car  ils  ont  le  même  indice  de  réfraction,  ne  sont  pas 
visibles.  Au  contraire  elles  peuvent  èlre  visibles  dans  les  altérations 
pathologiques.  Les  parois  vasculaires  sont  également  visibles  à  l'état 
normal,  si  la  papille  est  d'une  coloration  rouge.  Cependant  dans 
ce  dernier  cas  le  reflet  central  est  très  net.  Mais  si  à  l'ophlhalmo- 
scope  les  parois  des  vaisseaux  rétiniens  sont  bien  nettes,  bien  vi- 
sibles, et  leur  reflet  central  au  contraire  à  peine  visible,  ou  manque 
tout  à  lait,  on  peut  alors  conclure  à  l'altération  pathologique  des 
parois  vasculaires. 

cvst  l'examen  de  l'image  droite  auquel  il  faut  procéder  pour  se  rendre  bien 
compte  des  phénomènes  eu  question.  Cet  examen  nous  donne  en  effet  l'imago  du 
fuiid  de  l'u'ii,  grandie  20,  30  et  même  w  fois,  tandis  que  l'image  renversée  n'est 
que  2à  h  foi-  plus  gran  le  que"  nature.  Mais  pour  bien  voir  l'iiBagç  droite  il  faut 
tuut  d'abord  que  l'œil  de  l'examinateur  seil  corrigé.  IVott  la  nécessite  de  l'oplitlial- 


MALADIES    DU    CŒUR. 


207 


nioscope  à  réfraction.  On  comprend  que,  puisqu'il  faut  un  grand  nombre  de  verres 
correcteurs,  on  les  dispose  tous  sur  deux  disques  dits  de  Rekoss),  qu'il  faut  chan- 
ger suivant  le  besoin  de  verres  correcteurs;  ou  bien  deux  disques  de  Rekoss  sont 
placés  l'un  en  arrière  de  l'autre,  et  le  déplacement  des  verres  correcteurs  se  fait 
par  une  simple  combinaison  de  différents  serres. 

Toutes  les  manipulations,  changement  de  disques,  changement  de  verres  cor- 
recteurs rendent  l'examen  opbthalmoscopique  très  difficile  et  fatiguant  sur- 
tout pour  les  débutants.  Four  y  remédier,  nous  avons  inventé  un  ophtbalmoscope 
où,  grâce  à  un  mécanisme  spécial,  la  correction  s'obtient  automatiquement  pour 
ainsi  dire. 


Xja  j 


Xsu 


Fig.  19.  —  Oplithalmoscope  à  réfraction  de  E.  Berger. 

Cet  ophthalmoscope  possède  deux  disques  de  Rekoss  à  deux  axes  de  rotation  dif- 
férentes : 

Le  disque  inférieur  qui  se  trouve  derrière  le  disque  supérieur,  contient  les  verres 
correcteurs  suivants    l):0  +  lD  +  2D  +  3D-J--iD,  — 4D  — 3D-2D— 1D. 

te  disque  supérieur  :  0  +  9D  +  I8D  +  27D  +  1/2D;0  -27D  —  18  D  —  9D.  Le  bord  du 
disque  supérieur,  dans  sa  portie  correspondante  au -|-27  D  jusqu'à  —  27 D  est  fine- 
ment dentelé  ;  la  partie  correspondante  aux  verres  ((jusqu'à  +  1/2D  est  au  contraire 
lisse.  La  limite  de  la  partie  dentelée  est  formée  par  une  ligne  passant  par  les  centres 
des  verres  +  27  et  —  27. 


(1    D=  dioptrie  =  lentille  métrique  tdistance  focale  de  I   m   tre 


208  PARTIE  SPÉCIALE. 

Sur  la  face  antérieure  du  disque  inférieur  est  placée  une  roue  dentelée  entre  les 
verres  +  4D  et  —4  1).  Sur  la  figure  1  sa  place  est  marquée  par  une  ligne  poin- 
tillée  [z,s,  h).  La  figure  2  présente  sa  coupe  transversale.  La  circonférence  de  cette 
roue  a  la  même  longueur  et  le  même  nombre  de  dents  qui;  la  partie  dentelée  de  la 
circonférence  du  disque  supérieur,  comprise  entre  les  deux  rayons  passant  parles 
centres  des  deux  verres  voisins. 

L'examen  ophthalmoscopique  commence  de  la  manière  suivante  :  On  fait  corres- 
pondre les  deux  disques  par  leur  0.  En  tournant  ensuite  le  disque  inférieur  de 
droite  à  gauche  on  voit  apparaître  successivement  les  verres  +  l  +  2  +  3  +  4D;en 
tournant  toujours  dans  la  même  direction  les  dents  du  disque  inférieur  s'engrè- 
nent dans  celles  du  disqne  supérieur  et  ainsi  apparaissent  :  le  verre  +9  1)  (du 
disque  supérieur)  accompagné  de — 41)  (du  disque  inférieur)  =  +  5D;  tournant 
toujours  dans  la  même  direction  +  91)  du  disque  supérieur  reste  stationuaire.  Sur 
le  disque  inférieur  au  contraire  on  voit  apparaître  successivement  les  différents 
verres  qui   forment   avec    +  9   les   combinaisons  suivantes  :    — 3l)  +  9D  =  +  GD; 

—  2D  +  9D=  +  7D;  —  1D4-9D  =  +  8D;  +  0  +  9D  =  +  9D;  +  1  D  +9D  =  +  10D; 
+  2D+9D  =  +  llD;+3D  +  9D  =  +12D;  +  4D  +  9D  =  +I31>.  La  roue  dentelée 
du  disque  inférieur  fait  ensuite  apparaître  le  +  18D  du  disque  supérieur,  accom- 
pagné du  —4  1)  du  disque  inférieur.  D'où  les  combinaisons  suivantes  avec  les  verres 
du  disque  inférieur  :  +  18  I)  —  4  1)  =  +  14  D  ;  +  18D  —  3D  =  +  l.ïD;  +  18D  —  2  =  4- 
1GD;  +  18D  —  1D  =  + 17 D;  +  J8D+0=  +  18D;  +  18D  +  1D=+19D;  +  18D  + 
2D=+20D;  +  18D  +  3D  =  +  2i  D;   4  18D +4  D  = +  22  D.    En   même   temps    que 

—  4D  du  disque  inférieur  apparaît  le  +  27D  du  disque  supérieur  et  on  obtient  alors 
les   combinaisons    suivantes    :    27D  — 4D=+23D;    +27D  —  3  1)  =4-24  D;   +  27D 

—  2D=  f  25 D;  4-  27  D—  1  D  =  4-  2(iD  ;  +  27  D  —  0  =  +  27  D;  +27  D  +  1  D=  +  28D; 
+  27  D4-2D  =  +  291);  +  J7  D  +  3  D  =  +  30D  ;  4- 27  D  +  4  D  =  +  31  D.  Finalement 
les  deux  disques  reviennent  au  point  de  départ  :  ils  se  correspondent  par  leurs  0. 

Si  on  tourne  maintenant  de  gauche  à  droite  (I)  on  aura  les  combinaisons  sui- 
vantes :  1D  —  2D  —  3D-4  1);  —  9D  +  4D  =  +  aD;  —  9D  +  3D  =  +  «D;  —  9  D  -t- 
2D=  —  7D;;)D  +  1D  =  —  8D;  —  91)  +  0=-9D;  —  9D  —  |D  =  -  10  D;  —  9D-2D  = 

—  11D;—  9D—  3D=  —  12D;  —  9D  —  4D=—  13D;  —  18D  +  4I)=-—  141);  —  18D 
4-3D=—  lâD;  —  !8D  +  2D  =  — 1GD;  —  18D  +  1 1)  =  —  17  L)  ;   I-8D  +  0  =  —  lsI); 

—  18D  —  iD  =  —  19D;—  18  D- 2  =  - :1D  ;  —  18  D  —  3D  =  —  21  D;  —  1 8  D  —  4  D  = 
-22  D;  271) +  4  1)  =  —  23  D;  —  27D  +  3D  =  —  24  D;  27D  +  2D  =  —  25  D  ;  —  27D  + 
1D  =  — ïGD;  — 27D  +  0  =  — 27  D;  —  27 1)  —  1  =  —  28  D;  —  27  D  —  2D  =  —  29  D;  - 
27  D  —  3  =  -30D;  —  27  D—  4D  =  —  31  D. 

Avec  le  +I/2D  du  disque  supérieur  on  obtient  les  combinaisons  suivantes: 
+  1/2  D+l  I/2D  +  2  1/2  D  +  3  1/2D  +  41/2D;  —  1/2  D—  1  1/2  D— 2  I/2D  —  31/2D. 

En  somme,  à  l'aide  de  15  verres  correcteurs  on  obtient  71  combinaisons. 

J'ai  ajouté  à  l'ophthalmoscope,  pour  l'éclairage,  un  miroir  concave,  centré  hétéro- 
centriquement  les  deux  rayons  de  courbure  out  le  même  axe,  mais  leur  distance 
locale  est  différente  ,  dont  le  foyer  est  de  7  "et  un  autre  miroir  plan  poli.  Pour  l'éclairage 
oblique  et  pour  l'examen  de  l'image  renversée  on  y  ajoute  une  lentille  de  8  D  et 
une  de  12  I).  Leur  diamètre  est  moins  grand  que  celui  qu'on  emploie  d'habitude, 
afin  qu'elles  puissent  servir  pour  l'examen  de  limage  droite  (suivant  la  méthode 
de  Coccius).  Elles  sont  dans  ce  but  montées  dans  une  monture  qui,  a  l'aide  d'un 
manche,  s'applique  latéralement  à  l'ophthalmoscope. 

Revenons  maintenant  aux  complications  oculaires  au  cours  des 
maladies  du  cœur  et  décrivons  d'abord  l'image  ophthalmoscopique 
des  vaisseaux  rétiniens. 

D'après  Edouard  de  Jaeger  la  couleur  du  sang  artériel  et  du  sang 
veineux  dans  la  rétine  peut  être  très  variable.  Si  la  couleur  du  sang- 
veineux  est  voisine  de  celle  du  sang  artériel,  il   faudra  en  conclure 

(l)  La  règle  pour  l'emploi  de  mon  opbtbalmoscope  est  très  simple  :  de  droite  à 
gauche  verres  convexi  s;  de  gauche  a  droite,  verres  concaves. 


MALADIES  DU   CŒUR.  209 

de  la  désoxydation  du  sang  veineux,  ou,  ce  qui  revient  au  même,  au 
ralentissement  dans  l'assimilation  et  la  désassimilation  qui  se  produit 
dans  les  tissus.  Les  recherches  nouvelles  cependant  nous  enseignent  à 
être  prudents  dans  de  telles  conclusions.  On  ne  peut  pas  toujours,  comme 
le  pensait  Jaeger,  conclure  delà  couleur  pâle  du  sang  artériel  à  la  dimi- 
nution de  l'hémoglobine,  dont  la  quantité  du  reste  est  facile  à  déter- 
miner (chniquement)  à  l'aide  de  l'hématoscope  et  de  l'hémomètre. 

Les  artères  rétiniennes,  à  l'état  normal,  ne  présentent  pas  de  pulsa- 
tions. Les  veines  au  contraire  montrent  une  pulsation  légère  bien 
appréciable.  On  comprend  que  ce  phénomène  n'est  pas  dû  à  ce  que 
les  artères  ne  changent  pas  de  calibre  pendant  la  systole,  mais  à  ce 
qu'à  l'état  normal  ces  contractions  ne  sont  pas  assez  fortes  pour  se  tra- 
duire en  pulsations  appréciables.  Les  pulsations  veineuses  à  l'état  nor- 
mal sont  visibles  à  l'ophthalmoscope  dans  les  ramifications  principales 
de  la  veine  centrale  de  la  rétine;  ce  phénomène  est  surtout  très  net 
dans  les  parties  de  la  papille  optique  où  les  veines  rétiniennes  recou- 
vrent le  rebord  d'une  excavation  congénitale  de  la  papille  optique. 

Donders  explique  les  pulsations  des  veines  rétiniennes  de  la  ma- 
nière suivante  :  dans  la  systole  cardiaque  le  sang  pénètre  dans  les 
artères  ;  la  pression  intra-artérielle  augmente,  d'où  augmentation  de 
la  pression  dans  le  corps  vitré  et  compression  plus  forte  des  veines 
rétiniennes.    La  tension   intra-veineuse  est   d'autant  moins  grande, 
•  n  s'éloigne  davantage  des  capillaires;  d'où  les  variations  du  ca- 
des  branches  principales  de  la  veine  centrale  de  la  rétine  sont 
le  plus  sujettes  à  la  variation  de  la  tension  intra-oculaire.  Pendant  la 
systole  la  tension  du  corps  vitré  est  plus  forte  que  celle  des  veines 
rétiniennes,  d'où  le  rétrécissement  de  leur  calibre;  pendant  la  diastole 
la  tension  intra-artérielle  et  par  conséquent  aussi  la  tension  intra- 
oculaire  diminuent,  d'où  la  dilatation  de  la  colonne  sanguine  veineuse, 
variations  du  calibre  de   la  veine  centrale  constituent  ce  qu'on 
elle  le  pouls  veineux  de  la  rétine. 
"'  rès  souvent  le  pouls  veineux  est  cependant  imperceptible  ;  ce  qui 
sei  ait  dû  d'après  Schmell  à  ce  fait  que  les  variations  de  la  pression 
intra-oculaire  pendant  la  pulsation  artérielle  s'équilibrent  grâce  à  la 
compression  simultanée  des  veines  vortiqueuses  de  Stenon.  Dans  ces 
cas  on  peut  provoquer  les  pulsations  veineuses  dans  la  rétine  par  une 
re  pression  digitale  sur  l'œil  (Coccius),  et  cette  pulsation  sera 
d'autant  plus  visible,  que  la  pression  est  plus  forte  ;  dans  ce  dernier 
on  voit  apparaître  en  même  temps  de  légères   pulsations  arté- 
k  rielles  dans  la  rétine. 

Voici  comment  on  peut  expliquer  l'absence  du  pouls  veineux  delà 
Rréline  :  la  diminution  de  la  tension  intra-vasculaire  amenée  par  la  com- 
ssion  produit  la  diminution  de  la  tension  intra-oculaire.  Le  pouls  vei- 
neux est  l'expression  pour  ainsi  dire  de  la  différence  de  la  tension  du 

H 


210  PARTIE  SPÉCIALE. 

globe  oculaire  et  de  celle  des  vaisseaux.  Il  n'est  donc  pas  nécessaire 
d'invoquer  une  paralysie  des  vaisseaux,  pour  expliquer  ce  phénomène, 
comme  le  l'ait  Van  Schulten. 

Nous  voyons  ainsi  une  série  de  phénomènes  qui  se  produisent 
dans  les  vaisseaux  centraux  de  la  rétine.  Les  altérations  des  phéno- 
mènes circulatoires  de  ces  vaisseaux  sont  d'une  grande  importance, 
parce  qu'elles  permettent  fréquemment  de  conclure  à  l'existence  des 
troubles  circulatoires  en  général. 

On  voit  donc  de  quelle  importance  fondamentale  est  l'examen 
ophthalmoscopique  pour  le  diagnostic  des  affections  du  système  cir- 
culatoire. 

Chez  plusieurs  malades  la  faiblesse  des  contractions  cardiaques  a 
provoqué  la  cécité  bilatérale  et,  à  l'oplithalmoscope, la  papille  est  pâle, 
les  vaisseaux  extrêmement  rétrécis,  phénomènes  désignés  par  de 
Graefe  sous  le  nom  d'ischémie  de  la  rétine,  observée  par  lui  pour  la 
première  fois  chez  un  enfant  de  cinq  ans  et  demi,  paraissant  très  bien 
portant.  Plus  tard  Knapp  a  observé  la  môme  affection  compliquée 
de  cécité  chez  un  enfant  de  trois  ans  et  demi  à  la  suite  de  la  coque- 
luche. 

L'amaurose  à  développement  brusque  à  la  suite  de  pertes  sanguines 
doit  être  également  attribuée  à  la  faiblesse  des  contractions  cardiaques. 
L'amaurose  au  contraire,  qui  apparaît  quelque  temps  après  la  perte 
sanguine,  est  due  évidemment  à  une  cause  différente. 

Nous  avons  eu  l'occasion  d'observer  un  malade  atteint  de  la  fièvre 
typhoïde;  après  une  hémorrhagie  intestinale  extrêmement  abondante 
survenant  la  veille  de  la  mort,  le  malade  se  plaignait  de  ne  plus  voir 
clair.  Le  pouls  était  filiforme  et  fréquent.  Après  une  injection  d'éthe$ 
l'acuité  visuelle  se  rétablit  en  même  temps  que  le  pouls  prenait  u 
force  plus  grande. 

L'ischémie  de  la  rétine  est  en  effet  la  cause  de  l'amaurose  ;  les  obs  r 
vations  de  Graefe  et  Knapp  le  démontrent  ;  à  la  suite  de  l'iridectomie  fa 
dans  le  premier  cas  et  de  la  ponction  de  la  chambre  antérieure  fa  I 
dans  l'autre  (Knapp),  les  vaisseaux  redevinrent  plus  pleins,  plus  accu 
et  la  vision  meilleure.  Ces  deux  opérations  avaient  eu  pour  but  l'ai»; 
sèment  de  la  tension  intra-oculaire;  elle  se  produisit  en  effet  et  le  s. 
put  pénétrer  plus  facilement  dans  les  vaisseaux  rétiniens. 

On  a  observé  cependant  des  cas  de  rétrécissement  considérable 
calibre  des  vaisseaux  rétiniens  sans  troubles  visuels  (par  exeni| 
dans  la  période  algide  du  choléra).  La  rétine  et  le  nerf  optique  peu-a 
vent  on  effet   supporter   impunément   l'ischémie  jusqu'à  un  certaiu 
degré  au-delà  duquel  leurs  fonctions  cessent  tout  d'un  coup.  C'est  a 
qu'on  observe  une  cécité  brusque  à  la  suite  del'ischémie  des  vaisseaux 
rétiniens  causée  par  [a  névrite  rétro-bulbaire.  Parfois  l'amaurose 
provoquée  par  plusieurs  causes  à  la  fois  :   l'amaurose  brusque  q 


MALADIES   DU   CŒUR.  :2il 

observe  quelquefois  à  la  suite  d'une  maladie  infectieuse  est  probable- 
ment due  non  seulement  à  la  faiblesse  des  contractions  cardiaques, 
mais  aussi  ù.  l'action  toxique  des  produits  microbiens. 

L'augmentation  de  la  force  des  contractions  cardiaques,  et  surtout 
L'hypertrophie  du  ventricule  gauche  peuvent,  en  présence  de  dégéné- 
rescence athéromateuse,être  funestes  pour  l'œil,  en  y  provoquant  des 
hémorrhagies. 

Dans  le  cœur  adipeux  on  trouve  quelquefois  à  la  périphérie  de  la 
cornée  des  dépôts  de  granulations  graisseuses.  L'aspect  de  la  cornée, 
au  point  de  vue  clinique,  rappelle  tout  à  fait  le  cercle  sénile  des  vieil- 
lards (gérontoxon). 

Dans  la  dégénérescence  graisseuse  du  muscle  cardiaque,  comme  du 
reste  dans  quelques  autres  maladies  (méningites  par  exemple),  on 
observe  un  symptôme  connu  sous  le  nom  de  phénomène  de  Cheyne- 
Slokes.  Yoici  en  quoi  il  consiste  :  les  mouvements  respiratoires 
s'accélèrent  par  série,  puis  ils  se  ralentissent  graduellement  et  cessent 
complètement  pendant  un  grand  moment  jusqu'à  une  nouvelle  série 
et  ainsi  de  suite.  Pendant  l'arrêt  de  la  respiration,  qui  dure  de  douze  à 
trente  secondes,  la  pupille  est,  rétrécie  et  insensible  à  la  lumière;  les 
yeux  subissent  des  mouvements  rotatoires  dans  le  sens  horizontal,  qui 
sont  d'autant  plus  accélérés,  que  l'arrêt  de  la  respiration  est  plus 
long  (Leube,  Ziemssen,  Merkel). 

En  dehors  du  symptôme  de  Cheyne-Stokes  on  observe  encore  comme 
complication  de  la  dégénérescence  graisseuse  du  cœur  le  développe- 
ment d'hémorrhagies  rétiniennes.  Les  parois  des  vaisseaux  rétiniens 
présentent  probablement  dans  de  tels  cas  les  mêmes  altérations  que 
celles  du  cœur  :  ainsi  par  exemple  dans  l'alcoolisme  chronique,  l'in- 
toxication par  le  phosphore,  l'intoxication  chronique  par  l'acide  sul- 
furique.  Les  hémorrhagies  rétiniennes  peuvent  aussi  se  produire  par 
thrombose  des  veines  de  la  rétine,  dont  le  développement  est  favorisé 
par  la  présence  d'un  cœur  adipeux. 

Vendocardite  et  les  affections  des  valvules  peuvent  provoquer  dans 
les  vaisseaux  rétiniens  des  symptômes  anormaux  :  des  pulsations 
anormales,  des  anomalies  dans  le  calibre  des  vaisseaux,  dans  la  cou- 
leur du  sang  et  enfin  des  embolies.  Dans  l'insuffisance  aortique  on 
constate  :  le  pouls  artériel  de  la  rétine  avec  locomotion  de  la  colonne 
sanguine,  et  des  variations  du  calibre  (voir  figures  20  à  23).  Au  point 
de  vue  du  diagnostic  il  est  nécessaire  de  faire  remarquer  que  le  pouls 
artériel  peut  être  apparent  quand  l'artère  qui  semble  battre  se  trouve 
située  sur  une  veine  pulsatile  dont  les  mouvements  de  va-et-vient  se 
communiquent  à  l'artère  (Jaeger). 

Indépendamment  de  l'insuffisance  aortique,  on  constate  encore  le 
vrai  pouls  artériel  de  la  rétine  dans  d'autres  affections  valvulaires. 
Sur  trente-huit  cardiaques,  Schmell  l'a  constaté  dix  fois  :  huit  fois  dans 


212 


PARTIE   SPÉCIALE. 


les  huit  cas  (['Insuffisance  tricuspidiennc,  et  deux  fois  seulement  sur  les 
vingt-deux  cas  d'insuffisance  mitrale  de  son  observation. 


Fig.  20.  —  Diastole  du  cœur.  OEil  droit  (image  droite). 
C'est  surtout  dans  l'insuffisance  aortique  que  l'observation  du  pouls 


Fig .  21.  —  Systole  du  cœur.  OEil  droit  (image  droite). 


MALADIES   DU  CŒUR. 


213 


artériel  est  très  nette  ;  il  a  été  constaté  pour  la  première  fois  par 
Qnincke. 


Fig.  22.  —  Diastole  du  cœur.  OEil  gauche  (image  droite). 

Pendant  la  pulsation  des  artères  rétiniennes  on  constate  que  les 
courbures  des  artères  sont  plus  prononcées  et  que  le  calibre  des  artè- 


Fig.  23.  —  Systole  du  cœur.  Œil  gauche  (image  droite). 

Fig.  20  à  23.  —  Pouls  artériel  des  artères  rétiniennes  dans  un  cas  de  l'insuffisance 
aortique  compliquée  de  glaucome  (d'après  Michaelsen). 


res  est  augmenté  pendant  la  systole  cardiaque.  La  dilatation  artérielle 


214  PARTIE  SPÉCIALE. 

est  quelquefois  à  peine  aperceptible,mais  dans  ces  cas  on  peut  cepen- 
dant observer  que  la  variation  de  la  largeur  du  reflet  est  plus  accu- 
sée —  fait  très  important  à  noter.  Les  pulsations  sont  surtout  visibles 
sur  la  papille  et  tout  autour  d'elle.  Quant  aux  sinuosités  des  artères 
(augmentation  de  la  largeur)  qui  se  forment  pendant  la  systole,  elles  sont 
plus  visibles  aux  brandies  temporales  de  l'artère  centrale  de  la  rétine. 

Pendant  la  diastole  cardiaque  le  calibre  des  artères  est  plus  petit. 
Dans  l'insuffisance  aortique  le  pouls  de  l'artère  rétinienne  est  percep- 
tible, grâce  à  ce  fait  qu'à  l'état  normal  de  la  circulation,  les  va- 
riations de  calibre  sont  trop  peu  considérables;  dans  cette  affection 
au  contraire,  elles  le  sont  davantage  :  en  effet,  grâce  à  l'hypertropbie 
consécutive  du  ventricule  gaucbe,  une  quantité  de  sang  plus  considé- 
rable qu'à  l'état  normal  passe  pendant  la  systole  cardiaque  dans  les 
artères,  de  même  que  la  diminution  du  calibre  pendant  la  diastole 
cardiaque  est  très  considérable  à  cause  du  reflux  sanguin.  Ceci  fait 
que  les  variations  du  calibre  des  vaisseaux  rétiniens  sont  parfaite- 
ment visibles  à  l'ophtalmoscope. 

Si  l'insuffisance  aortique  est  peu  prononcée  ou  si  elle  est  accompa- 
gnée d'un  rétrécissement  aortique  considérable,  le  pouls  des  artères 
rétiniennes  peut  manquer. 

L'anémie  artérielle  dans  certaines  maladies  du  cœur  est  quelquefois 
très  prononcée  dans  les  artères  rétiniennes,  c'est  ce  qu'on  observe  sur- 
tout lorsque  ces  malades  sont  jeunes.  Ces  anomalies  au  contraire  ne  sont 
pas  appréciables  sur  les  veines  rétiniennes  (Leber).  Ainsi  par  exemple 
dans  le  rétrécissement  mitral,  cette  anémie  artérielle  de  la  rétine  aété 
fréquemment  constatée.  L'anémie  rétinienne  est  dans  ces  cas  compli- 
quée de  mydriase  qui  serait  de  nature  spasmodique  et  qui  survient  à 
la  fin  de  l'inspiration,  c'est-à-dire  au  moment  où  le  courant  sanguin 
de  l'aorte  déjà  bien  faible  s'affaiblit  encore  davantage.  Nous  croyons 
qu'ici  la  mydriase  est  consécutive  à  l'anémie  de  la  carotide  interne. 

Sous  le  nom  de  cyanose  de  la  rétine,  Liebreich  a  décrit  une  affection 
caractérisée  par  la  coloration  foncée  des  vaisseaux  du  fond  de  l'œil. 
Elle  s'est  produite  grâce  à  une  anomalie  congénitale  causant  la  commu- 
nication des  ventricules  gaucbe  et  droit.  Cependant  plusieurs  auteurs 
n'ont  constaté  qu'une  simple  dilatation  des  vaisseaux  rétiniens  dans 
les  anomalies  congénitales  du  cœur,  comme  par  exemple  :  dans  l'origine 
anormale  de  l'aorte  et  de  l'artère  pulmonaire,  la  sténose  de  l'artère 
pulmonaire,  la  persistance  du  trou  ovale,  etc. 

Les  troubles  passagers  de  la  circulation  consécutifs  aux  maladies 
fébriles  provoquent  ('gaiement  des  troubles  de  la  circulation  sanguine 
rétinienne  appréciable  à  l'ophtalmoscope  :  E.  de  Jaeger  et  Schmell 
ont  noté  une  légère  byperémie  de  la  papille  à  la  suite  des  maladies 
fébriles  aiguës.  Schmell  a  constaté  le  pouls  artériel  de  la  rétine  dans 
doux  cas  de  pneumonie  lobaire,  dans  un  cas  de  pleurésie,  dans  un 


MALADIES   DU  CŒUR.  215 

cas  de  rhumatisme  articulairç  aigu;  enfin  dans  cinq  cas  de  phtisie 
pulmonaire  très  avancée,  le  pouls  artériel  6 lait  accompagné  d'une 
forte  hyperémie  papillaire.  Schmclln'a  pas  donné  l'explication  de  ces 
phénomènes  rétiniens.  Il  faut  noter  l'opinion  de  Potain,  d'après  lequel 
le  souffle  systolique  constaté  dans  des  afléctions  pulmonaires  chro- 
niques est  dû  à  la  dilatation  passagère  du  cœur  gauche,  causant 
l'insuffisance  de  la  valvule  tricuspidienne.  Le  pouls  artériel  en  effet 
semble  être  très  fréquent  dans  l'insuffisance  tricuspidienne;  Schmell 
l'a  trouvé  dans  tous  les  cas  observés  par  lui. 

La  fréquence  du  pouls  rétinien  dans  les  cas  de  phtisie  pulmonaire 
et  surtout  dans  les  troubles  de  la  petite  circulation  est,  à  notre  avis, 
la  preuve  ophthalmoscopique  de  l'opinion  de  Ch.  Potain,  qui  admet 
la  fréquence  de  l'insuffisance  de  la  valvule  tricuspidienne  dans  ces 
affections  par  suite  de  la  dilatation  mécanique  du  ventricule  droit. 

Dans  la  fièvre  typhoïde  on  a  trouvé  dans  quelques  cas  une  dilatation 
très  prononcée  des  veines  rétiniennes.  Ce  fait  est  probablement  dû  à  ce 
que  la  tension  intraoculaire,  grâce  à  la  dimiuution  de  la  sécrétion  des 
liquides  intraoculaires,  est  sensiblement  abaissée. 

Comme  cause  d'embolie  des  artères  rétiniennes  on  peut  invoquer  non 
seulement  les  altérations  valvulaires  et  l'endocardite,  mais  encore 
l'anévrysme  et  l'artério-sclérose  de  l'aorte.  Les  embolies  peuvent  pro- 
voquer des  symptômes  différents  suivant  leur  siège  dans  les  diverses 
branches  de  l'artère  ophthalmique  et  suivant  qu'elles  produisent  un 
obstacle  mécanique  ou  bien  qu'elles  introduisent  des  germes  infectieux 
dans  l'organe  de  la  vision.  Nous  ne  parlerons  ici  que  des  premières 
embolies.  Quant  aux  embolies  de  nature  infectieuse,  nous  les  traite- 
rons à  propos  des  troubles  oculaires  dans  les  maladies  microbiennes. 
En  comparant  la  fréquence  des  embolies  qui  se  produisent  dans  les 
divers  organes  dans  les  affections  cardiaques,  les  embolies  de  l'artère 
ophthalmique  et  de  ses  branches  sont  assez  rares.  Les  embolies  trou- 
vent en  effet  une  difficulté  pour  entrer  dans  cette  artère,  qui  naît  de  la 
carotide  interne,  comme  l'on  sait,  sous  un  angle  droit.  Si  même  une 
embolie  y  pénètre,  elle  s'en  va  dans  les  artères  lacrymales,  naso-frontale 
sous-orbitaire,  plutôt  que  dans  l'artère  centrale  de  la  rétine.  On  n'a 
pas  encore  constaté  à  l'autopsie  d'embolie  de  l'artère  ophthalmique.  II 
est  cependant  très  probable  que  certains  troubles  passagers  au  cours 
d'une  maladie  du  cœur  ou  peut-être  aussi  de  quelques  maladies  infec- 
tieuses sont  dus  à  une  embolie  momentanée  de  l'artère  ophthalmique. 
Une  fois  l'embolie  dansl'ophthalmique,  elle  pénètre  ensuite  soit  dans 
les  artères  ciliaires  postérieures  longues —  ce  qui  d'après  Knapp  serait 
relativement  très  fréquent  ;  il  est  cependant  difficile  de  le  démontrer 
cliniquement,  car  à  l'inverse  de  l'artère  centrale  de  la  rétine  qui  est 
une  artère  terminale  dans  le  sens  de  Cohnheim,  ces  artères  au  con- 
traire ont  de  nombreuses  anastomoses;  — soit  dans  les  artères  ciliaires 


216  PARTIE  SPÉCIALE. 

courtes,  soit  dans  l'artère  centrale  de  la  rétine.  Certains  troubles 
périodiques  et  passagers,  qu'on  constate  dans  les  affections  cardia- 
ques, sont  dus  d'après  Mauthner  à  ce  fait  que  l'embolie  a  été  entraînée 
parle  courant  sanguin  jusqu'au  point  de  l'origine  de  l'artère  centrale 
de  la  rétine,  mais  à  cause  de  l'étroitesse  de  l'artère  elle  ne  peut  pas 
y  pénétrer;  cette  étroitesse  est  en  effet  une  des  causes  de  la  rareté 
relative  de  l'embolie  de  ladite  artère. 

Si  l'embolie  pénètre  dans  le  tronc  même  de  l'artère  centrale  de  la 
rétine,  il  en  résulte  une  cécité  subite  qui,  quelquefois,  est  précédée 
d'apparition  d'obnubilations  passagères  de  la  vue. 

A  l'examen  ophthalmoscopique  fait  aussitôt  après  le  développement 
de  l'amaurose,  les  artères  de  la  rétine  sont  ou  bienrétrécies,  ou  pres- 
que exsangues  ;  les  plus  grosses  branches  de  l'artère  centrale  de  la  rétine 
ne  présentant  que  des  lignes  fines  rouges.  Le  plus  souvent  cependant 
l'embolie  n'obture  qu'imparfaitement  la  lumière  de  l'artère  et  le  sang 
a  encore  la  possibilité  d'y  pénétrer.  La  macula  se  présente  sous  forme 
d'une  tache  ronde,  rouge-intense,  bien  limitée,  entourée  d'un  cercle 
d'un  gris  bleuâtre.  La  rougeur  n'est  pas  due  à  une  hémorrhagie,  mais 
au  contraste  avec  les  parties  environnantes.  Tout  autour  de  la  macula 
on  aperçoit  de  petits  vaisseaux  très  sinueux  ;  çà  et  là  des  foyers 
d'hémorrhagie.  La  papille  optique  au  début  est  pâle,  bientôt  après 
(deux  ou  trois  jours),  les  limites  sont  effacées  par  une  opacité  nuageuse 
d'un  blanc  intense. 

Les  altérations  de  la  macula  apparaissent  bientôt  après  le  déve- 
loppement de  l'embolie.  Dans  le  cas  de  Fôrster,  elles  ont  été  constatées 
huit  heures  après  l'amaurose. 

Du  côté  des  veines  rétiniennes,  on  observe  quelquefois  un  phéno- 
mène très  particulier,  survenant  dans  la  plupart  de  ces  cas  quelques 
jours  après  l'embolie  :  la  colonne  sanguine  apparaît  sous  forme  de 
cylindres  séparés  par  des  espaces  vides.  Ces  cylindres  se  meuvent  de 
la  périphérie  vers  la  papille.  Dans  quelques  cas  très  rares  le  même 
phénomène  a  été  observé  du  côté  des  artères  rétiniennes. 

Quelques  jours  après  le  développement  de  l'embolie,  les  vaisseaux 
rétiniens  redeviennent  plus  remplis,  les  colonnes  sanguines  s'entou- 
rent de  lignes  blanches,  les  altérations  de  la  macula  disparaissent 
après  quelques  jours,  et  la  circulation  est  améliorée.  Dans  Y  embolie  par- 
tielle d'une  branche  de  l'artère  centrale  de  la  rétine,  la  papille  et  la 
macula  restent  normales. 

Dans  la  partie  de  la  rétine,  irriguée  par  l'artère  obturée,  on  voit 
apparaître  des  foyers  d'apoplexie,  qui  tout  d'abord  cachent  ces  vais- 
seaux, mais  plus  tard  ces  foyers  se  résorbent  et  les  parois  se  présentent 
sous  forme  de  stries  blanchâtres. 

Au  point  de  vue  clinique,  l'embolie  et  la  thrombose  ont  quelques  ana- 
logies. 


MALADIES   DU   CŒUR.  217 

Dans  le  cas  où  l'artère  centrale  de  la  rétine  est  obturée  par  une 
embolie,  les  fonctions  de  la  macula  peuvent  cependant  être  conser- 
vée-. L'explication  de  ce  phénomène  se  trouve  dans  ce  fait  que  les 
artères  maculaires  naissent  de  la  branche  centrale  de  la  rétine  dans  sa 
partie  située  dans  le  nerf  optique,  tandis  que  l'embolie  se  trouve  située 
souvent  en  avant  du  lieu  de  naissance  des  artères  maculaires.  De  sorte 
que  les  fonctions  normales  de  la  rétine  indiquent  l'embolie  partielle  de 
l'artère  rétinienne.  D'autres  auteurs  supposent  que  si  l'embolie  laisse 
intacte  la  macula,  c'est  parce  que  la  macula  est  irriguée  par  une  des 
branchioles  des  artères  ciliaires  postérieures  courtes,  —  nommée 
branches  cilio-rétiniennes.  Ce  fait  a  été  constaté  sur  des  préparations 
par  Knapp  et  d'autres  auteurs  ;  nous-mème  l'avons  également  constaté. 

L'embolie  ne  provoque  jamais  de  nécrose  de  la  rétine,  attendu  que 
la  choriocapillaire  qui  nourrit  les  couches  externes  de  la  rétine  suffit 
à  sa  nutrition.  D'autre  part  il  existe  dans  l'intérieur  de  la  lame  criblée 
des  branches  d'anastomose  entre  les  vaisseaux  de  la  choroïde  et  les 
branches  de  l'artère  centrale  de  la  rétine  (Leber). 

L'embolie  de  l'artère  centrale  de  la  rétine  a  été  constatée  à  l'autopsie 
dans  un  certain  nombre  de  cas,  leur  siège  était  en  dedans  ou  bien  en 
arrière  de  la  lame  criblée. 

Si,  malgré  l'obstruction  du  courant  sanguin  causée  par  l'embolie, 
il  peut  passer  une  certaine  quantité  de  sang,  l'oeil  n'est  pas  frappé  de 
cécité  complète  :  il  peut  apercevoir  la  lumière.  Dans  l'embolie  d'une 
branche  seule  de  l'artère  centrale  de  la  rétine  les  troubles  oculaires 
consistent  dans  le  défaut  d'un  secteur  du  champ  visuel  (correspon- 
dant à  la  partie  de  la  rétine  nourrie  par  l'artère  obstruée).  Les  limi- 
tes périphériques  des  couleurs  sont  coupées  par  les  limites  de  la  lacune 
du  champ  visuel.  La  lacune  a  la  forme  d'un  coin,  dont  la  pointe  est 
dirigée  vers  la  macula,  dont  la  base  est  située  à  la  périphérie. 

Le  pronostic  de  l'embolie  centrale  de  la  rétine  est  défavorable  pour 
la  vue.  On  a  recommandé  d'augmenter  la  quantité  de  sang  dans  les 
vaisseaux  rétiniens  par  une  diminution  brusque  de  la  tension  intra- 
oculaire.  On  a  espéré  par  ce  moyen  faire  chasser  l'embolie  vers  une 
partie  périphérique  des  artères  rétiniennes.  On  a  produit  l'abaisse- 
ment de  la  tension  intra-oculaire  par  l'iridectomie,  la  paracentèse 
de  la  chambre  antérieure  de  l'œil  ;  quelques  auteurs  (Mules,  Hirschberg) 
prétendent  avoir  observé  une  amélioration  de  la  vue  par  le  massage 
de  l'œil,  qui,  comme  on  sait,  diminue  la  tension  intra-oculaire. 

L'embolie  des  artères  ciliaires  postérieures  courtes  est  probablement 
fréquente  d'après  Knapp;  mais  elle  échappe  très  facilement  à  cause  du 
peu  d'importance  de  troubles  oculaires  qu'elle  produit.  Knapp  observa 
dans  des  cas  de  cette  forme  d'embolie  des  opacités  blanchâtres  ou 
grisâtres  dans  la  partie  postérieure  de  la  rétine;  ces  opacités  se  conti- 
nuent jusqu'à  la  papille,  mais  elles  ne  dépassent  pas  ses  limites.  Les 


218  PARTIE  SPÉCIALE. 

parties  opaques  de  la  rétine  forment  d'après Knapp  une  saillie  légère, 
la  papille  optique  dans  ces  cas  a  été  atteinte  d'hypérémie. 

Ces  altérations  du  fond  de  l'oeil  disparaissent  à  peu  près  en  dix- 
huit  jours  et  avec  elles  les  troubles  visuels. 

Les  maladies  du  cœur  peuvent  en  outre  provoquer  des  accès  de  glau- 
come chez  les  prédisposés,  comme  l'a  observé  Hirschberg  chez  un  car- 
diaque très  dyspnéique. 

B.    -  TROUBLES  OCULAIRES  DANS  LES  AFFECTIONS  DES  ARTÈRES. 

1.    ARTÉRIO-SCLKROSE. 

11  est  très  important  de  pouvoir  constater  les  altérations  des  vais- 
seaux rétiniens  dues  à  l'artério-sclérose. 

On  constate  en  effet  ainsi  des  altérations  dans  les  branches  de  la 
carotide  interne,  et  on  peut  conclure  de  là  à  la  présence  du  même 
processus  dans  d'autres  branches  de  la  même  artère  et  dans  les  bran- 
ches cérébrales  en  particulier. 

11  est  arrivé  en  effet  maintes  et  maintes  fois  qu'on  a  fait  le  diagnos- 
tic d'artério-sclérose  par  l'observation  d'altérations  des  vaisseaux  ré- 
tiniens. L'apoplexie  cérébrale  survenue  quelque  temps  après  confir- 
mait le  diagnostic  posé. 

Dans  un  travail  très  important  et  consciencieux,  Ràhlmann  a  bien 
décrit  les  altérations  des  vaisseaux  rétiniens  consécutives  à  l'artério- 
sclérose. Sur  quatre-vingt-dix  cas  observés  par  cet  auteur,  presque  dans 
la  moitié  des  cas,  les  vaisseaux  rétiniens  étaient  altérés  d'une  façon 
très  caractéristique.  Ces  altérations  sont  les  suivantes  :  les  artères 
deviennent  très  sinueuses,  leur  colonne  sanguine  très  mince,  elle  est 
doublée  de  lignes  blanchâtres,  indiquant  l'affection  des  parois  vascu- 
laires.  Le  rétrécissement  du  calibre  s'accentuant  de  plus  en  plus,  il  peut 
survenir  une  oblitération  complète  des  vaisseaux.  L'artério-sclérose 
débute  par  la  couche  extérieure  de  l'artère  (membrane  adventice),  plus 
tard  les  autres  couches  sont  prises  successivement.  Enfin,  dans  ce  pro- 
cessus, on  voit  survenir  des  altérations  analogues  à  celles  qu'on  observe 
dansl'endartérite  oblitérante.  C'est  à  ce  point  que  Cîoldzieher  décrit  un 
cas  très  caractéristique  d'artério-sclérose,  sous  le  nom  d'endartérite  obli- 
térante rétinienne.  Il  résulte  des  recherches  anatomo-pathologiques 
faites  parltahlmann,  que  les  amauroses  dites  par  pertes  sanguines  ne 
sont  souvent  que  la  conséquence  d'une  endarlérite  oblitérante  due  à 
l'artério-sclérose  de  la  rétine,  qui,  ainsi  que  l'hémorrhagie  qui  l'accom- 
pagne, n'est  qu'une  des  manifestations  de  l'artério-sclérose  généralisée. 

Les  altérations  s'observent,  ou  bien  dans  des  parties  circonscrites, 
ou  bien  dans  des  parties  très  étendues  des  vaisseaux  ;  les  altérations 
sont  le  plus  prononcées  dans  les  vaisseaux  de  la  papille. 


ARTÉRIOSCLÉROSE.  219 

Dans  plusieurs  cas,  Rahlmann  constata  que  la  colonne  sanguine  a 
été  entourée  d'une  couche  opaque  grisâtre  et  luisante.  Cette  opacité 
que  présente  la  paroi  vasculaire  altérée  a  une  épaisseur  très  variable, 
surtout  dans  les  vaisseaux  dont  l'affection  est  très  développée.  De  sorte 
que  l'artère  présente  quelquefois  le  long  de  son  trajet  alternativement 
des  rétrécissements  et  des  dilatations. 

Dans  2i  p.  100  des  cas,  Rahlmann  a  vu  des  altérations  en  foyers  provo- 
quant le  rétrécissement  du  calibre  qui  n'occupaient  qu'une  partie  du 
vaisseau  sur  une  étendue  d'un  quart  ou  la  moitié  du  diamètre  de  la 
papille.  La  colonne  sanguine,  grâce  à  ces  changements  du  calibre,  est 
fusiforme. 

Les  rétrécissements  du  calibre  vasculaire  peuvent  amener  la  forma- 
tion de  thrombose,  et  par  suite  des  altérations  du  fond  de  l'œil,  ana- 
logues à  celles  que  nous  avons  décrites  à  propos  de  l'embolie  de  l'artère 
centrale  de  la  rétiue  (Hirschberg).  Ils  provoquent  souvent  des  hémor- 
rhagies  rétiniennes,  grâce  à  ce  que  la  tension  intra-vasculaire  est 
élevée  dans  l'artério-sclérose  généralisée  qui  existe  simultanément,  et 
à  l'état  friable  des  parois.  Ces  hémorrhagies  rétiniennes  surviennent 
souvent  chez  les  vieillards.  L'expérience  a  prouvé  qu'un  certain  nombre 
de  ces  cas,  atteints  d'apoplexie  rétinienne,  ont  succombé  dans  un  délai 
de  quelques  années  par  l'apoplexie  cérébrale. 

L'artério-sclérose  ne  provoque  qu'exceptionnellement  la  formation 
d'anévrismes  (fusiformes  j  dans  l'artère  rétinienne  et  ses  branches. 

Du  côté  des  veines  rétiniennes  les  altérations  sont  les  mêmes.  Les 
veines  ne  deviennent  que  peu  sinueuses  et  médiocrement  dilatées;  dans 
des  cas  rares,  elles  sont  dilatées  et  fortement  sinueuses.  Leurs  parois 
en  forme  de  stries  minces  et  blanchâtres  entourent  la  colonne  san- 
guine. Quelquefois  leur  calibre  est  très  rétréci;  ce  rétrécissement  peut 
amener  l'oblitération  complète  de  leur  lumière,  et  alors  la  veine  se 
présente  sous  forme  d'une  corde  blanchâtre. 

Rahlmann  a  observé  sur  les  veines  les  mêmes  phénomènes  que 
nous  avons  décrits  dans  les  artères  sous  le  nom  de  rétrécissements 
partiels  et  d'altérations  en  foyers,  des  parois  vasculaires.  Le  plus  sou- 
vent les  rétrécissements  se  trouvent  dans  les  points  d'entre-croisement 
avec  les  artères;  ils  ont  un  aspect  fusiforme  ou  semi-lunaire.  Dans  un 
cinquième  des  cas  observés  par  Rahlmann,  cet  auteur  a  constaté  des 
ectasies  allongées  ou  sacciformes  des  veines  rétiniennes. 

Le  pouls  artériel  n'a  été  observé  que  dans  un  dixième  des  cas,  ce  qui 
s'explique  d'après  Rahlmann  par  la  diminution  de  l'élasticité  des  pa- 
rois vasculaires  provoquant  en  partie  la  diminution  de  force  du  cou- 
rant sanguin,  qui  est  causée  par  les  sinuosités  des  artères  dans  l'artério- 
sclérose généralisée.  Par  contre*  le  pouls  veineux  s'observe  presque 
toujours  non  seulement  sur  la  papille  (comme  à  l'état  normal),  mais 
aussi  en  dehors  d'elle. 


220  PARTIE  SPÉCULE. 

L'artério-sclérose  des  vaisseaux  rétiniens  peut  amener,  comme  le 
démontre    une  observation  de   Goldzieher  ,   une  rétinite    pointillée. 

De  même  que  les  thrombus  artériels,  les  thrombus  veineux  peuvent 
se  développer,  grâce  au  rétrécissement  du  calibre  des  vaisseaux.  La 
thrombose  peut  se  développer  ou  bien  dans  une  des  branches  de  la 
veine  centrale  de  la  rétine,  ou  bien  dans  cette  dernière.  La  thrombose 
provoque  une  stase  sanguine  plus  ou  moins  considérable  dans  la  partie 
périphérique  de  la  rétine. 

Dans  la  thrombose  totale  les  veines  sont  très  sinueuses,  la  colonne 
sanguine  très  large  ou  bien  elle  forme  un  chapelet  présentant  des 
épaississements  en  forme  de  nœuds  de  coloration  foncée.  Les  artères 


Y\g.  24.  —  Thrombose  de  la  veine  centrale  de  la  rétine  (image  droite). 

par  contre  sont  généralement  extrêmement  rétrécies.  On  observe  des 
hémorrhagies  rétiniennes  considérables  et  nombreuses.  Les  limites  de 
la  papille  disparaissent  cachées  par  des  infiltrations  et  ne  sont  visibles 
que  dans  les  points  où  elles  sont  croisées  par  les  vaisseaux.  Sur  la 
rétine  on  voit  çà  et  là  le  long  des  veines  des  dépôts  grisâtres  ou  jaune 
blanchâtre.  Dans  la  région  de  la  macula  des  petits  foyers  d'hémorrhagie. 
L'obstruction  incomplète  de  la  veine  centrale  de  la  rétine  donne  lieu 
aux  mêmes  symptômes,  moins  prononcés  cependant  :  les  opacités  de  la 
rétine  moins  intenses,  les  foyers  hémorrhagiques  moins  étendus  (le 
long  des  vaisseaux  ils  sont  en  forme  de  stries).  La  différence  du  calibre 
entre  les  artères  et  les  veines  est  d'autant  moins  considérable  que 
l'obstruction  de  la  lumière  de  la  veine  est  moins  complète  et  la  stase 
veineuse  moins  prononcée. 


ARTKRIO-SCLÉROSE.  221 

La  thrombose  d'une  des  branches  de  la  veine  centrale  de  la  rétine. 
provoque  dans  la  portion  de  la  rétine  qui  se  trouve  sous  sa  dépen- 
dance les  mêmes  altérations  que  celles  que  nous  avons  décrites  dans 
l'embolie.  Il  est  très  probable  que  dans  la  grande  majorité  des  cas 
les  altérations  de  la  rétine  qu'on  a  décrites  sous  le  nom  de  rétinite 
apoplectiforme  ou  hémorrhagique,  ne  sont  que  des  cas  de  throm- 
bose de  la  veine  centrale  de  la  rétine. 

Les  troubles  fonctionnels  consécutifs  à  la  thrombose  de  la  veine 
centrale  de  la  rétine  apparaissent  subitement.  Dans  la  plupart  des  cas, 
l'acuité  visuelle  n'est  pas  considérablement  diminuée  ;  il  arrive  cepen- 
dant que  la  vue  soit  assez  affaiblie  pour  que  le  malade  ne  puisse  que 
compter  ses  doigts.  On  note  des  scotomes  positifs  lorsqu'il  existe  de 
grands  foyers  hémorrhagiques  dans  la  rétine. 

Plus  tard,  ces  foyers  hémorrhagiques  se  transforment  en  taches 
blanchâtres  qui  finissent  par  disparaître  peu  à  peu.  A  ce  moment,  les 
limites  de  la  papille  optique  redeviennent  nettes,  et  on  voit  bien  les 
artères  et  les  veines  centrales  de  la  rétine.  Mais,  en  général,  cette 
amélioration  n'est  pas  de  longue  durée  :  de  nouvelles  hémorrhagies 
surviennent  et  la  rétine  subit  les  mêmes  altérations  qu'auparavant. 
En  outre,  on  voit  se  développer  des  opacités  dans  le  corps  vitré,  dans 
le  cristallin,  opacités  qui  auraient  pour  cause,  d'après  quelques  au- 
teurs, des  lésions  athéromateuses  des  vaisseaux  du  tractus  uvéal.  La 
vue  finit  par  se  perdre  complètement. 

Lorsque  la  thrombose  n'obstrue  qu  imparfaitement  la  veine  centrale 
de  la  rétine,  la  vision  s'améliore  dans  la  suite,  mais  elle  ne  redevient 
jamais  normale  ;  de  nouvelles  hémorrhagies  survenant  de  temps  à 
autre,  la  vue  s'affaiblit  passagèrement.  A  l'examen  ophfa$lmoscopique, 
on  observe  une  dilatation  des  veines  rétiniennes  et  un  resserrement 
des  artères.  Peu  à  peu,  dans  les  cas  de  thrombose  de  la  veine  centrale 
de  la  rétine,  la  papille  optique  prend  un  aspect  atrophique. 

Le  pronostic  de  cette  affection  est  défavorable.  Pour  son  traitement, 
on  en  est  réduit  à  s'attaquer  à  la  maladie  qui  lui  a  donné  naissance, 
et  nous  renvoyons  à  ce  sujet  nos  lecteurs  aux  traités  'de  pathologie 
interne.  Heureusement,  la  thrombose  de  la  veine  centrale  de  la  rétine 
n'entraîne  jamais  la  cécité  bilatérale  ;  dans  tous  les  cas  observés  jus- 
qu'à ce  jour,  l'affection  s'est  limitée  à  un  seul  œil. 

L'artério-sclérose  peut,  d'après  les  recherches  de  Bernheimer,  causer 
Yatrophie  du  nerf  optique.  L'artère  ophthalmique  épaissie  en  consé- 
quence des  altérations  anatomo-pathologiques  dues  à  l'artério-sclérose 
(dépôts  de  chaux),  exerce  une  compression  du  nerf  optique  en  dedans 
du  canal  optique,  dont  les  conséquences  sont  appréciables  à  l'autopsie 
par  des  sillons  profonds  dans  ledit  nerf.  Cette  compression  des  fibres 
optiques  serait,  d'après  cet  auteur,  la  cause  d'un  certain  nombre  des 
cas  d'atrophie  optique  à  marche  lente. 


222  PARTIE  SPECIALE. 

Michel  prétend  que  la  cataracte  sénile  a  pour  cause  des  altérations 
du  tractus  uvéal,  altérations  qui  seraient  analogues  à  celles  de  far- 
ter io-sclérose. 

Nous  avons  dit,  plus  haut,  que  l'artério-sclérose  pouvait  occasionner, 
dans  le  centre  cortical  de  la  vision,  des  apoplexies  entraînant  l'hémia- 
nopsie  homonyme.  Nous  ajouterons  que  le  développement  bilatéral  de 
ces  apoplexies  peut  déterminer  l'amaurose  subite  des  yeux.  Des  cas  de 
ce  genre  ont  été  observés  par  Chauffard  et  L.  Bouverrel. 

L'artério-sclérose  peut  produire,  en  outre,  l'oblitération  par  throm- 
bose de  vaisseaux  qui  nourrissent  des  organes  nerveux  centraux  pré- 
sidant aux  fonctions  visuelles.  Dans  un  chapitre  antérieur  nous  avons 
décrit  les  troubles  oculaires  qui  en  résultent;  il  nous  suffira  d'ajouter 
quelques  remarques  à  ce  que  nous  avons  déjà  dit. 

L'embolie  et  la  thrombose  de  l'artère  basilaire  déterminent  des  symp- 
tômes semblables  à  ceux  de  l'apoplexie  bulbaire  (voir  p.  101).  Toutes 
les  extrémités  peuvent  être  frappées  de  paralysie,  mais  le  plus  souvent 
on  ne  constate  que  de  l'hémiplégie  accompagnée  de  paralysie  du 
facial  et  des  muscles  de  l'œil  du  côté  opposé. 

Duret  a  fait,  sur  la  distribution  des  vaisseaux  dans  le  système  ner- 
veux central,  des  recherches  qui  sont  de  la  plus  haute  importance 
pour  le  diagnostic  de  la  thrombose  et  de  l'embolie  de  l'artère  basi- 
laire. 11  a  observé  que  les  noyaux  de  l'hypoglosse  et  de  l'accessoire  de 
Willis  reçoivent  des  vaisseaux  de  l'artère  spinale  antérieure  et  de  la 
vertébrale;  que  les  noyaux  du  pneumogastrique  et  du  glosso-pharyn- 
gien  reçoivent  des  branches  qui  naissent  de  l'extrémité  supérieure 
des  deux  artères  vertébrales  ;  enfin  que  les  noyaux  du  facial,  du  triju- 
meau et  des  trois  nerfs  moteurs  de  l'œil  reçoivent  le  sang  par  des 
branches  de  l'artère  basilaire.  L'embolie  et  la  thrombose  de  ces  artères 
entraînent  donc  le  ramollissement  secondaire  des  parties  du  bulbe 
qui  dépendent  de  chacune  d'elles.  Dans  le  chapitre  consacré  aux  para- 
lysies bulbaires  aploplectiformes  et  aiguës,  nous  avons  énuméré  les 
symptômes  qui  en  sont  la  conséquence. 

La  thombrose  de  la  carotide  interne  peut  aussi  amener  des  troubles 
oculaires  si  un  caillot  est  entraîné  dans  l'artère  centrale  de  la  rétine. 

2.  EM1ARTKR1TE    StPHÎLÎTIQI  E< 

Nous  nous  proposons  de  consacrer  plus  loin  un  chapitre  à  l'emlar- 
térite  syphilitique  dés  vaisseaux  de  la  rétine  et  du  tractus  uvéal.  11 
nous  suffira  de  remarquer  ici  que  l'endarlérile  syphilitique  des  vais- 
seàux  crâniens  peut  entraîner  les  mêmes  troubles  oculaires  que  l'ar- 
tério-sclérose. 

L'endarlérile  syphilitique  s'observe  fréquemment  dans  les  branches 
de  Vartère  basilaire,  et  elle  produit  alors  les  mêmes  symptômes  que 


TROUBLES  OCULAIRES   DANS  DIVERS  ANÉVRYSMES.  223 

rophthalmoplégie  nucléaire.  Dans  un  certain  nombre  de  cas,  les  para- 
lysies basilaires  des  nerfs  crâniens  sont  également  dues  à  une  affec- 
tion de  cette  nature  qui  atteint  les  artères  crâniennes.  Nous  pouvons 
en  citer,  par  exemple,  un  cas  qui  fut  observé  au  point  de  vue  clinique 
par  Treitel,  et  que  Baumgarten  examina  au  point  de  vue  anatomo- 
pathologique.  Il  s'agissait  d'endartêrite  syphilitique  de  l'artère  du  corps 
calleux.  On  sait  que  les  branches  de  cette  artère  nourrissentle  faisceau 
croisé  du  chiasma,  l'oculo-moleur  commun  et  le  pathétique  ;  aussi 
l'affection  avait-elle  aboli  les  fonctions  de  ces  faisceaux  nerveux.  On 
avait  constaté  l'hémianopie  hétéronyme  temporale  et  la  paralysie  des 
nerfs  oculo-moteurs  communs  et  pathétiques  des  deux  côtés. 

3.    TROUBLES   OCULAIRES    DANS    DIVERS    ANÉVRYSMES. 

Dans  un  cas  de  dilatation  avec  hypertrophie  généralisée  du  système 
vasculaire,  Knapp  a  constaté  une  dilatation  très  manifeste  des  vais- 
seaux rétiniens.  11  nota,  dans  diverses  artères  périphériques,  des 
souffles  analogues  à  ceux  qu'on  observe  dans  les  anévrysmes.  La 
papille  optique  était  sillonnée  par  de  nombreux  vaisseaux  volumineux, 
dont  on  pouvait  suivre  les  ramifications  jusqu'à  la  tache  jaune.  Malgré 
cela,  la  vue  était  normale. 

Les  anévrysmes  de  la  carotide  primitive,  du  tronc  commun  et  de  la 
crosse  de  l'aorte  déterminent  le  rétrécissemeut  de  la  pupille  du  côté  de 
la  lésion.  Ce  myosis  est  dû  à  la  compression  du  grand  sympathique 
cervical  correspondant,  ainsi  que  l'ont  démontré  plusieurs  autopsies. 
11  est  permis  de  supposer  que,  dans  ces  cas,  le  myosis  est  précédé 
d'une  dilatation  de  la  pupille  occasionnée  par  l'irritation  des  filets 
cervicaux  du  grand  sympathique  ;  mais  on  n'a  pas  signalé  ce  symp- 
tôme, et  il  se  pourrait  qu'on  n'eût  pas  fait  attention  à  cette  dilatation, 
parce  qu'au  début  le  diagnostic  des  anévrysmes  dont  nous  parlons 
offre  de  sérieuses  difficultés. 

On  voit  que,  dans  les  anévrysmes  du  tronc  commun  et  de  la  caro- 
tide primitive,  une  partie  du  sang  subit  un  reflux  pendant  la  diastole 
du  cœur.  A  priori,  on  peut  donc  penser  que  ce  reflux  amènera  l'appa- 
rition du  pouls  artériel  dans  les  vaisseaux  rétiniens  de  l'œil  correspon- 
dant. C'est,  en  effet,  ce  que  l'examen  ophtalmoscopique  a  permis  de 
constater  dans  des  cas  d'anévrysme  de  l'aorte  ascendante  delà  crosse 
de  l'aorte;  mais  le  pouls  est  plus  faible  que  dans  l'insuffisance  aortique. 
Chez  un  malade  atteint  d'un  anévrysme  de  la  crosse  de  l'aorte  siégeant 
entre  le  tronc  brachio-céphalique  et  la  carotide  gauche,  on  a  noté  des 
pulsations  très  nettes  des  artères  rétiniennes  de  l'œil  gauche  ;  du  côté 
droit,  le  pouls  artériel  était  beaucoup  moins  manifeste.  L'examen 
ophthalmoscopique  peut  donc  aider  au  diagnostic  des  anévrysmes  dont 
nous  venons  de  parler,  c'est  là  un  fait  très  important  à  connaître. 


224  PARTIE  SPÉCIALE. 

Les  [anévrysmes  peuvent  être  le  point  de  départ  d'une  embolie  de 
l'artère  centrale  de  la  rétine,  lorsqu'un  caillot  vient  à  être  entraîné 
jusque  dans  ce  vaisseau. 

On  peut  aussi  observer  des  troubles  oculaires  dans  les  anévrysmes 
des  artères  intr a- crâniennes.  Nous  laisserons  de  coté  les  anévrysmes 
capillaires  qui,  d'après  Charcot  et  Bouchard,  jouent  un  rôle  considé- 
rable dans  la  production  des  hémorrhagies  cérébrales,  et  qui  saccom- 
pagnent,  dans  la  rétine,  d'anévrysmes  miliaires  susceptibles  d'occa- 
sionner une  apoplexie  rétinienne.  Pour  ce  qui  les  concerne,  nous 
renverrons  le  lecteur  au  chapitre  consacré  à  l'artério-sclérose. 

Jusqu'ici,  on  n'a  constaté  que  trois  cas  de  troubles  oculaires  consé- 
cutifs à  un  anévrysme  de  l'artère  sylvienne.  La  rupture  des  sacs  ané- 
vrysmaux  avait  causé  un  épanchement  sanguin  dans  l'espace  interva- 
ginal du  nerf  optique  (Remak),  et  ce  phénomène  connu  sous  le  nom 
d'hématome  des  gaines  optiques  avait  lui-même  occasionné  de  la 
névrite  optique. 

Nous  ne  connaissons  qu'un  seul  exemple  de  troubles  oculaires  sur- 
venus à  la  suite  d'un  anévrysme  de  l'artère  basilaire,  et  c'est  à  Hutchin- 
son  fils  qu'est  due  l'observation.  Une  femme  atteinte  d'endocardite 
ulcéreuse  fut  frappée,  douze  jours  avant  sa  mort,  d'amaurose  bilaté- 
rale. A  l'autopsie  on  rencontra  un  petit  anévrysme  siégeant  à  l'extré- 
mité antérieure  de  l'artère  basilaire  et  comprimant  le  chiasma.  On  ne 
saurait  admettre  que  cet  anévrysme  se  fût  développé  sur  l'artère 
communicante  postérieure,  car  il  eût  entraîné  de  l'hémianopie  par 
compression  d'une  bandelette  optique.  Des  deux  côtés,  les  gaines 
optiques  étaient  considérablement  dilatées,  et  on  constata  l'existence 
de  névrite  rétro-bulbaire  très  légère.  L'examen  ophthalmoscopique  avait 
permis  d'observer  une  contraction  des  vaisseaux  rétiniens. 

A  diverses  reprises,  on  a  rencontré  des  anévrysmes  de  l'artère  ophtltal- 
mique.  Dans  un  cas  rapporté  par  Dumpsy,  on  avait  noté  de  l'exoph- 
thalmie  pulsatile  et  un  souffle  systolique  vibratoire  que  le  malade  per- 
cevait lui-même,  en  même  temps  qu'il  éprouvait  de  la  formication  de 
l'œil  et  de  la  moitié  correspondante  de  la  face.  On  avait  essayé  sans 
succès  la  compression  de  la  carotide  au  moyen  des  doigts,  puis  la  liga- 
ture de  cette  artère.  La  mort  fut  occasionnée  par  une  hémorrhagie 
orbitaire  foudroyante.  L'autopsie  démontra  l'existence  d'un  anévrysme 
sacciforme  de  l'artère  ophthalmique. 

Les  anévrysmes  de  ce  vaisseau  sont  presque  toujours  orbitaires;  il 
est  extrêmement  rare  qu'ils  siègent  sur  son  parcours  intra-ciànien. 
Lorsque  le  fait  se  présente,  la  tumeur  peut  exister  longtemps  sans  pro- 
voquer de  symptômes  appréciables. 

Les  anévrysmes  de  l'artère  opbthalmique  peuvent  être  spontanés  ou 
traumatiques,  diffus  ou  circonscrits. 


ANÉYRYSME  ARTÉRI0S0-VE1NEUX.  225 

\.    ANÉVRYSME   ASTÉRIOSO-VEINEUX    DE    LA    CAROTIDE    INTERNE    DANS   LE 
SINUS   CAVERNEUX. 

L'anévrysme  artérioso-veineuxde  la  carotide  interne  qui  a  son  siège 
dans  le  sinus  caverneux  ressemble  beaucoup,  par  ses  principaux 
symptômes,  à  l'anévrysme  de  l'artère  ophtalmique;  mais  il  est  bien 
plus  fréquent  que  ce  dernier.  Les  symptômes  dont  se  plaignent  les 
malades  consistent  en  troubles  auditifs  du  côté  malade  (bourdonne- 
ments et  tintements  d'oreilles)  et  en  maux  de  tète.  L'insomnie  qui 
accompagne  celte  affection  finit  par  amener  un  affaiblissement  gé- 
néral. 

L'examen  objectif  permet  de  constater  que  l'un  des  yeux  est  pro- 
jeté en  avant;  l'exopbtalmie  est  pulsatile.  En  pressant  avec  les  doigts, 
on  peut  refouler  l'œil  dans  l'orbite.  A  l'aide  du  stéthoscope,  on  entend 
un  souffle  continu  avec  exacerbation  au  niveau  de  l'œil  et  delà  tempe; 
la  compression  de  la  carotide  le  fait  disparaître.  L'examen  ophtal- 
moscopique  montre  une  dilatation  de- veines  rétiniennes  donnant  une 
stase  veineuse  que  l'on  observe  également  dans  les  paupières,  dans  la 
conjonctive  et  dans  le  tissu  cutané  avoisinant  l'orbite.  On  voit  appa- 
raître des  névralgies,  causées  probablement  parla  compression  exercée 
par  l'anévrysme  sur  les  filets  du  trijumeau,  et  des  paralysies  des  mus- 
cles de  l'œil  dues  à  la  même  cause.  S'il  survient  des  bémorrhagies 
orbitaires.  la  vie  du  malade  peut  se  trouver  en  danger. 

Dans  la  plupart  des  cas,  l'anévrysme  dont  nous  parlons  est  la  consé- 
quence d'un  traumatisme  qui  a  amené  la  déchirure  de  la  carotide 
interne  dans  le  sinus  caverneux.  Nélaton  observa  un  cas  de  ce  genre  : 
l'artère  avait  été  lésée  par  une  esquille  détachée  du  corps  du  sphé- 
noïde. L'nutopsie  fut  faite  par  Sappey.  et  c'est  à  Delens  que  l'on  doit 
la  description  de  ce  cas  pathologique.  On  connaît  des  exemples  de 
lésions  de  la  carotide  interne  par  de  menus  plombs,  lésions  suivies 
d'exophtalmie  pulsatile  :  tantôt  le  traumatisme  avait  agi  sur  le  pour- 
tour de  l'orbite,  tantôt  son  action  ne  s'était  fait  sentir  que  par  contre- 
coup. La  déchirure  de  la  carotide  interne  dans  le  sinus  caverneux  est 
parfois  un  symptôme  concomitant  de  fractures  ou  de  fissures  de  la  base 
du  crâne. 

Le  traitement  de  cette  affection  consiste  dans  la  ligature  de  la  caro- 
tide primitive  ou  dans  sa  compression  méthodique  parles  doigts.  Sur 
G3  cas,  dont  on  trouve  la  description  dans  les  auteurs,  la  ligature  a 
été  38  fois  suivie  de  succès;  dans  17  cas,  il  s'est  produit  une  amélio- 
ration passagère  suivie  de  rechute.  C'est  ce  qui  est  arrivé  dans  un  cas 
observé  par  Le  Fort  :  après  la  ligature,  la  malade  ne  tarda  pas  à  être 
atteinte  de  nouveau  d'exophtalmie  ,  et  elle  percevait  un  bruit  de 
rouet. 

15 


226  PARTIE  SPÉCIALE. 

C.    —    TROUBLES    OCULAIRES    DANS    LES    AFFECTIONS    DU    SYSTÈME 

VEINEUX. 

Les  stases  veineuses  dans  l'organe  de  la  vue  sont,  le  plus  souvent,  la 
conséquence  de  maladies  du  cœur  ou  des  poumons.  Elles  peuvent  être 
la  cause  d'hémorrhagies  à  répétition  dans  le  corps  vitré,  la  rétine  et 
la  conjonctive,  surtout  s'il  existe  en  même  temps  une  fragilité  spéciale 
des  vaisseaux  sanguins. 

Chez  les  malades  atteints  de  stase  veineuse,  on  constate  une  dilata- 
tion des  veines  du  fond  de  l'œil,  qui  paraissent  tortueuses.  L'aire 
occupée  par  les  vaisseaux  au  centre  de  la  rétine  est  plus  large  ;  les 
veines  rétiniennes  sont  d'une  couleur  plus  foncée,  et  tout  le  fond  de 
l'œil  est  plus  rouge  que  dans  l'état  normal. 

En  dehors  des  maladies  qui  entravent  la  circulation  veineuse,  on 
peut  observer  des  cas  de  stase  sanguine  due  à  une  cause  mécanique  et 
retentissant  sur  l'organe  de  la  vue.  Ainsi,  d'après  Fœrster.  pendant 
les  chaleurs  de  l'été,  c'est  la  position  inclinée  du  corps  qui  occasionne 
des  hémorrhagies  dans  le  corps  vitré  chez  des  jardiniers  et  des  agri- 
culteurs de  vingt  à  quarante  ans,  qui  ne  présentent  aucune  trace  d'ar- 
tério  sclérose. 

Des  vêtements  trop  serrés  peuvent  suffire  à  gêner  la  circulation  en 
retour  de  la  tête  ;  la  stase  veineuse  qui  en  résulte  a  tout  au  moins  pour 
résultat  de  retarder  la  guérison  d'affections  des  yeux.  FuTster  a 
remarqué  que  les  faux-cols  trop  étroits  que  portent  parfois  les  soldats 
allemands  peuvent  avoir  une  influence  très  fâcheuse  sur  les  catarrhes 
de  la  conjonctive,  l'iritis,  l'asthénopie  accommodalive,  les  paralysies 
des  muscles  de  l'œil  et  la  myopie  progressive. 

De  même,  des  tumeurs  ou  des  cicatrices  du  cou,  le  goitre,  peuvent 
gêner  le  cours  du  sang  dans  la  veine  jugulaire  et  avoir  une  influence 
néfaste  sur  l'organe  de  la  vue.  Kerschbaumer  a  noté  la  fréquence  du 
glaucome  chez  les  gens  atteints  du  goitre.  11  est  certain  que  l'hyper- 
trophie du  corps  thyroïde  peut  hâter  l'apparition  du  glaucome  chez  les 
personnes  prédisposées  à  cette  affection.  Néanmoins,  d'après  mes  pro- 
pres observations,  en  Styrie,  où  le  goitre  est  très  fréquent,  on  est 
frappé  de  ne  rencontrer  qu'assez  rarement  le  glaucome. 

11  est  assez  logique  d'expliquer  par  des  stases  veineuses  prolongées 
un  certain  nombre  de  cas  de  glaucome  qui  surviennent  dans  la  con- 
valescence des  pneumonies  graves  ou  des  bronchites  catarrhales 
(Fœrster). 

Les  entraves  à  la  circulation  du  sang  dans  la  veine  eav<>  supérieure 
ont  aussi  un  retentissement  sur  les  veines  rétiniennes.  Il  suffit  de 
comprimer  les  deux  veines  jugulaires  chez  l'homme  pour  observrr  g 
l'ophtalmoscope  une  dilatation  très  prononcée  des  veines  rétiniennes 


TROUBLES   OCULAIRES  DANS   LES   AFFECTIONS  DU   SYSTÈME   VEINEUX.       227 

et  la  disparition  du  pouls  veineux.  Il  se  produit  en  môme  temps  un 
léger  resserrement  des  pupilles,  que  nous  croyons  pouvoir  expliquer 
par  l'hypérémie  veineuse  de  l'iris. 

La  compression  de  la  carotide  primitive  ne  produit,  au  contraire, 
aucun  trouble  circulatoire  dans  l'œil.  Après  la  ligature  de  cette  artère, 
on  n'a  constaté  aucun  changement  dans  le  calibre  des  vaisseaux  réti- 
niens. Les  artères  cérébrales  communicantes  rétablissent  donc  le  cou- 
rant sanguin  aussitôt  qu'on  a  pratiqué  la  ligature.  D'après  Michel, 
dans  les  cas  où  les  deux  carotides  primitives  sont  liées,  on  observe 
parfois  une  hypérémie  veineuse  du  fond  de  l'œil,  due  probablement 
au  reflux  du  sang  dans  les  veines. 

Lorsque  nous  avons  parlé  des  troubles  oculaires  consécutifs  aux 
maladies  du  foie,  nous  avons  déjà  signalé  l'influence  fâcheuse  de  la 
pléthore  abdominale  sur  l'organe  de  la  vision.  Il  survient  des  congestions 
vers  la  tète,  un  affaiblissement  très  rapide  du  muscle  de  l'accommo- 
dation avec  diminution  de  l'amplitude  de  l'accommodation  et  sensation 
de  tension  dans  l'œil.  Tous  ces  symptômes  disparaissent  quand  on 
traite  la  pléthore  abdominale  par  les  alcalins. 

La  thrombose  des  veines  les  plus  diverses  peut  produire  une  embolie 
de  l'artère  centrale  de  la  rétine,  si  une  partie  du  thrombus  vient  à  se 
détacher.  Le  fait  a  été  observé  surtout  dans  la  thrombose  des  veines 
de  la  matrice  et  dans  la  phlegmatia  alba  dolens  qui  survient  après 
l'accouchement. 

La  thombrose  du  sinus  caverneux  s'accompagne  toujours  de  troubles 
oculaires.  Cette  affection  apparaît,  on  le  sait,  dans  divers  cas  :  elle 
se  développe  chez  les  enfants  à  la  suite  des  maladies  graves  ;  elle  est 
souvent  la  conséquence  de  maladies  infectieuses,  comme  la  méningite, 
la  carie  du  rocher,  les  processus  infectieux  du  pourtour  de  l'orbite 
(furoncles,  érysipèle).  Parfois  la  maladie  qui  détermine  la  thrombose 
du  sinus  caverneux  siège  dans  des  organes  éloignés  des  organes  visuels; 
dans  la  fièvre  puerpérale,  par  exemple,  elle  a  son  point  de  départ  dans 
la  matrice. 

En  général,  les  symptômes  de  la  thrombose  du  sinus  caverneux 
suivent  une  marche  rapide  à  partir  du  moment  où  l'affection  se  pro- 
page du  sinus  vers  les  veines  orbitaires.  On  voit  apparaître  l'exoph- 
talmie  avec  gonflement  et  rougeur  des  paupières,  chémosis  de  la 
conjonctive,  immobilité  du  globe  oculaire  et  dilatation  des  pupilles. 
L'acuité  visuelle  est  diminuée  d'une  façon  très  notable,  ou  bien  même 
il  survient  de  l'amaurose. 

A  l'examen  ophtalmoscopique,  on  trouve  la  papille  gonflée  et  œdé- 
mateuse, les  veines  rétiniennes  considérablement  dilatées,  entourées 
de  sang  extravasé.  Si  le  thrombus  n'est  pas  d'origine  infectieuse,  on 
n'observe  qu'une  simple  transsudation  séreuse  dans  le  tissu  orbitaire. 
Dans  ce  cas,  la  pression  exercée  sur  l'œil  proéminent  n'est  pas  doulou- 


228  PARTIE  SPÉCIALE. 

reuse  (de  Lapersonne),  tandis  que  le  contraire  a  lieu  lorsqu'il  existe  un 
abcès  de  l'orbite. 

Les  symptômes  de  la  thrombose  du  sinus  caverneux  sont  plus  ou 
moins  intenses, selonqu'il  y  a  obstruction  incomplète  ou  totale  dusinus. 
Dans  le  dernier  cas,  il  y  a  dilatation  non  seulement  des  veines  orbi- 
taires,  mais  aussi  des  veines  frontales  qui  s'anastomosent  avec  la  veine 
ophtalmique. 

Quand  la  thrombose  est  de  nature  inflammatoire,  on  observe  des 
symptômes  du  côté  des  nerfs  qui  traversent  le  sinus  ou  qui  sont  situés 
dans  le  voisinage  (paralysie  de  l'oculo-moteur  commun  et  de  l'oculo- 
moteur  externe,  névralgie  du  trijumeau).  Ces  symptômes  sont  pro- 
duits par  la  propagation  de  l'inflammation  aux  nerfs  eux-mêmes. 

La  lésion  du  trijumeau  peut  entraîner  l'aneslhésie  des  parties  de  la 
peau  qu'innervent  ses  rameaux,  et  on  a  même  signalé  l'apparition  de 
l'ophtalmie  névro-paralytique.  Nothnagel  a  publié  un  cas  de  ce  genre, 
observé  chez  une  femme  de  soixante-quinze  ans,  qui  souffrait  d'une 
anesthésie  douloureuse  de  la  moitié  droite  de  la  face,  compliquée  de 
névralgie  du  trijumeau  et  d'ophtalmie  névro-paralytique  rappelant  ce 
qui  se  produit  après  lasectiondu  trijumeau.  Des  troubles  vaso-moteurs 
(œdème  de  la  paupière,  rougeur  de  la  peau),  des  stases  veineuses  dans 
la  région  du  sinus  caverneux,  permirent  à  Nothnagel  de  diagnostiquer 
la  thrombose  de  ce  sinus. 

L'exophtalmie  ne  se  produit  pas  lorsque  la  thrombose  ne  se  propage 
pas  aux  veines  ophtalmiques,  ainsi  que  l'ont  constaté  de  Graefe  et 
H,  Cohn.  La  conjonctive  est,  par  contre,  le  siège  d'un  gonflement  consi- 
dérable, et  la  pupille  peut  rester  normale,  quoique,  dans  quelques 
cas  de  ce  genre,  on  ait  observé  des  paralysies  des  muscles  de  l'œil  (de 
Graefe). 

Si  la  thrombose  est  d'origine  infectieuse,  il  se  produit  une  infiltration 
purulente  des  veines  et  du  tissu  rétro-bulbaire.  A  l'autopsie,  on  trouve 
des  abcès  dans  l'orbite,  dans  les  paupières  et  dans  la  lèvre  supérieure. 
Dans  ces  cas,  on  a  rencontré  du  pus  dans  le  sinus  caverneux,  le 
sinus  de  Ridley,  le  sinus  pétreux,  les  veines  de  la  face  et  même  dans  la 
veine  jugulaire  interne.  On  a  également  toujours  trouvé  des  abcès 
métastatiques  dans  les  poumons,  ou  bien  des  complications  pleuréti- 
ques  ou  pneumoniques.  Des  germes  infectieux  peuvent  même  être  trans- 
portés dans  le  globe  oculaire  et  produire  la  panophtalmie  suppurée. 

Le  pronostic  de  la  thrombose  du  sinus  caverneux  est  tout  à  fait 
grave.  Tous  les  malades  meurent  rapidement  au  milieu  de  convulsions 
et  de  syncopes. 

Le  diagnostic  est  relativement  facile  ;  on  ne  peut  confondre  la 
thrombose  du  sinus  caverneux  qu'avec  un  abcès  orbitaire.  Il  importe 
de  se  rappeler  que,  dans  le  premier  cas,  la  marche  des  symptômes  est 
beaucoup  plus  rapide  ;  en  outre,  unilatéraux  au  début,  ces  symptômes 


TROUBLES  OCULAIRES  DANS  LES  ALTÉRATIONS  DU   SANG.  229 

ne  tardent  pas,  dans  la  plupart  des  cas,  à  se  montrer  de  l'autre  côté. 
La  propagation  de  l'affection  d'un  sinus  caverneux  à  l'autre,  l'exoph- 
lalmie  bilatérale  qui  en  résulte,  le  gonflement  inflammatoire  de  la 
conjonctive  et  des  paupières,  sont  des  signes  presque  pathognomoni- 
ques  de  la  thrombose  du  sinus  caverneux. 

Il  peut  arriver  que  la  thrombose  du  sinus  ait  pour  point  de  départ 
un  abcès  orbitaire.  L'inflammation  peut  alors  gagner  l'autre  sinus  et 
occasionner  un  abcès  orbitaire  de  l'autre  côté. 

Toutefois,  il  convient  de  remarquer  qu'on  a  observé  des  symptômes 
analogues  à  ceux  delà  thrombose  du  sinus  caverneux  sans  que  celui-ci 
fût  atteint.  Ainsi  Leyden  a  vu  survenir,  à  la  suite  d'une  méningite,  de 
l'exophtalmie  unilatérale  ou  bilatérale,  avec  œdème  des  paupières,  et 
l'autopsie  a  démontré  qu'il  n'existait  pas  de  thrombose  du  sinus  caver- 
neux ;  l'inflammation  s'était  propagée  de  la  cavité  crânienne  à  l'orbite 
à  travers  la  fente  sphénoïdale.  Au  point  de  vue  du  diagnostic  diffé- 
rentiel, il  est  très  important  de  noter  que,  dans  les  cas  observés  par 
Leyden,  l'acuité  visuelle  n'était  pas  diminuée.  11  est  très  probable  que 
l'ophtalmoscope  aiderait  alors  puissamment  à  établir  le  diagnostic  : 
s'il  n'existe  pas  de  thrombose  du  sinus,  les  veines  rétiniennes  ne  sont 
pas  aussi  distendues  que  lorsqu'il  en  existe. 

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et  Zicmssen,  Berlin,  klin.  Wocli.,  1870,  n°  15.  —  Merkel,  Deutsche  Arcli.  f.  klin.  Mcdizin.  X,  p.  201. 
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—  Goldsieher,  Wiener  med_.  Woçh.,    L890,  n»  3.  —  Kœnig,  Thèse  de  Paris,  1890.  ■—  Bernheimir, 

Arch.  f.  Ophllialm.,  t,  XXXVI,  fasc.  2. 
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et  Saennich,  I.  VI.  —  Delens,  De  la  communication  de  la  carotide  interne  et  du  sinus  caverneux.  Thèse 

de  Paris,   1870.  —  Le  Fort.  Bull,  de  l'Acad.  de  med.,  1888,  13  octobre. 
Malawi  ~  des  veines.  —  Foerster,  loc.  cit.,  p.  63,  180.  —  Jacobson,  loc.  cit.,  p.  13,  71.  —  Foerster,  Ueber 

Augenleiden  in  Folgc  enger  Halsbinden.  Bresl.  jErztl.  Zeitschr.,  1888,  n"  22.  —  Nothnagel,  Analyse 

dans  la  Semaine  médicale,  1889,  8  juin. 


VIII.  —  TROUBLES  OCULAIRES  DANS   LES    MALADIES 
QUI  ALTÈRENT  LA  COMPOSITION  DU  SANG. 

A  priori,  on  pouvait  supporter  que  les  altérations  dans  la  compo- 
sition du  sang  devaient  entraîner  un  changement  dans  la  coloration 
et  le  volume  des  vaisseaux  rétiniens.  Cette  hypothèse  s'est  trouvée 
confirmée  par  les  nombreuses  expériences  de  E.  de  Jaeger  et  de 
Schmell.  Toutefois,  il  ne  faut  encore  songer  à  utiliser  qu'avec  beaucoup 


230  PARTIE  SPÉCIALE. 

de  réserve  les  données  fournies  par  l'examen  ophtalmoscopique,  lors- 
qu'il s'agit  de  diagnostiquer  une  altération  du  sang.  Il  importe  beau- 
coup plus  de  remarquer  que  les  altérations  du  fluide  nourricier  peu- 
vent amener  des  troubles  fonctionnels  de  la  vue  d'une  réelle  gravité. 


Uln.^  "~J.  fyfà^^tfH?', 


Dans  les  cas  légers  de  chlorose,  l'ophtalmoscope  ne  révèle  ancune 

/^  £  izi,3t*/<       particularité;  mais,  dans  les  cas  graves,  il  permet  de  constater  une 

foi  ZCV' rtf^^décoloration  et  un  resserrement  des  vaisseaux  rétiniens.  Une   seule 

<MlJh*J)al ,^viA^--f°is'  fit  c'est  à  St.  Mackenzie  qu'on  doit  l'observation,  il  fut  possible  de 

n     /     //  trouver  de  très  importantes  altérations  du  fond  de  l'œil.    Chez   un 

malade  le  nombre  des  globules  rouges  était  descendu  à  — du  chiffre 

normal,  et  la  proportion  de  l'hémoglobine  était  réduite  aux  — de  la 

quantité  habituelle.  St.  Mackenzie  constata  l'existence  d'une  papillo- 
rétinite  et  observa,  au  centre  de  la  rétine,  de  petites  plaques  étoilées 
rappelant  les  altérations  qu'offre  la  tache  jaune  dans  la  rétinile  albu- 
minurique  ;  les  reins,  cependant,  n'étaient  nullement  malades. 

2.    ANÉMIE. 

Ce  n'est  que  dans  les  cas  graves  que  l'anémie  laisse  voir  à  l'ophtal- 
moscope des  altérations  appréciables  du  fond  de  l'œil.  On  a  constaté 
le  resserrement  des  artères  et  une  dilatation  des  veines,  dont  le  dia- 
mètre arrive,  dans  quelques  cas,  à  atteindre  deux  ou  trois  fois  celui 
des  artères.  Les  veines  rétiniennes  paraissent  très  sinueuses,  et,  au 
niveau  de  la  papille  même,  elles  sont  d'un  rouge  moins  foncé  qu'à 
l'état  normal.  11  est  assez  rare  que  la  contraction  des  artères  rétiniennes 
soit  poussée  fort  loin;  le  fait  n'a  été  observé  qu'une  fois  par  Schmell 
chez  un  sujet  anémique  qui  était  atteint  en  même  temps  d'une  tumeur 
maligne.  Les*  vaisseaux  rétiniens  sont  d'autant  plus  altérés  dans  leur 
coloration  et  leur  calibre  que  les  symptômes  subjectifs  dont  se  plai- 
gnent les  malades  sont  plus  accentués. 

Dans  les  cas  d'anémie  grave  on  observe  encore  un  autre  symptôme  : 
la  transparence  du  sang  contenu  dans  les  vaisseaux  rétiniens  (Friid- 
richson).  Ce  phénomène  résulte  surtout  de  la  diminution  de  l'hémo- 
globine, mais  il  reconnaît  aussi  pour  cause  la  diminution  simultanée 
des  matières  solides  du  sang  (Zumpft). 

Très  souvent,  chez  les  anémiques,  on  constate  le  pouls  artériel  de  la 
rétine;  ce  n'est  que  dans  les  cas  graves  qu'on  peut  apprécier  les  varia- 
tions du  calibre  de  l'artère  centrale  de  la  rétine  à  chaque  pulsation. 
D'ailleurs,  le  pouls  artériel  est  sujet  à  des  variations  passagères  :  tantôt 


ANÉMIE.  231 

il  est  très  fort,  tantôt  il  disparait  pendant  quelque  temps.  La  position 
du  malade,  selon  qu'il  est  assis  ou  debout,  n'est  pas  sans  influer  sur 
ces  modifications.  La  compression  de  la  carotide  primitive  diminue 
l'intensité  du  pouls  rétinien,  tandis  que  la  compression  de  la  veine 
jugulaire  n'exerce  aucune  action  sur  lui  (Schmell). 

Les  théories  les  plus  diverses  ont  été  émises  pour  expliquer  l'exis- 
tence du  pouls  artériel  de  la  rétine  dans  l'anémie.  Haehlmann  ayant 
constaté  à  la  fois  la  diminution  du  nombre  des  hématies  et  de  la 
quantité  proportionnelle  d'hémoglobine,  en  conclut  que  les  globules 
rouges  avaient  un  poids  spécifique  moindre  qu'à  l'état  normal  etqu'ils 
exerçaient  un  frottement  moindre  contre  eux-mêmes  et  contre  la  pa- 
roi vasculaire.  Par  suite,  la  déperdition  de  force  étant  moindre,  le 
cœur  peut,  d'après  cet  auteur,  pousser  plus  loin  la  colonne  sanguine. 
Le  résultat  de  ce  fait  serait  la  pulsation  des  artères  rétiniennes. 
Cette  théorie  a  été  émise  aussi  par  Zumpft. 

D'après  ce  dernier,  ce  serait  surtout  la  diminution  des  matières  so- 
lides du  sang  qui  causerait  le  pouls  artériel  rétinien.  Mais,  d'après  cet 
auteur,  au  tond,  cette  distinction  a  peu  d'importance,  car  le  fait  reste 
le  même  que  la  diminution  des  matières  solides  porte  sur  les  globules 
rouges  ou  sur  le  sérum  (1). 

Schmell  prétend  avoir  constaté  que  le  pouls  artériel  est  plus  accen- 
tué dans  les  cas  d'hydrémie  légère  que  dans  les  cas  d'hydrémie 
grave.  Ce  qui  est  certain,  c'est  que  l'hypothèse  de  Haehlmann  est  en 
désaccord  avec  les  observations  de  Schklarevsky  qui  a  prouvé  que  les 
globules  rouges  circulent  avec  plus  de  rapidité  que  les  leucocytes  et  le 
sérum.  Ce  fait  s'explique  aisément  :  de  deux  corps  lancés  avec  la 
même  force,  c'est  celui  dont  le  poids  spécifique  est  le  plus  considé- 
rable qui  va  le  plus  loin.  Pour  comprendre  le  pouls  artériel,  il  con- 
vient de  ne  pas  oublier  que  ce  phénomène  résulte  de  la  différence  de 
pression  intravasculaire  pendant  la  systole  et  pendant  la  diastole;  or, 
il  semble  que  cette  différence  soit  plus  grande  dans  l'anémie  que 
dans  l'état  normal. 

Souvent,  on  constate,  dans  l'anémie,  une  diminution  de  l'amplitude 
de  l'accommodation;  c'est  à  cela  qu'est  du  l'affaiblissement  de  la  vue 
dont  se  plaignent  certains  malades,  et  qu'ils  notent  surtout  lorsqu'ils 
veulent  lire.  Il  est  très  probable  que  cette  diminution  tient  à  la  nutri- 
tion insuffisante  du  muscle  de  l'accommodation,  qui  perd  de  son  éner- 
gie comme  beaucoup  d'autres  muscles  chez  les  anémiques. 

Les  fonctions  visuelles  peuvent  être  considérablement  atteintes, 
dans  l'anémie,  par  des  hémorrhagies  intra-oculaires  ;  ce  sont  surtout 
des  hémorrhagies  du  corps  vitré  et  de  la  rétine,  qui  surviennent  dans 

(1)  Cependant,  d'après  les  récentes  recherches  de  Hamraerschlag,  Siegl  et  Copemaa, 
la  densité  du  sang  serait  toujours  seulement  en  rapport  avec  la  quantité  de  l'hémo- 
globine. 


232  PARTIE  SPÉCIALE. 

les  cas  graves.  Ulrich  (de  Strasbourg)  a  fait,  sur  cette  complication, 
de  très  intéressantes  recherches.  Il  a  observé  que  les  hémorrhagies  de 
la  rétine  sont  toujours  précédées  de  symptômes  généraux  (maux  de 
tête,  bourdonnements  d'oreilles,  état  d'anxiété  ou  étourdissements). 
Le  sang  extra  vase  provient  toujours  des  veines  rétiniennes  considé- 
rablement dilatées.  D'après  l'auteur,  la  cause  de  l'hémorrhagie  serait 
la  diminution  de  la  tension  intra- oculaire.  En  exerçant  avec  le  doigt 
une  légère  pression  sur  le  globe  de  l'œil,  on  peut  faire  disparaître  la 
colonne  sanguine  dans  les  veines  et  les  artères.  11  faut  aussi  recon- 
naître que  d'autres  causes  favorisent  également  le  développement  des 
hémorrhagies  rétiniennes  dans  ces  cas  ;  ce  sont  l'altération  de  la 
composition  du  sang  et  la  gène  qu'éprouve  le  sang  à  circuler  dans  la 
veine  centrale  qui,  formant  un  coude  presque  à  angle  droit  dans  la 
papille,  se  prêle  difficilement  à  l'écoulement  du  sang  dont  ses  bran- 
ches sont  gorgées. 

Zumpft  prétend  que  lorsque,  chez  des  anémiques,  on  constate,  au 
moyen  de  l'ophtalmoscope,  deshémorrahgies  rétiniennes,  il  faut  y  voir 
la  preuve  que  les  matières  solides  du  sang  ont  considérablement  dimi- 
nué. D'après  lui,  on  pourrait  encore,  avec  quelque  vraisemblance, 
conclure  de  ce  fait  qu'on  se  trouve  en  présence  d'hypalbuminose  (di- 
minution de  l'albumine  dans  le  sang). 

Parfois,  les  anémiques  atteints  d'hémorrhagies  intra-oculaires  sont 
exposés  à  d'autres  hémorrhagies  (épistaxis,  etc.)  ;  en  outre,  ils  se 
plaignent  fréquemment  de  vertiges  ou  de  migraine.  Ces  symptômes 
nerveux  sont  incontestablement  provoqués  par  l'anémie  progressive. 
Chez  ces  malades,  les  hémorrhagies  à  répétition  du  corps  vitré  peu- 
vent, par  l'effet  delà  compression  intra-oculaire,  provoquer  des  accès 
de  glaucome.  Jacobson  en  a  observé  deux  cas,  qui  ont  été  guéris  par 
l'iridectomie. 

Lorsque,  par  le  traitement,  on  réussit  à  améliorer  l'état  général  et 
qu'on  emploie  des  moyens  locaux  appropriés  (bandeau  compressif), 
on  peut  voir  les  hémorrhagies  intra-oculaires  se  résorber  complète- 
ment; nous  en  avons  nous-mème  observé  des  exemples.  Mais  parfois  il 
reste  des  flocons  dans  le  corps  vitré.  Les  rechutes,  dans  l'anémie 
progressive,  sont  très  fréquentes  parce  qu'il  est  difficile  d'obtenir  la 
guérison  de  la  maladie  générale.  11  ne  faut  jamais  chercher,  comme 
le  conseille  Mayweg,  à  remédier  aux  hémorrhagies  intra-oculaires 
par  la  ligature  de  la  carotide  primitive. 

On  n'a  pas  encore  pu  donner  une  explication  analomique  satisfai- 
sante de  la  névrite  optique  qu'on  observe  parfois  dans  le  cours  de 
l'anémie.  Il  est  probable  que  cette  lésion  est  due  à  un  épanchement 
sanguin  occupant  l'espace  intervaginal  du  nerf  optique  et  compri- 
mant les  vaisseaux  de  la  papille.  Nous  avons  déjà  fait  remarquer  que 
les  symptômes  sont  les  mêmes  dans  l'hématome  des  gaines  optiques 


PERTES  SANGUINES.  "233 

et  dans  la  névrite  optique.  La  compression  exercée  par  un  épanche  - 
meut  sanguin  peut  expliquer  certains  cas  d'amawose.  Néanmoins,  cette 
explication  ne  saurait  s'appliquer,  à  mon  sens,  à  un  cas  publié  par 
Litten  et  Hirschberg;  ils  virent,  dans  le  cours  d'une  anémie  simple, 
survenir  de  l'amaurose  bilatérale.  La  papille  était  gonflée  sans  qu'il 
existât  d'exsudation  ni  d'héinorrhagie  dans  son  pourtour.  Un  traite- 
ment tonique  amena  la  guérison  de  l'amaurose.  Au  bout  de  cinq  se- 
maines, il  ne  restait  qu'un  scotome  central  aux  deux  yeux,  et  son 
diamètre  diminua  progressivement.  Les  pupilles,  immobiles  au  début 
de  l'amaurose,  reprirent  leur  réaction  normale.  Cette  observation 
rappelle  les  troubles  oculaires  que  l'on  constate  dans  les  auto-intoxi- 
cations. Aussi  est-on  en  droit  de  penser  que  la  diminution  du  nom- 
bre des  globules  rouges  a  apporté  un  obstacle  à  l'élimination  des 
produits  d'échange  que  les  hématies  contribuent  à  chasser. 

3.    PERTES  SANGUINES. 

Après  avoir  traité  des  troubles  oculaires  dans  l'anémie  essentielle, 
il  est  naturel  de  s'occuper  de  ceux  qui  surviennent  dans  l'anémie  con- 
sécutive à  des  pertes  sanguines. 

D'après  Arlt,  parmi  les  pertes  sanguines  susceptibles  d'occasionner 
des  troubles  de  la  vue,  il  faut  placer  en  première  ligne  les  métrorrha- 
gies;  d'après  Fœrster,  au  contraire,  ce  seraient  les  gastrorrhagies  qui 
influeraient  le  plus  sur  les  fonctions  visuelles.  Il  est  incontestable  que 
ces  fonctions  peuvent  être  troublées  à  la  suite  d'hémorrhagies  d'or- 
ganes divers;  on  en  a  observé  même  des  exemples  consécutivement  à 
des  hémorrhagies  du  dos  du  pied  (Bock)  et  des  organes  génito- 
urinaires. 

A  plusieurs  reprises,  Jacobson  a  noté  la  diminution  de  l'amplitude  de 
V accommodation  après  des  pertes  sanguines.  La  fatigue  qu'éprouvent 
parfois  pendant  la  lecture  les  nouvelles  accouchées  est  probablement 
le  résultat  de  la  perte  de  sang  (1). 

L'amaurose  peut  aussi  se  montrer  à  la  suite  d'hémorrhagies,  et  c'est 
une  complication  qui  a  une  importance  considérable.  De  Graefe,  le  pre- 
mier, a  eu  le  mérite  de  signaler  le  fait  dans  un  cas  de  gastrorrhagie. 

Il  est  très  rare  que  l'amaurose  apparaisse  aussitôt  après  la  perte  de 
sang,  et  que  le  malade  se  réveille  aveugle  après  une  syncope.  Le  plus 
souvent  l'affection  ne  fait  son  apparition  que  trois  à  six  jours,  et  dans 
quelques  cas  peu  nombreux,  quinze  à  dix-huit  jours  après  l'accident 
primitif.  La  marche  de  l'amaurose  due  à  des  hémorrhagies  est  très 

(1)  Vu  le  rôle  important  que  joue  le  sang  dans  l'élimination  des  produits  de  l'é- 
change, la  diminution  de  la  quantité  du  sang  pourrait  peut-être  entraîner  l'accu- 
mulation de  produits  toxiques  dans  l'organisme  et  causer  des  auto-intoxications.  Il 
serait  téméraire  de  se  prononcer  sur  la  question,  de  savoir  si  la  parésie  du  muscle 
de  l'accommodation  serait  due  à  cette  cause. 


234  PARTIE   SPÉCULE. 

rapide;  il  arrive  que  le  malade  accuse  auparavant  des  anomalies  vi- 
suelles. Quand  l'amaurose  n'est  pas  complète,  on  peut  noter  des  lacu- 
nes très  considérables  dans  le  champ  visuel,  et  le  scolome  offre  cette 
particularité  de  n'être  pas  central  mais  de  frapper  la  périphérie.  On 
voit  quelquefois  le  scotome  s'étendre  de  plus  en  plus  et  atteindre  le 
champ  visuel  tout  entier;  dans  quelques  cas  une  très  petite  partie  de 
la  périphérie  de  la  rétine  reste  seule  indemne. 

Dans  tous  les  casd'amaurose  par  perte  sanguine  la  réaction  des  pu- 
pilles s'est  trouvée  abolie.  On  ne  connaît  qu'une  seule  exception  à  cetle 
règle  et  c'est  Samelsohn  qui  l'a  signalée. 

Lorsqu'au  début  on  examine  l'œil  à  l'ophlhalmoscope,  on  observe 
l'ischémie  des  artères  rétiniennes;  les  veines  sont,  au  contraire,  dila- 
tées et  la  papille  est  légèrement  proéminente.  11  est  tout  à  fait  excep- 
tionnel que  l'on  ne  constate  qu'une  légère  décoloration  de  la  papille. 
Dans  quelques  cas  on  observe  la  névrite  optique,  la  papille  est  proé- 
minente, son  pourtour  offre  généralement  un  voile  blanchâtre  qui  en 
rend  les  limites  indécises,  d'autant  plus  qu'il  existe  quelques  liémor- 
rhagies  autour  des  vaisseaux.  La  névrite  optique  amène  liés  rapide- 
mont  une  atrophie  de  la  papille.  Aussi,  comme  peu  d'observateurs 
ont  eu  l'occasion  d'examiner  les  malades  à  l'ophlhalmoscope  au 
début  de  L'affection,  s'explique-t-on  qu'on  l'ait  décrite  sous  le  nom 
d'atrophie  du  nerf  optique  par  suite  de  pertes  sanguines. 

D'après  Pries,  sur  100  cas  d'amaurose  consécutive  à  des  hémorrha- 
gies,  l'affection  s'est  terminée  50  fois  par  l'atrophie  complète  des  nerfs 
optique?,  20  fois  par  la  guérison  totale  et  30  fois  par  une  simple  amé- 
lioration on  par  arrêt  de  la  maladie.  On  peut  surtout  espérer  une 
amélioration  dans  les  cas  d'amblyopie  avec  conservation  partielle  du 
champ  visuel. 

Les  hypothèses  les  plus  diverses  ont  été  ('mises  pour  expliquer  la 
pathogénie  de  l'amaurose  consécutive  à  des  pertes  sanguines.  Jacob- 
son  a  supposé  que  la  névrite  optique  était  causée  par  une  affection 
cérébrale  intercurrente  (inflammation  ou  hémorrhagie  de  la  base  du 
crâne).  (îessner  observa  un  cas  d'amaurose  qui  était  survenue  à  la 
suite  d'une  métrorrhagie  consécutive  à  l'accouchement;  il  existait  en 
même  temps  une  myélite  ascendante  aigué.  Il  en  conclut  que  les 
pertes  sanguines  considérables  entraînaienl  une  altération  des  parois 
vasculaires  et  que  L'inflammation  du  nerf  optique  et  de  la  moelle  épi- 
nière  était  la  conséquence  de  cette  altération. 

Après  avoir  soigneusement  étudié  les  lésions  anatomiques  produites 
par  une  amaurose  consécutive  à  des  pertes  sanguines,  Ziegler  a  donné 
du  processus  une  explication  qui  mérite  l'attention.  L'amaurose  était 
survenue  trois  jours  après  l'hémorrhagie.  L'examen  ophtalmosco- 
pique,  pratiqué  aussitôt,  révéla  l'existence  d'une  névrite  optique  très 
avancée.  Le  malade  mourut  et  le  microscope  fit  voir  que  les  fibres  du 


ANEMIE   PERNICIEUSE   PROGRESSIVE.  23:; 

nerf  optique  et  la  couche  des  fibres  optiques  de  la  rétine  avaient  subi 
une  dégénérescence  graisseuse  que  Ziegler  attribua  à  L'ischémie  des 
artères  rétiniennes.  Cette  explication  concorde  avec  les  résultats  ob- 
tenus expérimentalement  par  Spronck.  Ce  savant  ayant  produit  l'ané- 
mie de  la  moelle  épinière  en  liant  les  artères  qui  s'y  rendent,  cons- 
tata au  bout  de  quelques  jours  un  commencement  de  dégénérescence 
des  fibres  nerveuses  et,  en  mémo  temps,  une  prolifération  du  tissu  in- 
terstitiel. 

On  conçoit  que  les  troubles  de  la  vue  apparaissent  tantôt  d'une  fa- 
çon rapide,  tantôt  à  une  époque  assez  éloignée  des  perles  sanguines. 
Le  sang,  en  effet,  se  distribuant  d'une  manière  inégale  dans  les  diver- 
ses parties  du  corps,  il  en  résulte  que  l'ischémie  locale  de  la  rétine 
arrive  plus  ou  moins  rapidement  selon  les  cas. 

On  n'a  pas  encore  noté  avec  assez  de  soin  l'état  de  la  pupille  dans 
les  observations  concernant  les  cas  dont  nous  nous  occupons.  Dans 
des  expériences  faites  sur  des  animaux,  Kussmaul  et  Tenner  ont 
constaté  que  des  pertes  sanguines  lentes  et  répétées  amenaient  un 
très  léger  resserrement  de  la  pupille;  des  hémorrhagies  foudroyantes, 
avec  syncope  et  convulsions,  produisent,  au  contraire,  une  mydriase 
très  prononcée.  Par  suite,  il  est  permis  de  penser  que,  dans  les  cas 
de  pertes  sanguines  graves,  l'amaurose  est  précédée  de  dilatation  de 
la  pupille,  symptôme  qui  n'est  que  la  conséquence  de  l'anémie  des 
vaisseaux  cérébraux. 

Les  moyens  thérapeutiques  essayés  pour  combattre  l'amaurose  con- 
sécutive à  des  pertes  sanguines  n'ont  encore  donné  aucun  résultat. 
Il  va  de  soi  qu'il  faut  tout  d'abord  éviter  la  répétition  de  l'hémorrha- 
gie,  et  pour  cela,  on  emploie  les  injections  hypodermiques  d'ergo- 
tine,  etc.  Lorsque  l'amaurose  a  déjà  fait  son  apparition,  on  doit  es- 
sayer, comme  je  l'ai  recommandé  dans  une  publication  antérieure, 
d'augmenter  la  quantité  de  sang  dans  la  rétine  en  maintenant  la  tête 
basse  et  en  enveloppant  de  temps  en  temps  les  extrémités  avec  la 
bande  d'Esmarch.  On  pourrait  aussi,  comme  l'a  conseillé  Ziemssen 
pour  d'autres  affections,  avoir  recours  aux  injections  hypodermiques 
de  sang  défibriné.  Employé  dès  le  début  de  l'amaurose,  ce  dernier 
moyen  serait  peut-être  susceptible  d'empêcher  l'atrophie  optique.  Si 
l'on  ne  redoute  plus  d'hémorrhagie,  il  est  permis  d'essayer  les  injec- 
tions hypodermiques  de  strychnine  et  la  galvanisation  du  nerf  opti- 
que. On  a  tenté  d'augmenter  la  quantité  de  sang  dans  les  vaisseaux 
rétiniens  en  diminuant  la  pression  intra-oculaire  par  l'iridectomie,  ou 
la  ponction  de  la  chambre  antérieure;  mais  jusqu'ici  ces  tentatives 
n'ont  donné  aucun  résultat. 

4.  ANÉMIE  PERNICIEUSE  PROGRESSIVE. 

C'est  à  Biermer  que  revient  l'honneur  d'avoir  le  premier  démontré 


236  PARTIE  SPÉCIALE. 

que  dans  l'anémie  pernicieuse  progressive  l'œil  est  atteint  des  mémos 
lésions  que  les  autres  organes.  Sur  35  cas  qu'il  a  observés,  il  a  ren- 
contré des  hémorrhagies  rétiniennes,  sans  que  pour  cela  la  vue  fût  for- 
cément altérée.  Il  a  trouvé,  en  même  temps,  des  apoplexies  dans 
d'autres  organes. 

On  n'a  pas  encore  découvert  la  cause  de  ces  hémorrhagies.  Dans  un 
cas,  à  l'examen  anatomique,  Manz  a  vu  les  capillaires  avec  des  dila- 
tations ressemblant  à  des  anévrysmes.  D'autres  auteurs  admettent 
que  les  hémorrhagies  seraient  dues  à  une  dégénérescence  graisseuse 
des  parois  vasculaires.  L'acuité  visuelle  centrale  n'est  que  rarement 
diminuée,  et  le  fait  ne  s'observe  que  dans  les  apoplexies  de  la  tache 
jaune.  Chez  un  malade  examiné  par  Fœrster,  le  champ  visuel  était  ré- 
tréci dans  sa  périphérie. 

Dans  les  cas  d'anémie  pernicieuse  progressive,  l'ophthalmoscope 
permet  de  constater  la  pâleur  de  la  papille  optique  et  un  œdème  léger 
(opacité),  non  seulement  autour  de  cette  partie,  mais  aussi  autour  des 
vaisseaux  qui  ont  donné  lieu  à  des  hémorrhagies.  Parfois  le  sang  extra- 
vasé  forme  des  foyers  oblongs,  fdsiformes,  dont  la  direction  est  paral- 
lèle à  celle  du  vaisseau  le  plus  rapproché.  Foerster  pense  que  quel- 
ques-uns de  ces  foyers  seraient  situés  dans  la  membrane  adventice 
externe  des  parois  vasculaires.  Les  épanchemenls  sont  moins  foncés 
que  dans  les  cas  où  il  n'existe  pas  d'altération  du  sang.  Le  calibre  et 
la  coloration  des  vaisseaux  sont  les  mêmes  que  lorsqu'il  existe  de 
l'anémie  simple.  On  a  pu  observer  parfois  dans  la  macula  des  taches 
blanches  groupées  en  étoile,  comme  on  le  voit  dans  la  rétinite  albu- 
minurique. 

5.    LEUCOCYTHÉMIE   (LEUCÉMIE). 

L'examen  opbthalmoscopique  permet,  danscette  maladie,  de  recon- 
naître aisément  l'altération  du  sang.  Les  artères  rétiniennes  renferment 
un  liquide  d*un  rouge  clair.  La  colonne  sanguine  est  généralement 
entourée  d'une  double  ligne  blanche  (périvasculite),  juxtaposée  aux 
deux  lignes  rouges  qui  indiquent  la  limite  du  vaisseau.  Les  veines, 
d'un  ton  rosâtre,  sont  également  moins  foncées  qu'à  l'étal  normal  ; 
elles  sont,  en  outre,  fort  dilatées  et  sinueuses.  On  retrouve  la  même 
coloration  claire  jusque  dans  les  vaisseaux  de  la  choroïde.  Dans  son 
ensemble,  le  fond  de  l'œil  offre,  dans  la  leucocylhémie,  une  coloration 
orange  tirant  sur  le  rouge. 

En  1862,  Liebreich  a  observé,  pour  la  première  fois,  des  lésions 
inflammatoires  qu'il  a  désignées  sous  le  nom  de  rétinite  leucémique} 
mais  ces  lésions  n'existent  pas  dans  tous  les  cas  de  leucocylhémie. 
Sur  o  malades,  Scbirmcr  ne  les  a  rencontrées  qu'une  fois.  De  leur  côté, 
Knappet  Beckeront  vu  de  nombreux  cas  de  leucocylhémie  qui  n'étaient 
pas  compliqués  de  rétinite. 


LEUCOCYTHÉMIE. 


2:!7 


Dans  la  rétinite  leucémique,  la  coloration  orange  rougeàlre  du  foad 
de  l'œil  est  masquée  par  un  voile  grisâtre,  mince  et  strié,  dû  à  une 
opacité  de  la  couche  superficielle  de  la  rétine.  De  nombreux  foyers 
hémorrhagiques  se  voient  dans  tout  le  fond  de  l'œil,  mais  principale- 
ment au  pourtour  des  gros  vaisseaux  rétiniens.  Ou  aperçoit,  en  outre, 
de  nombreuses  taches  d'un  blanc  jaunâtre  dans  la  région  de  la  macula, 
mais  elles  sont  encore  plus  abondantes  à  la  périphérie  de  la  rétine 
(Leber '.  Ces  taches,  généralement  rondes,  offrent  un  diamètre  variable, 
mais  elles  n'atteignent  jamais  la  dimension  de  la  papille.  Elles  sont 
parfois  d'un  blanc  clair,  mais,  dans  aucun  cas,  elles  ne  présentent  l'as- 
pect miroitant  des  excroissances  vitreuses  de  la  choroïde.  Enfin,  elles 
sont  limitées  par  un  petit  rebord  sanguin. 


# 


Fig.  25.  —  Rétinite  leucémique  (d'après  Hirschberg).   Image   droite. 


Il  est  prouvé  que  ces  taches,  blanchâtres  ou  jaunâtres,  se  résorbent 
de  temps  à  autre  sans  laisser  de  traces;  mais  elles  reviennent  plus 
tard.  Au  point  de  vue  du  diagnostic  de  la  maladie  générale,  l'existence 
d'une  rétinite  leucémique  n'a  habituellement  que  peu  d'importance, 
car  d'autres  symptômes  permettent  auparavant  de  reconnaître  l'affec- 
tion. Néanmoins,  dans  un  cas  de  Schweinitz,  les  altérations  du  fond  de 
l'œil  avaient  fait  penser  tout  d'abord  à  une  affection  rénale;  au  bout 
d'un  an,  la  maladie  ayant  évolué,  on  observa  les  symptômes  de  la 
rétinite  leucémique,  et  ce  furent  les  lésions  du  fond  de  l'œil  qui 
permirent  d'arriver  à  un  diagnostic  précis  de  la  maladie  générale; 
l'examen  du  sang  démontra  la  justesse  du  diagnostic. 

Parfois,  dans  la  leucocythémie,  les  hémorrhagies  rétiniennes  sont 
très  nombreuses,  el  il  en  existe  aussi  dans  le  corps  vitré.  L'examen 
anatomo-pathologique  montre  qu'elles*siègent  surtout  dans  la  couche 
des  fibres  optiques,  où  elles  forment  des  proéminences  faisant  saillie 


233  PARTIE  SPÉCIALE. 

vers  le  corps  vitré.  Les  taches  blanchâtres  et  jaunâtres  dont  nous 
avons  parlé  sont  dues  à  la  dégénérescence  gangli  forme  (variqueuse)  ou 
graisseuse  des  fibres  nerveuses.  On  a  pu  reconnaître,  dans  quelques 
cas,  que  les  héiuorrhagies  avaient  été  causées  par  la  thrombose  dune 
veine  rétinienne,  et  on  a  trouvé  en  même  temps  des  épanchements  san- 
guins dans  l'espace  inlervaginal  du  nerf  optique. 

A  part  quelques  exceptions,  les  troubles  de  la  vue  sont  peu  impor- 
tants dans  la  leucocythémie.  Dans  un  très  petit  nombre  de  cas,  on  a 
vu  survenir  brusquement  de  l'amauroseàla  suite  d'hémorrhagies  réti- 
niennes fort  étendues. 

Le  pronostic  et  le  traitement  de  la  rétinite  leucémique  sont  les 
mêmes  que  ceux  de  la  maladie  générale  qui  a  donné  naissance  à 
l'affection  oculaire. 

Vins  et  la  choroïde  peuvent  également  être  affectés  dans  la  leuco- 
cythémie. L'iris  présente  quelquefois  des  tumeurs  circonscrites,  d'un 
volume  très  variable,  qui  peuvent  se  montrer  avant  qu'on  ait  constaté 
la  tuméfaction  de  la  rate  et  des  ganglions  lymphatiques.  L'affection  de 
l'iris  est  bilatérale.  Dans  certains  cas,  elle  offre  les  symptômes  clini- 
ques d'un  iritis  chronique,  avec  quelques  flocons  dans  le  corps  vitré; 
dans  d'autres,  toute  la  surface  antérieure  de  l'iris  est  recouverte  de 
petites  tumeurs  grisâtres  plus  ou  moins  grosses.  Sur  le  pourtour  de  ces 
tumeurs,  les  vaisseaux  sanguins  sont  très  dilatés.  La  pupille  est  recou- 
verte par  une  mince  membrane  de  nouvelle  formation.  Ce  n'est  que 
lorsque  le  gonflement  delà  rate  et  des  ganglions  lymphatiques  est  très 
prononcé  que  les  tumeurs  de  l'iris  existent  en  grand  nombre. 

Comme  beaucoup  d'autres  parties  du  corps,  le  tissu  rétro-bulbaire 
peut  être  envahi  par  des  tumeurs  leucocythémiques.  Gayet  a  insisté 
sur  l'importance  qu'il  y  a  à  rechercher  si  l'on  ne  se  trouve  pas  en  pré- 
sence d'un  cas  de  leucémie  ou  de  pseudo-leucémie  lorsque  l'on  cons- 
tate l'existence  de  tumeurs  orbitaires  se  développant  symétriquement 
des  deux  côtés. 

Les  glandes  lacrymales  et  les  paupières  peuvent  être  le  siège  de  tu- 
meurs leucocythémiques,  qui  offrent  les  caractères  des  tumeurs  de 
même  nature  occupant  d'autres  régions  du  corps. 

Ajoutons  une  dernière  remarque  :  dans  la  leucocythémie  les  glandes 
lymphatiques  du  cou  peuvent,  par  leur  développement,  comprimer  le 
grand  sympathique  cervical  et  amener  la  dilatation  des  pupilles.  Elles 
peuvent  aussi  comprimer  la  veine  jugulaire  et  produire  dans  la  tête 
une  slase  veineuse,  qui  s'étend  jusqu'aux  veines  rétiniennes,  dont  la 
dilatation  peut  être  constatée  au  moyen  de  l'ophthalmoscope. 

6.    DIATDÈSES   HÉMORRUAGIQUES. 

A  la  suite  des  troubles  oculaires  occasionnés  par  une  altération  de 


HEMOPHILIE.  239 

la  composition  du  sang,  nous  dirons  quelques  mots  de  ceux  qu'on 
observe  dans  certaines  diathèses  hémorrhagiques  dont  la  véritable 
nature  est  encore  mal  connue. 

\s&  maladie  de  Werlhof  prédispose,  comme  on  le  sait,  aux  hémorrha- 

gies  cutanées,  muqueuses  et  séreuses;  en  revanche  on  n'a  observé  dans 
cette  affection  aucun  symptôme  d'apoplexie  cérébrale,  et  l'autopsie 
n'a  jamais  montré  qu'il  existât  d'hémorrhagie  dans  le  cerveau.  Cepen- 
dant, l'examen  ophthalmoscopique  a  permis,  à  diverses  reprises,  de 
constater  des  hémorrhagies  rétiniennes. 

Dans  un  cas  de  purpura  rhumatismal,  Rue  a  observé  une  hémorrha- 
gie  très  étendue  de  la  rétine,  qui  avait  entraîné  une  grande  diminution 
de  l'acuité  visuelle.  Le  malade  succomba  à  des  hémoptysies,  des  gas- 
trorrhagies  et  des  entérorrhagies.  A  l'autopsie,  on  rencontra  des  apo- 
plexies non  seulement  dans  la  rétine,  mais  aussi  dans  la  choroïde  et 
la  sclérotique. 

Mentionnons  enfin  les  petites  hémorrhagies  rétiniennes  qui  se  pro- 
duisent dans  le  scorbut;  elles  n'entraînent,  d'ailleurs,  aucun  trouble 
de  la  vue,  ou  bien  des  troubles  tout  à  fait  insignifiants. 

7.    UÉM0PQIL1E. 

Dans  l'hémophilie,  des  traumatismes  de  peu  d'importance  peuvent 
occasionner  des  hémorrhagies  très  considérables  dans  l'organe  de  la 
vision.  Priestley  Smith  cite  un  cas  où,  après  une  scarification  superfi- 
cielle de  la  conjonctive,  il  survint  quotidiennement  des  hémorrhagies 
se  répétant  de  deux  à  sept  fois  dans  les  vingt-quatre  heures,  sans  qu'on 
pût  les  arrêter  par  aucun  médicament  styptique;  elles  se  renouvelè- 
rent pendant  quinze  jours  consécutifs. 

On  a  parfois  observé,  dans  cette  maladie,  des  hémorrhagies  intra- 
orbitaires  très  étendues  survenant  sans  cause  appréciable,  et  qu'on 
attribuait  à  tort  à.  un  traumatisme.  Ces  cas  ont  une  certaine  impor- 
tance au  point  de  vue  de  la  médecine  légale. 

BIBLIOGRAPHIE. 

Anémie.  —  Foerster,  loc.  cit.,  p.  231.  — Jacobson,  loc.  cit.,  p.  132.  —  Raeklmann,  Klin.  Monatsbl.  f. 

Augenheilk.,  1889,  décembre. —  Friedrichson,  Dissertât,  inauguralis,  1888.  Dorpat.  —  Maywég,  Soc. 

dophtlialm.  de  Heidelbcrg,  1889.  —  Litten  et  Hirschberg,  Berlin,  klin.  Woch,  1888,  n°  30.  —  Ulrich, 

Arch.  f.  Opbthalm.,  t.  XXXIII,  fasc.  2..—  C.  Gessner,  Arch.  f.  Augenheilk.,  t.  XIX,  fasc.  I. 
Chlorose.  —  Schtnell,  Arcli.  f.  Ophthalm.,  1887.  —  De  Jaeger,  Ergebnisse  d.  Unlersuchung  mitdem 

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niid  Hirschberg    Berlin,  klin.  Woch,  1885,  n»  30.  —  Ulrich,  Arch.  f.  Opbthalm.,  t.  XXXIII,  fasc.  2. 

—  C.  Gessntr,  Arch.  f.  Augenheilk.,  XIX,  fasc.  1.  —  Raehlmann,  Klin.  Monatsbl.  f.  Augenheilk.,  1889, 

décembre.  —  Mayweg,  Soc.  dophtlialm.  de  Heidelbcrg,  1889.  —  Ziegler,  Beitr.  /..  palholog.  Anatomic, 

t.  II. 
Anémie  pernicieuse  progressive.  —  Foerster,  loc.  cit.,  p.  6i,  227.  — Jacobson,  loc.  cit.,  p.  18. 

•tu.  —  Gayet,  Arch.  d'opbthalm.,  1886,  fasc.  1.  —  Hirschberg,  Centralbl.  f.  Augenheilk.,  1887, 

p.  07.  —  Foerster,  loc.  cit.,  p.  77.  —  G.-E,  de  Schweinitz,  Ophthalmic  Review,  1888,  avril. 
Hémophilie.  —  Priestley  Smith,  Opbthalm.  Hosp.  Hep.,   1888,  juillet. 
Diathèses  hémorrhagiques.  —  Foerster,  loc.  cit.,  p.  22  i. 


240  PARTIE  SPÉCIALE. 

IX.  —  TROUBLES  OCULAIRES  CONSÉCUTIFS 
A  DES  MALADIES  ADYNAMIQUES. 

Dans  ce  chapitre,  nous  laisserons  de  côté  les  troubles  fonctionnels 
de  l'organe  de  la  vision  qui  apparaissent  dans  le  cours  ou  à  la  suite 
des  maladies  microbiennes  (paralysie  des  muscles  extrinsèques  et  intrin- 
sèques de  l'œil,  amblyopie,  amaurose,  scotome  central]  ;  nous  nous 
en  tiendrons  aux  altérations  de  la  vue  qui  résultent  d'un  affaiblisse- 
ment général  causé  par  certaines  maladies  entraînant  une  perte  de 
forces  considérable. 

Une  des  lésions  qu'on  rencontre  le  plus  fréquemment  est  ïenophthal- 
mos,  c'est-à-dire  l'enfoncement  de  l'œil  dans  l'orbite  par  suite  de  la 
disparition  d'une  certaine  quantité  de  graisse  du  tissu  rétrobulbaire. 

La  parésie  du  muscle  de  V accommodation  est  probablement,  dans 
plusieurs  cas,  la  conséquence  de  la  diminution  de  la  force  motrice  de 
ce  muscle. 

La  xérose  de  la  conjonctive,  la  kératomalacie  et  Yhéincralopie  s'ob- 
servent chez  des  enfants  affaiblis  et  chez  des  adultes  épuisés  par  la 
maladie. 

Dans  la  xérose,  la  partie  de  la  conjonctive  qui  n'est  pas  recouverte 
par  les  paupières,  se  gonfle  légèrement;  elle  est  voilée  plus  tard  par 
une  sécrétion  blancbùtre,  mousseuse,  ou  bien  par  une  coucbe  de 
croûtes  blanchâtres.  L'examen  histologique  a  montré  que  cette  sécré- 
tion, ces  croûtes,*  contiennent  une  foule  de  gouttelettes  graisseuses  en 
suspension  dans  un  liquide,  et  des  cellules  épithéliales  remplies  de 
granulations  graisseuses.  On  a  attribué  cette  prolifération  des  cellules 
épithéliales  avec  dégénérescence  graisseuse  à  l'invasion  d'un  bacille 
(bacille  de  la  xérose)  et  de  microcoques  réunis  en  groupes. 

Plusieurs  auteurs,  parmi  lesquels  Xeisser,  Kuschbert,  Leber,  etc., 
ont  étudié  le  bacille  de  la  xérose.  P.  Ernst  ayant  employé  un  réactif 
double  au  méthylène  et  au  brun  de  Bismarck,  a  vu  ce  bacille  ren- 
fermer, dans  des  bâtonnets  jaunâtres  ou  rougeàtres,  de  1  à  3,  parfois 
même  de  0  à  8  glomérules  d'un  bleu  foncé. 

■De  nouvelles  recberches  entreprises  par  Schreiber  tendraient  à 
prouver  que  ce  bacille  ne  serait  pas  la  véritable  cause  de  la  xérose 
conjonctivale  ;  cet  observateur  a,  en  effet,  rencontré  le  même  bacille 
dans  d'autres  affections  oculaires,  notamment  dans  le  pannus  scrofu- 
leux,  la  conjonctivite  phlycténulaire  et  la  conjonctivite  chronique' 
Aussi  est-il  d'avis  que  le  bacille  de  Neisser  et  de  Kuschbert  n'a  rien  à 
voir  avec  les  symptômes  de  la  xérose  de  la  conjonctive.  Il  pense  que 
ce  bacille  n'est  qu'un  saprophj  te  et  que  le  vrai  parasite  de  la  xéroph- 
thalmie  nous  est  encore  inconnu. 


TROUBLES  OCULAIRES  CONSECUTIFS  A   DES   MALADIES  ADYNAMIQUES.      241 

Lorsqu'une  alimentation  insuffisante  produit  un  affaiblissement  qui 
donne  naissance  à  la  xérose,  cette  affection  est  souvent  accompagnée 
d'héméralopie.  C'est  ce  qu'on  a  observé  en  Russie,  chez  les  Grecs 
orthodoxes,  après  leur  jeune  de  quarante  jours,  chez  des  prisonniers, 
chez  des  gens  atteints  de  scorbut.  Il  faut  reconnaître  toutefois  qu'on  a 
trouvé  le  bacille  de  Kuschbert  chez  des  gens  dont  l'alimentation  était 
suffisante. 
De  ces  faits,  nous  pouvons  tirer  les  conclusions  suivantes  : 
1°  Les  gens  affaiblis  ont  une  certaine  disposition  à  être  atteints  de 
xérose  de  la  conjonctive  et  d'héméralopie; 

2°  La  xérose  conjonctivale  peut  se  rencontrer  néanmoins  chez  des 
gens  d'une  forte  constitution  ; 

3°  L'agent  infectieux  de  la  xérophtalmie  ne  nous  est  pas  encore 
connu. 

On  a  voulu  expliquer  de  même,  par  l'invasion  de  microbes,  la  nécrose 
de  la  cornée  qu'on  observe  chez  les  personnes  débilitées  par  de  graves 
maladies  infectieuses  (fièvre  typhoïde,  variole,  scarlatine,  choléra)  et 
chez  les  enfants  épuisés  par  des  diarrhées  rebelles.  Au  point  de  vue 
clinique,  cette  lésion  de  la  cornée  a  beaucoup  de  ressemblance  avec 
l'ophtalmie  neuroparalytique  qui  suit  les  lésions  du  trijumeau.  Chez 
des  enfants  chétifs,  on  a  observé,  en  outre,  la  nécrose  de  la  conjonctive. 
Dans  dix  cas  de  nécrose  de  la  cornée  observés  chez  des  nourrissons, 
E.  Fraenkel  et  E.  Francke  ont  rencontré,  du  staphylococcus  pyogenes 
aureus  (Rosenbach),  le  bacille  de  la  xérose.  En  se  basant  sur  ce  fait, 
ils  ont  regardé  la  xérose  conjonctivale,  la  nécrose  de  la  cornée 
et  la  nécrose  de  la  conjonctive  comme  des  manifestations  diverses  d'un 
même  processus  maladif.  Weeks  et  Knapp  ont  aussi  constaté  l'exis- 
tence du  bacille  de  la  xérose  dans  des  cas  de  nécrose  de  la  cornée  ; 
mais  ils  n'admettent  pas  qu'il  soit  la  cause  principale  de  l'affection 
qui,  pour  eux,  serait  due  surtout  à  l'anémie  et  à  l'affaiblissement 
général.  Dans  les  maladies  chroniques,  ce  sont,  d'après  ces  derniers 
auteurs,  ces  deux  causes  qui  amènent  la  nécrose  de  la  cornée,  notam- 
ment chez  les  malades  atteints  de  carcinome  ou  de  phthisie  pulmo- 
naire (Knapp  et  Weeks).  On  pourrait  cependant,  et  nous  le  montrerons 
plus  loin,  donner  une  explication  toute  différente. 

Manz  a  prétendu  que  le  bacille  de  la  xérose  diminuait  la  résistance 
des  tissus,  sans  pouvoir,  toutefois,  entraîner  la  suppuration.  Cet  au- 
teur pense  qu'on  ne  saurait  hésiter  à  attribuer  à  la  kératomalacie 
(nécrose  de  la  cornée)  une  origine  septique.  En  faveur  de  cette  théorie, 
on  peut  rappeler  que  la  kératomalacie  qui  survient  dans  le  cours  d'une 
maladie  grave  s'accompagne  de  symptômes  de  septicémie  générale. 
D'après  Manz,  lorsqu'il  existe  une  nécrose  de  la  cornée,  ce  ne  serait 
ni  l'anémie,  ni  l'affaiblissement  des  forces,  mais  bien  la  septicémie  qui 
menacerait  avant  tout  d'emporter  le  malade.  En  effet,  dans  les  affec- 
te 


242  PARTIE  SPÉCIALE. 

tions  pulmonaires  graves  et  les  cancers  ulcéreux,  où  l'on  rencontre  la 
kératomalacie,  on  observe  une  tendance  aux  complications  septiques. 

La  manière  de  voir  de  Manz  a  été  adoptée  par  Leber  et  Wagenmann. 
Ces  deux  observateurs,  dans  un  cas  de  nécrose  infantile  de  la  conjonc- 
tive qui  s'était  terminé  par  la  mort,  ont  vu  le  sang  envahi  par  des 
streptocoques.  Se  basant  sur  ce  fait,  ils  admirent,  par  analogie,  que 
dans  la  nécrose  infantile  de  la  cornée  il  devait  y  avoir  une  invasion 
secondaire  d'agents  infectieux,  dont  le  point  de  départserait  l'intestin 
ou  la  peau  ;  les  microbes  pénétreraient  ensuite  dans  d'autres  parties  du 
corps,  telles  que  l'œil,  les  reins,  les  capsules  surrénales.  Dans  le  cas 
qu'ils  ont  observé,  Leber  et  Wagenmann  ont,  en  effet,  trouvé  le  sang 
chargé  de  streptocoques. 

L'ophtalmie  brésilienne  qu'a  décrite  Gama  Lobo  semble  être  iden- 
tique à  la  nécrose  infantile  de  la  cornée  qui  survient  dans  le  cours 
d'une  maladie  adynamique.  L'auteur  a  rencontré  l'affection  qu'il  nous 
signale  chez  des  enfants  d'esclaves  épuisés  par  défaut  d'alimentation 
ou  par  des  diarrhées,  qui  succombaient  à  des  entérites  graves. 

En  dehors  de  la  théorie  microbienne,  on  a  émis  plusieurs  autres 
hypothèses  pour  expliquer  la  nécrose  de  la  cornée  consécutive  à  des 
maladies  auadymiques.  La  ressemblance  complète  de  cette  affection 
et  de  l'ophtalmie  névroparalytique  a  fait  admettre  que,  dans  quel- 
ques maladies,  il  pouvait  survenir  un  ulcère  névroparalytique.  On  a 
voulu  aussi  expliquer  la  kératomalacie  par  la  dessiccation  de  la  cornée 
qui  résulterait  de  la  rareté  de  la  fermeture  des  paupières  dans  les  ma- 
ladies adynamiques(keratitis  xerotica).  De  même  que  le  malade  atteint 
de  fièvre  typhoïde  a  la  langue  sèche  parce  que  son  état  d'apathie  l'em- 
pêche de  songer  à  exécuter  les  mouvements  masticatoires  qui  favori- 
sent la  sécrétion  de  la  salive,  de  même  le  défaut  de  clignement  des 
paupières  entraînerait  la  sécheresse  de  la  cornée.  Foerster,  enfin,  a 
tenté  d'expliquer  la  kératomalacie  parle  décubitus.  Il  croit  que  par 
suite  de  l'affaiblissement  de  la  nutrition  de  tous  les  tissus,  la  simple 
pression  physiologique  des  paupières  sur  la  cornée  suffit  à  amener  la 
nécrose.  11  compare  ce  fait  à  ce  que  l'on  observe  chez  les  malades 
atteints  de  la  fièvre  typhoïde,  chez  lesquels  la  simple  pression  des 
couvertures  peut  produire  une  nécrose  cutanée  au-devant  de  la  rotule 
et  de  la  crête  du  tibia. 

En  résumé,  l'affaiblissement  général  qui  résulte  des  maladies  adyna- 
miquespeul  entraîner  l'affaiblissement  du  muscle  de  l'accommodation, 
l'héméralopie,  et  favoriser  le  développement  de  la  xérose  de  la  con- 
jonctive. Mais  la  kératomalacie  et  la  nécrose  de  la  conjonctive  qui 
surviennent  dans  le  cours  de  quelques  maladies  adynamiques  n'ont, 
sans  doute,  aucun  rapport  avec  l'affaiblissement  général  des  forces; 
elles  sont  des  manifestations  locales  d'une  invasion  microbienne  de 
l'organisme.  On  ne  saurait  encore  se  prononcer  sur  l'action  que  peut 


TROUBLES  OCULAIRES   DE  LA   GLANDE  THYROÏDE.  243 

avoir,  sur  le  développement  du  processus  infectieux,  le  défaut  de  fer- 
meture périodique  des  paupières  et  la  dessiccation  de  la  cornée  qui  en 
est  la  conséquence.  Nous  verrons  dans  un  chapitre  ultérieur  que,  dans 
le  choléra,  la  kératomalacie  débute  toujours  parla  partie  de  la  cornée 
qui  n'est  pas  recouverte  par  les  paupières. 

BIBLIOGRAPHIE. 

Foerster,  loc.  cit.,  p.  220.  —  Weeks,  Arch,  f.  Augenheilk,  I8S7,  fasc.  2.  —  P.  Ernst,  Zeitschr.  f. 
Hygiène,  1888,  t.  IV.  —  Manz,  Munchuer  tlediz.  Woch.,  u  li,  12.  —  Leber  und  Wagenmann,  Arcli. 
f.  Ophthalm.,  WMV.  fasc.   t. 


\.  _  TROUBLES  OCULAIRES  DANS  LES  AFFECTIONS 
DE  LA  GLANDE  THYROÏDE. 

Parla  pression  qu'elles  exercent  sur  le  grand  sympathique  cervical, 
les  tumeurs  de  la  glande  thyroïde  peuvent  provoquer  la  dilatation 
des  pupilles,  et  le  fait  a  été  fréquemment  observé.  C.  Czermak  a  même 
vu  une  simple  pression  exercée  sur  un  goitre  avec  le  doigt  suffire  à 
amener  la  dilatation  de  la  pupille  du  côté  comprimé. 

Nous  avons  déjà  dit  que  le  goitre  était  capable  d'entraver  la  circu- 
lation dans  la  veine  jugulaire.  La  stase  sanguine  qui  en  résulte  peut 
faire  éclore,  chez  des  sujets  prédisposés,  des  accès  de  glaucome.  Rap- 
pelons à  ce  propos  que  Kerschbaumer  a  noté  la  fréquence  du  glau- 
come chez  les  goitreux. 

Landesberg  a  publié  une  observation  de  cataracte  qui  a  été  regardée 
comme  la  conséquence  d'une  cachexie  strumeuse.Ils'agissait  d'une  fille 
de  vingt-cinq  ans,  à  laquelle  Bergmann  avait  extirpé  la  glande  thyroïde 
deux  ans  auparavant.  Après  l'opération,  on  vit  apparaître  subitement 
des  crises  épileptiformes.  Un  an  plus  tard  des  troubles  de  la  vue  se 
manifestèrent.  Lorsque,  deux  ans  après  l'ablation  du  goitre,  la  ma- 
lade se  présenta  à  Landesberg,  celui-ci  constata,  dans  les  deux  yeux, 
une  opacité  des  couches  antérieures  du  cristallin  ;  en  outre,  dans  l'œil 
droit,  des  adhérences  existaient  entre  l'iris  et  la  cristalloïde  anté- 
rieure. La  cataracte  opérée,  on  remarqua  des  opacités  très  fines,  une 
sorte  de  poussière  dans  le  corps  vitré.  Landesberg  admit  que  les  al- 
térations du  globe  oculaire  avaient  été  produites  par  une  affection 
chronique  du  tractus  uvéal  ;  il  était  survenu  d'abord  de  la  choroïditc 
(opacités  du  corps  vitré),  puis  de  l'iritis  (synéchies  postérieures)  et 
enfin  de  la  cataracte.  On  se  serait  trouvé  en  présence  d'altérations 
analogues  à  celles  qu'on  observe  parfois  à  la  suite  de  la  fièvre  ty- 
phoïde, de  la  variole,  de  l'érysipèle,  etc. 

C'est  ce  motif  qui  nous   empêche  de  croire   à    l'existence    d'une 
cataracte    strumiprive.    Nous   trouvons  plus  admissible  d'attribuer 


244  PARTIE  SPÉCIALE. 

a  une  cause  infectieuse,  survenue  à  la  suite  de  l'opération,  l'affection 
du  tractus  uvéal  qui  a  donné  naissance  à  la  cataracte. 

BIBLIOGRAPHIE. 

Kersc/ibatitner,  Die  Blinden  des  Herzogtums  Salzburg.  Wiesbaden,  1886.  —  Foerster,  loe.  cit.,  p.  135. 
—  Lanrteberg,  Gentralbl.  f.  Augenlieilk.,  1887. 


XI.  —  TROUBLES  OCULAIRES  DANS  LES  AFFECTIONS 
DES  GLANDES  LYMPHATIQUES. 

Chez  des  malades  atteints  de  polyadénite,  on  a  observé,  dans  l'iris 
et  la  choroïde,  le  développement  de  petites  tumeurs  en  forme  de  bou- 
tons. Ces  tumeurs,  lorqu'elles  siègent  dans  la  choroïde,  peuvent  dé- 
terminer les  symptômes  cliniques  de  la  choroïdite  disséminée. 

Dans  un  cas  de  polyadénite,  Kœnigstein  a  rencontré  de  petites  tu- 
meurs lymphatiques  dans  le  foie,  les  poumons,  le  cerveau  et  de  pe- 
tites tumeurs  analogues  dans  le  nerf  optique  et  l'oculo-moteur  ex- 
terne. L'ophtalmoscope  permit  de  reconnaître  une  névrite  optique 
d'un  coté,  et  une  névro-rétinite  très  intense  de  l'autre  cùté.  11  exis- 
tait une  ophtalmoplégie  totale  unilatérale,  causée  par  la  compression 
que  les  tumeurs  exerçaient  sur  les  nerfs  moteurs  de  l'œil  à  leur  en- 
trée dans  l'orbite. 

L'examen  anatomique  des  tumeurs  montre,  dans  ces  cas,  qu'elles 
consistent  en  un  simple  amas  de  leucocytes  qu'on  a  cou-talé  «tussi 
dans  les  orbites.  On  sait  que  la  polyadénite  frappe  surtout  les  indivi- 
dus du  sexe  masculin  et  qu'elle  est  caractérisée  par  un  gonflement  et 
une  induration  des  glandes  lymphatiques. 

Au  point  de  vue  du  traitement,  il  est  de  la  plus  haute  importance 
d'agir  sur  l'état  général  pour  voir  s'améliorer  l'affection  oculaire.  Les 
bains  salés  et  iodurés,  l'arsenic  sont  les  moyens  auxquels  on  a  princi- 
palement recours. 

BIBLIOGRAPHIE. 

Kcenigstein,  Wiener  med.  Presse,  1885,  n"  î~. 

XII.  _  TROUBLES  OCULAIRES  DANS  LES  AFFECTIONS 

DES  REINS. 

C'est  un  fait  bien  connu  des  médecins  que,  dans  l'albuminurie, 
Vœdème  débute  par  les  paupières.  En  général,  il  se  montre  d'abord 
dans  les  paupières  inférieures,  dont  le  tissu  sous-cutané  est  très  lâche 
et  offre  par  conséquent  des  conditions  propices  pour  le  développe- 
ment de  l'œdème. 


TROUBLES   OCULAIRES   DANS   LES  AFFECTIONS    DES   REINS.  245 

Très  souvent  les  malades  atteints  d'une  affection  chronique  des 
reins  se  plaignent  que  la  lecture  les  fatigue.  11  faut  attribuer  ce  phé- 
nomène à  une  diminution  de  l'amplitude  de  l'accommodation  résultant 
de  L'affaiblissement  du  muscle.  Il  est  évident  que  cette  faiblesse  du 
muscle  de  l'accommodation  doit  avoir  des  résultats  plus  appréciables 
chez  les  individus  que  l'état  de  leurs  yeux  obligeait  déjà  a  des  efforts 
d'adaptation,  c'est-à-dire  chez  les  hypermétropes.  Des  verres  con- 
vexes choisis  avec  soin  peuvent  remédier  au  mal. 

Quoique,  dans  les  diverses  formes  de  néphrite,  l'examen  anatomique 
ail  toujours  permis  de  constater  des  altérations  de  l'iris  et  du  traetus 
uvéal  en  général  (Charles  Théodore  de  Bavière),  il  est  très  rare  que 
l'observation  clinique  laisse  diagnostiquer  Yirilis.  Le  fait  se  produit 
cependant,  et  Leber  on  a  fait  connaître  un  certain  nombre  d'exemples. 
D'après  lui.  il  serait  bon,  chaque  fois  qu'on  se  trouve  en  présence 
d'un  cas  d'iritis  dont  l'étiologie  est  douteuse,  d'examiner  les  urines 
afin  de  s'assurer  s'il  existe  de  la  néphrite  ou  du  diabète  sucré. 
Ewetzky  a  également  vu  dessynéchies  postérieures  produites  par  de 
l'irilis  chez  des  malades  atteints  d'albuminurie. 

Le  rapport  admis  par  Deutschmann  entre  la  cataracte  et  l'albumi- 
nurie est  contesté  par  plusieurs  auteurs,  il  est  certain  que  depuis  le 
temps  où  l'on  a  examiné  les  urines  d'un  grand  nombre  de  malades 
atteints  de  cataracte  sénile,  diabétique  ou  autre,  on  a  été  frappé  de 
la  fréquence  de  l'albumine  dans  ces  urines  (Deutschmann).  Pour  ex- 
pliquer ce  fait  dans  les  cas  de  cataracte  sénile,  Michel  dit  qu'il  faut 
considérer  la  cataracte  et  l'albuminurie  comme  le  résultat  d'altéra- 
tions produites  simultanément  dans  l'œil  et  dans  le  rein  par  une 
même  cause,  l'artériosclérose.  Cette  théorie  rappelle,  jusqu'à  un 
certain  point,  celle  de  Sutton  qui  prétend  que  la  néphrite  intersti- 
tielle et  l'hypertrophie  du  ventricule  gauche  font  l'une  et  l'autre 
causées  par  une  altération  des  parois  vasculaires  (artério-fibrosis). 

En  général,  d'après  les  auteurs,  la  prétendue  cataracte  néphritique 
présenterait  les  mêmes  symptômes  que  la  cataracte  sénile  ;  dans  quel- 
ques cas  exceptionnels,  elle  aurait  pourtant  offert  les  caractères  de 
la  cataracte  étoilée. 

Rotbziegel  a  recherché  de  l'albumine  dans  les  urines  de  cent  trois 
malades  atteints  de  cataracte;  il  n'en  a  trouvé  que  chez  vingt-sept 
d'entre  eux,  et  vingt-deux  rendaient  des  cylindres  hyalins.  Dans 
quinze  cas  seulement,  l'existence  d'une  affection  des  reins  a  été  mise 
hors  de  doute.  Le  même  auteur  a  constaté  de  l'albuminurie  chez 
des  jeunes  gens   atteints  de  cataracte  molle. 

Becker  et  la  plupart  de  ceux  qui  ont  fait  une  étude  spéciale  de 
cette  question  ne  croient  pas  au  rapport  admis  par  Deutschmann 
entre  la  cataracte  et  la  néphrite.  Ewetzky,  par  exemple,  qui  a  re- 
cherché l'albumine  dans  les  urines  de  deux  cents  malades  atteints  de 


246 


PARTIE  SPECIALE. 


cataracte,  n'en  a  constaté  la  présence  d'une  façon  positive  que  chez 
19  p.  100  de  ces  individus.  D'un  autre  coté,  il  examina  les  yeux  de 
quatre-vingt-dix-sept  néphrétiques,  dont  soixante-dix  n'avaient  pas 
atteint  l'âge  de  cinquante  ans;  il  ne  rencontra  la  cataracte  que  chez 
8  p.  100  de  ces  malades,  et  dans  ce  nombre  il  n'y  en  avait  qu'un 
seul  qui  eût  moins  de  cinquante  ans. 

De  ces  faits,  Ewetzky  conclutque  la  cataracte  ne  se  montre  paschez 
les  jeunes  gensatteintsde  néphrite  et  qu'elle  n'est  pas  plus  fréquente 
au  delà  de  cinquante  ans  chez  les  néphrétiques  que  chez  ceux  dont 
les  reins  sont  indemnes. 

11  suffit  de  lire  le  travail  de  Plosz  sur  l'albuminurie  pour  compren- 


Fig.  2G.  —  llétinitc  albuminurique  (image  droite). 


dre  combien  il  faut  être  prudent  avant  d'admettre  une  affection  des 
reins  lorsqu'il  existe  de  l'albumine  dans  l'urine.  Chez  les  personnes 
parfaitement  saines,  il  existe  une  albuminurie  physiologique.  Ainsi, 
d'après  l'auteur  que  nous  venons  de  citer,  après  la  défécation  l'urine 
de  l'homme  se  trouve  toujours  mêlée  à  la  sécrétion  de  la  prostate  et 
présente  à  ce  moment  une  plus  forte  proportion  d'albumine  que  dans 
la  néphrite  interstitielle.  Ce  qui  est  incontestable,  c'est  que  l'exis- 
tence d'une  cataracte  albuminurique  ou  néphrétique  n'est  nullement 
prouvée. 

La  rélinite  qu'on  observe  dans  la  néphrite  a  une  très  grande  im- 
portance :  elle  se  rencontre  dans  6  ou  7  p.  100  des  cas  d'inflammation 
des  reins.  Le  plus  souvent  on  la  trouve  dans  la  néphrite  interstitielle, 
dans  les  néphrites  infectieuses  (scarlatine),  dans  l'albuminurie  de  la 
grossesse  compliquée  ou  non  d'éclampsie.  La  rélinite  albuminurique 


TROUBLES  OCULAIRES  DANS   LES  AFFECTIONS   DES   REINS.  247 

est  rare,  au  contraire,  dans  la  néphrite  parenchymateuse,  et  elle  est 
exceptionnelle  clans  les  cas  de  dégénérescence  amyloïde  des  reins. 

Heymann,  de  Dresde,  a  eu  le  premier  le  mérite  d'établir  qu'il  existe 
un  rapport  entre  une  altération  du  fond  de  l'œil,  qu'il  regarde  comme 
caractéristique,  et  la  néphrite  interstitielle.  Déjà  môme  on  connaît  un 
certain  nombre  de  cas  où  l'examen  ophtalmoscopique  ayant  révélé 
l'existence  de  la  rétinite  albuminurique,  l'attention  fut  attirée  sur  la 
probabilité  d'une  affection  des  reins  jusque-là  ignorée  et  bientôt  dé- 
montrée par  l'analyse  des  urines. 

Les  principaux  signes  de  la  rétinite  albuminurique  typique  sont  les 
suivants  :  la  papille,  légèrement  gonflée,  est  d'une  coloration  rou- 
geàtre,  opaque.  Les  parois  vasculaires  forment  des  lignes  blanches, 
opaques,  plus  ou  moins  larges,  qui  entourent  la  colonne  sanguine. 
Dans  la  rétine  même,  on  aperçoit  des  taches  blanches  qu'on  regardait 
auparavant  comme  le  produit  d'une  dégénérescence  graisseuse.  La 
tacbe  jaune  présente  des  altérations  étoilées  que  l'on  a  considérées 
d'abord  comme  caractéristiques  de  la  rétinite  albuminurique,  mais 
on  a  reconnu  qu'elles  existent  aussi  dans  d'autres  affections  de  la  ré- 
tine. Ces  altérations  étoilées  consistent  en  taches  blanches,  brillantes, 
qui  rayonnent  tout  autour  de  la  macula  ;  les  taches  sont  limitées  par 
un  rebord  brunâtre.  Généralement  on  note  aussi  de  petites hémorrha- 
gies  au  fond  de  l'œil. 

Dans  une  période  plus  avancée,  les  taches  blanches  excepté  celles 
de  la  macula  disparaissent  peu  à  peu.  Les  limites  de  la  papille,  indé- 
cises au  début  de  l'affection,  deviennent  de  nouveau  apparentes.  Il 
n'existe  plus  d'hypérémie  de  la  papille  :  les  vaisseaux,  principalement 
les  veines,  sont  à  ce  moment  très  sinueux.  L'épaississement  des  parois 
vasculaires  et  leur  opacité  sont  beaucoup  plus  prononcés  qu'au  dé- 
but, et  les  petites  taches  étoilées,  blanches  ou  d'un  blanc-jaunâtre, 
deviennent  plus  visibles  qu'auparavant. 

Dans  certains  cas  de  rétinite  albuminurique  les  lésions  en  forme 
d'étoiles  manquent  complètement  dans  la  tache  jaune;  on  observe 
seulement  dans  la  rétine  de  grandes  taches  blanchâtres,  d'un  aspect 
curieux  iQg.  27).  D'autres  fois,  on  constate  le  développement  d'une 
névrite  optique  très  nette'  (papillite),  accompagnée  ou  non  de  taches 
étoilées. 

Les  hémorrhagies,  venons-nous  de  dire,  sont  en  général  de  peu 
d'importance;  parfois,  néanmoins,  elles  sont  si  abondantes  que  le 
fond  de  l'œil  offre  le  môme  aspect  que  dans  la  rétinite  apoplectique 
décrite  plus  haut. 

Magnus  a  le  premier  décrit  une  forme  spéciale  de  rétinite  albumi- 
nurique, dans  laquelle  les  symptômes  inflammatoires  sont  nuls  ou 
très  peu  accusés.  Cette  rétinite  spéciale  constitue  une  complication 
fort  grave  de  l'affection  à  laquelle  elle  est  due.  C'est  à  tort  que  Leyden 


248 


PARTIE  SPÉCIALE. 


et  Litten  nient  que  cette  complication  puisse  rendre  le  pronostic  plus 
défavorable.  Hirschberg  a  fait  connaître  le  cas  d'un  malade  atteint 
d'une  rétinite  albuininurique  hémorrhagique  qui  n'est  mort  que^trois 
ans  et  demi  après  l'apparition  de  l'affection  secondaire. 

Mais  il  ne  faut  pas  oublier  que  dans  la  rétinite  albuminurique  les 
hémorrhagies  peuvent  coïncider  avec  une  inflammation  très  vive  de 
la  rétine  ou  bien  avec  des  symptômes  inflammatoires  nuls  ou  insi- 


Fig.  27.  —   Rétinite  albuminurique.  —  Taches  blanches  eu  groupe  irrégulier. 
Image  droite  i^d'après  Hirschberg). 

guidants.  Ce  n'est  que  dans  le  dernier  cas  que  le  pronostic  est  très 
défavorable  et  que  le  malade  est  appelé  à  succomber.  Or,  dans  le  cas 
d'Hirscbberg  (fig.  28),  il  s'agissait  de  la  forme  inflammatoire,  dont  le 
pronostic  est  moins  grave  et  qui  peut  même  se  terminer  par  la  gué- 
rison,  comme  Ta  observé  Adamuek. 


TROUBLES  OCULAIRES   DANS  LES  AFFECTIONS   DES   REINS. 


249 


La  rétioite  albuminurique  peut  se  compliquer  de  choroïdiie  diffuse 
(Liebreich  .  <m  connaît  même  des  cas  d'albuminurie  avec  lésions  de 
la  choroïde  seule,  sans  que  la  rétine  présentât  aucune  altération.  On 
en  commit  d'autres  où  c'est  l'existence  de  flocons  dans  le  corps  vitré 
qui  a  t'ait  soupçonner  qu'il  y  avait  des  lésions  de  la  choroïde. 

La  rélinite  albuminurique  peut  amener  le  décollement  de  la  rétine, 
qui  peut  même  exister  dans  les  deux  yeux,  comme  l'a  observé  An- 
derson  chez  une  tille  de  neuf  ans.  Cette  enfant,  à  la  suite  de  la  rou- 


Fig.  28.  —  Rétinite  albuuimurique  hérnorrhagique  (d'après  Hirschberg). 
Iuia?e  droite. 


geôle,  fut  atteinte  de  néphrite  qui  occasionna  une  rétinite  albuminu- 
rique. Le  décollement  bilatéral  de  la  rétine  amena  la  cécité. 

D'après  Ewetzky,  le  décollement  de  la  rétine  s'observerait  dans  l'al- 
buminurie sans  qu'il  y  eut  de  rétinite  albuminurique.  Le  même  savant 
a  constaté,  chez  des  néphrétiques,  des  opacités  (synchysis  étincelant) 
dans  la  partie  antérieure  du  corps  vitré  ;  elles  devaient  probahle- 
ment  leur  origine  à  des  altérations  du  corps  ciliaire.  Dans  le  synchysis 
étincelant,  les  malades,  en  remuant  les  yeux,  aperçoivent  des  étoiles 
qui  miroitent  ou  une  pluie  d'étincelles.  L'ophtalmoscope  permet  de 
constater  l'existence  d'une  foule  de  petits  corpuscules  miroitants  qui 
se  meuvent  quand  on  remue  les  yeux  et  qui  sont  composés  de  cris- 
taux de  cholestérine. 


250  PARTIE  SPÉCIALE. 

L'acuité  visuelle  est  généralement  peu  diminuée  dans  la  rétinite 
albuminurique,  sauf  dans  les  cas  où  les  altérations  de  la  tache  jaune 
sont  assez  considérables  pour  produire  un  scotome  central.  Habituel- 
lement les  malades  ne  se  plaignent  que  de  voir  des  nuages.  L'acuité 
visuelle  ne  tombe  pas  au-dessous  de  la  demie  ou  du  tiers  de  lanormale. 
Le  sens  de  la  lumière  est  fort  peu  altéré.  L'amaurose  ne  survient  que 
dans  les  cas  de  décollement  de  la  rétine  ou  de  glaucome  secondaire 
(Weeks). 

Traube  a  attribué  la  rétinite  albuminurique  à  l'augmentation  de 
la  tension  artérielle  dans  la  néphrite  interstitielle.  Mais  il  existe  des 
cas  de  rétinite  albuminurique  sans  hypertrophie  du  ventricule  gauche 
et  sans  augmentation  de  pression  vasculaire  (Wagner.  Cohnheim, 
Albutt).  Foerster  a  pensé  que  l'affection  était  produite  par  une  alté- 
ration du  sang  qui  amènerait  une  dégénérescence  des  parois  vascu- 
laires,  et  l'anatomie  pathologique  a  montré  qu'il  existait  en  effet  des 
altérations  des  vaisseaux. 

Charles-Théodore,  duc  de  Bavière,  qui  s'est  adonné  à  l'étude  ana- 
tomique  d'yeux  atteints  de  rétinite  albuminurique,  a  constaté  une  dé- 
générescence hyaline  et  de  l'endarlérite  oblitérante  dans  les  vaisseaux 
de  la  rétine  ;  sur  certains  points,  les  petits  vaisseaux  sont  dilatés  en 
forme  d'anévrysmes.  La  dégénérescence  hyaline  atteint  les  mem- 
branes interne  et  moyenne  des  artères  et  amène  une  diminution  très 
considérable  de  leur  calibre.  Les  veines,  au  contraire,  sont  dilatées. 
Parfois  de  fines  granulations  graisseuses  remplissent  la  cavité  des 
petites  artères. 

Dans  les  vaisseaux  du  corps  ciliaire,  de  la  sclérotique,  de  l'iris,  de  la 
choroïde  et  de  la  conjonctive  on  observe  les  mômes  altérations  que 
dans  celles  de  la  rétine;  mais  c'est  dans  cette  dernière  que  les  altéra- 
tions des  parois  vasculaires  sont  les  plus  prononcées. 

L'examen  micrographique  démontre  qu'il  existe  de  petites  hémor- 
rbagies  dans  la  rétine  et  dans  le  corps  vitré.  La  membrane  limitante 
interne  est  généralement  considérablement  épaissie.  La  couche  des 
fibres  nerveuses  est  aussi  le  siège  d'altérations  très  notables"  :  les 
fibres  sont  gonflées  et  variqueuses  ;  un  œdème  interstitiel  les  sépare 
plus  ou  moins  les  unes  des  autres.  En  revanche,  la  couche  des  cônes 
et  des  bâtonnets  est  presque  normale. 

A  une  période  plus  avancée  de  la  rétinite  albuminurique,  on  voit 
apparaître  dans  la  rétine  des  vaisseaux  et  des  capillaires  de  nouvelle 
formation.  Des  cavités  se  creusent  entre  les  fibres  de  soutènement  de 
Miiller,  et  elles  se  remplissent  d'un  liquide  homogène,  albuminoïde, 
ou  bien  de  caillots  de  fibrine.  Les  fibres  de  Muller  elles-mêmes  sont 
épaissies  et  semblent  sclérosées.  Plus  tard,  elles  offrent  des  traces  de 
dégénérescence  graisseuse  et  contiennent  soit  des  granulations,  soit 
de  petites  gouttelettes  de  graisse.  Le  décollement  de  la  rétine,  qui  vient 


TROUBLES  OCULAIRES   DANS   LES  AFFECTIONS   DES  REINS.  251 

compliquer  quelques  cas  de  rétinite  albuminurique,  est  dû  probable- 
ment à  une  transsudation  des  vaisseaux. 

Les  mêmes  lésions  vasculaires  qui,  dans  la  rétine,  entraînent  des 
conséquences  si  graves  ne  provoquent  presque  aucun  trouble  nutritif 
dans  les  autres  parties  de  l'œil.  Cette  différence  tient  sans  doute  à  ce 
que  les  artères  rétiniennes  sont  des  artères  terminales,  tandis  que  celles 
de  l'iris  et  de  la  choroïde  offrant  de  nombreuses  anastomoses  assurent 
la  circulation  du  sang,  même  lorsqu'il  existe  des  occlusions  partielles 
de  ces  vaisseaux. 

En  général,  le  pronostic  de  la  rétinite  albuminurique  est  assez  grave, 
et  les  malades  sont  menacés  dans  leur  existence.  Néanmoins,  il  y  a 
des  exceptions  :  chez  les  femmes  enceintes  notamment  on  a  constaté 
plusieurs  cas  de  guérison  complète  :  la  vue  redevient  normale  et  la 
santé  générale  se  rétablit.  Mais  il  arrive  aussi  que,  malgré  un  état 
très  satisfaisant,  la  rétinite  albuminurique  de  la  grossesse  n'évolue 
pas;  le  nerf  optique  s'atrophie  et  quelques-uns  des  vaisseaux  rétiniens 
se  transforment  en  faisceaux  fibreux.  La  malade  survit,  mais  son 
acuité  visuelle  est  diminuée,  et  lorsqu'il  se  produit  une  nouvelle 
grossesse,  l'albuminurie  reparait  en  même  temps  que  l'affection  de  la 
rétine,  et  la  malade  succombe  (Fuerst).  A  la  suite  de  la  scarlatine,  la 
guérison  des  lésions  rénales  et  rétiniennes  a  été  souvent  observée. 
Dans  un  certain  nombre  de  cas  de  rétinite  albuminurique  due  à  delà 
néphrite  interstitielle,  la  vue  s'est  affaiblie  de  plus  en  plus,  et  à  la  fin 
sont  survenus  des  accès  d'urémie  (convulsions,  amaurose).  La  plupart 
des  malades  atteints  de  rétinite  albuminurique  succombent  à  l'affec- 
tion rénale  ou  à  ses  complications  (hémorrhagie  cérébrale,  œdème 
pulmonairej. 

Miley,  pour  se  rendre  compte  de  la  gravité  du  pronostic  au  point 
de  vue  de  l'existence,  a  examiné  164  malades  atteints  d'affection  delà 
rétine  et  de  néphrite.  Le  fond  de  l'œil  était  normal  chez  105  de  ces 
malades  ;  chez  8  autres,  il  existait  des  lésions  appréciables  à  l'ophtal- 
moscope,  mais  sans  relations  avec  l'affection  rénale  ;  51  présentaient 
les  symptômes  de  la  rétinite  albuminurique.  Dans  les  deux  années 
qui  suivirent,  sur  les  105  malades  qui  n'offraient  pas  de  complications 
du  côté  de  l'organe  delà  vue,  28  moururent;  sur  les  51  atteints  de  ré- 
tinite albuminurique,  il  en  mourut  27.  Par  conséquent,  la  mortalité  a 
été  deux  fois  plus  grande  chez  ces  derniers  que  chez  ceux  atteints  de 
néphrite  sans  complications  oculaires.  La  plupart  des  malades  n'ont 
vécu  que  douze  mois  après  le  jour  où  l'affection  rétinienne  a  pu 
être  diagnostiquée  ;  un  seul  a  survécu  dix-huit  mois. 

Nous  renvoyons  à  un  chapitre  ultérieur,  que  nous  consacrerons  aux 
auto-intoxications,  la  description  des  troubles  delà  vue  produits  par 
VurémU  consécutive  aux  néphrites. 

Bouveret  a  publié  une  observation  très  remarquable  de  cécité  bila- 


252  PARTIE  SPÉCIALE. 

térale,  survenue  brusquement  dans  le  cours  d'une  ne'phrite  intersti- 
tielle ;  la  cécité  avait  été  produite  par  une  complication  fort  rare.  L'au- 
topsie montra,  en  effet,  l'existence  de  deux  foyers  symétriques  de 
ramollissement,  dus  sans  doute  à  une  embolie,  et  occupant  dans  le 
lobe  occipital  les  deux  centres  corticaux  de  la  vision. 

Ajoutons,  enfin,  que  des  hëmorrhagies  foudroyantes  des  reins  ou 
des  voies  urinaires  peuvent  occasionner  l'amaurose  aussi  bien  que 
toute  autre  perte  sanguine. 

BIBLIOGRAPHIE. 

ffeymann,  Arch.  f.  Ophthalm.,  t.  Il,  l'asc.  2,  p.  137.  —  De  Graefe,  Ibidem,  t.  II,  fasc.  2,  p.  277.  — 
Robertson  Argyll,  Annales  d'oculistique,  t.  I.XVI,  p.  40.  —  Traube,  Deutsche  Klinik.  Isj'.i,  p.  67. 
—  Magnui,  Die  Albuminurie  in  ihren  ophlhalmoscopische  Erscheinungen.  —  Foerster,  loc.  cit.,  p.  *M. 
81,  84.'  231.  —  Jacobson,  loc.  cit.,  p.  109.  —  Waldhauer,  Arch.  I.  Ophthalm.,  \\\l.  fasc.  1.  — 
Rolksie'gel,  Wiener  Allgem.  Mediz.  Zeilung,  1886,  n°  30.  —  Charles-Théodore  de  Bavière,  Ein  Boitrag 
zur  patholog.  Anatomie  des  Anges  bei  Nierenleidcn.  Wiesbaden,  1887.  —  Eioetzki,  Congrès  des 
médecins  russes,  1887,  5  janvier.  —  Annales  d'ophihalmologie,  1887,  juillet-août.  —  Bouveret,  Revue 
générale  .ro|ilillia)iiu)lo;;ii',  InS7,  novembre.  —  Andcrson  (./.),  0|ilillialm.  Sur.  ni  lin-  1  ' 1 1 i I <-. !  kiugdom, 
26janvier  1888.  —  Miles  Miley,  Ibidem.—  Fuerst,  Berlin,  klin.  Woch.,  1887,  ir  18.  —  Adamueck, 
Centralbl.  f.  Augenheilk.,  L889,  p.  98.  —  Weeks,  Arch.  f.  Augenheilk.,  XXI,  fasc.  1.—  Leber,  Arch. 
f.  Ophthalm.,  t.  XXXI,  fasc.  i. 


XIII.  —  HAIMMUiT  ENTRE  LES  MALADIES  DES  YEUX 
ET  LES  TROUBLES  FONCTIONNELS  DES  ORGANES 
GÉNITAUX  CHEZ  LA  FEMME. 

Les  troubles  oculaires  se  rattachant  aux  affections  des  organes  gé- 
nitaux chez  la  femme  ont  été  depuis  fort  longtemps  l'objet  de  recher- 
ches spéciales,  tandis  que  les  troubles  oculaires  dépendant  d'une  lésion 
des  organes  génitaux  chez  l'homme  ont  été  fort  peu  étudiés  :  cepen- 
dant des  expériences  personnelles  nous  permettent  de  conclure  que 
les  affections  de  la  prostate  peuvent  jouer  dans  le  développement  des 
troubles  réflexes  oculaires  le  même  rôle  que  les  maladies  de  l'utérus» 
Thompson  a  donc  raison  d'établir  une  comparaison  entre  les  affec- 
tions de  l'utérus  et  celles  de  la  prostate.  Ces  deux  organes  n'ont-ils 
pas  une  embryogénie  homologue,  et  ne  déterminent-ils  pas  un  étal 
nerveux  plus  fréquent,  il  est  vrai,  chez  la  femme  que  chez  l'homme  ? 

Dans  toutes  les  affections,  dans  tous  les  états  physiologiques  de  l'u- 
térus, L'examen  de  l'œil  s'impose  au  praticien,  car  l'organe  de  la  vi- 
sion peut  subir  plus  ou  moins  gravement  le  contre-coup  et  de  ces 
affections  et  de  ces  états. 

1.    PUBERTÉ. 

La  puberté  joue  un  rôle  important  dans  le  développement  des  mala- 
dies des  yeux.  D'après  Puech,  les  affections  de  cet  organe  acquièrent 


MENSTRUATION.  2o3 

à  cet  âge  leur  maximum  de  fréquence.  On  y  observe  le  développe- 
ment de  kératites  phlycténulaire,  panneuse,  interstitielles,  d'affec- 
tions du  tractus  uvéal,  le  décollement  de  la  rétine  et  la  névrite 
optique. 

2.  MENSTRUATION. 

Pendant  la  menstruation,  des  observateurs  ont  constaté  des  troubles 
oculaires  physiologiques  ;  Finckelstein  examina  à  l'époque  de  la 
menstruation  le  champ  visuel,  et  il  constata  un  rétrécissement  péri- 
phérique, d'autant  plus  prononcé  que  la  perte  de  sang  est  plus  abon- 
dante: ainsi,  c'est  au  troisième  et  au  quatrième  jour  des  règles  que  le 
rétrécissement  du  champ  visuel  atteint  son  plus  haut  degré. 

Finckelstein    constate   même  des    anomalies  du  sens  des  couleurs. 

Après  la  menstruation  tout  revient  à  l'état  normal.  Il  est  très  im- 
portant de  connaître  l'aggravation  si  fréquente  des  maladies  des 
yeux  pendant  l'époque  de  la  menstruation  ;  les  rechutes  des  iritis 
chroniques  pendant  cette  période  ont  été  depuis  longtemps  mises  en 
relief  par  Michel  (Traité  d'ophtalmologie,  p.  454)  et  par  Trousseau. 
Despagnet  a  observé  un  cas  d'iritis  à  rechute,  coïncidant  avec  chaque 
époque  menstruelle  ;  Trousseau  décrit  une  observation  d'iritis  avec 
hypopoyon,  se  développant  périodiquement  à  chaque  menstruation 
chez  une  femme  atteinte  d'une  endométrite.  Dans  ces  observations,  il 
s'agissait  évidemment  d'iritis  infectieuse  :  la  menstruation  en  facili- 
tant la  pénétration  des  germes  infectieux  provoquait  une  réinfection 
périodique. 

La  même  hypothèse  est  applicable  au  cas  publié  par  Hasner  :  sa 
jeune  malade,  à  chaque  éqoque,  avait  une  paralysie  totale  du  nerf 
oculaire  commun  qui  disparaissait  après  les  règles.  D'après  de  Visse- 
ving,  élève  du  professeur  Striimpell  d'Erlangen,  l'ophtalmoplégie  pé- 
riodique serait  la  conséquence  d'une  auto-intoxication  produite  par 
des  substances  toxiques. 

Doit-on  supposer  que  ces  substances  toxiques  fabriquées  à  chaque 
période  menstruelle  sont  ensuite  éliminées  ?  Mais  alors  dans  cette 
hypothèse  comment  expliquer  la  répétition  de  la  paralysie  du  même 
nerf  et  comment  interpréter  l'observation  si  singulière  de  lamalade  du 
docteur  Christenson?Une  femme  âgée  de  trente-trois  ans  perdait  com- 
plètement la  vue  depuis  des  années,  avant  chaque  époque  menstruelle. 
L'amaurose,  dont  la  durée  ne  dépassait  pas  quelques  heures,  était 
accompagnée  d'attaques  épileptiformes.  Elle  disparaissait  avec  l'appa- 
rition du  sang.  Les  règles  venaient-elles  à  manquer  une  fois,  l'amau- 
rose persistait  alors  jusqu'à  l'arrivée  des  menstrues.  Le  fond  de  l'œil 
était  normal  ;  mais  finalement,  une  atrophie  progressive  des  nerfs 
optiques   se   déclara.   Les   pertes  sanguines   auraient-elles    favorisé 


254  PARTIE  SPÉCIALE. 

dans  ce  cas  l'élimination  des  produits  toxiques,  llirschberg  a  pu- 
blié une  observation  de  xantbopsie  qu'on  pouvait  expliquer  par  une 
intoxication  périodique  menstruelle.  Sa  malade  avait  à  chaque 
époque  un  ictère,  accompagné  de  xantbopsie  :  elle  voyait  tout  en 
jaune. 

3.  AMÉNORRHÉE  ET  DYSMÉNORRHÉE. 

F^es  troubles  de  la  menstruation  peuvent  retentir  non  seulement  sur 
la  santé  générale,  mais  aussi  sur  l'organe  de  la  vision. 

Jacobson  t'ait  mention  de  troubles  oculaires  causés  par  Y  aménorrhée , 
survenant  après  un  refroidissement  subit  de  la  partie  inférieure  du 
corps  ou  après  une  forte  émotion  ;  il  constata  dans  un  cas  de  la  né- 
vrite optique  aiguë,  à  la  suite  de  l'aménorrhée,  une  atrophie  papil- 
laire  consécutive,  l'apoplexie  du  nerf  optique  et  de  la  rétine.  Nous 
nous  demandons  si  la  coïncidence  de  la  névrite  optique  et  de  l'amé- 
norrhée, dans  le  cas  précédent,  n'était  pas  fortuite. 

On  prétend  que  la  ménopause  peut  occasionner  des5'  fluxions  sur 
l'organe  de  la  vision.  Samelsohn  décrit  le  cas  d'une  amblyopie  causée 
par  la  ménopause  ;  cette  amblyopie  s'aggrava  au  point  de  déterminer 
une  amaurose  complète.  En  exerçant  une  pression  surl'œil,  la  malade 
ressentait  une  forte  douleur  dans  l'orbite  ;  la  vue  se  rétablit  ensuite 
en  quelques  jours.  Dans  ce  cas,  à  notre  avis,  des  troubles  de  circula- 
tion s'étaient  développés  dans  le  canal  optique.  Mooren  cite  plusieurs 
observations  de  névrite  optique  se  développant  durant  la  ménopause. 
Liebreich  a  vu  une  hémorrhagie  rétinienne  survenue  à  la  suite  d'une 
suppression  des  règles.  Uhthoff  constata  chez  trois  jeunes  filles  at- 
teintes de  dysménorrhée  une  névrite  optique  rétrobulbaire  avec  un 
scotome  central  analogue  à  celui  que  l'on  rencontre  dans  l'intoxication 
alcoolique. 

4.    EXCÈS   VÉNÉRIENS. 

La  masturbation,  d'après  Power,  peut  déterminer  chez  les  jeunes 
filles  de  la  photophobie,  de  l'affaiblissement  du  muscle  de  l'accommoda- 
tion, de  l'asthénopie  et  de  la  conjonctivite  chronique.  Mais  c'est  avec 
de  grandes  réserves  que  Power  admet  cette  origine.  Nous  pensons 
que  ces  troubles  oculaires  sont  sous  la  dépendance  de  l'hystérie  et 
de  la  neurasthénie  engendrées  occasionnellement  par  les  excès 
vénériens. 

0.   GROSSESSE. 

Pendant  la  grossesse  on  constate  une  pigmentation  plus  foncée  de 
la  peau,  non  seulement  de  la  ligne  blanche  et  des  mamelons,  mais 
encore  des  paupières.  Des  rétinites,  des  céphalalgies,  des  douleurs 
gastriques  peuvent  se  développer  durant  la  grossesse,  mais  ces  sym- 


GROSSESSE.  255 

ptômes  reconnaissent  pour  causes  l'albuminurie  et  précèdent,  dans 
un  grand  nombre  de  cas,  l'apparition  d'accès  d'éclampsie.  Il  faut  donc 
surveiller  attentivement  l'acuité  visuelle  chez  les  albuminuriques.  La 
constatation  d'une  rétinite  albuminurique  pendant  la  grossesse  peut 
obliger  le  praticien  à  faire  l'accouchement  prématuré  artificiel  qui 
rétablira  à  bref  délai  la  vue  perdue.  De  Lapersonne  a  observé  un  cas 
d'albuminurie  chez  une  femme  grosse  de  six  mois,  il  fit  l'accouchement 
prématuré  artificiel,  et  sept  ou  huit  jours  après  l'acuité  visuelle  rede- 
vint normale.  La  rétinite  albuminurique  compliquée  d'un  décollement 
de  la  rétine  n'entraîne  pas  toujours  un  pronostic  favorable  ;  ainsi  dans 
un  cas  de  Lotz,  la  rétinite  albuminurique  avait  déterminé  le  décolle- 
ment de  la  rétine  ;  ce  décollement  entraîna  une  cécité  irrémédiable 
malgré  l'expulsion  provoquée  du  fœtus;  la  rétine  avait  repris  pour- 
tant sa  place  normale. 

On  constate  aussi  durant  la  grossesse  le  décollement  de  la  rétine, 
même  sans  rétinite  albuminurique  :  par  exemple  chez  les  femmes 
épuisées  (Jacobson).  Il  est  donc  probable  que  le  décollement  rétinien 
reconnaît  dans  certains  cas  comme  cause l'hémorrhagiesous  rétinienne. 
Ces  hémorrhagies  peuvent,  sans  albuminurie,  se  montrer  dans  le 
corps  vitré.  Généralement  elles  se  résorbent  sans  entraîner  ni  de 
troubles  de  la  vision,  ni  d'altération  du  fond  de  l'œil.  Ces  épanche- 
ments  sanguins  sont  probablement  déterminés  par  les  troubles  méca- 
niques de  la  circulation. 

L'utérus  à  l'état  gravide  peut  provoquer  des  troubles  oculaires  ré- 
flexes analogues  à  ceux  produits  par  les  affections  utérines.  La  théorie 
la  plus  vraisemblable  de  ces  troubles  réflexes  est  celle  de  Brown- 
Séquard  ;  il  admet  l'apparition  de  troubles  vaso-moteurs  consécutifs 
à  une  irritation  du  système  sensitif.  Cette  théorie  explique  les  rétré- 
cissements du  champ  visuel,  l'affaiblissement  du  muscle  de  l'accom- 
modation, le  larmoiement  (Nieden),  le  développement  du  goitre 
exopthalmique  pendant  la  grossesse  (Brown,  Hutchinson).  L'amblyopie 
des  gravides  est  certainement  toujours  la  conséquence  de  la  rétinite 
albuminurique. 

L'affaiblissement  du  muscle  de  l'accommodation  peut  se  manifester 
déjà  dans  les  premiers  mois  de  la  grossesse  ;  cet  affaiblissement  peut 
aboutir  à  la  paralysie  de  l'accommodation;  quelquefois  au  contraire 
ce  phénomène  ne  se   manifeste  qu'à  l'époque  des  couches. 

Dans  l'état  actuel  de  la  science  tous  les  troubles  oculaires  se  déve- 
loppant pendant  cet  état  physiologique  sont-ils  explicables  ?  Non. 
Ainsi  le  développement  de  la  névrite  rétrobulbaire  et  de  l'héméra- 
lopie.  Uhthoff  a  constaté  quatre  fois  la  première  affection  :  sur  ces 
quatre,  deux  étaient  atteintes  d'hémorrhagies  siégeant  autour  des 
vaisseaux  rétiniens.  La  présence  de  l'héméralopie  a  été  observée 
plusieurs  fois.  Une  fois  Ancke  l'observa  à  la  suite  de  pertes  sanguines 


2o6  PARTIE   SPÉCIALE. 

violentes  :  les  urines  renfermaient  peu  d'albumine.  L'héméralopie  ne 
serait-elle  pas  la  conséquence  de  la  faiblesse  générale  ?  On  l'a  en 
effet  constatée  chez  les  Grecques  orthodoxes  après  les  jours  de  jeûne. 
L'amaurose  peut  en  outre  être  la  conséquence  d'hémorrhagies  vio- 
lentes se  développant  soit  pendant  la  grossesse,  soit  après  l'accou- 
chement. 

6.    COUCHES. 

On  a  observé  quelquefois  (après  l'accouchement)  le  développement 
de  l'hémiopie  consécutive  à  des  hémorrhagiés  très  fortes  (Plliiger). 
Chevallereau  en  a  rapporté  une  observation  :  chez  cette  femme,  l'ex- 
traction du  placenta  adhérent  avait  entraîné  une  violente  métrorrha- 
gie.  Voici  la  succession  des  accidents  qui  se  produisirent  :  six  jours 
après  l'accouchement,  se  déclare  une  fièvre  violente  ;  au  bout  de 
seize  jours  apparaît  une  aphasie  partielle  caractérisée  par  la  perte  de 
la  mémoire  pour  les  substantifs  :  amélioration  de  l'aphasie  au  bout  de 
six  semaines  ;  mais  alors  la  malade  s'aperçoit  que  la  moitié  du  champ 
visuel  lui  fait  défaut.  Cette  hémiopie  persista,  car  deux  ans  après  on 
constatait  encore  la  présence  de  l'hémianopsie.  Chevallereau  rap- 
porte une  deuxième  observation  :  à  la  suite  d'une  violente  hémorrha- 
gie,  symptomatique  d'un  avortement  accidentel,  la  malade  perdit 
connaissance  pendant  trois  jours.  Lorsqu'elle  sortit  de  sa  torpeur, 
elle  était  aveugle  ;  trois  semaines  après  elle  reconnaissait  la  lumière  ; 
l'acuité  visuelle  se  rétablissait  en  partie  seulement  dans  les  trois  mois 
suivants,  car  Chevallereau  constata  la  présence  d'une  hémianopsie 
droite  de  l'œil  gauche.  Le  champ  visuel  de  l'œil  droit  était  si  rétréci, 
son  cadran  inférieur  gauche  manquait  complètement.  Chevallereau 
admet  comme  cause  de  ces  troubles  visuels  une  thrombose  des  artères 
du  centre  cortical  de  la  vision,  thrombose  consécutive  à  la  syncope. 

Pendant  la  lièvre  puerpérale,  l'organe  de  la  vision  peut  devenir  le 
siège  d'embolies  de  la  rétine,  de  choroïdite  septique  entraînant  la 
cécité  et  l'atrophie  du  globe  oculaire. 

Le  pronostic  de  ces  affections  découle  du  pronostic  de  la  lièvre 
elle-même.  Les  auteurs  expliquent  généralement  la  plupart  des  trou- 
bles visuels  chez  des  femmes  en  couches  par  les  anomalies  de  la  lacta- 
tion. Cependant  Schrceder  n'admet  pas  cette  cause,  et  il  cite  des  cas 
d'héméralopie,  d'amblyopie  et  même  d'amaurose  survenues  sans 
troubles  de  la  lactation.  Ces  affections  sont  souvent  accompagnées 
d'une  hypérémie  excessive  de  la  conjonctive.  Le  fond  de  l'œil  est  nor- 
mal. Le  pronostic  de  ces  affections  est  généralement  favorable,  elles 
disparaissent  après  quelques  jours  ou  au  bout  de  quelques  semaines. 
Des  observations  ultérieures  pourront  déterminer  leur  étiologie  :  sont- 
elles  infectieuses  (toxines),  nous  le  pensons. 


DANGERS  DE   L' ACCOUCHEMENT   POUR    LA   VUE   DE  L  ENFANT.         257 


DANGERS  DE   L  ACCOUCHEMENT    POUR  L  ORGANE   DE    LA    VUE   DE    L  ENFANT. 

L'accouchement  peut  provoquer  des  complications  non  seulement  du  côté  des 
veux  de  la  mère,  mais  aussi  de  l'enfant.  Lœil  de  l'enfant  peut  s'infecter  pendant 
son  trajet  à  travers  le  vagin  et  dans  la  suite  être  atteint  d'ophtalmoblennorrhée 
des  nouveau-nés.  Il  peut  survenir  des  blessures  de  l'œil  consécutivement  à  l'appli- 
cation du  forceps,  môme  entre  les  mains  les  plus  habiles.  On  a  enfin  observé  des 
blessures  de  l'œil  môme  dans  les  cas  où  le  forceps  n'avait  pas  été  appliqué. 

Parmi  les  lésions  produites  par  le  forceps,  la  plus  fréquente  est  la  paralysie  du 
facial  par  compression.  Elle  guérit  généralement. 

Pajot  a  décrit  des  ecchymoses  très  légères  de  la  paupière  supérieure  produites 
également  par  la  compression  du  forceps  et  pouvant  être  le  point  de  départ  de 
dermatite  de  la  paupière. 

Bouchut  a  vu  des  cas,  où  la  compression  a  produit  une  fracture  de  l'os  fron- 
tal et  une  exophthalmie,  qui  ont  très  bien  guéri  sans  produire  ni  paralysies  ni  con- 
vulsion. 

Schrœder  observa,  après  l'application  du  forceps,  des  fractures  de  la  voûte  orbi- 
taire  avec  hémorrhagie  cérébrale.  Dans  quelques  cas  ces  fractures  se  terminèrent 
parla  mort  à  la  suite  de  paralysie  des  centres  de  la  respiration;  d'autres  fois  les  en- 
fants eu  guérissent  parfaitement. 

Lohmer,  sur  27  fractures  consécutives  à  l'application  du  forceps,  a  vu  10  frac- 
tures de  l'os  frontal. 

Après  nue  application  du  forceps  au  détroit  supérieur  faite  par  Schrœder 
chez  une  primipare,  il  survint  une  exophthalmie  et  une  hémorrhagie  dans  la 
chambre  antérieure  de  l'œil.  A  l'autopsie,  on  constata  une  hémorrhagie  dans  l'or- 
bite (d'où  l'exophthalmie)  et  le  décollement  de  la  dure-mère,  séparée  de  l'os  par 
du  sang. 

L'exophthalmie  traumatique  est  également  mentionnée  par  Zweilel. 

Est  encore  assez  fréquent  l'œdème  des  paupières.  Si  le  forceps  est  placé  oblique- 
ment, les  paupières  sont  froissées  et  quelquefois  même  déchirées,  d'où  ectropion 
cicatriciel   Steinheim). 

Notons  encore  le  lagophthalmos,  la  fracture  de  l'os  nasal  qui  d'ailleurs  se  pro- 
duit, d'après  Ohlshausen,  aussi  dans  les  accouchements  spontanés,  le  chemosis  et 
l'hémorrhagie  de  la  conjonctive. 

L'application  du  forceps  peut  aussi  produire  la  déchirure  d'un  ou  de  plusieurs 
muscles  de  l'œil.  Il  en  résulte  une  paralysie  desdits  muscles,  reconnaissable 
même  après  plusieurs  années,  grâce  à  une  cicatrice  de  la  paupière. 

L'existence  des  cicatrices  symétriques  des  angles  externes  des  yeux  proviendrait, 
d'après  Ohlshausen,  de  ce  qu'une  application  difficile  du  forceps  aurait  eu  lieu  au 
détroit  supérieur  et  sur  le  grand  diamètre  de  la  tète. 

Budin,  dans  sa  thèse  inaugurale,  a  fort  bien  décrit  les  paralysies  congénitales 
des  muscles  oculaires,  consécutives  à  l'application  du  forceps.  Dernièrement  Bloch 
a  publié  trois  cas  pareils. 

Nous-mème  nous  avons  publié  un  cas  de  paralysie  congénitale  du  releveur  de 
la  paupière  supérieure,  produite  par  le  forceps.  Comme  trace  de  cette  blessure, 
après  neuf  ans,  nous  avons  pu  voir  une  cicatrice  située  sur  la  peau,  sur  la  partie 
correspondante  à  l'insertion  du  releveur  de  la  paupière  supérieure,  cicatrice  semi- 
lunaire,  se  continuant  en  dedans  vers  le  front  et  en  dehors  vers  la  tempe. 

La  sœur  dudit  enfant,  âgée  de  seize  ans,  accouchée  également  par  le  forceps, 
portait  encore  une  cicatrice  sur  le  front. 

Dans  l'accouchement  du  premier  enfant  (garçon),  on  a  eu  recours  à  la  cranioto- 
mie  tant  t'étroitesse  du  bassin  de  la  mère  était  considérable.  Le  garçon  en  question 
était  accouché  après  trois  applications  du  forceps.  On  constata  après  l'accouche- 
ment dudit  garçon  une  plaie  dans  la  paupière  supérieure  droite,  plaie  entourée 
d'hémorrhagies  sous-cutanées.  La  plaie  était  produite  par  la  pression  du  forceps. 

Pendant  trois  semaines  consécutives  l'œil  droit  resta  fermé  à  cause  du  gonfle- 
ment considérable  de  la  paupière.  Plus  tard  au  contraire  l'occlusion  de  cet  œil  de- 
vint impossible  même  pendant  le  sommeil  (paralysie  du  facial  probable). 

A  notre  avis  la  paralysie  du  droit  supérieur  et  du  releveur  de  la  paupière  supé- 

17 


258  PARTIE   SPÉCIALE. 

ricure  se  produit  grâce  à  la  déchirure  des  dits  muscles.  La  cuillère  du  forceps  agit 
comme  levier  et  le  rebord  supérieur  de  l'orbite  forme  Y/u/pomocIdion.  Si  la  face 
employée  est  encore  plus  considérable,  il  s'en  suit  à  Dotre  avis  une  déchirure  d'au- 
tres muscles  et  même  une  luxation  de  l'œil.  Cette  explication  peul  également  dé- 
couler d'cxpérieuces  faites  par  E.  de  Hoffmann,  sur  les  cadavres  :  la  pression  du 
doigt  pratiquée  dans  L'angle  interne  de  l'œil  produit  très  facilement  la  déchirure  du 
droit  interne.  Cette  forme  de  blessure  B'observe  très  souvent  dans  quelques  vallées 
du  Tyrol  où  les  gens,  en  se  chamaillant  le  dimanche,  Missent  1rs  yeux  de  leurs 
adversaires. 

Hirschberg  a  eu  l'occasion  de  voir  une  déchirure  se  produire  chez  une  aliénée 
dans  les  mêmes  circonstances. 

Si  le  forceps  produit  la  déchirure  de  plusieurs  muscles  oculaires,  il  eu  résulte 
un  déplacement  du  globe  oculaire.  C'est  dans  ces  circonstances  que  Steiuheim  a  vu  se 
produite  nue  luxation  du  globe  oculaire.  Ce  n'est  qu'après  huit  jours  et  après  une 
perforation  de  la  cornée  consécutive  à  une  kératite  purulente  qu'il  a  pu  repousser 
l'œil  luxé. 

L'enfant  mourut  huit  jours  après  d'une  méningite.  A  l'autopsie  on  a  constaté 
une  fracture  de  la  voûte  orbitaire,  passée  inaperçue  pendant  la  vie.  Hoffmann  (de 
Bourgst''int'urtN  relate  un  cas  très  intéressant  :  après  avoir  retiré  les  deux  branches 
du  forceps  il  pratique  le  toucher  vulvaire  et  constate  qu'un  œil  de  l'enfant  est 
complètement  sorti  de  l'orbite,  où  il  est  attaché  par  un  lambeau.  L'enfant  naît 
vivant  mais  meurt  quelques  jours  après.  Le  même  accident  se  produisit  une 
autre  fois  chez  la  même  femme,  sans  que  cette  fois-ci  le  forceps  ait  été  appliqué. 
Le  rebord  orbitaire  supérieur  et  l'orbite  enfoncés  portèrent,  après  l'accouchement, 
des  traces  d'une  forte  pression,  qui  d'ailleurs  disparurent  dans  la  suite.  A  l'examen 
extérieur  on  ne  trouva  pas  de  fracture  du  crâne.  Le  nerf  optique,  la  veine  et  l'ar- 
tère ophtalmique  étaient  déchirés  en  dedans  de  l'orbite.  La  mère  mourut  un  an 
et  demi  après.  A  l'autopsie  on  ne  trouva  pas,  comme  on  le  croyait,  d'exostose  du 
bassin,  mais  un  rétrécissement  très  prononcé  du  diamètre  antéro-postérieur. 

Le  professeur  Spacth,  de  Vienne,  dans  une  de  ces  leçons  à  laquelle  nous  avons 
assisté,  raconta  une  malheureuse  application  du  forceps  faite  par  un  médecin,  à  la 
suite  de  laquelle  il  survint  une  déchirure  des  deux  globes  oculaires  et  de  la  racine 
du  nez. 

L'accouchement  spontané  peut  produire  lui  aussi  des  lésions  de  l'œil  de  l'enfant  : 
l'œdème  des  paupières,  le  ptosis  (Daynau)  avec  fracture  de  la  voûte  orbitaire. 
comme  par  exemple  dans  le  cas  de  Litzuianu,  où  cette  fracture  s'est  produite  a  la 
suite  d'une  simple  version  par  les  pieds. 


7.    LACTATION. 

On  admet  que  la  lactation  exagérée  peut  entraîner  l'amblyopie. 
Gibbon  observa  chez  une  femme  le  développement  de  l'amblyopie  à  la 
suite  de  trois  lactations  successives.  Pendant  l'allaitement  du  troisième 
enfant,  l'amblyopie  aboutit  à  l'amaurose.  Cette  femme  était  obèse. 
Après  1»'  sevrage  du  troisième  enfant,  l'amaurose  et  l'obésité  disparu- 
rent. Nous  regrettons  que  Gibbon  n'ait  pas  examiné  le  fond  de  l'œil. 
Jacobson  admet  qu'une  légère  névrite  optique  peut  se  développer  pen- 
dant la  lactation;  cette  névrite  s'accompagne  généralement  de  petites 
hémorrhagies  rétiniennes  et  d'une  certaine  disposition  à  l'atrophie  du 
nerf  optique.  Est-ce  une  coïncidence?  cette  névrite  optique  no  îecon- 
naitrait-elle  pas  comme  cause  l'invasion  de  microbes  s'étant  développe^ 
primitivement  dans  les  organes  génitaux  ? 

La  parésie  du  muscle  de  l'accommodalion  a  été  constatée  pendant 
la  lactation  sur  des  yeux  hypermétropes' Il utehinson).  Jacobson  admet 


AFFECTIONS   DE   LA    MATRICE.  259 

que  La  parésje  de  l'accommodation  est  causée  par  L'hy pères thésie  des 
centres  nerveux.  Bournain  pense  que  les  nourrices  sont  prédisposées 
aux  affections  de  la  cornée.  Il  me  rappelle  les  leçons  de  M.  Arlt,  dans 
lesquelles  il  insistait  sur  les  rapports  de  la  lactation  et  de  la  kératite 
phlycténulaire  ;  comme  traitement  il  conseillait  le  sevrage  de  l'enfant. 
Jacobson  a  prouvé  l'existence  de  la  choroïdite  causée  par  la  lactation  ; 
cette  choroïdite  se  manifestait  par  de  la  photophobie  et  des  opacités 
du  corps  vitré.  Supprime-t-on  la  lactation,  cette  affection  guérit  sans 
traitement. 

8.    AFFECTIONS    DE   LA    MATRICE. 

Déjà  les  anciens  auteurs  ont  reconnu  le  rôle  important  que  jouent 
les  affections  de  la  matrice  dans  la  production  de  quelques  troubles 
oculaires.  Mais  c'est  seulement  dans  ce  dernier  temps  qu'on  a  étudié  par 
quels  mécanismes  les  maladies  de  la  matrice  peuvent  retentir  sur  l'œil. 
Les  affections  de  la  matrice  peuvent  déterminer  des  troubles  ocu- 
laires par  différents  mécanismes  :  les  uns  sont  d'origine  réflexe,  par 
irritation  du  plexus  nerveux  utérin,  les  autres  sont  dus  à  l'hystérie; 
ainsi  par  exemple,  la  kopiopie  hystérique,  l'amblyopie  et  l'amaurose, 
les  troubles  de  l'accommodation  et  une  foule  de  symptômes  subjectifs 
tels  que  douleurs  dans  l'œil,  dans  l'orbite,  etc.,  etc.  Certaines  affec- 
tions oculaires  reconnaissent  aussi  une  origine  infectieuse.  On  a  observé 
la  coïncidence  de  conjonctivite,  épisclérite  (Duboys  de  Lavigerie).  d'iri- 
tis  de  "VYecker)  et  d'irido-choroïdite  avec  une  endométrite  chronique. 
Dans  le  cas  de  "Wecker.  l'iritis  ne  disparut  qu'après  la  guérison  del'en- 
dométrite. 

Dans  quelques  cas  de  métrite  chronique,  Foerster  constata  une 
diminution  très  faible  de  l'acuité  visuelle,  diminution  plus  marquée 
d'un  côté  :  le  fond  de  l'œil  était  peu  altéré,  les  limites  de  la  papille 
peu  distinctes,  la  papille  fortement  injectée  par  la  dilatation  des  petits 
vaisseaux;  mais  elle  ne  présentait  pas  l'aspect  d'une  véritable  névrite 
optique. 

Les  femmes  étaient  stériles  ou  sont  devenues  stériles  de  vingt  à 
vingt-sept  ans. 

Un  doit  admettre,  dans  les  cas  d'involution  prématurée  et  d'atrophie 
utérine,  que  des  fluxions  se  produisent  vers  la  tète  :  ainsi  s'explique- 
raient l'insomnie,  la  céphalalgie,  l'angoisse  et  la  diminution  de  l'acuité 
visuelle. 

Foerster  avec  d'autres  auteurs  admettent  que  l'insuffisance  de  la 
menstruation  est  la  cause  de  ces  fluxions  qui  peuvent  déterminer  de? 
altérations  dans  la  papille  pouvant  se  terminer  par  la  guérison  ou  par 
l'atrophie  du  nerf  optique. 

L'atrophie  du  nerf  optique  est  fréquente  chez  les  femmes  stériles. 


260  PARTIE   SPÉCIALE. 

Cette  atrophie  reconnaît  pour  origine  les  causes  que  nous  avons  men- 
tionnées plus  haut  :  l'insuffisance  de  la  menstruation  et  la  fluxion  vers 
l'organe  de  la  vision.  • 

Cependant  il  est  incontestable  que  l'atrophie  du  nerf  optique  peut 
apparaître  sans  développement  antérieur  d'une  inflammation  de  la 
papille;  aussi,  ànotre  avis,  le  fait  de  la  fréquence  de  l'atrophie  du  nerf 
optique  chez  les  femmes  stériles  doit  encore  être  soumis  à  des  recher- 
ches ultérieures. 

De  toutes  les  affections  de  l'utérus  et  des  annexes,  c'est  certaine- 
ment la  paramétrite  chronique  qui  s'accompagne  le  plus  souvent  de 
troubles  oculaires  d'origine  réflexe,  et  surtout  de  la  kopiopie  hystéri- 
que :  l'abondance  des  nerfs  sensitifs  dans  le  tissu  cellulaire  péri-uté- 
rin explique  suffisamment  la  fréquence  de  ces  troubles. 

9.    MALADIES   DES   OVAIRES. 

Les  maladies  des  ovaires  peuvent-elles  entraîner  des  troubles  ocu- 
laires qui  ne  se  rattachent  pas  à  l'hystérie,  on  l'ignore. 

Les  auteurs  ne  mentionnent  qu'un  cas  en  faveur  de  cette  hypothèse  : 
une  femme  atteinte  d'un  kyste  de  l'ovaire  fut  ponctionnée  :  cette  ponc- 
tion fut  suivie  d'un  accès  de  glaucome.  A  notre  avis,  l'émotion  a  joué 
le  principal  rôle. 

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f.  Augenheilkundc,  1891,  p.  134. 


XIV.  —  TROUBLES  OCULAIRES  DANS  LES  AFFECTIONS 
DES  ORGANES  GÉNITAUX  CHEZ  L'HOMME. 

On  pourrait  supposer  qu'il  existe  un  rapport  fréquent  entre  les  trou- 
bles oculaires  et  les  affections  des  organes  génitaux  chez  L'homme  : 
on  ne  possède  cependant  qu'un  très  petit  nombre  d'observations  sérieu- 
ses qui  mettent  ce  rapport  hors  de  doute.  Si  la  relation  qui  peut  exister 
échappe  si  souvent  au  médecin,  c'est  sans  doute  parce  que  les  hommes 
atteints  d'affections  des  organes  génitaux  sont  encore  plus  réservés 


AFFECTIONS   DES  ORGANES   GÉNITAUX   CHEZ    L'HOMME.  201 

vis-à-vis  de  lui  que  les  femmes.  Récemment  il  a  été  démontré  que  ces 
a  ll'ections  pouvaient,  par  action  réflexe,  troubler  les  fonctions  d'organes 
autres  que  celui  de  la  vision.  Ainsi  Preyer  a  prouvé  que  certaines 
maladies  de  l'estomac,  traitées  pendant  longtemps  sans  le  moindre 
succès  par  les  moyens  les  plus  divers,  se  guérissent  ou  s'améliorent 
lorsqu'on  obtient  la  guérison  des  affections  des  organes  sexuels  qui 
leur  ont  donné  naissance  par  voie  réflexe. 

La  masturbation  et  les  pertes  séminales  peuvent  retentir  sur  l'organe 
de  la  vue  d'une  façon  très  différente  :  1°  en  amenant  le  développe- 
ment de  névrasthénie,  elles  engendrent  des  troubles  fonctionnels  de 
la  vue  qui  ne  sont  que  des  symptômes  partiels  de  la  maladie  nerveuse  ; 
2°  en  affaiblissant  toute  l'économie,  elles  ne  peuvent  manquer  d'avoir 
un  retentissement  sur  l'organe  de  la  vision. 

H.  Colin  et  Power,  dans  le  cours  des  recherches  spéciales  qu'ils  ont 
consacrées  aux  troubles  oculaires  des  onanistes,  ont  constaté  que  ceux 
qui  se  livrent  à  la  masturbation  sont  affligés  de  mouches  volantes,  de 
pbotophobie,  et  qu'ils  se  plaignent  d'asthénopie  accommodative  com- 
parable à  celle  que  produisent  les  affections  de  la  matrice  (kopiopie 
hystérique)  :  la  lecture  fatigue  très  rapidement  les  malades,  l'ampli- 
tude de  l'accommodation  est  diminuée  et  il  existe  des  spasmes  de  pau- 
pières. 

Il  est  très  commun  de  rencontrer  chez  les  onanistes  de  fortes  inflam- 
mations chroniques  de  la  conjonctive  (Foerster),  inflammations  qui  résis- 
tent à  tout  traitement  et  qui  sont  comparables  aux  inflammations  des 
muqueuses  nasale  et  pharyngienne  assez  fréquentes  chez  ces  malheu- 
reux. Les  auteurs  qui  ont  fait  de  cette  question  une  étude  spéciale  ont 
vu  des  conjonctivites  résister  complètement  à  un  traitement  rationnel 
de  plusieurs  mois;  Foerster  a  pu,  dans  ces  cas,  faire  avouer  à  un 
grand  nombre  de  malades  qu'ils  se  livraient  à  la  masturbation. 

À  l'heureactuelle,  on  ne  peut  plus  dire  que  les  onanistes  soient  me- 
nacés, dans  leur  vieillesse,  derétinite,  d'atrophie  du  nerf  optique,  etc.; 
ces  assertions  n'ont  jamais  été  prouvées.  Ce  sont  les  travaux  de 
Lallemand  qui  ont  accrédité  l'idée  que  les  pertes  séminales  entraî- 
naient l'apparition  de  lésions  graves  dans  divers  organes.  Il  est  bien 
fâcheux  que  les  auteurs  se  soient  bornés  à  reproduire  cette  opinion 
sans  la  contrôler.  Ainsi,  dans  une  bonne  thèse  de  Malécot  sur  la  sper- 
matorrhée  (1881),  nous  trouvons  encore  ces  phrases:  «  Les  autres  sens 
spéciaux  finissent  par  participer  à  la  perturbation  générale.  La  vue 
diminue  et  quelquefois  se  perd  complètement.  » 

Aujourd'hui,  nous  savons  au  contraire  que  l'étiologie  de  l'atrophie, 
optique  qui  survient  à  la  suite  de  pertes  séminales  doit  s'expliquer 
d'une  tout  autre  façon.  Le  plus  souvent,  il  s'agit  de  tabès  dorsal,  et 
les  pertes  séminales  aussi  bien  que  l'atrophie  du  nerf  optique  ne  sont 
que  les  symptômes  prodromiques  de  l'affection  nerveuse. 


262  PARTIE   SPÉCIALE. 

Cependant  Jacobson  soupçonne  qu'il  faille  attribuer  à  la  mastur- 
bation certains  cas  de  papillite  légère,  avec  altération  peu  marquée 
des  vaisseaux  rétiniens,  suivie  bientôlde  décoloration  atropbique  de  la 
papille.  Nous  croyons  qu'il  est  plus  logique  de  penser  que  la  véritable 
cause  de  la  papillite  a  échappé  à  l'observation. 

Dans  quelques  vieux  auteurs,  Yamblyopie  est  parfois  aussi  attribuée 
à  la  masturbation.  Mais  les  observations  sont  très  rares,  et  on  n'en 
trouve  aucune  dans  les  ouvrages  récents.  Il  est  donc  probable  que, 
dans  les  cas  cités,  il  s'agissait  d'amblyopie  apparente,  causée  par 
l'affaiblissement  du  muscle  de  l'accommodation  chez  des  hypermé- 
tropes, ou  bien  d'amblyopie  due  à  l'hystérie  masculine. 

Milliken  a  observé  un  cas  qui  prouverait  que  le  coït  peut  produire 
accidentellement  des  troubles  de  la  vue.  Quand  il  existe  de  l'artério- 
sclérose, le  coït  peut,  on  le  sait,  en  augmentant  l'action  du  cœur, 
favoriser  le  développement  d'hémorrhagies  cérébrales  ;  il  est  incontes- 
table que  les  attaques  d'apoplexie  ont  bien  souvent  leur  cause  dans  le 
coït  sans  que  le  médecin  le  sache.  Dans  le  cas  de  Milliken,  il  survint 
pendant  le  coït  de  ïhémianopsie  homonyme  gauche,  produite  vraisem- 
blablement par  une  apoplexie  méningée  du  lobe  occipital  gauche. 

Il  est  établi  que  le  goitre  exophtalmique  peut  survenir  chez  la  femme 
dans  le  cours  d'une  affection  des  organes  génitaux  ;  chez  l'homme,  il 
peut  être  produit  par  une  cause  analogue,  mais  on  songe  si  rarement 
à  rechercher  cette  cause,  qu'il  est  probable  qu'elle  échappe  souvent 
au  médecin.  Il  nous  semble  intéressant  de  rapporter  intégralement 
une  observation  de  Foerster,  relative  à  un  cas  de  cette  nature  : 


«  Un  jeune  homme  de  vingt  et  un  ans,  atteint  de  goitre  exophtalmique,  présen- 
tait 120  pulsations  avec  choc  violent  du  cœur;  la  glande  thyroïde,  modérément 
gontlée,  (Hait  le  siège  de  battements  vasculaires  ;  l'exophtalmie  existail  très  pronon- 
cée des  deux  côtés.  D'après  les  dires  du  malade,  ces  symptômes  auraient  apparu 
trois  semaines  auparavant,  de  la  façon  suivante  :  Pendant  uue  demi-heure,  le  jeune 
homme  avait  tenté  île  coïter  avec  une  fdle,  mais  il  avait  été  repoussé.  A  la  suite  de 
cette  lutte,  il  se  sentit  étourdi,  mais  il  se  rétablit  aussitôt  après  avoir  bu  quelques 
verres  de  madère.  Les  violents  battements  de  cœur  qu'il  éprouva  durant  sa  tenta- 
tive persisteront.  Deux  jours  plus  tard,  le  malade  s'aperçut  que  ses  yeux  étaient 
saillants,  et  cette  proéminence  augmenta  depuis  lors.  Le  professeur  Freund,  qui 
examina  les  organes  génitaux  de  l'individu,  constata  un  gonflement  douloureux  des 
deux  épididymes.  On  défendit  au  malade  toute  excitation  sexuelle  et  ou  lui  pres- 
crivit de  la  quinine.  Au  bout  de  trois  ou  quatre  ans,  il  se  présenta  de  nouveau  chez 
Foerster,  déclarant  que  les  battements  cardiaques  avaient  diminué  après  l'absorp- 
tion de  9  grammes  de  quinine.  L'exophtalmie  s'était  aussi  améliorée,  mais  elle 
avait  reparu  au  bout  de  trois  mois,  plus  accusée  que  la  première  fois;  1  irritation 
cardiaque  n'avait  attendu  que  deux  mois  pour  se  faire  de  nouveau  sentir  avec  vio- 
lence. L'examen  du  malade  démontra  que  son  cxophtalmie  était,  en  effet,  plue 
prononcée  qu'auparavant;  mais  l'état  général  était  satisfaisant,  l'appétit  bon.  et  il 
n'existait  pas  de  trace  de  cachexie  anémique.  » 

C'est  Thompson  qui  a  le  plus  contribué  à  mettre  en  évidence  que, 
chez  l'homme,  les  affections  de  la  prostate  peuvent  déterminer  des 


AFFECTIONS   DES  ORGANES   GÉNITAUX   CHEZ   L'HOMME.  263 

symptômes  nerveux  réflexes,  comparables  à  ceux  que  Ton  observe 
chez  la  femme  atteinte  d'une  maladie  de  la  matrice.  On  devrait  donc 
supposer  que  dans  les  affections  chroniques  de  la  prostate  il  survient 
des  troubles  oculaires  rappelant  ceux  qui  accompagnent  les  affections 
utérines.  Mais,  d'après  Guyon,  on  constate  de  très  grandes  différences 
dans  l'état  général  des  prostatiques  :  les  uns  sont  très  nerveux  et  leur 
état  général  est  sérieusement  atteint;  les  autres  ne  présentent  aucun 
trouble  de  ce  genre.  C'est  seulement  chez  les  malades  de  la  première 
catégorie  qu'on  doit  rencontrer  des  troubles  oculaires,  mais  les  auteurs 
n'ont  encore  rien  publié  à  ce  sujet. 

Dans  deux  cas,  il  m'a  été  possible  d'établir  un  rapport  entre  des 
troubles  oculaires  et  une  prostatite  chronique.  La  première  fois,  il 
s'agissait  d'un  homme  de  vingt-huit  ans,  offrant  une  forte  hypersé- 
crétion de  la  glande  lacrymale,  sans  rétrécissement  des  canaux.  Depuis 
des  années,  le  malade  était  affecté  d'un  coryza  qui  avait  résisté  à 
toutes  les  médications  employées.  Ayant  constaté  l'existence  d'une 
prostatite  chronique,  j'ai  fait  traiter  cette  affection  par  un  confrère,  et 
je  vis  s'améliorer  en  même  temps  le  larmoiement  et  le  catarrhe  chro- 
nique de  la  muqueuse  nasale. 

Chez  le  second  malade  atteint  de  prostatite  chronique,  j'ai  constaté 
que  la  rétine  se  fatiguait  à  la  lecture  et  qu'il  survenait  rapidement  des 
images  complémentaires;  le  patient  se  plaignait  de  mouches  volantes 
qui  l'incommodaient  parfois  fortement.  L'examen  attentif  de  l'œil  ne 
me  montra  rien  d'anormal.  Chaque  fois  que,  par  suite  de  mauvais 
temps,  de  froid,  l'affection  de  la  prostate  s'aggravait,  les  troubles  ocu- 
laires augmentaient.  Je  finis  par  persuader  au  malade  qu'il  devait  se 
faire  traiter  au  moyen  d'instillations  de  nitrate  d'argent  à  travers  la 
partie  postérieure  de  l'urèthre.  Bientôt  l'affection  de  la  prostate  s'amé- 
liora et,  avec  elle,  l'état  général  :  un  certain  nombre  de  symptômes 
nerveux  (dyspepsie,  insomnie,  répulsion  pour  le  travail)  disparurent, 
et  le  malade  cessa  de  se  plaindre  de  symptômes  du  côté  des  yeux. 

Nous  ne  possédons  qu'une  observation  de  choroïdite  métastatique  à 
la  suite  d'abcès  de  la  prostate,  et  c'est  à  Haltenhoffque  nous  la  devons; 
le  cas  se  termina  par  la  mort. 

Hogg  a  noté  la  fréquence  de  la  cataracte  chez  des  malades  atteints 
à' hypertrophie  de  la  prostate  et  de  rétrécissement  de  l'urèthre.  Peut-être 
faut-il  attribuer  cette  fréquence  à  l'affaiblissement  général  et  au 
marasme  prématuré  ;  c'est  ce  que  de  nouvelles  recherches  pourront 
établir. 

Foerster,  qui  regarde  l'affaiblissement  général  comme  une  cause 
prédisposant  aux  accès  de  glaucome,  cite  des  cas  où  la  lésion  a  apparu 
à  la  suite  d'une  cystite;  il  dit  aussi  avoir  vu  survenir  le  glaucome  chez 
un  jeune  homme  de  vingt  et  un  ans,  épuisé  par  la  masturbation. 

Il  nous  faudrait  encore  mentionner  les  troubles  oculaires  qui  appa- 


2fi4  PARTIE   SPÉCIALE. 

raissent  à  la  suite  de  l'uréthrite  blennorrhagique;  mais  nous  revien- 
drons sur  ce  sujet  dans  le  chapitre  consacré  aux  maladies  infectieuses. 

BIBLIOGRAPHIE. 

Foer&ter,  \w.  cit.,  p.  or>,  102.  —  Jacobson,  loc  rit.,  p.  37.  —  Milliken  (B.-£.),  Amer.  Journ.  of 
Ophthalmologie,  issu,  octobre.  —  Power,  Analysé  dans  la  Deutsche  Medizinal  teitung,  1889.  —  Ilnqg, 
On  the  relation  of  cataract,  stricture  of  the  uretbra  and  enlargement  of  the  prostate.  Lancét,  ^'-, 
II,  p.  708. 


XV.  —  TROUBLES  OCULAIRES  DANS  LES  ANOMALIES 
DE  LA  CROISSANCE  ET  LES  AFFECTIONS  DES  OS. 

A.  —  ANOMALIES  DE  CROISSANCE   DES  OS  DU  CRANE 
ET  DE  LA   FACE. 

Nous  avons  déjà  dit,  à  propos  des  affections  des  fosses  nasales,  que 
les  anomalies  congénitales  des  os  qui  avoisinent  ces  cavités  peuvent 
occasionner  des  anomalies  de  l'organe  de  la  vision. 

Le  développement  anormal  des  cellules  ethmoidales  produit  l'écarle- 
ment  des  orbites  et,  par  suite,  éloigne  les  deux  points  de  rotation  des 
yeux,  d'où  résulte  une  certaine  prédisposition  au  strabisme.  Des  ano- 
malies des  os  et  du  crâne  peuvent  amener  une  irrégularité  dans  la 
forme  de  l'orbite  et  influer  pendant  la  croissance,  sur  la  forme  de  l'œil. 
Comme  conséquence,  on  verra  apparaître  le  strabisme,  la  myopie  (sur- 
tout dans  la  dolichocéphale)  ;  mais  cette  question  appelle  de  nouvelles 
recherches.  L'étroitesse  congénitale  du  canal  nasal  prédispose  à  la 
dacryocystite  (Nieden). 

On  a  parfois  constaté  l'atrophie  congénitale  du  nerf  optique  dans 
les  déformations  congénitales  du  crâne.  Le  fait  se  rencontre  surtout 
dans  les  cas  de  synostose  prématurée  des  os  de  la  base,  car  l'accroisse- 
ment des  os  se  fait  aux  dépens  des  canaux.  Nous  avons  déjà  vu  que  le 
développement  ultérieur  du  corps  du  sphénoïde  pouvait  amener  de  la 
même  façon  le  rétrécissement  du  nerf  optique  et,  par  suite,  l'étrangle- 
ment du  nerf  à  l'intérieur  de  ce  canal.  Dans  ces  cas,  il  est  probable, 
et  l'examen  ophtalmoscopique  confirme  cette  hypothèse  (E.  Jacobson), 
que  le  nerf  optique  se  développe  normalement  au  début  et  qu'il  ne 
s'atrophie  qu'à  la  fin  de  la  vie  intra-utérine,  lorsqu'il  est  comprimé  dans 
le  canal  (voir  p.  1G1).  Rappelons,  à  ce  sujet,  que  Ponfick  a  pu,  dans  un 
cas  d'atrophie  du  nerf  optique  avec  déformation  congénitale  du 
crâne,  constater  l'étroitesse  des  canaux  optiques  et  l'épaississement  de 
leurs  parois. 

On  ne  saurait,  toutefois,  expliquer  de  cette  façon  tous  les  troubles 
oculaires  qui  surviennent  à  la  suite  de  déformations  congénitales  du 


ANOMALIES   DES  OS   DU   CRANE   ET   DE  LA   FACE.  265 

crâne.  Ainsi  chez  un  individu  examiné  par  Virchow  et  qui  offrait  une 
synostose  île  toutes  les  sutures  de  la  base,  Hirschberg  avait  constaté 
une  diminution  de  l'acuité  visuelle  des  deux  yeux;  le  champ  visuel 
était  normal  d'un  côté,  rétréci  en  dedans  de  l'autre  côté. 

Dans  un  autre  cas,  Hirschberg  rencontra,  avec  une  déformation  crâ- 
nienne produite  par  une  ossification  prématurée,  une  cataracte  zonu- 
laire  bilatérale.  Dans  ces  deux  cas,  on  ne  saurait  expliquer  par  les 
anomalies  du  crâne  les  lésions  de  l'organe  de  la  vue.  Il  faut  avouer 
qu'on  ne  peut  pas  expliquer  davantage  le  nystagmus  que  Haehlmann 
a  vu  coïncider  plusieurs  fois  avec  des  vices  de  conformation  de  la  tête 
et  du  cerveau. 

Les  trous  anormaux  qui  existent  entre  le  frontal,  les  os  nasaux  ou 
L'ethmoïde  peuvent  donner  passage  à  des  méningocèles.  Si  la  tumeur 
traverse  un  trou  osseux  placé  entre  le  lacrymal  et  l'apophyse  mon- 
tante du  maxillaire  supérieur,  elle  peut  faire  croire  à  une  tumeur  de 
l'œil.  Quand  le  trou  est  situé  entre  l'ethmoïde,  le  frontal  et  le  lacrymal, 
l'encéphalocèle  ou  la  méningocèle  pénètre  dans  l'orbite,  et  il  est  par- 
fois très  difficile  de  distinguer  ces  tumeurs  orbitaires  des  kystes  der- 
moïdes.  Il  arrive  cependant  que  le  diagnostic  puisse  être  établi  avec 
précision  :  c'est  lorsque  la  compression  de  la  tumeur  provoque  des 
symptômes  cérébraux;  on  a  alors  la  certitude  qu'il  s'agit  de  ménin- 
gocèle. 

La  croissance  anormale  des  os  qui  n'est  que  partielle  et  qui  frappe 
surtout  les  extrémités  est  connue  sous  le  nom  d'acromégalie  ;  elle  parait 
avoir  une  tendance  à  s'accompagner  quelquefois  d'un  développement 
irrégulier  des  os  du  crâne.  On  observe,  dans  quelques  cas  d'acromé- 
galie,  des  troubles  oculaires  qui  semblent  dus  à  une  compression  des 
nerfs  optiques,  soit  par  les  parois  du  canal  optique,  soit  par  la  selle 
turcique  hypertrophiée  (hémianopsie  temporale  dans  une  observation 
de  Schulze).  L'atrophie  du  chiasma  et  des  nerfs  optiques  a  été  constatée 
à  l'autopsie  dans  les  cas  de  Hanrot,  Fritsch  et  Klebs. 

Surmont  a  vu  l'acuité  visuelle  considérablement  diminuée  chez  une 
fille  de  dix-h  uit  ans  atteinte  d'acromégalie .  L'exame n  ophtalmoseopique 
lui  montra  qu'il  existait  une  névrite  optique  bilatérale.  C'est  proba- 
blement parce  que  la  maladie  s'était  développée  pendant  la  croissance 
qu'elle  avait  atteint  les  mains,  les  pieds  et  la  selle  turcique  (1). 

Dans  un  cas  d'acromégalie  observé  par  Pinel-Maisonneuve,  il  exis- 
tait, outre  la  névrite  optique,  de  l'exophtalmie  (symptôme  constaté 
douze  fois  sur  quarante  et  quelques  observations  connues  jusqu'à  ce 
jour);  la  tension  intra-oculaire  était  augmentée,  et  les  pupilles,  insen- 
sibles à  la  lumière,  réagissaient  cependant  durant  l'acte  de  l'accom- 
modation. Il  est  probable  que  les  deux  trous  optiques  étaient  rétrécis 

(1)  Voir  Souza-Leite,  Thèse  de  Paris,  1890. 


266  PARTIE  SPÉCIALE. 

et  qu'en  outre  les  veines  ophtalmiques  comprimées  ne  permettaient 
plus  au  sang  de  s'écouler  dans  le  sinus  caverneux.  Parisotti  a  ren- 
contré un  cas  remarquable  :  l'affection  du  nerf  optique  s'accompagnait 
de  paralysie  de  l'oculo-moteur  externe. 


B.  —  AFFECTIONS  DES  OS. 

I.    OS    DU    CRANE   ET    DE    LA    FACE. 

La périostite  qui,  dans  la  syphilis  et  la  scrofule,  frappe  les  os  de  l'or- 
bite, détermine  un  gonflement  des  paupières.  Le  pourtour  de  l'orbite 
est  sensible  au  toucher;  on  fait  apparaître  des  douleurs  si  l'on  frappe 
doucement  les  os  qui  limitent  cette  cavité.  Parfois  l'inflammation  se 
propage  au  tissu  orbitaire,  et  il  en  résulte  de  l'exophlalmie. 

Dans  les  cas  de  carie  du  rebord  orbitaire,  lu  peau  qui  recouvre  les 
os  malades  présente  des  cicatrices  déprimées  qui  déforment  les  pau- 
pières et  amènent  fréquemment  l'ectropion  des  paupières  supérieure 
et  inférieure. 

La  périostite  de  l'orbite  peut  occasionner  l'inflammation  des  gaines 
optiques,  et  lorsque  cette  périnévrite  se  propage  dans  le  canal  op- 
tique, le  nerf  optique  se  trouve  comprimé  et  quelquefois  il  est  lui- 
même  atteint  par  i'inflammation.  Uhthoff,  par  exemple,  a  constaté 
un  cas  de  névrite  optique  rétrobulbaire,  consécutive  à  une  périostite 
du  frontal.  Si  le  pourtour  du  canal  optique  est  lésé,  il  survient  de  la 
douleur  lorsqu'on  presse  l'œil  en  arrière,  et  le  malade  accuse  une  sen- 
sation douloureuse  en  remuant  les  yeux  latéralement. 

La  carie  des  os  de  V orbite  peut  donner  naissance  à  des  abcès  orbi- 
taires.  Quand  la  lésion  frappe  la  paroi  interne  de  la  cavité  (lame  pa- 
pyracée  de  l'cthmoïde),  le  pus  peut  s'écouler  dans  les  fosses  nasales  à 
travers  les  cellules  ethmoïdales.  Si,  par  suite  de  la  destruction  du 
tissu  osseux,  il  s'établit  une  communication  entre  les  cavités  pneuma- 
tiques du  voisinage  et  le  tissu  orbitaire,  on  peut  observer  les  symp- 
tômes de  l'emphysème  de  l'orbite  :  il  survient  de  l'exophlalmie,  et, en 
pressant  sur  l'œil,  on  éprouve  la  sensation  d'une  crépitation;  l'exo- 
phtalmie  augmente  lorsque  la  malade  éternue. 

La  carie  du  rocher  peut  retentir  de  deux  façons  sur  l'organe  de  la 
vue  :  1°  en  amenant  une  paralysie  totale  du  facial,  suivie  de  lagoph- 
talmie;  *1°  en  occasionnant  la  thrombose  du  sinus  caverneux. 

Les  tumeurs  des  os  de  la  base  du  crâne  produisent  les  mêmes  symp- 
tômes oculaires  que  toutes  les  autres  tumeurs  de  cette  région.  11  faut 
toutefois  remarquer  que  les  hvperostoses  de  la  base  du  crâne  peuvent 
se  propager  jusqu'au  canal  optique  et  le  rétrécir,  et  qu'elles  ont  alors 
pour  la  vue  les  conséquences  les  plus  funestes. 


AFFECTIONS   DES  OS.  267 

L'état  dos  pupilles  après  un  traumatisme  du  crâne  a  été  examiné 
avec  beaucoup  de  soin  par  Hutchinson  fils.  Pendant  la  période  de  col- 
lapsus  qui  suit  la  commotion  cérébrale,  elles  sont  souvent  resserrées 
et  ce  n'est  qu'exceptionnellement  qu'on  observe  la  mydriasc  à  ce  mo- 
ment. Lorsque  la  dilatation  pupillaire  est  unilatérale,  elle  indique 
une  irritation  du  cerveau  du  même  côté.  S'il  se  produit  une  inflam- 
mation cérébrale,  la  myose  apparaît,  même  dans  les  cas  où  la  lésion 
est  fort  éloignée  des  tubercules  quadrijumeaux,  ce  qui,  à  notre  avis, 
autorise  à  regarder  cette  myose  comme  un  symptôme  d'hypéré- 
mie  cérébrale  (voir  p.  73).  D'après  Hutchinson  fils,  l'immobilité  bila- 
térale des  pupilles  serait  toujours  un  signe  très  fâcheux;  elle  s'ob- 
serve dans  les  cas  où  la  pression  intra-crànienne  est  augmentée  à  la 
suite  du  traumatisme.  Le  même  auteur  pense  que  lorsqu'il  se  produit 
une  hémorrhagie  cérébrale  unilatérale,  la  mydriase  siège  du  même 
côté  que  l'hémorrhagie.  La  dilatation  de  la  pupille  ne  doit  pas  être 
attribuée  à  la  paralysie  de  l'oculo-moteur  commun,  comme  l'a  fait 
Hutchinson  père  ;  d'après  Hutchinson  fils,  elle  serait  le  résultat  de  la 
compression  des  tubercules  quadrijumeaux.  Pour  cet  auteur,  il  est  un 
argument  qui  ne  permet  pas  d'admettre  la  paralysie  de  l'oculo-moteur 
commun,  c'est  que,  dans  les  cas  de  traumatisme,  la  dilatation  de  la 
pupille  est  moins  prononcée  que  dans  les  cas  de  paralysie  sans  trau- 
matisme. 

On  pourrait  admettre  également  que  la  mydriase  est  due  à  l'irrita- 
lion  des  filets  sympathiques  qui  entourent  la  carotide  interne. 

Dans  les  fractures  de  la  base  du  crâne,  il  n'est  pas  rare  de  voir  la  so- 
lution de  continuité  s'étendre  jusque  vers  les  parois  de  l'orbite.  On 
estime  que  l'orbite  même  participe  à  la  fracture  dans  9  p.  100  des 
cas.  Les  parois  de  la  cavité  orbitaire  peuvent  être  divisées  d'avant  en 
arrière,  en  diagonale  ou  en  travers.  Assez  souvent  la  fracture  se  bi- 
furque à  son  extrémité;  on  observe  aussi  le  détachement  de  petites 
écailles  osseuses.  Lorsque  la  fracture  de  l'orbite  est  comminutive,  le 
tissu  rétrobulbaire  peut  pénétrer  dans  la  cavité  crânienne.  S'il  se  dé- 
tache une  esquille  du  corps  du  sphénoïde,  la  carotide  interne  peut 
être  lésée  dans  le  sinus  caverneux,  et  on  voit  apparaître  les  symptômes 
de  l'exophtalmie  pulsatile  (voir  p.  191). 

A  l'autopsie,  dans  les  cas  de  fractures  de  la  base  du  crâne  qui  s'é- 
tendaient jusqu'aux  parois  orbitaires,  on  a  rencontré  des  hémorrha- 
gies  dans  le  périoste  et  le  tissu  rétrobulbaire,  ainsi  que  dans  l'espace 
intervaginal  du  nerf  optique.  Si  l'hémorrhagie  siège  au  centre  du 
tissu  rétrobulbaire,  l'exophtalmie  est  généralement  peu  accusée.  Elle 
est  beaucoup  plus  prononcée  lorsque  l'épanchement  sanguin  est  situé 
entre  la  paroi  orbitaire  et  le  tissu  rétrobulbaire.  Dans  ce  cas,  on  voit 
aussi  des  ecchymoses  des  paupières  et  de  la  conjonctive,  produites 
parla  pénétration  du  sang  à  travers  le  fascia  tarso-orbitaire.  Ces  ec- 


268  PARTIE   SPÉCIALE. 

chymoses  ont,  comme  chacun  le  sait,  une  grande  importance  pour  le 
diagnostic  des  fractures  de  la  base  du  crâne. 

Des  troubles  oculaires  peuvent  accompagner  les  fractures  de  la  base 
du  crâne.  On  observe  l'amaur.ose  unilatérale  ou  bilatérale  sans  qu'il  y 
ait  aucune  altération  du  fond  de  l'œil,  lorsque  la  solution  de  conti- 
nuité passe  par  l'un  des  canaux  optiques  ou  par  les  deux  à  la  fois  : 
étant  donnée  l'étroitesse  de  ces  canaux,  la  dislocation  des  parties 
fracturées  a  souvent  pour  résultat  de  froisser  le  nerf  optique.  Dans 
ces  cas,  si  le  malade  survit  à  la  fracture,  sa  vue  est  très  fortement 
compromise  :  le  dénouement  fatal  est  l'atrophie  du  nerf  optique.  Les 
parois  du  canal  optique  sont  parfois  divisées  par  contre-coup,  sans 
qu'il  y  ait  traumatisme  direct  du  crâne.  Vossius  a  publié  l'observation 
d'un  gymnaste  qui,  après  une  chute  sur  les  tubérosités  isebiatiques, 
présenta  les  symptômes  de  l'atrophie  du  nerf  optique  et  devint 
aveugle. 

La  paralysie  de  l'oculo-moteur  externe  s'observe  très  fréquemment 
à  la  suite  des  traumatismes  de  la  tète.  C'est  surtout  Panas  qui  a  mon- 
tré que  le  trajet  de  ce  nerf  l'exposait  aux  paralysies  traumatiques.  Le 
plus  souvent,  dans  les  fractures  de  la  base  du  crâne,  l'oculo-moteur 
externe  est  rompu.  Il  se  divise  principalement  au  sommet  du  rocher, 
dans  le  point  où,  après  s'être  dirigé  en  haut,  il  devient  horizontal. 
Purtscher  a  réuni  tous  les  cas  connus  de  paralysies  de  l'oculo-moteur 
externe  consécutives  à  des  fractures  de  la  base;  il  pense  que  la  fré- 
quence de  cette  complication  a  été  un  peu  exagérée,  tout  en  restant 
plus  grande  que  celle  des  paralysies  des  autres  nerfs  moteurs  de  l'œil. 
Dans  28  p.  100  des  cas,  la  paralysie  traumatique  de  l'oculo-moteur 
externe  est  bilatérale. 

Lorsque  la  tissure  passe  par  le  trou  ovale  ou  par  le  trou  rond,  la 
deuxième  et  la  troisième  branche  du  trijumeau  peuvent  être  frappées 
de  paralysie.  Après  l'oculo-moteur  externe,  c'est  le  facial  qui  est  le 
plus  souvent  atteint  de  paralysie  traumatique;  le  pathétique  est  rare- 
ment lésé.  On  sait  que  l'odorat  est  très  fréquemment  aboli  â  la  suite 
de  traumatisme  du  crâne.  Plusieurs  nerfs  crâniens  peuvent  être  si- 
multanément frappés  de  paralysie.  Morton  vit,  par  exemple,  un 
homme  de  quarante-sept  ans  chez  lequel  une  fracture  grave  de  la  base 
du  crâne  avait  entraîné  la  paralysie  de  tous  les  nerfs  crâniens  depuis 
la  première  paire  jusqu'à  la  septième;  la  neuvième  aussi  devait  être 
atteinte.  Le  malade  mourut  seulement  le  quatre-vingt-onzième  jour 
après  l'accident.  A  l'autopsie,  on  trouva  un  abcès  de  l'hémisphère  cé- 
rébral gauche;  en  outre,  tous  les  nerfs  crâniens,  passant  par  les 
trous  optique,  ovale,  rond,  et  par  la  fente  sphénoïdale  étaient  ramol- 
lis et  entourés  d'amas  purulents.  Fucbs  vit  une  fracture  de  la  base  du 
crâne  occasionner  la  paralysie  totale  du  facial,  de  l'oculo-moteur  ex- 
terne, de  l'acoustique  et  de  la  portion  motrice  du  trijumeau.  La  déter- 


AFFECTIONS  DES  OS.  2G9 

mina t ion  exacte  des  nerfs  crâniens  paralysés  permit,  dans  ces  cas,  de 
diagnostiquer  pendant  la  vie  le  trajet  de  la  fracture. 

Les  fracturés  de  la  base  du  crâne,  lorsqu'elles  établissent  une  com- 
munication entre  l'orbite  et  les  cavités  aériennes  voisines  (fractures 
comminutives  de  l'orbite),  peuvent  encore  favoriser  le  passage  de 
germes  infectieux  de  la  muqueuse  de  ces  cavités  dans  le  tissu  orbitaire 
et  les  gaines  optiques.  Comme  preuve,  nous  citerons  l'observation 
suivante,  empruntée  à  Elschnigg  : 

A  la  suite  d'une  fracture  comminutive  de  l'orbite,  consécutive  à  un 
traumatisme  de  la  région  temporale,  on  vit  apparaître  d'abord  l'im- 
mobilité des  pupilles  et  l'amaurose;  plus  tard,  on  constata  de  l'iritis  et 
îles  opacités  du  corps  vitré.  Le  globe  oculaire  était  douloureux  à  la 
pression.  A  plusieurs  reprises,  il  se  produisit  des  épistaxis,  sans  que 
l'examen  rbinoscopique  fit  rien  voir  d'anormal.  L'odorat,  le  goût  et 
L'ouïe  n'avaient  subi  aucune  altération.  Ultérieurement,  l'inflamma- 
tion s'étendit  :  il  survint  de  la  panopbtalmie,  qui  se  termina  par  l'a- 
trophie du  globe  oculaire,  et  de  l'inflammation  purulente  du  tissu 
rétro-bulbaire;  l'abcès  orbitaire  se  fit  jour  à  travers  une  fistule. 

Nous  devons  encore  mentionner  le  nystagmus  qu'on  a  observé  par- 
fois après  le  traumatisme  du  crâne.  Nagel  et  Cohn  l'ont  constaté  à  la 
suite  dune  fracture  du  temporal. 

Que  les  os  de  l'orbite  soient  fracturés  ou  non,  il  peut  se  produire  des 
hémorrbagies  dans  l'espace  intervaginal  du  nerf  optique  {hématome 
des  gaines  optiques),  hémorrhagies  qui  entraînent  des  troubles  fort 
graves  de  la  vue.  J'en  ai  moi-même  observé  un  cas  chez  un  cavalier 
qui  avait  reçu  un  coup  de  pied  de  cheval  à  la  tête;  du  côté  où  le  coup 
avait  porté,  l'acuité  visuelle  était  diminuée  au  point  que  le  malade  ne 
pouvait  de  cet  œil  que  compter  des  doigts.  L'examen  ophtalmosco- 
pique  pratiqué  le  lendemain  me  permit  de  constater  le  rétrécissement 
des  artères  et  la  dilatation  des  veines  rétiniennes;  la  papille  optique 
était  un  peu  rouge.  Peu  à  peu  apparurent  les  symptômes  de  la  névrite 
optique.  Des  injections  hypodermiques  de  pilocarpine  amenèrent  une 
amélioration,  sans  que  cependant  l'acuité  visuelle  redevînt  normale. 
11  est  probable  qu'il  s'agissait  d'une  hémorrhagie  de  l'espace  interva- 
ginal du  nerf  optique. 

La  commotion  rétinienne  par  traumatisme  de  latôte,  qu'on  admettait 
jadis,  n'existe  pas  en  réalité.  Cette  commotionne  peut  se  produire  que 
si  le  traumatisme  porte  directement  sur  le  globe  oculaire;  on  observe 
alors,  sur  la  rétine,  une  opacité  blanchâtre,  très  étendue,  due  à  l'œ- 
dème de  cette  membrane.  Il  est  probable  que  cet  œdème  est  la  consé- 
quence d'hémorrhagies  dans  l'espace  périeboroïdien  et  de  la  com- 
pression exercée  par  l'épanchement  sanguin  sur  les  vaisseaux  qui 
traversent  cette  cavité. 

Les  fractures  de  la  paroi  supérieure  de  V orbite  seule  sont  habituelle- 


270  PARTIE   SPÉCIALE. 

ment  le  résultat  d'un  traumatisme  qui  n'agit  pas  directement  sur 
cette  paroi.  Elles  sont  graves,  à  cause  des  complications  qu'elles  pro-„ 
vnquenl  du  côté  du  cerveau.  Selon  leur  étendue,  elles  peuvent  entraî- 
ner la  mort  subite,  un  évanouissement,  des  vertiges,  de  l'hémiplégie, 
delà  somnolence,  du  délire,  ou  bien  être  suivies  d'abcès  cérébraux 
ou  de  méningite.  Dans  les  cas  où  une  communication  s'établit  entre 
le  sinus  frontal  et  l'orbite,  il  n'est  pas  rare  de  voir  survenir  un  emphy- 
sème orbitaire.  Le  diagnostic  de  la  fracture  de  la  paroi  supérieure  «le 
l'orbite  est  facile  :  on  le  reconnaît  aux  ecchymoses  de  la  paupière 
supérieure  et  de  la  conjonctive,  en  même  temps  que  par  le  toucher 
qui  permet  de  constater  la  solution  de  continuité  de  l'os.  Maigri'  les 
graves  complications  auxquelles  elle  expose,  cette  fracture  guérit  fré- 
quemment :  sur  19  cas  dont  Berlin  a  trouvé  l'observation  dans  les  au- 
teurs, H)  avaient  été  suivis  de  guérison. 

Les  fractures  de  la  paroi  inférieure  de  l'orbite  se  produisent  souvent 
lorsque  le  traumatisme  porte  sur  le  malaire  ou  le  maxillaire  supé- 
rieur; en  général,  elles  résultent  d'un  coup  appliqué  avec  un  ins- 
trument mousse  ou  bien  d'un  projectile  lancé  par  une  arme  à  feu.  La 
fracture  peut  entraîner  la  déchirure  du  nerf  sous-orbitaire  dans  son 
canal  et,  par  suite,  l'insensibilité  cutanée  de  la  région  qu'il  innerve. 
En  outre,  celte  fracture  est  accompagnée  la  plupart  du  temps  d'hé- 
morrhagies  orbitaires  plus  ou  moins  étendues  et  d'ecchymoses  de  la 
paupière  inférieure.  S'il  s'établit  une  communication  entre  l'orbite  et 
le  sinus  maxillaire,  il  survient  de  l'emphysème  orbitaire  qui  cause 
l'exophtalmie  et  la  projection  du  globe  oculaire  en  haut  et  en 
dehors. 

Les  fractures  de  la  pa?%oi  temporale  de  l'orbite  résultent  générale- 
ment d'un  traumatisme  agissant  directement  sur  l'os  malaire.  Les 
symptômes  qu'elles  produisent  sont  des  ecchymoses  des  paupières  et 
de  la  conjonctive  occupant  surtout  le  côté  temporal,  de  l'exophtalmie 
causée  par  l'hémorrhagie  orbitaire  et  parfois  aussi  l'anesthésie  du  nerf 
zygomatico- facial. 

Les  fractures  de  la  paroi  interne  de  l'orbite  sont  occasionnées  par  un 
traumatisme  direct  ou  bien  par  un  traumatisme  qui  agit  soit  sur  les 
os  nasaux,  soit  sur  le  maxillaire  supérieur.  L'ouverture  des  cellules 
elhmoïdales  peut  amener  de  l'emphysème  orbitaire,  de  l'emphysème 
orbitorpalpébral  ou  de  l'emphysème  conjonctival,  selon  le  point  où 
siège  la  fracture  de  la  lame  papyracée  (voir  p.  186).  On  a  vu  des  cas 
où  la  fracture  s'étendait  jusqu'à  la  lame  criblée  de  fethmoïde,  ei 
avait  pour  conséquence  l'écoulement  continu  du  liquide  céphalo- 
rachidien  et  des  épislaxis  répétées  du  côté  de  la  lésion.  La  solution 
de  continuité  perceptible  au  toucher,  l'existence  d'un  emphysème  qui 
apparaît  quelquefois  un  certain  temps  après  l'accident,  facilitent  le 
diagnostic  de  celte  fracture. 


RACHITISME.  271 

Dans  les  plaies  du  palais  par  armes  à  feu,  on  rencontre  1res  fréquem- 
ment des  troubles  oculaires.  Koehler  a  trouvé  dans  les  auteurs  la 
description  de  cent  sept  cas  de  blessures  de  ce  genre,  presque  toutes  le 
résultai  de  tentatives  de  suicide.  Les  symptômes  observés  furent  la  pa- 
ralysie des  3e,  4°,  6e,  7°  et  8"  paires  de  nerfs  crâniens  et  l'exoplitalmie 
pulsatile.  Dans  un  cas,  l'autopsie  permit  de  constater  la  présence  de 
la  balle  dans  le  trou  jugulaire;  il  était  survenu  de  la  thrombose  du 
sinus  caverneux. 

Dans  les  chutes  sur  l'occiput  de  petites  esquilles  peuvent  se  déta- 
cher, ou  bien  il  peut  se  produire  des  hémorrhagies  méningées  suscep- 
tibles de  causer  l'hémiopie.  En  1883,  Nieden  a  publié  une  intéressante 
observation  :  dans  une  opération  de  trépan,  l'instrument  avait  lésé  le 
lobe  occipital;  il  en  était  résulté  des  lacunes  homonymes  dans  les 
champs  visuels  des  deux  yeux  (hémianopie  homonyme  incomplète). 

2.  MAL   DE  POTT. 

Les  symptômes  oculaires  qui  compliquent  le  mal  de  Pott  ont  une 
grande  importance  parce  qu'ils  permettent  de  savoir  si  les  méninges 
rachidiennes  cervicales  sont  lésées  ou  non.  Lorsqu'elles  sont  indemnes, 
on  n'observe  rien  d'anormal  du  côté  des  pupilles.  Dans  la  névrite  des 
racines  spinales  consécutive  à  la  pachyméningite  on  observe,  au  con- 
traire, de  la  mydriase  causée  par  l'irritation  des  fibres  nerveuses  qui 
se  rendent  de  la  moelle  épinière  au  grand  sympathique.  Si  les  trajets 
nerveux  sont  interrompus  par  suite  de  lésions  des  cylindres-axes, 
on  voit  apparaître  le  myosis  (Jacobson).  Les  mêmes  symptômes  pupil- 
laires  se  rencontrent  dans  les  affections  traumatiques  de  la  colonne 
vertébrale. 

3.  RACHITISME. 

Horner  a  le  premier  émis  l'hypothèse  qu'il  existerait  un  rapport 
entre  le  rachitisme  et  la  cataracte  zonulaire,  c'est-à-dire  l'opacité  totale 
nu  partielle  d'une  ou  de  plusieurs  des  couches  du  cristallin  qui  sont 
situées  autour  du  noyau  de  la  lentille.  Cette  opinion  est  encore  fort 
discutée.  Arx,  un  élève  de  Horner,  a  réuni  cent  quatre-vingt-neuf  ob- 
servations de  cataracte  zonulaire,  et  il  a  recherché  si  la  lésion  devait 
être  attribuée  au  rachitisme.  Dans  40  p.  100  des  cas,  il  existait,  avec 
cette  cataracte  spéciale,  des  symptômes  incontestables  de  rachitisme 
des  extrémités;  dans  31,7  p.  100  des  cas,  Arx  a  pu  constater  des  ano- 
malies rachitiques  du  crâne;  enfin,  il  a  rencontré  très  souventl.es  dé- 
formations dentaires  caractéristiques  du  rachitisme.  Ces  déformations 
sont  le  résultat  d'un  trouble  dans  la  nutrition  des  dents;  elles  se 
montrent  principalement  dans  la  seconde  dentition,  mais  elles  peuvent 


272  PARTIE  SPÉCIALE. 

atteindre  aussi  les  dents  de  lait,  et  frapper  les  incisives  et  les  pre- 
mières molaires  temporaires.  Les  dents  persistantes  atteintes  de  cette 
malformation  rachitique  sont  celles  qui  sont  sorties  à  une  époque 
rapprochée  de  l'éclosion  de  la  maladie.  Elles  sont  plus  massives  qu'à 
l'état  normal  et  leur  émail  s'arrête  brusquement  au  col  en  formant  un 
bourrelet.  Leur  surface  présente  une  série  de  rayures  transversales  ; 
parfois  l'émail  fait  défaut  sur  une  grande  étendue  de  la  couronne. 
Nous  renvoyons  d'ailleurs  pour  plus  de  détails  aux  traités  d'odonto- 
logie. 

Les  élèves  de  Horner  admettent  avec  leur  maître  que  la  cataracte 
zonulaire  est  le  résultat  du  rachitisme.  On  leur  objecte  que  les  opacités 
cristalliniennes  sont  parfois  congénitales  et  prennent  naissance  pen- 
dant les  derniers  mois  de  la  vie  intra-utérine.  Elles  peuvent  être  alors 
accompagnées  d'autres  vices  de  conformation  remontant  à  la  même 
période  embryonnaire.  J'ai  pu  constater,  par  exemple,  l'existence 
d'une  membrane  pupillaire  persistante  dans  un  cas  de  cataracte  zonu- 
laire. 

Les  partisans  de  la  théorie  de  Horner  répondent  à  cette  objection 
({Lie  le  rachitisme  peut  aussi  débuter  pendant  la  vie  embryonnaire. 
Michel  va  plus  loin,  et  il  prétend  que  si  la  cataracte  zonulaire  ne  s'ac- 
compagne d'aucune  trace  de  rachitisme  du  système  osseux,  elle  cons- 
titue à  elle  seule  une  preuve  de  rachitisme. 

Les  statistiques  faites  par  les  adversaires  de  la  théorie  de  Horner  ont 
donné  des  résultats  très  divers.  Story,  par  exemple,  a  constaté  la  mal- 
formation rachitique  des  dents  dans  le  tiers  des  cas  de  cataracte  zonu- 
laire. 11  est  probable  qu'il  existe  parfois  une  cause  commune  qui  pro- 
duit à  la  fois  les  symptômes  de  rachitisme  et  de  cataracte  zonulaire, 
mais  cette  cause  a  échappé  jusqu'ici  à  toutes  les  recherches. 

BIBLIOGRAPHIE. 

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—  Uhthoff,  Arcli.  f.  Ophlhalm.,  t.  XXXIII,  fasc.  I. 


RHUMATISME.  273 

XVI.  —  TROUBLES  OCULAIRES  DANS  LES  AFFECTIONS 

]>ES  ARTICULATIONS. 

Nous  laisserons  décote,  pour  le  moment,  la  conjonctivite  et  l'iritis 
qui  surviennent  à  la  suite  d'une  arthrite  blennorrhagique;  nous  nous 
en  occuperons  dans  un  chapitre  ultérieur.  Il  nous  faut  aussi  faire 
abstraction  des  affections  des  yeux  qui  accompagnent  le  rhumatisme 
articulaire  aigu,  car  les  affections  oculaires  et  articulaires  ne  sont, 
dans  ces  cas,  que  les  symptômes  d'une  même  maladie  causée  par  une 
invasion  de  1  "économie  par  des  microbes.  Enfin,  il  existe  une  troi- 
sième catégorie  de  cas  que  nous  devons  écarter  momentanément  : 
nous  voulons  parler  des  troubles  oculaires  coexistants  avec  des  lésions 
des  articulations  et  qui  sont  dus,  commec  elles-ci,  à  un  ralentissement 
de  la  nutrition  (rhumatisme).  Dans  aucun  de  ces  trois  groupes,  les 
affections  des  yeux  ne  sont  la  conséquence  de  celles  des  articulations. 

Dans  la  littérature  médicale,  on  ne  trouve  que  deux  observations 
de  troubles  oculaires  réellement  produits  par  une  maladie  localisée 
d'une  articulation;  c'est  Tuppert  qui  les  a  publiées.  Dans  le  premier 
cas,  il  s'agissait  d'iritis,  compliquée  d'hypopyon;  dans  le  second,  d'une 
inflammation  de  l'œil  droit.  Ces  affections  étaient  liées  à  une  arthrite 
du  genou,  et  apparaissaient  par  intermittence,  chaque  fois  que  la  ma- 
ladie articulaire  subissait  une  exacerbation;  lorsque  l'arthrite  s'amé- 
liorait, les  lésions  oculaires  s'amélioraient  également.  Il  est  regrettable 
que  dans  les  observations  auxquelles  je  me  réfère,  on  n'ait  précisé  ni 
la  nature  de  l'arthrite  dans  le  premier  cas,  ni  celle  de  l'inflammation 
de  l'œil  dans  le  second.  Quoi  qu'il  en  soit,  ces  faits  m'ont  paru  dignes 
d'être  rapportés  parce  qu'ils  démontrent  qu'une  affection  des  yeux 
peut  être  sous  la  dépendance  dune  lésion  articulaire.  Michel  admet 
que  le  fait  est  encore  prouvé  par  l'iritis  qui  peut  succéder  à  une  ar- 
thrite, et  il  attribue  la  lésion  de  l'œil  à  l'augmentation  de  la  tension 
intra-oculaire. 

BIBLIOGRAPHIE. 

Tuppert,  Muencliner  Med.  Wochenschr.,  1867,  n"  2. 

XVII.  —  TROUBLES  OCULAIRES  DANS  LES  MALADIES 
CAUSÉES  PAR  RALENTISSEMENT  DE  LA  NUTRI- 
TION. 

1.   RHUMATISME. 

Malgré  la  fréquence  des  affections  rhumatismales,  on  n'a  pas  encore 
suffisamment  étudié  les  rapports  qui  existent  entre  les  troubles  ocu- 

18 


274  PARTIE  SPÉCIALE. 

laires  et  le  rhumatisme;  dans  un  certain  nombre  de  cas,  il  faut  con- 
server des  doutes  sur  l'origine  de  maladies  des  yeux  dites  rhumatis- 
males. Ce  n'est,  en  effet,  que  dans  ces  derniers  temps  que  les  patho- 
logistes  ont  défini  ce  qu'on  doit  entendre  par  rhumatisme,  et  les 
remarquables  travaux  de  Bouchard  ont  jeté  un  grand  jour  sur  la 
question. 

On  ne  saurait  encore  se  prononcer  sur  la  fréquence  des  affections 
rhumatismales  des  yeux.  En  1883,  sur  63  cas  de  rhumatisme  noueux, 
Cornil  n'avait  rencontré  que  trois  fois  des  troubles  oculaires.  Dans  les 
autres  formes  de  rhumatisme,  les  complications  sont  incontestable- 
ment plus  communes. 

Assez  souvent  la  conjonctivite  et  l'inflammation  de  la  sclérotique  sont 
de  nature  rhumatismale  sans  qu'aucun  symptôme  particulier  permette 
d'en  reconnaître  l'origine.  Il  n'en  est  pas  de  même  de  la  kératite  rhu- 
matismale, dont  l'existence  a  été  à  tort  niée  par  quelques  auteurs.  À 
ma  connaissance,  c'est  Arlt  qui  a  le  premier  donné  uue  description 
exacte  de  cette  affection,  à  laquelle  il  assigne  les  symptômes  suivants. 
En  général,  la  kératite  rhumatismale  atteint  les  malades  exposés  par 
leur  profession  à  des  changements  brusques  de  température,  tels  que 
les  forgerons,  les  cuisiniers,  etc.  La  fièvre  éclate,  et,  en  peu  de  jours, 
il  se  forme  une  opacité  de  la  cornée  qui  prend  l'aspect  d'un  verre  dé- 
poli. Des  douleurs  très  vives  se  font  sentir  dans  l'œil  et  les  vaisseaux 
péri-cornéens  sont  follement  injectés.  De  petites  parcelles  d'épithé- 
lium  se  détachent  de  la  cornée  en  produisant  de  petites  lacunes  à  la 
superficie  de  cette  membrane;  ces  perles  de  substances  peuvent  cons- 
tituer une  porte  d'entrée  pour  les  germes  infectieux.  Bientôt  on  observe 
de  petits  foyers  purulents  qui  occupent  la  face  antérieure  de  la  cor- 
née (Arlt,  Tetzer);  nous  avons  nous-mêmes  constaté  l'existence  de 
ces  foyers.  Cette  kératite  persiste  généralement  pendant  quelques  se- 
maines. Nous  avons  obtenu  de  très  bons  résultats  de  l'administration 
à  l'intérieur  de  salicylate  de  soude  et  d'antipyrine. 

Le  rapport  de  cette  forme  de  kératite  avec  le  rhumatisme  est  évi- 
dent, car  on  la  rencontre  souvent  avec  des  arthrites  rhumatismales; 
on  l'a  observée  dans  des  cas  de  mono-arthrite  chronique  des  grandes 
articulations,  notamment  dans  l'arthrite  chronique  du  genou.  La  kéra- 
tite rhumatismale  survient  encore  dans  la  périoslite  chronique  de  di- 
vers os,  principalement  dans  la  périostite  hyperlrophique  du  tibia. 
C'est  dans  la  première  enfance  et  dans  la  jeunesse  qu'elle  se  montre 
avec  le  plus  de  fréquence. 

Pour  comprendre  la  tendance  qu'a  la  cornée  a  être  affectée  dans  le 
rhumatisme,  il  faut  se  rappeler  qu'au  point  de  vue  histologique  elle 
est  analogue  au  tissu  cartilagineux  qui  est  le  siège  des  lésions  arti- 
culaires. 

Nous  avons  dit  précédemment  qu'on  avait  voulu  voir  dans  l'arthrite 


RHUMATISME.  275 

rhumatismale  la  cause  de  l'alfection  de  la  cornée.  Cetle  théorie  peul 
être  regardée  comme  fausse,  car  les  deux  affections  ne  sont  que  des 
symptômes  locaux  d'une  môme  maladie  générale. 

On  a  encore  attribué  au  rhumatisme  des  cas  d'iritis,  d'irido-ckoroï- 
dite,  de  rétinite,  de  névrite  optique,  de  lénonite,  de  blépharile,  depara- 
/i/sie  des  muscles  de  l'œil.  Nous  ne  considérons  comme  démontré  que 
le  rapport  du  rhumatisme  avec  l'iritis,  la  ténonile  et  certaines  para- 
lysies musculaires.  On  rencontre  aussi  ces  affections  sans  arthrite, 
et  l'on  désigne  ces  cas  sous  le  nom  de  rhumatisme  aharticulaire. 

Quant  ;i  ['iritis  rhumatismale,  il  est  évident  qu'elle  ne  comprend  pas 
les  cas  dus  à  une  arthrite  blennorrlmgique,  quoiqu'on  les  y  fit  rentrer 
jadis.  Dans  l'iritis  rhumatismale  proprement  dite  la  partie  antérieure 
de  la  sclérotique  participe  d'une  façon  très  nette  à  l'inflammation 
(épisclérite).  La  cornée  est  fortement  injectée,  et  cette  inflammation 
est  en  rapport  avec  l'intensité  de  l'iritis.  Dans  le  rhumatisme,  l'iritis 
revêt  la  forme  plastique.  Lesadhérencesqui  s'établissent  entre  l'iris  et  la 
cristalloïde  antérieure  n'ont  que  peu  de  chance  de  se  rompre  lorsqu'on 
emploie  des  mydriatiques.  Si  l'on  réussit  à  se  rendre  maître  de  l'iritis, 
les  symptômes  du  côté  de  l'iris  disparaissent  beaucoup  plus  vite  que 
l'injection  péri-cornéenne.  A  la  suite  d'un  refroidissement,  la  mala- 
die récidive  avec  facilité.  C'est  à  tort  qu'on  accuse  généralement  les 
adhérences  de  l'iris  avec  la  cristalloïde  antérieure  d'être  la  cause  de 
j;es  rechutes,  bien  qu'elles  occasionnent  une  irritation  perpétuelle. 
Si  les  synéchies  postérieures  sont  très  développées,  il  survient  aussi 
des  complications  du  côté  de  la  choroïde,  et  c'est  ainsi  que,  d'après 
quelques  auteurs,  prendrait  naissance  l'irido-choroïdite  rhuma- 
tismale. 

L'affection  décrite  sous  le  nom  de  névrite  optique  aiguë  rhumatis- 
male peul  se  montrer,  à  la  suite  d'un  refroidissement,  d'un  seul  côté 
ou  des  deux  à  la  fois.  La  diminution  de  l'acuité  visuelle  qui  en  est  la 
conséquence  s'accompagne  parfois  d'un  rétrécissement  du  champ  vi- 
suel, mais  ce  dernier  symptôme  manque  dans  d'autres  cas.  Si  la  mala- 
die est  grave,  l'amaurose  succède  à  l'amblyopie,  et  l'ophtalmoscope 
permet  alors  de  constater  l'inflammation  de  la  papille  et  de  la  rétine. 
Dans  quelques  cas,  on  a  observé  des  épanchements  sanguins  et  des 
exsudations  sur  la  limite  de  la  papille.  Uuand  l'affection  est  de  lon- 
gue durée,  elle  peut  se  terminer  par  l'atrophie  optique. 

Nous  avons  dit  p.  188)  qu'il  était  possible  d'expliquer  un  certain 
nombre  de  cas  de  l'affection  dont  il  s'agit  sans  faire  intervenir  une 
cause  rhumatismale.  Il  nous  parait  douteux,  quoi  qu'en  pense  Dran- 
sart,  que  l'amblyopie  rhumatismale  avec  exophtalmie  légère  et  dou- 
leurs péri-orhilaires  puisse  être  occasionnée  par  une  ténonite  simulta- 
née. On  expliquerait  aussi  bien  ces  cas  en  admettant  un  gonflement  du 
périoste    de  la  paroi   postérieure    de    l'orbite   qui    comprimerait   le 


276  PARTIE   SPÉCIALE. 

nerf  optique  à  son  entrée  dans  la  cavité  orbitaire  et  la  veine  ophtal- 
mique. 

La  ténonite  rhumatismale  est  une  affection  très  rare,  en  comparaison 
surtout  de  la  fréquence  des  affections  rhumatismales  qui  atteignent 
les  membranes  séreuses  des  articulations,  des  fascias,  des  tendons,  etc., 
semblables,  par  leur  structure,  à  la  capsule  de  Tenon.  Les  principaux 
symptômes  de  la  ténonite  consistent  en  douleur  dans  les  mouvements 
latéraux  de  l'œil,  en  exophtalmie  légère,  lorsqu'on  presse  sur  le  globe 
oculaire  pour  le  reporter  en  arrière.  Les  paupières  sont  gonflées.  On 
constate  le  chémosis,  de  la  conjonctivite  et  l'hypersécrétion  des  larmes. 
S'il  n'existe  qu'une  exsudation  peu  abondante  dans  la  capsule  de 
Tenon,  il  n'y  a  pas  de  trouble  de  la  vue.  Dans  le  cas  contraire,  l'ex- 
sudat  peut  comprimer  les  veines  vertiqueuses  de  Stenon  à  leur  pas- 
sage dans  la  capsule  de  Tenon  et  donner  lieu  aux  symptômes  du  glau- 
come (Just). 

Weil  etDiamentberger  ont  constaté,  dans  un  certain  nombre  de  cas, 
que  le  goitre  exophtalmique,  dont  la  nature  nerveuse  est  aujourd'hui 
presque  universellement  admise,  se  rencontre  dans  l'évolution  du 
rhumatisme. 

D'après  ces  auteurs  il  s'agit  là  d'une  coïncidence  pathologique, 
qui,  dans  la  plupart  des  cas,  suit  de  plus  ou  moins  près  l'apparition 
du  rhumatisme  aigu  ou  chronique;  dans  d'autres  cas,  elle  l'accompa- 
gne; dans  d'autres  enfin,  elle  ne  se  retrouve  que  dans  les  antécédents 
personnels  ou  héréditaires  des  rhumatisants  au  même  titre  que 
d'autres  manifestations  ressortissant  nettement  a  la  diathèse  arthri- 
tique. 

Les  muscles  de  l'œil  peuvent  être  atteints  par  le  rhumatisme  au 
point  de  présenter  des  symptômes  de  névralgie  musculaire  ou  de 
paralysie.  Les  douleurs  provoquées  par  les  mouvements  de  l'œil,  dans 
les  cas  de  névralgie,  sont  probablement  dues  à  une  affection  des  nerfs 
sensitifs  qui  se  terminent  dans  les  corpuscules  de  Golgi  situés  dans 
les  tendons  des  muscles  de  l'œil.  D'après  J.  \Y.  Wright,  si  l'on  exerce 
une  pression  sur  le  point  où  se  trouve  le  tendon  du  muscle  affecté, 
après  avoir  fait  fermer  les  paupières  on  provoque  de  la  douleur.  La 
même  sensation  douloureuse  se  fait  sentir  quand  le  muscle  agit  pour 
mouvoir  l'œil. 

Les  paralysies  rhumatismales  des  musela  de  l'œil  sont  plus  fréquen- 
tes et  mieux  connues  que  la  névralgie  musculaire.  Elles  apparaissent 
subitement,  à  la  suite  d'un  refroidissement.  Au  point  de  vue  de  leur 
localisation,  elles  appartiennent  aux  paralysies  périphériques.  Il 
n'est  pas  rare  d'observer,  avant  l'apparition  de  ces  paralysies,  des 
névralgies  qui  occupent  le  côté  correspondant  de  la  tête  et  le  pour- 
tour de  l'œil,  et  qui  s'accompagnent  parfois  de  vomissements.  Les 
paralysies  des  muscles  de  l'œil  occasionnent  d'abord  des  vertiges,  et 


RHl'MATISME. 


277 


c'est  souvent  le  seul  symptôme  dont  se  plaignent  les  malades.  En  gé- 
néral, un  seul  muscle  est  affecté  :  rarement,  plusieurs \sont  atteints  en 


Fig.  29.  —  Goitre  exophthalmique  chez  une  jeune  fille  atteinte  de  îhumatisme  arti- 
culaire chronique  déformant.  (Observation  de  MM.  Weil  et  Diamantberger.) 

même  temps.   Les  statistiques  ne  permettent  pas  encore  de  se  pro- 
noncer sur  la  fréquence  de  la  paralysie  des  divers  muscles  de  l'œil. 


278  PARTIE  SPÉCIALE. 

D'après  mes  observations  personnelles,  l'oculo-moteur  externe  serait 
le  plus  fréquemment  atteint. 

Le  traitement  des  affections  rhumatismales  de  l'œil  doit  être  à  la 
fois  local  et  général.  Le  traitement  local  consiste  en  instillations  d'a- 
tropine dans  l'irilis,  en  frictions  au  précipité  jaune  dans  l'épisclérite 
en  éleclrisation  dans  les  paralysies  musculaires.  Comme  traitement 
général,  l'emploi  du  salicylate  de  soude  donne  de  bons  résultats,  et 
ce  n'est  qu'à  une  époque  avancée  que  j'administre  l'iodure  de  potas- 
sium. Si  les  paralysies  des  muscles  de  l'œil  guérissent  facilement,  il 
n'est  pas  rare  d'observer  des  récidives.  Le  pronostic  de  la  névrite  opti- 
que dite  rhumatismale  réclame  une  certaine  réserve  :  on  a  vu  plu- 
sieurs fois  celte  affection  se  terminer  par  l'atrophie  du  nerf  optique. 

2.  golïte. 

Tandis  que  quelques  auteurs,  parmi  lesquels  Foerster,  nient  d'une 
façon  absolue  qu'il  existe  une  relation  entre  la  goutte  et  les  troubles 
oculaires,  d'autres  citent  un  certain  nombre  d'affections  des  yeux, 
qui  seraient  de  nature  goutteuse  (Ilutchinson,  Noyés).  Ces  derniers 
rattachent  à  la  goutte  l'eczéma  des  paupières,  la  sclérite,  l'épisclé- 
rite, la  choroïdite,  le  glaucome,  la  migraine  ophtalmique,  la  paraly- 
sie de  la  troisième  et  de  la  sixième  paire  de  nerfs  crâniens.  Les  au- 
teurs anciens  avaient  déjà  admis  ce  rapport  pour  le  glaucome.  Il  est 
incontestable  que  plusieurs  affections  oculaires  qu'on  a  nommées 
goutteuses  ne  le  sont  pas;  tel  est  le  cas  des  hémorrhagies  rétiniennes 
mentionnées  dans  le  Dictionnaire  de  Dechambre,  qui  sont  dues  à  des 
altérations  athéromateuses  des  vaisseaux  rétiniens. 

D'après  quelques-uns,  la  conjonctivite  accompagne  souvent  l'accès 
de  la  goutte.  Morgagni  observa  sur  lui-même  un  exemple  de  cette 
conjonctivite  goutteuse.  Pendant  qu'il  prenait  un  bain  de  pieds 
ebaud,  son  œil  s'était  congestionné  et  la  goutte  avait  ensuite  envahi 
son  gros  orteil.  La  conjonctivite  goutteuse  se  manifeste  par  une  in- 
jection très  vive  des  vaisseaux  de  la  membrane  et  par  des  douleurs 
assez  fortes  dans  l'œil.  En  général,  la  maladie  guérit  en  vingt-quatre 
heures,  sans  laisser  de  trace.  L'existence  d'une  kératite  goutteuses  été 
démontrée  récemment  par  Chevallereau  qui,  en  faisant  l'analyse  chi- 
mique des  opacités  du  parenchyme  de  la  cornée,  a  trouvé  des  cristaux 
d'acide  urique.  Au  point  de  vue  clinique,  la  kératite  goutteuse  est 
caractérisée  par  des  taches  blanchâtres  de  un  demi  millimètre  à 
i>  millimètres  d'étendue,  reliées  ou  non  les  unes  aux  autres  et  oc- 
cupant principalement  le  centre  de  la  cornée  et  surtout  ses  couches 
moyennes. 

Dans  la  sclérite  goutteuse,  on  constate,  autour  de  la  cornée,  une 
injection  intense  qui   occupe  des  couches  très  diverses  de  ia  mem- 


GOUTTE. 


279 


brane.  La  conjonctive  qui  recouvre  la  partie  malade  peut  être 
atteinte  ou  indemne.  Dans  le  premier  cas,  il  suffit  d'exercer  avec  le 
doigt  une  simple  pression  sur  la  paupière  et  de  la  remuer  pour  refou- 
ler le  sang  de  la  conjonctive;  on  voit  alors  que  les  parties  profondes 
de  la  sclérotique  sont  le  siège  d'une  injection  vasculaire  très  fine. 

Hutchinson  a  observé  des  cas  à'irido-choroïdile  chez  des  malades 
qui  présentaient  des  dépôts  tophacés  dans  les  oreilles.  L'affection, 
comme  Viritis  goutteuse,   se  répète  périodiquement  et  se  montre  de 


Fig.  30.  —  Rétiuite  goutteuse,  d*après  Hirschberg.  (Image  droite.) 


préférence  au  printemps.  D'après  Abadie,  l'irido-choroïdite  goutteuse 
ne  présenterait  rien  de  particulier,  sauf  sa  marche.  L'hïtis  des  gout- 
teux procède  par  poussées  successives. 

Hirschberg  décrit  une  forme  spéciale  de  retraite  goutteuse.  Cepen- 
dant, d'après  lui,  il  faudrait  attribuer  à  la  goutte  quelques  cas  de  la 
relinitis  punctata  albescens  de  Mooren.  Hirschberg  dit  que  la  rélinite 
goutteuse  est  caractérisée  par  des  altérations  de  la  rétine  entraînant, 
comme  troubles  fonctionnels,  le  scotome  central.  A  l'examen  ophtal- 
moscopique,  on  voit  que  les  altérations  consistent  en  taches  et  en  li- 


280  PARTIE  SPÉCIALE. 

gnes  blanches  situées  en  arrière  et  au-dessous  du  plan  des  vaisseaux. 
Les  lignes  forment  des  demi-étoiles  et  rayonnent  vers  la  macula.  On 
rencontre  aussi  quelques  petites  hémorrhagies  dans  le  fond  de  l'œil. 
Par  leur  groupement,  les  lignes  forment  un  réseau,  et  les  taches  qui 
résultent  de  leur  réunion  se  distinguent  de  celles  de  la  rétinile  diabé- 
tique; ces  dernières,  en  effet,  forment  des  taches  rondes,  groupées 
irrégulièrement.  En  outre,  dans  la  rétinile  goutteuse  les  taches  blan- 
ches sont  plus  profondément  situées  dans  le  tissu  rétinien  et  sont  tou- 
jours plus  nombreuses  que  dans  la  rétinite  des  diabétiques.  Ce  qui 
est  intéressant,  c'est  que  la  malade  observée  par  Hirschberg,  qui 
donna  l'image  ophtalmoscopique  de  son  œil,  avait  un  excédent  d'acide 
urique  dans  les  urines  et  que,  plus  tard,  elle  fut  atteinte  de  diabète 
sucré. 

On  sait  que,  chez  les  goutteux,  les  concrétions  tophacées  se  rencon- 
trent aussi  dans  l'organe  de  la  vue,  par  exemple  aux  paupières,  sur 
la  conjonctive  et  dans  l'épaisseur  de  la  sclérotique  (Garod,  Ro- 
bertson). 

Il  n'est  pas  sans  intérêt  de  rapporter  une  assertion  de  Hutchinson. 
D'après  cet  auteur,  les  enfants  des  goutteux  auraient  une  prédisposi- 
tion aux  maladies  inflammatoires  de  l'œil,  aux  blépharites  et  aux 
conjonctivites.  En  outre,  chez  ces  enfants,  le  goitre  exophtalmique 
s'observerait  quelquefois. 

3.    DIABÈTE   SUCRÉ. 

Les  troubles  oculaires  qui  surviennent  à  la  suite  du  diabète  ont 
fait  l'objet  de  recherches  spéciales,  notamment  de  la  part  de  Leber,  et 
on  trouve  dans  la  monographie  qu'il  a  publiée  l'exposé  des  résultats 
auxquels  il  est  arrivé.  On  admet  que  les  2/3  environ  des  diabétiques 
sont  atteints  de  troubles  oculaires,  qui  se  montrent  plus  fréquents 
dans  les  cas  graves  que  dans  les  cas  légers.  Le  nombre  d'individus 
affectés  de  maladies  de  l'organe  de  la  vision  par  suite  de  glycosurie 
(ainsi  que  le  diabète  sucré  surtout)  est  relativement  très  faible  en 
France,  et  surtout  dans  la  partie  occidentale  :  il  est  infiniment  plus 
considérable  en  Russie,  en  Galicie  et  dans  les  provinces  orientales  de 
la  Prusse.  A  Bordeaux,  sur  20  000  malades  observés  à  la  clinique 
ophtalmologique  de  Badal,  Lagrange  n'a  trouvé  que  53  cas  de  troubles 
oculaires  causés  par  le  diabète  ;  sur  ce  chiffre,  il  y  avait  i'3  cas  de 
cataracte  et  13  cas  d'affections  de  la  rétine  ou  du  traclus  uvéal. 

L'influence  du  diabète  sucré  sur  l'organe  de  la  vue  peut  se  mani- 
fester de  manières  très  diverses  :  on  voit  survenir  de  la  parésie  ou  de 
la  paralysie  soit  des  muscles  extrinsèques,  soit  des  muscles  intrin- 
sèques de  L'œil,  ou  bien  on  observe  des  lésions  inflammatoires  de  la 
rétine,  de  la  choroïde  et  de  l'iris;  d'autres  fois,  il  se  produit  des  am- 

PtyffV    ttiâMùi  /i^tié^  ^W  &->    £6  Phà^X  tth^^tU^tJ*   VJOuA 


flc6™4*ii  /C.  — 


DIABÈTE  SUCRÉ.  281 

blyopies  toxiques  qui  peuvent  n'être  que  les  prodromes  de  la  grave 
intoxication  parle  sucre  et  ses  dérivés  désignée  sous  le  nom  de  coma 
diabétique  ;  enfin  on  rencontre  aussi  des  altérations  du  cristallin,  qui 
consistent  surtout  en  opacités. 

On  ne  sait  pas  encore  comment  le  diabète  produit  ces  troubles  ocu- 
laires. Pour  la  cataracte  diabétique,  elle  est  causée  certainement  par 
l'action  du  sucre  sur  les  éléments  cristalliniens  ;  c'est  avec  raison  que 
la  plupart  des  auteurs  admettent  qu'il  agit  directement  en  irritant  les 
cellules  du  cristallin,  tandis  que  d'autres  pensent,  avec  Lécorché,  que 
la  cataracte  est  la  conséquence  de  la  déshydratation  des  tissus,  spé- 
cialement du  tissu  du  cristallin.  On  a  réussi,  en  effet,  sur  des  animaux, 
ù  produire  une  cataracte  artificielle  par  l'introduction  de  quantités 
considérables  de  sucre  ou  de  chlorure  de  sodium;  mais  cette  cataracte 
artificielle  se  distingue  de  celle  causée  par  le  diabète  en  ce  qu'elle 
disparait  spontanément. 

La  cause  la  plus  fréquente  des  troubles  oculaires  chez  les  glycosu- 
riquesest  la  diminution  de  f amplitude  de  l'accommodation,  que  les  tra- 
vaux de  Graefe,  de  Seegen  et  de  Nagel  ont  mise  hors  de  doute.  Ce 
phénomène  apparaît  parfois  de  bonne  heure  et  force  le  malade  à  se 
servir,  encorejeune,  de  verres  convexes  dont  il  est  obligé  d'augmenter 
progressivement  la  force.  Quand  le  fait  se  produit  à  un  âge  peu 
avancé,  on  est  en  droit  de  supposer  qu'on  se  trouve  en  présence  d'un 
symptôme  d'une  maladie  générale  et  surtout  du  diabète  sucré. 
Foerster,  par  exemple,  cite  un  cas  où  cette  presbytie  prématurée 
seule  l'a  conduit  à  rechercher  s'il  n'existait  pas  de  sucre  dans  les 
urines;  l'analyse  lui  montra  qu'il  se  trouvait,  en  effet,  en  présence 
d'un  glycosurique.  11  est  très  rare,  cependant,  que  la  parésie  du 
muscle  de  l'accommodation  augmente  jusqu'à  dégénérer  en  paralysie 
complète.  Foerster  admet  que  l'affaiblissement  du  muscle  de  l'accom- 
modation est  la  conséquence  de  l'affaiblissement  général  des  diabéti- 
ques; Jacobson,  au  contraire,  l'attribue  à  une  névrite  périphérique  ou 
à  des  hémorrhagies  dans  la  partie  superficielle  des  fibres  nerveuses. 
De  même  que  l'amblyopie  diabétique,  dont  la  nature  toxique  n'est 
plus  contestable,  les  troubles  fonctionnels  des  muscles  intrinsèques, 
et  parfois  aussi  ceux  des  muscles  extrinsèques  de  l'œil  doivent  être 
sûrement  attribués  à  une  cause  toxique  (sucre,  acétone).  Lorsque  la 
glycosurie  diminue,  on  observe  la  diminution,  voire  même  la  dispari- 
tion totale  de  la  parésie  ou  de  la  paralysie  de  ces  muscles. 

Chez  les  diabétiques,  les  troubles  peuvent  affecter  non  seulement 
l'accommodation,  mais  aussi  la  réfraction  de  l'œil.  Horner  a  vu,  par 
exemple,  Y  hypermétropie  devenir  très  considérable  chez  eux,  et  dimi- 
nuer lorsque  la  maladie  causale  s'améliorait.  On  a  aussi  observé  la 
myopie  se  développer  dans  le  cours  du  diabète  sucré  ;  Hirschberg  la 
nomme  myopie  diabétique.  Elle  peut  être  un  symptôme  du  début  de 


282  PARTIE  SPÉCIALE. 

la  cataracte,  mais  elle  se  montre  clans  certains  cas  sans  opacités  du 
cristallin.  D'après  Hirschberg,  lorsqu'on  voit  la  myopie  survenir  après 
l'âge  de  cinquante  ans,  il  faut  toujours  suspecter  le  malade  d'être 
atteint  de  glycosurie  :  dans  deux  cas,  un  commencement  de  myopie 
l'a  mis  sur  la  trace  de  l'affection  générale,  et,  bien  que  l'état  des 
sujets  semblât  satisfaisant,  l'analyse  des  urines  révéla  la  présence  du 
sucre.  11  est  probable  que  la  myopie  diabétique  est  due  au  gonflement 
du  cristallin. 

On  a  signalé  la  mydriase  chez  un  certain  nombre  de  diabétiques. 
Le  spliincter  de  la  pupille  est  vraisemblablement  atteint,  dans  ces 
cas,  d'une  parésie  toxique  analogue  à  celle  que  nous  admettons  pour 
le  muscle  de  l'accommodation. 

Toutefois,  la  mydriase  n'est  pas  aussi  fréquente  chez  les  diabétiques 
que  la  paralysie  des  muscles  extrinsèques  de  l'œil.  L'oculo-moteur 
commun  est  plus  souvent  atteint  que  les  autres  nerfs  moteurs.  Géné- 
ralement, la  paralysie  ne  frappe  que  quelques-uns  des  muscles 
animés  par  ce  nerf,  le  releveur  de  la  paupière  supérieure,  par  exem- 
ple. Parfois  le  nerf  facial  a  quelques  branches  paralysées,  notamment 
celles  qui  animent  le  muscle  orbiculaire  des  paupières;  en  effet,  le 
lar/ophlalmos  a  été  observé  dans  plusieurs  cas,  et  Fieuzal  en  a  publié 
une  observation  des  plus  intéressantes.  On  a  encore  constaté  à  la  fois 
la  paralysie  unilatérale  de  tous  les  muscles  de  l'œil  et  du  facial.  Pour 
expliquer  ce  phénomène,  on  a  admis  l'existence  d'une  lésion  intra- 
cràuiennc  Hiémorrhagie).  A  notre  sens  il  faut  attribuer  une  origine 
toxique  (névrite  périphérique)  à  la  plupart  de  paralysies  musculaires 
des  diabétiques. 

Les  paralysies  légères  des  muscles  oculaires  disparaissent  sponta- 
nément dans  l'espace  de  quelques  semaines.  Celles  qui  se  prolongent 
sont  encore  susceptibles  de  se  guérir  si  l'on  traite  la  maladie  qui  leur 
a  donné  naissance.  Au  contraire,  les  paralysies  oculaires  d'origine 
centrale  qui  surviennent  à  une  époque  avancée  du  diabète  et  qui  sont 
dues  à  des  hémorrhagies  consécutives  à  des  attaques  apoplecti formes 
ne  se  guérissent  jamais. 

La  kératite  suppuratlve  (kératite  neuro-paralytique)  des  diabétiques 
<?st  incontestablement  d'origine  centrale  (paralysie  du  trijumeau)  et 
non  d'origine  périphérique.  \Yiesinger  a  rencontré  dans  divers  au- 
teurs la  description  de  9  cas  de  cette  kératite. 

Chez  des  malades  dont  les  urines  renfermaient  du  sucre,  on  a  aussi 
observé  des  ulcérations  circonsantes  de  la  cornée.  La  pathogénie  de  ces 
lésions,  très  rebelles  au  traitement,  est  encore  fort  obscure. 

Quoique  Yiritis  soit  très  commune  chez  les  diabétiques  (Leber  l'a 
constatée  9  fois  sur  39  cas),  on  ne  s'en  était  guère  occupé  jusqu'à  ces 
derniers  temps.  Parfois  l'affection  est  caractérisée  par  l'existence  d'une 
membrane  fort  mince  qui  recouvre  toule  la   pupille  et  qui  disparait 


DIABÈTE  SUCRÉ.  281$ 

spontanément  lorsqu'un  traite  la  maladie  générale.  On  observe,  dans 
des  cas  légers  d'iritis  diabétique,  des  synéchies  postérieures  ;  l'humeur 
aqueuse  de  la  chambre  antérieure  est  trouble,  et  la  surface  posté- 
rieure de  la  cornée  est  recouverte  d'un  dépôt.  Chez  deux  malades 
examinés  par  Leber,  l'irkis  était  accompagnée  d'hypopyon.  A  l'ex- 
ception d'un  cas  signalé  par  Schirmer,  l'affection  s'est  toujours  montrée 
des  deux  côtés  à  la  fois.  D'ailleurs,  quelle  que  soit  la  lésion  oculaire 
produite  par  le  diabète  sucré,  il  est  très  rare  qu'elle  soit  unilatérale. 
Parmi  les  exceptions  à  cette  règle,  l'une  des  plus  intéressantes  est 
l'observation  publiée  par  Ilaltenhoff  :  l'œil  gauche,  seul  atteint,  pré- 
sentait  de  la  paralysie  du  sphincter  de  l'iris  et  du  muscle  de  l'accom- 
modation, des  extravasations  sanguines  dans  la  rétine  et  des  flocons 
dans  le  corps  vitré.  On  obtient  la  guérison  de  l'iritis  diabétique  en  ad- 
ministrant à  l'intérieur  de  fortes  doses  de  salicylate  de  soude  et  de 
quinine  (Leber). 

Il  y  a  longtemps  qu'on  a  signalé  la  fréquence  de  l'iritis  qui  survient  à 
la  suite  de  l'opérationde  la  cataracte  ou  de  l'iridectomie  pratiquée  chez 
des  diabétiques  ;  c'est  pour  ce  motif  qu'on  reculait  devant  l'extraction 
du  cristallin  chez  ces  malades.  Toutefois,  dans  ces  derniers  temps,  on 
a  obtenu  de  bien  meilleurs  résultats  et  nous  avons  pu  le  constater  nous- 
mème  en  faisant  précéder  l'opération  du  traitement  de  l'affection  gé- 
nérale. 

L'iritis  diabétique  peut  se  montrer  d'emblée,  sans  aucune  autre 
lésion  oculaire,  ou  bien  elle  suit  l'amblyopie,  la  décoloration  du  nerf 
optique  et  les  hémorrhagies  du  corps  vitré.  Sa  marche  peut  être  pro- 
gressive, et  l'affection  peut  gagner  les  aulres  parties  du  tractus  uvéal 
(irido-choroïdite  diabétique).  Leber  a  vu  l'iritis  être  suivie  d'accès  de 
glaucome. 

Nous  avons  déjà  mentionné  les  diverses  théories  émises  au  sujet  de 
la  pathogénie  de  la  cataracte  diabétique.  À  l'heure  actuelle,  la  plupart 
des  auteurs  admettent  que  le  sucre,  en  irritant  les  fibres  du  cristallin, 
produit  leur  prolifération  etleur  décomposition.  En  effet,  les  altérations 
cristalliniennes  sont  les  mêmes  dans  la  cataracte  diabétique  que  dans 
la  cataracte  naphthalinique,  et  personne  n'admet  que  celle-ci  soit  le 
résultat  delà  déshydratation  des  tissus.  11  est  probable  que  ces  deux 
variétés  de  cataracte  ont  pour  point  de  départ  un  trouble  dans  la  dif- 
fusion des  substances  colloïdes  à  travers  le  sac  capsulaire  ;  il  en  ré- 
sulte une  augmentation  du  liquide  intra-capsulaire,  qui  renferme,  en 
outre,  une  substance  irritante.  J'ai  constaté  que  c'est  à  un  processus 
analogue  qu'est  due  la  cataracte  consécutive  à  l'iridocyclite.  Lorsque, 
dans  cette  dernière  affection,  on  examine  la  capsule  lenticulaire,  on 
voit,  sur  une  coupe  transversale,  un  certain  nombre  de  fines  lignes 
longitudinales  qui  correspondent  à  autant  de  minces  lamelles  accolées 
à  l'état  normal  par    un  ciment.  L'altération  chimique  de  l'humeur 


284  PARTIE  SPECIALE. 

aqueuse  entraîne  la  destruction  de  ce  ciment.  Il  est  probable  que  celte 
altération  histologique  de  la  capsule  lenticulaire  est  accompagnée 
de  moditications  dans  ses  qualités  physiques.  Nous  verrons  plus  loin 
que  Deulschmann  attribue  aussi,  dans  l'affection  qui  nous  occupe, 
un  rôle  à  des  altérations  épitbéliales.  Ce  qui  est  certain,  c'est  que 
des  substances  colloïdes,  albumine  cristallinienne  (cristalline),  peu- 
vent traverser  dans  la  cataracte  la  capsule  lenticulaire  et  se  répandre 
dans  la  chambre  antérieure,  car  l'analyse  chimique  a  démontré, 
dans  des  cas  de  cataracte,  la  présence  d'albumine  dans  l'humeur 
aqueuse.  D'un  autre  côté,  on  constate  également  une  augmen- 
tation de  la  Lranssudation  de  l'humeur  aqueuse  dans  le  sac 
capsulaire,  ce  qui  produit  un  gonflement  du  cristallin  et  une  proli- 
fération des  cellules  lenticulaires  qui  débute  par  les  couches  su- 
perficielles. 

L'observation  clinique  prouve  aussi  que  la  cataracte  diabétique  est 
la  conséquence  de  l'altération  de  l'humeur  aqueuse.  On  voit,  en  effet, 
les  opacités  du  cristallin  prendre  naissance  dans  les  couches  les  plus 
superficielles  situées  immédiatement  au-dessous  de  la  capsule  lenti- 
culaire. Les  modifications  chimiques  de  l'humeur  aqueuse  consistent 
dans  l'augmentation  proportionnelle  du  sucre  qui,  même  à  l'état 
normal,  doit  se  trouver  en  quantité  extrêmement  minime  dans  le  sang, 
les  urines  et  les  divers  liquides  du  corps  (Abeles).  Certains  auteurs 
(Frerichs,  Lohmeyer)  admettent,  au  contraire,  que,  dans  le  diabète, 
le  sucre  se  transforme  en  acide  lactique  clans  l'humeur  aqueuse,  et 
que  c'est  cet  acide  qui  provoque  la  cataracte.  Cette  opinion  ne  saurait 
être  soutenue  :  dans  des  cas  de  cataracte  diabétique,  l'humeur  aqueuse 
a  présenté  une  réaction  alcaline  ^Leber)  ;  il  est  donc  impossible  qu'elle 
contienne  de  l'acide  lactique  libre.  Il  faut  aussi  rejeter  la  théorie  qui 
attribue  la  cataracte  diabétique  au  marasme  prématuré  qu'engendre 
le  diabète  sucré.  En  effet,  les  symptômes  cliniques  de  cette  affection 
sont,  au  début,  absolument  différents  de  ceux  de  la  cataracte  sénile. 
Celle-ci  offre  d'abord  des  opacités  radiaires,  qui  se  développent  de  la 
périphérie  vers  le  centre  de  la  pupille,  sans  arriver  à  l'atteindre.  Des 
couches  corticales  transparentes  séparent  les  opacités  crislalliniennes 
de  la  cristalloide. 

La  cataracte  diabétique,  au  contraire,  débute,  comme  nous  venons 
de  le  dire,  par  des  opacités  sous-cristalloïdiennes.  A  l'origine,  ces  opa- 
cités sont  homogènes  et  forment  un  voile  bleuâtre  qui  recouvre  la 
cristalloide  antérieure.  Ce  n'est  que  plus  tard  que  les  couches  péri- 
phériques du  cristallin  sont  atteintes  et  qu'on  observe  de  larges 
rayons  striés,  d'un  bleu  d'acier,  situés  immédiatement  en  arrière  du 
plan  de  l'iris.  A  l'éclairage  oblique,  on  constate  bientôt  l'apparition 
de  nouvelles  lésion-,  qui  se  montrent  sous  l'aspect  de  facettes  dans 
les  couches  périphériques   du  cristallin,  tandis  que  ces  altérations, 


DIABÈTE  SUCRÉ.  28S 

dans  la  cataracte  sénile,  ne  surviennent  qu'après  le  développement 
complet  de  la  maladie. 

À  part  quelques  cas  exceptionnels,  la  cataracte  diabétique  s'est 
montrée  au  même  degré  dans  les  deux  yeux  ;  Seegen  a  pourtant  ob- 
servé des  opacités  cristalliuiennes  d'un  seul  côté.  L'individu  le  plus 
jeune  qu'on  ait  vu  atteint  de  cette  afl'ection  fut  une  fille  de  12  ans 
Seegen).  Nous  manquons  de  données  statistiques  pour  apprécier 
d'une  manière  positive  la  fréquence  de  la  cataracte  chez  les  diabé- 
tiques; de  Graefe  évalue  la  proportion  à  25  p.  100.  La  marche  de  la 
cataracte  diabétique  est  d'autant  plus  rapide  que  la  diathèse  présente 
un  plus  grand  caractère  de  gravité.  Chez  des  personnes  jeunes  et  très 
débilitées,  elle  peut  être  complète  au  bout  de  quelques  semaines, 
ainsi  que  l'a  observé  llirschberg.  Dans  d'autres  cas,  il  s'écoule  des 
années  entre  le  début  de  la  cataracte  et  sa  maturité. 

Si,  par  un  traitement  général,  on  réussit  à  améliorer  la  maladie 
principale,  le  développement  de  la  cataracte  diabétique  se  trouve 
enrayé.  Mais  on  ne  saurait  admettre  qu'elle  disparaisse  par  l'action 
des  eaux  minérales  alcalines,  comme  celle  deCarlsbad  (Seegen).  Seegen 
a  vu  deux  fois  la  vue  s'améliorer  chez  des  diabétiques  atteints  de  ca- 
taracte ;  mais  on  peut  supposer  qu'il  existait  simultanément  dans  ces 
cas  une  amblyopie  diabétique,  et  que  c'est  cette  dernière  affection 
qui  s'est  amendée. 

Depuis  qu'on  recherche  le  sucre  dans  les  urines  des  vieillards  atteints 
de  cataracte,  on  en  a  rencontré  très  fréquemment  en  petite  quantité  ou 
en  proportion  modérée,  sans  que  l'état  général  soit  altéré.  Il  est  plus 
que  probable  que,  dans  ces  cas,  ce  n'est  pas  au  sucre  qu'il  faut  attri- 
buer le  développement  des  opacités  du  cristallin. 

Chez  quelques  diabétiques,  on  a  observé  des  opacités  du  corps  vitré. 
Elles  peuvent  être  la  conséquence  d'hémorrhagies  rétiniennes  ou  bien 
d'inflammation  soit  de  la  choroïde  (Wiesinger),  soit  de  la  rétine. 
Hirschberg  a  remarqué  que  lorsque  des  opacités  du  corps  vitré  existent 
chez  des  myopes  et  que  ceux-ci  viennent  à  être  atteints  de  diabète 
sucré,  les  opacités  augmentent.  Aussi,  dans  les  cas  de  myopie  très 
accentuée,  les  altérations  diabétiques  du  fond  de  l'œil  peuvent-elles 
passer  facilement  inaperçues. 

Au  point  de  vue  clinique,  la  rétinile  diabétique  peut  se  présenter 
sous  deux  formes  distinctes  :  elle  peut  être  exsudative  ou  hémorrha- 
gique.  La  première  est  caractérisée  par  des  altérations  du  centre  de  la 
rétine  avec  des  hémorrhagies  punctiformes.  Dans  la  seconde  on  ren- 
contre des  hémorrhagies  très  étendues  qui  sont  le  point  de  départ  de 
lésions  diverses,  consistant  surtout  en  taches  blanchâtres  et  en  dégé- 
nérescence en  foyer  des  tissus  de  la  rétine.  Hirschberg  cite  d'autres 
formes  rares  de  rétinites  qu'il  a  observées  chez  des  glycosuriques;  ce 
sont  :  unerétinite  pointillée  et  une  rétinite  centrale.  Quant  à  la  dé- 


286 


PARTIE   SPECIALE. 


générescence  pigmentaire  de  la  rétine  el  à  l'héméralopie  avec  rétré- 
cissement du  champ  visuel  que  le  même  auteur  classe  dans  le  groupe 
des  rétinites  diabétiques,  nous  préférerions,  si  leur  origine  diabétique 
était  démontrée,  les  ranger  parmi  les  affections  de  la  choroïde. 

Les  lésions  de  la  rétine  ne  compliquent  le  diabète  sucré  qu'à  une 
époque  avancée  de  la  maladie.  Elles  sont  accompagnées  ou  suivies 
immédiatement  de  furoncles,  d'anthrax,  de  gangrène  de  la  jambe, 
d'hémiplégie.  D'après  Hirscbberg,  la  rétinile  diabétique  est  si  intime- 
ment liée  à  la  glycosurie  qu'elle  manque  rarement  chez  les  malades 
atteints  depuis  dix  ou  douze  ans  de  cette  affection. 


Fig.  31.  —  Rétinite  diabétique  (image  droite).  Esquisse  du  professeur  Hirscbberg. 

La  rétinite  exsudative  d'origine  diabétique  présente  parfois,  dans 
les  cas  typiques,  une  certaine  ressemblance  avec  la  rétinite  albumi- 
nurique  ;  néanmoins  celle-ci  ne  s'observe  réellement  que  lorsque  le 
diabète  est  compliqué  de  néphrite.  Les  deux  affections  ne  peuvent, 
d'ailleurs,  jamais  être  confondues  :  dans  la  rétinite  albuminurique, 
le  nerf  optique  enflammé  est  le  siège  de  gonflement  et  des  opacités 
diffuses  se  voient  au  pourtour  de  la  pupille.  Dans  la  rétinite  diabé- 
tique exsudative,  au  contraire,  le  nerf  optique  n'est  pas  lésé  et  les 
opacités  diffuses  font  défaut.  Ce  que  l'ophlalmoscope  permet  de 
constater  dans  cette  dernière  affection,  ce  sont  des  taches  situées 
dans  l'épaisseur  du  tissu  rétinien;  elles  occupent  surtout  le  centre 
de  la  rétine,  c'est-à-dire  l'espace  limité  par  les  rameaux  supérieur  et 
inférieur  de  la  branche  temporale  de  l'artère  centrale  de  la  rétine. 
Ces  taches,  blanchâtres,  miroitantes,  se  trouvent  aussi  sur  le  pourtour 
de  la  pupille  optique,  même  du  côté  nasal.  En  se  développant,  celles 
du  centre  arrivent  à  former  de  petites  lignes  étroites  et  sinueuses  ou 
bien  des  demi-cercles.  Lors  même  que  la  maladie  dure  plusieurs 
années,  on  ne  voit  jamais  les  lésions  affecter  la  disposition  étoilée 
qu'on  observe  dans  la  rétinile  albuminurique  (fait  important  au 
point  de  vue  du  diagnostic  différentiel).  Enfin,  les  taches  exsudatives 
de  la  rétinile  diabétique  ne  sont,  dans  aucun  cas,  cerclées  de  pigment, 
comme   lorsqu'elles    sont   dues    à   l'albuminurie.  Nous    avons  d^jà 


DIAIIÈTE  SUCRÉ. 


287 


mentionné  les  petites  hémorrhagies  qui  accompagnent  larétinite  dia- 
bétique exsudative. 

Les  troubles  subjectifs  occasionnés  par  l'affection  que  nous  venons 
de  décrire  consistent  en  nuages,  dont  se  plaignent  les  malades;  la 
lecture  est  difficile,  certaines  parties  du  centre  de  la  rétine  ayant  leurs 
fonctions  abolies. 

La  rélinite  hémorrhagique  détermine  parfois  desexlravasations  san- 


Fig.  32.  —  Réthiite  diabétique  (image  droite),  d'après  Michaelson. 


guines  très  abondantes.  L'examen  anatomo-patliologique  a  démontré 
que,  dans  ces  cas,  les  hémorrhagies  sont  dues  à  une  thrombose  par- 
tielle ou  totale  de  la  veine  centrale  de  la  rétine.  Les  troubles  oculai- 
res sont  d'autant  plus  accusés  que  les  hémorrhagies  sont  plus  éten- 
dues. Celles-ci,  principalement  lorsqu'elles  occupent  une  large  sur- 
face, paraissent  aggraver  le  pronostic  ;  il  arrive  que  leur  apparition 
soit  suivie  de  coma  diabétique. 

Des  hémorrhagies  conjoncdvales  ont  été  observées  dans  le  diabète. 
D'après  Hirschberg,  elles  pourraient  même  servir  à  établir  le  diagnos- 
tic de  la  maladie  générale. 


288  PARTIE  SPÉCIALE. 

Parfois  les  diabétiques  sonl  atteints  d'amblyopie,  soit  sans  altéra- 
lion  du  fond  de  l'œil,  soit  avec  atrophie  du  nerf  optique  (Leber).  Dans 
lescas  où  celte  altération  s'est  montrée,  on  n'a  rien  constaté  de  parti- 
culier dans  la  marche  générale  de  la  maladie.  L'affection  diabétique 
du  nerf  optique  frappe  quelquefois  des  malades  encore  pleins  de 
force.  On  en  a  même  rencontré  qui,  au  moment  où  les  troubles  visuels 
ont  apparu,  ont  cessé  pendant  quelque  temps  de  présenter  du  sucre 
dans  les  urines. 

Le  champ  visuel  peut  être  rétréci  en  même  temps  que  l'acuité  vi- 
suelle est  diminuée;  d'autres  fois,  il  existe  un  scotome  central  posi- 
tif obnubilation  du  centre  de  la  vision),  àla  suite  duquel  se  développe 
un  scotome  central  négatif  (défaut  de  vision  dans  la  région  de  la  ma- 
cula); Leber,  Hirschberg  et  d'autres  auteurs  en  ont  observé  des  exem- 
ples. Le  scotome  central  peut  être  accompagné  de  rétrécissement 
périphérique  du  champ  visuel.  Une  étude  minutieuse  a  montré  que 
ces  scotomes  centraux  offrent  une  analogie  complète  avec  ceux  qui 
résultent  d'une  intoxication  par  l'alcool  ou  le  tabac;  comme  eux,  ils 
débutent  par  de  l'achromalopsie  centrale  suivie  d'amblyopie  centrale 
et,  plus  tard,  d'abolition  totale  de  la  perception  dans  le  centre  de  la 
rétine. 

La  marche  des  troubles  visuels  peut  être  très  rapide  dans  l'atrophie 
diabétique  du  nerf  optique.  Foerster  a  vu  un  malade  qui,  deux  jours 
après  l'apparition  d'un  scotome  central  de  l'œil  droit,  perdit  complè- 
tement cet  œil.  L'examen  ophtalmoscopique  ne  révéla  rien  d'anormal. 
Une  diète  très  sévère  et  un  traitement  général  approprié  amenèrent 
une  diminution  très  notable  du  sucre;  mais,  malgré  tout,  l'atrophie 
augmenta  dans  l'œil  malade,  tandis  que  l'autre  resta  intact. 

Lorsque  l'ophtalmoscope  permet  de  constater  l'atrophie  du  nerf 
optique  dans  l'amblyopie  diabétique,  on  peut  dire  que  la  vue  est  très 
sérieusement  compromise  ;  l'acuité  visuelle  peut  diminuer  au  point  de 
faire  place  à  l'amaurose.  Le  traitement  n'a  qu'une  action  très  limitée, 
sinon  nulle,  dans  les  cas  de  ce  genre;  s'il  survient  de  l'amélioration, 
elle  est  passagère  (Hirscherg). 

Néanmoins,  dans  quelques  cas,  l'amblyopie  diabétique  se  guérit  à 
la  suite  du  traitement  de  l'affection  générale,  et  on  ne  conçoit  pas 
qu'on  ait  pu  le  nier.  Bouchardat,  Mialhe,  Landouzy,Tavignot avaient 
fait  connaître  des  exemples  incontestables  de  l'amblyopie  diabétique 
avant  l'apparition  de  l'ouvrage  de  Leber.  En  1858,  de  Graefe  émit 
l'opinion  que  l'amblyopie  diabétique  n'était  qu'apparente  et  que  les 
troubles  oculaires  étaient  dus  à  la  parésie  du  muscle  de  l'accommoda- 
tion, si  fréquente  chez  les  glycosuriques.  Les  recherches  ultérieures 
de  Lécorché  et  de  Leber  lui-même  ont  mis  hors  de  doute  la  réalité  de 
l'amblyopie  diabétique. 

Parmi  les  formes  diverses  que  revêt  l'atrophie  diabétique  du  nerf 


DIABÈTE  SUCRÉ.  *89 

optique,  la  plus  fréquente  est  celle  qui  donne  lieu  à  un  scotonie  cen-> 
Irai  sans  rétrécissement  du  champ  visuel.  Les  travaux  de  Bresgen  et 
de  Colin  ont  démontré  qu'il  s'agit  bien  d'une  amblyopie  par  auto- 
intoxication  soit  par  le  sucre,  soit  par  l'acétone.  Le  scotonie  central 
qui  est  la  conséquence  de  cette  intoxication  est  bilatéral,  et  on  ne 
connaît  d'exception  à  cette  règle  que  le  cas  de  Leber  auquel  nous 
;i\uiis  l'ait  allusion  plus  haut.  Le  seul  point  par  lequel  le  scotome  dia- 
bétîque  se  distingue  de  celui  qui  résulte  de  l'intoxication  par  l'alcool 
ou  le  tabac,  c'est  qu'il  a  une  tendance  plus  marquée  à  gagner  toutes 
les  parties  du  champ  visuel.  Pour  Nuel,  il  est  facile  d'expliquer  le  fait  : 
même  chez  le  plus  grand  buveur,  le  nerf  optique  n'est  pas  constam- 
ment irrigué  par  l'alcool  ou  ses  dérivés,  tandis  que  chez  les  diabéti- 
ques, l'irrigation  parle  sucre  ou  ses  dérivés  est  continuelle. 

Dans  quelques  cas  de  scotome  central  avec  rétrécissement  concen- 
trique du  champ  visuel,  on  a  vu  disparaître  le  rétrécissement  pen- 
dant que  le  scotome  persistait.  Il  existe  aussi  des  exemples  de  scotome 
central  remplacé  par  une  amblyopie  centrale  accompagnée  de  rétré- 
cissement concentrique  du  champ  visuel.  Le  pronostic  de  ces  cas  est 
fort  grave,  et  l'ophthalmoscope  permet  bientôt  de  constater  l'atrophie 
du  nerf  optique. 

L'atrophie  progressive  du  nerf  optique  chez  les  diabétiques  n'est 
pas  toujours  la  conséquence  du  diabète  sucré;  il  existe  parfois  des 
affections,  telles  que  des  tumeurs  du  cerveau  ou  de  la  glande  pituitaire 
(Rosenthali,  qui  occasionnent  simultanément  l'atrophie  optique  et  la 
glycosurie.  Le  lecteur  trouvera,  sur  ce  point,  des  renseignements  dans 
la  monographie  de  Leber,  à  laquelle  nous  le  renvoyons. 

En  général,  le  pronostic  de  l'amblyopie  diabétique  est  grave,  même 
lorsqu'il  n'existe  pas  de  lésion  du  fond  de  l'œil.  On  a  bien  observé  des 
exemples  d'amélioration  et  de  guérison  complète;  mais  il  ne  faut  pas 
perdre  de  vue  que  l'amblyopie  peut  être  un  des  symptômes  prodromi- 
ques  du  coma  diabétique.  Gomme  elle  est  la  conséquence  d'une  auto- 
intoxication par  le  sucre  et  ses  dérivés,  elle  concorde  parfois  avec  une 
aggravation  marquée  des  symptômes  généraux. 

L'hêmiofjie  a  été  observée  chez  les  diabétiques  par  Bouchardat  et  de 
Oraefe.  Ce  dernier  a  rencontré  une  fois  l'hémiopie  hétéronyme  tem- 
porale, ce  qui  dénote  une  affection  du  chiasma.  Le  même  auteur  a 
publié  une  observation  «  d'hémiopie  consécutive  à  une  affection  (pé- 
riostite)  de  la  base  du  crâne  »;  mais,  pour  Nuel,  il  s'agissait  en  réa- 
lité d'une  hémiopie  diabétique.  On  sait  que  leshémorrhagies  cérébra- 
les sont  très  communes  chez  les  diabétiques,  et  il  est  probable  qu'elles 
sont  la  cause  de  l'hémiopie  qu'on  rencontre  chez  eux.  Toutefois,  cette 
cause  ne  saurait  être  invoquée  pour  expliquer  un  cas  de  Leber  où 
l'hémianopie  était  compliquée  de  rétrécissement  concentrique  des  deux 
moitiés   conservées  du  champ  visuel.  Aucune  altération  du  système 

19 


290  PARTIE  SPÉCIALE. 

nerveux  central  ne  peut  rendre  compte  de  semblables  troubles  fonc- 
tionnels de  la  rétine.  11  est  probable  que  le  malade  était  atteint  d'une 
affection  diabétique  du  nerf  optique,  qui  futla cause  du  rétrécissement 
du  champ  visuel,  et  qu'il  survint  ensuite  une  lésion  centrale,  qui  dé- 
termina l'bémianopie. 

11  nous  faut  encore  mentionner  quelques  affections  oculaires  qui 
sont  causées  par  le  diabète,  telles  que  les  furoncles  et  l'eczéma  des 
paupières,  l'orgeolet  qui,  cbez  les  diabétiques,  est  une  des  formes 
sous  lesquelles  se  manifeste  la  prédisposition  des  malades  aux  infiltra- 
tions cutanées.  Lorsqu'on  peut  reconnaître  que  l'eczéma  est  causé  par 
le  diabète,  il  en  résulte,  comme  le  dit  fort  justement  Hirschberg,  un 
double  avantage  pour  le  malade  :  le  traitement  général  auquel  on  le 
soumet  fait  disparaître  l'eczéma  et  guérit  ou  améliore  le  diabète  lui- 
même. 

L'examen  anatomo-patbologique  que  plusieurs  savants  (Kamrocki, 
Deutschmann)  ont  fait  des  yeux  des  diabétiques  n'a  pas  encore  fourni 
de  renseignements  sur  le  processus  qui  détermine  les  troubles 
oculaires. 

L'apparition  de  la  cataracte  est  précédée  de  prolifération,  de  gonfle- 
ment oedémateux  et  de  nécrose  partielle  (Deutschmann)  de  l'épithé- 
lium  capsulaire  qui  recouvre  la  surface  postérieure  de  la  cristalloïde 
antérieure.  On  a  constaté  des  lésions  analogues,  moins  prononcées 
toutefois,  dans  répitbélium  pigmenlaire  de  la  rétine.  On  a  encore 
observé  l'atrophie  de  l'iris,  surtout  de  sa  partie  périphérique;  cette 
atrophie  s'accompagne  de  la  prolifération  des  noyaux  et  des  fibres  du 
tissu  lamineux,  et  du  transport  de  granulations  pigmentaires  dans  les 
milieux  voisins,  par  exemple  dans  la  chambre  antérieure  de  l'œil.  D'a- 
près Deutschmann,  l'examen  clinique  permettrait  parfois  de  constater- 
la  présence  du  pigment  en  avant  de  l'iris.  Après  la  discission  de  la  ca- 
taracte diabétique  chez  des  jeunes  gens,  on  a  observé  le  développe- 
ment de  leucocytes  contenant  de  la  myéline,  et  ces  leucocytes 
jouent  sans  doute  un  rôle  important  dans  la  résorption  de  la  cata- 
racte. 

Deutschmann  admet  que  les  altérations  de  l'épithélium  capsulaire 
sont  la  cause  de  l'opacité  superficielle  qu'on  note  au  début  de  la  cata- 
racte diabétique.  Le  gonflement  qui  survient  plus  tard  est  dû  à  la  trans- 
sudation de  l'humeur  aqueuse  dans  le  sac  capsulaire;  des  fibres  len- 
ticulaires sont  en  partie  détruites,  en  partie  elles  se  transforment  en 
cellules  vésiculeuses  (cellules  hydropisiques). 

BIBLIOGRAPHIE. 

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MÉTASTASES   DANS    L'ORGANE   DE   LA   VISION.  291 

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II. idem,  1891,  p.  23.  —  Deutsche  Medizinal-Zeitung,  1890,  n°"  51,  52.  —  Bouchard,  Maladies  par  ralen- 
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Arch.  f.  Augenheilk.,  t.  XVII,  fasc  3.  —  Schirmer,  klin.  Monatsbl.,  1887.  —  Deutschmann,  Arch.  f. 
Ophthalm.,  t.  XXXIII,  fasc.  2. 


XVIII.  —  METASTASES  DES  TUMEURS  MALIGNES 
DANS  L'ORGANE  DE  LA  VISION. 

A  diverses  reprises,  on  a  vu  les  sarcomes  multiples  de  la  peau,  du 
testicule  et  du  sein  occasionner  des  métastases  dans  l'orbite. 

Lorsque  le  sarcome  affecte  les  parois  du  nez  ou,  surtout,  des  sinus 
maxillaire  et  sphénoïdal,  la  tumeur  peut  se  propager  vers  l'orbite  ;  on 
a  aussi  constaté,  dans  ces  cas,  de  véritables  métastases  dans  le  tissu 
orbitaire.  Behring  et  Wicherkiewcz,  chez  un  malade  atteint  de  sar- 
come du  sinus  sphénoïdal,  observèrent  des  épaississements  striés,  de 
couleur  foncée,  des  vaisseaux  rétiniens  et  une  tache  blanche  dans  la 
région  de  la  macula;  l'autopsie  démontra  qu'il  s'agissait  de  métasta- 
ses de  la  tumeur. 

Le  carcinome  métastatique  a  été  rencontré  dans  le  tractus  uvéal  et 
dans  la  gaine  du  nerf  optique.  Ce  dernier  fait  a  été  observé  dans  un 
cas  de  carcinome  siégeant  primitivement  dans  les  ovaires. 

On  connaît  onze  exemples  de  carcinome  métastatique  du  tractus 
uvéal,  constatés  par  l'examen  ophthalmoscopique  et  mis  hors  de  doute 
par  l'autopsie.  La  publication  de  ces  cas  est  due  à  Péris,  Schoeler, 
Hirschberg.  Schapringer,  Manz,  Pfluger,  Ewing,  Schultze,  Mitvalski 
(2  cas),  Wadsworth.  Le  plus  souvent,  le  carcinome  primitif  avait 
apparu  dans  la  glande  mammaire  ;  une  fois,  il  siégeait  dans  la  pa- 
rotide. 

A  l'ophthalmoscope,  le  carcinome  de  la  choroïde  se  révèle  par  des 
nodules  d'une  couleur  gris  jaunâtre.  Ces  petites  tumeurs  provoquent 
l'apparition  de  scotomes  centraux  ou  paracentraux.  En  augmentant 
d'étendue,  elles  finissent  par  produire  le  décollement  de  la  rétine  ou 
des  accès  de  glaucome.  Une  seule  fois,  Schoeler  a  vu  le  carcinome 
former  un  épaississement  uniforme  de  la  choroïde,  qui  poussait  la  ré- 
tine en  avant,  au  lieu  d'affecter  la  forme  d'un  nodule. 


292  PARTIE  SPÉCIALE. 

Le  carcinome  peut  se  propager  de  la  choroïde  vers  le  corps  ciliaire 
et  mémo  vers  l'iris. 

Le  temps  qui  s'est  écoulé  entre  l'extirpation  de  la  tumeur  primitive 
et  l'apparition  de  la  métastase  dans  le  tractus  uvéal  a  varié  entre 
quelques  semaines  et  deux  ans.  Ce  dernier  cas  a  été  observé  par 
Mitvalsky. 

BIBLIOGRAPHIE. 

P/lueger,  Arch.  f.  AugeuheilL,  XIV,  1.  —  Ewing,  Arch.  f.  Ophthalm.,  t.  XXXVI,  fuse.  1.  —  Mitvalsky, 
Arcli.  f.  Augenhcilk.,  t.  XXI,  fasc.  4.  —  Wadswort/t,  Trans.  of  tlie  Americ  Ophthalm.  Soc,  1890. 


XIX.  —  TROUBLES  OCULAIRES  DANS  LES  MALADIES 
OCCASIONNÉES  PAR  L'INVASION  DE  PARASITES  ANI- 
MAUX OU  VÉGÉTAUX  DANS  LE  CORPS  HUMAIN. 

A.  —  PARASITES  ANIMAUX. 

I.   TRICHINOSE. 

On  sait  que  l'un  des  symptômes  les  plus  précoces  dans  la  trichinose 
est  Y  œdème  des  paupières  ;  ce  symptôme  n'existe  pourtant  pas  toujours. 
L'œdème  envahit  la  conjonctive,  le  cul-de-sac,  et  souvent  il  se  pro- 
page aussi  probablement  dans  le  tissu  de  l'orbite,  ce  qui  expliquerait 
Yexophthalmie  légère  qu'on  a  quelquefois  observée  dans  cette  af- 
fection. 

Kittel  observa  dans  un  cas  de  trichinose  de  lamydriase  et  delà  para- 
lysie du  muscle  de  l'accommodation.  Pour  le  moment  il  n'est  pas  possible 
d'expliquer  ce  phénomène.  On  ne  peut  pas  l'expliquer  en  admettant 
que  les  muscles  intrinsèques  de  l'œil  soient  attaqués,  car  les  trichines 
ne  pénètrent  jamais  dans  les  muscles  lisses. 

Les  trichines  peuvent  aussi  pénétrer  dans  les  muscles  extérieurs  de 
l'œil.  Les  phénomènes  cliniques  sont  alors  les  suivants.  Les  mouve- 
ments des  yeux  sont  douloureux  et  accompagnés  de  tremblement 
semblable  au  nyslagmus.  Dans  une  période  ultérieure  les  muscles 
envahis  par  les  trichines  sont  frappés  de  paralysie.  L'immi- 
gration des  trichines  se  fait  cependant  bien  plus  rarement  dans  les 
muscles  oculaires  que  dans  les  autres  muscles.  C'est  ainsi  qu'on  les 
rouve  sept  fois  plus  souvent  dans  le  diaphragme  et  trois  fois  plus 
souvent  dans  les  muscles  lombaires  que  dans  les  muscles  oculaires. 
L'invasion  des  trichines  est  presque  aussi  fréquente  dans  le  larynx  et 
dans  les  muscles  de  l'abdomen  que  dans  les  muscles  oculaires. 


MONOSTOMA,    DISTOMA,   FILAIUA.  293 


2.     VEHS    INTESTINAUX. 

La  présence  de  vers  dans  les  intestins  peut  occasionner  des  trou- 
bles réflexes  de  la  vue.  On  a  observé  plusieurs  cas  de  mydriase  occa- 
sionnas par  des  vers  intestinaux.  Favarelli  observa  un  cas  de  para- 
lysie du  muscle  de  T  accommodation  qui  avait  la  même  origine.  Dans  une 
série  de  cas  la  présence  des  vers  occasionnait  même  de  Yamôlyopie  et 
de  Yamaarose.  Molard  observa  un  cas  d'amaurose  avec  des  symptômes 
graves  du  côté  du  système  nerveux,  qu'on  croyait  d'abord  dus  à  une 
insolation.  Un  meilleur  diagnostic  établi,  ces  symptômes  disparurent 
après  l'application  d'un  vermifuge.  Favarelli,  qui  a  fait  des  observa- 
tions semblables,  explique  l'amaurose  par  un  rétrécissement  réflexe 
des  vaisseaux  de  la  rétine.  On  relate  aussi  des  cas  de  strabisme,  qui 
se  sont  montrés  subitement  à  la  suite  d'une  irritation  intestinale  oc- 
casionnée par  des  vers.  Rampoldi  observa  du  strabisme  convergent  à 
la  suite  d'une  contracture  du  muscle  droit  interne  dans  un  cas  d'anémie 
résultant  d'amblvostomum  (maladie  de  Saint  Gottbard).  La  guérison 
de  ce  strabisme  arriva  après  quinze  jours  de  traitement  de  la  maladie 
causale.  Jober  Hogg  a  observé  chez  un  enfant  de  trois  ans  une  amau- 
rose  et  du  strabisme  occasionnés  par  des  ascarides.  La  vue  redevenait 
normale  après  la  disparition  des  vers. 

Ces  cas  nous  suffisent  pour  mettre  en  évidence  l'influence  des  vers 
intestinaux  sur  la  vue.  L'explication  de  ces  phénomènes  donnée  par 
Borel  nous  parait  très  plausible,  à  savoir  qu'il  s'agit  ici  d'une  hys- 
térie traumatique  occasionnée  par  l'irritation  que  les  vers  exercent 
sur  les  intestins,  et  que  les  troubles  oculaires  en  sont  une  mani- 
festation. 

Selon  des  observations  de  Furnell,  qui  d'ailleurs  paraissent  peu 
fondées,  la  présence  de  vers  intestinaux  rend  plus  difficile  la  guérison 
d'une  kératite  ou  d'une  iritis.  Il  relate  des  cas  observés  à  Madras,  où 
l'évacuation  par  la  santonine  et  l'huile  de  ricin  de  grandes  quantités 
d'ascaris  lumbricoïdes  a  amélioré  des  iritis  et  des  kératites  très  an- 
ciennes et  réfractaires  à  tout  traitement  local. 

3.    MOXOSTOMA,   DISTOMA,   FILARIA. 

Nordmann,  Gescheidt  et  v.  Ammon  ont  observé  la  présence  de  mo- 
nostoma  et  de  distoma  dans  l'œil  humain.  Il  est  assez  curieux  que  la 
présence  de  ces  parasites,  qu'on  trouverait  dans  le  cristallin,  n'ait  pas 
été  signalée  depuis  ces  auteurs. 

Le  filaria  medinensis  a  surtout  été  observé  dans  la  conjonctive.  Ce 
parasite  pénètre  parles  genilles  dans  le  corps  des  nègres  du  Congo, 
qui  marchent  nu-pieds  sur  un  sol  humide. 


294  PARTIE  SPÉCIALE. 

Carmelo  Adario  donne  la  description  d'une  nouvelle  espèce  de  fi- 
laria,  qu'il  a  observée  une  l'ois.  Cet  auteur  trouva  chez  le  malade  en 
question  une  tumeur  située  entre  la  sclérotique  et  la  conjonctive. 
Après  l'avoir  ouverte  avec  des  ciseaux  on  y  trouva  du  liquide  et  une 
filaria  d'une  longueur  de  170  millimètres.  L'œil  lui-même  présenta 
des  symptômes  d'une  cyclite  grave,  ce  qui  faisait  supposer  à  Adario 
que  l'œil  contenait  peut-être  un  second  parasite 

A.    ECHIN0C0CQUE. 

La  présence  de  kystes  d'échinococque  dans  l'orbite  peut  occasionner 
des  troubles  de  la  vue.  Les  échinococques  de  l'orbite  peuvent  être 
composés  d'un  ou  de  plusieurs  kystes.  La  paroi  desdits  kystes  est 
formée  par  une  membrane  composée  d'une  ou  de  plusieurs  couches 
de  tissu  conjonctif. 

Par  leur  croissance,  de  tels  kystes  de  l'orbite  produisent  des  sym- 
ptômes analogues  à  ceux  d'une  tumeur  orbitaire.  Les  paupières  sont 
légèrement  injectées  et  tumétlées,  l'œil  lui-même  est  poussé  en  avant, 
la  mobilité  de  l'œil,  est  diminuée.  L'augmentation  de  volume  du 
kyste  peut,  par  compression  des  filets  animant  les  muscles  oculaires, 
occasionner  une  paralysie  desdits  muscles  (ainsi  par  exemple  dans 
le  cas  de  Rockliffe  presque  tous  les  muscles  extrinsèques  de  l'œil 
étaient  paralysés),  plus  tard  la  compression  des  parois  orbitaires  par 
la  tumeur  peut  user  l'os  et  par  suite  causer  la  perforation  dans  la 
cavité  crânienne,  ce  qui  se  manifeste  par  une  pulsation  légère  de 
l'exophlhalmie.  Quand  la  tumeur  oculaire  est  fluctuante  on  peut  avoir 
des  renseignements  sur  son  contenu  en  faisant  une  ponction  explora- 
trice, qui  établit  la  présence  d'un  liquide  clair  et  des  crochets  d'échi- 
nococque (dans  le  cas  de  Rockliffe  seulement),  le  kyste  contenait  du 
pus.  Dans  quelques  cas  la  présence  simultanée  de  kystes  hydatiques 
dans  le  foie  rendait  le  diagnostic  de  l'échinococque  dans  l'orbite  très 
facile  (Braileyj.  Le  traitement  consiste,  comme  on  le  sait,  dans  l'exci- 
sion du  kyste  hydatique  de  l'orbite. 

La  présence  d'échinococquesdans  le  cerveau  peut  aussi  occasionner 
des  troubles  delà  vue.  Calderon  (de  Madrid)  raconte  un  cas  très  inté- 
ressant de  névrite  bilatérale  descendante,  suite  d'un  kyste  hydatique 
intra-cérébral. 

Un  jeune  homme  se  présenta  chez  Calderon  se  plaignant  de  troubles 
visuels  intermittents  et  de  maux  de  tête.  Calderon  ne  trouvait  rien 
d'anormal  dans  ses  yeux  ni  à  l'ophlhalmoscope,  ni  à  l'examen  de  la 
réfraction.  Ilgardace  malade  en  observation  et  il  vit  sedévelopper  sous 
ses  yeux  une  double  névrite  optique,  qui  ne  lui  laissa  aucun  doute  sur 
l'existence  d'une  tumeur  cérébrale.  Ce  malade  mourut  et  c'est  le  ré- 
sultat de  l'autopsie  qu'il  esl  intéressant  de  connaître.  Calderon  rer>- 


CYSTICERQUE.  295 

contra  en    effet  un  kyste  hydatique  du  volume   d'une  mandarine,  dé- 
veloppé dans  le  ventricule  latéral  gauche. 

5.   CYSTICERQUE. 

La  présence  de  cysticerques  dans  les  organes  de  la  vue  est  très  fré- 
quente dans  certaines  parties  de  l'Allemagne,  où  la  population  a  l'ha- 
bitude de  manger  de  la  viande  de  porc  crue.  Par  exemple  à  la  clinique 
ophthalmologique  de  Halle  on  compte  un  cas  de  cysticerque  sur  mille 
cas  de  maladies  oculaires.  En  Portugal  on  trouve  selon  Fonseca  un 
cas  de  cysticerque  sur  deux  mille  cas  de  maladies  oculaires.  Cette 
maladie  est  aussi  très  répandue  en  Amérique.  Elle  est  très  raro  en 
France  où  les  premiers  cas  ont  été  observés  par  Desmarres,  Follin  et 
Siebel  père.  Elle  est  assez  rare  en  Autriche  et  en  Angleterre. 

On  sait  que  le  cysticercus  cellulosœ  est  le  bourgeon  du  taenia  so- 
lium,  qui  se  trouve  dans  le  porc,  tandis  que  le  bourgeon  du  taenia  me- 
diocannellata  du  bœuf  ne  peut  arriver  à  se  développer  chez 
l'homme. 

Le  cysticercus  cellulosa;  a  été  trouvé  jusqu'ici  dans  les  parties  sui- 
vantes de  l'œil  humain  :  dans  la  chambre  antérieure,  dans  le  corps 
vitré,  dans  des  épanchements  sous-rétiniens  (entre  la  rétine  et  la 
choroïde),  dans  l'orbite,  dans  le  tissu  sous-conjonctival  et  suus  la  peau 
des  paupières. 

Dans  l'orbite  le  cysticerque  se  développe  en  dehors  de  l'entonnoir 
musculaire.  On  l'observe  ici,  ainsi  que  sous  la  conjonctive  et  sous  la 
paupière,  comme  un  kyste  rempli  d'un  liquide  séreux.  L'excision  et 
l'examen  anatomc-pathologique  nous  enseignent  dans  de  tels  cas  qu'il 
s'agit  en  effet  de  cysticerque. 

L'endroit  où  on  trouve  le  plus  fréquemment  des  cysticerques  dans 
l'intérieur  de  l'œil  est  l'espace  sous-rétinien.  Le  germe  du  cysticerque  a 
probablement,  dans  de  tels  cas,  envahi  le  courant  sanguin  et  a  pénétré 
ensuite  dans  le  tractus  uvéal;  il  arrive  rarement  dans  les  vaisseaux  de 
la  rétine.  Les  premières  altérations  occasionnées  par  un  cysticerque 
sous-rétinien  consistent  dans  une  infiltration  gris  pâle  des  couches 
externes  de  la  rétine.  Après  deux  à  quatre  semaines  on  observe  déjà 
la  formation  du  kyste  au  même  endroit.  Il  peut  se  développer  dès  le 
début  dans  l'espace  sous-rétinien,  mais  quelquefois  il  y  arrive  plus 
tard  après  avoir  perforé  une  partie  de  la  choroïde  ;  dans  ce  cas  on 
peut  souvent  observer  à  l'ophthalmoscope  l'endroit  de  la  perforation, 
qui  se  manifeste  comme  une  petite  partie  atrophiée  de  la  choroïde. 

Souvent  lekyste  descenddans  l'espacesous-rétinien.il  arrive  dans  la 
partieinférieure  del'épanchemenlsous-rétinienet  pénètre  dansle  corps 
vitré  après  avoir  perforé  la  rétine.  Le  chemin  parcouru  de  cette  ma- 
nière par  le  cysticerque  peut  se  manifester  par  des  altérations  du  fond  de 


296  PARTIE  SPÉCIALE. 

l'œil  qu'on  observe  à  laide  de  l'ophtlialmoscope  dans  une  période  ulté- 
rieure. Dans  d'autres  cas  le  cysticerque  arrive  de  si  bonne  heure  dans 
le  corps  vitré,  que  l'endroit  de  la  perforation  ne  peut  être  observé  à 
cause  de  ses  petites  dimensions.  Dans  le  corps  vitré  lui-même  le  cys- 
ticerque se  montre  sous  forme  d'un  petit  kyste  d'un  diamètre  de 
3  à  6  millimètres.  On  a  pu  observer  à  l'ophtlialmoscope  les  mouve- 
ments de  la  tête  et  les  mouvements  en  avant  et  en  arrière  de  ses  ven- 
touses. 

Dans  la  chambre  antérieure  de  l'œil  le  cysticerque  seprésenle  comme 
un  kyste  libre  ou  attaché  à  l'iris.  On  reconnaît  ordinairement  la  pré- 
sence du  cysticerque  sous-rétinien  par  les  couleurs  irisantes  d'in- 
terférence des  bords,  par  la  coloration  blanchâtre  de  la  tête  et  par  la 
proéminence  de  l'endroit  où  le  parasite  est  placé. 

Les  troubles  de  la  vue  concomitants  sont  différents  selon  la  place  du 
parasite.  Ils  peuvent  être  minimes  ou  même  manquer  complètement 
dans  les  cas  de  siège  sous-rétinien  ou  périphérique  du  cysticerque. 
On  connaît  des  cas  où  le  malade  ne  soupçonnait  guère  la  pré- 
sence du  cysticerque  dans  son  œil.  Hirschberg  raconte  un  cas  oii  on 
a  découvert  par  hasard  un  cysticerque  dans  l'œil  d'un  ouvrier,  qui 
se  présentait  pour  faire  enlever  un  corps  étranger  pénétré  dans  l'œil. 
Dans  d'au  Ires  cas  les  sensations  suhjectives  consistaient  en  une  lacune 
dans  le  champ  visuel  ou  bien  c'était  un  scotome  positif  peu  étendu.  Les 
symplomes  subjectifs  ne  deviennent  graves  que  quand  la  présence  du 
para=ite  occasionne  l'iritis  ou  l'iridochorioïdite.  L'augmentation  de  la 
tension  intra-oculaire  peut  aussi  causer  le  développement  de  glau- 
come. Les  cas  de  panophthalmie,  décrits  par  quelques  auteurs  à  la 
suite  d'un  cysticerque  intra-oculaire,  ne  sont  pas  suffisamment 
établis. 

Le  pronostic  de  cette  affection  est  toujours  grave.  La  conservation 
de  l'œil  n'est  possible  que  si  on  enlève  le  kyste.  Si  le  parasite  se 
trouve  dans  la  chambre  antérieure  de  l'œil  on  arrive  à  l'enlever  ou 
par  une  ponction  simple  de  la  chambre  antérieure  ou  en  faisant  une 
iridectomie,  tandis  que  la  présence  du  parasite  dans  les  parties  pro- 
fondes de  l'œil  nécessite  l'extraction  à  l'aide  d'une  incision  équa- 
toriale. 

Pour  trouver  l'endroit  où  est  placé  le  parasite  on  se  sert  d'un 
ophthalmoscope  de  localisation  inventé  par  A.  Graefe.  L'extraction 
des  kystes  sous-rétiniens  est  facilitée  par  l'emploi  de  cet  appareil. 

S'il  existe  déjà  des  symptômes  de  pbthisie  douloureuse  de  l'œil,  si 
le  globe  oculaire  est  mou  et  la  vue  très  diminuée,  alors  l'extraction  du 
parasite  ne  peut  plus  amener  la  guérison  et  il  faut  procéder  à  l'énu- 
cléalion  de  l'œil. 


TROUBLES  OCULAIRES  OCCASIONNÉS  PAR  DES  PARASITES  VÉGÉTAUX.      297 

6.  DEMODEX    FOLIICULORUM. 

Ce  parasite,  dont  la  présence  dans  les  glandes  sébacées  adjointes 
aux  poils  n'occasionne  aucune  influence  nuisible,  peut,  selon  Stieda, 
pénétrer  dans  les  glandes  de  Meibomius  Burchardt  l'a  trouvé  dans 
plusieurs  cas  de  cbalazion.  11  est  encore  douteux  que  sa  présence  dans 
Us  glandes  de  Meibomius,  puisse  occasionner  comme  le  suppose  Stieda, 
leur  inflammation. 

7.  PARASITES    DE   LA   PEAU. 

Les  poux  de  la  tète  peuvent  avoir  une  influence  très  funeste  sur 
des  affections  oculaires,  à  cause  de  l'irritation  des  organes  terminaux 
du  trijumeau  qu'ils  occasionnent  ou  bien  plutôt  déterminer  de 
l'eczéma  traumatique  (grattage  consécutif  (voir  p.  151).  C'est  ainsi 
qu'on  a  observé  des  cas,  où  des  pblyctènes  de  la  cornée  et  de  la  con- 
jonctive n'ont  pu  guérir  qu'après  la  disparition  complète  des  poux. 

Les  poux  du  i>ubh  peuvent  occasionner  des  inflammations  des  sour- 
cils et  des  blépharites,  c'est-à-dire  une  inflammation  eczémateuse  du 
bord  des  paupières.  On  trouve  dans  de  tels  cas  les  cils  couverts  de 
croûtes,  formées  par  les  œufs  et  les  excréments  des  poux.  Cette  affec- 
tion est  très  vite  guérie  par  l'application  de  la  pommade  au  précipité 
jaune  ou  blanc. 

BIBLIOGRAPHIE. 

Foerstcr,  loc.  cit.,  p.  76,  170.  —  Jacobson.  loc.  cit.,  p.  63,  125.  — Molard,  Rie.  d'ophthaim.,  1885, 
mai. —  Carmelo  Addario.  Annali  d'ottalmologia,  1885.  —  Roseameyp.r,  Muenchncr  Med.  Wochenschr., 
ISso.  2  mars.  —  Zehender,  Soc.  d'ophthalmologie  du  Royaume-Uni,  4  décembre  1886.  —  Faravelli, 
Annali  di  ottalmologia  1887,  fasc.  I.  —  Rampoldi,  Ibidem.  1888,  fasc.  II.  —  Jabe.r  Hogy,  Brit. 
Médical  Journal,  188s.  21  juillet.  —  Rockliffe,  Soc.  d'ophthaim.  du  Royaume-Uni,  1888,  13  décembre.  — 
Calderon,  Rec.  d'ophthaim.,  1889,  sept.-octobre.  —  Stieda,  Centralbl.  f.  Augenheilk.,  1890,  p.  193. 
—  Burchardt,  Ibidem,  1884,  p.  230. 

B.  —  TROUBLES  OCULAIRES  OCCASIONNÉS  PAR  DES  PARASITES 

VÉGÉTAUX. 

Nous  nous  sommes  déjà  occupé  des  affections  des  paupières  occa- 
sionnées par  l'achorion  Schoenleinii  et  le  trichophyton  tonsurans.  Il 
nous  reste  à  mentionner  la  présence  d'aspergillus  glaucus  dans  l'or- 
gane de  la  vue.  La  kératomycosis  aspergilleuse,  occasionnée  par  la 
pénétration  des  spores  dans  la  cornée,  a  été  très  bien  étudiée  par  Leber. 
Elle  se  montre  sous  forme  d'une  kératite  avec  hypopyon.  Il  y  a  in- 
jection péricornéenne,  larmoiement,  photopbobie.  Le  toucher  de  l'œil 
n'est  pas  douloureux  mais  il  y  a  dans  cette  affection  des  douleurs 
spontanées.  La  maladie  se  développe  très  lentement.  La  partie  ma- 
lade de  la  cornée  est  d'une  couleur  très  jaune  et  un  état  sec  particu- 


298  PARTIE  SPÉCULE. 

lier  qui  la  distingue  de  la  kératite  ordinaire  avec  hypopyon.  La  con- 
jonctive est  gonflée  et  présente  des  excroissances  papillaires.  Dans  le 
cas  de  Uhlhoff  toute  la  partie  malade  de  la  cornée  se  souleva  et  on 
pouvait  introduire  une  sonde  au-dessous.  La  guérison  s'elFectuait  après 
renlèvement  complet  de  la  partie  malade.  11  restait  quand  même  une 
taie  de  la  cornée  et  l'acuité  visuelle  était  considérablement  diminuée. 
On  sait  que  les  végétations  d*aspergillus  se  trouvent  aussi  dans  les 
poumons  et  dans  l'oreille.  Cependant  il  n'existe  pas  de  relations  entre 
ces  affections  et  celles  (\o  l'œil.  C'est  au  contraire  probable  que  les 
spores  de  l'aspergillus  ne  pénètrent  dans  l'œil  qu'à  la  suite  d'une 
lésion  locale. 

BIBLIOGR  \PIIIK. 

f'Iiiliofl',  AitIi.  f.  Oplithalmologie.  t.  \\l\.  fasc.  3.       Berliner  /...  Einwandcrong  von  Schimmelpilzen 
in  die  menschliche  Hornhaut,  1882.  Berlin.  Dissertation. 

C.  —  TROUBLES  OCULAIRES  DANS  LES  MALADIES  MICROBIENNES. 

I  .    CHARBON. 

On  a  souvent  observé  des  infiltrations  cbarbonneuscs  des  pau- 
pières et  des  sourcils,  qui  ne  se  distinguent  en  rien  de  celles  qu'on 
trouve  dans  d'autres  parties  du  corps. 

La  gangrène  de  la  peau  peut  causer  des  pertes  de  substance  con- 
sidérables, entraînant  le  développement  de  l'ectropion,  de  lagoph- 
tbalmos,  des  infiltrations  de  la  cornée  et  même  l'atrophie  du  globe 
oculaire.  Dans  les  cas  graves  on  observe  une  inflammation  phlegmo- 
neuse  accompagnée  d'une  fièvre  intense;  elle  se  propage  des  pau- 
pières vers  la  face  et  le  cou,  elle  peut  occasionner  un  phlegmon 
orbitaire  (Jacobson),  dû  selon  quelques  auteurs  à  une  thrombose  du 
sinus  caverneux. 

Dans  un  cas  de  charbon,  cité  par  Riedel  [DeUtsck.  Med.  Woch,  I8ï*l 
11  -1~  ,  il  se  développa  une  embolie  infectieuse  de  l'artère  centrale  de  la 
rétine  qui  se  termina  par  la  panophthalmie. 

On  ne  connaît  pas  chez  l'homme  d'affection  du  globe  oculaire  due  à  d'une  infectioo 
charbonneuse  locale.  Sur  des  animaux  cependant,  Roger  a  produit  L'affection  arti- 
ficielle charbonneuse  de  l'œil,  par  l'inoculation  du  virus  charbonneux  dans  la 
chambre  antérieure.  Dane  ces  conditions,  d'après  cet  auteur,  les  animaux  suc- 
combent rapidement,  alors  qu'ils  supportent  parfaitement  des  inoculations  faites 
dans  les  muscles  ou  sous  la  peau.  A  1  autopsie,  on  trouve  de  la  sérosité  charbon- 
neuse dan-  les  divers  milieux  de  l'œil  et  on  constate  de  plus  une  extension  des  lé- 
sions vers  les  méninges  et  quelquefois  vers  la  joue. 

Roger  explique  ce  fait  particulier  par  l'absence  de  phagocytes  dans  la  chambre 
antérieure  de  l'œil,  absence  favorisant  la  propagation  des  microbes  du  charbon. 

'2.    MORVE. 

L'infection  morveuse  des  paupières  est  bien  plus  rare  que  l'infection 
charbonneuse.  De  Grsefe  a  observé  un  cas  où  les.  paupières,  après  un 


SEPTICÉMIE.  299 

érysipèle  de  la  face,  étaient  rouges  et  gonflées,  l'œil  gauche  était  poussé 
en  avant,  la  pupille  était  dilatée  et  sans  réaction  à  la  lumière,  à  la  fin 
la  cornée  a  suppuré.  L'examen  de  l'œil  énucléé  démontra  la  présence 
de  granulations  morveuses  dans  la  choroïde  près  de  la  papille.  Plus 
tard  les  paupières  du  même  malade  devenaient  gangreneuses,  il  se 
développait  des  tubercules  morveux  sur  le  cou,  la  poitrine,  l'épaule. 
La  grangrène  se  répandait  des  paupières  sur  la  joue  gauche  et  le  nez. 
L'autopsie  montrait  que  le  malade  avait  bien  succombé  à  la  morve, 
on  trouvait  des  tubercules  morveux  dans  la  peau,  dans  différents 
muscles  le  biceps,  les  muscles  du  mollet,  les  adducteurs),  dans  la  mu- 
queuse du  nez  et  de  ses  cavités  voisines.  Il  est  possible  que  l'abcès 
orbitaire  a  été  occasionné  par  la  propagation  de  l'affection  des  cavités 
voisines  du  nez  vers  le  tissu  orbitaire. 

3.    SEl'TICÉMIE. 

La  propagation  des  germes  infectieux  par  les  vaissaux  peut  occa- 
sionner dans  des  cas  de  pyémie  et  de  septicémie  des  affections  graves 
de  l'œil.  On  est  frappé  de  la  fréquence  des  complications  oculaires 
survenant  surtout  dans  des  infections  septicémiques  qui  ont  leur 
point  de  départ  clans  une  affection  des  organes  génitaux  chez  la 
femme. 

On  observait  aussi  des  affections  septiques  du  globe  à  la  suite  d'opé- 
rations chirurgicales,  de  l'inflammation  de  la  veine  ombilicale  des 
nouveau-nés,  l'empyème,  la  phlébite,  la  carie  de  la  base  du  crâne, 
l'abcès  de  la  prostate  'Haltenhoffj  et  la  tuberculose  pulmonaire,  où  le 
processus  tuberculeux  était  évidemment  compliqué  d'une  infection 
septique  secondaire. 

La  rélinite  septique  est  uni  ou  bilatérale.  C'est  quelquefois  la  seule 
affection  septique  de  l'œil,  elle  se  montre  très  peu  avant  la  mort; 
dans  d'autres  cas  on  la  trouve  en  même  temps  que  la  choroïdite  sep- 
tique ou  l'affection  septique  du  corps  vitré.  La  rétinite  septique  est 
caractérisée  par  la  présence  d'hémorrhagies  plus  ou  moins  étendues, 
qui  se  trouvent  quelquefois  tout  près  des  vaisseaux,  quelquefois  à 
une  certaine  dislance,  et  par  la  présence  de  plaques  blanches.  Au 
centre  des  hémorrhagies  quelquefois  des  foyers  blanchâtres  appa- 
raissent. 

Les  plaques  blanches  ne  sont  pas  des  amas  de  leucocytes  comme  on 
aurait  pu  le  croire,  ce  sont  au  contraire  des  petites  nécroses  circons- 
crites du  tissu  rétinien,  occasionnées  par  l'obstruction  du  calibre  des 
petites  artères  et  des  capillaires  par  des  amas  de  microbes.  Roth  qui 
le  premier  a  décrit  cette  forme  de  rétinite  croyait  qu'elle  était  occa- 
sionnée par  une  altération  chimique  du  sang.  Cet  auteur  pensait 
que  les  cas  chroniques  ou  subaigus  surtout  disposaient  à  cette  forme 


300  PARTIE   SPÉCIALE. 

de  rétinite.  Dans  les  cas  qu'il  cite  et  dans  deux  cas  de  Virchow  on  trou- 
vait, en  dehors  des  altérations  ci-dessus  décrites,  quelques  petites 
taches  blanchâtres  dans  la  rétine  près  de  la  papille  ;  elles  étaient  for- 
mées de  fibres  nerveuses  hypertrophiées  et  variqueuses,  de  tissu  con- 
jonctif  de  nouvelle  formation  et  de  cellules  granulées.  Des  recherches 
microscopiques  de  date  plus  récente  ont  démontré  que  souvent  le  nerf 
optique  était  attaqué  dans  la  rétinite  septique,  quelques-uns  de  ses 
vaisseaux  étaient  remplis  de  microcoques  et  il  existait  des  hémor- 
rhagies  autour  de  ses  vaisseaux. 

L'établissement  du  diagnostic  de  la  rétiuite  septique  est  souvent 
d'une  grande  importance,  car  la  présence  des  hémorrhagies  et  des 
plaques  dans  la  rétine  rend  probable  l'existence  d'une  septicémie  ou 
d'une  endocardite  infectieuse. 

Bien  plus  difficiles  à  saisir  au  débutsont  les  symptômes  cliniques  de 
la  chorioïdite  septique  décrite  aussi  sous  le  nom  de  chorioïdite  mélasta- 
tique.  L'œil  est  poussé  en  avant,  ses  mouvements  sont  difficiles.  Les 
paupières  sont  fortement  gonflées,  la  cornée  est,  au  début  de  l'alfection, 
transparente,  plus  tard  elle  se  trouble.  L'humeur  aqueuse  est  trouble 
ou  bien  il  se  forme  un  hypopyon.  Les  bords  pupillaires  de  l'iris  sont 
adhérents  à  la  capsule  antérieure.  Le  corps  vitré  contient  des  flocons 
fins  ou  il  est  entièrement  troublé.  Si  on  arrive  encore  à  éclairer  à 
l'aide  de  l'ophthalmoscope  le  fond  de  l'œil,  on  peut  quelquefois  cun-- 
tater  l'existence  de  la  rétinite  septique  simultanée.  La  vue  disparait 
ordinairement  très  vite,  pendant  que  le  malade  se  plaint  de  douleurs 
de  tension  très  fortes  dans  l'œil.  Le  malade  finit  toujours  par  perdre 
la  vue.  La  phthisie  du  globe  oculaire  qui  suit  la  chorioïdite  métasta- 
tique  est  observée  sous  deux  formes  différentes.  Dans  la  première  le 
corps  vitré  et  la  chambre  antérieure  se  remplissent  très  vite  de  pus, 
le  gonflement  de  la  conjonctive  et  l'exophthalmie  deviennent  très  ac- 
centués, la  sclérotique  finit  quelquefois  par  se  rompre,  quelquefois  la 
suppuration  occasionne  la  destruction  de  la  cornée  suivie  d'une  atro- 
phie considérable  du  globe.  Dans  l'autre  forme  il  se  développe  une 
inflammation  lente  dans  le  tractus  uvéal,avec  formation  d'hypopyon. 
Le  globe  oculaire  s'atrophie  peu  à  peu,  sans  que  les  parois  se 
rompent,  et  il  conserve  sa  forme.  La  cornée  reste  claire,  la  chambre 
antérieure  est  conservée.  Il  va  sans  dire  qu'on  trouve  des  formes  in- 
termédiaires entre  ces  deux  extrêmes. 

L'examen  anatomique  pathologique  d'yeux  atrophiés  à  la  suite  de  la 
choroïdite  métastatique  a  montré  les  mêmes  altérations  qu'on  a 
trouvées  dans  les  panophthalmies  septiques  se  développant  à  la  suite 
de  l'extraction  de  cataracte  ou  de  la  pénétration  d'un  corps  étranger 
dans  l'œil. 

Virchow  a  démontré  que  la  choroïdite  septique  est  causée  par  une 
embolie  septique.  Il  a  trouvé  en  effet  dans  un  cas  de  panophthalmie 


SEPTICÉMIE.  301 

des  doux  yeux,  survenant  à  la  suite  d'endométrite  ulcéreuse,  des  em- 
bolies capillaires  dans  la  rétine. 

La  choroïdite  inétastatique  peut  être  unilatérale  ou  double.  L'un 
des  yeux  peut  être  attaqué  plusieurs  jours  après  l'autre.  (Dans  le  cas 
de  Bennius,  cet  intervalle  était  de  douze  jours.)  Le  pronostic  au  point 
de  vue  de  la  conservation  de  l'œil  est  toujours  absolument  défavo- 
rable, au  point  de  vue  de  la  vie  très  douteux,  mais  pas  absolument 
mauvais.  Ku-nigslein  a  observé  dans  onze  cas  de  choroïdite  métasta- 
tique,  deux  cas  où  la  vie  a  été  conservée.  Ilofmokel  a  observé  une 
infection  puerpérale  où  il  existait  une  pneumonie  bilatérale,  un  gon- 
flement du  genou  gauche  avec  œdème  de  cette  même  extrémité  et 
une  choroïdite  avec  atrophie  de  l'œil.  Après  avoir  fait  l'énucléation  du 
globe  oculaire  et  donné  issue  au  pus  du  genou  par  une  incision,  il 
fixa  l'extrémité  dans  un  appareil  plâtré  et  la  malade  guérit  com- 
plètement. 

Le  phlegmon  orbitaire  a  été  souvent  observé  à  la  suite  de  la  pyëmie; 
il  est  probablement  très  fréquemment  dû  à  la  présence  simultanée 
d'une  thrombose  du  sinus  caverneux. 

La  kératomalacie  qu'on  observe  à  la  suite  de  maladies  infectieuses 
très  graves  et  chez  des  enfants  affaiblis  par  la  diarrhée  est  d'origine 
septique,  selon  des  recherches  nouvelles.  Manz  croit  que  le  bacille  de 
la  xérose  qu'on  trouve  dans  quelques  cas  de  la  nécrose  de  la  cornée 
peut  seulement  diminuer  la  résistance  du  tissu,  sans  qu'il  soit  la 
cause  du  processus  suppuratif.  C'est  justement  dans  les  maladies  in- 
fectieuses graves,  avec  des  complications  septiques,  qu'on  a  observé 
la  kératomalacie. 

La  suppuration  de  la  cornée  est  probablement  dans  ces  cas  la  ma- 
nifestation locale  de  la  sepsie  générale.  Leber  et  Wagenmann  ont  en 
effet  appuyé  cette  opinion  dans  une  observation  où  la  nécrose  infan- 
tile de  la  conjonctive  était  le  symptôme  local  d'une  invasion  de  strep- 
tocoques dans  le  courant  sanguin.  Le  pronostic  très  mauvais  pour  la 
vie  dans  les  cas  de  kératomalacie,  s'explique  justement  par  l'infection 
septique  générale  qui  l'occasionne. 

Michel  et  Rindfleisch  ont  fait  des  recherches  expérimentales  très 
intéressantes  sur  la  kératite  septique.  Ils  n'ont  jamais  trouvé  des  mi- 
crobes dans  le  pus  de  l'hypopyon,  ni  dans  l'iris,  ni  dans  la  chambre 
postérieure  de  l'œil  dans  des  cas  d'inoculation  de  streptocoques  dans 
la  cornée.  Leurs  recherches  anatomo-pathologiques  ont  démontré  que 
dans  la  kératite  septique  par  inoculation  la  membrane  de  Descemet 
n'est  jamais  attaquée  et  les  microbes  n'y  pénétrent  jamais. 

Les  microorganismes  n'avaient  pullulé  qu'à  l'endroit  de  l'inocula- 
tion ;  cet  endroit  était  entouré  d'une  couche  hyaline,  autour  de  la- 
quelle il  se  formait  une  infiltration  purulente  du  tissu  de  la  cornée. 
Cette  infiltration  se  propageait  ensuite  dans  toute  l'étendue  de  la  cor- 


302  PARTIE   SPÉCIALE. 

née.  Ici  non  plus  on  ne  pouvait  démontrer  des  microbes.  Michel  et 
Rindfleisch  supposent  donc  que  l'inflammation  dans  la  cornée  ainsi 
que  dans  l'iris  est  due  aux  produits  toxiques  des  microorganismes. 

Comme  nous  l'avons  vu  pour  la  kéralomalacie  on  trouve  aussi  dans 
la  conjonctive  des  symptômes  locaux  qui  peuvent  être  la  manifesta- 
tion locale  d'une  sepsie  générale.  En  dehors  du  cas  déjà  mentionné  de 
Leber,  le  cas  de  II.  Adler  d'un  abcès  métastatique  de  la  conjonctive 
appartient  à  cette  catégorie.  11  s'agit  d'une  femme  de  soixante-cinq  ans 
qui  souffrait  d'une  affection  des  articulations  débutant  avec  la  fièvre. 
La  malade  était  atteinte  très  peu  de  temps  avant  de  bronchite  puru- 
lente. Il  se  développa  chez  elle  un  abcès  sous-conjonclival  à  l'œil 
gauche,  qui  s'ouvrait  spontanément  quelques  jours  après  dans  le  sac 
conjonctival.  En  même  temps  il  se  développa  une  irido-choroïdite 
subaiguë  au  même  œil,  qui  guérissait  sans  altérations  de  l'acuité  vi- 
suelle. L'examen  bactériologique  du  pus  de  l'abcès  sous-conjonctival 
démontrait  la  présence  du  staphylococcus  aureus.  Il  s'agissait  proba- 
blement dans  ce  cas  d'une  invasion  de  staphylocoques  qui  avait  pris 
son  point  de  départ  dans  la  bronchite  purulente. 

4.    ÉRYSIPÈLE. 

L'érysipèle  de  la  face  ne  commence  que  très  rarement  aux  pau- 
pières. Le  plus  souvent  Y  ér  y  si  pèle  des  paupières  est  la  suite  du  proces- 
sus commencé  à  la  peau  de  la  figure.  Les  paupières  se  montrent  alors 
tuméfiées,  tendues  et  atteintes  de  vésicules  sur  la  surface,  l'écarte- 
ment  des  paupières  ne  se  fait  plus  spontanément.  Après  le  dégonfle- 
ment des  paupières  il  se  produit  une  desquamation  de  l'épiderme, 
quelquefois  les  cils  tombent.  Quand  l'érysipèle  amène  la  gangrène  des 
paupières,  il  s'ensuit  des  pertes  de  substance  considérables  qui  occa- 
sionnent l'eclropion  avec  toutes  ses  conséquences,  la  cornée  finit 
même  quelquefois  par  se  troubler  et  suppurer. 

La  nécrose  de  la  cornée  peut  cependant  dans  l'érysipèle  aussi  arriver 
sans  perte  de  substance  des  paupières.  E.-F.  Neve  a  observé  un  cas, 
où  un  érysipèie  de  la  face  récidivant  trois  fois  occasionnait  l'infiltra- 
tion et  puis  la  perforation  de  la  cornée,  qui  finissait  par  guérir  avec  la 
formation  d'un  leucome  adhérent. 

L'inflammation  du  tissu  sous-cutané  peut  se  propager  en  arrière 
dans  le  tissu  orbitaire  et  occasionner  le  phlegmon  orbitaire.  Ces  cas 
sont  très  dangereux  pour  la  vie  des  malades,  parce  que  l'inflamma- 
tion peut  se  propager  sur  les  méninges  et  les  sinus  de  la  dure-mère  en 
amenant  La  méningite  ou  la  thrombose  des  sinus. 

Le  phlegmon  orbitaire,  sans  se  continuer  sur  les  méninges,  peut  de- 
venir funeste  pour  la  vue  parla  propagation  du  processus  au  nerf  op- 
tique. Magawley  a  observé  trois  casd'érysipèle  où  il  se  formait  l'inflam- 


EiaSIPÈLE.  303 

nation  du  tissu  rétrobulaire  avec  formation  d'abcès  ;  ce  processus  causa 
le  développement  do  névrite  optique  qui  se  terminait  par  l'atrophie 
du  nerf  optique.  La  névrite  optique  qu'on  observe  dans  ces  cas  est 
tics  peu  prononcée,  quelquefois  on  n'observe  qu'un  œdème  de  la  pa- 
pille et  un  rétrécissement  léger  des  vaisseaux  centraux  de  la  rétine. 
Dans  un  cas  de  Jacobson  l'acuité  visuelle  avait  baissé  à  1/100  à  la 
suite  d'une  telle  affection  du  nerf  optique,  mais  elle  s'améliora  sous 
l'emploi  de  Ileurteloups  et  d'onguent  napolitain.  Dans  quelques  cas 
l'emploi  de  l'iodure  de  potassium  ou  des  injections  hypodermiques  de 
pilocarpine  a  amené  une  amélioration  et  même  quelquefois  la  gué- 
rison.  AYeland  a  observé  un  cas  de  guérison  par  la  pilocarpine  d'une 
amaurose  occasionnée  par  1  ervsipèle  de  la  face.  Dans  ce  cas  l'érysi- 
pèle  avait  envahi  la  moitié  gauche  de  la  figure,  l'œil  droit  restait  sain, 
la  pupille  de  l'œil  gauche  conservait  sa  réaction  à  la  lumière  en  dépit 
de  l'amaurose.  Il  est  probable  que  l'inflammation  des  tissus  orbitaires 
avait  attaqué  dans  de  tels  cas  les  gaines  du  nerf  optique  et  que  l'a- 
maurose était  occasionnée  par  la  compression  des  fibres  nerveuses 
par  des  gaines  gonflées  du  nerf  optique  dans  son  canal.  Les  injec- 
tions de  pilocarpine  diminuent  le  gonflement  inflammatoire  des 
gaines  du  nerf  optique  et  amènent  par  conséquent  l'amélioration  de 
la  vue.  L'inflammation  infectieuse  des  gaines  du  nerf  optique,  qui 
est  aussi  admise  par  Michel  dans  l'érysipèle,  ne  peut  causer  l'amaurose 
que  si  elle  a  atteint  la  partie  desdites  gaines  située  dans  le  trou 
optique.  L'inflammation  de  la  partie  intra-orbitaire  des  gaines  opti- 
ques au  contraire  n'attaque  que  les  fibres  nerveuses  périphériques  du 
nerf  en  occasionnant  un  rétrécissement  plus  ou  moins  fort  du 
champ  visuel. 

Dans  une  série  de  cas  d'érysipèle,  on  a  observé  des  troubles  de  la 
vue  sans  qu'il  existât  une  inflammation  du  tissu  orbitaire.  Dans  un 
cas  de  Pagenstecher,  l'amaurose  est  arrivée  quinze  jours  après  le 
commencement  de  l'érysipèle;  dans  un  autre  cas  l'amaurose  unilaté- 
rale s'est  montrée  déjà  très  peu  de  jours  après  le  début  de  la  maladie. 
€etle  amaurose  peut  rester  stationnaire;  on  observe  dans  de  tels  cas, 
à  l'ophthalmoscope,  l'atrophie  du  nerf  optique  avec  rétrécissement 
très  considérable  des  vaisseaux  centraux  de  la  rétine  (une  observa- 
tion analogue  est  aussi  communiquée  dans  l'atlas  de  Jaeger).  Le  pro- 
cessus frappant  les  deux  nerfs  optiques  peut  amener  une  cécité  totale, 
comme  l'a  observé  Oeller.  Gubler  aussi  a  décrit  une  série  de  cas  d'a- 
maurose  persistante  à  la  suite  de  l'érysipèle.  Dans  d'autres  cas  l'amau- 
rose a  été  passagère,  et  la  vue  est  redevenue  normale  (de  Graefe). 

Dans  quelques  cas,  entre  autres  celui  de  Pagenstecher,  l'atrophie 
du  nerf  optique  survenant  à  la  suite  de  l'érysipèle  était  seulement  par- 
tielle. Le  cas  de  Pagenstecher  est  particulièrement  intéressant  à  cause 
de  la  diminution  considérable  de  l'acuité  visuelle  causée  par  un  sco- 


304  PARTIE  SPÉCIALE. 

tome  cen Irai  persistant.  Michel  explique  ce  cas  par  une  périvascu- 
lile  partielle  infectieuse  des  vaisseaux  centraux  de  la  région  dans  leur 
parcours  dans  le  nerf  optique. 

L'analogie  de  ces  derniers  cas  avec  les  amblyopies  dues  aux  intoxi- 
cations est  pourtant  évidente  et  il  nous  parait  probable  qu'il  s'agit 
ici  d'une  influence  de  toxines  sur  les  libres  optiques. 

La  cécité  à  la  suite  de  l'érysipèle  peut  encore  être  occasionnée  par 
la  thrombose  des  vaisseaux  rétiniens. 

On  a  déjà  observé  plusieurs  cas  pareils.  La  thrombose  de  la  veine 
rétinienne  était  toujours  précédée  d'un  phlegmon  orbitaire.  La  throm- 
bose delà  veine  rétinienne  peut  commencer  dans  les  veines  orbitaires. 
Les  altérations  du  fond  de  l'œil  sont  les  mêmes  dans  ces  cas  que  celles 
que  nous  avons  déjà  décrites  à  l'occasion  des  troubles  oculaires  dus  à 
la  dégénérescence  athéromateuse  des  vaisseaux  rétiniens.  Knapp  a 
donné  la  description  d'un  cas  classique,  où  le  phlegmon  orbitaire  s'est 
développé  au  cinquième  jour  de  l'érysipèle  et  la  cécité  occasionnée 
par  la  thrombose  de  la  veine  rétinienne  est  arrivée  deux  jours  après. 

On  trouve  dans  ces  cas  de  thrombose  les  veines  de  la  rétine  dila- 
tées, très  sinueuses  et  d'une  coloration  rouge  foncé.  11  y  a  des  hémor- 
rhagies  nombreuses  autour  des  veines,  les  artères  sont  rétrécies.  Plus 
lard  les  vaisseaux  se  transforment  en  cordes  fibreuses  blanches.  Les 
bords  de  la  papille  optique,  au  début  de  l'affection  un  peu  effacés, 
deviennent  dans  une  période  ultérieure  distincts,  et  le  nerf  optique  a 
l'aspect  de  l'atrophie.  L'inflammation  septique  des  parois  des  veines, 
constatée  à  l'examen  anatomo-pathologique,  peut  être  la  suite  de  la 
formation  de  la  thrombose,  ou  celle-ci  commence  dans  les  veines 
orbitaires  pour  se  continuer  ensuite  dans  les  veines  rétiniennes.  Cette 
dernière  supposition  est  la  plus  probable.  L'inflammation  se  propage 
des  veines  rétiniennes  dans  le  tisssu  rétinien  et  de  là  dans  les  artères. 
ce  qui  expliquerait  les  casde  développement  de  thromboses  artérielles 
de  la  rétine  dans  quelques  cas  d'érysipèle. 

Le  glaucome  peut  se  développer  à  la  suite  de  l'érysipèle  (Fœrsler. 
/.  c,  p,  153)  ou  même  pendant  la  marche  de  cette  affection.  Il  peul 
être  produit  par  des  troubles  de  la  circulation  dans  l'intérieur  de  l'œil, 
dus  à  l'augmentation  de  l'action  du  cœur  parla  fièvre,  ou  bien  il  s'ex- 
plique par  la  difficulté  avec  laquelle  l'écoulement  du  sang  veineux  de 
l'œil  se  fait  en  présence  d'un  phlegmon  orbitaire.  C'est  ainsi  qu'on  a 
observé  des  cas  de  glaucome  aigu  au  cours  d'un  érysipèle.  Magawlej 
a  observé  un  cas  de  ce  genre,  où  l'iridectomie  était  impossible  à 
cause  du  gonflement  des  paupières  et  delà  conjonctive.  La  guérison  a 
été  obtenue  avec  de  l'antipyrine  et  des  instillations  d'ésérine  dans 
l'œil. 

C'est  une  observation  des  plus  intéressantes  que  l'influence  salutaire 
de  l'érysipèle  de  la  face  sur  certaines  affections  oculaires.  Cocciu-  a 


BLENNORRHAGIE.  rtO:i 

observé  des  améliorations  de  trachome  à  la  suite  d'un  érysipèle. 
Nieden  raconte  la  guérison  de  choroïdite  disséminée  et  d'iritis  séreuse 
due  à  la  même  cause.  Dans  un  des  cas  do  Nieden,  l'affection  disparais- 
sait pendant  la  durée  de  l'érysipèle,  mais  elle  revenait,  quoique  moins 
intense,  après  la  guérison  de  celle-ci.  Skorkowski  a  observé  l'amé- 
lioration considérable  d'une  alfection  diphthérique  après  l'inoculation 
de  l'érysipèle.  Cette  influence  salutaire  de  l'érysipèle  sur  des  affec- 
tions oculaires  s'explique  probablement  par  la  formation  de  toxines 
de  la  part  des  microcoques  de  l'érysipèle,  qui  exercent  une  influence 
nuisible  sur  d'autres  microorganismes. 

5.    BLENWORRITAG1E. 

La  contamination  de  la  conjonctive  avec  lepusblennorrhagique  peut 
se  faire  avec  les  mains,  des  éponges  malpropres,  etc.  Chez  l'adulte, 
cette  contamination  directe  est  assez  rare.  On  considère  comme  une 
des  preuves  qu'elle  est  faite  avec  les  mains,  la  fréquence  avec  laquelle 
l'œil  droit  est  attaqué  le  premier  de  la  blennorrhagie.  Chez  les  nou- 
veau-nés, la  contamination  se  fait  généralement  par  les  organes 
génitaux  de  la  mère,  au  moment  du  passage  de  la  tête  dans  le  vagin. 

La  période  d'incubation  de  la  blennorrhagie  est  de  quarante-huit 
heures.  Quand  elle  est  bien  développée,  on  trouve  les  paupières  gon- 
flées, tendues,  la  paupière  supérieure  descend  sur  la  paupière  infé- 
rieure. En  écartant  les  bords  des  paupières,  on  voit  sortir  une  sécrétion 
purulente,  qui  au  début  est  liquide,  pour  devenir  plus  tard  épaisse  et 
jaune.  La  conjonctive  est  de  coloration  rouge  foncée,  surtout  au  cul- 
de-sac  et  à  la  conjonctive  bulbaire,  qui  recouvre  le  bord  de  la  cornée. 
Au  cinquième  ou  sixième  jour  de  la  maladie,  on  trouve  des  granula- 
tions papillaires  dans  la  partie  tarsale  de  la  conjonctive.  Les  diplo- 
coques  caractéristiques  que  Neisser  a  trouvés  dans  l'urétbrite  se  trou- 
vent facilement  à  l'examen  bactériologique  dans  la  sécrétion  purulente 
de  l'œil.  Ils  deviennent  plus  nombreux  vers  le  huitième  jour  de  la 
maladie. 

Les  symptômes  subjectifs  sont  surtout  des  douleurs  très  violentes  ot 
la  sensation  d'une  pression  dans  l'œil.  La  douleur  rayonne  quelque- 
fois dans  toutes  les  branches  du  trijumeau,  surtout  du  côté  du  nez  et 
des  dents. 

La  conjonctivite  blennorrhagique  est  surtout  grave  à  cause  de  la 
facilité  avec  laquelle  la  cornée  est  attaquée.  Le  fait  que  le  bord  de  la 
cornée  est  couvert  par  la  conjonctive  bulbaire  gonflée  est  grave  sous 
deux  rapports,  d'abord  parce  que  la  circulation  du  sang  dans  le  tissu 
superficiel  du  limbe  cornéo-scléral  est  entravée,  ensuite  parce  qu'il 
cause  de  la  rétention  de  la  sécrétion  microbienne,  et  c'est  en  effet  une 
observation  clinique  très  fréquente  que  l'affection   blennorrhagique 

?0 


306  PARTIE   SPÉCIALE. 

de  la  cornée  a  son  point  de  départ  dans  les  parties  périphériques. 
Pourtant,  chaque  endroit  de  la  cornée  peut  former  porte  d'entrée  pour 
les  diplocoques  de  Neisser,  surtout  quand  il  se  forme  des  phlyclènes, 
qui  occasionnent  une  perte  de  substance  dans  l'épithélium  de  la 
cornée. 

Le  processus  commence  ordinairement  parla  formation  d'un  ulcère 
en  forme  de  faux  à  la  périphérie  de  la  cornée.  Le  bord  extérieur  de 
l'ulcère  forme  une  dépression  subite,  un  angle  droit,  le  bord  inférieur 
s'enfonce  en  montrant  quelquefois  la  forme  de  marches. 

L'ulcère  en  se  développant  peut  provoquer  la  perforation  de  la 
cornée  suivie  de  prolapsus  de  l'iris,  ou  bien  il  se  forme  tout  de  suite 
après,  une  assez  grande  perforation  de  la  cornée,  la  sortie  du  cris- 
tallin et  d'une  partie  du  corps  vitré,  suivie  de  l'atrophie  du  globe  ocu- 
laire. 

Les  diplocoques  qui  restent  dans  le  globe  oculaire  atrophié  peuvent 
occasionner,  même  après  plusieurs  années,  une  inflammation  (opbthal- 
mie  sympathique)  de  l'autre  œil,  causée  parleur  propagation  dans  les 
gaines  du  nerf  optique  en  suivant  le  chiasma  dans  l'espace  intervagi- 
nal du  nerf  optique  et  le  tractus  uvéal  de  l'autre  œil. 

Le  caractère  progressif  de  l'ulcère  marginal  se  manifeste  par  la 
couleur  jaune  de  ses  bords.  L'all'ection  centrale  de  la  cornée,  au  con- 
traire, se  présente  de  très  bonne  heure  par  les  pertes  de  substances 
dans  l'épithélium.  Lnsuile  la  cornée  est  d'abord  terne,  la  couleur 
grise  devient  jaunâtre,  les  couches  superficielles  se  détachent  et  l'ul- 
cère apparait  avec  un  fond  suppuré. 

Quand  la  perforation  n'amène  pas  l'atrophie  du  globe  oculaire,  la 
paroi  antérieure  de  l'œil  est  formée  par  les  restes  de  la  cornée  et  de 
l'iris.  Il  se  forme  à  la  surface  antérieure  de  l'iris  une  couche  de  tissu 
conjonctif,  qui  se  colle  contre  les  bords  ulcérés  de  la  cornée.  Le  tissu 
de  l'iris  finit  par  former  un  tissu  cicatriciel  qui  se  confond  avec  le 
tissu  de  la  cornée.  A  cause  de  la  résistance  très  amoindrie  de  ce  tissu 
cicatriciel,  l'iris  est  ectasié  et  il  se  développe  une  altération  de  la  partie 
antérieure  de  l'œil,  qu'on  a  appelée  le  slaphylome  cicatriciel. 

Si  la  perte  de  substance  de  la  cornée  n'était  que  petite,  l'iris  s'y 
place  et  la  plaie  cornéenne  est  fermée  par  la  formation  d'une  cicatrice 
adhérente  avec  une  partie  de  l'iris  (synéchie  antérieure).  L'enclave- 
ment de  l'iris  peut  dans  ce  cas  causer  des  états  irritalifs,  qui  même 
après  des  années,  peuvent  amener  une  choroïdile  infectieuse  et  l'atrophie 
du  globe  oculaire,  comme  l'ont  démontré  des  expériences  faites  dans 
le  laboratoire  de  Leber.  Elle  est  causée  par  l'invasion  des  microbes  a 
travers  la  cicatrice.  L'épithélium  qui  recouvre  les  leucomes  adhérents 
se  détache  très  souvent,  et  il  se  forme  a  leur  suite  des  perles 
de  substance,  qui  permettent  aux  microbes  de  pénétrer  dans 
l'œil. 


BLENNORRHAGIE.  307 

Les  cas  graves  de  blennorrhagie  de  l'œil  peuvenl  durer  de  trois  à  six 
semaines,  on  connail  pourtant  des  formes  plus  légères,  qui  ressem- 
blent  au  point  de  vue  clinique  à  un  catarrhe  de  la  conjonctive,  mais 
(1. >ut  le  diagnostic  est  établi  par  la  présence  des  diplocoques  de 
Neisser  dans  la  sécrétion  conjonctive. 

Nous  n'allons  pas  entrer  ici  dans  les  détails  du  traitement  de  la 
conjonctivite  blennorrhagique,qui  appartiennent  aux  traités  d'ophthal- 
mologïe,  nous  nous  bornons  à  mentionner  les  résultats  remarquables 
qu'on  obtient  par  la  méthode  de  badigeonnage  antiseptique  de  E.  Meyer, 
en  employant  une  solution  de  sublimé  à  1  :  2.i00.  La  conjonctive  est 
nettoyée  avec  le  plus  grand  soin  deux  t'ois  par  jour  avec  un  pinceau 
trempé  dans  celte  solution.  On  peut  en  même  temps  faire  des  cauté- 
risations de  la  conjonctive  avec  une  solution  à  Si  p.  100  de  nitrate  d'ar- 
gent. 

Quand  il  n'y  a  qu'un  œil  attaqué,  la  plupart  des  oculistes  couvrent 
l'œil  sain  avec  un  bandeau,  ayant  en  face  de  l'œil  un  verre  plan  (Fens- 
terglas-verband).  Je  préfère,  au  contraire,  couvrir  l'œil  malade,  ce 
qui  donne  au  malade  le  double  avantage  de  pouvoir  se  servir  de  l'œil 
sain  en  même  temps  que  le  foyer  d'infection  qui  menace  l'œil  sain  et 
l'entourage  du  malade  est  couvert. 

On  connaît  les  résultats  avantageux  pour  la  prophylaxie  de  la  con- 
jonctivite bîennorrhagique  des  nouveau-nés,  obtenus  par  l'instilla- 
tion dans  la  conjonctive  d'une  solution  de  nitrate  d'argent  à  2  p.  100, 
ou  d'une  solution  de  napbtol  (Budin),  tout  de  suite  après  la  naissance. 
Valude  fait  instiller  de  l'iodoforme  dans  le  sac  conjonctival. 

Si  la  conjonctivite  bîennorrhagique  a  amené  la  perforation  de  la 
cornée  et  le  prolapsus  de  l'iris,  il  faut  essayer  de  faire  sortir  l'iris  de  la 
plaie  par  des  instillations  d'ésérine.  Si  le  prolapsus  de  l'iris  est  cen- 
tral, on  peut  employer  de  l'atropine.  Depuis  le  traitement  antiseptique 
de  cette  maladie,  les  cas  d'ulcérations  graves  de  la  cornée  sont  devenus 
bien  plus  rares,  et  si  on  pouvait  arriver  à  faire  comprendre  au  public 
à  quel  point  est  dangereuse  l'ophthalmie  des  nouveau-nés,  on  pour- 
rait espérer  de  voir  diminuer  d'une  manière  sensible  le  nombre  des 
victimes  de  la  cécité. 

Nous  n'avons  voulu,  dans  ce  qui  précède,  donner  que  les  symptômes 
les  plus  saillants  de  la  conjonctivite  bîennorrhagique;  en  ce  qui  con- 
cerne les  détails  nous  renvoyons  aux  traités  d'ophthalmologie.  Mais 
nous  avons  encore  à  nous  occuper  des  troubles  de  la  vue  à  la  suite  d'une 
infection  générale  de  V organisme,  occasionnée  par  une  affection  bîen- 
norrhagique localisée  (uréthrite). 

On  appelle  rhumatisme  articulaire  bîennorrhagique  les  affections 
articulaires  qu'on  observe  à  la  suite  d'une  uréthrite  bîennorrhagique. 
La  conjonctivite  bîennorrhagique  peut  aussi  être  la  cause  d'affections 
articulaires  blennorrhagiques. 


308  PARTIR  SPÉCIALE. 

Deulschmann  rapporte  deux  observations  de  nouveau-nés,  âgés 
tous  deux  de  trois  semaines,  qui  présentèrent  îles  déterminations  arti- 
culaires au  cours  d'ophthalmie  blennorrhagique.  Les  cas  de  ce  genre 
sont  rares,  et  on  ne  trouve  que  quelques  observations  analogues  à 
celles  de  Deutschmann,  chez  Lucas,  Widmark,  Gendick,  Zalvornicki. 
Il  est  d'ailleurs  le  premier  à  avoir  démontré  la  nature  blennorrha- 
gique de  ces  arthropathies  ;  à  l'aide  d'une  seringue  de  Pravaz,  il  a 
retiré  d'une  articulation  atteinte  quelques  gouttes  de  pus  où  il  a  pu 
déceler  la  présence  du  gonocoque. 

Revenons  aux  affections  oculaires  survenant  à  la  suite  de  la  blen- 
norrhagie  d'un  autre  organe.  La  blennorrhagie  des  organes  génitaux 
peut  occasionner  l'iritis  ou  une  conjonctivite.  Il  existe  souvent,  mais 
pas  toujours  en  même  temps,  une  polyarthrite  blennorrhagique.  On 
sait  que  l'articulation  du  genou  est  très  souvent  attaquée  dans  la 
blennorrhagie  généralisée  (rhumatisme  blennorrhagique). 

L'irilis  blennorrhagique  n'a  pas  «le  symptômes  cliniques  caractéris- 
tiques. Il  existe  ordinairement  des  synéchies  postérieures  très  éten- 
dues, pourtant  pas  autant  que  clans  l'iritis  syphilitique. 

On  peut  ordinairement  constater  des  opacités  dans  la  partie  anté- 
rieure du  corps  vitré,  ce  qui  prouve  que  le  corps  ciliaire  est  attaqué 
eu  même  temps.  Les  deux  yeux  sont  toujours  attaqués,  pourtant  l'iritis 
ne  se  manifeste  pas  simultanément  aux  deux  yeux.  Dans  quelques 
cas,  cette  forme  d'iritis  s'est  développée  juste  au  moment  de  la 
rechute  d'une  uréthrite  blennorrhagique.  Despagnet  donne  la  descrip- 
tion d'un  cas  très  intéressant,  où  l'iritis  avec  hypopyon  a  récidivé 
chaque  fois  que  le  malade  avait  une  blennorrhagie.  On  a  aussi  observé 
des  affections  de  la  cornée,  causées  par  la  blennorrhagie  généralisée, 
présentant  des  symptômes  analogues  comme  dans  les  kératites  d'ori- 
gine rhumatismale  (Coltmann,  Haltenhoff). 

Comme  traitement  dans  l'iritis  blennorrhagique,  on  a  employé  des 
collyres  à  l'atropine  et  l'administration  interne  de  l'iodure  de  potas- 
sium. 

On  a  observé  des  conjonctivites  aiguës  à  la  suite  d'une  blennorrha- 
gie métastatique.  Haltenhoff  a  décrit  plusieurs  de  ces  cas.  L'affection 
conjonctivale  peut  se  manifester  déjà  quinze  jours  après  la  blennor- 
rhagie locale  des  organes  génitaux;  dans  certains  cas,  cette  conjonc- 
tivite ne  s'est  développée  que  plusieurs  mois  après  la  blennorrhagie 
locale  et,  fait  curieux,  la  conjonctivite  s'est  montrée  quelquefois  juste 
après  suppression  de  l'écoulement  uréthral  au  moyen  d'astringents, 
ce  qui  est  peut-être  l'effet  d'un  hasard.  Celte  conjonctivite  est  toujours 
bénigne  et  guérit  spontanément. 

Riickert  a  aussi  observé  des  cas  compliqués  de  conjonctivite  et  d'iritis 
en  même  temps  que  de  polyarthrite  blennorrhagique,  quelquefois  des 
cas  d'iritis  même  compliquée  de  choroïdite. 


RHUMATISME   ARTICULAIRE   AIGU.  309 

Panas  a  observé  un  cas  très  intéressant  et  unique  de  névrite  optique 
à  la  suite  de  blennorrhagie. 

In  jeune  homme  de  vingt-neuf  ans  atteini  d'une  blennorrhagic  chronique,  qui 
débuta  dans  le  courant  de  188'.),  dura  pendant  quatre  mois  à  l'état  aigu  et  s'accom- 
pagna à  cette  époque  de  douleur?  polyarticulaires,  fut  pris,  le  6  octobre  1890,  de 
douleurs  de  tête  très  violentes  à  cette  époque  l'écoulement  uréthral  persistait  sou3 
forme  dégoutte  militaire);  ces  douleurs  diminuèrent  d'intensité,  mais  le  18  le  ma- 
lade constata  que  la  vision  était  complètement  perdue  du  côté  droit  :  à  la  consulta- 
tion d'une  autre  clinique  on  porta  le  diagnostic  d'atrophie  optique  a  frigore. 
Panas  constata,  à  quelques  jouis  de  la.  une  amaurose  complète,  une  abolition  du 
réflexe  accommodateur;  la  papille  était  manifestement  atrophiée,  mais  l'atrophie 
n'était  pas  complète;  la  papille  n'était  pas  blanche,  mais  louche  et  ses  limites  peu 
nettes  ;  ses  bords  étaient  cachés  et  on  passait  sans  transition  du  tissu  nerveux 
au  tissu  rétinien  ;  les  veines  étaient  dilatées  et  flexueuses,  les  artères  au  contraire 

petites,  presque  filifor s.  en  un  mot  il  existait  des  signes  d'inflammation  de  la 

papille  et  non  ceux  d'un  processus  atrophique  complet;  le  tissu  rétinien  participait 
a  cette  inflammation,  car  entre  la  papille  et  la  macula  il  existait  un  pointillé  fin 
qui  témoignait  de  l'œdème  des  fibres  de  la  rétine;  la  vision  était  bonne  à  gauche, 
cependant  l'ophtalmoscope  montra  dans  la  papille  de  ce  côté  une  lésion  analogue  à 
celle  du  coté  opposé,  mais  à  un  moindre  degré. 

La  supposition  de  la  métastase  gonorrhéique  dans  l'œil,  par  l'inva- 
sion des  gonocoques  dans  les  vaisseaux,  n'a  pas  été  confirmée,  au 
moins  pour  les  cas  qui  jusqu'ici  ont  été  examinés  au  point  de  vue  bacté- 
riologique. 

Dans  les  cas  observés  par  Riickert  on  trouvait  le  gonocoque  dans  la 
sécrétion  génitale,  mais  on  ne  le  trouvait  pas  dans  la  sécrétion  de  la 
conjonctive.  L'examen  du  liquide  dans  les  articulations  n'a  pas  donné 
non  plus,  dans  tous  le-  cas,  un  résultat  positif.  C'est  ainsi  que  G.  Roux 
a  observé  un  cas  où  l'examen  du  liquide  séro-purulent  d'une  articu- 
lation donnait  un  résultat  négatif.  En  face  des  résultats  positifs,  au 
point  de  vue  bactériologique,  obtenus  par  d'autres  auteurs,  on  doit 
conclure  que  les  inflammations  articulaires, la  conjonctivite,  l'iritis,  la 
kératite,  sont  occasionnées  ou  par  l'invasion  directe  des  gonocoques  ou 
qu'elles  sont  le  résultat  de  l'action  des  toxines  fabriquées  par  le 
microbe.  Selon  nous,  la  névrite  optique  blennorrbagique  doit  plutôt 
être  expliquée  comme  étant  une  névrite  périphérique  toxique  et  non 
comme  étant  la  suite  d'une  méningite  intercurrente. 

G.    RHUMATISME    ARTICULAIRE    AIGU. 

Les  troubles  de  la  vue  à  la  suite  du  rhumatisme  articulaire  aigu  ont 
été  confondus  par  les  anciens  auteurs  avec  ceux  survenant  à  la  suite  du 
rhumatisme  blennorrbagique. 

On  observe,  en  effet,  quelquefois  également  des  troubles  oculaires 
à  la  suite  d'un  rhumatisme  articulaire  aigu  ou  subaigu.  C'est  particu- 
lièrement le  tractus  uvéal  qui  parait  disposé  à  être  atteint  par  ce  pro- 
cessus infectieux.   L'affection   du  tractus  uvéal  se  manifeste  par  de 


310  PARTIE  SPÉCIALE. 

l'iritis  à  exsudations  plus  ou  moins  développées  au  rebord  pupillairé, 
opacités  dans  le  corps  vitré,  diminution  de  la  tension  intraoculaire, 
quelquefois  troubles  de  la  cornée  causés  par  une  inflammation  de  cette 
membrane.  Au  début,  l'affection  n'attaque  qu'un  œil,  plus  tard  l'autre. 
Mais  l'afi'ection  du  second  suit  ordinairement  de  près  celle  du  premier.  Si 
l'affection  du  tractusuvéalaugmenle,  ellepeutse  manifester  sous  forme 
d'irido-choroïdite  avec  décollement  consécutif  de  la  rétine.  Les  cas  lé- 
gers de  l'affection  du  tractusuvéal  à  la  suite  du  rhumatisme  articulaire 
aigu  rappellent  beaucoup,  selon  Michel,  ceux  qu'on  observe  à  la  suite 
de  la  lièvre  récurrente.  Le  traitement  consiste  dans  l'emploi  local  de 
l'atropine  et  l'administration  interne  du  salicylate  de  soude. 

7.    SCARLATINE. 

Nous  avons  déjà  mentionné  fvoy.  p.  216)  qu'on  a  observé  la  réti- 
nite  albuminurique  à  la  suite  de  néphrite  scarlatineuse.  La  guérison 
de  cette  rétinite  se  laisse  quelquefois  attendre,  mais  le  pronostic  est 
pourtant  ordinairement  favorable. 

Il  se  développe  souvent  à  la  suite  de  scarlatine  une  parésie  du  unis- 
cle  de  l'accommodation,  qui  se  manifeste  chez  les  hypermétropes  par 
une  certaine  difficulté  à  lire.  Le  punctum  proximum  est  déplacé  dans 
une  distance  plus  grande  qu'à  l'état  normal,  ce  qui  nécessite  au  ma- 
lade l'emploi  de  verres  convexes  pour  lire  et  écrire.  Le  pronostic  de 
cette  parésie  e>l  favorable,  elle  disparaît  pur  un  traitement  fortifiant. 
Elle  est  probablement  due  à  une  influence  toxique  des  plomaïnes 
de  la  scarlatine  sur  les  parties  périphériques  des  nerfs  dans  le  muscle 
de  l'accommodation. 

Dans  les  cas  où  la  scarlatine  a  été  suivie  de  cécité,  il  s'agissait  pro- 
bablement toujours  de  Yamaurose  urémique.  On  constata  dans  de  tels 
cas  toujours  la  présence  de  néphrite;  TophUialmoscope  ne  montrait 
rien  d'anormal,  comme  toujours,  dans  l'amaurose  urémique.  Les  ma- 
lades atteints  de  l'amaurose  étaient  arrivés  à  la  fin  de  la  troisième  ou 
quatrième  semaine  de  la  maladie.  L'amaurose  s'est  rarement  mani- 
festée plus  tard,  comme  par  exemple  dans  le  cas  de  Foerster,  le  trente- 
deuxième  jour.  Les  malades  étaient  atteints  de  convulsions,  puis  de 
somnolence,  de  laquelle  ils  se  réveillaient  avec  des  troubles  de  la 
vue,  qui  dans  la  plupart  des  cas  ne  persistaient  que  vingt  à  quarante- 
huit  heures. 

Cependant,  dans  des  cas  exceptionnels,  la  cécité  durait  plus  long- 
temps, ainsi  :  quatre  jours  dans  le  cas  de  Monod,  seize  jours  dans  un 
cas  de  Foerster,  etc.  Dans  le  cas  de  Power  la  cécité  durait  cinq  jours, 
maïs  l'acuité  visuelle  ne  se  rétablit  complètement  qu'après  trois 
semaines.  Dans  un  cas  de  Loeb  l'amaurose  apparut  avant  les  con- 
vulsions. 


DIPHTIIÉRIE.  :tM 

Dans  tous  les  cas,  la  réaction  de  la  pupille  à  la  lumière  était  con- 
servée, ce  qui  ne  s'observe  pas  toujours  dans  les  cas  d'amaurose 
arémique. 

Hodges  décrit  un  cas  où  les  troubles  de  la  vue,  survenant  dans  la 
convalescence  de  la  scarlatine,  étaient  causés  par' la  thrombose  des 
artères  rétiniennes. 

Cette  affection  se  développa  chez  une  jeune  fille  de  dix-huit  ans; 
il  n'existait  ni  albuminurie  ni  maladie  de  cœur.  Il  n'est  pour  le  mo- 
ment pas  possible  d'expliquer  ce  cas. 

Le  catarrhe  1res  prononcé  de  la  conjonctive  se  montrant  pendant 
la  période  d'éruption  de  la  scarlatine  est  sans  importance,  il  n'est  pas 
toujours  constant. 

8.    DIPHTHÉRIE. 

Les  troubles  oculaires  survenant  à  la  suite  de  la  diplithérie  ont  d'a- 
bord été  observés  dans  des  cas  d'angine  diphthérique,  niais  on  les 
trouve  aussi  dans  les  affections  diphthériques  localisées  à  différentes 
autres  parties  du  corps. 

La  diplithérie  de  la  conjonctive  peut  quelquefois  être  le  symptôme 
local  de  l'infection  générale  sans  qu'il  y  ait  transmission  directe  dn  vi- 
rus diphthérique  i  Jacobson,  lue.  cit.,  p.  127),  mais  elle  se  développe 
bien  plus  souvent  à  la  suite  de  l'infection  immédiate  de  l'œil  par  les 
produits  diphthériques  d'autres  parties  du  corps  ou  bien  par  leur  trans- 
mission d'un  œil  à  l'autre. 

La  conjonctivite  diphthérique  présente  les  mêmes  symptômes  que  la 
diplithérie  des  autres  muqueuses.  La  conjonctive  est  gonflée  et  rouge, 
l'écartemenl  des  paupières  est  très  douloureux,  il  amène  l'écoulement 
abondant  d'un  liquide  peu  trouble,  rempli  de  flocons  jaunes.  Les  pau- 
pières sont  dures.  La  conjonctive  est  couverte  d'une  couche  blanchâtre 
qui  se  trouve  surtout  dans  la  partie  tarsale  de  la  conjonctive.  Après 
avoir  enlevé  les  membranes  diphthériques,  on  voit  que  les  vaisseaux  de 
la  conjonctive  sont  gonflés,  les  veines  sont  gorgées  comme  dans  la 
thrombose;  on  observe  en  outre  des  hémorrhagies  nombreuses  dans 
le  cul-de-sac.  On  a  surtout  observé  la  conjonctivite  diphthérique  chez 
les  enfants. 

Cette  affection  peut  se  développer  à  la  suite  d'une  maladie  infec- 
tieuse aiguë,  mais  elle  est  fréquemment  primitive  ou  bien  elle  est  la 
complication  ultérieure  d'une  affection  catarrhale  ou  blennorrhagique 
delà  conjonctive.  La  diplithérie  de  la  conjonctive  est  caractérisée  par 
une  infiltration  du  tissu  sous-épithélial,  qui  cause  une  altération  de  la 
nutrition  des  tissus  et  par  suite  l'élimination  du  tissu  mort;  tandis 
que  la  conjonctivite  croupale  est  caractérisée  par  une  exsudation  sur 
la  surface  de  cette  muqueuse.  Ces  différences  cliniques  ne  sont  cepen- 


.112  PARTIE   SPECIALE. 

dant  pas  justifiées  par  l'examen  bactériologique,  car  on  trouve  dans  la 
conjonctive  les  bacilles  de  la  diphlhérie  découverts  par  Loeffler  aussi 
bien  dans  une  que  dans  l'autre  (Tangl). 

La  marche  de  la  coDJonctivite  diphthérique  dépend  de  l'étendue  et 
de  la  profondeur  de  l'affection.  Dans  les  cas  d'affections  catarrhales 
ou  blennorrhagiques  compliquées  de  diphlhérie  de  la  conjonctive,  on 
observe  l'élimination  des  membranes  diphlhériques  sans  accidents  fâ- 
cheux. Dans  les  cas  graves  où  la  maladie  arrive  à  son  apogée  dans 
l'espace  de  quelques  jours,  les  phénomènes  cliniques  changent  d'aspect 
du  sixième  au  huitième  jour. 

La  tuméfaction  des  paupières  devient  moins  dure,  les  taches  blan- 
châtres de  la  conjonctive  commencent  à  s'éliminer,  ce  qui  amène  des 
hémorrhagies  des  vaisseaux  lésés  par  ce  processus. 

La  conjonctive  présente  après  le  détachement  des  néo-membranes 
un  aspect  granulé,  la  sécrétion  devient  purulente.  La  maladie  arrive 
dans  son  second  stade  (blennorrhagique),  pendant  lequel  la  transfor- 
mation des  granulations  en  tissu  cicatriciel  se  produit. 

La  cornée  est  menacée  au  plus  haut  degré  en  présence  de  la  con- 
jonctivite diphthérique.  Dans  toutes  les  trois  périodes  [(1)  infiltration, 
(2)  période  de  sécrétion  purulente,  (3)  période  de  cicatrisation]  de  l'af- 
fection, des  complications  du  côté  de  la  cornée  peuvent  apparaître. 

La  cornée  peut  devenir  trouble  au  centre  dans  la  période  d'infiltra- 
tion et  son  épithélium  se  détache,  le  tissu parenchymateux  prend  une 
coloration  gris  jaunâtre,  et  ce  processus  finit  par  la  destruction  de  la 
cornée.  Il  se  développe  ensuite,  ou  bien  la  formation  de  slaphylome 
cicatriciel,  ou  bien  la  panophthalmie.On  observe  dans  la  deuxième  pé- 
riode des  abcès  annulaires  ou  des  ulcères  périphériques  qui  se  propa- 
gent et  finissent  par  causer  la  destruction  de  la  cornée.  Dans  d'autres 
cas,  il  se  forme  une  opacité  blanche  de  la  cornée  se  développant  à  la 
périphérie  et  progressant  vers  le  centre.  Plus  le  processus  se 
développe  dans  la  marche  de  la  conjonctivite  diphthérique,  plus 
grande  est  généralement  sa  gravité.  11  finit  par  la  nécrose  de  la 
cornée. 

Dans  quelques  cas  on  a  considéré  la  nécrose  de  la  cornée  (kérato- 
malacie)  comme  le  résultat  de  la  perte  générale  des  forces,  mais  il  est 
plus  probable  qu'elle  est  le  symptôme  local  de  la  sepsie  compliquant 
la  maladie  dans  le  cours  de  laquelle  la  diphthérie  oculaire  s'était  dé- 
veloppée. 

<  »n  a  aussi  observé  simultanément  dans  de  tels  cas  de  diphlhérie  de 
la  conjonctive  désaffections  diphthériques  simultanées  des  paupières 
inférieures,  probablement  dues  à  l'infection  diphthérique  par  la  sécré- 
tion conjonclivale. 

La  conjonctivite  blennorrhagique  peut  causer  par  cicatrisa  lion  un 
symblépharon    postérieur,    ectropion,    dislichiasis,   déformation  des 


DIPHT11ÉBIE.  3J3 

paupières  et  lagophthalmos.  Ce  dernier  peut  occasionner  l'opacité  de 
la  cornée. 

Le  traitement  doit  s'adresser  en  premier  lieu  à  l'affection  générale 
On  applique  localement  dans  le  premier  stade  des  compresses  d'eau 
glacée  ''I  des  instillations  de  solutions  antiseptiques  non  irritantes. 
Déjà  deGraefe  déconseillait  l'emploi  des  astringents,  surtout  de  nitrate 
d'argent,  dans  la  diphthérie  de  la  conjonctive  qui  fait  plus  de  mal  que 
de  bien,  et  qu'on  ne  doit  employer  qu'après  l'élimination  des  eschares. 

Les  troubles  oculaires  survenant  dans  la  convalescence  de  la  diphthé- 
rie (localisée  dans  d'autres  parties  du  corps,  surtoul  dans  le  pharynx  . 
sont  bien  plus  Fréquents  que  les  affections  locales  du  globe  dont  nous 
venons  de  parler. 

La  paralysie  du  musc/e  de  l'accommodation  qui  se  montre  dans  là 
convalescence  a  été  considérée  par  des  anciens  auteurs  comme  amblyo- 
pie,  jusqu'au  moment  où  Donders  a  démontré,  que  l'emploi  de  verres 
convexes  suffit  pour  faire  disparaître  cette  amblyopie. 

On  a,  en  outre,  observé  deY astigmatisme  souvent  après  la  diphthérie, 
astigmatisme  dû  également  à  la  paralysie  du  muscle  de  l'accommoda- 
tion et  se  présentant  seulement  dans  les  cas  où  la  contraction  partielle 
de  ce  muscle  avait  produit  un  astigmatisme  de  la  lentille  qui  corri- 
geait l'astigmatisme  cornéen. 

L'emploi  de  verres  cylindriques  fait  disparaître  ces  troubles  ocu- 
laires, qui  d'ailleurs  ne  sont  pas  persistants. 

La  paralysie  de  l'accommodation  se  présente  ordinairement  quatre  à 
six  semaines  après  le  commencement  de  l'affection  diphthérique  (rare- 
ment plus  tôt,  après  une  semaine  dans  un  cas  de  Remak).  La  paraly- 
sie se  développe  ordinairement  très  vite;  dans  un  cas  de  Schweitzer, 
pendant  que  le  malade  lisait. 

Elle  attaque  les  deux  yeux  à  la  fois  et  peut  durer  des  semaines  ou 
des  mois.  Cette  paralysie  peut  arriver  aussi  bien  à  la  suite  des  cas  gra- 
ves que  des  cas  légers. 

Dans  un  cas  que  j'ai  observé  chez  une  jeune  fille  de  vingt  ans,  l'an- 
gine diphthérique  fut  tellement  légère  que  le  médecin  l'avait  traitée 
comme  une  angine  simple.  Ce  n'était  que  le  trouble  de  l'accommo- 
dation et  la  paralysie  du  voile  du  palais  qui  montraient  plus  tard 
qu'elle  était  de  nature  diphthérique. 

Scheby-Buch  a  démontré  comme  symptôme  caractéristique  de  la 
paralysie  de  l'accommodation  qu'elle  ne  donne  pas  lieu  à  l'avancement 
de  la  partie  centrale  de  l'iris  qui  accompagne  dans  l'œil  normal  la 
contraction  pupillaire  pendant  l'accommodation. 

La  paralysie  de  l'accommodation  est  une  des  paralysies  des  plus  fré- 
quentes causées  par  la  diphthérie;  il  n'y  a  que  celle  des  muscles  du  pa- 
lais, qui  snit  plus  fréquente.  La  paralysie  de  l'accommodation  n'est 
jamais  accompagnée  de  mydriase. 


31+  PARTIE   SPÉCIALE. 

Jacobson  a  décrit  dans  une  série  de  cas  de  diphthérie  le  phénomène 
curieux  de  Y  augmentation  du  degré  de  V  hypermétropie.  C'est  ainsi  qu'il 
atrouvé  des  hypermétropies  de  1/11,  1/13,  1/18  lis  yeux  étant  atro- 
pinisés),  qui  après  guérison  étaient  seulement  de  1   iO,  I  50,  1/00. 

On  a  observé,  en  dehors  des  troubles  visuels  dont  nous  venons  de 
parler  et  qui  sont  facilement  corrigés  par  l'emploi  de  verres  convexes, 
quelques  cas  de  diminution  passagère  de  l'acuité  visuelle  survenant 
dans  la  convalescence  de  la  diphthérie.  L'ophtalmoscope  dans  ces  cas 
ne  montrait  rien  d'anormal,  l'emploi  de  verres  corrigeants  n'a  pas 
amélioré  la  situation,  llerscbel,  IVagel,  Voelckers  ont  décrit  des  cas 
semblables.  11  s'agit  peut-èlre  ici  d'une  amblyopie  de  nature  toxique 
occasionnée  par  les  toxines  diphthériques.  Ces  cas  ne  sont  pas  encore 
assez  étudiés.  On  n'a  jamais  observé  de  névrite  optique  à  la  suite  de 
diphthérie,  qu'on  observe  à  la  suite  d'autres  maladies  infectieuses. 

La  paralysie  diphlhérique  <!>•*  muscles  extrinsèques  de  Vœil  est  bien 
plus  l'arc  que  la  paralysie  du  muscle  de  l'accommodation.  Les  para- 
lysies se  montrent  subitement  et  disparaissent  aussi  vite.  On  a  vu  la 
paralysie  sauter  d'un  muscle  à  l'autre.  C'est  le  plus  souvent  le  muscle 
droit  externe  qui  se  trouve  paralysé.  On  a  aussi  observé  la  paralysie 
de  la  convergence  (Scheby-Bucb),  et  la  paralysie  du  releveur  de  la 
paupière  supérieure. 

Kwetzky  et  UhthofT  ont  publié  des  cas  de  paralysie  de  tous  les  mus- 
clesextrinsèques  de  l'œil  à  la  suite  de  diphthérie  qui  durait  quatre  semai- 
nes dans  le  cas  d'Ewetzky,  six  dans  celui  d'Uhthoff.  Dans  ce  dernier 
casToplithalmoplégie  extérieures'est  développée  quatre  semainesaprès 
la  paralysie  de  l'accommodation.  Ce  cas  présenta  en  même  temps  de  la 
faiblesse  moLrice  des  jambes  et  le  défaut  du  réflexe  rotulien. 

Le  traitement  de  ces  paralysies  consiste  dans  l'application  du  cou- 
rant galvanique.  On  emploie  contre  laparalysie  del'accommodationdes 
collyres  à  l'ésérine  et  des  verres  convexes.  11  faut  en  même  temps  ap- 
pliquer un  traitement  général  fortifiant. 

Les  recherches  anatomo-palbologiques  ont  démontré,  comme  on  le 
sait,  que  la  paralysie  dans  la  diphthérie  est  occasionnée  par  dilférents 
processus.  Charcol  et  Vulpian  ont  trouvé  des  altérations  dans  les  orga- 
nes terminaux  des  nerfs  périphériques;  Déjérine  a  observé  de  la  né- 
vrite interstitielle  et  parenchymateuse  dans  quelques  parties  du  sys- 
tème  Qorveux  central.  Mendel  a  constaté  dans  un  cas  d'ophthalmoplé- 
gie  externe  double  des  hémorrhagies  capillaires  dans  l'organe  nerveux 
central,  qu'il  croit  occasionnées  par  des  embolies.  Il  parait,  dit 
Mendel,  «  que  le  poison  diphlhérique  attaque  en  même  temps  les  parois 
vasculaires  et  la  substance  nerveuse».  Les  troubles  de  l'accommodation 
ainsi  que  les  paralysies  oculaires  passagères  sont  probablement  occa- 
sionnés par  une  névrite  périphérique  toxique,  tandis qtte  l'ophthalmo- 
plégie  externe  est  probablement  la  suite  des  lésions  nucléaires. 


OREILLONS.  315 


9.    COQUELUCHE. 


Nous  avons  déjà  mentionné  qu'on  observe  quelquefois  dans  la  co- 
queluche  des  hémorrhagies  de  la  conjonctive  et  de  la  rétine  causées 
par  l'augmentation  de  la  tension   intravasculaire  pendant   la  toux. 

Les  troubles  oculaires  survenant  à  la  suite  de  cette  maladie  sont  très 
rares.  Knapp,  Alexandre  et  Jacoby  ont  observé  des  cas  de  cécité  sur- 
venant à  la  suite  delà  coqueluche. 

Dans  un  des  deux  cas  observés  par  Alexandre  la  cécité  arrivait  chez 
un  garçon  de  trois  ans,  qui  présentait  également  des  symptômes  céré- 
braux. La  réaction  de  la  pupille  à  la  lumière  était  intacte.  L'enfant 
mourait  après  quinze  jours.  Aucun  examen  anatomo-pathologique  n'a 
a  été  fait  dans  ce  dernier  cas.  Dans  le  second  cas  d'Alexandre  l'acuité 
visuelle  diminuait  peu  à  peu  jusqu'à  l'abolition  complète.  Pas  de 
rcaclion  pupillaire.  Huit  jours  après,  une  amélioration  s'établit  et  l'a- 
cuité visuelle  montait  jusqu'à  1/100.  L'ophthalmoscope  ne  montrait 
dans  le  premier  cas  rien  d'anormal,  dans  le  second,  on  constatait  une 
névrite  optique.  Pour  expliquer  le  premier  cas,  Alexandre  suppose  un 
œdème  cérébral  occupant  le  tissu  nerveux  situé  entre  les  tubercules 
quadrijumeaux  et  le  quatrième  ventricule;  explication  à  notre  avis 
plus  que  douteuse. 

Il  explique  le  second  cas  par  une  méningite  suivie  de  névrite  des- 
cendante; nous  croyons  pourtant  plus  simple  de  pensera  une  ana- 
logie des  cas  de  névrite  toxique  semblable  à  celle  que  l'on  rencontre 
dans  d'autres  maladies  infectieuses. 

10.     OREILLONS. 

Le  peu  d'importance  qu'on  accorde  ordinairement  à  cette  affection, 
explique  peut-être  qu'en  présence  des  troubles  oculaires,  on  ne  se  de- 
mande pas  s'ils  pourraient  être  causés  par  les  oreillons.  Nous  ne  trou- 
vons que  deux  cas  de  troubles  oculaires  survenant  à  la  suite  des 
oreillons,  décrits  chez  des  auteurs.  Dans  un  cas  décrit  par  Baas  il  s'agit 
de  paralysie  de  l'accommodation  à  la  suite  des  oreillons.  Ces  cas  seraient 
peut-être  moins  rares  si  l'attention  était  attirée  un  peu  plus  souvent 
sur  les  oreillons  quand  on  se  trouve  en  présence  de  paralysie  de 
l'accommodation. 

Hirschberg  décrit  un  cas  de  Mumps  (oreillons),  relatif  à  la  glande 
lacrymale;  mais  sa  nature  ourlienne  n'était  pas  prouvée,  les  paro- 
tides restant  saines.  Cependant  plusieurs  observations  récemment 
publiées,  où  une  inflammation  de  la  glande  lacrymale  a  été  accompa- 
gnée de  parotidite  ourlienne,  prouvent  la  nature  ourlienne  de  quelques 
cas  de  dacryoadénite  aiguë. 


I 


316  PARTIE  SPÉCIALE. 

Falion  a  constaté  chez  un  jeune  soldat  des  trouble*  de  la  vue  con- 
sécutifs aux  oreillons.  Le  malade  était  atteint  d'une  orchite  ourlienne, 
suivie  de  cécité  presque  complète  de  l'œil  droit.  A  l'ophtbalmoscope, 
névrite  optique;  maux  de  tête,  nausées  et  du  coryza  avaient  accompa- 
gne le  développement  de  la  névrite  optique  ;  des  attaques  convulsives 
suivirent.  L'affection  du  nerf  optique  se  termina  dans  ce  cas  parla 
perte  de  la  vision  de  l'œil  atteint.  L'auteur  admet  que  la  névrite 
optique  serait  la  conséquence  des  troubles  cérébraux.  Cette  explica- 
tion est  invraisemblable.  Probablement  cette  névrite  optique  était 
due  à  la  propagation  de  l'affection  nasale  aux  sinus  (voir  p.  L92  . 

11.    PNEUMONIE    LOHAIKE. 

On  a  plusieurs  fois  observé  des  paralysies  des  divers  muscles  à  la 
suite  de  la  pneumonie.  Ces  paralysies  peuvent  aussi  frapper  des  mus- 
cles oculaires;  c'est  ainsi  que  Scheby-Buch  a  observé  plusieurs  cas 
de  paralysie  de  V accommodation  à  la  suite  de  celte  affection,  (lubler  dé- 
crit des  cas  de  parai  i/sie  de  t'oculomoteur  commun  à  la  suite  de  la  pneu- 
monie (Observ.  III,  IV). 

Dans  quelques  cas  rares  on  a  observé  Yamblyopie  à  la  suite  de  pneu- 
monie (Gubler,  Siebel  père,  Seidel).  L'amblyopie  est  quelquefois  ac- 
compagnée de  ebromatopsie.  On  a  aussi  constaté  l'amaurose  passagère 
à  la  suite  de  la  pneumonie.  Rabbinowicz  donne  la  description  d'un  tel 
cas  d'amaurose  survenant  brusquement  pendant  la  convalescence  d'une 
pneumonie  lobaire.  La  guérison  est  arrivée  promptenicnt,  selon  lui  à 
la  suite  d'une  émission  sanguine.  Dans  les  cas  où  on  a  fait  l'examen 
opbtbalmoscopique  on  a  trouvé  des  symptômes  indiquant  la  présence 
de  névrite  rétrobulbaire,  qui  peut  être  expliquée,  soit  par  l'action 
des  toxines  de  la  pneumonie,  soit  par  l'intermédiaire  des  cavités 
voisines  du  nez  de  la  manière  que  nous  avons  déjà  mentionnée 
voir  p.  192). 

12.    INFLUENZA. 

L'avant-dernière  épidémie  (1889-901  a  permis  d'étudier  à  fond  les 
troubles  oculaires  survenant  pendant  ou  à  la  suite  de  celle  maladie. 

Déjà  tout  au  début  on  trouve  une  conjonctivite  très  forte  qui  prend 
son  origine  dans  le  catarrhe  nasal.  On  trouve  en  outre  quelquefois  des 
petites  kémorrkagies  dans  la  conjonctive.  On  note  comme  un  des  sym- 
ptômes caractéristiques  de  l'influenza  des  douleurs  localisées  dans  la 
profondeur  de  l'orbite,  qui  quelquefois  diminuent  quand  les  paupières 
sont  fennecs  et  augmentent  sous  l'influence  de  la  lumière  ou  d'un 
travail,  demandant  un  effort  d'ensemble  de  plusieurs  muscles  à  la 
fois.  Nous  avons  déjà  dit  que  ces  phénomènes  sont  probablement  dus 
à  l'irritation  du  trijumeau  occasionnée  par  l'affection  de  la  muqueuse 


INFLUENZA. 


317 


du  nez  et  de  ses  cavités  voisines  (voir  p.  193);  On  observe  en  outre 
souvent  dans  l'influenza  un  œdème  léger  des  paupières. 

Pendant  le  cours  de  la  maladie  on  observe  en  quelques  cas  la  kéra- 
tite dendri tique,  affection  décrite  par  Hansen-Grut  et  Lmmerl.  lille  est 
dénature  herpétique.  Eversbuscb  propose  pour  cette  affection  le  nom 
de  berpes  febrilis  corneae.  Cette  affection  était  accompagnée  dans 
plusieurs  cas  de  névralgie  sus-orbitaire  ou  ciliaire  et  d'éruptions  de 
vésicules  d'herpès  aux  paupières. 

On  a  pu  en  outre  observer  dans  la  cornée  des  pertes  de  substance 
en  forme  semi-lunaire  ou  sous  l'aspect  clinique  d'ulcère  simple  de  la 
cornée. 


Fig.  33.  —  Kératite  dendritique  exulcérante  (d'après  une  esquisse  d'Emuiert). 


Dans  la  convalescence  on  a  observé  :  la  persistance  de  la  névralgie 
du  trijumeau  et  de  la  névralgie  ciliaire.  On  constata  plusieurs  fois 
l'existence  d'une  kératite  jioimillêe  superficielle  (keratitis  punctata  su- 
perficialis),  ainsi  par  exemple  dans  le  cas  de  Rosenzweig,  où  elle  est 
survenue  trois  jours  après  la  fin  de  l'attaque  d'influenza.  Nous  avons 
observé  dans  quelques  cas  la  kératite  phlycténulaire  et  l'épisclérite 
qui  se  sont  également  développées  dans  la  convalescence  de  l'intluenza. 

Le  muscle  de  l'accommoda/ ion  peut  êlre  atteint  de  parésie  à  lasuite  de 
l'influenza.  Cette  parésie  qu'on  observe  assez  souvent,  se  guérit  vite 
et  sa  présence  doit  souvent  échapper  à  l'examen  clinique.  La  paralysie 
du  muscle  de  l'accommodation  au  contraire  est  rare.  Sattler,  sur  un 
matériel  assez  nombreux  d'affections  oculaires  survenant  à  la  suite  de 
l'intluenza,  l'a  observée  dans  un  seul  cas. 

Les  muscles  extrinsèques  de  l'œil  sont  rarement  atteints  à  la  suite 
do  l'influenza.  Sattler  décrit  deux  cas  de  paralysie  de  l'oculomoteur 
externe,  mais  il  n'ose  pas  affirmer  qu'elle  est  en  effet  occasionnée  par 
l'influenza,  qui  la  précédait.  Alt  observait  de  l'insuffisance  des  droits 
internes.  Schirmer  décrit  un  cas  d'ophthalmoplégie  totale  unilaté- 
rale. Nous  avons  déjà  donné  la  description  des  paralysies  nucléaires 
des  muscles  de  l'œil  survenant  à  la  suite  de  l'influenza  (voir  p.  99). 


4k* 


IL  H- S.  ' 

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On  a  observé  dans  toute  une  série  de  cas  d'influenza  une  alîection 
du  nerf  optique,  qui  se  manifeste  ordinairement  quelque  temps  après 
le  commencement  de  la  maladie  (dans  un  cas  de  Landsberg  après 
quinze  jours).  L'acuilé  visuelle  diminue  ainsi  que  l'étendue  du  champ 
visuel.  Ces  phénomènes  sont  accompagnés  de  sensations  subjectives 
de  lumière  et  de  douleurs  de  tête  très  violentes.  L'examen  ophlhal- 
moscopique  montra  bien  la  présence  de  névrite  optique  légère  ou 
bien  le  fond  de  l'œil  était  normal.  Des  cas  semblables  ont  été  décrits 
par  Eversbusch,  Uhthoff,  Fuchs,  Bergmeister,  Landsberg.  L'acuité 
visuelle  peut  diminuer  dans  de  tels  cas  jusqu'à  l'amaurose.  Dans  tous 
les  cas  d'amaurose,  excepté  un  cas  de  Bergmeister,  qui  finissait  par 
l'atrophie  du  nerf  optique,  la  vue  s'est  rétablie.  L'amaurose  dans  de 
tels  cas  est  sans  doute  causée  par  l'inflammation  du  périnèvre  du  nerf 
optique  en  dedans  du  canal  optique,  comme  le  prouve  la  marche  de 
l'affection  qui  commence  par  le  rétrécissement  périphérique  du  champ 
visuel  et  la  sensation  de  douleurs  survenant  par  la  pression  du  globe 
oculaire  en  arrière  (voir  p.  187).  Le  traitement  consiste  dans  l'emploi 
d'injections  hypodermiques  de  pilocarpine,  dans  l'administration  in- 
terne de  l'iodure  de  potassium  (on  préfère  à  présent  l'iodure  de  so- 
dium) et  plus  tard  d'injections  hypodermiques  de  strychnine. 

On  a  observé  en  outre  des  cas  d'amaurose  subite  à  la  suite  d'in- 
(luenza  dont  la  pathogénie  probablement  n'est  pas  identique  à  l'affec- 
tion du  nerf  optique  dont  nous  venons  de  parler.  Sedan,  par  exemple, 
décrit  un  cas  de  cécité  qui  durait  deux  jours,  et  qui  hors  doute  n'a- 
vait rien  à  faire  avec  l'épistaxis  qui  la  devançait.  Ces  amauroses 
passagères  ainsi  que  les  paralysies  des  muscles  extrinsèques  de  l'œil 
et  du  muscle  de  l'accommodation  sont  probablement  des  manifestation- 
toxiques  dues  aux  ptomaïnes  de  l'influenza. 

On  peut  considérer  les  cas  d'affection  du  nerf  optique  se  manifes- 
tant par  un  scotome  central  comme  le  type  de  ces  paralysies  toxiques 
à  la  suite  de  l'influenza.  Voici  plusieurs  exemples  de  tels  cas.  Lands- 
berg observa  un  cas  de  scotome  central,  qui  s'éclairait  peu  à  peu. 
Dans  un  cas  de  Remak  le  scotome  central  pour  le  blanc  et  les  cou- 
leurs se  développa  déjà  quatre  jours  après  le  commencement  de  l'in- 
fluenza. Son  apparition  était  accompagnée  de  douleurs  de  tête  très 
violentes  et  de  crampes  de  membres.  Pas  de  rétrécissement  du  champ 
visuel.  Des  injections  de  strychnine  et  l'iodure  de  potassium  amé- 
lioraient l'acuité  visuelle.  Le  cas  d' hyperesthésie  du  nerf  optique,  ob- 
servé par  Carstens  à  la  suite  de  l'influenza,  n'est  pas  nécessairement 
occasionné  par  une  affection  de  ce  nerf,  mais  plutôt  la  conséquence 
d'une  affection  simultanée  du  nez  ou  de  ses  cavités  voisines  provo- 
quant une  irritation  du  trijumeau  (voir  p.  192). 

Le  tractus  uvéal  parait  rarement  attaqué  dans  l'influenza.  11.  Adler 
a  observé  un  cas  d'irilis  à  la  suite  de  cette  maladie.  Fuchs  .décrit  un 


ROUGEOLE.  319 

cas  d'hypopyon  'présence  de  pus  dans  la  chambre  antérieure)  et 
d'hyalite  purulente  accompagnée  de  ténonite  purulente.  Le  pus  ii- 
aissait  par  perforer  la  capsule  de  Tenon  en  avant.  Ou  a  pu  cultiver 
dans  ce  dernier  cas  le  pneumocoque  do  Fraenkei-Weichselbaum 
du  pus  contenu  dans  l'espace  du  Tenon. 

Dans  les  autres  cas  de  ténonite  observés  par  Puchs  à  la  suite  de 
l'inlluenza,  cette  affection    se  manifesta   sans  autres  complications. 

On  asouve.it  observé  le  développement  très  tardif  d'abcès  des  pau- 
pières dans  la  convalescence  de  l'influenza,  ils  se  manifestèrent  quel- 
quefois quelques  semaines  après  la  (in  de  l'inlluenza  (Landolt, 
Hirschenberger).  Landolt  attire  l'attention  sur  la  profondeur  de  ces 
abcès  dans  le  tissu  et  sur  leur  siège,  qui  de  préférence  est  à  la  pau- 
pière supérieure.  11  s'agit  ici  selon  nous  d'abcès  ayant  pris  leur 
origine  dans  les  sinus,  surtout  le  sinus  frontal  (voir  p.  175). 

L'œdème  des  paupières  est  aussi  très  fréquent  dans  la  convalescence 
de  l'influenza.  Dans  quelques  cas  il  était  compliqué  d'inflammation  de 
la  glande  lac  y  maie. 

Ou  a  constaté  en  plusieurs  cas  le  développement  de  glaucome  à  la 
suite  de  l'influenza  (H.  Adler,  Sattler).  Ce  dernier  auteur  a  en  outre 
observé  le  développement  du  glaucome  pendant  l'influenza  chez  des 
personnes  Agées  chez  qui  l'action  du  cœur  était  faible;  il  est  probable 
que  cette  faiblesse  du  cœur  est  la  cause  directe  du  glaucome. 

13.   ROUGEOLE. 

On  sait  que  le  catarrhe c on jo activai  est  un  des  symptômes  les  plus 
constants  de  la  rougeole.  Il  existe  déjà  dans  la  période  prodromale  et 
son  intensité  augmente  avec  l'apparition  de  l'exanthème  de  la  peau. 
L'affection  conjonctivale  atteint  sa  plus  grande  intensité  le  second 
jour  de  la  période  d'éruplion.  Le  gonflement  de  la  conjonctive  est 
surtout  très  prononcé  dans  la  partie  palpébrale  ;  la  sécrétion  est  très 
abondante  ;  la  conjonctive  bulbaire  est  également  toujours  atteinte, 
quoique  moins  fortement.  Les  malades  se  plaignent  d'un  sentiment 
de  pression  dans  l'œil  et  de  photophobie.  Le  catarrhe  conjonctival  est 
si  constant  au  début  de  la  rougeole  qu'il  nous  sert  dans  des  cas  dou- 
teux comme  moyen  de  diagnostic  différentiel  entre  la  rougeole  et  la 
variole. 

Le  catarrhe  conjonctival  s'améliore  ou  disparaît  ordinairement  vers 
la  fin  de  la  période  d'état.  Pourtant  ce  catarrhe  peut  se  compliquer 
d'une  affection  diphlhérique. 

On  observe  dans  des  cas  rares  des  détachements  partiels  d'épithé- 
liwn  cornéen  ainsi  que  la  formation  de  ph/yctènes.  Les  ulcères  de  la 
cornée  ou  la  kérato-malacie  qui  se  forme  toujours  dans  la  période 
d'état  sont  également  extrêmement  rares. 


320  PARTIE    SPECIALE. 

Les  afFeclions  oculaires  sont  d'ailleurs  plus  fréquentes  dans  la  con- 
valescence de  la  rougeole  que  pendant  cette  maladie.  On  a  observé 
à  la  suite  de  la  rougeole  :  des  kératites  phlyctéoulaire  et  vasculaire, 
d>^  conjonctivites  diphthérique  et  croupale,  enlin  la  blépharite  eczéma- 
teuse. Très  souvent  ces  affections  oculaires  ne  sont  que  des  manifesta- 
lions  locales  de  la  scrofule  qui  se  développe  à  la  suite  de  la  rougeole. 

On  a  quelquefois  observé  le  développement  de  Vamaurose  à  la  suite 
de  la  rougeole.  De  Graefe  décrit  un  cas,  où  le  malade  devenait  aveugle 
des  deux  yeux  dans  l'espace  de  quatre  jours  pendant  la  convalescence. 
La  cécité  ne  disparaissait  qu'après  huit  semaines.  L'examen  ophthal- 
moscopique  montrait  un  trouble  léger  de  la  papille  et  de  son  pourtour. 
Nagel  décrit  le  cas  d'un  garçon  de  huit  ans,  qui  est  devenu  aveugle 
à  la  suite  de  la  rougeole.  Il  était  en  état  somnolent  et  était  atteint  des 
convulsions.  Les  pupilles  étaient  dilatées,  et  réagissaient  à  la  lumière. 
Des  injections  de  strychnine  ont  amélioré  l'acuité  visuelle  après  un 
délai  de  trois  ou  quatre  semaines.  Nagel  mentionne  en  outre  deux 
autres  cas  d'amaurose  double  après  la  rougeole,  dont  un  présentait  à 
l'ophthalmoscope  les  symptômes  de  la  névrite  optique.  L'épidémie  de 
rougeole  dans  laquelle  Nagel  observait  ces  trois  cas  d'amaurose  était 
remarquable  par  la  fréquence  des  cas  de  méningite. 

Keller  observait  un  cas  de  névrite  optique  double  et  de  paralysie  de 
loculomoteuv  externe  compliquées  d'otite  moyenne  suppurative 
(voir  p.  157). 

Jacobson  ne  pense  pas  que  les  cas  de  névrite  optique  s'expliquent 
parla  présence  de  méningite,  puisqu'ils  finissent  par  guérir.  Il  nous 
paraît  probable  que  les  amauroses  survenant  à  la  suite  de  rougeole 
sont  dues  à  différentes  causes  :  les  amauroses  suivies  de  somno- 
lence, de  dilatation  de  la  pupille  et  de  convulsions  sans  altérations 
du  fond  de  l'œil  sont  de  nature  urémique  (1),  tandis  que  l'affection  du 
nerf  optique  se  manifestant  par  une  papillite  légère  et  peut-être  aussi 
la  paralysie  du  muscle  droit  externe  observée  dans  le  cas  de  Keller 
sont  occasionnées  par  une  névrite  périphérique  de  nature  toxique 
(toxines  de  la  rougeole). 

11.    FIÈVRE    TYPHOÏDE. 

On  a  observé  des  troubles  oculaires  aussi  bien  pendant  qu'après  la 
fièvre  typhoïde.  Des  amauroses  transitoires  se  développent  quelquefois 
pendant  cette  maladie.  Voici  plusieurs  exemples  de  cette  amaurose 
cités  par  divers  auteurs  :  Eberth  a  observé  un  cas  de  cécité, 
arrivant  au  quinzième  jour  de  la  maladie  ;  l'amaurose  était  précédée 
d  épistaxis  et  durait  pendant  quarante  heures.    Henoch  a   décrit  un 

(1)  On  sait  qu'il  y  a  des  cas  de  rougeole  compliquée  de  néphrite. 


FIÈVRE    TYPHOÏDE.  321 

autre  cas  de  cécité  accompagné  do  plosisqui  se  manifesta  au  quinzième 
jour  et  dura  pendant  quatre  jours.  Il  n'y  avait  ni  albuminurie  ni 
épislaxis.  Dans  un  cas  de  Tolmalschew,  i'amaurose  se  développa  dans 
la  quatrième  semaine  de  la  fièvre  typhoïde  et  disparut  quelques  jours 
après. 

Dans  un  cas  de  Fremineau  les  troubles  oculaires  se  présentaient  en 
forme  d'hémianopsie,  ils  se  manifestaient  déjà  au  troisième  jour  de  la 
maladie,  cinq  jours  après  il  se  déclara  I'amaurose  de  l'œil  gauche, 
qu'on  a  pu  constater  même  deux  mois  après.  La  pupille  de  cet  œil 
était  immobile  à  la  lumière.  Le  malade  guérit  à  la  suite  d'injections 
de  strychnine. 

Il  n'est  pour  le  moment  pas  possible  d'expliquer  l'hémianopsie  dans 
ce  dernier  cas;  elle  est  peut-être  causée  par  une  affection  (hémorrha- 
gie)  d'une  bandelette  optique.  L'amaurose  transitoire  sans  albumi- 
nurie simultanée  ne  peut  pas  être  expliquée  par  une  hémorrhagie 
cérébrale,  car  la  combinaison  de  ptosis  avec  I'amaurose  parle  juste- 
ment contre  la  supposition  d'un  processus  (hémorrhagie)  circonscrit 
à  la  base  du  crâne,  admis  auparavant  à  tort  par  quelques  auteurs  an- 
ciens. Ces  amauroses  transitoires  sont  à  notre  avis  probablement 
de  nature  toxique  et  dues  à  l'influence  des  toxines  sur  le  nerf 
optique. 

Les  cas  de  névrite  rétro-bulbaire  observés  dans  la  fièvre  typhoïde  et 
finissant  par  l'atrophie  du  nerf  optique  demandent  probablement 
une  autre  explication.  Carron  de  Villards  a  déjà  observé  que  l'épidé- 
mie de  fièvre  typhoïde  en  1817  occasionnait  une  série  d'amauroses 
persistantes.  Bouchut  a  observé  deux  cas  de  cécité  complète  égale- 
ment persistante  après  la  fièvre  typhoïde.  Dans  le  premier  cas  le  fond 
de  l'œil  était  normal,  dans  le  second  on  a  pu  constater  l'atrophie  du 
nerf  optique.  Benedikt  a  observé  l'atrophie  du  nerf  optique  de  l'œil 
droit  chez  un  malade  atteint  d'hémiplégie  gauche.  L'existence  simul- 
tanée de  ces  deux  affections  est  évidemment  fortuite,  puisque  aucune 
lésion  cérébrale  localisée  ne  pouvait  les  expliquer.  Mooren  aussi  a  décrit 
des  cas  d'atrophie  du  nerf  optique  survenant  après  la  fièvre  typhoïde. 
Seale  aobssrvé  un  cas  d'amblyopië  dans  la  convalescence  de  la  fièvre 
typhoïde,  elle  aboutissait  après  quelques  semaines  à  une  atrophie  to- 
tale du  nerf  optique.  Il  n'est  pas  possible  d'expliquer  cette  atrophie 
par  l'adynamie  comme  Ta  fait  Arlt  pas  plus  qu'en  supposant  une 
méningite  intercurrente,  qui  attaquerait  justement  le  nerf  optique 
sans  occasionner  d'autres  paralysies.  Nothnagel  supposait  une  com- 
pression successive  des  nerfs  par  du  tissu  cicatriciel  de  nouvelle  for- 
mation. Nous  pensons  qu'il  s'agit  ici  d'une  affection  du  nerf  dans  son 
canal.  Puisque  les  cavités  voisines  du  nez  sont  souvent  ou  presque 
toujours  (Weichselbaum)  atteintes  dans  la  fièvre  typhoïde,  alors  la 
maladie  pourrait  facilement  se  propager  à  travers  des  déhiscences  de 

21 


322  PARTIE   SPÉCIALE. 

la  paroi  séparant  le  canal  optique  du  sinus  sphénoïdal  vers  la  gaine 
optique.  La  supposition  que  les  toxines  de  la  fièvre  typhoïde  peuvent 
occasionner  non  seulement  une  amblyopie  passagère,  mais  aussi  des 
altérations  anatomopathologiques  persistantes,  est  difficile  à  soutenir; 
cette  hypothèse  n'explique  pas  l'atrophie  unilatérale  du  nerf  optique 
observée  dans  le  cas  de  Benedikl. 

On  a  quelquefois  observé  des  abcès  cornéens  dans  la  convalescence 
de  là  fièvre  tvphoïde  (Saemisch,  Foerster,  H.  Adler).  Des  altérations 
inflammatoires  dans  le  trartus  uvéat  à  la  suite  de  la  fièvre  typhoïde 
sont  également  très  rares,  tandisqu'elles  sont  assez  fréquentes  dans  la 
fièvre  récurrente.  Holtz  a  observé  un  cas  de  chomïdile  présentant  de 
grandes  plaques  exsudalives  blanches  dans  la  choroïde  et  des  opacités 
dans  le  corps  vitré  accompagnées  d'iritis  et  de  descemétite;  l'acuité 
visuelle  s'est  améliorée  dans  ce  cas  après  des  injections  hypodermi- 
ques de  pilocarpine.  L'affection  a  fini  par  une  atrophie  partielle  de  la 
choroïde  aux  endroits  où  on  avait  observé  les  plaques. 

A  la  suite  de  la  fièvre  typhoïde  en  quelques  cas  graves  la  paralysie 
de  l'accommodation,  et  la  mydriase  ont  été  observées.  Jacobson  suppose 
que  la  paralysie  de  l'accomodation  serait  due  à  la  présence  d'une 
méningite  basilaire  circonscrite.  La  parésie  du  muscle  de  l'accommo- 
dation est  d'ailleurs  beaucoup  plus  fréquente  dans  la  convalescence 
de  la  fièvre  typhoïde  que  la  paralysie  du  dit  muscle. 

On  n'a  observé  que  rarement  des  parafy<ins  des  muscles  extrinsèques 
de  l'œil  survenant  pendant,  et  surtout  à  la  fin  de  la  fièvre  typhoïde» 
Henoch  décrit  un  cas  de  ptosis  double  avec  paralysie  de  l'oculomo- 
teur  externe  et  aphasie  chez  une  enfant  de  onze  ans.  La  paralysie 
s'est  montrée  dans  la  troisième  semaine.  J'ai  observé  moi-même  un 
cas  de  ptosis  survenue  aussi  dans  la  troisième  semaine  dans  un  cas 
grave  de  fièvre  typhoïde.  Elle  est  survenue  deux  jours  avant  la  mort, 
occasionnée  par  une  hémorrhagie  intestinale. 

15.    FIÈVRE    RÉHUHKKXTE. 

On  observe  quelquefois  déjà  au  début  de  la  convalescence  de  cette 
maladie,  et  quelquefois  plus  tard,  une,  deux,  même  huit  semaines 
après  la  crise,  des  altérations  inflammatoires  dans  le  traclus  uvéal. 
C'est  souvent  la  partie  antérieure  de  l'uvéa  qui  en  est  atteinte.  On 
trouve  dans  de  tels  cas  :  l'injection  épisclérale,  l'œil  est  sensible  à  la 
pression,  surtout  dans  sa  partie  supero-interne,  l'humeur  aqueuse 
devient  trouble,  il  se  forme  des  précipitations  à  la  paroi  postérieure 
de  la  cornée,  hypôpyon,  des  synéchies  postérieures,  décoloration  de 
l'iris  et  la  diminution  de  la  tension  intraoculaire  (hypotonie). 

Dans  d'autres  cas,  le  corps  ciliaire  est  également  affecté.  Logetschni- 
kow  admet  même   une  forme  particulière  de  l'affection   du   traclus 


FIÈVRE    RÉCURRENTE.  323 

livrai  survenant  à  la  suite  delà  fièvre  réi  ■urriMile,  forme  dans  laquelle 
le  corps  ciliaire  serait  atteint. 

Dans  quelques  cas  cependant  c'est  surtout  la  choroïde  dans  laquelle 
des  altérations  survenant  à  la  suite  de  la  Qèvre  à  rechute  se  sont 
développées.  Cette  affection  oculaire  se  manifeste  au  début  par  le 
développement  d'opacités  dans  le  corps  vitré,  causant  des  troubles 
vi-uels. 

Les  symptômes  de  cette  affection  du  tractus  uvcal  commencent  à 
rétrograder  au  bout  de  quelques  semaines,  rarement  il  reste  des  opa- 
cités du  corps  vitre.  On  a  vu  cependant,  par  exception,  dans  de  tels 
cas  la  formation  de  décollement  de  la  rétine,  finissant  par  l'atrophie  du 
globe  oculaire  (Blessig).  L'affection  du  tractus  uvéal  peut  en  outre 
causer  des  opacités  cristalliniennes.  C'est  ainsi  qu'on  a  observé  le  déve- 
loppement de  cataracte  polaire  postérieure  (opacité  des  parties  cen- 
trales des  couches  corticales)  à  la  suite  de  la  fièvre  récurrente.  La 
cataracte  finit  par  envahir  tout  le  cristallin  (Jacobson,  loc.cit.,  p.  106). 
On  a  aussi  observé  comme  issue  terminale  d'affections  oculaires  à  la 
suite  de  la  fièvre  récurrente,  l'occlusion  de  la  pupille  et  des  altérations 
de  la  partie  périphérique  de  la  choroïde. 

Les  hommes  sont  bien  plus  disposés  que  les  femmes  à  ces  affections 
oculaires;  ce  sont  surtout  les  personnes  entre  vingt  et  trente  ans  qui 
sont  attaquées;  les  affections  oculaires  sont  plus  fréquentes  dans  les 
épidémies  graves  que  dans  les  épidémies  légères.  C'est  ainsi  qu'elles 
étaient  bien  plus  fréquentes  dans  l'épidémie  observée  par  Mackenzie 
en  1843,  dont  la  mortalité  était  de  2,5  p.  100,  que  dans  celle  observée 
par  Esllander  en  Finlande,  où  la  mortalité  n'était  que  de  1,36  p.  100. 
En  effet,  dans  la  seconde  épidémie  de  fièvre  récurrente,  finlandaise, 
d'une  mortalité  de  8,4  p.  100,  la  fréquence  des  affections  oculaires 
était  plus  considérable.  Les  observations  nombreuses  d'affections  ocu- 
laires à  la  suite  de  la  fièvre  à  rechute,  mentionnées  par  Blessig  et 
Peltzer,  paraissent  aussi  avoir  été  faites  pendant  des  épidémies 
graves. 

En  ce  qui  concerne  la  thérapie  de  l'affection  du  tractus  uvéal,  il  faut 
empêcher  la  formation  de  synéchies  postérieures  de  l'iris,  en  instillant 
de  l'atropine  dans  le  sac  conjonctival  ;  pour  favoriser  la  résorption 
des  produits  inflammatoires,  il  faut  faire  des  injections  hypodermi- 
ques de  pilocarpine. 

On  a  en  outre  observé  de  la  parésie  du  muscle  de  t  accommodation 
dans  la  convalescence  de  la  fièvre  récurrente,  sans  que  le  sphincter  fut 
atteint.  Logetschnikow  a  observé  ce  phénomène  eu  cinq  cas.  Jacobson 
suppose  que  cette  parésie  du  muscle  de  l'accommodation,  s'explique 
probablement  par  des  altérations  inflammatoires  dans  le  corps  ciliaire, 
qui  ont  occasionné  des  changements  dans  l'élasticité  de  la  zone 
de  Zinn  et  du  muscle  de  l'accommodation.  Nous  pensons  qu'il  s'agit 


324  PARTIE  SPÉCIALE. 

ici,  comme  dans  de?  cas  de  mydriase  unilatérale  passagère,  publiés 
par  Peltzer,  de  paralysies  périphériques  des  branches  intraoculaires 
de  l'oculomoteur  commun,  occasionnées  par  les  toxines  de  la  lièvre 
à  rechute. 

Wallace  et  Mackenzie  ont  relaté  des  cas  de  cécité  subite,  au  cours 
d'une  affection  inflammatoire  du  tractus  uvéal.  Mackenzie  dit  :  «  Le 
malade  perdit  la  vue  de  l'œil  affecté  instantanément  »,  et  il  pense  que 
ce  cas  rappelle  plutôt  une  amaurose  qu'une  ophlhalmite.  Dans  un  cas 
semblable  d'Estlander,  les  troubles  du  corps  vitré  était  si  minimes 
qu'on  pouvait  observer  les  contours  de  la  papille  avec  l'ophtlialmoscope, 
et  pourtant  il  existait  une  amblyopie  très  forte. 

Pour  expliquer  ce  l'ait,  Esllander  admet  l'existence  d'une  légère  affec- 
tion sympathique  de  la  rétine.  Foersler  a  vu  survenir,  chez  un  jeune 
homme,  une  amaurose  passagère  de  l'œil  droit,  qui  dura  plusieurs 
heures,  et  qui  était  apparue  le  deuxième  jour  du  second  accès  de  la 
fièvre  récurrente.  Après  la  disparition  de  l'amaurose.  L'acuité  visuelle 
resta  plus  faible  du  côté  qui  avait  été  atteint.  Il  est  à  remarquer  que. 
dans  ce  cas,  l'amaurose  apparut  entre  les  accès,  tandis  (pic  généra- 
lement les  trouhles  oculaires  se  manifestent  après  la  dernière  crise. 
A  lui  seul,  ce  fait  démontre  que  les  amauroses  passagères  qui  survien- 
nent dans  le  cours  de  la  fièvre  récurrente  sont  dues  à  d'autres  causes 
que  les  affections  du  tractus  uvéal  qui  compliquent  cette  maladie. 

10.   TYPHUS    EXANTnÉMATIQUF.. 

Il  est  assez  rare,  semhle-t-il,  d'ob-erver  des  troubles  oculaires  dans 
cette  maladie.  Dans  la  convalescence,  on  a  vu,  cependant,  apparaître 
de  la  névrite  rétro-bulbaire;  l'ophtlialmoscope  a  permis  de  constater 
des  symptômes  d'ischémie  des  vai.-seaux  rétiniens.  Exceptionnellement, 
la  lésion  du  nerf  optique  a  dégénéré  en  atrophie. 

17.    VARIOLE. 

Aucune  maladie  microbienne  ne  peut  occasionner  de  complications 
aussi  fâcheuses  pour  l'organe  de  la  vue  que  la  variole.  Avant  la  décou- 
verte de  la  vaccine  par  .lenner,  un  nombre  considérable  de  malades  ont 
perdu  la  vue  à  la  suite  de  la  variole.  D'après  Carron  de  Villards,  sur 
100  aveugles  35  devaient  leur  infirmité  à  cette  maladie.  En  France, 
où,  sans  être  obligatoire,  la  vaccination  est  d'un  usage  général,  Du- 
mont  estimait,  en  1856,  à  0  p.  100  la  proportion  des  aveugles  qui 
axaient  perdu  la  vue  à  la  suite  de  la  variole;  les  recherches  stalisti- 
ques  récentes  de  Magnus  oui  montré  que,  pour  tpute  l'Europe,  cette 
proportion  est  de  2  1/2  p.  100.  Ces  chiffres  prouvent  que  le  nombre 
■  I  !s  ras  de  cécité  chez  les  varioleux  va  en  diminuant  progressivement, 


VARIOLE.  328 

et  cet  heureux  résultat  doit  être  attribué  en  partie  à  la  vaccination,  en 
partir  aux  progrès  de  la  science  médicale. 

Comme  le  reste  de  la  face  surtout,  les  paupières  sont  un  des  en- 
droits où  l'exanthème  se  développe  le  plus.  Lorsque  les  pustules  y 
sont  très  nombreuses,  les  paupières  deviennent  le  siège  d'un  gonfle- 
ment  œdémateux  qui  empêche,  pendant  un  certain  nombre  de  jours, 
de  les  écarter.  Très  souvent,  il  existe  en  môme  temps  de  la  conjonc- 
tivite purulente,  des  affections  du  cul-de-sac,  de  petits  foyers  diphthé- 
riliques  sur  la  conjonctive  ou  le  bord  ciliaire,  ce  qui  entraine  la  mada- 
rose,  le  trichiasis  ou  le  distichiasis  partiels,  l'oblitération  des  glandes 
de  Meibomius  et  le  développement  de  chalazion. 

11  est  rare  que  la  conjonctive  soit  atteinte  dans  la  période  prodro- 
mique;  aussi  l'existence,  à  ce  moment,  d'une  conjonctivite  intense 
doit-elle  l'aire  penser  plutôt  à  la  rougeole  qu'à  la  variole.  Pendant  la 
période  éruptive,  on  observe  de  l'hypérémie  de  la  conjonctive  palpé- 
brale,  sans  augmentation  de  la  sécrétion,  la  conjonctive  oculaire  res- 
tant indemne.  Cette  hypérémie  est  surtout  fréquente  dans  les  cas  où 
les  paupières  sont  atteintes  par  l'exanthème.  Lorsque  des  pustules  se 
développent  sur  la  conjonctive  bulbaire  ou  dans  le  cul-de-sac,  la  mem- 
brane est  fortement  gonflée  (chémosis),  et  la  sécrétion  est  si  abondante 
qu'elle  rappelle,  jusqu'à  un  certain  point,  celle  que  produit  la  conjonc- 
tivite blennorrhagique.  Toutefois,  la  conjonctivite  varioleuse  se  dis- 
tingue de  celle-ci  par  un  moindre  gonllement  de  la  conjonctive  bul- 
baire, par  sa  durée  plus  courte,  par  un  plus  petit  nombre  de  granula- 
lalions  et  par  la  rareté  des  lésions  de  la  cornée  qui  ont  toujours  un 
caractère  moins  grave.  En  général,  on  rencontre  de  petites  hémorrha- 
gies  conjoncLivales,  qui  peuvent  pourtant  s'étendre  beaucoup  dans  la 
variole  hémorrhagique.  Des  ecchymoses  déterminent  parfois  un  tel 
gonflement  de  la  conjonctive  qu'elle  arrive  à  recouvrir  le  limbe  cornéen 
et  même  une  partie  de  la  pupille  (Foerster). 

Les  pustules  varioleuses  de  la  conjonctive  sont  beaucoup  plus  petites 
que  celles  de  la  peau  ;  dans  la  plupart  des  cas,  elles  n'ont  que  la  gros- 
seur d'une  tête  d'épingle.  Peu  de  temps  après  leur  formation,  les  vési- 
cules se  rompent  et  laissent  de  petites  taches  jaunâtres  semblables  aux 
plilyctènes  de  la  conjonctive.  Le  nombre  des  pustules  de  la  conjonctive 
ne  dépasse  pas  habituellement  deux  ou  trois.  Elles  se  montrent  sur 
la  conjonctive  bulbaire  et  plus  rarement  dans  le  cul-de-sac,  sur  la 
conjonctive  palpébrale,  le  pli  semi-lunaire  et  la  caroncule.  Le  rebord 
cornéen  est  un  des  points  sur  lesquels  on  les  rencontre  le  plus  fré- 
quemment. 

La  muqueuse  du  canal  naso-lacrymal  peut  être  également  le  siège 
d'une  éruption  varioleuse.  Dans  ce  cas,  le  larmoiement  augmente  vers 
la  fin  du  processus  au  point  de  rassembler  a  la  dacryocystite  blen- 
norrhagique. Parfois  la  dacryocystite  varioleuse  passe  à  l'état  chro- 


326  PARTIE  SPÉCIALE. 

nique  ou  bien  la  cicatrisation  des  pustules  produit  un  rétrécissement 
du  canal  naso-lacrymal,  qui  occasionne  un  larmoiement  persistant. 

L'irritation  ciliaire  est  fort  commune  dans  la  variole.  Elle  débute 
quelquefois  de  très  bonne  heure,  dès  le  cinquième  jour,  et  se  manifeste 
par  de  l'injection  péricornécnne,  du  larmoiement,  delà  photophobie  et 
de  la  sensibilité  du  globe  oculaire  au  toucher.  Lorsqu'il  ne  survient 
pas  d'autres  complications,  l'irritation  ciliaire  doit,  selon  toute  appa- 
rence, être  (regardée  comme  un  symptôme  réflexe  produit  par  l'irri- 
tation des  filets  terminaux  du  trijumeau  soif  du  nez,  soit  de  la  cavité 
naso-pharyngicnne,  dont,  la  muqueuse  est  le  siège  de  pustules  vario- 
leuses. 

Chez  les  gens  prédisposés  au  glaucome,  on  peut  en  voir  survenir 
des  accès  dès  la  période  éruptive,  quoique  le  fait  soit  rare. 

Dans  la  période  de  dessiccation,  il  survient  des  complications  très  gra- 
ves du  côté  de  l'organe  de  la  vue.  Ce  n'est  qu'au  début  de  cette  période 
qu'on  observe  des  affections  "purulentes  de  la  cornée,  qui  n'apparaissent 
jamais  avant  le  douzième  jour  de  la  maladie  IL  Adler).  Ce  fait  seul 
suffit  à  prouver  qu'il  n'y  a  pas  identité  entre  les  abcès  cornéens  et  les 
pustules  varioleuses  de  la  peau  ou  des  muqueuses.  L'affection  de  la 
cornée  n'est  pas  produite  par  l'affection  générale  ;  elle  constitue  un 
processus  local,  indépendant.  Les  lésions  de  cette  tunique  peuvent  se 
présenter  sous  diverses  formes,  qui  sont  :  la  kératite  superficielle  cir- 
conscrite, l'infiltration  et  la  suppuration  de  la  cornée  (avec  bypopyon), 
suivie  de  perforation,  de  prolapsus  de  l'iris,  de  synéchies  antérieures 
persistantes,  ou  bien  d'atrophie  du  globe  oculaire.  Il  est  probable  (|ue 
les  infiltrations  de  la  cornée  sont  Je  résultat  d'une  auto-infection  pro- 
duite soit  directement  par  les  pustules  de  la  conjonctive,  soit  par  l'in- 
termédiaire  des  doigts  du  malade.  Nous  montrerons  plus  loin  que. 
dans  une  affection  analogue  occasionnée  par  la  vaccine,  il  faut  invo- 
quer soit  l'auto-infection,  soit  l'infection  par  d'autres  personnes,  et  on 
peut  admettre  une  cause  semblable  pour  expliquer  les  lésions  vario- 
leuses de  la  cornée. 

La  kératoma'.acie,  au  contraire,  qui  survient  dans  des  eus  graves, 
mortels,  est  due  probablement  à  la  septicémie  qui  complique  la  va- 
riole (voir  p.  301). 

Après  la  période  de  dessiccation,  on  voit  encore  apparaître  un  cer- 
tain nombre  d'affections  oculaires;  on  rencontre,  par  exemple,  des 
abcès  et  des  furoncles  des  paupières,  complications  aussi  fréquentes, 
d'ailleurs,  sur  d'autres  parties  de  la  peau. 

A  la  suite  de  l;i  variole,  on  a  aussi  observé  le  développement  de 
kératite  interstitielle   (l'cerslcr  1 1  j.  Bock), 

Selon  quelques  auteurs,  ï'uitis  cl  la  ckoroidilc  pourraient  apparaître 

(1)  Fœrster,  loc.  cit.,  p.  10G. 


VARIOLE.  327 

pendant  la  période  de  dessiccation  ;  Adler  prétend  qu'on  ne  les  ren- 
contre jamais  avant  le  douzième  jour  de  la  maladie.  D'autres  auteurs 
ne  les  ont  observées  que  plus  tard;  ainsi,  Neumann,  sur  1142  vario- 
leux,  na  jamais  vu  d'iritis  dans  le  cours  même  de  la  maladie,  mais  à 
sa  suite,  lorsque  surviennent  les  abcès  et  les  furoncles.  D'accord  avec 
lui,  Hirschberg  a  proposé  de  nommer  celte  iritis  post-vav ipleuse.  Les 
symptômes  cliniques  de  cette  affection  sont  ceux  de  l'iritis  séreuse  ;  il 
est  très  rare  qu'elle  soit  compliquée  de  synéchies,  comme  on  l'observe 
dans  l'iritis  plastique.  La  marche  de  l'iritis  post-varioleuse  est  lente.  11 
arrive  qu'elle  s'accompagne  d'opacités  du  corps  vilré,  dues  sans 
doute  à  des  complications  du  côté  de  la  choroïde. 

Comme  on  le  voit  surtout  dans  les  affections  du  tractus  uvéal,  la  va- 
riole peut  déterminer  l'apparition  de  la  cataracte  polaire  postérieure, 
siégeant  dans  les  parties  centrales  de  la  couche  postérieure  du  cris- 
tallin, ou  bien  des  opacités  ries  couches  corticales  tout  entières.  Ilut- 
chinson  fils  a  rencontré,  chez  une  fille  de  trente-sept  ans,  la  cataracte 
totale  des  deux  yeux,  consécutivement  à  la  variole.  On  a  cité  aussi 
plusieurs  cas  de  glaucome  à  la  suite  de  cette  maladie,  et  nous  nous 
souvenons  en  avoir  nous-même  observé  un  exemple. 

On  ne  trouve  d'altérations  de  la  rétine  que  lorsque  la  variole  se 
complique  de  néphrite.  H.  Adler  a  vu  trois  cas  de  névro-rétinites  dif- 
fuse et  albuminurique  à  la  suite  de  la  variole;  Manz  en  a  publié  deux 
cas,  et  on  en  rencontrerait  des  observations  dans  quelques  autres  au- 
teurs. L'affection  peut  débuter  pendant  la  période  de  dessiccation, 
mais  en  général  elle  n'apparait  que  plus  tard.  Dans  tous  les  cas  men- 
tionnés dans  les  auteurs,  la  rétinite  s'est  terminée  par  la  guérison. 

h'amaurose  urémique  est  très  rare  dans  la  variole,  de  même  que 
l'amaurose  sans  altération  du  fond  de  l'œil.  Riedel,  un  de  mes  élèves, 
a  publié  une  observation  très  intéressante  d'amaurose  bilatérale,  sur- 
venue brusquement  à  une  époque  peu  avancée  de  la  maladie;  l'exa- 
men analomopatbologique,  fait  par  moi-même,  montra  l'existence  dé 
névrite  périphérique  du  nerf  optique.  Il  est  probable  que  la  lésion 
analomique  que  j'ai  constatée  est  identique  à  celle  qu'ont  montrée 
d'autres  nerfs  à  la  suite  de  la  diphthérie.  Dans  les  deux  cas  il  s'agit 
d'une  névrite  périphérique  toxique  (ptomaïnes). 

Caparésie  du  muscle  de  l'accommodation  a  élé  observée  plusieurs  fois  à 
la  suite  de  la  variole,  et  elle  a  duré  fort  longtemps  chez  certains  ma- 
lades; elle  doit  aussi  être  attribuée,  selon  toute  vraisemblance,  à  l'ac- 
tion toxique  des  ptomaïnes  sur  les  parlies  périphériques  des  filets  ner- 
veux qui  animent  ce  muscle.  En  faveur  de  cette  théorie,  on  peut 
invoquer  le  fait  mis  en  évidence  par  Jacobson  (1),  à  savoir  que  la  pa- 
résie  de  l'accommodation  se  rencontre  sans  iritis  ni  cyclite. 

(i)  Jacobson,  loc.  cit.,  p.  86. 


328  PARTIE  SPECIALE- 


18.  VARICELLE. 

Il  est  très  rare  d'observer  des  troubles  oculaires  dans  la  varicelle. 
Généralement,  ni  les  paupières  ni  la  face  ne  sont  atteintes  par  l'exan- 
thème. Ou  ne  connaît  qu'un  exemple  de  névrite  rétro-bulbaire  aiguë, 
bilatérale,  survenue  chez  une  fille  de  vingt-huit  ans,  à  la  suite  de  la 
varicelle;  elle  se  termina  par  laguérison.  C'est  à  Hutchinson  fils qu'on 
doit  cette  observation. 

19.    VACCINE. 

La  lymphe  de  la  vaccine  a  causé  plusieurs  fois  le  développement  de 
pustules  dans  l'œil,  lorsque  cet  organe  a  été  infecté  directement.  Cette 
infection  peut  résulter  d'une  auto  infect  ion  par  le  malade  lui-même, 
qui,  avec  les  doigts  peut  porter  dans  l'œil  les  matières  infectieuses  de 
la  pustule  artificiellement  produite.  J'ai  vu  un  cas  fort  intéressant  de 
ce  genre  à  la  clinique  du  docteur  Meyer  (1).  11  est  probable  que  si 
l'aulo-infection  est  très  rare,  c'est  qu'on  pratique  la  vaccination 
dans  des  parties  couvertes  par  les  vêtements. 

Le  pus  peut  être  transmis  du  bras  de  l'enfant  à  l'œil  de  la  mère, 
comme  Hirschberg  en  a  vu  deux  exemples.  11  est  enfin  arrivé  qu'une 
goutte  de  vaccine,  maniée  maladroitement,  ait  pénétré  dans  l'œil  où 
elle  a  provoqué  des  pustules  (Sénat).  Tous  ces  faits,  par  analogie, 
rendent  très  vraisemblable  l'hypothèse  que,  dans  la  variole,  l'affection 
do  la  cornée  est  également  due  à  une  auto-infection  tardive  par  le  pus 
des  pustules  de  la  peau  ou  de  la  conjonctive.  Dans  la  pustule  vario- 
lcuse,  en  effet,  le  pus  apparaît  le  septième  jour,  et  la  cornée  n'est  ja- 
mais affectée  avant  le  douzième  jour  de  la  maladie.  Il  en  résulterait 
que  la  pustule  varioleuse  de  la  cornée  mettrait  cinq  jours  à  se  déve- 
lopper, et  c'est  à  peu  près  ce  qu'on  observe  dans  la  vaccination  artifi- 
cielle. 
,  Revenons  aux  lésions  qui  surviennent  dans  l'œil  après  l'infection 
par  la  vaccine.  Dans  le  cas  de  Sénat,  où  la  lymphe  vaccinale  avait  pé- 
nétré dans  l'œil,  la  conjonctive  était  oedémateuse  le  quatrième  jour.  11 
se  développa  ensuite,  sur  le  bord  libre  de  la  paupière  inférieure,  une 
papule  de  la  grosseur  d'une  lentille,  puis  une  vésicule  qui  se  trans- 
forma en  pustule.  Quoiqu'il  survint  une  complication  du  côté  de  la 
cornée  (infiltration),  le  cas  se  termina  par  la  guérison. 

Hirschberg  a  vu  l'inoculation  accidentelle  produire  une  blépharite 
vaccinale.  La  paupière,  fortement  infiltrée,  était  le  siège  d'un  gonfle- 

fl)  Voir  la  discussion  sur  la  vaccine  de  l'œil  à  la  société  d'ophtalmologie  de  Hei- 
delberg,  H9I  (Schirmer,  Leber,  Meyér,  Schweigger,  Weiss  et  Vos.sius  y  ont  com- 
muniqué des  ca9  analogues). 


CHOLÉRA.  329 

ment  notable,  et  son  bord  était  couvert,  comme  dans  la  diphthérie, 
de  taches  blanchâtres  qui  se  continuaient  sur  la  peau  en  l'orme  de 
demi-lune.  En  l'ace  de  la  partie  alî'ectée  de  la  paupière  supérieure  il 
existait  quelques  vésicules  blanchâtres  (3  à  5).  La  conjonctive  était 
légèrement  gonflée,  et  on  ne  voyait  pas  de  sécrétion.  Tous  les  cas  de 
lésions  vaccinales  de  l'œil  décrits  par  les  auteurs  se  sont  terminés  par 
la  guérison. 

20.    DYSENTERIE. 

On  ne  connait  qu'une  seule  observation  de  troubles  oculaires  sur- 
venus à  la  suite  de  la  dysenlerie;  elle  est  due  à  Lawnson,  et  elle  est 
citée  par  Foerster.  L'affection  a  consisté  en  parésie  du  muscle  de  l'ac- 
commodation. 

21.  FIÈVRE  JAUNE. 

Dans  la  fièvre  jaune,  de  sérieux  troubles  oculaires  peuvent  être  cau- 
sés par  deshémorrhagies  inlra-oculaires  ou  par  l'urémie  qui  complique 
la  maladie. 

Ch.  Stedmann  Bull  a  observé  d'abondants  épanchements  sanguins 
dans  le  corps  vitré  et  dans  la  chambre  antérieure  de  l'œil,  elles  étaient 
survenues  pendant  le  stade  fébrile  congestif.  Les  troubles  oculaires 
survenant  dans lafièvre  jaune  consistent  en  amaurose,  sans  altération 
du  fond  de  l'œil;  généralement,  ils  se  sont  compliqués  de  symptô- 
mes cérébraux,  de  convulsions.  Étant  donné  qu'il  existe  une  affec- 
tion des  reins  (Fernande/),  il  est  impossible  de  ne  pas  regarder 
l'urémie  comme  la  cause  de  l'amaurose.  Le  pronostic  est  grave.  Sur 
trois  cas  d'amaurose  urémique  observés  par  Fernandez  à  la  suite  de  la 
fièvre  jaune,  deux  se  sont  terminés  par  la  mort. 

22.  BÉRIBÉRI. 

Plusieurs  fois  cette  maladie  a  amené  l'atrophie  du  nerf  optique. 
Celte  atrophie  est  due  probablement  à  la  dégénérescence  névritique 
multiple  que  détermine  le  béribéri.  La  lésion  consiste  en  une  prolifé- 
ration du  tissu  interstitiel  des  nerfs,  qui  a  pour  résultat  la  destruction 
des  gaines  de  la  moelle  et  le  développement  de  cellules  granuleuses. 

23.    CHOLliRA. 

Dans  les  cas  graves  de  choléra,  on  voit  de  bonne  heure  une  colora- 
tion bleuâtre  {cyanose)  envahir  les  paupières  qui,  en  même  temps,  se 
ferment  avec  diflicullé.  Si  l'on  demande  aux  malades  de  fermer  les 
yeux,  ils  le  font,  mais,  aussitôt  après,  les  paupières  s'écartent  de  nou- 


330  PARTIE  SPÉCIALE. 

veau.  Ce  phénomène  résulte  sans  doute  d'une  certaine  faiblesse  de 
l'orbiculaire  des  paupières. 

Lasécrétion  des  larmes  est  diminuée  dans  le  choléra.  Quelles  que 
soient  les  douleurs  qiùls  éprouvent,  les  malades  ne  pleurent  jamais, 
et  L'instillation  de  substances  irritantes  dans  le  sac  eonjonctival,  de 
teinture  de  laudanum  par  exemple,  ne  provoque  aucune  hypersécré- 
tion des  larmes  (de  Grœfe). 

Pendant  La  période  asphyxique,  les  yeux  des  cholériques  sont  gé- 
néralement dirigés  en  haut,  de  sorte  que  la  cornée  n'est  visible  que 
dans  une  petite  partie  lorsqu'elle  n'est  pas  totalement  recouverte 
par  la  paupière  supérieure.  La  portion  de  la  conjonctive  qui  n'est  pas 
couverte  par  les  paupières  est  habituellement  sèche  et  injectée.  On  a 
aussiobservédes  echyrnoses  dans  cette  partie  de  la  conjonctive  (Joseph) 
et  on  prétend  que  leur  apparat  ion  est  d'un  présage  très  fâcheux.  Tous 
les  malades  (12)  sur  lesquels  Joseph  a  rencontré  ces  ecchymoses  ont 
succombé. 

A  la  fin  de  la  période  algide,  on  a  parfois  noté  une  opacité  de  la 
pardi'  inférieure  de  la  cornée,  qui  n'est  pas  recouverte  par  les  pau- 
pières. An  bout  d'un  ou  deux  jours,  ils  se  forme  une  eschare  superfi- 
cielle, de  couleur  brune,  qui  se  détache  ;  la  partie  de  la  cornée  qui 
avait  conservé  sa  transparence  se  met  alors  rapidement  à  suppurer. 
De  Grade  admet  que  la  kératomalacie  qui  survient  dans  le  choléra  est 
de  nature  névro-paralyjUqûe  ;  mais  il  est  incontestable  que  la  dessicca- 
tion joue  un  rôle  très  important  dans  la  pathogénie  de  cette  affection. 
D'après  Camparl  et  Saint-Martin,  la  sensibilité  de  la  cornée  serait  tou- 
jours diminuée  à  La  tin  des  cas  graves  de  choléra. 

L'apparition  de  /a>-/ies  noirâlres  dans  la selérotique  est,  on  le  sait,  un 
symptôme  liés  défavorable.  Ces  taches  se  montrent  autour  du  rebord 
cornéen  inférieur;  leur  forme  est  irrégulière  et  quelquefois  on  les 
voit  augmenter  de  surface,  plusieurs  d'entre  elles  se  réunissant  en  une 
seule.  Pour  Boehm  et  de  Gniefe,  ces  tâches  sont  produites  par  la  des- 
siccation de  la  sclérotique,  qui  ne  commencerait  pas  du  côté  de  la  con- 
jonctive. Elles  peuvent  se  présenter  aussi  aux  paupières  intérieures 
(de  Grsefe).  Jusqu'à  ce  jour,  on  n'en  a  pas  fait  l'examen  auatomo- 
pathologique. 

L'enophlalmos,  ou  enfoncement  du  globe  oculaire  dans  l'orbite,  est 
aussi  très  prononcé  dans  la  période  algide  du  choléra  ;  il  est  dû  à  une 
diminution  considérable  *\^  liquide  des  tissus  rétro-bulbaires. 

Dans  la  même  période,  les  pupilles  sont  généralement  contractées 
(de  Grœfe  ;  an  déduit,  elles  sont,  au  contraire,  fréquemment  dilatées 
(Campart  cl  Saint-Martin).  De  Grœfe  admet  que  le  myosis,  dans  la  pé- 
riode algide,  est  causé  par  la  paralysie  du  grand  sympathique  cervi- 
bal  ;  Jacobson  pense  qu'il  est  dû  à  des  causes  mécaniques  ou  à 
l'altération  du  sang  ou  des  vaisseaux,  mais  il  n'ose  pas  trancher  la 


CHOLERA.  331 

question.  Bouchard  l'attribue  à  une  auto-intoxication  (urémie)  résul- 
tant de  l'accumulation  de  produits  toxiques  dans  l'économie,  la 
lésion  des  reins  ne  permettant  plus  à  ces  organes  de  les  éliminer.  Il 
a  réussi,  en  injectant  sous  la  peau  d'animaux  des  urines  de  choléri- 
ques, à  provoquer  les  symptômes  du  choléra  môme,  mais  il  n'a  pas 
produit  le  uiyosjs(l).  Dans  ces  expériences,  les  produits  qui  détermi- 
nent les  symptômes  du  choléra  passent  dans  les  urines;  mais  il  n'en 
est  pas  de  même  des  substances  qui  causent  le  myosis,  qui  restent 
accumulées  dans  l'organisme. 

D'après  Coste,  il  est  très  utile  au  point  de  vue  du  pronostic  d'étu- 
dier la  réaction  pupillaire.  En  se  basant  sur  de  nombreuses  recher- 
ches cliniques  faites  pendant  l'épidémie  de  1885,  il  arrive  à  conclure 
que  la  prompte  réaction  des  pupilles  à  la  lumière  est  un  signe  favo- 
rable, tandis  que  le  défaut  de  réaction,  qu'il  existe  du  rétrécissement 
ou  de  la  dilatation,  présage  sûrement  un  dénouement  fatal.  Si  la 
réaction  pupillaire  est  affaiblie,  il  faudrait  y  voir  un  indice  d'une  lon- 
gue durée  de  la  période  de  réaction. 

Les  opacités  signalées  dans  le  corps  vitré  ou,  exceptionnellement, 
dans  le  cristallin  Campart  et  Saint-Martin)  prouvent  que  parfois  le 
tract  us  uvéal  est  aussi  atteint. 

L'examen  ophtalmoscopique  pratiqué  pendant  la  période  algide 
permet  de  constater  un  rétrécissement  des  artères  rétiniennes  dont  la 
coloration  est  d'un  rouge  foncé.  Une  très  légère  pression  exercée  avec 
le  doigt  sur  le  globe  oculaire  produit  le  pouls  artériel  ou  rend  exsan- 
gues les  vaisseaux  du  fond  de  l'œil.  Ces  phénomènes  sont  la  consé- 
quence de  la  faiblesse  du  muscle  cardiaque  et  de  la  diminution  de  la 
tension  intra-vasculaire  (Voir  p.  232);  on  les  observe  en  même  temps 
que  la  disparition  du  deuxième  bruit  du  cœur  et  du  pouls  radial. 

Contrairement  aux  artères,  les  veines  rétiniennes  ont  leur  diamètre 
normal  et  contiennent  un  sang  très  foncé.  De  Grsefe  a  vu  parfois  le 
courant  sanguin  interrompu  dans  les  veines  ;  de  petits  cylindres  san- 
guins cheminent  alors  par  poussées  vers  la  papille,  et  ce  phénomène 
peut  être  comparé  à  celui  qu'on  observe  dans  quelques  cas  à  la  suite 
d'embolie  de  l'artère  centrale  de  la  rétine. 

Depuis  longtemps  déjà,  on  a  parlé  des  obnnbilations  de  la  vue  dont 
se  plaignent  quelques  malades  au  début  ou  dans  le  cours  de  la  période 
algide  du  choléra.  On  ne  sait  encore  s'il  faut  les  attribuer  à  l'affaiblis- 
sement du  courant  sanguin  ou  à  des  troubles  oculaires  engendrés  par 
les  microbes  ou  par  les  produits  toxiques  amassés  dans  l'économie. 
La  rétention  d'urine  est,  en  effet,  très  fréquentée  la  lin  de  la  période 
algide  du  choléra  asphyxique,  et,  d  un  autre  côté,  cette  forme  de  cho- 
léra prédispose   à  la  néphrite  parenchymateuse,    qui    peut  amener 

(1)  Bouchard,  Auto-intoxications,  p.  282. 


332  PARTIE   SPÉCIALE. 

l'auto-intoxication  à  cause  des  substances  que  renferment  les  urines, 
Plusieurs  fois,  dans  la  période  réactive  du  choléra,  on  a  constaté  une 
très  forte  hi/pérémie  de  la  conjonctive,  qui  peut  même  dégénérer  en 
conjonctivite  catarrhale. 

Les  complications  secondaires,  désignées  sous  le  nom  de  typhoïdo- 
cholériques,  n'ont  aucune  influence  spéciale  sur  les  yeux.  Joseph  pré- 
tend néanmoins  que  les  pupilles  sont  toujours  rétrécies,  sauf  dans  les 
cas  graves  où  il  existe  de  la  mydriase. 

24.    IMPALUDISME. 

Dans  les  cas  graves  d'impaludisme,  le  pigment  qui  se  trouve  dans  le 
sang  se  rencontre  aussi  dans  les  capillaires  de  la  choroïde,  et  son 
accumulation  peut  amener  des  hémorragies  inlra-oculaires.  Toute- 
fois, c'est  la  rétine  qui  est  le  plus  sérieusement  atteinte.  Les  recherches 
anatomo-palhologiques  de  Poncet  (de  Cluny)  ont  prouvé  que  les  allé- 
rations  rétiniennes  (rétino-choroïdite)  sont  dues  à  des  éléments  ligures 
anormaux  du  sang  qui  obstruent  les  petits  vaisseaux  et  les  capillaires 
de  la  rétine,  de  ia  choroïde  et  du  nerf  optique. 

Il  semble  que  l'impaludisme  puisse  aussi  causer  des  lésions  moins 
graves  de  la  choroïde,  car  autrement  on  ne  s'expliquerait  pas  Yhétiié- 
ralopie  sans  altérations  du  Fond  de  l'œil  appréciables  à  l'ophtalmo- 
scope.  Plusieurs  auteurs,  parmi  lesquels  nous  citerons  Teillais  (de 
Nantes),  en  ont  observé  des  cas.  Zimmermann  parle  d'une  famille  dont 
tous  les  membres  étaient  atteints  d'héméralopie  paludéenne  et  virent 
le  mal  disparaître  en  changeant  leur  logement  contre  une  habitation 
plus  hygiénique.  L'administration  de  la  quinine  ne  suffit  pas  pour 
guérir  cette  héméralopie  ;  il  faut  y  joindre  le  changement  de  domicile. 

Parfois,  nous  le  répétons,  les  lésions  du  Iractus  uvéal  sont  plus 
graves,  et  l'on  constate  des  opacités  du  corps  vitré,  en  même  temps 
que  des  altérations  du  fond  de  l'œil  identiques  à  celles  que  Poncet  a 
décrites.  Un  certain  nombre  d'au  leurs,  qui  se  sont  occupés  des  affec- 
tions oculaires  consécutives  à  l'impaludisme,  ont  rencontré  de  la 
névrite  optique  et  de  la  névro-rélinile,  sans  lésions  des  reins.  Ce  n'est 
d'ailleurs  que  dans  des  cas  exceptionnels  de  cachexie  paludéenne 
qu'on  a  observé  la  vraie  rélinite  albuminurique.  Poncet  dislingue 
deux  formes  d'affections  du  nerf  optique  dues  à  l'impaludisme  :  1°  une 
congestion  aiguë,  avec  proéminence  très  peu  prononcée  de  la  papille 
dont  la  coloration  est  plus  rouge  qu'à  l'état  normal;  2°  une  inflamma- 
tion chronique  de  la  papille,  avec  congestion  veineuse  et  ton  noir  (mé- 
lanose)  surajouté.  Autour  de  la  papille  on  aperçoit  un  voile  grisâtre, 
œdémateux,  qui  cache  les  artères  rétiniennes  dont  le  diamètre  est 
diminué.  Il  s'agit  incontestablement  d'une  afi'eetion  intermédiaire 
entre  la  névrite  optique  et  la  névro-rétinile. 


IMPALUDISME.  333 

Los  troubles  oculaires  déterminés  par  la  névrite  optique  paludéenne 
sont  caractérisés  par  des  variations  très  remarquables  dans  l'acuité 
visuelle  :  tantôt  le  champ  visuel  et  le  sens  des  couleurs  reslent  nor- 
maux, tantôt  on  constate  un  simple  rétrécissement  périphérique,  peu 
étendu,  du  champ  visuel.  En  général,  la  névrite  optique  se  termine 
d'une  manière  favorable.  Si  l'on  réussit  à  guérir  l'impaludisme, 
l'acuité  visuelle  peut  se  rétablir  complètement.  Les  symptômes  in- 
flammatoires disparaissent  dans  le  nerf  optique  et.  la  rétine  au  fur  et 
à  mesure  que  les  symptômes  généraux  s'améliorent.  Cependant  il  est 
des  c;is  où  il  survient  une  atrophie  partielle  du  nerf  optique  avec 
rétrécissement  persistant  et  irrégulier  du  champ  visuel;  parfois  même 
la  lésion  s'est  aggravée  progressivement  et  a  fini  par  envahir  la  papille 
entière,  causant  la  cécité  complète.  Dans  les  cas  graves,  on  a  tou- 
jours observé  de  la  mé'anose. 

Quelquefois,  dans  l'impaludisme  aigu,  l'ophtalmoscope  ne  montre 
que  de  Vhyiierémie  veineuse  de  la  papille  (20  fois  sur  100,  d'après  Sul- 
zer);  en  môme  temps  la  macula  offre  une  disposition  spéciale  à  être 
affectée  par  la  lumière  réfléchie  du  soleil.  Dans  ces  cas,  on  a  aussi 
constaté  des  hémorragies  en  plaques  au  voisinage  de  la  papille  op- 
tique et  de  la  macula  (Sulzer).  Il  arrive  que  l'hypérémie  veineuse  du 
fond  de  l'œil  s'accoinp  igné  d'une  sensation  de  picotement  dans  les 
yeux,  d'eblouissement  et  de  photophobie. 

Les  hémorragies  in  ira-oculaires  dues  à  l'impaludisme  sont  quelque- 
fois très  nombreuses,  comme  les  hémorragies  cérébrales  produites 
parla  même  cause;  on  a  constaté,  par  exemple,  de  nombreuses  pe- 
tites hémorrhagies  à  la  périphérie  de  la  rétine.  D'après  plusieurs  au- 
teurs, l'embolie  et  l'hémorragie  cérébrales  sont  parfois  la  cause  de 
cécité  qui  survient,  brusquement  dans  l'impaludisme.  Quant  aux  am- 
blyopies  sans  altérations  du  fond  de  l'œil  qui  apparaissent  subitement 
et  à  la  plupart  des  cas  d'amaurose  subite  il  est  plus  admissible,  à  notre 
sens,  de  les  attribuer  à  une  parésie  ou  à  une  paralysie  toxique  du  nerf 
optique.  A  l'embolie  et  à  l'hémorragie  cérébrales  il  faudrait  presque 
toujours  rai  tacher  l'hémianopsie  et  les  autres  symptômes  cérébraux 
concomitants. 

Dans  diverses  publications  on  trouve  des  exemples  tYamaurose  et 
d'aiiifihjojiie  transitoires  dues  à  l'impaludisme.  Arrachart  et  Pinel  ont 
fait  connaître  des  cas  d'amaurose  transitoire,  apparue  après  la  termi- 
naison de  l'affection  paludéenne.  Deval  rapporte  le  cos  d'un  Français 
qui.  pendant  trois  ans  de  séjour  à  Oran,  fut  atteint  de  lièvre  tierce; 
quand  il  revint  en  France,  l'impaludisme  guérit,  mais  il  apparut  de 
l'amblyopie  qui  céda  à  un  traitement  stimulant  et  à  l'électricité. 
Dulzmano  vit  un  autre  malade  atteint  de  fièvre  tierce,  qui  perdit  con- 
naissance et  présenta  des  spasmes  cloniques  pendant  lesquels  les  pu- 
pilles réagissaient  peu  à  la  lumière.  Quand  le  malade  revint  à  lui,  il 


334  PARTIE   SPÉCIALE. 

ne  voyait  plus  la  flamme  d'une  bougie.  L'examen  du  fond  de  i'teil  no 
révéla  aucune  lésion  appréciable.  Cinq  heures  plus  lard,  le  malade 
s'endormit  après  avoir  pris  de  fortes  doses  de  quinine  ;  le  lendemain, 
à  sou  réveil,  il  avait  recouvré  son  acuité  visuelle  normale.  Déjà  Ja- 
cobson  avait  pensé  que  ces  troubles  oculaires,  dans  l'impaludisme, 
pouvaient  être  attribués  à  des  ptomaïnes.  Il  est  difficile  de  contester  la 
nature  toxique  de  ces  cas  d'amaurose  et  d'amblyopie  transitoires. 

Nous  croyons  qu'il  en  est  de  même  pour  lamaurose  et  Yamblyopie 
périodiques  survenant  dans  le  cours  des  affections  paludéennes.  On  a 
cité  des  cas  de  fièvre  intermittente  dont  les  accès  s'accompagnaient 
d'amblyopie,  et  parfois  aussi  d'autres  symptômes  cérébraux  concomi- 
tants, tels  que  délire  el  coma.  Dansées  cas,  d'ailleurs  toujours  graves, 
l'amblyopie  apparaît  à  la  fin  de  la  période  algide  de  l'accès  de  fièvre. 
Comme  dans  d'autres  maladies  microbiennes,  la  paralysie  toxique  se 
montre  donc  à  la  fin  des  symptômes  généraux  graves.  Dans  des  cas 
de  fièvre  pernicieuse,  on  a  constaté  parfois  que  le  malade  était  atleinl 
d'amaurose  pendant  plusieurs  jours  après  être  sorli  du  coma. 

L'amblyopie  peut  être  accompagnée  de  scotome  ou  de  rétrécisse- 
ment périphérique  du  champ  visuel.  Quelquefois  on  rencontre  en 
outre  de  la  photophobie,  de  l'injection  péricornéenne,  des  douleurs 
dans  les  yeux,  symptômes  qu'il  faudrait  peut-être  rattacher  à  une  af- 
fection du  trijumeau,  très  souvent  atteint  de  névralgie  dans  l'impa- 
ludisme. 

Les  accès  d'amaurose  périodique  ont  généralement  une  durée  qui 
varie  d'un  quart  d'heure  à  une  heure;  il  est  rare  qu'ils  durent  davan- 
tage. S'ils  se  répètent  fréquemment,  on  voit  apparaître  un  rétrécisse- 
ment permanent,  des  lacunes  périphériques  du  ebamp  visuel.  A  ce 
point  de  vue,  l'amaurose  paludéenne  a  encore  des  analogies  avec 
d'autres  formes  d'amaurose  toxique  (diabète,  urémie),  qui  finissent 
par  amener  l'atrophie  partielle  du  nerf  optique.  Les  troubles  persis- 
tants de  la  vue  ne  s'observent  que  dans  les  cas  graves  d'impaludisme, 
dans  la  lièvre  tierce,  rarement  dans  la  fièvre  quarte. 

On  a  aussi  signalé  des  amblyopies  el  des  amauroscs  permanentes.  Lors- 
qu'il s'est  agi  d'amblyopies,  on  a  vu  les  symptômes  s'aggraver  pen- 
dant les  accès  de  fièvre. 

Enfin,  on  a  observé  des  accès  périodiques  d'amaurose  sans  fièvre; 
l'amaurose  était  alors  un  symptôme  de  fièvre  intermittente  larvée. 

En  général,  le  pronostic  de  l'amblyopie  et  de  l'amaurose  palu- 
déennes n'est  pas  grave.  Lorsque  la  cause  disparait,  les  malades  re- 
prennent des  forces,  et  les  troubles  oculaires  guérissent  complète- 
ment. 

Dans  un  cas,  Baas  a  observé  un  singulier  phénomène,  la  c.yanopsie: 
Périodiquement,  tous  les  deux  jours,  le  malade  voyait  tous  les  objets 
en  bleu.  La  cyanopsie  était  un  symptôme  de  fièvre  intermittente  lar- 


TUBERCULOSE.  33o 

viv.  a  l'ophtalmoscope,  on  constata  l'hypérémie  de  la  papille  optique 
et  la  dilatation  des  veines  rétiniennes.  La  cyanopsie  disparut  après 
L'administration  interne  de  la  quinine. 

Comme  dans  l'influenza,  on  a  rencontré  la  kératite  dendritique  pen- 
dant des  accès  de  lièvre  intermittente  (van  Millingen,  K i p p ) .  Cette 
kératite  se  présente  sous  l'orme  d'ulcérations  serpigineuses  avec  des 
prolongements  très  minces.  Il  apparaît  d'abord  de  petites  saillies  qui 
se  transforment  bientôt  en  ulcères  formant  des  sillons.  La  durée  du 
processus  varie  de  deux  à  trois  semaines.  Dans  des  cas  graves,  il 
peut  se  produire  des  récidives  pendant  des  mois,  les  rechutes  surve- 
nant à  chaque  nouvel  accès  de  fièvre. 

Quelquefois,  à  la  suite  de  l'impaludisme,  on  a  vu  se  développer  une 
kératite  interstitielle  (parenchymaleuse),  qui  s'améliore  par  l'adminis- 
tration de  la  quinine  (Poucet,  Javal). 

Citons  enfin,  pour  être  complet,  les  cas  où  la  névralgie  du  trijumeau 
et  surtout  du  sus-orbitaire,  remplace  les  accès  de  fièvre  intermittente, 
cas  qu'il  est  parfois  bien  difficile  de  distinguer  de  la  véritable  névral- 
gie faciale. 

25.  TUBERCULOSE. 

Les  affections  tuberculeuses  de  l'œil  sont  beaucoup  plus  fréquentes 
qu'on  ne  le  croyait  jusqu'à  ces  derniers  temps.  On  sait,  à  l'heure  ac- 
tuelle, qu'un  certain  nombre  de  maladies  de  l'organe  de  la  vision, 
qu'on  attribuait  à  des  causes  diverses,  sont  de  nature  tuberculeuse. 
On  conçoit  que  les  statistiques  anciennes  des  cliniques  ophtalmolo- 
giques ne  renferment  qu'un  nombre  minime  de  cas  de  tuberculose  de 
l'œil.  Sur  60,000  malades  dont  Hirschberg  a  tenu  compte  dans  sa 
statistique  des  maladies  des  yeux,  12  seulement  étaient  atteints  de 
tuberculose  oculaire,  et  la  plupart  présentaient  des  lésions  tubercu- 
leuses de  l'iris  (ce  chiffre  ne  comprend  pas  les  cas  de  tuberculose 
miliaire).  La  découverte  du  bacille  par  Koch  a  permis  récemment  de 
préciser  le  diagnostic  de  la  maladie.  On  a  reconnu  que  le  lupus  de  la 
conjonctive,  les  tumeurs  décrites  sous  le  nom  de  granulomes  de  l'iris 
sont  des  manifestations  oculaires  de  la  tuberculose.  Il  en  est  de  même 
vraisemblablement  de  nombre  de  cas  qualifiés  jadis  de  sarcome  à 
cellules  géantes  ou  fusiformes  de  l'iris  et  du  corps  ciliaire.  Dans 
chaque  cas  douteux,  il  faudrait  non  seulement  qu'on  recherchât  le 
bacille  de  Koch  à  l'aide  du  microscope,  mais  aussi  qu'on  fit  des  ino- 
culations méthodiques  à  des  animaux.  L'inoculation,  en  effet,  donne 
encore  des  résultats  positifs  dans  des  cas  où  l'examen  anatomique  et 
bactériologique  n'a  rien  prouvé.  On  sait  qu'il  est  parfois  difficile  de 
rencontrer  les  bacilles  caractéristiques  chez  des  tuberculeux  ;  il  faut 
les  chercher  pendant  des  journées  entières  dans  diverses  préparations 


336  PARTIE   SPÉCIALE. 

micrographiques  pour  arriver  à  en  découvrir  quelques-uns.  L'inocu- 
lation, au  contraire,  donne  des  renseignements  plus  certains. 

Les  recherches  cliniques  concernant  la  tuberculose  oculaire  ont  une 
grande  importance  au  point  de  vue  du  diagnostic, car  elles  démontrent 
l'envahissement  local  d'un  organe  par  les  bacilles;  elles  ont,  en  outre, 
un  grand  intérêt  au  point  de  vue  de  la  question  de  la  guérison  de  la 
tuberculose  elle-même,  question  que  les  expériences  ophtalmologiques 
permettent  de  trancher  dans  un  sens  affirma tïf. 

La  tuberculose  primitive  de  l'œil,  dont  on  a  constaté  quelques  cas, 
est  extrêmement  rare;  elle  a  été  observée  dans  la  conjonctive  bul- 
baire et  palpébrale  (Mules,  Ilirschberg).  D'après  les  expériences  inté- 
ressantes de  Valude,  l'infection  tuberculeuse  de  la  conjonctive  ne  se 
produit  qu'après  la  destruction  des  couches  superficielles  de  l'épithé- 
lium  de  la  conjonctive,  qui  joue  donc  un  certain  rôle  protecteur  contre 
l'invasiond'un  certain  nombre  de  microbes.  Comme  cause  de  l'infec- 
tion de  la  conjonctive  par  le  bacille  de  Koch,  on  a  signale  le  contact  de 
l'œil  avec  un  mouchoir  contaminé  par  le  crachat  d'un  phtisique 
(Wagenmann).  Loidholdt  (observ.  111)  cite  le  l'ait  d'une  femme  qui, 
en  soignant  son  mari  atteint  île  phtisie  pulmonaire,  resta  plusieurs  jours 
et  plusieurs  nuits  penchée  sur  le  malade;  elle  contracta  une  tubercu- 
lose primitive  de  la  conjonctive.  Rien  ne  prouve  que,  dans  ce  cas,  les 
doigts  du  malade  aient  été  les  agents  de  l'infection.  Dans  l'immense 
majorité  des  cas,  la  tuberculose  oculaire  n'est  qu'une  simple  mani- 
festation locale  de  la  maladie  générale  ou  bien  une  infection  secon- 
daire dont  le  point  de  départ  est  dans  un  autre  organe.  Loidholdt 
(observ.  XVI)  altribue  à  l'usage  du  lait  d'une  vache  tuberculeuse  l'ap- 
parition d'une  infection  générale,  qui  se  manifesta  dans  l'œil  du  ma- 
lade sous  forme  d'iridocyclite  tuberculeuse. 

On  a  parfois  constaté  que  la  tuberculose  oculaire  était  simplement 
due  à  la  propagation  par  continuité  du  processus  d'un  organe  voisin 
de  l'œil.  Rappelons  que  le  lupus  du  nez  peut,  par  l'intermédiaire  du 
canal  lacrymal,  déterminer  une  lésion  tuberculeuse  de  la  conjonctive 
(Wagenmann,  Knapp  Loidholdt),  et  que  celle  lésion  peut  être  aussi 
causée  par  la  propagation  d'une  tuberculose  cutanée  des  paupières. 
Dans  quelques  cas  rares,  on  a  accusé  le  traumatisme  d'avoir  produit 
occasionnellement  la  tuberculose  oculaire  ;  c'est  ce  qu'a  vu  Trei tel  chez 
un  malade  qui  avait  clé  blessé  à  l'œil  par  une  paille.  Il  faut  admettre 
que,  dans  ces  ras,  les  objets  qui  ont  produit  les  blessures  étaient  con- 
taminés par  des  crachais  de  phtisiques  ou  bien  que  la  plaie  a  été  la 
porte  d'entrée  de  germes  infectieux,  transmis  par  un  agent  (pion  ne 
connaît  pas. 

Aux  paupièi'es,  l'affection  tuberculeuse  de  la  peau  se  présente  sous 
forme  de  lupus,  dont  le  point  de  dépari  est  situé  dans  les  parties 
voisines  de  la  joue.  Lorsqu'il  a  atteint  le  rebord  palpébral,  le  processus 


TUBERCULOSE. 


337 


se  propage  eu  général  très  rapidement  à  la  conjonctive;  celle-ci  se 
ratatine,  et  on  voit  apparaître  rankyloblépharon,l'ectropion  et  la  ma- 
darose. 

On  observe  parfois,  même  sans  qu'il  existe  de  lésions  tuberculeuses 
de  la  peau  ni  de  la  conjonctive,  de  petites  tumeurs  occupant  les 
glandes  de  Meibomius;  on  les  regardait  jadis  comme  résultant  delà 
rétention  de  la  sécrétion  de  ces  glandes.  Au  point  de  vue  clinique, 
ces  tumeurs  se  présentent  sous  l'aspect  d'épaississements  globuleux 
du  tarse  ;  leur  grosseur,  assez  variable,  peut  atteindre  celle  d'un  pois. 


Fig.  34.  —  Tuberculose  de  la  conjonctive,  d'après  van  Millingen. 

On  les  rencontre  plus  fréquemment  dans  la  paupière  supérieure  que 
dans  l'inférieure.  Des  auteurs  ont  admis  récemment  qu'on  devait 
regarder  comme  des  granulomes  un  certain  nombre  de  tumeurs  que 
l'on  désigne  sous  le  nom  de  chalazion.  Baumgarten  a  été  le  premier  à 
les  considérer  comme  des  manifestations  du  lupus.  Tangla  démontré 
qu'en  effet  le  chalazion  contient  des  bacilles  de  la  tuberculose.  Sous 
le  rapport  de  sa  composition  anatomique,  le  chalazion  offre  des  ana- 
logies frappantes  avec  le  tubercule.  Il  se  compose  de  grandes  cellules 
épithéliales,  qu'on  trouve  surtout  dans  le  tarse  et  qui  se  continuent 
parfois  jusque  dans  la  conjonctive.  Entre  ces  cellules,  on  voit  des  dé- 
bris de  glandes  de  Meibomius  qui  ont  l'apparence  d'une  masse  homo- 
gène ou  de  granulations  sébacées.  Dans  le  tissu  conjonctival,  Tangl  a 
rencontré  des  tubercules  caractéristiques  rentrant    dans  le  type  du 

22 


338  PARTIE   SPÉCIALE. 

tubercule  â  cellules  géantes  épithélioïdes  décrit  par  Langhans  et 
Schiippel.  Habituellement,  le  chalazion  tuberculeux  doit  son  ori- 
gine à  une  infection  héniatogène.  Il  faut  ajouter  que  Deutschmann  et 
d'autres  auteurs  récents  admettent  que  le  chalazion  est  rarement  de 
nature  tuberculeuse. 

Dans  la  tuberculose  primitive  de  la  conjonctive,  on  observe  un 
grand  nombre  de  nodules  granuleux,  d'un  rouge  grisâtre,  dont  le  vo- 
lume varie  entre  celui  d'un  grain  de  mil  et  celui  d'un  grain  de  ché- 
nevis.  La  conjonctive  et  la  paupière  sont  gonflées.  En  se  décomposant, 
ces  nodules  donnent  naissance  à  des  ulcères  à  surface  lardacée  qui 
laissent  souvent  voir  de  petits  tubercules  grisâtres  en  voie  de  dévelop- 
pement. Dans  la  plupart  des  cas,  le  cul-de-sac  renferme  une  série  de 
granulations  lymphatiques  d'un  gris  rougeâtre.  Dans  la  conjonctive 
bulbaire  et  larsale,  il  se  développe  des  excroissances  papillaires,  qui 
peuvent  même  affecter  la  forme  de  crêtes  de  coq  (Amiet);  d'autres 
fois,  le  tissu  a  un  aspect  granuleux.  La  présence  d'ulcères  rend  celte 
affection  très  facile  à  distinguer  de  la  conjonctivite  granuleuse.  Si  le 
cas  est  grave,  le  pli  semi-lunaire  est  lui-même  atteint  d'un  gonflement 
considérable  et  de  granulations  (Amiet).  La  maladie  peut  également 
gagner  la  cornée,  sur  laquelle  se  développe  un  pannus  retentir  sur 
les  glandes  lymphatiques  et  détermine  l'engorgement  des  glandes 
préauriculaires.  Loewenthal  a  publié  l'observation  d'un  malade  qui 
présentait  une  affection  aiguë  de  la  conjonctive  ressemblant,  au  point 
de  vue  clinique,  à  un  trachome  à  sécrétion  blennorrhagique  (Disserta- 
tion inaugurale  de  Halle,  1887,  Loidholdt,  observ.  111).  Dans  un  cas 
rapporté  par  Loidholdt,  une  conjonctivite  tuberculeuse  aiguë  amena 
un  ulcère  de  la  cornée  de  la  grandeur  d'une  lentille;  dans  toute  son 
étendue,  la  cornée  offrait  une  opacité  interstitielle.  On  réussit  à  obte- 
nir la  guérison  de  la  conjonctive,  mais  il  se  produisit  une  perforation 
de  la  cornée  et,  conséquemment,  un  prolapsus  très  étendu  de  l'iris. 
A.  Grœfe  (de  Halle),  qui  dirigea  la  publication  de  Loidholdt,  fut  même 
obligé  de  faire  l'éviscération  de  l'œil  malade  pour  préserver  l'autre  de 
l'ophtalmie  sympathique.  Il  est  probable  que  dans  ce  cas,  et  dans 
d'autres  analogues  qui  ont  été  observés,  les  symptômes  graves  dont 
nous  parlons  n'ont  pas  été  produits  par  le  bacille  de  la  tuberculose;  il 
s'est  agi,  apparemment,  d'une  infection  mixte,  l'affection  tuberculeuse 
des  tissus  ayant  ouvert  une  porte  d'entrée  à  des  streptocoques,  qui 
ont  amené  une  infection  secondaire. 

Dans  la  cornée,  la  tuberculose  ne  semble  pas  se  développer  comme 
affection  primitive;  elle  a  presque  toujours  été  due  à  la  propagation 
d'une  tuberculose  conjonclivale.  Les  symptômes  cliniques  de  celte 
affection  consistent  en  développement  de  vaisseaux  (pannus),  en  injec- 
tion péri-cornéenne,  en  opacité  diffuse  de  la  cornée,  plus  foncée  par 
places  peu  étendues,  ou  en  nodules  (Hoy  d'Alvarez).  Get  auteur  a  pu- 


TUBERCULOSE.  339 

blié  un  cas  de  destruction  complète  de  la  cornée  par  une  ulcération 
tuberculeuse  ;  l'examen  anatomique  prouva  l'existence  de  cellules 
géantes  et  du  bacille  de  Koeb. 

Panas  et  Vassaux  ont  fait  connaître  des  expériences  fort  intéres- 
santes d'inoculation  tuberculeuse  de  la  cornée.  Cliniquement,  un  ma- 
lade de  Panas  a  montré  une  injection  de  la  région  ciliaire  et  une  infil- 
tration de  la  cornée  qui  sembla  atteinte  de  tuberculose  miliaire. 
Autour  des  petits  foyers  opaques  de  la  cornée, il  se  développa  d'autres 
foyers  analogues.  Les  produits  tuberculeux  de  ce  malade  furent  portés 
sur  la  cornée  d'animaux:  ils  déterminèrent  les  mêmes  symptômes  que 
cbez  l'homme.  A.  Trousseau  a  fait  des  expériences  analogues  avec  des 
matières  prises  sur  un  lupus;  inoculées  dans  la  cornée  d'animaux, elles 
y  produisirent  une  tuberculose  cornéenne.  Ces  expériences  ont  montré 
que  l'inoculation  à  la  cornée  de  la  matière  infectieuse  n'était  pas 
suivie  de  tuberculose  généralisée.  D'autres  auteurs  (Valude,  Baumgar- 
ten,  etc.)  ont  fait  aussi  des  expériences  sur  la  tuberculose  oculaire,  et 
nous  avons  le  regret  de  ne  pouvoir  citer,  sans  sortir  du  cadre  de  notre 
ouvrage,  les  résultats  auxquels  ils  sont  arrivés  et  qui  sont  d'un  grand 
intérêt  pour  la  pathologie  générale. 

Les  affections  de  la  cornée  consécutives  au  lupus  des  paupières  se 
présentent  sous  deux  formes  distinctes  :  i°  opacités  cornéennes  résul- 
tant de  la  déformation  des  paupières  et  de  la  fermeture  incomplète  de 
la  fente  palpébrale  ;  2°  tuberculose  cornéenne  par  véritable  inocula- 
tion lupo-tuberculeuse.  11  est  très  intéressant  de  remarquer  que,  dans 
l'œil,  on  a  observé  des  affections  mixtes,  à  la  fois  tuberculeuses  et 
syphilitiques,  analogues  à  celles  qu'on  a  rencontrées  dans  les  pou- 
mons, le  larynx  (Gouguenheim  et  Tissier),  etc.  Brailey  a  présenté  à  la 
Société  d'ophtalmologie  d'Angleterre,  un  malade  atteint  de  kératite 
interstitielle  syphilitique  qui  offrait  en  même  temps  de  petits  foyers 
tuberculeux  dans  la  cornée. 

On  peut  aussi  rencontrer  des  tubercules  dans  le  tissu  épisclérolical; 
Loidholdt  (observ.  VIII)  en  a  publié  un  cas  des  plus  curieux.  Le  ma- 
lade présentait  des  abcès  dans  le  tissu  épisclérotical,  et  il  s'améliora 
très  sensiblement  à  la  suite  d'incisions  et  de  grattages  ;  mais  bientôt, 
une  rechute  survint,  et  l'on  nota,  en  même  temps  que  l'affection  de  la 
sclérotique,  des  opacités  du  corps  vitré.  Les  symptômes  devinrent  telle- 
ment graves  qu'on  dut  pratiquer  l'énucléation  de  l'œil.  L'examen  ana- 
tomo-pathologique  montra  qu'il  existait  une  tumeur  tuberculeuse, 
dont  le  point  de  départ  était  dans  le  rebord  cornéo-sclérotical. 

On  a  fort  bien  étudié  les  symptômes  cliniques  des  affections  tuber- 
culeuses du  tractus  uvéal.  Mais,  si  les  recherches  faites  dans  ces  der- 
nières années  ont  prouvé  que  l'iris  est  une  partie  très  facilement 
atteinte  de  tuberculose,  il  n'en  est  pas  moins  vrai  que  la  nature  réelle 
de  ces  affections  avait  échappé  aux  auteurs  anciens.  Dans  diverses 


340  PARTIE  SPÉCIALE. 

publications,  Griffith  a  recueilli  trente-deux  observations  de  tubercu- 
lose de  l'iris;  vingt-neuf  fois,  le  mal  était  limité  à  un  seul  côlé.  L'indi- 
vidu le  plus  jeune  atteint  de  cette  affection  était  âgé  de  quatre  mois 
(un  garçon),  le  plus  âgé  avait  cinquante  et  un  ans. 

Au  point  de  vue  clinique,  la  tuberculose  de  l'iris  peut  revêtir  des 
formes  très  différentes.  Si  les  tubercules  sont  très  petits,  ils  peuvent 
échapper  à  l'examen,  et  on  n'observe  que  les  symptôme?  inflamma- 
toires concomitants.  C'est  pour  ce  motif  que  la  forme  miliaire  a  été  si 
longtemps  méconnue.  La  tuberculose  miliaire  de  l'iris  peut  être  accom- 
pagnée de  tuberculose  de  la  choroïde  (Péris,  Gradenigo);  dans  ces  cas, 
le  diagnostic  est  très  facile,  et  il  aide  puissamment  ù  reconnaître  la 
tuberculose  miliaire  généralisée. 

Les  tubercules  de  l'iris,  ceux  du  tractus  uvéal  surtout,  peuvent  en- 
core affecter  la  forme  de  grandes  tumeurs,  peu  nombreuses  ou  solitai- 
res, qui  causent  les  mêmes  symptômes  queles  tumeurs  intra-oculaires. 
Quand  il  s'agissait  de  tumeurs  de  l'iris,  les  auteurs  anciens  les  décri- 
vaient sous  le  nom  de  granulomes.  Il  importe  de  noter  qu'un  examen 
bactériologique  a  permis  de  reconnaître  un  tubercule  de  l'iris  dans 
une  tumeur  décrite  sous  le  nom  de  «  sarcome  à  cellules  géantes  » 
(Loidholdt,  observ.  II). 

Tandis  que  certains  tubercules  de  l'iris  ont  une  tendance  à  s'accroître 
rapidement,  à  perforer  les  membranes  de  l'œil  et  à  déterminer  la  phti- 
sie du  globe  oculaire,  d'autres  n'apportent  pas  d'entraves  aux  fonctions 
de  l'organe  de  la  vision  ou  bien  n'entraînent  la  perte  de  la  vue  que 
par  suite  d'une  choroïdite  chronique  qui  survient  après  un  long  laps 
de  temps.  Il  semble  même  qu'il  y  ait  des  cas  de  tuberculose  de  l'iris 
dans  lesquels  l'affection  locale  ne  progresse  pas;  il  se  développe,  au 
contraire,  un  processus  d'involution  analogue  à  celui  qu'on  observe 
parfois  dans  les  poumons. 

Quand  les  tubercules  de  l'iris  sont  multiples,  ils  s'accompagnent 
fréquemment  de  lésions  du  corps  ciliaire.  Les  symptômes  cliniques  qui 
résultent  de  cette  irido-cyclite  tuberculeuse  sont  le  gonflement  de  la 
conjonctive  pouvant  aller,  quoique  rarement,  jusqu'au  chémosis,  l'in- 
jection péricornéenne  et  l'opacité  de  l'humeur  aqueuse,  qui  peut  par- 
fois occasionner  des  dépôts  sur  la  paroi  postérieure  de  la  membrane 
de  Descemet.  La  coloration  de  l'iris  est  changée,  son  épaisseur  est 
accrue  et  des  vaisseaux  deviennent  apparents  à  sa  surface.  Les  tuber- 
cules de  l'iris  affectent  la  forme  de  petits  nodules;  ceux  qui  sont 
récents  ont  une  coloration  rougeàtre  ou  rouge  grisâtre,  les  anciens 
sont  jaunâtres.  En  général,  il  existe  des  synéebies  postérieures,  ri  on 
a  parfois  rencontré  l'bypopyon,  qui  peut  disparaître  par  résorption  et 
réapparaître  après  un  certain  temps.  AVagenmann  a  constaté,  dans  un 
cas  de  tuberculose  de  l'iris  accompagnée  d'hypopyon,  la  présence 
du  staphylococcus  pyogenes  albus  dans  le  pus  ;  il  s'agissait  donc  d'une 


TUBERCULOSE.  341 

infection  mixte.  Parfois,  on  a  noté  des  hémorragies  dans  la  chambre 
antérieure  de  l'œil. 

La  grosseur  des  tubercules  de  l'iris  est  très  variable  :  quelques-uns 
sont  à  peine  visibles,  tandis  que  d'autres,  plus  volumineux,  forment 
des  saillies  dans  les  chambres  antérieure  et  postérieure  de  l'œil  ;  en 
s  accroissant  en  arrière,  ils  peuvent  même  arriver  à  refouler  le  cris- 
tallin. En  général,  les  tubercules  de  l'iris  occupent  la  partie  périphé- 
rique, surtout  en  bas,  mais  on  les  trouve  aussi  parfois  sur  le  pourtour 
de  la  pupille. 

Lorsque  le  processus  se  propage  à  la  sclérotique,  celle-ci  offre  une 
coloration  violette.  Si  l'on  observe  des  flocons  du  corps  vitré,  on  peut 
conclure  à  une  affection  grave  du  corps  ciliaire.  Dans  des  cas  très 
graves,  la  pupille  est  obturée  par  les  proliférations  tuberculeuses  de 
l'iris  et  le  cristallin  est  trouble. 

Il  est  rare  que  la  tuberculose  de  l'iris  puisse  être  prise  au  début 
pour  de  l'iritis,  par  suite  du  peu  de  volume  des  tubercules  qui  échap- 
pent à  l'examen  (Haab)  ;  d  ailleurs,  l'acuité  visuelle  ne  tardant  pas  à 
diminuer,  démontre  qu'on  se  trouve  en  présence  de  cas  graves.  Le 
corps  vitré  se  trouble,  et  si.,  néanmoins,  on  parvient  à  éclairer  le  fond 
de  l'œil,  on  constate  une  coloration  rouge  de  la  papille  optique. 

Dans  d'autres  cas  d'iritis  tuberculeuse,  au  contraire,  les  symptômes 
inflammatoires  sont  insignifiants.  Quelques  synéchies  postérieures 
apparaissent  en  même  temps  que  des  opacités  du  corps  vitré;  mais 
la  tension  inlra-oculaire  diminue.  Peu  à  peu  les  synéchies  postérieures 
deviennent  totales  et  interceptent  la  communication  entre  les  cham- 
bres antérieure  et  postérieure.  Le  processus  se  termine  par  une  diminu- 
tion très  grande  de  la  tension  intra-oculaire,  l'atrophie  très  prononcée 
de  l'iris,  l'apparition  d'opacités  scléreuses  de  la  cornée,  l'atrophie  et 
l'amincissement  de  la  sclérotique  et  des  parties  antérieures  du  globe 
oculaire.  L'acuité  visuelle  est  diminuée  jusqu'à  ne  plus  permettre  de 
percevoir  la  lumière.  Cette  forme  d'irido-choroïdite  est  habituellement 
bilatérale.  Quoique  les  auteurs  anciens  n'aient  jamais  pensé  qu'elle 
pût  être  de  nature  tuberculeuse,  on  a  reconnu  la  présence  du  bacille 
de  Koch  dans  de  petits  morceaux  d'iris  excisés  dans  l'iridectomie 
pratiquée  pour  rétablir  la  communication  entre  les  chambres  anté- 
rieure et  postérieure  de  l'œil. 

Le  même  processus  peut  également  causer  Y épaississement  du  trac- 
lus  uvéal.  Loidholdt  (observ.  I),  en  examinant  un  œil  atteint  d'uvéite 
générale,  qu'on  avait  dû  énucléer  en  présence  de  menaces  d'ophtal- 
mie sympathique,  constata  un  épaississement  très  considérable  de  la 
choroïde,  surtout  dans  sa  partie  postérieure  où  elle  atteignait  4  milli- 
mètres ;  le  corps  ciliaire  et  l'iris  étaient  également  épaissis,  mais  à  un 
degré  moindre.  Le  malade  avait  présenté  des  symptômes  destaphylome 
(ectasie;  ciliaire  presque  total,  qui  était  arrivé  à  déplacer  la  cornée. 


3i2  PAKT1E   SPÉCIALE. 

En  outre,  il  existait  du  décollement  de  la  rétine,  et  les  tissus  du  tractus 
uvéal  étaient  transformés  en  cellules  fu  si  formes,  entremêlées  à  des 
leucocytes.  Enfin  on  rencontra  de  véritables  tubercules  épilbéliaux, 
caractérisés  par  des  cellules  géantes  et  la  présence  du  bacille  de 
Koch. 

Les  tumeurs  tuberculeuses  de  l'iris,  que  les  auteurs  anciens  ont  dé- 
crites sous  le  nom  de  granulomes,  présentent  les  symptômes  suivants  : 
injection  péri-cornéenne,  larmoiement,  tubercules  situés  généralement 
clans  le  voisinage  du  cavum  Fonlanx,  ayant  l'aspect  de  tumeurs  d'un 
gris  rougeâlre  et  se  développant  avec  beaucoup  de  rapidité.  Au  pour- 
tour de  ces  tumeurs,  de  nouveaux  tubercules  se  développent  et  finis- 
sent par  envahir  toute  la  chambre  antérieure  de  l'œil.  La  cornée 
devient  trouble,  l'œil  est  douloureux,  latension  intra-oculaire  augmente 
et  la  conjonctive  s'injecte.  Une  saillie  apparaît  dans  le  voisinage  du 
rebord  cornéo-sclérotical  et  arrive  à  se  rompre. 

En  général,  les  tumeurs  tuberculeuses  prennent  naissance  dans  l'iris 
et  se  propagent  vers  le  corps  ciliaire;  mais  si  elles  débutent  dans  celui- 
ci,  on  peut  observer  tous  les  symptômes  cliniques  que  nous  venons  d'é- 
numérer.  On  voit  apparaître  dans  une  partie  de  la  région  ciliaire  une 
ectasie  et  une  déformation  dont  l'aspect  varie  beaucoup  selon  le 
siège  et  la  grandeur  de  la  tumeur  tuberculeuse.  Si  le  processus  reste 
circonscrit,  l'ectasie  correspondante  de  la  sclérotique  s'accuse  de  plus 
en  plus,  la  saillie  devient  acuminée,  jaunâtre,  et  c'est  cette  pointe  qui 
finit  par  se  perforer. 

Après  la  perforation,  les  douleurs  se  calment  et  il  se  développe  l'atro- 
phie du  globe  oculaire.  En  général,  le  siège  de  la  perforation  est  en 
bas  et  en  dehors,  ou  bien  en  bas  et  en  dedans;  il  est  d'autant  plus 
en  arrière  que  la  lésion  du  corps  ciliaire  est  plus  étendue.  Si  la  per- 
foration est  très  grande,  une  partie  du  corps  vitré  et  même  le  cris- 
tallin peuvent  sortir  de  l'œil;  si  l'ouverture  est  étroite,  on  n'observe 
que  le  prolapsus  du  corps  ciliaire. 

Le  temps  qui  s'écoule  entre  le  début  de  l'affection  et  la  perforation 
du  globe  oculaire  peut  être  de  deux  ou  trois  mois. 

Exceptionnellement,  le  tubercule  du  corps  ciliaire  peut  affecter  l'as- 
pect clinique  de  l'irido-choroïdite  syphilitique  (Neese),  dont  nous  par- 
lerons dans  un  chapitre  ultérieur.  D'un  autre  côté,  on  a  observé  que 
la  gomme  du  corps  ciliaire  présente  les  mêmes  symptômes  cliniques 
que  l'affection  tuberculeuse  que  nous  venons  de  décrire,  de  sorte  que 
ce  n'est  que  par  un  examen  attentif  des  autres  organes  qu'on  peut 
arriver  à  un  diagnostic  précis. 

En  général,  le  pronostic  de  la  tuberculose  de  l'iris  est  d'autant  plus 
grave  que  le  processus  a  plus  envahi  le  corps  ciliaire.  Néanmoins,  dans 
des  cas  où  après  l'excision  d'une  tumeur  tuberculeuse  de  l'iris,  une 
récidive  s'était  produite  dans  le  corps  ciliaire,  on  a  vu  la  maladie  se 


TUBERCULOSE.  343 

terminer  par  la  guérison.  Il  n'est  pas  probable  que  le  foyer  tubercu- 
leux de  l'iris  puisse  enrayer  la  maladie  générale  ;  lors  même  qu'on  ne 
constaté  aucun  autre  symptôme  de  tuberculose,  on  se  trouve  en  pré- 
sence de  l'infection  généralisée  par  le  bacille  de  Kocta.  Dans  la  tuber- 
culose de  l'iris,  on  peut  toujours  rencontrer  le  gonflement  des  gan- 
glions pré-auriculaires,  ce  qui  prouve  que  le  processus  se  propage  par 
les  lympathiques.  Toutefois,  on  n'a  jamais  vu  une  affection  tubercu- 
leuse de  l'iris  ou  du  corps  ciliaire  gagner  les  méninges  en  suivant  les 
gaines  optiques. 

Les  tubercules  de  la  choroïde  sont  connus  depuis  bien  plus  longtemps 
que  ceux  de  l'iris  et  du  corps  ciliaire.  Ils  ont  été  découvert?  à  l'ophtal- 
moscope par  mon  maître,  Ed.  de  Jaeger.  Manz,  le  premier,  a  constaté 
que  la  tuberculose  eboroïdienne  peut  être  un  symptôme  concomitant 
de  la  tuberculose  miliaire.  Ce  fait  a  attiré  l'attention  des  cliniciens, 
parce  <|ue  le  diagnostic  de  la  tuberculose  miliaire  est  parfois  difficile 
à  établir  et  que  l'examen  ophtalmoscopique  permet  de  résoudre  la 
difficulté  dans  plus  d'un  cas.  Les  recherches  anatomo-pathologiques 
de  Cohuheim  ont,  en  effet,  complètement  justifié  l'opinion  de  Manz. 
D'après  ce  dernier,  l'existence  de  la  tuberculose  choroïdienne  démon- 
tre que  le  processus  tuberculeux  n'est  plus  limité  aux  poumons  et  à 
l'in leslin,  mais  qu'il  s'est  généralisé.  A  la  suite  des  découvertes  d'Ed. 
de  Jaeger  et  de  Manz,  on  a  pu  espérer  que  le  diagnostic  de  la  ménin- 
gite tuberculeuse  serait  facilité  par  la  constatation  de  tubercules  dans 
la  choroïde;  mais  ceux-ci  ne  sont  pas  aussi  fréquents  qu'on  l'a  cru 
dans  la  tuberculose  des  méninges,  ou  du  moins  ils  ne  sont  pas  aussi 
fréquemment  visibles  à  l'ophtalmoscope.  On  n'a  pu  observer  àl'ophtal- 
moscope,  pendant  la  vie,  la  présence  de  tubercules  de  la  choroïde 
que  dans  35  ou  40  p.  100  des  cas  de  méningite  tuberculeuse.  On 
s'explique  qu'on  ne  puisse  pas  toujours  constater  leur  existence  :  ils 
ne  sont  appréciables  à  l'ophtalmoscope  que  lorsque,  par  leur  déve- 
loppement, ils  ont  déjà  produit  des  altérations  du  pigment  choroïdien. 
En  outre,  l'examen  minutieux  du  fond  de  l'œil  est  bien  difficile  dans 
ces  cas,  surtout  chez  les  enfants,  et  des  tubercules  situés  dans  la  péri- 
phérie de  la  choroïde  peuvent  très  aisément  passer  inaperçus. 

Dans  la  tuberculose  miliaire,  il  a  parfois  été  possible  de  reconnaître 
la  présence  de  tubercules  dans  la  choroïde  dès  la  période  prodro- 
mique  (Fraenkel).  En  revanche,  dans  un  certain  nombre  de  cas, 
l'ophtalmoscope  n'a  révélé  aucune  altération  du  fond  de  l'œil  dans 
tout  le  cours  de  la  ma'adie,  et  cependant  l'examen  anatomo-patholo- 
gique  pratiqué  plus  tard  a  montré  qu'il  existait  des  tubercules  de  la 
choroïde.  Stricker,  par  exemple,  examina  à  ce  point  de  vue  vingt 
malades  atteints  de  tuberculose  généralisée,  parmi  lesquels  six  pré- 
sentaient de  la  tuberculose  miliaire  avec  méningite  tuberculeuse,  et 
quatorze  de  la  phtisie  pulmonaire  avec  tuberculose  généralisée  con- 


344 


PARTIE  SPÉCIALE. 


sécutive  ;  trois  fois  seulement  i'ophtalmoscope  lui  permit  de  constater 
l'existence  de  tubercules  de  la  choroïde,  tandis  cpue  l'examen  anatomo- 
pathologique  démontra  leur  présence  chez  douze  malades.  Parfois 
leur  développement  est  si  rapide  qu'on  a  pu  en  rencontrer,  douze  ou 
vingt-quatre  heures  après  un  premier  examen  ophtalmoscopique,  qui 
n'avait  rien  révélé  d'anormal  (Stricker). 

Au  point  de  vue  clinique,  les  tubercules  de  la  choroïde  se  présen- 
tent sous  forme  de  taches  situées  plus  profondément  que  les  vaisseaux 
rétiniens.  Leur  coloration  est  jaunâtre;  le  centre  même  en  est  blan- 


Eig.  3ô.  — Choroïdite  tuberculeuse  et  tuberculose  île  La  rétine  (d'après  Schœblh 


châtre,  et  la  périphérie  se  confond  peu  â  peu  avec  le  ton  du  fond  de 
l'œil.  Ce  dernier  point  permet,  en  général,  de  distinguer  très  facile- 
ment les  tubercules  de  la  choroïde,  des  plaques  de  lachoroïdite  dissé- 
minée qui  sont  entourées  d'un  cercle  pigmentaire.  Il  ne  faut  pus. 
toutefois,  trop  généraliser  celte  différence,  comme  l'ont  fait  tous  les  ocu- 
listes jusque  dans  ces  derniers  temps.  Wagenmann,  en  effet,  a  publié 
un  cas  qui  avait  été  diagnostiqué  comme  choroïdite  exsudative:  l'œil 
malade  s'atrophia,  et  un  an  plus  tard  on  procéda  à  son  énucléalion. 
L'examen  anatomo-pathologique  montra  qu'il  s'agissait  d'une  inflam- 
mation tuberculeuse  de  quelques  points  de  la  choroïde,  qui  n'avait, 
d'ailleurs,  pas  produit  de  saillies.  Le  [processus  avait  déterminé  des 


TUMÎRCULOSE. 


34a 


symptômes  d'involution  :  les  couches  internes  de  la  choroïde  étaient 
transformées  en  tissu  conjonctif  fibreux,  et  ce  n'étaient  que  les  cou- 


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ches   externes    qui   renfermaient   un   grand   nombre   de    tubercules. 
Le  volume  des  tubercules  de  la  choroïde  est  très  variable  ;  ils  peu- 
vent, dans  des  cas  exceptionnels,  atteindre  le  diamètre  de  la  papille 


34G  PARTIE   SPÉCIALE. 

optique.  En  répétantes  examensoplilalmoscopiques,  on  peutse  rendre 
compte  de  l'accroissement  dos  tubercules  choroïdiens.  Ceux  qui  attei- 
gnent un  certain  volume  sont  les  seuls  à  présenter  une  saillie  centrale. 
Lorsqu'on  examine  de  nouveau  un  œil  affecté  de  tubercules  de  la  cho- 
roïde, on  peut  constater  que  de  petites  tumeurs  se  sont  développées 
autour  des  plus  grandes.  En  général,  les  tubercules  choroïdiens  siè- 
gent dans  la  partie  postérieure  de  l'œil. 

Les  tubercules  miliaires  de  la  choroïde  n'entraînent  habituellement 
que  des  troubles  oculaires  de  peu  d'importance.  Si  leur  volume  est 
plus  considérable,  ils  peuvent  produire  desscolomes  analogues  à  ceux 
qu'on  observe  dans  la  choroïdite  exsudative. 

La  tuberculose  miliaire  de  la  choroïde  peut  s'accompagner  de  névrite 
optique.  Ce  fait,  d'ailleurs  exceptionnel,  a  été  constaté  par  Loidholdt 
(obs.  XVIII)  chez  un  enfant  atteint  de  typhus  des  membres  (affection 
tuberculeuse  multiple  des  épiphyses). 

Dans  d'autres  cas,  la  tuberculose  de  la  choroïde  se  présente  sous 
l'aspect  clinique  d'une  tumeur  infra-oculaire,  qui  détermine  des  symp- 
tômes d'irido-cyclite  et  de  décollement  de  la  rétine.  Chez  un  malade, 
dont  Wagenmann  a  publié  l'observation,  la  tumeur  s'était  étendue 
aux  gaines  optiques  puis  aux  tissus  de  l'orbite.  Le  processus  tubercu- 
leux peut  aussi  se  propager  à  la  rétine  et  même  au  corps  vitré;  on  en 
a  surtout  rencontré  des  exemples  chez  des  enfants. 

'V examen  anatomo-paUtologique  montre  que  les  tubercules  du  tractus 
uvéal  se  développent  ou  bien  dans  la  membrane  externe  (adventice) 
des  vaisseaux,  ou  bien  dans  l'iris,  sous  l'épilhélium.  En  dehors  des 
foyers  tuberculeux  circonscrits,  formant  des  nodules,  on  a  parfois 
rencontré  des  lésions  diffuses  consistant  en  épaissis  ement  du  tractus 
uvéal  (Dinkler),sansmodilicalions  morphologiques:  les  parties  épaissies 
contenaient  des  bacilles  de  la  tuberculose.  D'après  Dinkler,  les  altéra- 
tions diffuses  ne  seraient  que  des  lésions  secondaires.  Il  arrive  que  les 
tubercules  de  la  choroïde  n'atteignent  que  certains  territoires  vascu- 
laires,  par  exemple,  dans  le  cas  de  Dinkler,  la  partie  nourrie  par  les 
petites  artères  ciliaires  postérieures.  Dans  des  cas  graves,  on  a  aussi 
rencontré  des  tubercules  dans  Vesjjace  péri-choroï  lai'  s'ils  arrivent  à 
un  certain  volume,  ils  peuvent  produire  le  décollement  de  la  choroïde, 
fait  qu'on  a,  d'ailleurs,  observé  à  la  suite  de  tubercules  de  la  scléro- 
tique. 

Dans  la  sclérotique  le  développement  de  tubercules  est  également 
très  rare.  Le  tubercule  circonscrit  de  cette  membrane  peut  être  très 
facilement  méconnu  à  l'examen  clinique.  Ainsi,  dans  un  cas  observé 
par  Fuchs  et  publié  par  son  élève  F.  Miiller,  un  tubercule  de  la  scléro- 
tique fut  pris  pour  un  kyste,  dans  lequel  le  maître  supposa  qu'il  y 
avait  un  cysticerque.  Les  matières  contenues  dans  ce  prétendu  kyste 
n'étaient   qu'un  conglomérat  de  tubercules  miliaires. 


TUBERCULOSE.  347 

C'est  surtout  dans  la  méningite  tuberculeuse  qu'on  a  rencontré  des 
granulations  spécifiques  du  nerf  optique;  on  lésa  trouvées  principale- 
ment chez  des  enfants.  Les  tumeurs  tuberculeuses  de  ce  nerf  peuvent 
atteindre  un  volume  assez  considérable  pour  produire  l'exophtalmie. 
En  général,  l'affection  est  unilatérale.  On  voit,  dans  ces  cas,  des  saillies 
formées  par  la  papille  optique  et  par  les  parties  voisines  qui  constituent 
une  masse  blanchâtre.  Les  vaisseaux  centraux  sont  sinueux  et  consi- 
dérablement dilatés;  la  tumeur  les  recouvre  par  places.  Dans  un  cas 
de  ce  genre,  l'examen  anatomo-pathologique  montra  le  nerf  optique 
et  ses  gaines  transformés  en  une  masse  tuberculeuse  depuis  la  rétine 
jusqu'au   chiasma. 

Les  tubercules  de  la  rétine  peuvent  avoir  leur  point  de  départ  dans 
le  nerf  optique  ou  dans  la  choroïde.  Ainsi,  dans  des  cas  de  méningite 
tuberculeuse,  Bunge  et  Gowers  ont  rencontré  des  tubercules  agglo- 
mérés autour  du  nerf  optique,  sansque  celui  ci  présentât  de  symptômes 
de  névrite.  L'autopsie  montra  qu'il  existait  des  tubercules  et  dans  la 
rétine  et  dans  la  choroïde;  Schcebel  observa  un  cas  analogue.  On  n'a 
pas  encore  signalé  de  tubercules  primitifs  de  la  rétine. 

Dans  le  sac  lacrymal,  la  tuberculose  a  été  observée  trois  fois.  L'af- 
fection se  présente  sous  l'aspect  de  dacryocystoblennorrhée  (Loid- 
holdt,  observ.  XV;  Cohn,  Bock).  Dans  le  cas  de  Loidholdt,  le  sac  était 
considérablement  dilaté;  il  n'existait  aucune  affection  tuberculeuse  du 
nez  ou  de  la  peau.  Ce  ne  fut  qu'après  l'extirpation  du  sac  lacrymal 
qu'on  reconnut  la  présence  de  bacilles  de  Koch. 

Il  semble  que  la  tuberculose  du  tissu  retro-bulbaire  soit  assez  rare. 
Loidholdt (obs.  IX)  en  décrit  un  cas.  Une  affection  tuberculeuse  s'était 
développée  dans  la  paupière,  et  avait  été  prise  au  début,  après  un 
examen  anatomo-pathologique,  pour  un  sarcome  à  cellules  fusiformes. 
Quatorze  jours  après  l'extirpation  de  la  tumeur,  elle  avait  déjà  réci- 
divé et  elle  ne  tarda  pas  à  s'étendre  vers  l'orbite.  Le  globe  oculaire 
fut  déplacé  en  avant,  et  il  survint  un  gonflement  œdémateux  des  pau- 
pières, du  chémosis,  et  des  douleurs  atroces  dans  le  pourtour  de  l'œil; 
la  vue  était  complètement  perdue,  quoique  le  fond  de  l'œil  fût  normal. 
Par  la  palpation,  il  fut  possible  de  reconnaître,  dans  l'orbite,  l'exis- 
tence d'une  tumeur  ronde,  circonscrite.  L'œil  fut  énuclé^et  le  tissu 
rétro-bulbaire  enlevé  par  éviscération  de  l'orbite,  mais  la  malade  (une 
fille  de  seize  ans)  succomba  peu  de  temps  après  l'opération.  L'examen 
anatomo-pathologique  démontra  qu'on  se  trouvait  en  présence  de 
tuberculose  de  l'orbite.  Le  processus  avait  gagné  les  gaines  optiques  et 
pénétré  à  travers  la  sclérotique,  divisée  en  lamelles,  dans  la  choroïde 
où  un  tubercule  était  apparu  ;  la  rétine  elle-même  était  affectée. 

Il  est  évident  que  les  tumeurs  tuberculeuses  du  système  nerveux  central 
peuvent  provoquer  les  mêmes  troubles  fonctionnels  de  la  vue  que  les 
autres  tumeurs.  C'est  surtout  dans  la  région  des  tubercules  quadri- 


348  PARTIE   SPECIALE. 

jumeaux  et  des  corps  genouillés  qu'on  a  rencontré,  à  diverses  reprises, 
des  tumeurs  tuberculeuses  amenant  à  la  suite  la  cécité  par  névrite 
optique. 

On  doit  à  Weiss  la  publication  d'un  cas  très  intéressant  de  granu- 
lations  tuberculeuses  occupant  la  racine  de  l'oculo-nioteur  commun 
gauche  à  la  sortie  du  pédoncule  cérébral.  Cliniquemeut.  la  maladie 
détermina  des  symptômes  de  paralysie  totale  périodique  de  l'oculo- 
moteur  commun.  D'après  l'auteur,  la  paralysie  se  manifestait  chaque 
fois  qu'il  survenait  une  nouvelle  poussée;  par  contre,  l'arrêt  du  pro- 
cessus amenait  une  amélioration  qui  se  traduisait  par  le  rétablisse- 
ment complet,  mais  passager,  de  la  fonction  du  nerf. 

Dans  des  cas  de  phtisie  pulmonaire,  on  a  encore  observé  la  mydriase 
unilatérale  ou  bilatérale  (Cosmini,  Itampoldi);  elle  s'est  montrée  ac- 
compagnée ou  non  de  la  paralysie  de  l'accommodation.  La  mydriase 
était  périodique  ou  permanente.  Cosmini  admet  qu'elle  est  due  à  la 
compression  du  grand  sympathique  cervical  par  des  glandes  lymphati- 
ques gonflées.  Celte  théorie  n'explique  pas  cependant  la  paralysie  si- 
multanée du  muscle  de  l'accommodation.  Peut-être  la  paralysie  des 
deux  muscles  intrinsèques  de  l'ceil  est-elle  due  à  l'action  de  produits 
toxiques  (infection  mixte)  des  microbes  qui  s'engreffent  sur  les  tissus 
malades  (staphylocoques). 

Le  pronostic  de  la  tuberculose  oculaire  est  en  partie  subordonné  à 
celui  de  la  diathèse.  Dans  les  cas,  incontestablement  très  rares,  de 
tuberculose  primitive  de  l'œil,  la  destruction  de  la  partie  atteinte  peut 
éviter  le  développement  d'une  infection  générale.  Lorsqu'il  s'agit  de 
tubercules  de  la  conjonctive  ou  des  paupières,  on  détruit  la  partie 
malade  au  moyen  du  galvano-cautère,  de  l'excision,  ou  mieux  du 
curettage  ;  le  traitement  ultérieur  consiste  en  instillations  d'iodoforme. 
Dans  la  tuberculose  de  l'iris,  on  conseille  de  pratiquer  l'iridectomie 
pour  enlever  la  tumeur.  Griflilh,  qui  a  réuni  toutes  les  observations 
publiées  de  tuberculose  de  l'iris,  a  démontré  que  les  malade-  auxquels 
on  avait  excisé  leurs  tumeurs  tuberculeuses  ont  encore  vécu  longtemps 
(cinq  anset  plus),  sans  qu'il  se  soit  produit  ni  rechute,  ni  infection  géné- 
rale. Dans  trois  cas,  au  contraire,  l'opération  n'avait  pas  été  pratiquée, 
et  les  malades  succombèrent  avec  des  symptômes  de  tuberculose 
généralisée.  Il  serait  à  souhaiter,  néanmoins  que  l'on  continuât  à  re- 
chercher les  dangers  que  présentent  pour  l'état  général  les  tubercules 
de  l'iris.  <>n  ne  peut  guère  admettre  qu'ils  soient  le  point  de  départ 
d'une  infection  de  toute  l'économie. 

Lorsqu'une  récidive  survient  après  l'excision  «l'une  tumeur  tubercu- 
leuse  de  L'iris,  il  a  >  a  pas  absolument  à  désespérer  de  sauver  l'œil 
malade.  Les  expériences  laites  sur  des  animaux  par  Panas,  Vassaux 
et  Trousseau  ont,  en  effet,  établi  que  la  tuberculose  oculaire  peut  guérir 
spontanément,  sans  eut  rainer  la  tuberculose  généralisée;  les  observa- 


SCROFULE.  349 

lions  cliniques  prouvent  que,  chez  l'homme,  il  en  est  de  même.  Dans 
les  cas  observés  à  Halle,  à  la  clinique  de  A.  Girafe,  parC.-G.-L.  Schneller 
et  par  Loidholdl  (obs.  IV),  la  récidive  se  produisit  après  l'excision  d'un 
tubercule  de  l'iris;  par  un  traitement  général  frictions  mercurielles, 
iodure  de  potassium),  on  réussit  à  amener  l'involution  de  l'affection 
tuberculeuse  qui  avait  récidivé  et  à  sauver  l'œil.  Ces  faits  prouvent 
qu'il  ne  faut  pas  trop  se  hâter  d'énucléer  l'œil  dans  les  cas  de  tumeurs 
inlra-oculaires  de  nature  tuberculeuse.  On  trouvera,  à  ce  sujet,  des 
aperçus  intéressants  dans  la  discussion  qui  s'est  élevée  au  sein  de  la 
Société  d'ophtalmologie  de  Paris,  le  1er  avril  1890,  entre  de  "Wecker, 
Abadie  et  l'arinaud. 

On  a  aus=i  essayé  les  injections  hypodermiques  de  la  lymphe  de 
Koch  pour  traiter  les  affections  tuberculeuses  de  l'œil;  le  résultat  a  été 
nul,  comme  dans  la  tuberculose  d'autres  organes.  L'injection  produit 
des  phénomènes  oculaires  qui  ne  sont  que  des  manifestations  locales 
de  la  réaction  occasionnée  par  les  produits  toxiques  du  bacille  de 
Koch.  On  observe  assez  fréquemment  de  lhvpérémie  intense  de  la 
conjonctive,  de  la  photophobie,  une  sensation  de  picotement  et  de 
brûlure  dans  l'œil,  symptômes  qui  disparaissent  après  la  cessation  de 
la  fièvre. 

26.    SCROFULE. 

A  la  suite  des  affections  tuberculeuses  de  l'œil,  nous  plaçons  celles 
qui  sont  dues  à  la.  scrofule,  les  observations  cliniques  ayant  mis  depuis 
longtemps  en  évidence  les  rapports  intimes  qui  existent  entre  les 
deux  soi-disant  dialhèses.  Toutefois,  ces  rapports  n'ont  pas  encore 
reçu  une  explication  suffisante.  Grancher  admet  que  toute  affection 
scrofuleuse  est  de  nature  tuberculeuses  ;  d'autres  auteurs,  au  contraire, 
Bouchard  et  Villemin,  par  exemple,  pensent  que  la  dyscrasie  scrofu- 
leuse ne  fait  que  préparer  un  terrain  favorable  au  développement  de 
la  tuberculose.  Ce  qui  est  incontestable,  c'est  qu'un  certain  nombre 
d'affections  regardées  comme  jadis  de  nature  scrofuleuse  ont  été  recon- 
nues récemment  pour  être  tuberculeuse;  il  nous  suffira  de  rappeler 
qu'on  a  parfois  rencontré  le  bacille  de  Koch  dans  le  chalazion,  bien 
que  sa  présence  ne  soit  pas  constante. 

La  scrofule  se  manifeste  aux  paupières  par  des  inflammations  ana- 
logues à  celles  que  présente  la  peau  de  la  face  :  impétigo  et  eczéma. 
Quelquefois  les  lésions  du  rebord  palpébral  ne  sont  que  des  manifes- 
tations locales  d'affections  qui  occupent  le  reste  du  visage.  Dans  la 
blépharile  ciliaire  scrofuleuse.  le  mal  atteint  les  follicules  pileux  eux- 
mêmes  racines  des  cils);  ces  organes  suppurent  et  les  cils  tombent. 
Lorsque  la  guérison  survient,  on  observe  souvent  que  les  cils  sont 
groupés,  par  places,  en  houppes  :  par  l'effet  de  la  rétraction  cica- 
tricielle, plusieurs  cils  semblent  sortir  par  un  seul  orifice. 


350  PARTIE   SPECIALE. 

La  conjonctivite  scrofideuse  n'est  que  la  propagation  à  la  muqueuse 
oculaire  de  l'eczéma  et  de  l'impétigo  des  tégumenls(Voir  p.  loi).  Tant 
que  dure  l'affection  cutanée,  la  conjonctivite  n'est  pas  susceptible  de 
guérison.  La  conjonctivite  scrofuleuse  produit  un  gonflement  de  la 
muqueuse  comparable  à  celui  que  détermine  un  catarrbe  chronique; 
on  observe  une  sécrétion  jaunâtre,  purulente,  quelquefois  très  abon- 
dante, mais  jamais  comparable,  à  ce  point  de  vue,  à  la  sécrétion  pro- 
duite par  la  conjonctivite  blennorrbagique.  11  existe  encore  de  l'injec- 
tion péricornéenne  et  de  la  photopbobie.  Dans  la  conjonctivite  bul- 
baire, il  n'est  pas  rare  de  rencontrer  des  pblyctènes. 

La  scrofule  peut  déterminer,  dans  la  cornée,  les  diverses  lésions 
suivantes  :  kératite  ulcéreuse  circonscrite,  infiltration  marginale, 
pblyctènes  multiples,  pannus  scrofuleux,  kératite  fasciculaire  et  kéra- 
tite interstitielle  (parencbymateuse).  Cette  dernière  affection  n'entraîne 
pas  de  développement  des  vaisseaux. 

La  kératite  ulcéreuse  donne  lieu  à  de  petits  foyers  inflammatoires, 
situés  en  partie  au  niveau  du  rebord  cornéo-sclérotical,  en  partie  dans 
la  cornée  même;  ils  pénètrent  seulement  un  peu  au-dessous  de  la 
membrane  de  Bowman.  Ces  foyers  de  kératite  ulcéreuse  sont  généra- 
lement causés  par  l'invasion  de  microbes  pyogènes  dans  des  phbjctènes. 
Après  l'ouverture  des  petits  foyers  purulents,  il  reste  des  ulcérations 
peu  profondes,  qui  ne  tardent  pas  à  se  recouvrir  d'épithélium  régé- 
néré et  laissent  des  opacités  punctiformes.  Dans  des  cas  rares,  par 
suite  de  l'infection,  l'ulcère  s'accroît,  devient  plus  profond  et  peut 
amener  la  perforation  de  la  cornée  et  le  prolapsus  de  l'iris;  il  guérit 
enfin,  en  laissant  après  lui  un  leucome  adhérent.  Étant  encore  étu- 
diant, j'ai  vu  moi-même,  à  une  époque  où  on  ne  connaissait  pas  encore 
le  traitement  antiseptique  des  affections  de  la  cornée,  plusieurs  cas  qui 
se  terminèrent  par  le  prolapsus  de  l'iris,  et  une  fois  même  par  la 
panophtalmie"suppurée.  Dans  la  kératite  ulcéreuse,  c'est  aussi  l'infec- 
tion qui  est  la  cause  de  l'iritis,  avec  ou  sans  bypopyon,  qui  vient 
compliquer  parfois  la  maladie. 

Toutes  les  affections  scrofuleuses  de  la  cornée  s'accompagnent  de 
photopbobie  et  d'injection  péricornéenne  Lorsqu'il  se  développe  des 
pblyctènes  multiples  ou  de  longue  durée,  on  voit  apparaître,  au  ni- 
veau du  rebord  cornéo-sclérotical.  des  vaisseaux  qui  pénètreut  sous 
forme  de  faisceaux  dans  la  cornée  [kératite  fasciculaire  ;  bande  vascu- 
laire  d'Arlt).  Si  la  nco-formation  de  vaisseaux  dans  la  cornée  se  pro- 
longe pendant  un  certain  temps,  on  voit  se  produire  une  prolifération 
irrégulière  d'épithélium  cornéen  ;  du  tissu  conjonclif  de  nouvelle  for- 
mation s'interpose,  autour  des  vaisseaux,  entre  l'épithélium  et  le 
parenchyme  de  la  cornée,  dont  la  surface  antérieure  devient  ondu- 
leuse  par  endroits. 

Quand  il  existe  simultanément  plusieurs   des  affections  des  pau- 


LÈPitE.  351 

pières,  de  la  conjonctive  ou  de  la  cornée  que  nous  venons  de  décrire, 
on  ;i  T  «  ophtalmie  scrofuleuse  »  des  anciens  auteurs.  On  rencontre  en 
même  temps  du  gonflement  des  glandes  lymphatiques,  de  l'épaissis- 
sement  de  la  lèvre  supérieure,  des  croûtes  situées  au-dessous  des 
narines  et  divers  symptômes  généraux  de  scrofule. 

Nous  avons  parlé  plus  haut  (voir  page  260)  des  conséquences  de  la 
carie  serofuleuse  de  L'orbite,  du  développement  des  fistules  cutanées, 
des  déformations  des  paupières  par  rétraction  cicatricielle,  de  Pectro- 
pion  et  de  la  lagophtalmie  avec  leurs  symptômes  consécutifs  fopacités 
de  la  cornée)  ;  nous  n'y  reviendrons  pas. 

Le  traitement  doit  d'abord  s'adresser  à  la  maladie  générale,  et  con- 
sister en  huile  de  foie  de  morue,  en  iodures,  en  arsenicaux  et  en 
aliments  fortifiants;  il  faut  en  outre  soigner  attentivement  les  affec- 
tions concomitantes  de  la  peau  du  nez  et  du  visage. 

On  truite  la  blépharadénite  scrofuleuse,  avant  que  les  ulcérations 
ne  commencent  à  se  cicatriser,  par  la  pommade  au  précipité  jaune 
au  60e.  S'il  existe  des  croûtes,  on  les  enlève  d'abord,  et  on  cautérise 
les  paupières  avec  la  pierre  infernale.  La  suppuration  des  follicules 
pileux  des  cils  réclame  un  traitement  antiseptique  (vaseline  boriquée, 
pommade  à  la  résorcine  à  3  p.  100).  Quand  les  pustules  commencent 
à  guérir  et  qu'il  apparaît  des  granulations,  il  faut  cautériser  celles-ci 
avec  le  nitrate  d'argent. 

Lorsqu'on  se  trouve  en  présence  d'affections  de  la  cornée,  il  faut 
avoir  soin  surtout  que  les  phlyctènes  ne  soient  pas  infectées  par  des 
micro-organismes  ;  pour  atteindre  ce  résultat,  on  a  recours  aux  instil- 
lations de  solutions  boriquées.  On  combat  avec  succès  l'injection  péri- 
cornéenne  et  la  photophobie  par  les  collyres  à  l'atropine  ou  à  la 
cocaïne.  Ce  n'est  que  lorsque  l'injection  vasculaire  disparait  qu'on 
peut  commencer  à  faire  usage  de  topiques  irritants  (calomel)  pour 
favoriser  la  résorption  des  infiltrations.  Enfin,  quand  il  existe  de  la 
conjonctivite  scroîuleuse,  on  peut  employer  des  collyres  astringents, 
qu'on  porte  dans  le  sac  conjonctival,  tout  en  soignant  les  affections 
concomitantes  de  la  face. 

27.    LÈPRE. 

A  la  suite  de  la  lèpre,  l'organe  de  la  vue  peut  être  atteint  soit  de 
déformation  des  paupières  avec  affections  consécutives  de  la  cornée, 
soit  de  lésions  lépreuses  siégeant  dans  l'œil  lui-même. 

Dis  le  début  de  la  maladie,  on  observe  des  affections  des  paupières 
et  des  sourcils.  Ceux-ci  tombent  et  sont  parfois  suivis  dans  leur  chute 
parles  cils;  les  tumeurs  lépreuses  peuvent  causer  la  madarose.  L'ulcé- 
ration de  ces  tumeurs  amène  à  sa  suite  des  déformations  cicatricielles 
des  paupières  et  l'eclropion.  Si  le  processus  envahit  les  couches  pro- 


352  PARTIE  SPÉCIALE. 

fondes,  l'orbiculaire  des  paupières  peut  être  lui-même  atteint,  d'où 
résulte  le  lagophlalmos  (impossibilité  de  fermer  les  paupières).  Comme 
conséquence  du  lagophtalmos,  on  voit  se  produire  une  opacité  homo- 
gène de  la  cornée,  accompagnée  d'injection  vasculaire  et  de  xérose 
de  la  conjonctive.  Il  est  rare  qu'on  trouve  en  même  temps  une  affec- 
tion de  l'iris,  mais  le  traclus  uvéal  peut  être  atteint  dans  toute  son 
étendue,  et  les  lésions  de  ce  tractus  occasionnent  la  cataracte  et 
même  l'atrophie  du  globe  oculaire;  ces  complications  surviennent 
dans  la  lèpre  à  forme  ulcéreuse. 

Dans  sa  forme  tuberculeuse  la  lèpre  produit  des  tumeurs  qui  siègent 
dans  la  partie  de  la  conjonctive  que  ne  recouvrent  pas  les  paupières,  prin- 
cipalement tout  près  du  rebord  cornéo-sclérotical,  d'abord  du  côté 
temporal,  puis  du  côté  nasal.  De  très  bonne  heure  l'iris  est  atteint, 
et  l'on  rencontre  soit  des  synéchies  postérieures,  soit  de  petites  tu- 
meurs qui  sont  indépendantes  de  celles  de  la  conjonctive. 

Les  tumeurs  lépreuses  de  la  conjonctive  consistent  en  épaississe- 
ment  d'un  jaune  lardacé  ou  d'un  blanc  jaunâtre  avec  un  ton  plus  ou 
moins  rose  surajouté.  Ces  tumeurs  sont  généralement  pianos;  elles 
ont  de  la  tendance  à  envahir  les  couches  profondes.  11  est  très  diffi- 
cile, étant  donné  leur  peu  de  saillie,  de  les  fixer  avec  une  pince  lors- 
qu'on veut  les  exciser.  Elles  sont  parcourues  par  des  vaisseaux  qui 
forment  un  réseau  extrêmement  fin,  et,  sur  leur  pourtour,  on  voit  la 
conjonctive  traversée  par  des  faisceaux  de  gros  vaisseaux  qui  s'en- 
foncent dans  la  tumeur. 

Dans  la  cornée,  la  lèpre  peut  déterminer  des  lésions  de  deux  sortes. 
i°  un  pannus  lépreux,  c'est-à-dire  une  opacité  qui  se  développe  de  la 
périphérie  vers  le  centre  et  qui  renferme  des  vaisseaux  de  nouvelle 
formation  ;  2°  des  tubercules  qui  ont  également  leur  point  de  départ 
dans  le  rebord  cornéo-sclérotical.  Ces  derniers  forment  de  petites 
saillies  blanchâtres  ou  d'un  rouge-jaunâtre,  qui  sont  taillées  à  pic  du 
côté  où  la  cornée  est  saine,  tandis  que  du  côté  tournée  vers  le  rebord 
cornéo-sclérotical  elles  se  confondent  par  une  inclinaison  insensible 
avec  la  membrane  malade. 

On  voit  aussi  se  développer  parfois,  du  rebord  cornéo-sclérotical 
vers  le  centre,  une  opacité  qui  occupe  toute  l'épaisseur  de  la  cornée 
et  qui  contient  un  grand  nombre  de  vaisseaux  de  nouvelle  formation; 
l'épaississement  pathologique  présente  l'aspect  d'un  staphylome  de 
la  cornée  ou  de  la  partie  antérieure  de  l'œil,  ainsi  que  l'ont  observé 
Meyer  et  de  Vicentiis.  J'ai  eu  l'occasion  de  faire  l'examen  anatomo- 
pathologique  du  cas  publié  par  Meyer,  et  j'ai  constaté  que  la  cornée, 
considérablement  épaissie  et  opaque,  n'offrait  qu'une  grande  tumeur 
lépreuse. 

Les  tumeurs  multiples  de  la  cornée  ont  une  certaine  tendance  à 
l'ulcération;  elles  peuvent,  par  suite,  après  un  temps  plus  ou  moins 


LÈPRE.  333 

long,  entraîner  la  perforation  de  la  cornée  et  l'atrophie  consécutive 
du  globe  oculaire.  Si  la  prolifération  lépreuse  a  gagné  le  bord  de  la 
chambre  antérieure  (cavité  de  Fontana),  elle  se  propage  en  arrière 
en  suivant  le  ligament  pectine  de  l'iris  et  peut  atteindre  l'iris  lui- 
même,  le  corps  ciliaire  et  la  choroïde;  ce  n'est  que  dans  des  cas 
exceptionnels  que  de  petits  nodules  lépreux  prennent  naissance 
dans  l'iris  sans  avoir  été  précédés  de  tumeurs  de  la  cornée  et  de  la 
conjonctive.  Ces  nodules  peuvent  même  apparaître  avant  aucun 
symptôme  d'affection  de  la  cornée,  et  ils  simulent  alors  la  tuberculose 
de  l'iris  (Hirschberg). 

11  est  extrêmement  rare  que  l'affection  lépreuse  frappe  surtout  la 
région  ciliaire  et  produise  un  épaississement  du  corps  ciliaire,  une 
ectasie  et  un  amincissement  de  la  sclérotique  en  déterminant  tous  les 
symptômes  du  slaphylome  sclérotical  antérieur  (Vossius).  Dans  le  cas 
observé  par  cet  auteur,  les  altérations  concomitantes  de  la  cornée 
pouvaient  faire  croire  à  une  infiltration  scléreuse.  Bloch  s'est  assuré- 
ment trompé  quand,  après  avoir  examiné  41  cas  de  lèpre  de  l'œil,  il 
a  prétendu  que  l'affection  débutait  généralement  par  le  corps  ciliaire. 

Les  altérations  causées  dans  le  tractus  uvéal  par  le  processus 
lépreux  rappellent  celles  qui  sont  dues  à  une  autre  cause  :  elles  con- 
sistent en  opacités,  en  ratatinement  du  corps  vitré,  en  décollement 
de  la  rétine,  en  opacités  du  cristallin,  en  atrophie  du  globe  oculaire. 
La  névrite  optique  que  j'ai  constatée  à  l'examen  anatomo-patholo- 
gique  dans  un  cas  observé  par  Meyer  ne  se  rencontre  probablement 
qu'au  début  de  l'affection  du  tractus  uvéal  ;  elle  est  un  symptôme  con- 
comitant de  l'irido-choroïdite. 

On  évalue  à  66  ou  75  pour  100  le  nombre  des  lépreux  atteints  d'af- 
fections oculaires.  D'après  Kaurin,  90  fois  sur  100,  l'affection  est  bila- 
térale, et,  d'après  Jatzow,  près  du  tiers  deslépreux  (30  pour  10)  devien- 
nent complètement  aveugles. 

Dans  la  plupart  des  cas,  la  peau  est  atteinte  par  la  lèpre  de  cinq  à 
dix  ans  avant  les  yeux  ;  les  paupières  seules  sont,  avons-nous  dit, 
affectées  de  très  bonne  heure.  Le  cas  de  Meyer  où  l'affection  oculaire 
a  précédé  l'apparition  de  tous  les  autres  symptômes,  est  tout  à  fait 
exceptionnel. 

A  l'examen  histologique,  les  tumeurs  lépreuses  de  l'œil  se  montrent 
constituées  par  des  amas  de  leucocytes  (Panas)  ou  par  des  granu- 
lations de  forme  particulière  (Poncet).  Dans  le  cas  que  j'ai  examiné 
au  point  de  vue  anatomo-pathologique,  la  tumeur  lépreuse  avait  tous 
les  caractères  d'un  fibro-sarcome,  et,  sous  ce  rapport,  elle  ressemblait 
à  certains  tubercules  du  tractus  uvéal  qui  ont  été  pris,  au  premier 
abord,  pour  des  sarcomes.  Beaucoup  de  cas  douteux,  décrits  par 
divers  auteurs  comme  des  exemples  de  sarcomes  de  l'iris  ou  d'autres 
parties  du  tractus  uvéal,  ont  été  examinés,  depuis  ma  publication,  au 

23 


334  PARTIE   SPÉCIALE. 

point  de  vue  bactériologique,  et  Ton  a  reconnu  qu'il  s'agissait  d'af- 
fections tuberculeuses  (voir  p.  335). 

Dans  la  lèpre,  les  altérations  des  tissus  sont  produites  par  un 
bacille  semblable  à  celui  de  la  tuberculose  ;  il  a  été  décrit  par 
Arnauer  Hansen,  puis  par  Neisser.  Ce  bacille  détruit  les  cils,  la  peau 
des  paupières,  et  il  attaque  aussi,  à  une  période  très  avancée,  les 
fibres  striées  de  l'orbiculaire  des  paupières;  le  tarse  est,  pendant  long- 
temps, à  l'abri  de  ses  atteintes.  Dans  les  parties  affectées  par  la  lèpre, 
on  a  trouvé  des  bacilles  en  nombre  extrêmement  considérable  ;  ils 
marchent  de  la  périphérie  vers  le  centre  de  la  cornée  ensuivant  les 
fentes  lymphatiques.  Les  membranes  anbistes  antérieure  (ou  de  Bow- 
raan)  et  postérieure  (ou  de  Descemet)  n'en  ont  jamais  présenté.  Une 
seule  fois,  dans  le  cas  de  Meyer,  Cornil  a  rencontré  les  bacilles  de  la 
lèpre  en  dedans  des  cellules  de  l'épithélium  antérieur  de  la  cornée  et 
aussi  dans  les  interstices  intercellulaires  dudit  épithélium.  Après  avoir 
pénétré  jusqu'au  rebord  ciliaire,  les  bacilles  envahissent  la  partie 
postérieure  de  l'œil.  Poncet  en  a  vu  dans  l'iris  et  dans  les  procès 
ciliaires.  Dans  la  choroïde,  plus  on  se  rapproche  du  nerf  optique  et 
plus  les  bacilles  deviennent  rares.  Poncet  en  trouva  encore  dans  la 
chambre  postérieure  de  l'œil,  dans  l'espace  limité  par  les  fibres  zonu- 
laires  qui  s'insèrent  à  la  cristalloïde  antérieure  et  à  la  cristalloïde  pos- 
rieure  (canal  d'Hannover)  ;  mais  jamais  on  n'en  rencontra  dans  le 
cristallin.  D'après  les  recherches  de  Bull  et  de  Hansen,  la  rétine  semble 
susceptible  d'être  envahie  par  le  bacille.  Les  altérations  rétiniennes 
que  ces  auteurs  découvrirent  à  l'examen  analomo-pathologique, 
étaient  des  foyers  gris  blanchâtres;  l'ophthalmoscope,  cependant,  n'a 
jamais  permis  de  constater  des  lésions  de  la  rétine.  Le  cas  de  Meyer 
est  également  à  noter,  car  il  existait  des  altérations  dans  l'espace 
supra-choroïdien. 

Dans  les  cas  où  l'organe  de  la  vue  n'est  pas  directement  atteint  par 
la  lèpre,  il  peut  survenir  des  troubles  graves  du  côté  du  système  ner- 
veux, par  exemple  des  accès  épileptiformes,  des  paralysies,  de  l'alié- 
nation mentale,  et  ces  troubles  entraînent  des  troubles  circulatoires 
qui  retentissent  sur  l'appareil  de  la  vision.  11  se  peut  alors  que  l'affec- 
tion cutanée  ait  peu  d'importance.  Teobaldi,  en  examinant  àl'ophthal- 
moscope  des  malades  de  cette  catégorie,  a  constaté  des  anomalies  du 
fond  de  l'œil,  qui,  cependant,  ne  permettaient  pas  d'expliquer  la 
nature  de  l'affection  cérébrale.  Sur  11  sujets  atteints  de  dépression 
cérébrale  (démence,  hypocondrie),  il  observa  l'anémie  ou  la  décolora- 
tion de  la  papille  optique;  sur  18  autres  offrant,  au  contraire,  des 
symptômes  d'exaltation,  il  nota  l'hypérémie  des  vaisseaux  rétiniens. 

Carron  de  Villards  a  décrit  une  périostite  de  l'orbite  qui  serait  due 
à  la  lèpre,  mais  aucun  auteur  récent  ne  l'a  observée. 

Le  traitement  des  affections  lépreuses  de  l'œil  n'a  pas  encore  donné 


SYPHILIS.  355 

beaucoup  de  résultat.  Quand  il  existe  de  la  déformation  des  pau- 
pières, il  faut  empêcher  le  développement  d'affections  secondaires 
de  la  cornée;  s'il  est  nécessaire,  on  doit  combattre  le  lagophthalmos 
par  la  blépharoplastie.  On  peut  essayer  de  détruire  par  le  galvano- 
cautère  les  tubercules  lépreux  superficiels  de  la  cornée  ou  de  la  con- 
jonctive. En  dehors  du  changement  de  climat,  on  a  conseillé  aux 
lépreux  de  prendre  à  l'intérieur  de  l'huile  de  cbalmoogras  (gynocar- 
dia  odorata),  et  Vidal  prétend  avoir  constaté  que  ce  traitement  fait 
diminuer  le  volume  des  tumeurs  lépreuses  de  la  peau.  La  dose  est 
de  20  gouttes  par  jour  au  début,  et  on  peut  l'élever  progressivement 
jusqu'à  150  gouttes.  On  ignore  encore  l'effet  que  peut  avoir  cette  mé- 
dication sur  les  manifestations  oculaires  de  la  lèpre. 

28.    CHANCRE  MOU. 

Hirschberg  et  Galezowski  ont  publié  des  observations  de  chancre 
mou  des  paupières.  Le  malade  observé  par  le  dernier  de  ces  auteurs 
était  atteint  depuis  trois  semaines  d'un  chancre  mou  de  la  verge, 
et  celui  de  la  paupière  aurait  été  le  résultat  d'une  auto-infection  par 
le  pus  du  membre  viril.  Les  symptômes  cliniques  du  chancre  mou 
des  paupières  sont  exactement  ceux  que  montre  l'affection  lorsqu'elle 
siège  aux  organes  génitaux. 

Wurdemann  [Amer.  Journ.  of  ophthalm,  mai  1891)  a  vu  des  abcès 
métastatiques  se  développer  dans  l'orbite  consécutivement  à  des 
bubons  qui  survinrent  chez  un  jeune  homme  atteint  de  chancre  mou. 
Après  avoir  extirpé  les  glandes  affectées  par  le  mal,  il  a  constaté 
d'un  cûté  du  chémosis,  de  l'iritis  avec  synéchies  postérieures  et  de  la 
protrusion  de  l'œil  ;  des  frissons  accompagnaient  ces  divers  symptômes. 
L'inflammation  du  tissu  rétro-bulbaire  aboutit  à  la  suppuration.  Après 
la  sortie  du  pus,  la  guérison  survint  en  deux  semaines.  Il  est  évident 
que  l'abcès  orbitaire  et  l'iritis  avaient  été  produits  par  une  infection 
septique,  dont  le  point  de  départ  fut  la  plaie  résultant  de  l'extirpation 
des  glandes  de  l'aine.  Les  symptômes  oculaires  sont,  en  effet,  d'ori- 
gine septique  et  ne  sont  pas  dus  directement  au  chancre  mou. 

29.  SYPHILIS. 

a.  Syphilis  acquise.  —  La  syphilis  est,  on  le  sait,  la  cause  d'un 
certain  nombre  d'affections  oculaires.  Badal,  par  exemple,  a  constaté 
sur  les  malades  de  sa  clinique  qu'il  fallait  rattacher  à  la  syphilis 
20  p.  100  des  cas  d'amblyopie,  13  p.  100  des  cas  de  troubles  ocu- 
laires résultant  d'atrophie  du  nerf  optique,  10  p.  100  des  cas  d'iritis, 
de  choroïdite  et  de  rétinite,  28  p.  100  des  cas  de  paralysies  oculaires. 
Alexander  (d'Aix-la-Chapelle),  sur  50,000  malades  atteints  d'affections 


356  PARTIE   SPÉCIALE. 

des  yeux,  compte  1,385  individus  qui  doivent  à  la  syphilis  leur  affec- 
tion de  la  vue.  La  proportion  de  syphilitiques  qu'a  observée  cet  auteur 
est  plus  élevée  certainement  que  celle  rencontrée  par  d'autres  ophtal- 
mologistes, parce  que  Aix-la-Chapelle  est  le  rendez-vous  des  syphi- 
litiques de  toutes  les  parties  du  monde.  Alexander  évalue  à  2,10  p.  100 
le  nombre  des  maladies  des  yeux  dues  à  la  syphilis  en  Allemagne,  et 
son  opinion  repose  sur  ce  qu'il  a  observé  dans  huit  cliniques  ophthal- 
mologiques.  Coccius  arrive  à  une  proportion  très  forte:  11,0  p.  100 
des  malades  qu'il  a  vus  atteints  d'affections  oculaires  étaient  syphiliti- 
ques. La  syphilis  n'est  pas  une  cause  très  fréquente  de  cécité  :  Magnus 
estime  que  2,2  p.  100  des  aveugles  ont  perdu  la  vue  par  suite  de  cette 
maladie. 

Le  chancre  induré  est  assez  rare  aux  paupières.  Dans  la  plupart  des 
cas,  il  provient  de  baisers  d'individus  atteints  de  chancre  syphiliti- 
que aux  lèvres  ou  à  la  bouche  ;  il  peut  être  transmis  par  les  mains 
des  gardes-malades.  Desmarres  cite  le  fait  d'un  malade  qui,  en  toussant, 
envoya  de  la  salive  sur  la  paupière  de  son  médecin,  et  lui  aurait 
ainsi  communiqué  un  chancre  induré.  Salomon  a  publié  l'observa- 
tion d'une  enfant  de  huit  mois  qui  portait  à  la  fois  à  la  partie  nasale 
de  la  paupière  inférieure  et  aux  grandes  lèvres  de  la  vulve  des  ulcères 
syphilitiques  primitifs  ;  le  mal  lui  avait  été  communiqué  par  sa 
tante,  atteinte  de  syphilis  de  la  peau.  Les  parents  étaient  bien  por- 
tants, mais  bientôt  l'enfant  infecta  la  mère,  qui  fut  infectée  d'un 
ulcère  syphilitique  au  mamelon.  Tepljaschin  a  vu  la  syphilis  se  trans- 
mettre à  l'œil  par  un  singulier  moyen.  Dans  quelques  parties  de  la 
Russie,  on  a  l'habitude  de  lécher  l'œil  pour  en  extraire  les  corps  étran- 
gers. Or,  dans  le  district  de  Viatka,  une  femme  qui  avait  la  spécialité 
de  cette  opération,  communiqua  à  sept  individus  un  chancre  des 
paupières  ;  cette  femme  prétendait  avoir  contracté  la  syphilis  de  la 
même  façon. 

La  fréquence  du  chancre  induré  des  paupières  est,  à  Paris,  d'après 
Fournier,  par  rapport  aux  chancres  des  autres  parties,  dans  la  pro- 
portion de  1  à  880.  Sur  27  chancres  indurés  ne  siégeant  pas  aux  par- 
ties génitales,  cet  auteur  n'en  trouva  que  19  à  la  tête,  parmi  lesquels 
5  occupaient  les  paupières.  En  Autriche,  Zeissel,  sur  5000  cas  de 
chancre  induré,  n'en  vit  qu'un  seul  aux  paupières.  En  Amérique, 
Wiethe  évalue  la  fréquence  du  chancre  palpébral  à  1  p.  10.000. 

Le  lieu  de  prédilection  du  chancre  induré  des  paupières  estlepoinl 
où  la  peau  se  continue  par  la  conjonctive.  Ses  symptômes  cliniques 
sont  tellement  semblables  à  ceux  qu'on  observe  lorsqu'il  occupe  d'au- 
tres parties  du  corps,  qu'il  ne  nous  semble  pas  nécessaire  de  les  dé- 
crire. En  général,  la  glande  lymphatique  buccale  et  la  glande  située 
en  avant  de  la  parotide  sont  gonflées.  (D'après  Sappey,  les  lymphati- 
ques  profonds  des  paupières  suivent  la  veine  faciale  et  se  rendent 


SYPHILIS.  3ïi7 

dans  la  glande  lymphatique  sous-maxillaire,  tandis  que  les  lymphati- 
ques superficiels  accompagnent  la  veine  temporale  et  gagnent,  vers 
la  parotide,  les  glandes  lymphatiques  préauriculaires.)  Par  la  rétrac- 
tion cicatricielle  qu'il  entraine,  le  chancre  induré  peut  produire  des 
déformations  des  paupières. 

On  a  également  ohservé  des  affections  syphilitiques  primitives  de  la 
conjonctive,  et  Baudon  en  a  publié  un  cas  ;  elles  s'accompagnent  du 
gonflement  de  la  glande  lymphatique  sous-maxillaire.  C'est  surtout  le 
cul-de-sac  qui  est  le  siège  du  chancre  induré,  mais  il  peut  occuper 
d'autres  parties,  par  exemple  le  pli  semi-lunaire. 

Les  affections  syphilitiques  secondaires  de  la  peau  se  rencontrent  fré- 
quemment aux  paupières,  principalement  sur  leur  bord  libre  ;  elles  oc- 
casionnent alors  la  chute  des  cils.  Après  la  guérison  des  syphilides,  les 
cils  repoussent  généralement.  Dans  les  cas  d'alopécie  syphilitique,  on 
observe,  dans  la  plupart  des  cas,  l'absence  de  cils  (madarose). 

Plusieurs  fois,  on  a  vu  des  condylomes  des  paupières  (Desmarres);  ils 
existent  simultanément  avec  des  condylomes  occupant  d'autres  parties 
du  corps.  Galezowski  a  rencontré  des  papules  ulcéreuses  du  bord  li- 
bre des  paupières;  Eversbusch  signale  les  mêmes  lésions  sur  la  con- 
jonctive bulbaire  et  le  pli  semi-lunaire.  Des  ulcères  peuvent  succéder 
aux  condylomes  de  la  conjonctive,  mais  un  traitement  rationnel  de  la 
maladie  générale  en  amène  la  guérison  ;  ils  ne  laissent  subsister  qu'une 
décoloration  légère  dans  le  point  qu'ils  occupaient. 

11  faut  attribuer  à  des  condylomes  un  certain  nombre  d'affections 
syphilitiques  de  l'iris.  Le  corps  ciliaire  peut  lui-même  en  être  atteint, 
et  Fuchs  a  vu  un  condylome  ciliaire  survenir  quatre  mois  après  l'acci- 
dent syphilitique  primitif.  Les  symptômes  ont  consisté  en  injection 
péri-cornéenne,  en  irrégularité  dans  la  forme  de  la  pupille,  en  dépla- 
cement latéral  de  l'iris  par  une  tumeur  qui  se  développa  entre  cette 
membrane  et  la  sclérotique.  Cette  tumeur,  très  riche  en  vaisseaux, 
était  d'une  couleur  jaune  rougeàtre.  Il  existait  des  opacités  dans  le 
corps  vitré  et  de  l'hypérémie  de  la  papille  optique. 

Viritis  est  une  des  manifestations  les  plus  fréquentes  de  la  syphilis 
(?aaatit»tianncitios  et  l'une  de  celles  qui  apparaissent  le  plus  tôt.  Elle 
survient  soit  avec  les  symptômes  secondaires,  soit  avec  les  symptô- 
mes tertiaires.  La  plupart  des  auteurs  admettent  que  50  p.  100  des 
oas  d'iritis  sont  causés  par  la  syphilis.  Toutefois,  cette  affection  n'est 
pas  très  fréquente  chez  les  syphilitiques,  puisque,  d'après  Fournier, 
3  ou  i  p.  100  d'entre  eux  en  seraient  seulement  atteints. 

Au  début  de  la  syphilis  constitutionnelle,  on  voit  apparaître  Viritis 
plastique  avec  exudations  sur  le  bord  de  la  pupille  (synéchies  posté- 
rieures) et  dépôts  sur  la  surface  postérieure  de  la  cornée.  L'humeur 
aqueuse  de  la  chambre  antérieure  est  trouble,  et  il  semble  que  les  ar- 
cades de  la  face  antérieurede  l'iris  soient  effacées.  En  même  temps  que 


358  PARTIE   SPÉCIALE. 

ces  symptômes,  il  survient  du  larmoiement,  de  la  photophobie,  de 
l'injection  péri-cornéenne,  de  la  diminution  de  l'acuité  visuelle,  dimi- 
nution qui  est  très  notable  dans  toutes  les  formes  d'iritis  syphilitique. 
Les  membranes  de  nouvelle  formation  peuvent  recouvrir  entièrement 
la  pupille,  ou  bien  des  synéchies  postérieures  totales  peuvent  inter- 
cepter toute  communication  entre  les  chambres  antérieure  et  posté- 
rieure de  l'œil.  C'est  pour  ce  motif  que  l'humeur  aqueuse  accumulée 
dans  la  chambre  postérieure  de  l'œil  repousse  l'iris,  qui  forme  un 
bourrelet  saillant,  et  qu'on  voit  apparaître  les  symptômes  que  produit 
l'augmentation  de  la  tension  intra-oculaire.  Si  des  exsudats  se  forment 
à  la  périphérie  de  la  face  postérieure  de  l'iris,  les  terminaisons  anté- 
rieures des  prolongements  intravallaires  (1)  de  la  chambre  postérieure 
de  l'œil  sont  bouchées  et  ne  peuvent  plus  livrer  passage  à  l'humeur 
aqueuse  sécrétée  par  les  procès  ciliaires.  Dans  ces  cas,  l'iri- 
dectomie  ne  réussit  pas  à  rétablir  la  communication  entre  les  prolon- 
gements intravallaires  et  les  autres  parties  de  la  chambre  postérieure 
de  l'œil,  parce  que  l'opération  ne  peut  pas  porter  sur  les  parties  péri- 
phériques de  l'iris  ;  c'est  pour  cette  raison  que  dans  nombre  de  cas 
l'iridectomie  ne  guérit  pas  le  glaucome  secondaire. 

La  diminution  très  considérable  de  l'acuité  visuelle,  de  même  que 
l'opacité  de  l'humeur  aqueuse,  démontre  qu'il  existe  en  même  temps 
une  affection  du  corps  ciliaire.  —  En  général,  l'iritis  plastique  atteint 
les  deux  yeux.  Quant  à  sa  marche,  elle  peut  être  aiguë  ou  chronique. 

Dans  une  autre  forme  d'iritis  syphilitique,  on  observe  des  tuméfac- 
tions partielles  du  tissu  de  l'iris,  accompagnées  parfois  de  symptômes 
inflammatoires  plus  ou  moins  prononcés.  C'est  dans  cette  forme  qu'on 
rencontre  le  condylome  de  l'iris. 

Pendant  la  période  gommeuse  de  la  syphilis,  on  trouve  des  gommi-s 
dans  l'iris.  Elles  constituent  de  petites  tumeurs  jaunâtres  faisant  sail- 
lie à  la  face  antérieure  de  la  membrane;  leur  base  est  entourée  d'un 
grand  nombre  de  vaisseaux,  et  ce  symptôme  les  distingue  du  granu- 
lome tuberculeux  de  l'iris.  Les  gommes  occupent  non  seulement  le 
bord  de  la  pupille,  mais  aussi  la  périphérie  de  l'iris  (les  tubercules  oc- 
cupent de  préférence  la  partie  périphérique)  ;  elles  peuvent  former 
des  groupes  ou  être  isolées. 

Il  est  très  rare,  dans  la  syphilis,  d'observer  Viritis  séreuse;  Alexan- 
der  l'a  rencontrée  chez  un  individu  atteint  de  varicelle  syphilitique. 
On  ne  voit  pas  alors  de  synéchies  postérieures,  maison  constate  l'exis- 
tence de  dépôts  à  la  face  postérieure  de  la  cornée.  La  coloration  de 
l'iris  est  modifiée  et  l'humeur  aqueuse  est  trouble. 

L'iritis  syphilitique  peut  s'accompagner  de  kératite  pointillée,  mais 
cette  dernière  affection  se  trouve  parfois  seule  (Mauthner).   Elle   est 

(I)  Berger,  Anatomie  normale  cl  pathologique  de  l'œil,  1889. 


SYPHILIS.  359 

caractérisée  par  des  groupes  de  petites  taches  grisâtres,  de  la  grosseur 
d'une  tête  d'épingle,  et  elle  est  accompagnée  d'une  injection  péri-cor- 
néenne  peu  intense.  A  la  loupe,  on  peut  reconnaître  que  les  opacités 
sont  situées  dans  les  couches  postérieures  de  la  cornée.  En  général, 
ces  opacités  ponctuées  de  la  cornée  se  développent  très  rapidement  et 
elles  disparaissent  avec  la  même  rapidité,  laissant  parfois  de  petites 
taies.  La  kératite  pointillée  se  rencontre  et  dans  la  période  secondaire 
et  dans  la  période  tertiaire. 

Dans  des  cas  exceptionnels,  la  syphilis  acquise  donne  lieu  à  la 
kératite  interstitielle,  dont  nous  parlerons  plus  loin,  et  qui  est  générale- 
ment une  manifestation  de  la  syphilis  héréditaire. 

Des  affections  syphilitiques  du  nerf  optique  peuvent  apparaître  de 
très  Donne  heure.  Sur  400  syphilitiques  qu'il  a  observés,  Ole  Bull  en 
a  vu  à  peu  près  le  quart  avec  une  coloration  rougeàtre  de  la  papille 
optique,  de  la  dilatation  des  veines  rétiniennes,  du  resserrement  des 
artères  et  une  légère  opacité  péri-papillaire  de  la  rétine.  Ces  lésions 
apparaissent  au  plus  tard  deux  mois  après  l'accident  primitif.  On  les 
observe  en  même  temps  que  les  plaques  muqueuses  de  la  bouche,  la 
roséole,  les  douleurs  rhumatismales  et  la  céphalalgie.  L'acuité  visuelle 
reste  normale,  mais  les  malades  se  plaignent  de  fatigue  à  la  lecture. 
La  plupart  du  temps,  ces  accidents  cèdent  à  un  traitement  antisyphi- 
litique, mais  il  arrive  qu'ils  soient  remplacés  par  de  la  choroïdo-réti- 
nite.  Au  point  de  vue  du  diagnostic  différentiel,  il  importe  de  noter 
que,  dans  cette  affection,  la  papille  est  beaucoup  moins  proéminente 
que  dans  la  névrite  optique.  Ole  Bull  a  essayé  d'expliquer  la  lésion  du 
nerf  optique  par  une  hypérémie  des  méninges  accompagnée  de  sécré- 
tion exagérée  du  liquide  cérébro-rachidien.  Pour  notre  part,  étant 
donnée  l'analogie  que  présentent  les  altérations  du  fond  de  l'œil  dans 
cette  affection  et  dans  d'autres  maladies  microbiennes,  nous  pensons 
qu'il  s'agit  plutôt  de  névrite  périphérique  occasionnée  par  les  toxines 
delà  syphilis.  Ole  Bull  admet  que  le  peu  d'intensité  des  symptômes 
inflammatoires  prouve  qu'il  ne  s'agit  pas  d'une  affection  locale  de  la 
papille  ;  cette  opinion  serait  encore  appuyée  par  ce  fait  que  la  fonction 
reste  normale.  Mais  on  peut  répondre  que  même  dans  les  cas  de  né- 
vrite optique  très  prononcée,  l'acuité  visuelle  est  normale  et  que  d'un 
autre  côté,  au  début  de  la  syphilis  constitutionnelle,  on  observe  des 
troubles   oculaires  qui  sont  probablement  dus  à  l'action  des  toxines. 

Gilbert  et  Léon  ont  rencontré  Yamblyopie  dans  des  cas  de  syphilis 
médullaire  précoce;  Tornanitzki  l'a  observée  pendant  la  période  con- 
dylomateuse,  et  il  l'a  vue  céder  à  un  traitement  antisyphilitique.  11 
examina  148  malades,  et  chez  60  p.  100  d'entre  eux  il  constata  que 
l'acuité  visuelle,  plus  ou  moins  diminuée  pendant  l'amblyopie  ,  rede- 
venait normale  à  la  suite  du  traitement  spécifique.  Ce  qui  est  surpre- 
nant, si  l'amblyopie   est    aussi  fréquente  que  le  prétend  cet  auteur, 


360  PARTIE  SPÉCIALE. 

c'est  qu'elle  ait  échappé  à  tant  d'autres  observateurs.  Il  est  probable 
qu'il  faut  attribuer  à  la  syphilis  les  cas  d'amblyopie  mercurielle  des 
auteurs  anciens  ;  déjà  Wunderlich  parait  avoir  connu  ce  fait,  et  il  dit 
que  l'affection  débute  brusquement,  mais  qu'elle  est  habituellement 
transitoire. 

À  mon  sens,  c'est  aussi  à  l'action  des  toxines  qu'il  faut  attribuer 
vraisemblablement  le  scotome  central  qu'on  observe  chez  quelques  sy- 
philitiques, et  qui,  au  point  de  vue  clinique,  est  tout  à  fait  analogue 
à  celui  que  produit  l'intoxication  alcoolique.  Uhthoff  a  rencontré 
sept  cas  de  scotome  central  qui  ne  pouvaient  être  attribués  qu'à  la 
syphilis. 

A  part  l'iritis  gommeuse,  les  affections  oculaires  dont  il  vient  d'être 
question  se  montrent  pendant  la  période  secondaire  de  la  syphilis.  Il 
nous  faut  parler  maintenant  des  lésions  qui  surviennent  aune  époque 
plus  avancée. 

Dans  quelques  cas  rares,  on  a  constaté  des  gommes  des  paupières  qui 
se  sont  ulcérées  et  ont  amené  une  déformation  par  rétraction  cicatri- 
cielle. Le  rupia  syphilitique  peut  produire  des  ulcérations  semblables 
de  la  peau  des  paupières.  Les  gommes  palpébrales  s'accompagnent  de 
chémosis.  Les  paupières  renferment  des  tumeurs  semblables  au  cha- 
lazion  et  sont  le  siège  d'un  gonflement;  il  importe  de  remarquer  que, 
contrairement  à  ce  qui  arrive  dans  le  chalazion,  la  peau  des  paupières 
est  enflammée  lorqu'il  existe  des  gommes.  Le  temps  qui  s'écoule  entre 
l'apparition  d'une  gomme  et  son  ulcération  est  très  variable  ;  elle  peut 
s'ulcérerau  bout  de  vingt-quatre  heures  et  donner  naissance  à  un  ul- 
cère à  bords  déchiquetés  et  d'un  rouge  foncé;  en  même  temps  il  sur- 
vient de  fortes  douleurs,  de  la  fièvre  et  même  du  délire.  L'ulcération 
peut  atteindre  la  paupière  dans  toute  son  épaisseur.  D'autres  gommes 
présentent  une  marche  chronique  ;  elles  sont  dures  comme  du  carti- 
lage et  n'occasionnent  pas  de  douleurs.  Elles  peuvent  s'ulcérer  à  une 
époque  tardive  ou  ne  pas  s'ouvrir  du  tout.  Lorsqu'elles  s'ulcèrent,  elles 
entraînent  parfois  une  déformation  des  paupières (ectropion,  etc.),  ou 
même  leur  destruction  complète,  ainsi  que  l'a  observé  Heyfelder.  Il 
est  très  rare  que  la  syphilis  produise  l'inflammation  du  tarse,  et,  lors- 
qu'elle survient,  celte  inflammation  peut  suivre  une  marche  aiguë.  On 
a  vu,  pendant  la  période  gommeuse,  la  tarsite  accompagnée  de  tumé- 
faction chronique  des  paupières. 

Trousseau  a  décrit  sous  le  nom  de  gommes  sous-conj onctivales  celles 
qui  se  développent  dans  le  tarse;  elles  produisent  toujours  un  gonfle- 
ment considérable  des  paupières,  et  ce  fait  a  une  très  grande  impor- 
tance au  point  de  vue  du  diagnostic,  car  il  permet  de  distinguer  les 
gommes  des  tubercules  de  la  conjonctive,  qui  ne  déterminent  pas  de 
tuméfaction.  Sous  le  nom  de«  ulcus  elevatum  »  de  la  conjonctive  tar- 
sale,  Jacobson    a  décrit  une   affection  qui   ressemble  beaucoup  à  un 


SYPHILIS.  361 

chala/.ion  perforé  et  qui  se  guérit  par  un  traitement  antisyphilitique. 
Nous  pensons  qu'il  s'agit  simplement  d'une  gomme  du  tarse. 

Des  gommes  ont  encore  été  observées  dans  la  conjonctive;  de  Wec- 
ker  et  Kstlanderen  ont  rencontré  dans  la  conjonctive  bulbaire,  un  peu 
en  dehors  de  la  cornée.  Leur  diamètre  était  de  5  millimètres,  et,  tout 
autour,  la  conjonctive  offrait  une  forte  injection  vasculaire. 

Dans  la  conjonctive,  Goldzieher  a  trouvé  une  affection  produite  par 
la  syphilis  constitutionnelle,  qui  avait  l'apparence  d'une  conjonctivite 
granuleuse.  Pour  ceux  qui  regardent  les  amas  de  leucocytes  de  la 
conjonctive  comme  des  follicules  lymphatiques,  les  granulations  dont 
il  s'agit  sont  des  tuméfactions  des  glandes  lymphatiques  analogues 
aux  bubons  indolents.  Les  malades  chez  lesquels  Goldzieher  a  ren- 
contré cette  affection  étaient  en  même  temps  atteints  de  kératite  in- 
terstitielle ou  d'iritis:  dans  un  cas,  il  existait  une  tarsite  syphilitique. 
On  doit  à  Macauley  et  à  Satter  des  observations  analogues.  La  guéri- 
son  s'obtient  par  des  frictions  mercurielles. 

Vhypérémie  de  la  conjonctive  (Mauthner,  Lang),la  coloration  rouge 
écarlate  de  cette  membrane  (Arlt)  peuvent  survenir,  même  de  bonne 
heure,  chez  les  syphilitiques;  elles  cèdent  au  traitement  mercuriel. 
Aucun  auteur  n'a  donné  l'explication  de  ces  symptômes.  Dans  un  cer- 
tain nombre  de  cas,  il  s'agit  probablement  de  conjonctivite  due  aux 
produits  toxiques  de  la  syphilis. 

Voici  une  observation  très  intéressante  de  conjonctivite  syphilitique,  qui  nous  a 
été  transmise  par  notre  confrère  le  docteur  Diamantberger.  L'observation  a  été  re- 
cueillie par  M.  A.  Goldberg,  interne  au  service  du  docteur  A.  Weil,  à  l'hôpital  de  Roth- 
schild. 

Le  nommé  M.  J...,  âgé  de  trente  ans,  de  profession  voyageur  de  commerce, 
entre  le  25  mai  1891  a  l'hôpital  pour  uDe  iritis  très  accentuée  du  côté  gauche. 
Cette  iritis  est  accompagnée  d'engorgements  ganglionnaires  post-cervicaux,  de  cé- 
phalées nocturnes  et  localement  d'une  conjonctivite  très  intense.  Les  antécédents 
du  malade  révèlent  l'existence  d'un  chancre  induré  sur  le  filet  de  la  verge  (il  y  a 
un  an).  On  le  soumet  au  traitement  des  frictions  mercurielles  et  tous  les  accidents 
disparaissent.  Il  ne  reste  plus  aucune  trace  visible  de  l'iritis,  qui  cependant  présen- 
tait un  caractère  de  gravité  exceptionnelle.  Il  sort  donc  le  17  juillet,  guéri. 

Le  :j  septembre  il  rentre  de  nouveau  avec  les  signes  d'une  conjonctivite  double 
des  plus  intenses,  accompagnée  de  blépharospasme. 

Avec  un  traitement  local  approprié  (poudre  de  calomel,  lavage  à  l'eau  boriquée, 
et  surtout  avec  des  frictions  mercurielles  générales,  le  malade  se  rétablit  au  bout 
de  trois  semaines  et  sort  guéri. 

Le  malade  n'a  pas  pu  supporter  le  traitement  ioduré,  ni  la  première  fois  ni  la  se- 
conde, des  accidents  cutanés  et  naso-pharyngiens  étant  survenus  à  la  suite,  d'io- 
dure  de  potassium. 

Denarée  et  Magin  prétendent  qu'on  peut  trouver  des  lésions  gom- 
meuses  de  la  cornée;  mais  le  fait  n'est  pas  suffisamment  établi. 

Les  anciens  auteurs  ne  croyaient  pas  que  la  sclérotique  pût  être  at- 
teinte par  la  syphilis.  Cependant,  en  1867,  Mooren  (de  Dusseldorf) 
décrivit  des  tumeurs  circonscrites  de  la  sclérotique  qui  étaient  dues  au 


362  PARTIE  SPÉCIALE. 

développement  de  gommes.  La  conjonctive  recouvrant  ces  tumeurs  et 
l'épiscléra  présentaient  des  symptômes  inflammatoires.  Depuis  cette 
époque,  un  certain  nombre  d'observations  analogues  ont  été  publiées, 
et,  à  l'heure  actuelle,  on  connaît  neuf  cas  de  gommes  de  la  scléroti- 
que. Le  dernier  publié  fut  observé  par  Alexander  :  il  vit  une  gomme 
de  la  partie  postérieure  de  la  sclérotique  soulever  la  rétine,  dont 
l'épithélium  pigmentaire  était  raréfié  et  qui  formait  en  un  point  une 
saillie  appréciable  à  l'ophthalmoscope,  l'image  des  vaisseaux  rétiniens 
se  trouvant  déplacée. 

Nous  avons  déjà  décrit  Yirilis  gommeuse.  Les  gommes  du  corps  ci- 
liaire  sont  très  rares,  on  n'en  connaît  que  cinq  cas  mentionnés  par 
Mauthner,  Woinow,  Arlt,  Ayres  et  Panas.  Chez  les  malades  observés, 
la  gomme  était  apparue  de  un  an  à  trois  ans  et  demi  après  l'accident 
primitif;  elle  avait  généralement  été  précédée  d'iritis.  Au  point  devue 
clinique,  les  gommes  du  corps  ciliaire  se  présentent  sous  forme  d'ec- 
tasies  staphylomateuses  ;  leur  nombre  varie  de  un  à  cinq  chez  chaque 
individu.  La  tumeur,  et,  par  suite,  l'ectasie  qui  en  résulte,  peut  s'ac- 
croître et  occasionner  l'opacité  de  la  partie  voisine  de  la  cornée, 
l'amincissement  et  la  perforation  de  la  sclérotique  qui  la  recouvre. 
Quand  la  perforation  se  produit,  on  voit  le  globe  oculaire  s'atrophier; 
cette  atrophie  survient  parfois  sans  perforation.  Néanmoins,  la  perfo- 
ration de  la  sclérotique  et  le  prolapsus  consécutif  du  corps  ciliaire  ne 
doivent  pas  toujours  faire  porter  un  diagnostic  fatalement  défavorable  : 
en  1891,  Panas  a  vu  un  cas  de  ce  genre  se  terminer  par  la  guérison  à 
la  suite  d'injections  hypodermiques  de  peptonate  de  mercure. 

Les  exemples  d'affections  syphilitiques  delà  choroïde  sont  plus  fré- 
quents que  ceux  de  lésions  du  corps  ciliaire,  mais  ils  sont  moins  nom- 
breux que  les  cas  d'affections  de  l'iris. 

Parfois  la  choroïdite  syphilitique  apparaît  après  une  affection  syphiliti- 
que del'iriset  du  corps  ciliaire.  Dans  l'irido-choroïdite  syphilitique,  on 
observe  une  opacité  très  prononcée  du  corps  vitré,  accompagnée,  dans 
quelques  cas,  d'hypopyon  ou  d'hémorrhagies  dans  la  chambre  anté- 
rieure de  l'œil.  Au.début,  la  tension  intra-oculaire  peut  être  augmentée  ; 
plus  tard  elle  est  diminuée.  Lorsque  le  casestgrave,  les  troubles  du  corps 
vitré  sont  assez  marqués  pour  s'opposer  à  l'examen  ophthalmoscopique; 
quand  on  peut  examiner  le  fond  de  l'œil,  et  le  fait  devient  possible  pen- 
dant une  amélioration  passagère,  on  constate  un  gonflement  plus  ou 
moins  considérable  de  la  papille  optique.  L'acuité  visuelle  est  très  nota- 
blement diminuée  et  le  champ  visuel  se  trouve  rétréci.  Peu  à  peu 
la  vue  baisse,  et  le  malade  arrive  à  n'avoir  plus  qu'une  simple  percep- 
tion delà  lumière.  L'irido-choroïdite  syphilitique  peut  se  terminerde  la 
même  façon  que  l'irido-choroïdite  due  à  une  autre  cause;  la  cécité 
complète  s'observe  surtout  à  la  suite  des  cas  qui  ont  amené  le  dévelop- 
pement de  synéchies  postérieures  totales.  Dans  ces  cas,  il  peut  y  avoir 


SYPHILIS.  363 

décollement  de  la  rétine,  atrophie  du  globe  oculaire  et  même  inflam- 
mation sympathique  de  l'autre  œil.  D'autres  fois,  le  traitement  parles 
frictions  mereurielles  continuées  pendant  plusieurs  mois  et,  en  même 
temps,  par  des  topiques  appropriés  (atropine),  réussit  à  produire  une 
amélioration  très  notable.  J'ai  même  vu  un  malade  dont  la  vision  avait 
tellement  baissé  qu'il  ne  pouvait  que  compter  ses  doigts,  recouvrer  en 

20 
partie  son  acuité  visuelle,  qui  revint  à  — . 

40 

Dans  un  certain  nombre  de  choroïdites  syphilitiques,  l'affection 
est  limitée  à  la  choroïde,  et  détermine  des  lésions  diffuses  qui  en- 
traînent sur  certains  points  la  disparition  de  l'épithélium  pigmen- 
taire,  tandis  que,  sur  d'autres  points,  cet  épithélium  prolifère  ou 
forme  des  groupes  irréguliers.  Au  début  de  la  maladie,  des  portions 
très  étendues  du  fond  de  l'œil  présentent  une  coloration  rougeàtre 
diffuse;  plus  tard,  les  mêmes  points  peuvent  laisser  voir  les  vaisseaux 
choroïdiens,  ce  qui  tient  à  l'atrophie  de  la  choroïde  et  à  la  disparition 
consécutive  de  cellules  pigmentaires,  mais  il  peut  arriver,  au  con- 
traire, que  le  pigment  augmente  et  forme  des  taches  noirâtres  irré- 
gulières. On  observe  aussi  quelques  taches  blanches  causées  par  une 
atrophie  très  accusée  de  certains  points  de  la  membrane.  En  général, 
dans  cette  forme  de  choroïdite  syphilitique,  on  rencontre  des  flocons 
dans  le  corps  vitré.  Tantôt  ce  sont  les  lésions  de  la  choroïde  qui  pré- 
dominent, tantôt  celles  du  corps  vitré.  Quelques  auteurs  ont  même  cru 
devoir  admettre  une  forme  spéciale  de  choroïdite  syphilitique,  carac- 
térisée par  des  opacités  très  accentuées  du  corps  vitré  et  des  altéra- 
tions peu  importantes  de  la  choroïde.  Mais  il  existe  tant  de  formes  de 
transition  entre  les  formes  extrêmes,  que  nous  ne  saurions  admettre 
deux  variétés  distinctes  affectant  surtout,  l'une  le  corps  vitré,  l'autre 
la  choroïde. 

Dans  les  cas  invétérés  de  choroïdite  syphilitique,  il  survient  des 
altérations  analogues  à  celles  produites  par  la  rêtinite  pigmentaire  :  des 
taches  pigmentaires  étoilées  apparaissent,  principalement  autour  des 
vaisseaux  et  dans  la  partie  équatoriale  delà  rétine.  Toutefois  la  forme 
syphilitique  se  distingue  de  la  forme  non  syphilitique  :  dans  la  pre- 
mière, des  éléments  continuent  à  fonctionner  à  la  périphérie  de  la 
rétine;  dans  la  seconde,  il  y  a  rétrécissement  périphérique  absolu  du 
champ  visuel.  Dans  la  choroïdite  syphilitique,  on  a  aussi  observé  le 
scotome  annulaire  (Perlia).  Les  deux  formes  ont  quelques  symptômes 
communs;  ce  sont  :  l'héméralopie,  l'étroitesse  du  champ  visuel,  le 
resserrement  des  vaisseaux  rétiniens,  l'atrophie  jaunâtre  du  nerf 
optique.  Le  fond  de  l'œil  est  d'une  couleur  rouge  homogène  dans  la 
rêtinite  pigmentaire  non  syphilitique;  dans  la  forme  syphilitique,  il 
est,  au  contraire,  d'une  jaune  marbré  de  brun. 

La  choroïdite  syphilitique   atteint  surtout  les  individus    d'un  âge 


•164  PARTIE    SPÉCIALE. 

moyen  et  n'apparaît  généralement  qu'au  delà  de  trente  ans.  On  conçoit 
sans  peine  que  cette  affection  atteigne  constamment  la  rétine,  surtout 
dans  ses  couches  externes,  et  c'est  pour  ce  motif  que  quelques  auteurs 
lui  ont  donné  le  nom  de  choroïdo-rétinite.  Cependant  les  symptômes 
d'héméralopie  qui  font,  on  le  sait,  défaut  dans  les  affections  du  nerf 
optique  et  de  la  rétine, justilient  le  nom  de  choroïdite. 

La  plupart  des  auteurs  regardent  la  choroïdite  disséminée  comme 
étant  souvent  de  nature  syphilitique  ;  de  Wecker  estime  qu'il  en  est 
ainsi  dans  les  deux  tiers  des  cas.  Foerster,  au  contraire,  croit  que  le 
fait  est  exceptionnel. 

Dans  la  choroïdite  disséminée,  on  rencontre  des  taches  d'un  jaune 
blanchâtre  au  déhut,  qui  deviennent  plus  tard  tout  à  fait  blanchâtres; 
elles  sont  très  nombreuses,  groupées  irrégulièrement  au  fond  de  l'œil 
et  entourées  d'un  cercle  pigmentaire.  En  général,  le  nerf  optique  est 
atteint,  la  papille  est  rouge  et,  à  une  période  avancée  de  la  maladie, 
elle  présente  des  symptômes  de  dégénérescence  atrophique.  Parfois, 
les  taches  exsudatives  se  trouvent  surtout  dans  la  région  de  la  macula 
(choroïdite  aréolaire)  ou  même  dans  la  macula  seule  (Monprofit).  Dans 
sa  partie  postérieure,  le  corps  vitré  est  trouble  et  on  dirait  qu'il 
renferme  des  grains  de  poussière ,  l'opacité  peut  être  assez  prononcée 
pour  cacher  complètement  la  papille.  Cette  forme  de  choroïdite 
apparaît  à  une  période  avancée  de  la  syphilis.  Les  troubles  fonc- 
tionnels qu'elle  cause  consistent  en  scotomes  positifs  correspondant 
aux  parties  affectées.  Les  altérations  de  la  choroïde  consécutives  â  la 
syphilis  peuvent  donner  naissance  à  une  cataracte  polaire  posté- 
rieure. 

Il  n'est  plus  possible  de  contester  l'existence  de  lésions  primitives 
de  la  rétine  à  la  suite  de  la  syphilis;  mais  plusieurs  auteurs  nient 
que  la  rétinite  syphilitique  soit  caractérisée  par  des  symptômes  cli- 
niques spéciaux.  On  ne  sait  pas  encore  si,  dans  les  formes  mixtes 
où  la  rétine  et  la  choroïde  sont  en  même  temps  atteintes,  l'une  de 
ces  membranes  a  été  affectée  avant  l'autre.  Ole  Bull  pense  que,  dans 
ces  cas,  l'affection  débute  par  la  rétine  et  se  propage  ensuite  à  la 
choroïde;  pour  Foerster,  au  contraire,  la  rétinite  serait  la  conséquence 
de  la  choroïdite.  Nous  pensons  avec  Nettleship,  que  les  affections  de  la 
réline  et  de  la  choroïde  peuvent  se  développer  indépendamment 
l'une  de  l'autre,  mais  très  souvent  elles  ont  leur  point  de  départ  com- 
mun dans  la  chorio-capillaire,  contenant  les  vaisseaux  nourriciers 
des  couches  externes  de  la  rétine. 

Il  est  incontestable  que  la  rétinite  syphilitique  décrite  il  y  a  plus  de 
trente  ans,  par  Jacobson,  débute  par  une  altération  primitive  de  la 
rétine;  plusieurs  auteurs  admettent  qu'il  en  est  de  même  pour  la 
rétinite  centrale  récidivante  (de  Graefe),  tandis  que,  pour  d'autres, 
elle  serait  due  à  des  altérations  de  la  chorio-capillaire.  On  s'accorde 


SYPHILIS.  365 

pour  placer  clans  la  rétine  l'origine  d'une  rétinite  qui  produit  des 
exsudations  le  long  des  vaisseaux  et  d'une  autre  affection  de  la  rétine 
décrite  pour  la  première  ibis  par  Ole  Bull.  Quant  à  la  rétinite  syphi- 
litique apoplecti forme,  elle  est  probablement  due  à  des  altérations  des 
parois  vasculaires,  spécialement  des  parois  de  la  veine  centrale  de  la 
rétine.  L'endartérite  syphilitique  s'accompagne  parfois,  en  effet,  de 
lésions  analogues  des  veines. 

La  rétinite  syphilitique  simple  (Jacobson)  présente  un  certain  nombre 
de  symptômes  qu'on  rencontre  dans  toutes  les  formes  de  rétinite;  ce 
sont  :  l'hypérémie  de  la  papille,  dont  les  limites  sont  effacées,  et  l'opa- 
cité diffuse  de  la  rétine,  qui  est  souvent  striée  de  raies  très  fines,  ce 
qui  indique  que  l'opacité  a  son  siège  dans  les  couches  antérieures, 
et  spécialement  dans  la  couche  des  fibres  optiques.  Les  artères  sont 
rétrécies  et  les  veines  dilatées.  La  partie  postérieure  du  corps  vitré 
offre  généralement  de  nombreuses  opacités  très  fines,  qui  peuvent 
pourtant  manquer.  On  ne  rencontre  jamais  de  plaques  exsudatives 
ni  d'hémorrhagies.  La  partie  antérieure  de  la  rétine  n'est  jamais 
atteinte.  Les  troubles  oculaires  qu'on  observe  dans  cette  forme  de 
rétinite  consistent  dans  la  sensation  subjective  des  nuages;  si  la 
maladie  suit  une  marche  aiguë,  il  survient  de  la  photophobie  et  de  la 
chromopsie  (sensation  subjective  des  couleurs).  L'affection,  qui 
débute  généralement  pendant  la  période  condylomateuse,  suit  une 
marche  lente.  Qu'elle  soit  unilatérale  ou  bilatérale,  elle  cède  facile- 
ment aux  mercuriaux,  mais  elle  récidive  souvent. 

La  rétinite.  avec  exsudations  le  long  des  vaisseaux  n'est  probable- 
ment qu'une  variété  de  la  rétinite  syphilitique  simple,  quoique  plu- 
sieurs auteurs,  parmi  lesquels  Alexander,  en  fassent  une  forme 
particulière.  Les  exsudations  ont  l'aspect  d'opacités  blanchâtres,  gris 
rougeâtres,  ou  jaune  rougeàtres,  qui  occupent  les  couches  internes 
de  la  rétine.  Sur  quelques  points,  elles  recouvrent  les  vaisseaux  de 
telle  façon  qu'ils  paraissent  interrompus.  Ce  n'est  qu'exceptionnelle- 
ment que  l'on  rencontre  quelques  hémorrhagies  rétiniennes.  En 
dehors  des  opacités  à  aspect  pulvérulent  du  corps  vitré,  on  observe 
assez  fréquemment  d'autres  opacités  d'apparence  membraneuse  ou 
floconneuse.  L'acuité  visuelle  tombe  ou  à  1/2  à  1/3;  le  champ  visuel 
et  le  sens  des  couleurs  restent  normaux. 

Dans  la  rétinite  centrale  à  récidives  décrite  par  de  Grœfe,  il  se 
développe  d'un  seul  côté  ou  des  deux  côtés  à  la  fois  un  scotome  cen- 
tral qui  disparaît  pour  reparaître  après  des  semaines  ou  des  mois;  il 
occupe  des  secteurs,  ou  même  la  presque  totalité  du  champ  visuel. 
L'acuité  visuelle  centrale  est  diminuée.  Ce  qui  caractérise  cette  forme 
de  rétinite,  ce  sont  les  rechutes  qui  surviennent  brusquement  après 
des  améliorations  de  plus  ou  moins  de  durée.  Pendant  les  accès  seuls 
l'ophthalmoscope  permet  d'apercevoir  des  lésions,  mais  si  les  récidives 


366  PARTIE  SPÉCIALE. 

ont  été  fréquentes,  les  altérations  peuvent  persister.  Elles  consistent 
en  pigmentation  ou  en  taches  blanchâtres  de  la  macula;  ces  taches, 
ponctiformes  et  multiples,  sont  parfois  grisâtres  ou  jaunâtres. 
L'affection,  assez  rare  d'ailleurs,  apparaît  à  une  époque  tardive  de  la 
syphilis;  les  frictions  mercurielles  peuvent  la  guérir  complètement. 

Ole  Bull  a  décrit  une  autre  forme  de  rélinite  qui  produit  aussi  un 
scotome ;  mais  si,  en  examinant  le  champ  visuel  à  laide  du  péri- 
mètre, on  se  sert  d'un  objet  blanc  au  lieu  d'un  objet  gris,  le  scotome 
peut  facilement  passer  inaperçu.  Lorsqu'il  est  bien  accusé,  le  scotome 
commence  dans  le  punctum  caecum  et  s'étend  en  haut  et  en  bas 
jusqu'à  20  ou  30  degrés;  il  se  continue  ensuite,  dans  une  direction 
horizontale,  vers  la  tempe;  enfin,  il  envoie  deux  prolongements,  l'un 
supérieur,  l'autre  inférieur,  dirigés  vers  le  point  de  fixation  et  se 
terminant  à  une  distance  qui  varie  de  10  à  30  degrés  de  ce  point, 
vers  le  côté  temporal.  Ces  deux  prolongements  peuvent  aboutir  l'un 
près  de  l'autre  ou  se  réunir.  La  partie  qui  manque  au  champ  visuel 
forme  par  suite  un  anneau,  qui  ne  serait  pas  identique  au  scotome 
en  anneau  décrit  par  Perlia.  Pourtant  l'analogie  est  évidente,  à  en 
juger  par  cette  description  qu'en  donne  Perlia  :  «  Le  scotome  en 
anneau  (Ringscotom)  est  plus  étendu  du  côté  nasal,  où  il  commence 
au  punctum  caecum  ;  du  côté  temporal,  il  est  ou  très  mince  ou 
interrompu.  » 

Le  scotome  constaté  par  Perlia  dans  des  cas  de  choroïdite  me 
semble  donc  identique  à  celui  rencontré  par  Ole  Bull  dans  des  cas  de 
rétinite,  et  cela  s'explique  peut-être  par  ce  fait  que  la  cause  du  sco- 
tome réside  dans  des  troubles  fonctionnels  des  fibres  optiques. 

Le  scotome  d'Ole  Bull  peut  guérir,  et  dans  ce  cas  le  rétablissement 
de  la  fonction  commence  du  côté  temporal,  dans  le  pourtour  du 
punctum  cœcum.  D'autres  fois,  l'affection  augmente,  et,  si  elle  occupe 
les  deux  yeux,  elle  finit  par  revêtir  la  forme  d'hémiopie  latérale 
incomplète. 

A  l'ophthalmoscope,  Ole  Bull  constata  l'hypérémie  de  la  papille 
optique,  dont  les  limites  n'étaient  pas  distinctes;  les  veines  réti- 
niennes étaient  dilatées.  Cet  ophthalmologiste  admet  que  la  cause  du 
scotome  serait  une  altération  du  système  nerveux  central.  Cette 
prétendue  forme  de  rétinite  serait  un  symptôme  du  début  de  la 
syphilis  constitutionnelle.  Il  est  regrettable  que  les  observations  faites 
sur  le  scotome  d'Ole  Bull  soient  encore  insuffisantes. 

Nous  avons  déjà  dit  que  la  rétinite  apoplectiforme  d'origine  syphi- 
lique  est  due  à  la  thrombose  de  la  veine  centrale  de  la  rétine  produite 
par  des  altérations  analogues  à  celles  de  l'endartérile  syphilitique 
oblitérante. 

Il  est  du  plus  haut  intérêt,  non  seulement  pour  expliquer  et  pour 
traiter  certains  troubles  oculaires,  mais  aussi  pour  se  rendre  compte 


SYPHILIS.  367 

de  l'état  des  vaisseaux  du  cerveau,  de  rechercher,  à  l'aide  de  l'oph- 
thalmoscope,  les  signes  d'endartévite  syphilitique  oblitérante  des  vais- 
seaux rétiniens.  Etant  donné  que  les  artères  rétiniennes  sont  des 
branches  de  la  carotide  interne,  on  peut  supposer,  lorsqu'il  existe  de 
l'endartérite  rétinienne,  que  d'autres  branches  de  la  carotide  interne 
sont  également  lésées. 

L'endartérite  syphilitique  peut  atteindre  toutes  les  branches  ou 
quelques  branches  seulement  de  l'artère  centrale  de  la  rétine.  L'affec- 
tion peut  être  unilatérale  ou  bilatérale.  Au  début,  le  reflet  central  de 
la  paroi  artérielle  est,  en  général,  peu  apparent,  et  il  disparait  tout 
à  fait  à  une  époque  plus  avancée.  La  colonne  sanguine  est  rétrécie; 
plus  tard,  elle  peut  même  disparaître  dans  quelques  branches.  Autour 
de  cette  mince  colonne,  les  vaisseaux  forment,  au  contraire,  d'é- 
paisses lignes  blanches  ;  lorsque  l'oblitération  de  l'artère  est  complète, 
elle  se  transforme  en  un  faisceau  blanchâtre.  L'épaississement  frappe 
inégalement  les  différents  points  des  vaisseaux  qui  prennent,  par 
suite,  l'aspect  de  chapelets.  Quelques  hémorrhagies  se  produisent  au 
pourtour  des  artères  (Magnus).  La  rétine  est  trouble  dans  une  grande 
étendue,  et  l'acuité  visuelle  est  considérablement  diminuée. 

Fuerstner  et  Haab  ont  été  les  premiers  à  constater  ces  altérations 
rétiniennes  à  l'ophthalmoscope.  Depuis  leurs  publications,  on  a  observé 
un  certain  nombre  de  cas  analogues.  Au  point  de  vue  clinique,  il  est 
très  important  de  remarquer  que,  même  après  des  années,  il  peut 
apparaître  des  troubles  cérébraux  qui  dénotent  qu'il  existe  dans  le 
cerveau  des  lésions  semblables  à  celles  des  artères  rétiniennes  (Ost- 
walt  .  Dans  quelques  cas,  au  contraire,  les  symptômes  cérébraux  ont 
précédé  les  altérations  vasculaires  de  la  rétine  (Fuerstner). 

La  syphilis  peut  affecter  le  nerf  optique  de  diverses  façons  : 

i°  On  rencontre,  dans  la  papille,  des  altérations  légères,  dans  les- 
quelles il  faut  faire  rentrer  celles  que  nous  avons  décrites  plus  haut 
et  qui  sont  probablement  le  résultat  d'une  névrite  périphérique  due 
aux  toxines  de  la  syphilis.  Chez  les  syphilitiques,  on  a  très  souvent 
constaté  une  coloration  rougeâtre  de  la  papille,  se  prolongeant  dans 
la  rétine  en  forme  de  raies  (Netzhautreizung,  irritation  rétinienne  de 
Jaeger)  ;  beaucoup  de  malades  atteints  d'iritis  présentent  cette  alté- 
ration de  la  papille  ; 

2°  L'affection  syphilitique  du  nerf  optique  peut  se  présenter  sous 
l'aspect  clinique  de  névrite  optique;  elle  est  due  alors  à  l'endartérite 
des  vaisseaux  nourriciers  du  nerf  (Horstmann). 

La  névrite  optique  syphilitique  est  très  rare  :  Horstmann  en  a  réuni 
huit  cas  publiés  par  divers  auteurs.  Ce  qui  la  distingue  de  la  névrite 
optique  d'origine  intra-crânienne,  c'est  qu'elle  ne  s'accompagne 
jamais  de  symptômes  cérébraux.  L'affection  débute  toujours  par  un 
seul  côté,  et  le  second  œil  n'est  atteint  qu'après  un  temps  assez  long. 


368  PARTIE  SPÉCULE. 

A  l'ophthalmoscope  on  observe  l'hypérémie  de  la  papille  optique,  qui 
est  proéminente  et  dont  le  pourtour  est  trouble,  et  la  dilatation  des 
veines.  Au  début,  lorsque  l'affection  est  unilatérale,  il  est  parfois  très 
difficile  de  la  distinguer  d'une  gomme  de  l'orbite,  celle-ci  pouvant 
enflammer  le  nerf  optique  et  produire  consécutivement  des  symp- 
tômes de  névrite.  Toutefois,  dans  la  plupart  des  cas,  la  papille  est 
moins  proéminente  dans  la  névrite  optique  que  dans  la  gomme  de 
l'orbite  ou  du  cerveau.  L'examen  fonctionnel  de  l'oeil  peut  aussi 
donner  de  précieuses  indications  pour  le  diagnostic  différentiel  :  la 
névrite  optique  syphilitique  détermine  un  rétrécissement  périphéri- 
que du  champ  visuel,  mais  jamais  de  scotome  central.  11  faut  donc 
admettre  que,  dans  cette  affection,  les  fibres  optiques  qui  entourent 
les  vaisseaux  centraux  et  qui  animent  les  parties  périphériques  de  la 
rétine  sont  atteintes.  —  Le  pronostic  de  la  névrite  optique  syphilitique 
est  dautant  moins  grave  qu'elle  est  apparue  à  une  époque  plus  rap- 
prochée de  l'accident  primitif  et  que  le  malade  est  plus  jeune.  Le 
traitement  antisyphilitique  amène  la  guérison  ou  une  amélioration 
très  considérable  ; 

3°  Chez  les  syphilitiques,  une  gomme  du  cerveau  peut  amener  des 
altérations  du  nerf  optique.  11  survient  alors  soit  de  la  névrite  optique 
soit  de  la  papillite  typique,  affections  qu'on  expliquait  jadis  par  une 
augmentation  de  la  pression  intra-crânienne,  et  qui  se  terminent 
généralement  par  l'atrophie  du  nerf  optique;  on  connaît  cependant 
des  cas  d'amélioration  et  même  de  guérison  complète  de  l'affection 
par   un  traitement  antisyphilitique; 

4°  La  névrite  optique  peut  être  produite  par  des  inflammations  des 
méninges  ou  de  Y  encéphale  chez  des  syphilitiques;  il  survient  un  pro- 
cessus de  névrite  descendante,  qu'on  regarde  aujourd'hui  comme  la 
cause  de  l'affection  oculaire.  L'inflammation  se  propage  par  les  gaines 
optiques  et  atteint,  d'une  façon  secondaire,  la  substance  nerveuse 
elle-même.  La  névrite  optique  se  rencontre  aussi  dans  les  cas  de 
gomme  du  nerf  optique,  et  l'on  voit  alors  apparaître  très  rapidement 
une  amblyopie  considérable,  qui  se  termine  par  lamaurose; 

5°  Les  lésions  syphilitiques  des  os  de  Yorbite  ou  du  canal  optique 
peuvent  altérer  le  nerf  et  causer  la  névrite  optique  suivie  d'atrophie; 

6°  L'atrophie  du  nerf  optique  peut  encore  être  la  conséquence  d'une 
affection  syphilitique  de  la  moelle  épinière.  Dans  ces  cas,  elle  est  pro- 
bablement due  à  des  altérations  des  parois  des  vaisseaux  de  la 
rétine,  altérations  qu'on  ne  peut  que  très  difficilement  apercevoir  à 
l'ophthalmoscope  lorsque  l'affection  est  à  son  début  (voir  p.  110).  Le 
pronostic  est  alors  des  plus  graves; 

7°  Parfois  Yambli/opie  et  Yaniaurose  apparaissent  à  une  époque  très 
avancée  de  la  syphilis;  ces  troubles  fonctionnels  disparaissent  lors- 
qu'on soumet  le  malade  à  un  traitement  mercuriel.  Il  est  probable 


SYPHILIS.  369 

qu'ils  sont  dus  à  une  affection  des  vaisseaux  situés  dans  la  profondeur 
du  nerf  optique;  dans  cette  hypothèse,  on  comprendrait  que  la  lésion 
échappât  à  l'examen  ophthalmoscopique.  Dans  ce  groupe,  nous  ne 
taisons  pas  rentrer  les  amhlyopies  passagères  du  début  de  la  syphilis, 
qui  sont  vraisemblablement  dues  à  l'action  des  produits  toxiques  des 
microbes  spécilîques. 

L'énumération  que  nous  venons  de  faire  montre  que,  chez  les 
syphilitiques,  les  affections  du  nerf  optique  sont  souvent  causées  par 
une  affection  cérébrale  ou  spinale;  aussi  sont-elles  fréquemment  accom- 
pagnées de  céphalalgie  intense,  d'hémiplégie,  de  paralysie  des  muscles 
de  l'œil,  de  troubles  de  la  sensibilité,  de  douleurs  fulgurantes.  Si  l'on 
tient  compte  des  lésions  analomo-pathologiques,  on  peut  diviser  en 
trois  groupes  les  affections  du  système  nerveux  central  susceptibles 
de  produire  la  névrite  optique  chez  les  syphilitiques: 

1°  Dans  la  première  catégorie,  nous  placerons  les  gommes  qui  se 
développent  à  la  base  du  crâne  ou  sur  la  convexité  des  hémisphères 
et  qui  donnent  lieu  aux  mêmes  symptômes  que  les  tumeurs  cérébrales 
en  général.  Souvent  elles  entraînent  la  paralysie  des  muscles  de  l'œil, 
principalement  de  l'oculo-moteur  commun  ;  celle  du  facial  est  moins 
fréquente.  Le  chiasma  peut  aussi  être  lésé  par  une  gomme  de  la  base 
du  crâne;  l'hémianopsie  temporale  hétéronyme  est  donc,  chez  un 
syphilitique,  un  symptôme  d'une  très  haute  importance.  En  effet, 
dans  quatre  cas  de  ce  genre  Oppenheim  a  vu  à  l'autopsie  le  chiasma 
lésé  par  des  gommes  ; 

2°  Dans  la  seconde  catégorie,  rentrent  les  affections  cérébrales 
causées  par  Yendartérite  syphilitique.  On  constate,  dans  ces  cas,  l'atro- 
phie du  nerf  optique,  accompagnée  de  symptômes  apoplectiformes 
(hémiplégie,  paraplégie,  troubles  de  l'intelligence  caractérisés  par  des 
phénomènes  d'exaltation  ou  de  dépression)  ;  c'est  aussi  dans  ces  cas 
qu'on  a  observé  l'aphasie.  Les  troubles  oculaires  produits  par  les 
affections  cérébrales  de  cette  nature  consistent  dans  l'amblyopie  sans 
altération  du  fond  de  l'œil,  dans  la  paralysie  ou  la  parésie  des  nerfs 
crâniens,  surtout  de  l'oculo-moteur  commun,  de  l'oculo-moteur 
externe  et  du  facial.  La  multiplicité  des  lésions  en  foyer  est  caractéris- 
tique de  ces  affections;  le  fait  peut  facilement  s'expliquer  par  l'exis- 
tence simultanée  dans  plusieurs  parties  du  système  nerveux  central, 
d'altérations  des  artères  du  cerveau.  En  outre,  les  symptômes  de  ces 
lésions  en  foyer  sont  incomplets  et  variables  ; 

3°  La  troisième  catégorie  comprend  les  processus  diffus  du  système 
nerveux  central,  par  exemple  la  sclérose  en  plaques,  la  paralysie 
générale.  Nous  avons  décrit  plus  haut  les  troubles  oculaires  que  pro- 
duisent ces  affections. 

Parmi  les  maladies  syphilitiques  du  système  nerveux  central  qui 
entraînent  des  troubles  oculaires,   il  nous  faut  encore  citer  :  a,  la 

24 


370  PARTIE   SPÉCIALE. 

paralyse  bulbaire  supérieure  {ophthalmoplégie  nucléaire),  caractérisée 
par  le  développement  de  foyers  multiples  qui  ont  leur  point  de  départ 
dans  des  branches  de  l'artère  basilaire  (voir  p.  97);  b,  la  syphilis 
médullaire  précoce  (voir  p.  118). 

Chez  les  syphilitiques,  des  paralysies  des  musclés  de  l'œil  peuvent 
être  dues  à  des  lésions  soit  centrales  (nucléaires,  fasciculaires,  basi- 
laires),  soit  orbitaires,  soit  périphériques.  Il  est  exceptionnel  de  voir 
la  syphilis  occasionner  des  paralysies  corticales;  on  peut  néanmoins 
en  citer  comme  exemple  le  ptosis  (Landouzy).  C'est  la  paralysie  de 
l'oculo-moteur  commun  qui  est  la  plus  fréquente.  Alexander  estime 
que  sur  100  cas  de  paralysies  syphilitiques  des  muscles  oculaires, 
l'oculo-moteur  commun  est  atteint  65  fois,  l'oculo-moteur  externe 
33  fois  et  demie  et  le  pathétique  1  fois  et  demie  seulement. 

La  paralysie  totale  de  l'oculo-moteur  commun  est  presque  toujours 
d'origine  basilaire  ;  elle  reconnaît  surtout  pour  cause  des  lésions 
localisées  entre  le  chiasma  et  le  pont  de  Varole.  Elle  n'est  d'origine 
orbitaire  que  dans  des  cas  exceptionnels.  Chez  quelques  rares  malades, 
le  nerf  était  atteint  de  gomme,  mais  presque  toujours  il  n'est  affecté 
que  secondairement,  à  la  suite  d'altérations  siégeant  dans  son  pourtour. 

La  paralysie  partielle  de  l'oculo-moteur  commun  est  beaucoup 
plus  fréquente  chez  les  syphilitiques  que  la  paralysie  totale;  le  plus 
souvent  elle  atteint  le  releveur  de  la  paupière  supérieure,  et  jadis 
on  regardait  la  paralysie  de  ce  muscle  comme  pathognomique  de  la 
syphilis.  Le  ptosis  peut  être  bilatéral,  comme  on  l'a  constaté  dans 
quelques  cas  d'affections  siégeant  dans  la  région  des  tubercules  qua- 
drijumeaux.  Le  ptosis  unilatéral  peut,  comme  nous  venons  de  le  dire, 
être  aussi  d'origine  corticale  (gyrus  angularis);  très  fréquemment  il 
est  d'origine  nucléaire. 

Les  affections  des  muscles  oculaires  sont  très  rares.  On  doit  à  Zeissl 
l'observation  d'un  cas  de  paralysie  du  muscle  droit  interne  qui  avait 
été  produite  par  la  propagation  d'une  sclérite  gommeuse. 

L'ophl/talmoplcyie  interne  (paralysie  des  muscles  intrinsèques  de 
l'œil)  est,  on  le  sait,  fréquemment  due  à  la  syphilis.  Dans  la  plupart 
des  cas,  elle  est  unilatérale  et  se  traduit  par  la  mydriase  et  la  para- 
lysie du  muscle  de  l'accommodation  du  côté  correspondant.  C'est  une 
manifestation  tardive  de  la  syphilis  qui,  en  général,  n'avait  donné 
lieu  antérieurement  qu'à  des  symptômes  légers.  L'ophthalmoplégie 
interne  syphilitique  est  plus  commune  qu'on  ne  le  croit  généralement: 
j'en  ai  observé  quatre  cas  l'année  dernière.  J'ai  constaté  que  l'inter- 
valle qui  s'était  écoulé  entre  l'accident  primitif  et  réclusion  de  cette 
affection  variait  entre  un  an  et  demi  et  vingt  et  un  ans. 

Deux  fois,  l'ophthalmoplégïe  interne  s'est  compliquée,  au  bout  d'un 
certain  temps,  de  paralysie  des  muscles  extrinsèques  de  l'œil  ;  dans 
l'un  des  cas,  il  survint  du  ptosis  et  de  la  paralysie  du  droit  externe, 


SYPHILIS.  371 

dans  l'autre  du  ptosis  seulement.  Chez  les  deux  malades,  l'affection 
gagna  plus  tard  l'autre  œil;  mais  tandis  que  chez  l'un  il  ne  s'écoula 
qu'un  intervalle  de  quelques  semaines,  chez  l'autre,  le  second  œil  ne 
fut  atteint  qu'au  hout  de  quatre  ans.  Nous  donnons  ci-dessous  des 
ohservations  de  ces  deux  malades  : 


Observation  I.  —  M...,  commis  voyageur,  âgé  de  quarante  ans,  fut  atteint  d'un 
chancre  induré  avant  l'âge  de  vingt-trois  ans.  Les  symptômes  secondaires  furent 
très  légers  et  consistèrent  en  condylomes  autour  de  l'anus  et  eu  gonflement  des 
glandes.  Le  malade  fut  traité  par  des  injections  hypodermiques  de  mercure  et,  de- 
puis cette  époque,  il  n'eut  aucun  accident  syphilitique.  Au  bout  de  dix-sept  ans  sur- 
vint de  l'ophthalmoplégie  interne  droite.  Quatre  ans  plus  tard,  le  malade  se  pré- 
senta dans  mon  cabinet  avec  une  ophthalmoplégie  interne  double,  suivie,  au  bout 
de  trois  jours,  de  paralysie  du  muscle  droit  exterue  de  l'œil  droit;  neuf  jours  après 
l'affection  se  compliquait,  du  côté  gauche,  de  ptosis  qui  disparut  en  trois  jours.  Le 
malade  me  déclara  d'abord  qu'il  n'avait  jamais  eu  d'accidents  syphilitiques,  mais  le 
lendemain  il  vint  de  lui-même  me  confesser  qu'il  avait  eu  un  chancre  avant 
vingt-trois  ans.  Le  traitement  consista  en  sirop  de  Gibert  et  en  frictions  mercu- 
rielles  qui  furent  continuées  six  mois.  La  paralysie  du  droit  externe  disparut,  mais 
la  mydriase  et  la  paralysie  du  muscle  de  l'accommodation  persistèrent. 

Obs.  II.  —  A...,  commerçant,  âgé  de  trente-deux  ans,  était  atteint  de  la  syphilis 
depuis  dix  ans.  A  cette  époque,  il  fut  traité  en  Allemagne  par  des  frictions  mercu- 
ràelles  d'uue  durée  de  quatre  semaines.  Depuis  lors  il  ne  suivit  aucun  traitement, 
les  symptômes  secondaires,  dont  le  malade  a  perdu  le  souvenir,  ayant  été  très  lé- 
gers et  ayant  cédé  facilement  à  la  médication.  Cet  homme  se  présenta  à  ma  cli- 
nique avec  les  symptômes  suivants  :  ptosis,  mydriase  et  paralysie  du  muscle  de 
l'accommodation  de  l'œil  gauche,  irritabilité  de  caractère,  faiblesse  de  la  mémoire. 
J'ai  prescrit  un  traitement  antisyphilitique  consistant  en  injections  hypodermiques 
de  salicylate  de  mercure.  Six  jours  après,  il  s'était  déjà  produit  une  amélioration 
du  ptosis  et  de  la  paralysie  du  muscle  de  l'accommodation;  le  malade  pouvait  lire 
avec  des  verres  convexes  plus  faibles  que  ceux  employés  lors  du  premier  examen. 
Au  bout  de  huit  autres  jours,  il  survint  une  légère  mydriase  avec  parésie  du  mus- 
cle de  l'accommodation  du  côté  droit.  Le  malade  quitta  Paris  sensiblement  amélioré 
après  un  traitement  de  quatre  semaines;  le  ptosis  avait  presque  disparu  et  l'accom- 
modation, sans  être  rétablie,  avait  gagué  en  amplitude. 


Le  pronostic  de  l'ophthalmoplégie  interne  syphilitique  est  défavorable 
en  ce  sens  que  la  mydriase,  l'immobilité  des  pupilles  et  la  paralysie  de 
l'accommodation  persistent  généralement  ;  quelquefois,  cependant,  ces 
symptômes  s'améliorent  à  la  suite  d'un  traitement  antisyphilitique  pro- 
longé. Le  ptosis  et  les  paralysies  des  muscles  externes  de  l'œil  cèdent, 
au  contraire,  généralement  à  la  médication. 

Il  importe  de  noter  que,  dans  la  paralysie  nucléaire  des  muscles  de 
l'œil,  d'origine  syphilitique,  des  accidents  cérébraux  peuvent  apparaître 
même  après  des  années.  Ainsi,  sur  5  cas,  llosch  l'a  constaté  3  fois  ; 
l'un  de  ses  malades  succomba  avec  des  symptômes  apoplectiformes 
et  les  deux  autres  présentèrent  des  symptômes  de  dépression  cérébrale. 
Il  est  incontestable  que  pour  obtenir  la  guérison  complète  il  faut  pro- 
longer le  traitement,  dans  ces  cas,  pendant  un  an  ou  un  an  et  demi  au 
moins.  C'est  à  l'insuffisance  du  traitement  qu'il  faut  attribuer  l'appari- 
tion des  symptômes  cérébraux  à  la  suite  de  l'ophthamoplégie  interne. 


372  PARTIE   SPÉCIALE. 

J'ai  vu  un  malade  chez  lequel  ces  symptômes  ne  se  manifestèrent 
pas  malgré  que  vingt  ans  se  sont  écoulés  depuis  l'apparition  de 
l'ophthalmoplégie. 

Vophlhalmoplégie  externe  est  rare  dans  la  syphilis,  et  c'est  à  tort  que 
Hutchinson  père  prétend  le  contraire.  On  voit  parfois  les  deux  yeux 
atteints  symétriquement  de  paralysie  de  plusieurs  muscles  extrinsèques 
de  l'œil  à  la  suite  d'une  lésion  nucléaire.  Il  est  exceptionnel  que  des 
lésions  syphilitiques  siègent  dans  les  pédoncules  cérébraux;  lorsque  le 
fait  se  produit,  la  paralysie  de  l'oculo-moteur  commun  est  homonyme, 
tandis  que  l'hémiplégie  est  croisée. 

La  paralysie  syphilitique  de  l'oculo-moteur  externe  peut  être,  dans 
certains  cas,  d'origine  nucléaire  et  s'accompagner  d'accès  épileptiformes 
qu'on  explique  par  son  origine  corticale  (Alexander);  mais,  générale- 
ment, elle  est  périphérique.  Si  la  lésion  primitive  occupe  le  pont  de 
Varole,  on  observe  habituellement  la  paralysie  homonyme  du  facial  et 
l'hémiplégie  croisée.  Le  pronostic  de  la  paralysie  de  l'oculo-moteur 
externe  est  généralement  peu  grave. 

Presque  toujours,  la  paralysie  syphilitique  du  pathétique  n'est  qu'une 
complication  de  celle  de  l'oculo-moteur  commun,  et  ce  n'est  que  dans 
des  cas  exceptionnels  qu'elle  se  montre  isolée.  L'autopsie  a  prouvé 
qu'elle  a  pour  cause  la  méningite  syphilitique  de  la  base,  les  exsuda- 
tions dans  la  fente  de  Bichat  par  où  la  pie-mère  envoie  un  prolonge- 
ment dans  le  troisième  ventricule. 

Les  paralysies  syphilitiques  des  muscles  de  l'œil  ont  une  tendance  à 
frapper  plusieurs  muscles  à  la  fois  et  à  durer  longtemps. 

La  déviation  conjuguée,  symptôme  fréquent  dans  l'hémorrhagie  cé- 
rébrale, s'observe  exceptionnellement  dans  la  syphilis.  Bristowe  en  a 
observé  un  cas  :  chez  un  syphilitique,  à  la  suite  d'une  affection  de  l'ar- 
tère cérébrale  postérieure,  il  se  forma  un  foyer  de  ramollissement  dans 
la  moitié  droite  du  pont  de  Varole,  et  les  yeux  se  dévièrent  à  gauche, 
c'est-à-dire  du  côté  opposé. 

Dans  la  syphilis,  toutes  les  branches  du  facial  peuvent  être  frappées 
de  paralysie  soit  à  la  suite  d'une  lésion  corticale,  soit  consécutivement 
à  une  lésion  sous-corticale;  dans  ce  dernier  cas,  on  observe  en  même 
temps  la  paralysie  des  extrémités. 

Les  névralgies  syphilitiques  du  trijumeau  sont  fréquentes;  dans  la 
plupart  des  cas,  c'est  la  première  branche  de  ce  nerf  qui  est  atteinte. 
Les  causes  de  ces  névralgies  sont  la  congestion  des  méninges,  les 
exostoses  de  l'orbite  ou  de  la  base  du  crâne,  les  gommes  des  méninges 
ou  du  nerf  lui-même.  Les  mêmes  causes  peuvent  également  entraîner 
la  paralysie  du  trijumeau  et  ses  conséquences,  par  exemple  la  kératite 
névro-paralytique  et  la  suppuration  de  la  cornée. 

Dans  Y.orbite,  la  syphilis  se  manifeste  sous  forme  de  périostite  ou 
d'ostéite  des  parois.  Ces  affections  peuvent  amener  des  déformations 


SYPHILIS.  373 

considérables  des  paupières  (ectropion,  etc.);  mais  les  déformations 
palpébrales  n'arrivent  jamais  au  degré  qu'elles  atteignent  dans  la  scro- 
fule. La  carie  des  os  de  l'orbite  est  moins  fréquente  dans  la  syphilis 
acquise  que  dans  la  syphilis  héréditaire;  elle  produit  parfoisl'exophthal- 
mie  par  suite  des  entraves  qu'elle  apporte  à  la  circulation  veineuse  et 
à  cause  de  l'inflammation  du  tissu  rétro-bulbaire.  On  a  également  ren- 
contré la  déviation  du  globe  oculaire  et  des  paralysies  des  muscles 
de  l'œil,  lorsqu'il  s'est  produit  des  exsudats  dans  le  tissu  orbitaire.  La 
périostite  syphilitique  de  l'orbite  s'accompagne  de  douleurs  violentes  à 
exacerbations  nocturnes. 

Les  affections  inflammatoires  de  l'orbite  peuvent  retentir  sur  les 
nerfs  ciliaires  et  le  nerf  optique,  et  se  propager  au  ganglion  de  Gasser 
(Àlexander).  Elles  se  terminent  par  résorption  ou  par  phlegmon  orbi- 
taire ;  dans  ce  dernier  cas,  le  pus  peut  s'ouvrir  un  passage  à  travers 
la  conjonctive  et  les  paupières,  ou  bien  s'écouler  par  la  cavité  nasale. 

Le  tissu  rétro-bulbaire  et  la  capsule  de  Tenon  peuvent  être  le  siège  de 
processus  inflammatoires  sans  qu'il  existe  d'affection  des  os  de  l'orbite 
(Bock);  il  se  peut  aussi  qu'il  s'y  développe  des  gommes  qui  produisent 
soit  les  symptômes  du  phlegmon  orbitaire,  soit  ceux  de  la  ténonite. 

Les  affections  inflammatoires  des  voies  lacrymales  sont  parfois  dues 
à  la  propagation  d'un  processus  de  la  muqueuse  nasale  à  la  conjonctive 
(voir  p.  16:2)  ;  néanmoins,  il  n'arrive  pas  que  cette  membrane  soit 
atteinte  à  la  suite  du  coryza  syphilitique.  Il  est  plus  fréquent  de  voir 
l'inflammation  des  voies  lacrymales  produite  par  la  carie  syphilitique 
ou  par  la  nécrose  des  os  du  canal  naso-lacrymal. 

Dans  la  syphilis,  la  glande  lacrymale  peut  être  atteinte  d'inflamma- 
tion chronique;  on  observe  alors  une  tumeur  au-dessous  du  rebord  su- 
périeur temporal  de  l'orbite  et  de  l'œdème  des  paupières.  Les  anciens 
auteurs  croyaient  que  la  glande  lacrymale  était  à  l'abri  du  processus 
syphilitique;  mais,  dernièrement,  plusieurs  cas  de  dacryo-adénite  sy- 
philitique ont  été  publiés,  et,  à  lui  seul,  Alexander  en  a  fait  connaître 
cinq.  Albini  admet  que  l'affection  est  causée  par  une  inflammation 
chronique  proliférante  du  tissu  interstitiel  de  la  glande,  inflammation 
qui  se  propagerait  de  la  périphérie  vers  le  centre. 

b.  Syphilis  héréditaire.  —  Les  affections  des  yeux  dues  à  la  sy- 
philis héréditaire  se  développent  surtout  entre  huit  et  quinze  ans:  mais, 
dans  des  cas  rares,  elles  apparaissent  jusqu'à  trente  ans,  et,  exception- 
nellement, à  un  âge  encore  plus  avancé. 

Le  tractus  uvéal  a  présenté  des  manifestations  variées  delà  syphilis 
congénitale;  ce  sont  : 

1°  Uiritis  syphilitique,  aiguë  ou  chronique,  la  première  pouvant 
apparaître  dès  les  premiers  mois  de  la  vie,  la  seconde  revêtant  les  for- 
mes plastique  ou  gommeuse  ; 

2°  L'irido-cyclite  et  l 'irido-choroïdite ,  causant  parfois  le  décollement 


374 


PARTIE  SPÉCIALE. 


de  la  rétine.  Dans  un  cas  observé  par  Hirschberg,  le  décollement  delà 
rétine,  compliqué  d'opacités  du  corps  vitré,  survint  à  une  période  avan- 
cée de  la  kératite  interstitielle,  après  des  accès  de  glaucome  et  l'appa- 
rition de  vésicules  sur  la  face  antérieure  de  la  cornée.  Ce  fut  l'affection 
de  la  cornée  qui  permit  de  reconnaître  qu'on  se  trouvait  en  présence  de 
lésions  dues  à  la  syphilis  congénitale.  Au  moyen  de  frictions  mercu- 
rielles,  on  obtint  la  guérison  complète  de  la  maladie  oculaire; 

3  Certains  cas  de  buphthalmie  et  d'hydrophthalmie  résultant  d'in- 
flammations chroniques  du  tractus  uvéal  sont  probablement  causés  par 
la  syphilis  congénitale  ; 

4°  Il  est  aussi  probable  que  la  ckorio-rélinite  pigmentaire  des  enfants 
est  souvent,  mais  non  toujours,  due  à  la  même  cause. 

La  plupart  des  auteurs  récents  pensent  que  la  kératite  interstitielle 


Fig.  38.  —  Réseau  vasculaire  dans  la  kératite  interstitielle  syphilitique 
(d'aprrs  Hirschberg). 


est,  dans  la  moitié  des  cas  environ,  produite  par  la  syphilis  héréditaire. 
Rappelons  qu'elle  peut  être  due  à  d'autres  maladies,  notamment  au 
rachitisme,  à  la  scrofule  et  surtout  aux  diathèses  qui  entraînent  une 
grande  faiblesse  générale  (Haltenhoff).  Dans  la  syphilis  congénitale, 
cette  affection  est  toujours  bilatérale,  tandis  qu'elle  est  souvent  unila- 
térale dans  la  syphilis  acquise.  Toutefois,  dans  la  première,  les  deux 
yeux  ne  sont  pas  atteints  simultanément  et  la  lésion  ne  gagne  le  second 
œil  que  quelques  semaines,  parfois  même  cinq  ou  six  ans  après  le 
premier. 

La  kératite  interstitielle  est  caractérisée  par  une  opacité  d'un  gris 
bleuâtre  qui  occupe  la  couche  moyenne  delà  cornée;  celle-ci  a  l'aspect 
d'un  verre  dépoli.  L'opacité  s'accompagne  de  néoplasie  de  vaisseaux 
qui  partent  du  rebord  cornéo-sclérotical  et  pénètrent  jusqu'àune  certaine 
distance  dans  la  cornée,  qui  semble  ainsi  entourée  d'un  bourrelet 
rouge  plus  large  à  la  partie  supérieure  et  à  la  partie  inférieure  du 
rebord  cornéo-sclérotical.  Cette  kératite  ne  produit  jamais  d'ulcé- 
rations. 


SYPHILIS.  375 

Généralement  l'iris  est  le  siège  de  lésions,  et  on  tronve  quelquefois 
des  foyers  inflammatoires  dans  la  rétine. 

L'acuité  visuelle  est  considérablement  diminuée  dans  la  kératite 
interstitielle  S3*philitique.  C'est  une  affection  lente,  qui  dure  au  moins 
quelques  mois.  Elle  laisse  toujours  à  sa  suite  des  taies  de  la  cornée, 
et  les  vaisseaux  qui  se  sont  nouvellement  formés  ne  disparaissent 
presque  jamais  complètement  (Hirschberg). 

Alexander  considère  comme  une  manifestation  de  la  syphilis  héré- 
ditaire les  vésicules  qui  se  développent  sur  la  face  antérieure  de  la 
cornée  et  qui  sont  dues  au  décollement  partiel  de  l'épithélium  antérieur 
(kératite  vésiculaire). 

On  ne  pense  pas  aujourd'hui,  comme  le  croyait  Hutchinson,  que  la 
kératite  interstilitielle  accompagnée  de  déformations  dentaires  soit 
caractéristique  de  la  syphilis  congénitale.  Il  n'y  a  que  la  kératite  inters- 
titielle qui  apparaît  pendant  les  deux  premières  années  qui  soit  incon- 
testablement d'origine  syphilitique  (Jacobson). 

Quant  à  la  déformation  dentaire  décrite  par  Hutchinson,  elle  est 
due  à  une  stomacace  qui  survient  à  l'époque  où  les  dents  persistantes 
sont  encore  dans  leurs  alvéoles  (Baumler).  La  déformation  consiste 
dans  une  altération  particulière  des  incisives  définitives  de  la  mâchoire 
supérieure  qui  sont  petites  et  minces,  avec  des  angles  arrondis  et  une 
dépression  très  profonde  au  centre  de  leur  bord  libre.  Nous  répétons 
que  cette  affection  dentaire  n'est  nullement  caractéristique  de  la  syphi- 
lis héréditaire.  Ce  n'est  que  lorsqu'il  existe,  avec  la  déformation  des 
dents  et  la  kératite  interstitielle,  d'autres  symptômes  qu'on  est  en  droit 
de  conclure  à  la  syphilis  héréditaire;  ces  symptômes  sont  les  affec- 
tions syphilitiques  de  l'oreille,  la  dépression  du  dos  du  nez,  les  cica- 
trices résultant  de  rhagades. 

Les  affections  du  nerf  optique,  les  paralysies  des  muscles  de  Vœil  con- 
sécutives à  des  lésions  cérébrales  sont  très  rares  dans  la  syphilis  héré- 
ditaire; de  Grsefe,  Nettleship,  Hutchinson  en  ont  cependant  observé  des 
cas.  Lawford  observa  le  ptosis  et  la  paralysie  du  droit  interne  dans 
un  cas  de  syphilis  congénitale;  chez  un  autre  malade,  il  trouva  la  pa- 
ralysie de  l'oculo-moteur  commun  et  du  pathétique,  accompagnée 
d'inégalité  des  pupilles. 

Parfois  les  affections  oculaires  causées  par  la  syphilis  héréditaire  se 
rencontrent  en  même  temps  que  des  lésions  qui  existent  surtout  dans 
la  syphilis  acquise,  par  exemple  des  plaques  ulcéreuses  de  la  peau  et 
du  bord  libre  des  paupières,  la  chute  des  cils  ou  madarose  (Barlow), 
la  périostite  et  les  gommes  de  l'orbite. 

Le  traitement  des  affections  syphilitiques  de  l'œil  réclame  l'emploi 
de  moyens  énergiques  dirigés  contre  la  maladie  générale.  Il  convient 
de  faire  chez  les  adultes  chaque  jour  des  frictions  avec  3  à  6  grammes 
d'onguent  napolitain  simple.  Les  frictions  doivent  durer  de  15  à  20  mi- 


376  PARTIE   SPÉCIALE. 

nutes,  et  chaque  jour  il  est  nécessaire  de  les  faire  sur  une  partie  diffé- 
rente de  la  peau.  Schweigger  ajoute  au  traitement  mcrcuriel  des  médi- 
caments sudorifiques  :  tous  les  deux  ou  trois  jours  il  administre,  à 
l'heure  du  coucher,  2  grammes  de  salicylate  de  soude  et  fait  ensuite 
prendre  une  infusion  chaude  de  thé,  de  tilleul,  etc.  ;  puis  le  malade  se 
couche  et  se  couvre  bien.  La  sudation  obtenue  ainsi  est  très  abondante 
et  dure  environ  deux  heures.  Cette  méthode  incommode  beaucoup 
moins  les  malades  que  les  injections  hypodermiques  de  pilocarpine. 
Lorsqu'on  a  pratiqué  les  frictions  mercurielles  pendant  un  temps  qui 
varie  de  trois  à  six  semaines,  on  ordonne  l'iodure  de  sodium.  Nous 
avons  déjà  dit  que,  à  notre  avis,  une  seule  cure  de  ce  genre  ne  suffit 
pas  à  guérir  la  diathèse;  il  faut  y  revenir  à  diverses  reprises. 

Les  préparations  iodées  sont  surtout  indiquées  pendant  la  période 
gommeuse.  Les  injections  hypodermiques  de  mercure  ont  donné  des 
résultats  très  satisfaisants,  principalement  dans  le  traitement  des  affec- 
tions oculaires  dues  à  la  syphilis  héréditaire.  Abadie  emploie,  chaque 
jour,  10  à  20  gouttes  de  la  solution  suivante  en  injection  hypodermi- 
que :  sublimé  1  gramme,  chlorure  de  sodium  2  grammes,  eau  distillée 
100  grammes.  Après  douze  ou  quinze  injections,  on  constate  déjà  une 
amélioration  très  notable.  La  même  méthode  (1)  donne  aussi  d'excel- 
lents résultats  dans  le  traitement  d'affections  oculaires  dues  à  la  syphilis 
acquise,  par  exemple  la  choroïdité  disséminée,  les  paralysies  des  mus- 
cles de  l'œil,  la  rétinite  centrale  récidivante.  Dernièrement  on  a  vanté 
les  injections  hypodermiques  de  salicylate  de  mercure.  Une  fois  par 
semaine,  on  injecte,  dans  la  région  fessière,  une  seringue  de  Pravaz  de 
la  solution  suivante  :  salicylate  de  mercure  10  grammes,  vaseline  li- 
quide 100  grammes.  Chez  les  enfants  et  chez  les  malades  affaiblis,  la 
dose  doit  être  abaissée  à  une  demi  ou  un  quart  de  seringue.  Comparées 
aux  injections  au  sublimé,  celles  au  salicylate  de  mercure  ont  l'avan- 
tage d'être  moins  douloureuses  et  d'agir  plus  rapidement. 

En  debors  des  moyens  généraux,  les  affections  syphilitiques  de  l'œil 
réclament  un  traitement  local  appliqué  avec  le  plus  grand  soin  et  basé 
sur  les  principes  qui  guident  dans  le  traitement  des  autres  affections 
oculaires.  Dans  les  gommes  de  la  conjonctive  et  des  paupières,  il  faut 
employer  les  astringents  et  les  antiseptiques.  Dans  la  kératite  intersti- 
tielle, il  faut  essayer  de  rendre  à  la  cornée  sa  transparence  en  appliquant 
la  pommade  au  précipité  jaune.  Dans  l'iritis,  les  instillations  d'atropine 
dans  le  cul-de-sac  conjonctival  sont  indiquées  pour  empêcher  le  déve- 
loppement des  synéchies  postérieures  ou  pour  les  détruire  si  elles  se 
sont  déjà  formées.  Dans  la  rétinite  syphilitique,  on  doit  placer  le  ma- 
lade dans  l'obscurité. 

(1)  Abadie  et  Dariur  ont  recommaudi''  récemment  les  injections  sous-conjoncti- 
vales  de  sublimé  (une  goutte  d'une  solution  à  l  p.  1000  tous  les  deux  jours). 


PATHOGÉNIE    DES    MALADIES   MICROBIENNES.  37: 

PATHOGÉNIE  DES  TROUBLES  OCULAIRES  CONSÉCUTIFS 
AUX  MALADIES  MICROBIENNES. 

Dans  les  maladies  microbiennes  des  causes  très  diverses  peuvent 
produire  des  affections  de  l'organe  de  la  vue;  nous  avons  déjà  dé- 
montré le  fait. 

Une  afl'ection  des  paupières  et  de  la  conjonctive  peut  être  un  des 
symptômes  de  l'invasion  par  les  microbes  de  l'économie  tout  entière  ou 
de  certains  organes;  citons,  comme  exemples,  l'affection  simultanée 
des  paupières  et  de  la  conjonctive  dans  les  éruptions  varioleuses,  l'ap- 
parition de  l'érysipèle  des  paupières  consécutivement  à  celui  de  la  face. 
Nous  pourrions  mentionner  aussi  le  catarrhe  très  prononcé  de  la  con- 
jonctive dans  la  période  d'état  de  la  scarlatine. 

Un  certain  nombre  d'affections  oculaires  ne  sont  que  la  conséquence 
de  la  fièvre  qui  survient  dans  le  cours  de  maladies  microbiennes;  telle 
est  la  kératite  dendritique  observée  dans  l'impaludisme  et  l'influenza,  et 
qui  doit  être  regardée  comme  un  herpès  fébrile  cornéen. 

En  outre,  par  suite  des  modifications  qu'apporte  la  fièvre  à  l'action 
du  cœur,  la  tension  intra-oculaire  peut  être  troublée.  C'est  ainsi  qu'on 
explique  les  cas  de  glaucome  aigu  survenant  dans  l'érysipèle  de  la  face 
sans  affection  orbitaire  concomitante,  dans  la  période  éruptive  de  la 
variole,  etc.  Dans  un  nombre  bien  plus  considérable  de  cas,  le  glau- 
come apparaît  pendant  la  convalescence  des  maladies  infectieuses  (va- 
riole, influenza),  et  alors  on  a  attribué  son  développement  à  la  faiblesse 
du  cœur;  peut-être  d'autres  causes  jouent-elles  aussi  un  certain  rôle 
dans  ces  cas.  L'excitation  réflexe  des  nerfs  qui  président  à  la  sécrétion 
des  liquides  intra-oculaires  peut  également  résulter  de  Y  excitation  des 
diverses  branches  du  trijumeau.  11  ne  faut  pas  oublier,  en  effet,  que, 
dans  un  certain  nombre  de  maladies  infectieuses  on  a  observé  des  lé- 
sions du  trijumeau  lui-même  au  moment  de  la  convalescence  (influenza  , 
ou  bien  des  affections  des  cavités  voisines  du  nez  (pneumonie,  influenza, 
(iévre  typhoïde);  ces  cavités  renferment  un  réseau  périphérique  très 
développé  de  fibres  du  trijumeau,  et  l'irritation  de  ces  fibres  occasionne 
fréquemment  le  glaucome,  ainsi  que  nous  l'avons  démontré  lorsque 
nous  avons  parlé  des  rapports  des  maladies  du  nez  et  des  sinus  avec 
celles  des  yeux.  On  ne  peut  pas  encore  dire  si  l'apparition  du  glau- 
come pendant  la  convalescence  des  maladies  microbiennes  est  due  à. 
une  transsudation  exagérée  des  vaisseaux,  surtout  de  ceux  du  tractus 
uvéal.  Certains  faits  cliniques  militent  en  faveur  de  cette  manière  de 
voir,  par  exemple  les  altérations  des  parois  vasculaires  qu'on  rencontre 
lorsqu'il  se  produit  des  hémorrhagies  intra-oculaires  dans  la  conva- 
lescence de  ces  maladies. 


378  PARTIE  SPÉCIALE. 

Parfois  la  lésion  oculaire  peut  s'expliquer  par  la  propagation  à  l'œil 
d'un  processus  pathologique,  par  la  pénétration  par  continuité  de 
germes  infectieux  ayant  leur  point  de  départ  dans  un  organe  voisin. 
Ainsi,  dans  la  méningite,  le  processus  part  de  la  base  du  crâne  et  se 
propage  par  les  gaines  optiques  h  la  choroïde.  L'apparition  de  la  névrite 
optique  dans  le  cours  de  la  méningite  doit  être  attribuée  à  cette  pro- 
pagation du  processus  inflammatoire.  Dans  la  tuberculose  de  l'orbite, 
le  processus  peut  se  propager  au  nerf  optique  et,  par  ses  gaines,  ga- 
gner le  globe  oculaire  en  entraînant  la  tuberculose  de  la  choroïde 
(Luidholdt,  observ.  IX). 

L'invasion  microbienne  peut  encore  se  faire  par  la  voie  de  la  fente 
sphénoïdale.  Dans  la  méningite,  par  exemple,  le  processus  gagne  par- 
fois l'orbite  par  cette  voie,  et  il  se  forme  un  abcès  orbitaire. 

L'infection  microbienne  peut  avoir  son  point  de  départ  dans  la  peau 
des  paupières  et  de  là  se  propager  vers  l'orbite.  C'est  de  cette  façon 
que  prennent  naissance  les  abcès  orbitaires  et  la  thrombose  du  sinus 
caverneux  dans  le  charbon.  Dans  l'érysipèle  des  paupières,  l'infection 
suit  la  même  voie,  gagne  le  tissu  orbitaire  et  arrive  même  à  atteindre 
le  nerf  optique  en  entraînant  des  conséquences  très  fâcheuses  (atrophie 
optique).  La  thrombose  des  veines  orbitaires  dans  l'érysipèle  est  pro- 
duite par  la  propagation  du  processus  du  tissu  orbitaire  aux  parois  de 
ces  veines;  elle  entraîne  des  hémorrhagies  de  la  rétine  (thrombose  de 
la  veine  centrale  de  la  rétine). 

La  transmission  des  microbes  peut  se  faire  directement  de  la  peau  à 
la  conjonctive;  c'est  ainsi  qu'il  faut  expliquer  les  tubercules  de  la  con- 
jonctive dans  les  cas  de  lupus  des  paupières. 

Le  nez,  au  moyen  de  ses  cavités,  est  un  autre  chemin  que  suit  un 
processus  pour  se  propager  directement  à  l'organe  de  la  vision.  Des 
fosses  nasales  l'infection  peut  gagner  la  conjonctive  par  le  canal  naso- 
lacrymal,  comme  on  l'a  constaté  dans  la  tuberculose  et  la  blennorrha- 
gie.  Du  sinus  frontal,  du  sinus  maxillaire,  des  cellules  ethmoidales,  le 
processus  infectieux  peut  se  propager  à  l'orbite  ;  c'est  ainsi  que  pren- 
nent probablement  naissance  les  abcès  orbitaires  dans  l'influenza  et 
dans  la  fièvre  typhoïde  (voir  p.  192).  Lorsque  la  paroi  osseuse  qui  sé- 
pare le  canal  optique  du  sinus  sphénoïdal  présente  des  trous  iKnochen- 
Dehiscenzen),  une  inflammation  infectieuse  qui  a  pris  naissance  dans  ce 
sinus  peut  s'étendre  au  nerf  optique  ;  c'est  à  cette  cause  qu'il  faut  attri- 
buer, selon  toute  apparence,  les  affections  graves  du  nerf  optique,  qui 
cliniquement  ressemblent  complètement  aux  inflammations  de  ce  nerf 
dans  son  canal,  lorsqu'une  périnévrite  est  survenue  à  la  suite  d'un  re- 
froidissement. Ces  deux  affections  sont  l'une  et  l'autre  unilatérales  ; 
elles  peuvent  avoir  de  graves  conséquences  pour  la  vision,  mais  elles 
se  guérissent  quand  on  a  recours  aux  moyens  susceptibles  de  provo- 
quer un  dégonflement  très  rapide  du  périnèvre  enflammé,  par  exemple 


PATHOGËNIE   DES   MALADIES    MICROBIENNES.  379 

à  la  sudation  produite  par  la  pilocarpine  ou  bien  à  de  fortes  doses  d'io- 
dure  de  sodium.  On  pourrait  m'objecter  que  les  trou?  de  la  paroi  optico- 
sphénoidale  sont  rares;  mais  il  faut  bien  reconnaître  que  les  affections 
du  nerf  optique  dont  nous  parlons  sont  heureusement  aussi  rares. 
Les  recherches  de  Weichselbaum  ont  montré  que  les  cavités  voisines 
du  nez  sont  régulièrement  affectées  dans  l'influenza,  la  fièvre  typhoïde 
et  la  pneumonie;  si  la  déhiscence  osseuse  à  laquelle  nous  venons  de 
faire  allusion  était  plus  fréquente,  les  complications  oculaires  seraient 
également  plus  communes  dans  ces  maladies. 

Dans  les  maladies  microbiennes,  des  troubles  oculaires  peuvent  être 
causés  par  l'action  réflexe  sur  l'œil  d'une  excitation  des  filets  terminaux 
du  trijumeau.  On  les  constate,  par  exemple,  dans  la  période  d'état  de 
l'influenza.  L'injection  ciliaire,  l'asthénopie  accommodative,  la  photo- 
phobie, etc.,  sont  des  symptômes  concomitants  des  affections  des  cavi- 
tés voisines  du  nez  qui  surviennent  dans  certaines  maladies  microbiennes 
de  la  même  façon  que  dans  les  affections  du  trijumeau  (voir  p.  192). 

On  ne  comprend  pas  pourquoi  on  n'a  pas  encore  songé  à  regarder 
les  cavités  voisines  du  nez  comme  la  voie  par  laquelle  l'affection  gagne 
l'organe  de  la  vue  dans  les  maladies  microbiennes,  du  moment  qu'on  a 
pensé  que  les  sinus,  surtout  le  sinus  sphénoïdal,  pouvaient  jouer  un 
rôle  très  important  dans  le  développement  delà  méningite  qui  survient 
comme  complication  ( Huguenin). 

La  transmission  des  microbes  dans  l'organe  de  la  vision  peut  aussi 
s'exercer  par  les  vaisseaux.  Ainsi,  dans  la  pyhémie,  dans  l'endocardite 
infectieuse  et  peut-être  même  dans  la  méningite,  la  rétinite  septique 
est  due  à  l'entraînement  de  germes  infectieux  dans  les  vaisseaux  ré- 
tiniens. 

Le  tractus  uvéal,  à  cause  du  grand  nombre  de  vaisseaux  qu'il  con- 
tient, est  le  point  le  plus  favorable  à  l'invasion  des  microbes  par  la  voie 
des  vaisseaux.  C'est  à  cette  cause  qu'il  faut  attribuer  les  nodules  inflam- 
matoires de  la  choroïde  dans  la  morve  (de  Grsefe),  la  choroïdite  méta- 
statique  (embolie  septique  des  vaisseaux  de  la  choroïde  dans  la  pyhémie, 
les  affections  de  l'iris,  du  corps  ciliaire  et  de  la  choroïde  dans  la  tuber- 
culose, la  lèpre,  la  syphilis,  et  probablement  aussi  dans  le  rhumatisme 
blennorrhagique,  les  affections  du  tractus  uvéal  dans  le  rhumatisme 
articulaire  aigu.  Nous  pourrions  encore  citer  l'iritis  et  les  opacités  du 
corps  vitré  causées  par  une  lésion  du  tractus  uvéal  dans  l'influenza, 
l'iritis  dans  la  variole,  les  affections  du  tractus  uvéal  (ou  les  opacités 
du  corps  vitré  qui  en  sont  un  symptôme)  dans  la  fièvre  typhoïde  et 
dans  la  fièvre  récurrente.  Il  est  probable  que  quelques  altérations  du 
fond  de  l'œil  observées  dans  l'impaludisme  et  le  choléra  (opacités  du 
corps  vitré)  sont  également  dues  à  l'invasion  des  microbes  dans  le 
système  circulatoire. 

Dans  la  pyhémie  et  la  carie  du  rocher,  l'inflammation  des  sinus  de  la 


380  PARTIE   SPÉCIALE. 

dure-mère  consécutive  à  l'invasion  microbienne  peut  être  la  cause  de 
troubles  oculaires,  qui  sont  une  simple  manifestation  de  la  thrombose 
inflammatoire  des  sinus,  surtout  du  sinus  caverneux. 

Les  microbes  peuvent  envahir  d'autres  parties  de  l'organe  de  la  vi- 
sion que  la  choroïde  en  suivant  la  voie  vasculaire  (1).  Des  foyers  se- 
condaires de  cette  nature  s'observent,  à  la  suite  de  la  tuberculose, 
dans  les  os  de  l'orbite,  dans  le  périoste  orbitaire,  dans  le  tissu  rétro- 
bulbaire,  dans  le  nerf  optique  et  ses  gaines,  dans  les  paupières  (peau, 
glandes  de  Meibomius),  dans  la  conjonctive  et  le  tissu  sous-conjoncti- 
val,  dans  la  sclérotique,  dans  l'espace  périchoroïdien,  et  dans  toutes 
les  parties  du  tractus  uvéal.  Il  est  très  probable  que  la  cornée  elle-même 
peut  être  envahie  par  le  bacille  de  la  tuberculose  au  moyen  de  l'an- 
neau vasculaire  péricornéen. 

On  admet  également  que  la  kératomalacie  qui  survient  dans  le  cours 
des  maladies  infectieuses  graves  (érysipèle,  fièvre  typhoïde,  variole, 
choléra)  est  produite  par  l'invasion  de  microbes  dans  le  courant  san- 
guin ;  mais  il  est  incontestable  que  l'affection  débute  dans  une  partie  de 
la  cornée  qui,  en  raison  du  manque  de  clignotement,  se  dessèche.  La 
pathogénie  de  cette"  forme  de  kératomalacie,  que  de  Grœfe  regardait 
comme  une  kératite  névro-paralytique,  n'est  donc  pas  encore  élucidée. 
Leber  et  Wagenmann  considèrent  aussi  la  nécrose  infantile  de  la  con- 
jonctive qui  survient  dans  les  maladies  infectieuses  graves,  comme  un 
symptôme  de  septicémie  généralisée  par  l'invasion  de  streptocoques 
dans  le  système  vasculaire. 

Parfois  la  transmission  des  germes  infectieux  à  l'œil  se  fait  par  des 
agents  extérieurs;  par  exemple,  dans  la  blennorrhagie,  la  diphthérie,  la 
vaccine,  les  doigts  du  malade  peuvent  être  les  agents  de  transmission. 
11  est  très  probable  que  les  abcès  de  la  cornée  qui  se  produisent  dans 
la  variole  sont  dus  soit  à  l'infection  par  une  pustule  des  paupières  ou 
de  la  conjonctive,  soit  à  la  transmission  à  l'œil  de  microbes  provenant 
d'une  pustule  de  la  peau  à  l'aide  des  doigts,  d'un  mouchoir,  etc.,  c'est- 
à-dire  qu'ils  sont  le  résultat  d'une  auto-infection.  Ainsi  s'explique  que, 
dans  la  variole,  les  abcès  cornéens  se  développent  beaucoup  plus  tard 
que  les  pustules  de  la  peau  et  des  muqueuses. 

Dans  beaucoup  de  cas,  les  affections  des  yeux  survenant  à  la  suite 
d'une  maladie  microbienne  sont  la  conséquence  de  l'action  toxique  des 

(1)  Il  semble  qu'il  y  ait  aussi  en  dehors  de  la  richesse  plus  ou  moins  grande  d'un 
tissu  d'autres  causes  qui  favorisent  ou,  dans  le  cas  contraire,  empêchent  le  déve- 
loppement des  microbes  dans  un  tissu  envahi  par  ces  derniers.  Rappelons  seule- 
ment les  travaux  intéressants  de  de  Christmas  (Amiales  de  l'Institut  Pasteur,  1801  . 
prouvant  que  certains  tissus  et  humeurs  du  corps  ont  même  une  action  microbi- 
cide.  Il  serait  très  intéressant  de  rechercher  les  divers  tissus  de  l'œil  à  ce  poiut 
de  vue.  Les  recherches  expérimentales  semblent  prouver  que  le  corps  vitré,  par 
exemple,  présente  un  terrain  trr~  favorable  pour  les  microbes,  plus  favorable  ni>*ine 
que  la  cornée. 


PATHOGÉNIE   DES    MALADIES   MICROBIENNES.  381 

produits  des  microbes  (toxines  ou  ptomaïnes).  Les  toxines  des  diffé- 
rentes maladies  microbiennes  produisent  des  troubles  très  divers  dans 
l'organe  de  la  vue;  on  pourrait  même  se  baser  là-dessus  pour  diffé- 
rencier les  toxines  au  point  de  vue  toxicologique. 

Parmi  les  inflammations  causées  par  les  toxines  des  maladies  micro- 
biennes, il  faut  mentionner  la  conjonctivite  consécutive  au  rhumatisme 
blennorrhagique.  C'est  ainsi,  du  moins,  qu'il  faut  envisager  le  cas  de 
Rueckert,  où  les  diplocoques  de  Neisser  ont  fait  défaut  dans  la  sécré- 
tion conjonctivale,  ainsi  que  l'injection  vasculaire  de  la  conjonctive  à 
la  suite  de  l'inoculation  de  la  lymphe  de  Koch.  L'injection  vasculaire 
constatée  à  la  fin  du  choléra  est  probablement  aussi  d'origine  toxique. 
La  conjonctivite  produite  par  les  toxines  est  analogue  à  un  certain  nom- 
bre d'inflammations  des  muqueuses  dues  à  des  intoxications,  par  exem- 
ple à  la  conjonctivite  qui  survient  à  la  suite  de  l'abus  de  l'alcool  ou  de 
l'arsenic.  Il  est  probable  que  l'iritis  doit  également  être  attribuée  par- 
fuis  à  l'action  des  ptomaïnes,  notamment  quelques  cas  d'iritis  blennor- 
rhagique ou  d'iritis  septique  (^Rindfleisch  et  Michel).  Des  expériences 
sur  la  kératite  septique  ont  permis  à  ces  auteurs  de  constater  que  l'iri- 
tis et  l'infiltration  de  la  cornée  entière  peuvent  êfre  occasionnées  par 
l'action  toxique  des  produits  des  microbes  sans  intervention  des  germes 
infectieux. 

La  paralysie  des  muscles  de  Vœil  est  également  due  à  l'action  toxique 
des  ptomaïnes  sur  les  parties  périphériques  des  nerfs  moteurs^de  l'œil. 
La  paralysie  frappe  plutôt  les  muscles  intrinsèques  que  les  muscles 
extrinsèques,  et,  avant  tous  les  autres,  le  muscle  de  l'accommodation. 
On  rencontre  la  paralysie  de  l'accommodation  dans  quelques  maladies 
infectieuses  (diphthérie)  sans  que  jamais  le  sphincter  de  la  pupille  soit 
atteint;  elle  apparaît,  dans  la  diphthérie,  entre  la  quatrième  et  la 
sixième  semaine.  Nous  avons  dit  que  les  paralysies  dues  à  l'action  des 
toxines  se  développent  généralement  à  la  fin  ou  pendant  la  convales- 
cence des  maladies  microbiennes  aiguës.  Celle  du  muscle  de  l'accommo- 
dation s'observe  en  outre  dans  l'influenza  et  dans  la  fièvre  typhoïde. 
La  parésie  de  ce  muscle  a  été  constatée  à  la  suite  de  la  scarlatine,  des 
oreillons  (Baas),  de  la  pneumonie,  de  l'influenza  (très  souvent),  de  la 
fièvre  typhoïde,  de  la  fièvre  récurrente;  de  la  dysenterie  (Lawnson), 
de  la  variole.  Ce  n'est  que  dans  un  petit  nombre  de  cas,  notamment 
dans  la  convalescence  de  la  fièvre  typhoïde  et  de  la  variole,  qu'elle 
s'est  accompagnée  de  mydriase  (paralysie  du  sphincter  de  la  pu- 
pille). 

Des  paralysies  des  muscles  extrinsèques  de  l'œil  ont  été  observées  à 
la  suite  de  la  diphthérie,  de  l'influenza,  de  la  pneumonie,  de  la  fièvre 
typhoïde,  de  la  rougeole.  La  disparition  rapide  de  ces  paralysies  toxi- 
ques est  un  de  leurs  caractères  les  plus  frappants. 

Parmi  les  symptômes  des  affections  toxiques  du  nerf  optique  consécu- 


382  PARTIE  SPÉCIALE. 

tives  aux  maladies  microbiennes,  il  faut  citer  Yamblyopie  passagère, 
dont  on  a  observé  quelques  cas  à  la  suite  de  la  diphthérie.  Dans  cette 
amblyopie,  l'acuité  visuelle  n'étant  pas  améliorée  par  l'usage  de  verres 
correcteurs  (Vaelckers,  Nagel),  il  est  impossible  de  la  confondre  avec  la 
paralysie  de  l'accommodation.  Il  faut  regarder  comme  des  symptômes 
d'affections  toxiques  du  nerf  optique  l'obnubilation,  dans  le  choléra, 
et  les  troubles  de  la  vision  qui  surviennent  dans  la  période  algide  de 
l'impaludisme.  Nous  pensons  qu'on  doit  encore  attribuer  à  l'action 
toxique  des  ptomaïnes  les  troubles  de  la  vue  qui,  dans  certains  cas  de 
syphilis,  se  manifestent  de  bonne  heure  sous  forme  d'amblyopie  pas- 
sagère (Tornanitzky,  Gilbert  et  Léon,  Wunderlich). 

C'est  à  la  même  cause  (action  toxique  des  ptomaïnes)  que  sont  dus 
quelques  cas  d'amaurose  passagère  consécutive  à  des  maladies  micro- 
biennes ou  apparaissant  dans  le  cours  de  ces  maladies.  Les  cas  aux- 
quels nous  nous  référons  n'étant  pas  compliqués  d'une  affection  rénale, 
il  est  impossible  d'admettre  qu'il  s'agisse  d'amaurose  urémique.  On  a 
observé  des  cas  analogues  dans  l'érysipèle  (sans  affection  orbitaire)  et 
l'influenza.  Peut-être  doit-on  invoquer  la  même  origine  pour  expliquer 
quelques  amauroses  rencontrées  dans  la  rougeole,  la  blennorrhagie 
(Panas),  la  coqueluche,  la  pneumonie,  la  fièvre  récurrente,  le  typhus 
exanthématique,  la  variole,  la  varicelle  (Hutchinson  fils),  l'impaludisme. 
A  l'ophthalmoscope,  on  a  trouvé  le  fond  de  l'œil  ou  normal  ou  coloré 
en  rouge  au  niveau  de  la  papille  optique,  avec  rétrécissement  des  artè- 
res rétiniennes,  dilatation  et  sinuosités  des  veines,  voile  très  léger  sur 
la  partie  de  la  rétine  entourant  la  papille.  Parfois  ces  symptômes 
augmentent,  et  la  maladie  devient  une  véritable  névrite  optique.  Jadis 
on  admettait  une  méningite  intercurrente  pour  expliquer  ces  lésions 
ainsi  que  les  paralysies  des  muscles  de  l'œil  consécutives  à  une  maladie 
microbienne,  paralysies  qui  frappent,  d'ailleurs,  d'une  manière  aveugle, 
atteignant,  en  certains  cas,  quelques-uns  seulement  des  muscles  ani- 
més par  le  même  nerf  (oculo-moteur  commun).  Mais,  d'après  nous,  il 
est  plus  probable  que  les  altérations  constatées  à  l'ophthalmoscope  sont 
des  symptômes  d'une  névrite  périphérique,  d'origine  toxique,  du  nerf 
optique,  produite  par  les  ptomaïnes  des  maladies  microbiennes.  Cette 
névrite  périphérique  est  analogue  à  celle  que  Charcot  et  Vulpian  ont 
observée  dans  divers  autres  nerfs  à  la  suite  de  la  diphthérie  et 
que  j'ai  constatée  moi-même  par  l'examen  anatomo-pathulogique  du 
nerf  optique  dans  un  cas  de  variole. 

La  nature  toxique  des  affections  du  nerf  optique  qui  surviennent  à  la 
suite  de  quelques  maladies  microbiennes  est  surtout  démontrée  par 
l'existence  d'un  scotome  central  analogue  à  celui  qu'on  rencontre  dans 
l'intoxication  par  l'alcool  ou  le  tabac.  On  a  observé  ce  scotome  dans 
quelques  cas  de  méningite  cérébro-spinale  (amblyopie  centrale  avec 
achromatopsie  pour  le  rouge  et  le  vert),  à  la  suite  de  l'érysipèle  (Pa- 


PATHOGÉNIE    DES   MALADIES    MICROBIENNES.  383 

genstecher),  de  l'intluenza  (Landsberg,  Remak),  de  l'impaludisme  et  de 
la  syphilis  (Uhthoff). 

Dans  la  plupart  des  cas,  les  affections  toxiques  du  nerf  optique  se 
terminent  par  la  guérison;  néanmoins  on  a  vu  des  cas  se  terminer  par 
l'atrophie  partielle,  ou  même  totale  du  nerf,  ou  bien  par  la  persistance 
du  rétrécissement  du  champ  visuel.  Même  à  ce  point  de  vue,  il  y  a  ana- 
logie entre  les  affections  du  nerf  optique  produites  par  les  toxines  et 
celles  qui  sont  dues  à  d'autres  intoxications,  par  exemple  au  diabète 
sucré. 

Les  lésions  de  l'organe  de  la  vue  survenant  dans  les  maladies  micro- 
biennes sont  dues,  dans  un  certain  nombre  de  cas,  à  des  altérations  des 
parois  vasculaires  ;  telle  est,  par  exemple,  l'endartérite  oblitérante 
syphilitique.  Il  en  est  probablement  de  même  pour  les  hémorrhagies 
intra-oculaires  qui  se  rencontrent  à  la  suite  de  la  variole,  de  la  fièvre 
jaune,  de  l'impaludisme.  Dans  cette  dernière  maladie,  on  a,  en  outre, 
constaté  l'oblitération  des  petits  vaisseaux  par  des  éléments  anormaux 
du  sang. 

Les  affections  du  système  nerveux  central  qui  surviennent  dans  le  cours 
des  maladies  microbiennes  sont  aussi  la  cause  de  quelques  troubles 
fonctionnels  de  l'organe  de  la  vue  ;  ainsi,  dans  la  méningite,  on  cons- 
tate, au  début,  le  spasme,  et  plus  tard,  la  paralysie  de  certains  mus- 
cles oculaires;  on  a  vu  également,  à  la  suite  de  cette  maladie,  survenir 
une  cécité  persistante,  occasionnée  soit  par  une  affection  du  chiasma, 
soit  par  des  lésions  de  certaines  parties  de  la  moelle  allongée  qui  ont 
incontestablement  des  rapports  avec  le  fonctionnement  du  nerf  optique 
(centres  vaso-moteurs,  voir  p.  20).  Les  troubles  fonctionnels  consé- 
cutifs à  des  altérations  du  système  nerveux  peuvent  encore  être  la  con- 
séquence de  lésions  vasculaires  (syphilis),  ou  d'altérations  en  forme  de 
tumeurs  (gommes,  tubercules).  Mais  la  substance  nerveuse  elle-même 
peut  être  affectée  dans  quelques  maladies  infectieuses  aiguës;  on  l'a 
constaté  dans  certains  cas  de  paralysies  nucléaires  consécutives  à  la 
diphthérie  (Mendel)  ou  à  l'intluenza  (Goldflam).  Quelques  troubles  ocu- 
laires, enfin,  sont  sans  doute  provoqués  par  des  hémorrhagies  cen- 
trales. 

Les  troubles  des  fonctions  rénales  occasionnent  parfois  des  troubles 
oculaires  dans  le  cours  ou  à  la  suite  de  quelques  maladies  microbien- 
nes ;  nous  devons  citer  l'amaurose  urémique  par  auto-intoxication  dans 
la  scarlatine,  la  rougeole,  la  variole,  la  fièvre  jaune,  et  le  myosis  dans 
la  période  algide  du  choléra.  Il  en  est  de  même  de  la  rétinite  albumi- 
nurique  qui  survient  dans  le  cours  ou  à  la  suite  de  la  scarlatine,  de  la 
variole  et  des  fièvres  paludéennes. 

Très  souvent  les  affections  oculaires  consécutives  à  des  maladies 
microbiennes  ne  sont  que  les  symptômes  d'une  maladie  constitutionnelle 
(dyscrasie)  consécutive  à  V affection  primitive.  Ainsi,  les  troubles  oculai- 


384  PARTIE  SPÉCIALE. 

res  qui  apparaissent  pendant  la  convalescence  de  la  rougeole  sont  des 
manifestations  de  la  scrofule  dont  la  cause  occasionnelle  est  la  rougeole 
elle-même.  11  est  très  probable  que  la  kératite  interstitielle  consécutive 
à  l'impaludisme,  à  la  variole  ou  à  la  syphilis  est  une  simple  manifes- 
tation des  troubles  très  graves  qu'a  subis  la  nutrition  de  tout  l'orga- 
nisme. 

Enfin,  dans  beaucoup  de  cas,  les  affections  oculaires  survenant  à  la 
suite  de  quelque  maladie  microbienne  sont  seulement  de  nature  secon- 
daire, et  elles  sont  dues,  par  exemple,  à  la  déformation  partielle  ou 
totale  de  la  peau  des  paupières  et  au  lagophthalmus  qui  en  est  la  con- 
séquence, ainsi  qu'on  l'observe  dans  le  charbon,  l'érysipèle,  la  tuber- 
culose, la  syphilis  et  la  lèpre. 

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25 


386  PARTIE  SPÉCIALE. 

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février. 


XXI.  —  TROUBLES  OCULA1KES  CONSÉCUTIFS  A  DES 
INTOXICATIONS. 

A.  -  AUTO-INTOXICATIONS. 

1.    ICTÈRE. 

D'après  Bouchard,  les  principes  toxiques  de  la  bile  sont  représentés 
avant  tout  par  les  matières  colorantes;  les  sels  biliaires  ont  une  action 
bien  moins  toxique. 

La  coloration  jaune  de  la  conjonctive  oculaire  est  un  des  premiers 
symptômes  de  la  résorption  de  la  bile;  elle  est  bientôt  suivie  d'ictère 
général.  Nous  savons  que  la  sclérotique,  à  cause  de  sa  couleur  blanche 
permet  d'apprécier  facilement  les  changements  de  ton  des  tissus  qui 
la  recouvrent  (conjonctive);  les  autres  parties  du  corps,  et  notamment 
la  peau,  se  prêtent  moins  à  cette  appréciation. 

La  xanthopsie,  qui  fait  voir  tous  les  objets  en  jaune,  est  assez  rare 
chez  les  malades  atteints  de  jaunisse;  sur  1000  malades,  Hirscbberg  ne 
l'a  rencontrée  que  5  fois.  Dans  un  cas,  elle  affectait  la  forme  d'accès, 
qui  se  répétaient  à  chaque  époque  mensuelle,  en  même  temps  que  la 
jaunisse. 

Bamberger  explique  le  phénomène  par  des  troubles  fonctionnels  de 
la  substance  nerveuse,  troubles  durant  parfois  quelques  heures,  parfois 
plusieurs  jours  ;  Morton  nie  aussi  que  la  xanthopsie  soit  un  phénomène 
optique.  Le  fait  que,  même  dans  les  cas  les  plus  graves  d'ictère,  le  cris- 
tallin et  le  corps  vitré  ne  sont  jamais  colorés  en  jaune,  semble  donner 
raison  à  ces  deux  auteurs.  D'autres  savants  soutiennent  pourtant  une 
théorie  opposée.  Rose,  dans  un  cas  de  jaunisse  accompagné  de 
xanthopsie,  observe  à  l'ophthalmoscope  la  coloration  jaune  de  la  pa- 
pille optique  ;  Kœnigstein  vit  aussi,  chez  un  malade  atteint  d'istère  grave, 
le  fond  de  l'œil  coloré  en  rouge  jaunâtre.  Ces  observations  tendraientà 
faire  croire  que  la  xanthopsie  est  due  à  la  coloration  jaune  des  milieux 
réfringents  de  l'œil  ;  c'est  l'explication  qu'accepte  Hirscbberg.  Un  de 
ses  malades  prétendait  voir  tous  les  objets  comme  à  travers  un  nuage 
jaunâtre,  et,  d'après  Hirschberg,  un  phénomène  analogue  s'observe 
lorsqu'on  regarde  les  objets  à  travers  une  couche  très  mince  de  bile. 
Toutefois,  il  ne  nous  semble  pas  que  la  théorie  de  la  xanthopsie  soit 
élucidée  jusqu'à  ce  jour.  Il  reste  à  expliquer  pourquoi,  malgré  le  nom- 
bre considérable  des  cas  d'ictère  grave,  le  phénomène  est  si  rare. 

Au  point  de  vue  du  pronostic,  la  xanthopsie  a  moins  de  gravité  que 


URÉMIE.  387 

Yhéméralopie,  celle-ci  accompagnant  surtout  les  cas  de  sérieuse  gravité, 
par  exemple  ceux  qui  sont  dus  à  la  cirrhose  atrophique  du  foie  ;  c'est 
ce  qui  résulte  des  observations  de  Frerichs,  de  Cornillon,  de  Litten  et 
de  Kœnigstein.  Nous  avons  vu  plus  haut  que,  dans  ces  cas,  l'héméra- 
lopie  n'a  rien  avoir  avec  l'auto-intoxicalion  par  la  bile,  mais  qu'elle  est 
probablement  produite  par  le  développement,  dans  le  tissu  de  la  rétine, 
de  lésions  analogues  à  celles  qui  existent  dans  le  foie. 

On  observe  des  hêmorrhagies  rétiniennes  dans  quelques  cas  d'ictère, 
mais  nous  contestons  qu'elles  soient  en  rapport  avec  la  résorption  de  la 
bile.  Junge  rencontra  dans  la  cirrhose  du  foie  avec  ictère  des  épanche- 
ments  sanguins  dans  la  rétine  et  des  altérations  dans  les  couches  à 
noyaux  de  celte  membrane.  Stricker  observa  également,  dans  un  cas 
grave  de  cirrhose  du  foie,  des  hêmorrhagies  rétiniennes  qui  augmen- 
tèrent même  après  la  disparition  de  l'ictère.  Dans  un  cas  de  carcinome 
de  la  vésicule  biliaire  et  du  foie,  Buchwald  trouva  aussi  des  hêmor- 
rhagies rétiniennes.  Dans  la  plupart  des  cas  de  cette  nature,  l'acuité 
visuelle  n'est  nullement  atteinte  par  les  hêmorrhagies  de  la  rétine. 

On  sait  que  c'est  surtout  dans  la  forme  atrophique  de  la  cirrhose  du 
foie,  où  l'ictère  est  peu  prononcé  (coloration  subictérique)  que  des  hê- 
morrhagies se  font  le  plus  facilement  dans  divers  organes.  On  observe 
alors  des  épistaxis,  des  gastrorrhagies,  des  hêmorrhagies  de  la  plèvre 
et  du  péritoine,  du  melaena,  du  purpura,  des  hémoptysies,  des  entéror- 
rhagies,  tandis  que  la  cirrhose  hypertrophique,  qui  détermine  un  ictère 
très  accusé,  ne  se  complique  pas  d'hémorrhagies.  Par  conséquent,  nous 
pouvons  conclure  que  les  hêmorrhagies  rétiniennes  ne  sont  pas  pro- 
duites par  l'ictère,  comme  le  supposait  Foerster. 

2.  URÉMIE. 

Pour  Bouchard,  l'urémie  est  un  empoisonnement  très  complexe,  dû 
à  ce  que  les  produits  toxiques  de  l'économie  ne  sont  plus  éliminés  ou 
éliminés  seulement  d'une  façon  insuffisante,  les  reins  étant  devenus 
très  peu  perméables.  Cet  auteur  admet  que  les  urines  renferment  au 
moins  sept  substances  toxiques,  qui  contribuent  au  développement  de 
l'auto-intoxication  connue  sous  le  nom  d'urémie.  Il  doit  donc  y  avoir  non 
pas  une,  mais  plusieurs  urémies.  Les  formes  cliniques  de  cette  maladie 
sont,  en  effet,  des  formes  mixtes,  qui  montrent  à  la  fois  les  symptômes 
de  plusieurs  urémies.  Nous  démontrerons  que  les  symptômes  oculaires 
qui  surviennent  dans  cette  affection  permettent  de  reconnaître  quelle  est 
la  substance  toxique  des  urines  dont  l'action  est  prépondérante. 

Après  avoir  injecté  des  urines  normales  dans  les  veines  d'animaux, 
Bouchard  (loc.  cit.,  p.  35)  constata  la  diminution  des  réflexes  palpébraux 
et  cornéens,  et  souvent  Yexophthalmie;  la  pupille  reste  contractée  jus- 
qu'après la  mort.  Bouchard  a  réussi  à  isoler  une  substance  fixe,  orga- 

i  /n  ' 

lr/*~.   Uit^,    6/M.  J*-&%..  P*2  .   — 


388  PARTIE   SPÉCIALE. 

nique,  s'attacbant  au  charbon  non  minéral  ;  cette  substance  provoque 
la  myose.  D'après  cet  auteur,  la  myose  n'est  pas  seulement  un  symp- 
tôme concomitant  de  l'urémie;  elle  s'observe  encore  dans  les  cas  où 
l'organisme  ne  peut  plus  éliminer  les  produits  toxiques,  par  exemple 
dans  la  période  algide  du  choléra  (voir  p.  331).  Dans  l'évolution  des 
phénomènes  cholériques,  on  voit  se  succéder  l'intoxication  propre  au 
choléra  et  l'intoxication  urémique;  quand  celle-ci  commence,  le  myosis 
apparaît. 

Il  est  très  intéressant  de  constater  qu'il  peut  exister  des  troubles 
oculaires  causés  par  l'urémie,  sans  que  l'action  de  la  substance  toxique 
qui  produit  le  myosis  puisse  s'observer.  Ainsi,  dans  des  cas  dCamaurose 
urémique,  les  pupilles  sont,  ou  bien  dilatées,  ou  bien  de  diamètre  nor- 
mal (Leber,  Gra'fe  et  Saemisch,  Traité, {.y,  p.  983). 

L'amaurose  urémique  se  rencontre  surtout  dans  le  cours  ou  à  la  suite 
de  la  scarlatine,  et  plus  rarement  dans  d'autres  affections  microbien- 
nes. On  l'observe  aussi  dans  l'albuminurie  delà  grossesse  ainsi  que  dans 
les  affections  chroniques  des  reins.  L'amaurose  urémique  a  générale- 
ment un  début  très  brusque;  la  vue  baisse  et  l'amaurose  est  complète 
au  bout  d'un  temps  qui  varie  de  quelques  heures  à  un  jour.  Parfois  la 
perception  de  la  lumière  persiste,  tandis  que,  dans  d'autres  cas,  la  cécité 
est  complète.  A  l'ophthalmoscope,  le  fond  de  l'œil  apparaît  normal; 
lorsqu'on  a  constaté  l'existence  d'une  rétinite  albuminurique,  cette  affec- 
tion existait  toujours  avant  l'apparition  de  l'amaurose.  La  rétinite  al- 
buminurique elle-même  semble  n'avoir  aucun  rapport  avec  l'auto-in- 
toxication  par  les  substances  toxiques  des  urines.  Dans  le  cours  des 
affections  rénales,  la  rétinite  albuminurique  et  l'amaurose  urémique 
peuvent  se  développer  indépendamment  l'une  de  l'autre. 

La  réaction  pupillaire,  dans  l'amaurose  urémique,  peut  être  conser- 
vée ou  abolie.  Nous  avons  expliqué  dans  un  chapitre  antérieur  que  les 
fibres  optiques  servant  au  réllexe  pupillaire  sont  beaucoup  plus  réfrac- 
taires  aux  divers  processus  que  les  fibres  optiques  qui  servent  à  la 
perception  lumineuse  ;  ce  fait  est  susceptible  d'expliquer  la  persis- 
tance de  la  réaction  pupillaire  dans  l'amaurose.  On  a  essayé,  toutefois, 
d'expliquer  le  phénomène  d'une  autre  manière  :  dans  les  cas  d'amau- 
rose  urémique  avec  conservation  de  la  réaction  pupillaire,  le  siège  des 
troubles  fonctionnels  des  fibres  optiques  serait  situé  au  delà  des  tuber- 
cules quadrijumeaux  (Jacobson).  Nuel  accepte  cette  manière  de  voir,  et 
il  localise  le  siège  des  troubles  fonctionnels  dans  l'écorce  cérébrale;  à 
l'appui  de  sa  théorie  il  invoque  les  convulsions  qui  accompagnent  sou- 
vent l'amaurose  urémique  et  qui  seraient  dues  à  l'excitation  des  centres 
moteurs  de  l'écorce  du  cerveau.  D'après  cette  théorie,  les  mêmes  subs- 
tances toxiques  produiraient  à  la  fois  la  paralysie  du  centre  cortical  de 
la  vision  et  l'excitation  des  centres  corticaux  des  mouvements. 

11  est  un  fait,  cependant,  qui  milite  en  faveur  de  la  localisation  péri- 


URÉMIE.  389 

phérique  de  l'amaurose  urémique.  Si  l'amaurose  disparait  pendant  un 
ou  deux  jours,  on  peut  parfois  constater  la  persistance  d'un  scotome 
central.  Or.  par  analogie,  nous  pouvons  croire  que  ce  scotome  est  dû, 
comme  celui  causé  par  d'autres  intoxications,  à  l'action  des  substances 
toxiques  sur  quelques  parties  périphériques  du  nerf  optique.  Les  cas 
d'amaurose  urémique  passagère,  faisant  place  à  un  scotome  central, 
peuvent  donc  être  regardés  comme  ayant  une  origine  périphérique. 
Mais  l'existence  d'une  amaurose  urémique  d'origine  corticale  ne  me 
semble  pas  sufQsamment  établie.  Il  serait  étonnant  que,  l'amaurose  cor- 
ticale toxique  se  guérissant  toujours  d'une  façon  absolument  symétri- 
que et  jamais  plus  rapidement  d'un  côté  que  de  l'autre,  on  n'observât 
jamais,  à  la  fin  de  l'amaurose  urémique,  l'hémianopsie  passagère  ou 
l'hémiamblyopie;  il  faudrait'  cependant  qu'il  en  fût  ainsi  si  elle  était 
d'origine  corticale,  si  la  fonction  d'un  centre  se  rétablissait  avant  celle 
de  l'autre. 

L'amaurose  urémique  est  toujours  accompagnée  de  symptômes  céré- 
braux graves,  notammentde  céphalalgie,  de  vomissements,  d'état  coma- 
teux, de  convulsions.  Ces  dernières  peuvent  précéder  l'amaurose.  La 
durée  de  l'amaurose  varie  de  douze  à  vingt-quatre  heures  jusqu'à  deux 
ou  trois  jours.  Après  l'accès,  l'acuité  visuelle  redevient  généralement 
normale.  Les  accès  peuvent  se  répéter  plusieurs  fois  dans  le  cours  d'une 
affection  rénale.  Les  rechutes  multiples  semblent  devoir  faire  craindre 
que  la  vue  ne  se  rétablisse  pas  complètement.  Dans  certains  cas,  après 
la  disparition  de  l'amaurose  urémique,  il  persiste  un  certain  degré 
d'amblyopie;  on  a  même  vu  l'amaurose  elle-même  devenir  persistante. 
On  doit  craindre  surtout  l'atrophie  du  nerf  optique  lorsque  l'amaurose 
a  récidivé  plusieurs  fois;  parfois,  cette  atrophie  n'est  que  partielle. 
Cliniquement,  dans  ce  dernier  cas,  on  a  observé  au  début  un  rétré- 
cissement concentrique  du  champ  visuel  (Albutt,  Leber).  On  pourrait 
également  invoquer  les  cas  d'atrophie  partielle  en  faveur  de  la  théo- 
rie de  la  localisation  périphérique  de  la  lésion  qui  cause  l'amau- 
rose urémique,  car  aucune  lésion  corticale  ne  peut  amener  un  ré- 
trécissement concentrique  du  champ  visuel.  Quant  au  processus  ana- 
tomo-pathologique  qui  produit  l'atrophie  optique  dans  l'urémie,  il  est 
probablement  analogue  à  celui  qu'on  observe  dans  les  intoxications 
par  le  sucre  (diabète),  l'alcool  et  le  tabac.  11  semble  que,  pour  amener 
l'atrophie  du  nerf  optique,  l'action  des  substances  toxiques  de  l'urine  sur 
les  tissus  de  ce  nerf  doive  être  prolongée.  A  ce  point  de  vue,  on  peut 
remarquer  qu'il  en  est  de  même  dans  le  diabète  sucré,  qui  n'entraîne 
la  lésion  du  nerf  optique  qu'après  une  longue  durée  de  la  maladie. 

Ce  sont  surtout  les  affectious  rénales  aiguës,  c'est-à-dire  celles  dans 
lesquelles  la  rétinite  albuminurique  est  rare,  qui  se  compliquent  d'a- 
maurose urémique.  En  dehors  de  la  néphrite  scarlatineuse  que  nous 
avons  déjà  mentionnée,  on  peut  citer  d'autres  formes  de  néphrite  pa- 


390  PARTIE  SPÉCIALE. 

renchymateuse  aiguë  et  la  néphrite  interstitielle  ;  presque  jamais  la 
dégénérescence  amyloïde  des  reins  ne  produit  celte  complication.  L'a- 
niaurose  urémique  est,  comme  on  le  sait,  une  des  manifestations  de  la 
néphrite  qui  survient  pendant  la  grossesse,  et  elle  peut  être  un  des 
symptômes  prodromiques  de  l'éclampsie  puerpérale.  Bartels  prétend 
avoir  vu  l'amaurose  urémique  apparaître  à  la  suite  de  diarrhées  abon- 
dantes et  de  sueurs  qui  avaient  amené  la  résorption  rapide  d'épanche- 
ments  hydropiques  ;  il  ne  nous  paraît  pas  suffisamment  démontré  qu'il 
se  soit  agi  d'amaurose  urémique.  Les  amauroses  qui  apparaissent  dans 
le  cours  ou  à  la  suite  de  maladies  infectieuses  aiguës  sont  peut-être 
plus  souvent  qu'on  ne  le  croit  des  manifestations  de  l'auto-intoxication 
parles  substances  toxiques  des  urines.  L'amaurose  urémique  se  montre 
encore  dans  les  affections  cardiaques,  surtout  lorsque,  pendant  plu- 
sieurs jours,  la  quantité  de  l'urine  évacuée  a  été  minime.  Dans  ces  cas, 
les  symptômes  généraux  qui  accompagnent  l'amaurose  peuvent  être 
relativement  peu  prononcés. 

3.     FERMENTATIONS    DANS    LE    TUBE   DIGESTIF. 

Certaines  fermentations  se  produisant  dans  le  tube  digestif  peuvent 
amener  des  auto-intoxications  par  la  résorption  des  ptomaïnes  ou 
produits  toxiques  de  la  fermentation.  Les  idées  de  Bouchard  sur  les 
auto-intoxications  sont  assez  connues  pour  que  nous  nous  dispensions 
d'entrer  dans  des  détails. 

Parmi  les  symptômes  oculaires  qui  surviennent  dans  ces  cas,  Bou- 
chard cite  l'obscurcissement  de  la  vue,  l'hémiopie,  la  faiblesse  des  mus- 
cles droits  internes  de  l'œil,  les  hallucinations  silencieuses  et  solennel- 
les de  la  vue.  Certains  auteurs  pensent  que  les  symptômes  généraux  qui 
accompagnent  la  dilatation  de  l'estomac  sont  dus  à  l'auto-intoxication  ; 
d'autres,  au  contraire,  les  attribuent  à  des  causes  différentes,  par  exem- 
ple à  l'affaiblissement  général,  à  la  névrasthénie,  etc.  Les  symptômes 
oculaires  cités  par  Bouchard  sont  analogues  à  ceux  que  nous  avons 
énumérés  ou  que  nous  énumérerons  à  l'occasion  de  certaines  intoxica- 
tions, et  ce  fait  semble  plaider  en  faveur  de  sa  théorie.  Il  est  probable 
que  l'amaurose  passagère  observée  dans  quelques  cas  d'embarras  gas- 
trique est  due  aussi  à  des  produits  toxiques  qui  prennent  naissance 
pendant  une  digestion  défectueuse. 

Les  causes  de  l'auto-intoxication  par  les  produits  toxiques  d'une  pu- 
tréfaction intestinale  sont  si  diverses  que  nous  croyons  devoir  nous 
borner  à  en  faire  mention  d'une  façon  générale;  on  les  observe  dans 
les  maladies  microbiennes  aiguës  (fièvre  typhoïde,  affections  de  l'esto- 
mac et  de  l'intestin).  Les  alcaloïdes  toxiques  qui  se  forment  pendant  l'acte 
de  la  peptonisalion  peuvent,  d'après  Bouchard,  produire  des  troubles 
de  la  vue,  en  même  temps  que  de  l'abattement,  de  la  céphalalgie,  des 


SOMMEIL,   AGONIE.  391 

bourdonnements  d'oreilles  et  de  la  surdité.  Senator  parle  d'un  malade 
qui  subit  une  intoxication  par  l'acide  sulfhydrique  qui  s'était  développé 
dans  ses  entrailles  mêmes;  il  éprouva  des  lipothymies,  de  l'anxiété  et 
de  l'obnubilation  de  la  vue,  symptômes  qui  se  rencontrent  dans  l'em- 
poisonnement par  l'hydrogène  sulfuré. 

Lépine  et  Daniel  Molière  ont  vu,  dans  un  cas  d'occlusion  intestinale, 
des  accidents  qui  simulaient  ceux  que  produit  l'intoxication  par  l'atro- 
pine :  rougeur  scarlatiniforme,  mydriase,  accélération  du  pouls.  Chez 
un  homme  très  fort,  âgé  de  quarante-sept  ans,  atteint  d'occlusion  intes- 
tinale, nous  avons  observé  nous-mème  l'amaurose  brusque  survenant 
quatorze  heures  avant  la  mort.  Le  pouls  était  fort  et  l'intelligence  intacte  ; 
par  conséquent  il  est  impossible  d'expliquer  l'amaurose  par  un  trouble 
de  la  circulation  dans  la  rétine.  11  est  probable  qu'il  s'est  agi  d'une  auto- 
intoxication. 

Quant  aux  troubles  oculaires  consécutifs  à  l'auto-intoxication  par  le 
sucre,  nous  en  avons  parlé  dans  le  chapitre  xvn,  auquel  nous  renvoyons 
le  lecteur  voir  p.  289). 

4.    SOMMEIL,    AGONIE. 

D'après  Bouchard,  le  sommeil  est  le  symptôme  d'une  auto-intoxica- 
tion physiologique  transitoire.  On  sait  que  les  urines  recueillies  pen- 
dant le  sommeil  et  injectées  à  un  animal  déterminent  toujours  des 
convulsions,  tandis  que  celles  de  la  veille  produisent  peu  ou  point  de 
convulsions  et  amènent  la  narcose.  L'accumulation  des  substances 
convulsivantes  pendant  le  sommeil  est  la  cause  du  réveil.  Le  myosis 
qui  existe  pendant  le  sommeil  est  un  symptôme  de  l'auto-intoxication 
physiologique,  et  n'a  rien  à  voir  avec  le  réflexe  lumineux,  puisque  chez 
les  aveugles  mêmes  les  pupilles  sont  rétrécies  pendant  le  sommeil.  Il 
est  probable  que  ce  myosis  est  causé  par  la  paralysie  des  vaso-moteurs 
(constricteurs)  de  l'iris.  D'après  la  théorie  de  Mauthner,  le  sommeil 
serait  produit  par  des  troubles  fonctionnels  de  la  substance  grise  cen- 
trale des  ventricules  cérébraux,  et,  par  suite,  ce  serait  sur  cette  partie 
du  cerveau  qu'agiraient  les  substances  toxiques  somnifères.  Nous  avons 
vu  qu'on  pouvait  invoquer,  en  faveur  de  la  théorie  de  Mauthner,  la  di- 
plopie  et  la  lourdeur  des  paupières  qui  surviennent  au  début  du  som- 
meil (voir  p.  99). 

La  myose  qui  apparaît  de  bonne  heure  dans  l'agonie  et  les  autres 
symptômes  qui  se  manifestent  jusqu'à  la  convulsion  finale  seraient, 
d'après  Bouchard,  des  signes  d'une  auto-intoxication  par  des  produits 
que  l'organisme  ne  peut  plus  éliminer.  C'est,  sans  doute,  à  la  même 
cause  qu'est  dû  le  nystagmus  qui  accompagne  parfois  à  ce  moment  le 
phénomène  de  Cheyne-Stockes.  L'action  des  produits  toxiques  s'exerce 
alors  sur  le  système  nerveux  central. 


392  PARTIE   SPÉCIALE. 


5.  MORT    PAR   SUFFOCATION. 

La  mort  par  suffocation  est  certainement  due  avant  tout  à  une  auto- 
intoxication  par  les  produits  toxiques  de  l'économie  (acide  carbonique), 
dont  les  organes  respiratoires  ne  parviennent  plus  à  débarrasser  l'orga- 
nisme. Dans  les  expériences  faites  sur  des  animaux,  on  a  observé  la 
cyanose  de  la  face,  l'injection  très  forte  de  la  conjonctive,  l'exophthal- 
mie;  ces  symptômes  apparaissent  dans  la  période  convulsive  de  la 
suffocation.  L'augmentation  de  la  pression  intra-vasculaire  donne  lieu 
à  des  ecchymoses  de  la  conjonctive,  dont  on  connaît  toute  la  valeur  au 
point  de  vue  médico-légal.  L'exophthalmie  est  produite  en  partie  par 
l'hypérémie  très  prononcée  des  vaisseaux  orbitaires,  en  partie  par  le 
spasme  du  muscle  orbitaire  de  Millier. 

Au  début  de  la  suffocation  on  observe  du  myosis,  qui  disparaît  bien- 
tôt; plus  tard,  pendant  la  dyspnée,  les  pupilles  sont  très  dilatées,  mais 
ce  symptôme  disparaît  pendant  l'asphyxie,  de  sorte  que  les  pupilles  des 
cadavres  ont  leur  diamètre  normal. 

BIBLIOGRAPHIE. 

Ictère.  —  Bouchard,  Leçons  sur  les  auto-intoxications  dans  les  maladies,  1887.  p.  171.  —  Hirschberg , 
Ueber  Gelbsehen  uud  Nachtblindheit  der  Icterischen.  Centralbl.  f.  Augenh.,  1885,  p.  il.!.  —  Kônig- 
stein,  Wiener  med.  Pr.,  1885,  n°'  li»,  21,  27.  —  Fôrster,  loc.  cit.,  p.  76.  —  Bennig,  Internai,  klin. 
Rundschau,  1891,  n<"  11,  12. 

Urémie.  —  Fôrster,  loc.  cit.,  p.  83-85.  —  Jacabson,  loc.  cit.,  p.  46.  —  Bouchard,  Auto-intoxications, 
p.  35,  65,  69,  108.  —  Filrst,  Berlin,  klin.  Wocliensclir.,  188S,  n°  18.  —  Xuel,  Dans  le  Traité  de 
de    Wecker  et  Landalt,  t.  VIII.  —  Leber,  Traité  de.  Graefe-Saemisch.  t.  V. 

Fermentations  dans  le  tliie  dioestif.  —  Bouchard,  Auto-intoxications,  p.  174,  160,  150,  167. 


B.   —  TROUBLES  OCULAIRES  DANS  LES  INTOXICATIONS   PAR  LES 

PTOMAINES. 

Gauthier  divise  en  deux  groupes  les  alcaloïdes  produits  par  les  mi- 
crobes: 1°  celui  des  ptomaïnes;  2°  celui  des  leuco-ptomaïnes.  Les  pre- 
mières proviennent  des  matières  organiques  en  putréfaction,  les  secon- 
des de  l'organisme  vivant,  sain  ou  malade.  Ce  ne  sont  que  les  troubles 
oculaires  produits  par  les  leuco-ptomaïnes  que  nous  examinerons  dans 
ce  chapitre. 

L'intoxication  par  les  ptomaïnes  a  été  d'abord  observée  en  Allema- 
gne, où  l'usage  de  la  viande  crue  et  surtout  du  saucisson  cru  est  très 
répandu.  Déjà,  en  1869,  Zulzer  et  Sonnenstein  ont  montré  que  les  réac- 
tions dues  aux  produits  toxiques  de  la  putréfaction  sont  analogues  à 
celles  de  l'atropine;  l'empoisonnement  qu'ils  déterminent  a  pour  résul- 
tat de  dilater  la  pupille  et  d'accélérer  le  pouls.  A  l'heure  actuelle,  on  ne 
croit  plus  que  ces  symptômes  soient  dus  aux  microbes  eux-mêmes,  car 
les  expériences  de  Groenow  ont  fait  justice  de  cette  opinion.  Lorsqu'on 


INTOXICATIONS.  393 

donne  à  manger  à  des  souris  de  la  viande  en  putréfaction  elles  meurent, 
mais  leurs  cadavres  mangés  par  d'autres  souris  ne  les  font  pas  périr 
(épuisement  de  l'action  des  ptomaïnes). 

Des  troubles  oculaires  se  manifestent  généralement  de  très  bonne 
heure  dans  l'empoisonnement  par  les  ptomaïnes;  on  voit  survenir  de 
la  dilatation  des  pupilles  et  de  Va. paralysie  du  muscle  de  l'accommodation. 
Ces  phénomènes  sont  probablement  dus  à  l'action  toxique  des  ptomaï- 
nes sur  la  partie  périphérique  des  nerfs  qui  animent  les  muscles  intrin- 
sèques de  l'œil.  Parfois,  certains  muscles  extrinsèques  de  l'œil  sont  aussi 
frappés  de  paralysie;  Kreutzer,  par  exemple,  a  observé  le  ptosis  et  le 
strabisme.  Dans  un  cas,  outre  les  symptômes  généraux  de  l'intoxication 
par  les  ptomaïnes,  Guttmann  a  constaté  le  gonflement  des  deux  paro- 
tides, avec  œdème  étendu  de  toute  la  face,  et  finalement  une  ophthal- 
moplégie  externe  presque  complète  ;  seul,  le  releveur  gauche  de  la 
paupière  était  indemne. 

Dans  cette  intoxication  par  les  ptomaïnes,  qu'on  appelle  en  Alle- 
magne «intoxication  par  saucisson  «(Wurstvergiftungi, la  guérison  com- 
plète n'arrive  que  lentement  ;  les  troubles  oculaires  disparaissent  d'a- 
bord, puis  ceux  du  tube  digestif.  La  disparition  des  troubles  de  la  vue 
est  donc  d'un  pronostic  très  favorable. 

On  prétend  aussi  avoir  observé  des  troubles  oculaires  produits  par 
une  action  locale  des  ptomaïnes.  Ratton  raconte  qu'un  homme,  en 
manipulant  du  fromage  putréfié,  s'était  frotté  l'œil  avec  les  doigts,  et 
avait  été  atteint,  pendant  plusieurs  heures,  de  chémosis  de  la  conjonc- 
tive. 

BIBLIOGRAPHIE. 

Grocnow,  Oest.  Ung.  Centralbl.  f.  d.  med.  Wissenschaft.,  1890,  n»  17.  —  J.-J.-L.  Batton,  Brit.  Med. 
Journ.,  1889,  2  février.  —  Guttmann,  Soc.  méd.  de  Berlin,  3  décembre  1890.  —  Bouchard,  Auto- 
intoxications,  p.  92. —  Alexander,  Breslauer  aerztl.  Zeitschrift,  1888,  n°  3. 

C.  —  TROUBLES    OCULAIRES    DANS   LES    INTOXICATIONS    PAR   DES 
SUBSTANCES  PHARMACEUTIQUES  ET  D'AUTRES  SUBSTANCES  (1). 

1.    INTOXICATION   PAR  LE   CHLOROFORME. 

Les  recherches  de  Budin  et  d'autres  auteurs  ont  prouvé  que  l'exa- 
men de  la  pupille  est  un  des  meilleurs  moyens  de  surveiller  le  som- 
meil produit  par  le  chloroforme.  Pendant  la  période  d'excitation,  la 
pupille  est  dilatée.  Cette  période  passée,  la  parésie  de  la  moelle  et  de  la 
protubérance  commence,  la  pupille  se  contracte  et  un  myosis  très  mar- 
qué accompagne  généralement  l'anesthésie  complète.  Si,   pendant  la 

(1)  Pour  les  symptômes  oculaires  des  intoxications  qui  ne  sont  pas  spécialement 
mentionnées  dans  la  bibliographie  jointe  à  ce  chapitre,  nous  avons  eu  recours  aux 
traités  de  pharmacologie  toxicologique  et  de  médecine  légale. 


394  PARTIE  SPÉCIALE. 

chloroformisation,  la  pupille  se  dilate,  c'est,  en  général,  que  l'anesthé- 
sie  est  moins  profonde  et  que  le  retour  de  la  sensibilité  est  proche.  Si  on 
a  l'intention  de  faire  une  opération  de  longue  durée,  il  faut  employer 
le  chloroforme  de  façon  que  les  pupilles  restent  contractées.  Mais 
il  faut  se  rappeler  que  des  efforts  de  vomissement  peuvent  aussi  provo- 
quer la  mydriase;  ils  annihilent,  en  effet,  en  partie  l'action  anesthé- 
sique  du  chloroforme.  Le  réflexe  oculo-palpébral  est,  on  le  sait,  de  la 
plus  haute  importance  pour  apprécier  si  la  chloroformisation  est  suffi- 
sante. Seul,  le  réflexe  du  peaucier  du  menton  surpasse  en  durée,  d'après 
Dastre  et  Loye,  le  réflexe  oculo-palpébral. 

2.   INTOXICATION   PAR    LE  NITR1TE    d'aMYLE. 

On  sait  fort  bien  qu'en  faisant  respirer  du  nilrite  d'amyle  on  obtient 
la  dilatation  des  artères  de  la  rétine,  comme  on  peut  s'en  rendre 
compte  au  moyen  de  l'ophthalmoscope  ;  les  artères  du  cerveau  se  dila- 
tent également.  C'est  sur  cette  action  qu'est  basée  l'administration  de  ce 
produit  dans  l'anémie  cérébrale.  Si  on  l'emploie  à  forte  dose,  il  survient 
des  troubles  oculaires  :  les  malades  voient  les  personnes  qui  les  entou- 
rent moitié  jaunes  et  moitié  noires;  ils  se  plaignent  de  voir  des  flocons 
de  neige,  des  cercles  diversement  colorés,  des  étincelles,  des  ûgures 
bizarres  d'animaux  (Bourneville,  Pick).  En  fixant  un  point  sur  un  mur 
blanc,  ils  l'aperçoivent  formé  de  deux  zones  circulaires,  l'une  jaune, 
au  centre,  l'autre  violette,  à  la  périphérie. 

3.    INTOXICATION    PAR  LE    CHLORURE    d'ÉTIIYLE. 

En  faisant  inhaler  des  vapeurs  de  chlorure  d'éthyle  à  certains  ani- 
maux (chiens,  lapins,  etc.),  on  détermine  une  opacité  de  la  cornée 
(Dubois).  D'après  Panas,  cette  opacité  dépend  d'une  infiltration  séreuse 
du  parenchyme  de  cette  membrane. 

Le  mécanisme  de  l'œdème  du  tissu  cornéen  dépend  de  la  destruction 
par  le  chlorure  d'éthyle  de  l'endothélium  de  la  cornée,  qui  seul  protège 
celle-ci  contre  l'envahissement  de  l'humeur  aqueuse,  ainsi  que  Leber 
l'a  démontré  par  des  expériences  déjà  anciennes. 

4.   INTOXICATION  PAR  L'nYDRATE   DE  CIILORAL. 

Au  début  de  l'intoxication  par  l'hydrate  de  chloral,  on  observe  une 
dilatation  de  la  pupille  et  une  congestion  de  la  papille  optique.  On 
admet  qu'il  existe  une  stase  du  sang  dans  les  veines  rétiniennes.  Plus 
tard  apparaît  le  myosis,  que  l'on  considère  comme  le  symptôme  de 
cette  intoxication.  Par  une  simple  pression  exercée  sur  l'œil  avec  le 
doigt  on  peut  faire  sortir  le  sang  des  vaisseaux  de  la  papille  et  de  son 


INTOXICATION   PAR   L'OPIUM   ET  LA   MORPHINE.  395 

pourtour  (Ulrich).  La  tension  intra- oculaire  est  diminuée.  D'après  Gu- 
bler  et  Bouchut,  on  rencontre  l'anémie  de  la  rétine  lorsque  l'intoxica- 
tion aiguë  arrive  à  un  certain  degré;  la  rétine  perd  sa  vascularisation 
jusqu'à  devenir  exsangue  (Hammond).  Le  globe  oculaire  est  injecté  et 
parfois  insensible  dès  le  début  (Labbé  et  Guyon).  Selon  Horand  et 
Puech,  l'hydrate  de  chloral  paralyserait  le  grand  sympathique;  par 
suite,  les  filets  de  ce  nerf  qui  se  rendent  à  l'iris  agissent  peu  ou  point. 
Pour  ces  auteurs,  le  myosis  tiendrait  au  défaut  d'innervation  des  fibres 
radiées,  ou  bien  à  la  paralysie  des  vaisseaux  de  l'iris,  si,  comme  des 
recherches  récentes  tendent  à  le  prouver,  le  dilatateur  de  la  pupille 
n'existe  pas.  Ce  serait  aussi  la  paralysie  des  vaisseaux  qui  causerait 
l'hypérémie  du  globe  oculaire. 

Toutefois,  cette  théorie  de  la  paralysie  des  vaso-constricteurs  ne  sau- 
rait expliquer  l'anémie  de  la  rétine. 

Dans  l'intoxication  chronique  par  l'hydrate  de  chloral,  on  a  observé 
des  troubles  de  l'accommodation  analogues  à  ceux  qu'on  a  décrits 
sous  le  nom  de  kopiopie  hystérique  (Foerster);  il  s'agit  probablement 
d'une  parésie  du  muscle  de  l'accommodation.  On  a  observé,  en  outre, 
la  conjonctivite.  L'action  toxique  peut  enfin  se  faire  sentir  sur  le  nerf 
optique,  et  produire  soit  l'amaurose,  soit  des  troubles  graves  de  la 
vue  (Fischer-Detschy,  Kirpatrick-Murphy)  qui  ne  sont  pas  encore  suffi- 
samment étudiés. 

5.  INTOXICATION  PAR  L'OPIUM  ET  LA  MORPHINE. 

Dans  les  intoxications  aiguë  et  chronique  par  ces  substances,  le  myo- 
sis est  un  des  symptômes  les  plus  importants  au  point  de  vue  du  dia- 
gnostic. S'il  survient  de  la  mydriase  dans  l'intoxication  aiguë,  c'est  le 
signe  d'une  mort  imminente.  Dans  l'intoxication  chronique,  le  myosis 
peut  être  accompagné  de  spasme  du  muscle  de  l'accommodation  (de 
Graefe). 

On  a  aussi  observé  des  cas  d'amblyopie  ou  d'amaurose  toxique  dus  à 
l'abus  de  la  morphine.  Pour  combattre  des  vomissements  chroniques, 
on  administra  à  un  jeune  homme,  pendant  cinq  jours,  35  centigrammes 
de  morphine  en  injections  hypodermiques  ;  le  malade  fut  frappé  d'a- 
maurose avec  céphalalgie  intense.  L'amaurose  disparut  au  bout  de 
deux  jours  (Wagner).  Reymond  constata,  chez  un  malade  qui  faisait 
abus  de  la  morphine,  la  présence  d'un  scotome  central,  analogue  à 
celui  qui  se  produit  dans  l'intoxication  par  l'alcool.  Galezowski  observa, 
dans  un  cas  de  ce  genre,  l'amblyopie  et  la  métamorphopsie  avec  champ 
visuel  normal  ;  Nuel  suppose  qu'il  s'agissait,  dans  ce  cas,  d'une  inner- 
vation insuffisante  des  muscles  extrinsèques  et  intrinsèques  de  l'œil. 
Laborde  a  essayé  de  découvrir  le  mode  d'action  de  la  morphine  sur  le 
nerf  optique  en  pratiquant  des  expériences  sur  des  chiens.  Au  début  de 


396  PARTIE   SPÉCIALE. 

l'intoxication,  il  trouva  une  congestion  de  la  papille;  mais,  après  qua- 
torze jours,  il  la  vit  constamment  pâle. 

6.    INTOXICATION    PAR    LE    BROME. 

De  fortes  doses  de  brome  déterminent  une  dilatation  des  pupilles 
qu'on  attribuait  autrefois  à  l'affaiblissement  du  dilatateur  de  la  pupille. 
On  ne  saurait  encore  dire  si  la  mydriase  est  le  résultat  de  la  parésie  du 
sphincter  de  l'iris  ou  du  resserrement  des  vaisseaux  de  cette  mem- 
brane. 

Dans  des  cas  très  rares,  l'intoxication  chronique  par  le  brome  a  pro- 
duit des  troubles  de  la  vue,  et  même  l'amaurose  transitoire. 

7.  INTOXICATION  TAR  LA   FEVE  DE  CALABAR. 

Les  symptômes  oculaires  de  ces  intoxications  sont,  on  le  sait,  le 
myosis,  la  diminution  de  la  tension  intra-oculaire,  le  spasme  du  muscle 
de  l'accommodation  et,  par  suite,  la  myopie  apparente. 

8.    INTOXICATION  PAR    LA   BELLADONE  ET  l'aTROPINE. 

La  mydriase  qui  survient  dans  l'intoxication  par  l'atropine  est  telle- 
ment prononcée  qu'on  la  regarde  comme  un  des  symptômes  les  plus 
importants  au  point  de  vue  du  diagnostic  de  cet  empoisonnement.  II 
peut  arriver,  même  lorsqu'on  admininistre  l'atropine  à  l'intérieur,  que 
la  mydriase  et  la  paralysie  du  muscle  de  l'accommodation  soient  les 
seuls  symptômes  d'intoxication,  la  sécheresse  de  la  bouche  et  la  fré- 
quence du  pouls  pouvant  faire  défaut.  Plusieurs  fois  Foerster  a  constaté 
la  diminution  de  l'amplitude  delà  convergence  pendant  l'accommoda- 
tion, lorsque  l'atropine  avait  été  employée  à  doses  très  faibles  pour 
traiter  l'épilepsie.  La  mydriase  causée  par  l'intoxication  par  l'atropine 
dure  de  deux  à  huit  jours;  elle  s'accompagne  d'augmentation  de  la 
tension  intra-oculaire.  Chez  des  gens  prédisposés,  l'atropine  peut  pro- 
voquer l'apparition  du  glaucome  ;  j'en  ai  observé  moi-même  un  exem- 
ple, à  la  suite  d'instillation  d'atropine  dans  le  sac  conjonctival. 

La  micropsie  est  un  symptôme  qu'on  rencontre  fréquemment  après 
l'administration  de  l'atropine.  Les  gens  qui  comptent  de  l'argent,  par 
exemple,  se  plaignent  qu'on  ne  leur  a  pas  donné  les  pièces  qu'il 
fallait. 

On  évalue  à .1/5  de  milligramme  la  quantité  minima  d'atropine  néces- 
saire pour  produire  la  mydriase.  Feddersen,  à  la  suite  d'un  travail  des 
plus  fastidieux,  a  réuni  104  observations  d'intoxications  par  ce  produit 
publiées  par  divers  auteurs;  12  fois  la  mort  en  a  été  la  terminaison. 
Dans  98  cas,  l'intoxication  avait  été  le  résultat  de  l'administration  in- 


INTOXICATIONS.  397 

terne  de  l'atropine  ;  dans  53  cas,  elle  avait  été  produite  par  des  col- 
lyres et,  dans  un  cas,  par  une  pommade;  84  fois  l'empoisonnement 
avait  été  accidentel;  dans  les  autres  cas,  il  s'agissait  de  tentatives  de 
meurtre  ou  de  suicide.  Dans  les  collyres  qui  avaient  amené  l'empoison- 
nement, la  dose  d'atropine  variait  de  0,17  à  3  p.  100. 

On  supposait  jadis  que  certains  individus  ne  pouvaient  tolérer  l'em- 
ploi local  de  l'atropine  ;  on  sait  aujourd'hui  que  lorsqu'il  survient  des 
conjonctivites  à  la  suite  de  son  emploi,  c'est  que  les  collyres  qu'on  a 
employés  renfermaient  des  germes  végétaux.  Reich  (de  Tillis)  a  cepen- 
dant rencontré  un  cas  de  véritable  intolérance  pour  l'atropine  :  chez  un 
malade,  il  survenait  des  épistaxis  chaque  fois  qu'on  lui  instillait  de  l'a- 
tropine dans  le  sac  conjonctival. 

Quant  à  l'action  de  ce  médicament,  plusieurs  auteurs  (Réveille,  Pa- 
risa,  Rurton),  l'expliquent  par  une  parésie  des  branches  intra-oculaires 
de  l'oculo-moteur  commun;  d'autres  (Rudge,  Zalewski)  pensent  que  les 
fibres  lisses  du  dilatateur  de  la  pupille  sont  le  siège  d'une  contraction 
spasmodique.  Gubler  admettait  que  l'atropine  stupéfiait  la  rétine  et  la 
branche  ophtalmique  de  la  cinquième  paire;  cette  opinion  est  aujour- 
d'hui réfutée.  Flourens  a  cru  que  dans  les  cas  d'amblyopie  par  l'atro- 
pine, le  médicament  agissait  spécialement  sur  les  tubercules  quadriju- 
meaux;  nous  expliquons  maintenant  le  phénomène  par  la  paralysie  du 
muscle  de  l'accommodation.  Il  est  plus  probable  que  la  paralysie  des 
muscles  intrinsèques  de  l'œil  est  causée  par  l'action  de  l'atropine  sur 
les  parties  périphériques  des  branches  intra-oculaires  de  l'oculo-mo- 
teur commun. 

Au  point  de  vue  de  leur  action  toxique  sur  l'œil  et  de  leur  composi- 
tion chimique,  l'atropine,  l'hyoscyamine,  la  daturineet  la  duboisineont 
beaucoup  de  ressemblance.  On  regarde  ces  alcaloïdes  comme  une  tro- 
pine,  dont  un  atome  d'hydrogène  est  remplacé  par  de  l'acide  tropique. 
La  tropine  elle-même  n'a  aucune  action  sur  l'œil. 

9.  INTOXICATION  PAR   l'hOMATROPINE. 

On  ne  connaît  qu'un  seul  exemple  de  cette  intoxication,  et  c'est  Ziem 
qui  l'a  publié.  Les  symptômes  sont  analogues  à  ceux  de  l'intoxication 
par  l'atropine  ;  ils  consistent  en  mydriase,  accélération  du  pouls,  refroi- 
dissement des  extrémités,  et  disparaissent  très  rapidement.  Dans  le  cas 
de  Ziem,  le  lendemain  le  malade  était  rétabli. 

10.    INTOXICATION  PAR  LA   DATURINE   ET   L'HYOSCYAMINE. 

Les  symptômes  de  ces  intoxications  sont  ceux  de  l'empoisonnement 
par  l'atropine.  L'hyoscyamine  agit  plus  vite  que  l'atropine,  mais  elle  a 
l'inconvénient  de  prolonger  son  action  beaucoup  plus  longtemps. 


398  PARTIE  SPÉCIALE. 

il.    INTOXICATION    PAR  LA   DUBOISIJŒ. 

Dillmann  est  le  seul  qui  ait  observé  cette  intoxication.  Son  malade, 
empoisonné  par  \  centigramme  de  duboisine,  présentait  des  hallucina- 
tions, du  délire,  la  manie  de  la  collection,  de  la  mydriase,  des  vertiges, 
des  inquiétudes,  de  la  faiblesse  des  jambes,  de  la  sécheresse  de  la 
bouche,  accompagnée  d'un  mauvais  goût. 

12.    INTOXICATION    PAR    LE    TABAC. 

L'intoxication  aiguë  par  le  tabac  se  manifeste,  comme  on  le  sait,  par 
des  syncopes,  sans  symptômes  du  côté  des  yeux. 

L'intoxication  chronique  produit,  au  contraire,  des  troubles  oculaires 
très  accentués.  Dans  son  traité  des  maladies  des  yeux,  Mackenzie  ap- 
pelait déjà  l'attention  sur  les  troubles  de  la  vue  causés  par  le  tabac. 
Sichel  père,  après  avoir  nié  l'influence  fâcheuse  du  tabac  sur  l'organe 
de  la  vision,  a  été  le  premier  en  France  a  décrire  l'amblyopie  taba- 
gique. 

Cette  amblyopie  peut  survenir  quelle  que  soit  la  façon  dont  on  fasse 
usage  du  tabac,  qu'on  le  fume  sous  forme  de  cigares,  de  cigarettes  ou 
de  pipe,  ou  hien  qu'on  le  mâche.  Les  mauvaises  sortes  de  tabac  ren- 
fermant plus  de  nicotine  que  les  bonnes,  prédisposent  beaucoup  plus  à 
l'amblyopie.  D'après  quelques  auteurs,  ce  serait  le  jus  de  tabac  et  non 
la  fumée  qui  produirait  l'intoxication.  Yan  Millingen  (de  Constanti- 
nople),  prétend  que  chez  les  fumeurs  turcs  l'amblyopie  est  inconnue, 
ce  qui  tiendrait  à  ce  que  le  narghilé  empêche  le  jus  du  tabac  d'être 
en  contact  avec  la  muqueuse  buccale.  Il  est  incontestable  que  quelques 
personnes  ont  une  certaine  prédisposition  à  l'amblyopie  tabagique,  de 
même  que  d'autres  tolèrent  fort  mal  l'alcool.  D'après  Nettleship,  dans 
des  familles  on  voit  ceux  qui  fument  et  ceux  qui  ne  font  pas  usage  du 
tabac  être  atteints  de  scotome  central  en  nombre  égal.  La  quantité  de 
tabac  nécessaire  pour  produire  l'amblyopie  est  très  variahle.  Tandis 
que  les  uns  résistent  à  des  doses  énormes  de  tabac,  d'autres  qui  ne 
font  usage  que  de  faibles  doses  sont  frappés  d'amblyopie,  ce  qu'on  ne 
peut  expliquer  que  par  une  prédisposition  congénitale. 

Pour  Power,  l'action  toxique  du  tabac  sur  l'organe  de  la  vue  ne  se 
manifeste  qu'après  l'apparition  de  signes  d'anémie  et  de  troubles  de  la 
digestion. 

L'expérience  est  d'accord  avec  cette  manière  de  voir  :  on  a  remarqué 
que  les  fumeurs  qui  se  nourrissent  bien,  qui  ont  un  sommeil  suffisant 
et  un  bon  état  général  supportent  mieux  des  doses  élevées  de  tabac. 
Au  contraire,  une  alimentation  insuffisante  et  un  sommeil  trop  court 
favorisent  le  développement  de  l'amblyopie  tabagique.  Foerster  a  ob- 


INTOXICATION   PAR  LE  TABAC.  399 

serve  également  que  l'on  rencontre  une  plus  grande  proportion  d'am- 
blyopie  toxique  parmi  les  professions  qui  nécessitent  une  lutte  plus 
difficile  pour  l'existence;  ce  sont,  par  exemple,  les  aubergistes,  les  cul- 
tivateurs, les  conducteurs  de  chemins  de  fer. 

Les  observations  les  plus  nombreuses  d'amblyopie  tabagique  ont  été 
recueillies  en  Angleterre,  non  seulement  chez  les  hommes,  mais  même 
chez  les  femmes.  Ce  fait  a  été  prouvé  par  des  discussions  très  intéres- 
santes qui  ont  eu  lieu  à  la  société  anglaise  d'ophthalmologie.  C'est  entre 
trente-cinq  et  soixante-cinq  ans  que  l'on  rencontre  surtout  l'amblyopie 
tabagique.  Sa  fréquence  commence  à  diminuer  après  quarante  ans, 
parce  que  après  cet  âge  on  abuse  déjà  moins  du  tabac.  Très  souvent, 
en  effet,  les  grands  fumeurs  éprouvent  alors  des  palpitations  de  cœur 
qui  les  forcent  à  user  plus  sobrement  du  tabac.  L'habitude  simultanée 
du  tabac  et  de  l'alcool  favorise  le  développement  de  l'amblyopie  ta- 
bagique; dans  beaucoup  de  cas,  en  effet,  l'intoxication  est  mixte,  causée 
à  la  fois  parle  tabac  et  par  l'alcool. 

Les  symptômes  qui  accompagnent  l'amblyopie  tabagique  sont  l'ano- 
rexie, le  dégoût  de  la  viande,  de  la  constipation  alternant  avec  de  la 
diarrhée.  Le  sommeil  est  insuffisant  ou  manque  tout  à  fait.  Le  pouls 
est  plus  fréquent,  la  force  musculaire  est  affaiblie,  les  mains  tremblent. 
Les  malades  se  plaignent  de  perdre  la  mémoire  ou  de  la  voir  diminuer; 
le  travail  intellectuel  les  fatigue  beaucoup  ;  puis  il  se  produit  de 
l'amnésie  et  de  l'inaptitude  au  travail.  On  observe  aussi  de  l'impuis- 
sance génésique  et  de  l'affaiblissement  de  l'ouïe,  quelquefois  des 
symptômes  d'hystérie  toxique  (hystérie  tabagique)  (1). 

Les  troubles  de  la  vue  consistent  dans  le  développement  d'un  scotome 
central  négatif,  situé  en  dehors  du  point  de  fixation  et  se  continuant 
presque  jusqu'au  punctum  cœcum.  L'étendue  du  scotome  est  de  1 8  à  20  de- 
grés dans  le  diamètre  horizontal.  En  dedans  du  scotome,  la  perception 
du  contraste  du  blanc  et  du  rouge  ne  se  produit  plus;  celle  du  blanc  et 
du  noir  est  affaiblie.  L'acuité  visuelle  est  diminuée  ;  mais  elle  l'est  moins 
dans  la  moitié  nasale  du  scotome  que  dans  la  moitié  temporale. 

En  se  livrant  à  un  examen  très  attentif,  on  remarque  toujours  une 
lacune  ovalaire  dans  ia  perception  du  rouge  et  plus  tard,  dans  celle  du 
vert,  si  l'on  examine  le  scotome  avec  de  petits  objets  (d'un  diamètre 
de  omm).  Dans  des  cas  graves,  cette  lacune  peut  se  propager  en  haut  et 
en  bas  jusqu'aux  limites  périphériques  du  rouge;  de  sorte  que  la  zone 
rétinienne  qui  aperçoit  le  rouge  est  séparée  en  deux  moitiés,  qui  se  réu- 
nissent de  nouveau  en  cas  d'amélioration. 

En  général,  il  n'y  a  pas  de  rétrécissement  dans  la  périphérie  du 
champ  visuel;  mais  il  y  a  des  cas  exceptionnels  où  le  scotome  central 
est  accompagné  d'un  rétrécissement  périphérique  (Lawford). 

(1)  Gilbert,  Soc.  méd.  des  hôpitaux,  1889,  25  octobre. 


400  PARTIE   SPÉCIALE. 

Ces  derniers  cas  sont,  heureusement,  très  rares;  ils  sont  très  défa- 
vorables ;  malgré  l'abstinence  absolue  de  tabac  et  un  traitement  tonique, 
ils  se  terminent  par  l'atrophie  progressive  du  nerf  optique,  sans  qu'il  y 
ait  cependant  aucune  complication  cérébrale  ou  spinale.  Dans  certains 
cas  de  ce  genre,  l'amaurose  se  développe  très  rapidement,  par  la  pro- 
gression du  scotome  central  vers  la  partie  périphérique  du  champ 
visuel. 

Les  troubles  visuels  se  développent  presque  toujours  très  lentement, 
sauf  quelques  cas  exceptionnels  où  leur  production  est  brusque.  Dans 
les  amblyopies  tabagiques  très  développées,  l'acuité  visuelle  peut  être 
réduite  à  un  quart  et  même  à  un  dixième  de  l'acuité  visuelle  normale. 
Elle  est  quelquefois  meilleure  au  crépuscule  qu'au  moment  où  le  soleil 
est  le  plus  fort.  Il  se  produit  très  souvent  chez  ces  malades  des  images 
complémentaires  très  prolongées. 

L'examen  ophthalmoscopique  des  cas  très  développés  montre  que  la 
papille  est  un  peu  moins  transparente  qu'à  l'état  normal.  On  remarqiif 
un  contraste  très  prononcé  entre  la  coloration  rose-clair  de  la  partie 
nasale  et  l'aspect  blanc-grisâtre  de  la  moitié  temporale  de  la  papille 
optique.  Les  artères  rétiniennes  sont  quelquefois  légèrement  rétrécies. 
Dans  un  certain  nombre  de  cas,  au  contraire,  malgré  des  symptômes 
très  accusés  d'amblyopie  tabagique,  on  a  trouvé  le  fond  de  l'œil 
normal. 

Pour  établir  le  pronostic  de  l'amblyopie  tabagique,  il  faut  savoir 
avant  tout  si  le  malade  peut  renoncer  complètement  au  tabac.  Si  cette 
privation  lui  est  possible  et  s'il  n'existe  ni  rétrécissement  périphérique 
du  champ  visuel,  ni  signes  d'atrophie  optique  appréciables  à  l'ophthal- 
moscope,  le  pronostic  est  très  favorable.  Il  faut  se  rappeler  cependant 
que  les  troubles  visuels  peuvent  être  aussi  des  symptômes  prodromiques 
de  paralysie  générale.  Aussi,  devra-t-on  garder  une  grande  prudence 
dans  le  pronostic,  surtout  en  présence  des  intoxications  par  l'al- 
cool. 

Lorsque,  dans  un  cas  d'amblyopie  tabagique,  l'acuité  visuelle  est 
extrêmement  diminuée  le  traitement  ne  doit  plus  laisser  d'espoir. 

Dans  les  affections  de  la  vue,  le  traitement  général  a  toujours  une 
très  haute  valeur.  En  présence  de  troubles  de  la  digestion,  il  faut  em- 
ployer les  alcalins  et  fortiûer  le  malade. 

L'amblyopie  toxique  doit  être  traitée  par  des  injections  hypodermi- 
ques de  strychnine.  Power  recommande  de  faire  prendre  du  fer  par  la 
voie  stomacale;  Frost  conseille  l'iodure  de  potassium. 

13.   INTOXICATION   PAR  L'ALCOOL. 

Les  auteurs  ne  rapportent  qu'un  seul  exemple  de  troubles  de  la  vue 
causés  par  l'intoxication  aiguë   par  l'alcool.  Il  s'agissait  d'un  malade 


INTOXICATION   PAR   L  ALCOOL.  401 

atteint  de  fièvre  typhoïde  (1),  à  qui  l'on  donna,  par  erreur,  un  lave- 
ment d'alcool  à  80  degrés.  Les  symptômes  toxiques  furent  :  l'abaisse- 
ment de  la  température  du  corps  (jusqu'à  35  degrés),  du  délire  et  une 
cécité  absolue. 

Les  troubles  oculaires  consécutifs  h  Y  intoxication  chronique  par  l'alcool 
sont,  au  contraire,  extrêmement  fréquents.  Ce  sont  presque  les  mêmes 
symptômes  que  ceux  de  l'amblyopie  tabagique;  mais,  dans  cette  der- 
nière affection,  le  scotome  est  paracentral,  tandis  qu'il  est  péricentral 
dans  l'amblyopie  par  l'alcool.  Aussi,  dans  quelques  cas  d'amblyopie  par 
l'abus  de  l'alcool,  le  scotome  central  est-il  compliqué  d'un  rétrécisse- 
ment périphérique  du  champ  visuel  (E.  Bock  et  d'autres). 

Dans  l'intoxication  chronique  par  l'alcool,  les  troubles  visuels  peu- 
vent se  développer  très  rapidement,  ce  qui  n'a  pas  lieu,  nous  l'avons 
dit,  dans  l'amblyopie  tabagique.  On  a  vu  des  cas  où  l'abus  de  l'alcool, 
prolongé  seulement  pendant  quelques  semaines,  avait  réduit  brusque- 
ment l'acuité  visuelle  jusqu'à  la  simple  perception  de  la  lumière. 

C'est  entre  quarante  et  cinquante  ans  que  l'on  trouve  le  plus  grand 
nombre  de  malades  atteints  d'amblyopie  alccolique.  Il  est  très  rare  de 
rencontrer  cette  affection  avant  trente  ans. 

Pour  établir  le  diagnostic  différentiel,  il  est  important  de  savoir  que, 
dans  les  cas  de  névrite  rétrobulbaire  qui  ne  sont  pas  d'origine  toxique, 
l'affection  est  très  souvent  monoculaire,  ou  bien  il  s'écoule  un  temps 
très  long  avant  que  l'autre  œil  ne  soit  atteint.  En  outre,  dans  la  forme 
non  toxique  de  névrite  rétrobulbaire,  le  développement  brusque  des 
troubles  oculaires  est  la  règle,  tandis  qu'ils  apparaissent  progressive- 
ment dans  l'immense  majorité  des  cas  d'amblyopie  tabagique  ou 
alcoolique.  Foerster  nie  même  qu'il  y  ait  des  cas  d'amblyopie  tabagique 
à  développement  brusque.  Il  existe  aussi  un  autre  signe  important  à 
noter,  en  vue  du  diagnostic  :  les  malades  atteints  de  névrite  rétro- 
bulbaire aiguë  éprouvent  de  la  douleur  pendant  les  mouvements  laté- 
raux des  yeux  ;  ce  qui  n'a  pas  lieu  dans  la  névrite  rétrobulbaire 
toxique.  En  outre  les  symptômes  généraux  de  l'intoxication  chronique 
par  l'alcool  sont  d'une  haute  importance  pour  établir  le  diagnoslic. 

Les  altérations  anatomo-pathologiques  qui  se  produisent  dans  l'am- 
blyopie alcoolique  ont  été  l'objet  de  recherches  très  attentives.  Ce 
sont  surtout  les  fibres  maculaires  qui  sont  atteintes  dans  cette  affection 
(Samelsohn,  Bunge,  Vossius,  Uhthoff).  Au  point  de  vue  anatomique,  il 
semble  qu'il  s'agisse  d'une  destruction  des  fibres  nerveuses,  accompa- 
gnée ou  non  du  développement  de  cellules  granuleuses.  On  a  constaté 
aussi  l'épaississement  des  prolongements  de  la  gaîne  piale,  qui  forment 
les  cloisons  du  nerf  optique.  Dans  certains  cas,  on  a  été  frappé  du  fait 
de  ce  que  les  altérations  anatomo-pathologiques  n'avaient  atteint  que 

(1)  Cité  chez  Bouchard,  Auto-intoxications,  p.  215. 

26 


402 


PARTIE  SPÉCIALE. 


la  partie  rétrobulbaire  des  nerfs  optiques  et  que  les  deux  nerfs  du 
même  individu  étaient  affectés  à  des  degrés  très  différents.  Dans 
quelques  cas,  l'atrophie  optique  s'était  développée  d'une  telle  manière 
qu'il  semblait  que  les  espaces  interstitiels  occupés  par  les  fibres  optiques 
avaient  disparu. 

D'après  Uhthoff,  un  tiers,  environ,  des  cas  d'amblyopie  toxique 
seraient  causés  par  l'abus  du  tabac.  Les  cas  d'amblyopie  toxique  par 
alcool  seulement,  comparés  à  ceux  d'amblyopie  mixte  (par  alcool  et 
labac)  et  d'amblyopie  tabagique  seraient  dans  la  proportion  de  3,  2,  1. 


Fig.  39.  —  Champ  visuel  de  l'œil  droit  d'un  malade  présentant  îles  symptômes 
simultanés  d'ataxie  locomotrice  et  d'intoxication  par  l'alcool.  (Observation  per- 
sonnelle.) 


—  Netllesliip  nie,  h  tort,  l'existence  de  cas  d'amblyopie  par  l'alcool 
seulement;  il  pense  que  l'amblyopie  alcoolique  est  toujours  mixte 
(accompagnée  d'amblyopie  tabagique). 

Quant  aux  altérations  ophthalrnoscopiques  de  l'intoxication  alcooli- 
que, Uhthoff,  sur  mille  cas  qu'il  a  examinés,  a  constaté  la  décoloration 
temporale  du  nerf  optique,  dans  la  proportion  de  13,5  p.  100.  Quel- 
quefois cette  décoloration  du  nerf  optique  n'existe  que  dans  une  petite 
zone  de  la  papille. 


INTOXICATION   TAR   L'ALCOOL. 


403 


Uhthoff  a  constaté  :  dans  6  cas,  l'hyperémie  de  la  papille;  dans 
5,5  p.  100  des  cas,  une  opacité  caractéristique  de  la  papille  et  de  la 
rétine  autour  de  la  papille.  Dans  ces  derniers  cas,  l'image  ophthalmos- 
copique  rappelle  celle  qui  se  produit  dans  une  rélinite  difTuse  lé- 
gère. 

Kdmonds  et  Lawford  ont  pratiqué  l'examen  anatomo-palhologique 
d'un  cas  qui  présentait  cette  opacité  rétinienne.  Us  ont  vu  qu'elle  était 
causée  par  un  œdème  interstitiel,  qui  occupait  la  couche  des  fibres 
optiques  et  la  couche  externe  à  grains,  autour  de  la  papille  optique. 


Fig.  40.  —  Champ  visuel  de  l'œil  gauche  d'un  malade  présentant  des  symptômes 
simultanés  d'ataxie  locomotrice  et  d'intoxication  par  l'alcool.  (Observation  per- 
sonnelle.) 


Uhthoff,  parmi  le  nombre  si  considérable  d'alcooliques  qu'il  a  obser- 
ves, a  constaté  :  dans  2,5  p.  100  des  cas,  l'inégalité  des  pupilles;  dans 
2,5  p.  100,  la  réaction  affaiblie  des  pupilles  à  la  lumière;  dans  1  p.  100 
seulement,  le  signe  d'Argyll  Roberstson  ;  dans  6  p.  100,  une  dilata- 
tion des  pupilles.  Le  même  auteur  a  observé,  dans  3  cas,  une  xérose 
de  la  conjonctive  et,  clans  13  cas,  des  contractions  nystagmiques  des 
yeux  dans  les  directions  latérales  extrêmes  du  regard  ;  mais  deux  de 
ces  cas  seulement  étaient  de  vrais  nystagmus  ;  ils  étaient  accompagnés 


404  PARTIE  SPÉCIALE. 

de    névrite   multiple   et    de    paralysie    bilatérale    de    l'oculo-moteur 
externe. 

On  a  observé  plusieurs  fois  des  paralysies  des  muscles  de  l'œil  chez 
des  alcooliques  atteints  de  névrite  périphérique.  Thomson  décrit  trois 
cas,  dont  un  a  été  guéri,  de  ces  paralysies  alcooliques  aiguës  des 
muscles  de  l'œil.  Suckling  a  constaté,  dans  un  cas,  que  cette  paralysie 
frappait  plusieurs  muscles  animés  par  l'oculo-moteur  commun.  Un 
homme  de  cinquante  ans,  après  avoir  éprouvé  des  crampes  et  des 
douleurs  dans  les  deux  jambes,  fut  atteint  de  paralysie  bilatérale  des 
droits  inférieurs  et  internes  et  il  eut  en  même  temps  du  ptosis  bilatéral. 
Les  pupilles  étaient  contractées  et  réagissaient  peu  à  la  lumière.  Le 
réflexe  rotulien  était  supprimé;  le  réflexe  plantaire  était,  au  contraire, 
exagéré.  Le  nerf  tibial  postérieur  était  sensible  à  la  pression.  L'intel- 
ligence du  malade  était  affaiblie.  La  privation  d'alcool  a  amené  la 
guérison  complète  des  paralysies  oculaires. 

On  a  également  constaté,  dans  un  certain  nombre  de  cas  d'abus 
d'alcool,  Yinsuffisance  de  la  convergence. 

Nous  avons  déjà  mentionné,  dans  un  chapitre  antérieur,  la  polien- 
céphalite  aiguë  supérieure  et  inférieure,  causée  par  l'alcool,  et  nous 
avons  fait  remarquer  qu'elle  est  fréquemment  accompagnée  de  né- 
vrite optique  (Oppenheim). 

Les  paralysies  oculaires  aiguës,  que  l'on  observe  également  dans 
cette  affection,  sont  probablement  dues,  en  partie,  à  des  hémorrhagies 
dans  la  substance  grise  centrale  ventriculaire. 

Les  troubles  oculaires  produits  par  l'abus  de  l'alcool  sont  accom- 
pagnés des  symptômes  généraux  de  cette  intoxication,  qui  rendent 
plus  facile  la  détermination  de  leur  cause;  ce  sont  :  le  tremblement 
très  prononcé  des  membres,  l'excitation  du  malade,  les  signes  d'un 
catarrhe  chronique  de  l'estomac,  de  l'insomnie,  la  perte  de  la  mémoire, 
l'abrutissement  moral  et  quelquefois  même  des  accès  de  delirium 
tremens. 

Les  hallucinations  de  la  vue  qui  accompagnent  l'alcoolisme  sont 
suffisamment  connues  pour  que  nous  n'ayons  pas  besoin  de  les  rap- 
peler. 

Quant  au  pronostic  et  au  traitement,  nous  ne  pourrions  que  répéter 
ce  que  nous  avons  déjà  dit,  à  propos  de  l'amblyopie  tabagique. 

14.    INTOXICATION    PAR    LE    HASCHISCH   (CANNABIS    INDICA). 

Le  haschisch,  qui  est  en  usage  en  Orient,  produit,  d'après  Ali,  un 
scotome  central,  analogue  à  celui  qui  provient  de  l'abus  du  tabac  ou 
de  l'alcool.  Mais  l'amblyopie  consécutive  à  l'abus  du  haschisch  se  dis- 
tinguerait, d'après  cet  auteur,  en  ce  que,  très  souvent,  l'affection  est 
seulement  unilatérale. 


INTOXICATION   PAR  LE  SULFURE  DE  CARBONE.  405 


15.    INTOXICATION    PAR  LE   SULFURE   DE   CARBONE. 

Les  symptômes  de  l'intoxication  par  le  sulfure  de  carbone  sont  con- 
nus en  France  depuis  fort  longtemps;  ils  ont  été  très  bien  décrits 
par  Delpech. 

Les  individus  qui  sont  le  plus  exposés  à  cette  intoxication  sont  les 
ouvriers  qui  travaillent  dans  le  caoutchouc  et  les  raffineurs  de  cacao. 

C'est  surtout  en  France  et  en  Angleterre,  que  l'on  a  étudié  les  troubles 
oculaires  causés  par  cette  intoxication.  En  Allemagne,  on  n'a  décrit 
que  très  peu  de  cas  semblables  et  on  ne  les  a  observés  que  dans  ces 
derniers  temps.  Leber  ne  mentionne  même  pas  les  troubles  oculaires 
causés  par  cette  intoxication  dans  le  chapitre  consacré  aux  affections 
de  la  rétine  et  du  nerf  optique,  qu'il  a  publié  dans  le  traité  de  Graefe  et 
Saemisch. 

A.  Frost  (en  1885)  a  recueilli  35  cas  d'intoxication  par  le  sulfure  de 
carbone,  dont  24  présentaient  des  troubles  oculaires.  L'amblyopie 
causée  par  le  sulfure  de  carbone  n'est  jamais  le  seul  symptôme  ;  elle 
est  toujours  accompagnée  des  troubles  généraux  de  l'intoxication. 

A  l'examen  ophthalmoscopique,  on  a  trouvé,  en  certains  cas,  le 
fond  de  l'œil  normal;  dans  d'autres  cas,  on  a  observé  de  la  névrite 
optique;  d'autres  fois  encore,  on  a  constaté  une  atrophie  temporale 
de  la  papille  optique.  Hirschberg,  dans  un  cas,  a  vu,  dans  la  macula, 
des  altérations  qui  formaient  un  groupe  de  petites  taches  minces, 
blanchâtres  et  miroitantes. 

A  l'examen  fonctionnel  de  l'œil,  on  a  constaté  la  présence  d'un  sco- 
tome  central,  qui  a  cependant  fait  défaut  en  quelques  cas. 

Nettleship  et  Becker  décrivent  des  cas  de  scotome  central  d'une 
grande  étendue.  Dans  le  cas  de  Becker,  ce  scotome  était  considérable 
pour  le  bleu,  moins  grand  pour  le  jaune.  Dans  un  certain  nombre  de 
cas,  le  vert  et  le  rouge  n'étaient  pas  aperçus  (Gunn,  Nettleship). 

Les  divers  auteurs  ne  sont  pas  d'accord  sur  les  altérations  que  cette 
affection  peut  produire  dans  le  sens  des  couleurs;  mais  il  me  semble, 
qu'en  général,  la  sensation  de  vert  et  rouge  est  la  première  altérée. 
Dans  un  seul  cas  de  Dumont,  le  sens  des  couleurs  était  normal. 

Contrairement  à  ce  qui  se  passe  dans  l'amblyopie  tabagique,  dans 
l'intoxication  par  le  sulfure  de  carbone  la  moitié  latérale  du  scotome 
est  plus  étendue  que  la  moitié  nasale. 

Le  sens  de  l'espace  parait  moins  atteint  que  dans  l'amplyopie  taba- 
gique et  alcoolique. 

Il  faut  se  rappeler  aussi  que  l'intoxication  par  le  sulfure  de  carbone 
peut  provoquer  de  l'hystérie  toxique  ;  on  doit  alors  considérer  quel- 
quefois les  troubles  oculaires  observés  dans  cette  intoxication  comme 
des  symptômes  d'hystérie.  C'est  ce  qui  avait  lieu  dans  un  cas  de  Maas, 


406  PARTIE  SPÉCIALE. 

où  l'acuité  visuelle  était  diminuée  de  moitié  et  était  accompagnée 
d'héméralopie  et  de  presbytie  prématurée,  en  même  temps  qu'il  exis- 
tait un  rétrécissement  du  champ  visuel.  Marie  décrit  aussi  un  cas  ana- 
logue, où  le  malade  était  atteint  d'hémianesthésie  et  de  rétrécissement 
du  champ  visuel  avec  macropsie  et  micropsie  très  caractéristiques.  Il 
est  possible  que  l'on  ait  eu  affaire  aussi  à  une  hystérie  toxique  dans  le 
cas,  déjà  cité  de  Dumont,  où  le  champ  visuel  était  rétréci. 

Comme  traitement  de  l'amblyopie  par  sulfure  de  carbone,  on  a 
recommandé  l'iodure  de  potassium,  le  fer  et  les  injections  hypoder- 
miques de  strychnine.  Cette  thérapeutique  a  donné  des  résultats  très 
différents.  Elle  a  échoué  dans  les  cas  de  Gunn  et  Dumont;  on  a 
plusieurs  fois  constaté  de  l'amélioration  (Hirschberg,  Nettleship,  etc.); 
on  est  rarement  arrivé  à  une  guérison  complète  (Changarnier). 

L6.    INTOXICATION    PAR    L'iODOEORME    ET    l/lODE. 

L'iodoforme  peut  provoquer  une  altération  de  la  vue  analogue  à 
celle  des  amblyopies  toxiques. 

Comme  on  n'a  observé  qu'un  seul  cas  de  cette  affection,  on  ne  peut 
pas  affirmer  que  ces  troubles  oculaires  ne  soient  pas  causés  par  une 
névrite  rétrobulbaire. 

Dans  l'administration  de  l'iode  par  la  voie  interne,  on  peut  voir  une 
conjonctivite  toxique  accompagner  le  coryza  iodique.  Si  l'on  fait  dans 
l'œil  des  instillations  de  calomel  à  un  malade  qui  a  pris  de  l'iode  par 
la  voie  interne,  il  peut  en  résulter  une  cautérisation  de  la  conjonctive. 
Le  calomel  porté  dans  l'œil  est,  alors,  décomposé  par  les  larmes  qui 
contiennent  de  l'iode,  et  il  se  forme  de  l'iodate  et  de  l'iodure  de  mer- 
cure, qui  ont  la  propriété  de  cautériser  énergiquement  les  muqueuses 
(Meurer  (1),  Grand-Clément). 

17.    INTOXICATION     PAR    L'ACIDE     SALIGYLIQUE    ET   LE    SALICYLATE    DE    SOUDE. 

A  la  suite  de  la  médication  interne  de  ces  médicaments,  on  a  observé 
également  de  l'amblyopie  et  de  l'amaurose.  Ces  troubles  oculaires 
étaient  accompagnés  de  signes  cérébraux  :  délire,  etc.;  aucun  de  ces 
symptômes  n'a  persisté  plus  de  douze  heures.  L'examen  du  fond  de 
l'œil,  pratiqué  par  Gassi  pendant  l'état  d'amblyopie,  n'a  rien  fait 
découvrir  d'anormal;  les  veines  rétiniennes  étaient  seulement  un  peu 
dilatées.  Pendant  qu'existait  l'amaurose,  les  pupilles  étaient  dilatées 
et  immobiles  à  la  lumière. 

(1)  Meurer,  Arch.  de  Kmpp  et  Schweigger,  1890. 


INTOXICATION   PAR  L'ANILINE.  407 


18.    INTOXICATION   PAR  L'aNTIPTRINE. 

L'amaurose  consécutive  à  l'intoxication  par  l'antipyrine  semble  être 
analogue  à  celle  dont  nous  venons  de  parler.  On  n'a  jusqu'ici  qu'une 
seule  observation,  publiée  par  Wicherkiewiez. 

19.   MORSURE   DE  SERPENTS. 

L'extrême  ressemblance  qui  existe  entre  les  troubles  oculaires  consé- 
cutifs à  la  morsure  de  serpents  et  ceux  qui  sont  produits  par  les 
intoxications  nous  a  engagé  à  les  traiter  dans  ce  cbapitre.  Laurenço 
de  Malgalbaes  a  publié  un  cas  d'amaurose  passagère  par  morsure  de 
serpent.  On  devra  rechercher  à  laquelle  des  substances  toxiques, 
examinées  au  point  de  vue  chimique  par  Lucien  Bonaparte,  il  faut  en 
attribuer  la  cause. 

20.    INTOXICATION    PAR    LE    NITRATE   D ARGENT. 

Dans  un  cas  publié  par  Bresgen,  où  le  nitrate  d'argent  a  été  employé 
comme  cosmétique,  il  s'est  produit  une  amblyopie  passagère,  qui  a  été 
expliquée  par  l'action  toxique  de  cette  substance. 

21.  INTOXICATION    PAR    L'ACIDE    OSMIQUE. 

Noyés  cite  un  cas  dans  lequel,  à  la  suite  d'inhalations  de  vapeurs 
d'acide  osmique,  il  se  produisit  une  amblyopie  de  courte  durée. 

22.  INTOXICATION    PAR   LACIDE    PHÉNIQUE. 

Nieden  décrit  un  cas  dans  lequel  les  symptômes  bien  connus  de  l'in- 
toxication par  l'acide  phénique  —  coloration  noire  des  urines,  etc.  — 
étaient  accompagnés  d'amblyopie. 

23.   INTOXICATION  PAR  L'ANILINE. 

Dans  un  cas  publié  par  Galezowski,  une  amblyopie  aurait  été  causée 
par  une  intoxication  par  l'aniline. 

Dans  une  observation  de  Litten,  où  l'on  trouve  également  de  l'am- 
blyopie,  l'intoxication  a  été  causée  par  l'aniline  mêlée  de  nitro-benzol. 
Le  sang  avait  perdu  la  faculté  d'absorber  de  l'oxygène  et  il  en  résultait 
de  la  cyanose.  La  conjonctive  était  colorée  en  violet  et  présentait  de 
petites  hémorrhagies,  qu'on  a  pu  constater  aussi  dans  la  rétine. 

Le  fond  de  l'œil  était  également  coloré  en  violet.  Les  artères  et  les 


408  PARTIE  SPÉCIALE. 

veines  présentaient  l'aspect  qu'elles  auraient  eu  si  elles  avaient  été  rem- 
plies d'encre. 

24.    INTOXICATION   PAR   LE   NITRO-BENZOL. 

On  ne  trouve  qu'une  observation  de  Nieden  où  l'on  ait  constaté  des 
troubles  oculaires  consécutifs  à  une  intoxication  par  le  nitro-benzol 
pur.  Ces  troubles  de  la  vue  apparurent  quatorze  jours  après  la  mani- 
festation des  symptômes  généraux  :  battements  de  cœur,  difficulté  de 
la  respiration,  nausées,  anorexie,  sensation  de  mauvais  goût,  pouls, 

1 

petit  et  fréquent,  vertiges.  L'acuité  visuelle  était  réduite  à  — -;  le  cbamp 

visuel  était  fortement  rétréci.  On  constatait  une  hyperémie  veineuse 
très  prononcée  et  des  extravasations  dans  la  rétine.  Ce  ne  fut  qu'après 
une  durée  de  quatre  semaines  que  l'acuité  visuelle  s'améliora. 


25.    INTOXICATION   PAR    LA    NITRO-GLYCÉRINE. 

Cette  intoxication  n'a  été  constatée  jusqu'ici  qu'en  Allemagne.  Les 
symptômes  généraux  consistent  en  paralysies  des  muscles  des  extré- 
mités, qui  s'étendent  ensuite  à  ceux  du  tronc;  le  malade  devient  comme 
une  masse  inerte. 

La  paralysie  frappe  très  tard  les  muscles  de  l'œil,  et  il  se  peut  même 
que  la  mort  arrive  avant  que  ces  muscles  ne  soient  atteints  (Nieden). 

26.    INTOXICATION   PAR    LA    CRÉOLINE. 

Sur  2  000  cas  dans  lesquels  la  créoline  a  été  employée  en  gynécologie, 
Bitter  a  observé  3  cas  d'intoxication,  qui  présentaient  les  symptômes 
suivants  :  défaillance,  grande  anxiété  subite,  inquiétude,  nausées;  les 
malades  se  plaignaient  de  voir  du  noir  ;  ils  éprouvaient  des  sensations 
subjectives  du  côté  du  goût  :  ils  avaient  la  sensation  d'une  saveur  qu'ils 
comparaient  a  celle  de  la  fumée. 

27.    INTOXICATION    PAR    LA    QUININE. 

Il  semble  que  les  quantités  de  quinine  nécessaires  pour  produire  l'amau- 
rose  quinique  soient  très  différentes.  Dans  un  cas  de  Peschel,  6  gram- 
mes pris  en  plusieurs  doses  pendant  six  jours  suffirent  à  la  déterminer. 
Dans  une  observation  de  Garofolo,  il  s'agissait  de  15  grammes  pris  en 
une  seule  fois  par  suite  d'une  confusion  (le  malade  croyait  avoir  affaire 
à  du  sulfate  de  magnésie).  Dans  un  cas  rapporté  par  Roosa,  l'amaurose 
quinique  s'était  développée  à  la  suite  d'une  prise  de  30  grammes  en 


INTOXICATION   PAR  LA  QUININE.  409 

quatre  doses  absorbées  en  lavements.  Le  malade  perdit  connaissance  et 
se  réveilla  en  état  d'amaurose. 

Dans  la  plupart  des  cas,  l'amaurose  apparaît  subitement;  elle  a  été 
quelquefois  précédée  d'amblyopie.  Tel  est  le  cas  de  Garofolo,  où  l'am- 
blyopie  se  manifesta  deux  heures  après  l'ingestion  de  la  quinine  et 
l'amaurose  ne  s'établit  que  le  lendemain.  Généralement  l'amaurose 
apparaît  quelques  jours  après  l'administration  du  médicament.  Dans 
l'observation  de  Mellinger,  par  exemple,  où  la  dose  de  quinine  avait  été 
de  15  grammes,  l'amaurose  arriva  le  quatrième  jour. 

En  général,  dans  aucun  empoisonnement  l'amaurose  n'apparaît  aussi 
brusquement  et  n'est  aussi  complète  que  dans  celui  que  produit  la 
quinine.  L'amaurose  est  accompagnée  de  mydriase  et  d'immobilité  des 
pupilles  à  la  lumière. 

En  examinant  à  l'ophthalmoscope  les  cas  d'amaurose  quinique,  on 
trouve  une  ischémie  très  prononcée  des  vaisseaux  rétiniens;  elle  est 
appréciable  même  une  semaine  et  davantage  après  l'apparition  de  l'a- 
maurose. 

La  papille  optique  est  pâle  et  cette  décoloration  du  nerf  optique  peut 
se  conserver  pendant  des  mois.  Au  centre  de  la  rétine  on  trouve  une 
tache  rouge  cerise,  semblable  à  celle  que  l'on  voit  sur  la  macula  dans 
l'embolie  de  l'artère  centrale  de  la  rétine. 

L'amaurose  est  certainement  produite  parle  resserrement  des  vais- 
seaux dû  à  l'action  de  la  toxique  de  la  quinine. 

Le  développement  brusque  de  l'amaurose  quinique  est  en  parfait  ac- 
cord avec  l'opinion  que  j'avais  émise  en  1886,  lorsque  je  disais  que  la 
rétine  supporte  sans  inconvénient  une  diminution  dans  la  quantité  de 
sang  jusqu'à  un  certain  degré;  si  cette  diminution  se  prononce  encore, 
la  rétine  perd  subitement  sa  fonction. 

L'amaurose  quinique  est  accompagnée  d'une  surdité  qui  dure  généra- 
lement plus  longtemps  que  l'amaurose  elle-même. 

Dans  des  cas  graves,  on  a  observé  du  délire,  qui  se  produit  quelque- 
fois après  l'apparition  de  l'amaurose. 

La  durée  de  l'amaurose  varie  entre  quelques  heures  (observation  de 
Peschel)  et,  plus  fréquemment  plusieurs  jours  (3  ou  4);  elle  peut  se 
prolonger  même  jusqu'à  six  semaines.  Une  durée  de  sept  mois,  citée 
dans  un  cas  de  Browne,  est  donc  un  fait  tout  à  fait  exceptionnel.  Nous 
empruntons  cet  exemple  au  recueil  de  Browne,  qui  renferme  18  cas 
d'amaurose  quinique. 

Après  la  disparition  de  l'amaurose,  le  rétablissement  de  l'acuité  vi- 
suelle centrale  arrive  généralement  assez  rapidement.  On  observe  encore, 
dans  les  premiers  temps,  une  achromatopsie  du  centre  de  la  rétine  et  un 
rétrécissement  périphérique  du  champ  visuel.  On  trouve  quatre  cas,  où 
l'on  n'a  pas  constaté  ce  rétrécissement  du  champ  visuel;  mais  nous 
pensons  qu'il  a  échappé  à  l'observation  à  cause  de  sa  disparition  rapide. 


410  PARTIE  SPÉCIALE. 

Dans  un  cas  seulement,  l'amaurose  se  termina  par  l'apparition  d'un 
scotome  central  persistant  et  dans  le  cas  de  Noyés  par  l'atrophie  du 
nerf  optique. 

Le  sens  de  la  lumière,  qui  a  été  examiné  dans  le  cas  de  Garofolo,  a  été 
trouvé  affaibli  dans  tout  le  champ  visuel,  sauf  dans  la  partie  qui  appar- 
tient au  fovea  centralis. 

Observation  personnelle.  —  Mrac  Marie  F...,  âgée  de  vingt-deux  ans,  polisseuse, 
se  présenta  le  30  septembre  1891  à  ma  clinique.  Cette  femme  avait  été  atteinte  deux 
ans  auparavant  de  lièvre  intermittente.  Quelque  temps  avant  de  venir  me  voir  elle 
avait  eu  des  accès  de  lièvre,  et  elle  pensa  se  guérir  très  rapidement  en  prenant  eu 
une  seule  fois  une  forte  dose  de  sulfate  de  quinine.  Le  19  septembre,  elle  en  prit 
en  etfei  10  grammes  :  une  heure  après  elle  fut  atteinte  de  vomissements  à  la  suite 
desquels  elle  devint  aveugle  et  sourde.  La  surdité  ne  dura  que  deux  jours,  mais  — 
l'ait  d'ailleurs  exceptionnel,  —  la  vue  ne  s'était  pas  encore  rétablie.  La  malade 
vint  à  ma  clinique.  En  examinant  le  fonctiounement  de  ses  yeux,  je  constatai 
l'aniaurose  et  l'immobilité  des  pupille?,  qui  étaient  fortement  dilatées.  Les  vais- 
seaux rétiniens  étaient  filiformes,  et  une  tache  rouge  existait  au  centre  de  la  rétine. 
Nous  avons  recommandé  à  la  malade  de  rester  toujours  couchée  et  lui  avons  pres- 
crit les  antidotes  de  la  quinine,  le  laudanum  (Guider),  l'alcool  à  fortes  doses;  nous 
lui  finie-:  des  injections  hypodermiques  de  strychnine.  Le  2  octobre,  la  malade  a  pu 
reconnaître  les  objets  de  sa  chambre;  le  4  octobre,  elle  essaya  d'écrire,  bien  que 
je  lui  eusse  formellement  interdit  de  faire  des  tentatives  de  ce  genre.  Ce  travail  la 
fatigua  beaucoup  et  le  leudemaiu  elle  constata  une.  nouvelle  diminution  de  la  vue. 
Malgré  la  continuation  du  traitement,  la  vision  ne  s'exerçait  plus  que  dans  une 
partie  extrêmement  restreinte  du  champ  visuel.  Il  existait  des  symptômes  très  pro- 
noncés d'héméralopie.  Peu  à  peu  l'acuité  visuelle  centrale  s'améliora  de  nouveau, 
mais  le  champ  visuel  conserva  une  étroitesse  extrême.  Les  pupilles  ne  réagissaient 
que  très  lentement,  et  le  myosis  produit  par  un  éclairage  très  fort  persistait  après 
le  retrait  de  la  lumière. 

Le  28  octobre,  la  malade  lisait  les  lettres  les  plus  fines,  mais  elle  ne  reconnais- 
sait pas  les  personnes  qui  l'entouraient.  Le  champ  visuel  s'agrandit  un  peu  ;  le 
2  novembre  la  malade  put  voir  le  buste  <\c^  personnes  ;  mais  le  rétrécissement  du 
champ  visuel  persista.  Les  vaisseaux  rétiniens,  principalement  les  artères,  conti- 
nuaient à  être  considérablement  rétrécis  ;   la  réaction   pupillaire  était   normale. 

28.  INTOXICATION    PAR    LA    CIGUË. 

On  observe,  dans  cette  intoxication,  une  certaine  pesanteur  de  tète, 
de  la  difficulté  pour  ouvrir  les  yeux,  la  chute  des  paupières  (Martin, 
Damonnette  et  Pelvet).  La  pupille  est  d'abord  contractée,  puis  elle  se 
dilate. 

29.  INTOXICATION    PAR    L'ACONIT. 

Dans  l'intoxication  aiguë  par  l'aconit  on  constate  d'abord  des  symp- 
tômes d'irritation  du  côté  du  nerf  optique  :  étincelles,  cercles  lumineux  ; 
à  une  époque  plus  avancée  de  l'intoxication,  se  développe  une  obnubila- 
tion  passagère  de  la  vue.  Du  côté  de  la  pupille,  on  trouve,  au  début, 
alternativement  du  myosis  et  de  la  mydriase  ;  puis  une  certaine  tendance 
à  la  myose;  à  la  période  d'état,  il  existe  de  la  mydriase,  qui  peut  être 
portée  à  son  degré  extrême. 


INTOXICATION   PAR  LE  SULFONAL.  41  i 

30.    INTOXICATION    PAR   LE   GELSEMIUM   SEMPERVIRENS. 

Dans  l'intoxication  aiguë  par  cette  substance,  il  se  produit  une  cer- 
taine lourdeur  de  tète,  de  la  diplopie  et  une  obnubilation  de  la  vue. 

31.     INTOXICATION   PAR   LA    STRYCHNINE. 

Au  moment  des  crises  spasmodiques  de  l'intoxication  aiguë  par  la 
strychnine,  il  se  produit  une  propulsion  des  yeux  ;  les  pupilles  sont 
dilatées  au  maximum  ;  les  vaisseaux  rétiniens  seraient,  dit-on,  également 
dilatés.  Mais  des  recherches  que  l'on  a  faites  sur  des  animaux  ont  dé- 
montré que  la  strychnine  resserre  les  petits  vaisseaux,  et  cette  contrac- 
tion vasculaire  serait  accompagnée  d'une  augmentation  de  la  quantité 
de  sang  dans  les  capillaires. 

32.    INTOXICATION    PAR    LA  COCA. 

On  sait  qu'en  administrant  par  la  voie  interne  des  doses  même  très 
faibles  de  cocaïne,  on  obtient  l'anesthésie  des  muqueuses  ;  on  peut  le 
constater  sur  la  conjonctive  et  sur  la  cornée.  11  y' a  généralement  une 
mydriase  légère. 

D'après  Lépine,  dans  X intoxication  aiguë  par  la  cocaïne,  on  trouve 
tantôt  de  la  mydriase,  tantôt  de  la  myose,  tantôt  le  diamètre  normal 
des  pupilles.  On  a  constaté  de  l'obnubilationde  la  vue  et  de  l'amaurose 
passagères. 

Dans  Y  intoxication  chronique,  il  se  produit,  d'après  Lœbisch,  une 
coloration  foncée  de  la  peau  des  paupières,  qui  apparaît  surtout  en 
forme  de  cercles  violets  autour  des  yeux. 

On  n'a  jamais  observé  l'anesthésie  locale  de  la  conjonctive  et  de  la 
cornée  comme  signe  d'une  intoxication  générale,  clans  l'administration 
des  autres  médicaments  dont  l'application  locale  produit  l'anesthésie  de 
la  conjonctive  et  de  la  cornée,  tels  que  :  l'ouabaïne  (Gley),  l'érythro- 
phléine  (Lewin),  la  digitaline  (Landor  Brunton),  l'helléboréine  (Ventu- 
rini  et  Gasparini),  l'extrait  de  strophantus  hispidus. 

33.    INTOXICATION   PAR   LE   SULFONAL. 

Dans  le  seul  cas  observé  d'intoxication  par  le  sulfonal,  qui  s'est, 
d'ailleurs,  terminé  par  la  mort,  Knaggs  a  constaté  l'anesthésie  com- 
plète de  la  conjonctive.  On  n'a  pas  pu  évaluer  exactement  la  quantité 
de  sulfonal  qui  avait  été  ingérée,  mais  elle  dépassait  30  grammes. 

34.   INTOXICATION  PAR  L'ERGOT  DE  SEIGLE  ET  L'ERGOTINE. 

Dans  Y  intoxication  aiguë  (ivresse   ergotique),   indépendamment  des 


412  PARTIE  SPÉCIALE. 

bourdonnements  d'oreilles,  des  douleurs  de  tête,  d'une  courbature 
intense,  de  fourmillements  dans  les  membres  et  des  démangeaisons, 
on  constate  aussi  de  l'amblyopie. 

Nous  savons  que  l'on  distingue  deux  sortes  d'intoxications  ch?'o niques  ; 
la  forme  convulsive  et  l'ergotisme  gangreneux. 

.  La  première  forme  se  révèle  par  une  surdité  et  une  cécité  subites  et 
passagères.  Mais  le  signe  le  plus  important  est  la  cataracte,  consécu- 
tive à  l'intoxication  chronique.  Cette  cataracte  se  développe  quelque- 
fois très  tard,  après  les  symptômes  généraux  de  l'intoxication. 

Tepljaschin,  par  exemple,  a  observé  27  cas  de  cette  cataracte.  Elle  a 
été  très  fréquente  en  Russie  pendant  l'hiver  de  1879-1880  et  dans  les 
années  de  1882  à  1888.  Le  plus  jeune  des  malades  atteints  était  âgé  de 
trente  ans.  Talko  et  Logetschnikof  prétendent  que  la  production  de  la 
cataracte  ergotique  serait  due  aux  crampes  musculaires  et  non  à  l'ac- 
tion toxique  de  l'ergotine.  Toutefois,  la  pathogénie  de  cette  forme  de 
cataracte  est  encore  à  étudier. 

35.    INTOXICATION  PAR   LE  MERCURE. 

On  a  prétendu  que  l'intoxication  chronique  peut  causer  des  halluci- 
nations effrayantes  de  la  vue  et  une  amaurose  passagère  ;  mais  Leber 
a  nié  avec  raison  cette  amaurose  hydrargyrique.  La  névrite  optique  et 
l'atrophie  du  nerf  optique,  observées  par  Square  et  Galezowski,  ne  sont 
certainement  pas  causées  par  l'intoxication  mercurielle. 

36.  INTOXICATION  PAR  LE  PHOSPHORE. 

Dans  l'intoxication  chronique,  on  observe  des  hémorrhagies  et  de 
nombreuses  taches  blanches  dans  la  rétine.  Les  taches  sont  formées 
par  un  grand  nombre  de  cellules  granuleuses  et  des  cristaux  de  tyro- 
sine,  provenant  de  la  dégénérescence  graisseuse  de  la  couche  à  grains 
externes  de  la  rétine.  Il  semble  que  les  parois  vasculaires  de  la  rétine 
soient  atteintes  de  la  même  dégénérescence  graisseuse  que  l'on  constate 
dans  les  divers  organes,  à  la  suite  de  l'intoxication  chronique  par  le 
phosphore. 

37.  INTOXICATION  PAR  LE  BROMOFORME. 

Dans  un  cas  d'intoxication  aiguë,  on  a  constaté  que  les  pupilles 
étaient  dilatées  à  un  degré  extrême  et  qu'elles  étaient  immobiles  à  la 
lumière  (Sachs). 

38.    INTOXICATION  PAR  l'aRSEMC. 

On  observe,  dans  les  intoxications  aiguës  et  chroniques,  de  la  rou- 


INTOXICATION   PAR   LE  JADORANDI   ET  LA   PILOCARPINE.  413 

geurde  la  conjonctive  et  du  larmoiement.  Liebbrecht  décrit  un  cas  de 
scotome  central,  qu'il  explique  par  l'action  toxique  de  l'arsenic;  mais 
nous  devons  objecter  qu'en  Styrie,  où  l'un  prend  de  l'arsenic  en  quan- 
tités énormes,  on  ne  connaît  pas  les  troubles  visuels  consécutifs. 

30.    INTOXICATION   PAR  LE  JABORANDl  ET  LA  PILOCARPINE. 

Par  suite  de  l'usage  fréquent  de  ce  médicament,  dans  la  pratique  gé- 
nérale, on  connaît  bien  les  troubles  oculaires  qu'il  détermine. 

Vingt  à  quarante  minutes  après  une  injection  hypodermique  de  pilo- 
carpine,  il  se  produit  une  hypersécrétion  lacr}rmale.  Les  pupilles  sont 
contractées  au  point  de  n'être  pas  plus  larges  qu'une  tête  d'épingle,  et 
ne  réagissent  pas  à  la  lumière. 

Il  n'est  pas  possible  d'expliquer  ce  myosis  par  le  fait  d'un  simple 
spasme  du  sphincter  de  la  pupille  ;  il  est  probable  que  ce  spasme  est 
accompagné  d'une  dilatation  des  vaisseaux  iriens. 

Les  troubles  visuels  qui  se  manifestent  par  l'action  de  la  pilocarpine 
sont  causés  en  partie  par  l'hypersécrétion  des  larmes,  et  en  partie  par 
le  spasme  du  muscle  de  l'accommodation,  qui  exagère  la  courbure  du 
cristallin  et  produit  ainsi  la  myopie.  C'est  par  la  première  cause  que 
l'on  peut  expliquer  les  mouches  volantes  et  les  brouillards  irisés  ;  ces 
phénomènes  sont,  d'ailleurs,  sans  importance  et  disparaissent  dès  que 
l'œil  du  malade  est  essuyé.  Cependant,  il  y  a  des  cas  exceptionnels  où 
la  cécité  est  presque  absolue  pendant  une  heure  ou  une  heure  et  demie  ; 
d'autres  fois,  les  malades  se  plaignent  de  voir  tout  à  travers  un  épais 
nuage.  On  explique  ces  phénomènes  en  admettant  un  trouble  de  la 
circulation  intra-oculaire.  Mais  nous  pensons  qu'il  serait  plus  vraisem- 
blable de  croire  que  la  pilocarpine,  à  dose  toxique,  peut  paralyser  les 
parties  périphériques  du  nerf  optique. 

C'est  à  cette  période  de  l'intoxication,  où  l'amblyopie  toxique  se 
manifeste,  que  l'on  constate  la  mydriase  ou  la  disparition  des  myosis. 
Nous  en  donnerons  comme  exemple  une  observation  de  Fuhrmann, 
où  l'injection  hypodermique  d'une  dose  de  2  centigrammes  seulement 
de  pilocarpine  avait  déterminé  les  symptômes  suivants  :  rougeur  de  la 
face  et  du  cou,  puis  de  tout  le  corps,  sueurs  profuses;  après  quelques 
minutes,  apparition  de  la  sécrétion  sudorale  ;  puis,  subitement,  symp- 
tômes d'angine  de  poitrine,  et  signes  d'oedème  pulmonaire.  Le  malade 
ne  pouvait  pas  reconnaître  la  figure  d'une  personne  à  une  distance 
de  20  centimètres,  bien  que  son  œil  gauche  eût  auparavant  une  acuité 
visuelle  normale.  11  y  avait  du  collapsus  et  le  pouls  était  petit  et  fré- 
quent. L'amblyopie  persista  pendant  deux  heures  et  demie,  ainsi  que 
la  diaphorèse. 


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414  PARTIE  SPÉCIALE. 


40.  INTOXICATION   PAR  LE  PLOMB. 

Dans  l'intoxication  chronique  par  le  plomb,  les  troubles  de  l'organe 
de  la  vue  ne  sont  pas  très  fréquents  et  ils  sont  ordinairement  tardifs. 
Les  symptômes  généraux  de  l'intoxication,  tels  que  colique,  arthralgie, 
épilepsie,  paralysies  musculaires,  peuvent  exister  depuis  longtemps, 
sans  qu'il  y  ait  encore  de  troubles  oculaires.  D'autres  fois,  mais  excep- 
tionnellement, les  troubles  oculaires  peuvent  se  produire  au  début, 
même  avant  l'apparition  du  liseré  saturnin  des  dents  (Samelsobn).  Dans 
ce  cas,  ces  troubles  oculaires  disparaissent  rapidement. 

Au  point  de  vue  de  la  profession,  les  malades,  chez  lesquels  on 
observe  les  troubles  oculaires  par  intoxication  saturnine,  sont  surtout 
les  peintres  qui  emploient  des  couleurs  à  base  de  plomb,  les  ouvriers 
qui  se  servent  de  céruse,  ceux  qui  travaillent  dans  les  usines  de  plomb. 
Le  délai  qui  s'écoule  entre  le  moment  où  le  plomb  commence  à  exercer 
son  influence  nuisible  (entrée  dans  l'usine)  et  l'apparition  des  premiers 
symptômes  d'intoxication,  en  y  comprenant  les  troubles  oculaires,  est 
très  variable.  Dans  le  cas  de  Samelsohn,  que  nous  avons  mentionné 
tout  à  l'heure,  ce  temps  avait  été  de  quatorze  jours  et,  pour  la  rechute 
de  quatre  semaines.  D'autres  fois  cet  intervalle  a  été  très  long. 

Dans  un  cas  observé  par  Gunsburg,  par  exemple,  un  ouvrier  éprouva 
des  troubles  oculaires  vingt-sept  ans  après  son  entrée  dans  une  usine 
de  plomb;  il  n'avait  été  atteint,  pour  la  première  fois,  de  colique  satur- 
nine que  cinq  ans  auparavant.  Dans  les  établissements  très  bien  amé- 
nagés au  point  de  vue  hygiénique,  comme  l'usine  de  plomb  d'Ivry,  près 
Paris,  par  exemple,  les  ouvriers  n'éprouvent  aucun  symptôme  de  l'in- 
toxication par  le  plomb. 

Certaines  préparations,  comme  la  céruse,  prédisposent  spécialement 
à  l'intoxication  saturnine;  d'autres,  comme  les  préparations  d'oxyde  de 
plomb,  ne  la  produisent  jamais.  Nous  savons  aussi  que  le  sucre  de  Sa- 
turne, d'un  usage  si  fréquent  dans  la  fabrication  des  vins  artificiels, 
n'expose  jamais  à  l'intoxication  saturnine. 

Les  préparations  de  plomb  pénètrent  dans  l'organisme  par  l'inhalation 
des  poussières  ;  mais,  le  plus  souvent,  l'intoxication  se  produit  par  les 
mains  des  ouvriers,  surtout  s'ils  se  nettoient  mal. 

Gomme  symptômes  pupillaires,  dans  l'intoxication  saturnine,  on 
constate  la  dilatation  des  pupilles  pendant  la  durée  des  coliques  sa- 
turnines. 

Dans  la  plupart  des  cas  les  troubles  oculaires  ont  été  précédés  d'au- 
tres symptômes  de  l'intoxication;  le  liseré  noir  des  dents,  la  pâleur 
cachectique  de  la  face,  les  coliques,  les  céphalalgies,  les  arthralgies, 
les  accès  épilepliformes. 

Les  formes  cliniques  dans  lesquelles  on  trouve  des  troubles  oculaires 


INTOXICATION    PAR   LE   PLOMB.  415 

par  intoxication  saturnine  sont  très  diverses.  Ainsi,  on  a  constaté,  dans 
un  certain  nombre  de  cas,  l'apparition  d'un  scotome  central,  analogue  à 
celui  qui  se  produit  dans  l'amblyopie  alcoolique.  Ce  scotome  peut  être 
bilatéral  ou  unilatéral.  A  l'examen  opbthalmoscopique  des  cas  de  ce 
genre,  tantôt  le  fond  de  l'œil  était  normal,  tantôt  la  papille  optique 
était  légèrement  rouge.  D'autres  fois,  on  a  constaté  la  diminution 
brusque  ou  lente  de  l'acuité  visuelle,  accompagnée  ou  non  d'un  rétré- 
cissement du  champ  visuel.  Parisotti  et  Melotti  ont  observé  un  cas,  qui 
leur  a  permis  de  démontrer  d'une  manière  certaine  que  l'atropine  du 
nerf  optique,  d'où  proviennent  les  troubles  oculaires,  était  due  à  une 
endartérite  oblitérante  saturnine,  qu'ils  ont  constaté  à  rophthalmds- 
cope. 

Mais,  dans  la  plupart  des  cas,  l'examen  opbthalmoscopique  révèle, 
comme  cause  des  troubles  oculaires,  une  névrite  optique  ou  une  névro- 
rétinite,  qui  n'a,  d'ailleurs,  rien  de  caractéristique.  Les  limites  de  la 
papille  sont  effacées,  la  papille  elle-même  est  d'une  coloration  rou- 
geàtre,  les  artères  sont  rétrécies,  il  y  a  quelques  hémorrbagies  autour 
des  vaisseaux  et,  dans  quelques  cas,  on  a  trouvé  des  plaques  d'exsudats 
(Schroeder). 

Dans  la  marche  ultérieure  de  cette  affection,  la  papille  optique  de- 
vient plus  pâle,  ses  limites  s'éclaircissent  et  se  distinguent  mieux  et  le 
nerf  optique  s'atrophie  peu  à  peu.  Dans  des  cas  de  ce  genre,  on  peut 
voir  apparaître  une  cécité  complète,  qui  se  développe  rapidement  ou 
progressivement. 

Dans  une  observation  très  remarquable,  publiée  par  Stricker,  d'une 
malade  atteinte  d'accès  épileptiformes,  accompagnés  de  névrite  opti- 
que, il  se  produisit  des  obnubilations  de  la  vue  en  forme  d'accès,  pen- 
dant lesquels  la  malade  ne  pouvait  pas  reconnaître  sa  main.  Dans  l'in- 
tervalle des  accès,  l'acuité  visuelle  était  normale.  La  malade  guérit 
complètement,  au  bout  de  quelques  mois.  Les  obnubilations  de  la  vue 
avaient  duré  neuf  semaines;  puis  elles  devinrent  plus  rares,  ainsi  que 
les  accès  épileptiformes,  et  la  papille  optique  reprit  son  aspect 
normal. 

Dans  un  autre  groupe  de  cas,  les  troubles  oculaires  par  intoxication 
saturnine  sont  dus  à  la  présence  d'une  rétinite  albuminurique  ou  d'une 
amaurose  urémique,  consécutives  au  développement  d'une  affection 
saturnine  des  reins.  Desprès,  Steffan,  Hirschberg,  Weinberg,  Leber, 
Formigneau  ont  publié  des  cas  très  intéressants  de  rétinite  albuminuri- 
que par  intoxication  saturnine,  dans  lesquels  ils  ont  constaté  en  même 
temps  une  affection  rénale. 

Gunsburg  a  publié  aussi  un  cas  également  très  intéressant  d'amau- 
rose  urémique  par  intoxication  saturnine.  Le  fond  de  l'œil  était  normal. 
L'amaurose  se  produisit  pendant  quelques  heures  avec  des  symptômes 
généraux  très  graves.  Les  pupilles  ne  réagissaient  pas  à  la  lumière. 


416  PARTIE  SPÉCIALE. 

L'examen  des  urines  révéla  la  présence  de  cylindres  hyalins.  Dès  le 
lendemain,  l'acuité  visuelle  devenait  normale  et  l'état  général  s'amélio- 
rait. 

Michel  dit,  cependant,  que  l'on  a  quelquefois  observé,  à  la  fin  des 
accès  de  colique  saturnine,  la  diminution  bilatérale  de  l'acuité  visuelle 
jusqu'au  point  d'être  réduite  à  la  simple  perception  delà  lumière;  tan- 
dis que  le  fond  de  l'œil  ne  révélait  aucune  altération.  Il  semble  donc 
qu'il  ne  s'agisse  que  de  troubles  oculaires  d'origine  réflexe  (amblyopie 
réflexe). 

Il  y  a  des  cas  où  l'on  a  constaté  une  paralysie  musculaire  localisée 
au  droit  externe.  Une  observation  de  Th.  de  Schroeder  (de  Pétersbourg) 
nous  montre  une  paralysie  bilatérale  du  droit  externe,  accompagnée 
d'altérations  du  fond  de  l'œil  (forme  mixte,  compliquée  de  papillite  et  de 
névro-rétinite). 

Leber  explique  cette  prédisposition  des  droits  externes  à  être  atteints 
dans  l'intoxication  saturnine,  en  disant  que  les  deux  nerfs  oculo-mo- 
teurs  externes  peuvent  être  comprimés  par  la  carotide  interne,  par  suite 
de  l'augmentation  de  la  tension  intra-vasculaire  qui  se  produit  dans 
cette  intoxication.  Mais  les  nouvelles  recberches  anatomo-patbologiques, 
que  l'on  a  faites  sur  la  pathogénie  des  paralysies  toxiques,  tendraient 
à  prouver  que  cette  paralysie  des  oculo-moteurs  externes,  dans  l'intoxi- 
cation saturnine,  serait  due  à  une  névrite  périphérique.  Les  muscles 
droits  externes  de  l'œil  sont  prédisposés  à  cette  névrite  périphérique  de 
la  même  manière  que  les  extenseurs  de  l'avant-bras. 

On  a  émis  diverses  théories  pour  expliquer  la  pathogénie  de  l'intoxi- 
cation saturnine.  Henle  croyait  que  les  paralysies  saturnines  provenaient 
d'un  resserrement  des  vaisseaux,  produit  par  une  violente  contraction 
des  fibres  lisses  des  parois  vasculaires.  Hershel  supposait  qu'il  existait 
une  affection  primitive  de  la  substance  nerveuse. Kussmaul  et  Meyer  ont  été 
les  premiers  à  montrer  que  les  symptômes  cérébraux,  spécialement, 
étaient  déterminés  par  une  périartéritedes  vaisseauxcérébraux,  qui  pro- 
duirait une  dimension  dans  le  calibre  de  ces  vaisseaux.  Oellera  le  mérite 
d'avoir  trouvé  qu'il  se  produit,  simultanément  mais  indépendamment, 
dans  les  divers  organes,  une  dégénérescence  byaline  des  vaisseaux,  qui 
serait  la  cause  des  altérations  de  la  rétine,  du  nerf  optique  et  des 
reins. 

Le  traitement  des  troubles  oculaires  produits  par  l'intoxication  satur- 
nine consiste  dans  l'administration  interne  de  l'iodure  de  potassium. 
Dans  des  cas  de  névrite  optique,  causée,  d'après  Ilirschberg,  par  une 
hydropisie  de  l'espace  intervaginal  du  nerf  optique  (hydrops  vaginaj 
nervi  optici),  les  injections  hypodermiques  de  pilocarpine  amèneraient 
d'excellents  résultats. 

Le  pronostic  est  d'autant  plus  favorable  que  l'on  a  institué  de  meil- 
leure heure  le  traitement  des  troubles  oculaires  par  intoxication  satur- 


INTOXICATION   PAR   LA   SANTONINE.  417 

nine.  Toutefois,  dans  quelques  cas,  il  se  produit  fatalement  une  atrophie 
optique,  comme  nous  l'avons  déjà  dit  plus  haut. 

41.    INTOXICATION  PAR  LA   PELLETIÉRINE  ET  D'AUTRES  TENIFUGES. 

D'après  les  recherches  de  Dujardin-Beaumetz  les  injections  hypo- 
dermiques des  sulfates  de  pelleliérine  et  d'isopelletiérine  produisent 
des  vertiges  et  des  lourdeurs  de  tête,  causés  par  des  troubles  vaso-mo- 
teurs, qui  déterminent  la  dilatation  des  vaisseaux  cérébraux.  Cette 
opinion  est  conûrmée  par  l'examen  ophthalmoscopique.  On  constate, 
en  effet,  que  les  vaisseaux  rétiniens  sont  très  dilatés,  les  pupilles  con- 
tractées et  les  yeux  injectés.  Dujardin-Beaumetz  recommande  de  faire 
usage  de  ce  médicament  lorsqu'il  y  a  lieu  d'augmenter  la  quantité  de 
sang  dans  les  vaisseaux  rétiniens. 

Jacobsona  constaté,  dans  un  cas,  après  une  cure  de  vers  intestinaux, 
une  parésie  du  muscle  de  l'accommodation  et  une  augmentation  de 
l'hypermétropie.  Il  est  très  difficile  de  se  prononcer  pour  dire  si  l'affai- 
blissement du  muscle  de  l'accommodation  est  dû  aune  action  toxique  de 
la  pelletiérine,  ou  à  l'état  adynamique  que  l'administration  de  ce  médi- 
cament produit  sur  l'organisme.  On  n'explique  pas  davantage  l'atrophie 
du  nerf  optique  à  la  suite  de  cette  même  médication  constatée  dans  un 
cas  publié  par  Schiess-Gemuseus. 

42.    INTOXICATION   PAR  LA  SANTONINE. 

Le  symptôme  caractéristique  de  cette  intoxication  consiste  en  ce  que 
tout  ce  que  voient  les  malades  est  coloré  en  jaune  (xanthopsie).  Ce 
phénomène  s'observe  même  pour  des  prises  très  minimes  de  santonine. 
Le  spectre  des  couleurs  semble  rétréci  dans  sa  bande  violette,  tandis 
que  le  jaune  complémentaire  est  élargi.  On  a  voulu  expliquer  ce  phéno- 
mène par  la  paralysie  des  éléments  rétiniens  qui  perçoivent  le  jaune 
(Roser,  Foerster).  D'autres  auteurs  (Mari)  invoquent  une  action  toxique 
de  la  santonine  sur  le  système  nerveux  central.  Quoi  qu'il  en  soit,  la 
xanthopsie  ne  peut  pas  être  expliquée  par  la  coloration  jaune  des  mi- 
lieux réfringents  de  l'œil. 

Des  doses  plus  élevées  de  santonine  (ivresse  santonique)  ont  pour 
résultat  de  supprimer  la  perception  de  la  plupart  des  couleurs  ;  tout 
apparaît  en  violet,  et  les  objets  foncés  ou  ombrés  prennent  une  colora- 
tion intermédiaire  entre  le  bleu  et  le  violet.  Lorsque  les  symptômes 
généraux  de  l'intoxication  disparaissent,  cette  perception  des  objets  en 
violet  se  transforme  en  xanthopsie. 

Ces  troubles  dans  la  perception  des  couleurs,  produits  par  l'action 
de  la  santonine,  ne  persistent  que  quelques  heures;  ils  disparaissent 
avant  qu'il  n'y  ait  plus    de  traces  de  santonine  dans  les  urines.  Dans 

27 


418  PARTIE  SPÉCULE. 

des  cas  graves  d'intoxication,  on  a  constaté  de  l'amblyopie  et  une  dila- 
tation extrême  des  pupilles,  qui  étaient  immobiles  à  la  lumière. 

-43.    INTOXICATION  PAR  L'ACIDE    PICRIQUE. 

Hilbert  a  observé  sur  lui-même  des  troubles  de  la  vue,  consécutifs  à 
l'administration  interne  d'acide  picrique.  Il  s'est  produit  une  xantbopsie, 
qui  a  duré  deux  heures  après  la  prise  d'une  dose  de  30  centigrammes 
d'acide  picrique.  On  ne  sait  pas  si  la  xanthopsie  est  causée  par  la  colo- 
ration en  jaune  des  milieux  réfringents  des  yeux,  ou  si  elle  est  due  à 
une  action  du  médicament  sur  l'appareil  nerveux.  La  première  hypo- 
thèse est  peu  vraissemblable,  à  cause  de  la  petite  quantité  d'acide  pi- 
crique qui  a  été  prise. 

44.  INTOXICATION  PAR  LA  TOLUYLENDI AMINE. 

D'après  des  expériences  que  Stadelmann  a  faites  sur  des  animaux,  l'administra- 
tion interne  de  cette  substance  produit  une  coloration  jaune  très  intense  de  la 
sclérotique. 

On  n'a  pas  encore  observé  cette  intoxication  chez  l'homme. 

45.    INTOXICATION    PAR    L'ACIDE    CURYSOPHANIQUE. 

A.  Trousseau  a  décrit  un  cas  de  conjonctivite,  produite  par  l'action 
de  l'acide  chrysophanique.  Quelques  heures  après  une  friction  de  la 
peau,  faite  avec  une  pommade  à  l'acide  chrysophanique  (à  10  p.  100), 
il  se  produisit  une  conjonctivite  sans  sécrétion,  qui  disparut  en  quel- 
ques beures.  Cette  conjonctivite  diffère  de  celle  qu'on  observe  à  la 
suite  de  l'inoculation  d'acide  chrysophanique  dans  dans  le  cul-de-sac, 
en  ce  que  cette  dernière  a  une  durée  de  huit  jours. 

46.    INTOXICATION    PAR    LA    NAPHTALINE. 

En  faisant  manger  de  la  naphtaline  à  des  animaux,  on  peut  pro- 
duire une  cataracte  artificielle;  ce  fait  a  été  prouvé  par  Bouchard.  La 
cataracte  naphtalinique  serait  causée,  d'après  Panas,  par  des  altéra- 
tions de  la  rétine;  d'après  d'autres  auteurs,  par  des  altérations  du 
système  vasculaire  et  surtout  du  tractus  uvéal  (Kolinski)  ;  une  troi- 
sième théorie  enfin  admet  que  la  cataracte  naphtalinique  serait  due 
à  l'action  directe  de  la  naphtaline  sur  les  éléments  du  cristallin. 

D'après  Hess,  dix  à  douze  heures  après  l'ingestion  de  la  naphtaline, 
il  se  produit  déjà  des  opacités  dans  les  couches  corticales  postérieures 
du  cristallin.  Ces  opacités  cristalliniennes  précèdent  le  développement 
d'altérations  dans  la  rétine. 

D'après  Kolinski,  les  premières  altérations  anatomo-pathologiques 


INTOXICATION    PAR    LA   NAPHTALINE.  419 

qui  se  développent  dans  l'intoxication  par  la  naphtaline  seraient  des 
hémorrhagies  dans  la  choroïde  et  dans  le  corps  vitré.  Ce  n'est  qu'à  la 
suite  de  ces  hémorrhagies  que  l'on  voit  se  produire  le  décollement  de 
la  rétine,  des  altérations  inflammatoires  dans  cette  membrane  et  la 
cataracte.  Cet  auteur  pense  que  le  décollement  de  la  rétine  est  causé 
par  les  hémorrhagies  choroïdennes.  Dans  l'empoisonnement  naphta- 
linique  aigu,  le  développement  de  la  cataracte  et  particulièrement  le 
gonflement  du  cristallin  se  font  avec  une  rapidité  que  l'on  ne  rencontre 
pas  dans  le  développement  des  autres  cataractes  non  traumatiques. 
Quant  à  sa  forme,  la  cataracte  naphtalinique  (cataracte  molle)  res- 
semble beaucoup  à  la  cataracte  diabétique. 

On  observe,  au  début  de  cette  cataracte,  l'astigmatisme  irrégulier  du 
cristallin,  causé  par  une  accumulation  d'eau  dans  le  sac  capsulaire. 

D'après  la  théorie  de  la  cataracte  que  nous  avons  donnée,  et  en  nous 
appuyant  sur  les  recherches  que  nous  avons  faites  à  propos  de  l'irido- 
cyclite,  nous  pensons  que  les  altérations  physiques  et  histologiques 
de  la  cristalloïde  et  probablement  aussi  de  l'épithélium  capsulaire 
antérieur  seraient  causées  par  une  modification  pathologique  dans  la 
composition  chimique  de  l'humeur  aqueuse.  Les  recherches  que  l'on  a 
faites  sur  les  cataractes  diabétique  et  naphtalinique  sont  conformes  à 
notre  manière  de  voir.  L'altération  physique  de  la  cristalloïde  et 
probablement  aussi  de  l'épithélium  capsulaire  antérieur  produit,  dans 
le  sac  capsulaire,  une  augmentation  dans  la  quantité  d'eau  par  une 
diffusion  exagérée  et,  par  suite,  des  altérations  du  cristallin. 

En  présence  des  signes  de  l'intoxication  naphtalinique,  si  l'on  cesse 
d'administrer  cette  substance,  tous  les  symptômes  d'intoxication  dis- 
paraissent, à  l'exception  de  la  cataracte,  qui  se  développe,  si  elle  a 
déjà  commencé  à  se  produire.  Toutefois,  d'après  Magnus,  lorsque 
cette  cataracte  est  à  son  début,  elle  peut  disparaître. 

Mais  quand  l'intoxication  par  la  naphtaline  dure  depuis  longtemps 
et  devient  plus  grave,  les  altérations  du  corps  vitré  restent  plus  ou 
moins  stationnaires  après  la  cessation  de  l'empoisonnement.  Bien  que 
les  lésions  de  la  choroïde  et  de  la  rétine  soient  en  partie  compensées, 
un  retour  complet  à  l'état  normal  n'en  est  pas  moins  impossible. 

Les  cristaux  déposés  dans  les  diverses  parties  de  l'œil  sont  du  phos- 
phate de  chaux  et  se  forment  suivant  un  ordre  chronologique  déterminé 
dans  les  tissus  de  l'œil  privés  de  vaisseaux  (Kolinski). 

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TROUBLES  OCULAIRES   DANS   LES   MALADIES   PROFESSIONNELLES.       421 

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XXII.  —  TROUBLES  OCULAIRES  DANS  LES  MALADIES 
PROFESSIONNELLES. 

1.    MYOPIE    SCOLAIRE. 

En  traitant  des  troubles  oculaires,  qui  surviennent  par  suite  des 
influences  nuisibles  qu'exercent  les  diverses  professions,  nous  fran- 
chissons un  peu  le  cadre  de  notre  ouvrage.  Nous  nous  sommes  proposé, 
en  effet,  d'étudier  seulement  les  rapports  que  les  différentes  maladies 
peuvent  avoir  avec  l'organe  de  la  vue.  Mais  l'importance  des  questions 
dont  nous  allons  nous  occuper  nous  justifiera,  je  l'espère,  de  nous 
être  permis  d'élargir  ainsi  le  plan  de  notre  livre. 

D'ailleurs,  la  myopie,  par  exemple,  n'est  qu'un  des  symptômes  qui 
frappe  l'organisme  de  l'enfant  pendant  la  période  scolaire,  dans  les 
institutions  où  l'hygiène  n'est  pas  suffisamment  observée.  Cette  mau- 
vaise hygiène  entraine  très  fréquemment  d'autres  conséquences 
fâcheuses,  qui  peuvent  accompagner  la  myopie,  comme  la  scoliose,  etc. 

Le  mérite  d'avoir  observé  le  premier  l'influence  de  l'école  sur  les 
yeux  revient  à  Ware,  qui  examina,  en  1813,  les  yeux  des  étudiants 
d'Oxford.  On  a  fait,  depuis,  une  foule  de  recherebes,  qui  tendent  à 
prouver  l'influence  de  l'école  sur  la  vue  et  particulièrement  sur  le 
développement  de  la  myopie.  Parmi  ces  recherches  statistiques  trèr. 
fastidieuses,  nous  mentionnerons  surtout  celles  de  H.  Gohn  (de  Bres- 
lau)  et  d'Erismann  (de  Saint-Pétersbourg).  Les  conclusions  de  ce  dernier 
sont  particulièrement  démonstratives.  Il  a  examiné  4,358  enfants, 
appartenant  à  sept  écoles  russes  et  à  quatre  écoles  allemandes.  Il  a 
trouvé  30,2  p.  100  de  myopes  2ô  p.  100  d'emmétropes  et  43,5  p.  100 
d'hypermétropes.  Sous  le  rapport  du  sexe,  3,266  des  enfants  examinés 
étaient  des  garçons,  dont  31  p.  100  étaient  myopes,  26  p.  100  emmé- 
tropes, 42  p.  100  hypermétropes  et  0,4  p.  100  amblyopes. 

Parmi  les  1,052   filles  qui   ont   été  examinées  par  Erismann,   27,5        / 
p.  100  étaient  myopes;  27,2  p.  100  emmétropes  ;  ,2^y7  p.  100  hyper- 
métropes, et  0,6  p.  100  amblyopes.  La  myopie  était  donc  plus  fréquente 
chez  les  garçons  que  chez  les  filles. 

Dans  les  écoles  allemandes,  où  l'on  se  sert  de  livres  imprimés  en 
caractères  gothiques,  sur  1,824  élèves  examinés,  26,7  p.  100  étaient 
myopes,  26,2  emmétropes,  48,6  hypermétropes  et  0,5  amblyopes. 
Dans  les  écoles  russes,  où  l'on  emploie  des  caractères  encore  plus  difû- 


422  PARTIE  SPÉCIALE. 

ciles  à  distinguer  et  où  l'on  observait  moins  qu'aujourd'hui  les  pres- 
criptions de  l'hygiène  scolaire,  il  y  avait  34,2  pour  100  de  myopes, 
23,8  p.  100  d'emmétropes,  39,5  p.  100  d'hypermétropes  et  0,5  p.  100 
d'amblyopes. 

Les  recherches  de  H.  Cohn  sur  la  réfraction  des  yeux  ont  porté  sur 
dix  mille  étudiants  allemands.  Elles  sont  très  importantes,  car  elles 
constatent  Y  augmentation  du  nombre  de  myopes  et  du  degré  de  myopie 
pendant  le  séjour  de  l'enfant  à  l'école.  Dans  les  écoles  primaires,  Cohn  a 
trouvé  6,39  p.  100  de  myopes;  dans  les  écoles  moyennes,  10,30  p.  100  ; 
dans  les  écoles  normales,  15,3  p.  100,  et  dans  les  lycées  (Gymnasien) 
leur  proportion  était  de  26,2  p.  100.  Le  nombre  des  myopes  était  donc 
d'autant  plus  grand  que  l'école  était  plus  élevée  et  demandait  de  plus 
grands  efforts  de  travail. 

Les  nombreuses  recherches  statistiques  sur  la  myopie  scolaire  que 
l'on  a  faites  dans  d'autres  pays,  en  France,  par  exemple,  où  l'on  voit 
figurer  les  noms  de  Gayet,  Dor  Nicati,  Motais  et  d'autres,  ont  fourni 
des  résultats  analogues.  Randall  (de  Philadelphie)  a  recueilli,  en  1888, 
les  résultats  de  125  recherches  statistiques  sur  la  réfraction  de  l'oeil  de 
l'homme;  ces  statistiques  portent  sur  213,260  individus,  dont  17,9 
p.  100  étaient  myopes.  11  est  prouvé  à  l'heure  actuelle  que  l'oeil  des 
nouveau-nés  est  toujours  hypermétrope  et  que  la  myopie  se  déve- 
loppe entre  cinq  et  vingt-cinq  ans.  Le  degré  de  myopie  augmente  pen- 
dant la  période  scolaire  et  atteint  son  maximum  entre  treize  et  dix- 
huit  ans.  Dans  les  lycées,  en  effet,  on  a  trouvé  jusqu'à  80  p.  100  de 
myopes. 

Ces  observations  sur  la  myopie  scolaire  concordent  avec  la  remar- 
que que  l'on  a  faite  de  la  fréquence  de  la  myopie  chez  les  personnes 
très  instruites.  Toutefois,  la  myopie  s'observe  également  chez  les  culti- 
vateurs, par  suite  d'une  prédisposition  héréditaire.  Schmidt-Rimpler  a 
constaté  celte  prédisposition  seulement  chez  des  écoliers,  dans  la  pro- 
portion de  6  p.  100,  et  Hippel  dans  celle  de  5  p.  100;  mais  il  est  évi- 
dent que  ce  chiffre  est  très  difficile  à  évaluer  exactement.  Il  est  cepen- 
dant incontestable  qu'en  présence  d'une  prédisposition  héréditaire  le 
développement  de  la  myopie  se  fait  sentir  d'une  façon  beaucoup  plus 
manifeste  que  dans  les  cas  où  cette  prédisposition  fait  défaut. 

Les  chiffres  que  nous  avons  indiqués  sont  suffisants  pour  faire  com- 
prendre combien  il  est  important  de  rechercher  les  causes  du  déve- 
loppement de  la  myopie  dans  les  écoles. 

Rappelons  que,  dans  l'oeil  myope,  les  rayons  parallèles,  venant  d'un 
point  éloigné,  ne  se  réunissent  pas  en  un  seul  point  sur  la  rétine  et 
qu'ils  y  forment  un  cercle  de  diffusion.  Mais  si  les  rayons  lumineux 
forment,  en  tombant  sur  la  cornée,  un  grand  angle  d'incidence,  c'est- 
à-dire  si  ces  rayons  viennent  d'un  point  rapproché,  ils  forment  sur  la 
rétine  une  image  nette.  On  distingue,  en  effet,  d'après  la  distance  h 


MYOPIE  SCOLAIRE.  423 

laquelle  les  objets  forment  une  image  nette  sur  la  rétine  de  l'œil  myope, 
les  degrés  delà  myopie,  qui  est  ainsi  faible,  moyenne  ou  forte. 

Au  point  de  vue  des  causes  optiques,  on  divise  la  myopie  en  deux 
formes  principales  :  a,  la  myopie  qui  provient  de  l'augmentation  de 
courbure  des  milieux  réfringents  (cornée,  cristallin);  b,  la  myopie  pro- 
duite par  l'augmentation  de  longueur  de  l'axe. 

La  première  forme  est  causée,  dans  l'immense  majorité  des  cas,  par 
la  contraction  spasmodique  du  muscle  de  l'accommodation,  qui  dé- 
termine ainsi  l'augmentation  de  convexité  des  deux  surfaces  du  cris- 
tallin. 

La  myopie  par  augmentation  de  courbure  s'observe  surtout  à  la 
suite  des  efforts  de  travail  de  près;  elle  peut  aussi  être  déterminée  par 
des  obstacles  dioptiques,  comme  les  taies  de  la  cornée  et  les  opacités 
congénitales  du  cristallin  (cataracte  capsulaire  centrale  antérieure). 
Cette  forme  de  myopie  disparait  par  une  instillation  d'atropine,  qui 
paralyse  le  muscle  de  l'accommodation.  Après  cette  opération  prélimi- 
naire, on  peut  se  rendre  compte  de  la  véritable  réfraction  de  l'œil  :  ou 
bien  le  degré  de  myopie  a  diminué;  ou  bien  cette  myopie  n'existait 
qu'en  apparence  et  l'œil  était,  en  réalité,  emmétrope  ou  hypermétrope. 
Quant  à  la  myopie  produite  par  l'augmentation  de  l'axe  sagittal,  on 
en  distingue  deux  formes  anatomiques  :  a,  une  forme  régulière;  b,  une 
augmentation  irrégulière  de  l'axe  de  l'œil. 

Dans  la  première  forme,  l'œil  est  elliptique  et  son  axe  sagittal  peut 
atteindre  une  dimension  de  33  millimètres  (au  lieu  de  25).  La  scléro- 
tique est  amincie  dans  le  pôle  postérieur  de  l'œil  et  elle  peut  avoir, 
dans  le  cas  de  myopie  grave,  une  épaisseur  d'un  demi-millimètre.  L'es- 
pace intervaginal  du  nerf  optique  se  prolonge  en  avant,  divisant  ainsi, 
dans  une  certaine  étendue,  la  partie  postérieure  de  la  sclérotique  en 
deux  feuillets,  séparés  par  une  fente  (L\.  de  Jaeger). 

Dans  la  deuxième  forme  (irrégulière)  de  la  myopie,  par  allongement 
de  l'axe  sagittal  de  l'œil,  on  constate  plusieurs  ectasies  irrégulières, 
dans  la  partie  postérieure  temporale  du  globe  oculaire.  Dans  cette 
forme,  l'amincissement  de  la  sclérotique,  dans  la  partie  postérieure 
de  l'œil,  est  encore  plus  prononcée  que  dans  la  forme  régulière  de  la 
myopie  par  augmentation  de  l'axe.  Mais  dans  la  forme  irréguliére  la 
transition  de  la  partie  amincie  de  la  sclérotique  à  la  partie  normale 
est  beaucoup  plus  brusque  que  dans  la  forme  régulière.  La  forme  irré- 
gulière est  décrite  aussi  sous  le  nom  de  staphylome  postérieur  de 
Scarpa. 

L'allongement  de  l'axe  du  globe  de  l'œil  peut  être  assez  considérable 
pour  qu'il  se  produise  même  une  légère  exophtbalmie.  En  regardant 
l'œil  myope  de  profil,  on  se  rend  compte  de  sa  forme  elliptique.  Cet 
allongement  de  l'axe  de  l'œil  provoque  aussi,  pour  des  raisons  méca- 
niques, une  difficulté  de  convergence.  C'est  pour  cette  raison  que,  chez 


424 


PARTIE  SPÉCIALE. 


les  myopes,  on  voit  assez  souvent  se  produire  une  déviation  latérale 
d'un  œil  (strabisme  divergent). 

La  chambre  antérieure  est  généralement  plus  profonde  dans  un  œil 
myope  que  dans  un  œil  emmétrope.  Le  muscle  de  l'accommodation 
est  altéré  dans  sa  forme,  par  le  fait  du  processus  d'allongement  de  l'œil, 
qui  produit  un  certain  tiraillement  des  diverses  parties  de  l'œil.  Les 
libres  radiaires  de  ce  muscle  paraissent  atrophiées  et  les  fibres  circu- 
laires semblent  manquer  (hvanoff).  Mais  cette  absence  des  fibres  circu- 
laires n'a  lieu  qu'en  apparence;  elles  sont  simplement  séparées  l'une 
de  l'autre  par  le  fait  du  tiraillement. 

Le  tiraillement  produit  par  l'élongation  de  l'axe  de  l'œil  détermine 
des  altérations  dans  la  choroïde  :  sa  limite  nasale  semble  pénétrer  dans 


<<*£$% 


Fig.  41, 


Fond  de  l'œil  d'un  œil  myope  présentant  un   staphylonic  postérieur  et 
des  plaques  de  choroïdite  disséminée. 


le  disque  de  la  papille  optique  et  sa  limite  temporale  est  reculée  en 
arrière.  Il  se  produit  ainsi  deux  figures  semi-lunaires,  dont  l'une  ré- 
sulte de  la  traction  et  l'autre  de  la  rétraction  de  la  choroïde,  dans  le 
pourtour  de  la  papille  optique  (E.  de  Jaeger;  Charles-Théodore,  duc 
de  Bavière).  Généralement,  on  ne  constate  que  la  faux  temporale  (faux 
par  rétraction,  cône  externe,  Rétraclionssichel);  mais,  dans  un  certain 
nombre  de  cas,  on  peut  voir  en  même  temps  les  deux  faux  et  l'exa- 
men anatomique  prouve  alors  qu'il  y  a  en  même  temps  traction  et 
rétraction  de  la  choroïde  (Charles-Théodore  de  Bavière).  Quelques 
auteurs  ont  voulu  expliquer  la  faux  temporale  [staphylomc  posté- 
rieur) (fig.  41)  par  le  fait  d'une  atrophie  parlielle  de  la  choroïde.  Il  se 
produit,  en  effet,  quelquefois  des  altérations  qui  prennent  la  forme 
d'un  anneau  atrophique  autour  de  la  papille  (staphylome  postérieur 


MYOPIE   SCOLAIRE.  425 

annulaire).  De  Graefe  pensait  que  rallongement  de  l'œil  était  causé  par 
une  sclérotico-choroïdite  postérieure.  On  a  abandonné  cette  théorie 
aujourd'hui;  mais  il  est  certain  que  cet  allongement  peut  déterminer 
des  altérations  inflammatoires  dans  la  choroïde,  et  c'est  dans  cette 
complication  que  réside  le  principal  danger  de  la  myopie  par  augmen- 
tation de  l'axe.  Cette  complication  arrive  surtout  dans  les  cas  de 
myopie  très  forte,  qui  peut  entraîner  une  choroïdite  disséminée, 
accompagnée  d'opacités  du  corps  vitré,  et  un  décollement  de  la  rétine; 
dans  des  cas  exceptionnels  le  nerf  optique  peut  aussi  être  atteint  et 
subit  une  atrophie  causée  par  le  tiraillement  qui  s'exerce  sur  lui 
(Dehnungsatrophie). 

Relativement  à  la  marche  de  la  myopie,  Donders  en  distingue  trois 
formes  :  1°  la  myopie  stationnaire  ;  2°  la  myopie  qui  progresse  pen- 
dant un  certain  temps  ;  3°  la  myopie  progressive. 

Cette  dernière  forme  est  la  seule  qui  menace  la  vue  et  il  faut  déjà 
y  porter  toute  son  attention  pendant  les  études  scolaires. 

On  a  donné  des  explications  très  différentes  de  l'influence  de  l'école 
sur  le  développement  de  la  myopie  et  des  causes  qui  peuvent  déter- 
miner cette  affection  chez  les  personnes  prédisposées.  Passons  en 
revue  les  diverses  théories  de  la  myopie  : 

1°  La  théorie  de  ïaccommodationprélend  que  le  muscle  de  l'accommo- 
dation ne  peut  intervenir  que  par  le  fait  d'une  modification  dans  la 
nutrition  du  globe  oculaire,  produite  par  des  tiraillements  excessifs 
que  les  fibres  radiaires  exercent  sur  la  choroïde.  On  sait  cependant  qu'il 
y  a  des  personnes  qui  peuvent  supporter  pendant  de  longues  années 
des  efforts  considérables  d'accommodation,  sans  être  atteints  de  myo- 
pie. Foerster  a  publié,  en  1883,  des  observations  qu'il  a  faites  sur  des 
hypermétropes,  qui  avaient  choisi  eux-mêmes,  chez  des  marchands  de 
lunettes,  des  verres  concaves,  qu'ils  avaient  portés  pendant  des  années 
et  dont  ils  s'étaient  servis  même  pour  la  lecture,  sans  être  devenus 
myopes,  malgré  les  efforts  considérables  qu'ils  avaient  fait  supporter 
ainsi  au  muscle  de  l'accommodation. 

2°  Théorie  de  la  convergence.  —  La  convergence  paraît  jouer  un  rôle 
plus  important  dans  le  développement  de  la  myopie.  Fuchs  a  établi 
que  l'une  des  veines  vortiqueuses  de  Stenon,  a  un  trajet  constitué  de  telle 
sorte  que  cette  veine  est  comprimée  parla  contraction  du  muscle  droit 
interne.  D'après  cette  théorie,  l'allongement  de  l'axe  de  l'œil  serait  donc 
produit  par  des  troubles  de  la  circulation  intra-oculaire.  Toutefois,  on 
peut  opposer  certaines  objections  à  cette  théorie  de  la  myopie. 

D'après  Mutais,  il  serait  impossible  que  le  muscle  droit  interne  déter- 
minât une  compression  du  globe  oculaire.  Ce  fait  ne  pourrait  avoir 
lieu  non  seulement  à  l'extrême  limite  de  la  rotation,  comme  l'ont  déjà 
prouvé  Tenon  et  Bonnet,  mais  d'après  Motais,  pas  davantage  au  début 
ni  pendant  toute  la  durée   de  la  contraction.  Motais  a  démontré,  en 


426  PARTIE  SPÉCIALE. 

effet,  que  l'aileron  exerce  une  traction  excentrique  immédiate  sur  le 
muscle,  aussitôt  que  celui-ci  entre  en  action,  et  cette  traction  augmente 
d'énergie  proportionnellement  à  la  puissance  de  la  contraction  mus- 
culaire. 

3°  Théorie  de  la  divergence.  — D'après  Motais,  ce  serait  au  contraire 
le  muscle  droit  externe  qui  serait  capable  de  comprimer  le  globe 
oculaire.  Aussi,  cet  auteur  propose-t-il  la  ténotomie  de  ce  muscle  dans 
les  cas  de  myopie  très  prononcée.  Cependant  nous  avons  eu  l'occasion, 
en  1882,  de  voir  à  Berlin  des  cas  de  myopie,  chez  lesquels  de  Graefe 
avait  pratiqué  la  ténotomie  des  droits  externes,  sans  que  cette  opéra- 
tion ait  empêché  la  myopie  de  progresser.  Voici  l'explication  que 
donne  Motais  de  l'allongement  de  l'axe  de  l'œil  par  l'action  du  muscle 
droit  externe  et  simultanément  du  muscle  de  l'accommodation;  le 
tiraillement  extrême  de  la  choroïde  qui  se  produit,  dans  une  accommo- 
dation longtemps  prolongée,  produit  d'abord  une  modification  dans  la 
nutrition  de  la  sclérotique,  qui  a  pour  résultat  de  diminuer  la  résis- 
tance de  cette  membrane.  L'action  compressive  des  muscles  extrinsè- 
ques et  de  la  capsule  de  Tenon  s'exerce  ensuite  et  détermine  l'allon- 
gement myopique  de  l'œil. 

4°  Théorie  du  nerf  optique.  —  On  a  rendu  aussi  le  nerf  optique  res- 
ponsable du  développement  de  la  myopie.  Voici  l'explication  que  l'on 
donne  : 

La  longueur  du  nerf  optique,  depuis  le  trou  optique  jusqu'au  globe 
oculaire,  est  de  30  millimètres;  la  distance  entre  le  trou  optique  et  le 
globe  oculaire  est  de  26  millimètres  ;  le  nerf  optique  ne  peut  donc  être 
tiraillé  que  lorsqu'il  se  produit  une  convergence  de  40  degrés.  Mais, 
lorsque  la  longueur  du  nerf  optique  est  moindre,  la  convergence  peut, 
en  effet,  déterminer  son  tiraillement.  Celui-ci,  se  produisant  pendant  la 
convergence  sur  la  partie  du  nerf  optique  qui  s'insère  sur  l'œil  déter- 
minerait un  allongement  de  l'espace  intervaginal  et  la  rétraction  tem- 
porale du  rebord  que  forme  la  choroïde  autour  du  trou  optique. 

5°  Théorie  de  l  augmentation  de  la  tension  intra-oculaire.  —  D'après 
cette  théorie,  l'augmentation  prolongée  de  la  tension  intra-oculaire, 
qui  se  produit,  soit  par  le  fait  de  l'accommodation,  soit  en  pencbant 
la  tête  pendant  la  lecture  et  en  provoquant  ainsi  des  états  congestifs 
dans  l'intérieur  de  l'œil,  serait  la  cause  de  l'allongement  de  la  partie 
postérieure  de  l'œil. 

6°  Théorie  des  muscles  obliques.  —  D'après  Slilling,  la  myopie  serait 
causée  par  l'action  du  muscle  oblique  supérieur  qui  comprimerait 
l'œil.  Avant  que  Stilling  ait  émis  cette  théorie,  on  avait  déjà,  remarqué 
que  la  direction  oblique  du  regard  disposait  au  développement  de  la 
myopie  scolaire.  Bien  que  celte  théorie  de  Stilling  ait  provoqué  beau- 
coup d'adversaires  et  acquis  peu  de  partisans,  il  faut  avouer  qu'on  a 
des  motifs  sérieux  de  la  prendre  en  considération.  Nous  savons,  en 


MYOPIE  SCOLAIRE.  427 

effet,  d'après  les  recherches  de  Leroy  et  Ed.  Meyer,  que  les  quatre 
muscles  droits  de  l'œil,  par  le  fait  de  leur  insertion  dans  la  partie  anté- 
rieure de  l'œil,  déterminent,  par  leur  action  dynamique,  la  forme  de  la 
partie  antérieure  de  l'œil.  Il  est  donc  logique  de  croire  que  les  muscles 
obliques,  en  s'insérant  sur  la  partie  postérieure  de  l'œil,  exercent  une 
certaine  influence  sur  la  forme  de  celte  partie  postérieure.  On  sait, 
effectivement,  que  les  formes  anatomiques  des  diverses  parties  du  corps 
dépendent  des  relations  dynamiques  des  organes  entre  eux  (forme  des 
os,  par  exemple).  Ce  fait  a  été  démontré  par  les  recherches  anatomi- 
ques pratiquées  particulièrement  par  Roux  (d'Innsbruck). 

Pour  se  rendre  compte  de  l'action  des  muscles  oculaires  sur  les 
parties  antérieure  et  postérieure  de  l'œil,  il  faut  considérer  l'étendue 
de  la  coupe  transversale  des  fibres  musculaires,  le  lieu  de  leur  inser- 
tion sur  le  globe  oculaire  et  sur  l'orbite.  Cette  dernière  insertion  varie 
avec  la  forme  du  crâne.  Il  y  a  donc  lieu  de  trouver  très  intéressantes 
les  nouvelles  recherches  de  Stilling  et  d'autres  auteurs  sur  les  rapports 
qui  existent  entre  la  myopie  et  la  conformation  du  crâne.  Il  est  certain 
que  des  tares  héréditaires,  comme  une  minceur  congénitale  de  la  sclé- 
rotique, par  exemple,  peuvent  aussi  jouer  un  rôle  très  important  dans 
le  développement  de  la  myopie. 

En  présence  des  théories  si  diverses  que  l'on  a  émises  pour  expliquer 
le  développement  de  la  myopie,  il  ne  nous  est  pas  possible  de  nous 
prononcer  et  de  dire  ce  qui  peut  plus  particulièrement  produire  la 
myopie  scolaire,  si  ce  sont  les  efforts  trop  grands  de  l'accommodation, 
ou  l'action  des  muscles  droits  ou  obliques  de  l'œil.  Mais  il  est  incontes- 
table, nous  le  répétons,  que  l'école  peut  déterminer  la  myopie  chez  les 
personnes  qui  n'y  ont  pas  une  prédisposition  héréditaire,  et  qu'elle 
favorise  son  développement  et  augmente  son  degré  chez  celles  qui  y 
sont  prédisposées  par  l'hérédité.  Dans  ces  derniers  cas,  les  excès  de 
travail  à  l'école  sont  dangereux  pour  l'organe  de  la  vue. 

Il  est  extrêmement  regrettable,  au  point  de  vue  de  l'intérêt  général 
de  l'État  et  de  la  défense  de  la  patrie,  qu'une  partie  très  appréciable- 
de  la  population,  la  plus  intelligente,  soit  exempte  du  service  militaire, 
par  le  fait  du  surmenage  de  l'organe  de  la  vue  pendant  la  période 
d'instruction,  ou  soit  forcée  d'abandonner  sa  profession,  à  la  suite 
de  complications  qui  se  produisent  dans  cet  organe. 

Nous  faisons  la  part  des  exagérations  de  H.  Cohn  et  de  son  école  ; 
mais  nous  pensons  tout  à  fait  comme  Hippel,  et  nous  disons  avec  lui: 
«  On  n'acquiert  pas  l'instruction  et  la  science,  sans  qu'il  en  résulte  un 
certain  dommage  pour  le  corps  ;  mais  il  faut  veiller  à  ce  que  ce  dom- 
mage ne  soit  pas  plus  grave  qu'il  le  faut.  » 

Passons  maintenant  en  revue  les  précautions  hygiéniques  que  l'on 
a  prises  ou  que  l'on  doit  prendre  pour  enrayer  l'augmentation  de  la 
myopie  dans  l'école. 


428  PARTIE  SPÉCIALE. 

Il  faut  d'abord  établir  dans  les  écoles  un  bon  éclairage  des  salles 
d'élèves  et  placer  les  bancs  de  manière  que  la  lumière  arrive  du 
côté  gauche.  Les  heures  de  travail  devraient  être  réduites  et  se  trouver 
en  proportion  de  l'âge  des  élèves.  On  recommande  d'intrerompre 
l'étude  par  des  exercices  musculaires.  On  s'est  appliqué,  dans  ces  der- 
niers temps,  à  observer  les  règles  de  l'hygiène  dans  la  construction  des 
tables  et  des  bancs.  Le  dossier  doit  être  droit;  la  hauteur  et  la  largeur 
des  bancs  doivent  avoir  des  dimensions  différentes,  suivant  l'âge  de 
élèves;  le  pupitre  doit  avoir  une  inclinaison  de  40  à  43  degrés  pour  la 
lecture  et  de  20  degrés  pour  l'écriture.  Le  siège  doit  être  placé  de 
façon  que  le  bord  inférieur  du  pupitre  se  termine  au  niveau  du 
bord  antérieur  du  banc  (distance  =  0),  ou  bien  que  ces  deux  bords  se 
superposent  un  peu  (dislance  négative). 

Dans  le  choix  des  livres  pour  les  écoles,  il  faut  veiller  à  ce  qu'ils 
soient  conformes  aux  prescriptions  de  l'hygiène.  Dans  les  écoles  d'Au- 
triche, en  général,  on  a  supprimé  les  livres  imprimés  en  caractères 
gothiques,  qui  nécessitent  de  plus  grands  efforts  de  l'organe  de  la  vue 
que  les  caractères  latins.  C'est  la  raison  que  l'on  donne  pour  expliquer 
le  fait  que,  depuis  l'annexion  de  l'Alsace-Lorraine  à  l'Allemagne,  1a 
myopie  était  devenue  si  fréquente,  dans  les  écoles  de  ces  pays,  que  le 
gouverneur  de  Manteuffel  a  fait  faire  plusieurs  enquêtes  pour  étudier 
les  moyens  à,  prendre  afin  d'éviter  le  développement  de  la  myopie  dans 
les  écoles  (1).  J'ai  recueilli  personnellement  des  renseignements  qui  me 
prouvent  qu'aujourd'hui  on  préfère  aussi,  dans  les  écoles  d'Allemagne, 
les  livres  imprimés  en  lettres  latines. 

Pour  le  détail  de  l'impression,  voici  les  préceptes  que  l'on  donne  : 
la  largeur  de  chaque  lettre  doit  être  au  moins  de  lmm,75,  la  distance  de 
deux  lettres  au  minimum  de  0mm,5,  la  distance  de  deux  lignes  ne  doit 
pas  être  inférieure  à  2mm,5,  la  longueur  d'une  ligne  ne  doit  pas  dépasser 
80  à  100  millimètres  (H.  Cohn).  Il  faut  en  outre  veiller  à  la  clarté  de 
l'impression,  à  la  coloration  noir  foncé  des  lettres,  à  la  bonne  qualité 
du  papier,  etc.  Dans  les  devoirs  que  les  élèves  doivent  faire  chez  eux, 
on  doit  éviter  tout  travail  purement  mécanique.  Chez  les  filles,  les  tra- 
vaux manuels  qui  demandent  de  la  finesse  devraient  être  réduits,  dans 
les  écoles,  et  un  certain  nombre  d'élèves,  désignées  par  les  médecins, 
devraient  en  être  dispensées. 

On  peut  conclure  des  travaux  de  Ilippel  que,  dans  les  écoles,  les  ins- 
tallations bien  comprises  au  point  de  vue  de  l'hygiène  ne  suffisent  pas 
pour  supprimer  le  développement  de  la  myopie. 

Hippel  a  examiné  pendant  des  années  les  yeux  des  élèves  du  gym- 
nase de  Giessen  (Hesse-Darmstadt)  ;  il  était  donc  en  situation  d'observer 
tous  les  ans  chacun  des  élèves.  Sur  832  yeux  qu'il  a  examinés  à  plu- 

^1)  Aerztlichcs  Gutachten  ueber  das  hôhere  Schulwesen  Elsass-Lalhringens.  Klin 
Monatsbl.  f.  Augenheilk,  188?,  p.  353. 


MICROGKAPIIES.  429 

sieurs  reprises,  508  étaient  emmétropes  ou  hypermétropes  au  début; 
sur  ces  508,75,  c'est-à-dire  14,9,  p.  100  sont  devenus  myopes  dans  les 
classes  plus  élevées.  Sur  18G  yeux  myopes,  il  a  pu  constater  107  fois, 
c'est-à-dire  dans  la  proportion  de  58  p.  100,  une  augmentation  de  la 
myopie  pendant  la  période  scolaire.  Cela  prouve,  en  effet,  que,  quelque 
bien  construite  que  soit  une  école,  aussi  bien  que  l'on  suive  les  prescrip- 
tions hygiéniques,  tout  en  supprimant  le  surmenage  des  yeux  et  mal- 
gré la  surveillance  la  plus  active  des  médecins,  on  n'a  pas  pu  empê- 
cher la  myopie  de  se  développer,  chez  un  certain  nombre  d'élèves,  et 
d'augmenter  d'intensité  chez  d'autres.  Mais  on  aurait  grand  tort  de  con- 
clure de  ces  résultats  qu'il  n'est  pas  nécessaire  d'installer  les  écoles 
selon  les  règles  de  l'hygiène.  Dans  les  écoles  mal  installées,  on  a,  en 
effet,  des  résultats  plus  mauvais  que  ceux  que  Hippel  a  constatés. 

Nous  pensons  aussi  que  les  parents  des  élèves  devraient  veiller  da- 
vantage, dans  leurs  maisons,  à  l'hygiène  de  la  vue  de  leurs  enfants.  Il 
faudrait  éviter  que  la  maison  paternelle  fût  l'occasion  des  dommages 
que  l'on  veut  empêcher  dans  l'école  par  des  moyens  hygiéniques.  A  cet 
effet,  on  a  proposé,  au  dernier  congrès  international  de  médecine  de 
Berlin,  de  distribuer,  à  l'entrée  et  dans  l'intérieur  des  écoles,  aux  élèves 
et  à  leurs  parents,  de  petites  brochures,  qui  expliqueraient  les  causes 
de  la  myopie  et  les  moyens  hygiéniques  à  employer  pour  l'éviter. 

2.  PROFESSIONS  EXPOSANT  A  UN  TRAVAIL  QUI  OBLIGE  A  REGARDER  DE 
PRÈS  PENDANT  LONGTEMPS. 

Dans  toutes  les  professions  qui  exigent  des  travaux  assidus  et  minu- 
tieux, la  myopie  peut  également  se  développer.  Mais  il  faut  exclure  de 
ce  nombre  les  ouvriers  qui  se  servent  de  la  loupe  pendant  leur  travail 
et  qui  évitent  ainsi  les  efforts  du  muscle  de  l'accommodation,  comme 
les  bijoutiers,  les  horlogers  et  les  graveurs.  Cohn,  qui  a  examiné 
200  yeux  d'horlogers,  a  constaté  qu'il  y  en  avait  18  p.  100  de  myopes, 
mais  que  6,5  p.  100  seulement  avaient  acquis  leur  myopie. 

Le  même  auteur  a  trouvé,  au  contraire,  chez  des  typographes, 
51  p.  100,  et  chez  des  lapidaires,  37  p.  100  de  myopes.  Cohn  pense  que, 
dans  ces  deux  professions,  les  mouvements  de  latéralité  favoriseraient 
le  développement  de  la  myopie.  Il  faut  aussi  tenir  compte  de  ce  que  les 
horlogers  ont  un  très  bon  éclairage  en  travaillant,  ce  qui  n'a  pas  lieu 
pour  les  lapidaires  et  les  typographes. 

D'après  Lawrentjew,  les  travaux  à  la  loupe  favoriseraient  le  déve- 
loppement du  strabisme. 

3.    MICROGRAPUES. 

Un  phénomène  singulier  a  été  observé  quelquefois,  après  un  travail 
prolongé  au  microscope;  c'est  le  développement  d'un   astigmatisme 


430  PARTIE   SPÉCIALE. 

passager.  Landerer  est  le  premier  qui  ait  décrit  ce  phénomène  ;  mais 
plusieurs  histologistes  m'en  avaient  parlé  depuis  longtemps  et  je  l'avais 
observé  personnellement.  Leroy  dit  avec  raison  que  l'on  trouve  des 
troubles  dus  à  l'astigmatisme  non  seulement  clans  l'œil  qui  regarde  au 
microscope,  mais  aussi  dans  celui  qui  reste  fermé  pendant  le  travail. 
Voici  comment  j'explique  le  développement  de  cet  astigmatisme  passa- 
ger: En  travaillant  au  microscope,  nous  prenons  une  position  dans 
laquelle  la  tête  est  légèrement  penchée  sur  l'oculaire  et  l'œil  regarde 
fortement  en  bas  dans  une  direction  correspondant  à  celle  du  tube  de 
l'instrument.  Cette  contraction  forte  et  prolongée  du  muscle  droit  infé- 
rieur diminue  la  courbure  de  la  cornée  dans  le  diamètre  vertical.  Après 
un  travail  micrographique  de  plusieurs  heures,  cette  déformation  de  la 
cornée  persiste  encore  un  certain  temps  après  la  cessation  du  travail 
et  produit  des  troubles  oculaires  que  l'on  peut  faire  disparaître  com- 
plètement en  mettant  devant  les  yeux,  des  verres  cylindriques.  D'autres 
auteurs  prétendent  que  cet  astigmatisme  des  micrographes  serait  dû  à 
une  contraction  irrégulière  du  muscle  de  l'accommodation.  Je  ne  m'ex- 
plique pas  pourquoi,  chez  un  même  sujet,  ce  phénomène  si  singulier 
se  produirait  après  le  travail  au  microscope  sans  qu'il  ait  lieu  après 
la  lecture.  D'ailleurs,  dans  des  cas  semblables,  on  pourrait  résoudre 
le  problème  en  pratiquant  des  instillations  d'atropine.  Pour  ap- 
puyer mon  explication,  je  citerai  une  observation  que  j'ai  faite  sur  moi- 
même  et  que  je  donne  comme  un  exemple  d'astigmatisme  fonction- 
nel. En  regardant  latéralement  avec  mon  œil  gauche,  je  vois  des 
images  d'étincelles  et  de  flammes  de  bougie,  analogues  à  celles  qui 
se  produisent  dans  l'astigmatisme.  En  mettant   un  verre  cylindrique 

convexe  (  — ,  axe  vertical  j  devant  l'œil  gauche,  pendant  que  je  le  force 

à  regarder  aussi  latéralement  que  possible,  les  images  redeviennent 
nettes.  Cette  simple  expérience  prouve  que  l'action  de  l'un  des  muscles 
droits  de  l'œil  peut  produire  de  l'astigmatisme,  qui  est  probablement 
dû  aune  déformation  de  la  cornée. 

Un  autre  symptôme,  qui  se  rencontre  quelquefois  chez  les  microgra- 
phes, est  la  production  de  spasmes  cloniques  du  muscle  orbiculaire  des 
paupières  de  l'œil  dont  on  se  sert  dans  les  recherches  micrographi- 
ques. Ces  spasmes  sont  causés  par  le  fait  de  la  contraction  de  la  pau- 
pière, qui  se  produit,  surtout  pendant  l'hiver,  au  contact  du  froid  de 
l'étain  de  l'oculaire.  C'est  pour  celte  raison  que,  dans  la  plupart  des 
laboratoires  de  micrographie,  on  entoure  d'un  anneau  de  cuivre  l'ocu- 
laire du  microscope. 

4.    PROFESSIONS    QUI   EXPOSENT    AU     CONTACT    DE    POUSSIÈRES. 

Ces  professions  causent  très  fréquemment  des  irritations    mécani- 


KÉRATITE  INFECTIEUSE   DES   MOISSONNEURS.  431 

ques  de  la  conjonctive.  On  observe  une  conjonctivite  due  à  cette  cause 
chez  les  tailleurs  de  pierre,  aiguiseurs  de  1er,  forgerons,  etc.  Dans  ces 
professions,  où  il  arrive  souvent  que  de  petits  morceaux  de  pierre  ou 
de  fer  se  détachent  et  vont  frapper  l'œil,  les  blessures  de  la  cornée  et 
des  parties  voisines  sont  fréquentes.  Dans  ces  professions,  on  rencon- 
tre aussi  une  altération  particulière  :  l'hypertrophie  du  tissu  conjonctif, 
dans  la  partie  de  la  conjonctive  oculaire  qui  n'est  pas  recouverte  par 
les  paupières  pendant  le  regard;  cette  hypertrophie  est  connue  sous  le 
nom  de  pinguécula. 

5.    NYSTAGMUS    DES    MINEURS. 

Chez  les  mineurs,  mais  seulement  chez  ceux  qui  travaillent  dans  les 
mines  de  houille,  on  a  souvent  observé  le  nystagmus.  Il  a  un  caractère 
tout  à  fait  périodique  et  présente  des  paroxysmes,  'qui  se  produisent 
surtout  au  moment  du  crépuscule  et  lorsque  l'éclairage  est  faible. 

Dans  tous  les  cas  de  nystagmus  des  mineurs,  ce  symptôme  était 
accompagné  de  vertiges  qui  se  traduisaient  par  une  impression  de 
mouvements  des  objets  qui  entouraient  le  malade.  Jeaffreson  a  constaté 
que  le  nystagmus  était  quelquefois  aussi  accompagné  d'hyperesthésie 
ou  d'anesthésie  rétinienne,  d'héméralopie  et  de  blépharospasme.  D'a- 
près quelques  auteurs,  le  nystagmus  des  mineurs  serait  causé  par  les 
grands  efforts  que  les  yeux  doivent  faire  pour  reconnaître  des  objets 
faiblement  éclairés.  D'autres  auteurs  en  attribuent  la  cause  à  la  posi- 
tion horizontale  du  corps  que  les  hommes  prennent  en  travaillant, 
pendant  qu'ils  regardent  obliquement  en  dehors.  Une  nourriture  insuf- 
fisante paraît  favoriser  le  développement  du  nystagmus. 

Dransart  et  Siméon  Smell  pensent  que  le  nystagmus  provient  d'une 
affection  locale  des  muscles  de  l'œil;  d'après  Jeaffreson  cette  affection 
des  muscles  de  l'œil  serait  due  à  une  fatigue  du  système  nerveux  cen- 
tral. Ce  dernier  auteur  croit  que  la  position  de  la  tète,  penchée  très 
fortement  en  haut  et  en  arrière,  déterminerait  une  compression  de 
l'artère  basilaire,  qui  nourrit  le  lobe  occipital.  Cette  théorie  ne  nous 
paraît  pas  vraisemblable. 

Le  pronostic  du  nystagmus  des  mineurs  est  favorable. 

Le  traitement  consiste  dans  la  suppression  du  travail,  une  médication 
fortifiante  et  le  séjour  à  l'air  frais. 

6.    KÉRATITE    INFECTIEUSE    DES    MOISSONNEURS. 

La  kératite  ulcéreuse,  avec  hypopyon,  qui  frappe  souvent  les  mois- 
sonneurs, est  bien  connue  du  praticien.  Cette  kératite  provient  de  la 
blessure  de  l'œil  par  des  épis  de  blé  et  de  la  pénétration  consécutive  de 
microbes  dans  le  tissu  de  la  cornée  (Widmark).  Cet  ulcère  de  la  cornée 


432  PARTIE  SPÉCIALE. 

présente  la  particularité  d'avoir  une  tendance  à  pénétrer  dans  la 
profondeur  et  à  se  propager  en  même  temps  en  surface.  L'ulcère  se 
développe  surtout  dans  la  partie  moyenne  de  la  cornée;  il  y  forme  une 
perte  de  substance  de  forme  ovalaire,  dont  le  fond  est  gris-opaque.  Le 
rebord  convexe  de  l'ulcère  est  formé  par  un  arc  jaunâtre  ;  on  observe 
en  outre  des  opacités  en  forme  de  rayons  radiaires  disséminés  dans  le 
tissu  cornéen.  De  très  bonne  heure,  l'ulcère  est  accompagné  d'iritis, 
qui  se  complique  souvent  d'irido-cyclite.  Ce  qui  constitue  surtout  la 
gravité  de  l'ulcère  consiste  dans  le  danger  qu'il  y  a  de  voir  se  produire 
une  perforation  de  la  cornée  avec  ses  conséquences. 

Le  traitement  se  résume  à  appliquer  des  collyres  antiseptiques 
(sublimé  à  1  p.  2500)  ou  le  galvano-cautère  et,  dans  les  cas  urgents, 
si  la  perforation  de  la  cornée  est  imminente,  à  pratiquer  la  ponction 
de  la  chambre  antérieure  de  l'œil,  ou  à  faire  l'incision  de  l'ulcère,  d'a- 
près la  méthode  de  Saemisch. 

7.    PROFESSIONS  EXPOSANT  A  LA  C1IALEUR. 

Un  a  constaté  la  présence  très  fréquente  de  la  cataracte  chez  les 
verriers,  les  ouvriers  de  forge  et  ceux  qui  travaillent  près  d'un  foyer 
ardent.  Proust  en  donne  comme  explication  la  perte  d'eau  que  subit 
l'organisme  par  les  sueurs  que  provoque  la  chaleur,  tandis  que  les 
boissons  absorbées  par  les  ouvriers  ne  restitueraient  qu'incomplète- 
ment la  quantité  d'eau  qu'ils  auraient  perdue. 

Cette  perte  d'humeur  qu'éprouverait  ainsi  l'organisme  aurait  pour 
conséquence  d'augmenter  la  densité  du  sang,  et  déterminerait,  de  cette 
façon,  une  prédisposition  aux  opacités  cristalliniennes.  Des  recherches 
expérimentales  faites  par  Michel  semblent  prouver,  en  effet,  que  la 
chaleur  peut  provoquer  le  développement  d'opacités  cristalliniennes. 

Cependant  Widmark  a  fait  de  nouvelles  recherches  dans  le  but  de 
prouver  que  ces  opacités  cristalliniennes  seraient  causées  par  l'action 
des  rayons  lumineux  très  intenses  et  spécialement  des  rayons  ultra- 
violets, lia  réussi,  en  effet,  à  produire  des  opacités  cristalliniennes  chez 
des  lapins,  en  faisant  agir  des  rayons  lumineux  très  intenses. 

Relativement  à  la  fréquence  de  la  cataracte  chez  les  verriers,  les 
résultats  des  recherches  statistiques  ont  été  très  différents,  probable- 
ment parce  que  les  verriers  ne  présentaient  pas  pour  le  travail  les 
mêmes  conditions  hygiéniques.  Meyhoefer,  par  exemple,  a  examiné 
500  verriers  et  a  constaté  la  présence  de  la  cataracte  chez  59,  c'est-à- 
dire  11.(1  p.  100. 

Ewetzky,  au  contraire,  sur  70  verriers  d'une  usine  n'a  observé  la 
cataracte  que  3  fois  (soit  4  p.  100)  et  les  sujets  atteints  étaient  déjà  âgés. 
Beaucoup  plus  fréquente,  d'après  Ewetzky,  est  la  xérose  de  la  conjonc- 
tive oculaire  chez  les  verriers  (13  cas  =  18,5  p.  100);  mais  cette  xérose 


PROFESSIONS  EXPOSANT   A   UNE  LUMIÈRE   FORTE.  433 

n'est  jamais  accompagnée  d'héméralopie.  Tous  les  verriers  que  cet 
auteur  a  examinés  présentaient  d'ailleurs  une  santé  générale  excel- 
lente. 

On  a  expliqué  aussi,  par  les  perles  d'eau  que  produisent  les  sueurs, 
la  fréquence  relative  de  la  cataracte  à  la  campagne,  chez  les  cultiva- 
teurs. Ce  fait  a  été  établi  surtout  par  les  expériences  de  Gayet;  mais  il 
serait  à  souhaiter  que  l'on  fit  encore  des  recherches  statistiques  sur 
cette  question. 

Jacobson  a  remarqué  la  fréquence  de  la  kératite,  dite  rhumatismale 
chez  les  personnes  qui  travaillent  près  d'un  foyer  ardent  (forgerons, 
cuisinières)  ;  mais  il  ne  se  prononce  pas  sur  la  question  de  savoir  si  cette 
kératite  est  produite  par  la  chaleur  ou  par  un  refroidissement  subit; 
c'est  cette  dernière  cause  qui  nous  semblerait  plus  vraisemblable. 

De  même  une  certaine  disposition  au  développement  de  conjoncti- 
vites s'observe  chez  des  ouvriers  exposés  à  la  chaleur.  D'après  Chibret 
la  desquamation  épithéliale  due  à  la  chaleur  serait  la  cause  de  la  fré- 
quence des  conjonctivites  dans  certaines  industries,  où  en  outre  les  con- 
jonctives sont  exposées  en  même  temps  à  la  poussière  (filatures  en 
lin,  etc.). 

8.  PROFESSIONS  EXPOSANT  AU  FROID. 

L'ophlhalmie  des  neig&s,  qu'on  expliquait  autrefois  par  l'action  du 
froid,  n'est  nullement  produite  par  cette  cause,  mais  par  la  fatigue  de 
l'œil,  qui  résulte  de  l'éblouissement  que  produit  la  neige.  Nous  traite- 
rons de  cette  ophthalmie  dans  un  autre  chapitre. 

On  a  constaté  chez  des  Esquimaux,  et  chez  des  habitants  des  îles 
Aléuutiniennes  (Proust,  Hygiène,  p.  736),  une  inflammation  chronique 
de  la  conjonctive,  causée  probablement  par  l'atmosphère  des  huttes, 
dans  lesquelles  le  feu  brûle  à  flamme  ouverte. 

Il  est  bien  prouvé  que  le  froid  n'exerce  pas  d'action  nuisible  sur  l'œil 
par  le  fait  de  ce  que  les  habitants  de  Sibérie  ont  une  acuité  visuelle 
qui  dépasse  celle  des  autres  races  humaines.  On  ne  sait  pas  si  la  cata- 
racte se  produit  plus  ou  moins  fréquemment,  dans  les  climats  froids  que 
dans  les  autres  climats.  Mais  Michel  a  prouvé,  par  des  expériences  qu'il 
a  pratiquées  sur  des  lapins,  qu'en  déposant  sur  l'œil  de  petits  morceaux 
de  glace,  on  fait  apparaître  des  opacités  passagères  du  cristallin.  L'ac- 
tion de  l'éther  sur  l'œil  produit  le  même  phénomène. 

9.    PROFESSIONS    EXPOSANT    A   UNE    LUMIÈRE    FORTE. 

L'action  sur  l'œil  d'une  lumière  trop  intense  ou  trop  prolongée  peut 
provoquer  des  troubles  de  la  vue  passagers  ou  persistants.  Ce  fait  a  été 
constaté  à  la  fois  dans  les  pays  chauds,  sous  l'influence  d'une  radiation 

28 


434  PARTIE   SPÉCIALE. 

solaire  trop  intense,  et  dans  les  pays  froids,  à  cause  de  la  lumière 
blanche,  que  les  surfaces  neigeuses  réfléchissent  fortement.  Nous 
avons  aussi,  dans  nos  climats,  l'ophthalmie  des  neiges  des  habitants 
des  Alpes.  Cette  ophlhatmie  des  neiges  a  été  très  bien  étudiée  dans  les 
observations  qui  ont  été  prises  par  l'expédition  de  Nordenskjoeld.  On  a 
constaté  que  cette  affection,  fréquente  chez  les  Groenlendais,  consiste 
surtout  en  un  érythème  de  la  conjonctive,  toujours  accompagné  de 
sensations  douloureuses  dans  l'œil  et  d'une  forte  sécrétion  conjonctivale. 
En  Amérique,  celte  ophtalmie  des  neiges  s'observe  déjà  au-dessus  du 
53e  degré  de  latitude.  En  Europe,  on  la  rencontre  également,  même 
sans  que  l'action  directe  du  soleil  puisse  se  produire,  lorsque  les  tem- 
pêtes arctiques  provoquent  une  irritation  de  l'œil  (A.  Berlin).  Mais 
alors,  d'après  cet  auteur,  l'ophthalmie  ne  serait  pas  produite  par  le 
froid,  mais  par  la  lumière  réfléchie  et  par  l'irritation  mécanique  que 
déterminent  ces  tempêtes  (aiguilles  glacées). 

L'ophthalmie  débute  par  une  sensation  qui  rappelle  celle  d'un  corps 
étranger  dans  l'œil,  par  de  la  photophobie,  du  larmoiement  et  du  blé- 
pharospasme.  Dans  la  période  suivante  on  constate  du  chémosis  (gon- 
flement de  la  conjonctive)  et  quelquefois  des  ulcérations  catarrhales 
de  la  cornée.  L'affection  guérit  généralement  après  une  durée  de  trois 
à  quatre  jours.  Le  champ  visuel  est  toujours  normal,  pas  de  scotome. 
Lorsqu'il  se  produit  de  l'hyperémie  de  la  rétine,  ce  symptôme  serait 
toujours  secondaire. 

L'ophthalmie  a  son  maximum  de  fréquence  au  moment  où  le  soleil  a 
le  plus  de  force  (printemps). 

La  prophylaxie  de  cette  affection  consiste  à  porter  des  verres  fumés. 

Lorsque  l'ophthalmie  a  débuté  on  pratique  des  instillations  de  co- 
caïne dans  la  conjonctive. 

On  observe  des  symptômes  analogues  à  ceux  de  l'ophthalmie  des 
neiges  chez  les  ouvriers  que  leur  profession  obligent  à  regarder  des  sur- 
faces blanches  ;  tels  sont  les  maçons,  les  plâtriers,  les  peintres  en  bâti- 
ments, etc. 

On  a  même  constaté  des  altérations  persistantes  de  la  choroïde  et  de 
la  rétine  (Jaeger),  causées  par  l'action  de  la  lumière.  Czerny  par  des 
expériences  pratiquées  sur  des  animaux,  dont  la  rétine  était  continuelle- 
ment irritée  par  la  lumière,  a  prouvé  que  ces  altérations  provenaient  de 
la  dissociation  des  cônes  et  des  bâtonnets  de  la  rétine.  Quelques  per- 
sonnes, en  observant  des  éclipses  de  soleil,  ont  éprouvé  des  troubles 
oculaires  passagers  provenant  de  l'action  trop  forte  de  la  lumière. 
Magawly  en  a  présenté  trois  cas  à  une  séance  de  la  société  médicale 
de  Saint-Pétersbourg.  Les  troubles  de  la  vue,  dans  ces  cas,  sont  carac- 
térisés parle  développement  d'un  scotome  central.  Dans  un  des  cas  de 
Magawly,  le  scotome  n'avait  conservé  la  perception  d'aucune  couleur, 
sauf  celle  du  blanc.  L'acuité  visuelle  est  généralement  diminuée;  dans 


OPHTALMIE   ÉLECTIUQUE.  435 

ce  dernier  cas,  elle  était  de  quatre  dixièmes.  Arophlhalmoscope,le  fond 
de  l'œil  est  normal;  d'autres  fois  on  constate  des  altérations  du  pigment 
dans  la  macula.  Le  traitement  par  l'obscurité  et,  plus  tard,  par  les  verres 
fumés  amène  la  guérison  de  ces  cas. 


10.    OPHTHALMIE    ÉLECTRIQUE. 

Les  symptômes  de  celle  ophthalmie  ont  été  constatés  d'abord  dans 
des  usines  où  l'on  soudait  des  métaux  à  l'aide  d'une  flamme  électrique. 
Cette  affection  résulte  aussi,  mais  moins  fréquemment,  d'un  fort  éclai- 
rage électrique.  Lubinski,  par  exemple,  l'a  observé  chez  trente  person- 
nes qui  se  trouvaient  sur  un  navire  où  l'on  faisait  usage  de  lampes 
électriques.  Il  est  fâcheux  que  l'on  ne  sache  pas  encore  quelle  est  l'in- 
tensité de  lumière  nécessaire  pour  produire  cette  ophthalmie.  Pour 
quelques  auteurs,  l'ophthalmie  électrique  serait  la  même  que  l'ophthal- 
mie  des  neiges;  d'autres  croient  que  ces  deux  ophthalmies  sont  diffé- 
rentes. 

Les  premiers  signes  de  l'ophthalmie  électrique  apparaissent  de  très 
bonne  heure,  au  plus  tard  vingt-quatre  heures  (Gould)  après  le  moment 
où  la  lumière  électrique  a  produit  son  action  sur  l'œil. 

Les  symptômes  consistent  en  une  sensation  de  picotement  dans  la 
peau  de  la  face  et  dans  la  conjonctive.  Si  i'aclion  de  la  lumière  électri- 
que a  été  très  prolongée,  il  se  produit  du  larmoiement,  du  coryza,  de  la 
toux,  du  gonflement  et  de  la  douleur  dans  la  peau  de  la  face.  Si  cette 
action  de  la  lumière  a  eu  une  durée  de  dix  heures,  on  voit  survenir  le 
gonflement  des  paupières  et  de  la  partie  de  la  conjonctive  qui  n'est  pas 
protégée  par  les  paupières.  La  peau  de  la  face  qui  a  été  exposée  à  la 
lumière  est  très  rouge  et  très  douloureuse.  On  constate  de  la  photopho- 
bie et  de  la  sensibilité  de  l'œil  au  toucher.  Le  malade  éprouve  la  sensa- 
tion d'un  corps  étranger  dans  l'œil.  Il  y  a  du  larmoiement,  une  hyperé- 
mie  très  prononcée  de  la  conjonctive,  de  l'injection  péricornéenne;  les 
pupilles  sont  contractées  (Terrier);  il  existe  quelquefois  du  blépharo- 
spasme.  Peu  à  peu  ces  symptômes  diminuent,  pendant  qu'il  se  déclare 
une  sécrétion  purulente,  mais  peu  abondante  de  la  conjonctive.  L'épi- 
derme  de  la  peau  de  la  face  se  détache  et  cette  peau  est  plus  fortement 
pigmentée  pendant  quelques  semaines. 

On  trouve,  comme  troubles  oculaires,  le  développement  d'un 
scotome  central  (Terrier),  des  sensations  lumineuses  subjectives,  l'ap- 
parition très  facile  d'images  complémentaires  (Gould)  et  une  anesthésie 
rétinienne  passagère. 

Généralement,  après  une  durée  de  deux  à  trois  jours,  l'ophthalmie 
électrique  se  termine  par  la  guérison.  Exceptionnellement  on  a  constaté 
la  persistance  du  scotome  central  ou  de  l'amblyopie. 

Certains  auteurs  veulent  expliquer  l'ophthalmie  électrique  par  l'ac- 


436  PARTIE  SPÉCIALE. 

tion  chimique  des  rayons  ultra-violels  (Maklakoff).  D'autres(Hirschberg) 
en  attribuent  la  cause  à  la  chaleur.  Martin,  au  contraire,  prétend  que 
ni  les  expériences  de  Regnault  ni  celles  de  Chardonnet  et  Guyot  ne 
prouvent  que  l'ophthalmie  électrique  soit  causée  par  les  rayons  d'action 
chimique;  d'après  cet  auteur,  elle  serait  due  à  l'éblouissement  qui  se 
produirait  sur  la  rétine  et  qui  déterminerait  des  congestions  inlra-ocu- 
laires. 

Il  y  a  des  cas,  cependant,  où  l'amblyopie  qui  résulte  de  la  lumière 
électrique  serait  un  symptôme  d'hystérie.  Féré  a  publié  l'observation 
d'une  jeune  femme  qui,  après  avoir  regardé  pendant  quelques  instants 
un  bec  électrique,  fut  prise  d'amblyopie,  de  troubles  de  la  sensibilité  et 
de  phénomènes  paralytiques;  l'amblyopie  persista  quelque  temps,  mais 
les  troubles  sensitifs  et  paralytiques  disparurent  bientôt. 

Pour  protéger  les  ouvriers  qui  soudent  à  la  lumière  électrique,  Ma- 
klakoff recommande  de  les  faire  regarder  à  travers  un  verre  jaune,  en 
se  couvrant  la  face  d'un  taffetas  (voile  ciré)  jaune.  Cet  auteur  ne  peut 
pas  affirmer  qu'il  n'y  ait  pas  d'autres  couleurs  que  le  jaune,  capables 
de  garantir  l'œil  contre  la  lumière  électrique,  mais  il  assure  que  le  fait 
est  certain  pour  le  jaune 

Les  troubles  oculaires  consécutifs  à  l'action  de  la  foudre  (1)  semblent 
aussi  être  dus  en  partie  à  l'action  nuisible  de  la  lumière  électrique. 

On  a  vu  des  cas  où  il  n'y  avait  aucune  brûlure  de  la  peau  (Silest),  où 
le  corps  et  l'intelligence  étaient  absolument  intacts,  et  où  il  s'était  pro- 
duit, cependant,  des  troubles  delà  vision.  Sauf  quelques  exceptions,  ces 
troubles  oculaires  étaient  bilatéraux.  Dans  la  plupart  des  cas,  les  mala- 
des frappés  parla  foudre  avaient  d'abord  perdu  connaissance  pendant 
plusieurs  heures.  On  constatait  ensuite  de  la  photophobie,  une  injection 
péri-cornéenne,  du  chémosis,  de  nombreuses  opacités  pointillées  et 
striées  dans  la  cornée  (Meyhœfer),  des  opacités  cristalliniennes,  qui 
occupaient  le  plus  souvent  les  couches  corticales  antérieures  et  rare- 
ment le  centre  des  couches  postérieures  (Meyhœfer),  de  l'hyperémie  de 
l'iris.  Du  côté  de  l'appareil  musculaire  de  l'œil,  on  a  observé  la  para- 
lysie et  exceptionnellement  le  spasme  (Vossius)  du  muscle  de  l'accom- 
modation, des  paralysies  des  muscles  extrinsèques  de  l'œil,  accompa- 
gnées d'hémiplégie,  du  ptosis  (Knies).  On  a  trouvé  dans  la  macula  des 
altérations  analogues  à  celles  que  produit  l'action  de  la  lumière  intense 
(Deutschmann).  Downer,  dans  un  cas,  a  constaté  à  l'ophlhalmoscope 
des  hémorrhagies  dans  la  macula;  d'autres  fois,  on  a  trouvé  des  pig- 
mentations de  la  rétine,  causées  certainement  par  des  hémorrhagies 
semblables.  Chez  des  gens  frappés  par  la  foudre,  on  a  vu  se  produire: 
une  iridocyclite  à  rechutes,  une  névrite  optique  peu  accusée  provoquant 
une  atrophie  optique.  L'acuité  visuelle  est  diminuée;  la  cécité  complète 

(1)  Voir  la  bibliographie  chez  Vossius,  Berliner  Klin.  Wochenschr,  1886.  n°  9. 


ALIMENTATION   INSUFFISANTE.  437 

s'est  rencontrée  quelquefois,  mais  elle  était  passagère.  Elle  durait  ordi- 
nairement sept  jours  au  plus;  il  y  a  des  cas,  cependant,  où  elle  a  per- 
sisté pendant  des  mois.  La  cataracte  peut  disparaître  en  totalité  ou  en 
partie  seulement.  Dans  d'autres  cas,  elle  est  d'abord  partielle  et  devient 
ensuite  totale  (Leber,  Gervais). 

Leber  explique  la  cataracte,  que  produit  la  foudre,  par  l'action  chimi- 
que et  physique  de  l'électricité.  Pour  Vossius,  au  contraire,  cette  cata- 
racte serait  consécutive  à  une  iridocyclite  à  rechutes.  Quant  aux  symptô- 
mes inflammatoires  qui  se  manifestent  dans  le  tractus  uvéal,  ils  seraient 
dus,  d'après  Knies,  à  des  hémorrhagies  capillaires. 

11.   PROFESSIONS  EXPOSANT  A  DES  EXCITATIONS  TRÈS  FORTES  DE  LOLTE. 

On  ne  sait  pas  encore  si,  dans  les  professions  qui  exposent  à  des  irri- 
tations très  fortes  de  l'ouïe  (ouvriers  d'usines  à  vapeur,  artilleurs,  ou- 
vriers employés  à  faire  partir  la  poudre  à  mine  ,  les  troubles  qui  se  produi- 
sentsur  l'organe  de  l'ouïe  retentissent  sur  celui  de  la  vue.  Urbantscbitsch 
prétend  avoir  constaté  que  les  excitations  de  l'organe  de  l'ouïe  ont  une 
influence  sur  la  perception  des  couleurs  et  sur  l'acuité  visuelle;  cette 
dernière  spécialement  serait  augmentée  par  l'irritation  de  l'organe  de 
l'ouïe;  l'obscurité,  au  contraire,  d'après  cet  auteur  diminuerait  l'acuité 
auditive,  qui  serait  augmentée  par  un  éclairage  intense.  Cette  opinion 
ne  nous  semble  pas  exacte  ;  beaucoup  de  personnes,  en  effet,  ferment 
les  yeux  pour  mieux  entendre. 

S.  de  Stein  dit  avoir  produit  sur  des  cobayes  une  cataracte  expéri- 
mentale en  faisant  agir  le  diapason  Porten.  Mais  ces  expériences  ne  sont 
pas  concluantes  et  l'on  ne  connaît  rien  chez  l'homme  qui  puisse  faire 
admettre  que  les  ouvriers,  qui  exercentles  professions  que  nous  venons 
d'indiquer,  soient  plus  exposés  que  les  autres  au  développement  de  la 
cataracte. 

12.    ALIMENTATION  INSUFFISANTE. 

On  observe  des  troubles  oculaires,  survenant  à  la  suite  d'une  ali- 
mentation insuffisante,  chez  les  personnes  qui  vivent  dans  les  prisons, 
les  navires  d'État,  les  orphelinats,  etc.  Les  troubles  oculaires  que  l'on 
constate  dans  la  convalescence  des  maladies  graves  ne  doivent  pas 
nous  occuper  ici;  nous  avons  déjà  dit  qu'ils  sont  dus  à  l'action  des 
toxines. 

L'alimentation  insuffisante  produit  le  plus  souvent  de  Vhéméralopie 
sans  altérations  du  fond  de  l'œil. 

Dans  un  certain  nombre  de  cas,  l'héméralopie  est  accompagnée 
d'une  xérose  de  la  conjonctive.  Le  champ  visuel  est  rétréci;  avec  un 
éclairage  faible  l'acuité  visuelle  est  très  notablement  diminuée. 


438  PARTIE  SPÉCIALE. 

La  perception  des  couleurs,  et  surtout  du  bleu,  est  moins  nette  qu'à 
l'état  normal.  L'acuité  visuelle  diminue  au  crépuscule  ;  mais  elle  rede- 
vient normale  lorsque  l'éclairage  artificiel  est  suffisant.  D'après 
Uhthoff,  l'héméralopie  serait  causée  par  une  anomalie  dans  le  mini- 
mum de  sensibilité  de  la  rétine;  pour  produire  une  impression  lumi- 
neuse, il  est  nécessaire  que  les  excitations  soient  plus  fortes  qu'à  l'état 
normal.  D'après  Treitel,  au  contraire,  l'héméralopie  serait  due  à  un 
ralentissement  de  l'adaptation  de  la  rétine.  Schirmer  a  trouvé  que 
l'héméralopie  provient  de  ce  que,  avec  un  éclairage  d'intensité 
moyenne,  le  minimum  de  sensibilité  de  la  rétine  est  bien  plus  diminué, 
chez  les  personnes  qui  se  trouvent  dans  le  cas  qui  nous  occupe,  qu'il  ne 
l'est  dans  un  œil  normal.  De  sorte  que,  dans  l'héméralopie,  le  malade 
a  besoin  de  rester  dans  l'obscurité  beaucoup  plus  longtemps  que  s'il 
était  bien  portant,  pour  que  la  sensation  de  la  lumière  redevienne 
normale. 

On  a  surtout  observé  l'héméralopie  dans  les  armées  mal  nourries. 
On  la  trouve  en  Russie,  parmi  la  population  orthodoxe  grecque,  à  la 
suite  du  jeûne  de  quarante  jours.  Kubli,  dans  un"  seul  arrondissement 
russe  de  19,588  personnes,  a  rencontré  320  cas  d'héméralopie,  dont 
241  hommes,  et  79  femmes. 

La  grossesse  semble  créer  une  prédisposition  au  développement  de 
l'héméralopie,  qui  est  également  favorisée  par  une  lumière  trop  in- 
tense ou  par  le  surmenage  physique. 

On  a  observé  aussi  l'héméralopie  au  Brésil,  pendant  l'été,  chez  des 
esclaves  mal  nourris  occupés  à  la  récolte  du  café.  Cette  affection 
se  développe  surtout  pendant  le  jeune  âge  et  à  la  suite  de  travaux 
pénibles  et  prolongés. 

Le  traitement  de  l'héméralopie  consiste  à  rester  dans  l'obscurité 
et  à  prendre  une  nourriture  fortifiante,  ainsi  que  du  fer  et  du  quin- 
quina. 

43.  SURMENAGE  INTELLECTUEL  ET  FATIGUE  CÉRÉBRALE. 

On  a  constaté,  chez  les  personnes  qui  ont  une  fatigue  cérébrale,  l'ap- 
parition  d'un  scotome  scintillant.  Il  peut  se  présenter  avec  les  mêmes 
signes  que  nous  avons  déjà  exposés  en  traitant  la  migraine  ophthalmi- 
que  :  dans  certains  cas,  il  se  produit  un  obscurcissement  complet  du 
champ  visuel  sans  autre  symptôme  et,  d'autres  fois,  cet  obscurcisse- 
ment est  accompagné  ou  suivi  de  céphalalgie,  de  nausées  et  de  vomis- 
sements. Cette  forme  d'amaurose  passagère  n'est  jamais  de  longue  du- 
rée. Proust  en  cite  un  cas,  observé  chez  un  de  ses  amis,  qui  a  été 
atteint  d'un  accès  semblable,  à  la  suite  d'une  leçon  publique;  et  qui 
n'a  pu  rentrer  chez  lui  qu'avec  beaucoup  de  peine;  mais,  après  quel- 
ques jours,  il  a  recouvré  son  acuité  visuelle  normale. 


ALTÉRATIONS   ET   TROUBLES   DE   LA  VUE  A  L'AGE   SÉNILE.  439 

Pendant  ces  accès,  on  recommande  de  prendre  du  café  très  fort. 

D'autres  auteurs  (Maulhncr)  croient  à  un  spasme  vasculaire  et 
conseillent  la  morphine.  Quoi  qu'il  en  soit,  à  la  suite  de  ces  accès, 
il  faut  éviter,  pendant  un  certain  temps,  le  travail  intellectuel  et  les 
impressions  morales. 

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Maklakuff,  Ibidem,  IX,   1889.  —  Gould  G,   Is   the  eleclric  liglit  injourious  to  the  eye.  Med.  News, 

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Surmenage  et  fatigue  cérébrale.  —  Proust,  loc.  cit.,  p.  227.  —  Dianoux,  Scotome  scintillant.  Thèse 

de  Paris,  1874. 


XXIII.  —  ALTÉRATIONS  ET  TROUBLES  FONCTIONNELS 
DE  L'ORGANE  DE  LA  VUE  A  L'AGE  SÉNILE. 

On  voit  quelquefois  des  altérations  séniles  se  manifester  de  très  bonne 
heure  dans  l'organisme  ;  l'organe  de  la  vue,  en  particulier,  peut  être 
atteint  par  des  signes  de  marasme  prématuré.  Ce  fait  a  été  constaté  à 
la  suite  de  processus  qui  affaiblissent  les  forces  ou  après  des  affections 
chroniques.  Le  développement  prématuré  de  la  cataracte  peut  être  fa- 
vorisé par  l'adynamie  générale  ou  par  des  agents  qui  affaiblissent  le 
corps.  C'est  ce  qui  s'est  produit  après  l'administration  intempestive  des 


440 


PARTIE   SPÉCULE. 


alcalins  (Foersler).  Il  est  probable  également  que  la  cataracte,  qui  se 
développe  cbez  des  malades  atteints  d'hypertrophie  de  la  prostate  ou 
de  rétrécissement  de  l'urèthre,  est  due  au  marasme  sénile  que  déter- 
minent ces  dernières  affections.  Ce  marasme  prématuré  peut  aussi 
provoquer  le  développement  de  l'arc  sénile  de  la  cornée  (gérontoxon) 
avant  l'âge  de  quarante  ans. 

D'après  Foerster  aussi,  le  décollement  de  la  rétine  aurait,  en  certains 
cas,  pour  cause  le  marasme  sénile.  Pour  cet  auteur,  le  décollement  de  la 
rétine  pourrait  être  favorisé  par  des  altérations  séniles  du  corps  vitré, 
telles  que  la  diminution  de  son  volume. 


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Fig.  42.  —  Dégénérescence  sénile  de  la  partie  centrale  de  la  rétine  (image  droite 

d'après  Hirschberg  . 

Parmi  les  autres  altérations  séniles  de  l'œil,  les  unes  sont  sans  impor- 
tance pratique,  ce  sont  :  les  dépôts  colloïdes  qui  se  forment  sur  la 
cristalloïde,  sur  la  membrane  de  Descemet  et  sur  la  lame  vitrée  de  la 
choroïde  par  le  fait  de  la  dégénérescence  colloïde  des  cellules  épi- 
théliales.  Plus  importante  est  l'altération  de  la  partie  périphérique  de 
la  rétine,  connue  sous  le  nom  de  dégénérescence  cystoïde.  Elle  provient 
d'altérations  des  parois  vasculaires  de  la  partie  antérieure  de  la  cho- 
roïde et  surtout  de  la  membrane  chorio-capillaire,  qui  produisent  un 
rétrécissement  périphérique  du  champ  visuel  chez  les  vieillards. 

On  constate  aussi  des  altérations  rétiniennes  dans  le  pourtour  de  la 


ALTÉRATIONS   ET   TROUBLES    DE   LA   VUE   A  L'AGE  SÉNILE-  441 

papille,  telles  que  la  disparition  de  la  couche  des  cônes  et  des  bâton- 
nets dans  cette  partie,  ce  qui  amène  l'agrandissement  du  punctum 
caecum. 

La  chambre  antérieure  de  l'œil  des  viellards  est  étroite,  la  pupille 
est  rétrécie,  les  petits  enfoncements  de  la  surface  antérieure  de  l'iris 
(fentes  lymphatiques)  sont  agrandis  par  le  fait  que  l'atrophie  par- 
tielle du  tissu  qui  les  sépare  produit  leur  réunion. 

L'avancement  du  cristallin  qui  se  produit  chez  les  vieillards  devrait 
augmenter  le  pouvoir  réfringent  de  l'œil  ;  mais  il  n'en  est  pas  ainsi, 
au  contraire.  Par  le  fait  de  la  sclérose  des  couches  corticales  du  cris- 
tallin, leur  indice  optique  est  devenu  presque  le  même  que  celui  du 
noyau  du  cristallin  et  il  en  résulte  une  telle  diminution  dans  le  pouvoir 
réfringent  du  cristallin  que  la  réfraction  de  l'œil  est  changée  au 
point  qu'il  y  a  une  augmentation  de  l'hypermétropie  antérieure,  que  . 
l'emmétropie  antérieure  se  transforme  en  hypermétropie  et  qu'il  y  a 
une  diminution  dans  le  degré  de  myopie.  Le  corps  vitré  est  générale- 
ment décollé  dans  la  partie  antérieure  de  l'œil  (Nordenson). 

Les  altérations  du  corps  ciliaire  sont  importantes  parce  qu'elles  ex- 
pliquent la  prédisposition  qu'ont  les  vieillards  à  être  atteints  de  glau- 
come. D'après  Rose  Kerschbaumer  (de  Salzbourg),  ces  altérations 
commencent  déjà  à  l'âge  de  quarante  ans.  Généralement,  elles  se 
développent  plus  tôt  chez  les  hypermétropes  que  dans  les  autres  états 
de  réfraction  de  l'œil.  Dans  la  vieillesse,  les  fibres  du  muscle  de  l'ac- 
commodation sont  raréfiées,  les  faisceaux  de  fibres  lisses  deviennent  plus 
minces  et  cette  altération  est  souvent  accompagnée  de  l'hypertrophie 
du  tissu  interstitiel.  Les  nombreux  vaisseaux  du  corps  ciliaire  sont 
épaissis  au  point  d'acquérir  des  diamètres  doubles,  triples  et  davan- 
tage de  ceux  qu'ils  ont  à  l'état  normal.  Le  calibre  de  ces  vaisseaux  est, 
au  contraire,  rétréci. 

On  ne  sait  pas  encore  si  l'augmentation  de  la  transsudation,  qui  se 
fait  dans  le  corps  vitré  et  qui  détermine  la  prédisposition  qu'ont  les 
vieillards  à  être  atteints  de  glaucome,  est  due  aux  altérations  vasculaires 
ou  à  l'affaiblissement  du  muscle  cardiaque. 

Indépendamment  des  altérations  de  la  rétine  que  nous  avons  mention- 
nées tout  à  l'heure,  la  lecture  devient  impossible  chez  certains  vieillards, 
bien  que  les  milieux  réfringents  soient  restés  transparents  ou  qu'il  se 
soit  développé  des  opacités  rétiniennes  de  peu  d'importance  ;  l'applica- 
tion de  verres  convexes  n'améliore  même  pas  l'acuité  visuelle.  Hirsch- 
berg  propose  de  donner  à  cette  affection  le  nom  d'amblyopie  sénile. 
Elle  est  causée  par  une  dégénérescence  des  vaisseaux  rétiniens,  qui  pro- 
duit des  altérations  dans  le  tissu  de  la  rétine. 

On  trouve  fréquemment  chez  les  vieillards  des  altérations  des  parois 
vasculaires  dans  la  rétine.  Hirschberg,sur  50  vieillards  âgés  de  soixante 
à  quatre-vingts  ans,  a  constaté  25  fois  ces  altérations  à  l'ophthalmos- 


442  PARTIE  SPÉCIALE. 

cope;  dans  13  cas  il  y  avait  des  opacités  du  corps  vitré,  dans  10  cas  des 
altérations  sur  le  pourtour  de  la  papille,  et  dans  4  cas  de  petites  taches 
blanches  dans  la  macula.  Le  même  auteur  a  observé  aussi  chez  des 
vieillards  une  rétinite  centrale  très  prononcée  et  des  hémorrhagies  dans 
le  nerf  optique  et  sur  la  rétine. 

BIBLIOGRAPHIE. 

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XXIV.  —  DU  ROLE  DE  L'HÉRÉDITÉ  DANS 
LE  DÉVELOPPEMENT  DES  MALADIES  DES  YEUX. 

De  nombreuses  observations  ont  démontré  l'importance  du  rôle  de 
l'hérédité  dans  le  développement  de  quelques  maladies  des  yeux,  sans 
parler  des  affections  oculaires  produites  par  la  syphilis  héréditaire. 

En  premier  lieu,  la  forme  normale  de  l'œil  peut  être  transmise  des 
parents  à  l'enfant,  soit  par  le  fait  d'anomalies  du  crâne,  produisant  à 
leur  suite  des  anomalies  dans  l'insertion  des  muscles  oculaires,  soit 
parce  que  l'hérédité  détermine  directement  une  conformation  particu- 
lière des  membranes  de  l'œil  (amincissement  de  la  sclérotique).  Nous 
avons  déjà  dit  que  la  prédisposition  héréditaire  au  développement  de 
la  myopie  existait,  d'après  Motais,  dans  la  proportion  de  Go  p.  100. 
D'après  le  même  auteur,  la  myopie  héréditaire  se  distingue  de  la 
myopie  acquise  :  1°  par  son  apparition  plus  brusque;  2°  par  son  déve- 
loppement plus  rapide;  3°  par  la  moyenne  plus  élevée  de  son  degré; 
4°  par  des  complications  plus  fréquentes  et  plus  étendues.  La  myopie 
héréditaire  est  donc  plus  grave  que  la  myopie  acquise. 

En  général,  d'après  Motais,  la  myopie  est  transmise  par  le  père  à  la 
fille  (86  p.  100)  et  par  la  mère  au  fils  (75  p.  100). 

On  cite  généralement  les  expériences  très  intéressantes  par  lesquelles 
Brown-Séquard  a  démontré  la  transmission  héréditaire  d'anomalies  de 
l'œil. 

Cet  auteur  a  vu  persister  pendant  quatre  générations  des  altérations 
des  yeux  et  des  oreilles,  provoquées  par  une  lésion  du  sympathique 
cervical. 

Des  anomalies  héréditaires  des  os  de  la  face  peuvent  également  pro- 
voquer des  anomalies  dans  les  relations  dynamiques  des  muscles  ocu- 
laires. On  a,  par  exemple,  constaté  la  présence  du  strabisme  convergent 
chez  plusieurs  membres  de  la  même  famille.  Nieden  a  remarqué  que 
l'étroitesse  congénitale  du  canal  osseux  naso-lacrymal  était  la  cause  de 
la  fréquence  du  larmoiement  chez  divers  membres  d'une  même  famille. 

Leber  est  le  premier  qui  ait  donné  des  renseignements  précis  sur  les 


DU    ROLE   DE   L'HÉRÉDITÉ   DANS   LES   MALADIES  DES  YEUX.  443 

cas  d'amaurose  par  prédisposition  héréditaire.  Cette  amaurose  est 
causée  par  une  névrite  optique  ou  par  une  atrophie  du  nerf  optique. 
L'affection  atteint  de  préférence  les  membres  mâles  d'une  famille  et 
elle  se  développe  à  l'âge  de  dix-huit  à  vingt-neuf  ans;  exceptionnelle- 
ment, on  en  a  observé  un  cas  à  l'âge  de  cinq  ans.  On  a  vu  quelquefois 
l'amaurose  être  accompagnée  de  symptômes  nerveux,  tels  que  vertiges, 
accès  épileptiformes,  engourdissement  des  membres;  d'autres  fois  ces 
symptômes  ont  fait  défaut.  Nous  pensons  que  cette  affection  est  quelque- 
fois provoquée  par  une  anomalie  dans  le  développement  du  corps  du 
sphénoïde.  Notre  opinion  est,  d'ailleurs,  confirmée  par  le  fait  de  ce 
que  l'amaurose  se  manifeste  précisément  à  l'âge  où  cet  os  a  terminé 
son  développement  (voir  p.  162).  Dans  les  cas  qui  nous  occupent,  le 
rétrécissement  périphérique  précède  l'amaurose. 

Il  faut,  sans  aucun  doute,  attribuer  une  autre  cause  aux  cas  où  les 
troubles  oculaires  débutent  par  un  scotome  central  et  de  l'achroma- 
topsie.  Le  champ  visuel  est,  alors,  normal  au  début.  Il  arrive  quelque- 
fois que  le  scotome  central  persiste  sans  que  l'affection  fasse  de  progrès  ; 
on  a  même  constaté,  un  certain  nombre  de  fois,  que  la  vue  s'était 
améliorée  plus  tard.  Nous  avons  déjà  dit  que  lorsqu'il  se  développe  une 
amblyopie  tabagique  à  la  suite  d'une  très  petite  consommation  de 
tabac,  il  est  probable  qu'il  s'agit  d'une  prédisposition  héréditaire  de  ce 
genre  à  une  affection  des  fibres  maculaires. 

En  présence  des  malades  atteints  de  glaucome,  il  n'est  pas  rare 
d'apprendre  que  leurs  ancêtres  avaient  eu  la  même  affection. 

On  sait  aussi  que,  dans  certaines  familles,  il  existe  une  prédisposition 
héréditaire  au  développement  de  la  cataracte.  C.-G.  Kunn  a  observé 
une  cataracte  zonulaire  chez  la  grand'mère,  la  mère  et  l'enfant. 
F.  Thompson  a  communiqué  l'observation  d'une  forme  héréditaire  de 
cataracte,  constatée  dans  quatre  générations  de  la  même  famille. 
Généralement,  la  cataracte  se  développait  alors  de  quatre  à  cinq  ans 
et  elle  a  toujours  été  bilatérale,  sauf  dans  un  seul  cas.  Au  début,  on 
constatait  dans  le  cristallin  des  opacités  pointillées  et  granuleuses,  qui 
augmentaient  rapidement.  Pendant  deux  générations,  la  cataracte  n'avait 
atteint  que  des  garçons.  Il  n'existait  pas  alors  de  consanguinité.  Ilosch 
(Suisse)  et  Schnabel  (Styrie)  ont  également  constaté  chez  des  enfants 
cette  prédisposition  héréditaire  au  développement  de  la  cataracte. 

Relativement  à  l'influence  de  la  consanguinité  sur  le  développement 
des  maladies  des  yeux,  nous  savons,  d'après  Liebreich,  que  la  rétinite 
pigmentaire  (ainsi  que  la  surdi-mutité)  est  très  souvent  due  à  cette  cause. 
Sedan  a  constaté,  en  outre,  chez  des  enfants  de  consanguins,  le  déve- 
loppement d'héméralopie  sans  altération  du  fond  de  l'œil. 

BIBI.IOORAPllIE. 

J.  II.  Story,  Amaurose  héréditaire.  Réf.  Centralbl.  f.  Augcnh.,  1S85,  p.  150.  —  F.  Thompson,  Ophtlialm. 
Soc.  of  tlie  United  Kingdom,    12  déc.  1889.  —   C.  G.  Kunn,   Wien.   klin.    Woch.,    1889.  n°   3.    — 


44'*  PARTIE   SPÉCIALE. 

Bosch  F.,  Corrcspondcnzbl.  der  Schweizer  Aerzte,  1888,  n°  10.  —  Berger,  chirurgie  du  sinus  splié- 
u.ïdal,  p.  10. 


XXV.  —  INFLUENCE  DES  ANOMALIES  ET  DES  AFFEC- 
TIONS DES  YEUX  SUR  LE  DÉVELOPPEMENT  DES 
TROUBLES  FONCTIONNELS  ET  D'AFFECTIONS  D'AU- 
TRES ORGANES. 

\.   GÉNÉRALITÉS. 

On  a  constaté,  par  diverses  recherches  expérimentales,  que  l'exci- 
tation du  nerf  optique  exerce  une  certaine  influence  sur  l'état  général. 
Des  travaux  récents  et  très  importants  de  Lœw  (1)  ont  démontré  que, 
pendant  la  période  de  croissance  des  animaux,  la  lumière  joue  un  rôle 
dans  la  coloration  des  diverses  parties  de  leur  corps  et  dans  la  direction 
de  leurs  membres.  Pouchet,  plusieurs  années  auparavant,  avait  déjà 
prouvé,  par  des  travaux  très  remarquables,  que  les  nerfs  de  la  peau 
obéissent  à  l'influence  de  l'excitation  du  nerf  optique. 

Quelques  poissons  (turbot),  après  avoir  été  rendus  aveugles,  pré- 
sentent une  coloration  très  foncée  de  la  peau,  due  à  l'expansion  des 
prolongements  des  cellules  pigmentaires  (chromatophores),  qui  se 
contractent  sous  l'influence  de  la  lumière.  Cette  expérience  de  Poucbet 
fait  supposer  que  l'excitation  du  nerf  optique  retentit  sur  le  système 
nerveux  rentrai,  dont  l'influence  fait  contracter  les  chromatopbores  de 
la  peau.  Lorsque  l'excitation  du  nerf  optique  ne  se  produit  pas,  la 
contraction  réflexe  des  chromatophores  fait  défaut  et  la  peau  prend 
une  coloration  plus  foncée  qu'à  l'état  normal. 

On  sait  que  la  privation  de  lumière  fait  engraisser  les  oies.  En  ce 
qui  concerne  l'homme,  on  ne  connaît  pas  suffisamment  l'influence  que 
l'obscurité  prolongée  peut  exercer  sur  lui.  Chez  les  prisonniers,  en- 
fermés dans  des  lieux  privés  de  lumière,  on  a  constaté  une  coloration 
semblable  à  celle  de  l'anémie,  mais  elle  peut  résulter  d'une  alimenta- 
tion insuffisante  ou  d'émotions  dépressives.  On  ne  sait  pas  encore  exac- 
tement si  les  diverses  couleurs  agissent  différemment  sur  l'état  moral 
de  l'homme.  Quelques  auteurs  prétendent  (pie  c'est  le  bleu  qui  aurait 
l'action  la  plus  favorable;  aussi  a-t-on  proposé  d'en  faire  usage  dans 
les  asiles  d'aliénés  et  particulièrement  dans  les  appartements  des  mé- 
lancoliques. 

Il  est  certain  qu'il  existe  des  relations  entre  la  vue  et  le  caractère 
d'une  personne.  Gayet,  par  exemple,  prétend  que  les  myopes  sont  d'une 
humeur  gaie  et  originale.  La  vision  diffuse  exerce  aussi  une  action  sur 
le  caractère.  On  en  a  fait  la  remarque  cbez  les  animaux  :  les  chevaux 

(l)Lœw,  Ileliolropismus  der  T/iicre,  1891. 


ANOMALIES  DE   LA   RÉFRACTION.  445 

amblyopes   sont  obstinés    et  dangereux;  les    chevaux   aveugles,    au 
contraire,  se  laissent  facilement  conduire. 

2.  ANOMALIES  DE  LA  RÉFRACTION. 

On  a  dit  que  certaines  anomalies  de  la  réfraction  peuvent  exercer  une 
influence  fâcheuse  sur  le  développement  de  l'enfant,  par  suite  d'une 
fatigue  exagérée  du  muscle  de  l'accommodation  et  des  conséquences 
qu'elle  produit.  Il  est  facile  de  s'en  rendre  compte  surtout  pour  l'hy- 
permétropie et  l'astigmatisme. 

On  distingue,  nous  le  savons,  deux  formes  principales  d'astigma- 
tisme :  la  forme  irrégulière  et  la  forme  régulière.  Dans  l'astigmatisme 
irrégulier,  la  réfraction  de  l'œil  diffère  dans  les  diverses  parties  du 
même  méridien.  Dans  l'astigmatisme  régulier,  chaque  méridien  a  la 
même  réfraction  (courbure)  dans  ses  diverses  parties  ;  mais  la  cour- 
bure varie  pour  chacun  des  méridiens.  Ces  deux  formes  d'astigmatisme 
résultent,  dans  la  plupart  des  cas,  d'anomalies  dans  la  courbure  de  la 
cornée;  mais  elles  peuvent  provenir  aussi  d'irrégularités  dans  la  cour- 
bure du  cristallin.  L'astigmatisme  régulier  du  cristallin  est  la  consé- 
quence d'une  contraction  partielle  et  irrégulière  du  muscle  de  l'accom- 
modation, qui  se  trouve  être  maxima  dans  un  certain  méridien  de  l'œil, 
tandis  qu'elle  manque  ou  qu'elle  est  moindre  dans  un  autre  méridien, 
situé  dans  une  direction  perpendiculaire  au  premier.  Quant  à  l'astigma- 
tisme irrégulier  du  cristallin,  il  est  très  rare.  J'ai  été  le  premier  (1),  je 
crois,  à  l'observer,  à  la  suite  d'une  traction  cicatricielle,  provenant  de 
synéchies  postérieures  de  l'iris  et  provoquant  une  déformation  de  la 
surface  antérieure  du   cristallin. 

La  cornée,  dans  ce  cas,  ne  présentait  pas  d'astigmatisme  irrégulier; 
je  l'ai  constaté  àl'ophthalmoscope  et  par  l'examen  des  troubles  visuels. 

L'astigmatisme  régulier  de  la  cornée  peut  être  compensé,  diminué 
ou  augmenté,  suivant  la  direction  et  le  degré  de  l'astigmatisme  qui 
existe  simultanément  sur  le  cristallin. 

Les  troubles  oculaires  qui  résultent  de  l'astigmatisme  régulier  peu- 
vent être  corrigés  par  l'emploi  de  verres  cylindriques  ou  par  l'exis- 
tence d'une  fente  sténopéique,  à  travers  laquelle  regarde  le  malade. 
Bien  que  ce  dernier  phénomène  soit  connu  depuis  longtemps,  j'ai  été  le 
premier  à  démontrer,  en  1881  (2),  et  Wolfskehl  l'a  prouvé  aussi  en 
dehors  de  moi,  que  la  pupille  en  forme  de  fente,  que  l'on  observe  chez 
quelques  animaux,  est  destinée  à  corriger  leur  astigmatisme  cornéen 
et  à  rendre  leur  vision  normale,  surtout  pour  le  méridien  hypermétrope, 
qui  permet  ainsi  à  l'œil  de  voir  les  objets  éloignés. 

(1)  Berger,  Klin.  Monalsbl.  f.  Augenheilk.,  1885,  août. 

(2)Dans  uu  travail  envoyé  en  1881  et  publié  en  1882  dans  le  Morp/iolor/isches  Jar- 
bach  de  Gegenbaw. 


446  PARTIE   SPÉCIALE. 

Pour  se  rendre  compte  de  l'existence  de  l'astigmatisme,  on  se  sert 
en  premier  lieu  de  l'ophthalmoscope.  Lorsqu'il  existe  un  astigmatisme 
irrégulier,  la  papille  est  déformée  et  cette  déformation  varie  si  l'on 
change  la  direction  dans  laquelle  on  fait  l'examen  ophthalmoscopique. 
Dans  le  cas  d'astigmatisme  régulier,  à  l'examen  ophthalmoscopique 
on  trouve,  sur  l'image  droite,  la  papille  ovalaire  et  le  plus  grand  dia- 
mètre de  cet  ovale  correspond  à  celui  dans  lequel  l'agrandissement 
ophthalmoscopique  est  le  plus  fort,  c'est-à-dire  celui  du  méridien  le 
plus  réfringent.  Sur  l'image  renversée,  au  contraire,  la  direction  du 
maximum  de  courbure  répond  au  diamètre  minimum  de  la  papille 
optique.  L'ophthalmoscope  ne  nous  renseigne  que  sur  la  valeur  de 
l'astigmatisme  de  l'œil;  ce  n'est  qu'après  avoir  examiné  l'astigmatisme 
de  la  cornée  que  nous  pouvons  déterminer  le  rôle  que  joue  le  cristallin 
dans  la  production  de  l'astigmatisme  total. 

L'examen  de  la  cornée  par  l'ophthalmomètre,  qui  a  pris  une  forme 
pratique  pour  les  recherches  cliniques  depuis  les  travaux  de  Javal  et 
Schjotz,  donne  des  renseignements  très  précis  sur  l'astigmatisme  cor- 
néen.  On  peut  aussi  se  rendre  compte  très  simplement  de  l'astigma- 
tisme cornéen  à  l'aide  du  kératoscope.  En  1882,  avant  la  communica- 
tion sur  l'astigmatomètre  faite  par  de  Wecker  et  de  Masselon,  j'ai 
modifié  de  la  façon  suivante  le  kératoscope  de  Placido  (fig.  43)  qui  se 
compose  d'un  disque  blanc  et  de  cercles  noirs  concentriques.  Sur  la 
face  antérieure  du  disque  de  Placido  (voir  fig.  43,  r),  je  place  un 
deuxième  disque  à  lignes  radiaires  noires  (s).  Une  de  ces  lignes  a  une 
coloration  rouge  et  sa  direction  est  indiquée  par  une  pointe  sur  la  face 
postérieure  du  nouveau  disque.  Le  diamètre  de  celui-ci  dépasse  un 
peu  celui  du  disque  de  Placido.  On  examine  l'image  cornéenne,  pro- 
duite par  le  disque  à  lignes  radiaires,  en  regardant  à  travers  un  tube 
central,  dans  lequel  est  placée  une  loupe,  destinée  à  faire  mieux  voir 
cette  image. 

On  tourne  ensuite  le  disque  jusqu'à  ce  que  l'image  cornéenne  corres- 
ponde à  la  plus  grande  et  ensuite  à  la  plus  petite  des  lignes.  Le  premier 
examen  nous  indique  le  minimum,  le  deuxième  le  maximum  de  cour- 
bure de  la  cornée.  La  direction  de  ces  deux  méridiens  principaux 
d'astigmatisme  cornéen  est  fournie  par  une  échelle,  imprimée  sur  la 
surface  postérieure  du  disque  de  Placido. 

On  a  donné  des  explications  très  différentes  sur  la  cause  de  l'astig- 
matisme cornéen.  Les  recherches  de  Meyer  et  Leroy  tendent  à  prouver 
que  l'astigmatisme  cornéen  est  produit  par  l'action  des  muscles  droits 
de  l'œil.  La  cornée,  en  effet,  a  son  maximum  de  courbure  dans  le 
diamètre  horizontal  et  c'est  dans  ce  méridien  que  l'action  musculaire 
est  la  plus  forte,  puisque  les  muscles  droits  interne  et  externe  sont 
plus  développés  que  les  deux  autres  muscles  droits. 

L'expérience  que  j'ai  faite  sur  moi-même  et  dans  laquelle  je  deviens 


ANOMALIES   DE  LA   RÉFRACTION. 


447 


astigmate  en  donnant  à  mon  regard  une  direction  latérale  extrême 
(p.  430),  d'autre  part  le  fait  que  des  tractions  cicatritielles  provenant 
d  un  ptérygion  produisent  de  l'astigmatisme  cornéen,  plaident  en 
faveur  de  cette  théorie. 

Une  autre  opinion  attribue  à  une  contraction  partielle  du  muscle 
de  l'accommodation  la  cause  de  l'astigmatisme  cornéen.  Nous  avons 
déjà  rencontré  cette  conception  pour  expliquer  le  développement  du 
staphylome  postérieur,  dans  la  myopie,  par  le  tiraillement  du  muscle 
de  l'accommodation,  prenant  son  point  fixe  d'insertion  sur  le  rebord 


Fig.  43.  —  Astigraomètre  de  E.  Berger,   s,  disque  à  rayons;  r,  disque  à  cercles 
concentriques;  v,  visoir. 


cornéo-scléral.  D'après  la  théorie  accommodative  de  l'astigmatisme 
cornéen,  au  contraire,  le  point  fixe  d'insertion  du  muscle  serait  dans 
le  tractus  uvéal  et  ce  muscle,  en  se  contractant  irrégulièrement,  pro- 
duirait une  courbure  irrégulière  de  la  cornée.  On  peut,  avec  raison, 
reprocher  à  la  théorie  de  Meyer  et  Leroy  de  ne  pas  expliquer  les  cas 
d'astigmatisme  cornéen  dans  lesquels  les  méridiens  principaux  ont 
une  direction  oblique  ;  mais  cela  prouve  que  l'action  des  muscles 
extrinsèques  de  l'œil  n'est  pas  la  seule  cause  qui  puisse  provoquer 
l'astigmatisme  cornéen;  il  en  existe  d'autres  qu'il  faut  rechercher.  Il 
me  semble  que  les  nouvelles  théories  exagèrent  le  rôle  du  muscle  de 


448  PARTIE   SPECIALE. 

l'accommodation,  qui  serait  ainsi  la  cause  de  la  myopie,  de  la  kératite, 
de  la  cataracte  et  du  glaucome. 

11  est  facile,  d'ailleurs,  de  réfuter,  par  le  raisonnement  suivant,  la 
théorie  accoinmodative  de  l'astigmatisme  cornéen. 

Il  arrive  souvent  que,  dans  l'astigmatisme  cornéen,  les  méridiens 
principaux  ont  une  direction  inverse  de  ceux  de  l'astigmatisme  du 
cristallin;  le  maximum  de  courbure,  dans  l'un,  répond  au  minimum, 
dans  l'autre;  mais  ils  peuvent  aussi  avoir  la  même  direction  sur  la 
cornée  et  sur  le  cristallin.  Si  la  contraction  partielle  du  muscle  de 
l'accommodation  provoque,  à  la  fois,  de  l'astigmatisme  cristallinien  et 
de  l'astigmatisme  cornéen,  le  degré  d'astigmatisme  devrait  toujours 
augmenter  dans  le  premier  cas  et  toujours  diminuer  ou  disparaître 
dans  le  second. 

Malgré  les  recherches  de  Bull  pour  démontrer  que  le  degré  d'astig- 
matisme cornéen  change  avec  l'âge  chez  le  môme  sujet,  on  ne  connaît 
encore  aucun  cas  d'astigmatisme  cornéen  qui  se  soit  amélioré  ou  qui 
ait  disparu  (abstraction  faite  des  cas  dus  au  blépharospasmej. 

Après  cette  digression  sur  la  nature  et  sur  la  cause  de  l'astigmatisme, 
nous  allons  revenir  à  la  question  qui  nous  occupe  et  étudier  l'influence 
de  l'astigmatisme  sur  l'organisme  en  général.  Gould  a  remarqué  qu'en 
corrigeant  l'astigmatisme  par  des  verres  cylindriques  on  exerce  une 
très  heureuse  influence  sur  les  enfants.  Leur  indolence  et  les  défauts 
que  l'on  observe  dans  leur  intelligence  ne  seraient  quelquefois  que  le 
résultat  des  efforts  exagérés  du  muscle  de  l'accommodation.  Ce  même 
auteur  prétend  que  des  pédagogues  auraient  été  témoins  de  faits  sem- 
blables. Hevvetson  a  publié  un  travail  dans  lequel  il  constate,  chez  les 
astigmates,  la  fréquence  de  la  céphalalgie  et  de  l'insomnie,  à  la  suite 
des  efforts  de  l'accommodation.  Pour  insister  davantage  sur  cette  ma- 
nière de  voir,  nous  pourrions  citer  les  travaux  de  G.  Martin.  Culver  a 
vu  également  plusieurs  fois  des  céphalalgies  disparaître  a  la  suite  de 
la  correction  de  l'astigmatisme  par  des  verres  cylindriques. 

On  a  constaté,  chez  des  astigmates  et  chez  des  hypermétropes,  que 
des  efforts  trop  prolongés  du  muscle  de  l'accommodation  ont  provoqué, 
par  voie  réflexe,  des  nausées  et  des  vomissements.  Adelheim  a  fait 
récemment  une  communication,  dans  laquelle  il  a  constaté  que  des 
vices  de  réfraction  avaient  déterminé  une  excitabilité  générale:  cépha- 
lalgie, fatigue  musculaire,  migraine,  névralgies,  tics  faciaux,  agora- 
phobie. En  prescrivant  des  verres  appropriés,  il  a  fait  disparaître  ces 
symptômes,  qui  étaient  le  résultat  du  surmenage  du  muscle  de  l'accom- 
modation. Toutefois,  aucun  de  ces  auteurs  n'explique  par  quelle  voie 
se  produisent  ces  symptômes  réflexes. 

3.    LES  ANOMALIES    DE   L'ORGANE   DE   LA    VUE    PEUVENT-ELLES 
PROVOQUER    L'ÉPILEPSIE. 

11  ne  nous  paraît  pas  certain  que  l'astigmatisme  joue  un  rôle  dans 


PARALYSIES   MUSCULAIRES,   NYSTAGMUS.  449 

la  production  des  accès  épileptiques  et  de  la  chorée.  Féré  a  constaté 
la  fréquence  de  l'astigmatisme  chez  les  épileptiques.  Stevens  a  dit 
qu'en  corrigeant  par  des  prismes  l'insuffisance  des  muscles  de  l'œil, 
chez  des  choréiques  et  des  épileptiques,  on  les  guérissait.  La  Société 
de  névrologie  de  New-York  a  nommé  une  commission  pour  étudier 
cette  question.  Sur  quatorze  malades,  elle  a  constaté  trois  fois  seule- 
ment que  la  correction  des  anomalies  musculaires  avait  déterminé 
une  amélioration  de  l'état  général.  Néanmoins,  la  commission  a  été 
d'avis  que  la  fatigue  musculaire,  ainsi  que  toute  autre  excitation  des 
nerfs  périphériques,  peut  favoriser  le  développement  d'accès  d'épilepsie. 

C'est  un  fait  connu  qu'une  lumière  trop  forte  peut  provoquer  des 
accès  d'épilepsie.  On  a  publié  des  cas  où  la  même  cause  avait  déter- 
miné une  aggravation  de  la  chorée.  J'ai  observé  personnellement  trois 
cas,  dans  lesquels  l'examen  ophthalmoscopique,  pratiqué  avec  le 
miroir  à  éclairage  fort,  avait  occasionné  des  accès  épileptiformes, 
chez  des  malades  qui  n'avaient  pas  eu  depuis  longtemps  d'accès  de  ce 
genre.  Aussi  doit-on  user  avec  prudence  de  l'examen  ophthalmosco- 
pique, lorsqu'on  a  affaire  à  des  épileptiques,  et  l'on  doit,  dans  ces  cas, 
employer  de  préférence  le  miroir  à  éclairage  faible.  Verneuil  a  par  ce 
fait  fortement  raison  de  recommander  de  garder  dans  des  chambres 
obscures  les  malades  atteints  de  tétanos. 

On  connaît  bien  la  faculté,  que  possèdent  certaines  personnes  qui 
ont  des  vices  de  réfraction,  de  percevoir  des  objets  dont  les  images  se 
produisent  sans  netteté.  Il  est  probable  que  c'est  par  un  acte  cérébral 
que  ces  personnes,  tout  en  n'ayant  que  des  images  confuses,  sont 
néanmoins  capables  de  travailler.  Certains  auteurs  pensent  que  c'est  la 
rétine  qui  déchiffre  elle-même  les  cercles  de  diffusion  que  ces  personnes 
perçoivent.  Quelques  auteurs  croient  que  ce  travail  de  perception 
d'objets  dont  les  images  sont  défectueuses  produit,  chez  les  épileptiques, 
une  action  analogue  à  celle  de  l'excitation  d'un  nerf  périphérique. 
Bickerton  (de  Manchester)  et  Carter  (de  Londres)  expliquent  de  cette 
manière  des  cas  d'épilepsie,  qui  étaient  améliorés  par  l'usage  de  verres 
appropriés. 

4.    PARALYSIES    MUSCULAIRES,    NYSTAGMUS. 

La  plupart  des  malades  atteints  de  paralysie  des  muscles  de  l'œil 
se  plaignent  de  vertiges;  c'est  un  symptôme  réflexe  produit  par  la 
diplopie.  Dans  le  nystagmus,  les  vertiges  proviennent  probablement 
de  la  sensation  de  mouvements  que  paraissent  avoir  les  objets.  Cette 
apparence  de  mouvements  s'accuse  surtout  si  le  malade  passe  dans  une 
rue  très  fréquentée. 


29 


450  PARTIE  SPÉCIALE. 

5.    PHÉNOMÈNES   RÉFLEXES    PRODUITS    PAR   L'iRRITATlON    DES  NERFS    SENSITIFS 

DE  L'OEIL. 

Le  surmenage  de  l'œil  peut  provoquer  des  névralgies  du  trijumeau. 
Ces  névralgies  se  rencontrent  également  dans  certaines  affections  ocu- 
laires, surtout  dans  celles  de  la  partie  antérieure  du  tractus  uvéal. 
C'est,  en  général,  le  nerf  sus-orbitaire  qui  est  atteint  par  acte  réflexe; 
mais  l'irradiation  de  la  douleur  peut  se  faire  également  dans  la  direc- 
tion du  nerf  sous-orbitaire.  Le  professeur  Neuschiiler  (de  Turin)  a 
observé  le  cas  très  intéressant  d'une  jeune  fille  qui  éprouvait  des 
névralgies  dentaires  chaque  fois  qu'elle  jouait  du  piano.  Cette  né- 
vralgie provenait  de  la  fatigue  musculaire  qu'éprouvait  la  malade, 
par  suite  de  l'insuffisance  de  ses  muscles  droits  internes.  En  faisant 
usage  d'un  prisme  pour  corriger  cette  anomalie  musculaire,  la  jeune 
fille  vit  disparaître  sa  névralgie  sous-orbitaire. 

On  a  souvent  constaté  aussi,  à  la  suite  de  l'irritation  des  nerfs  sen- 
sitifs  de  l'œil,  le  spasme  des  muscles  animés  par  le  facial.  Le  blépha- 
rospasme,  produit  par  cette  même  cause,  est  un  cas  qui  se  voit  tous 
les  jours;  il  faut  noter  également  le  tic  convulsif  (Féré). 

fi.   INFLUENCE    DE    L'ORGANE    DE    LA   VUE   SUR    LE    DÉVELOPPEMENT    DES 
PSYCnOPATUIES. 

Royet  a  fait  une  statistique  qui  prouve  que  les  affections  oculaires 
peuvent  exercer  une  influence  morale  dépressive,  et  déterminer  des 
psychopathies.  Parmi  les  aliénés  qu'il  a  observés,  il  a  constaté,  dans 
la  proportion  de  56  p.  100,  qu'il  existait  antérieurement  une  maladie 
oculaire.  D'autres  auteurs  ont  évalué  cette  proportion  à  un  chiffre 
moins  élevé. 

On  prétend  que  la  cécité  pourrait  quelquefois  produire  l'aliénation 
mentale.  Bouisson  cite  le  cas  d'un  jeune  homme,  dont  l'intelligence 
fut  troublée  et  qui  perdit  toute  espèce  de  spontanéité,  à  la  suite  d'une 
cataracte  des  deux  yeux.  Les  symptômes  d'aliénation  mentale  dispa- 
rurent lorsqu'il  eut  recouvré  la  vue,  après  l'extraction  de  la  cataracte. 
Baillarger  mentionne  un  cas,  publié  par  Whyte,  qui  se  rapporte  à  un 
malade  dont  l'intelligence  était  fortement  troublée  chaque  fois  qu'il 
fermait  les  yeux.  (On  peut  aussi  expliquer  ce  cas  d'une  autre  manière 
qu'en  faisant  intervenir  la  privation  passagère  des  sensations  visuelles.  \ 
Des  opérations  pratiquée  sur  les  yeux  peuvent  provoquer  des  psy- 
chopathies passagères.  On  a  souvent  observé  le  delirium  Iremens  dans 
la  convalescence  de  l'opération  de  la  cataracte.  Sichel  père  dit  l'avoir 
rencontré  sept  ou  huit  fois,  après  l'extraction  de  la  cataracte  par  la 
méthode  de  Daviel,  chez  des  malades  qui  avaient  plus  de  soixante  ans. 
Frédéric  Jaeger  (de  Vienne),  a  vu  également  2  cas  de  delirium  tremens 


DANGERS  POUR   L'ORGANISME   DES   PROCESSUS  INFECTIEUX  DE  L'ŒIL.      451 

après  l'opération  de  la  cataracte.  Hirschberg  l'a  constaté  dans  3  p.  100 
des  cas  d'extraction  de  la  cataracte,  par  la  méthode  de  Graefe.  On 
trouve  dans  les  auteurs  des  observations  analogues  (Schmidl-Rimpler, 
Landesberg,  Fuerstner,  Schnabel,  etc.).  Proportionnellement  au 
nombre  d'extractions  de  la  cataracte,  les  cas  de  delirium  tremens  ne  sont 
pas  fréquents. 

Schmidt-Rimpler  prétend  que  l'absence  complète  d'irritation  lumi- 
neuse, après  l'extraction  de  la  cataracte,  peut  déterminer  une  sorte  de 
dépression  morale  et  d'anxiété  chez  des  personnes  peu  intelligentes. 
Si,  en  même  temps,  le  sens  de  l'audition  ne  reçoit  aucune  excitation 
pendant  la  nuit  et  que  le  malade  se  trouve  ainsi  encore  plus  séparé 
du  monde  extérieur,  ces  mêmes  malades  peuvent  très  facilement 
éprouver  des  hallucinations  et  des  excitations  maniacales. 

On  a  voulu  expliquer  les  psychopathies,  qui  se  produisent  après 
l'extraction  de  la  cataracte,  par  l'excision  d'une  partie  de  l'iris.  Je  me 
souviens  que  le  professeur  Meynert  (de  Vienne),  dans  ses  conférences, 
avait  donné  cette  explication,  à  l'occasion  d'une  femme,  à  qui  l'on 
avait  pratiqué  l'iridectomie  sur  un  œil  et  qui  présentait  un  délire  aigu. 
Hirschberg  a  également  observé  un  cas  de  délire  après  une  iridectomie 
préparatoire  (faite  comme  opération  préliminaire  de  la  cataracte). 
Cette  opinion,  toutefois,  ne  peut  plus  être  soutenue,  depuis  que  Pari- 
naud  a  observé  le  délire  à  la  suite  de  l'extraction  de  la  cataracte  sans 
iridectomie. 

7.    DANGERS  POUR  L'ORGANISME   DES    PROCESSUS  INFECTIEUX    DE  L'CEIL. 

On  peut  voir  un  processus  infectieux  se  propager  de  l'œil  vers  les 
organes  voisins.  C'est  ainsi  qu'une  affection  infectieuse  de  la  conjonc- 
tive peut  gagner  la  muqueuse  nasale  par  le  canal  naso-lacrymal. 

Dans  la  panophthalmie,  les  streptocoques  qui  envahissent  l'espace 
intervaginal  du  nerf  optique  peuvent  se  propager  aux  méninges.  On  a 
surtout  insisté  sur  le  danger  qu'il  y  a  de  voir  se  produire  une  méningite 
à  la  suite  de  l'énucléation  de  l'œil,  lorsqu'on  se  trouve  en  présence 
d'une  panophthalmie  purulente  (de  Graefe).  Panas  en  a  communiqué 
un  cas  à  la  Société  française  d'ophthalmologie  (en  1888).  Toutefois 
lorsqu'il  existe  une  panophthalmie,  on  peut  voir  les  streptocoques 
envahir  la  cavité  crânienne  même  sans  que  l'on  ait  pratiqué  l'énucléa- 
tion. Brueckner  a  recueilli,  chez  divers  auteurs,  26  cas  de  mort,  sur- 
venue à  la  suite  de  l'énucléation  d'un  œil  atteint  de  panophthalmie. 
Dans  cette  circonstance,  le  point  de  départ  de  l'infection  est  la  plaie 
arbitraire  produite  par  l'énucléation.  L'infection  peut  se  propager  par 
différentes  voies  :  soit  par  les  fentes  capillaires  du  tissu  rétrobulbaire, 
à  travers  la  fente  sphénoïdale;  soit  par  le  périoste  de  l'orbite;  soit 
par  l'espace  intervaginal  du  nerf  optique. 


452  PARTIE  SPÉCIALE. 

Le  danger  existe  même  encore  pour  l'organisme  dans  l'éviscération 
de  l'œil,  qui  est  une  opération  dans  laquelle  on  ne  touche  pas  aux  gaines 
optiques.  Après  cette  opération,  Knapp  a  observé  des  symptômes  gé- 
néraux très  graves,  qui  étaient  dus  à  l'inflammation  du  tissu  rétrobul- 
baire  et  à  la  thrombose  des  veines  fà  l'orbite.  Ce  qui  doit  faire  redouter 
la  thrombose  des  veines  orbitaires,  c'est  la  rigidité  de  la  sclérotique  qui 
force  les  veines  vortiqueuses  à  rester  béantes  en  traversant  celle  mem- 
brane. Nous  avons  déjà  dit  plus  haut  que  l'infection  blennorrhagique 
de  la  conjonctive  peut  être  le  point  de  départ  d'une  infection  blennor- 
rhagique générale  et  qu'elle  peut  provoquer  le  rhumatisme  blennor- 
rhagique (p.  308). 

8.  TUMEURS   DE  L'ORGANE  DE  LA  VUE. 

Klles  peuvent  être  un  danger  pour  l'organisme  général,  soit  par  leur 
propagation  aux  organes  voisins,  soit  par  la  production  de  métastases 
dans  d'autres  parties  du  corps. 

On  a  observé,  par  exemple,  après  l'énucléation  d'un  œil,  qu'un  sar- 
come du  tractus  uvéal  s'était  propagé  du  tissu  rétrobulbaire  vers  les 
cavités  voisines  du  nez  et  vers  la  cavité  crânienne. 

Après  l'énucléation  d'un  œil  atteint  de  gliome  de  la  rétine,  on  a  cons- 
taté également  des  métastases  dans  le  cerveau  ou  bien  encore  la  ten- 
dance continue  de  la  tumeur  à  se  propager  vers  cet  organe.  Les  méta- 
stases qui  surviennent  à  la  suite  d'un  gliome  peuvent  apparaître  même 
dans  le  périoste  (Chisolm). 

Nous  avons  fait  voir,  par  ce  qui  précède,  non  seulement  que  l'œil 
peut  être  atteint  par  une  affection  qui  provient  d'un  autre  organe  ou  du 
corps  en  général,  mais  aussi  que  les  troubles  fonctionnels  ou  les  alté- 
rations de  l'œil  peuvent  également  retentir  sur  d'autres  organes,  en 
troublant  leurs  fonctions,  ou  sur  le  corps  en  général  et  même  menacer 
l'existence. 

Les  observations  les  plus  récentes  ont  apporté  de  nouvelles  preuves 
des  rapports  qui  existent  entre  l'ophthalmologie  et  la  médecine  géné- 
rale. L'étude  de  ces  nombreuses  relations  est  une  des  parties  les  plus 
instructives  et  les  plus  importantes  de  la  science  ophthalmologique. 

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f    v  ^^ryfr^ 


\&f) 


TABLE  ALPHABÉTIQUE  DES  MATIÈRES 


Accouchement,  dangers    pour    l'oeil    de 

l'enfant,  257. 
Acné  rosacé,  152. 
Acrouiégalie,  265. 

Age  sénile  (influence  sur  l'oeil),  439. 
Agonie,  391. 
Agraphie,  29. 
Alexie,  28. 
Alimentation  insuffisante  (influence  sur 

l'œil),  437. 
Alopécie  totale,  153. 
Amaurose  hystérique,  130. 

—  dans  les   maladies    microbiennes, 

382. 

—  quinique,  408. 

—  syphilitique,  368. 

—  urômique,  388. 
Amblyopie  alcoolique,  401. 

—  croisée,  21. 

—  diabétique,  288. 

—  dans  les   maladies   microbiennes, 

382. 

—  syphilitique,  368. 

—  tabagique,  398. 
Aménorrhée,  254. 
Anémie,  230. 

—  pernicieuse  progressive,  235. 
Anévrysmô  de  la  crosse  de  l'aorte,  223. 

—  de  l'artère  sylvienne,  224. 

—  de  l'artère  basilaire,  224. 

—  de  l'artère  ophthalmique,  224. 

—  artério-veineux  de  la  carotide  in- 

terne dans  le  sinus  caverneux, 

225. 
Anomalies  de  la  réfraction,  444. 
Apoplexie  bulbaire,  101. 

—  cérébrale,  79. 

—  méniugienne,  75. 
Apraxie,  28. 

Artères  de  l'œil,  67. 

—  (Affections  des),  218. 
Artério-sclérose,  218. 
Articulations  (Affections  des),  273. 
Asthénopie  névroptique,  129. 
Astigmatisme,  444. 


Astigmomètre,  446. 
Ataxie  héréditaire,  119. 

—  locomotrice,  106. 

Atrophie  musculaire  myopathique,  120. 

—  —      progressive,  120. 

—  du  nerf  optique,  108. 
Auto-intoxications,  386. 
Bandelettes  optiques,  12. 
Béri-béri,  329. 
Blennorrhagie,  303. 
Blépharite  scrofuleuse,  349. 

—  vaccinale,  328. 
Bouton  d'Alep,  154. 
Brûlures  de  la  peau,   155. 
Capsule  interne,  21. 

Carcinome  métastatique  de  l'œil,  291. 
Carie  de  l'orbite,  266. 

—  du  rocher,  266. 
Cataracte  albuminurique,  243. 

—  diabétique,  283. 

—  naphtalinique,  418. 

—  zonulaire,  271. 
Cécité  de  l'àme,  27. 

—  verbale,  28. 

—  verbale  et  syllabaire,  mais  non  lit- 

térale, 29. 
Cellules  éthmoïdales,  182. 
Centres  sous-corticaux  de  la  vision,  14. 

—  cortical  de  la  vision,  23. 

—  des  mouvements  coordonnés  des 

yeux,  49. 
Cerveau  (Anémie  du),  74. 

—  (Hypérémie  du),  73. 
Cervelet,  47. 

Chancre  induré,  356. 

—  mou,  355. 
Charbon,  298. 

Chiasma  des  nerfs  optiques,  3. 

—  (lésion),  7. 
Chlorose,  230. 
Choléra,  329. 
Chorée,  125. 
Choroïdite  septique,  300. 

—  syphilitique,  364. 
Cœur  (Maladies  du),  20,6. 


454 


TABLE  ALPHABÉTIQUE   DES   MATIÈBES. 


Condyloine  du  corps  ciliaire,  358. 

—  de  l'iris,  358. 

—  des  paupières,  357. 
Commotion  rétiuieune,  269. 
Conjonctivite  blennorrhagique,  305. 

—  diphthérique,  31 1. 

—  scrofuleuse,350. 

—  syphilitique,  364. 
Coqueluche,  313. 

Corps  genouillé  externe,  12. 

—  restiforines,  48. 
Coryza,  105. 
Couches,  250. 

—  optiques,  17. 

Crâne  (déformations  congénitales),  264. 

—  (Fracture  de  la  base  du),  267. 

—  (Traumatismes  du),  267. 
Criminels,  92. 

Cyanopsie,  334. 

Cyanose  de  la  rétine,  214. 

Cysticerque,  -.".t."). 

Cystite,  263. 

Dacryoadénite  ourlienne,  315. 

Dégénérés,  90. 

Démence,  90. 

Demodex  folliculorum,  292. 

Dents  (Maladies  des),  196. 

Déviation  conjuguée,  49. 

Diabète  sucré,  280. 

Diathèses  hémorrhagiques,  238. 

Diphthérie,  311. 

Distoma,  293. 

Dysenterie,  329. 

Dyslexie,  29. 

Echinococque,  29 i. 

Éclampsie  des  enfants,  125. 

Eczéma,  151. 

Embolie  des  artères  cérébrales,  80. 

—  de  l'artère  basilaire,  101,  222. 

—  des  artères  rétiennes,  215. 

—  des  artères   ciliaires  postérieures 

courtes,  217. 
Embryologie,  1. 
Encéphalite  des  enfants,  81. 

—  suppurée,  81. 
Eudartérite  syphilitique,  222. 

—  des  vaisseaux  rétiniens,  367. 

—  des  vaisseaux  cérébraux,  369. 

—  saturnine,  4  15. 
Endocardite,  211. 
Épilepsie,  122,  448. 

Éry thème  exsudatif  multiforme,  152. 

Érysipèle,  302. 

Érythropsie,  132. 

Estomac  (Maladies  de  1'),  199. 

Ethmoïde,  160. 

Excès  vénériens,  257. 

Favus,  152. 

Fermentations  dans  le  tube  digestif,  390. 

Fièvre  intermittente  larvée,  334. 


Fièvre  jaune,  329. 

—  récurrente,  322. 

—  typhoïde,  320. 
Filaria  medinensis,  293. 
Foie  (Maladies  du),  201. 

Foudre  (Troubles  oculaires  consécutifs  à 

la),  436. 
Fracture  de  l'orbite,  269. 

—  de  la  base  du  crâne,  267. 
Furoncle,  152. 

Goitre  exophthalmique,  142,  276. 
Gommes  de  l'œil,  360. 

—  du  cerveau,  368. 
Goutte,  278. 

Grand  sympathique,  59. 
Grossesse,  25 i. 
Gyrus  angularis,  35. 
Hématome  de  la  dure-mère,  75. 

—  des  gaines  optiques,  269. 
Hémiauopsie  nasale,  8. 

—  temporale,  8. 

—  homonyme,  17,  21,  22,  23. 

—  passagère,  231. 
Ilémiatrophie  faciale  progressive,  140. 
Hémicrauie,  136. 

Hémophilie,  239. 

Hérédité  (dans  les  affections  oculaires), 

441. 
Herpès  zoster  ophthalmique,  190. 
Hydrocéphalie  des  adultes,  93. 

—  des  enfants,  93. 
Hypermétropie  diabétique,  281. 
Hypertrophie  du  cœur,  211. 
Hypophyse  cérébrale  (Tumeur  de  1'),  9. 
Hystérie,   128. 

Ictère,  386. 
Idiotie,  90. 
Impaludisme,  332. 
Impétigo,  151. 

—  du  nez,  174. 
Influenza,  316. 
Insuffisance  aortique,  211. 
Intestin  (Affections  de  1'),  200. 
Intoxication    par    l'acide    chrysophaui- 

que,  418. 

—  osmique,  407. 

—  phéuique,  407. 

—  picrique,  418. 

—  salicylique,  406. 
Intoxication  par  l'aconit,  410. 

—  alcool,  400. 

—  aniline,  407. 

—  antipyrine,  407. 

—  arsenic,  412. 

—  atropine,  396. 

—  belladone,  396. 

—  brome,  396. 

—  bromoforme,  412. 

—  canuabis  iudica,  904. 

—  chloroforme,  393. 


TABLE   ALPHABÉTIQUE   DES   MATIÈRES. 


455 


Intoxication  par  le  chlorure  d'éthyle,  394. 

—  cii,'ih;.    i  11). 

—  coca,   111. 

—  créoline,  408. 

—  «laturiuc,  3i)7. 

—  dnboisine,  398. 

—  ergotiue,  411. 

—  fève  de  Calabar,  39C. 

—  gelsemiuni  sempervirens.  411. 

—  haschisch,  404. 

—  homatropine,  397. 

—  hydrate  de  chloral,  397. 

—  hyoscyatuine,  397. 

—  jaborandi,  413. 

—  iode,  405. 

—  iodofornie,  40p. 

—  mercure,  417. 

—  morphine,  395. 

—  naphtaline,  418. 

—  nitrate  d'argent.  107. 

—  nitrite  d'amyle,  394. 

—  nitro-benzol,  408. 

—  nitro  glycériue,  408. 

—  opium,  395. 

—  pelletierine,  417. 

—  phosphore,  412. 

—  pilocarpine,  413. 

—  plomb,  414. 

—  ptomaïnes,  392. 

—  quinine,  408. 

—  salicylate  de  soude,  406. 

—  santoniue,  417. 

—  sulfonal,  411. 

—  sulfure  de  carbone,  405. 

—  tabac,  398. 

—  ténifuges,  417. 

—  toluylendiamine,  418. 
Iridocyclite  tuberculeuse,  340. 
Iritis  bleunorrhagique,  308. 

—  goutteuse,  279. 

—  post-varioleuse,  327. 

—  syphilitique,  357. 
Kératite  dendritique,  317. 

—  infectieuse  des  moissonneurs,  431. 

—  interstitielle,  374. 

—  pointillée  superficielle,  317. 

—  rhumatismale,  279. 

—  septique,  301. 
Kératomalacie,  301. 
Kératomycosis  aspergilleuse,  297. 
Kopiopie  hystérique,  133. 
Lactation,  258. 

Lèpre,  351. 
Leucémie,  230. 
Lichen  ruber,  152. 
Lympathiques  de  l'œil,  69. 

—  (Affections  des  glandes),  244. 
Macula  lutea  (Fibres  de  la),  5. 

Mal  de  Pott,  271. 
Maladie  de  Basedow,  142. 


Maladie  de  r'riedreich,  119. 

—  de  Gayet,  100. 

—  de  Gerlier,  100. 

—  de  Graves,  142. 

—  de  Parkinson,  125. 

—  de  Saint-Gothard,  293. 

—  de  Thomseu,  126. 
Maladies  adynamiques,  240. 

—  microbiennes,  298. 

—  (Pathogénie  des  troubles  oculaires 

dans  les),  377. 

—  de  la  peau,  151. 

—  professionnelles,  421. 

—  par  ralentissement  de  la  nutrition, 

273. 
Manie,  90. 

Matrice  (Affections  de  la),  259. 
Mégalopsie,  132. 
Mélancolie,  90. 

Méninges  (Apoplexie  des),  75. 
Méningite  aiguë,  75. 

—  cérébrospinale,  71. 

—  tuberculeuse,  75. 

—  chronique,  78. 

—  rachidienne,  112. 
Méningocèle,  262. 
Menstruation,  253. 

Métastases   des  tumeurs   maligues  dans 

l'œil,  297. 
Micrographes,  429. 
Micropsie,  132. 
Migraine  ophthalmique,  136. 

—  ophthalmoplégique,  137. 
Milium,  152. 

Moelle  allongée  (Affections  de  la),  96. 

—  épinière  (Affections  de  la),  102. 

—  (Traumatismes  de  la),  103. 
Molluscum  contagiosum,  152. 
Monostoma,  293. 

Morsure  des  serpents,  407. 
Morve,  298. 

Myélite  diffuse  aiguë,  104. 
Myopie  diabétique,  281. 

—  scolaire,  421. 

Nécrose  de  la  conjonctive,  241. 
Nélanane,  100. 
Nerf  facial,  52. 

—  (Spasmes  du),  197. 

'  —    oculomoteur  commun,  31 . 

—  oculomoteur  externe,  33. 

—  optique,  parcours  des  fibres,  3. 

—  racine  spinale,  19. 

—  pathétique,  32. 

—  trijumeau,  54. 
Nerfs  sensitifs  de  l'œil,  449, 
Névrasthénie,  127. 
Névrite  multiple,  147. 

—  optique,  83. 

—  rhumatismale,  275. 

dans  les  maladies;microbienne3,382. 


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436 


TABLE   ALPHABÉTIQUE   DES  MATIÈRES. 


Névrite  optique  syphilitique,  367. 
Névroses,  122. 
Occlusion  intestinale,  391. 
Ophthaluiie  électrique,  434. 

—  des  neiges,  433. 
Ophthaluioplégie  externe,  97,  37*2. 

—  interne,  97,  370. 

—  progressive,  97. 
Ophthalmoscope  à  réfraction,  207. 
Orbite  (Affections  de  P),  266. 
Oreille  (Maladies  de  Y),  136. 
Oreillons,  315. 

Organe  de  la  circulation  (Affections  des), 

206. 
Organes     génitaux    (affections     chez    la 

femme),  252. 

—  chez  l'homme,  260. 
Organes  respiratoires,  204. 

Os  (anomalie  de  la  croissance),  264. 

—  affections,  266. 
Ovaires  (Maladies  des),  260. 
Ozène.  174. 
Pachyméningite,  75. 
Plaies  par  armes  a  feu,  271. 
Pancréas  (Maladies  du),  203. 
Paralysie  agitante,  125. 

—  bulbaire  supérieure,  97. 

—  générale,  87. 

—  labio-glosso-laryngée,  96. 

—  des  muscles  oculaires  (leur  influence 

sur  l'état  général),. 449. 

—  de  l'oculomoteur  commun,  38. 

—  de  l'oculomoteur  externe,  40. 

—  du  pathétique,  40. 

—  nucléaire,  38,  41. 

—  basilaire,  42. 

—  à  rechute,  43. 

—  bilatérale  totale,  43. 

—  unilatérale  progressive,  44. 

—  bilatérale  progressive,  44. 

—  extra-cérébrale,  42. 

—  orbitaire,  46. 

—  périphérique,  46. 

—  syphilitique,  370. 

—  dans  les  affections  du  sinus  caver- 

neux, 45. 

—  par  compression  dans  la  fente  sphé- 

noïdale,  45. 

—  rhumatismales,  276. 

—  dans    les   maladies    microbiennes, 

381. 
Paralysie  de  la  convergence,  50. 

—  de  la  divergence,  51. 
Paralysies  radiculaires,  147. 
Parasites  animaux,  292. 

—  végétaux,  297. 
Pédoncules  cérébelleux,  47. 
Pellagre,  154. 
Pemphigus,  153. 

Pertes  séminales,  261. 


Pharynx  (Maladies  du),  198. 
Phlegmatia  alba  dolens,  227. 
Phthisie  pulmonaire,  348. 
Pléthore  abdominale,  227. 
Pneumonie  lobaire,  316. 
Poliencéphalite  inférieure,  98. 

—  aiguë,  98. 

—  hémorrhagique,  98. 

—  infectieuse,  95. 

—  subaiguë,  100. 

—  chronique,  100. 

—  syphilitique,  101, 

—  consécutive  à  l'épendymite,  101. 
Polyopie  monoculaire,  132. 

Polypes  du  nez,  172. 

Poux  du  pubis,  297. 

Pi'ocessus    infectieux   de   l'œil    (dangers 

pour  l'organisme),  450. 
Professions    exposant    à  un  travail  qui 
oblige  à  regarder  de  près  pendant 
longtemps,  429. 

—  exposant  aux  poussières,  430. 

—  exposant  à  la  chaleur,  482. 

—  exposant  au  froid,  433. 

—  exposaut    à    des    excitations    très 

fortes  de  l'ouïe,  436. 
Prostate  (Affections  de  la),  282. 
Psoriasis,  151. 

Psychopathies  consécutives  à  des  affec- 
tions oculaires,  450. 
Ptosis  pseudoparalytique,  134. 
Puberté,  252. 
Purpura,  131. 
Rachitisme,  271. 

Radiations  optiques  de  Gratiolct,  22. 
Reins  (Affections),  244. 
Rétinite  albuminurique,  246  ;  typique,  247  ; 
atypique,  249;  hémorrhagique,  249; 
saturnine,  415. 

—  apoplccti  forme,  365. 

—  centrale  à  récidives,  365. 

—  diabétique,  285. 

—  goutteuse,  27'.). 

—  leucémique,  236. 

—  pigmentaire,  363. 

—  septique,  299. 

—  syphilitique,  369. 

Hhinite  chronique  hypertrophique,  166. 
Hliumatisme,  273. 

—  articulaire  aigu,  309. 
Rougeole,  319. 

Sang  (Maladies  du),  229. 

—  (Pertes  de).  233< 
Sarcome  métastatique,  291. 
Scarlatine,  310. 

Sclérite  goutteuse,  278. 

Sclérose  en  plaques,  82,  yH-tàffc 

—  latérale  amyotrophiquiÏTTfD. 
Scotome  d'Ole  Bull,  366. 
Scrofule,  349. 


TAULE   ALPHABÉTIQUE   DES  MATIÈRES. 


457 


Septicémie.  299. 

Sinus  caverneux,  thrombose,  227. 

—  frontal  [Affections  du),  175. 

—  maxillaire,  181. 

—  sphénoïdal,  186. 
Sommeil,  391. 

Sphénoïde  (Affections  du),  160. 
Staphylome  postérieur,  42:>. 
Suffocation,  392. 
Suggestion,  135. 
Surmenage  intellectuel,  538. 
Suspension,  113. 
Sycosis  parasitaire,  152. 
Symptôme  Je  Graefe,  51. 

—  d'Argyll  Robertson,  119. 

—  de  Cheyne  Stockes,  211. 
Syphilis  acquise,  3.">.">. 

—  héréditaire,  373. 

—  médullaire  précoce,  118. 
Syringomyélie,  121. 

Tabès  dorsal,  107. 

Ténouite  rhumatismale,  276. 

Tétanie,  126. 

Tétanos,  12G. 

Thrombose  des  artères  cérébrales,  80. 

—  de  l'artère  basilaire,  101. 

—  de  l'artère  vertébrale,  102. 

—  de  l'artère  centrale  delarétine,  220. 


Thrombose  de  la  veine  centrale  de  la  ré- 
tine, 220. 
Thyroïde  (Affections  de  la  .  243. 
Tic  douloureux,  148. 

—  convulsif,  lui. 
Trichinose,  292. 

Tubercules  quadrijumeaux,  15,  i7. 
Tube  digestif  (Affections  du),  l!)G. 
Tuberculose,  335. 

—  miliairc,  343. 
Tumeurs  cérébrales,  82. 

—  des  os  de  la  base  du  crâne,  266. 

—  de  l'organe  de  la  vue,  451. 
Urémie,  387. 

Urèthre  (Rétrécissement  de  I'),  2G3. 

Urticaire,  153. 

Vaccine,  328. 

Varicelle,  328. 

Variole,  324. 

Veines  (Affections  des),  22G. 

—  de  l'œil,  G8. 
Vers  intestinaux,  293. 
Vertige  paralysant,  100. 
Xanthopsie,  386. 

Xérose  de  la  conjonctive.  240. 
Yeux  (influence  de  leurs  anomalies  sur  les 
autres  organes),  443. 


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'  V.  Bit, 


i  y/bu. 


FIN    DE  LA   TABLE   ALPHABÉTIQUE    DES   MATIERES. 


ERRATA 


Page      4.   ligne  16,  au  lieu  de  :  faisceau  droit,  lisez  :  faisceau  croisé. 

—  5,  ligne  34,  au  lieu  de  :  section  centrale,  lises  :  scotome  central. 

—  6,  ligne  7.  an  lien  de  :  de  haut  en  bas  et  de  dehors  en  dedans,  lisez  :  de  haut  et  lias  en  dehors 

et  dedans. 

—  Î0,   ligne  3,  au  lieu  de  :  Albust,  lisez  :  Albnlt. 

—  57.  ligne   i,  an  lieu  de  :  ouvrages,  lisez  :  travaux. 

58,  ligne  4  (de  bas),  au  lieu  de  :  des  hypophyses,  lisez  :  de  l'hypophyse. 

—  63,  ligne  17,  au  lieu  de  :  glande  linéale,  lisez  :  glande  pinéale. 

84,  ligne  9,  au.  lieu  de  :  et  compriment  les  cylindres-axes,  lisez  :  sur  les  cylindres-axes. 

—  91,  ligne  2  (de  bas),  au  lieu  de:  l'acuité  normale,  lisez  :  l'acuité  visuelle  normale. 

—  05,  ligne  7,  au  lieu  de  :  anorexie,  lisez  :  anosmie. 

—  103,  ligne  1,  au  lieu  de  :  faisceaux,  lisez  :  rameaux. 

—  109,  ligne  2,  au  lieu  de:  Dans  plusieurs  cas,  lise;  :  Dans  les  cas. 

—  1 15,  ligne  22,  au  lieu  de  :  7  p.  100,  lisez  :  27  p.  100. 

—  121,   ligne  21,  au  lieu  de  :  oculo-papillaire,  lisez  :  oculo-pupillaire. 

—  127,  ligne  6,  au  lieu  de:  muscles,  lisez  :  muscles  de  l'œil. 

—  I  12.  ligne   19.  au  lieu  de  :  ponctuée,  lisez  :  pointillée. 

—  147,  ligne  5,  au  lieu  de  :  et  de  toniques,  lisez  :  et  toniques. 

—  160,  ligne  2  (de  bas\  au  lieu  de  :  canal,  lisez  :  canal  optique. 

—  174,  ligne  6,  au  lieu  de  :  L'exophthalmie  gaur-hp.  lisez  :  L'exophthalmie  gauche  constatée  dans 

l'observation  de  Schmidt-Rimpler. 

—  175,  ligne  5    de  bas),  au  lieu  de  :  blaphépharospasme,  lise;  :  blépharospasme. 

357,   ligne  11  (de  bas),  au  lieu  de  .-syphilis  constitutionnelle,  lisez;  syphilis  oculaire. 


Date  Due 

Uemco  293-5 

Accession  no. 

10229 
Author 

Berger,  E. 

Les  maladies  des 

yeux.  1892. 

Call  no. 

19th  Cent